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CONSULTATIONS
POUR
M. GEORGES ONSLOW
CONTRE
MM. ONSLOW
p u în é s .
L e s a n c ie n s a v o c a t s s o u s s ig n é s ,
V u le mémoire à consulter, et les actes et pièces qui y sont re
latés ,
#
V u aussi une consultation délibérée à Riom le 16 février der
nier,
S o n t d ’ a v i s de ce qui suit sur les questions proposées. Ces
questions ont principalement pour objet de fixer les droits qui ap
partiennent à M . Georges Onslow, sur les biens qu’Edouard
Onslow, son père, possédait, soit en Angleterre, soit en France,
au moyen des donations que son père lui a faites de ces deux
natures d immeubles ; et pour se fixer sur la solution de c e s ques
tions, il faut d abord retracer ce qui résulte des actes.
M. Edouard Onslow , fils cadet du comte Georges Onslow, pair
d'Angleterre, s’était marié en France en 1783 , avec une Française;
il avait continué à résider en France jusqu’en 1798, époque à la-
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( 2 )
quelle il fut obligé de sortir de France, comme sujet anglais, en
vertu d’un arrêté du Directoire.
D ’un autre côté, depuis l’état de guerre, il était interdit aux
sujets de l’Angleterre de résider volontairement en France, ou
dans les pays alliés à la France, à moins d’en avoir obtenu la per
mission du roi d ’Angleterre. M . Edouard Onslow obtint cette
permission le 2 octobre 1798, et c ’est en vertu de cette permis
sion du roi Georges qu’il a résidé en France, où il est d écéd é,
en 182g.
Quatre fils sont nés, en France, de ce mariage.
E n 1808, M . Georges Onslow l’aîné a épousé M "' de Fontanges.
Par son contrat de mariage, du 12 juillet 1808, son père lui a
fait donation , i°. de deux immeubles qu’il avait acquis en France ,
savoir: une maison située à Clermont-Ferrand, et la terre de
Chalendrat; 2°. de la nue propriété de la terre de Lillingslon, si
tuée en A n g le te rre , avec tous les meubles en dépendant, dont il
s’est réservé l’usufruit : le père a de plus réservé de disposer sur
cet immeuble d’Angleterre, de telles sommes qu’il jugerait i pro
pos, mais de manière que son fils eût, dans les biens donnés, un
revenu de 20,000 fr. net, avec stipulation que si le revenu était
moindre, le fils le compléterait en retenant en scs mains sommes
suffisantes, et q u e , s’il se trouve un excédant de valeur, son porc
lui en fait donation.
Un autre fils, Gabriel-Amable O nslow , ayant été marié de même
en France, son père lui a constitué en dot une somme de 180,000 fr ,
savoir: celle de Co,ooofr., à prendre sur les 180,000 fr. qui lui étaient
dus par lord Thomas O nslow , pair d’Angleterre, son frère, pour
ses droits légitimâmes dans la succession de leurs père et mère,
et 120,000 fr. à prendre sur la terre de Lillingslon; et attendu
que cette terre avait été donnée au fils aîné, sous la réserve de
disposer de certaines sommes, ce don de 120,000 fr. a été fait de
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(3 )
l'agrément de Georges Onslow, qui s’est obligé, en son nom propre
et privé, de le faire valoir sur la terre de Lillingston, jusqu à con
currence de ladite somme de 120,000 fr. en capital.
Depuis, la terre de Lillingston a été vendue sous le nom
d’Edouard Onslow, par acte passé en Angleterre le 21 juin 1S24,
moyennant la somme de 84o,ooo fr., qui a été versée entre ses
mains.
11 résulte d’un acte postérieur, que le père a payé de son vivant,
à chacun de ses quatre (ils, diverses sommes, en imputation des
dons qu’il avait faits au« deux premiers, et qu’il se proposait de
faire aux deux autres.
C e t acte a été passé devant notaires, à Clermont-Ferrand , le
11 avril 1828, entre Edouard Onslow et ses quatre fils.
Edouard Onslow y reconnaît qu’il a reçu le prix de la terre de
Lillingston , ainsi que tout ce qui lui était dû par son frère aîné,
pour ses droits légitimaires.
Il y dé (’laroque son intention a toujours été de faire à chacun de
ses trois fils puînés le même avantage de 180,000 fr ., qu’il avait
assure a 1 un d eux par son contrat de mariage de 1819.
Il déclare, en même temps, l’intention où il a toujours été que
son fils aîné demeurât propriétaire définitif du surplus de sa for
tune, conformément aux dispositions de son contrat de mariage,
et d’après les lois anglaises , auxquelles se trouvent soumis les biens
d’Angleterre.
11 a été fait ensuite une distribution anticipée de l’actif qui ap
partenait ou qui avait appartenu au père.
A cet eiIet,on a formé une masse, qui se compose de tout ce
qu il avait donné à son fils aîne , et de tout ce que ses autres fils
avaient déjà reçu en imputation sur leur légitime. Cette masse
s’élève h 1 ,1 55 ,000 fr ., et il faut observer que les deux immeubles
situés en France, n’y sont compris ensemble que pour 200,000 fr.,
en sorte que les g 55 ,ooo fr. de surplus représentent le prix de la
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terre Je Lillingston, et le remboursement fait par lord Onslow üc
son frère Edouard de ses droits légitimaires.
Sur la masse totale de i , i 55,000 fr., on prélève 54 o,ooofr. pour
les trois légitimes de 180,000 fr. chacune, assignées aux trois puî
nés, en sorte que la valeur des donations faites à l’aîné ne montent
qu’à G15 ,ooo fr.
Ceci posé j le fils aîné est reconnu par ses trois frères comme
ayant la nue propriété des deux immeubles situés en France; plus
de 25 o,ooo fr. qui lui ont été remis par son père, et de 7,000 fr.
de rente, au capital de i/(.o,ooo f r . , à prendre dans une inscrip
tion plus forte de 5 p. 0/0 sur l ’état.
E t l ’on attribue ensuite à chacun des trois frères, les valeursd’actif qui doivent leur compléter les 180,000 fr.
Toutes ces conventions sont arrêtées à titre de pacte de famille»
que toutes les parties s’obligent d’exéeuler de bonne foi.
Long-temps avant son décès, Edouard Onslow avait fait un tes
tament olographe, sous la date du 24 décembre 1811.
Il donnait par cet acte, à ses trois fils puînés, i 5 ,ooo liv. ster
ling , ou 060,000 fr. argent de F ra n c e , qui lui restaient encore dus
par lord Onslow, son frère, pour ses.droits légitimaires, et il char
geait son fils aîné de-payer à chacun de ses frères, 60,000 f r . ,
pour parfaire la légitime qu’il avait l ’intention de leur laisser de
1.80,000 fr. à chacun d’eu x; mais, à l’égard de celte augmenta
tion de légitime, il y mettait cette condition :
« J’entends et je déclare de la manière la plus positive, que la» dite somme ne leur sera payée qu’au seul cas où ils renonce» ront absolument à toute espèce de droit sur aucune portion de
» mes biens en France, et qu’ils laisseront leur frère aîhé, Georges
» O nslow , seul propriétaire de mesdits biens en France. »
T e l est l ’é la fd a n s lequel se présentent les questions sur les
quelles le conseil est appelé à donner son avis.
Dans le système de la consultation délibérée à R io m , M . Edouard
�( 5 )
On slow aurait renoncé à sa qualité de s u j e t cl Angleterre; il serait
devenu et serait décédé Français ; sà succession devait elre partagée
suivant la loi française; les immeubles d’Angleterre donnés au fils
aîné ayant été mobilisés, doivent être partagés comme Liens de
F rance; en les supposant même propriétés anglaises, M . Georges
Onslow ne pourrait prendre part aux biens de France, qu’en fai
sant rapport à la succession de cette valeur mobilière; d’où l’on
conclut que, sur la totalité de l’actif ayant appartenu au père com
mun, le fils aîné ne peut avoir que son quart précipuaire et sa
portion héréditaire dans la réserve des trois autres quarts , et
qu'ainsi les trois frères puînés ne peuvent être réduits à la légitime
de 180,000 f r . , qui leur a été assignée par le pacte de famille du
11 avril 1828.
L e conseil estime que ce système est fondé sur des basçs ab
solument inexactes. Il pense d’abord q u ’Édouard Onslow n ’est
point devenu Français, qu’il est décédé sujet d’Angleterre, qu’ainsi
sa succession est régie par la loi anglaise, et que la loi de France
ne peut recevoir effet que sur les immeubles situés en France;
il pense aussi que, dans le cas même où Edouard Onslow devrait
être considéré comme Français, le prix d e là terre de Lillingston
appartiendrait exclusivement à M. Georges Onslow, sauf les char
ges dont il a été grevé.
L ’établissement de ces deux propositions satisfera aux princi
pales questions du mémoire. L e conseil s’expliquera ensuite sur
quelques autres questions accessoires,
§ I".
Edouard Onslow est décédé sujet de VAngleterre ; sa succession
est régie par les lois anglaises, s a u f les immeubles situés en France.
«
Il est vrai qu’Edouard Onslow résidait en France dès avant
1790 ; qu’en 1780, il a épouse une Française ; mais ce n’est pas
�une raison pour qu’on puisse lui appliquer la loi du 3o avril ou
2 mai 1790. Cette lo i, en déclarant que les étrangers seront ré
putés Français apics cinq ans de résidence, s’ils remplissent telles
ou telles conditions, n’a pu avoir d’autre effet que celui d’attribuer
aux étrangers la faculté de devenir Français, s’il leur convenait de
profiler du bénéfice de la loi, et l ’impélralion de ce bénéfice était
attachée à la prestation du serment civique.
Abdiquer sa patrie pour en adopter une autre, est certainement
un des actes qui ne peuvent être produits que par le consentement
formel d’une libre volonté. 11 n’a pas suffi que la loi du 3 o avril 1790
ait dit aux étrangers : Vous serez réputés Français si, après cinq
ans de domicile en F rance, vous avez en outre acquis des immeu
bles, ou épousé une Française; il a fallu que les étrangers qui ont
voulu êlre en effet réputés Français, en vertu de celte loi, expri
massent la volonté qu’ils avaient de le devenir. Cette loi était une
faculté de naturalisation générale, ouverte à tous les étrangers;
muis la naturalisation est un véritable contrat entre le gouvernement
qui adopte et l’étranger adopté; ce contrat, comme tous les autres,
exige un consentement réciproque, lequel ne peut résulter que
d’actes positifs; le bénéfice général de cette loi de 1790 ne pou
vait s’appliquer réellement qu’aux individus qui en auraient récla
mé et accepté la faveur.
Et c ’est ce que cette loi reconnaissait bien positivement; car
elle n ’appliquait elle-même le bénéfice de la naturalisation , qu’à
ceux des étrangers qui auraient prêté le serment civique. C ’est ce
qui résulte clairement de son texte : « Seront réputés Français,
» et admis, en prêtant le serment civ iq u e, à l’exercice des droits
t de citoyens actifs, après cinq ans de domicile continu dans le
» royaume , s ils ont en outretou acquis des immeubles, ou épousé
» une Française. »
•
Il est bien évident que le serment civique était ici la première
condition impose'c par la loi à l ’étranger qui voulait être réputé
�(
7 )
Français; les autres conditions du domicile de cinq ans , d avoir
épousé uneFrança^ e, ne sont que les conditions accessoires, exi
gées pour être admis à la prestation du serment, et par conséquent
toutes subordonnées à cet acte d’acceptation; ce qui est explique
clairement par les mots en outre.
Mais nous savons que , dans la célèbre affaire du divorce de MacMahon, M . Merlin s’est efforcé d’établir que Mac-Mahon devait
être réputé Français, sans qu’il eût besoin de prêter ce serment
civique. C e serment n’était nécessaire , disait-il, que pour exercer
les droits politiques, et l’on pouvait être Français sans être capable
d ’exercer ces droits. O u i , pour les naturels français qui ne cessaient
pas de l’être , pour n’être point investis des droits politiques; mais
pour l’étranger, c ’était le consentement, l acceptation du contrat,
c ’était le serment de fidélité que l’étranger naturalisé doit à sa nou
velle patrie.
L a consultation de Riom ne fait que reproduire à cet égard la doctrinede M . Merlin; mais cette doctrine était manifestement erronée.
C est mal à propos , en effet, qu’il supposait à cette loi de 1790 deux
objets différens ; i°. celui de déterminer les conditions imposées à l’é
tranger pour devenir Français; 20. celui de fixer les conditions re
quises de l’étranger pour être admis à exercer les droits de citoyen
actif. Si tel eûtété l'objet de la lo i , elle ne seserait pas bornée, pour
ce qui concerne les conditions exigées de l’étranger pour être ci
toyen a ctif, à énoncer seulement la prestation du sermenteivique;
elle eût rappelé toutes les autres conditions prescrites pour l’exer
cice des droits politiques. L e serment civique n ’était pas la seule
condition , ainsi que le suppose M . Merlin. Les lois en vigueur de
cette époque, et notamment le décret relatif aux assemblées pri
maires et administratives , prescrivaient des c o n d i t i o n s au nombre
de cinq. Les français n’étaient certainement pas soumis à un plus
grand nombre de conditions que ne l’aurait été l’étranger natura
lisé. L a loi de 1790 ne renferme donc pas, comme l’a soutenu
�( 8 )
M . Merlin , les conditions nécessaires pour devenir citoyen actif,
mais seulement pour être réputé citoyen fraisais; son objet était
d ’ailleurs déterminé par son titre, ainsi conçu : « L ’assemblée na» tionale1 voulant prévenir les difficultés qui s’élèvent au sujet
» des conditions requises pour devenir Français. »
Observons encore que la disposition de la loi de 1790 se trouve
reproduite telle qu’elle doit être entendue dans la constitution de
17 9 1, qui porte, art. 5 : « C e u x q u i, nés hors du royaume de
a parens étrangers résidant en F ra n c e , deviennent citoyens fran» çais après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils
*> y ont, en outre, acquis des immeubles, ou épousé une Fran•> çaise , ou formé un établissement d’agriculture ou de commerce,
« et s ’ils ont prêté le serment civique. » On voit donc qu’en 1790,
comme en 1 7 9 1 , le serment civique était imposé à l’étranger,
comme formant le lien qui devait l’unir à la F r m c c , comme ma
nifestation de la volonté de devenir Fiançais.
Aussi la doctrine de M . Merlin n’a-t-elle été adoptée par aucune
des Cours qui ont été successivement appelées ¿connaître du procès
relatif au divorce de Mac-Mahon.
Mac-Mahon , Irlandais et sujet du roi d’Angleterre, était depuis
1782 au service de France, dans le régiment irlandais. En 1789,
il avait épousé une Frai çaise , -en réglant les conventions civiles
de son mariage conformément aux lois françaises. D e retour en
F rance, en 1 7 9 1 , il y était resté jusqu’au mois de mai 1792»
époque à laquelle il prit à Toulouse un passe-port comme étranger.
Après cinq ans d’absence, sa femme fit prononcer le ilivorec, et
de retour en France, en l’an 1 1 , son mari en demanda la nullité,
en se fondant sur sa qu ilité d <tranger, auquel la loi française sur
le divorce ne pouvait être appliquée. C e fut celle qualité d’étran
ger que M. M e rlin , comme procureur général à la Cour de cas»
.salion, s’efforça de combattre , et contre laquelle il établit son sys¿è/ujc de Baiuj-alisajjon obligée, en vprLu (Je la loi du
3 o Avril J790,
�( 9 )
sans qu’il fût besoin de prêter le serment civique ; mais, comme
nous venons de le dire, ce système n ’a point été admis, et meme
il a été unanimement rejeté.
\
L e jugement de première instance avait déclaré Mac-Mahon
non recevable; nous ignorons par quel motif. La Cour d’appel ré
forma ce jugement, et annula le divorce. Mais, en reconnaissant
formellement par ses motifs que Mac-Mahon était demeuré étran
ger, elle déclara que , quoiqu’il fût étranger, attendu qu’il avait
contracté mariage avec une Française sur le territoire français, le
pacte nuptial devait être régi par les lois françaises, et elle fit ré
sulter le moyen de nullité du défaut d'absence pendant cinq ans.
C e t arrêt fut annulé par la Cour de cassation, le 5 o prairial an 1 5 .
Cette Cour reconnut, ainsi que celle de Paris, que Mac-Mahon,
quoiqu’étranger, s’était soumis aux lois et aux tribunaux français ,
pour ce qui concernait son mariage; mais elle jugea que la Cour
de Paris avait contrevenu à la loi sur le divorce , en décidant que,
par rapport à la femme , il n’y avait point absence de cinq ans.
Sur le renvoi devant la Cour d’Orléans, cette Cour déclara aussi,
comme celle de Paris, que Mac-M ahon était demeuré étranger;
mais , par une conséquence contraire à l’arrêt de la Cour de Paris,
elle jugea que le pacte matrimonial avait été régi par les lois étran
gère^ et non par la loi française. Cet arrêt fut encore cassé ; et tou
jours insistant sur ce que lepacte matrimonial devait être considéré
comme régi par la loi française, la Cour de cassation déclara , dans
les motifs de ce second a r r ê t , que la loi du 26 germinal an 11,
prohibitive de tous recours contre les divorces antérieurement pro
noncés , devait être considérée comme une véritable loi de police
générale, qui assujettit indirectement à son empire tous les indi
vidus Français ou étrangers résidant sur le territoire français.
Enfin , la Cour de Dijon , saisie par un second renvoi, mit fin
à la controverse, en adoptant la fin de non-reccvoir, qui résujtait
de la loi du 2G germinal an 11. On trouve cetc série d’arrêts rap2
�^
*
c 10 y
portée dans le long article concernant le divorce Mac-Maüon
a u Répertoire de jurisprudence, au mot Divorce , tome 5 , depuisla pag. 7G2 jusqu’à 80.4..
O n voit donc que deux C ours, celles de Paris et d’Orléans, ont
formellement reconnu qne M ac-M ahon était demeuré étranger
nonobstant la loi du 3 o avril 1790, et que la Cour de cassation a
également reconnu que celte loi ne pouvait être appliquée à MacMahon. On voit que si le divorce a été annulé, c’est parce queM ac - Mahon devait être réputé soumis, à la loi du divorce en
vertu même de son pacte matrimonial..
11 est vrai que par arrêt du 27 avril 1 8 1 g , relatif au testament
du prince d H énain, la section des requêtes de la Cour de cassa
tion a exprimé en motif qu’un étranger avait pu devenir Français
sans avoir prêté le serment c iv iq u e , et elle a rejeté le pourvoi
contre un arrêt de la Cour royale de Paris, qui avait jugé que le
prince dTIénain était mort Français, et que ce fait résultait de tousles actes de sa vie tant publique que privée. (D en evcrs, année
18 19 , page 297.)
Mais cet arrêt 11e contredit ni la doctrine que nous venona
d’exposer, ni les précédons arrêts dans l'affaire Mac-Mahon, par.
lesquels elle a été unanimement consacrée. Un étranger a pu
sans doute accepter le bénéfice do la loi du 00 avril 1790 * par
d’autres actes d’acquiescement non moins probatifs que celui du
serment civique. Voilà tout ce qui a été reconnu en fait, pour leprince d’Hénain, qui,, depuis sa tendre enfance , avait habité la
France avec sa mère, Française, qui avait obtenu du roi de France
des lettres de bénéfice d’âge; qui, depuis 1-774» était capitaine
des gardos de ¡Monsieur le comte d’Artois, aujourd’hui le roi
Charles X ;.q u i lui avait prêté serment deJidtlilé; qui était resté
à son service hors de France jusqu’en 179 1’, et qui , rentra en
France en 179^1 fut considéré comme émigré français, et périt h
ce titre , par le glaive révolutionnaire. L a Cour de X’ aris n ’a dono
�lis }
t 11 )
ijuge qu’une question de fait; son arrêt ne pouvait être cassé pour
■appréciation de faits dont elle était juge suprême, et cet arrêt de
;rejet ne prouve rien.
C e qui prouve tout dans notre e sp ? c c , c ’est q u e , d’après les
«circonstances particulières dans lesquelles Edouard Onslow se
»trouvait placé, il n*aurait ■pu manifester qne par le serment civi
que, «on acceptation à la naturalisation qui lui était offerte par la
loi du 3 o avril 1790 ; et que non-seulement il n ’a point prêté ce
•serment, mais il n’a manifesté par aucun fait, par aucun acte, l’inlention d’abdiquer sa patrie, pour devenir citoyen français. C ’est
comme étranger qu’il a acquis des immeubles : cette qualité d’é
tranger, qui lui était inhérente , n’a jamais été altérée dans sa per
sonne.
L a loi anglaise y aurait même mis oLstacle. Dans ce pays , le
serment d'allégeance est équivalent au serment de fidélité, et il
lie tous les sujets au roi d’Angleterre, «L'allégeance naturelle, dit
» Blackstone, tome 2 , page 5 o , est telle que tout homme né dans
les étals du roi, y est assujetti dès 1 instant de sa naissance ; de
» sorte qn un Anglais qui se relire en France ou à la Chine doit
« les mêmes allégeances à son souverain, que s’il était encore en
» Angleterre, et vingt ans après en être sorti, comme avant son
•ï> départ. » Ceci est conforme à nos principes sur la qualité de
Français, qui ne peut se perdre, quelle que soit la longue résidence
chez, lctranger. Mais la loi anglaise va plus loin, elle veut que le
sujet du roi d ’Anglelerre ne puisse se faire naturaliser dans un
autre pays que du consentement de son souverain naturel. C ’est
c e que nous apprend Blackstone (idem.) « Il est de principe unio versel, dit-il, que les sujets d'un prince, en prêtanl serment de
y fidélité à un autre prince, ne peut se dégager de celui qu’il
V avait précédemment prêté à son souverain naturel, car celui-ci
» ne perd pas son droit sans y donncr'son consentement, et sans
» cela, le Sujet reste toujours lié envers s o n souverain x après même
> avoir promis fidélité au souverain étranger. »
c 'V -
�Fidèle à la loi de son pays, Edouard Onslow n'a jamais
voulu se délier envers le roi d’Angleterre de son serment d’allé
geance; il n’a jamais songé à prêter aucun serment de celte nature
au gouvernement français; il a toujours conservé l ’esprit de re
tour.
11 1' avait bien clairement manifesté cet esprit de retour, puis
qu'on 1798 il ne résidait en France qu’avec l’autorisation de son
souverain le roi Georges. C ’est une déclaration bien formelle de
sa part qu’il n’entendait pas avoir résidé en France comme Fran
çais , et qu’il n’entendait continuer à y résider que comme il avait
toujours fait, comme étranger. Aussi est-ce comme sujet de l’A n
gleterre qu’il fut mis hors de France , par arrêté du gouvernement
d ’alors: l’autorisation du roi G eorges, et l'acte d’expulsion émané
du D irectoire, ces deux pièces démentent hautement la qualité de
Français qu’on voudrait lui appliquer.
Peu importent ces deux actes, suivant la consultation de Riom l
« L'expulsion par le Directoire n’é ta it, dit-elle, qu’ un acte de vio» lence; ce n ’était ni une lo i, ni un jugement; il n’a pu ôter à
» Edouard Onslow son titre et ses droits de citoyen. » A l’égard
de l ’autorisation du roi Georges , « elle devait se borner h préser» ver M . Edouard Onslow des effets du droit d’aubaine , niais
» pouvait détruire les effets de la loi du 3 o avril 1790. * E t l’on
termine par dire que c ’est plutôt une question de domicile, et
q u e , sur le domicile, il n’v a pas de difficulté.
C est une manière bien étrange de raisonner, que dire que la
qualité de citoyen français n’a pu être enlevée à Edouard Onslow
par deux actes qui démontrent invinciblement qu'il ne l’a jam ais
a cq u ise, qu il n a jamais voulu la ccep ter, qui lui a même été re
fusée. S il était devenu Français, aurait-il eu besoin de la permission
du roi d Angleterre ! C était, dit-011, pour le préserver des effets
du droit d’aubaine, auquel il aurait pu être sujet comme Français;
mais s’il eût été réellement Français, celte permission aurait-elle
�pu l ’en préserver? C ’est donc à dire, dans le sens de la consulta
tion, qu’Edouard Onslow aurait été tout à la fois Français et Anglais :
pour A n g la is, le fait est évident ; pour Français, rien ne l’établit, et
tous les actes prouvent le contraire.
C ’est une question de domicile , ajoute-t-on, et sur le domicile
il n’y a pas de difficulté. Certainement il ne peut y avoir de diffi
culté à reconnaître que si Edouard Onslow n’a pas été naturalisé
Français par la loi du 3 o avril 1790, il est demeuré étranger, et que
son domicile r é e l , celui auquel était attaché l’exercice de ses
droits civils, n’existe pas en F ra n c e , et a toujours existé en A n gle
terre..Il n’aurait pu être investi de l’exercice de ses droits civils en
France , que dans le cas où il aurait été admis par le gouverne/ment français à établir son domicile en France, conformément à
l ’article i 3 du Code civil. C ’est ce que M . Merlin établit au Repeiv
toire, au mot D om icile, à la fin du § i 3 , et c ’est ce que la consul
tation reconnaît implicitement, lorsqu’elle s’attache si vainement à
établir la prétendue naturalisation en France.
Dans le système même de cette consultation de Riom, en
admettant qu Edouard Onslow fût devenu Français par la seule
force de la loi de 1790, sans nulle adhésion de sa part, cette ex
pulsion de notre territoire ne l’eùt-elle pas autorisé à renoncer à
un bénéfice qu’il n’avait ni demandé ni accepté? Dans tous les
états civilisés, celui qui a renoncé à son pays est reçu à y revenir
et à y reprendre ses droits naturels. Telle est la conséquence qu’il
faudrait tirer, en ce cas, de la conduite d’Edouard Onslow. Vous
m’expulsez de votre territoire, aurait-il pu dire au gouvernement
français, eh bien! je renonce à tous les»avantages que je pouvais
tenir de vos lois. Je rentre dans ma patrie, et ce n’est que comme
sujet de 1 Angleterre, en vertu de la permission de mon souverain,
que je consens à résider en France. On serait donc foicé de con
venir, au moins dans le système que nous c o m b a t t o n s , que depuis
Sun
retour en France, en vertu de la
p erm issio n
du roi Georges,
�la résidence d ’Edouard Onslow n’aurait plus été que celle d'un
.étranger; et comme, depuis cette époque, il n’a rempli aucune des
.conditions que les lois postérieures ont exigées pour jouir des
droits civils en France, sa qualité d ’étranger n ’a jamais cessé; il
l ’avait encore à son décès ; mais il est bien démontré que dans au
cun temps il ne l’a perdue, et que la loi du 5o avril 1790 n ’aurait
jamais pu lui être appliquée.
C e premier point établi, la conséquence sera que le mobilier
<[ui pouvait appartenir à M . Edouard Onslow, sera régi par la loi
d ’Angleterre; car le mobilier est attaché à la personne et soumis à
la loi du domicile naturel et civil de son propriétaire.
En effet, les meubles sont une propriété mobile, qui n ’a point
d’assiette territoriale, qui peut être transportée d ’un lieu à un
antre. C est ce qui a fait admettre le principe général que nous
venous d’exprimer : in testandi Jaci/ltate, m obilia, ubicumque
sita régi debere dom icilii jure ( Voet sur les pandectes, Jiv. 1 " ,
lom. 4 , part. 2, n° 11 ).
L a consultation de Riom est d ’accord avec nous sur ce point;
elle convient que le principe est incontestable. Dès lors, en sup
posant que le prix de la terre de Lillingston ne fût pas la propriété
de Georges Onslowr, en admettant qu'il pût être considéré comme
dépendant de la succession du père, il ne pourrait cire déféré que
conformément à la loi anglaise, et il rentrerait par ce moyen exclu
sivement dans la main de M. Georges Onslow, comme représen
tant l’immeuble d ’Angleterre dont la donation est de tous les biens
que leur père possédait en Angleterre.
Quoique le principe (pii attache le mobilier à la loi du domicile
ne soit pas contesté, nous croyons devoir cependant l’appuyer de
quelques observations. C e principe a été observé constamment dans
notre ancienne législation, où la succession des immeubles se par
tageait suivant lçs règles différentes des coutumes où ils étaient
situés, JVIaie Le mobilier, dans quelque lic u q ji’il fût p la cé,se réglait
�C <5 )
par la loi du domicile. L a loi du 17 nivôse an 2 avant fait disparaître
ïa diversité des statuts réels, la même règle sur le mobilier n a pu
s’appliquer qu’à celui qui se trouvait placé dans les pays étrangers,,
et à dû recevoir le même effet. 11 est bien évident que la suc
cession d'un Français, ouverte en France, se compose non-seule
ment des valeurs mobilières qu’il possède en F ia n c e , mais encore
de toutes celles qui peuvent lui appartenir chez l’etranger, et que,
par exemple, dans la succession d’un banquier fiançais toutes les
sommes qui lui sont dues par les négocians et banquiers é t r a n
gers doivent être partagées entre les héritiers suivant la loi fran
çaise, et non suivant celle de chacun des divers pays où ces valeurs
se. trouvent placées..
Cette règle ne peut recevoir exception que dans le cas o ù , par
des traités particuliers, les valeurs mobilières qu’un Fiançais pos
sède en pays étranger doivent être distribuées conformément à la
loi du pays. Nous en avons un exemple dans l’affaire des deux
frères Cardon, héritiers de leur frère, naturel Français comme eux,
et décédé en Russie; il yavait épousé une Française, après que celleci eut fait prononcer son divorce avec son premier mari, également
Français, décédé en Russie ; il avait institué sa femme pour sa léga
taire universelle. L es tribunaux russes, qui reconnaissaient la validité
du divorce, adjugèrent à la veuveCardon la totalité des biens mobiliers
que son mari possédait en Russie. D ’aiïtres biens mobiliers existaient
en France ; les deux frères' Cardon les réclamèrent comme héritiers
naturels de leur frère, en attaquant de nullité le divorce sur lequel
était fondé le mariage de la veuve, légataire universelle de leur
frère. L e divorce et par conséquent le mariage étant nuls, suivant la
loi française, ils furent déclarés tels par les tribunaux français; et
la succession, tant des immeubles que des meubles situés en
F rance, fut adjugée aux deux frères Cardon. Mais il-cxistait entre
la France et la Russie un traité du 11 janvier 1787, suivant lequel
les contestations relatives aux successions de Français décédés en
�( 16 )
Russie, devaient être jugées suivant les lois Russes; etréciproquement celles concernant les Russes décédés en France, étaient sou
mises aux dispositions des lois françaises. C et arrêt se trouve au
recueil de Sirey, tome 1 1 , première partie, page 5 o i.
Ilors ce cas d’exception, la règle sur le mobilier, inhérent au
domicile, est nécessairement observée dans tous les pays, en A n
gleterre comme ailleurs ; car par laloi anglaise, le mobilier est placé
dans le droit commun, et les étrangers peuvent y hériter des
meubles, quoiqu’exclus de succéder aux immeubles.
Et c ’est conformément à ce principe qu’il a été jugé par la Cour
de cassation, le 7 novembre 1826 (Sirey. tome 27, page a 5o), que
le sieur Tornton, Anglais, qui avait obtenu la jouissance des droits
civils en France, étant décédé en France, sa succession devait être
soumise aux tribunaux français, et par conséquent jugée pour tout
ce qui la composait, conformément aux lois françaises.
Ainsi nulle difficulté sur ce point. Dèslors qu’il est constant
qu’Edouard Onslow n’était point Français, et que sa succession est
ouverte en Angleterre, tout le mobilier qui peut lui appartenir
en France sera régi par la loi anglaise.
§ II.
i
E n supposant qu'Édouard Onslow f u t devenu citoyen fr a n ça is,
le prix de la terre de Lillingston appartiendrait encore en ce
cas à il/. Georges Onslow , en vertu de sa donation.
Nulle objection raisonnable ne peut être faite contre cette pro
position. M . Georges Onslow était donataire de la terre de L il
lingston; il était donc propriétaire de cet immeuble; puisqu’il en
était propriétaire, le prix de la vente lui appartient nécessaire
ment. C ’est par une erreur évidente que la consultation suppose
que ce prix est redevenu la propriété du père, parce qu’il est entré
dans 6a main; et par celte raison elle le considère comme une
�t p
( *7 )
valeur mobilière de sa succession. L e prix de tout immeuble ap
partient nécessairement à celui auquel cet immeuble appartient.
Il importe peu par qui la vente ait cté faite. C ’est Edouard qui 1 a
iaite en son nom ; M. Georges convient qu’il en a eu connaissance.
Dans le cas même où il l’aurait formellement consentie, et parlé dans
l’acte conjointement avec son père, toujours serait-il constant que
la nue propriété de l’immeuble vendu lui appartenait. A in s i, que la
vente soit l’ouvrage de l’un ou de l'autre, ou de tous les deux,
il n’est pas moins certain que le prix appartient à M. G e o rg e s,
puisque l ’immeuble vendu lui appartenait. 11 importe peu égale
ment que M. Georges ait consenti que son père en ait reçu le prix;
¿cela était juste et de droit, puisque le père avait l’usufruit; le fils
il pu et dû s’en rapporter à son père pour l ’emploi des valeurs dont
son père avait ^foit de recevoir les intérêts; ce qui suffit ici, c ’est
<fue le père est comptable de la valeur envers son fils, comme ayant
ia nue propriété de ce capital; en sorte que quand même les valeurs
ne se trouveraient pas dans la succession du père, le fils aurait
droit d en exercer la répétition sur les autres biens.G est une créance
<jui ne peut lui être contestée. Ce n’est point à titre de garantie
■de la vente qu il agirait contre la succession, ainsi q u ’on le sup
pose dans la consultation, mais comme créancier du prix de la
«chose vendue, contre celui qui a reçu ce prix ; tous les biens de
{a succession lui répondraient donc de cette créance.
Ainsi, peu importe que la succession fût régie par le Code civil :
c e Code veut que les dettes d’une succession soient prélevées avant
partage, M . Georges Onslow commencerait par prélever, à titre
de créancier, le prix de l'immeuble dont il étrit propriétaire, sauf
les sommes dont le père a valablement dispose sur cet immeuble,
e t le surplus des biens serait seulement sujet à partage, conformé
ment aux lois françaises.
L a consultation do Riom paraît douter du p o u v o i r qu’Edouard
Onslow avait de donner à son fils les immeubles d ’Angleterre;
3
�-Ar, '
•> . .
C *» )
rïen cependant n’est plus certain. Il est vrai que les (flrangers
ne pouvaient succéder aux immeubles d’Angleterre; il en était
de même en France avant la loi du i 4 juillet 1819; c ’est ce qui
résultait de l’article i 5 du traité d’Utrecht, qui rendait les Fran
çais et les Anglais réciproquement successibles aux meubles seu
lement dans les deux pays. L ’Angleterre a tenu constamment k
cette disposition, et Blackstone en explique la raison, tom. 3 ,
chap. i 5 , pag. 7 0 , où il dit, « que l ’incapacité des étrangers à
» hériter des immeubles en Angleterre est fondée sur un principe
« national, afin d'empêcher que les terres, ne passassent à des per» sonnes qui ne dussent aucune fidélité à la couronne d’Anglc» terre.» Mais le mente auteur, tom e'2, pag.. 5 6 , nous apprend
que celte règle générale recevait exception « en faveur des enfant
» nés hors du royaume, dont le père était Anglais de naissance;
» qu’ils sont présentement censés être nés sujets du r o i , et peu» vent jouir de toutes les prérogatives et privilèges qui y sont
« attachés, sans aucune exception, à moins que le père ne so?t
» accusé criminellement, banni au delà des mers, pour crime de
u haute trahison, ou qu’il ne soit au service de quelque puisr»• sance ennemie de la Grande-Bretagne. »
L es actes de la législation anglaise, postérieurs a l’époque où ccri^
vail BlacLslene , n ’ont fait que confirmer de plus en plus celle dis
position. L ’avis d’un jurisconsulte anglais que nous avons sous les
yeux, nous apprend que, par un acte de Georges 111, qui régnait
en 1760, lequel se rattache a ceux émanés de la reine Anne cl dis
Georges II, les fils d’un Anglais nés à l’étranger, sont appelés à hé
riter des propriétés foncières de leur père , quoique leur mère soit
étrangère et quoiqu’ils*Soient catholiques.
O11 pourrait observer, encore q u e , si la loi anglaise interdit aux
étrangers la successibiliic immobilière, laquelle est dh droit civil1,
il ne paraît pas qu’elle prohibe entre Anglais et étrangers les con
trats d u droit des gens, t-els que la vente et la donation' entre*
\
�(
*9 )
vifs Ainsi, on .peut justement supposer que la donation d un im
meuble d ’Angleterre à un Français, serait valaLle, sauf au dona
taire à ne pas conserver l'immeuble en nature, à raison de la né
cessité du serment d’allégeance. Au surplus, cette considération
n ’est que surabondaifte, la transmission de la terre de Lillingslon
du père à son fils étant de validité incontestable, à raison de la q ua
lité des personnes entre qui elle s’est opérée.
< Une autre difficulté est élevée contre la donation de la terre de
Lillingston. On prétend que , par cet acte, Edouard Onslow n’a
pas transmis à son fils la propriété même de l ’immeuble, niais
seulement une rente de 20,000 fr. à prendre sur cet immeuble;
le texte de l’acte de'ment clairement celte supposition. On y lit
q u ’Edouard Onslow donne et constitue par préciput et hors part,
f son fils, la nue propriété des diverses terres et propriétés à lui
appartenantes , situées en Angleterre....... pour, par niondit sieur
O n slo w , avoir des à present droit à la nue propriété desdites terres,
et y réunir
1 usufruit à compter du jour du décès de son père. Assu
rément il n est pas possible d exprimer d ’une manière plus formelle,
le don d une propriété immobilière en nature, et l ’on peut ajouter
que 1 un des trois freres, M . Gabriel-Amable O nslow , par son con
trat de mariage de 1*819, c*
Arthur Onslow, par un acte de cau
tionnement souscrit à son profit, le 1/1 juillet 1828, ont formel
lement reconnu que celle propriété immobilière appartenait à.
M . Georges , leur frère.
Si le donateur se réserve le droit de disposer de certaines som mes
à prendre sur cet immeuble, c ’est une charge qu’il impose ù sa do
nation, et celle charge, il prend soin de la limiter, en stipulant qu’il
devra rester a son donataire 20,000 fr. de revenu sur 1 immeuble.
Mais les charges imposées à un donataire ne détruisent pas la do
nation ; elles n’en forment que des conditions, et c ’csl parce que
îa donation subsiste que le donataire est obligé de les accomplir.
. 1 1 résulté de ces deux premières propositions que la donation
�(
20 )
de la terre de Liliingston ayant valablement saisi M. Georges
Onslow de la propriété de cet immeuble d’Angleterre, le prix de
la vente qui lui en a été faite lui appartient au même titre que
l’immeuble lui appartenait; que son père en ayant reçu le prix , est
débiteur envers lui, et que, dans le cas où 19 succession mobilière
du père serait régie par la loi de France, comme danscelui où elle le
serait par la loi d’A ngleterre, cette créance est une charge de la
succession qui doit être prélevée au profit de M . Georges Onslow T
avant le partage des autres biensTROISIÈME QUESTION»
Quel doit être l'ejfet des dispositions testamentaires d'Edouard
Onslow, concernant la légitime de se sjils p u în és?
Nous avons dit précédemment que les frères de M . Georges
Onslow n’étaient pas astreints à exécuter l’acte du n avril 1828.
S ’ils se refusent à son exécution, quelle en sera la conséquence!
Ils auront l’option ou de prendre leurs réserves légales sur les biens
de France T ou de s’en tenir aux dispositions particulières que leur
père a faites au profit de chacun d’eux ; le contrat de mariage de
M . G abrièl-Am able, que le père appelle aussi Auguste O n slo w ,
renferme celles qui lui sont personnelles ; à l’égard des deux autres,
MAI. Maurice et Arthur O nslow , les seules dispositions qui les
concernent sont écrites dans le testament de leur père.
Nous avons fait connaître, dans l’exposé des faits, les disposi
tions de cet acte; il en résulte bien clairement que si M M . Mau
rice et Arthur Onslow refusent de s’en tenir aux légitimes qui
leur sont assurées par leur père, et prétendent exercer leurs droits
sur les biens de France, ils ne pourraient d’abord profiter de l’auge
menlalion de légitime , qui ne leur est accordée que sous la con
dition expresse de icspcetcr la disposition que le père a faite de
�(fr
( 21 )
ces mêmes biens. On pourrait même leur contester toute espère
de droit sur la légitime principale, dont le payement leur a été
assigné limitativement sur les i 5 ,oooliv. sterling, qui, à celte épo
que, étaient encore dues à leur père; car cette somme ayant été
remboursée et confondue dans le mobilier de la maison, ce leg»
devait être considéré comme caduc, et ne pourrait être cumulé
avec la légitime de droit, que les deux frères exigeraient sur les
biens de France. A plus forte raison, ce résultat devrait-il avoir
lieu , si l’on jugeait que le mobilier de la succession ne doit pas
être réglé par la loi d ’Angleterre, mais par la loi française; en ce
cas, les iô^ooo liv. sterling, objet matériel du legs, étant confon
dues dans ce mobilier pour ce qui peut en rester, se trouveraient,
ainsi que les immeubles de France, soumises à la réserve légale,
et par conséquent affranchies de toute autre légitime»
Q U A T R IÈ M E Q U E S T IO N .
Quel doit être ïe jfe t des stipulations contenues au contrat de
mariage de M . Gabriel-Amable Onslow ?
M . Edouard Onslow a réalisé et bien au delà, en 1819, au
profit de M . Gabriel-Amable, ou Auguste O n slo w , les intentions
qu’il avait manifestées dans son testament de 1811. 11 lui a d’abord
constitué en dot une somme de Go,000 fr. , comme équivalent de
la légitime que , par ce testament, il assurait à chacun de ses trois
puînés; ensuite il lui a fait un avantage bien supérieur à l'aug
mentation de légitime énoncée dans le testament; il lui a donné
120,000 fr. à prendre sur la terre de Lillingston. Cette donation
a eu lieu en vertu de la réserve que le père avait faite vis-à-vis
de son fils «aîné, de disposer sur les biens d ’A n g l e t e r r e de telles
sommes qu’il jugerait à propos. M . Georges jDnsIow, présent au
contrat de mariage, a reconnu que ce don était fait de son agrç-
t
�( 22 )
ment, et il s’est olligé^en son nom propre et privé, de le faire va
loir sur la terre de Lillingston.
L e conseil estime que ce don est une charge particulière de la
donation faite à M . Georges Onslow de la terre de Lillingston ,
puisqu’il n’a eu lieu qu’en vertu de la reserve qui était une con
dition de celle donation. C e lle raison serait bien suilisante pour
imposer à M . Georges Onslow la nécessité de payer les 120,000 f. j
mais de plu s, M. Georges Onslow ayant contracté en son propre
et privé nom 1 obligation de la faire valoir sur sa propre donation,
c ’est un engagement personnel dont rien ne peut empêcher l’e f
fet. C e don n’est point soumis , comme l’agmentation de légitime
écrite dans le testament, à la condition de renoncer à tout droit sur
les immeubles de F ra n c e ; seulement il doit suivre le sort de la
donation faite au fils aîné de la terre de Lillingston ; il est de mêrrçç
nature, il en est indivisible ; et si le prix de la terre de Lillingston
était sujet à rapport, les 120,000 fr. donnés à M. Gabriël-Amable
Ouslow le seraient également.
CIN Q U IÈ M E Q U E S T IO N ,
J)e quelle manière le douaire du à la veuve de AI.'Edouard Onslow
doit-il être contribué entre les en/ans ?~
L e douaire dû à madame Edouard Onslow est celui qui a été
réglé par son contrat de mariage. Nous ignorons en quoi il consiste ;
niais comme le mariage a été contracté en 1783 , à une époque où
le fonds du douaire était propre aux enfans, il doit se réduire à un
simple usufruit, lequel est dosa nature une charge commune de
la jouissance de tous les biens. Il d o it, par conséquent être sup
porté par les enfans et par la veuve elle-même en proportion de
revenu que chacun d ’eux obtiendra dans les biens qui ont appar*
.
tenu au père commun; et le conseil pense que les biens d’Anglcr
terre d o iv en t, ainsi que ceux de France , contribuer h ce paye»
ineflt, Faute de cpnnajUe quelleç ont clé sur çc point les clause#
�du contrat de mariage , il lui paraît raisonnable de supposer que
l ’intention du père a été d’obliger tous ses biens au payement du
douaire de madame son épouse. On trouve même la preuve de cette
intention dans la donation qu’il a faite à son fils aîné des biens
d’Angleterre ; car, en expliquant sa réserve de disposer sur ces liions^
il veut que les sommes dont il aura à disposer restent entre les
mains de M. Georges Onslow, qui en payera seulement l’intérêt,
ajln , dit-il, d'assurer le service du douaire de madame Bour~
d e ille s , son épeuse.
M . Georges Onslow a été c h a rg é , d’ailleurs, par la donation de
la maison de Clermont et de la terre de Chalandral, des jouissances
qui sont réservées à madame sa mère dans ces deux habitations.
Ainsi se trouvera assurée la prestation de tout ce que madame
Edouard Onslow pourrait avoir droit d’exiger en vertu de son con
trat de mariage.
D é l i b é r é à P a r i s , le 17 a v r il i83cr.
Signe D el a c r o ix - F r \ i n v il l e , C. P ersii . , D
jeune, et H en n eq u in .
upi ;x
aîné , D
u pin
L E SO U S SIG N E adhère à la consultation ci-dessus. — Invité
à en résumer et à en préciser les conséquences, il le fera dans les
.termes suivans :
Que la succession mobilière de M . Edouard Onslow soit régie
par la loi d ’Angleterre , qn’elle le soit par la loi française , les droits
de M . Georges Onslow devront être fixés à une* somme plus éle
vée qu’ils ne l ’ont été dans l ’acte de partage de 1828, aujourd’hui
attaqué par ses frères.
Dans l’un et dans l’autre cas, la donation qui lui a été faite par
son*contrat de mariage, d’immeubles situés en Angleterre, doit
être reconnue valable, comme conforme aux lois du pays qui ré-
�(
24
)
gissaient les Liens donnés ; M . Georges Onslow doit réunir la jouis
sance utile à la nue propriété dont il est investi depuis 1808.
La vente des immeubles faite par le père ne saurait altérer des
droits irrévocablement acquis. Dès 1808, les immeubles ou leur
valeur ont cessé de faire partie de la fortune de M . Edouard^OnsIovv, puisqu’il s’en est dépouillé alors et en a constitué son fils aîné,
propriétaire définitif, ne se réservant qu’un droit d’usufruit.
L es 840,000 f r . , prix des immeubles, sont dans la propriété de
•¡VI. Georges , comme le seraient les immeubles eux-mêmes qu’ils
représentent. En les réclamant, il n’exerce pas un droit nouveau,
né du de'ccs de son père ; il conserve un droit acquis dont il est in
vesti depuis l'époque de son mariage , droit confirmé et reconnu
dans tous les actes de famille qui ont eu lieu.
Recueillant les avantages de sa donation, M . Georges devra r.n
acquitter les charges. Elles consistent dans le payement d’une
somraede 120,000 fr. pour laquelle il s’est personnellemeritobligé
dans le contrat de mariage de M . Gabriel-Amable, en sa qualité
de propriétaire de la terre de Lillingston.
Q u a n ta ses deux autres frères, ils ne pourront rien exiger de
l u i ; le trouble qu’ils auront causé à sa possession des biens de
France les excluant de tous droits à une augmentation de légitime
sur les biens anglaisj T elle a été la volonté de M . Onslow père ,
exprimée formellement dans son testament de 1811.
L e prix deLillingston e std e 84 o,ooo f. En déduisant les 120,000 f.
auxquels a droit M . Gabriel-Amable O nslow , il restera pour
jM. Georges 720,000 fr, au lieu de G i 5 ,000 fr. que le partage de
1828 lui attribue.
Tels sont les droits des fils de M . Onslow sur ln terre de LillingsLon , ou sur les deniers qui forment le prix de la vente et qui
ont été transportés en France.
A l’égard des biens situés dans ce dernier pays , en admettant
#ycc les jurisconsultes de Rjoni que M . Georges Onslow fût obligé
�¡€ 1
( 25)
au rapport pour succéder en France , il pourrait se soustraire à
cette obligation en renonçant à la qualité d’héritier et aux droits
q u e lle fait naître, pour s’en tenir aux 720,000 fr. qui lui sont dus
par la succession, et qui doivent lui être payés avant tout partage.
Dans celte hypothèse , et supposant en outre que la succession
mobilière e s t , comme les immeubles situés en F ra n ce , soumise aux
lois de ce pays , le surplus de la fortune sera partagé entre les trois
freres puînés de M. Georges O nslow ; il se composera,
i°. Des immeubles situés en France, estimés . . . 200,000 fr.
20. Des 120,000 fr. que M . Georges aurait aban
donnes à M . Gabriel-Amable sur les biens d’A n gle
terre, c i ............ ................. .................................................... 120,000
3°. D e 1 r 5 ,ooo fr. ( i ) q u i complètent la fortune de
M . Onslow p è r e , détaillée dans l’acte de partage , c i. 1 i 5 ,ooo
T otal...................................................435 )° ° ° fr.
Les 120,000 fr. reçus par M. Auguste doivent en effet être rap
portés a la masse ; car si l’on décide que M . Georges Onslow ne
peut prendre part aux biens de France qu’en rapportant les biens
d Angleterre , ou leur valeur , on reconnaîtra en même temps, et
par les raisons développées dans la consultation délibérée à Riom,
que M . Auguste doit le rapport de ce qu’il a reçu sur ces mêmes
bien« ; il y aurait même une raison de plus pour l’y obliger; caria
donation faite à M . Georges l’a été par préciput et hors p a rt, tan
dis que cette clause ne se trouve pas dans le contrat de mariage
de M. Gabriel-Amable. Les droits de ses frères deviendraient jinsi
(») C elle somme de 1 1 5 ,000 fr. ne figure pas dans l’acte de partage
d une manière distincte , mais elle s’y trouve comprise ; elle fait sans doute
partie de celle <jue les en fans de M . O nslow ont reçue en avancement de sa fu
ture succession , et dont ils doivent le rapport. En réunissant les 435, 000 fr.
aux 790,000 fr. dus à M. Georges , on a un total de 1 ,1 5 5 ,0 0 0 f r . , somme
¿gale à celle dont M. O n slow père a fait le partage dans l ’acte de 1828.
4
�égaux aux siens , cl il ne résulterait pour'lui aucun avantage par
ticulier de la clause relative à ces 120,000 fr.
11 ne pourrait se soustraire à cette obligation qu’en renonçant eS
en limitant ainsi tous ses droits à cette somme de: 120,000 fr.
S il se décide à rapporter, il aura droit à un tiers de /|35 ,ooo f. r
c ’est-à-dire, à i / ^ o o o f r . Telle serait aussi la portion de chacun
de ses frères, au lieu de 180,000 fr. qui leur sou!, attribués par
l ’acte de partage de 1828.
Mais pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que
lière fût régie par la loi française*
O r , il a été établi,, dans la première partie
que IYL Onslow n’ayant, acquis^en France, ni
là succession mobi
o
.
do là consultation1,
la q.uaji,lé de Frant-
çais , ni un,domicile légal, sa succession devait, êlre*régie par la
loi. d’Angleterre..
Cettp loi n’impose pas a M . Georges
1
^ it *
pour être admis à y pren
dre part, à rapporter les' biens qui' lui' ont été donnés par précipite’
et hors part.
11 aurait donc en outre droit au quart dés valeurs mobilières que
présenterait la succession; cl comme tout est mobilier, à l’excep
tion de la maison de Clermont et de là terre de Chalendrat , il ne
serait exclu du partage que relativement à ces deux objets régispar la loi française.
P e u t - ê t r e lui-conlesterait-on le droit de profiter
du
rapport des
120,000 fr. pour lesquels il s’est obligé envers Gabi ieI-A.tnable. Ou
pourrait répondre que le don de cette somme aya|it été. fait par
I\T."Edouard Onslow père , sans dispense dé rapport, la garantie do
M. Gcorgrs n’eu a pas changé'la nature et les (fiels; elle n’a eu
d’autre objet que d’en assurer f'exéeutîon ; elle n’a pas dégagé le
donataire des conditions légales attachées à.la disposition faite en
sa faveur; elle n’a pas privé lç garant de l'avantage qu’il pouvait
retirer personnellement, de l’accomplissement de ces conditions*;
d'où il faut conclure que lo rapport à la masse doit profilcr à ton*,
«eux cMrc qui elle doit c lic partagée.
�1-6*
( 27 )
Mais en accordant que M . Georges n’eût aucun droit sur ces
120,000 f r ., il n’en serait pas de même des i i 5,000 fr. dont nous
avons déjà parlé, et dont le quart ne saurait lui être conteste, c e st28,7 25 f. ^
à ' d i r e . . . . . ................. .............................. - . . . ; . .
Q u i, réunis aux.................................... .................
720,000
»
r•
Donnent un total d e . ..............................
748,725
»
Cette augmentation dans les droits de M . Georges Onslow en
traînera nécessairement une diminution dans la portion de ses
frères, qui, en définitive et dans cette hypothèse, auraient chacun:
*i°. L e tiers de la valeur des immeubles de France.
20. L e tiers des 120,000 f r ..........................................
3 °. L e quart de i i 5,000 fr.
..................
V
-
1•
:
~
66,6G6
3o
4 °>000
9
28,726
»
" *
................. i 35 ,3gx 3 o
Total.
t
E n dernière analyse, c ’est à M . Georges Onslow que le partage
■de 182b porte préjudice, et non à ses trois frères puînés; c a r ,1
r°. il ne lui attribue que G1 5 ,000 fr. au lieu de 7^8,000 fr. aux
quels il avait droit en vertu des actes antérieurs, son contrat de
mariage, le testament; 2°. il accorde 180,000 f. à chacun des frères,
qui n ’avaient droit qu’à i 35 ,ooo fr.
L a nou-exécution de ce partage sera donc plus favorable aux
. intérêts de M . Georges Onslow qu’aux intérêts de ceux qui l'ont
attaqué, puisqu’il rentrera dans tous les droits qui lui avaient été
assurés, et dont il avait consenti à abandonner une partie consi
dérable.
1
,
DÉLiBÉnÉ à Paris, ie 1 " mai i 83 o.
Signé
T a r d if -
�ADHESION
Pour le sieur G e o r g e s - O N SLO W , à la consultationjlélibérée et signée par MM. DelacroixFrainville, Hennequin, Dupin ainé, Tardif
et Persil de M. O dilon-B arrot, du il\ juin
i83o.
■-a»
9K g i
CONSULTATION.
'
L E CONSEIL SOUSSIGNÉ,
V u le mémoire à consister et la consultation qui lui ont été
soumis par le sieur Georges Onslow,
E s t d ’a v i s q u ’E d o u a r d Onslow e s t m o r t Anglais;
Q ue sa succession mobilière, même en F ra n ce, doit être régie
par les lois anglaises;
Q u e le prix de la terre de Lillingston donnée en nue propriété,
par contrat de mariage, par le père à son fils aîné, appartient à ce
dernier, bien que la vente ait été faite par le père, et que celui-ci
ail pu figurer dans l’acte comme propriétaire.
Sur la question d’extranéité, la consultation délibérée et signée
par M M . Delacroix-Frainville, H ennequin, Tardif, Dupin aîné'
et Persil, ne laisse rien à désirer.
L a loi du 2 mai 1790, parfaitement expliquée par l'acte cons
titutionnel de 179 1, fait du serment civique une condition de
l’attribution de la qualité de Français à un étranger. Si dans la loi
de 1790 il est parlé de l’exercice des droits de citoyen, c ’est comme
conséquence-de *la qualité de Français. 11 ne suffirait pas en effet
�/67
( 39 )
du serment civique, même pour un Français, pour exercer les
droits politiques de citoyen.
La jurisprudence a b ien p u , à raison de la destruction des
registres sur lesquels ces sermens étaient consignés, et du désordre
des temps, admettre des présomptions au lieu de la preuve directe
et légale de la prestation de ce serment; mais le soussigné ne
pense pas qu’on puisse ju g e r, en thèse absolue, qu’un étranger,
sous la législation de 17 90 et 1 7 9 1 , ait pu devenir Français sans
le vouloir, et par cela seul qu’il aurait résidé en France et qu’il s’y
serait marié; une pareille naturalisation de plein droit, sans
aucune manifestation de volonté directe ou indirecte, serait sans
exemple dans la législation. .
Quant à la question relative au prix de la terre de Lillingston,
les raisons développées dans la consultation paraissent également
au soussigné déterminantes.
L a vente de la chose d’autrui est nulle; mais il depend de celui
dont on a vendu la chose de s’approprier la vente en l’avouant ;
et alors le prix qui peut en être dû lui appartient incontestable
ment; il peut agir a raison de ce prix directement contre l’acquereur , s il en est encore débiteur , ou contre la succession du
v endeur apparent, si celui-ci a reçu le prix.
L e vendeur, dans ce cas, est réputé avoir agi pour et au nom
de ce propriétaire et comme son mandataire.
D élibé r é à
Paris, le
14
juin 183 o , par nous avocat aux conseils
du Roi et à la Cour de cassation.
Signé
O
d ilo n -B arrot.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Onslow, Georges.1830?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delacroix-Frainville
C. Persil
Dupin aîné
Dupin jeune
Hennequin
Tardif
Odilon-Barrot
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
droit des catholiques en Angleterre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour M. Georges Onslow, contre MM. Onslow puinés.
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1830
1783-1830
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2703
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2701
BCU_Factums_G2702
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2705
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
BCU_Factums_G2708
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53540/BCU_Factums_G2703.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Mirefleurs (63227)
Chalendrat (terre de)
Lillingstone Lovell (01280)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des catholiques en Angleterre
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
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a6568fdfd2182ed1d8ab47c5ca412276
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Text
M
E
M
O
I
R
E
POUR
L e sieur R O C H E F O R T -D ’A IL L Y , intimé;
CONTRE
Le
sieur C A V Y , appelant
CC
E n’est pas pour expliquer sa cause, que le sieur
Cavy a imprimé ses moyens ; elle étoit en effet si peu
importante : il le déclare lu i-m êm e ; mais il a voulu
apprendre au public, sous la garantie de sa signature,
qu’il étoit, l ui Cavy, un agriculteur intelligent, un fer
mier bien au-dessus du maître, un propriétaire considéré,
faisant de grandes spéculations»
Il pouvoit, sans inconvénient, se donner la jouissance
de publier ainsi ses vertus par la voie de l’impression ,
sans y ajouter l’affectation d’accabler le sieur d A illy de
personnalités et d’injures.
L e sieur d’A illy ne se juge pas lui-meme , et ne se dit
au-dessus de personne. Il réclame franchement ses droits,
A
�et les tribunaux n*ont pas encore jugé qu’il fît de mau
vais procès. Il est possible qu’un jeune homme qui n’a
pas les goûts de son âge , ne plaise pas aux faiseurs de
grandes spéculations, du moins dans le sens qu’ils l’en
tendent ; mais les devoirs de la société n’exigent pas
qu’on soit dupe ; et si le sieur Cavy ne l’entend pas de
la même manière, si ses grandes spéculations sont déran
gées par des jeunes gens n’ayant pas les goûts de leur
Age, il en résultera seulement que tous les dix ans il ne
doublera pas sa fortune, et qu’il se désabusera à la longue
de. la bonne opinion qu’il a de lui-même..
F A I T S .
La terre d e là Font, appartenante au sieur Maréchal,,
aïeul du sieur d’A illy , fut affermée au sieur C avy, le 27
brumaire an 6, pour neuf ans.
L e bail porte la clause suivante : « Les étangs seront
« empoissonnés aux frais du preneur, et le produit, à
a chaque pêche, sera partagé par moitié entre le bailleur
« et le preneur »
Ces étangs, étoient jadis au nombre de cinq; les étangs
de V A rch e, Chapot et la P ip e , ont toujours resté en
rapport ; mais ceux connus sous le nom de G iîo u x et
Tiroisau , ont été mis à sec il y a environ cinquante
ans ; depuis cette époque il y est né des arbres que le
sieur Cavy a exploités.
Quand la loi du 14 frimaire an 2 ordonna le dessè
chement des étangs, le sieur M aréchal s’étoit contçnté
de faire ôter U bonde de l’étang Chapot, et les eaux;
�<7
.
( 3 )
s'écoulèrent. Il n’y avoit même pas lieu d’exécuter la loi
autrement; car un grand chemin a été pratiqué sur la
chaussée, et il eût été intercepté, si la chaussée avoit été
détruite.
U neJoi du n thermidor an 3 ayant rapporté celle
du 14 frimaire , tous les propriétaires d’étangs non dé
truits n’avoient eu qu’une bonde à replacer, pour que
l’ancien volume d’eau y fût retenu. T out prouve que
c’est ainsi que le sieur Maréchal avoit rétabli l’ancien
état des choses, lorsqu’il donna sa terre à ferme au sieur
C avy, et stipula que les étangs seroient empoissonnés
par le p r e n e u r , à ses frais.
Il seroit indifférent, d’après cette clause, que ces étangs
fussent déjà empoissonnés en l’an 6 , puisque s’ils ne
l’étoient pas, le sieur Cavy ctoit chargé de cet empois
sonnement. Mais c’est un fait constant que les étangs de
YA rch e et de la Pipe furent péchés peu de mois après
le bail de l’an 6 , et que l’étang Chapoi fut péché en
l’an 7.
L e sieur Cavy ne nie pas*la pêche des deux premiers
étangs ; il 11’ose pas même la nier pour l’étang Chapot\
mais comme cet aveu le condamne, le sieur Cavy fait
des'efforts surnaturels pour prouver que celte pêche n est
pas une pêche, et que l’étang n’est pas un étang.
A le croire, des métayers y ramassèrent un peu d eau
avec des mottes, après une sécheresse, en l’an 6 . Cette
eau , destinée à abreuver les bestiaux et a faire rouir le
chanvre, produisit bientôt le prodige de féconder un
ancien frai qui avoit demeure dans la vase depuis 1 an 2 ,
et de procréer des carpes tellement disposées à réparer
A 2
I
�C4)
le temps perdu, qu’elles se trouvèrent, au bout de quelques mois, peser une livre et dem ie, et furent en état
d’être pêcliées et partagées en l’an 7. (M ém oire C avy,
pages 3 et 4. )
>
Nous examinerons bientôt le degré de probabilité de
ce système du sieur C a vy, mais pour continuer le récit
des faits, les étangs de l'A rch e et de la Pipe , péchés
en l’an 6 , le furent de nouveau en l’an 9, suivant l’ordre
périodique des pêches; et l’étang Chapot péché en l’an
7 , devoit l’être en l’an 10.
X/C sie u r M a r é c h a l m o u r u t le x 1 theiunidoi* an 9 . Le
sieur d’A illy , son petit —iils et son h éritier, eut des
comptes à apurez?- avec le- sieui* Cavy. 11 alloua des sommes
considérables sans quittances, et le sieur Cavy dût alors
lui trouver les goûts de son âge. Bientôt le sieur d’A illy
trouva dans les papiers de son aïeul d’anciens comptes
et états du sieuz- Cavy. Il y vit la nécessité d’examiner
sa gestion de plus près , et se convainquit bientôt que
son système dominant, comme il le dit lu i-m ê m e, est
de fa ire de grandes spéculations, sans s’arrêter aux
détails m inutieux.
Les conditions du bail n’étoient exécutées en effet que
pour les grands articles de production. M ais, i°. le sieuii
C iv y s’étoit obligé de planter soixan te-d ix œuvres de
vigne. Cela eût produit fort-peu et dépensé beaucoup :
il l’avoit oublié. 20. L e sieur Cavy zie devoit pas faire
de défriehemens; mais cela produit beaucoup, et le sieuz’
Cavy avoit défriché. 30. Il ne devoit employer les en
grais qu’aux terres et vignes des domaines*, il les avoit
détournés pour sou compte. 40. L e sieur Cavy 11e devoit
�y
t 5 )
exploiter les bois que suivant les périodes ordinaires; ïl
les avoit devancées, etc., etc.
Peut-être bien eût-il été plus louable à un jeune homme
de fermer les yeux sur les opérations du spéculateur.
Malheureusement pour le sieur C avy, le jeune homme
fut assez mal avisé pour voir clair, et pour faire dresser
en effet plusieurs procès verbaux de mésus, les uns pour
poursuivre sur le champ, et les autres pour conserver
une action en fin de bail.
T el fut le conseil de gens sages et prudens. L e sieur
Cavy sentit qu’il étoit alors plus urgent de se tirer
d’affaire que d’exhaler son courroux ; il vint prier le sieur
d’A illy de se relâcher de ses d r o it s ; e t celui-ci fut plus
généx-eux qu’il ne devoit l’être. Il se départit de tous
dommages - intérêts pour les défricliemens, les bois, la
non plantation de vigne, etc., et, par une amnistie gé
nérale pour ce qui étoit en litig e, il consentit de ne plus
r e c h e r c h e r le sieur Cavy pour les faits antérieurs de la
jouissance, sous réserve de tout ce qu’il pourroit faire
dans la suite de contraire aux clauses de son bail. Telles
furent en précis les conventions du traité du i<*. ven
démiaire an 10.
Il ne pouvoit pas être question dans ce traité, ni dans
les débats qui le précédèrent, de la pcclie de l’étang
Cliapot, puisqu’elle ne devoit avoir lieu que dans le
courant de l’an 10 : le sieur d’A illy n’avoit même pris
à cet égard aucunes informations positives. D ’ailleurs, il
y a moyen de pêcher un étang quand on veut, en y jetant
du poisson assez gros; et le sieur Cavy sait par experience
comment cola se pratique. Le sieur d’A illy l’invita à tenir
-A 3
�.*
Â-.
( 6: ).
scs engagemens sur ce point, et l’objet en valoitla peine-*
puisque l’étang Chapot a cinq mille deux cent soixante-'
quatre toises de superficie.
Sur son refus, il l’a assigné le 9. thermidor an 11 „
i° . pour lui payer une somme de 1200 fr. en indemnité
de la pêche dudit étang Chapot pour l’an 10; 20. pour êtrecondamné à rempoissonner afin de le mettre en état
d’être péché en l’an 13.
L e sieur Cavy a d’abord dit au bureau de paix que
cet étang n’est plus, en produit depuis la loi sur le des
sèchement des étangs; qu’il n’avoit pas de poisson quand
il l’a pi’is , et n ’a pas fait p a r tie d es o b je ts affermés.
Dans ses défenses ensuite ,. craignant les résultats de
la-.pêche de l’an 7 , et obligé d’en convenir, il a imaginé
d’expliquer la cause de cette p ê ch e , comme il a été cidevant rapporté.
L e Tribunal de Gannata fait justice de ces moyens, et*
par son jugement du 19 prairial an 12, il a adjugé la de
m ande, si mieux 11’aimoit le sieur Cavy payer à dire
d’experts.
L e sieur Cavy s’est figuré de trouver devant la cour
un plus grand degré de crédulité, pour faire adopter le
système par lequel il veut avouer et nier tout à la fois
que l'étang Chapot ait cessé d’être à sec depuis l’an 2 ;
il s’agit de le détromper,, et de justifier le jugement qu’il,
attaque..
M O Y E N S .
Les griefs du sieur Cavy se bornent ¡\ deux , non com
pris 1« chapitre des injures, qui n’est pas le moindre ;
�I '1 )
_
ï° . le traité de l’an ïo est, d it-il, une fin de non-re'cè*
voir contre la demande ; 2°. l’étang étoit à sec lors du
bail de l’an 6 : ainsi, la cliarge d’empoissonner ne s’y
appliquoit pas.
R é p o n s e
a u
p r e m i e r
m o y e n
-.
L e traité du premier vendémiaire an io , dit le sieur
Cavy pour la première fois sur l’appel, est une transac
tion sur procès , ayant pour but d’éteindre id de qiio
cogitatiun^fuit.
Adoptons la définition, elle le condamne.
S o u v e n o n s -n o u s q u e le sieur Cavy , d an s le début die
ses injures, a dit que le sieur d’A illy ne marchoit qu’avec
des notaires et huissiers ; il donne une plus ample expli
cation de ce qui a précédé le traité, h la page 4 de son
m ém oire, alinéa 3.
L e sieur M aréchal est décédé ; son -petit-fils s’est
présenté avec des vues hostiles ; tous les jours nouvelles
querelles ; cest un baliveau moderne que Cavy a coupé procès verba l, expertises---- ce sont des vignes mal
plantées ; procès verbal, expertise , etc. . . . . . E njin ,
dix-sept procès verbaux dressés par des notaires, signiJiés par des Zudssiers , sont entre les mains du sieuT
Cavy.........On parvient à rapprocher les parties, et le
premier vendémiaire an 10 il fu t passe un traite, etc.
Nous devons donc trouver inévitablement, dans ces
dix-sept procès verbaux, quelles étoient les difficultés
sur lesquelles les parties voulurent traiter \ cest-à-dire,
id de quo cogitaturn est. '
A 4
�*r
; 8 )
L e sieur Cavy dit avoir entre les mains ces dîx-sept
procès verbaux; qu’il les exhibe, et il aura raison de dire
que le traité comprend le défaut d’empoissonnement de
l’étang Chapot, s’il y a eu un procès verbal relatif à cet
étang, si de eo cogilatum est.
L ’étang Q iapot a cinq mille deux cent soixante-quatretoises de superficie ; son empoissonnement valoit sans*
doute la peine d’un procès ve rb a l, pour un homme qui
ne marche qu’avec des notaires, et qui fait des procès
verbaux pour les moindres volailles de la cour. L e sieur
Cavy sera-t-il donc réduit à dire que le sieur d’A illy a
regardé cemésus comme une c h o s e tr o p m in u tie u s e ; m ais,
ce seroit une inconséquence ?•
Mais il n’y avoit pas lieu à procès verbal pour l’étang
Chapot. L e sieur d’A illy n’avoit rien à voir dans l'em
poissonnement; il n’avoit intérêt qu’à la pèche ; et certes
s’il eût fait des procès, verbaux avant l’an 1 0 , le sieur
Cavy u’auroit pas manqué de dire, avec plus de raison ,
que cette précaution prématurée étoit une pure tracas
serie*
Déjà le sieur Cavy ayant négligé d’empoissonner un
antre étan g, a fait ce qu’il auroit pu faire pour l’étang
Chapot : il est allé acheter du poisson assez gros pourêtre bientôt p êch e, e t, par là , il a prévenu toute diffi
culté. Si donc le sieur d’A illy n’a pas dû faire de procès
verbal avant Tan 10 ; si, dans le fait surtout ^ il n’y en
a pas, on n’a pu traiter le premier vendémiaire an iq ,.
sur la privation de la pêche, sur une chose ¿1 v en ir, sans
vjne stipulation positive, et qui s’y rapportât expressément..
Puisque la transaction n’étoit pas faite de lite in otâ „
�(9 )
dès qu’il n ’y avoit pas de litige^antérieur, i l res.trscnsible
q u e , pour induire de l’acte que les,parties voulurent tran
siger de lite m o çen d â , il falloit une^ explication claire
et précise de l’objet de ce litige.
Jf)/) j; _; >4ji# j ...
. Mais quand il seroit prouvé qu’il y a eu,des. sujets de
contestation pour l’étang. G hapot, ne seroit-ce pas çxtorquer un départem ent d’action, que de l’induire d’une
expression générale qui n ’y avoit pas un rapport im
m édiat et nécessaire.
O n a parlé dans ce traité de bois coupés., de défrichemens faits, de vignes non plantées , jet on n’y voit
pas un m ot de l’étang G h ap o t, plus im portant que la
p lu p art des choses exprimées.
Si donc après avoir spécialement traité des d iv e r s objets
en litig e , il est ajouté une clause générale qui absout le
sieur Cavy de tous faits de jouissance antérieurs, le m otif
en est sensible ; c’est que toutes les coupes de b o is, tous
les défrichcmens pouvoient n’etre pas constatés. L e sieur
d’A illy auroit pu opposer ensuite qu’il n’avoit traité que
sur ce qui étoit constant ù cet égard ; et il y eut sur ce
point quittance finale. Mais il seroit bizarre de lui donner
plus d’extension que les parties elles-m eines ne l’ont
voulu.
Les lo is, en favorisant les transactions, n'en font pas
un piège ou une chose/îléatoire ; elles ne disent pas que
la transaction com prendra tout ce qui sera p ré su m é , majs
ce qui sera PROUVÉ avoir été le sujet de l’accord. T a n
tu m in )lis interpositum p a d uni n o c e b it, de quibus
in te r eos ac.ium esse p r o b a t u r . Ij. 9 •>A*
transact.
La même loi ajoute qu’il seroit injuste d ’éteindre une
A 5
�action par uii traité', si 'celui1‘qui en excipe nép ro u v e
pas qu’il y en a été question. Injustùm est perim i pacto
id de quo cogitatwn non d o c e t u r . L . 9 , ibid.
L e Code civil est plus positif encore. « A rt. 20 4 8 ,Les
« transactions sè renferment dans leur objet : la renon« d a tio n q u i y est f a it e ¿1 tous d ro its, actions et prê
te tentions , ne s’entend que de ce qui est relatif au dif« férent q u i y a donné lieu. »
Il faudrait donc que le sieur C avy, on le répète, prou
vât clairement qu’il y a eu différent sur la pêche de l’étang
Cavy. Ses dix-sept procès "verbaux , ses dix-liuit procès
ne le prouvent pas.
M a is, fallût-il même abonder dans son sens, rien encore
he seroit réglé pour la contestation actuelle, quand l’étang
Cliapot seroit compris dans l’art. 12 du traité qu’il invoque.
L e sieur Cavy s’est abstenu de le rechercher pour aucun
fait antérieur de sa jouissa n ce, sous toutes réserves pour
î avenir.
Mais que peut-on entendre par la jouissance d’un do
maine ou d’un étang?ce n’est autre chose,sans doute, que
la perception des fru its qui en proviennent. On ne jouit
pas en semant, on jouit p a rla récolte.
Q u’un propriétaire donne quittance à son métayer de
toute sa jouissance jusqu’au jou r, en résultera-t-il que la
' quittance ôte au propriétaire le droit de se plaindre lors
de la récolte suivante, si, par la faute du m étayer, il
11’y a rien h cueillir? Personne, sans doute, ne s’avisera
de le prétendre.
O r , la pêehe d’un étang en est la récolte; et il n’y a
pas moins de singularité í\ vouloir que le sieur d’A illy ,
�( 11 )
par un abandon de la jouissance passée, ait aussi aban
donné la jouissance à venir.
E n fin , le sieur Cavy s’est jugé lui-même relativement
à l’étang la P ip e, pour lequel il y a eu un procès dont
il sera parlé ci-après, (pag. 18 ) ; il a été assigné après le'
temps de la pêche passé , en l’an 12 , il n’a pas même eu
idée de prétendre que le traité de l’an 10 l’eût dispensé
d’empoissonner. Il a reconnu sa négligence, il a été con
damné. Sa défense explique donc le traité de l’an 10.
La plus sûre interprétation est celle qu’il en a faite luimême.
♦
RÉPONSE
AU
D EU X IÈM E
MOYEN.
L e dessèchement de l’étang Chapot, en l’an 2, ne signifie
rien à la cause, puisqu’il nefalloit, pour le remettre en pro
duit, pas plus d’embarras que pour les étangs de l’Arche
et de la P ip e , toujours péchés depuis l’an 3; c’est-à-dire,
qu’il n’étoit question que d’y replacer son ancienne bonde.
Remarquons encore que dans le bail de l’an 6 , le sieur
Cavy s’est soumis à une clause qu’il ne veut pas enten
dre. Il n’est pas dit qu’il profitera d’une pêche déjà prête
à prendre; il est dit qu’il empoissonnera les étangs, pour
en partager la pêche ; c’est-à-dii'e, il semera pour par
tager la récolte.
Ainsi il importeroit fort peu qu’il y eut du poisson
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; s’il n’y en avoit pas , il
devoit y en mettre : voilà son obligation positive.
Mais il y avoit du poisson en lan 6 , puisqu il y a eu
mie pèche en l’an 7. Dans la vérité elle fut abondante et
�( 12 )
réelle ; au reste , ce n’est pas de son abondance qu’il ré
sulte rien. A d opton s, si l’on v e u t, qu’il [n’y eût que des
carpes d’une livré et demie , il est toujours avoué qu’il
fut péché du poisson en l’an 7 , et c’est tout ce qu’il s’agit
de savoir.
L e sieur Cavy ne s’est pas dissimulé toute la’ puissance
de ce fait, et toute la conséquence de ses résultats. Aussi
a-t-il tourné de ce côté tous ses efforts, et nous avons rap
p elé, dans le récit des faits, l’explication étrange qu’il a
donnée de cette pêche de l’an 7.
Son moyen se réduit à un système nouveau qui bat
en ruine toutes les notions élémentaires sur la génération
des poissons.
Fut-il jamais concevable que de l’eau ramassée en l’an 6,
après une sécheresse , et retenue par quelques mottes pour
l’abreuvement des bestiaux, ou le rouissage du chanvre,
ait pu créer du poisson sans empoissonnement, et hâter
sa croissance au point de faire, pour l’an 7 , des carpes
d’une livre et demie ?
Cependant le sieur Cavy 11e se contente pas d’alléguer,
il certifie que son système est fondé sur l'expérience. O11
a v u , d it- il, naître du poisson dans un étang desséché
depuis vingt ans, parce que la vase a conservé le Ira i, et
que l’eau y étant revenue eu a développé les germes.
Si les choses se passent de celte manière , la physique
jusqu’à présent s’est étrangement abusée, en enseignant
que la chaleur est le premier agent de la reproduction
des êtres; et l’histoire naturelle ne nous auroit pas
moins induits en erreur , en nous apprenant que c’est la
chaleur.dc la vase qui lait éclore le frai du poisson.
�C 13 )
Quand un étang est mis à sec , le frai , qui sous son
enveloppe visqueuse étoit roulé dans les ondes, a dû se
reposer sur la vase après leur écoulement ; et dans cette
position naturelle , trouvant bientôt une plus grande
chaleur , la vase a dû en mûrir les germes , par cette
espèce de dissolution qui prépare le développement et la
génération (1).
Mais quand le poisson est ainsi prêt à naître, la nature
qui a favorisé sa création se trouve privée d’un autre
agent élémentaire ; la chaleur n’a fait que^dissoudre ; l’eau
étoit nécessaire pour conserver. Ainsi le frai n’a pu passer
de la corruption à la vie ; la seconde opération de la
cuature lui a manqué; il a resté dans le néant (2).
Le sieur Cavy a donc présenté le système que quelque
■chose pût être créée de rien. E x hoc luio ncucantur,
a-t-il dit j mais ce commandement n’étoit pas en sa
puissance ; et nul ne sera persuadé, par sa prétendue
expérience, que des poissons soient nés sans empoisson
nement , après dix et vingt ans , dans un étang desséché.
Mais à ce premier miracle-, le sieur Cavy en a ajouté
(1) k L e s femelles se portent en foule vers les Lords de l'étang,.
» traînent leur ventre sur la, terre........ ,L e bul de la nature, dans
» cette opération, est d ’obliger le poisson à déposer ses œufs dans:
» un endroit où il y ait peu d 'e a u , afin que la chaleur des rayons-
» du soleil la pénètre, r é c h a u ffe , ainsi que la terre qu’elle re» co uvre. C e tte chaleur suffit pour faire éclore les œufs douze ou
» quinze fours après. » ( Cours d’agriculture, par l'abbé Rozier,.
lom e 4 > page 34#. )
(2) « Si l’eau ne recouvre pas toujours le fr a i, il est perdu,, ae
i> putréfie sur le bord,, et se corrompt.
�<1
un second ; ses germes développés dans de la vase, après
une sécheresse de l’an 6 , ont produit des carpes d’une
livre et demie en l’an y ; ce qui n’est pas moins impos
sible. La marche de la nature est plus lente. On sait que
le poisson d’étang a besoin de plusieurs années pour
arriver au temps où il doit être péché , ce qui est fondé
sur une constante expérience (i).
L e sieur Cavy ne veut pas s’en tenir à ces invraisem
blances ; obligé de convenir qu’il a été fait une pêche
en l’an 7 , il ne peut nier dès-lors qu’il y avoit de l’eau
en l’an 6 , et il cherche encore à en changer la desti
nation. Ce n’est p lu s p o u r nue peclie q u e cette eau est
retenue dans l’étang; c ’est pour abreuver les bestiaux,
c’est pour rouir du chanvre.
O r , on sait que les bestiaux allant boire dans une
marre ou dans tont autre lieu, y pénètrent autant qu’ils
peuvent s’y avancer, et foulent tout aux pieds; ce qui
11’est pas très-propre à conserver le poisson (2).
(1 ) « L a première et la deuxième année ce polit poisson n o t a n t
» grand que com m e une feuille de sa u le , est no m m é feuille.
» Q u elqu efo is, lorsque le fonds de l’étang est hou , ayant passé
» deux clés, il a quatre pouces, et pour lo r s , quoique feuille, 011
» com m ence à lui donner le nom d ’alevin ; mais il 11c le mérite
» pas encore. » ( M aison rustique, lotne ■>., page 5 8 -j: )
» On appelle alevin le petit poisson qui a cinq pouces; il 11’est
» ordinairem ent de cette grandeur
qu’après trois êtes: c ’est.l’alevin
» dont'Ou se sert pour empoissonnement. On pèche les étangs de
» trois en trois a n s, après q u ’on les a alevines. » ( JJunuire,
tonie
page 5<)4 , édition i n _)
(u) « 11 ne faut pas se nie lire en peine si ce petit poisson trouvera
�C
>
On sait encore que rien ne corrompt plus les?eaux
stagnantes qu’un routoir ; rien par conséquent de plu3
incompatible avec le poisson qui ne peut y vivre.
. Il reste donc une chose pour bien' constante , et que
rien n’affoiblit ni ne dément;, c’est qu’il y avoit de l’eau
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; c’est que cette eau a été
donnée au sieur Cavy en état de produire une pêche en
l ’an 7 ; c’est que cette pêche a étôpartagéc entre le sieur
Cavy et le sieur Maréchal»
Voilà dès-lors l’exécution pleine et entière du bail
voilà surtout l’explication parlante de ce- que le sieur Cavy
veut esquiver.
:
Si l ’étang Chapot n’dtoit pas de la comprise du bail ,.
et si le sieur Maréchal n’avoit pas entendu que le sieur
Cavy fût tenu de l’empoissonner, comment se faisoit-il!
qu’il partageât une pêche où le sieur Cavy n’avoit rien à
voir?'
Si au contraire l’étang desséché étoit affermé sans charge
de l’empoissonner, et si tout le produit de la terre devoit
appartenir au sieur Cavy , à compter de son bail, pourquoi
lui-même se croyoit-il interdit en l’an 7 , de s’emparer
seul de ce poisson qu’il dit fortuitement né ? pourquoi
s’est-il cru obligé de le partager avec le sieur Maréchal,1
si le sieur Maréchal n’y avoit rien à prétendre ?
)
Qui ne voit, dans cette conduite’, 1 éclaircissement positif
de toute la cause ! et certes les tribunaux, dans 1 obscurité
» de quoi vivre; il n ’y a qu'à avoir soin q u ’il n ’y manque pas d'eau,!
» q u ’il n ’y ait aucun brochet qui entre clans la carpière,
»
bétail qui y fréquente* » ( 3 Juison rustique, iliid.
ni aucun:
�c
1 6
\
des discussions , n’ont pas toujurs un guide aussi sur ;
car il n’y a plus à chercher line simple intention vague
et isolée de toutes cix-constances. Ici le fait est venu au
secours de la présomption : la clause est donc expliquée
par son exécution ; et personne n’ig n o re, en point de
d ro it, que de toutes les interprétations c’est la meilleure.
Mais on le répète au sieur Cavy qui s’obstine à offrir
une preuve inutile ; il est absolument indifférent qu’il
y ait eu du poisson ou même de l’eau en l’an 6 dans
l’étang Cliapot. Son bail l’obligeoit à empoissonner pour
fournir moitié de la pêche : voilà au moins une obliga
tion qui n’est pas a m b ig u ë .
L ’étang-Cliapot étoit sans doute un étang tant que la
chaussée n’en étoit pas détruite ; un grand chemin l’avoit
conservée : ainsi, toute la peine i prendre étoit de replacer
la bonde qui avoit dû rester dans les bâti mens d’exploi
tation pendant le court espace du dessèchement. Quant
à la grille, il n’y en avoit jamais eu.
Supposons donc que cette bonde ne fût pas à sa place
en l’an 6 ; le siwur Cavy , en s’obligeant à empoissonner,
devoit faire stipuler qu’elle y seroit remise. Eu vain ditil que c’étoit au sieur M aréchal à y pourvoir , parce
que ce n’étoit pas une réparation locative ; c’étoit au
contraire à lui Cavy à le mettre en demeure.
L e sieur C avy, en prenant les étangs à ferm e, et s’obli
geant de les empoissonner, étoit censé , suivant les prin
cipes , les avoir reçus en bon é ta t, faute d’avoir fait cons
tater qu’ils ne l’étoient pas, comme l’ont justement dit les
premiers juges.
Quand le sieur Cavy met sur la même ligne l’étang
�( T7 )
Chapot ét les étangs de G iroux et de Tiroisait , p o u r
faire croire que ce sont trois étangs abandonnés par le
propriétaire depuis l’an 2 ( page 11 du mémoire ) ; il
y a im pudeur et mauvaise foi dans cette allégation; car
les étangs de G iroux et Tirais au sont détruits depuis
5o ans , une route passe au travers, des bois y croissent ,
et'le sieur Cavy pouvoit d’autant moins l'ignorer qu’il en
a fait lui-méme l’exploitation.
Voilà donc le degré de confiance q u ’il m érite ; et c’est
avec un tel mensonge qu’il viendra crier à l’injustice, et blâ
m er le tribunal qui a jugé suivant les titres et les principes.
R
é
p
o
n
s
e
s
a
u
x
u
î j
u
h
e
î
.
.
Il ne falloit pas compter pour rien ce point essen
tiel des moyens du sieur Cavy , puisqu’il en a fait la
batterie principale de son agression. Suivons-le donc dans
scs reproches , pour savoir s’il y aura été plus exact qu’à
l ’égard de l’étang de Tiroisau.
1
10. L e sieur Cavy a accusé le sieur d’A illy de procès
verbaux faits pour un fou r, une huche, un chenil, des
arbres morts. Le sieur d’ Ailly ignore absolument, sur tous,
ces objets, ce que le sieur Cavy a voulu dire.
2°. Il accuse le sieur d’A illy de lui avoir fait dixhuit procès. Il y a dans cette seule- calomnie quatorze
mensonges; c a r , outre le procès termine en lan iq
par 1111 traité, le sieur d’A illy a plaidé, 1 . pour des
vignes ; ce procès est pendant ; 2°. pour le défaut depêche de l’étang de la F ip c , et il a gagné son proT
�( i 8 )
c è s (i); 30. il us reste que la cause actuelle , où le sieur
d’A illy a encore obtenu justice.
3°. Il est tout aussi faux que le sieur d’A illy ait eu
des procès avec scs métayers , quoiqu’il eût eu occasion
d’en avoir. Il a préféré des sacrifices.
V oilà donc encore la véracité du sieur Cavv. On jugera
maintenant de quel côté est la passion et la tracasserie.
L ’homme passionné est celui qui parle et agit contre sa
conscience ; l’homme tracassier est celui q u i , ayant perdu
des procès où il de voit se rendre justice, s’obstine encore
à p la id e r c o n tr e ses conventions.
4°. Le sieur d’A illy est accusé d’avoir fait faire dixsept procès verbaux. A supposer qu’ il y ait dans ce
deuxième fait plus d’exactitude, le sieur d’A illy en ignore
la plupart. Mais il a un garde forestier dont l’état est
( i ) C e procès de l'étang la Pipe prouve beaucoup en faveur de
la cause actuelle du sieur d ’A illy .
L e sieur d ’A i l ly a assigné, en l ’an n , le sieur C a v y , i°. en
d om m ages-intérèts, parce que l’étang nV to it pas pèclié; 2°. pour
être tenu de l’empoissonner, afin d\jtre pêolié en l’an i 5 .
y avoit des réparations à faire;
niais q n e , faute par lui d ’avoir fait constater l'etat des lie u x , il
L e sieur C a v y a répondu q u ’ il
avouoit sa négligence. 11 a éle condam né en iqG IV. de dommagesintérèls par des experts. Le sieur C a v y a été moins récalcitrant
pour l’étang la Pipi», parce q u ’il n ’a (pie cinq cents toises : l’étang
Cliapot »‘il a cinq mille.
L e jugement dont est appel ne condamne le sieur C a v y qu'à
1200 fr. de dommages-intérèts. A dire d ’experts, e t , dans la pro
portion ci-dessus, il eût été condam né à
mj6 o
fr.
�6*
( i9 )
cle parcourir scs propriétés pour y constater les vols et
les dévastations. Si ce garde a été exact dans ses fonc
tions, le sieur d’A illy ne peut pas l’en blâmer; tant pis
pour ceux qui se seroient trouvés dix-sept fois en con
travention visible.
5 °. Après s’qtre peint comme victime , le sieur Cavy
veut encore se donner comme généreux. Il a fai t, d it-il,
des voyages pour le sieur d’A illy ; il s'est sacrifié et n’a
pu être payé qu’après un procès, et avec un jugement
arbitral. (Pages 2 et 9. )
Autre allégation pleine de fausseté et de mauvaise foi*
L e sieur Cavy est expressément défié de produire aucune
procédure, aucun com prom is, aucun jugement arbitral*
I l a fa it u n v o y a g e à L y o n p o u r le sieu r M a r é c h a l,
cela est v ra i ¿ m a is il n ’é-t'ô?^
■"une o b o le ;
------- - - • / -v
' ^ Quoique déTra^é d jblW t, le sfe^ v^ aw Réclama ôôçîr'*’ ^
pour scs journées, (¿ejte sc^mxr,e19 1^ ^ h o rb i ta11te, mais .
», ,elle lui a ¿t.é ,payé£ ¿an^.la nwuid^diipinuj^ioii.
/
.♦ .*JVoihu.VncQie
IiAujwiu«Jfl ¿V^ütcité du sieur
**' Cavy. Ï 1 -ment ,*• il 4 njm:i»^ csiki*
tic mQÜleujje^
raistnïsV Il’Vgna+C' srcftr *T~Aiily .co^mcu*frG{x>ssi& oi-iL.
U S ,
*'
*'*
J 1 1 ÎII3
-"pas imi 1er ce**qtnI blanîe',’fr'ne*récmiîiiifcia
^ ~J *■
’
**En se renfermanî^dôîV,J?T/uîs ^ ^ iil^ objet dC'ÿa c'ïfust^''
'’îe sieur d^VVllÿ’ r’êpète ‘ flVeM TVr itifi&it'tfe :pf-ctfu èŸ •
instance, i° . que le sieur Cavy s’est obligé d’empoisjsounvr et au’il a . dû le faire sans alléguer le ^ p r é l^ e
.*■».*/.■ ,K
'»
»y*u «A*-**
�d’un défaut de réparation démenti par toutes les circons
tances , et d’ailleurs non constaté ; 2°. que l’aveu d’une
pêche partagée en l ’an 7 interprète la cause que le sieur
Cavy dit obscure , et dispense de tout autre examen ; 30. il
répond à l’objection nouvelle du sieur C a v y , que le traité
de l’an 10 n’a pas plus éteint, pour un étang que pour
l’autre , l’action en partage de la p êch e, que d’ailleurs
rien n’établit que cet objet fût alors en litige ; et que,
s’agissant d’une chose à ven ir, tout prouve au contraire
que les parties ne s’en occupèrent pas.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
m (/ .
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rochefort d'Ailly. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
ferme
pêche
bail à ferme
étangs
asséchements
contestations de l'attitude procédurière de la noblesse
contestation de l'autorité seigneuriale
experts
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Rochefort d'Ailly, intimé ; contre le sieur Cavy, appelant.
Annotation manuscrite: « 24 frimaire an 13, 2éme section. Jugement. Déboute la partie de Delapchier de la demande ».
Table Godemel : Demande de dommages et intérêts pour défaut d'empoissonnement d'un étang à Calvy, son fermier, qui lui oppose comme fin de non recevoir une transaction faite entre eux, et prétend en outre, n'avoir point été tenu de faire les réparations nécessaires et préalables à l'étang qui avait été abandonné.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 13
1797-Circa An 12
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1425
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0626
BCU_Factums_G1424
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53239/BCU_Factums_G1425.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Rémy-en-Rollat (03258)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
asséchements
bail
bail à ferme
contestation de l'autorité seigneuriale
contestations de l'attitude procédurière de la noblesse
étangs
experts
ferme
pêche
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53248/BCU_Factums_G1508.pdf
bbdb16b80d8877ae69743f114aa845cb
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
D ’A P P E L
EN
R É P O N S E ,
POUR
C a th erin e
LAFONT,
et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C O N TR E
LA FO N T, J e a n -B a p tis te B O U R N E T , J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
G ilb e r t
L A F O N T leursfemmes habitant aussi
à Néris, appelans.
M a r ie
Ce n' etoit pas une assez grande douleur pour une m ère
d avoir perd u, en quelques mois d’intervalle , son époux
et son enfant; il a fallu q u e pour satisfaire l’avidité de
A
deriom.
�• ■\
* >'
'
( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus m inutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pou r elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hom m es, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne com pte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être q u’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’ imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. P o u r arguer de faux un acte de naissance , les
appelans s’étoient soumis à p rou ver que l’enfant de Ca
therine L afon t étoit né m o rt; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa p art, au con traire, l’intimée/a établi clairem ent la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titr e , et q u i,
pour faire pleine C-i entière fo i, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanm oins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l ’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�¡¿y
(3)
faits insignifians, à 'présumer que l’enfant pouvoit elre
venu au m onde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrem ent réglée par les lois
civ ile s, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont ép o u sa,le 14 brum aire an 10, GilbertM arie L a fo n t, son cousin.
Seule h éritière de son p è re, qui lui abandonnoit dèslors tous ses b ie n s, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lu i, il avoit vendu
tous ses droits successifs à G ilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme m odique de 10000 fr.
Les ép oux stipulèrent un gain m utuel d’ usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et dem i; et le 27 fruc
tidor de la même an née, la f o n t est m ort à vingt-trois
a n s, laissant sa jeune veu ve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle app ela, outre une sagefem m e, des pareutes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la fam ille de son mari : c a r , depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A
2
�( 4 )
Ses couches furent extrêm em ent 'laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incom m odité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
m it au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
a voit cruellem ent souffert de ces efforts. Ses m ouvem ens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la m ême fatigue qui accabloit la mèi*e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand x*epos pour échapper à la mort.
M ais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. O n tourm ente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces ¡prétendus soulagemens.
O n suivit donc pour l’enfant de Catherine L afont la
•m éthode ordinaire. L e cordon om bilical co u p é, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u - d e - v ie , et on ne l’em ploya
pas moins au m êm e usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’a voit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les b ras; mais ce n’étoit
là qu’ un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut m andé; et quoiqu’ il n’arrivât que lon g-tem p s
après l'accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de v ie , car il lui administra le baptêm e,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà 011doyée par précaution.
«
�(
5 )
A p rès le baptêm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il ch o isit, avant de p a r tir , ses deux témoins.
Ces témoins, en effet allèrent à la m airie , et on les
renvoya au lendemain. Comm e alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’a u tre , le
>21 frim aire an n .
Catherine L afont étoit h éritière de son enfant par la
loi du 17 n iv ô se , ce qui avoit dû p eu t-être exciter la
jalousie des adversaires.
11 est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même;. et tout ce qui s’étoit passé devoit
leu r être con n u , puisque Catherine L afon t, comme elle
vient de le d ire, avoit été entourée de la fam ille de son
m a ri, c’est-à-dire, de la fam ille des adversaires : la sngefemme elle-m êm e étoit leur tante. N éanm oins, et dans
cet instant m alheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement in d iiféren t, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le m oindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite com m une, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
T ro is mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce tem ps, ils jugèrent con
venable de com m encer sourdement les hostilités.
Comm e G ilb ert L afon t avoit acheté les droits de son
déiunt frè re , dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits céd és, il se fit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-lrères Bournet et F o ric h o n , dans la vue d’embar-
�(6 )
rassct* Catherine L a fo n t, et n’osant pas lui-m êm e com
m encer le procès.
G ilbert L a fo n t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur S o u lie r, n o ta ire , débiteur
de la succession.
L e prem ier sentiment de la veuve L afon t fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
m én a ger, et poursuivit ses adversaires en payement et
m ain-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lo rs G ilb ert L afon t fut forcé de s’ex p liq u er, et il crut
l’intim ider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine L afont lui fit signifier sur le cham p la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et G ilb ert L afont fut obligé de donner suite à sa
procédure. G ilbert L afont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o r t- n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V o ilà un enfant m o rt;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’en fa n t, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
E n vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , G ilbert
L afon t fit entendre cinq témoins.
est essentiel de re
m arquer qu’il alfecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lum ières, la sage-femme. Quant à ceux
11
entendus à sa req u ête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e prem ier témoin est le c u ré -a d jo in t, qui a adinU
�tér
(?)
nistre le baptêm e et fait l’acte civil; A v an t le bapteme
il a touché l’enfant et lui a, senti de la chaleur.
L e second tém oin , F ra n ço is C o r r e , ne sait pas si
l’enfant étoit vivan t ou m ort.
L e troisièm e, M a rie L a fo n t , fe m m e P ig7tot, la plus
proche parente des adversaires, sait tou t, et a connu que
l ’enfant étoit m ort à l’éjection de ses excrém ens. L a sagefemme lui fit signe qu’il étoit m o rt; elle lui dit aussi de
toucher le coeur de l’enfant pour sentir qu’il b a ttoit, mais
le tém oin répondit qu’il ne s’y com ioissoit pas. L a sagefemme lava l ’enfant, et lui m it les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme C orre le
p rit sur ses genoux , et ses genoux trem blèrent par la
crainte qu’elle avoit de la m ort de l’en fan t, et ce trem
blem ent se com m uniquoit à l’enfant. L e curé v i n t , le
toucha h divers en d ro its, et le baptisa
puis la femme
Corre dit à son m ari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas m anquer de dire au curé ( q u i venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. A p rès cela elle avoue
qu’elle a dit e lle -m ê m e à la m ère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pou r la tranquilliser; et que lors
qu’elle a vo u lu dire autrem ent, L ou is L afont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrièm e tém o in , M a rie B o u r n e t, ne sait rien
par elle-m êm e ; elle confirm e la proposition faite par la
sage-femme à la P ign o t de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquièm e tém oin , M arguerite L a f o n t , veuve
�*iU
v " - 1
(8)
I
H o n n e fo i, a vu la sage-femme in q uiète, lorsqu’elle de
manda de l ’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
rem arqué qu’il a fait tin léger so u p ir , ce qu'elle a re
gardé comme un signe de v ie ,• elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement in u tile; et en effet il n’y avoit rien de
moins p rou vé que le faux m atériel de la naissance de
l ’enfant. Q uatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort ; un seul attestoit la m ort par ses p aroles, et ce
qu’il a indiqué pou r la prouver donne plutôt à présum er
!
pour la vie. Les faits du baptêm e et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
N éanm oins, et par surabondance, Catherine L afon t
vo u lu t aussi faire une enquête; et il ne faut que la parcourir pou r être convaincu de la vie de l’enfant,
j
L e prem ier témoin est la sage-fem m e ; elle sentit les
'
mouvem ens de l ’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du cœ u r, et proposa à la femme P ign o t d’y
toucher. Quand l ’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
m ouvem ent, c’est pourquoi elle demanda du vin. O n lui
porta de l’e a u - d e - v i e , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. A lo rs ayant à s’occu
per de la m è re , elle a remis l’enfant à la femme C orre
(quatrièm e témoin ci-après). E lle avoit ondoyé l’en faut;
Je curé est venu et l’a baptisé.
L e second tém oin, F ra n çois D u r i n , a soupe avec lo
!
curé le soir des couchas. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
f
i
�avoir touclié son estom ac, senti de la ch a leu r, cru re
marquer de la v ie, et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est M a rie B o u r n e t, déjà entendue.
L e quatrièm e tém oin, la fem m e C o rre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-m êm e lavé
l ’enfant avec du v in , lu i a v u rem uer les bras trois ou
quatre fo is, lu i a senti battre le cœ u r , a distingué des
rnouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
m arqué que l’enfant soupiroit ; mais il est m ort sur ses
g e n o u x , sans q u’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrem ent de vivre.
L e cinquièm e tém oin, Q u illem in , a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiüïl n 'a u roit pas
f a i t , s ilii eût cru s être assuré de son existence. La sagefemme a dit encore au tém oin que l’enfant étoit venu
au monde v iv a n t, et qu’elle l ’a voit ainsi déclaré à son
confesseur.
L e sixièm e té m o in , Georges F o riclio n , a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’en fan t, et admi
nistré le b ap têm e, sans p o u voir assurer qu’ il fût vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (c e lle
qui a dit l’enfant m ort ) avoit dit qu’ il étoit né vivant ;
et qu’elle-m êm e, femme P ig n o t, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit rem arqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 niyôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
u 1 enqucle d irecte, et m ême les enquêtes entr’elles. 11
B
�est vrai que le procureur im périal vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en ch iru rgie,
mais le tribunal de M ontluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas u n e; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l ’état civil font
« foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de N éris, que
« l’enfant de Catherine L afont est né à trois lieures et
« dem ie, le 21 frim aire de l’an 11 ; qu’ il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi«
«
a
«
«
heure après sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
authentiques que l’enfant est né vivan t; que pour détruire ces deux actes, G ilbert L afon t a pris la voie
de l’inscription en faux incident; que par conséquent
il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« m ort avant que de n aître; et il s’agit d’exam iner s’il
« l’a rem plie ; que le prem ier tém oin par lui produit
«
se
«
«
«
«
«
a senti un reste de chaleur à l’en fan t, et lui a admi
nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
in terro g é, comme oilicier p u b lic, l ’accoucheuse qui
lui a attesté que l’enfant étoit né v iv a n t; que le secon d , quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
ne s’être pas assuré par lu i-m ê m e de l'existence de
l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme m ort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi"
« aux exçréinens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�tu
( II )
« femme lu i a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
(< lui a proposé d’y porter la m ain , ce qu’il n’a voulu
« fa ire; qu’après qu’il fut entièrem ent sorti du ventre
« de la m ère, il ne lu i a rem arqué aucun signe de v ie ,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lu i ait mis les doigts dans la b ou clie, et y ait soufflé;
« que le quatrièm e ne s’est pas assuré par lui-m êm e si
« l ’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a en« tendu dire dans la maison qu’il étoit encore v iv a n t;
« que le cinquièm e lui a v u faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de v ie ;
« Q ue de ces cinq témoins , le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o r t, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette m ême acçou« clieuse a dit ensuite que le cœur de l ’enfant battoit,
« a proposé au tém oin d’y porter la m a in , ce qu’il n’a
« vo u lu fa ire , disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant. que le prem ier tém oin a senti de la
<c chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que l ’enfant étoit né viva n t; que cette m êm e
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en tém oignage par Catherine Lafont; que le quatrièm e
« témoin a ouï dire dans la m aison, après la naissance
v de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie ; que le cinct
“
«
«
«
quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de v ie ; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi G ilbert
L afon t n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�111.
,y
k
«
«
«
«
( 12 )
de d écès, ainsi qu’il se l ’étoit ptoposé ; qu’on en est
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième tém oin ouï à la requête de Catherine L a fé h t,
à qui l’accoucheuse rem it l’en fan t, pour donner des
soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage-
« fem m e, lui a v u battre le cœ u r, lui a distingué des
« mouvem ens dans le visage, et a rem arqué qu’il sou«
«
«
«
p iro it; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; q u ’il
n’a apporté au monde aucun vice de conform ation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-
« constances, jointes aux actes de l’état c iv il, aux décla« rations des tém oins, doivent suffire pou r constater là
« vie de l ’enfant, ou au moins le faire présum er vivan t;
« de m anière que Catherine L a fo n t, qui a été m è r e ,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute G ilbert L afont de sa demande
« en inscription de fa u x , le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conform ém ent à l’ordonnance de
« 173 ?) et aux dépens. Fait et jugé à M on tlu çon , le 14
« nivôse an 1 3 , etc. »
A p rès ce jugem ent, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse su ivan t, lequel prononce la m ain
levée des saisies-arrêts, et condamne G ilbert L afont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et B ournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la main - levée de
leur saisie-arrêt \ niais ils avoient gardé le silence en
�/■ *»
3
( i )
attendant l ’événement de l ’inscription de faux que G ilbert
L a fo n t, débiteur, avoit seul osé hasarder. G ilbert L afont
a interjeté appel du jugem ent du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse^
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en prem ière
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
L a jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leu r appel. O n con cevroit cette jonction, si G ilbert L afon t avoit interjete
appel du jugement du 23 ventôse an 1 3 , pai'ce que ce
jugem ent et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
m ent sur des saisies-arrêts. M ais le jugem ent du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Boufnet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comm ent se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugem ent qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en prem ière instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. L e u r appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance', et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à exam iner
les moyens proposés sur l’appel de G ilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i° . que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance ; 20.' que les signes de vio
�( H )
rem arqués par les'tém oins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
,
. -»-r'
'Ce sont ces deux prétentions qu’il faut exam iner, pour
en dém ontrer l ’erreur. ’
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e s enquêtes prouvent-elles le f a u x de Tacte de n ais
sance ?
- A u cu n acte ne m érite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l’enseignent,
et la raison nous dit qu’il im porte au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
m atériel.
- C a r , comme le dit M . C o ch in , les registres de nais
sance sont des monumens publics a u x q u els la lo i veut
q u ’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la lo i; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du tém oignage
du père s’il est viva n t, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est m ort ou absent ; car l’accou
cheur a lui-mêm e un caractère p u b lic, et seul il fait foi
de la naissance. ( L o i du 20 septembre 179 2 , tit. 3 , art 2.
Code c iv il, art.
.) Il faut en outre deux tém oins, mais
56
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfunt soit porté à l'officier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sep-
�fis
tem bre, tit. 3 , art.
( ' 15 )
) V o ilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’ un acte’ de l’état civ il feroit fo i, eL
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous,
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de fo rm e, si les trib u n au x, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si 011 présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne dcvroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux ; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de dém entir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tom ber l’acte ; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la co u r, n e'
tendent point à éluder l’examen des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’ un seul mot à d ire , c’est qu’au lieu
d'y vo ir la preuve de m ort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul tém oin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver G ilbert L afon t? et qu’a-t-il p ro u vé?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumetloit
à établir, io. q ue plusieurs personnes étoient présentes
lo is des couches, et que toutes ces personnes s'écrièrent :
V o ilà un enfant m ort j
�(i6)
2°. Q ue la sage-fem m e ayant frotté l’enfant avec de
Teau-de-vie, elle ou vrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
et avoit les yeux fermés ;
3°. Q ue François C orre n’arriva dans l’appartement
que dans l ’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Q ue la femme Corre dit à son époux d’aller avec
L ouis L afon t faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
°. Q u’il n’a été fait aucune réquisition à l ’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
5
par conséquent rem arqué aucuns signes de v i e , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que. sur la déclaration de deux
tém oins, dont l’un étoit l’aïeu l, partie ipféressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e prem ier fait n’est attesté en partie que par un tém oin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s’écrièrent : V o ilà un enfant
m ort; c’est la femme P ign ot qui prétend seule l’avoir dit à
M arie B ou rn et, parce qu’elle a vu tom ber des excrém ens;
mais M arie Bournet ne le confirme pas,
Cette P ign ot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des m enteurs; elle se contredit elle-m ême
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
etoit m o rt, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœ ur; elle refusa de s’assure?: si l’enfant étoit
v iv a n t, parce quV/fe ne s y con noissoit pas : cependant
d ie avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
1
Ces contradictions s’accordent parfaitement avec « dé
position
�( 17 )
position du tém oin F o riclio n , qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette m ême P ign o t leur avait attesté que
l’enfant étoit v iv a n t, et qu’elle lu i avoit rem arqué p lu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage -, et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V o ilà
un enfant m o rt; puisque tous les autres témoins présens
ont rem arqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxièm e fait n’est p rou vé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la m êm e
P ig n o t, que la sage-femme ou vrit la bouche de l’enfant :
fait is o lé , faux et inutile. M ais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l ’enfant eût, en nais
sant, ni de la p â le u r, ni les yeu x fermés.
L e troisièm e fait n’est encore déclaré par aucun té
m oin. C orre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir v u sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas m êm e de l u i , com m e
tém oin , qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-fem m e; et il étoit tém oin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, com m e tém oin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit $as admis
à se rétracter.
Jg
L e quatrièm e fait étoit aussi insignifiant que le précé
d en t, et n’est pas déclaré de la m ême m anière par ld
V ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidem m ent
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à rem arquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à riulium ation , et cependant
C
�(i8)
Corre dît que c’est elle qui vint le chercher à sa vign e;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquièm e fait est dém ontré faux par tous les té
m oin s; car bien loin que le sieur R e yn au d , adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o i r , il dit lui-m êm e y être venu et
•l’avoir vu. T o u s les témoins parlent de ce fait, et la P ignot
elle-m ême déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A in si rien de ce que G ilbert JLafont avoit offert de
p ro u ver ne l ’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Q uand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres tém oins, il ne resteroit que des
doutes sur la m ort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encoi’e ne sont com m uniqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant com m uniquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est m éfiée ellem êm e; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrém ens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait m êm e, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être 1111 semblable tém oignage? C ’est là cependant
la seule preuve de la m ort qu’elle d on n e, ou plutôt la
seule preuve qu e fournit l ’enquête.
�( 19 )
I-e curé auroit été un tém oin im portant s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et q u o iq u e , dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que d im in u er,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été m ort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l ’enfant fût m o rt, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
v iv a n t, et après un prem ier baptême. O r , suivant les
règles, ce prem ier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ d icun t sufficere quod aliquod mernbrum b a p tizetu r, ut sit infans christianus.
A in si ce second baptême fait par un prêtre est une
présom ption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à celte présom ption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le m êm e témoin. A in s i,
quand il m arquerait les conjectures de m ort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic , qui parleroit plus haut que sa déposition.
O n vo it d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner m algré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoinsD u rin et G u ille m in , à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’ avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
vSi à cela on ajoute les dépositions de la sage-fem m e,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o r r e , il n’y aura
plus à douter; çar les mouvernens de l’enfant dans la main
C 2
�Vt o
(( 20 y
de la sage-fem m e, les batteme?is du Cœur, leâ soup irs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction desmuscles du visa g e, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le tém oignage de ceux qui l’ont vu
vivant. L es apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
L e s sigjies de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t- ils
sitjjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, etla jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’ il étoit com pté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
'é to it n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’ il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet
illico
decesserit. L . 2 , cod..
l ) e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v i e , ’ lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit auuuüé par la naissance d’un posthume. Les
�»
( 2*. ) ^
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir v é c u , eût c r ié , ciamorem ew iserit. M ais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent em pêcher les cris de-l’enfant, quoique visi
blem ent il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Ç u o d diù certa tu m , et d it, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rom pu si l’enfant étoit
né v iv a n t , quand m êm e il seroit m ort im m édiatem ent
après sa naissance, et m êm e dans les m ains de la sagefemme.
S a b in ia n i existim a ba nt s i viçus natus esset e t s j
v o c e m n o n j e m i s i t rum pi testamentuin : eoruni etiam
nos laudarnus sen ten iia m , et sa n cim u s, si pei'fectè na
tus e s t , licet i l l i c o postquarn in terrain cecidit veî
s o b s t e t r i c i s d ecessit, rum pi testam entum. L o i Ç u o d d m , code D e posth. lib.
in
m a n ib u
Cette supposition d’une m ort aussi prom pte, pour ainsi
d ire , que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés , puisque le son
de la vo ix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11
y a p lu s, car la loi encore a p révu le cas où un
accouchement auroit été tellem ent forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la p or
tion qui a v u le m onde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la v ie ; et la
loi en ce cas se contente du m oindre souille.
S i non integrum a n im a l cditurn s i t , cum s p i r i t u
tarnen, adeo testam entuin rum pit. L . 1 2 , il’. D e lib e n s
et post/l.
�m
( 1 2 )f
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
L ebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la v o ix de l’enfant ;
« comme si, d it-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pou voit pas, dans un petit espace de temps, v iv re
« et m ourir sans se plaindre : au contraire l’on peut d ire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« m énage ses forces pour prolonger sa v i e , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » ( L iv r e i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D o m a t, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l ’usage on n’ait jamais regardé com m e viable un
enfant né avant le septième m ois, M . D om at distingue
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succes
sion. Dans la prem ière espèce, c’est-à-dire, curn agitur
de statu e t j i t quœ stio sta tû s, M . D om at pense que l’en
fan t, avant sept m ois, n’est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s?agit que de transmettre la succession à ses
h éritiers, cîtm agitur de transrnissione hœ redita tis, les
raisons 11c sont plus les m êm es, et il n’im porlc plus que
l’enfant ait pu v iv re , il suilit qu’il ait vécu; et M . Dom at
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans do
quatre et cinq m ois, nés même par l’opération césarienne.
( L i v . 1 , sect. 1 , n°. 5 , p. 2 .)
Rem arquons qu’ici il s’agit d ’un enfant venu à tonne
après neuf m o is, et dès-lors légalement viable,•
�- 23 ^
H enrys, cité encore par les adversaires, 11e leur est pas
plus favorable que D om nt; il parle d’une cause où il s’agissoit d’ un enfant q u i, loin d’êlre regardé comme mort
pour avoir i*ejeté des excrém en s, 11’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V o ic i littéralement
le fait rapporté par M . H enrys lui-m êm e, ce U ne m ère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit ren d u s, cela fit douter
« s’il avoit survécu la m ère ou non. C eux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivan t que m o rt, ne man« quèrènt pas d’user de précaution , et de faire ouir par
ce devant le juge la sage-femme et un médecin. I,e p ré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l ’en terrem en t,
« et sur le refus que le curé p ou voit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siè g e , nous
« fûmes ouïs pour le procureur du r o i.. . . La sage-femme
«
«
«
et
«
ne s’étant arrêtée qu’à l ’éjection des excrém ens, et en
cela n’ayant pu parler que par l’organe du m éd ecin ...
le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’ en ordonner
un second__ que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe se u l, les médecins en p o u « voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent su iv ies, et un
K nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au pai*“ ^emen t, la cour a cru que le prem ier rapport devoit
c< suffi1'e ; en un m o t, que su r le d o u te, et dans les cir« constances du f a i t , il,fa llo it plutôt ju g er que f enfant
« avoit eu vie , que d'être m ort-né. » ( Quest. 2 1 , liv. 6. )
Enfin A caranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�( H )
rapport de B reton n ier, dans son traité D e p à rtu , ch. 16 ,
n°. 3 2 , que le m oindre signe de vie suffit s’il est certain, *
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pii'blic et légalem ent attesté, que de simples indices ne peu
vent d étru ire, les réflexions des docteurs consultés p a i
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lum ières;
car ces docteurs n’ont pu se déterm iner que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système;
M ais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l ’incertitude n’amena la conviction.
'
.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à cecn
L a c h a le u r, les m ouvem ens de l ’en fan t, ses soupirs et le
battement de son cœ ur, peuvent avoir trom pé les tém oins,
parce que les genoux trem bloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses g e n o u x , et ce trem blem ent, com m uniqué A
l’enfant, a pu en im poser pou r un m ouvem ent qui lui fût
personnel. L e seu l soupir entendu étant un dernier sorjpir,
n’a été q u’un m ouvem ent exp iratoire, sans inspiration,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volum e d’air nécessaire à la respiration. Les sigues de
vitalité rem arqués ne sont qu’ un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lem ent coupées, sur le larynx des oies, et nu galvanisme;
T o u t cela n’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
>
L a base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le inotive n’est pas exact, cl par conséquent
lu système s’évanouit tout cutier.
Le
�I
25
(
)
L e tremblement des gen o u x, im puté à la.fem m e C orre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition devoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreu r; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
q u i parloient de v is u , ils ont dû rem arquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e - v ie ,
entendit un gros soupir j puis elle le rem it à la fem m e
C orre pour s’occuper de la m ère. O r , à son tou r, la fem me
C orre lava l’enfant avec du v i n , et alors remarqua que
l ’enfant so u p ir o it, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
Je coeur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-fem m e quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seu l et der
n ier soupir.
A lo r s , et sans exam iner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa m ère rende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais asp iré, il est au moins certain que le
prem ier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
•deux, n’est pas un dernier m ouvem ent expiratoire passif.
A p rès cette exanim ation, il seroit impossible de conce
vo ir qu’un second soupir eût pu succéder au prem ier. C ’est
bien assez d’admettre un prem ier soupir dans un nou
veau n,é, si scs poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volum e d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité rem arqués aux têtes fraîchement
poupées ne semblent devoir rien prouver h l’égard d’un
pjifunt qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�r.
" '
. . .
r
, •
coupée, la vie surprise, p o u r ainsi d ire, pendant sa fo rce ,
s’arrête encore dans une partie'restée saine. Les muscles,
irrités ordinairem ent par la m oindre blessure , le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion com m unique à tout ce qui en dépend un jeu m é
canique qui n’est pas la v i e , mais qui en est l ’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi^"lité ou dissolution ', ce m ouvem ent des muscles rie peut
ii
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la fo ire
de supporter une seule aspiration, toute contractilité et
irritabilité, semble une chose entièrem ent impossible.
*
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y com m unique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de m é
ta u x , produire sur des chairs inanimées une com m otion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir lu
cause : m ais, quelle qu’elle so it, elle est le produit d’un
appareil q u elco n q u e; et jamais un corps n’a répété les
inouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
Rem arquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité môme
qu’ ils présum oient dans l ’enfant, étoit l’indice de la ces
sation en cart récente de la vie animale.
V o ilà donc une présomption de m ort attachée A la con
viction que l’enfant vivo it encore un instant auparavant.
O r , cet instant, où est-il? qui peut le saisir aujourd’h u i,
quand les assistans ne Font pu recon n oître? Com m ent,
dans une m atière aussi conjecturale que les signes de la
�H1
( 2?' V
m o rt, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, venu à terme en l’an n , soit m ort avant,
ou pendant l’extractio n , ou une minute après sa nais
sance, avan t, ou pendant son b ap têm e, ou in rnanibus
o bslciricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l ’a gardé quelque tem ps; après elle, la
femme, C orre l’a gardé-; puis le c u r é , mandé pour le
baptiser, est v e n u ; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa m ort.
, ,■ r .
.
- ,
t
'
Quand il n’y auroit pas de signes de vie l’econnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la m o rt, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r , comme le dit M» W in s lo w , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des* parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des m ouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une m ort certaine....
c< 11 est incontestable que le corps est quelquefois telle« ment privé de toute fonction v ita le , et que le souille
« de la vie y est tellement cach é, qu’il ne paroît aucune
« différence, de la vie et de la mort. » ( Dissertation.sur
l’incertitude des. signes de la m o r t, page 84. )
E t c’est parce que les signes de la m ort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
h’ gale se contentent des moindres indices pour présum er
la vie de reniant.
S i sp ira v en t, dit Zuchias ,• s i mem hra d isten d en t, s i
se m o v en t, .si sternutaverit, s i urinant red^at. •( Quest,
xuédico-leg. liv .
tit. , n°, 123.) Cependant la plupart
5
D 2
�WV
\>\
• . ... (
3
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples m ouvem ens de vitalité musculaire.
Foderé m arque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit m ort dans le ventre de sa m è re , et celui'
où il ne m eurt que pendant sa naissance. A u prem ier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la m ère ne laisse
pas de doute; au deuxièm e cas, il indique comme signe
de m ort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ccs signes mêmes ont trom pé les praticiens. ( M édeciue
c iv ile , tom. i , n ° . 288.)
M ahon ne pense nullem ent que la pulsation des artères
soit un sim ple indice de vitalité et de contractilité. « L a
«
cc
«
«
«
continuation du battement du cœur et de la circulation
du sang en gén éral, dit-il, est un indice bien plus sûr dé
la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
de toutes celles qui tom bent sous les sens, la plus im portante de la vie animale. » ( M édecine lé g a le , tom. 2 ,
pag- 393- 3
Si donc nous ignorons quand est m ort l ’enfant de Ca
therine L afon t, au moins ne l’étoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la v ie , au
m oins tous les raisonnemens de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
C ar il faut pour les adversaires des signes évidens de
m o rt, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
E h ! où en serions-nous, si h chaque m ort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudcs?
Les hommes sont convenus de regarder comme i’ins-
�( 29 ) ^
#
tant fixe de la m ort celui de la cessation totale de la cir
culation du san g, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance.
On: sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette rè g le , et que des personnes ont v é c u , après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort,
c M ais on ne vo it pas pou r cela que ces phénom ènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homm e sans pouls et sans fle x ib ilité de
m em bres, parce qu’il en auroit v u v iv re d’autres ayant
les mêmes symptômes de m ort.
Com m ent donc est-il possible de décider qu’ un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent , etoit cependant m o r t,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise*
d’ une m ort reconnue récente ,* et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des h ypoth èses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus im m édiate et plus
naturelle?
'
.
• .,
L es couches de; Catherine L afon t ont été laborieuses;
I
7
voilà un fait connu.
, ‘
L ’enfant a dû être très-acçablé, et avoir besoin du plu9
grand calm e; si on l ’a tourm enté on n’a pu que lui nuire :
Voilà la prem ière présom ption certaine.
Mais au lieu de lu i laisser du x*epos on lui a coupé le
cordon om bilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
P ou rqu oi donc ne pas croire que ces opérations ont
�$ e *
('3 0 '
achevé d’éteindre une vie encore ré cen te, plutôt que
d é s ig n e r une époque antérieure, sans aucune certitude, ;
mais pnr sim ple soupçon.
^ ' *ni >{
Ici au moins nous présentons :un système qiii "anime *
hase, et cette base est assise^sur une grande autorité.)
« Lorsque l’enfant, dit H ipp ocrate, est »sorti du>!gein:'
« de sa m ère avec effort, com m e il est fo ib le , il ne fautj
« p a s lui c o u p e r 'l’om bilic q u’il n’ait crié et'uriné/*»
( 'H ippocr, de sùperf. ch,
)
yb
'i
' - I ■
r-i
E t qu’ori n’objecte pas que ce sont là des principes d’an-<
cîenne th éorie; A lphonse L e r o i, qui les rap pelle, ajoute ;
5.’
-*I
ru
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
cc nous tâchons chaque jour de rétabjir. » ( A lp h . L e r o i,
pratique des accouclicm ens. )
: 1
)
L a section du cordon om bilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib le ; des frictionâ d’e a u -d e -y ie sur’ son
visage ont dû m ême lui causer une l’évolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce m om ent q u eu es
soupirs ont annoncé le dernier effortfde la n ature; e t’
quand le spasme a arrêté le battemenÉidé son; cœ u r, il
a résulté de cette siïsperl^ion rtiêmé^que Jc’est alors seu
lement qu’il a cessé de vivre.
* f
Si ce n’est là qu’une présdm ption ,>-'cl1é> a p o u r elle les
dépositions des témoins qui ont vu des m ouvem eus ’jus-r
q u’aptès la friction d’eau-cte-vite : mnis,d,aÎllle ui‘s, daiisî lo
dctotb m êm e, la réligion , laph ysiq u e ét les lois-puésument
que l’enfant a vécu.
1 ' '•
„1
,
>
i ih) 'i i-. ii»!
1
r ‘ 'ReniarqiiorÀ’ co nVbîeri'eii^oVé^ ti
jiorï do dn. <vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois voiiiainrs. J ,;ï
il sVigissoit'(ilLM‘6tTrprLJ'ni1i
4
efrPj <
*.•¿tpuru; pei' Iu
�1p o u r,Ie :^ s th u m £ ,':sMr^^
, in m anïbus ohs~
tetricîs; ic i, au contraire, iï s’agit < e présum er la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a suivi
son cours oi’din aire, en faisant naître vivan t un enfant
q u i,'v e n u -à term e, étoit légalem ent viable.
’
^
'A Cj
\
3
O n a articulé contre l’acte de. naissance des vices de
form e, mais ils sont im aginaires, et n’em porteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent serait de
‘ n’avoir pas porté l’enfant à là maison com m une ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté à l ’officier p u b lic,
Jet l’officier public l’a vu.
u. ' ‘r
O n se fait un moyen de ce que Catherine L afon t a
contracté récem ment un second mariage. M ais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
' depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d ’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long term e-au désir qu’ il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. M ais au reste, quelle influence cet événem ent peut-il
avoir pour la cause, et surtout pôur infirm er un juge
ment antérieur ?
•
■
Ce n’est pas moins une m ère qui réclame la succès«
*
»
.
sion de son enfant, luctuosam hœ reditcitem , suivant le
langage de la lo i. O n a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit co u ru 'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce m otif, bien
loin d être aussi absurde qu’on le p réten d , est entière
ment puise dans la nature et dans la m orille, comme il
1 est dans l’opinion des plus sa vans auteur^, et notamment
�C 32 )
-de D o m at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la m ère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, com m e les prem iers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la m ère en sem
blable circonstance, B e nignius est credere ordinem nar
turœ servasse f o rtu n a m , ut in dubio m a tr i fa v e a m u s ,
-quœ in luctu est magno , propter am issum f ilium et
m a r itu m , q uam agnatis. ( C uja c, ad leg. 26, D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroîent plus recommandables
d es collatérau x, qui ne voyant dans les dangers d’une
m ère q u’une exp ectative, et dans ses m alheurs qu’ une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p r o ie , e t , irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent ro u vrir les tom beaux de leur fam ille,
p o u r chercher une heure in certain e, et recueillir pour
ainsi d ire la vérité dans le néant ? L a cour ne verra en
eux q ue des profanateurs av ides, qui d’ailleurs, dans leurs
m oyens im puissant, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
v enir à renverser un acte d’ordre p u b lic , par le m otif
u nique de leur intérêt particulier.
»
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M° . T A R D I F , licen cié a v o u é x
A RI
O M , de l'imprimerie de L a n d rio t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Nivôse an 1 4
�
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Factums Godemel
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
viabilité nouveau-né
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
experts
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Table Godemel : Viabilité : à quels signes peut-on reconnaître qu’un enfant est né vivant ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1508
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_G1506
BCU_Factums_G1507
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53248/BCU_Factums_G1508.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
doctrine
experts
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
viabilité nouveau-né
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53371/BCU_Factums_G2001.pdf
f1dbb08439bd911f9d449b80d82c9d53
PDF Text
Text
M
E
M
O
I R
E
P O U R
A N
N
E
N A Z O ,
V E U V E DU G ÉN ÉRAL D ESTAING,
CONTRE
LES H É R I T I E R S D E S T A I N G .
A RIOM,
D
e
l ’I m p r i m e r i e
du
A
P
a l a is
v r i l
i
,
chez
8 11.
J .-C . S A L L E S .
�MEMOIRE
P O U R
A n n e N A Z O , veuve de , J a c q u e s - Z a c h a r i e
D E S T A I N G , général de division, en son nom,
et comme tutrice de M a r i a D E S T A I N G , sa
fille, intimée ;
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C O N T R E
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Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
I 1
l o c u ti s u n t a d v e r su m m e i n g u a d o l o s â , e t s er m o n ib u s
o d ii c ir c u m d e d erum t m e . e t e x p u g n a v e r u n t m e g r a tis ......
p o s u e r u n t a dvers u m m e m a la p r o b o n is e t
d i l e c t i o n e
U
ne
m e d
p s
o d iu m p r o
1 0 8
Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d ’événemens que toute la prévoyance humaine n’aurait pu maî
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l , et q u ’elle
a toujours porté avec honneur.
�( 2 )
'
T o u t ce que la capitale de l’E g y p te avait d ’illu s lre , fut le
témoin de son mariage. L e s fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées_dans la mémoire de tous les héros de l’armée d ’O r ie n t,
qui l’attestent : ^Empereur lui * même», convaincu de la réalité
de ce m ariage, fit donner .une pension à la veuve d ’un général
q u ’ il avait estimé. L a fam ille D e s ta in g , plus convaincue que
personne, et plus intéressée à l’ê tre , s’était fait un devoir d’qpt
h
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, c o m m e flattée de lui appartenir.
A i n s i , du m o i n s , cette étrangère qui n ’aborda les rivages de
F rance que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parm i ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille , née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. T e lle fut la situation de la dame
D esta in g , pendant une année, après la,mort de son mari. T o u t
ce que les lois'de F ra n ce prescrivent Jiour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est pla cée, fut exécuté
par la famille D estain g, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d ’être injuste; et déjà à A u r i lla c , com m e au
Caire , une notoriété h o n o r a b l e a s s i g n a i t d a n s l a société, a M a
dame D estaing et à àa n t l e ,J.levrîing auquel elles avaient droit de
p rétendre.
,Quel démon jaloux a troublé cette h arm onie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é t a t , après en
avoir eu la possession légilim e aussi publiquement et sans effort?
Q u e l événement inopiné a transformé tout d ’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d ’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d ’une correspon
dance tronquée,.outrageant la mémoire do celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
i,
L ’or! cette divinité des nations, a brillé aux ye u x des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie q u ’il
�(3
)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et clés cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont «semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
'
A l o r s , par une brusque inconséquence ,* la dame Destaing
présentée à unè ville entière com m e une sœur; son enfant placé
dans tous les registres d’Aurillac , comme héritière légitim e du
g é n é ra l, n’ont plus été que des aventurières inconnues, intro
duites par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
C e n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d ’avoir pour élle l ’opinion publique et la'conscience de la vérité.
Q ue peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vu lga ire, qui aime le m e rve ille u x, commence
à douter, aussitôt que des.fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
- M ais ce n’ est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame D estaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gém ir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter de ce que toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
in créd u les.
I
Cependant la dame D estaing n’a nullement le projet de se
renferm er dans des moyens judiciaires, et de dédaigner l’opinion
q u ’on peut avoir d ’elle; il lui im po rte, plus q u ’à personne, de
donner de la publicité à sa conduite, et de proclam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. E lle
veut de l’estime; et r i e n d a n s ses actions, ne lui a ôté le droit
d’en obtenir.
.
'
r'
'
F'AITS.
T o u s les faits de cette cfiuse s o n t lié s aux grands événemens
de l’histoire.
U ne armée de héros, une colonie de savans allèrent en l’an G
porter en E g y p te la gloire du nom Français.
O n so souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
2
�( 4
)
fut prise d’assaut le lendemain même du débarquement. Les
M am elouks furent vaincus dès leur première apparition, et la
capitale ouvrit ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette armée n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
a rls, chargé de donner des plans d ’amélioration pour les canaux
du N i l , l’agriculture et le com m erce.
Cependant les héritiers D e s ta in g , ramenant tout à leur idée
d o m in a n te , ne veulent voir dans les chefs de cette a rm ée, que
des conquérans licen cieu x, q u i , comme dans un vaste sérail,
a p p e l a i e n t à eux toutes les victim es q u ’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n ’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêm es venaient leur présenter, par politesse et pour prix de
la victoire.
Laissons cette atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’O rient, et poursuivons un récit plus véri
dique. •
Q uoique le but de l’expédition d ’E gypte fût caché dans ces
vastes conceptions q u ’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le prem ier projet du grand hom m e était la
fondation cTune Colonie française. A u re ste , l’établissement de
l ’armée en E g y p te devint bientôt une nécessité. L e m alheureux
combat d ’A b o u k ir , et la perte de la flotte achevèrent d ’ôter aux
Français débarqués tout espoir prochain de retour.
Il fallut donc tourner toutes ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d'affection, s’y faire une patrie.
E t , certes, voilà quelle a dû ê t r e , quelle a été en effet la dis
position des esprits, ubi b e n è , ijbi patria : rien n ’est plus fran
çais q u e cette m axim e; et bientôt les vainqueurs de l ’E g y p te se
r e g a r d è r e n t comme naturalisés sur les bords du Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre le s^ e u x na
tions. Les généraux français en donnèrent le prornier exem ple;
ils devaient ce gage à la confiance qu ils voulaient inspirer. C e
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�(5).
d ’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
L e général en chef Menou épousa une jeune et riche m usul
m a n e , fille du maître des bains d ’Alexandrie. L es généraux L a n t i n , Delzons et Bonhecarrère épousèrent des filles de négociaris
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et militaires français
suivirent cet exemple.
L e s pères de famille d’E g y p te n’étaient donc pas diflerens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
m ariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
Joanni N a z o , ancien officier au service de R u ssie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l ’arm ée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
a v e c le général Destaing, q u i, de la province de C a th ié , où il
fut envoyé d ’abord, vint commander la ville du Caire.
Sophie M is c k , épouse de J oanni N azo , a v a it, d ’ un prem ier .
m a ria g e , deux fille s, dont l’aînée ( A n n e ) avait dix-sept ans.
L e général Destaing demanda la main d’A n n e N a zo ( née'
* ) ; il l’obiînt , et regarda cette alliance com m e un
grand avantage. Joanni N a zo avait a l o r s beaucoup de fortune.
T n s o g lo w
Il n’était pas, com m e les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d ’e a u - d e - v i e ; N a zo était ferm ier-gén éral
des droits imposés par le G rand -Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les M u su lm an s, à qui lekoran
les d éfen d , ne font en E g yp te que la moindre parlie de la po p u
lation. T o u s les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’ y m e
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout cela aux héritiers
D estaing, pour q u ’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en E g y p t e on accordait quelque distinction, et
q u ’ils soient soulagés du moins du poids d ’ une mésalliance.
*
E n E g y p l e , le secon d mari d on ne son nom a u x eid a ns de sa f e m m e ,
en signe de la puissance pa te ru e lle q u ’il a sur eu x .
\
i
�( <3 )
A n n e N a z o , promise au général D esta in g , fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de S a in t-N ic o la s , où elle fut
reçue par le patriarche, cjui daigna lu i- m ê m e se charger de la
célébration.
O n d em an d e , depuis huit a n s , à une jeune épouse, dans
quelle forme lég ale fut co n sta tée cette cérém onie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i , ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d ’autres mœurs ont p r i v é les femmes de l’ O rie n t, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont a c c o m p a g n é son m ariage? Sans doute la dame D estaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l ’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête , la bénédiction et l ’échange
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à D ie u , pour les époux , une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres formalités.
A c c o m p a g n é e par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du gén éra l, elle fut présentée par lui au général en c h e f et à un
grand nombre de convives distingués, appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce p r e m i e r h o m m a g e a u x
mœurs françaises, tout r e n t r a dans 1 ordre acco u tu m é, et sauf
quelques e x c e p t i o n s , le général Destaing se conforma dans l’in
térieur de son m énage aux habitudes égyptiennes.
A in s i se passèrent plusieurs mois dans le calm e et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M a m e lo u k s ,
d onnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
a la r m e s . C ’est alors que leur tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’ une armée ottomane s’avançnit vers la S yrie, tandis q u ’ une llotte anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L e s Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�(
7
)
dans leurs relranchem ens; mais que peut la valeur contre le
nom bre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier q u ’en leur c o u ra g e , et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
. L a dam e D estaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’A le x a n d rie , le général ne put écrire lu i-m ê m e; mais il
fît donner de ses nouvelles à la dame D e s ta in g , par un arab e,,
son dom estique, pour la rassurer sur l ’ état de sa blessure.
L a dame D estaing était alors à la citadelle du C a ir e , où le
général B é lia rd , qui y com m and ait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux fr a n ç a is , et celles de
quelques officiers de m a rq u e , parce que les arm ées ennemies
étaient aux portes du Caire.
T rois lettres arabes furent adressées à la dame D esta in g , à la
citadelle du Caire*. L e s héritiers D estaing n’ont pu les attaquer
que du côté du st^le , q u i, certes, n ’est pas académ ique : mais
a u r a it- o n cru que les formules épistolaires de F rance fussent
d ’obligation p o u r les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt c|uo le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
à-son épouse, dans une langue que son oreille entendait moins
aisém ent, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e , le i
«
,
5
prairial an g.
,
« I l y a long-lems ma chère am ie que je n'ai pas de tes
nouvelles je désire que tu te portes aussi bien que moi.
,*
*
C e s lettres onl pour adresse : à M a d a m e A n n e , fe m m e D estaing.
E ll e s sont d a té e s , l’ uno du mois douL k a d e h , l ’ autre du mois douL h i d j e h ,
d e l’a n n é e I 2 i 5 de l’ h é g i r e , rép o n d a n t a u x m ois d e g e rm in al et floréal
an 9. I l n’y est question q u e de la blessure du général D e s t a in g , d ’assu
r an ce de r e v e n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s p o u r J o a n m N a z o . E lles sont
jointes aux pièces a v e c la traduction de M . S y lv e s tr e de S.'icy, professeur
d e langues ara be et p e r s a n e , ol m e m b r e do l ’institu t.
�( 8 )
« J o a n n i , qu i est chez le g é n é ra l B é lia r d , devrait savoir
« quand i l part des détachem ens p o u r A le x a n d r ie , et en proa file r p ou r m 'envoyer des lettres. C e p e n d a n t, i l ne l ’a p a s
« f a i t la de rn iè re fois : i l f a u t le gronder de ma p a r t, pour
« q u ’i l s o it p lu s e x a c t à l'avenir. On m ’a d it que tu éta is
« g ro sse; j e suis é to n n é que lu n e m ’en aies rien écrit ; écla ircis
« m on d ou te à cet égard. S o is assurée que j e t ’ aim e to u jo u r s ,
« et q u ’ i l me tarde beaucoup de te revoir. E n à lte n d a n t, j e
« t ’em b ra sse, a in si que ta m ère et ta sceur, sans ou b lier la
« bonne v ie ille . L e g é n é ral D e s t a i n g ».
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
dame D estaing , semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son ¿poux ; elle est restée comme un m onu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
D e s ta in g , et leur prouver q u ’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n ’avait jamais cru avoir
ave c une jeune grecque que ce q u ’il leur plaît de nom m er,
dans leurs idées licencieuses, un arrangem ent oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois m o isj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en.
messidor an 9. Un article p o rta it, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de t r a n s p o r t pour conduire a ]\Iarseille les
Français et ceux déjà attachés à leur fortune. L es dames reti
rées à la citadelle avaient la faculté de rentrer dans la ville du
Caire.
M ais le général en c h e f Menou ne voulut point ratifier cette
capitulation ; les portes de la ville restèrent ferm ées, les per
sonnes comprises dans la capitulation, la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou e lle -m êm e, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général D es
ta in g , craignant encore pour son épouse les dangers d ’une ville
assiégée , lui donna ordre de se rendre en F r a n c e , où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni N azo , compris com m e commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
g recq u e, dans la capitulation du C a ir e , devait partir avec la
d am e D estaing et le reste de sa famille. L e général leur écrivit
de l’attendre à M arseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
D estaing.
U n vaisseau grec ( le S a in t-J e a n ), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’A b o u k ir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
T o u t ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l ’A r c h i p e l , hors
d’état de tenir la m er sans des réparations urgentes et considé
ra b les, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
U n long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
r a d o u b e r le v a is s e a u . L a
d a m e D e s ta in g , e x trê m e m e n t souf
f r a n te , croyait s’y reposer et attendre l'époque de ses couches.
M a i s , tout à coup , on fut averti du danger que couraient
des Français et des Grecs d ’être la proie des T urcs en croisière
dans cmie mm-. O n leva l’ancre à l’instant : mais après un lo n g
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu'à rxic de cdp/ inlonie, q u ’il
avait déjà dépassée. C ’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. U n prêtre g r e c , desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l'enfant sous le nom de M aria d 'E s la in g , tenue, sur les
fonds baptism aux, par Sophie M i s c k , sa g ra n d ’m ère, et par le
sieur N assilli, oilicier de l’escorte.
D e u x jours après, le teins propice perm it de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de M essine; rejeté en arrière de
5o
lieues dans*la mer
Ionienn e, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le d é ta il,
et forcé de changer de route, il aborda à T a r c n t e , dans le gou
vernement de M . le général Soult (aujourd’hui maréchal dfi
1Enipirc et duc de D a lm a tie ).
3
�(
10
)
• C ’est ainsi qu’ une famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la ferre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet instant il y eut une trêve à ses malheurs.
M . le général S o u l t , informé de l ’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
M adam e D estaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
L e s lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M . le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples
offres
de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10........... « V e u ille z , j e vous p r ie , renouveler
à m adam e D e sta in g les offres de services que m on épouse et
m o i lu i fa iso n s de tou s Iss secours qu i pourraient lu i être n é
cessa ires/ e lle nous obligera infinim ent d'en disposer. S o u l t » . ’
Q ui donc avait pu informer M . le général Soult du nom de
la dame D estaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse traversée du vaisseau le St.-Jean, l’armée fran
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour M arseille, où depuis long-temsils croyaient
leurs épouses arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il p a r a ît m ême qu’ils écrivirent à M . le
général Soult, et
voilà
ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que M adam e Destaing allât se rétablir dans sa maison de
c a m p a g n e , et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
A p rè s un mois de séjour, M adam e D esta in g , remise de ses
souffrances, voulut partir de T a re n te , mais en marquant une
g r a n d e
répugnance pour continuer son vo yage par la Méditéranée.
M . le général Soult porta la bonté jusqu’à lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu’au premier port de son
go uvern em en t, de là traverser l’A d r ia tiq u e , et continuer par
terre d’A n co n e à L y o n .
�( I l )
T o u t cela s’exécuta de point en p o in t, et sans le plus léger
accident. M . le général Soult voulut encore donner sa voitureà M adam e Destaing jusqu’au port de B arlelta. Il fit chercher
une nourrice pour sa f i l l e , et chargea M . D e sb ro sses, officier
français, de l’accom pagner jusqu’à L yo n .
V o ilà com m ent et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers D estaing accablent de dédains et d ’o p
probres.
M a d a m e Destaing s’arrêta quelques jours à L y o n pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni N azo partit
sur-le-champ p o u r aller le joindre à Paris.
O n peut se représenter l’impatience d ’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’ était exposée à tant de périls.
H élas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. J oanni
n ’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son m eilleur ami.
L ’accueil afFectueux du général n’avaij pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d embrasser son eufum p o u r la p r e m i è r e fois ; le u r s p r o je t s
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans q u ’ils passèrent
ensemble........ L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à L y o n q u ’ un coup mortel venait,
de la frapper elle-même. E lle comptait les inslans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur Bordin , chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing p ère, qui invitait
ce sieur Bordin à accom pagner sa f ille à A u rilla c, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Com bien elle allait être à plaindre , celle q u i, tombant toutà-coup des illusions riantes de sa pensée dans la ceriitude d’un
isolement affreux , allait se trouver sans époux et sans patrio
parm i des êtres dont la demeure , les ha b itu d es, la langue
môme lui étaient inconnues. Q ue celui qui a pu se faire une
idce des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�(
12 )
â m e , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E g yp tien n e, au m ilieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’affabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, il faut le d ire , lui donna les mêmes
marques d’amitié et d ’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l ’â m e , et la dame D estaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. U n odieux intérêt n ’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait alors à pleurer un fils, un é p o u x , un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin m utuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour la succession du général. L es scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel M éot qu’ il habitait le jour
m êm e de sa mort ( i 5 floréal an 1 0 ) .
Il
s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui e n prit l ’i n i t i a t iv e ; un conseil
de famille fut c o n v o q u é d e v a n t le ju g e de paix d ’ A u r i l l a c , l e
5
m e s s id o r a n 10. L à le s.r D e s ta in g , père du général, juge au
tribunal de première instance, exposa : «que Jacques-Zacharie
« D estaing , son (ils , général de division, était décédé à Paris ,
a la issan t une f i l l e u n iq u e , âgée de cinq m ois, nommée M a r i a ,
« p rovena nt de son m ariage a vec A n n e JS’azo , g recque d ’o n a g in e , laquelle avait besoin d ’ un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o u s , p è r e , le m é m o qui avait toute la conG ancc du généra l
D esta iu g à ses derniers i n o m e n s , et M . D e l z o n s , gé n é ra l de b r i g a d e ,
aussi eu E g y p t e , sout m e m b r e s d e c e couseil de fa m ille.
I
marié
�•
( *3 )
tuteur de Maria Destaing, M . D estaing, son aïéul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D e sta in g ; lui alloua des
habits de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à'
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice q u ’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit le serment ordinaire d ’en remplir fidèlement les
fonctions.
V o ilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
p lacé sous la protection de la lo i, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i , sans aucun d o u t e , le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à P a ris, et suivis d ’ un inventaire. D ans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing p è r e , tuteur de
M aria Destaing ,J i lle et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir que ce q u ’on laisse dans un
appartement d’ hôtel g a rn i; des v ê te m e n s, des a rm e s, quelques
papiers de portefeuille *, et deux rouleaux de
5o
louis. On y
Consigne ce fait, que 1« gf$udi-al nvnit remis, peu de jours avant
sa m ort, à M . Delzons père, législateur, 18,000 fr. q u ’il avait
touchés à la trésorerie , pour q u ’il les fit passer à A u rilla c .
Pendant ces tristes opérations , la dame Destaing vivait à
A u r i l l a c , quelquefois dans les sociétés o ù 'o n la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle , occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i , en lui apprenant leur la n g u e , lui parlaient
de son e'poux.
U ne grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
*
Il y
a va it une lettre du lieutenant L a t a p i o , et un9 lettre de J o a n n i
N o z o , toutes d eu x écrites de T a re n te . C e s lettres a v a ie n t été supprim ées
d e p u i s , et n’ ont pu être c o m m u n iq u é e s qu’ en vertu d ’un arrêt de la Cour.
�C H )
des pensions, com m e veuve du g én éra l D e s la i n g , i 5 jours
après sa mort *.
* Cet état de quiétude dura environ une année. M ais les frères
et sœur D estaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de tems , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ ils
avaient fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L à mélancolie de la dame D estaing lui faisant préférer la so
litu d e , on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. S i, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l ’intrigue et des
conseils. L a dame D e s ta in g , sa belle-m ère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence : e n fin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur D estaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette défiance prit d ’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils; et la seule punition q u i lu i v i n t en idée contre la mère,
fut de faire e n l e v e r l’e n fa n t pour le cacher à la c a m p a g n e , en
p r e n a n t des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pns sa retraite.
M ais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
A lo rs on parut compatir à la douleur d ’ une mère justement
alarmée. L a dame D elzons ( é g y p tie n n e , et jusqu’alors très-liée
avec la dame D e s t a in g ) , écrivit d ’A u rilla c à Joanni N azo ce
qui se passait. N a zo partit s u r - l e - c h a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d ’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re v e t d e celle p e tn io u est tlu 29 floréal an 10.
�( i5 )
Destaing quitta A u rilla c avec N azo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur D estaing, son b e a u -p è r e , ne voulut
jamais que M aria D eslaing partît avec eux.
Joanni N azo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rappo rt,
suivit p e u t-ê tre un peu trop son premier m ouvem ent. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
r ié té , par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
m er a v e c la dame D estain g, certifièrent qu’elle était mariée au
C aire, et qu’ elle avait donné le jour à une fille baptisée à C ép h alo n ie , sous le nom de M a ria ; et muni de cette p iè ce , il fit
adresser un m ém oireà l’E m p ereu r p o u rré clam erM a ria D esta in g .
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main ; et Son
E x c . le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait retenu.
M ais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profitèrent de celte circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère q u ’il
avait jusqu’alors chérie com m e sa fille. T e lle a été la source du
P l ’OCL’S.
L a première hostilité vint des frères et sœur D estaing, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre les mains de leur
père , le mobilier et revenus de la succession du g é n é r a l, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d ’assigner la v e u v e , dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession q u ’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celte lenteur
eût été trop douce; il fallait tout d ’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibération du conseil
de famille. L a dame Destaing fut donc forcée de p r e n d r e les voies
judiciaires; elle a ssig n a , le 27 nivôse an 1 2 , le sieur D eslaing
père ( nu tribunal de la S e in e, lieu du d é c è s ) , pour demander
remise de la succession , et une provision pour ses nlimens, dont
on avait affecté de la priver.
�1
6
}
Celte privation était inhum aine; mais la dame Destaing a été
(
heureuse de la soulïrir. Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d ’une pension de 2,000 fr. au lieu de S20 fr. tju’elle était
jusqu’alors *.
Croirait-on que les héritiers D estaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de fa m ille , q u i, disent-ils, avait donné par
erreur, à A n n e N a z o , une qualité dont elle fit usage pour o b
tenir une pension ! Rem arquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 1 0 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à A n n e N a z o , com m e veuve D e s ta in g ,
plus d’ un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame D estaing ,
ses adversaires introduisirent à A u rilla c une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
L e s frères et sœur D estaing assignèrent leur père à A u r i lla c ,
en remise de la succession du g énéral, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit q u ’A nn e
N azo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant Je j u g e m e n t n e fut s i g n if i é q u ’a u
sieur Destaing p ère, le m o in s in té r e s s é à le connaître ; et la dame
D e s t a i n g n ’e n a appris l’existence qu e long-teins après.
O n lui laissait, pendant ce tem s-là, obtenir un jugem ent à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlem ent de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à A u rilla c : il le fut au tribunal do
M auriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dame D es
taing recommença son procès à M a u r ia c , où elle était renvoyée.
* « M in istère d u trésor p u b lic. — P a r i s , i 3 pluviôso an 1 2».
« A rt. i.«r L a pension de S20 fr. a cc o rd ée par arrété du 29 floréal an 1 0 , à
« A n n e N ax,o , n é e en E g y p t e , veuve d u 5.TJ a cq u e s-Z a ch a rie D esta in g ,
« général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t . 2. Le» M iuistrc* de la gu erre et du trésor pu b lic sont c h a r g é s , etc. ».
«
Sifflé
N A P O L E O N
».
Là
�(
1 7
)
t
L à on fit dire au sieur Destaing pè re , qu’il révoquait l'a v e u
qu ’il avait fait de L'état et p o ssession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant; que les certificats de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu ’il ne con
naissait d ’autre enfant de son f i ls , q u ’ un enfant na tu rel, né
avant son départ pour l’E g y p te ( que l ’on disait tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d ’une femme de P a r is ) . Puis il demanda à la
dam e Destaing une caution pour être admise à plaider, com m e
étrangère.
Y o i l à ce que les héritiers D estaing osèrent suggérer à leur
p è re , sans égard pour la..mémoire du g én éral; et ain>i leur
animosité était telle contre sa v e u v e , qu’ils aimaient m ieux a p
peler à la succession u n 'in c o n n u , sans n o m , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.
Cependant la dame Destaing voulant ne laisser aucune sus
picion sur son certificat d’égyptiens, et pouvant fort aisément
le suppléer par des témoignages français, réunit devant le juge
de paix de P a ris , en la forme légale des actes de notoriété,
s e p t cito y e n « (Hetingués qui s’étaient trouvés au Caire en l'an
0 et
en l’an 9; i.° l’ordonnateur en c h e f de rarmdc ; 2..° rinspectnirgénéral aux revues; 3.° le chirurgien en chfef de l’armée;
4.0 lin
général de brigade; 5.° le trésorier-général d e l à couronne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie im périale; 7 .0 un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’A n n e N azo a va it é té u n ie religieusem ent
« au C a ir e , suivant les rites du p a ys, et en lég itim e mariage
a avec le général Destaing , dans le courant de l ’an
0,
par le
« patriarche d 'A le x a n d r ie . Que l’acte de célébration n ’en avait
« pas été r é d i g é , parce que ce n’était pas l’usage : mais que ce
« mariage n’en était pas moins constant, ayant die célébré en
« présence d’ un grand nombre de militaires français, tt de la
plupart des déclarons. Q ue depuis cette célébration A n n e
�( i8 ) ,
U N azo n ’ a v a i t pas cessé d ’habiter en E g y p te avec son m a r i ,
« qui l’a toujours traitée com m e son ép ou se lé g itim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . l e (
général en c h e f de l’armée d’E g y p te , et M . le général D u p a s ,
alors absens; le prem ier, comme gouverneur des départem ent
au-delà des A lp e s ; le second, com m e gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fit écrire pour l e u r ’d emander la déclaration
de la vérité sur son m a r ia g e , et reçut deux certificats attestant
avec la même force la connaissance personnelle que ces deux
généraux a v a i e n t de son mariage *.
L ’a c t e de notoriété fut hom ologué par le. tribunal c i v i l d ç la
S e in e , sur le rapport d’ un j u g e , e t 'sur les c o n clu sio n s<
■
du
ministère public, i
i
'
v
' -,
M u n ie de cette pièce im p o rtan te, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame D estaing crut son procès fi n i,
et se présenta à l’audience de Mauriac.' M ais combien elle se
*
« J e d é c l a r e , au n om d e la v é r i t é et d e l’ h o n n e u r, q u e , lorsque je c o m
m a nd a is l’a r m é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é n é r a l D e sta in g s’ est m a r i é
en l ’an 8 a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . ........... L e g é n é ra l éta it venu,
m'en, fa ir e part .................. J e m’engageai ô y a ssiste r , ainsi q u ’ au repas
qui eut lieu après le
avec ta p lu s
mariage. J e rem plis m a prom esse. T o u t s 'y p a ssa
grande
régularité sous les rapports c iv ils et relig ieu x ».
« A T u r in , le 18 ju illet 1806 ».
« L e g é n é ra l M e n o u ».
« J e certifie q u ’ étant c h e f d a b r i g a d e , c o m m a n d a n t la c itad e lle du C a ir e
sous les ordres du gé n é ra l D e s t a i n g , j ' a i en p ar/aile et sure con naissance
d e so n légitim e mariage a v e o m a d e m o ise lle A u n e N a z o ..............J ’atteste
a vo ir eu des liaisons particulières a v e c beau cou p d e personnes très-distin
guées qui m ’ ont dit avoir été présentes à ce m a ria g e, qui fut céléb ré
p u b liq u e m e n t ........................
« P a r i s , le 3o ju ille t 1806 »•
ii
;
f
•
« L e g é n é ra l D d f a s ».
�( ï .9 )
trompait ! L a cause eût été trop simple avec le sieur D estaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre dans leur in te r v e n tio n , leur tierce op p o
s it io n , leur s a is ie , leurs in cid en s de toute espèce : il suffit de
parler du jugem ent de M a u ria c, du i 3 août 18 0 7 , dont il est
nécessaire de préciser les dispositions pour les comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d ’appel.
L e tribunal de M auriac ne crut pas devoir s’arrêter aux preuves
existantes; il les jugea insuffisantes, et ordonna que la dame
D e s ta in g p ro u v e ra it, i .° « Q u ’il n’est pas d’usage au Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire des actes de mariage
« et de naissance; 2.0 q u ’elle a été mariée au C a ire, en l ’an 8 ,
« avec le général D esta in g , pa r le patriarche d’A le x a n d rie , avec
« les cérémonies usitées dans le lieu ;
3 .°
q u ’elle a cohabité de-
« puis avec le général Destaing jusqu’à son retour en F rance ÿ
« et que dans tout ce tems elle a été publiquement reconnue
« pour épouse du général De6taing; 4 .0 qu ’elle est accouchée à
« C é p h a lo n ie , en nivôse an 10 , d ’ une fille provenue de ce ma« r i a g e , laquelle a été nommée M aria D estaing ».
Il y eut-, de part et d’autre, a p p e l d e c e j u g e m e n t j la clame
D eslaîng s’en p la ig n a it, pârce qu’il l’assujétissait à une preuve
non-scUlement déjà fa ite , mais qu’elle crut Inutile, puisqu’elle
avait une possession d’état émanée de la famille Destaing ellemêm e. L e s héritiers'Destaing s’en plaignirent aussi, en ce q u e ,
disaient-ils, le Code civil ne pèrmet de prouver les mariages qué
pa r écrit et par les registres de l ’état civil.
• J1 •
C e n’était point assez d ’avoir accablé de calomnies la dame
D estaing à A u r i l l a c , M a u ria c et P a ris, les héritiers D estaing
lui réservaient pour la C o u r d’appel des imputations plus dures
encore. A les cro ire , elle n ’était qu’une prostituée de la plus
vile classe , offerte au général par sa propre famille ayant même
q u ’il eût sur ce point montré aucun ddsir; une grecque artifi-
6
�( 2° )
cieuse et r u s é e , qui avait su en imposer quelque tems à une fa
mille c r é d u l e ; ensuite, et pour avoir le droit d’ insister sur la re
présentation d’ un acte c iv il, ils la transformaient en musulmane
échappée d’un h arem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger.
L a Cour d ’a p p e l, par arrêt du n juin 1808 , a cru devo ir,
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
o rd o n n ée , mais avec des motifs bien précieux pour la dame
D e s ta in g , et qui p r o u v e n t q u e les magistrats, convaincus com m e
homm es, ont s e u le m e n t voulu ne négliger aucun moyen légal de
découvrir la vérité.
1.
Cependant la preuve ordonnée à M auriac n ’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue. « L a Cour dit qu’il a été bien
« jugé en ce que la preuve testimoniale a été ordonnée, et néan« m oins, réduisant ¡ ’in te rlo c u to ire , ordonne que dans six mois
« A n n e Nazo fera p r e u v e , tant par titres que par tém oins, d e« vaut les premiers j u g e s , que pendant que le général Destaing
« étjit en activité de service au C aire, elle a é té m ariée avec lui
« publiquement et solennellement par Je patriarche d’A le x a n « drie, suivant le rii grec et suivant les formes et usages obser« vés dans le pays ; V autorise à ju ir e entendre les p a r e n s, tant
« d ’elle que du général .Deslaing, ainsi que to u tes les personnes
« q u i ont d éjà d o n n é des a ttesta tion s par forme d ’acte de no« toriété, à Marsei.le et à P a r is , ou des certifica ts dans la
« c a u se , sa u f tous autres reproches de droit qui pourront êlro
« proposés, et sur lesquels les premiers juges statueront, sauf
« preuve contraire ; ordonne que les frères et sœur Destaing
« rapporleiont les deux lettres mentionnées en l ’inventaire
« du 24 messidor an 10».
L es héritiers Destaing menaçaient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d ’une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre N éphis D a v id , G éorgienne,
�( 21 )
mariée en E g y p te avec M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par mille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquem ent l ’enquête, en disant que le
président de M auriac n ’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas ju g er ce grave p ro c è s,
le renvoie à M a u r i a c , et M au ria c le renvoie en la Cour. L à ,
vaincus dans leur m is é r a b l e incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation .du
délai q u ’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes; mais la Cour
en fait justice, e t, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de M auriac à donner les commissions nécessaires,
re n o u ve lle le délai d’e n q u ête, et punit les héritiers D estaing
p a r une condamnation des dépens faits à R io m , à M auriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoius appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
E nfin les enquêtes se font, l ’ une à M arseille, une autre à
P a r is , une autre à A u r i l l a c , et une dernière à M a u ria c; mais
l ’obstination tdes héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
PaVlS est rem arqu able, "m -io u i par la verbalisation .continuelle
de l’un desjhériliers D esta in g , q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le ju g e ; à chaque mot il avait des obser
vations à faire écrire, ou;des questions nouvelles à adresser aux
'■ * L a C o u r 'd o M e t z a va it o r d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
u n 'a c t e d e n o t o r i é t é , constatant q u e les chrétien s grecs ou rom ain s q ui se
m arien t à O i z é , piès le C a i r e , 11e sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m otif q u e des ordres du jo u r
p u b lié s en E g y p t e , en l ’ an 6 , ex igeaient q u e tous les a c t e s , e n t r e F r a n ç a is
ê t E g y p tie n s , fussent reçus p;ir les com m issaires des g u e r r e s .
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte d e notoriété était su ffisa n t, et avait été lé g a le m e n t
o r d o n n é j en c o n s é q u e n c e , le po u rv oi a été r e je té le S juin 1809.
�(
22
)
témoins; et quelles questions encore!..... ( S i en E g yp te il n’est
pas reçu q u ’on se marie pour un teins..... S ’il n ’est pas vrai que
les T u rc s coupent la tête aux femmes qui ont commerce avec
les Européens,.... e t c ., e t c .)
ic i
E h bien, toutes ces billevesées sont fidèlement écrites dans l’en
quête de P a r is , renouvelées ad liùilttm , *et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
A M arseille, il n’y avait pour les héritiers*Destaing qu’ unfondé de p o u v o i r ; et soit q u ’ il n'osât pas se permettre toute cette:
verbalisatio n , soit qae les jo g â s mérîdiortaüx- soient'momsnpaJ
liens que ceux de la capitale, l ’enquête s’est faite en la forme-ordi
n a ire , et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant àfM arseille, com m e à P a r is , on ne m anqué pas
de faire insérer des reproches contre cliaqué pàrent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné ü e s !atteslations ( m a lg r é
l’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
M algré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent}
des témoins distingués Tendent'compte de ce q u ’ils ont vu e t
entendu. Ilrésulte'de leurs dépo$iiiôtis une preuve aüssvcomplôtë
q u ’il était possible de l’attendre a p r è s *ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
!
ru )l L e s deux enquêtes de lü dam e Destaing sont' cûtnposées do
dix-sept témoins entendus à P a ris , et dix enteudus à Marseille.
P o u r ne pas être diffus, en suivant le détail d’ un,aussi gvand
nombre de dépositions, il faut.îles rapporter a trois .faits prin
cipaux : i.° la fête nuptiale; z.° la cérémonie de l’église;
notoriété du mariage.
!’
,
3.o
la
■
i .° M M . les généraux L a g r a n g c , D u ra n t eau et B ertra nd ;
M M . S a r le lo n , secrétaire-général du ministère de la "guerre;
M a r c e l, directeur-général de l’imprimerie impériale ; C lé m en t,
négociant; L a rrcy , m é d e c in ; A n n a ü b a d a n i, ancien commis
saire de police au C a i r e , ont déposé avoir assisté au repas de
�(
*3
)
nôces : les sieurs D u f é s , T u tu n g i et M i s c k , parens d ’A n n e
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont v u encore M . .le
général en ch e f M en ou (d écéd é pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u r e , commissaire des g u erres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. O n ajoute que ce fut la f ê t e la p lu s so le n n e lle qu’on eût
v u e dans le pays.
2 .0 L a célébration ecclésiastique est l ’objet de treize déposi
tions. L e général Destaing avait co m m u n iq u é son m ariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des b ille ts d 'in v i
ta tio n ; et M . Sa rtelon dit m ême q u ’il croit avoir vu l’annonce de
çe mariage dans la gazette du .Caire. M M . L a g ra n g e et L arrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. L e u r
service les empêcha d’arriver assez tôt. M . L arrey dit q u ’il arriva
lo r sq u ’on so rta it de V ég lise, et q u ’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d ’exactitude. D o n M o n a ch is ,le s s.rs T a k et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires,, q u ’ils n om m ent, leur
ont dit a vo ir a ssis té à c ette célébra tion dans l ’église S a in tN ic o la s. L e sieur C h a m , ancien interprète de M . le prince de
NeufeWâipI. déclara a voir vu les préparatifs de la fêle sur la
place A ta b e l-e l-¿ a r g u a . L e 1» s i e u r s O ù a t l a n i , c o m m i s s a i r e de
po lice; R o s e t t e , bijoutier, étaient présens à la céléb ra tion du
m a r ia g e, f a i t e par le patriarche d ’A le x a n d r ie , dans la m êm e
église. L es sieurs J o se p h D u f é s , J o se p h
T u tu n g i, Ibrahim
T u tu n g i, S o p h ie M isck et J o se p h M isck déposent également
a v o ir a ssisté à c ette céléb ra tio n f a it e p ar le p a tria rc h e , avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église g rec q u e ,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N ic o la s P a p a s O g lou
était le parrain de la m a rié e , suivant l’ usage. L e sieur B a rth éle m i Serra dit avoir élé in v ité à c ette cérém onie par le général
D esta in g , mais n’avoir pas a c ce p té , parce qu’il était brouillé
avec la famille N a zo ; il ajoute que le g é n é r a l Destaing lui d it ,
avant son,jnariage, q u ’il serait célébré su iva n t le rit g r e c , et
Qu’ensuite il lui dit que son mariage avait é té céléb ré p a r le
�( H )
patriarche g r e c , scion le rit g rec; q u ’il avait voulu se conformer
à 'l’usage du pays.
1
3.° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au C a ire; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se trom per, que tou s les té
m o in s, sans exceptio n , attestent que to u te la v ille du Caire
regardait ce m ariage com m e lég itim e ; et précisément tous ces
militaires français , qu’on a peints com m e ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui attestent le plus
fortement que p erson n e ne dou tait y au Caire et à l a rm ée, de
la lé g itim ité de c e m a r ia g e ."
'• •
L e s héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u r illa c , composée de trois témoins, et l’autre à M a u
ria c , de deux témoins.
A A u r i l l a c , ce sont le sieur D elzons père et la dame D elzons
sa b e lle -fille, cousins des héritiers D estain g, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur D elzons père, qui n’a rien vu , ra p
porte seulement deux conversations : un jo u r , à P a r i s , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
po uvait être m a rié e , mais que lui ne l’était p a s; le sieur D e l
zons ajoute q u ’il fit cesser c e lle p la isa n terie. U n autre jo u r, h
P a r is , le général D e l z o n s , s o n f i l s , lu i d it q u ’ il y avait eu
dans la maison N azo une cérém onie relig ieu se à la q u elle i l
a va it a ssisté.
L a dame D elzo n s, née V a r s y , déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an 9 , et on lui dit que la veille 011 avait conduit
A n n e N azo chez le g é n é r a l, à l’entrée de la n u it, sans cérémonie
ni fête; q u ’il y eut une fête ensuite, mais pour lebdptême de son
e n fa n t, et qu’A n n e N a z o 'y occupait la place de m aîtresse de la
m aison. E lle ajoute que cependant elle a oui-dire (¡ne le jour
q u ’A n n e Nazo avait été conduite chez le général D estain g, i l y
a va it eu une cérém onie religieuse q u i a va it é té f a i t e par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu: de personnes avaient
assisté.
‘
Jusquo
�( 25 )
• J u s q u e - l à on voit que la dame D elzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le ju g e l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par dire q u ’elle croit
qu 'o n regardait au Caire A n n e Nazo comme épouse lé g itim e
du sieur D estaing, et que p ou r e l l e , e lle la croya it fe m m e du
généra l D e s t a in g , et lu i rendait le s honneurs atta chés à c e
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie r i e n , dépose s’être trouvée à L y o n lorsque le général
D estaing arriva d ’E g y p te : elle dîna a vec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellem ent, qu ’elle ne la laissa pas
échapper. E lle ouvrit donc la conversation, com m e c’était tout
sim p le, et parla de cette belle G recque q u ’i l avait é p o u s é e , que
to u t le m onde le d is a it, que sa famille en était instruite, etc. L e
g é n éra l, qui avait perdu en Orient l ’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E l l e est p a ssée d'un c ô té et
m o i de Vautre. Puis il se tut sans miséricorde. Mais la demoiselle
Gronier tira , à ce qu’elle d it, plusieurs conjectures du m o u ve
ment de ses doigts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
TIC pO U V Û Tlt p l l l S T ie n d i r e s u r c c c h a p i t r a , c l i c p a r l a s u r cl*autr6S
q u ’elle Ijuge inutile d’être racontés. L o rs q u ’ensuite la dam e
D estaing fut’ venue à A u r i l l a c , la demoiselle Gronier ( p a r une
prescience du procès actuel)', poussa le scrupule jusqu’à demander
à la dame D eslaing s ’i l y avait des registres de m ariage au C a ir e ,
et la dame Destaing lui répondit encore q u ’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n f i n , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu d é c la r e r , par m adam e D e lz o n s ,
fem m e du g é n é r a l, qu’A n n e N azo avait été mariée ,
mari
{ le g én éra l D e lz o n s )
et que
Y était pr é se n t. (V o ilà
son
l ’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers D e s
taing prétendent leur être fort a van tageu se).
L e s deux témoins de M auriac disent fort peu de choses, quoi-,
qu’ils fussent dans la maison du g é n é r a l, lors de son mariage.
L ’un était son palfrenier au C aire; le cuisinier lui dit qu’oü
7
�( 26)'
avait mené une fem m e chez le général : et il n ’en sait pas
davantage pour ce jour-Ià. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M en o u et to u t C état-m a jor. Cette femme y
était aussi, il l’a entendu appeler M adam e D esta in g .
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
général. O n lui dit aussi q u ’on menait une fe m m e , et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa f i g u r e , parce qu’e lle
éta it voilée; elle était accom pagnée par une autre fem m e; et il
vit p lu sieu rs escla ves de son escorte, restés dans la cour; a lo rs;
craignant d ’ê tre a p e r ç u , il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là q u ’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait in utile, les héritiers Destaing leur font demander s’ ils
ont vu des mariages en Egypte. T o u s deux déposent en avoir
v u un : la mariée était sous un d a is , précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o i là en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
directe , loin de la détruire.
A u ssi les héritiers D e s ta in g , comprenant fort bien q u e , sous
ce point de v u e , leur cause d e v e n a i t i n s o u t e n a b l e , ont-ils Voulu
tourner tous leurs e ffo r ts du côté de 1 acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de M a r s e ille ,
on n’a pas dit qu’à chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en E g y p te , quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
M ais plus cette partie était obscure,
et plus les héritiers
D estaing y ont fondé d ’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
q u ’il existait des registres, c ’est avec l ’explication tr è s-lu m i
neuse de la différence des églises. A in si les héritiers Destaing
n ’avaient encore rien éclairci qui ne leur fût contraire.
L e procès des héritiers Eaultrier leur a fourni d ’aulres res-
�( 27 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consuL
d'E gypte des certificats sur la tenue des registres c iv ils , et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à M etz.
C es certificats é m anen t, à ce q u ’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs c a th o liq u e s , et du supérieur de la
m issio n .
L a dame D estaing, qui n’avait jamais o u ï parler au Caire*
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d ’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R a p h a ë l
M onachis , l’ un
des témoins de son
enquête , prêtre grec
catholique r o m a in , appelé de l’E g y p te par Sa Majesté Impériale
p o u r être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
D o n M onachis avait été envoyé d’E g y p te à R o m e pour faire
ses études. R e v e n u au couvent des D ruses, sur le M o n t - L i b a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de R o m e ),
il reçut la mission d’âller au Caire, rem plir les fonctions de curé
cath o liqu e, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
juscju’ù tic cjtt’li or»
obtenu la permission de venir en France.
C e lettré a parfaitement expliqué aux c o n s e i l s de la dam e
D estaing l’équivoque que ces certificats pouvaient produire a u x
y e u x de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en E g y p te des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o i n t , et encore cet usage est-il récent ;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d ’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V o i là ce qu’a dit don M onachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame D estaing ont d é siré o b t e n i r de lui
com m e garantie d ’un simple fait h i s t o r i q u e , qui eût pu paraître
apocryphe dans la bouche d’ une partie intéressée,
3
�. .
( 2 S )
C ’est ainsi qu’ il.fallait être en garde contre les embûches sans
eesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
M a u r i a c à ce qu’il se désistâ t de V in terlocu toire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de M arseille
comme transfuges et in ca pa bles de tém oigna ge , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu ’ il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. E t enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses a elle et a sa fille de porter le nom D estaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort q u ’ils
méritaient ; e t, par un jugem ent du 14 août 1 8 1 0 , parfaitement
m o t i v é , le tribunal de M a u r ia c , conv,ainc.u.:de l’ extrême évi
dence des p re u ve s, a reconnu A nn e Nazo pour épouse légitim e
du général D e s ta in g , et M arie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était e n c o r e ouverte aux héritiers Destaing f
et ils ne l’o n t p a s n é g l i g é e . Veulent-ils encore se venger de la
v é r i t é par des outrages? Mais il n ’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires, dont l ’imagination fait tous les frais ;
q u ’elle arrange a v e c art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d ’hésiter entre le mensonge et la réalité. A u jo u r d ’ hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les noms , les
qualités , les u s a g e s , sont constiins ; la dame Destaing aurait
d>nc rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
exact de ce qui résulte d ’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers D estaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�(
29
)
M O Y E N S.
L o rs q u ’ un étranger se dit m alheureux dans une pairie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d ’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
m ent du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’ une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’é v id e n c e 'd e ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à faire apercevoir la
vérité.
M ais si cette vérité est si lente, le v u lg a ire , dans sa curiosilé
d ’ un m o m en t, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? A v id e de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
m onde s’empare des événemens extraordinaires pour les ju g er
a v e c la promptitude qui convient à la mobilité de ses sensations.
Si r'art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élduicn» merveilleux e t tant soj t peu vraisemblables , malheur à ‘
la victim e , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. E nlin le
tems ramène toul à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. L e nuagede la calomnie est quelquefois tellement épais que
l’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusem ent les m agis
trats ne se d é c i d e n t point comme le vu lga ire; fermant les y e u x
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , d é
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séd uire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent l’opi
nion à proclamer q u ’elle n ’avait été c r é d u le que par lassitude o u
indifférence.
*
�Ç 3o )
C ’est une grande consolation sans doute pour la dame D es
ta in g, d ’avoir pu prouver son état avec plus d e clarté qu’elle
n e pouvait l’espérer à un aussi grand éloignement de sa patrie ;
m ais q u ’elles ont été longues ces années de procès! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiété où une ligue obstinée s’est
plu à la tenirdepuis'l’an n ? L e v a in c u , n ’en doutons pas, s’ap
plaudira encore intérieurem ent du mal réel q u ’il aura fait, alors
m ême qu ’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
-,
Cependant les hostilités n ’ont point cessé encore; l’évidence ne.
peut arracher a u x héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s ’ é c r ie n t encore qu ’il n’y a point eu de m a ria g e; que les en-,
quêtes doivent être rejetées, et qu’ il faut des registres de l’état
civil , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
L e s enquêtes doivent être rejetées! V o i là bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la C o u r les a jugées,
nécessaires?
*
L a loi, disent les héritiers D esta in g , ne s’oppose pas à ce que*
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est v r a i, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.»
M ais quelle lumière, nouvelle ont donc apportée les héritiers D e s
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - i l s de la fau sseté du
m ariage que tant de t é m o in s attestent ? A u c u n e ; absolument
aucune : la c a u s e est donc dans le même état qu elle était lorsque*
la C o u r a ordonné une preuve. A in si on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d’un interlocutoire
ordonné par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté : la preuve est
complète. U n e foule de témoins du premier rang parlent de la
c é lé b r a t io n du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : les uns étaient tém oins ocula ires des f ê t e s , les
autres tém oins o cu la ires de la c é lé b r a tio n , d’autres étaient in
vités et n’ont pu être présens h tout; d ’autres enfin ont seulement
ouï attester la célébration ; mais celle attestation leur avait été
�( 3.
)
donnée par des personnes présentes qui n ’onf pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces o u ï-d ires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux M en o u et D u p a s,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame D estaing
a été privée. Com m ent la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu ’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a r fa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute q u ’elle n ’a pas?
O n ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesm êm es que le généra l D e lz o n s * éta it p résen t à la céléb ra tion
d:i m a ria g e, et achèvent de démontrer combien l’opin io n , sur la
légitim ité de ce m a r ia g e , était certaine pour ceux-là m ême q u i,
dans l’arrangement de leurs dépositions, m arquaient la volonté
d’être favorables aux héritiers Destaing.
Ils le comprennent parfaitement ; mais ils osent attaquer une
enquête entière, pour la faire tom ber en masse pa r la plus au
dacieuse des icmmivo«. i - ’onquête de M arseille est composée
d ’E g yp tie n s qui y habitent depuis le retour de l’armde ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in c a
p a b les de tém oig n a g e.
Cette injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis d ix ans sur le sol F ra n ç a is, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’E m p ereu r a-t-il mis sur le u r front
un sceau de réprobation qui les avilisse , lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection a u g u s t e
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
C o m m ent ont mérité cette dure qualification des hommes qui
*
A u j o u r d ’ h u i in d iq u é par les héritiers D esln in g c o m m e 8yanl d é m e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père cl à sa f e m m e .
1
�(
32
)
n’ ont été coupables que d ’attachement à la F ra n ce? V i v a n t
sous un jo u g de fer en E g y p t e , à cause de la différence de
leur religio n , ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs, et s’étaient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’a rm ée, se l i v r e r a la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1 - elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? E lle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en E gypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i , séparés de leurs
familles, et a c c o u t u m é s par des mœurs simples à l ’amour de la
patrie * , p le u r e n t encore l’E gypte où ils n’ont plus l’espoir d ’aller
m o u rir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. iB du
C ode N ap. dit : que « l’étranger qu i aura é té adm is par le g ou« vernem ent a établir son domicile en F ra n c e , y jouira des
« droits c iv ils , tant qu’il continuera d ’y résider ». O r , suivant
l ’art.
25 ,
on n ’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été p r iv é de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers D e s t a in g , et épargner
aux E g yp tie n s, devenus Français, un reproche brutal, et d ’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de té m o ig n a g e .
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers D estaing de récuser
p a r un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
*
a L o rs q u e M . M a ille t était consul nu C a i r e , les J é su ite s persuadèrent
« à la cou r de F ra n c o dii faire v e n ir à P aris clos enfans de C oplite s pour
« les é l e v e r a ux collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d e v a it les instruire dans
« la f o i , et les r e n v o y e r co n v er tir leur nation scliisinatique. A force d ’a r « gent on obtint le consentem en t de qu elqu es pères ex trêm e m e n t p a u v r e s :
« mais lorsqu’ il fullut so s é p a r e r ,
la tendresse se r é v e i ll a dans toute sa
« f o r c e , f t ils a i mè r e nt m ie u x r e to m b e r dans la m isère q u e d ’a ch e ter un
* étal d ’.iisance par un sacrifice q u i coûtait trop à leur cœ u r» . ( S a v a r i ,
sur l’ E g y p t e , lettre 1 4 ) .
uno
�(
33
)
une aulre composée de généraux et d ’hommes respectables, q u i,
syant la confiance du g o u ve rn em en t, ont contenu les héritiers
■Destaing dans leurs apostrophes.
•
M ais ieurs ressources ne sont pas épuisées.
N e trouvant pas de témoins qui voulussent dire q u ’il n’y avait
pas eu de m ariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en p o in t, et ab
o v o , tout ce qui s’était passé au C a i r e , à T a re n te , à L y o n , à
A u r illa c et à Paris.
1
M ais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
de plus convenable que celui du général D elzons, leur cousin,
VU
ancien ami du général D e s ta in g , qui certainement a tout v u , ‘
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui q u ’on produit une lettre de six grandes p a g e s , si peu
d ’accord a v e c la loyauté de ce m ilitaire, q u ’il est difficile de croire
a sa réalité. Plus on la lit, et plus on est convaincu que c’est une
véritable injure faite à ce g é n éra l, de lui imputer un écrit pareil.
O n lit dans cette le ttr e , datée du 17 janvier 1809 ( et qu ’on a
s i g n if i é e c o m m e p i t c u
p r o c è s ) . n u e M . D e l z o n s s’a c c u s e
d’avoir introduit A n n e Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, p o u r recevo ir les secours h o sp i
ta lie rs dus au m a lh eu r; mais qu ’il est faux qu’il y ait eu aucun
m ariage entr’elle et le général.Destaing.
Cette lettre atteste q u ’il n’y a eu entr’eux q u ’i/w arrangement
o r ie n ta l ou un m ariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
*
L e s enquêles prouv en t q u e les m ariages à tem s n’ ont lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e pendant un te n u d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a c h o i s i e ; la po lice e x ig e c e lle f o r m a l i t é s et les
en g a g e m en s de c e ge u re sont en parfaite^ co n c o rd an c e aveo la religion do
M a h o m e t , qui a d m e t la pluralité des f e m m e s. « Etnpl°.y cz vos richesses à
* vous procurer des épouses chastes et vertueuse*. D o n n e z la dot prom isa
« suivant la loi. C e t e n ga ge m en t a c c o m p l i , tous les accord s rjuc vous feriiis
« e n s e m b l o , seront licites ». ( K o r a n , c h. 4 , v. 2 9 ) .
�ment du jo u r et de 1"'heure où A n n e N azo est entrée chez le g é
néral D estain g, et du jo u r de sa so rtie ( a u bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jo u r de l ’arm ée, relativement à la tenue des registres prescrits
a ux commissaires des guerres. T o u t y est avec ses dales et des
exemples. L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en c h e f M e n o u , pour avoir dit que lui Menou
avait a ssisté au m a ria g e, et que to u t s 'é ta it p a ssé avec la p lu s
grande rég u la rité, so u s les rapports c iv ils et relig ieu x.
N on , lin général français n ’a point écrit cette lettre ;*on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
U n général français n ’a point démenti son c h e f, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'h on n eu r. Il n ’eût point
attendu la mort de ce c h e f, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
N o n , le général D elzons n’a point écrit q u ’il n’y avait eu
q u ’ un arrangement o rien ta l fait avec l ’accord des parens N azo /
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D e l
zo n s, son p è r e , a déposé que
lu i
AVAIT
DIT
le g én ér a l
D elzons
,
son
fils
,
qu*il y avait eu un e cérém onie r e lig ie u s e ,
; lorsque F r a n ç o i s e G renier a
déposé que m adam e D e lz o n s , J em m e du g é n é r a l, lu i avait d it
A L A Q U E LL E IL A V A I T
ASSISTÉ
q u 'A n n c N a z o a va it é t é m ariée a vec le g én éra l D e s t a in g , et
Q U E S ON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général D elzons a encore moins écrit q u ’il s’accusait
d ’avoir introduit A n n e N azo dans la maison de son beau-père,
à A u r i l l a c , pour recevoir des secours h osp italiers ; car le gé
néral D elzons est m embre du c o n s e il de f a m i l l e , du
5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de M aria D estaing, comme
.fille lég itim e de son fils.
C ’est dans ce p ro c è s-v e rb a l que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l a écrit et sig n é que le général Destaing a laisse
u n e J ille légitim e p rov en a n t de son m ariage avec A n n e N a zo .
V o ilà seulement ce que le général D elzons a dit en présence
�(35)
de la justice et d’une fam ille entière; et cela est incom patible
avec ce q u ’on suppose émané de lu i, après dix ans de neutralité
et d’ un oubli inévitable des fa it s , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’ une injure faite à la loyauté
de ce g é n é ra l, qui la désavouerait, n’en doutons p a s , s’il était
instruit qu ’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; com m e s’ils s’attendaient
que la C o u r , après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom d’un parent qui lui-même avait attesté
lég a lem en t le contraire de ce q u ’on lui fait dire.
L e s enquêtes restent donc dans toute leur fo rc e , et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante ,
affaiblir.
que les commenter serait les
- C ’est à ces enquêtes seules que la C o u r a réduit toute la c a u s e ,
én'modifiant l’interlocutoire ordonné par les premiers ju g e s, qui
ûVaient e xig é de plus ln prouva cio l’exiülenco ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers D estaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la C o u r ce q u ’elle a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame De&taing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r , d is e n t- ils , il existe des registres en E g y p te : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l ’arm ée exigeaient que tous les
a ctes fussent reçus par les commissaires des g u e r r e s , pour être
valables; vous avez dil vous y conformer.
Q ue sont les ordres du jour de l'an 6 et de l ’an 7 ? L e u r début
( l'arm ée est p rév en u e, etc. ) p r o u v e s e u l q u ’il ne s’agissait pas
d ’une loi générale pour l’E g y p te . E t com m ent oser sans ridicule
10
�(
36
)
supposer que la légitimité des mariages et le sort d ’une province
auront été réglés au son du tam bour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Q u ’on ouvre les journaux du tem s, et ils apprendront que
l ’E m pereur allant vaincre com m e C é s a r , laissait au vaincu ses
lo is, ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , et
du D ieu de Jacob aux M u s u lm a n s , to u t, excepté son é p é e , a
été concorde et tolérance.
Ses s u c c e s s e u r s ont suivi son exemple et ses ordres. « N o u s
a a v o n s r e s p e c t é , dirent-ils a u x E g y p tie n s,
en se préparant à
« les quitter, vos m œ urs, vos l o i s , v os lis a g e s .. . . » E t le
D iv a n du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l , en
l ’an 9 , de ce respect pour les mœurs de l’E g y p t e , en lui e xp ri
m a n t , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
D e s ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes, de l’E g yp te sur la form e des m a
riages. C ’e s t , au reste , ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce q u ’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant d e la dame D esta in g que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Q ue sont encore ces c e r t i f i c a t s égyptiens présentés par les hé
ritiers F a u ltrier, ct,que les héritiers Destaing s’approprient ? Il
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce é tran g è re , et que n ’étant pas prises sur l’o rig in a l, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en ju stice ,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
Q u ’a de com m un le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général F a u ltr ie r , présentée, à la v é rité ,
à Metz , com m e son épouse , mais méconnue aussitôt q u ’il fut
m o r t ) , avec le procès d’A n n e N a z o , appelée en France par son
époux , reçue, accueillie par sa fam ille, après sa m o r t , et ayant
eu une possession d ’état légale et p u bliqu e, consignée dans les
¡registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�t
37
)
■
■M ais admettons ces certificats com m e sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
Voulu que surprendre la justice par une équivoque.
‘
O n sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
G ra n d -S e ig n e u r, quoique l’islamisme y soit la religion d om i
nante. O n sait encore que M ahom et I I , vainqueur de Constan
tin o p le , jura de respecter le christianisme ; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la v é rité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien n e
s’oppose à c e que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
le u r culte publiquem ent dans les états du G rand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’E g y p te , l’un des berceaux du christianisme , l’un des p re
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des G recs , et toute tolérance cessa quand cette secte
se sentit assez forte pour disputer de domination; l ’église latine
fut long-tems proscrite par les Grecs , mais sans perdre jam ais
1 espoir de ramener ses curUns égares h l ’nm'tcS religieuse. D e
tout tems la cour de R o m e a entretenu dans ces déserts de la
T h é b a ïd e , si grands en souvenirs, des prêtres catholiques q u i,
semblables aux persécutés de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des D ru se s, dans la'chaîne du
M o n t-L ib a n , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
de l’E glise r o m a in e , et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l’E g y p t e , soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de cu rés, ou tout autre caractère qui leur est donné
par leur chef.
C e c h e f est connu parmi eux sous le n o m de Patriarche
d ’ A le x a n d r ie , non pas celui q u i , prêtant serment de fidélité au
G ra n d -S eig n e u r, se regarde comme indépendant de R o m e , et
�(
38
)
c h e f suprême de 1’E güse d’Orient , mais un patriarche dépen
dant du P a p e , et vivant dans l’ unité de l’église catholique.
M a in te n a n t, il faut rappeler que la daine D estaing n ’est pas
ne'e dans la religion grecque la t in e , niais dans celle connue en
F ia n c e sous le nom de sch ism a tiq u eg recq u e. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au C a ir e ,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
M ais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les h é r i t i e r s F a u l t r i e r en ont demandé aux prêtres latins. Gela
était
vrier
indifférent
dans leur cause ; car l ’arrêt de M e t z , du
25
fé
18 0 8 , confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
m ent un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
g recq u e ou rom aine , établis à Gizé. Et en e ffe t, on ne voit pas
si Néphis D a v id a prétendu avoir été mariée à G izé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique g r e c q u e ,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. M ais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Q uoi q u ’il en soit, les héritiers D estaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers F aultrier. V o y o n s maintenant
ce q u ’ils disent. L e p r e m i e r est ainsi conçu :
« J e s o u s s i g n é , Préfet des prêtres grecs c a th o liq u e s , en
« E g y p te , déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i , so it par les prêtres grecs ca th o liq u es q u i sont sou s
« ma d ép en d a n ce, sont inscrits sur un registre, e tc ., écrit par
« le p ère C on sta n tin I i a d a d , v ica ire de Son E m in e n c e le
u P a tria rch e g rec en E g y p te . A u C a ire , le 7 du mois echbat
« ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste q u ’il n’u pas trouvé dans les archives de
son église le mariage. du général Faultrier.
11 est
signé : lîe n e -
dictus de M cd icin a , m issio n n a ire a p o s to liq u e , cu ré et vicaire
supérieur de la m ission d ’M gyplC' -Au C a ire, le 20 lévrier 1809.
�C 3 9 ') _
Ces deux certificats sont de la main m ême de ces ecclésias
tiques. L e premier est en arabe, et le second en la tin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n ’a aucune sig n a tu re , ni m ême le nom du cei4tifîcateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
relig io n s. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
de la m êm e religion, il faut la permission du p a tria rc h e , et on
l ’inscrit sur un registre.
1
* L ’original de cette pièce est en ita lien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers D estaing commence
ainsi : « I l y a en tê te un e lig n e de caractères m a ju scu les en
« arabe QiPbophte ». A la fin du c e rtific a t, on dit : « Su iven t
1 . \ran« des sign a tures en caractères étrangers ». Puis le Consul fra n
çais ajoute que ces signatures sont celles du p atriarche grec et
du p rêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il fallait mettre plus d ’importance à ce dernier certificat, on
se demanderait po u rq u o i les premiers sont donnés au C a ir e ,
l e ......... , et celui-ci en E g y p te , l e ........... ? Pourquoi celui-ci est
Tait e n
ita lie n ,
a«i.,
langue
q u e les signataires
n ’e n l e n -
daient pas ? E t pourquoi enfin le secrétaire interprète du C o n
sulat , qui a fort bien traduit de l'arabe le certificat du père
Constantin H a d a d , n ’a pas su dire la valeur des-tnots composant
les signatures et l ’intitulé du troisième acte, et n ’a pas même
compris si lout cela était arabe ou cophte?
Q uelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d ’ ùn autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en c a
ractères étra n g ers?
Il fallait q u ’on demandât aussi à ces prêtres laiins si les re
gistres q u ’ils tiennent sont des actes de P e in t- c iv il, dans une
contrée régie par les lois turques; ils auraient répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur z è le , au milieu de la bar-
�u
° } ,
La lie et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la f a i ,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise de R o m e a conservés dans cette terre de
persécution *.
M ais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qu’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame D e s ta in g , et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
L e s prêtres de sa r e l i g i o n n’ont donné aucun certificat. C o m
ment le p o u r r a i e n t - i l s ? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
r e g i s t r e ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
d es
dogm es de leur foi ; le patriarche les ordonrj^prêtres ou
papas, sans exiger d ’eux d’autre instruction; à peinç-quelques-
*
L e s m issionaires d e R o m e n’ ont jam ais cessé dans ces parlies du m on d e
d e s’ e m p lo y e r à faire des prosélytes $ en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , p arm i ces s e c t e s , dos sociétés q u i ont
reconn u la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sait q u e p a rm i les G r e c s
q u i viven t sous l'e m p i r e T u r c , plusieurs ont e m b ra s s é la foi et la d isciplin e
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u v e rn é s p a r d e s p r ê t r e s et évCques de leur
n a tio n , niais confirm és par le pape. I l y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la vu o do faire d e s con v ersion s parm i les G r e c s , et d ’a jo u ler d e nou
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O u y é lè v e un certain n o m b re d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e d e l ’E g l i s e , par M o s h e i t n , tonie
5 , page
2 7 2 .)
R i e n n e caractérise plus la religion des G r e c s q ue leur a versiou in v in c ib le
po ur l’ église de R o m e , qui a fait é c h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
tatives du s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m is s io n n a ire s , pour les r éu n ir
aux L atin s. Il est vr a i que les docteurs rom ains ont fondé q u elqu e s églises
dnns P A r c h i p c l : mais ces églises sont p auvres et pou c o n s id é ra b le s ; et les
G rec* ou les T u r c s , leurs maîtres , ne ve u len t pas perm ettre aux m ission
naires do R o m e do s ’ é ten d re d a va n ta ge . ( Ib id . page 26 0.)
E ta t de L'Eglise G r ec q u e , p a r C o w e l , tom e i . , r , page n 25.
L ettres E d ifia n tes , tom e 10 > F ao c
uns
�( 4 1 )
uns savent écrire , suivant le témoignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres la t i n s , qui n’ont
qu ’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G r e c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des F r a n c s , mais sont à peine connus pour
prêtres par les E g y p tie n s , parm i lesquels ils vivent.
M ais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d ’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus7grand jour sur la seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-d evant M . e Massé et son confrère, notaires im périaux
« à P a ris , soussignés, est comparu D o n R a p h a ë l de M o n a ch is,
« ancien prem ier curé grec catholique romain au grand Caire ,
(t en E g y p te , ou prem ier vicaire de son ém in en ce le patria rche
« g r e c c a th o liq u e
r o m a in
,
résidant au couvent de St.-Sauveur,
*
« Q u o voy«;«-or» <]ann c«tie terre natale d es sciences et des a rts ? T o u t
c e q u ’ on voit c lie z presque tous les peuples e sc la v e s : un c le r g é superstitieux
et i g n o r a n t , etc. ( . C o r a y . M é m . sur l ’ état de la, c iv ilisa tio n des Grecs").
« P ar-to u t d o m i n e e n c o re un c le r g é ig n o r a n t .. . . . L e c o u ve n t de N e a m o n i
nou rrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou
5 disent
la m esse ; pas un seul ne sait
l ’a n cien g r e c , et une d o u za in e au plus savent lire et écrire le grec m o d e r n e ...
A u c o u v e n t d e M ega spisio n , leu r ign oran ce surpasse e n c o r e , s’ il est p o s s i b l e ,
c e l l e des m o in es d e N e a m o n i . J e doute q u ’ il s’ en trouvât 4 ou
5 ( sur 3oo
),
sach an t lire et éc r ir e ». ( B a r l h o l d i , V o y a g e en G rèce , en i 8o 3 , t. 2 ).
** « L o c le r g é grec ne cesse d ’ex citer le p eu ple à la h a în e des autres r e li
g i o n s , et sur-tout d e la cath o liq u e r o m a in e ......... L a liaîu e des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s le u r so n t bons pour
so n u ire. RI. d e P a w est très-fondé à a v a n c e r q u e le p r e m i e r usage , q u e
l e s G r e c s 11e m a n q u eraien t pas d e faire do leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u err e de r e lig io n ......... I l est interdit a u x R o m a i n * de faire des prosélytes*
p a rm i les G r e c * , a u lieu q u e c e u x - c i p e u v e n t e u faire p arm i les Romains«
(
Jbid.
tom. 2. )
I I
�( 42 )
« sur la montagne des Druses , dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du D ivan et de l ’institut d’E g y p t e , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im p é ria le ,
« à P a r is , y d em eurant, rue du C h a n tre , n.° 2 4 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de m adam e N a z o , veu ve du général
« D estain g, et après avoir pris lecture de la copie de trois cer« tificatsqui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
u grecs catholiques rom ains, les 7 , 10 et 20 lévrier 1809, conu cernant le mariage du général Fauitrier avec une Géorgienne ,
a et pour l’a ire cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
résulter desdits certificats ,
« A fait l’exposé des faits suivans :
« A v a n t le concile de F lo ren ce , les églises orientales étaient
u réunies par la foi, et soumises à l’église de R o m e , dite église
u occidentale. Mais après le co n cile , les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d ’accord
a sur cinq dogmes de la fo i, dont l’ un était de reconnaître le
« P ape com m e chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d’A n u tioch e, d ’A lexand rie et de Jérusalem se séparèrent du saint« siège de H o m e , qui les considéra et les considère encore
« com m e schisinatiques. D e c e tte n o u v e l l e secte s en sont formées
« d ’autres, telles que les h é ré tiq u e s, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schisinatiques.
u D epuis environ 120 a n s , 1111 arch evêqu e de D a m a s , grec
« sch ism atiqu e, ramené à la foi par un J é s u ite , renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
u mais ue pouvant pas rester à D a m a s, à cause des persécutions
« des grecs schisinatiques , il se retira sur la montagne des
« D r u s e s , dans le M o n t - L i b a n , avec une suite de quelques
« piGtrcs de la m êm e opinion que lui. lis s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
u dans les villes d c T y r et de Sidon. A lo rs le P ape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la lo i, le
�(
43
)
« nom m a patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’ à ce que
« quatre siëges d ’ O r ie n t, ou l’ un d’e u x , fussent revenus à la
« f o i ) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
« répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
« schém atiques.
« D epuis cette é p o q u e, le patriarche de tous les Grecs ca th o « lig u es rom ains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v e u r , sur la montagne des Druses.
« L e déclaran t, au sortir des collèges de R o m e , où il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de S a i n t - S a u v e u r , pour y
« être o r d o n n é prêtre par le patriarche de son rit. Après y être
« resté quelque tems, il fut e n vo yé dans la ville du grand Caire,
« par son éminence le p a tria rche A g a p iu s M a la c , qui existait
« a lo rs , et qui vraisem blablem ent existe encore aujourd’h u i,
« pour y rem p lir les fonctions de prem ier c u r é , ou prem ier
« vicaire du patriarche, en E g y p te .
« A v a n t son départ, il reçut l’ordre du patriarche de se con« former à l ’usage des E u rop éen s, en tenant des registres pour
« constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
CC d e C e s O l d r e s , l e d é c l a r a n t f m ¿ c p r e m i e r c j u l c o m m e n ç a CCS
« registres en E g y p t e , pour constater l ’étal des Grecs catholiques,
« et les fit tenir par les cin q prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« L e s actes étaient de sim p les n otes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fonctions de premier vicaire jusqu’à
« son départ de l ’E g yp te pour la F r a n c e , où il fut appelé j>ar
« le premier C o n s u l, par l’intermédiaire du général Sébastian!,
« et d ’où il n’est parti q u ’avec permission de son patriarche.
« Après son d é p a rt, il fut remplacé par le p i r c J e a n N a sserd ;
« et c e lu i- c i, depuis d é cé d é , a été r e m p l a c é par C on sta n tin
h H a d a d , qui exerce cncore a u j o u r d 'h u i les fonctions de pre« m ier curé de l’E g y p t e , ou prem ier vicaire de son éminence
12
�C 44 5
<* le patriarche grec catholique , résidant à la montagne des
« D ruses; lequel Constantin H adad a délivré les certificats ci« dessus mentionnés.
« E n conséquence , D o n R a p h a ë l déclare que Constantin
« H a d ad , son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« q u ’il est tenu des registres de l’état c i v i l , au C a i r e , par les
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais q u ’il faut
« bien distinguer de ce u x-ci, qui sont en petit nom bre, les grecs
« schismatiques, qui sont bien plus n o m b re u x, et dans la re« ligion d e s q u e l s la dame D estaing a été mariée par le patriarche
« qui
réside
à Alexandrie.
»
« Q u ’à l ’égard des Grecs schismatiques et de toutes les autres
« sectes qui sont sorties de celle-là, iis n ’o n t ja m a is tenu de re« g is très de n a issa n c e s, m ariages et d é c è s , en E g y p te ; et que
k la raison s’en tire naturellem ent de leur défaut d ’instruction ;
« qui ne se trouve pas chez les Grecs c a th o liq u e s, dont les
a prêtres, en p artie, font leurs études à R om e.
. « L a q u e lle déclaration mondit D o n R a p h a ël de M o n a c h is a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison ».
« Fait et passé à P a r is , e tc ., etc. ».
Il
est donc p r o u v é , jusq u’à l’évid en ce, que l a validité des
m a r i a g e s des G r e c s , en E g y p t e , ne dépend pas de leur inscrip.
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en E g y p te com m e en E urop e : aucun-voyageur ne dit que cette
formalité y ait lieu ; au contraire , M . le sénateur comte de
V o l n e y , dans l’ouvrage qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des v o y a g e s , atteste
la répugnance des T u rc s pour les dénombremens de population
dans les états de leur obéissance *.
*
(
O n b i t souvent des questions sur la population du C a ir e . Si l’on v e u t
en croire le douanier A u t o i u c
F a r a o u n , c ité par lo b a r o u do T o i t , e lle
�( 45 }
A quoi tient Jonc celte obstination des héritiers D e s ta in g , à
ne vouloir reconnaître la dame D estaing com m e mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, si elle se fût présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
1V0yez, eût-on d it, cette G recque artificieuse, q u i, pour s’intro
duire dans une famille étrangère',1a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et q u ’elle a évidem m ent
fabriquées en A fr iq u e ou au milieu de l’A rch ip e l !
E h bien ! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses, desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son é p o u x , changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c ’est pour lui seul q u ’elle avait
so u ffe rt, c’est de lui q u ’elle attendait des consolations. Son é p o u x ,
sa fille , étaient pour elle ses pénates et son aven ir : avait-elle
donc des preuves à chercher pour des êtres q u ’elle ne connais
sait pas ?
L a dam e Destaing a toujours été si rassurée sur son état et
celu i de sa fille , q u ’elle n ’avait pas m ême fait des démarches
pour rechercher u Uéphaïonic sî le I»fipi£mo de sa fille avnit
constaté ; et il y avait d ’autant plus lieu de le croire a in s i, que
cette île européenne devait avoir un clergé g rec plus éclairé que
celui de l’E g y p te .
»" *’ ' •
M a is les recherches de ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniform e était toujours de lui opposer une
a p p r o c h e d e 700,000 â m e s , y c o m p r is B o u l 3q , fa u bo urg et port d éta c h é
d e la v ille : m ais tous les calcu ls d e p o p u l a t i o n ,
en
T u r q u i e , sont a r b i
traires , parce q u ’o n n ’y tient p o in t de registres d e n a issa n c e s, d e
morts o u d e m ariages. L e s M u s u lm a n s ont m ê m e de» préjugés supersti
tieux contre les d é u o m b r e m e n s . L e s seuls ch ré tien s pourraient Ctre
recensés
ou m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en E g yp te et en Syrie ,
par M . do V o l a e y , 4.« é d itio n , 1807» tom e i . , r p . 2 0 3 .)
/
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confond re, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t que les députés des îles ioniennes étaient à P a ris,
m ad am e Destaing reçut l’acte qui suit :
« D u douze novem bre d ix -h u it cen t s e p t, à A r g o s lo li , île
« de C ép h a lo n ie, sont com parus, par-devant n ou s n otaire sous« signé, le révérendissime papas, M . A n d r é M a z a r a c h i d 'A n a z o lo , desservant de l’église solitaire de Saint-Constantin , qui
« est dans le
voisinage
et sur la rive dépendante des villages
« ü A d i lin a t a et d'A r g a ta , situés dans l ’île de C ép h alo n ie, et
« M . J e a n L a v r a n g a , lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
«i V a nnée d ix -h u it çen t d eu x , au m ois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel jour du m o is, un enfant du sexe fé m in in ,
« f i l l e de m adam e A n n e N a zo et du g én éra l D e s ta in g , la q u e lle ,
« suivant la déclaration fa ite , à lui prêtre co m p a ra n t, par les sus« nom m és, était née de légitime m a ria g e , et a été nommée M a r ie ,
a et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
a L a v r a n g a et le capitaine Siffi, F a n c h io te , lequel ne se trouve
« pas présentement dans cette île ; le présent sera affirmé avec
« serment par les susdits prêtre et sieur L a v r n n g a ; ils déclarent
a en outre q u e , d a n s cette é g lis e , s i t u é e dans ce lieu solitaire,
« on ne tien t p o i n t de registres baptistaires n i m ortuaires, L a
« présente est donnée pour T en dr e témoignage à la vérité ; et les
« coinparans se ressouviennent parfaitement d ’avoir administré
« le sacrement susdit, ce q u ’ ils affirment comme témoins.
« Signé A n d r é M a z a r a c h i, prêtre , j ’affiVme avec serment";
« J e a n L a v ra n g a , ja ffin n e avec serment; •Jean C h n s i, témoin;
« S p ire C acurato , témoin ; D im itr i Caruso ,
notaire.' A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri C a r u s o , notaire; et une légalisation en même la n g u e ,
« dont la traduction suit :
« E m im r k F r a n ç a i s . — Son Excellçncç S a vio A n n i n o ,
�(
47
)
« administrateur du gouvernement de C é p h a lo n ie , certifie que
« le susdit M . G aru so , notaire p u b lic , est tel q u ’il se qu a lifie,
« et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
« D o n n é eu l’administration deC éph alo n ie, le dix-neufnovem bre
« m il huit cent sept. Signé S a vio ¿ t n n in o , adm inistrateur; et
« Jean-B aptiste T ip a ld o P r e tte n d a v i, c h e f de bureau ».
Cet acte fut présenté à M . M arino M a tu r a , principal député
des îles io n ie n n e s, q u i , au grand1' élbnnement de Madame1
D e s t a i n g , lui apprit que c’ était lui-même^qui avait fait rédiger
. cet acte de baptêm e, à la demande de l’un des a id e s - d e - c a m p
de M . le maréchal M a r m o n t , qui le réclam ait de la paît de
M . le g én éra l D e lz o n s ( e m p lo y é en D a lm a tie ).
L a fam ille D e s ta in g , qui faisait rechercher c e 1fait aussi lo in ,
n ’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire a
ses prétentions.
*
E t p e u t-ê tre l ’honnêle ecclésiastique , informé par ces re
cherches des vexations suscitées à une malheureuse étrangère, se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de son propre m o u ve .n e .it, pour rendre hom m age à la vérité.
L e tribunal dé la Seine a o rd on n é, p a r jugement dti 5 juillet
1809, que cet acte serait transcrit dans les registres'de l ’état c i v i l
de P a ris , pour servir d ’acte de naissance à M aria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
D estaing n’a été utile q u ’à elle.
M ais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il
est impossible, disent-ils, de croire au m ariage d ’un général
français qui n ’a pas été célébré de la m ême manière que ceux
de ses frères d ’armes. O r , les mariages des généraux D e lz o n s ,
L a n t i n , M enou et lio n n e -C a rrè re ont été r e ç u s par des c o m
missaires des guerres. T e lle était donc la fo rm e, et pourquoi
A n n e N azo ne l’a - t - e l l e pas suivie? p o u rq u o i, au m o ins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accom pagné des fêtes d ’usage, dans les rues du
Caire ?
L e s généraux D elzons, L an tin et B onne-C arrère épousaient
l i s demoiselles V a r s y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o s e t t e , ville presque européenne à cause de son com
merce, L à , certainem ent, un c a th o liq u e, mariant ses trois filles
a v e c des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’ une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la ceremonie religieuse
de ces trois m a r i a g e s q u i a dû être faite par un prêtre c a th o liq u e,
ou r é g u la r i s é en France au retour de l a famille V a r s y .
L e général Menou épousait une musulmane : son m ariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. C ar tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, q u i, dans la religion dominante, ont se u ls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité.
M ais A n n e N a z o , de religion g r e c q u e , mariée à un E u r o p é e n ,
de religion latine ou ro m a in e , n’avait pas le droit d ’en rendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses , ni par
aucune inscription dans des registres, ni par une prom enade
dans les ru e s, sous un dais, c o n n u e les M usulm ans.
C ’était bien a s s e z q u e sa fam ille eût vaincu à cet égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, à un catho-
*
« C ’est ord ina irem ent le soir q u e la m a rc h e c o m m e n c e : d e s baladins
la p r é c è d e n t ; de n o m b r e u x e sc la ves étalent a u x y e u x du peuple les efTets,
les b ijo u x destin és à l’ usage de la m a rié e ; d es troupes de danseurs s’ a va n c en t
en c a d e n c e an son des in s tr u m e n s ; la jeu n e ép ou se paraît sous un dais
porté par q uatre e s c l a v e s ; un v o i le la c o u v r e e n t i è r e m e n t ; u n e longue
suite Ue lla m b c a u x é c la ir e le cortège ; de tems en teins des c h œ u rs de
T u r c s chantent des c o u p lc ls h la lo u a n g e des n o u v e a u x é p o u x » . ( S a v a r i ,
to m e
3,
lettre
3 ).
liquo
�( 49 )
Iique r o m a in , à un m ilitaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point prin cip al, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies clu rit grec.
O n demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son m ariage
a été fait sans con tra t. M ais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
E g y p te où le K o ran est le Code universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Q u ’avait-il
en échange à oifrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. D ans un pays où l ’industrie
et le com m erce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
a la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
O n se plaît »à représenter les N azo com m e une famille sans
fortune et sans considération, et J oanni N azo com m e un a ven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de m entir, maintenant que le plus liquide de la
fortune N azo est dans leurs mains. M ais les témoins ne donnent
pas d’eux l’ idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que J oanni N a z o , à l’occasion de son m ariage avec Sophie M isck ,
dépensa 5o,ooo écu s.
O n se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d ’A n n e
N a zo répudia Barthélem i pour épouser Joanni Nazo ; et là-clessus
on se récrie sur de telles m œ u rs , com m e si une famille africaine
avait dû prévoir q u ’ il faudrait ro u gir de ce qui est toléré dans sa
nation , et s’en justifier un jour aux y e u x des sieurs et demoiselle
D e s ta in g , d’A urillac.
Si la prétention des Européens est de blâm er ce q u ’ils blâm ent,
et île louer ce q u ’ils louent, il faut q u ’ils donnent le droit de re
présailles aux nations é tran g è re s, et ils auraient beaucoup à y
perdre. E n E g y p te , le lien du mariage est plus sacré q u ’en
* « L e s parens ( G r e c s ) ne font a u cu n e difficulté d’a ccordpr le u r fille à
* un T u r c , pourvu qu’ il toit riche et p u is s a u t, tandis q u ’ ils n.fusent o yi« u iû trém cn t do l’ a cc ord er à un c atholiqu e, ( b a r t h o l d i , tom e 2 .)
i
3
�(
5°
)
F ra n c e , iant qu’ il dure; mais il n’ est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
Barthélémy était catholique; Sophie M isck e'tait g r e c q u e , et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu ’ils n ’approuvaient pas.
C ’était pour eux un acte religieux que la rupture de ce m ariage,
pour en contracter un s e c o n d plus orthodoxe : la religion grecque
le v e u t , et le
Au
reste,
gouvernem ent
le tolère.
que Sophie IUisckait été ou non l’épouse de Barthé
lé m y , on ne voit pas comment A n n e Nazo en serait plus ou moins
l ’épouse du général Destaing.
E nfin on porte le dernier coup à la dame D estaing; et déses
pérant de lui ôter le nom d ’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d ’eflacer dans son cœur le
respect q u ’elle doit aux mânes de son époux. Ce n’est plus une
letire étrangère q u ’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lu i-m ê m e, écrites à son père, q u i , d it-o n , fournissant la
preuve q u ’il n ’y a pas eu de m a ria g e, et q u ’il l ’a désavoué.
L ’ une est écrite du Caire ; et le général parle d ’ un arran
gement oriental avec une j e u n e grecq u e qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général m arque à son père q u ’il
n’a pas dû p lu s croire à la lettre de Latapie qu'à la sien n e
*
« L e c le rg é ( g r e c ) ne cesse d ’e x c ile r le pe u p le à la liaîne des autres r e li
g i o n s , et sur-lont d e l à c a th o liq u e r o m a i n e , en accordant liè s-lib é ra le m e n t
de* absolutions à c r u x qui ont tro m p é les m e m b re s de celte religion , ou qui
sc proposent «le le f j i r e » ( B a r t h o l d y , t. a ).
** L e * ht-rihYrs D estain g a va ien t i m p r im é p lu tôt au lieu d c p l u s , parce
q u e cela changeai! le sens. Il en résultait q u e le g é n é ra l avait vo u lu que
son père crût à sa le ttre , tandis q u ’il a v o u e lu i- in â m o q u ’ il n ’a pas d it
vrai.
�(
5i
)
q u ’il ne se serait pas marié sans l’en p ré v e n ir; mais qu’à la
vérité il a d'autres lien s qui pourraient bien amener celui-là.
R e m a rq u o n s , et déjà la C o u r l’a rem arqué elle-m êm e dans
son arrêt interlocutoire * , que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’ il a reçu A n n e N azo ,
et q u ’après un mois de méditations il lui a donné un ra n g dans
sa fa m ille , en se rendant le tuteur de son enfant.
Il
a donc ju g é ces lettres en pere clairvoyant ; et ce n’est pas
là qu'il a cherché la vérité. L ’ une s’ excusait a ses y e u x par la
licence des c a m p s; les jeunes F ra n ç a is, fussent-ils aux confins
de la terre , ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quo,i s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une jusiification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lu i fut plus ca ch é e , lorsque la dame D e lz o n s , égyptienne, lui
eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’armée , sur le mariage de son fils ; lorsqu’encore le général
D e lz o n s , q u i y a va it a ssisté , vint lui en apprendre les détails.
C ’est donc par pure méchanceté , et sans besoin , que les
héritiers D e s ta in g , o n t p u b l i é c e s l e t t r e s . L ’ i i o n n e u r l e l p u r d é
fendait, puisqu’elles n’ étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur défendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, aie devait pas être reproduite.
* « A t t e n d u q u e le titre d ’ épouse et c elu i d e m è r e ont été recon n us par
la fam ille du g é n é ra l Destainj’ y ................ Q u ’ un m ois après son a r r iv é e à
A u r i l l a c , D e sta in g p è r e , ne doutant pas du m a ria g e et d e l’a v is et c o n
sen te m en t do scs proches p a r o n s , s’ est rend u tuteur....................... Q u e celte
reconn aissan ce et c e lle acceptation d e tutelle paraissent d ’autant plus c o n
s i d é r a b l e s , q u ’on pourrait les regarder c o m m e la suite d ’ un c x a in e n a ppro
f o n d i , et do certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres d e son
fils, l’ uue datée d ’ E g y p t e , l’autre écrite de P . i r i j , lui donnant tout le sujet
d e douter do ce m a r i a g e , ou m ô m e de ne pas y c r o i r e , il n’ en ava it pas
m oin s ronsenti l’acte eu question , t l q ue ses proches parens y a vaient aussi
concouru », ( a .* m o tif do l ’urrét du n
ju iu 1 808 ).
�(
)
Mais celle méchanceté n ’était pas sans b u t , et 011 le voit
dans Palïectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame D elzo n s, à qui le général disait
qu'A n n e N azo éta it m a r ié e, m ais q u 'il ne V êta it p a s. O n
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
harmonie avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était v r a i e , il est cruel pour la dame
Destaing d’en com prendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Oue les E u r o p é e n s , dans l’immoralité de leurs th é â tre s,
mettent en
rences
scène
des malheureuses abusées par toutes les a p p a
d’ un mariage ré el,
et
cependant dupes des artifices d ’un
hom m e qui s’est joué de la religion et de la p ro b ité, on ne
s’étonnera p is que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissemens. Mais qui oserait -produire dans le monde une
s e m b l a b l e atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui m ême oserait repousser de soi la
victim e d ’ un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Q uelle que soit l ’inlention des héritiers D e s ta in g , en laissant
croire que le général a voulu tromper la famille N azo par le si
m ulacre d’ un mariage nul à s e s y e u x , la perfidie de cette su p
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. E n effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. M ais la dame Destaing se liûte de
dire que les cérémonies publiques qtii eurent lieu au C a ir e , les
lettres de son é p o u x , sa conduite soutenue envers elle, le justifient
pleinement de l’inculpation dont on a voulu le flétrir. L a légéieté
de sa nation , peut-être la crainte d’être blâmé par son père , ont
pu lui dicler quelques mots é q u iv o q u e s; mais son cœur fut
* C o d e N a p o l é o n , articles 201 et 202.
�( 53
innocent d’une telle lâcheté; elle était indigne de l u i , et toutes
ses actions la.démentent.
Ceux-là seuls sont coupables , qui n’ont pas rougi d ’exhum er
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’en imprimant une tache sur sa mémoire. .
j
M ais c’est trop s’arrêter à des réfutations pénibles et inutiles.
C e ne sont point des cendres éteintes qu’il faut interroger pour
la recherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
.
I l est tems q u ’on cesse de disputer à une épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd’hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. E lle l ’a reçu en A friqu e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa patrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d ’E urope que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
m êm e la pensée de lui en donner un a u tre; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignoraient ; et c’est après une possession d ’é t a t , ainsi
émanée d ’eux , q u ’ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu ils avaient accueillie et protégée. X.n ( l a m e Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers D estaing, plutôt q u ’à une autre
fa m ille ; mais le titre sacré d’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses ye u x.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
co u rag e ; la dame D estaing n’avait pas d ’héritage plus précieux
à lui laisser q u ’ un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice de sa
naissance.
P o uvan t attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans murmure aux lenteurs
de la justice, sachant bien que l’intérêt privé pouvait élever des
14
�( 54)
doutes sur les Formes de son m a r i a g e , mais que la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
U n jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
p r o c è s , et s’enorgueilliront de celle q u ’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’ hui
•d’être justes, la dame D estaing n’en doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
q u ’il lui désigna com m e des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-Licencié.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille , intimés; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelants.
note manuscrite : Voir l'arrêt au journal des audiences de 1811, à la page 353. »
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2001
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53371/BCU_Factums_G2001.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53771/BCU_Factums_M0323.pdf
c7957bf48104eb5cbfb36c6d61e1c51a
PDF Text
Text
MEMOIRE
EN RÉPONSE
POUR
L A F O N T , *et L o u i s - A uguste
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesBains, intimés;
C a th e rin e
CONTRE
L A F O N T J e a n -B a p t i s t e BOUR.
N E T J e a n F O R I C H O N , M a r i e et autre
M a r i e L A F O N T , leursfemmes, habitant aussi
à N éris, appelans.
G ilb e r t
;
C e n’etoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
COUR
D ’A P P E L
DE R I OM.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour l’ien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux qui, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tache de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né mort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
De sa part, au contraire, l’intimée a établi claii’ement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et qu i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trou ver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits ¡\ ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur lu foi de quelques
�( 3 )
faits insignifians, à -présumer que l’enfant pouvoit être
venu au inonde sans vie.
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa, le 14 brumaire an 1 o , GilbertMarie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert Lafont, son frère
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de scs couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; mais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle ne s'entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’éloit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�( 4 )
Ses couches furent extrêmement laborieuses ; mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la môme fatigue qui accabloit la mèi’e dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfans sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode oi’dinaire. Le cordon ombilical coupé, on cher- ^
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’eau -d e-vie, et on ne l’employa
pas moins au môme usage. Le résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs , l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’é teindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la mort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivnt que long-temps
après l’accouchement , il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�(S)
Après le baptême, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, avant de partir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la mairie , et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit mort,
les deux actes furent faits^ l’un à la suite de l’autre, le
21 frimaire an n .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même ; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
mari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-même étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour personne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre à la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se fit faire, une saisie-arrêt par scs
bcaux-irères Buuruet et Foriclion, dans lu vue u’embar-
�( 6 )
rasser Catlierine Lafont, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert Lafont, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
Le premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an i i .Alors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux fermés, et que
tous les assistans s’écrièrent : Voilà un crifant m o rt ;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 1 1 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui de voit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
Lo premier témoin est le curé-adjoint, qui a admi-
�. ( 7 )
nisti’c le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
Le second témoin , François C orre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
Le troisième, M arie L a fo n t,fe m m e P ig n o t , la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fît signe qu’il étoit mort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche*,
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses genoux, et ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. Le curé vin t, le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle-m êm e à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la tranquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième témoin, M arie B o u rn et, ne sait rien
par elle-même; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém oin, Marguerite L a fo n t , v e im
�m
JBojinefoi, a vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant ; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
remarqué qu’il a fait un léger sou p ir , ce qu’elle a re
gardé comme un signe de vie ,• elle n’en a pas remar
qué d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les advei’saires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
mort ; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
Le premier témoin est la sage-femme ; elle sentit les
mouvemens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
pulsations du CŒur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u -d e -v ie ,' et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il lit un soupir. Alors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
( quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
lo curé est venu et l’a baptisé.
Le second témoin, François JDurin , a soupé avec le
curé le soir des couches. Le curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�C9 \
avoir touché son estomac, senti de la chaleur , cru remarquer de la viey et baptisé l’enfant.
Le troisième témoin est Marie B ournet , déjà entendue.
Le quatrième témoin, la fem m e Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du v in , lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ u r , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l’enfant soupiroit j mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guillemin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches. Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qu’il n'auroit pas
*f a i t , s iln eût cru s'être assuré de son existejice, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde viva n t, et qu’elle l’avoit ainsi déclaré à son
confesseur.
Le sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur à l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fut vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot (celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il étoit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras à la tête , et avoit remarqué plu*
sieui's autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
4 l’enquête directe, et même les enquêtes entr’clles. 11
B
�( 1° )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision à deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
cc foi jusqu’à inscription de faux ; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures apj ès m id i , c’est-à-dire, demi« heure ajDrès sa naissance; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour décr truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme officier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lui-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître ; qu’il l’a jugé ainsi
“ aux excréinens qu’il a vu tomber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même sage-
�«
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C ii )
femme lui a dit que le cœur de l’enfant battoit encore,
lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
faire; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
de la mère, il ne lui a remarqué aucun signe de vie,
quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
lui ait mis les doigts dans la bouche, et y ait soufflé;
que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-même si
l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a entendu dire dans la maison qu’il étoit encore vivant ;
que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
a regardé comme un signe de vie;
« Que de ces cinq témoins , le troisième est le seul
qui soutienne que cçt enfant étoit m ort, parce qu’il
le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accoucheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
a proposé au témoin d’y porter la main, ce qu’il n’a
voulu faire, disant qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
chaleur à l’enfant, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
attesté que l’enfant étoit né vivant; que cette même
accoucheuse l’a ainsi déclai’é lorsqu’elle a été appelée
en témoignage par Catherine Laiont; que le quatrième
témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
de l’enfant, qu’il avoit encore de la vie; que le cinquième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�t
( 12 \
a de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé; qu’on en est
«
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«
«
«
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«
d’autant plus convaincu quand on considère que le
quatrième témoin ouï à la requête de Catherine Lafont,
à qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
soins à la mère, a confirmé la déclaration de cette sagefemme, lui a vu battre le cœur, lui a distingué des
mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il soupiroit ; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières circonstances, jointes aux actes de l’état civil, aux déclarations des témoins, doivent suffire pour constater la
vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
de manière que Catherine Lafont, qui a été m ère,
qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« Le tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à Montluçon, le 14
« nivôse an 13, etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert L^afont à
payer ce qu’il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an 1 1 , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt ; mais ils avoieut gardé le silence en
�' ( 13 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
Lafont, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 1 3 ; les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13, parce que ce
jugement et celui du ig ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Forichon n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel lës Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées ; et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l’appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent h dire i c\ que les enquêtes p ro u v e n t
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�.( I 4 )
remarqués par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce sont ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais
sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les
actes de l’état civil ; les ordonnances nous l'enseignent,
et la raison nous dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
Car, comme le dit M. Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entière, comme dépositaires de l’état
des hommes.
Il ne faut pas être plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou
l’accoucheur, si le père est mort ou absent; car l’accou
cheur a lui-même un caractère public, et seul il fait foi
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3, art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la déclaration.
Enfin il faut que l’enfant soit porté à Vofiicier public,
ou qu’il vienne s’assurer de sa naissance. ( Loi du 20 sep-
�( i5 )
tembre, tit. 3, art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’un acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on pense l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de faux, par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de forme, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte public ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux-, et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen des enquêtes ; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luimême.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personnes s’écrièrent :
Voilà un enfant mort;
�(i 6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l’eau-de-vie, elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pâle,
€t avoit les yeux fermés ;
3°. Que François Corre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
4°. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
sc transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée,* et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
Le premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens ;
mais Marie Bournet ne le confirme pas.
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle sc contredit elle-meme
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit mort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
Lattre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
vivant, parce, qu "‘elle ne s y connaissait pas : cependant
elle avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitement ayep la dé
position
�( 17 )
position du témoin Forichon, qui a ouï dire à plusieurs
femmes que cette même Pignot leur avait attesté que
l’enfant étoit vivant, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : Voilà
un enfant mort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
Pignot, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait isolé, faux et inutile. Mais personne-n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux femiés.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. La loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
témoin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin ins
trumentale il feroit encore fo i, et ne seroit pas admis
à se rétracter.
lie quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par la
P ign ot, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couclics jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i8 )
Corre dit'que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
Le cinquième fait est démontré faux par tous les té
moins; car bien loin que le sieur Reynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir, il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’enfant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
Ainsi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�C *9 )
L e cu ré auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez long, la vie de l’enfant n’ait pu que diminuer,
cependant à son arrivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût mort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivant, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoit, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistœ dicunt sufficere quod aliquod mernbrum baptizetur, ut sit irifans christianus .
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la vie, d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A insi,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
public, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guillemin, à qui le curé a dit à diilerens inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
son existence.
Si à cela 011 ajoute les dépositions de la sage-femme
de la veuve Bonnefoi et de la femme Gorre, il n’y aura
plus à douter; car les m oum ncns de l’enfant dans la main
C 3
�( *> )
de la sage-femmè, les battemens du cœur, les soupirs ,
les bras remués trois à quatre fois, la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
. Cent témoins, qui diroient avoir vu un individu mort,
ne détruiraient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivant. Les apparences de la vie et de la mort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S e c o n d e
q u e s t i o n
.
Les signes de vie remarqués par les témoins so n t-ils
suffisons ?
> Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois romaines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et réputé vivant toutes les fois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il mouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit nul, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’intérêt
d’autrui.
Mais dès l’instant qu’il étoit né, il devenoit capable de
succéder et de transmettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v ie , licet i l l i c o decesserit. L. 2 , cod.
•ZJe post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoient pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand 1111 testa
ment étoit annullé par la naissance d’un posthume. Les
�( « )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que l’enfant, pour être réputé avoir vécu, eut crié, c/«rnorern erniserit. Mais les sabiniens n’étoient pas de cet
avis, et répondoient que la foiblesse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament étoit rompu si l’enfant étoit
né vivan t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existim abant si vivus natus esset e t s i
v o c e m n o n e m i s i t rumpi testamentum : eorum etiam
nos laudamits sententiam , et sancim us , si perfectè natus e s t , lie et i l l i c o postquam in terrarn cecidit vel
i n m i n i b u s o b s t e t r i c i s decessit, run/pi testamentum. Loi Quod d iù , code D eposth. lib.
Cette supposition d’une mort aussi prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la loi n’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque le son
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu, quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
S i non integrum anim al editum s i t , curn s p i r i t u
tam en , adeo testamenium rumpit. L. 12 ; lf. D e liberis
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant ;
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L ivre i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . Domat, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est question de savoir s’il a succédé et transmis la succès*'
sion. Dans la première espèce, c’est-à-dire, cum agiturde statu e tjît qucestio statûs , M . Domat pense que l’en-r
fant, avant sept mois, n?est pas réputé avoir vécu : mais
quand il ne s’agit que de transmettre la succession à ses
héritiers, ciim agitur de transmissione hœreditatis , les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suffit qu^il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des enfans de
quatre et cinq mois, nés même par l’opération césarienne.
( Liv. 1, sect. 1, n°. 5 , p. 2. )
Remarquons qu*ici il s?agit d’un enfant venu à leruio
après neuf mois, et dès-lors légalement viable ,
�( 23 )
Henrys, cité encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Domat; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regai-dé comme mort
pour avoir rejeté des excrémens, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. Voici littéralement
le fait l'apporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne man« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par« devant le juge la sage-femme et un médecin. Le prê
te texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrement,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.... La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du médecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en ordonner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
« l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au para lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m ot, que sur le doute , et dans les cir« constances du f a i t , il fa llo it plutôt juger que Tenfant
« avoit eu vie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1} liv. 6.)
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, dit, au
�C 24
) *
rapport tle Bretonnier, dans son traité D e p a riu , ch. 16,
n°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu^
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières;
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
Le raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
La chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué k
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
.personnel. Le seul soupir entendu étant un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans inspix*ation,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de contractilité et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme,
Tout cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
La base de ce système est une simple possibilité : le fait
principal qui le motive n’est pas exact, et par conséquent
le système s’évanouit tout^entier,
Lo
�( 25)
Le tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition de voit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
_ Le soupir appelé un dernier soupir est encore une
.erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de visu , ils ont dû remarquer que la sagefemme, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u -d e -v ie ,
entendit un gros soupir ; puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l’enfant soupirait, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der~
nier soupir.
A lo rs, et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère rende de l’air par expiration,
sans en ayoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
(deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après pette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la inspiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse, Dans une tête
D
�( X
)
............................
coupée,la vie Surprise, pour ainsi dire, pendant sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairémerit par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pas la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’éteint par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une seule a s p ir a tio n , toute contractilité et
irritabilité semble une Chose entièrement impossible.
Le larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
Le galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : mais, quelle qu’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un corps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
'
Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
Voilà donc une présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfant vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant, où est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
quand les assistons ne l’ont pu reconnoître? Gomment,
dans une matière aussi conjecturale que les signes de la
�( *7 )
mort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa ,nais
sance, avant, ou pendant son baptême, ou in manibus
obstetricis , suivant le langage de la loi.
La sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gardé; puis le curé, mandé pour le
baptiser, est venu; et c’est après tout cela qu’on a été
certain de sa mort.
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les signes de la mort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
Car, comme le dit M . W inslow , « si la chaleur du
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante, la pâleur du vi
te sage, le froid du corps, la roideur des extrémités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
s II est incontestable que le corps est quelquefois telle—
« ment privé de toute fonction vitale, et que le souille
« de la vie y est t e l l e m e n t caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. >3 ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la mort, page 84. )
Et c’est parce que les signes de la mort sont plus dou
teux que ceux de la vie, que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de reniant.
Si spirai’erit, dit Zacliias, si.membra distenderit , si
se r/éoverit, si sternutaverit., si urina/n reddat. (Quest.
m édico-lég. liv. i*?1*- tit. 5 ,11°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�.
C ¡8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l’enfant seroit mort dans le ventre de sa mère, et celui
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier‘
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mère ne laisse
pas de doute ; au deuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins i f cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. (Médecine
civile, tom. i , n ° . 288.)
Mahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilité. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2,
pag- 393 - )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne Fétoit-il pas quand son cœur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les r a i s o n n e m e n s de l’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
mort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
Eh ! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme l’ins-
�( ¿g ) ï
tant fixé de la mort'celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque joui*
sur la foi de cette croyance.
On sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude ; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mômes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du mouvement, étoit cependant m ort,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente ; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
Les couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc np pas croire que ces opérations ont
�( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente , plutôt q u e ’
d’assigner une époque antérieure, sans aucune certitude,
mais par simple soupçon.
'
Ici au moins nous présentons un système qui a une .
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
ce de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne fautj
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
(*Hîppocr. de superf. ch. 5 . )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an*
cienne théorie; Alphonse Leroi, qui les rappelle, ajoute :
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que.
cc nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( Alph. L eroi,
pratique des accouchemens. )
La section du cordon ombilical a donc pu nuire à un(
enfant déjà foible; des frictions d’eau-der-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que scs
soupirs ont annoncé le dernier effort do la nature; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœur, il
a résulté de cette suspension meme que c est alors seu-?
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans le
doute même, la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vie
pst ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. L à
il s’agissait de rompre 1111 testament, et c’étoit en pure porto
�f
►
*
*t
'Cr3*
)
I
1pour le'posthum e, ;s’il mouroit■'iffïcù) 'ïn manibus ofotetricis j ici, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
-faveur d’une mère, et de supposer que la nature a suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un enfant
q u i, venu à terme, étoit légalement viable.
1 On a articulé contre l’acte de naissance des vices de
forme, mais ils sont imaginaires, et Remporteraient au
cune peine de nullité. Le seul vice conséquent serait de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
la loi dit seulement qu’il sera présenté h l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni mère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se'donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment antérieur ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem , suivant le
langage de la loi. On a,blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la nature et dans la morale, com m e il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
-de Domat, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas dit, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f ortunam , ut in dubio m atri f aveam us ,
quœ in luctu est m agno , propter amissum f ilium et
m a ritu m , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg.26
D e pact.
dot. )
A quels titres en effet seroient plus recommandables
des collatéraux, qui ne v o y a n t dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p roie, e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur famille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant ? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre public, par le motif
unique de leur intérêt particulier.
M e, D E L A P C H I E R , avocat,
M e T A R D I F , licencier avoué.
A. R IO M , de l’im prim erie de Landriot, seul im prim eur d e la.
C o u r d'appel
N ivose an 14.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 14
1801-Circa An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0323
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_M0723
BCU_Factums_G1508
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Néris-les-Bains (03195)
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Posthume
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M ÉM OIR E
-
EN R É P O N S E ,
sieur J e a n - J a c q u e s , - M a r i e R O C H E F O R T -
Pour
D A L L Y , habitant à Ar tonne, intimé ;
C on tre
sieur C l a u d e B E L A V O I N E , du lieu d’E c o le ,
mairie de B r o u t
appelant;
E n présence du sieur D E C O M B E , des Morelles ,
, ■
maire de B rou t, a u ssi intimé.
‘j :
Le sieur Belavoine a jeté un dévolu sur un b ois de
trois cents septérées, dépendant de la terre de L a ffon t.
Toutes
les années de la révolution ont été employées
à préparer celle conquête ; mais le hasard a voulu que
le sacrifice ne fût pas consommé, au moment où il a été
permis de ne plus rien céder à l’épouvante. Cependant
le sieur Belavoine n’en a pas moins cru le propriétaire
i
�( o
do L a f o n t , dans l ’impuissance absolue de se défendre.
To u s les titres de celte terre avaient été brûlés avec
scrupulej et le sieur B e la v o i n e , qui n’a pas brûlé les
siens, produit aujourd’hui une ou deux, pièces équi
voques , sur lesquelles il fonde le principal espoir d e
son usurpation.
Mais un titre essentiel s'est retrouv é, el cette appa
rition inattendue a fait un effet extraordinaire sur la
sieur BelîSBine ; sentant bien q u ’il lui faudrait des
titres contraires , et ne sachant où en p r e n d r e , il a
fait des querelles à tous ceux qui ne lui en fournis
saient pas. Il est venu aux pieds de la cour erier à la
collusion et à l ’injustice ; il a promené un notaire de
B i o m à. Brout, et de Brout à E c o l e , pour verbaliser,
instrumenter, pour fouiller toutes les paperasses par
lui indiquées , e t , au d em eu r an t, ne procurer aucun
résultat de tout cet a p p a r e i l , co m m e il Favait bien
prévu. En fin , le dénouement de cette comédie a été
plus sérieux 5 le sieur Belavoine a dénoncé à la cour
le maire de Brout co m m e prévaricateur, pour ne pas
lui avoir fourni des titres quelconques, et pour ne
pas avoir voulu plaider dans le m êm e sens que lui.
En. so m m e, que veut le sieur B e la v o i n e ? un bois
qu’il prétend être la propriété des habitans de Brout.
A-l-il un titre? aucun. Mais il combat celui du sieur
de R o c l ie f o r t , en disant que la propriété du bois ne
lui était reconnue qu’à cause de sa terre et ju s tic e de
L a fo n t ; et il croit avoir lu dan« les lois féodales de
la révolutio n, que les bois dépendans des terres seir
gneuriales ont été concédés aux communes..
�(
3
)
C e principe barbare ne se trouve nulle aut re part
- que dans l'imagination du sieur Belavoine ; et toute
la défense du sieur de Rocliefort consistera à dém on
trer que son litre lui suffit, tant q u’on ne lui opposera
pas des titres de propriété contraires.
'Si cette affaire exige d ’autres développemens , ce
"ne sera que pour redresser un peu la narration du
-sieur Belavoine , en ajoutant quelques explications à
*ce q u ’il a cru 'de son intérêt de dire trop b riè v e
m e n t ou de passer sous silence.
t
FA IT S.
- L a terre de L a fon t-d e-S t.- M ageran t, située en la
co m m u n e de Brout, fut vendu e le 21 juillet i 58 a ,
au siéur Alexandre de Caponi , l’un des ancêtres du
sieur ‘de 'Rochefort.
La
com m un e
de Brout était divisée
en
quatre
parties ou collectes, dont trois dépendaient de la terre
de Lafont ; la quatrième ([Ecole) dépendait de M. le
duc d’ Orléans.
( L e seigneur de L a f o n t avait beaucoup de bois taillis;
les un s, plus rapprochés-de son habitation, ne pouvaient
convenir q u ’à lui se ul, et il était naturel q ü ’il n ’y
souffrit l'introduction
d ’aucun pacage. L e bois des.
Brosses , 'le plus considérable de t o u s , était sur les
limites de la terre.
' C o m m e il était d’usage général, dans les tems reculés,
de faciliter aux censitaires l’éducation de leurs bestiaux,
�U
)
pour la culture de leurs héritages, le seigneur de L a f on t
avait toujours permis aux liabitans des collectes dépen
dantes de sa ju sti ce , de venir pacager.
E n indemnité de cette concession, le seigneur était
en usage de percevoir un droit de blairie , à raison
d’une coupe de blé seigle, pour chaque paire de bœufs.
Plusieurs titres des i 6 . e et 17.®siècles le réglaient ainsi;
ce n ’étaient pas seulement des terriers, mais des sen
tences et des transactions, q ui, à la vér ité, ont été la
proie des flammes , mais qui se trouvent mentionnés
a vec détails, dans une dernière transaction du 22
février i y 55 .
C elte transaction fut passée entre dame Gabrielle
de C a p o n i , et le sieur Marien Maréchal , son mari
seigneurs de L a f o n t , d’ une p a r t , et Jean Belavoine
( père de celui qui plaide aujourd’hui ) , faisant tant
pour lui , que pour Bornât , R o y et T o u z a i n , ses
métayers, An d ré Bonamour, François Bonamour,autre
François Bon am our pour lui et pour Gabriel son frère,
Gilbert Bourdier et Jacques R o u gie r , ious liabitans des
divers villages de la paroisse de B r o u t , (1) d ’autre part.
On y expose q u’il y* avait eu procès avec le père
dudit B elavo in e, depuis 1 7 2 8 , pour le droit de blairie,
et q u’il 11’y avait été condamné que pour un seul
d om aine, par sentence de 1 7 2 4 , dont il y avait eu
a p p e l ; q u ’il y avait eu une autre sentence en 1 7 4 ° .>
( 1 ) Tous voisins du bois des Brosses , et n’ayant intérêt
à traiter que pour pacager dans celui-là.
�_ ( 5 )
Contre les autres individus qui avaient été condamnés
contradictoirement, et qui avaient interjeté appel au
parlement : lequel appel avait resté indécis par la négli
gence du tuteur de la dame de Caponi.
C ’est en cet état que lesdits habitans, ayan t appris
que ladite dame avait fait la recherche de ses titres et
allait poursuivant le procès, demandèrent à prendre
connaissance desdits titres, pour transiger, si le droit
était fondé.
v .rllors l’acte constate que les sieur et dame Maréchal
communiquèrent auxdits liabitans et à leurs conseils;
i.° trois litres de i 5 i o , i 53 o, i 5 yo et 1648 5 2.0 un
échange de la terre fait en 1 5 7 2 , entre le sieur de
Beaucaire et Jeau de B a y a r d j 3 .° le conlrat de vente
de la m ê m e terre
consenti au sieur Alexandr e de
C a p o n i , le 21 juillet i 5 8 2 ; 4.0 trois ave ux et dénom breniens de 1 6 0 9 , 1664 et 172 6 ; 5 .° une sentence
du 20 mars
i
6 3 i , qui condamne tous les habituas de
. la lerre , du nombre desquels était François V i a r d , à
p aye r le droit de blairie audit sieur de Caponi ■6.° une
transaction passée entre ledit François Viard et le sieur
Gilbert de C a p o n i, portant reconaissance du droit de
blairie par ledit V i a r d , pour le droit de pacage de ses
métayers et locataires ; 7.0 un reçu affirmé du i . cr sep
tembre 1 6 7 0 , par D u m o u l i n , f erm ie r , qui déclare
avoir reçu le droit de blairie et pacage de tous les j u s t i
ciables ayant bestiaux ,* 8.° quatre sentences rendues
en 1 7 1 7 ? et nombre infini d’autres sentences, qui con
damnent les justiciables au droit de blairie, sans appel
n i opposition*
�m
E t après avoir v a ces l i t r e s , l ’acte porte que Iesdiis
Belavoine et autres les jugeant suffisans, et ne pouvant
opposer la prescription à cause des minorités arrivées
dans la famille C a p o n i , et prévoyant bien que quand
ils gagneraient leur procès, ils se trouveraient privés,
c o m m e les forains et amendables, s'ils n ’étaient afTorestés, du droit de pacager dans un téne ment de bois,
dont la propriété appartient à ladite d a m e , vulgai
rem en t appelé le bois des B rosses, qui se coniine, elc.
dans lequel bois des Brosses lesclits seigneurs de L a fo n t
:ont ¡de tout tems laissé pacager les bestiaux de leurs
justiciables, à cause de la perception faite par “lesdits
seigneurs‘ dudit idroit de blairie.
A prè s ces préliminaires , l ’acte porte que lesdits
•Belavoine et autres liabitans ont'ofiert de payer doré
navant ledit droit de b l a ir i e , mais q u ’ils ont supplié
les sieur et dame Maréchal de leur faire remise de tous
les fra is. En co n s é q u e n c e , les-parties traitent et tran
sigent par transaction sur pr oc ès , ainsi q u ’il suit:
«• Savoir est que lesdils justiciables comparans, tant
«■p o u n e u x que pour leurs successeurs à venir, se sont
a volontairement et u n a n i m e m e n t , chacun en droit
« soi, soumis et obligés de p a y e r , servir et porter, îï
<r chacun jour de saint Ju lien , au mois d ’a o û t , audit
« château et baronnie de L a f o n l , l e susdit droit de
« blairie sur le pied ci-dessus fixé d ’une-coupe de'blé
« soigle, mesure Saint-Pourcain, par chaque paire de
a bœufs ou vaches lubourant, et deux sols six deniers
« pur chaque maison.de journaliers ou locataires tenant
�(7 )
« fea et besliaux non la b oura nt, dans l ’étendue de
«• ladite justice; et ce , pour tenir lieu de la fa c u lté de
«. pacage, ci-devant expliquée : le tout ainsi accepté par
a ladite dame sous l ’autorité dudit seigneur son mari;
<r Lesquels seigneur et d a m e , en conséquence, ont con«. tinué d'accorder a u x d its Justiciables comparons ,
« pour e u x et les le u r s, ledit droit et fa c u lté de p a «. cager dans son su sd it bois des B rosses, ci-devant
« confiné, à la charge néanmoins par lesdits justi
ce ciables de se conform er à l ’ordonnance des eaux et
«. f o r ê t s , et sans pouvoir par lesdits justiciables faire'
« pacager leurs dits besliaux dans les autres bois, plants,
« terres, hernies et vacans, vu que lesdits judiciables
« n ’y ont aucuns droits ni d'usage généralement quel« conque appartenans et dépendans de ladite baronnie,
<
*■¡tout lequel surplus de bois, de quelque* espèce que
«■ce. pu isse, places et terres, hermes et vacans dé
te.meurent expressément réservés à ladite dame pour
« jouir et disposer co mme elle avisera ; et quoique
« ledit étang_de ris se trouve placé dans ledit ié ne m en t
» des Brosses, et en faire partie, ne pourront lesdits justiciables comparans y retenir leurs bestiaux de garde
« f a i t e , tel qu’il fut décidé par la susdite transac tion
k
« du i l septembre i 6 8 3 , et ainsi q u’il a toujours été
d ’ usage , et par -condescendance de la part desdits;
« seigneur et dame comparans , pour leurs sujets et
« justiciables comparans, ils leur ont accordé : Que lors« que ledit bois se trouvera en état de coupe, pour la
«• facilité desdits justiciables, el pour leur procurer .une
�(8 )
« continuité de liberté de pacage dans ledit bois, lesdils
« seigneur et dame leurs successeurs et a y a n t- c a u s e
« ne pourront en faire exploiter que la moitié à la
« fois au plus, et la coupe con li gu ë, de façon q u’en
« tout tems il ne puisse y avoir que la moitié desdits
«• bois en défense , et l ’autre moitié libre pour le pa
ir ca ge , et m ê m e veulent rien encore, qu’ après l ’exploi« tation de la première moitié, ne puisse être coupé
« et exploité que cinq ans après l’exploitation de
«r ladite première m o i l i é , pour être ainsi observé à
« jamais successivement à chaque ouverture de coupe
« desdits bois, ce qui aura lieu dès la présente année;
« que Lesdits seigneur et dame feront diviser lesdits
« bois en d e u x parties, pour demeurer La m oitié d'¿ceux
« en défense pendant cinq a n s , quoiqu’ils n’en fissent
a pas faire l ’exploitation; et l ’autre moitié demeurera
« libre pendant ledit tems, pour être ensuite en défense
r- pendant les cinq ans qui suivront ladite première dé'« fense, et ainsi successivement, co m m e dessus; font
« remise des frais q u’ils étaient en droit de répéter
« contr’eux ; se sont lesdits seigneur et dame compa<r rans réservé de poursuivre , faire reconnaître ou
« amender tous autres leurs justiciables absens et non
« comparans pour raison dudit droit de blairie, et dé« laissent le sieur Larbaud , ci-devant fermier de ladite
« baronnie,
se faire paye r des arrérages dudit droit
« de blairie co mme il avisera b on; et au m oye n de tout
« ce que dessus les parties demeurent hors de cour et
« de procès sans dépens. Fait cl passé, etc.«
Le
�(9 )
L e 6 mai 1 7 5 5 , six autres individus se préservèrent
pour adhérer a ladite transaction.
L e 20 décembre 1 7 5 7 , elle fui encore approuvée et
rendue com m un e à six habitons.
- L e 9 janvier 1 7 5 9 , il y eut encore acte de ratifica
tion par quatre autres habilans.
-Ces transactions terminèrent toutes les difficultés, et
furent pleinement e x é c u t é e s ; s’il y eut quelques vols
commis par des individus autres que ceux qui avaient
traité, ils furent réprimés par des procès-verbaux des
gardes.
- E n 1 7 7 9 , la maîtrise de Monmarault fit une dé
m a r c h e ' q u i , à supposer qu’elle ne fût pas provoquée
par le sieur Belavo in e, éveilla au moins son attention,
et lui donna l’idée de la tourner entièrement à son
profit.
L e 14 avril 1 7 7 9 , le procureur du roi de cette m aî
trise donna un réquisitoire portant qu'il avait été in
formé de beaucoup d ’abus et désordres qui avaient lieu
dans les bois de plusieurs com m unauté s, notamme nt
celles de B r o u t, Saint-Pont et T o r i g e ; que la collecte
de Brout, située en la justice de L a f o n t , était en pos
session de deux bois appelés Bois-Dieu et S e r v o i r o n ,
à l ’égard desquels aucunes règles n’étaient établies,
ni aucunes dispositions de l’ordonnance de 1 769 suivies;
que ces b o i s ‘ étaient exposés au pillage des habilans,
qui exploitaient en tout tems de l’année sans demander
aucune délivrance ni laisser aucun canton en réserve.
E n c o n s é q u e n c e , il demanda permission d ’assigner
3
�( 10 )
B o n a m o u r , sy nd ic, pou r procéder à ¡’arpentage et
bornage des bois, prés et c o m m u n a u x , pour en êlre
mis un quart en réser ve , et jusque là être défendu de
couper.
L e m êm e jour intervint une ordonnance du lieute
nant particulier qui permit d’assigner, et fit des dé
fenses aux liabitans de Brout de faire aucune coupe.
A v a n t que cette requête fût signifiée, il paraît que
le sieur Belavoine fit faire une assemblée d ’habitans,
le vingt-trois mai 1 7 7 9 , par laquelle il fut délibéré
qu’on le nommait sy nd ic, et qu’ il serait chargé de d e
mander le partage du bois des Brosses et du bois Servoiron. En eflèt , il paraît que , sous le nom desdits
liabitans, il fui présenté requête en la maîtrise de M onmarault pour demander ce partage.
Cela fut fait avec plus de précipitation que les dili
gences mêmes du procureur du roi j car ce n’est que le
dix juin 1780 qu'il donna assignation à Belavoine >
syndic, aux fins de sa requê te, et pour être condamné en
une amende de mille francs , résiliante des malversa
tions qui avaient été commises dans les bois ci-dessus.
Jusque là tout se passait à l’insçu du propriétaire de
ces bois. Mais si on en croit le sieur Belavoi ne, et des
copies d ’actes q u ’il a fait extraire, il paraîtrait que le
sieur M a r é c h a l , simple usufruitier de la terre de L a
font , com m e tuteur Légal de son fils, demanda, en la
m êm e maîtrise, le triage de trois cantons de bois énon
cés en sa requête.
L e g r a n d - m a î t r e des eaux et forêts donna, le .25
�(
):
juillet 1780 , un mandement porlant qu'il serait dressé
procès-verbal de l’état des lieux, et q u ’il serait fait rap
port des litres en vertu desquels les liabitans prélendciient des droits sur lesdits bois.
■
Ce
procès-verbal fut dressé par le lieulenant de M on -
m a r a u l t , l e 20 septembre 1780. Il vérifia, i . ° q u e S e r voiron était composé de quarante a r p e n s , et que tout
le bois était détruit; 2 ° que le Bois-Blanc était composé
de quinze arpens, et que le bois en était de m ê m e dé
truit ; 3 .° que les Brosses était composé de trois cents
arpens ; que la superficie en était bien couverte de
ch ênes, dont la moitié était en bon éla te t l’autre moitié
dévaslée , parce qu étant p lus à 'la proxim ité des d o
maines , elle était p lus exposée au pillage des d élin
quants et a u x bestiaux.
Il ne paraît pas q u e , lors de ce procès-verbal, Belav o in e , synd ic, se fut mis en devoir de rapporter au
cune espèce de titres réclamés par le mandement du
grand-maître.
L e 20 janvier 1 7 8 1 , le procureur' du roi donna assi
gnation au sieur Marien M a r é c h a l , et au syndic des
liabitans de Brout , à comparoir, le 2 mars su iv a nt,
afin de rapporler leurs litres pour en être dressé procèsverbal, ainsi que des dires des parties.
Dans cet intervalle, G il b e rl-H e n ii Maréchal devint
majeur de c o u t u m e , et eut pour curateur le sieur Gil
b e r t -Françoi s
de Caponi son oncle. Il comparut au
procès-verbal du 2 mars : il produisit les titres q u ’il
avait dans cet instant en sa possession ; et ce procès-
4
�C 12 )
ve r b a d u 2 mars 1 7 8 1 , que le sieur Belavoine a produit,
comme lui étant avanta ge ux , et dont le sieur de R o cliefort rapportera les expressions textuelles, va prouver
deux choses bien essentielles : la première, c'est que
le sieur M aré ch al fils , seule partie capable de prendre
des conclusions pour la terre de La font , y réclame
expressément la propriété exclusive des bois co nten
t i e u x , et ne dit pas un mot du tirage ; la seconde., c ’est
que le sieur B e la v o i n e , qui fait aujourd’hui une que
relle au maire de Brout , en ce qu’il ne rapporte pas
des litres de propriété relatifs au bois des Brosses, n’eu
produisit lùi-mêm'eaucun, lorsqu’il était assigné, co m m e
s y n d ic , pour en produire.
On voit dans ce procès-verbal du 2 mars 1 7 8 1 , qu e
M . Palrocle Camus , procureur du sieur Maréchal fils,
produisit plusieurs titres, sentences et b a u x à c e n s ,
dans le terroir m êm e du bois des Brosses : « de tous
«• lesquels titres produits et rapportés par ledit seigneur
« de L a f o n t , ledit M. C a m u s ,s o n procureur, a re m on
te tré pour l ui, qu'il résultait que la propriété foncière
« du bois des Brosses et B o i s - B l a n c a de tout tems
«r appartenu audit seigneur de L a f o n t - S t . - M a g e r a n d ,
« co m m e faisant partie de ladite terre, et aux droits
« inséparables de sa justice, et que les habilans domi« ciliés dans [l’étendue de la justice de ladite baron« nie de L afon t n ’y ont jamais eu d ’autres droits q u e
« la faculté de la vaine pâture pour leurs bestiaux,
« q u e leur ont accordés leur-seigneur, ainsi que dans
.« les autres places, terres, hernies ou vacans, situés
�C 1 3' )
«• dans la circonscription de la m ê m e juslice.........
Qu&
« q u a n d les seigneurs leur ont accordé cette même
«■f a c u l t é , de laquelle ils jo u isse n t encore , ils n ’ ont
« point, entendu donner atteinte à leurs droits de pro
ie priété particulière ; q u ’ils se sont au contraire touce jours conservés, ainsi que le démontrent les actes
« ci-dessus p r o d u i t s ...... Que quand les justiciables se
« sont aidés du pâturage des susdits bois, ce n ’a été
«■
’ que par le droit de pure f a c u l t é , et non par dr oi t
« de servitude ou foncier , d’où il ne peut résulter
r aucun droit réel en leur faveur.......... Q l i e > sans ces
« concessions, lesdits habitans ne pouvaient envo ye r
« pâturer leurs besliaux dans les bois et autres places,.
«• te rr es , hermes et vacan s, sans s’y exposer à une
« amende envers le seigneur propriétaire du fonds
«- desdils b o is , places, terres, hermes et vacans.........#
cc Qu e le seigneur de Lafont a l u i - m ê m e un étang
« provenant du bois des Brosses ; cet étang étant dans
« ledit b o is , et c e , de tant d’a n c i e n n e té , q u’il n’est
« mémoire du contraire.......... Si les seigneurs de L afon t
« avaient entendu concéder à leurs justiciables un droit
« de propriété exclusif sur le bois des Brosses et autres,.
« dans lesquels ils avaient bien voulu leur continuer
« seulement la faculté de la vaine pâture, auraient-ils
« pris, et auraient-ils eu le droit de
fa ir e
des conces-
«■
’ s ions de partie d u d it bois des B rosses, à cens et
«-censives emportant toute directe et seigneurie; s’ils,
« n’en avaient pas été les seuls propriétaires, leurs
« justiciables n’auraienl-ils pas formé opposition à ces,
�( I4 )
« concessions, ainsi q u ’à rétablissement dudit étang... ?
« Q u ’aiasi les seigneurs de Lafont n’ont jamais entendu
« accorder à leurs justiciables aucun droit de propriété
« dans lesdils b o i s , ni partager le droit de propriété
«r a vec e u x ........ Que la transaction de 1 7 5 5 a ach ev é
« de convaincre de la propriété exclusive des seigneurs
<r de L afon t sur le bois des Brosses et autres..... . Que
« les justiciables ne prélendaient pas alors que lesdils
« bois des Brosses fussent c o m m u n a u x , q u ’aulrement
« ils n’auraienl pas manqué de se conformer à l ’or«• donnance ; qu ’ils n ’auraienl pas m anqué non plus
et d ’en fournir la déclaration au roi, et q u ’ils seraient
ce
imposés au rôle des vingtièmes, pour raison des pro-
cc
duils et revenus desdits bois.... Q u ’ils n’avaient eu jus
te
q u ’à présent d ’autreambition que de se maintenir dans
te la faculté de la vaine p ât u re, et que ce lle intention de
leurpart est pleinement manifestée dans la transaction
te de 1 7 5 5 , où ils bornent m êm e leurs prétentions au
te seul droit de pacager dans le bois des Brosses».
Ce procès-verbal annonçait au sieur Belavoine que
le sieur Maréchal était disposé à défendre sa propriété,,
et à avoir les. y e u x ouverts pour se garantir de toute
usurpation; aussi ne p a r a î t - i l aucune pièce posté
rieure à 1 7 8 1 , et les choses restèrent co m m e elles
étaient auparavant.
'
S’il y eut des dégâts, il y eut des procès-verbaux de
gardes, autant du moins q u ’il était possible de s’appercevoir de ces dégâts qui étaient si faciles à des métayers
voisins d ’ un grand bois, et fort éloignés de toute sur-
�( 15)
veillance; mais il est ridicule de d ir e , c o m m e le sieur
B e la v o in e, que les habilans de Brout continuèrent de
jouir du bois des Brosses.
Ici le sieur Belavoine p lac e, e x abrupto, un procès
auc onse il du ro i, sans dire comment la maîtrise, inc om
pétente à la v é r i t é , mais saisie, aurait cessé d ’être
le juge des parties. Il croit m ê m e qu’il y a eu arrêt du
c o n s e i l , et, c o m m e on s’y attend b i e n , que cet arrêt
condamnait entièrement le sieur Maréchal : ce conle
n ’a pas m êm e le mérite de la vraisemblance.
On lui a assuré dans les te m s , d i t - i l , q u ’il y avait
eu arrêt au profit des habitansde Brout; puis il ajoute
q u ’on demandait une somme très-considérable pour
le lever. Il semble d’abord que le sieur Belavoine a
simplement ouï dire ce q u’il a v e n t u r e , puis il parle
c o m m e s’il était certain ; mais sans doute il devait l ’êt re ,
car il était le s y n d i c , et c ’est à lui q u ’on devait s’adresser
pour ce procès ; il ne fallait donc pas biaiser pour dire
positivement ce q u ’il a dû savoir, ni inspirer des doutes
sur un fait qui sera démenti dans un instant.
L a révolution est su rv en ue, et tout ce que le sieur
Belavoine en dit , c ’est q u ’après avoir nom m é des
arbitres, en exécution de la loi sur les c o m m u n a u x ,
le sieur Maréchal iinit par rendre ju stice aux habilans
de Brout, et renonça à ses prétentions sur le bois des
Brosses.
Mais cette époque ne doit pas être passée si rapi
dement ; et puisque le sieur Belavoine a pris la peine
de retirer de la mairie de Brout touteslespiècesrelatives.
(
�. ( i 6 )
à ce qui s’est passé depuis 1 7 9 0 , à l’occasion du bois des
Brosses, il semble qu’il faut un peu s’occuper de ce qui
a préparé ce prétendu renoncement du sieur Maréchal.
A peine les lois de 1789 eurent - elles porté la pre
mière atteinte aux droits des seigneur s,que les prin ci
p a u x habitatis de Brout s’occupèrent sérieusement de
s’approprier le bois des Brosses. O n com m en ça par le
faire cotiser c o m m e co m m un al, alin de ne plus s’e x p o
ser à l ’objection sérieuse qui avait été faite au procèsverbal de 1781. ( C e p e n d a n t il paraît que le sieur
Maréchal fut aussi cotisé pour les Brosses).
E n s u il e , com m e le village de Brout était devenu une
des 45,000 municipalités de F ra n c e , il y eut une con
vocation du c o n s e i l - g é n é r a l , le 24 octobre 179 0; le
procureur de la c o m m u n e exposa q u ’il fallait délibé
rer sur le défrichement des com m un aux dts Brosses,
Servoiron et Bois-Blanc. Mais , sur cette m o tio n , lej
maire observa que la municipalité ne pouvait y sta
t u e r , attendu q u’il y avait instance pendante en La
'c o u r de M onm araulb, avec M. Maréchal. En consé
q u e n c e , il y eut renvoi au district; le district, à son
t o u r , renvoy a à la municipalité pour donner son avis,
sous huitaine. On assembla les liabitans pour délibérer:
un maçon et un tailleur furent à peu près les seuls qui
votèrent pour un partage à faire le plutôt possible.
L e 11 décembr e 1791 , les principaux liabitans de
Brout ayant jugé le lems plus opportun, firent une
autre convocation; 011 y délibéra, i.° q u ’il fallait véri
fier les usurpations, et que le sieur Maréchal avait
usurpé
�( i7 )
usurpé deux cent cinquante boisselées; z.° que le par
tage des trois bois devait avoir lieu , parce qu'ils étaient
inutiles, et q u ’il conviendrait de les mettre en cu ltu re ,
à cause de la disette des grains,, et pour em pêc her les
liabitans de pâlir. Ce procès-verbal fut signé BeLavoine,
‘ maire.
L e 14 janvier 1 7 9 2 , il y eut une autre assemblée
pou r délibérer le partage; mais il n’y avait à cela que
deux petites difficultés auxquelles M. le maire n’avait
pas pensé ; la p r e m i è r e , c ’est que jusqu’alors aucune
loi n'avait autorisé le partage des com m u naux , à
supposer que ces bois fussent tels q u ’on les dénom
mait; la seconde , c ’est q u ’on arrangeait tout cela sans
'le sieur M a ré cha l, qui avait fait valoir des réclamations
auxquelles on n’avail encore su que répondre.
•
Bien lot arrivèrent les lois des 28 août 1792 et 10
juin 1 7 9 3 ; et alors, il faut en convenir, un seigneur
n ’aurait p e u t-ê l r e pas eu trop beau jeu de réclamer
ce que des communes lui disputaient.
Il y eut une
convocation où le citoyen Bonainour fit un discours,
po ur prouver «• que dans le partage des c o m m u n a u x ,
« il ne fallait pas que les collectes de Lafont abandon« liassent leurs frères de la collecte d’Ecole; que lds
« pauvres co m m e les riches avaient tous les mêmes
« droits, et q u’il ne fallait pas admettre l’ancien ré« g i m e , etc. En co nséq uence , l ’assemblée arrêta avec
a sagesse (,i ) q u ’on se réunirait pour le partage des
( 1) L e procès-verbal le dit ainsi.
�( i8 )
« irois bois et de ce ux d ’E c o le ; que tout serait porté
a à une m êm e masse pour être partagé par tê te , sans
« distinction de s e x e , ni âge».
Cependant tout cela ne dépossédait pas le proprié
taire, et encore fallait-il lui dire un mot de ce q u ’on
voulait faire ; enfin , pour se conformer à ce q u ’exi
geait la l o i , dans le cas où la propriété était contentieuse, l ’agent de la com m un e écrivit au sieur M a r é
chal, le 19 nivôse an 2 , la lettre dont voici l’extrait:
« Cito yen républicain............L a com m un e a n om m é
« deux arbitres et deux experts : il s’agit d’en nomm er
« deu x autres.........; il faut que les droits respectifs
« soient confirmés par un jugement définitif et sen« tence arbitrale, etc. » ( O n ne voit pas p r é c i s é m e n t,
par cette l e t t r e , ni par d ’autres p ièce s, quel était le
mandat donné par l’agent à ces arbitres et experts).
L e 24 du m êm e mois, le sieur Maréchal répondit
q u ’il n o m m a it , de sa part, les sieurs, Destermes et
Bequ emi.
C e n’était pas trop ce qu’on entendait, et quand on
vit le sieur Maréchal disposé à faire valoir ses droits,
on fit jouer les ressorts ordinaires de la te rre ur; elle
réussit, et le sieur Maréchal écrivit à la commune.
« L a loi ne défend pas de régler ses procès ¿1 l'a
rc miable : j ’offre à mes frères, de quatre-vingt-dix à
« cent arpens du bois des Brosses, en propriété ,
«■g r a tis, à prendre du côté de...... (11 indiqua le con« fin ci côté du sieur Belavoine). J ’offre tout Servoiron
« et tout B o i s - B l a n c ; plus, j ’assure à mes frères le
« pacage g r a tis , dans le surplus des Brosses».
�'( i 9 )
Quand un aristocrate avait donné un signe de p e u r ,
toute capitulation avec lui était inutile, car il n’était
plus en son pouvoir de rien refuser. U n personnage
important de cette époque , alla dire en confidence
au sieur M a r é c h a l , que deux représetitans d u peuple
’ arrivaient a Moulins, pour prononcer sur le sort des
suspects; que les anciens censitaires publiaient haute
m ent qu’il était un modéré égoïste ,■et q u e , si cette
•terrible qualification allait jusqu’aux-oreille? des repré
s e n t a i , il était perdu.
•
Aussitôt l ’épouvante s’empara de l ’a (ne du sieur
M a ré ch al : il prit la plume incontinent, et écrivit à
l ’agent de B r o u t, le 24 germinal an 2 , ce qui suit :
- a Citoyen..........J e te prie de dire à tous mes con « c ito ye ns , que je ne suis point égoïste , et q u ’ils
» peuvent prendre les Brosses ».
V oilà la pièce importante que le sieur Belavoine
appelle un abandon de propriété.
- L a terreur'sommeilla quelque tenis en l’an 3 , et
le sieur M a r é c h a l , un peu e n h a r d i , f i t , à ce q u ’il
paraît, quelques démarches pour en revenir à ses pré-y
tentions ; car on voit par 'une lettre de l’a g e n t , en
date du
22
pluviôse an 3 , qu’il écrivait au sieur
Maréchal : « N ou s sommes forcés de vous dire que les
« lois, concernant les c o m m u n a u x , seront .inévitablece mont à l ’avantage de la c o m m u n e .........Vous pour» rez apporter vos titres, le jour q u ’il vous plaira, et
» vous expliquerez vos moyens ».
Peu de tems après survint la loi de sursis au par-
6
�(
)
tage d^s co m m unaux ; l ’agent en donna la nouvelle
au sieur M a r é c h a l , le 3 o prairial an 4 , en ajoutant :
'«• Vous connaissez l ’esprit turbulent des habitans , je
« crains qu’ils ne se portent à quelque e x c è s ; il est
« inutile de vous rendre ici ■
».
Les choses en restèrent donc où elles en étaient ;
les habitans de Brout ne purent pas partager le pr é
tendu c o m m u n a l , à cause de la loi du sursis, et par
conséquent le sieur Ma ré chal n ’en fut pas dépouillé.
Personne n ’a eu idée de se prévaloir d’ un simulacre
de donation arrachée à la terreur d ’un vieillard ,
simple usufruitier, et d’ailleurs non revêtue d ’aucune
espèce de formes.
L a terre de L a f o n t , co m m e il a été déjà dit, ap
partenait au sieur G i l b e r t - H e n r i Maréchal , fils de
Marien , q u ’on tourmentait en l ’an 2 , pour lui faire
donner ce qui n ’était pas à lui. L e sieur Maréchal
fils a vendu ses droits au sieur de Rocliefort , son
bea u -f rè r e , qui est propriétaire actuel de la terre de
L a f o n t , et par conséquent des bois qui n'ont jamais
cessé d ’en faire partie.
E n l ’an 1 0 , on avertit le sieur de R oclie for t, que
les métayers du sieur Belavoine commettaient des dégâts
journaliers dans le bois des Brosses;que sous prétexte
d ’ y introduire des bestiaux, pour les y faire pacager,
ils coupaient des arbres, et en arrachaient les souches;
en con séq ue nce , le 24 nivôse an t o , il assigna le sieur
Belavoine au tribunal civil do Gannat, pour voir dire
q u’il serait maintenu au droit de propriété dudit bois
�( 21
des Brosses, avec défense audit B e l a v o i n e d ’y faire paca
ger, couper des arbres, et arracher des sou ch es , et pour
être condamné en 1,200 fr. de dommages-intérêts.
Belavoine demanda copie des titres sur lesquels était
fondée la demande ; on lui signifia la transaction de
1 7 5 5 , et il se laissa condamner par défaut , le 18
avril 1806.
Il forma opposition à ce j u g e m e n t , en disant, i.°
.en la f o r m e , que la demande était nulle, co m m e ne
contenant pas les lenans et aboutissans; 2.0 au f o n d s,
que l ’acte de 1 7 5 5 était un titre féodal; qu’il n’avait
pas été homologué au conseil.
. A v a n t le jugement par d éfau t, et le 7 f évrier 1806,
le sieur Belavoine sentant bien qu'il inspirerait plus
d ’intérêt, au nom d ’une c o m m u n e , que pour lui s e u l,
alla exposer au conseil municipal de B r o u t, que le
m oment était venu d ’obtenir enfin le bois des Brosses
si on voulait le seconder ; qu’il était muni de tout ce
q u ’il fallait pour réussir, et qu’il se chargeait de suivre
le procès, et faire toutes les ava nce s, pourvu q u’on
lui donnât l ’autorisation de plaid er, au nom de la
commune. E n conséquence de ces offres si génér eu
ses (1 ) , le conseil de la commune arrêta q u’il prenait
le fait et cause du sieur Be lavoine; nomma le sieur
B on am ou r, membre du conseil, pour agir de concert
(1) L e sieur Belavoine a aujourd’hui dix domaines ou locateries avoisinant le bois des Brosses ; aussi ce bois n’a vraiment
d ’intérêt que pour lui seul.
�( aa )
avec lui; et donna pouvoir iant audit Belavoine q u ’au
.
.
dit Bonamour de défendre à la demande du s.r R o c h e fort, former demandes incidentes , etc. L e sieur Bela
voine se chargea expressément de faire les avances.
Cet arrêté fut en effet homologué par le p r é f e t , qui
autorisa le m aire, ou Les fo n d é s de pouvoir, nommés
par le conseil, à plaider devant les tribunaux.
M u n i de cet arrêté, le sieur Belavoine commença par
signifier une écriture, le 12 mars, en son nom particu
lier; puis, au lieu d ’user l u i- m ê m e de son mandat , il
assigna le sieur D e c o m b e , m aire , devant le tribunal de
Gaunaf , pour être tenu de prendre son fait et cause;
et faute de ce f a ir e, être condamné en ses dommagesinlérêts à donner par déclaration.
L e maire répondit en défenses que cette demande
endommages-intérêlsétaitfort indiscrète;que Belavoine
attaqué n ’avait q u’à faire valoir ses moyens ; que la
co m m une n’avait pas contracté l ’engagement de faire
des frais pour l u i , et que quand on lui disputerait ses
droits à elle-même, elle saurait se défendre.
Sur toutes ces demandes, intervint jugement à G a n nat , le 21 novembre 1806, qui maintint le sieur de
Rocliefort dans la propriété du bois des Brosses, et
ordonna néanmoins , avant faire droit sur les dommages-intérêts, que le sieur de Rocliefort ferait preuve
des dégradations, par lui articulées, contre le sieur
Belavoine , en coupant des arbres ou arrachant des
souches. IiC maire de Brout fut renvoy é de la demande
formée contre l u i, avec dépens.
�(
23} ,
,
Les motifs de ce j u g e m e n t , à l ’égard du sieur de R o
chefort , sont fondés : i.° en la f o r m e , sur ce que le
sieur Belavoine n’avait proposé la nullité de l’exploit
q u ’après avoir donné des moyens au fon d, et sur ce
q u ’il n’y avait qu'un seul bois des Brosses; 2.° au fond,
sur ce que la transaction de i y 55 prouve que la pro
priété réside sur la tête du sieur de R ochef ort , puisque
ses auteurs concédaient le droit de pacage; que le père
du sieur Belavoine est partie audit act e, qui ripest q u ’un
traité sur des intérêts p r i v é s , et lion sur ceux de la
c o m m u n e ; et enfin , que cet acte de i y 55 n’est pas
entaché de féodalité.
L ’enquête ordonnée eut lieu ; elle ne parut pas con
cluante aux premiers j u g e s , qui renvoyèrent le sieur
Belavoine de la demande en do mmages -in térêfs, par
jugement du i 3 mars 1807. U n e chose essentielle à
remarquer dans ce j u g e m e n t , c ’est que le sieur Belavoine
ne voulait supporter aucuns dép en s; et pour cela, il
fit plaider qu il n avait f a i t aucune d ifficulté au sieur
da R ochefort sur La question de propriété, et que le
procès n’avait eu lieu que pour les coupes d’arbres à
lui imputées.
L e sieur Belavoine a interjeté appel de ces deux j ugemens, et a intimé aussi le sieur D e c o m b e , maire. Ii
parait m êm e que le sieur Belavoine a spéculé princi
palement sur l’acharnement q u’il mettait contre le sieur
D e c o m b e , p o u r se rendre plus intéressant, et persuader
à la cour que s’il n’a pas de titres à produire, c ’est que
le maire ne veut pas les communiquer.
�( 24 )
Dans une première plaidoirie du 23 novem bre 1807,
le sieur Belavoine s’est attaché à présenter à la cour
les défenses données par le sieur Decornbe devant les
premiers juges, et à tirer parti des expressions les plus
éq u ivo q u es, pour en induire que l ’intérêt de la com m un e
était compromis, et se montrer l u i- m êm e co m m e obligé
de disputer une propriété c o m m u n a l e , sans pouvoirs et
sans titres.
L a cour a cru devoir ordonner , par son arrêt du
23 novem bre 1 8 0 7 , que les liabilans de Brout s’assem
bleraient de nouveau pour s’expliquer sur lesdites d é
fenses et a autorisé le sieur Belavoine à faire la re
che rc he de tous titres et procédures q u ’il pourrait d é
c o u v r i r , e t notamment de ce qui pouvait être dans les
archives de Brout.
L e 22 février 1808 , le sieur Belavoine mène un no
taire de R io m chez le maire de B r o u t ; c e l u i - c i lui
présente des liasses et papiers. L e sieur Belavoine veut
autre ch os e; on verbalise, et il paraît que rien n ’est
inventorié. D e l à , on va chez un adjoint de la mairie:
il n ’y a rien. .
,
.
L e 20 mai 1808, le sieur Belavoine o b ti e n t, contre
le'.maire , un arrêt par défaut portant q u e , dans trois
jour s, il déposera au greffe une liasse cotée n.° 4 , et
une lettre du sieur de Rochefort.
L e maire y a formé opposition en se plaignant de
ce que dans le procès-verbal du notaire il y avait deux
erreurs notables; l ’ une en ce q u’ il avait dit avoir lu
sur la liasse n.° 4 '.tra n sa ctio n , piece importante ,* ce
qui
�( 25 )
q u i n’était pas ainsi ; 2.° en ce q u ’il avait dit n’avoir
trouvé
aucune
pièce dans ladite liasse, tandis q u e , de
toutes celles énoncées sur l ’enveloppe , il ne manquait
que la transaction (1).
T e l est l’état actuel de la cause. L e sieur Belavoine
la divise en deux chapitres. Il prétend, dans le pre
m ie r , que la demande est mal dirigée contre lui, parce
q u ’il s’agit d’une propriété communale , ‘appartenant
•à tous les liabitans , et que d’ailleurs il n 'y avait lieu
qu'à reprendre le procès pendant en la maîtrise de
üVlonmarault, en 1780 , et pendant devant des arbitres
en 1793. Il p r é t e n d ’, dans le deuxième chapitre, que
le’ siëur de Rocliefort ne rapporte aucun titre de pro
prié té, i.° parce que la transaction de 17 5 5 n ’est q u ’ une
(1 ) L a comtnunicaiion qui vient d ’étre prise de cette liasse
n.° 4 , porte en intitulé: P a piers rela tifs a u x com m unau x ,
dém arcation avec S a in t-P o n t ; i.° procès-verbal de dém arca
tion , h om olo g u é au. départem ent, du 26 germ inal an 4 ; 2 ° ar
r ê té de radm inistration co m m u n a le, des 26 pluviôse et 4 prai
ria l an 9 , date de la demande de cédule du ju g e de p a ix .
O n a ajo u té, d ’ une autre plume , au-dessus de cet intitulé :
Com m unaux de B r o u t , les B rosses, B o is - B la n c , S a in t-P o n t,
avec transaction
1 Au-dessous de cela, on lit: Procès-verbal de démarcation ,
p ièce importante.
r .Cette pièce importante est dans la liasse, et ne contient pas
même mention du bois des Brosses.
L a lettre du sieur de Rochefort contient une proposition de
faire des sacrifices pour vivre en bon voisin avec la com m une;
mais en déclarant qu’il a toujours élé propriétaire du fonds, et
avec réserves contre le sieur Belavoine.
7
�( ^ )
copie de copie ; 2.° parce q u ’elle n’est passée q u ’a v e c
des particuliers, et ne peut obliger les habit ans; 3 .° parce
q u’il résulte de cet acte de i y 5 5 , et de lousles titres pro
duits par le sieur B e la v o i n e , que les Brosses sont une
propriété comm unale ’*de Brout ; 4.0 que ledit acte de
1 7 5 5 n ’a été passé q u ’avec des particuliers, et ne peut
obliger des habilans ; 5 .° parce que cet acte n’attri
buait le bois des Brosses au seigneur de L a font, q u ’à
causô de sa justice, c o m m e tous autres liermes et va cans, et que les lois de 179 2 et 1793 rendent ces pro
priétés aux communes. L e surplus du mémoire du sieur
Belavoi'ne est dirigé contre le sieur Decombe.
11 s’agit de parcourir ces divers m o y e n s , et de les
discuter dans le m ê m e ordre.
M O Y E N S .
L a demande du. sieur[R ochefbrt esL-elle bien dirigée ?
Si elle ne l ’était pas, il serait un peu tard pour s’en
app er cev oir; car le sieur Belavoine a donné des dé
fenses au fond en l ’an 12 et en 1086 , sans conclure
préalablement à la fin de non-recevoir.
A la vérité , il a bien dit dans ses défenses que le
bois était c o m m u n a l , e t que d’après cela il fallait mettre
en cause le corps commun des liabitans. Mais ce n’était
là q u ’une prétention fondée sur un fait à éclaircir, et
ce n ’est pas ce que la loi exigeait de lui s’il voulait atta
quer la demande.
L'ordonnance de i 6 6 y porte que dans les excep-
�C 27 )
lions ou défenses, il faudra d’abord proposer les d é clinatoires, nullités d ’ex p l oi t, et autres fins de norirecevoir , pour y être préalablement f a i t droit,
L e sieur Belavoine n’ayant donc pas pris des c o n
clusions préalables en.fins de n o n - r e c e v o i r , el ayan t
au contraire défendu au f o n d , ne peut plus aujour
d ’hui repousser la. demande c o m m e mal dirigée.
D ’ailleurs, n ’est - ce pas un abus de raisonnement
que de vouloir q u ’ un propriétaire ne puisse pas attaquer
celui qui viole sa propriété , sous prétexte q u’ une c o m
m un e pourrait avoir des prétentions sur le.local conten
t i e u x ? E s t- c e au propriétaire à provoquer ou deviner
ces prétentions? Et quelle serait 1’élrang.e action q u ’il
aurait, dans ce cas., à intente r? Il serait difficile de
l ’indiquer.
Ev idem m ent le sieur de Rochef ort ayant à se plaindre
d’ un trouble de la part du sieur Belavoine., n ’a eu
d’action que contre l’auteur du trouble. Si c e l u i - c i ,
en une qualité que lco nq ue, prétendait avoir droit au
l o c a l , c ’était à lui à le faire valoir seul, ou à mettre
en cause ceux qu’jl aurait cru avoir un droit égal au
sien. C ’est précisément ce qu*a fait ie sieur Belavoine.
Il.es! donc bien singulier q u’il vienne aujourd'hui cri
tiquer sa propre procédure.
,
Quant ii la litispendance que le sieur Belavoine dit
(pag. 2o),exister entre le seigneur de Lafont et la c o m inuneide B r o u t , d’abord en la maîtrise de M onm arault,
avant la révolution , et puis devant des arbitres, en
8
�(
2
8
}
exécution de la loi du 10 juin 1 7 9 3 , le sieur B elavo in e,
sur ce poin t, ne s'entend pas bien avec lui-même.
Il disait d’abord que le dernier état des choses, avant
la rév o lu tio n , était un procès au conseil, ainsi q u’il
résultait d’ une consultation signée Cocliu.
A i n s i, lequel des procès faut-il reprendre ? co m m ent
le r e p r e n d r e , et à quoi conclure ? car aucune des
parties n'a de pièces , et personne ne sait quel était
le dernier er rement , ni les conclusions réglées.
Est-ce le triage q u’il faudrait demander aujourd’hui
pour obéir au sieur Belavo in e? M a i s , cette action est
éteinte par les lois, et les procédures sont déclarées
c o m m e non avenues.
Cette abolition au reste n’ôte pas les droits des pro
priétaires, seigneurs ou non. L a loi a bien considéré
que plusieurs seigneurs avaient pu être dans le cas du
sieur Maréchal , c ’est-à-dire, q u ’ennuyés
des dégâts
commis par leurs usagers, ils pouvaient avoir préféré
un triage pour s’exempter de toute servitude , et il
aurait été injuste de prendre droit du sacrifice q u ’ils
voulaient faire , pour leur' ôter m êm e leur propriété.
C ’est pourquoi la loi du 27 septembre 1790 a donné
idée a u x ' s e i g n e u r s , de remplacer l ’action en triage
par une autre demande.
« Il n’est nullement préjudicié, par l ’abolition du
« triage, aux actions en cantonnement , de la part des
« propriétaires contre les usagers de bois, prés, m a « rais et terrains vains ou vagues, lesquelles continue« ront d’être exercées co m m e c i - d e v a n t , dans les cas
�( *9 )
«r de droit, et seront portées devant les tribunaux de
« districts*. (A rti cle 5 ).
Si donc la loi, en abolissant le tr i a g e , a permis aux
propriétaires d ’agir en c a n t o n n e m e n t, par action n o u
v e l l e , elle leur a permis aussi par la m êm e raison d ’a c
tionner les prétendus usagers pour les dégâts par eux
commis , lorsque les propriétaires ne jugeraient pas à
propos de demander le cantonnement.
Ain si, quand le sieur M aré chal, simple usufruitier,
et tuteur de son fils , aurait pu compromettre ses droits,
et conclure à un triage , cette demande n’existe plus,
et ne devait pas être reprise.
, ,
Elle n’existait plus m êm e en 1 7 8 1 , puisque le procèsverbal du 2 m a r s , prouve que le sieur Maréchal fils
articulait expressément être propriétaire exclusif du
bois des Brosses, et ne consentait à laisser aux liabitans,
dénommés en la transaction de 1 7 ^ 5 , q u ’ un droit de
pa c a g e , moyennant redevance.
Il y avait , dit le sieur Belavoine , procès à M011marault, sur la propriété du bois des Brosses.
• L e fait est controuvé; ce procès n existait pas, et
ne pouvait pas exister.
• C e procès n’existait pas : car on ne voit aucunes
conclusions, ni d e l à part des liabitans contre le sieur
M aré ch al, ni d e l à part du sieur Maréchal contre les
liabitans; il n’y en avait que de la part du procureur
du roi qui était d e m a n d e u r ,
et chacune des autres
parties n’était appelée que pour répondreà sa de m a nde,
et justifier de ses titres.
�( '3 ° ) >
C e procès ne pouvait pas exister; car l ’ordonnance
des eaux et forêts, art. 10 du lit. i . er, « d é f e n d aux r
« maîtrises de connaître de la propriété des eaux et
« bois appartenant aux communautés ou particuliers,
« sinon q u ’elle sera nécessairement connexe à un fait
« de réformalion et visitation , ou incidente et propo« sée pour défense à une poursuite ».
Ainsi la niaîtrise de Monmarault aurait bien pu.
connaître de la propriété alléguée contre la demande
du procureur du ro i, mais non de la propriété entre
le sieur Maréchal et les liabitans, parce q u ’elle n’é l a i t
pas l ’objet de la dem ande; et l’article prouve -même
q u e , si le procureur du roi avait intenté son a ctio n ,
pour faire juger celt e pr opriété, la maîtrise aurait été
par cela seul incompétente.
Il n’y avait donc pas lieu à reprise du prétendu
procès de la maîtrise de Monmarault.
»
Est-ce encore le procès du conseil qu’il fallait repren
dre? Mais si la maîtrise n ’a rien j u g é , et si la contes
tation élait ven ue de piano au co n s eil , une semblable
procédure est nulle de plein droit. Car la loi du 27
septembre 1790 compte pour rien les arrête du con
seil, rendus en première instance sur des questions de
propriété entre les seigneurs et les com m unautés d 'h a b ila n s,• et veut que le procès soit rec om m en cé devant
les tribunaux de district.
C ’est donc un procès de 1793 q u ’il fallait repren-
�( 3i )
dre; mais, où sont encore les demandes et les conclu
sions prises? L e sieur B elavo in e, qui a ioul fait copier ,
n ’eu a trouvé aucune. C ep endant, pour reprendre un
procès, il faut nécessairement fonder la reprise sur les
conclusions déjà existantes; car c ’est en elles seules
que le procès consiste.
O n ne voit en 179 3 que des lettres missives, portant
nomination d’arbitres; et on n’intente pas un procès
per epistolarn, aut per nuntiuqi.
D ’ailleurs, q u’y a - t - i l de co m m un entre les arbitres
forcés de 1 7 9 3 , et la demande intentée en l ’an 10, par
le sieur de R o c h e f o rt?
C e n’est pas le sieur de Rochef ort qui est non-recevable pour avoir mal dirigé sa demande; c ’est le sieur
Belavoine qui est non-recevable à contester sur l ’appel
ce q u ’il ne contestait pas en première instance, c ’està-dire , la propriété du bois des Brosses.
C ’est lui qui signifia le jugement du 21 novem b re
1806, par lequel le sieur de Rocliefort est jugé proprié
taire exclusif du bois des Brosses.
A v an t d ’interjeter a p p e l , il p l a id a , le treize mars
1807 , q u’il ne devait a u c u n s dép ens, parce qu il a avait
f a i t aucune d ifficu lté sur
la
p r o p r ié té
d u sieur de
Rochefort. Comm ent après c e la , le sieur Belavoine a t-il pu interjeter appel du premier j u g e m e n t , pour con
tester en la Cour celle m êm e propriété?
L e contrat judiciaire est formé ave c lui sur le point
le plus essentiel; donc il ne peut être r év oq u é. En vain
�v
dirait-il que ce consentement n’a pas été accepté avant
(
3
2
}
son appel. «• L ’acquiescement, dit M. P i g e a u , n'a pas
« besoin d ’être accepté. L ’ un demande , l’autre c o n «• sent la demande. Ces deux opérations suffisent pour
» former le contrat judiciaire et lier les parties».
O a a vu des plaideurs de mauvaise foi nier leurs
dires, et prétendre qu’ils n’auraient fait f o i , com m e
contrat judiciaire, que s’ils avaient été signés. Mais la
cour de cassation a décidé que cela était i n u t i l e , et
qu'un acquiescement porté par un jugement de justice
de p a i x , était un contrat judiciaire suffisant. Pur arrêt
contradictoire, du 4 octobre 1808, elle a cassé un juge
ment du tribunal civil de C a e n , qui avait jugé le con
traire.
A in si , le sieur B e la v o in e, au lieu d’avoir à proposer
des fins de non-r ec ev oir , est lu i- m êm e non-recevable
dans son appel pour la question de propriété
et ne
peut faire valoir que l’appel du dernier ju g em e nt, m o
tivé sur une simple condamnation de dépens.
.L a transaction de 1 7 55 est-elle produite en form e
probante?
1
L e sieur Belavoine avertit q u ’il ne propose de moyens
au fond que subsidiairement , parce q u ’il compte beau
coup sur le précédent. Puisqu’il a jugé cette pr écau
tion nécessaire, elle sera com m un e au sieur Rocliefort,
%
qui a plus de raison de compter sur un acquiescement
formel. Cependant le sieur de Ilochefort 11’a nul besoin
do
�.
c
33 ?
.de fins de non-recevoir; car il ne lui sera pas difficile
.de prouver que ses lilres sont en r è g l e , el q u’ils sont
<3es tilres de propriété suffisans.
Ce que le sieur Belavoine appelle une copie de copie,
est une expédition d ’ une grosse originale, de la transac
ti o n de 1755. C elle grosse originale existe chez le no
taire H u e , qui l ’a expédiée; et le sieur Belavoine, qui a
fait vidiraer tant de choses pour le procès ac tuel , était
fort le niaîlre de faire vidimer aussi ce titre, s’il avait
quelque chose à y suspecter.
: L e sieur de Roc hefort avait cette grosse ori ginale ,
et il a dû par prudence la déposer chez un notaire,
puisque la minute en avait été b r û l é e , ainsi que les
deux premières expéditions. Son grand-père ne lui avait
pas laissé ignorer la joie q u ’eut le s.r Belavoine lors du
brûlement de ces deux premières expéditions, ne soup
çonnant pas q u ’il eu existait une troisième qui survi
vrait à la proscription, et qui se retrouverait un jour.
Si donc le sieur Belavoine a du soupçon de la fidé
lité de l ’expédition du sieur H u e , quoiqu’il ait jusqu’à
présent regardé ce titre com m e sincère, il peut d e
m an d e r, à ses frais, le rapport de la grosse originale
qui existe, el qui est un titre aussi authentique que la
minute m ê m e , d ’après l’article i 355 du Code civil.
Quand l’expédition, signée H u e , ne serait pas prise
sur la grosse, elle ferait certainement foi, aujourd’hui
que le brûlement des tilres rend impossible la produc
tion des originaux
.. D ’ailleurs, les ratifications de 1 7 6 7 , 175 8 et 1 7 6 9 ,
9
�( 3 4 .}
qui sont des expéditions originales, rappellent la tran
saction de 1 7 5 5 , et attestent la sincérité de l'exp éd i
tion Hue.
Mais encore une fois ces considérations deviennent
inutiles , puisque la troisième expédition qui existe est
prise sur la m in u t e , et fait la m êm e foi que l ’original.
E s t - i l prouvé, par les titres énumérés par le sieur B ela
voine, que le bois des Brosses est un com m unal? i
C ’est ici où l’imagination du sieur Belavoine est en
grand travail, et où sa logique a eu fort à faire; car ce
n ’était pas une mince entreprise que de vouloir prou
v e r par les titres m êm es de la terre de L a f o n t , que le
seigneur avait eu la bonté de convenir que le bois des
Brosses était un com m unal des habitons, tandis qu’il
s’occupait de se le conserver com m e propriété dépen
dante de sa terre.
L e fondement de moy en du sieur B e la v o i n e , est
pris dans la transaction m êm e de 1 7 5 5 ; et il est c u
rieux de voir d'où procède sa découverte.
«■Remarquons, dit-il, les termes dont on s’est servi
» pour parler du bois des Brosses : après avoir concédé
« le pacage dans ce b ois, il est ajouté : Sans pouvoir
« par lesdits ju sticia b les pacager dans les autres b o is,
«■plac(S, terres, hernies e t v a c a n s , appartenans et d é« pendans de ladite baronnie, tout lequel surplus de« meure réservé à ladite darne. Ces m o t s , dit le sieur
« Be lavoine, et autres bois, etc. conduisent à la pensée
�C 35 )
a que le bois des Brosses n’était pas une propriété par« ticulière à la dame Maré ch al, et q u’elle n’y avait droit
« que co m m e dame de la terre de Ijafont >?.
Et quelle différence y a-t-il, entre avoir un bois,
c om m e particulier, ou co m m e dame de Lafont ?
Est-ce que l ’acquéreur d’ une seigneurie, qui paye
ce q u’il a c h è t e , tout ainsi et de m êm e q u ’ un acquéteur d’ un fonds roturier, ne devient pas propriétaire
du terrain compris çlans son acquisilion ; est-ce qu’il
a uniquement une possession p r é c a i r e , par cela seul
q u ’il doit jouir comme seigneur.
En
v é r i t é , voilà d’étranges difficultés. Mais sans
doute quand il y a des bois dans une seigneurie, ils
sont au seigneu r, co m m e son château et son jardin ,
à moins qu’il n’y ait titre contraire qui en fasse la
propriété d’un voisin; c a r , alors ils ne dépendraient
plus de la.seigneurie ; ils dépendraient du voisin.
C om m en t le sieur Belavoine a-t-il pu donner une
interprétation aussi renversée de la clause q u’il a sou
lignée; lorsqu’il venait de transcrire ( page 22 ) la
partie de ce même acte où son père a reconnu que
La propriété du bois des Brosses appartenait à la dame
M a r é c h a l , et que son père n’y avait eu de tout tems
que la permission du pacage.
Cependant le sieur Belavoine n ’a encore q u ’ une
présomption que le bois des Brosses était co m m un al;
mais il la fortifie par d’autres circonstances, ou plutôt
par trois preuves bien comptées.
10
�(36)
L a première résulte, suivant lui, du procès-verbal
de 178 0, parce q u’il constate que le bois des Brosses
était en mauvais é ta t, ce qui dépose haute m ent, dit-il
que c’ est un communal.
Voilà ce que le sieur Belavoine appelle pr ou ve r
invinciblement ; on conviendra au moins q u’il faut peu
de chose pour le contenter.
A
supposer que la cour pût penser, com m e l u i ,
qu’ un bois
en mauvais
état v e u t
dire nécessaire
ment un bois c o m m u n a l , le sieur dp Rochefort rap
pellera que le procès-verbal de 1780 n’a dit en m au
vais état, q u ’ une moitié du bois des Brosses, c ’est-àdir e, la partie la plus exposée au pillage des voisins.
L a seconde pr euve consiste
en ce que le sieur
Belavoine a v u , page 45 du procès-verbal de 1781
que le seigneur de Laf on t parle d’ un certain c o n fia ,
sous le nom des terres et broussailles vagues dudit,
seigneur, appelées les Brosses.
C e n ’est pas qu’il ne soit parlé du bois des Brosses
en dix endroits de ce procès-verbal, et que toujours
le procureur du sieur Maréchal ne prétende en avoir
la propriété foncière et ex clu siv e, co m m e la cour a déjà
pu s’en convaincre. Mais ce n’est pas là que le sieur
Belavoine a voulu cher cher, c ’est dans un confin.
Et quand ce confin serait la seule mention , faite
en ce procès-verbal, du bois des Brosses, n’y a-t-il pas
�( 37 ')
im aveuglement sans exemple d ’y trouver, q u ’en par
lant des terres et broussailles d u seigneur, c ’est avoir
avoué que ces terres et broussiiilles sont un c o m m u
nal des habita us.
L a troisième p r e u v e , toujours invincible, ,du sieur
Belavoine, il la puise dans l ’élat actuel du bois des
Brosses qui est, dit-il, totalement à v i d e , com m e l*a
attesté un sous-inspecteur, le 4 avril dernier.
E n v é r i t é , plus nous avan çon s, plus il y a lieu de
s’émerveiller de la solidité des preuves administrées
par le sieur Belavoine. E h ! q u ’a donc de com m u n
l ’état actuel d’ un bois ave c une question de propriété ,T
disputée depuis v i n g t - c i n q ans? Et quelle influence
peut avoir un tableau statistique de 1 8 0 8 , avec un;
titre de 1 7 5 5 ? Si le bois des Brosses a été dévasté
dans les tems rév olutionnaires, entre-t-il dans l ’idée
de qui que ce soit, qu’il résulte de-là un titre de pro
priété pour les dévastateurs?
L e sieur Belavoine ne nie pas ces dévastations;
au co n trair e, il en prend droit pour conclure quV/
n y a qu’ un bois com m unal q u i ait pu* être tracté ainsi.
Quand le sieur Belavoine aurait dormi pendant
toute la révolution , il ne serait pas excusable de
vouloir persuader q u’il a une aussi bonne opinion de
ce qui se passait à cette époque. A qui v e u t - i l faire
cr oire , par ce ton de bonté , que les propriétés des
seigneurs étaient nécessairement respectées, et que
�( 38 )
leurs ci-devant censitaires ne faisaient des dégâts que
sur leurs propres com m un aux .
'
Quoique le sieur Belavoine ail appelé l’at lent ion
sur ces trois preuves, en les disant invincibles, il a
encore quelque chose de plus fort à y a j o u t e r , ce
sont ses titx'es, ljopinion des anciens tribunaux , les
démarches du sieur Maréchal en 1780 et en l’an 3 ^
la correspondance du sieur de R o c h e f o r t , et les m e
sures récentes de l’administration. V o y o n s
en quoi
consiste cette masse de preuves subsidiaires.
A l ’égard des titre s, le sieur Belavoine au moins
n ’en exagère pas le mérite. Q uant a u x titres , dit-il
je n ’en a i plus de très-précis ; mais il se dédom mage
de cette privation , , en ajoutant que qua nd it était
s y n d ic , il en avait de fort concluans.
E t D ie u sait ce que c ’était que ces titres ! Encore
un confin , où le seigneur de L a fon t disait, les bois
com m uns de ladite f o n t , appelés B o is-D ie u . M a is, si
ces bois étaient de L a fo n t , cela ne signifiait pas e n
core une fois q u’ils fussent les bois des habitans de
Brou t.
C ’est dans une copie de consultation à lui donnée
en 1 7 8 2 , que le sieur Belavoine a fait ce lle décou
verte; mais quand cette copie mériterait quelque con
fiance, on ne sait pas si d ’autres passages de ces pré
tendus titres n ’expliquaient pas le fragment isolé, que
l ’avocat au conseil avait jugé propre à sa défense..
�(
3
9
}
Serait-il au reste bien étonnant q u ’ un seigneur, en
donnant le détail de ses bois, eût voulu distinguer ceux
qui étaient assujétis à une servitude envers tous ses jus
ticiables, de ceux qui n’étaient destinés que pour lui
seul. L ’expression dont il se servait, pour en marquer
la différence, ne faisait pas un titre contre lui , puis
q u ’il avait soin d’ajouter que les uns et les autres étaient
de L a / o n t, et que d’ailleurs ce titre n’était contradic
toire avec personne. Si ces titres étaient si probans,
pourquoi donc le sieur Belavoine ne les avait-il pas pro
duits au procureur du roi de la maîtrise , qui l ’avait
assigné exprès pour en produire, au lieu de les garder
pour M e C o c h u , qui les a perdus bien à propos, puis
que le sieur Belavoine tire plus d ’inductions de cette
perte que si les titres étaient dans ses mains.
Cependant le sieur Belavoine s’est consolé de la perte
de ces deux titres à confins; il en a trouvé récemment
trois autres, qui, à la v é r i t é , ne parlent plus du bois
des Brosses. Mais quoique ces titres soient m uets, le
sieur Belavoine les trouve encore très-probans ; car il
est satisfait de tout.
L ’ un est un aveu et dénombrement de 1 60 9, qui*
ne comprend pas le bois des Brosses parmi les terres de
Lafont. Ce n’est pourtant pas que les bois n’y abondent,
car il y en a vingt-sept dénom m é s; et comment savoir
si les Brosses, qui ont encore aujourd’hui deux noms
nu moins, n ’en avaient pas alors
un autre oublié
�( 4© )
P e u t - o n croire q u ’en 1609, de m êm e qu'à l ’époque
des actes énoncés-en la copie de la consultation Cocliu,
le seigneur de l a f o n t ne se regardât pas co m m e pro
priétaire des Brosses, lorsqu'on voit par les actes pro
duits au procès - verbal de 1781 , que
dès l’année
i 52 o , ce seigneur faisait des concessions de cens dans
le territoire du bois des Brosses ?
L e deu xième litre découvert p a r l e sieur Belavoine,
est un procès-verbal de tous Les bois de la terre de Lafont en 1 7 5 3 ; et il n’y est pas parlé du bois des Brosses.
C e récit du sieur Belavoine e s t - i l bien fidèle? L e
procès-verbal fut-il dressé de tous les bois de la terre?
Il ne faut que le lire pour être convaincu du contraire.
On y voit q u ’un sieur L a r b a u d , fermier de L a f o n t ,
avait commis des dégradations dans n e u f cantons de
b ois , et autres cantons de bois épars ; c ’est peurquoi
le sieur Ma ré chal demanda qu'il fût dressé procès-verbal
du dégât commis en iceu x par ledit sieur Larbaud. En
efTet, le procès-verbal n’a lieu que sur treize bois, tan
dis que le sieur Belavoine vient de fournir la preuve
par l ’acte de 1609 , que la terre de Lafont en avait
.vingt-sept.
'
•
Il est difficile do croire en efTet que le sieur L a r b a u d ,
en coupant des arbres, eût voulu q u ’aucun des bois de
la terre, éloignés ou n o n , ne fût exempt de ses dégâts,
pas mêm e un hois soumis à un pacage journalier, où
il aurait eu cent témoins de son infidélité. Si cependant
il n’est pas allé dégrader dans celui c i , il était inutile
q u ’on allât y dresser un procès-verbal.
�( 4* )
C om m en t croire encore que le sieur M aréchal ne sa.
regardât pas com m e propriétaire du bois des Brosses,
dans le tems mêm e où il soutenait un grand nombre
de procès pour conserver cette propriété?
L e troisième titre est une transaction passée ave c
le sieur V i a r d , en i 6 8 3 , où ce sieur Viard prétendait
avoir le droit de faire pacager dans les co m m unaux
de ta ju s tic e de L a / o n t , en payant le droit de blairie.
Quelle induction le sieur Belavoine veut-il tirer de
c e dernier titre m u e t , si ce n’est une induction contre
lu i- m êm e?
L e sieur Belavoine invo que , après ses litres, l ’opi
nion des anciens tribunaux sur la nature de ce bois.
C ’est sa n s’doute de la maîtrise de Monmaraull q u ’il
veut parler, mais elle n’a manifesté aucune opinion.
Les maîtrises s’occupaient beaucoup des réserves et
aménagernens, que l ’ordonnance de 1669 prescrivait à
l ’égard des bois de communauté , et dont elle leur
donnait la surveillance. L e procureur du roi de Montm a r a u l t , qui pctil-êlie pensait, connue le s.r Belavoine,
que tout b o is , un peu pi l lé , est réputé co m m u n a l ,
voulut s’en éclaircir et demanda des titres- Mai s, au
lieu de montrer une opi nio n , ce qui aurait été fort
é t r a n g e , on voit au contraire q u ’il assigna , tant le
sieur Maréchal que le s y n d i c , pour produire leurs titres
respectifs, et justifier des droits q u ’ils prétendaient avoir
aux bois Servoiron et les Brosses.
11
�( 42 )
L e sieur Belavoine se fait un mérite des démarches
faites par le sieur M a r é c h a l , en 1780 et en 1792.
S ’il a demandé un triage en 1 7 8 0 , ce qui n’est pas
é t a b l i , il a déjà été r e m a rq u é , i.° que co m m e usu
fruitier et tuteur il ne pouvait disposer de la propriété
d ’autrui; 2.0 que les pièces antérieures à 1780 prouvent
que ces conclusions ont été réformées et abandonnées;
3 °. q u ’ une demande en triage n’est pas un aveu de la
propriété d’a utrui, mais un désir de sacrifier une por
tion de terrain à la servitude pour en affranchir l’autre;
4 0. que quand cette demande aurait seule existé , il n’a
pu être question ni de la reprendre ni de la désavouer,
puisqu’elle serait abolie depuis 1790.
Quant à ce que le sieur Ma ré chal a fait en l’an 2 ou
l ’an 3 , 1e sieur Belavoine ne veut pas en conclure sans
doute qu’ il a fait un abandon du bois des Brosses.
Car le sieur Maréchal n’a pas pu le faire, et l’agent
de la com m une n ’a p a s pu l ’a cc ep t er; l ’un parce que
la propriété n’était pas à lui ; l ’autre parce q u ’il lui
fallait une autorisation, et q u e , suivant la jurispru
dence de la cour de cassation, le défaut d ’autorisation
est d’ordre p u b l i c , de manière à produire une nullité
viscérale; et celle nullité peut être proposée dans tous
les cas et dans tous les lems (A rrê t s des i 5 prairial an
1 2 , 10 nivô>e an i 3 , et 2 mai 1808).
A u reste l’abandon de l’an 2 n’a pas m êm e été con
so m m é; il a été questi on ,e n l’an 3 , de production de
titres; et certes le sieur M a r é c h a l , en voulant céder
un bois, n’entendait pas juger la question de propriété:
�( 43 )
il cédait à la p e u r , qui était le dieu du moment.
A 1’égord de la correspondance du sieur de Roc liefort,
il fallait en dire le contenu , plutôt que d ’annoncer à la
C our que cette pièce était tenue cachée parce q u ’elle
contenait des aveux précieux et une reconnaissance des
droits de la commune.
L a Cour jugera mieux les conséquences de cette
l e t t r e , en la lisant tout entière.
• .
A rtonne,
M.
de R o c h e f o r t - D
‘ ¿4. M . Le M
aire
ally,
le 21 avril 1807.
.
.
de La Commune de Brout.
t
f
M
o n s ie u r
,
r
- « J
e
m’empresse de répondre à votre lettre du quatorze du
« co iira n t, par laquelle vous m ’annoncez l’autorisation que vous
« a déléguée votre conseil municipal pour traiter avec m oi, re« hâtivement à notre différent sur les Brosses. V o u s me laites
k
part des conditions que vous a dictées ce meine conseil m u-
« nicipal.
« J ’ai toujours témoigné le plus grand désir d ’assoupir une
« telle affaire. Il n’est point de sacrifice que je n’aie proposé, et
« il est certain que les retards que j’ai éprouvés m ’ont occasionné
«' de grandes pertes.
« J ’ a v a i s remis au sieur Morand un projet d'accommodement
« duquel je 11e m ’écarterai en aucune manière.
« Il appartiendra à la commune toute la partie des Brosses qui
« se trouve à l'aspect méridional de l’allée qui va de l’étang de
« R is au bois des Arcis; duquel tellement il en sera défalqué l’é-
12
�( 44 )
« lang des Ris tout ainsi et de même q u ’il existait anciennement.
« A cet effet il sera planté des bornes pour en fixer les limites ;
« to'us les fossés, le long de l’allée , seront récurés et entretenus
« par la commune ; et ladite a llé e , servant de limite entre la com« mune et m o i, sera réparée et rendue bien praticable aux frais
« de ladite commune. T o ute la partie des Brosses, au nord de
« ladite a llé e , m ’appartiendra en propre sans que personne
«. puisse y prétendre aucun droit quelconque. L a partie égale« ment prétendue anticipée me demeurera irrévocablement. L es
« frais de l’acte de transaction seront tous supportés par la cora«
«
o
«
m u n e , qliisera tenue de m’en fournir une expédition en forme.
Il sera fait deux plans géométriques du bois des Brosses ; la
partie de la commune y sera figurée ainsi que la mienne avec
détail de la contenue de chacune. Ces deux plans seront signés
« et approuvés par les parties ; et chacune d ’elles en retirera un.
« Il en sera dressé un troisième pareil au xd eu xa u tre se tre vê tu d e s
« mêmes formalités , qui demeurera annçxé à la minute de la
« transaction, le tout aux frais de la commune. I l y aura garantie
« réciproque entre les parties contractantes pour la sûreté de la
« propriété que chacune d’elles possédera à l’avenir; il lui sera li«
«
«
a
bre de jouir, vendre, échanger, aliéner sa portion, ainsi qu’elle
avisera. 11 me restera réservé, dans la partie delà commune, ma
part et portion, comme propriétaire, avec les autres habitans
de Brou t. D ans le cas où il serait fait un rôle ou tout autre
« taxe pour payer les frais auxquels a donné lieu la présente dis« cussion , ainsi que le traité d’arrangement, p la n , arpen tage, et
« autres, je n’y contribuerai en rien , et ce sera réparti sur la
« masse des autres propriétaires ou habitans de la commune.
« A v a n t que de faire recevoir notre acte par-devant notaire, ,
« je crois p ru d en t, pour vous comme pour m o i , de le consulter
« à de bons avocats afin qu’il n’y ait plus aucun procès a l’avenir.
« V oilà , Monsieur, mes intentions : elles sont à peu près égales
« à ce que vous me proposez. V o u s devez voir que je ne veux
« rien à votre co m m u n e , et qu ’au contraire je lui abandonne
�(45 )
« les deux tiers environ d ’ une propriété dont le fonds m’ap« partient. C ’est pour mettre fin à toutes discussions, main« tenir la paix et l’ union , et éviter à frais, que je fais de sem« blables sacrifices. Il est impossible que l’on me dispute viclo« rieusement mon droit de seul et unique propriétaire des Brosses.
« Depuis long-tems ce procès dure. J ’ai souffert considérable« ment de sa lenteur, et de l’efTet de la révolution. Je le ferai
« terminer d’ une manière ou d’autre; et pour cela je ferai va« loir mes moyens dans le cas où nous ne traiterions pas de
« suite.
« V e u i lle z , M onsieur, me faire part de vos réflexions , afin
« que je sache à quoi m ’en tenir, pour diriger dorénavant ma
« conduite ».
* « E li attendant votre réponse, j’ai l ’honneur d’ê tre , Monsieur,
V o tr e se rv ite u r,
ROCHEFORT - D ALLY.
II sera nécessaire q u e , par l’acte , je me-réserve mes droits
« contre le sieur B e lla va in e, à cause des frais faits jusqu’à ce
k
« jo u r , pour notre procès dont il a interjeté appel ».
Quelle induction y a-t-il donc ci tirer de cette p r o
position du sieur de R oc hefort , si ce n’est q u’il v o u
lait éviter un procès, et q u e , co mme tous ceux qui
ne sont pas obstinés , il offrait des sacrifices pour nef
pas plaider. L oin de donner prise contre s o i , par une
telle proposition, on mériterait au contraire la faveur
de la justice, si elle pouvait en accorder.
l i e sieur de Rochefort , en offrant de céder une
partie du bois, avait d ’ailleurs intérêt d’aflranchir de
�.
u
6
}
toute servitude ce qui lui resterait, et c’était sa co n
dition expresse. Enfin personne ne peut tirer moins
d ’inductions de cette lettre", q u e , l e sieur B e l a v o i n e ,
puisque les droits à faire valoir contre lui sont réservés.
L e s mesures prises par l’administration forestière, et
dont le sieur Belavoine s’est fait un m o y e n , ont con
sisté, à ce qu'il dit, à nomm er un garde, et à c o m
prendre le bois des Brosses dans la statistique des bois
c o m m u n a u x de Gannat.
Mais que signifie l'administration forestière à une
question de propriété déjà pendante devant les tribu
na u x depuis l’an 1 0 ? elle fait ses opérations adminis
tr ativement, et par conséquent elle s’adresse aux co m
munes pour avoir des états et des renseignemens. Si
elle eût demandé ces renseignemens au sieur de Rocliefort , il aurait compris le bois des Brosses parmi les
siens; elle s’est adressée à la municipalité de B r o u t , qui
n ’a pas manqué de s’adjuger le m êm e bois. Sans doute
après c e l a , on lui a présenté un g a r d e , et elle l ’a
n om m é. Mais c ’est véritablement abuser du raisonne
ment que de présenter tout cela co m m e 1111 préjugé
contre les litres de propriété, que l'administration fores
tière n’a jamais vus.
L ’acte de i y 55 e st-il un titre pour Le sieur de R och efo r t et pour le sieur Belavoine, q uoiqu'il ne soit pas
f a i t avec tous les ha bita n s?
C e l le question ne peut pas être faite sérieusement
�^ ( 47 )
par le sieur B e la v o i n e , héritier de Jean B e la v o in e,
partie en la transaction de i y 55 .
C a r , quand la com m un e aurait raison, le sieur B e la
voine et tous les autres conlractans ont eu le droit de
Irailer sur leur intérêt particulier; et ne serait ce pas
une comédie ridicule que de leur accorder, sous un nom
vague et collectif, ce qu’ils sont convenus, en leur nom
’ p ropre , ne pas leur appartenir.
Si Belavoine et autres avaient dit en i y 55 : «Nous r e« connaissons que le bois des Brosses est un co m m u n a l
« de nos villages, et néanmoins nous l’abandonnons au
« sieur Maréchal » , l ’acte ne serait peut-être pas fort
régulier; mais au contraire il est reconnu par eux q u e
le bois des Brosses est une propriété fon cière et exclusive
de la dame de Caponi. Par conséquent , il y a tran
saction très-valable à l ’égard de tous ceux qui l ’ont
consentie, parce que tout prétendant droit à la co
propriété ou au pacage , était bien le maître de traiter
sur son intérêt particulier; il pouvait restreindre son droit
com m e il pouvait l’augmenter , et s’exclure m êm e en
tièrement du pacage.
L e sieur Belavoine propose donc ici un moyen a b
surde , quand il croit pouvoir se jouer d ’une transac
tion signée par son p è r e , en alléguant, plus de cin
quante ans après , q u ’il s’agissait alors d’un co m m u n al,
et que son père a eu torl de transiger.
Quand il pourrait se jouer des engagcmens de son
pè r e , sur quoi fonde-t-il sa prétention? Est-ce sur des
titres de propriété qui assurent le bois des Brosses à la
�( 48 )
c o m m u n e ? Il n’en a pas; et cependant il voudrait que
la Cour jugeât aujourd’hui le procès intenté en 1 7 2 3 ,
autrement que les parties les plus intéressées le déci
dèrent en transigeant le 22 février 1755.
Mais si dans les quatre transactions qui existent, au
cun deshabitans ne se crut en état de prouver au sieur
Ma ré ch a l que les bois des Brosses était un communal
de B rout, croira-t-on que la Cour commencera par le
décider ainsi? Il faudrait en effet com m en ce r p a r - l à
pour en venir à juger que Belavoine et autres n’ont
pas pu transiger en i y 55 .
E t sur quelle loi encore serait fondée ce lle incapa
cité , quand il s’agirait d ’ un co m m u n a l ? Les habilans
n ’y ayant droit q u’à telle ou telle condition ne sont pas
réellement propriétaires en masse, et chacun de ce ux
qui y pr élen den t, peuvent aussi bien y abandonner leur
droit particulier, q u ’ils peuvent se priver, par le fait, de
toute participation. D e m ê m e , si l ’ un d ’eux est troublé,
il peut certainement se plaindre, sans attendre l ’exer
cice de l’aclion à intenter par la communauté , qui
souvent serait fort insouciante au tort fait à un seul.
« Il y a , dit le nouveau Denisart, une distinction à
«■faire, quant aux actions des communaulés d’habitans.
« Celles qui ont pour objet des droits ou avantages
« qui ne profitent pas à c h a c u n , co m m e pour les biens
<r patrimoniaux ou oclrois, doivent être suivies par le
« corps entier des habitans.
« S’il s'agit, au contraire, d ’objets dont chaque par« ticulier profile com m e com m un aux , chemins , e l c . ,
« 1111
�(49 )
« un seul habitant peut agir ou répondre à l’action qui
« lui est intentée. Il n’a besoin pour cela d ’aucun consen«• tement de la commune. Mais alors l ’avantage q u ’il
« en r etir e ra, s’il n ’est de nature à n ’être pas néces« sairement communiqué à. d’autres, ne profilera q u ’à
« lui; co m m e aussi lui seul supportera le poids des con« damnations s’il vient à succomber ( t. 4 p. 735 ). j«
C ’est par suite des mêmes principes, que la Cour
de cassation a jugé q u ’il y avait lieu à action possessoiré, relativement à un c o m m u n a l , parce qu’ un c o m
munal étai t 3 c o m m e toute autre propriété, susceptible
de possession et de prescription. ( Bull. off. arrêt du
i . er avril 1806 ).
Embarassé dans son m o y e n , le sieur Belavoine dit,
que par la transaction de 1 7 5 5 , il n ’est pas obligé
c om m e h a b ita n t, mais q u ’à la vérité il l’est com m e
héritier de son père.
Encore une fois l ’action du sieur de Rocliefort a été
intentée contre le sieur B ela vo ine, co m m e Be la voine,
011 fils de Belavoine , et point du tout co m m e habi
tant. Celui qui plaide pour sa propriété, assigne l ’usur
p at eu r, sans s’enquérir en quelle qualité il a voulu
commettre l’usurpation.
Si la com m un e de Brout plaide collectivement pour
réclamer un c o m m u n a l , il s’agira alors d’examiner
ses titres, car elle devra en produire co mme deman
deresse. M a i s , en ce m o m e n t , il ne s’agit ici que d ’un
procès intenté contre le sieur Belavoine; il conteste la
propriété du dem andeur, et celui-ci lui oppose un titre
i3
�(
5
0
. }
de propriété , sign é Belavoine. Par conséquent il est
ridicule de dire que Belavoine h a b ita n t, et Be lavoin e,
héritier, sont deu x personnages étrangers l’un à l’autre,
quand il ne s’agit en som me que d ’un seul individu.
L a transaction de 1765 est elle annullée par les lois
de la révolution ?
L e sieur Be lavoine croit l ’avoir rem ar qué ainsi dans
les lois des 28 août 1792 et 10 août 1793. D ’abord
ce n’est pas le sieur Belavoine qui peut faire l’appli
cation de cette l o i ; il y est no n-rec ev able , soit par
la transaction de 1 7 5 5 , soit parce que c'était ¡aux
co mmun es seules à réclamer.
L'art. 8 de la loi de 1792 dit que les communes
qui ju stijie r o n t avoir anciennement possédé des biens
ou droits d 'usage quelconques , dont elles auront été
dépouillées par les seigneur s, pourront se faire réin
tégrer, à moins que les seigneurs ne représentent un
litre authentique d’acquisilion.
. Mais le sieur Belavoine n'a pas pesé les expres
sions de cet article. C a r , avant t o u t , il aurait fallu
prouver la possession ancienne de la commune.
O r , q u’e s t - i l prouvé au procè s? L es habitans de
Broul avaient-ils avant 17 5 5 la possession exclusive
d u b o is, ou seulement la possession de V usage? Sans
doute le sieur Belavoine ne croira pas avoir justifié
que la c om m u n e a it anciennem ent possédé le bois ;
passons q u ’il soit justifié q u e l l e ait anciennement pos-
�( 5i )
sédé l ’usage ou plutôt le pacage; mais les liabitans de
Brout n’ont pas été dépouillés de ce p a c a g e , par la
transaction de
i y 55 ; donc
l ’article est sans appli
cation.
Quand les communes ne justifient pas avoir ancien
nem en t possédé une propri été , même les herme s et
vacans , qu’arrive - 1 - il ? L ’article suivant va nous
l ’apprendre.
Ar ticle 9. Les terres vaines et vagues, liermes, va
cans , etc. dont les communautés ne pourraient pas
justifier avoirs été anciennement en possession, sont
censées leur app arten ir , à moins que les c i-d e v a n t
seigneurs ne p rouven t, par titres ou par possession
e x c lu s iv e , continuée paisiblement et sans trouble pen
dant quarante ans, qu'ils en ont la propriété,
i L e sieur Belavoine a souligné avec soin les mots :
Possession e x c lu siv e , pour en conclure que le sieur de
Rocliefort ne l ’avait pas. Mais c ’est une erreur, parce
que les droits de simple pacage n ’emportent nulle
m en t la possession du fonds, et sont inutiles h la pres
cription; d ’où il suit que le sieur M aréchal a eu seul la
possession exclusive du bois, car on l’a m êm e pendant
l ’ usufruit d’une tierce personne.
L e sieur Belavoine n’ajoute pas que la m êm e loi
exige que les communes exercent leur action dans te
d éla i de cinq ans.
L a loi du 10 juin 1793 d it , en l ’article premier,
que « tous les biens c o m m u n a u x en généra l, connus
« sous les noms de terres vaines et v a g u e s , etc. a p 14
�( 5* )
« partiennent de leur nature à la généralité des h a * bilans , dans le territoire desquels ces co m m una ux
« sont situés
I-e sieur Belavoine n ’a pas manqué de souligner
encore les m o t s , terres vaines et vagues} et les mots,
appartiennent de leur nature.
'
Il fallait aussi souligner le com m en ce m en t de l ’ar
ticle
j
tous les biens com m u n a u x en général. Car cette
loi n’a voulu donner aux communes que ces sortes de
bie ns, et nullement les bois des seigneurs.
I/invocülioii perpétuelle du procès-verbal de 1 7 8 1
est de si mauvaise f o i , que le sieur de Rochefort a été
obligé de l ’extraire en entier dans le narré des f a i t s ,
pou r montrer combien peu il était vrai que le sieur
M aré ch al eût regardé ce bois, tantôt co m m e un v a
c a n t , tantôt c o m m e un com m un al de B r o u t, ainsi
que le sieur Belavoine l ’atteste toujours.
C e n’est pas par quelques mots isolés q u ’il faut juger
un a c t e , mais par son ensemble, et la cour s’est co n
v a in c u e , par l’ensemble de ce procès-verbal, que le
sieur Maréchal fils se prétendait propriétaire exclusif
du bois des Brosses, loin de convenir que c ’était un
vacant ou un communal.
N ’e s t - i l pas encore plus de mauvaise foi d’appeler
ce bois un vacant en 1 7 8 1 , lorsqu’ un procès-verbal de
la maîtrise constate q u ’il était bien planté dans une
moitié à peu près , et que l ’autre moitié seulement
était pillée et dégradée à cause du voisinage des do
maines.
�( 53
L ’ art. 8 de la loi du 10 juin 179 3 porte que la
possession de quarante ans, exigée par la loi de 1792,
pour justifier la propriété des seigneurs sur les terres
vaines et vagues, etc. ne pourra suppléer le tilre l é
gitime d ’acquisition.
L e sieur Belavoine trouve encore l'application de
cet article, en soutenant toujours que le bois des Brosses
était une terre vaine et vague ; mais pour faire cesser
tout d ’un coup sa prétention à la nullité de l ’acte de
1 7 5 5 , on abondera dans son sens, en supposant avec lui
que ce bois a été autrefois une terre vaine et v a g u e , un
ancien comm unal m ê m e , si cela lui plaît mieux. M a l
gré cela la transaction de 17 5 5 doit avoir tout son effet.
/
P o u r prouver ce m oyen décisif, et qui pourtant
est superflu, il ne s’agit que «le rappeler un seul fait,
et de citer deux arrêts parfaitement conformes à l ’es
pèce , rendus par la cour de cassation en l ’an 12 et
en 1808.
D ’abord la cour n ’a pas perdu de v u e , que lors du
procès-verbal de 178 0, le bois des Brosses a été cons
taté être planté en arb re s , dont une moitié en bon
état, et l’autre moitié dégradée.
11 n’y avait d ’inculte que le bois Servoiron et le
Bois-Blanc.
D ’après cela , voyons si le titre de 1 75 5 sera suffi
sant au sieur de R o c l i e f o r t , ou si, d ’après la loi du 10
juin 1 7 9 3 , il faut nécessairement représenter un titre
d ’acquisition. C ’est la l ’objet des deux arrêts de cassa-
�( 54 )
lion. Voici l’espèce du p r e m i e r , transcrit du.bulletin
officiel,page 33 7.
« A u mois de décembre 1 7 9 2 , les liabitans de Bellenod et Dorign y avaient formé contre le sieur D a m a s ,
leur c i - d e v a n t seigneur, une demande en revendica
tion de plusieurs h éri ta ges, et notam me nt d’ u n b o i s
situé sur le territoire de cette dernière c o m m u n e , sous
le prétexte q u ’ils en avaient été dépouillés par un abus
de la puissance féodale.
« Pour établir leur ancienne possession de ces héri
tages , ils avaient produit un acte en form e, de lu tran
saction passée entr’eux et leur seigneur, le 20 ,mai
i 583 .
« Elle avait été précédée d ’un procès alors pendant
aux requêtes du palais du parlement de D i j o n , dans
lequel ledit seigneur avait conclu à reconnaître et à d é
clarer que tous Les bois et broussailles ex ista n s sur ces
d e u x territoires, Lui appartenaient en tout droit de barialité, et fa isa ie n t partie de son dom a in e, sous La seule
charge d ’un droit d ’usage,don\ il convenait q u ’ilsélaient
affectés envers ces deux communes.
« L e s liabitans prétenda ie nt, au contraire, que lesdits bois et broussailles leur appartenaient en tout droit
de com m unaut é , et q u ’en celte forme ils en avaient
gardé la possession , saisine el jouissance, non-seule
ment pour les dernières années, mais encore de teins
immémorial.
« Par ki transaction ci-dessus é n o n c é e , une po rtio n,
�( 55 )
de ces mêmes bois fut adjugée au seigneur , pour en
jouir à l’avenir j m j oute propriété ( i ) ; et il fut dit que
tout l’excédant appartiendrait aux deux communes.
« A vue de ce titre, le sieur Damas a soutenu q u ’il
ne prouvait pas l’ancienne possession antérieure, telle
que l ’exigeait la loi de 1 7 9 2 , puisqu’elle était contes
tée par l ’ancien seigneur.
« Cependant un jugement du tribunal civil de la
C ôte -d ’O r , du 19 ventôse an 4 , a fait droit à la d e
mande en revendication , formée par les deux c o m
munes ; et sur a p p e l , il a été conlirmé par arrêt du
19 messidor en 10.
« Sur le pourvoi, etc.
Ouï M . Co cb a rd , rapport eur; les observations des
avocats des parties, et les conclusions de M. le procu
reur-général impérial >
« Attendu que les habitansde Bellenod et Dori gny
n ’ ont en aucune manière ju s tifié de leur ancienne pos
session des bois situés sur leur territoire, antérieure
à la transaction passée entr’eux et leur s e ig n e u r , le
20 mars 1783 ;
« Que cette même transaction ne p e u t , sous aucun
rap port, servir à la preuve de l’établissement de cette
ancienne possession; puisque l’on y voit que ledit sei( 1 ) L e'ili’oit de pacage conservé aux. habitans sur ladite por
tion réservde nu seigneur ( C e lle clau se r i est pas transcrite au
bulletin ; m ais le titre est rapporté p lu s au lo n g dans les ques
tion s de droit de M. M e rlin , et c e lle clause s'y trouve).
�( 56 )
gn e u r , avec lequel les habitans transigèrent, loin d’en
convenir et d ’en faire l’a v e u , soutenait et maintenait,
au contraire, que la propriété exclusive des bois con
tentieux lui a v a it , ainsi q u ’à ses prédécesseurs, tou
jours app a rt enu e, sous la charge d’ un droit d ’usage,
dont il les reconnaissait affectés envers ces derniers ;
Que, pour justifier leur ancienne possession, il aurait
fa llu que lesdits habitans s’étayassent de la production
de quelques titres antérieurs à ladite transaction, q u i Les
eussent déclarés p r o p r i é t a i r e s et possesseurs paisibles
des mêmes bots, mais que n’en ayant produit aucun ,
et ladite transaction ne pouvant établir en leur faveur
une possession légale et non contestée, puisque tout au
contraire elle était réclamée par leur ancien seigneur, il
en résulte q u ’elle n’a statué que sur un fait douteux et
incertain , ce qui formait précisément l ’objet du litige
terminé par cette vo ie; cl on il suit que la cour d’appel
de Dijon, en prenant pour base de sa décision, la m êm e
transaction dont il s’a g it, e t , en supposant q u ’elle attri
buait auxdils habitans une possession antérieure à icelle,
a fait une fausse application de l’art. 8 de la loi du 28
août 1792.
« Par c e s considérations , la cour casse etc. »
;
l
Parmi la multitude d’arrêts rendus sur cette matière,
le sieur Belavoine conviendra bien q u ’on lui a choisi,
tout d’ un coup , celui qui s’appliquait le m ieux; car il
avait précisément à statuer sur un titre où abondaient
toutes les expressions féodales quo le sieur Belavoino
a
�îi
C 57 )
parsemées dans soti mémoire en lettres majuscules/
L à , le seigneur parlait aussi de broussailles ,'e t il pré
tendait, com m e le sieur M aré ch al , que tous les bois et
broussailles existant sur deux territoires dépendaient de
son d o m a i n e , en tout droit de b a n a lité, ce qui était
bien plus féodal que la transaction de 1755. Cependant
ce titre, que le sieur Belavoine jugerait fort incivique,
a trouvé grâce devant la cour de cassation.
L ’espèce du deu xième arrêt est plus favorable encore
a u sieur de Rocliefort ; car déjà les habitans s’ étaient
partagé co m m e communal le local contentieux.
L a dame Blosseville possédait la ferre de Clairfeuille.
Dans l’étendue de cette terre , se trouvaient des
côtes et pâtures, situées dans le territoire de la com m un e
de Montrosier.
, Ap rès la loi du 28 août 1792 , cette com m un e s’en
em p a ra , sous prétexte que ces terrains étaient co m m u
naux , de leur nature ; et en l ’an 2 , elle les partagea.
Ap rès la loi du 9 ventôse an 1 2 , la dame Blosse
ville se pourvut devant les tribunaux contre les divers
détenteurs, produisit des titres, etc.; plusieurs habitans
a dhérèrent à la d e m a n d e , et se désistèrent.
Mais huit habitans soutinrent que les titres produits
par la dame Blosseville ne lui donnaient pas la pro
priété des biens q u ’elle réclamait, et que d’ailleurs ces
titres étaient proscrits par les lois des 28 août 1792 et
10 juin 1 7 9 3 , co m m e étant émanés de la puissance
féodale ; ils ajoutaient que les biens en litige étaient
i5
�' C 58 )
des terres vaines et vagues, qui, de leur nature, appar
tenaient, d ’aprèskrloi de 1793, à la c om m un e de Montrosier, sur le territoire de laquelle elles étaient situées.
L e tribunal civil de Neuchatel maintint les liabitans
dans leur possession en adoptant leurs moyens. Ce juge
ment fut confirmé par la cour d ’appel de Rouen.
.
Mais l’arrêt de cette cour à été cassé , le 27 avril
1808 , par les motifs qui suivent :
«• Atte ndu que l ’art. 8 de la loi du 28 août 1 7 9 2 , ne
permet de réintégrer les communes que dans les biens
et droils q u’elles justifieraient avoir anciennement pos
sédés, et dont elles auraient été dépouillées par les
ci-devant seigneurs; que l ’art. 9 de cette loi n’adjuge
aux co m m u n e s , sans exiger la justification d ’ une an
cienne possession, que les ferres vaines et vagues, gastes,
i a n d e s , biens, liermes ou vacans et garigues : ce qui
ne peut s’appliquer qu’à des biens incultes; et encore
sous la condilion quelles en formeront la demande
devant les tr ibun aux , dans le d éla i de cinq a n s; que
la distinction faite par ces deux articles n’a pas été
annullée par la loi du 10 juin 1 7 9 8 ; attendu q u ’il est
constant au p r o c è s , et reconnu par les défendeurs,
qu’au m oins une partie des fo n d s dont il s’agit était
en culture lorsque la commune s’en est emparée, de son
autorité et sans ordonnance de justice, et q u ’elle l’était
aussi lorsque les lois de 1792 et de 179 ^ , sur les biens
c o m m u n a u x , ont été rendues; que la preuve de ces
laits résulte etc...........Et attendu que la cour d ’a p p e l ,
en adjugeant aux liabitans de Montrosier des fonds qui
�(
5
9
}
'étaient en culture, sans exiger la pr euve d’ une ancienne
‘possession de ta commune , et sans que ladite c o m
m un e eût formé aucune demande à ce sujet devant les
tribunaux, et , en appliquant à des fonds de cette na
tu re , les règles établies pour les terres vaines et vagues,
et autres biens incultes, par l’art. 9 de ladite l o i , et
par les art. 8 et 9 de la sect. 4 de la loi du 10 juin
1 7 9 3 , a fait une fausse application desdites lois, et a
violé l ’art. 3 de celle du 28 août 1792 ; casse, etc. «•
Que deviennent maintenant les preuves invincibles
‘du sieur B e la v o in e, et sa découverte de féodalité?
11 a fait remarquer a u contraire, par l’exemple de ces
arrêts, i.° que quelques habitans peuvent transiger ou
être assignés pour un terrain prétendu par eux être un
co m m u n a l , et mêm e partagé co mme tel; 2.0 q u ’une
comm une n’a pu revendiquer un terrain, c omme usurpé
par un acte féodal, q u’à la charge d ’exercer sa demande
dans les cinq ans de 1792; 3 .° que si lors d’ une tran
saction, il était contesté ou douteux que le terrain ap
partînt aux habitans, la transaction 11’a rien de féodal,
et doit être exécutée.
Concluons donc que le sieur de Rochefort n’a besoin,
en cette cause, que des actes de 1 7 5 5 , 17 5 7 et 1 7 5 9 ,
pour assurer sa propriété, et que ces actes sont un titre
irréfragable contre les successeurs de tous ceux qui y
ont été parties.
C ’est là tout ce q u ’il s’agit de savoir dans le m o
ment actuel; car il n’exisle pas de procès entre la com -
�(6 o )
m u ne de Brout et le sr. de R o c h efort , et il ne peut y en
avoir sur app el, et sans les deux degrés de jurisdiction.
N e perdons pas de vu e aussi qu'il n'est question au
procès que du bois des Brosses, qui était en produit
à l ’époque de la révolution, et nullement du bois Servoiron ni du Bois-Blanc, à l ’égard desquels on aurait
pu tout au plus élever la difficulté de l’application des
lois de 1792 et 1793.
Il
ne resterait maintenant à s’occuper que de la
partie du mémoire du sieur B ela vo ine, dirigée contre
l e sieur D e c o m b e , mais ce n’est point au sr. de Rochefort à y répondre. L a gravité des inculpations faites au
sieur D e c o m b e ne touche au procès actuel que par des
moyens si obliques, q u’il est plus court et moins oiseux
de ne pas en scruter les vrais motifs.
L a c o n testat ion a été déjà assez compliquée par la
multitude d ’actes et de mots dont le sieur Belavoine
a voulu tirer parti. Et cependant de quoi s’agissait-il ?
U n fils qui plaide contre la transaction de son p è r e ,
avait-il quelques m oy en s à chercher dans de prétendus
titres datés d ’ un siècle ou deux avant
cette tran--
saction? Voilà cependant toute la question de la cause ;
ainsi pour la discuter, il n’était besoin ni d ’injures ni
de voies extraordinaires, pas plus que la Cou r n'aura
besoin de consulter les titres de la com m une de Brout
ni les lois féodales , pour en trouver la solulion.
De
ROCHE FR O T-D A LLY.
M . e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M e T A R D I F , avoué-licencié.
�
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Factums Marie
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rochefort-Dally, Jean-Jacques-Marie. 1809?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
communaux
droit de blairie
droits féodaux
pacage
Caponi (Alexandre de)
triages
vaine pâture
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour sieur Jean-Jacques-Marie Rochefort-Dally, habitant à Artonne, intimé ; Contre sieur Claude Belavoine, du lieu d’École, mairie de Brout, appelant ; En présence du sieur Décombe, des Morelles, maire de Brout, aussi intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1809
1582-Circa 1809
Avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0335
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Artonne (63012)
Broût-Vernet (03043)
Combrode (63116)
Lafont-de-saint-Magérant (terre de)
Le bois des Brosses
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Caponi (Alexandre de)
communaux
droit de blairie
droits féodaux
pacage
triages
vaine pâture
-
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79b63085dad7a5ee8d728960b3a11e20
PDF Text
Text
___
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\<Uf. pjijïfùvy ül^
\kue£. /C'f-K*~fcïCrf*7
caj^.
MEMOIRE
POUR
Le sieur ROCHEFORT-D’A IL L Y , intimé;
CONTRE
L e sieur C A V Y , appelant.
Ce
n’est pas pour expliquer sa cause, que le sieur
Cavy a imprimé ses moyens ; elle étoit en effet si peu
importante : il le déclare lui - même ; mais il a voulu
apprendre au public, sous la garantie de sa signature,
qu’ il étoit, lui Cavy, un agriculteur intelligent, un fer
mier bien au-dessus du maître, un propriétaire considéré,
faisant de grandes spéculations.
Il pouvoit, sans inconvénient, se donner la jouissance
de publier ainsi ses vertus par la voie de l'impression ,
sans y ajouter l'affectation d’accabler le sieur d’A illy de
personnalités et d’injures.
Le sieur d’ A illy ne se juge pas lui-même , et ne se dit
au-dessus de personne. Il réclame franchement ses droits
À
�( 2 )
et les tribunaux n’ont pas encore jugé qu’il fît de mau
vais procès. Il est possible qu’un jeune homme qui n’a
pas les goûls de son âge , ne plaise pas aux faiseurs de
grandes spéculations, du moins dans le sens qu’ils l’en
tendent ; mais les devoirs de la société n’exigent pas
qu’on soit dupe ; et si le sieur Cavy ne l’enlend pas de
la même manière, si ses grandes spéculations sont déran
gées par des jeunes gens n’ayant'pas les goûts de leur
âge, il en résultera seulement que tous les dix ans il ne
doublera pas sa fortune, et qu’il se désabusera à la longue
de la bonne opinion qu’il a de lui-même.
F A I T S .
L a terre de la Font, appartenante au sieur Maréchal,
aïeul du sieur d’A illy , fut affermée au sieur Cavy, le 27
brumaire an 6, pour neuf ans.
L e bail porte la clause suivante : « Les étangs seront
« empoissonnés aux frais du preneur, et le produit, à
« chaque pêche, sera partagé par moitié entre le bailleur
« et le preneur »
Ces étangs étoient jadis au nombre de cinq; les étangs
de l’A r c h e , Chapot et la P ip e , ont toujours resté en
rapport ; mais ceux connus sous le nom de G irou x et
Tiroisau , ont été mis à sec il y a environ cinquante
ans ; depuis cette époque il y est né des arbres que le
sieur Cavy a exploités.
Quand la loi du 14 frimaire an 2 ordonna le dessè
chement des étangs, le sieur Maréchal s’étoit contenté
de faire uter la bonde de l’étang Chapot, et les eaux
�(
3 )
s'écoulèrent. Il n’y: avoit môme pas lieu d’exécuter la loi
autrement ; car un grand cliemin a été pratiqué sur la
chaussée, et il eût été intercepté, si la chaussée avoit été
détruite.
Une loi du n thermidor an 3 ayant rapporté celle
du 14 frim aire, tous les propriétaires d’étangs non dé
truits n’avoient eu qu’une bonde à replacer, pour que
l’ancien volume d’eau y fût retenu. Tout prouve que
c’est ainsi que le sieur Maréchal avoit rétabli l’ancien
état des choses, lorsqu’il donna sa terre à ferme au sieur
Cuvy, et stipula que les étangs seroient empoissonnés
p a r le p r e n e u r , à ses frais.
Il seroit indifférent, d’après cette clause, que ces étangs
fussent déjà empoissonnés en l’an 6 , puisque s’ils ne
l’étoient pas, le sieur Gavy étoit chai'gé de cet empois
sonnement. Mais c’est un fait constant que les étangs de
l’A rch e et de la Pipe furent péchés peu de mois après
le bail de l’an 6 , et que l’étang Chapot fut péché en
l’an 7.
L e sieur Gavy ne nie pas la péclie des deux premiers
étangs; il n’ose pas même la nier pour l’élang Chapot\
mais comme cet aveu le condamne, le sieur Cavy fait
des efforts surnaturels pour prouver que cette pêche n’est
pas une pèche, et que l’étang n’est pas un étang.
A le croire, des métayers y ramassèrent un peu d’eau
avec des molles, après une sécheresse, en l’an . Celte
eau , destinée à abreuver les bestiaux et à faire rouir le
chanvre, produisit bientôt le prodige de féconder un
ancien frai qui avoit demeuré dans la vase depuis l’an 2 ,
et de procréer des carpes tellement disposées à réparer
A 2
6
�(4 )
Te temps perdu, qu’elles se trouvèrent, au bout de quel
ques mois, peser une livre et demie, et furent en état
d’être pêchées et partagées en l’an 7. (M ém oire Cavy,
pages 3 et 4. )
INous examinerons bientôt le degré de probabilité dece système du sieur C avy; mais pour continuer le récit
des faits, les étangs de l’A rch e et de la P ip e , pecliés
en l’an 6 , le furent de nouveau en l’an 9, suivant l’ordre
périodique des pèches; et l’étang Cliapot péché en l’an
7 , devoit l’être en l’an 10.
Le sieur Maréchal mourut le 1 1 thermidor an 9. Le
sieur d’A illy , son petit - fils et son héritier , eut des
comptes à apurer avec le sieur Cavy. Il alloua des sommes
considérables sans quittances, et le sieur Cavy dût alors
lui trouver les goûts de son âge. Bientôt le sieur d’A illy
trouva dans les papiers de son aïeul d’anciens comptes,
et états du sieur Cavy. Il y vit la nécessité d’examiner
sa gestion de plus p rès, et se convainquit bientôt que
son système dominant, comme il le dit lui-m êm e, est
de fa ire de grandes spéculations, sans s'arrêter aux
de ta ils min utieux.
Les.conditions du bail n’étoient exécutées en effet que
pour les grands articles de production. M ais, i°. le sieur
Cavy s’étoit obligé de planter soixante-dix œuvres de
vigne. Cela eût produit fort-peu el, dépensé beaucoup:
il l’a voit oublié* 2°. L e sieur Cavy 11e devoit pas faire
de défricheinens; mais cela produit beaucoup, et le sieur
Cavy avoil défriché. 30. Il ne devoit employer les en
grais qu’aux terres et vignes des domaines ; il les avoit
détournés pour $011 compte. 40. Le sieur Cavy ne devoit
�C5 )
exploiter les bois que suivant les périodes ordinaires; il
les avoit devancées, etc., etc.
Peut-être bien eût-il été plus louable à un jeune liomme
de fermer les yeux sur les opérations du spéculateur.
Malheureusement pour le sieur C avy, le jeune homme
fut assez mal avisé pour voir clair, et pour faire dresser
en effet plusieurs procès verbaux de mésus, les uns pour
poursuivre sur le champ, et les auti’es pour conserver
une action en fin de bail.
T el fut le conseil de gens sages et prudens. L e sieur
Cavy sentit qu’il étoit alors plus urgent de se tirer
d’affaire que d’exlialcr son courroux ; il vint prier le sieur
d’A illy de se relâcher de scs droits ; et celui-ci fut plus
généreux qu’il ne devoit l’être. Il se départit de tous
dommages - intérêts pour les défriclicmcns, les bois, la
non plantation de vigne, etc., et, par une amnistie gé
nérale pour ce qui étoit en litige, il consentit de ne plus
rechercher le sieur Cavy pour les faits antérieurs de la
jouissance, sous réserve de tout ce qu’il pourroit faire
dans la suite de contraire aux clauses de sou bail. Telles
furent en précis les conventions du traité du ie«1. ven
démiaire an ro.
Il ne pouvoit pas être question dans ce traité, ni dans
les débats qui le précédèrent, de la pêche de l’étang
Chapot, puisqu’elle ne devoit avoir lieu que dans le
courant de l’an 10 : le sieur d’A illy n’avoit même pris
à cet égard aucunes informations positives. D ’ailleurs, il
y a moyen de pêcher un étang quand on veut, en y jetant
du poisson assez gros; et le sieur Cavy sait par expérience
comment cela.se pratique. Le sieur d’A illy l’invita à tenir
A3
�( 6 )
ses engngemens sur ce point, et l’objet en valoîtla peine y
puisque l’étang Chapot a cinq mille deux cent soixantequatre toises de superficie.
Sur son refus, il l’a assigné le 9. thermidor an 1 1 ^
I,0. pour lui payer une somme de 1200 fr. en indemnité
de la pêche dudit étang Chapot pour l’an 10 ; 2°..pour êtrecondamné à l’empoissonner afin de le mettre en état;
d’être péché en l’an 13.
L e sieur Cavy a d’abord dit au bureau de paix que
cet étang n’est plus en produit depuis la loi sur le des
sèchement des étangs; qu’il n’avoit pas de poisson quand
il l’a pris, et n’a pas fait partie des objets affermés.
Dans, ses défenses ensuite , craignant les résultats de
la pêche de l’aa 7 , et obligé d’en convenir, il a imaginé
d’expliquer la cause, de cette pêche, comme il a été cidevant rapporté.
L e tribunal de Gannata fait justice de ces moyens, et,,
par son jugement du 19 prairial an 1 2 , il a adjugé la de
mande, si mieux n’aimoit le sieur Cavy payer à dire
d’experts.
L e sieur Cavy s’est figuré de trouver devant, la cour
un plus grand degré de crédulité, pour faire adopter le
système par. lequel il veut avouer et nier tout à la fois
que l’étang Chapot ait cessé d’être à sec depuis l’an 2 ;
il s’agit de le détromper,,et de justifier le jugement qu’il;
attaque.
M O Y E N S . .
Les griefs du sieur Cavy se bornent à deux , non com
pris le chapitre des. injures, qui n’est pas le moindre;'
�,
t 7)
10. le traité de ï’an ïo est, dit-il, une fin de nôn-réCè=voir contre la demande ; 2°. l’étang étoit à sec lors du
bail de l’an 6 : ainsi, la charge d’empoissonner ne s’.y
appliquoit pas.
R
é p o n s e
à u
p ï i ë m i e r
m o y e n
.
L e traité du premier vendémiaire an ïo , dit le sieur
Cavy pour la première fois sur l’appel, est une transac
tion sur procès , ayant pour but d’éteindre id de quo
'cogitatum f u it.
Adoptons la définition, elle le condamne.
Souvenons-nous que le sieur C avy, dans le début de
ses injures, a dit que le sieur d’A illy ne mar'ehoit qu’avec
des notaires et huissiers ; il donne une plus ample expli
cation de ce qui a précédé le traité, à la page 4 de son
mémoire, alinéa 3.
jLe sieur M aréchal est décédé ,• son -petit-fils s’est
présenté avec des vues hostiles j tous les jours nouvelles
querelles ; c’est un baliveau moderne que Cavy a coupé j
procès v e rb a l, e x p e r tis e s .... ce sont des vignes m al
plantées ,• procès verb a l, expertise , etc. . . » . . JEnjîn ,
dix-sept procès verbaux dressés p a r des notaires, signi
fié s p a r des huissiers , sont entre les m ains du sieur
Cavy, . . . . On parvient à rapprocher les parties, et le
prem ier vendémiaire an ï o il fu t passé un traité, etc.
Nous devons donc trouver inévitablement, dans ccs
dix-sept procès verbaux, quelles étoient les difficultés
sur lesquelles les parties voulurent traiter; c’est-à-dire,
id de quo cogitatum est.
A 4
�( 8 )
L e sieur Cavy dit avoir entre les mains ces dix-sept
procès verbaux; qu’il les exhibe, et il aura raison de dire
que le traité comprend le défaut d’empoissonnement d&
l’étang Chapot, s’il y a eu un procès verbal relatif à cet
étang, si de eo cogitaturn est.
L ’étang Chapot a cinq mille deux cent soixante-quatre
toises de superficie ; son empoissonnement valoit sans
doute la peine d’un procès verbal, pour un homme qui
ne marche qu’avec des notaires, et qui fait des procès
vevbnu'x pour les moindres volailles de la cour. L e sieur
Cavy sera-t-il donc réduit à dire q u e le sieur d’A illy a
regardé ce mésus comme une chose trop minutieuse ; mais
ce seroit une inconséquence ?•
Mais il n’y avoit pas lieu à procès verbal pour l’étang
Chapot. L e sieur d’ A illy n’avoit rien ù voir dans l'em
poissonnement ; il n’avoit intérêt qu’à la pêche ; et certes
s’il eût fait des procès verbaux avant l’an 10 , le sieur
Cavy n’auroit pas manqué de dire, avec plus de raison ,
que cette précaution prématurée étoit une pure tracas
serie.
Déjà le sieur Cavy ayant négligé d’empoissonner un
autre étang, a fait ce qu’il auroit pu faire pour l’étang
Chapot : il est allé acheter du poisson assez gros pour
être bientôt péché, et, par là , il a prévenu toute diffi
culté. Si donc le sieur d’A illy n’a pas dû faire çle. procès
verbal avant l’an 1 0 ; si, dans le fait surtout, il n’y en
a pas, 011 11’a pu traiter le premier vendémiaire an 10 ,
sur la privation de la pêche, sur une chose à venir y sans
une stipulation positive, et qui s’y rapportât expressément..
Puisque la transaction n’étoit pas faite de lite rnuici „
�( 9 )
dès qu’il n’y avoit pas de litige antérieur, il est sensible
que, pour induire de l’acte que les parties voulurent tran
siger de lite movendâ , il falloit une explication claire
et précise de l’objet de ce litige.
Mais quand il scroit prouvé qu’il y a eu des sujets de
contestation pour l’étang Ghapot, ne seroit-ce pas extorquer un département d’action, que de l’induire d’une
expression généi'ale qui n’y avoit pas un rapport im
médiat et nécessaire.
On a parlé dans ce traité de bois coupés, de défri-,
chemens faits, de vignes non plantées , et on n’y voit
pas un mot de l’étang Chapot, plus important que la
plupart des choses exprimées.
Si donc après avoir spécialement traité des divers objets
en litige, il est ajouté une clause générale qui absout le
sieur Cavy de tous faits de jouissance antérieurs, le motif
en est sensible ; c’est que toutes les coupes de bois, tous
les défrichemens pouvoient n’être pas constatés. L e sieur
d’A illy auroit pu opposer ensuite qu’il n’avoit traité que
sur ce qui étoit constant à cet égard ; et il y eut sur ce
point quittance finale. Mais il seroit bizarre de lui donner
pins d’extension que les parties elles - mêmes ne l’ont
voulu.
Les lois, en favorisant les transactions, n’en font pas
un piège ou une chose aléatoire ; elles ne disent pas que
la transaction comprendra tout ce qui sera présum é, mais
c e qui sera p r o u v é avoir été le sujet de l’accord. Tan
tum in his interpositum pactum nocebit, de quibus
ùiter eos action esse p r o b a t u r . L . 9 , if. D e trarisact.
La même loi ajoute qu’il seroit injuste d’éteindre une
A 5
�c io y
action par un traité, si celui qui en excipe ne prouve
pas qu’il y en a été question. Injustum est perimi pacto
id de quo cogitatum non docetur . L . 9 , ibid.
L e Code civil est plus positif encore. « Art. 2048, Les
« transactions se renferment dans leur objet : la renon« dation qui y est faite à tous droits, actions et pi’éd tentions , ne. s’entend que de ce qui est relatif au dif« férent qui y a donné lieu. »
Il faudroit donc que le sieur C avy, on le répète, prou
vât clairement qu’il y a eu différent sur la pèche de l’étang
Cavy. Ses dix-sept procès verbaux , ses dix-huit procès
ne le prouvent pas.
M ais, fallût-il même abonder dans son sens, rien encore
ne seroit réglé pour la contestation actuelle, quand l’étang
Chapot seroit comprisdans l’art. 12 du traité qu’il invoque.
L e sieur Cavy s’est abstenu de le rechercher pour aucun
fait antérieur de sa jouissance, sous toutes réserves pour
l'avenir.
Mais que peut-on entendre par la jouissance d’un do
maine ou d’un étang? ce n’est autre chose, sans doute, que
la perception des fruits qui en proviennent. On ne jouitpas en semant, on jouit par la récolte.
Qu’un propriétaire donne quittance à son métayer de
toute sa jouissance jusqu’au jour, en résultera-t-il que la
quittance ôte au propriétaire le droit de se plaindre lors
de la récolte suivante, s i, par la faute du m étayer, il
n’y a rien h cueillir? Personne, sans doute, ne s’avisera
de le prétendre.
O r, la pêche d’un étang en est la récolte; et il n’y a
pas moins de singularité à vouloir que le sieur d’A illy x ■
�( ; 1 1 y* ’
par un abandon de la jouissance passée, ait aussi aban
donné la jouissance à venir.
E n fin , le sieur Cavy s’est jugé lui-même relativement
à l’étang la P ip e , pour lequel il y a eu un procès dont
il sera parlé ci-après, (pag. 1 8 ) ; il a été assigné après le
temps de la pêche passé, en l’an 1 2 , il n’a pas même eu
idée de -prétendre que le traité de l’an 10 l’eût dispensé
d’empoissonner. Il a reconnu sa négligence, il a été con
damné. Sa défense explique donc le traité de l’an 10.
La plus sûre interprétation est celle qu’il en a faite luimême.
r é p o n s e
a u
d e u x i è m e
m o y e x
L e dessèchement de l’étang Chapot, en l’an 2, ne signifie
rien à la cause, puisqu’il nefalloit, pour le remettre en pro
duit, pas plus d’embarras que pour les étangs de l’Arche '
et de la P ip e , toujours péchés depuis l’an 3 ; c’est-à-dii*e ,
qu’il n’étoit question que d’y replacer son ancienne bonde.
Remarquons encore que dans le bail de l’an 6 , le sieur
Cavy s’est soumis à une clause qu’il ne veut pas enten
dre. Il n’est pas dit qu’il profitera d’une pêche déjà prête
à prendre*, il est dit qu’il empoissonnera les étangs, pour
en partager la pêche ; c’est-à-dire, il semera pour par
tager la récolte.
Ainsi il importeroit fort peu qu’il y eût du poisson
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; s’il n’y en avoit pas , il
devoit y en mettre : voilà son obligation positive,,
Mais il y avoit du poisson en l’an 6 , puisqu’il y a eu
une pêche en l’an 7. Dans la vérité elle fut abondante et
�( 12 ) ,
réelle ; au reste , ce n’est pas de son abondance-qu’il ré
sulte rien. Adoptons, si l’on v eu t, qu’il n’y eût que des
carpes d’une livre et demie , il est toujours avoué qu’il
fut péché du poisson en l’an 7 , et c’est tout ce qu’il s’agit
'de' savoir.
' 'r
■ ............2 '
L e sieur Cavy ne s’est pas dissimulé toute la puissance
de ce fait, et toute la conséquence de ses résultats. Aussi
‘ a-t-il tourné de ce côté tous ses efforts, et nous avons rap
pelé, dans le récit des faits, l’explication étrange qu’il a
'donnée de cette” pêche de l’an 7.
Son moyen se réduit à un système nouveau qui bat
en ruine toutes les notions élémentaires sur la génération
des poissons.
"
'
Fut-il jamais concevable que de l’eau ramassée en l’an 6,
après une sécheresse, et retenue parqüelques mottes pour
l’abreuvement des bestiaux, ou le rouissage du chanvre,
oit pu créer du poisson sans empoissonnement, et hâter
sa croissance au point de faire, pour l’an 7 , des carpes
d’une livre et demie ?
Cependant le sieur Cavy ne se contente pas d’alléguer,
il certifie que son système est fondé sur l’expérience. On
a v u ,,d it- il, naître du poisson dans un étang desséché
depuis vingt ans, parce que la vase a conservé le fra i, et
que l’eau y étant revenue en a développé les germes.
Si les choses se passent de cette manière , la physique
jusqu’à présent s’est étrangement abusée, en enseignant
que la chaleur est le premier agent de la reproduction
des êtres; et l’histoire naturelle ne nous nuroit ' pas
moins induits en erreur , en nous apprenant que c’est la
’ chaleur de la vase qui fait éclore le frai du poisson.
�( *3 )
Quand un étang est mis à sec , le frai , qui sous son
enveloppe visqueuse étoit roulé dans les ondes, a dû se
reposer sur la vase après leur écoulement ; et dans cette
position naturelle , trouvant bientôt une plus grande
chaleur , la vase a dû en mûrir les germes , par cette
espèce de dissolution qui prépare le développement et la
génération (i)„
Mais quand le poisson est ainsi prêt à naître, la nature
q u i a favorisé sa création se trouve privée d’un autre
agent élémentaire ; la chaleur n’a fait que dissoudre ; l’eau
étoit nécessaire pour conserver. Ainsi le frai n’a pu passer
de la corruption à la vie ; la seconde opération de la
nature lui a manqué ; il a resté dans le néant (2).
L e sieur Cavy a donc présenté le système que quelque
chose pût être créée de rien. E x hoc lato nascantur,
a-t-il dit ; mais ce commandement n’étoit pas en sa
puissance; et nul ne sera persuadé, par sa prétendue
expérience, que des poissons soient nés sans empoisson
nement, après dix et vingt ans , dans un étang desséche.
Mais, ù ce premier miracle, le sieur Cavy en a ajouté
»
•»
»
»
»
»
(1) « Les femelles se portent en foule vers les Lords de l’ctang,
traînent leur centre sur la terre........ L e Jjut de la nature, danscelte opération, est d’obliger le poisson à déposer ses œufs dans
un endroit où il y ait peu d’eau, afin que la clialetir des rayons
du soleil la pénètre, l’écîiauffe, ainsi que la ierre qu’elle recouvre. Cette chaleur suffit pour faire éclore les œufs douze ou
quinze jours après. » ( Cours d’agriculture, p ar Vabbë llo zicr,
tome 4 , p»ge
34*
3. )
(2) « Si l’eau ne recouvre pas toujours le frai, il est perdut sc;
» putréfie sur le b o rd , et' sc corrompt. ».
�( H )
un second ; scs germes développés dans de la vase, après
•line sécheresse de l’an 6 , ont produit des carpes d’une
livre et demie en l’an 7 ; ce qui n’est pas moins impos
sible. La marche de la nature est plus lente. On sait que
le poisson d’étang a besoin de plusieurs années pour
arriver au temps où il doit être péché , ce qui est fondé
sur une constante expérience (i).
, L e sieur Cavy ne veut pas s’en tenir î\ ces invraisem
blances -, obligé de.convenir qu’il a été fait nne pêche
en l’an 7 , il ne peut nier dès-lors qu’il y avoit de l’eau
en l’an 6 , et il cherche e n c o r e ù en c h a n g e r la desti
nation. Ge n’est plus pour une pêche que cette eau est
retenue dans l’étang ; c’est pour abreuver les bestiaux ,
c’est pour rouir du chanvre.
O r , on sait que le» bestiaux allant boire dans une
marre ou dans tout autre lieu , y pénètrent autant qu’ils
peuvent s’y avancer, et foulent tout aux pieds; ce qui
n’est pas très-propre à conserver le poisson (2).
( 1) « L a première et la deuxième armée ce petit poisson n'étant
» grand que comme une feuille de saule, est nommé feuille.
» Quelquefois, lorsque le fonds de l’étang est bon , ayant passé
» deu x étés, il a quatre pouces, et pour lors, quoique feuille, on
» commence à lui donner le nom d ’alevin ; mais il ne le mérite
» pas encore. » ( ]Maison rustique, tome 3 , page 587. )
» On appelle alevin le petit poisson qui a cinq pouces; il n’est
» ordinairement de cette grandeur qu’après trois étés : c’est l’alevin
» dont on se sert pour empoissonnement. On pêche les étangs de
» trois en trois ans, après qu’011 les a alevinés. » (¿tornare, tome 3,
page 5(j4 , édition in -lf. )
(a) «11 ne faut pas se mettre en peine si ce petit poisson trouvera
�c r5 )
On sait encore- que rien ne corrompt plus les eaux
stagnantes qu’un routoir ; rien par conséquent de plus
incompatible avec le poisson qui ne peut y vivre.
Il reste donc une chose pour bien constante , et que
rien n’affoiblit ni ne dément c’est qu’il y avoit de l’eau
dans l’étang Chapot en l’an 6 ; c’est que cette eau a été
donnée au sieur Cavy en état de produire une pêche en
l’an 7 ; c’est que cette pêche a été partagée entre le sieur
Cavy et le sieur Maréchal.
Voilà dès-lors l’exécution pleine et entière du bail ;
voilà surtout l’explication parlante de ce que le sieur Cavy
veut esquiver.
Si l’étang Chapot n’ctoit pas de la comprise du bail ,
et si le sieur, Maréchal n’avoit pas entendu que le sieur
Cavy fût tenu de l’empoissonner, comment se Faisoit-il’
qu’il partageât une pêche où. le sièur Cavy n’avoit rien à
voir?
Si au contraire l’étang desséché étoit affermé sans charge
de l’empoissonner, et si tout le produit de la terre devroit
appartenir au sieur Cavy, à compter de son bail, pourquoi'
lui-même se croyoit-il interdit en l’an 7 , de s’emparer
seul de ce poisson qu’il dit fortuitement né ? pourquoi's’est-il cru obligé'de le partager avec le sieur Maréchal,,
si le sieur Maréchal n’y avoit rien à-prétendre ?
Qui ne voit, dans cette conduite, l’éclaircissement positif
de toute la( cause ! et certes les tribunaux, dans l’obscurité» de quoi vivre ; il n’y a qu’à avoir soin qu’il n’ÿ manque pas d’eau,,
» qu’ il n’y ait aucun brochet qui on Ire dans la carpière, n i aucun:
», bétail qui y fréquente.. » ( M aison rustique, ihid. \
�C 1« )
<lcs discussions , n’ont pas toujurs un guide aussi sûr ;
car il n’y a plus à chercher une simple intention vague
et isolée de toutes circonstances. Ici le fait est venu au
secours de la présomption : la clause est donc expliquée
par son exécution ; et personne n’ignore, en point de
droit, que de toutes les interprétations c’est la meilleui’e.
Mais on le répète au sieur Cavy qui s’obstine à offrir
une preuve inutile ; il est absolument indifférent qu’il
y ait eu du poisson ou même de l’eau en l’an 6 dans
l’étang Chapot. Son bail l’obligeoit à empoissonner pour
fournir moitié de la pêche : voilà au moins une obliga
tion qui n’est pas ambiguë'.
L ’étang Chapot étoit sans doute un étang tant que la
chaussée n’en étoit pas détruite ; un grand chemin l’avoit
conservée : ainsi, toute la peine à prendre étoit de replacer
la bonde qui avoit dû i*ester dans les batimens d’exploi
tation pendant le court espace du dessèchement. Quant
à la grille, il n’y en avoit jamais eu.
Supposons donc que cette bonde ne fût pas à sa place
en l’an 6 ; le sieur Cavy , en s’obligeant à empoissonner,
devoit faire stipuler qu’elle y seroit remise. En vain ditil que c’étoit au sieur Maréchal à y pourvoir , parce
que ce n’étoit pas une réparation locative ; c’étoit au
contraire à lui Cavy à le mettre en demeure.
L e sieur Cavy, en prenant les étangs à ferm e, et s’obli
geant de les empoissonner , étoit censé , suivant les prin
cipes , les avoir reçus en lion état, faute d’avoir fait cons
tater qu’ ils ne l’étoient pas, comme l’ont justement dit les
premiers juges.
Quand le sieur Cavy met sur la même ligne l’étang
�C r7 )
Clin pot et les étangs de G ¿roux et de Tiroisau , pour
faire croire que ce sont trois étangs abandonnés par le
propriétdirè depuis l’an-2 ,( page 1 1 du mémoire ),; il
y a impudeur et mauvaise foi dans cette allégation ; eau
les étangs de G iroux dt Tiroisau sont détruits depuis
5o ans, une route passe au travers, des bois y croissent,
et le sieur Cavy pouvoit d’autant moins l’ignorer qu’il en
a fait lui-même l’exploitation.
Voilà douq. le degré de confiance qu’il mérite ; et c’est
avec un tel mensonge qu’il viendi’a crier à l’injustice, et blâ
mer le tribunal qui a jugé suivant les titres et les principes.,
■
f
.?*,!) • - R é
*ponses
1 ■
a u x
i n j u r e s
..
o
■'
: Il ne'falloit pas compter pour rien^ce point essen
tiel des moyens du sieur Cavy , puisqu’il en a ‘fait la
batterie principale de son agression. Suivons-le donc dans
scs rftproclics , pour savoir s’il y aura été plus exact qu’à
l’égard de l’étang de Tiroisau.
-.1
D
j* 1
fr . J
l 4*
i °. Le sieur Cavy a accuse, le sieur d’A illy ’de procès
'iilo.j , • •)!. •
J
1 1
-,
verl)aux faits pour un four, une huche, un chenil, des’
qrbres morts. Le sieur d’Ailly ignore absolument, sur tous,
ces. objets, ce que le sieur Cavy a voulu dire.
2°. Il accuse 'le* sieur d’Ailly de lui avoir fait dixhuit procès. Il y a dans cette seule calomnie quatorze;
mensonges; car, 'mitre'le procès terminé en l’an iopar un traité, le sieur d’A illy a plaidé, i ° . pour des
v i g n e s ; ,0e procès est pendant; 2°. pour le défaut de
pêche de l’étang de la P ip e , et il a gagné son pro-
�co s(i); 3 0. il ne reste que la cause actuelle , où le sieur
d’A illy a encore obtenu justice. '
3°. Il est tout aussi faux que le sieur d’Ailly ait eu^
des* procès avec ses métayers-, quoiqu’il eût eu occasion
d’en avoir. Il a préféré des sacrifices.
Voilà donc encore la véracité du sieur Cavy. On jugera
maintenant de>quel côté est la passion et la tracasserie.
L ’homme passionné est celui qui parle et agit-contre sa
conscience ; l'homme tracassier est celui q u i , ayant perdu
des procès où il devoit se'rendre justice, s’obstine encore
à plaider contre ses conventions.
4°. Le sieur d’A illy est accusé d’avoir fait faire dixsept procès Verbaux. A supposer qu’ il y ait dans ce
deuxième fait plus d’exactitude, le sieur d’A illy en ignore
la plupart. Mais il a un garde forestier dont l’état est
(
i
8
)
( i j Ce procès de l ’étang la Pipe prouve beaucoup en faveur de
la cause actuelle du sieur d ’A illy.
#t
L e sieur d ’A illy a assigné, en l’an 1 2 , le sieur C a v y , 1°. en
dornmages-inlérèls, parce (jue l’étang n ’éloit pas pèclie; 2°. pour
être tenu de l’empoïssonner, afin d'être pèdié en l ’an i 5.
L e sieur C av y a répondu qu’ il y avoit. des réparations h faire;
niais q u e, faute par lui tl’avoir fait constater V(Hat des lieux., il
avouoit Sa négligence. 11 a été condamné en iqG fr. de dotnmagrsihtérèts par'des experts. L e sieur Cavy a été moins récalcitrant
pour l’étang la Pipe, parce qu'il n’a que cinq cents toises : l’étang
Cliapot en a cinq mille.
L e j ugement dont est nj’ipo] ne condamne le sieur C avy qu’A
1200 fr. de (Joinrnagrs-’intén ts. A dire d ’espéris,’ e l , dims la pr<i-r
portion ci-d essu s,-ileù t été condamné à njfio J'r.
1
�( 19 )
de parcourir ses propriétés pour y constater les vols et
les dévastations. Si ce garde a été exact dans scs fonc
tions , le sieur d’A illy ne peut pas l’en blâmer ; tant pis
pour ceux qui se seroient trouvés dix-sept fois en con
travention visible.
5°. Après s’être peint comme victime , le sieur Cavy
veut encore se donner comme généreux. 11 a fai t, dit-il,
des voyages pour le sieur d’A illy ; il s’est sacrifié et n’a
pu être payé qu’après un procès, et avec un jugement
arbitral. (Pages 2 et 9. )
Autre allégation pleine de fausseté et de mauvaise foi.
L e sieur Cavy est expressément défié de produire aucune
procédure, aucun c o m p r o m i s , aucun jugement arbitral.
11 a fait un voyage à Lyon pour le sieur M aréchal,
cela est v rai; mais il n’étoit pas seul, et n’a pas dépensé
une obole.
Quoique défrayé de tout, le sieur Cavy réclama 5oo fr.
pour ses journées. Cette somme étoit exhorbitante, mais
elle lui a été payée sans la moindre diminution.
Voilà encore la véracité, toujours la véracité du sieur
Cavy. Il meut , il injurie : cela dispense de meilleures
raisons. 11 signale le sieur d’A ilfy comme processif, et il
a lui-même plusieurs procès où sa bonne foi est mise en
grand problème. Le sieur d’A illy pourroit en donner les*
détails ; mais ils sont étrangers à sa défense ; et pour ne
pas imiter ce qu’il blâm e, il ne récriminera pas.
En se renfermant donc dans le seul objet de sg cause,
le sieur d’A illy répète avec le tribunal de première
instance, i ° . que le sieur Cavy s’est obligé d’empois
sonner, et qu’il a dû le faire sans alléguer le prétexte
�(20
)
d’un défaut de réparation démenti par toutes les circons
tances , et d’ailleurs non constaté; 2 °. que l’aveu d’ une
pèche partagée en l’an 7 interprète la cause que le sieur
Cavy dit obscure , et dispense de tout autre examen ; 3 0. il
répond à l’objection nouvelle du sieur C avy, que le traité
de l’an 10 n’a pas plus éteint, pour un étang que pour
l’autre, l’action en partage de la pêche; que d’ailleurs
rien n’établit que cet objet fût alors en litige; et que,
s’agissant d’ une chose à venir, tout prouve au contraire
que les parties ne s’en occupèrent pas.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
Me.
T A R D I F , avoué.
A r i o m , de l'imprimerie de L a n d ri o t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rochefort d'Ailly. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
ferme
pêche
bail à ferme
étangs
assèchements
bail
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Rochefort d'Ailly, intimé ; contre le sieur Cavy, appelant.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
1797-Circa An 12
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0336
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0626
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La Font (terre de)
Chapot (étang)
Saint-Rémy-en-Rollat (03258)
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bail à ferme
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pêche
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PDF Text
Text
M É M O I R E
POUR
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
CONTRE
LES HÉRITIERS DESTAING.
A RIOM,
D e l ’I mfrimeme du P a l a is , chez J.-C. SALLES.
A v r i l i 8ii.
�MÉMOIRE
POUR
Anne
N A Z O , veuve de J a c q u e s - Z a c h a r i e
D E S T A I N G , général de d iv isio n ,
en son n o m ,
et com m e tutrice de M a r i a D E S T A I N G , sa
fille , intimée;
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G
,
appelants.
L ocuti sunt adversùm me linguâ dolosâ , et sermonibus
odii circumdederunt m e, et expugnaverunt me gratis .......
E t posuerunt adversùm me mala pro bonis , et odium pro
dilectiotie med Ps. 108.
Uen Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d événemens que toute la prévoyance humaine n’aurait pu maî
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N il, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�( 2 )
Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
témoin de son mariage. Les fêtes qui l’accompagnèrent sont
restées dans la mémoirede tous les héros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : PEmpereur lui-même, convaincu de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. La famille Destaing, plus convaincue que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux liabitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A insi, du moins, cette étrangère qui n’ aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son époux, avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille j née au milieu des tempêtes de la
m er, se tr o u v a it dans un asile assuré au sein d’une lamille qui
désormais était la s ien n e . T e l l e fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste; et déjà à Aurillac, comme au
Caire , une n o t o r ié té h o n o r a b l e a s s ig n a it dans la société, à M a
dame Destaing et à sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a troublé cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son état, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
nom, et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’or! cette divinité des nations, a brillé aux yeux des héritiers
Destaing. La succession du général leur a semblé une proie qu’il
�3
.
(
)
fallait disputer avec une opinicitre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo rs, par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placé
dans tous les registres d'Aurillac , comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiles par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? Le vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais Ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter de ce que toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, et de dédaigner l’opinion
qu’on peut avoir d’elle; il lui importe, plus qu’à-personne, de
donner de la publicité à sa conduite, et de proclamer les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dans ses actions, ne lui a ôté le droit
d’en obtenir.
F A IT S .
Tous les faits de cette cause sont liés aux grands événemens
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de sa vans allèrent en l’an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�(4
\
fut prise d’assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks furent vaincus dès leur première apparition , et la
capitale ouvrit ses portes^ l ’armée victorieuse.
Cette armée n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier élablissement fut rinstitut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du Nil, r'agriculture et le commerce.
Cependant les héritiers Destaing, ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérans licencieux, qui, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse et pour prix de
la victoire.
Laissons cette atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, et poursuivons un récit plus véri
dique.
Quoique le but de l’expédition d’Egypte fût caché dans ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme était la
fondation d’une Colonie française. Au reste, l’établissement de
l ’ a r m é e e n E g y p t e d e v i n t b ie n tô t u n e nécessité. L e m a l h e u r e u x
d’Aboukir, et la perte de la flotte achevèrent d’ôter aux
Français débarqués tout espoir prochain de retour.
com bat
Il fallut donc tourner toutes ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’affection, s’y faire une patrie.
E t, certes, voilà quelle a dû être, quelle a été en effet la dis
position des esprits, ubi benè, ibi patria : rien n’est plus fran
çais que cette maxime; et bientôt les vainqueurs de l'Egypte se
regardèrent comme naturalisés sur les bords du Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�¿l’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d’abandonner.
L e général en chef Menou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lantin , Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et militaires français
suivirent cet exemple.
Les pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas différens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
1
prostituaient pas.
Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l ’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, q u i, de la province de Cathié, ou il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t a n s.
Le général Destaing demanda la main d’Anne Nazo ( née
Trisoglow * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune.
Il n’était pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’ea u -d e -v ie; Nazo était fermier-général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueüses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre parlie de la p o p u
lation. Tous les c o m m e r c e s y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout cela aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
En Egypte, le second mari donne son nom aux eufans de sa femme,
en sigue de la puissance paternelle qu’il a sur eux.
1
\
�( 6 )
A n n e N a zo , promise au général Destaîng, fut conduite par
sa famille clans l’église grecque de Saint-Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-même se charger de la
célébration.
On demande, depuis huit ans, à une jeune épouse, dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l'européenne qui, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. La
couronne sacrée mise sur sa tête , la bénédiction et l ’échange
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain a Dieu, pour les époux , une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé dans sa mémoire ; et elle sait très-bien cju’il n’y
a point eu d’autres formalités.
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du général, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués, appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
mœurs françaises, tout r e n t r a d a n s l ’o r d r e a c c o u t u m é , et s a u f
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
Ainsi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les Mamelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C ’est alors que leur tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’une armée ottomane s’avançnit vers la Syrie, tandis qu’une îlot le anglaise entrait dans la
Méditéranée.
Les Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�7
(
)
dans leurs retranchemens; mai§ que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
La dame Destaing a v a i t conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domeslique, pour la rassurer sur 1 état de sa blessure.
La dame Destaing était alors a la citadelle du Caire, ou le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du'Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à. la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , qui, certes-, n’est pas académique .- niais
aurait-on cru que les formules épistolaires de France fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la plum e, il écrivit lui-même
à son épouse, dans une langue que son oreille entendait moins
aisément, peut-être, mais.que son cœur sentait bien mieux.
« A lexand rie, le i
5 prairial an 9.
« I l y a long-tems, ma chère am ie, que je 11'ai pas de tes
« nouvelles ; je désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
Ces lettres ont pour adresse : à M adam e A n n e , fem m e Destaing.
Elles sont datées, l’ une du mois doul hadeh ,P a u tre du mois doui hid.jeh. ,
de. l’année I2i5 de l’hégire, répondant aux mois de germinal et floréal
an 9. Il n’y est question que de la blessure du général Destaing, d’assu
rance de revenir bientôt, et de complimens pour Joanni Nazo. Elles sont
jointes aux pièces avec la traduction de M. Sylvestre de Sacy, professeur
de langues arabe et persaue, et membre de l’Iostitut.
�( 8
?
« J o a n n i, qui est chez le général B élia rd , devrait savoir »
« quand il part des détachemens pour A lexa n d rie, et en proa filer pour nCenvoyer des lettres. Cependant, il ne Va pas
« fa it la dernière fois : il fa u t le gronder de ma part, pour
« qu 'il soit plus exact à Tavenir. On m'a dit que tu étais
« grosse; j e suis étonné que tu ne m’en aies rien écrit : éclaircis
« mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t'aime toujours,
a et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant, je
« t'embrasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. Le général D e s t a i n g ».
Cette lettre , la seule* que le hasard ait fait conserver à la
dame Destaing, semble réunir en elle les rapports de sa fai mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru a v o i r
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois mois;
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson, en
messidor an 9. Un article portait , que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour 'conduire à Marseille les
Français et ceux déjà attachés à leur fortune. Les dames reti
rées à la citadelle avaient la faculté de rentrer dans la ville du
Caire.
Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulation ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation, la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing, craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�9
(
)
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa famille. Le général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A rchip el, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables} il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l'époque de ses couches.
~ M ais, tout à coup , on fut a v e r t i du danger que couraient
des Français et des Grecs d’être la proie des Turcs en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avail déjà dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un prêtre grec, desservant une chapelle voisine du rivage^
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d’Estaing, tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie Misck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassilïi, officier de l ’ e s c o r t e .
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine; rejeté en arrière de o lieues dans la mer '•
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
Empire et duc de Dalmatie ).
•
5
1
3
�( 10 )
C ’est ainsi qu’ une famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de.la terre et de la mer, errait de plages en plages pendant six:
mois entiers. Eniin elle était sous la protection française; et dès
cet instant il y eut une trêve à ses malheurs.
M. le général Soult, iniormé de l’arrivée <lu vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui-m êm e à
Madame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V eu illez, je vous prie, renouveler
à madame Destaing les offres de services que mon épouse et
moi lui faisons de tous les secours qui pourraient lui être né
cessaires y elle nous obligera infiniment dûen disposer. SouLT».'
Qui donc avait pu informer M. le g é n é r a l Soult du nom de
la dame Deslaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse traversée du vaisseau le St.-Jean, l’arméefrançaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs épouses arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce v a i s s e a u ; il paraît m ê m e q u ’ils é c r i v ir e n t à M. le
général Soult, et voilà ce^qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M. le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de Tarente, mais en marquant une
grande répugnance pour continuer son voyage par la Méditéranée.
M. le général Soult porta la bonté jusqu’à lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu’au premier port de son
gouvernement, de là traverser l’Adriatique, et continuer par
terre d’Ancone à Lyon.
�( v u ) .
Tout cela s’exécula de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le général Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Deslaing jusqu’au port de Barletta. Il lit chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M. Desbrosses, officier
français, de raccompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Deslaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune.épouse de
* retrouver celui pour, qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il -était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ami.
L ’a c c u e i l a f f e c t u e u x d u g é n é r a l n ’a v a i t p a s p r é p a r é Nazo à
ce malheur. Le ré cit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la.première fois; leurs projets
pour l'avenir avaient occupé le peu d’iristans qu’ils passèrent
ensemble....... La mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur Bordin , chapelier à Lyon , se présenta
chez elle avec une l ettre du sieur Destaing père, qui invitait
ce sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre , celle qui, tombant tout‘à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreux , allait se trouver sans époux et sans patrie
, parmi des êtres dont la demeure , - les habitudes, la langue
meme lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�âme , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée Egyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’affabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, il faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’âm e, et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa refconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait alors à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille D e s t a i n g c r u t néc ess ai r e de remplir
les formalités légales pour la succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i floréal an 10 ).
Il s’agissait de les lever, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la f a m i ll e D e s t a i n g qui e n p r i t l ’i n i t i a t iv e ; u n conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance, exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing , son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant uneJîlle unique, âgée de cinq mois, nommée M a r i a ,
« provenant de son mariage avec ulnne jNazo , grecque d'ori« g in e, laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
5
5
*
Delzons, père, le même qui avait toute la confiance du général
Destaing à ses derniers momens , et M . Delzons, général de brigade 3 marié
aussi en Egypte, sont membres de ce conseil de famille.
�3
( i
)
tuteur de Maria Destain g, M. Destaing, son aïeul; fixa à 1,000 fri
le douaire annuel de la dame veuve Destaing ; lui alloua des
habits de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
.
Le sieur Destaing père déclara accepter la tutèlle de sa petitefille , et fit le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
Voilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à qui * sans taucun doute, lé1 défunt les
aurait confiés lui-même.
.• .
’ >
.
') :
Le lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constammènt au nom du sieùr Destaing père , tuteur de
Maria D e s t a i n g , J i l l e e t u n iq u e h é r itiè re du g é n é r a l D e s t a i n g 1
L ’inventaire ne p o u v a i t c o n t e n i r q u e ce q u ’ o n laisse dans un
appartement d’hôlel garni; des vêtemens , des armes, quelques
papiers de portefeuille *, et deux rouleaux de o louis. On y
^consigne ce fait, que le-général avait remis, péu de jours avant
5
sa mort, à M. Delzons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, -pour qu’il les fît passer à Aurillac.
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
.Aurillac, quelquefois dans les sociétés où onia présentait, et
qui voulaient bien s’accdutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle , occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i , en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
*
11 y avait une lettre du lieutenant Latapie , et une lettre de Joanni
Nazo , toutes deux écrites de Tarente. Ces lettres avaient été supprimées
depuis, et n’ont pu être communiquées qu’ en vertu d’un arrêt de la Cour.
�4
( i
)
des pensions, comme veuve du général D e sta in g , i jours
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une année. Mais les'frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de tems , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
avaient.faità leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement conlr’elle.
La mélancolie de la d a m e Destaing lui faisant préférer la so
litude, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l ’intrigue et des
conseils. La dame Destaing, sa belle-mère, ‘fut séduite la pre
mière par ces in s in u a tio n s désintéressées en apparence : enfin
à force de persévérance v i s - à - v i s - le s ie u r D e s t a i n g , o n p a r v in t
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout dilïerentrde lui-même.f
. -r ,
L e premier résultat de cette défiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour Reniant d<?
son fils ; et la seule p u n it io n q u i lu i v i n t e n i d é e c o n tr e la mère^
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la campagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing 11e découvrît
5
pas sa retraite.
,
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie,’
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de Tentant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. La dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame Destaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui-se passait. Nazo partit sur-le-cham p; ses plaintes furent
vives de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. La dame
* Le brevet de celte pension est du 29 floréal an 10.
�5
( i
)
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son-beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un1acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céphalonie, sous le nom de Maria ;:;et muni de cette piece, il fit
adresser un mémoire à l’Empereur pour réclamer Maria Destaing.1
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing pèrej'
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait retenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
p r o fit è r e n t de ce tte c ir c o n s t a n c e p o u r s’e m p a r e r -'e n tiè r e m e n t d e
son e s p r i t , et l’ e n v e n i m e r c o n tr e la m a l h e u r e u s e ét r a n gère qu’il
avait j u s q u ’ a lo r s c h é r ie c o m m e sa f ille . T e l l e a été la s o u r c e du
procès.
*
L a première*hoslilité vint des^frères et sœui* Destaing, et cela
était bien dans l’ordre. Ils .firent saisir, entre les mains de leurpère, le mobilier et revenus'de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
I l eût été plus n a t u r e l d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais cette lenteur
eût été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibération du conseil
de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les v o ie s
judiciaires: elle assigna, le 27 nivôse an 1 2 , le sieur Destain«
pere ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander,
remise de la succession , et une provision pour ses alimens, dont
on avait ailecté de la priver,
�( i6 )
Cette privation était inhumaine ; mais la dame Destaing a été
heureuse de la souffrir. Dans le moment de sa.plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *.
Croirait-on que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
erreur, à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10, et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D estaing,
plus d'un mois auparavant.
Au lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fui ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur D e s t a i n g père, le m o in s in té r e s s é à le c o n n a îtr e ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lui laissait, pendant ce tems-là, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. Le procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dame Des
taing recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
3
* « Ministère du trésor public . — Paris, i pluviôse an 12».
«Art. i . er L a pension de 520 fr. accordée par arrêté du 29 floréal an 10 , à
K Anne Naz>o, née en Egypte, veuve du, s.r Jacqucs-Zacharie D estaing ,
K général de division, mort le i 5 floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. >».
« Art. a. Les Ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, etc. ».
« Signé N A P O L E O N ».
Là
�17
(
)
Là on fit dire an sieur Destaing père, qu’il révoquait Vaveu
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fil Je. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la. naissance de-J’enfant ; que les certificats de Marseille étaient
suspects et;ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne con
naissait d’autre enfant de son fils, qu'un-enfant naturel, né
avant son départ pour l’Egypte ( que l’on disait tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de Paris). Puis il demanda à Ja
dame Destaing une caution pour être admise à plaider, comme
étrangère.
Voilà.-ce que les héritiers Destaing osèrent suggérer à leur
père y sans égard pour 4a mémoire du général ; et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, sans nom, et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.
r •!, ■' t 0’ ?uj •»[
*
Cependant la dame Destaing voulant ne laisser aucune sus
picion sur son c e r t if ic a t d’égyptiçns, et p o u v a n t f o r t aisément
le suppléer par des témoignages français, réunit devant le juge
de paix de Paris, en la forme légale des,actes de notoriété,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caire en l’an 8,et
eiVl’an 9; i.° l’ordonnateur en chef de l’armée; 2.0 l’inspecteurgénéral aux revues; .° lè' chirurgien en chef de l’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général d e là couronne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie impériale; 7.0 un prêtre
égyptien, professeur .de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caire} suivant les rites du pays, et en légitime mariage
« avec le général Destaing , dans le courant de l’an 8 , par le
« patriarche d’Alexandrie. Que l’acte de célébration n’en avait
« pas été rédigé, parce que ce n’était pas l’usage : mais que ce
« mariage n’en était pas moins constant, ayant été célébré en
« présence d’un grand nombre de militaires français , et ‘de la
tf plupart des déclarant Que depuis cette célébration Anne
3
�( i8 )
« TSfnzo n’avait pas cessé d’habiter en Egypte avec son m a ri,
« q u i l’a toujours traitée comme son épouse légitim e ».
La dame Destaing avait été privée de faire entendre M. le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général Dupas,
alors absens; le premier, comme gouverneur des départemens
au-delà des Alpes; le second, comme gouverneur du château
•de Stupinis; elle leur fit écrire pour leur demander la déclaration
de la vérité sur son mariage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
L ’acte de notoriété fut homologué par le tribunal civilde la
Seine, sur le rapport d’un juge, et sur les conclusions du
ministère public.
■
>
Munie de celle pièce importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Destaing crut son procès fini,
et se présenta à l’audience de Mauriac. Mais combien elle se
* «Je déclare, au nom de la vérité et de l’honneur, que, lorsque je com
mandais l’armée d’Orient, en E gypte, M. le général Deslaing s’est inarié
en l’an 8 avec mademoiselle Anne Nazo.................L e général était venu»
m'en faire part................ Je m’engageai à y assister, ainsi (jji’au repas
qui eut lieu après le mariage. Je remplis nia promesse. Tout s*y passa
avec la plus grande régularité sous les rapports civils et religieux ».
« A T u r in , le 18 juillet 1806 ».
« L e général M e n o u ».
lr
*
«Je certifie qu’ étant chef de brigade, commandant la citadelle du Caire
sous les ordres du général Destaing , f a
de son légitime mariage
avec mademoiselle A n n e Nazo............ J ’atteste
avoir eu des liaisons particulières
guées qui m’ont dit
i eu parfaite et sure connaissance
av e c
beau cou p
de persounes très-distin
avoir été présentes à ce mariage^ qui fut.célébré
publiquement.................. ».
«Paris, le 3o juillet 1806».
« L e général D u p a s ».
�( *9 )
trompait! La cause eut été trop simple a v e c le sieur Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre dans leur intervention, leur tierce oppo
sition, leur saisie, leurs incidens de toute espèce : il suflit de
parler du jugement de Mauriac, du i août 1807, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions pour les comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appel.
. ' <
•' < "
3
Le» tribunal de Mauriac ne crut pas devoir s’arrêter aux preuves
existant es; il les jugea insuffisantes, et ordonna que la dame
Destaing p r o u v e r a i t , i . ° « Qu’i^n’est pas dusage au Caire et à
« Géphalonie de tenir des registres et faire des actes de* mariage
« et de naissance; 2.0 qu’elle.a été mariée au Cairér, en l’an 8,
« avec le général Destaing, par le patriarche d’Alexandrie, avec
« les cérémonies usitées dans le lieu ; .° qu’elle a cohabité de« puisiavec le générai.Destaing jusqu’à son retour en France);
a et que daias tout ce tems elle a été publiquement reconnue
a . pour épouSe du généi'al D e s t a i n g ; 4.0 qu’elle est accouchée à
« Céphalonie, en nivôse an 10 , d’une fille provenue de ce ma« riage , laquelle a tété nommée Maria Destaing ». * ,
3
Tl y e u t , d’e *p a ri:Je d’â ü ttié^7ajj^el d e’oé jugement';'là dame
Deslaing ^én-plaigriair, paï’be'cju^iï l’assüjëtissait â^une preuve
non-'seulement’ déjà- faite ; mais-qù’elle 'crut inulUk^ puisqu’elle
avait une possession d’ëtàt'émanée de^la famille Destaing ellemême. Les héritiers Dest&îng S’en plaignirent'aussi’, en ce qu e,
disaient-ils , le Gode civil ne jjéririèt de prôavet les mariagers que
par éci'it et par les registres de1l’état civil. 'ff!' : c' M ); ; ’
h
?
*»
•
:
, ,1
1 1
> i
.. *i !
»
Le^n était point assez d’avoir accable de calomnies la dame
Destaing à Aurillac, Mauriac^ et Paris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A les’croire, elle n’était qu’une prostituée de la plus
vile classe , offerte au général par sa propre famille avant même
qu’il eût sur ce point montré aucun désir'; une grecque aiiifi-
6
�( 2° )
cieuse et rusée, qui avait su en imposer quelque tems à une fa-?
mille crédule ; ensuite, et pour avoir le droit d’jnsister sur la re
présentation d’un acte civil, ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem, et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger.
La Cour d’appel, par arrêt du n juin 1808 , a cru devoir,
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée, mais avec des motifs bien précieux pour la dame
Destaing, et qui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont seulement voulu ne négliger aucun moyen légal de
découvrir la vérité.
•
.
'
Cependant la preuve ordonnée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue. « La Cour dit qu’il a été bien
« jugé en ce que la preuve testimoniale a été ordonnée, et néan« moins, réd u isa n t V in te r lo c u to ir e , o r d o n n e q u e d a n s six mois
« Anne Nazo fera preuve, tant par titres que par témoins, de« vant les premiers juges, que pendant que le général Destaing
« était en activité de service au Caire, elle à été mariée avec lui
« publiquement et solennellement par le patriarche d’Alexan« drie, suivant le rit grec et suivant les formes et usages obser« vés dans le pays ; V a u to r ise à f a i r e en ten d re le s p a re n s , tant
a d’elle que du général Destaing , ainsi que toutes les personnes
« qui ont déjà donné des attestations par forme d’acte de no« toriété, à Marseille et à P aris, ou des c e r tific a ts dans la
« cause, sauf toijs autres reproches de droit qui pourront être
« proposés, et sur le s q u e ls les premiers juges statueront, sauf
« preuye contraire ; ordonne que les frères et sœur Destaing
« rapporteront les deux lettres mentionnées en l ’inventaire
« du 24 messidor an 10 ».
Les héritiers Destaing menaçaient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d’une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis David, Géorgienne,
�(
21
)
mariée en Egypte avéc M. le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par mille chicanes plus absurdes les
unes que les autres. , ^
A Paris ils arrêtent brusquement l’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une com m ission rogatoire. L e jugeTCommissaire ne voulant pas ju g e r ce grave procès,
le renvoie à Mauriac, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
Taincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de là lo i, ils osent bièn s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-m'êriiès en chicanes; m ais la Cour
en fait ju stice , et, par arrêt du 12 décembre i 808 , elle autorise
lè président de Mauriac à donner les com m issions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation'des dépens faits à Riom , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, ¡les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.?;1, 1:
Enfin les e n q u ê t e s se f o n t , l ’ u n e à M a r s e i l l e , une autre à
Paris, une a u tr e à Aurillac , et une dernière à Mauriac > mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est remarquable, suivtout par la verbalisation continuelle
dejl’unjdes héritiers Destaing, qui, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des’ obser
vations à faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
*
L a Cour de Metz avait ordonné que Népliis rapporterait seulement
Un acte de notoriété, constatant que lés chrétiens grecs ou romains q u i se
marient à G iz é , près le C aire, ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
Les héritiers attaquèrent cet arrêt par le motif que des ordres du jour
publiés en E gypte, en l’an 6 , exigeaient que tous les actes, entre Français
et Egyptiens , fussent reçus par les commissaires des guerres.
L a Cour de cassation a décidé que ces ordres du jour étaient sans ap
plication ; que l’acte de notoriété était suffisant, et avait été légalement
ordonnéj en conséquence, le pourvoi a été rejeté le 8 juin 1809.
�'( 22 )
témoins; et quelles '¡questions encore!.'... (Si en-Egypte il n’est
pds reçu qu’on se marie pour un terris.i.Vj S’ilcn’est pas vrai que
les T u r c s coupent la tête aux femmes q u i ont commerce avec
les Européens,.... etc.!, etc.)'• - 'j ; m
.
Eh bien, toutes ces billevesées sont fidèlement'écrites dans l’en
quête de Paris., renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition deiquestions pi ils absurdes encore. M. le
juge-enquêteur avait’ la:bpntéde tout entendre.
A Marseille, il n y avait pour lès héritiers Destaing'qn’uri
fondéde pouvcoir.;ie.t soitf qu’il ri’asât ¡pa'sise permettre toute cette
verbalisation*, r‘soit que les' juges*méridionaux soientimoins^paiiens quejceux dè là capitale^ l’enquéteVest faite'en lalforme ordi*
naire, et ce sontJès'témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à-Marseille,’ côm'me à Paris, on ne manque pas
de fhire: insérer des 'reproches)îcoritrè: tliaquô ¡parent,¡et.» contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (malgré
l’arrêt de la Cour, qui autorise expressément’ kuivdéposiiioirs).
; ¡ Malgré toute cette* obstination lesi'ënqûêtés'se-paraehèvenf
des témoins distingués rendent Acompte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte deleuTS déposiiàons une preuve a ussif complète
qu'il était possible;de-l’attendrç après ce'quï avaitîétéiproduit?
avant les interlocutoires;/; • • •' £ ■ > { •>! h ; ¿ ' : .]
g,-jfq
Les deux enquêtes; de la-dame Destaing sont composées :de
dix-sept témoins entendus à Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d'un aussi grapd
nombre de dépositions , il .faut ¡le? rapporter à tfois.,faits.prin-^
cipaux : i.° lia ,fête nuptiale ;.,a,° la cérémonie de l’église.; ,° la
notoriété du mariage.
. ^
i
i’.° MM. les généraux L a grange, Duranteau et Bertrand ,*
MM. Sdrldlon, secrétaire-général du ministère de la guerre;
M arcel, directeur-général*de l’imprimerie impériale; Clément,
négociant ; Larrey, médecin ; A n a a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ire , ont déposé avoir assisté au repas de
3
�*3
(
)
noces: les sieurs D u fé s , Tutungi et 'MiscTc, parens.d’Anjie
N azo, le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef Menou (décédé pendant.le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M .tD aure, commissaire: des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son)service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê te la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
' >\ »
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général; Destaing avait communiqué, son mariage à
tous les dignitaires,de son armée. Il y avait.eu des billets d'invi»
tation ; et M. Sartelon dit même qu’i l croit avoir v u l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire. MM. 'Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une.invitation du général Destaing.’ Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M .Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l'ég lise, et qu’il's’eXcusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. JDçn M pnacjiis, l;es.s.rs T a k et V id a l
déposent que plusieurs témoins,oculaires , qu’ilsuomment, leur
ont dit avoir assisté à cette célébration dans Véglise SaintJNicolas. L e sieur. C/j «/rc, ancien interprète de M. le prince de
Neufchâtel, déclare avoir vü les préparatifs de la fête sur la
place Atabel-elzZarguavlLeS sieurs* O b a d a n i commissaire de
police; R o sette, bijoutier, étaient présens à la célébration du
mariage, fa ite par le patriarche d*Alexandrie, dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph Tutungi, Ibrahim
Tuturtgi, Sophie Misck et- Joseph Misck ..déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par lestGrecs, le jour des rois dejl’église.grecque,
o u >1.7 janvier; ils ajoutent que le colpnel Nicolas Papas Qglou
étaiüe parrain de la mariée, suivant l’usage. Le sieur Barthélemî Serra dit avoir élé invité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais, n’avoir pas accepté, parce, qu’il était brouillé
avec la f a m i l l e N a z o i l ajoute que le général Dçstaing lui dit ,
avant son mariage, qu’il, serait célébré sjijvfint le rit g r e c , et
qu’ensuite il lui dit que son mariage avait été célébré par le
�( H )
'patriarche g rec, selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l’usage du pays.
.° Quant a la notoriété, il serait oiseuxd’énumérer les té
moins qui'déposent que le mariage était public au Caire; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oins, sans exception , attestent ‘que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ,* et précisément tous ces
militaires français , qû’on a peints comme ne s’occupant .des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui attestent le,plus
fortement que personhe ne doutait, au Caire et à l\armée j de,
ta légitimité de cé'rhàriüge. \ ■
' v
t ' ; ■, - \v
Les héritie'rs'Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l’une à Aurillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
»
A A urillac, ce so n t le sie u r D e l z o n s p è r e et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle.
3
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rapii
porte seulement deux conversations : un jour, à P aris, le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que'lui'ne l’était pas ; le sieur Del--’
z o n s a jo u t e q u ’ il fit c e s se r c e lt e p la is a n te r ie J U n a u tr e j o u r , à
Paris, lé général Delzons\ son Jils , lui dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse 'à laquelle il
avait assisté.
•
,■ ' .
‘L a dame'Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le o nivôse an 9 , et ori lui dit que la veille on avait conduit
Anne Nazo chez'le général/'à l’entrée de la nuit, sans cérémonie
ni f êt e; qu’il y eut unefête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anné Nazo y occupait la place de maîtresse de la
jnaison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’Âiine Nazo!aVait été conduite chéz le g é n é r a l Destaing, il y
aOait eu une' cérémonie rèllgieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d*Alexandrie, à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
3
Jusque
�25
(
)
Jusque-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par dire qu’ elle croit
qiùon regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitime
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait fem m e du
général D estaing, et lui rendait les honneurs attachés à ce
titre.
La demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rien, dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
I)estaing arriva d’Egypte : elle dîna avec lu i.L occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu'il avait épousée, que
tout le monde le disait, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait perdu en Orient l’habitude de cette locjuacité
d u se x e , lui r é p o n d i t seulement : E lle est passée cCuïi côté et
moi de Vautre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la demoiselle
Gronier t i r a , à ce qu’elle dit, plusieurs conjectures du mouve
ment de ses doigts , quand il indiquait deux côtés1opptTsés ; e t ,
?ïie pouvant plus rien dire sur cefchapitre, elle p'arla suii?d’autres
'q u ’elle juge inutile Jd’être racontés.'Lofsqu’en'süfte la d'ame
Destaing f u t venue à Àurillac , la'demoiselle Gronier (par une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
à la dame Des laing s'il y avait des registres de mariage a u C a i r e ,
et la dame D e s t a i n g lui répondit encore qu’elle'croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. Enfin, passant aux ouï-dires, la
demoiselle G r o n i e r a e n te n d u déclarer , par madame D e lz o n s,
femme du général, qu’Anne Nazo avait été mariée , e t q u e s o n
m a r i {le général D elzon s ) y é t a i t p r é s e n t . (V o ilà l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing p ré te n d e n t leur être fort avantageuse).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’un était son palfrenier au Caire; le cuisinier lui dit qu’on
7
�(26),
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
d a v a n t a g e pour ce jour-là. Ensuite il a v u un grand repas où
ét ai ent le général Menou et tout Cétat-major. Cette femme y
était aussi, il l’a entendu appeler Madame Destaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
général. On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
pour la regarder : mais il ne vit pas sa figure, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des m a r i a g e s e n E g y p t e . Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un d a i s , p r é c é d é e d e m u s i c i e n s
montés sur des chameaux.
Voilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
directe , loin de la détruire.
Aussi les héritiers Destaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de vue, leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
En rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille,
on n’a pas dit qu’à chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l’explication très-lumi
neuse de la différence des églises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres rest
�( 27 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d'Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificats émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs catholiques, et du supérieur de la
mission.
La dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don Raphaël
Monachis, l ’ u n des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique romain / appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses études. Revenu au couvent des Druses, sur le M ont-Liban
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rome),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
Les prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît point, et encore cet usage est-il récent ;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
,
Voilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme^garantie d’un simple fait historique, qui eût pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�(
2
8
)
C ’est ainsi qu’il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources, il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
Mauriac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
Egypte, d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810 , parfaitement
m otivé, le tribunal de M auriac, convaincu de l’extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l’enfant légitime
né de ce mariage.
La voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers Destaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ;
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. A u j o u r d ’h u i tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les noms, les
qualités , les usages , sont constans ; la dame Destaing aurait
donc rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
exact de ce qui résulte d’un aussi long procès ; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�(
29.5
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à iaire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-1-il toujours le tems de l’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes, l’esprit du
in o n d e s’e m p a r e des é v é n e m e n s e x t r a o r d in a i r e s p o u r les juger
avec la p r o m p t i t u d e qui c o n v ie n t à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime, car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuagede la calomnie est quelquefois tellement épais que
l’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les magis
trats ne se décident point comme le vulgaire; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les convaincre, dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de là vérité, et forcent l’opi
nion à proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�( 3o )
C ’est une grande consolation sans doute pour la dame Des*
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’espérer à un aussi grand éloignement de sa patrie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiété où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an n ? Le vaincu, n’en doutons pas, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal réel qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c iv il, parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes d o i v e n t être rejetées! Voilà bien le cri forcé d e
la crainte; et p o u r q u o i le se rai ent - el l e s , si la C o u r les a jugées
nécessaires ?
L a loi, disent les héritiers Destaing, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? q u e l le s p r e u v e s in a t t e n d u e s m o n t r e n t - il s de la fau sseté d u
mariage que tant de témoins attestent ? Aucune ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
lai Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d’un interlocutoire
ordonné par arrêt de'la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté : la preuve est
complète. Une foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : les uns étaient témoins oculaires des fê te s , les
autres témoins oculaires de la célébration » d autres etaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
ouï attester la célébration ; mais cette attestation leur avait été
�( 3i )
-
donnée par des personnes -présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce 11e sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de MM. les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Gomment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement parfait, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. I l fa u t dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmê nés que le général D elzons * était présent à la célébration
d i mariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce mariage, était certaine pour ceux-là même qui,
d a n s l’a r r a n g e m e n t de leu rs d é p o s i t i o n s , m a r q u a i e n t l a v o l o n t é
d ’être f a v o r a b l e s a u x h é r i t i e r s .D e s t a i n g .
Ils le comprennent parfaitement ; mais ils osent attaquer une
enquête enlière, pour la faire tomber en masse par la plus au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges élaient inca
pables de témoignage.
Cette injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et cette protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité cette dure qualification des hommes qui
*
Aujourd’hui indiqué par les héritiers Destaing comme ayant démenti
par écrit ce qu’il a dit à son père et à sa femme.
�(
3a
)
'
n’ont été coupables que d’attachement à la France? Vivant
sous un joug de fer en Egypte, à cause de la différence de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs, et s’étaient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se livrera la vengeance des Ottomans?
et la France n’acqiiitle-t-elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas enFrance? Sont-ils donc des transfuges, ceux qui, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l ’a mou r de la
-patrie *, pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i du
Code Nap. dit : que « l’étranger qui aura été admis par le gou« vemement à é t a b li r son d o m i c i l e en F r a n c e , y j o u i r a des
« droits c iv ils, tant qu’il continuera d’y résider ». Or, suivant
3
25
l ’art.
, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers Destaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la c a u s e , que L’ a r r ê t de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
C e n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
*« Lorsque M. Maillet était consul au Caire, les Jésuites persuadèrent
« à la cour de France de faire venir à Paris dès enfans de Cophtes pour
« les élever aux collèges de Louis-le-Grand. On devait les instruire dans
« la fo i, et les renvoyer convertir leur nation schisinatique. A force d’ar« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêmement pauvres:
« mais lorsqu’il fallut se séparer, la tendresse se réveilla dans toute sa
« force,, et ils aimèrent mieux retomber dans la misère que d’acheter ün
« état d’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœur ». ( Savari,
sur l’Egypte, lettre 14).
un e
�33
(
)
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Deslaing dans leurs apostrophes. '
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Nîî trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu il n y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu lidée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et ab
ovo, tout ce qui s’était passé au Caire , h Tarente, à L y o n , a
•Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pou^r cette lettre? Ils n en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Dèlzons., leur cousin,
ancien ami du général Destaing , qui certainement a tout vu ,
niais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d’afccord avec la loyauté de ce militaire, q u ’ i l est difficile decioiie
à sa réalité. P l u s on la l i t , et p l u s on est convaincu que c’est une
véritable injure faite à ce général, de lui imputer un écrit pareil.
On lit dans cette lettre, datée du 17'janvier 1809 (e t qu’on a
signifiée comme pièce du procès ) ^ que M. Delzôns s’accuse
d’avoir introduit Anne 'Nazo dans l a ’ maison‘ du sieur Destaing
père, .après la mort du''général, pour reàewôir lès secours hospi
taliers dus au malheur ; mais qu’il est faui qU’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’wrc arrangement
oriental ou un mariage à tems
L ’auteur s’y rappelle parfaite*
Les enquêtes prouvent que les mariages
musulmans. L e
avec la femme
engagemens de
Mahomet, qui
à teins n’ont lieu qu entre les
Cadi vend une permission de vivre pendant un tems donné,
que l’on a choisie ; la police exige cette formalité : et les
ce genre sont en parfaite concordance avec la religion de
admet la pluralité des femmes. « Employez vos richesses à
« vous procurer des épouses chastes et vertueuses. Donnez la dot promise
« suivant la loi. Cet engagement accompli, tous les accords que vous ferez
« ensemble, seront licites ». ( K o r a n , ch. 4, v. 29).
9
�(
34 )
ment du jou r et de Y heure ou Anne Nazo est entrée chez le gé
néral D e s t a i n g , et du jour de sa sortie (au bout de dix ans).
P u i s v i e n t une plaidoierie en forme sur le résullat des ordres du
jour de larmee, relativement a la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
exemples. La lettre est terminée par un'démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, p o u r avoir dit que lui Menou
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité, sous les rapports civils .et religieux.
Non ,1111 général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
'
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de Vhonneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo;
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M. Del
zons, son père, a déposé que LE GÉNÉRAL D e l z o n s , SON FILS ,
lui
avait
dit
qu'il y avait eu une cérémonie religieuse,
A L A Q U E L L E IL A V A I T
A S S I S T É ; l o rs q ue F r a n ç o i s e
Gronier a
déposé que madame Delzons ¡fem m e du général, lui avait dit
qu'A nne Nazo avait été\mariée avec le général D estaing, et
QUE SON MARI Y ÉTAI T PRÉSENT.
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père-,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; ca rie gé
néral Delzons est membre du. conseil de fa m ille , du messidor
an io , qui défère à l’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
5
fille légitime de son fils.
C’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là il a écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e lég itim e provenant de son mariage avec A n n e Nazo.
Voilà seulement ce que le général Delzons a dit en présence
�(.35
)
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d'un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. La
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure farte à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’ôn abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une'pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader ; comme s’ils s’attendaient
que la Cour , après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
ét isolé, fait sous le nom d’un parent qui luî-même avait attesté
légalement le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il 'serait
superilu de s’y appesantir : léur simple 'lecture’'opère u n e c o n
v ic tio n t e lle m e n t e n tr a în a n te , que le s c o m m e n t e r s¿irait les
a ffa ib lir .
. r
~ C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l’interlocutoire ordonné parles premiers juges, qui
avaient exigé cle plusda‘ preuve de Peiisi'étlce ou non existence
f
1
des registres de l’état civil au greffe.- ï il0a
' u '
1 r:
' Cependant les héritiers Destaing se confient'encore dans cette
partie de'-leurs objections.*-Ils n'ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’elle a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
”v - - 1 f; •1 ,)li 11 ‘
Car, disent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide dés certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour’ de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
'
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur'début
( Varmée est prévenue, etc. éprouve seul qu’il ne s’agissait pas'
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule"
10
�(
36
)
supposer que la légitimité des mariages et le sort d'une'province
a u r o n t été réglés au son du tambour par une proclamation faite
s u r une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre les journaux du tems, et ils apprendront que
l’Einpereur allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lois, ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , et
du Dieu de Jacob aux Musulmans, tout, excepté son épée,
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « Nous
« avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les quitter, vos mœurs, vos lo is } vos usages.. . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier Consul, en
l’an 9, de ce respect poux* les mœurs de l’Egypte, en lui expri
m ant, avec l’élévation orientale , une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une Joi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’est, au reste , ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays. .
,
Que sont encore ces certificats, égyptiens présentés par les hé
a
ritiers Faultrier, et que les héritiers Destaing s’approprient ? Il
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
lus formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice ,
suivant l’article i
du Code Napoléon.
Qu’a de commun le procès de îa Géorgienne Népliis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse, mais méconnue aussitôt qu’il fut
mort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçue, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
336
�_ ( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques ,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand-Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constantinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
'
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; h cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur; e l
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n ’a v a it point échappé au
schisme des Grecs , et toute tolérance cessa quand celle secte
se sentir assez forte pour disputer de domination; l’église latine
fut long-tems proscrite par les Grecs , mais sans perdre jamais
l’espoir de ramener ses enfans égarés à l’unité religieuse. De
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de laJ
Thébaïde, si grands en souvenirs, des prêtres catholiques qui,
semblables aux persécutés de toutes les révolulions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des lems pins prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
de l’Eglise romaine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés 3 ou tout autre caractère qui leur est donné
par leur chef.
Ce chef est connu parmi eux sous le nom de Patriarche
d’Alexandrie, non pas celui qui, prêtant serment de fidélité au
Grand-Seigneur, se regarde comme indépendant de Rome , et
�(38
)
de l ’Eglise d’Orient , mais un patriarche dépen
dant du Pape, et vivant dans l'unité de l’église catholique.
Maintenant, il faut rappeler que la daine Destaing n’est pas
née dans la religion grecque la tin e, mais dans celle connue en
France sous le nom de schismaliquegrecque. Le patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux qu’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux prêtres latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l ’arrêt de Metz , du
fé
vrier i o , confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on ne voit pas
si Néphis David a prétendu avoir- été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schismalique grecque y
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails-de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. Le premier est ainsi conçu :
•.
.
*
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
« Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m oi, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H adad, vicaire de Son Eminence le
« Patriarche grec en Egypte. Au Caire, le 7 du mois eclibat
chef suprême
83
25
« ( 7 février 1809 ).
Le suivant atteste qu’il n’a pas trouvé dans les archives de
son église le mariage du général Faultrier. Il est signé : Benediclus de JXledicina, missionnaire apostolique, curé et vicaire
sup ci leur de la mission d’Egypte• A u Caire, le 20 février 1809,
�3
( 9 )
Ces deux certificats sont de l a ’main même de ces ecclesias
tiques. Le premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
Le troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certJicateur. II consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
de la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l’inscrit sur un registre.
k L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). La copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une ligne de caractères majuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat , on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S’il fallait met Ire plus d’importance à ce dernier certificat, on
se,demanderait pourquoi les premiers sont donnés au C a ire,
l e ........, et celui-ci en Egypte , l e ..........? Pourquoi celui-ci est
fait en italien , dans une langue que les signataires 11’enlendaient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de Varabe le certificat du père
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pë'nsée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers ?
Il fallait qu’on demandai aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état civil, dans une
contrée régie par les lois turques; ils auraient répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zele, au milieu de la bar-
�(
4°
)
barie et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la foi,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre cîe
prosélytes que l’JEglise de Rome a conservés dans cette terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre q u i s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qu’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils ? Il est constant qu’ ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; Je patriarche les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
Les missionaires de Rome n’ont jamais cessé clans ces parties du monde
de s’employer à faire des prosélytes; en conséquence, ils ont fondé avec
beaucoup de peine et à grands frais, parmi ces sectes, des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du Pape. On sait que parmi les Grecs
qui vivent sous l’empire Turc , plusieurs ont embrassé la foi et la discipline
de l’église latine, et sont g ouver nés par des prêtres et évêques de leur
nation, mais confirmés par le pape. Il y a à Rome un collège exprès, fondé
dans la vue de faire des conversions parmi les Grecs, et d’ajouter de nou
veaux sujets à l’église romaine. On y élève un certain nombre d’étudians
Grecs. (Histoire de l’Eglise, par Mosheiin , tonie , page 272.)
5
Rien ne caractérise plus la religion des Grecs que leur aversion invincible
pour l’église de R o m e , qui a fait échouer jusqu’à présent toutes les ten
tatives du saint-siège et de ses nombreux missionnaires, pour les réunir
aux Latins. Il est vrai que les docteurs romains ont fondé quelques églises
dans l’Archipel : mais ces églises sont pauvres et peu considérables; et les
Grecs ou les T u r c s , leurs maîtres, ne veulent pas permettre aux mission
naires de Rome de s’ étendre davantage. ( lb ld . page 260.)
Etat de l'E glise Grecque , par Cow el , tome i . or, page irsS.
'Lettres Edifiantes , tonie 10 , page 828.
uns
�u o
uns savent écrire, suivant le témoignage de tons les voyageurs *.
Il n y a de lettrés parmi eux.que les prêtres latins, qui n’ont
qu une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i, perpétuellement poursuivis par la haîne des G recs, et
osant a peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peiné connus pour
prêtres par les Egyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestation , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
(
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
« à Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
« ancien premier curé g r e c c a t h o l i q u e r o m a i n au grand C a i r e ,
« en Egypte, ou p rem ier v ica ir e de so n é m in e n ce le p a tria rch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant au couvent de St.-Sauveur
*
« Que voyait-on dans cette terre natale des sciences et des arts? Tout
ce qu’on voit chez presque tous les peuples esclaves : un clergé superstitieux
et ignorant, etc. ( Coray. Mém. sur l ’ ètcit de la civilisation, des Grecs).
« Par-tout domine encore un clergé ignorant....... L e couvent de Neamoni
nourrit plus de o moines, dont 4 ou disent la messe j pas un seul ne sait
l ’ancien grec, et une douzaine au plus savent lire et écrire le grec moderne...
A u couvent de Megaspision , leur ignorance surpasse encore, s’il est possible 3
celle des moines de Neamoni. Je doute qu’il s’en trouvât 4 ou ( s u r o o ) ,
sachant lire et écrire ». (Bartholdi, Voyage en Grèce , en i o , t. 2).
45
5
5
83
3
** « L e clergé grec ne cesse d’exciter le peuple à la haîne des autres reli
gions, et sur-tout de la catholique romaine........ La haîne des Grecs et des
Romains est si forte dans plusieurs île s , que tous moyens leur sont bons pour
se nuire. M. de P a w est très-fondé à avancer que le premier usage , que
les Grecs ne manqueraient pas de faire de leur liberté, serait d’allumer une
guerre de religion........ Il est interdit aux Romains de faire des prosélytes''
parmi les Grecs, au lieu q u e ceux-ci peuvent en faire parmi les Romains.
( Ibid. tom. 2. )
11
�C 42 )
« sur la m o n t a g n e des Druses , dans le Mont-Liban , ancien
« m e m b r e du Divan et de l’institut d’Egypte, actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque impériale,
« à Paris, y demeurant, rue du Chantre, n.° 24,
« Lequel} sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
.« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cer« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , 10 et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne ,
« et pour faire cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l’exposé des faits suivans :
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
cc réunies par la foi, et soumises à l’église de Rome, dite église
« occidentale. Mais après le c o n c i l e , les d e u x églises orientale
« et occidentale furent divisées, faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
cc Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
cc conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d’An« tioche, d’Alexandrie et de Jérusalem se séparèrent du saint« siège de R o m e , qui les c onsi déra et les consi dère encore
a comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
cc d ’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
te en plus petit nombre que les schismatiques.
cc Depuis environ 1 2 0 ans, un archevêque de Damas, grec
cc schismatique, ramené a la foi par un Jésuite, renonça au
cc schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
cc mais ne pouvant pas rester à Damas, à cause des persécutions
cc des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M ont-L iban, avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Us s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
cc dans les villes.de T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
cc sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�43
(
)
« nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
« quatre sièges d’Orient , ou l’un d’e u x , fussent revenus à la
« foi), de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
cc répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
« schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« tiques romains a résidé et réside encore au couvent Saint« Sauveur, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de Rom e, ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y être
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du grand Caire,
« par son éminence le patriarche A gapius Matac> qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier curé, ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« Avant son d é p a r t , il r e ç u t l ’o r d r e du p a t r i a r c h e de se con« former à l’usage des Européens, en tenant des registres pour
« constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
<c registres en Egypte, pour constater l’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de simples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« Le déclarant exerça les fonctions de premier vicaire jusqu’à
a son départ de l ’Egypte pour la France, où il fut appelé par
« le premier Consul, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission de son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean Nassere;
« et celui-ci, depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Iladad, qui exerce encore aujourd’hui les fonctions de prê
te mier curé de l’Egypte, ou premier vicaire de son éminence
J2
�(
44
)
« le patriarche grec catholique , résidant à la montagne des
« Druses ; l e q u e l Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus mentionnés.
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état civ il, au Caire, par les
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien disiinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schismatiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
« Qu’à l’égard des Grecs schismatiques et de toutes les autres
« sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont jam ais tenu de re
ts. gis très de naissances, mariages et décès, en Egypte; et que
« la raison s’en tire naturellement de l e u r défaut d’instruction
« qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
« prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
« Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison ».
« F a i t et passé à P a r i s , e t c . , etc. ».
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en Egypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre civil, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
formalité y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
Yolney, dans l’ouvrage qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les états de leur obéissance*.
*O u
souvent des questions sur la population du Caire., Si l’on veut
en croire le douanier Antoine Faraoun, cité par le baron de T o t t , elle
�4
'
(
& )
A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée 7 que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage?
Que d’exclamations on eût faites, si elle se fût présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
iVoyez, eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de *Archipel !
Eh bien ! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre, Partie du Caire par ordre de son époux , changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’est de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
sa fille, étaient pour elle ses pénates et son avenir : avait-elle
donc des preuves ù chercher pour des êlres qu’elle ne connais
sait pas ?
La dame Destaing a toujours été si rassurée sur son état et
celui de sa fille, qu’elle n’avait pas même fait des démarches
pour rechercher à Céphalonie si le baptême de sa fille avait été
constaté ; et il y avait d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
cette île européenne devait avoir un clergé grec plus éclairé que
celui de l’Egypte.
Mais les recherches de ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
1
approche de 700,000 âmes y compris Boulâq , faubourg et port détaché
de la ville : mais tous les calculs de population, en Turquie, sont arbi
traires, parce qu’ on n’ y tient point de registres de naissances , de
morts ou de mariages. Les Musulmans ont même des préjugés supersti
tieux contre les dénombremens. Les seuls chrétiens pourraient être recensés
au moyen des billets de leur capitation. ( Voyage en Egypte et en S y rie,
3
par M. de V o ln e y , 4.« é d itio n , 1807, tome i . cr /?. ao . )
�(
46
)
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
Pendant que les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
madame Destaing reçut l’acte qui suit :
,
,
« Du douze novembre dix-huit cent sep t à A r g o s to li île
« de C éphalonie , sont comparus, par-devant nous notaire sous« signé, le révérendissime papas, M. A n dréM azarachi d ’A n « z o lo , desservant de l’église solitaire de Saint-Constantin , qui
« est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d’A d ilin a ta et iïA r g a ta , situés dans l’île de Céphalonie, et
« M. Jean L a v ra n g a , lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux au mois de ja n v ie r , ne se sou«t venant pas en quel jour du mois, un enfant du sexe féminin}
« fille de madame A n n e Nazo et du général D esta in g , laquelle ,
« suivant la déclaration faite, à lui prêtre comparant, par les sus« nommés, était née de légitime mariage, et a été nommée Marie y
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M. Jean
« Lavranga et le capitaine Siffi, Fanchiote, lequel ne se trouve
r« pas présentement dans cette île; le présent sera affirmé avec
« serment p a r les susdits p r e tre et s ie u r L a v r a n g a ; ils déclarent
« en outre que, dans cette église, située dans ce lieu solitaire,
« on ne tient poin t de registres baptistaires ni mortuaires. La
,
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; et les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le sacrement susdit, ce qu’ils affirment comme témoins.
« Signé A n d ré M azarachi , prêtre, j’affirme avec serment;
Jean Lavranga , j’affirme avec serment; Jean Ç lin si , témoin;
« Spire Cacurato , témoin ; D im itri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signee
« Dimitri Caruso, notaire; et une légalisation en même langue,
«
“ dont la traduction suit :
« E m p i r e F r a n ç a i s . — Son Excellence Savio A n n in o ,
�47
(
)
« administrateur du gouvernement de Céphalonie,' certifie que
« le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
« et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
« Donné en l’administration de Céphalonie, le dix-neuf novembre
« mil huit cent sept. Signé Savio ¿Lnnino, administrateur; et
« Jedn-Baptiste Tipaldo Pretteiulavi, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à M. Marino M aiura, principal député
des îles ioniennes , q u i , au grand étonnement de Madame
Destaing, lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rediger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M. le maréchal Marmont, qui le réclamait de la part de
M. le général D elzons (employé en Dalmatie).
L a famille Destaing, qui faisait rechercher ce fait aussi loin,
9n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
■ses prétentions.
Et peut-être l’honnête ecclésiastique , .informé par ces re
cherches des vexations suscitées à une malheureuse étrangère, se
sera fait un devoir de charité chrétienne de fui envoyer cet acte,
• de son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la Seine a ordonné, par jugement du juillet
1809 , que.cet acte serait transcrit>dans les registres de l’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C’est'ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons l'a réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing:.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même manière que ceux
de ses frères d’armes. O r, les mariages des généraux Delzons,
Lantin, Menou et Bonne-Carrère ont été reçus par des com
missaires des g u e r r e s . Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a-t-elle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
5
\
�48
(
)
a-t-il pas été accompagné des fêtes d’usage, dans les rues du
Caire ?
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles Varsy, filles d’un ancien négociant français,
établi à Rosette, ville presque européenne à cause de son com
merce. L à , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i, ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille Varsy.
Le général Menou épousait une musulmane : son mariage
a d u etre lait devant le C a d i. Son épouse d u t être promenée dans
les rues sous \in d a i s , e n t o u r é e d e ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. C a r tel est l ’ u s a g e à l ’é g a r d des m a r i a g e s
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seulsle pri
vilège de l’éclat et de la publicité.
Mais Anne Nazo, de religion grecque, mariée à un Européen,
de religion laline ou romaine , n’avait pas le droit d’en rendre
la c é r é m o n ie p u b l i q u e , ni par des fêtes religieuses, ni par
aucune in s c r ip tio n d a n s des registres, ni p a r u n e promenade
dans les rues, sous un dais, comme les Musulmans.
C ’était bien assez que sa famille eût vaincu à cet égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, à un catho-
*
«C ’est ordinairement le soir que la marche commence î des baladins
la précèdent; de nombreux esclaves étalent aux yeux du peuple les effets,
les bijoux destinés à Pusage de la mariée ; des troupes de danseurs s’avancent
eu cadence au son des instrumens ; la jeune épouse paraît sous un dais
porté par quatre esclaves; un voile la couvre entièrement; une longue
suite de flambeaux éclaire le cortège ; de tems en tems des chœurs de
Turcs chantent des couplets à la louange des nouveaux époux». ( Savari,
tome 3 , lettre 3 ) .
'
'
lique
�liqne romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait ail moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contra t. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. En fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l ’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
o n t b e a u je u d e m e n t i r , m a i n t e n a n t q u e le p lu s l iq u i d e de la
f o r t u n e N a z o est da n s le u r s m a in s . M a i s les témoins ne donnent
p a s d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. On voit dans les enquêtes
que Joanni Nazo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa o,obo écus.
5
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barlhélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles mœurs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation , et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus sacré qu’en
* «Les parens (G rec s) ne font aucune difficulté d’accorder leur fille à
* uu T u r c, pourvu q u ’ il soit riche et puissant, tandis qu’ils refusent opi»
« uiâtrément de l'accorder à un catholique.
(Baitlioldij tome 2.)
�(
5o
)
France , tant qu’il dure ; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
Barthélémy était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
C ’était pour eux un acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le v eut, et le gouvernement le tolere.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’épouse de Barthé
l é m y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l ’ épous e du g é né r a l Destaing.
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de lui ôter le n o m d ’ é p o u s e , o n v e u t du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’effacer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux. Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose,'ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de mariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’ u n e est é c rite d u C a i r e ; et l e g é n é r a l p a r l e d ’ un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. Le général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qu\ï la sienne **;
*
« L e clergé ( grec) ne cesse d’exciter le peuple à la liaîne des autres reli
gions, et sur-tout de la catholique romaine, en accordant très-libéralement
des absolutions à ceux qui ont trompé les membres de cette religion, ou qui
se proposent de le faire » (Bartholdy, t. 2).
** Les héritiers Destaing avaient imprimé plutôt au lieu de p lu s , parce
que cela changeait le sens. Il en résultait que le général avait voulu que
son père crût à sa Lettre
yrai.
9 tandis
qu’il avoue lui-mêine qu’il n’a pas dit
�5
(
i )
qu’ il ne se serait pas marié sans l’en prévenir ; mais qu’à la
véi'ilc il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire *, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing père, lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonues
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
eut r a p p o r t é q u e lle é ta it l ’o p i n i o n u n a n i m e du C a i r e et de
l’armée , sur le m a r i a g e de son fils ; lorsqu’encore le général
Delzons, qui y avait assisté, vint lui en apprendre les détails.
C ’est donc par pure méchanceté , et sans besoin , que les
héritiers Destaing, ont publié ces’ lettres. L ’ honnenr le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. La bienséance
le leur défendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* «Attendu que le litre d’ épouse et celui de mère ont été reconnus par
la famille du général Destaing..................Q u’ un mois après son arrivée à
A urillac, Destaing père9 ne doutant pas du mariage et de l’avis et con
sentement de ses proches parens, s’est rendu tuteur.................... Que cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d’autant plus con
sidérables, qu’on pourrait les regarder comme la suite d’ un examen -appro
fondi , et de certitudes acquises par le père, puisque deux lettres de son
fils, l’ une datée d’Egypte, l’autre écrite de P a r is , lui donnant tout le sujet
de douter de ce mariage, ou même de ne pas y croire, il n’en avait pas
moins consenti l’acte en question , et que ses proches p areils y avaient aussi
concouru ». (a.e motif de l’arrêt du n juin 1808).
�( , 5 .2 }
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’afïbctation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et clame Delzons, à qui le général disait
çp? A n n e Nazo était mariée 3 mais qu’il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
ha rmonie avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si celte conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d’aucune
influence pour sa cause.
Que les Européens, dans l’immoralité de leurs théâtres,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage réel, et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la probité, 011 ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissemens. M a i s q u i oserait produi re dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victime d’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’intention des héritiers Destaing, en laissant
croire que le g é n é r a l a v o u l u t r o m p e r la famille N a z o par le si
mulacre d’un mariage nul à ses yeux , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait clé dupe des apparences. En eiïet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hâte de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au Caire, les
lettres de son époux, sa conduite soutenue envers elle, le justifient
pleinement de l’inculpation dont on a voulu le flétrir. La légéreté
de sa nation, peut-être la crainte d’être blâmé par son père, ont
pu lui dicter quelques mots é q u i v o q u e s 5 mais son cœur fut
* Code Napoléon, articles 201 et
202,
�53
(
)
innocent d’une telle lâcheté; elle était indigne, de lui, et toulës
ses actions la démentent, r. -¿.j
Ceux-là seuls sont coupables , qui n’ont pas rougi d’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
qu’en imprimant une tache sur sa mémoire. Mais c’est .trop s’arrêter à des réfutations pénibles et inutiles.
Ce ne sont point des cendres éteintes qu’il faut interroger pour
la recherché de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus être que le masque'hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
^Ihest tems qu’on cesse de disputer à une,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd’hui doit
l’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l’a reçu en Afrique ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa patrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l’a forcée de parcourir. S es adversaires e u x - m ê m e s n’eurent pas
même la pensée de lui en donner u n autre; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignoraient ; et c’est après une possession d’état, ainsi
émanée d’eux , qu’ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée, L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement put l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu’à une autre
famille; mais le titre sacré d’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le jour, lie pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fût pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux yeux de son enfant du vice de sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans murmure aux lenteurs
de la justice, sachant bien que l’intérêt privé pouvait élever des
'
14
�( &4 )
les formes de son mariage , mais que la malignité
n’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
• Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’être justes,la dame Destaing n’en doit pas moins aux mânes
'de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
doutes
sur
M.e D E L A P C H I E R ,
M.e T A R D I F ,
c. •*.
.
.
ancien avocat.
avoué-licencié.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille , intimés; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelants.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-1811
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0410
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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PRÉCIS
POUR
J o s e p h V E Y S S I E R E , marchand, habitant de
la ville de Pleaux, intimé;
CONTRE
A n to in e F IL IO L et Marie C H A V IG N A C ,
sa femme
appelans.
habitans de la même v ille,
f •
f
L e sieur Veyssière a voulu faire une construction sur
un terrain qui lui appartient, et il en a été empêché par
le sieur F ilio l, partie adverse qui a prétendu que ce
local étoit une place publique.
L e bailliage d’A urillac, jugeant d’après les titres pro
duits, a décidé que ce local étoit la propriété du sieur
Veyssière. Cependant; à cause d’un acte qui sembloit
i
•s
�( 2 )
concéder aux adversaires un droit de servitude, il n’a
permis au sieur Veyssière de bâtir que jusqu’à trois pieds
de distance du mur latéral de la maison Filiol. Il a
ordonné encore que le sieur Veyssière n’obstrueroit point
la vue d’une fenêtre placée à cet aspect.
Cette décision privoit le sieur Veyssière d’une portion
de son terrain, et cependant il étoit prêt à s’y soumettre;
mais les Filiol ont cru l!affaire assez importante pour se
pourvoir par appel au parlement.
T ou t le local contentieux n’a que onze toises et quatre
pieds de surface. Les F ilio l, qui n’osent pas le réclamer
comme propriété, arrêtent depuis vingt^-huit ans une^
construction pour un aussi mince intérêt : on ne com
prend pas même qu’il y ait aucun autre intérêt que celui
d’être mauvais voisin.
Il est temps qu’une aussi longue obstination ait une
fin. Les Filiol ont cru embrouiller ce procès par la
production de plusieurs titres \ et il importe au sieur
Veyssière de simplifier ce qu’on a voulu-rendre difficile,
en se servant des actes même des Filiol pour y trouver
leur condamnation. Il a dans cette affaire un intérêt plus
considérable que l’étendue du terrain ne paroît le com
porter. Ce local, qui n’est pour son adversaire qu’une
place publique, est pour lui' une propriété précieuse f .
incorporée à sa maison y destinée de tout temps à aug- menter une boutique qui fait sa ressource principale,;
�( 3 )
f a i t s
.
Les deux maisons des parties sont situées dans la ville
de Pleaux, à l’extremité de deux rues qui se x’éunissent
à angle droit.
Cependant ces dçux maisons ne sont pas contiguës ;
elles sont séparées par un espace triangulaire qui fait le
sujet de la contestation. La base de ce triangle s’arrondit
pour faire le tournant des deux rues; et un rang bien
marqué de fortes pierres prouve au simple aspect que
la ville n’a fait paver que ce qui étoit au public, et n’a
jamais eu de prétention sur cette propriété particulière.
La maison Veyssière provient du sieur F u m e l,‘ qui
l’avoit achetée de sieur Cueilhe, en 1721. A lors elle étoit
en ruine absolue , car le contrat ne comprend qu''un
airialde m aison, à présent en ja rd in , eîpatüs au-devant,
avec les matériaux qu i y sont. On lui donna pour confin
im médiat, la maison R ix a in , de m idi. La même chose
est’ répétée dans la vente du sieur Fumel au sieur
Veyssière, en 1746; ce qui prouve que les lieux étoient
encore au même état après cette époque.
C ’est aujourd’hui Filiol qui jouit de la maison R ixain ,
du chef de. M arie Chavignac, sa femme, fille de Jean
Chavignac, boucher, qui l’avoit achetée en i 75o . L e
pignon ou mur latéral de cette maison borde le triangle
qui fait l’objet du procès ' toute, sa façade est sur la rue.
Il paroît qu’il y avoit un jardin derrière la maison
Veyssière, acheté par lui, en 1 7 3 7 * ^es Rixain a voient
aussi 1111 jardin derrière leur maison. En lisant les confins
2
�des anciens titres, il est vraisemblable qu’il y a eu des
échanges et sans doute-des conventions de voisinage sur
le local contentieux. On ne voit aucunes traces de ces
conventions, mais tout prouve qu’il a du en exister.
. L e sieur Veyssière n’ayant aclieté que pour bâtir,
n’occupa pas tout son terrain par une maison; il laissa un
espace vide au tournant de la rue, afin d’avoir deux
façades pour sa boutique, qui étoit l’objet le plus essen
tiel pour lui.
. ?:
v Cet espace vide (que le même motif empêchoit de
clore) étoit trop à la proximité de Ghavignac, boucher,
pour qu’à la longue lui ou les siens n’en abusassent pas.
A la vérité il respecta lui-même les droits de son voin ;
mais après sa mort la veuve Ghavignac se permit de
placer sur ce local des fumiers et immondices en assez
grande quantité pour incommoder le sieur Veyssière-,
qui s’en plaignit. Cette première hostilité, qui remonte
a. quarante-deux ans, est assez importante pour être
indiquée avec un peu plus de détail.
C’est par une requête du 4 ju in 17 7 2 , que le sieur
Veyssière exposa aux juges de Pleaux qu’il étoit pro
priétaire d’un espace triangulaire placé entre sa maison
et celle de Chavignac; que la veuve Ghavignac y mettoit
du fumier et immondices que la pluie condu isoit
la porte de la boutique de lui Veyssière, ce qui nuisoit
aux étoffes, et surtout aux galons, etc.
, . Sur cela intervint sentence*de police, qui défend à la
;veuve Ghavignac de répandre dès fumiers sur ledit terrain
appartenant ti V eyssière, et la condamne à 5 francs
d’amende. .
�.
;c 5 5
Cette sentence fut signifiée à la veuve Chav’gnac.
Elle fut encore affichée à P leau x, à la diligence du
procureur d’office.
Cette sentence ne fut pas attaquée; au contraire, elle
fut pleinement exécutée, et les Chavignac cessèrent de
mettre des fumiers sur ce local.
; Ce respect pour la propriété du sieur Y e y ssière dura
vingt ans, et dureroit sans doute encore, si le sieur Filiol
ne fut entré gendre dans la maison Chavignac.
En 1782 le sieur Veyssière annonça le projet de pro
longer sa maison sur une partie de son triangle vacant,
et il assembla même des matériaux pour cette construction.
A ussitôt, et pour l’en empêcher, le sieur F iliol ouvrit
une porte qui avoit^autrefois existé sur ce lo cal, mais
qui avoit été murée depuis très-long-temps ,sans doute ,
en vertu des conventions que la série des actes fait pré
sumer avoir eu lieu.
L e sieur Veyssièrefoi'ma opposition à ce nouvel œ uvre,
et offrit même de payer la moitié du pignon de la maison
C havignac, pour le rendre mitoyen ; en conséquence il
donna une assignation auxdites fins, aux mariés F ilio l,
le 8 juillet 1783.
Les Filiol répondirent en défenses, que cette porte
n’avoit été fermée par eux que depuis environ dix-liuit
an s, pour Vutilité de leur commerce ; que si la vente
consentie à Veyssière en 1746 lui donne pour confin la»
maison R ix a in , c’étoit une subtilité de l’acquéreur ;
mais que le local contentieux étoit une place publique.
L e procès ainsi commence donna lieu à d’assez longs
débatsj qui ne prpduisirent pas de tres-grands éclaircis-
3
�c ‘9
..
semens ; 'chacune des parties assigna son vendeur en re
cours. L e vendeur des Filiol répondit avec raison1qu’il
ne leur devoit aucune garantie , d’après leurs propres
'défenses, puisqu’ils n’indiquoierit le local en question que
'comme une place publique. '
"
Les Filiol découvrirent une transaction du 24 mai 1529,
passée entre Pierre Estève et Pierre R ix a in , dans laquelle
ion voit qu’il s’agissoit d’une cour sise au-devant de la
maison Estève. R ixain , qui bâtissoit alors, y ouvroit une
porte, et prétendoit avoir le droit d’y placer des fumiers
et de les y recueillir. Sur quoi les parties réglèrent entre
■
elles, i° . que Rixain pourroit édifier ladite porte à l’étage
soutrane devers ladite cour et la rue d’Empëssine, mais
q iù iljie "pourroitfaire aucune autre porte, ni escalier,
ni latrines, n i autres servitudes, si ce n’est tant seule
ment une fenêtre à l’étage seconde dudit chapial; 2°. que
Pierre Estève pourroit colliger les fiens provenant de
ladite cou r, savoir de l’arrête de ladite porte devers le
prosial dudit E stève, et qu’il pourroit mettre des pailles
en ladite cour devers ledit prosial, pour congregnier en
fumier ; 30. que Rixain pourroit colliger le fient de l’autre
côté, savoir de l’arrête soutrane de la'porte^, à l’arrête
•soutrane delà boutique Cheminât, mais qu'il ne -pourroit
mettre dans la cour n i fu m ie r , ni poules.
Il fut encore produit de part et d’autre un grand nombre
de pièces qui ne semblent pas mériter un examen parti
culier; seulement il est nécessaire de dire que Veyssière
•ayant produit la sentence de 1773? c*ont ^ a été parlé
plus haut, le sieur Filiol en interjeta appel en 1784?
•c’est-à-dire, yingt-un ans api’es sa signification»
�( 7 )
G*est en cet état que les juges d’Aurillac prononcèrent
par sentence du 8 juillet 1784.
* Cette sentence maintient le sieur Veyssière en la.pro
priété et possession de l’airial et patus. en. contestation ;
et dans le cas où il voudroit y bâtir, elle ordonne qu’il
laissera trois pieds de distance vers la maison F ilio l, à
partir du coin de ladite maison, du côté de la rue Pessin e, jusqu’à un- demi-pied au delà de l’angle supérieur
de la porte de ladite maison donnant sur ledit terrain,
t II est ajouté en ladite sentence que Veyssière sera tenu
de ne point ôter et borner le jour de la fenêtre de ladite
maison donnant sur ledit terrain, pratiquée jusqu’à l’autre
eoin.de ladite maison.
.. . .
, ,
Enfin Veyssière est débouté de ses demandes en fer
meture de porte et de fenêtre, et de mitoyenneté de
mur. Les parties sont mises hors de cour sur leurs autres
conclusions, et sur les demandes en recours.
L ;Quoique cette sentence fût plus véritablement nuisible
au sieur Veyssière qu’aux F ilio l, ce sont eux cependant
qui en interjetèrent appel.
Leurs moyens , quoique plus diffus qu’à A u rilla c ,
étoient les mêmes ; seulement on remarque au folio 74
de leurs griefs, qu’ils prétendent avoir droit à la propriété,,
même du terrain, s’ils vouloient le soutenir; mais ils
ajoutent .à l’instant que pour être de meilleure foi que
Veyssière, ils conviennent que ce terrain fait partie d’unev
place appartenant à la commune de Pleaux.
. ..Cet appel, suspendu depuis la révolution, a été repris
en la Cour.
, .
4
�(S )
M O Y E N S .
Il ne s’agît pas de savoir laquelle des deux parties est
propriétaire du local contentieux , puisque les adver
saires n’ont aucune prétention à cette propriété, et veu-*
lent seulement l’attribuer à la commune de P leau x, qui
ne la réclame pas.
’
L e sieur Veyssière se seroit cru fondé à soutenir qu’iB
étoit propriétaire de la totalité , avant la sentence5d’A u rillac ; mais cette sentence laisse aux Filiol un droit de
passage et un droit de vue. Il s’agit donc de savoir si*
ceux-ci sont fondés à réclamer davantage.
Il est visible que les premiers juges se sont fondés- su-i?
le traité de 1629, quoique la porte permise par cet acte
eût été bouchée depuis. Mais en fin , puisque le sieutf
Veyssière n’est pas appelant, il faut admettre que* les
Filiol doivent conserver cette porte. Voyons seulement
si cette porte suppose une place p ub lique, comme ils
le prétendent.
,
Remarquons que cet acte de 1529 est: produit par euxmêmès.
r
, L e locaiLy est désigné comme cour en avais t de la>
maison d’Estëve ( représenté par Veyssière
Dans: toutes les. parties die l’acte'il n’y* est pas-don^é:
d’autre nom. Les Filiol sont donc bien lbin: d’avoir prouvé*
par: cet acte que' ce fût une place publique.
Tous les autres actes qu’ils o n t produits, et'ceux qu’on;
a produits contre eux,, donnent à. la; maison Veyssière,
pour confin immédiat, celle des Filiol. Donc il n’y a
pas entre ces deux maisons de place publique.
i
�'C 9 )
Ce confín donne même lieu à une autre conséquence;
e’est que le locai en contestation doit nécessairement ap
partenir au sieur Veyssiërë.
’
‘
L ’acte de 1629, quoiqu’il ait laissé une porte et Une
fenêtre aux auteuTS des Filio! , ne contrarié pas du tout
cette preuve de propriété; au contraire, 011 est convaincu
par sa lecture que la concession faite aux auteurs de
Filiol n’est qu’une servitude ; ce qui consolidé l’idée de
propriété sur la tête des auteurs d’Estève.
N'
Toutes les expressions de cet acte conduisent à cette
démonstration : « Il est accordé que Rixain
édifiei?
« ladite porte devers ladite co û t, etc. ; il ne pourra faire
c< aucun autre escalier, latrines, n i autres servitudes,
« si ce n’est tant seulement, etc. »
! ?.
La cour n’étoit donc ni à R ixain, ni au public, puis
qu’il reconnoissoit à Estèvë le droit de lui accorder la
permission d’ouvrir une porte et une fenêtre, de limiter
cette permission à- un& s e u l e et enfin dé'donner len o m
de servitude' à cette concession.
,(
’• 1 .
L ’acte va plus loin encore, s’il est possible / pour
prouver quëi:cé n?est pour Rixain qu’une servitude.
Comme il va ouvrir une porte, et quenaturellem ent
il faut qu’il ait' le' droit de ñét/tóyer son passage, Estéve'
détermine^néanmoins jusqu’où il pourra nettoyer e't colliger ‘le fient. Il est borné ¡1 l’arrête* des portes; et quoi-'
qu’Estève garde le droit de mettre du fumier dans la cour,
il est néanmoins expliqué que Rixain ne pourra y mettra
ni fum ier, ni poules *. le devant et les cotés de sa porte
ne Sont pas même exceptés' de colte^ dbfense).
Certes il n’est pas possible de V'oir lUie distiiVction plus
�( 10 )
marquée entre les droits reconnus à ces deux parties. L ’un
accorde, perm et, défend ;* l’autre accepte ce qui lui est
concédé, et se soumet à ne pas faire ce qui lui est dé
fendu. L ’un estjdonc*le propriétaire; l’autre.tient.de lui
une simple servitude, et ne,peut ni l’étendre, ni encore
moins disputer le droit de propriété sur tout ce qui n?est
pas compris dans la servitude. .
^*
r Que-doivent donc avoir les »Filiol,, d?après -cer titre
émane d’e u x , e t , synallagmatique avec leurs .auteurs ?
"Rien autre chose qu’une porte, une fenêtre seulement,
et le droit de passage ppur arriver à »cette porte.
^ ..P 9883^ ^8t assez expliqué en l’acte paç
la limitation dQ'Coïliger lesjiens. ïlixain ne peut aller que
jusqu’à l’arrête de la porte, et JCstève a tout }e surplus
depuis la mêipe limite. 7 ; r /. ] £.
r
.
0 ;
, j Là dimension de la; porte prouve assez d’ailleurs quelles
furent les véritables intentions( des parties en 1629. Une
porte.latéralejne^pouvojt pas avoir pour objet’un passage,
de chevaux ou voitures, mais un passage à pied pour
cette,. sorjtie^jcie dégagement. Les premiers juges ont
donc -p^laiiement entendu ,1e sens de l’acte et .la loça^
litp, en (^opnant trois pieds de passage, aux adversaires;
etI .encore
excédé
la convention
l
ç . ontrils
:
T•' 1
7: en donnant un
demir-pied jdej plu?r;au delà^de la porte, puisque l’acte
disoit jusqu'à^ Varrête de la porte. Mai$ cette dilférence
est. trop minutieuse :pour que le sieur, Veyssière s’en,
' v u
>
!
f ;
';■!)
¿ ‘YiÙD
v " ' - ''t ■
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-'
* ■ J f I
:
'
!
•
:
|
acte d e 1629 . s u f f i t donc seul pour justifier le
jugement dpnt est appel. Mais il ne faut pas-laisser crojre
C et
�Î-I Ï )
Iqne les autres actes-<produits de ¿part* et d’autre' pour:roient cbntrarier;cette'démonstration.1 A ü >contraireÿ ils
viennent à son appui, et prouvent eux*mêmes que^dans
ttous ' les temps les i successeurs d*Estève- se ¡sont toüjôurs
►regardes comme5propnétaiTes du local «qui'“séparoi^sa
maison d e là maison Rixain.
..
'iî. Eu- Ï704,' 'François Cueilhe acheta la r h ai son Es tè v e ,
îquiî avoit alors;1changé
face ; et çfacte jporté^ «; Un
-« petit ’jardin , 'autrefois airial de mà:îson{;, confiné, de
r« jour, par la rue d’Empéssine;< de midi ét nuit, parla
~cc maison et jardin d e , Françoise' R ixa in ^ etc.' »
"î ; En 17 2 1, ce Cueilhe donna le même objet* en côntrëtébhange au sieur Fumel : « Un airiül de maison, à présent
;« en jardin, et -patus ( où cour) a u -d em n t^ m ec les iiiac< tériaux qui y sont ;-confiné.par la rue de* jour; la mai-ce son R ix a in , de midi y le jardin Rixain', de nuity etc. »
t‘ On voit encore , par ’im^acte de 1722, que le sieur
'Fum el, payant le droit'de l’ods au seign eu rd éclara dans
l’acte les mêmes confins de l’àirial e t le patus à lui vendus.
.Si c’eût été une place vague ou publique, on sait assez
¿que le seigneur àuroit réclamé’ contré cette mutation, au
:lieu de l’approuver.
\
-I ;
En 1746,' le sieur- Fumel vendit -cet airial au sieur
Veyssière; il y comprit de même 'le patus (o;u-cour },
•et donna toujours pour confin la maison KR ixain\ V oilà donc -une série d’actes-qui ont tous'le-m êm e
confin. 11 est donc prouvé/autant qu’ il'pèuV l’être , que
le sieur Veyssière est propriétaire jusqu’à la ^iHaisbn
R ixain, puisque lui et tous ses prédécesseurs ont acheté
cette propriété.
�I 12 5
Ils en ont joui sans trouble, non-seulement quand il
y avoit maison et cô u r, mais encore quand la maison
.étoit en. ruine et en jardin.
• Les matériaux de l’airiaL étoient sur place, .comme le
disent les actes, et il est de principe que vestigia posscssionern retinent.
La .procédure de 1773 prouve que quand le sieur
Veyssière eut b£tir, il s’opposa aux petites usurpations
dont ses voisins avoient pris rhabitude pendant que les
lie.ux ayoient été inhabités. Il prit naturellement, et sans
se douter qu’on pût le lui disputer, la qualité de pro
priétaire de' ce local; il’ fit juger .et afficher .cette qua
lité.; Mais quand- il n’y auroit eu que- sa requête, elle
suffiroit., .puisqu’il y a possession ,après' contradiction;
ce qui .est le plus puissant des titres.
/Toutes ces preuves accumulées sont tellement palpa
bles à la simple lecture des actes,,que la Goui* ne croira
certainement pas avoir besoin d’interlocutoire, dans une
.matière bailleurs d’un aussi mince intérêt.
La Cour ne peut pas être embarrassée par un conflit
-d’actes,qui.contrariex-.oient ceux qu!on vient de rapporter;
car les adversaires ont pris soin de n’en produire que
-.de,’semblables en tout point, pour les confins, aux actes
.(Je 17.04, 172X et 174$.
Ils ont signifié la vente consentie à Chavignac, leur
père et beau-père, en 1750. Elle c o m p r e n d la maison
•provenue des R ix a in , en Vétdt quelle est à présent
( ce qui prouve déjà que les étoupemens qui gvoient
eu lieu étoient l’objet d ’ une convention ). Cette maison
vendue est confinée par Vairial de la maison T^eyssière,
�r3 )
' Ce confia donné par le vendeur est donc une reconnoissance expresse du confin indiqué à Veyssière dans
sa vente de 1746. Et quand les adversaires ont dit devant
les premiers juges que Veyssière s’étoit fait donner ce
confia par subtilité, ils n’ont dit qu’une sottise, puis
que leur père achetait, quatre ans après, avec le même
c onf i ne t approuvoit mot pour mot ce qui étoit exprimé
dans la vente consentie au'sieur Veyssière.
- Maintenant il faut ajouter à ce titre si précis, et pro
duit par les adversaires eux-mêmes , la transaction de
IÔ29, encore produite par e u x , et il faudra reconnoi
tre que ces pièces émanées d’eux sont encore plus pro
bantes qu’aucune autre, pour démontrer que le sieur
Veyssière est propriétaire de tout le terrain qui est situé
entre la maison des adversaires et la rué d’Empessine.
......................
(
A vant de terminer, il ne faut pas négliger de répondre
a ce que les Filiol ont proposé encore comme des griefs
d’appel.
•
1
‘ i°. Ils disent que la sentence d’ Aurillac n’a pas pro
noncé sur l’appel incident par eux interjeté de la sen
tence de 1772.
Cette sentence regardoit Veyssière comme proprié
taire du local contentieux, et défendoit aux Chavignac
d’y placer des fumiers. La sentence d’Aurillac prononce
dans le même sens, en maintenant le sieur Veyssière en
cette propriété. C’étoit donc statuer sur deux appels qui
avoiçnt le même objet. D ’ailleurs'l’appel de la sentence
de 1773 n’étoit pas recevuble onze ans après la signi
fication.
�(
1
4
5
2°. Les Filîol objectent que la sentence d’Aurillac a
maintenu Veyssière en proprié lé, sans qu’il l’eût demandé.
Gela est d’une grande mauvaise fo i, si ce n’est pas
plutôt une chicane ; car en vérité il n’est pas possible
de supposer que le sieur Veyssière eût un autre but que
celui de conserver sa propriété. Dans tous ses écrits il
a dit qu’il étoit propriétaire ; partout il a conclu à ce
ce qu’il fût fait défenses aux adversaires de passer et
d’ouvrir des fenêtres; il est même allé jusqu’à conclure
à la mitoyenneté du mur des Filiol. Ainsi ses conclusions
étoient non-seulement' assez étendues, mais elles l’étoient
trop sans doute, puisqu’il a été débouté de sa demande
en mitoyenneté.
30. Les F iliol se plaignent d’avoir été condamnés
en la moitié des dépens.
Il est visible que ce grief n’est ajouté que pour faire
nombre ; car si les Filiol avoient raison, il leur étoit
inutile de faire un grief des dépens, puisqu’ils suivent
toujours la condamnation ; si au contraire ils ont to rt, ce
seroit plutôt le sieur Veyssière qui auroit à se plaindre de
perdre la moitié de ses dépens, à cause d’un chef de
conclusion qui n’occupoit qu’une bien petite place dans
tous les frais occasionnés par les adversaires,
Cette division de griefs, au reste, ne doit pas faire
perdre de vue l’unique question de cette afia ire. Les
Filiol n’ont pas prouvé que le local en contestation fût
une place publique : la commune n’y a jamais eu de
prétention; leurs propres titres les condamnent, et attri
buent la propriété au sieur Veyssière.
�( 1 5 )
Ainsi les premiers juges n’ont fait qu’ordonner l’exé
cution de tous les titres des parties , en lui conservant
cette propriete; et s’ils ont accordé un droit de passage
une porte et une fenêtre aux adversaires, c’étoit évi
demment le pis aller de ce que le sieur Veyssière avoit
à craindre.
M e. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
Me. TARDIF, licencié avoué.
A I U O M , de l’im p. d e T H I B A U D , hnprim . de la C o u r im périale, e tlib ra ire ;;
ru e des T a u le s , maison LahdMOT». — N ovem bre x 8 n»,
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Veyssière, Joseph. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
limites de propriétés
conflit de voisinage
Description
An account of the resource
Précis pour Joseph Veyssière, marchand, habitant de la ville de Pleaux, intimé ; contre Antoine Filiol et Marie Chavignac, sa femme, habitans de la même ville, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
1721-1811
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0418
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pleaux (15153)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Conflit de voisinage
limites de propriétés
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m
é
m
o
i
r
e
POUR.
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
C O N T R E
LES H É R I T I E R S DESTAING.
A RIOM,
D e i ’I m p r i m e r i e d u
P a la is , chez
A v r i l
1 8 1 1
.
J.-C. SALLES.
�M
E
M
O
I
R
E
POUR
N A Z O , veuve de
A nne
J a cq u es-Z a ch a rie
D E S T A I N G , g én éra l de d iv is io n , en son n o m ,
et c o m m e tutr ice de M a r i a D E S T A I N G , sa
f i l l e , in ti m é e
;
,
’
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
,
L o cu li sunt adversum me lingua dolosa et sermonibus
odil circumdederunt me , et expugnaverunt me gratis
..
E t posuerent aduersum me mala pro bonis } et odium pro
dilectione me d
Ps. 108.
U
NE Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d évenemens que toute la prévoyance humaine n ’a u r a i t pu mai
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
îe'moin de son mariage. Les fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées dans 1« mémoire de1tous les he'ros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : [’Empereur lui-m êm e, convaincu'de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. L a famille Destaing , ‘ plus convaincue’ que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A in s i, du moins, cette étrangère qui n’aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille, née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. Telle fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
' par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste ; et déjà à A u rilla c , comme au
Caire , une notoriété honorable assignait dans la société, à M a
dame Destaing et a sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a trouble cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é ta t, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance
tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’ov! cette divinité des nations, a brille aux yeux des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie qu’il
�( 3)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo r s , par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placédans tous les registres d’A u rilla c, comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiies par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter'de ce cjue toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
T‘
r Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, tet cle dédaigner l’opinion,
qu’ôti peut avoir d’elle L
, ,!i l M 'im p o rte , plus qu’à personne, de
donner de la publicité a'sa'cimduite ,r et de prodam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dansées actions, ne lui a ôté le droit
d’en'Obtenir. '
'
] <
r
•i
. FAITS.
..............i
Tous les faits1de cette cause sont liés aux grands événement
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de savans allèrent en 1 an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�( 4 )
fut prise d'assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks f u r e n t vaincus dès leur première apparition, et la
capitale o u v r i t ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette a r m é e n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du N il, l’agriculture et le commerce. .
Cependant les héritiers D estaing,(ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérons licencieux, q u i, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse, et pour prix de
la victoire.
Laissons celte atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, çt .poursuivons un récit plus véri
dique. .
3 v> •\ ” i
• Quoique le but de.l’expédition d’Egypte fût caché dans: ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme; était la
fondation d’une C o l o i ^ française; A u r e s t e , 1 ’établissepient de
l ’armée en Egypte devint bientôt une nécessité. L e malheureux;
combat d’Aboukir, et la perte^de la flotte achevèrent d’ôteitiuix
Français débarqués tout .espoir prochain de retour.
;
. •:>
Il fallut donc tourner toutes.ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’aifection, s’y faire une,patrie.
r
E t , certes, voilà quelle a dû être, quelle a été erj effet la dis
p o s i t i o n des esprits, ubi b e n è, ibi^pfUria ; rien n’est plus fran
çais q u e cette maxime; et bientôtles'vainqueurs de l’E g yp te Se
* ardèrent comme naturalisés sur les bords du.Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple ;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�( 5 )
d’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
i L e général en cheFMenou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lan- .
tin, Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et m i l i t a i r e s français
suivirent cet exemple.
v L es pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas diiTéi’ens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
i Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, qui, de la province de Cathié, où il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t ans.
L e g é n é r a l Deslning demanda la m a i n d’Anne Nazo ( néë
T r is o g lo w * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune, o
Il n’etait pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’e a u - d e - v ie ; Nazo était fermier - général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre partie de la popu
lation. Tous les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout céla aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
E n E g y p t e , le second mari donne son nom a u x en fans de £a f e m m e }
en signe de la puissance patern elle q u ’il a sur eux.
�( 6 )
A n n e N a z o , promise au général Destaing, fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de Saint - Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-m êm e se charger de la
célébration.
On demande , depuis huit a n s , à une jeune épouse , dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage ? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête ,' la bénédiction et l ’échange
D
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à .D ieu, pour les époux, une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé'dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres fortnalités. !
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du géne'ral, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués , appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
moeurs françaises, tout rentra dans l’ordre accoutumé, et sauf
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l ’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
A insi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M amelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C'est alors que leûr tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’nne armée ottomane s’avançait vers la Syrie, tandis qu’une llotie anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L es Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�( 7 )
dans leurs retranchemens J" mais que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
L a dame Destaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domestique, pour la rassurer sur l ’état de sa blessure.
L a dame Destaing
D était alors à la citadelle du C aire,7 où le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , q ui, certes, n’est pas académique : mais
aurait-on cru que les formules épistolaires de Fiance fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
a son epouse, dans une langue que son oreille entendait mojnç
aisément, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e ., le i 5 prairial an 9.
k II y a long-tem s , ma chère a m ie , que j e n ’ai pas de tes
« nouvelles ,* j e désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
C e s lettres ont pour adresse :
à M a d a m e A n n e , f e m m e D e sta in g .
E lle s sont d a té e s , l’ une du mois d o u l k a d e h , l ’ autre du mois d o n t h c d jc h ,
d e l ’année. 1 2 1 5 de l ' h é g i r e , rép o n d a n t aux m ois de
germ inal
et floréal
an 9. Il «’y esj question q u e de la blessure du général D e sta in g , cl assu
rance de r eve n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s pour Joa n n i N a z o .
3‘
jIIes
sont
jointes aux pièces a v e c la traduction do M . S jl v e s t r e de S n c y , professeur
d e langues arabe et p e r s a u e , et m e m b re de l ’ institut.
�( 8 )
J o a m it , qui est chez le général B é lia r d , devrait savoir
quand il part des détachemens pour A le x a n d r ie , et en profiter pour nCenvoyer -des lettres. C ependant , il ne Va pas
fa it l a d e r n i è r e f o i s : il fa u t le gronder de ma p a rt, pour
qu’il soit plus exact à l'avenir. On m ’a dit que tu étais
grosse ; j e suis étonné que tu ne m ’en aies rien écrit : éclaircis
mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t ’aime to u jo u rs ,
et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant , je
a t'em brasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. L e g é n é r a l D e s t a i n g ».
1
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
«
«
«
«
«
«
«
«
dame D estain g, semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru avoir
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois moisj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en
messidor an 9. Un article portait, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour conduire à Marseille les
Français et ceux deja attachés a leur fortune. Les dames reti
rées a la citadelle avaient la facullc de rentrer dans la ville du
Caire.
• Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulati°n ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation , la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing , craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa iamille. L e général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A r c h ip e l, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l ’époqye de ses couches.
M a i s , to u t à c o u p , o n f u t a v e r ti du d a n g e r q u e c o u r a ie n t
des F r a n ç a i s et des G r e c s d ’ê tre la p r o ie des T u r c s en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avait deja dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un pretre grec, desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d ’E sla in g , tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie M isck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassiffi, officier de l’escorte.
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine ; rejeté en arrière de 5o lieues dans la mer
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
l’Empirc et duc de Dalm atie).
3
�( IO )
C'est ainsi qu’une Famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la terre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet i n s t a n t il y eut une trêve à ses malheurs.
M . Ie général S o u lt, informé de l’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
]Vladame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V e u ille z , je vous p rie, renouveler
à madame D estaing les offres de services que mon épouse et
m oi lu i faison s de tous les secours qui pourraient lu i être né
cessaires; elle nous obligera infiniment d'en disposer. S o u l t » . ’
Qui donc avait pu informer M. le général Soult du nom de
la dame Destaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse’traversée du vaisseau leSt.-Jean, l'armée fran^
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs ép o u s e s arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il paraît même quWs écrivirent à M. le
général Soult, et voilà ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de T a ren te, mais en marquant une
répugnance pour continuer son voyage parla Médiléranée.
M. le général Soult poita la bonté jusqua lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu au premier port de son
g r a n
d
e
gouvernement, de la traverser 1Adriatique, et continuer par
terre d’Ancope à Lyon.
�( 11 )
Tout cela s’exécuta de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le gc'oéral Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Destaing jusqu’au port de Barletta. Il fît chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M . Desbrosses, officier
français, de l’accompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Destaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ajiii.
L ’accueil affectueux du général n’avait pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la première fois ; leurs projets
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans qu’ils passèrent
ensemble....... L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur B o rdin, chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing père, qui invitait
çe sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre, celle qui, tombant tout"
à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreu x, allait se trouver sans époux et sans patrie
parmi des êtres dont la dem eure, les habitudes, la langue
même lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�( 12 )
mne , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E gyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’afFabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, i l faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’â m e , et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait a l o r s à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour lu succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i 5 floréal an 10 ).
Il s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui en prit l ’initiative; un conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
5 messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance , exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing, son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant une f i l l e u n iq u e, âgée de cinq mois, nommée M aria,
« provenant de son mariage avec A n n e JSazo , grecque d ’oria g in e , laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o n s , p è r e , le m ê m e qui avait toute la confiance du g é n é ra l '
D e s t ii n g à ses derniers m o m e n s , et M . D e l z o n s , général de b r i g a d e } m arié
pussi en E g y p t e , sont m e o ib ip s de ce conseil de fam ille,
�( i 3 .}
tuteur de Maria Destaing, M .D estaing, sonaïeul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D estain g ; lui alloua des
habils de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit'le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
V oilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i, sans aucun doute', le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing père, tuteur de
Maria Destaing, J ilte et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir q u e ce q u ’o n laisse dans un
a p p a r t e m e n t d ’ hôtel g a r n i ; des v ô te m e n s , des a r m e s , q u e l q u e s
p a p ie r s d e p o r t e f e u i ll e *, et d e u x r o u l e a u x de 5o louis. O n y
consigne ce fait, que le général avait remis, peu dé jours avant
sa mort, à M. Del'zons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, pour qu’il les fît passer à Aurillac.'
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
A u rilla c, quelquefois dans les sociétés où on la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle, occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i 3 en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
Il y avait une lettre du lieutenant L a t a p i e , et une lettre d e J o a n n i
N a z o , toutes deu x écrites de T a re n te . C es lettres avaient été supprim ées
d e p u i s , et « ’ out pu être c o m m u n iq u é e s qu’en vertu d’ uu arrêt de la C yu r.
«
�}
des pensions, comme veuve du gén éral D e s ia in g , i 5 jours
(
1
4
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une anne'e. Mais les frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de leras , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
a v a i e n t fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L a mélancolie de la dame Destaing lui faisant préférer la so
litu de, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l’intrigue et des
conseils. L a dame Destaing, sa belle-mère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence .- enfin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur Desiaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette de'iiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils ; et la seule punition qui lui vint en idée contre la mère,
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la cam pagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pas sa retraite.
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. L a dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame D estaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui se passait. Nazo partit su r-le-ch a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re vet de celte pension est du 29 floréal an 10.^
�( i5 )
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céplialonie, sous le nom de Maria; et muni de cette pièce, il fit
adresser un mémoire à l ’Empereur pour réclamer Maria Destaing.
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait relenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profilèrent de cette circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère qu’il
avait jusqu’alors chérie comme sa fille. Telle a été la source du
procès.
L a première hostilité vint des frères et sœur Destain^, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre li>s mains de leur
père, le mobilier et revenus de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celle lenteur
eut été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibéra lion du con seil
.de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les voies
judiciaires; elle assigna , le 27 nivôse an 12 , le sie u r Destaing
père ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander
remise de la succession , et une provision pour scs alimens, dont
on avait affocté de la priver.
�C 16 )
Cotte privation était inhumaine; mais la dame Destaing a été
heureuse de la s o u f f r i r . Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *•
que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
e r r e u r , à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D esta in g „
plus d'un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
C ro ira it-o n
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur Destaing père, le moins intéressé à le connaître ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lux laissait, pendant ce tems-la, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dameDestning recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
* « M in is tè r e d u trésor p u b lic . — P a r i s , i 3 pluviôse an 12».
« A r t. i . er L a pension de
520 fr.
accord ée par arrêté du 29 floréal an 10 ^ à ’
« A n n e Nax>o , n ée en K g y p l e , veu v e d u s .r J a c q u e s - Z a c h a r ie D e s ta in g ,
* général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t. 2. L e s M in istres de la gu erre et du trésor public sont c h a r g é s , etc. ».
« Sign é N A P O L E O N ».
Là
�( . T7 )
L à on fît dire au sieur Destaing père , qu’il révoquait l ’aveu ,
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant ; que lescertificats.de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne cont
naissait d’autre enfant >de son fils , ;qu’un' enfant naturel, né
avant son déport pour l’Egypte ( tqu;e/l’çrn.disait;tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de P a r i s ^ Puisjilidemanda.à la
dame Destaing.une caution pour être ajlrçiisejà. plaider, comme
étrangère.
.'.icnri iioa sb lue: /r>
i
rl V oilà ce que les héritiersrDestaing osèrent suggérer ¡à ,leur
p è r e s a n s . égard" pourelaon\émoirei[du gérjéraJ;f et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, saris* n o ta , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.'! o u;b :,[ . 'l.iui un n ■'<:i ... -•
Cependant la> dame Destaing. voulant .ne la'isSerj aucune sus
picion sur son certificat d ’é g y p t i e n s , et pouvant f o r t a is é m e n t
le s u p p lé e r p a r d es t é m o ig n a g e s f r a n ç a i s , r é u n it devant le juge
de p a i x de P a r i s , en la f o r m e le'gale d es a c t e s de n o t o r i é t é ,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caireien l ’an: 8 et
en l’an 9; 1.° l’ordonnateur -eh ch ef dé l’armée ; 2.« l’inspectéurgénéral aux revues; 3.° le chirurgien eri‘ chef de l ’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général, de la dburonne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie .impériale; ,7.° un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caird, Suivant les rites(du pays;, et en légitim e mariage
« avec le général Destaing, dans le courant de l’an, 8 , par le
« patriarche d 'A lexa n d rie. Que l’acte de célébration n’en a v a i t
«
«
«
<i
pas été rédigé, parce que ce ri’étâit pas l ’usage : 'mais qi>e ce
mariage n’en'était pas moins constant, ayant été célébré en
présence d’ un grand nombre de militaires 'français, e t 'de la
plupart des déclarans. Que depuis cette célébration Anne
�( 1 8- 5
« 'Nnzo n’avait pas cessé d’ habiter eh Egypte avec son m a ri,
« qui l’a t o u j o u r s traitée comme son épouse légitim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général D upas,
alors absens ; le premier, comme gouverneur des départemens
a u - d e l à ' des Âlpes; le'sèiiond, comme gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fît écrire pour leur demander Uvdéclarâtion.
de la vérité sur1son taaxiage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la’ connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
.
L ’a<*.tërdenotoriëté fut hoimologfuép’a r l é tribunal civilide la
Seine/'sur •'le «¿apport d^uil jjngé/net stn>desi)conclusions‘:du
ministère public. •» :1‘ ' . t ■ •' ' 0"'n'
! |
yf
jde-cette pièce' importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Déstaing crutison1 procès fini,
et se présenta à l’audiehcé de- Mauriac! Mais combien- ellej se
-, <K)t
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1
« J e d é c l a r e , au nom d e la v é r i t é et de l’ h o n n e u r, q u e , lorsque j e com
m and ais l ’ a rm é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é ü é r a l .D e s t a i n g s’ e^t m a r i é
4ta it venu>
m ’en f a i r e p a r t.. . . . . . . i J e m ’ engageai à y - a s s is t e r , ainsi q u ’ au repas
en l’an 8 a v e c rnademoiselléj A n n e N a z o . . . . . . ! » , . . L e gé n é ra l
qui eut lieu après le mariage. J e r e m p lis npa prom esse.. T o u t s ’ ij p a s s a
a v ec La p lu s grande rég u la rité sous les rapports c iv ils et r e lig ie u x ».
« À T u r i n , le' 18 juillet 1806 ».
1
« L e gé n é ra l M eno u ».
« J e cettifie q u ’ étant « l i e f dë b r i g a d e , com m an d an t la citad elle du C aire
sous les ordres'du général D e s ta in g , J ’a i eu> p a r fa ite e ts u r e c o n n a is s a n c e
d e s o n lé g itim e m a riag e a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . . . . . J ’atteste
a v o i r eu des liaisons particulières a v e c b eaucoup de personnes très-dislinguées qui m ’ out dit a y o ir été p résen tes à ce m a r ia g e , qui fut cé lé b ré
p u b l i q u e m e n t . . . • •,............■ 1 c ,i ! i
« P a r i s , le 3o juillet 1806».
■*'L e g é n i a l D u p a s ».
�C *9 )
trompait ! L a cause' e û t été trôp simple avec le siéür Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre davis leur in terv èh tion , leur tierce oppo
s itio n , leur s a isie, le u rsincidens dé boute espèce : il suffit de
parler du jugement de MauriàC,'ydùl^ 3 raô'ûV 1807-, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions p o ty r 5 l e s comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appekrii :
■s'[ •'' '
L e tribunal de Mauriac ne crut paà;dfevoir s*arrêter aux preuves
existantes ; il-lès jugea insuffisantes / ¿t‘ brtàoiiha que la dame
Destaing prouverait ,- i;©.«-Qu’íl'rñéát paá!d‘íiS¿ge?'á t r Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire deS âcres de mariage
« et de naissance; i2.°. qu’elle a été mariée au Caire, en l’an 8 ,
« avec le général Destámg J p a r le patriarche d'Alexandrie, avec
«r.le^ qérémQnieà.usitées-.dàiisile lie u $ 3î° qU’eïIé'a cohabité de« puiçiavio/îlejgénéraLi'Destaing jusqu’àvsoiv'iëtoùr''en-France;
tq u é .)d a n s n t9 u t ;lc e . t d m s e }lë a é t é / p u b li q u e m e n t r e c o h n u e
« p o p r fépbuàe. d u ¿éncfrdl DestaiingÇ’ 4 .0 q ù ’ ë llè est a c c o u c h é e h
c? C é p h a l o n i e ,, en n i v ô s e - a n 10 , M ’ u né fille p r o v e n u e d e c e m a cc.]riagQV J a q iie lle ia étf 3 n o m m é e ^Maria D e s t a i n g ».
^ ; ■-!
‘ - ïl'ÿ ’ eüt^'tië part-'et d’a^ti’ë^à^pél' dê^oe jugement ; V d a m e
Dëstaiftg>à’*n pl-aï^ nartf^ arè^ cj^ t'H ^ ujktíssáií»à ‘ une'*preuve
non-sedement? déjS'fàit’ë , M is « q u feïlé' I r u ï inutile/ j&isqu'éllè
avait une possession d’état émanée de°la famille Destaing elieTneme¿ Les hei'iliers Destàîng syen píaignirent aussi, en ce que,'
diâàieut-ils j l£ Gpdb'èiVilrié permet de prouver lës'mariages que
par écHt et par les iëg;istres deirétàt ci^il. 1
'
l<: ‘ >
Ge n’était point assez1 d’avoir accablé de'calomnies la dame
Destaing à A u r illa c , Mauriac et P aris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A ile s croire, elle n’ était qu’une prostituée dé la plus
vile cldsse, offerte au général par sa propre famille avant même
qu il eut sur ce point montré aucun désir j une grecque arliii-
6
�C 20. )
cieuse et rusée, qui avait su en impose* quelque tems à une fa
mille crédule ; ensuite, et'pour avoir le droit d’insister sur la re
présentation d’un acte civi], ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger. , . , j;i ,
• ;)|. ■
L a Cour,d’ap p el,.p ar arrêt du n juin 1808 , a cru-devoir/
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée,. mais avec ¡des ¡motifs bien précieux pour la dame
Destaing, etflui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont.seulement voulu, ne négliger aucun moyen légal de
découvrir 1^ vérité. ^
g
j « ¡b
ob 'rm! <!.=)[) »
# ¡Cependant là preuvejôrdorinée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue-.: «; La-Cour dft qu’il a été bien1
« jugé en ce que la/preuve testimonialë a été ordonnée, et néan^KJO^ips, réduisant l interlocutoire ^or'dcJnne!que-clans S i x môlS1
« A fiae Nazo fera pfguve;, tant’par titres, que par. témoins, deor vant lç$ premiei'sjjiges,. queipendàrit qué le général Destaing
« était en activité de service au Çaire, elle a .é té mariée avec lui
« publiquement et solennellement par, le patriarche d’Alexan« d rie, suivant le rit grec et s,u;,yant le^fp^mes-et usages.obîer« vés d an sle pays \ Vautorise a Jaire çn tendre les parens , tant
« d’elle.cjue du général Destaing»¡^insi (ÿiejçtuies]/es personnes
«
«
«
«
«
qui ont déjà donne des attestations par forme d’acte de no-:
toriéte, a-Marseille et à^Paris, ou des çertificats dans la
cause, sauf tous
¡reproches de droif;qui pourront être
proposés, et sur lesquels, les premiers juges'statueront, .sauf
preuve contraire; ordonne que les frères et sœur ^estaing
a rapporteront les deux lettres mentionnées en l’inventaire
« du 24 messidor an 10».
Les héritiers Destaing mçnaçnient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis D avid, Géorgienne,
�( 21 )
mariée en E gypte avéc M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par m ille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquement l ’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas juger ce grave procès,
le renvoie à M a u ria c, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
•vaincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes ; mais la Cour
en fait justice, et, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de Mauriac à donner les commissions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation des dépens faits à Riora , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
Enfin les enquêtes se font, l ’une à M arseille, une autre à
autre à A u r i l l a c , et u n e dernière à M auriac ; mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est.rem arquable, sur-tout par la verbalisation continuelle
de l’un des héritiers Destaing, q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des obser
vations faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
P a r is , une
*
L a C o u r de M e t z a va it or d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
un acte de n o t o r i é t é , constatant q ue les chrétiens grecs ou rom ains q u i se
m arient à G i z é , piès le C a i r e , ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m o tif q u e des ordres cUi jour
p u b liés en E g y p t e , en l'a n 6 , exigeaient q ue tous les a c t e s ,
e n t r e
F ra n ça is
et E g y p t i e n s , fussent reçus par les com m issaires des guerres.
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte de notoriété était su ffisa n t, et avait été lég alem e n t
o r d o n n é 5 e n c o n s é q u e n c e , le po urv oi a été rejeté le 8 ju in 1809.
�( 22 )
témoins; et quelles questions encore!.....(S i en Egypte il n’est
pas reçu qu’on se marie pour un lems.....S’il n’est pas vrai que
les Turcs c o u p e n t la t ê t e aux femmes qui ont commerce avec
le s E u r o p é e n s ,.... e t c . , e t c . )
bien, toutes ces billevesées •sont fidèlement écrites dans l’en
quête de Paris , renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
Eh
A Marseille, il n’y avait pour les héritiers Destaing qu’un
fondé de pouvoir ; et soit qu’il n’osât pas se permettre toute cette
verbalisation, soit que les juges méridionaux soient moins'patiens que ceux de la capitale, l’enquête s’est faite en la forme ordi
naire, et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à Marseille, comme à Paris, on ne manque pas
de faire insérer des reproches contre chaque parent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (m algré
l ’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
Malgré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent;
des témoins distingués rendent compte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte de leurs dépositions une preuve aussi complète
qu’il était p o s s ib le de l’attendre après ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
' i
L es deux enquêtes de la dame Destaing sont composées de
dix-sept témoins entendus a Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d’un aussi grand,
nombre de dépositions, il faut les rapporter à trois faits prin-,
ripaux : i.° la fête nuptiale ; 2.0 la cérémonie de l ’église:; 3.° la
notoriété du mariage.
M M i les généraux L a grange, Duranteau et B ertran d ;
M M . S a rielo n , secrétaire - général du ministère de la guerre;
1.0
M arcel, directeur-général de l’imprimerie impériale; C lém ent,
négociant; L a rrcy , médecin ; A n n a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ir e , ont déposé avoir assisté au repas de
�( *3 )
: noces : les sieurs D u f é s , T u îim g i et M is c k , parens d’Anne
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef M enou ( décédé pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u re, commissaire des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê t e la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général Destaing avait com m uniqué son mariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des billets d 'in c i
ta tio n ; et M. Sartelon dit même qu’il croit avoir vu l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire.-MM. Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M. Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l ’église, et qu’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. D o n M o n a ch is, les s.rs Tak et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires , qu’ils nomment, leur
ont dit avoir assisté à celte célébration dans l'église Sain lJSicolas. L e sie u r C ha m , a n c i e n interprète de M . le prince de
Keufchûlel, déclare avoir vu les préparatifs de la fête sur la
place A tabel-el-Zargua. Les sieurs O bad an i, commissaire de
police; R o s e tte , bijoutier, étaient présens à la célébration du
m ariage, f a i t e par le patriarche d ’ A le x a n d r ie , dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph T u tu n g i , Ibrahim
T u lu n g i, Sophie M isck et Joseph M isck déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église grecque,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N icolas P ap as Oglou
était le parrain.de la mariée, suivant l’usage. L e sieur Barthélem i Serra dit avoir été in v ité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais n’avoir pas accepté, parce qu’il ¿lait broutll^
avec la famille Nazo; il ajoute que le général Destaing lui d i t ,
avant son mariage, qu’il serait célébré suivant le rit grec , et
qu ensuite il lui dit que son mariage avait etc ccléoré par le
�( 24 ) '
patriarche g r e c , selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l?usage du pays.
3 .° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au Caire ; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oin s, sans exception, attestent que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ; et pre'cisdment tous ces
militaires français , qu’on a peints comme ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui altestent le plus
fortement que personne ne d o u ta it , au Caire et à Varmée , de
la légitim ité de ce mariage.
\
L es héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u rillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
A A u rilla c , ce sont le sieur Delzons père et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rap
porte seulement deux conversations : un jour, à Paris , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que lui ne l’était pas; le sieur D e l
zons ajoute qu’il fit cesser ce lle plaisanterie. Un autre jour, a
Paris, le général D e lz o n s , son J ils , lu i dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse à laquelle il
avait assisté.
L a dame Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an g , et on lui dit que la veille on avait conduit
A nne Nazo chez le général, à l ’enlrée de la nuit, sans cérémonie
ni fêle; qu’il y eut une fête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anne Nazo y occupait la place de maîtresse de la
maison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’ Anne Nazo avait été conduite chez le général Destaing, il y
avait eu une cérémonie religieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
Jusque
�( 25 )
J u sq u e-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par clive qu’elle croit
qu’on regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitim e
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait jem m e du
général D e s ta in g , et lu i rendait les honneurs attachés à ce
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rie n , dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
Destaingarriva d’Egypte : elledînaavec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu’il avait épou sée , que
tout le monde le d isa it, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait pei'du en Orient l’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E lle est passée d’un côté et
tnoi de l ’autre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la d e m o i s e l le
G r o n i e r t i r a , à c e q u ’e lle d i t , p lu s ie u r s c o n j e c l u r e s du mouve
m e n t de ses d o ig ts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
ne pouvant plus rien dire sur ce chapitre, elle parla sur d’autres
qu elle juge inutile d’être racontés. Lorsqu’ensuite la dame
Destaing lut \enue a Aurillnc , la demoiselle Gronier (p a r une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
a la dame Destaing s 'il y avait des registres de mariage au Caire,
et la dame Destaing lui répondit encore qu’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n fin , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu déclarer , par madame D e lz o n s ,
fem m e du gén éral, qu’Anne Nazo avait été mariée , ET que son
mari ( le général D e lz o n s ) y é t a i t p r é s e n t . ( V o i l à l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing prétendent leur être fort avantageuse ).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’uu était son palfreuier au Caire ; le cuisinier lui dit qu’oa
7
�( 46 )
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
davantage pour ce jour-là. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M enou et tout Üétat-major. Cette femme y
était a u s s i , il l’a entendu appeler Madame D estaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
g é n é r a l . On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa figu re, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme ; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là. qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des mariages en Egypte. Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un dais, précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o ilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
d irecte, loin de la détruire.
Aussi les héritiers D estaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de v u e , leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille ,
on n’a Pas dit qu’a chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l ’explication très-lum i
neuse de la différence des eglises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres res-
�( *7 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d ’Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificals émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs ca th o liq u es, et du supérieur de la
m ission.
L a dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R aphaël
Monachis , l’ un des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique rom ain, appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses éludes. Revenu au couvent des Druses, sur le M o n t-L ib a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rom e),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’ équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o in t, et encore cet usage est-il récent;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V oilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme garantie d’un simple fait historique, qui eut pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�( 28 )
C ’est ainsi qu’ il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
.Mauri ac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810, parfaitement
motivé , le tribunal de M au ria c, convaincu de l’ extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers D estaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ÿ
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. Aujourd’hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les nom s, les
qualités , les usages, sont constans ; la dame Destaing aurait
d me rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
e^act de ce qui résulte d’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�( ¿9 )
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à laire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
inonde s’empare des événemens extraordinaires pour les juger
avec la promptitude q u i convient à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuage de la calomnie est quelquefois tellement épais que
l ’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les m a g i s
trats ne se décident point comme le vulgaire.; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent 1 opi
nion a proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�(
3o
)-
C ’est line grande consolation sans doute pour la dame Des
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’ e s p é r e r à un aussi grand éloignement de sa pairie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiélé où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an 11 ? L e vaincu , n’en doutons p as, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal r é e l qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c i v i l , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes doivent être rejetées! Voilà bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la Cour les a jugées
nécessaires?
L a loi, disent les héritiers D eslain g, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - il s d e la fausseté du
mariage que tant de témoins attestent? A u c u n e ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
la Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d ’ un interlocutoire
o r d o n n é par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté: la preuve est
co m p lète. U n e
foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : l e s uns étaient témoins oculaires des f ê t e s , les
autres témoins oculdircs de la célébration, d autres étaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
oui'attester la célébration j mais cette attestation leur avait été
�( 3 1 }
'donnée par des personnes présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Comment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a rfa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmêmes que le général D elzo n s * était présent à la célébration
du. m ariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce m a ria g e, était certaine pour ceux-là même qui,
dans l’arrangement de leurs dépositions, marquaient la volonté
d’être favorables aux h é r itie r s Destaing.
I l s l e c o m p r e n n e n t p a r fa ite m e n t ; m a is ils ose n t a t t a q u e r lin e
e n q u ê t e e n t i è r e , p o u r la fa ir e t o m b e r en m a s s e p a r la p lu s au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d ’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in ca
pables de témoignage.
Celte injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité celte dure qualificaiion des hommes qui
A u j o u r d ’h u i in d iq u é par les héritiers D estain g c o m m e a yan t d ém e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père et à sa fem m e .
�( 32 )
I
n’ont été coupables que d’attachement à la France? V ivant
sous un joug de fer en E g y p t e , à cause de la difference de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs-, et s’e'taient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se liv re ra la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1- elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l’amour de la
patrie * , pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i 3 du
Code Nap. dit : quê « l’étranger qui aura été admis par le gou« vernement à établir son domicile eu F iance, y jouira des
« droits civ ils , tant qu’il continuera d’y résider ». O r , suivant
l ’art. 25, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers .D estaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
* « L o r s q u e M . M a ille t était consul au C a i r e , les J é s u ite s persuadèrent
a à la cour d e F ra n c e de faire ve n ir à Paris des ctifaus de Coph tes pour
c les é l e v e r a u x collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d ev ait les instruire dans
k la foi ^ et les r e n v o y e r convertir leur nation s c h é m a ti q u e . A force d ’a r« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêm em ent pauvres :
« mais lorsqu’ il fallut se s e p a r e r ,
la tendresse se réveilla dans toute sa
« f o r c e , et ils aim è re n t m ie u x retom b er dans la misère que d ’ acheter un
« état d ’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœ u r». ( S a v a r i ,
sur l’E g y p t e , lettre 1 4 } '
uno
�( 33 )
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui ,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Destaing dans leurs apostrophes.
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Ne trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu’il n’y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et àb
o v o , tout ce qui s’était passé au Caire , à Tarente, à L y o n , à
Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Delzons, leur cousin,
ancien ami du général D esta in g , qui certainement a tout v u ,
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d accord avec la loyauté de ce militaire, qu’il est difficile de croire
a sa réalite. Plus on la lit,' et plus on est c o n v a i n c u que c’est une
véritable in j u r e fa ite à c e g é n é r a l , de lu i imputer un écrit p a r e i l .
O n lit d a n s c e tte l e t t r e , d a té e d u 1 7 j a n v i e r 18 09 ( et q u ’on a
signifiée comme pièce du procès ) , que M . Delzons s’accuse
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, pour recevoir les secours hospi
taliers dus au m alheur; mais qu’il est faux qu’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’«« arrangement
oriental ou un mariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
L e s enquêtes p r o u v e D t q ue les m ariages à tem s n ’ o n t lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e p e n d a n t 11» tems d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a choisie ; la p o lice e x ig e cette fo rm alité : et les
e ngagem ens de c e ge n re sont en parfaite c on cord an ce a v e c la religion do
M a h o m e t , qui ad m e t la pluralité des fe m m e s. « E m p l o y e z vos richesses a
* vous procurer des épouses chastes et vertueuses. D o n n e z la dot prom ise
« suivant la loi. C e t en gagem en t a c c o m p l i , tous les accords q u e vous ferez
* e n s e m b l e , seront licites ». ( K o r a n , ch . 4 , v . 29)*
9
�( 34 )
ment du jo u r et de Vheure où Anne Nazo est entrée chez le g é
néral Destaing, et du jo u r de sa sortie ( au bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jour de l ’a r m é e , relativement à la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
e x e m p l e s . L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, pour avoir dit que lui Menoii
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité , sous les rapports civils et religieux .
Non , un général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'honneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo,
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D el
zons, son p è r e, a déposé que
le gén éral D elzon s
,
son f i l s
,
q u 'il y avait eu une cérém onie relig ieu se ,
A l a q u e l l e i l a v a i t a s s i s t é ; lorsque Françoise Gronier a
déposé que madame D e lzo n s, fem m e du gén éral, lu i avait dit
q u’ jdnne Nazo avait été mariée avec le général D e sta in g , et
LUI
AVAIT
DI T
Q U E SON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; car le gé
néral Delzons est membre du con seil de fa m ille , du 5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
f ille légitim e de son fils.
C ’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l cl écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e légitim e provenant de son mariage avec A n n e N azo.
Voilà
seulement ce quç le général Delzons a
di t
en présence
�( 35 )
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d’un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure faite à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; comme s’ils s’attendaient
que la C our, après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom dHin parent qui lui-même avait attesté
légalem ent le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante , que les commenter serait les
affaiblir.
C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l ’interlocutoire ordonné par les premiers juges , qui
avaient exigé de plus la preuve de l’existence ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers Destaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’eHe a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r, d isent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur début
( l ’armée est prévenue, etc. ) prouve seul qu’il ne s’agissait pas
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule
10
�( 36 )
Supposer que la légitimité des mariages et le sort d’une province
auront été r é g lé s au son du tambour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre lçs journaux du tems, et ils apprendront que
l ’E m p e r e u r allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lo is , ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , e t
du Dieu de Jacob aux M usulmans, tout, excepté son épée, a
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « N ous
a avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les* quitter, vos mœurs, vos l o i s } vos u s a g e s . . . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l, en
l’an 9, de ce respect pour les mœurs de l’Egypte , en lui expri
mant , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’e st, au reste, ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Que sont encore ces certificats égyptiens présentés par les hé
ritiers Faulli’ier, et que les héritiers Destaing s’approprient? II
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
O u ’a de commun le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse , mais méconnue aussitôt qu’il fut
m ort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçu e, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand- Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constan
tinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des Grecs , et tou te to lé r a n c e cessa q u a n d ce tte secte
se sentit assez fo rte p o u r d i s p u t e r d e d o m i n a t i o n ; l ’é g lis e la tin e
f u t lo n g - te m s p r o s c r ite p a r les Grecs , mais sans perdre jamais
l ’espoir de ramener ses enfans égarés à l ’unité religieuse. D e
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de la
Thebaide, si grands eu souvenirs, des prêtres catholiques q ui,
semblables aux persecutes de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
l’église rom aine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l ’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés, ou tout autre caractère qui leur est donne
par leur chef.
Ce chef est c o n n u p a r m i e u x sous le nom de Patriarche
d A l e x a n d r i e , non pas celui q u i , prêtant s e r i n e n t de fidélité au
G r a n d - S e i g n e u r , se r e g a r d e c o m m e i ndé pe ndan t xle R o m e , et
�(38 )
ch ef suprême de l ’Eglise d’O r ie n t, mais un patriarche dépen
dant du P a p e, et vivant dans l’unité de l ’église catholique.
M aintenant, il faut rappeler que la dame Destaing n’est pas
liée dans la religion grecque la tin e , mais dans celle connue en
France s o u s le nom de schism atiquegrecque. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux p rê tre s latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l’arrêt de Metz , du z 5 fé
vrier 1808, confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on 11e voit pas
si Néphis David a prétendu avoir été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique grecque,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. L e premier est ainsi conçu :
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
a Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H a d a d , vicaire de Son Em inence le
« Patriarche grec en E gypte. A u Caire, le 7 du mois echbat
0 ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste qu il n a pas trouve dans les archives de
son église le mariage du general Faultrier. Il est signé : Benedictus de M edici n a , m issionnaire apostolique , curé et vicaire
supérieur de la m ission d'E gypte. A u Caire, le 20 février 1809.
�( 39 ^
Ces deux certificats sont de la main même de ces eccle'siasliques. L e premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certificateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
(le la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l ’inscrit sur un registre.
L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une lig n e de caractères m ajuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat, on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il f a lla i t m e ttr e p l u s d ’i m p o r t a n c e à ce d e r n ie r c e r t i f i c a t , o n
Se d e m a n d e r a i t p o u r q u o i les p r e m i e r s 6ont d o n n é s au. C a ir e ,
l e . . . . . . et c e lu i- c i en E g y p t e , l e ...........? P o u r q u o i c e lu i - c i est
fait e n ita lie n , dans une langue que les signataires n’enten
daient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de l ’arabe le certificat du pèrp
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers?
Il fallait qu’on demandât aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état c i v i l , dans une
contrée régie par les lois turques; ils a u r a ie n t répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zèle, au miliçu de la bar-
i
�C
4
0
)
<
Jxirïe et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la fo i,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise'de Rome a conservés dans celle terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qli’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; le patriarche, les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
L e s missionaires de R o m e n’ ont jam ais cessé clans ces parties du m onde
d e s’ e m p lo y e r à faire des p r o s é ly te s ; en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , parm i ces s e c te s , des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sail q ue p arm i les G r e c s
qui v iv en t sous l ’ e m p ire T u r c , plusieurs ont em b ra ssé la foi et la discipline
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u ve rn és par des prêtres et é v ê q u e s de leur
n a t i o n , mais confirm és par le pape. Il y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la v u e de faire des conversions parm i les G r e c s , et d ’ajo uter de n o u
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O n y é lè v e u n certain n om bre d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e de l ’E g l i s e , par M o s l i e i m , to m e
5 , page
27 2 .)
R i e n ne caractérise plus la religion des G recs q u e leur aversion in v in c ib le
pour l’ église de R o m e , qui a fait éc h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
ta tives d u s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m issio n n a ire s, pour les r é u n ir
a u x L atin s. Il est vrai q ue les docteurs rom ains ont fon d é quelquas églises
dans l’ A r c h i p e l : mais ces églises sont p au vres et peu c o n s id é ra b le s; et les
G r e c s ou les T u r c s , leurs m aîtrès', ne v e u len t pas permettre aux m ission
naires de R o m e do s ’ étend re davantage, { l b i d . page 260.)
E t a t d e L 'E g lise G r e c q u e , p a r C ow cL , tom e 1 . '* , p a g e 112 5 .
L ettres E d ifia n te s , Lo m e 1 0 , p a g e 328.
uns
�s
( 4i )
uns savent écrire, suivant le te'moignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres latins, qui n’ont
qu’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G re c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peine connus pour
prêtres par les E gyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la-seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
.« a Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
. « ancien premier curé grec catholique romain au grand C aire,
« en Egypte, o u p rem ier v ica ire de so n é m in e n ce le p a tr ia r ch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant aucouventr de St.-Sauveur
* « Q u e v o y a it-o n dans cette terre natale des sciences et des arts? T o u t
c e qu’ on voit c h e z presque tous les peuples esclaves : un c le rg é superstitieux
et ig n o r a n t, etc. ( C o r a y . M é n j . sur L’ éta t d e la c iv ilis a tio n d es G recs). ,
,« Par-tout d o m in e en core un c lergé ignorant,
. L e cou ve n t de N e a m o n i
n ourrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou 5 disent la messe ; pas un seul ne sait
l ’ ancien g r e c , et une dou zaine au plus savent lire et écrire le grec moderne..»
A u c o u ve n t de M egaspision , leur ignorance surpasse e n c o r e , s’il est p o s s i b l e ,
c e lle des m oin es de N e a m o n i . J e doute q u ’il s’ en trouvât 4 ou
5
( s u r 3o o ) ,
sachant lire et écrire ». ( B a r t h o l d i , V o y a g e e n G r è c e , en i 8o 3 , t. 2 ) .
"** « L e c le rg é grec 11e cesse d’ exciter le p e u p le 1 à l à ' h a î n e des autres reli
g i o n s , et sur-tout de la catholique r o m a i n e . . i . . L a liaîne des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s leur sont bons pour
se nuire. M . de P a w est très-fondé à a v a n c e r q ue le pie in ier usage , q u e
le s G recs ne m anqueraient pas de faire de leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u e r r e d e r e l i g i o n ..........I l est in te rd it a u x IV o m a in s d e f aire d e s p r o s é l y t e s ”
parm i les G r e c s , au lieu q u e c e u x - c i pe u ve n t en faire p arm i les Llomaius»
( Ib id . tom. a. )
(>'
i
II
�( 4 0
a sur la montagne des D ruses, dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du Divan et de l ’institut d’Egypte , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im périale,
« à P a r i s , y demeurant, rue du Chantre, n.° 24 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cei*« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , io et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne,
« et pour faire .cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l ’exposé des faits suivans :
r
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
« réunies par la foi, et soumises à l’église de Rom e, dite église
« occidentale. Mais après le concile, les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
« Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d An« tioche, d’Alexandrie et de J é r u s a l e m se séparèrent du saint«c siège de Rome qui les considéra et les considère encore
« comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
«''d’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schismatiques.
« Depuis environ 120 ans, lin archevêque de D am as, grec
« schismatique, ramené à la foi par un Jésuite, renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
a mais ne pouvant pas rester a Damas, a cause des persécutions
« des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M o n t- L ib a n , avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Ils s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
& dans les villes d e T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�a
«
rc
et
( 43 )
nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
quatre sièges d ’ Orient, ou l ’un d’eu x, fussent revenus à la
fo i) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
et schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« ligues romains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v eu r, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de R o m e , ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y etre
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du g r a n d Caire,
« par son éminence le patriarche ¿ûgapius M atac, qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier c u r é , ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« A v a n t so n d é p a r t ,
¡1 r e ç u t
l ’o r d r e d u p a t r i a r c h e d e se c o n -
«t f o r m e r à l ’ u s a g e d es E u r o p é e n s , en ten a n t des re g is tr e s pour
te constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
« registres en E g y p te , pour constater l ’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de sim ples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fondions d e premier vicaire j u s q u ’à
« son départ de l ’Egypte pour là France, où il fut a p p e l é par
« le premier C onsu l, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission d e son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean N asseré;
a et celui-ci , depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Ila d a d , qui exerce encore aujourd'hui les fônôtions de pre« mier curé de l’E g y p te , ou premier vicaire de son éminence
12,
�( 44 )
a le patriarche grec catholique , re'sidant à la montagne des
« Druses; lequel Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus m e n t i o n n é s .
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état c iv il, au Caire, parles
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien distinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schématiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
«
«
«
«
«
« Qu’à l’égard des Grecs schématiques et de toutes les autres
sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont ja m a is tenu de registres de naissances , mariages et décès , en E gypte ; et que
la raison s’en tire naturellement de leur défaut d’instruction ,
qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
o Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison
.
• * ,C.I:
« Fait et passé à Paris, etc., etc.».
' 1-. |
r.
0
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en E gypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
f o r m a l i t é y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
V o ln e y , dans rouvrage^qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les étals de leur obéissance .
■.
. \W
T i ' - ' f SI
-iUV). J ’ . : ■
■«
* On jTuit .souvent des, questions sur la population du Caire» S i l ’ on v e u t
en croire lo douanier A n t o i n e
.ri
:,i
F a r a o u n , cité par le b aron d e T o t t , elle
.
7
�( 45 5
. A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, sielle se fut présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
X o y e z , eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de l’Archipel !
E h bien! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son ép o u x, changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’esf de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
ts3lfiUe,j étaient,,pouç çlle se^ p éiift^ et N
son avenir. ; ayait-ellp
donc des preuyps à chercher .pour.des êtres qu’elle ne connais
sait pas ?, :-.t! ?ij;, ;; |y
onû
. ■
>■
■■
!La dame Destaing a toujours été si rassurée sur,son état et
c e lu i.d e sa f i l i a l qu’elle n’avait pas même fait des démarches
le:i>9ptêmeJdqilsa!fille avait été
j^onstafe^, et i l y ayçit .d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
^!llî?P^Fnne devait avoir un clergé grec plus éqlairé que
'celui de l’Egyptç,
'
Mais ,les recherches de.ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
I■
,
/
■
*
'
”
a pproche d e 700,000 â m e s , y com pris B o u l â q , faubourg et port détaché
de la v ille : m ais tous les calculs de p o p u la tio n , en T u r q u i e , s ° nt arb i traites', p a rce q u ’ o n n ’ y tie n t p o in t d e registres d e n a is s a n c e s , d e
m orts o u d e m a riag es. L e s M u s u lm a n s ont m ô m e des préjugés supersti
tieux co n tre
les d é n o m b re m e n s. L e s seuls chrétiens pourraient ê l r e r e c e n s é s
au m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en EgyptQ et e n S y rie f
par
M . de V o l n e y , 4.» é d i t i o n , 1 8 0 7 , to m e i . ,r p>
2 o 3 »)
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t q u e les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
m a d a m e Destaing reçut l’acte qui suit : °
«
«
«
«
« Du douze novembre dix-huit cent s e p t, à A r g o s to li, île
de Céphalonie, sont comparus, par-devant nous notaire soussigné, le révérendissime papas, M. A n d réM azarachi d ’An~
zolo , desservant de l ’église solitaire de Saint-Constantin , qui
est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d'A d ilin a ta et à'A rg a ta , situés dans l ’île de Céphalonie, et
« M . Jea n L a vran ga, lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux , au mois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel p u r du mois, un enfant du sexe féminin,
« f il l e de madame A n n e N a z o et du gêrt érdl D estaing , laquelle’ ,
"« suivant la déclamation faite j1à lüi prêtre comprirent, par les bifs« nommés, étaitnéede légitime m ariage,eta été nommée M arié,
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
« Lavranga et le capitaine Sifli, Fanchiote/lequel ne se trouve
« pas présentement dans cetté île ; Te 'présent' sera
« ' serinent par les susdits prêtre et sienr L a vfa n gd ; ilsTdéciâl*èiît
« ien outre que, dans cette église, située dans ce liéu solitàîrfe’ ,
« on ne tient point de registres baptistaires ni rnorthairès^ÎJa
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; fer les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le.sacrement .s u s d itc e .q u ,j ls.ailirment .cotnme..téraoius.
« Signé A n d ré M azarachi, prêtre, j ’aflirme avec serment;
« Jean Lavranga, jaiïinne avec serment; Jean Chusi, témoin;
« Spire Cacuralo , témoin ; Jüimitri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri Caruso, notairé; et une légalisation en même langue,
. m-dont la traduction suit :
«
E
m p ir e
F
r a n ç a i s
.
— Son Excellence Sàvib A n n in o ,
�( 47 )
«
«
«
«
«
administrateur du gouvernement de Céphalonie, certifie que
le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
Donné en l’administration de Géplialonie, le dix-neuf novembre
mil huit cent sept. Signé Savio A n n in o , administrateur ; et
« Jean-Baptiste Tipaldo P retlen d a v i, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à ’ M. Marino M atu ra, principal député
des îles ioniennes, q u i , au grand étonnement de Madame
D e sta in g , lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rédiger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M . le maréchal M a rm o n t, qui le réclamait de la part de
M . /e général D elzo n s (em ployé en Dalmatie). •
L à famille D estaing, qui faisait rechercher ce fait aussi lo in ,
n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
ses prétentions.
.
E t p e u t - ê t r e l ’h o n n Ê le e c c lé s ia s tiq u e , i n f o r m é p a r ces re
c h e r c h e s des v ’e x a tio n s s u sc ité e s à u n e m a l h e u r e u s e é t r a n g è r e , se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de^son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la S;eine a ordonné, par jugement du 5 juillet
1809, que cet actejserait. transcrit dans les registres de l ’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même m a n i è r e que ceux
de ses frères d’armes. O r , les mariages des g é n é r a u x D e lzo n s,
L a n tin , Menou et Bonne-Carrère ont été r e ç u s par des com
missaires des guerres. Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a -t-e lle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accompagné des !fêtes d’usage», dans les rues du
C aire?
'
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles V a rs y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o se tte , ville presque européenne à cause de son com
merce. L a , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille'Varsy*
L e général Menou épousais urie musulmane : son mariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. Car tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seuls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité. 3 J-jriii' ,['! s
- i:jtî
Mais Anne N a zo , de religion grecque, mariée à 'un Européen,
de religion latine ou romaine, n’avait pas le droit d’emrendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses’', ni par
aucune inscription dans des registres, ni par urie promenade
dans les rues, sous un dais, comme les1Musulmahs. .
, poiir
C ’etait bien assez que sa famille eût vaincu à cef ^égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, a un càtho• -l
*
-
• .(.
'
« C ’est ordinairem ent le soir que la m a rch e c o m m e n c e : des baladins
la p r é c è d e n t; d e n o m b r e u x esclaves étalent a u x y e u x du peuple les e f fe ts ,
les b ijo u x destinés à l’ usage de la m ariée ; des troupes de danseurs s’ a vancen t
en c ad e n c e au son des instrum ens ; la jeu n e épouse paraît sous un dais
porté par quatre e s c l a v e s ; un v o ile la c o u v r e entièrem ent ; une lon gue
suite d e
flam b ea u x éclaire le cortège ; de tems en tems des chœ urs de
T u r c s chantent des couplets à la lou ange des n ou veaux ép ou x ». ( S a v a r i ,
tom e
3,
lettre 3 ) .
lique
�( 49 )
lique romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contrat. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de mentir, maintenant que le plus liquide de la
fortune Nazo est dans leurs mains. Mais les témoins ne donnent
pas d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que Joanni N azo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa 5 o,ooo écus.
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barthélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles m œ urs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation, et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus s a c r é qu’en
« L e s p a r e n s ( G r e c s ) n e fo n t a u c u n e d if f ic u lt é d ’a c c o r d e r l e u r fille a
« un T u r c , p o u r v u q« ’ il soit r i c h e et p u i s s a n t , ta n d is q u ’ ils r e f u s e n t o p i« n i a t r é m e i i t d e l ’ a c c o r d e r à u n c a t h o l i q u e . ( U a r t h o l d i j t o in e 2 . )
i3
�( 5o )
F ra n ce , tant qu’il dure; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
B a r t h é l é m y était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
'
C ’était pour eux un'acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le ve u t, et le gouvernement le tolère.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’ épouse de Barthé
lém y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l’épouse du général Destaing.
,
r
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de liii ôter le nom d’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’teñ'acer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux.) Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de m ariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’une est écrite du Caire; et le général parle d’un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qiCà la sienne **;
*
« L e clerg é ( g r e c ) ne cesse d’ exciter le peuple à la haîne des autres r e li
g i o n s , et sur-tout de la cath oliqu e r o m a i n e , en accordant très-libéralem ent
des absolutions à c e u x qui ont trom pé les m em b re s de celle r e l i g i o n , ou qui
proposent de le fa ire» ( B a r t h o l d y , t. a ) .
s e
** L e s héritiers D estain g avaient im p r im é p lu tô t au lieu de p l u s , parce
que cela c h a n g e a i t le sens. I l en résultait que le généra l avait v o u lu que
son père crût à' sci le ttr e , tandis qu’il a v o u e l u i- m ê m e q u ’ il n’a pas dit
Vrai.
s
�( 5i )
qu’il ne se serait pas marié sans l’en prévenir; mais qu’à la
vérité il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire*, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
-eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’arm ée, sur le mariage de son fils; lorsqu’encore le général
D e lzo n s, qu i y
a v a it a s s i s t é , v i n t l u i e n a p p r e n d r e les d é t a il s .
C ’ est d o n c p a r p u r e m é c h a n c e t é , et sans besoin , que les
héritiers D e s t a i n g , ont publié ces lettres. L ’honneur le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur defendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* « A tten d u que le titre d’ épouse et c elu i de m ère ont été reconnus par
la famille du généra l D e sta in g .................... Q u ’ un mois a p iès son a rr iv é e à
A u r i l l a c , D estain g p è r e , ne doutant pas du m a ria ge et de l’a vis et con
sentement de ses proches p a r e n s , s’est vendu tuteur.......................Q u e cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d ’autant plus c o n "
s id é r a b le s , qu’ on pourrait les regarder c o m m e l a suite d’ un e x a m e n appro
f o n d i , et de certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres de son
fils, t’ uue datée d’ E g y p t e , l’ autre écrite de Paris , lui d o n n a n t tout le sujet
d e douter île ce m a r ia g e , ou m ê m e de ne pas
y c r o i r e , il n’en avait pas
m oins consenti l’acte en question , et que ses proches parens y avaient aussi
concouru ». ( 2 . 0 m otif de l ’ arrét du 11 juin 1808).
�( 5a )
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’affectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame Delzons, à qui le général disait
ty&Anne Nazo était m ariée , mais q u 'il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
h a r m o n i e avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Que les E uropéens, dans l ’immoralité de leurs th éâ tre s,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage r é e l , et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la pro b ité, on ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissements. Mais qui oserait produire dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victim e d ’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’jnteiilion des héritiers D estaing, en laissant
croire que le général a voulu tromper la Famille Nazo par le si
mulacre d’un mariage nul à scs y e u x , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. En effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hûle de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au C aire, les
lettres desou ép o u x, sa conduite soutenue envers ello, le justifient
pleinement de l’inculpation dont 011 a voulu le flétrir. La légèreté
de sa nation, peut-être la craiulc d’être blûtué par son p ère, ont
pu lui dicter quelques mots équivoques; niais son cœ ur fut
* Code N ipoléjn, «tticlf* 201 cl 102.
�X ;53 ))
Innocent d’tmeitelle lâcheté; elle était indigne de luir,jet toutés
ses actions la démentent.^ ?.• uq ni • •):
:jr»
'•
Ceux-là seuls sont coupables , qui n ’ont pas rougi d ’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’ e n imprimant une tache sur sa mémoire.! ’
<7
Mais c’est i trop s’arrêtèrin des rëfu tâtions pénibles et inutiles.
Ce ne sont'point des cendres éteintes qu’il fautlinterroger pour
la reoherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus,être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
. Il est tems q u ’on'çesse de. disputer a 1111 e,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd'hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l ’a reçu en A friq u e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa p atrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
même la pensée de lui en donner un a u tre ; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignornient ; et c’est nprès une possession d\5tnf, ninsi
émanée d ’eux , qu'ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée. L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu ’à une autre
fa m ille ; mais le litre sacré d ’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice do sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans m u r m u r e aux lenteurs
de la ju stic e , sachant bien que l'intérêt privé pouvait ele\cr des
H
�( 5 4 )
doutes sur les formes de son mariage, mais que. la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’etre justes, la dame Destaing n’en-doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-licencié.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille, intimée ; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0609
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53869/BCU_Factums_M0609.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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M
E
M
O
I
R
E
COUR
D ’APPEL
EN
R É P O N S E ,
POUR
L A F O N T , et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesB ains, intimés ;
C a t h e r in e
t
-CONTRE
G ilbe r t L A F O N T , J ea
,
n-B a ptiste B O U R -
N E T y J e a n F O R I C H O N , M A r i e et autre
M a r i e L A F O N T \ leursfemmes ¡habitant aussi
à N é r is , appelans.
C e n’étoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
D E R I 0 M.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né m ort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa part, au contraire, l’intimée a établi clairement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et q u i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�( 3 )
faits insigniiians, à présumer que l’enfant pouvoit être
venu au monde sans vie.
* .
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa,le 1 4 brumaire an 10, GilbertM arie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi ; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�(4)
Ses couches furent extrêm em ent, laborieuses ; ’ mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la même fatigue qui accabloit la mère dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfaus sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode ordinaire. L e cordon ombilical coupé, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u -d e -v ie , et on ne l’employa
pas moins au même usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivât que long-tem ps
après l’accouchement, il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�( 5)
A p rès le b ap têm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, uvani de p a rtir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la m airie, et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’autre, 1g
21 frimaire an i i .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
m ari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-m êm e étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour pei’sonne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre i la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se lit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-frères Bournet et Forichon, dans la vue d’embar
�( 6 )
rasser Catherine L afon t, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert L afon t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
L e premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V oilà un erifant m ort;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 11 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e premier témoin est le cu ré-ad joint, qui a admi
�( 7)
nistré le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
I<e second témoin , François C o rre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
L e troisième, M arie L a fo n t, fem m e P ig n o t, la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fit signe qu’il étoit m ort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses g en o u x, et" ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. L e curé v in t , le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle - même à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la ti’anquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième tém oin, M arie JBournet, ne sait rien
par elle-même ; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém o in , Marguerite L a fo n t , veuve
�( 8)
Bonnefui^ '9. vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
r e m a r q u é qu’il a fait un léger so u p ir, ce qu'elle a re
gardé comme un signe de vie j elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
L e premier témoin est la sage-fem m e; elle sentit les
wiouvcmens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
■pulsations du cœ ur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u - d e - v ie , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il fit un soupir. A lors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
(quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
le curé est venu et l’a baptisé.
L e second témoin, François D u rin , a soupe avec le
curé le soir des couches. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�( 9 )
avoir touclié son estomac, senti de la chaleur, cru re
marquer de la viey et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est Marie Bournet , déjà entendue.
L e quatrième témoin, la femme Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du vin lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ ur , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l'enfant soupiroit ,• mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guiïlernin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches, Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiCil n'aurait pas
f a i t , s'il 11 eût cru s être assuré de son existence, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde vivant , et qu’elle l’avoit ainsi déclaré ù son
confesseur.
L e sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur h. l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fiit vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot ( celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il éloit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras ¿1 la tête , et avoit remarqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
à l’enquête directe, et même les enquêtes entr’elles. 11
B
�C 10 )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision ù deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
« foi jusqu’à inscription de fau x; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi« heure après sa naissance ; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour dé« truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie ; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme oflicier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lu i-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi
« aux excrémens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même* sage-
�( 11 )
« femme lui a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
« lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
« faire ; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
« de la mère, il ne lui a remarque aucun signe de vie,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lui ait mis les doigts dans la bouche, et y. ait soufflé;
« que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-meme si
« l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a enti tendu dire dans la maison qu’il étoit encoi'e vivant;
« que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de vie ;
« Que de ces cinq tém oins, le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o rt, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accou« cheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
« a proposé au témoin d’y porter la m ain, ce qu’il n’a
« voulu faire,>disarit qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
te chaleur à l’enfant-, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que Fenfant étoit né vivant; que cette même
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en témoignage pal* Catherine Lafont; que le quatrième
« témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
«' de l’enfant, qu’il avoit encore de la v ie ; que le cin« quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
«• signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
« résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
« qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
« Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�( 12 )
« de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé ; qu’on en est
« d’autant pins convaincu quand on considère que le
« quatrième témoin oui à la requête de Catherine Lafont,
« Ti qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
« soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage« femme, lui a Vu battre le cœ ur, lui a distingué des
« mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il sou
te piroit; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
« étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
« n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
« ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-5
« constances, jointes aux actes de l’état civ il, aux décla« rations des témoins, doivent suffire pour constater la
' v. vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
« de manière que Catherine L afon t, qui a été m ère,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à M ontluçon, le 14
« nivôse an 13 , etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert Lafont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an i i , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt; mais ils avoient gardé le silence en
�( i3 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
L afon t, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 13 ", les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13 , parce que ce
jugement et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Foriclion n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance ; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l'appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i°. que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�C *4 )
remarques par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce so n t ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais-
' sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les.
actes de l’état civil;, les ordonnances nous l’enseignent r
et la raison nous: dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
- C a r, comme le dit M . Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entièi-e, comme dépositaires.de l’état
des hommes.
- Il ne'faut pas etre plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou.
l’accoucheur, si le père est mort ou'absent;;car l’accou
cheur a lui-même- un caractère publie, e t seul il fait foi.
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3 , art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la' déclaration.
::-Enfin il faut que l’enfant soit porté à l’ofiicier public,
ou qu’il vienne.'s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sepr ;
�( 15>
tembre, tit. 3 , art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’au acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on peiïse l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de form e, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte publie ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,;
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen-des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luiinêtne.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personues s’écrièrent :
V oilà un enfant m ort;
�( i6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l ’e a u - d e - v i e , elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pale,
et avoit les yeux fermés ;
30. Que François Gorre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
40. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens :
mais Marie Bournet ne le pou firme pas,
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle se contredit elle-même
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit m ort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
viv a n t, parce quV/<? ne s’y comtois soit pus ; cependant
c]le avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitempilt ayec la dé
position
�(t7 )
position du témoin F oriclion, qui a ouï dire h. plusieurs
femmes que cette-même Pignot leur avait attesté quô
l’enfant étoit vivan t, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V oilà
un enfant m ort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
P ign o t, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait iso lé, faux et inutile. Mais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux fei'més.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
tém oin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit pas admis
à se rétracter.
L e quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par là
P ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même.quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i 8)
Corre dit que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquième fait est démontré faux par tous les té
m oins; car bien loin que le sieur R eynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir , il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’eniant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A insi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême ; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�( x9 )
L e curé auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que dim inuer,
cependant à son ai-rivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût m ort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivan t, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoît, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistce dicimt sufficere quod aliquod membrum baptizetur ut sit ijifans christianus.
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A in si,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guiltemin, à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
,
soit existence.
Si à cela on ajoute les dépositions de la sage-femme,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o rre , il n’y aura
plus à douter; car les mouvemens de l’enfant dans la main
C 2
�C(2o y
de la sage-fem m e, les battemejis du cœ u r, les soupirs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivapt. Les apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
Tjôs signes de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t-ils
sujjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et r é p u t é vivant toutes les lois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’interôt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v i e , licet i l l i c o decesserit. L . 2 , cod.
D e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoicnt pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit anuullé par la naissance d’un posthume. Les
�( 21 )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que Teniant, pour être réputéijvoir vécu, eût crié, cia*
morern emiserit. Mais les sabiniens n’étoient pns de cet
avis, et répondoient que la foible;sse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament était rompu si l’enfant étoil
né v iv a n t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existimabant si vivus iiatus esset
vocem n o n e m is it
e t
si
rumpi testamentum : eoruni etiain
nos laudamus sententiam , et s a n c i m u s s i perfectè liatus e st , licet
illic o
postquam, in terrain cecidit vel
decessit-, ruiiipi testamentum. L o i Quod dià , code D e posth. lib.
in
m in ib u s
o b ste tr ic is
Cette supposition d’une mort aussi.prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la,lpijjn’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque'le $pn
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
Si non integrum animal editurn sit, cum
s p ir itu .
tamen , adeo testamentum rumpit, L. 12 ; if. D e liber¿s
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant j
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L iv re i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D om at, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est q u e s tio n de sa v o ir s’il a succédé et transmis la succes
sion.' Dans la première espèce, c’ëst-à-dire, cum agitur
de statu et f i t quœstio statûs, M . Domat pense que l’en
fant^ avant sept mois, n’est pasJréputé avoir vécu : mais
quand il'ne s’dgit que de transmettre la succession à ses
héritiers, >Jcùm l agi fur'de transmissione hcercàitatis, les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suflit qu’il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des en fans de
quatre et cinq-mois,-nés même par l’opération césarienne,
( L i v . 1, sect. 1,11°. 5 , p. 2 .) '•
■Remarquons qu’ici il s’agit d’un enfant venu à tonne;
après neuf m ois, et dès-lors légalement viable,•
�( 23 )
Henrys, cite encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Dom at; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regardé connue mort
pour avoir rejeté des excrém cns, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V oici littéralement
le fait rapporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne raan« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par
te devant le juge la sage-femme et un médecin. L e pré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrem ent,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.. .. La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du m édecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en oi’donner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au par
oi lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m o t, que sur le doute, et dans les cir« constances duf a i t , il j'alloit plutôt juger que Venfant
« avoit eu v ie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1, li v. 6. )
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�Cm )
rapport de Bretonnier, dans son traité D e partie, ch. 16,
11°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu^
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières ^
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
' Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
L a chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué à
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
personnel. L e seul s o u p ir e n t e n d u éta n t un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans i n s p ir a t io n ,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de çontractililé et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme.
T o u t cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
L a base de ce système est une simple p o ssibilité : le fait
principal qui le motive rrest pas exact, et par conséquent
1A
C système s’évanouit tout entier,
Le
�(*5 )
L e tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition dévoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de v isu , ils ont dû remarquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e -v ie ,
entendit un gros soupir ,* puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l ’enfant soupiroit, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der
nier soupir.
A lo rs , et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère x*ende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après cette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse. Dans une tête
D
�'( **6 )
coupée, la vie surprise, pour ainsi dire, pendant Sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairement ;par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pds la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’ etéin t par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles-ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une Seule aspii’ation, toute co n tr a c tilité et
irritabilité semble une chose entièrement impossible.
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : m a i s , q u e lle q u ’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un coi’ps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
‘ Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
*
Voilà donc une'présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfànt vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant/ou est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
cjuaud‘ les as'àistans ne l’ont pu recorinoîlre ? Comment,
dans une matiè’re aussi conjecturale que les signes de la
�(
)
m ort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe-r^
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa,nais
sance, avant, ou pendant son baptêm e, ou in manibusx
obstetricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gai'dé ; puis le cu ré, mandé pour le
baptiser, est venu; ,et c’est après tojat cela qu’on a été
certain de sa mort.
: ?
>
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les s^nes de ia m ort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r,7 comme
le-» * dit M . W in slo w ,7 « si la chaleur du:)
'
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante >la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
« Il est-incontestable que le corps est quelquefois telle« meut privé de toute fonction vitale, et que le souille
cc de la vie y est tellement caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. » ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la m ort, page 84. )
.
E t c’est parce que les signes.de la mort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de l’enfant.
Si spiraverit, dit Zaclïias, si membra distenderit, si
se moverit, si sternutaverit, si urinam reddat. ( Quest.
njédico-lég. liv. I er. tit. 5 , n°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�( »8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l ’enfant seroit mort dans le ventre de sa m ère, et celui
; i
-»
7
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mèi’e ne laisse
pas de doute; aurdeuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. ( Médecine
civile, tom. i , n°. 288.)
M ahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilite. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
'« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2 ,
pag. 393- )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne l’étoit-il pas quand son coeur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les raisonnemens de l ’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
m ort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
.
..
Eh! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme Tins-
�( 29 )
tant fixe de la mort celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance. , ■
O n sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mêmes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent, étoit cependant m o rt,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
I<es couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
• ••.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme ; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l ’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc ne pas croire que ces opérations ont
�. . .
( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente, plutôt que '
d’assigner une époque antérieure, sans aucune cèrtitude,
mais par s im p le soupçon.
Ici au moins nous présentons un système qui a une
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
« de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne faut
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
( Hippocr, de superf, ch. 5. )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an
cienne théorie; Alphonse L ero i, qui les l’appelle, ajoute ;
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
« nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( A lp h, L e r o i,
pratique des accouchernens. )
lia section du cordon ombilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib lè; des frictions d’eau-d e-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que ses
soupirs ont annoncé le dernier effort de la nature ; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœ ur, il
a résulté de cette suspension même que c’est alors seu-r
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce‘ n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans lo
doute même,’ la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. Là
il s’agissoit de rompre un testament, et c’étoit en pure perte
�( 3* )
Jpotir le posthume , s’il m ouroit illic o , in m anibus obstetricis,* ic i, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a Suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un eufant
'q u i , venu à term e, étoit légalem ent viable. , , -
O n a articulé contre l’acte de naissance des vices de
form e, mais ils sont imaginaires, et n’emporteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent seroit de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
; la loi dit seulement qu’il sera présenté à l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
, >
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment a n té rieu r ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem, suivant le
langage de la loi. On a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la, nature et dans la m orale, comme il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
de D om at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f o r tunam , ut in dubio matri faveam us ,
quœ in luctu est magno , propter amissum f îlium et
maritum , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg. 2.6, D e pact.
dot. )
'• A quels titres en effet seroient plus recommandables
tdes collatéraux, qui ne voyant dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p ro ie , e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur fam ille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre p u b lic, par le motif
unique de leur intérêt. particulier.
Me D E L A P C H IE R ,
avocat.
Me . T A R D I F , licencié-avoué.
A RIOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel, — Nivôse an 14
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0722
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0723
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
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Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
-
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a1b73328e978fb65c07b5c1a73e7e222
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A N O S S E IG N E U R S ,
N O S S E I G N E U R S
DU CONSEIL SUPERIEUR
DE
CLERMONT.
U P P L I E humblement Benoît Faidides ,
Curé de la Paroiffe de Thiolliere , Intimé.
C O N T R E demoifelle Suzanne Gourbeyre,
veuve de Pierre Fouilhoux, & Claude Fouilhoux ,
’M ineur, émancipé, autorifé par fieur François
L a v a l, ion Curateur, Appellants.
E F encore contre Damien Bofrie, Antoine
Moilier , Jean Mathias , François Gamonnet
1aîné , Pierre C o la y , Pierre Gouverneyre, Louis
Convers aîne, Antoine Chevalier, Claude Bofrie-,
Guillaume Sauvageot, Louis Convers le jeune,
Antoine Malhaire , Claude Convers , Silvelire
Malhaire, Jacques Bonnefoy , Jean M alhaire,
S
À
�ï Michel-Mane Bonnefoy , Antoine Degeorge ;
Pierre G o u v é r n a ir e , François Favier , Etienne
Solviche , Antoine Serendas , Michel Duifol &C
Annet Defcote, tous habitants de la ParoiiTe de
Thiolliere ; M rs. Antoine Celeyron de la Greleyre
Négociant , Ainable Micolon Notaire royal
Claude Chantemerle Changeur pour le R o i ,
& Jean-Jofeph Boucheron Négociant, habitants
de la Ville d’Ambert 7 & poiTefleurs de fonds ôc
héritages iitués dans la d ite ParoiiTe de Thiollieres ,
Intervenants &c Demandeurs.
D i s a n t qu’il y a dans la Jurifprudence, comme
dans tous les Arts , des principes qu’il n’eft pas
permis de mettre en queftion fans compromettre
la vente 6c la Juftice. Cette proportion a lieu ,
principalement en Jurifprudence , où les tentati
ves qui feroient renouvellées, contre des principes
appuyés fur l’autorité des jugements, dérangeraient
le droit des Citoyens, & réduiraient ^leur fort a
une incertitude & k un deiordre perpétuels.
Un de nos principes , le plus reconnu pour tel
en mariere de d îm e s e ft qu un abonnement fur
les dîmes ne fe préfume point, parce que c’eft une
aliénation iujcttc a des formalités, ians leiquelles
elle n e peut fubfiftcr: ainfi, lorfqu’on ne repréfente
point un titre canonique de l?abonnement, la juftice ne peut ni le préfumer , ni Tautorifer.
Un iccond principe, également reconnu pour
tel, eft qu’un a b o n n e m e n t, quelque général qu’il foit,
jie frappe point {iir les dîmes noyales?-iur les de-
�frichements a venir, s’ils n’y font exprefïement ty™
ôc nommément compris.
Un troifieme principe enfin, de la même eipec e , eit que les Novales font affe&ées d’une ma
niéré particulière aux Curés, de façon qu’elles leur''
appartiennent, quoique les groiî’es dîmes ioient
poifédées par d’autres ; ce qui fait que la Cour n’a
jamais écouté favorablement la prétention de cer
tains Ordres, qui prétendent avoir obtenu des Pa
pes le privilege contre les Curés, de percevoir les
N ovales, à la proportion de la part qu’ils poiTédent dans les groilès dîmes , fuivant des Bulles
qui n’ont point été enrégiftrées , &: qui n’ont pu
17 a
'
■f
etre.
Vouloir renverfer ces principes, confacrés par
les Arrêts de la Cour &. par la do&rine de tous
nos Auteurs, c’eft attaquer ce qu’il y a de plus
certain dans la Jurifprudence, & de plus pur dans
l’économie des dîmes.
•
Cette vérité a été prouvée par le Mémoire im
primé que le fieur Faidides a fait fignifier au mois
de Juin dernier ; & les Parties adverfes ne doivent
pas ic flatter que la Cour ait entendu préjuger rien
de contraire, lorfque, par ion Arrêt du 3 Juin ,
elle a ordonné , avant faire droit , que le fieur
Faidides, Curé a&uel de la Paroiilede Thiollieres,
feroit preuve , tant par titres que par témoins ,
cjue lu i, ou [es PrédéceJJeurs Curés ont perçu
la dune novale fur les terres nouvellement défri
chées dans ladite ParoiJJe de ThioUieres, & quils
�ajM ont également perçus , par eux ou leurs Prépofés,
/ la dîme à la on^ieme gerbe fu r des terres d'ancienne
culture.
,
„ S ’il étoit permis de fuppofer que la Cour eût
voulu..faire dépendre les queftions de droit du
point de fa it, on fe trouveroit exa&ement dans le
cas prévu par Urevin , fur l’art. 54. de l’Qrdonnance de Moulins ; cet Auteur demande fi le Juge ,
ayant appointé les Parties.à faire preuve par té
moins , pourra révoquer cette Sentence par celle
qu’il rendra définitivement: l’Auteurfe détermine
pour l’affirmative, il confirme fa décifion par une
multitude de textes,'par le iuffrage de Cujas &c
de plufieurs D oreurs: D anty, dans ion traité de
la Preuve, adopte la décifion , & dit qu’on peut
omettre les autorités citées, parce que la queftion
ne fait plus de difficulté dans l’ufage ; auiïi tienton pour conftant qu’un jugement interlocutoire ne
décide point la queition : les Jurifconfultes & les
Praticiens donnent pour principe que le Juge peut
s’écarter de l’interlocutoire & l’abandonner ; d’oii
il réfulte , par une coniequence néceilaire, que
l’interlocutoire ne forme aucun obftacle à la difcuilion des moyens de droit.
Mais ce icroit Elire injure h la Cour de mettre
fon Arrêt en oppofition avec ces principes ; in~
violablement attachée aux plus faines maximes,
clic? les maintient dans toute leur vigueur; ôc quand,
par un effet de cette prudence & de cette fageffè
qui lui font fi cilcntiellcment propres , elle a chargé k
�le fieur Faidides de prouver la poiïèiîion où il eft
de percevoir en.nature les dîmes novalcs.ôc une
partie des dîmes anciennes de fa Paroiilè , elle
n a eu d’objet que d’inflruire plus particulièrement
fa religion. Il étoit jufte d’éclaircir le fait ; la poffeifion, fe réunifiant aux principes & au droit
„commun, portoit le droit du fieur Faidides au
plus haut degré d’évidence. Il étoit encore jufte
d’éclaircir le fait : le fieur Faidides avoit argumente
de cette poilèifion ; les Parties adveries de leur
côté n’avoient cefie de crier à Yirnpofture ; dans
Un Mémoire fignifié, en réponfe à celui du fieur
Faidides, ils avoient ofé mettre au défit de prou
ver que les Curés de Thiollieres euiïènt dans au
cuns temps perçus à la gerbe ni dîmes ancien
nes , ni dîmes novalcs , & il falloit bien aller à la
découverte du vrai. L ’oracle a donc parlé par
1Arrêt de la Cour ; mais ce qui doit humilier les
A dver foires , il n’a parlé que pour les confondre.
Le fieur Faidides a en effet aujourd’hui l’avan
tage d’avoir rapporté une preuve la plus concluan
te, <Sc d’ avoir delà convaincu fes Âdvcriaires de
înenfonges & de mauvaiiè foi.
L ’on fera fans doute étonné qu’il ait pu rem
plir ce double objet , loriqu’on verra qu’il a été
forcé d’appeller en témoignage iès propres Par
les , des Habitants de fa Paroiilè qui ont le plus
grand intérêt a la perte de ia caufe ; plufieurs même de ceux qui font dans les qualités du procès,
P°ur s oppoicr ouvertement à fa prétention : mais
�/?
6
refpeûons les droits d elà vérité, il lui appartient
de faire une falutaire violence : ces Témoins,
ces Parties intéreflees , quoiqu’ils fe foient étudiés
a concilier leurs dépofitions avec leurs intérêts ,
en ont cependant dit beaucoup plus qu’il n’en faut
pour former un corps de preuves qui ne lailTe rien
à defirer.
On voudroit bien-fe difpenfer de faire l’analyfe
de l’enquête ; cela préfente un détail trop étendu :
il n’y a j 'a la vérité, qu’un feul fait général à
prouver , c’eft que les Coures de Thiollieres iont
en poiTeiTiorî de percevoir a raifon de la onzième
gerbe la dîme novale , ÔC une partie de la dîme
ancienne, .dans l’étendue de leur ParoiiTe ; mais
ce fait général fe divife néceifairement en une
multitude de faits particuliers : tel des Témoins
qui fait comment la dîme a été perçue dans tel
canton, d a n s tel tenement, dans tel héritage, n’eft
pas inftruit de ce qui s’efl: paiTé dans les autres
cantons, dans les autres tenements, dans les au
tres héritages de la Paroi île : chaque dépofition a Ion
objet particulier, & c’eft par la réunion des preu
ves des faits particuliers qu’eft établi le fait géné
ral : ainfi, on le répété , l'e détail dans lequel il
faut entrer cft de difcuffion, mais cela eft indiipenlable : entrons en matière.
Déjà l’on trouve dans les dépofitions des onze,
douze, treize , vingt-iix & vint-îeptieme Témoins
une preuve complette du fait général.
M . Guillaume Duranton , onzième Tém oin,
�\
7
dépofe qu’il eft de fa connoifîànce qu’outre la prétendue dîme abonnée , le fieur M ercier, Prédéceiièur du fieur Faidides , percevoit une dîme novale, à la onzieme gerbe , fur différents héritages
de fa Paroiilè.
Louife Mercier , douzième témoin, s’explique
d’une maniéré plus étendue ; elle dépofe indilHnctement que le fieur Mercier percevoit la dîme novale a raifon de la onzieme gerbe fur les hérita
ges de nouvelle culture.
Antoinette de Sudre, treizieme témoin, enché
rit , elle attefte qu’outre la dîme prétendue abon
née , le iieur Mercier étoit en poilèfïion de perce
voir la dîme a la onzieme gerbe dans plufieurs te
nements , foit que les terres fuilènt de nouvelle ou
d ancienne culture.
L ’on remarque que ces deux dernieres de'pofitons méritent d’autant plus de confidération, que
les deux témoins affirment qu’elles faifoient ellesmêmes la perception en qualité de prépofées du
fieur Mercier.
Pierre Gouvcrnaire & Pierre Collay, vingt-fixienie & vingt-fèptieme témoins , font dans le même
cas: leurs témoignages ne feront pas fufpe&s, ce (ont
deux des intervenants, l’on peut donc s’en rapporter a
eux ; or que diient—
ils ? Le premier dépofe que pen
dant deux années, du vivant du fieur Mercier &:
durant autres deux années après fon décès, il aperçu
dans un temps , pour le compte du fieur M ercier,
& dans l’autre pour le compte du fieur Faidides la
�dîme a la onzieme gerbe fur plufieurs terres appar
tenants a des Forains dans la Paroifîe de Thiollieres ; &: il ajoute, ce qui eft remarquable, que ces
terres étoient en partie de nouvelle &c en partie
d’ancienne culture.
; Pierre Collay ne s’explique pas moins énergi
quement: pendant trois ou quatre ans il perçut luimême , par l ’ordre du fieur Mercier la dîme à la
onzieme gerbe fur différents héritages appartenants
a Damien Sauvageon, a Jofeph Degeorge & au
fieur Collangette, d’Ambert.
Il n’en faudroit pas davantage : la poifeifion des
Curés de Thiollicres de percevoir à la onzieme ger-bc la dînic fur tous les nouveaux défrichements
&c fur partie des terres anciennes dans l’étendue
de leur Paroiife, eft fuffifamment prouvée par les
cinq dépofitions dont on vient de rendre compte;
•mais cette preuve va fe perfectionner par l’examen
des dépofitions relatives a chaque territoire.
Louis Convers, ainé, premier témoin, eft enco
re un des intervenants, 6c en outre c’eft celui qui
fut afïigné à la requête du fieur M ercier, par l’ex
ploit du 0.6 Juillet 1 7 6 3 , produit en la Sénéchauffé e , & qui eft une des pieces de la cote D , de
la production du fieur Faidides : on preiïent aifément que ce n’eft pas un témoin favorable au Sup
pliant , & en effet il a fait tout ce qui a dépendu
de lu i, mais nonobftanî fa mauvaife volonté, il n’a
pu en tout trahir la vérité.
Il débute par annoncer qu’il a ouï dire que le Cu-
�ré de Thiollieres n’a droit de percevoir la dîme en y ?
nature, l'oit dans les terreins nouvellement défrichés,
foit dans ceux d’ancienne culture , & que fon droit
eft renfermé dans celui d’un abonnement, montant
annuellement à cinauante-deux fetiers feigle.
Un ouï-dire n’eft pas de grande valeur ; cet ouïdire eft d’ailleurs contradictoire avec le fait co n f
tant de perception ; on l’a vu, on le verra encore‘
plus dans la fuite • niais le témoin le détruit luimême.
Il
apprend en effet qu’ayant fait défricher, il y
a environ fept ans, deux coupées de terrein dans le
tellement de l’Enclavas, & une cartonnée dans
celui de la Bareyre, le fieur Mercier perçut a la
°nzieme gerbe la dîme novale de ces deux défri
chements , q u i, depuis la mort du. fieur M ercier,
l ont également payée au fieur Faidides.
, Le témoin ajoute, il eft v ra i, qu’il.n’a payé, ioit
au défunt fieur Mercier , foit au fieur Faidides, que
comme contraint &c pour éviter un procès ; mais il
auroit raifonné plus jufte, s’il eut dit que ce fut.de
% part un traité fur l’ailignation que le fieur Mer
cier lui avoitfait donner en 17 6 7 d’ailleurs la pof
feilion n’acquiert que plus de force, delà qu’elle fe
fondent malgré la contradiction.
Le témoin paiîe enfume a,u tellement appellé l’Imberdis & le Faven ; mais ici il oublie absolument
Su ü eft intéreflé & partie au procès ; forcé de rendre
gommage a la vérité, il dépofe que le fieur F aidides
^ fe s prédéceiTeurs, Curés de Thiollieres, ont touB
�rc-f
10
jours perçu la dîme a la onzieme gerbe fur toutes
les terres , tant ancienne que de nouvelle culture,
qui compofent ce tenement : cela n’a pas befoin de
commentaire.
C e fait eft attefté par un nombre d’autres dépofitions : le fieur Duranton & Michel-Marie Bonnefoy, onzieme & trente-deuxieme témoins, en dépofent également ; ils affirment l’un & l’autre que
le défunt iieur Mercier a toujours perçu par lui-même
ou parfes domeitiques & prépofës une dîme à la on
zieme gerbe dans le tenement de l’Imberdis & le
Faveri^
qu’il l’a perçue dans toutes les terres de'
c e tenement d’ancienne comme de nouvelle culture.
' Louife Mercier & Antoinette Sudre, douzième
& treizieme témoins, difent exa&ement la même
chofe ; mais il y a cette circonftance de plus, qu’A n -,
toinette Sudre déclare que pendant vingt années'
confécutives elle a perçu elle-même, par l’ordre du
fieur M ercier, la dîme à_la gerbe dans le tenement
dont il s’agit.
Le fieur Duranton, onzieme témoin , rend cnGore compte d’un fait important ; c’eft que depuis
vingt ans il s’cft trouvé pluiieurs fois préfent, lors
que différents particuliers vcnoient rendre compte
au défunt fieur Mercier de la dîme qu’ils avoient
perçue a la gerbe pour lui dans ce tenement de
l’Imberdis.
En voilà trop ; mais on ne doit pas omettre les
dépolirions de Mathieu Imbcrdis, d’Etiennc Imberdis, d’Antoine Malhayre &: d ’Antoine Degeor-
�11
g e , dix-fept, dix-neuf, vingt-neuf & trente-unieme
témoins ; elles font encore précités pour letenement
dont on parle.
j
- -.r
Mathieu Imberdis dépofe que le nommé Annet
Bofrie poiîede dans le tenement du Faven une
terre d’une cartonnée Ôc demie, défrichée depuis
moins de trente ans, & qu’il eit de fa connoiifance
que depuis le^ défrichement les Curés de Thiollieres y ont toujours perçu la dîme novale a la onzième
gerbe.
•
Etienne Imberdis. dit qu’il cultive une terre
'-d’ancienne culture, appartenant au fieur Buy? dans le
tenement, & qu’il elt de fa connoiifance que les
Curés de Thiollieres y ont toujours perçu la dîme
a la gerbe.
Enfin Antoine Malhayre & Antoine Degeor-ge, vingt-neuf & trente-unieme témoins, qui font
encore deux des intervenants, fe réunifient aux
un , onze , douze , treize <Sç trente-deuxieme, pour
atteiler que pendant tout le temps de leur connoifiànce ils ont vu le défunt fieur Mercier percevoir
la dîme a raifon de la onzicme gerbe fur toutes les
terres anciennes & nouvelles du tenement de l’Im*
berdis ; ôc ils ajoutent que le fieur Faidides l’a éga
lement perçue depuis le décès du fieur Mercier.
Un quatrième tenement de la Paroifîe de Thiollieres s’appelle la Veyfleyre. Les un , onze , vingt: neuf ôt trente-unieme témoins en parlent, & iis
établiffent bien la poffeffion des Curés de Thiolüercs : ils n’ont: qu’une même v o ix ; ils dépofent
B i
‘
�Ta
^°tou s que le fienr Faidides & fes prédéceilèurs ont
toujours perçu la dîme à la onzieme gerbe fur tou
tes les terres, tant anciennes que nouvelles dont le
'tenemént effc compoie : rien n’eft plus clair.
Un cinquième tenement de la ParoiiTe s’appelle
’Loubiens : ici les preuves abondent ; l’on peut conTulter les dépoiitions des premiers, huit, neuf,
d ix , onze , douze, vingt-neuf, trente-iin 6c trentedeuxieme: témoins.
" . I . - ;
->
Louis Convers, premier témoin , tout intéref*
fé qu’il eft, dépofe que le fieur Faidides &c fes prédéceiîèurs ont toujours perçu la dîme à la gerbe
fur" toutes les terres de ce tenement.
A u fur.plus cé témoin ' fait une obfervâtion fînguliere ; il dit que fi les Curés de Thiollieres ont tou^
jours perçu la'dîme à la onzieme gerbe, tant dans
Jle tenementrde Loubien cjues dans ceux de lTmber'dis & de la Veyiîcyrc ,• c eft parce que ces trois tenements ne font point iitués dans la Paroiilè de
Thiollieres , & ne font pas par conféqucnt compris
dàhs l’abonnement général.'
La tournure cil admirable : les autres témoins,
‘ dont la plupart font auiTi intéfeilés que Louis Con
vers , ne, raifonnent pas de même ; ils conviennent
tous qup ces trois tenements font dans la ParoiiTe de
* Thiollieres; -mais quoi! lès (Curés de Thiollieresfontils donc cil le droit de dîme (dans les Parpiiîes voifînes ? L ’obfervation du- téiiiôin '116 méritoit pas
d’être relevée.
Revenons au tenement de Lpubicn : Me. Guil-
�laume Duranton, Louife M ercier, Antoine Malhaire , Antoine Degeorge, Michel-Marie Bonnefoy, onze , douze, vingt-neuf, trente-un ôctrendeuxieme témoins, ie réunifient à Louis Convers
pouratteller q u ils ont vu , quilsfavent, q u ilc jld e
leur connoijjance que le défunt iieur Mercier , &
après lui le fieur Faidides, y ont toujours perçu la
dîme en eipeces a raifon delà onzieme gerbe, &
fur toutes les terres indilHn&ement d’ancienne com
me de nouvelle culture.
Damien Sauvageon, huitième témoin, dépofe
• qu’il poiïéde lui-même dans \ctenementDoubiens,
en la Paroijfe de Thiolhercs, quatre parcelles d’hé
ritages , dont une, de deux cartonnées, eit d’ancien
ne culture , & les autres ont été défrichées, une
partie depuis vingt-neuf ans , & l’autre partie de
puis huit ans. le témoin ajoute, que pour raifon de
ces héritages il n’eil dû aucune dîme abonnée, &
qu’en coniequence le fieur Faidides ôc fes prédéceiïèurs ont toujours perçu la dîme en efpece &
à la onzieme gerbe dans ces quatre parcelles d’hé- ritages toutes les fois qu’ils ont produits des fruits
ciécimables.
Pierre Collay, dixième témoin, dépofe du même
fait, & il ajoute ce qui elt confirmé par Damien
Sauvageon ck Jofeph Degeorge, huitième & neu
vième, qu’il lui appartient iix cartonnées de terrein
fituées dans la Paroiiïe de Thiôllieres, <$C ail mê, me tenement, dont quatre cartonnées lont en terre
labourable depuis 27 ou 28 ans, ôt que pendant
�*/&ítout ce remps le fieur Faidides , &Z avant lui le
fieur Mercier y ont toujours perçu la dîme à la
gerbe chaque fois que l’héritage a éré en valeur.
Le nommé Antoine Degeorge poiïéde dans le
même tellement une terre de fept cartonnées,
dont partie eft d’ancienne culture, & l’autre par
tie a été défrichée depuis moins de trente ans :
Damien Sauvageon, Jofeph Degeorge & le fieur
-Duranton, huitième, neuvieme & onzième té
moins , rendent compte de ces faits, & ils dépo«
fent en même temps que cette terre a toujours payé
la dîme a la onzième gerbe aux Curés de Thiol*
lieres.
Il
en eft de même de plufieurs terres anciennes
que le nommé Damien Sauvageon, de Grandfaigne,
poiTéde dans le même tellement : Jofeph Degeor
ge & Pierre Collay, neuvieme & dixième témoins,
dépofent que depuis vingt-quatre ans ils ont vu le
Curé de Thiollieres ou íes Prépofés percevoir la
dîme a la onzième gerbe dans ces différentes terres
toutes les fois qu’elles ont été en valeur.
Enfin Jofeph Degeorge, neuvieme témoin, dépofe que le fieur M adur, d’Ambert, poiïéde dans
le même tenement une terre labourable ; il ajoute
qu’il y a neuf ans qu’il cultive cette terre en qua
lité de Métayer du domaine du L a c , & que de
puis ce temps il a toujours payé, foit au défunt
fieur M ercier, ioit au fieur Faidides , la dîme a
la onzième gerbe des fruits qui y ont été recueillis.
Un lixicme tenement de la Paroiilc de Thiol/
�I 1)
licres s’appelle du Puy : les deuxieme , troifieme 6c
onzieme témoins confirment ce fait certain que
les Curés de Thiollieres y font en poiîeflion d’y
percevoir la novale, lorfqu’il y a été fait quelques
défrichements.
Jean 6c Claude Veyffon, fécond & troifieme
témoins, font depuis longues années métayers du
domaine du P u y , 6c ils dépofent de plufieurs faits
de poiîeffion.
Ils difent en premier lieu qu’il y a entour dix
ans qu’il fut défriché dans le bois appellé bois R o dey , dépendant dudit domaine, onze cartonnées
de terrein , 6c que la premiere année du défriche
ment ayant, en leur qualité de metayer, fermé la
récolte fans en payer la dîme novale, le défunt
fieur Mercier , C uré, vint la percevoir 6c la pren
dre dans la grange : les témoins ajoutent que le dé
frichement n’a plus porté depuis de fruits décimables.
Ils ajoutent en fécond lieu qu’il y a cinq ans
qu’ils défrichèrent quatre cartonnées d’un pâcher
appellé le fuc du Puy , près du chemin qui conduit
au Village du Fraiile, 6c que le fieur Faidides
en perçut la dîme novale a la onzieme gerbe.
Ils dépoient en troifieme lieu qu’en 1772, ils
défrichèrent également neuf coupées d’un pâcher
appellé la Com bas, 6c qu’ils en payèrent de même
la dîme novale a la gerbe au fieur Faidides.
Ils dépofent enfin qu’ayant défriché, il y a trois
ans, deux coupées d’un pâcher appellé la C o flc ,
�‘dépendant du même domaine du P u y , le fieur
Faidides en perçut auilila dîme à la même quotité.
Le fieur Duranton , onzieme témoin, confir
me la poileiïion des Curés de Thiollieres far le
tenement du Puy : il attelle que le défunt fieur
Mercier percevoit a la gerbe lùr trois ou,quatre
cartonnées de terre fituée au deflous du bois R o
des , 6c que le témoin indique par tenants 6c aboutiilànts.
Un feptieme tenement de la ParoifTe de Thiol
lieres eft le Prat-Darey ; les dépofitions des fix ,
douze, treize , vingt-un 6c vingt-fixieme témoins
s’y appliquent, 6c elles font décifives.
Barthelemi Solviche , fixieme témoin, obièrve
d’abord qu’Etienne Solviche, fon pere, acquit, il y
a dix ans, un pré 6c terre dans la Paroiife de Thiol
lieres , terroir du Prat-Darey ; que lors de cette acquifitionil y avoitune coupée du pré déjà défrichée ;
que ce défrichement fut dans la fuite augmenté, 6c
qu’il cil a&uellement de deux cartonnées : fur quoi
le témoin ajoute que durant la vie du fieur M er
cier il n\i été payé fur ce nouveau défrichement
ni dîme à la gerbe, ni dîme abonnée.
Mais i°. il n’en faut pas davantage pour prou
ver que la dîme novale étoit due : car perfonne
n’ignore qu’un héritage ne peut acquérir l’exemp
tion abiblue de la dîme, ioit ancienne, foit novale;
ainfi dire qu’un défrichement n’a jamais rien payé,
c’eft convenir qu’il doit la dîme.
2°. 11 peut bien être que ce défrichement eut
échappé
�*7
‘
'
■- '
échappé aux recherches du fieur M ercier, S l cela
eft d’autant plus poifible_ qu’il eft notoire fur les
lieux que le défunt fieur* Mercier étoit un de ces,
perfonnages dont on diipoië^a ia rV;olo;nté.
|
Mais le témoin &T Pierre Gouverriairé , qüi eft
le vingt-fixieme de l’enquête, apprennent bientôt
ce qu’il en eft:, ils dépofent l’u n ’^c fautre que le'
iieur Faidides, depuis qu’il eft pourvu de, la Cure,1
a perçu la dîme à raifon de la ‘onzieme gerbe Îur
le défrichement, chaque fois qu’il a produit1 des
fruits décimables : voila le droit & la poifeifion
établis.
' ; - v,
L ’on trouve une nouvelle preuve de ce droit &
de cette pofTeflion dansla dépofition de LouifèM er
cier , douzième témoin : elle déclare avoir connoif*
iance que le fieur Mercier percevoit la dîme novale à la onzieme gerbe dans tout le tenement ap^1
^ ellé.P ratD areÿ r . ^
Antoinette Sudre, treizième témoin, confirme;
cette vérité, loriqu’elle dit qu’elle poiféde elle-mê*ne une cartonnée de terrein de nouvelle culture
dans le tenement du Prat-Darey,i& que le fieur Fai
dides y a toujours perçü la novâle à la onzième
gerbe, attendu, dit le témoin, que cela ne fa it point
partie de /’abonnement.
Enfin ¡Silveftre M alhayre’, ' vingt-unieme ' té
m oin, dëpoiè qu’il y a huit ou' neuf ans qu’il, Vît
percevoir par le fieur Mercier. la dîme k la onziépiëi
gerbe fur une terre fituée ‘ dans le tenement dône
Ü s’agit de cinq cartonnées, appartenant ancien-
C
�6
l8 v
nement à Bartlielemi Bardy , & aujourd’hui à A n
toine & Louife Chevalier.
Un huitième tenement dé la ParoifTe de Thiol
lieres eft celui de Marliangues
il eft' prouvé que
les Curés de Thiollieres ont également toujours
été en poïfeiïion d’y percevoir la novale à la on
zième gerbe ; il n’y a qu’à confulter les iept, quator
ze, vingt-huit &: trente-fixieme déjpofitions.
,Jean Degeorge , feptieme témoin, qui éft mé
tayer. d’un petit domaine appartenant au- fieur
Monteillet, a Ambert, dans le tenement de Mar
liangues , dépofe qu’il défricha en 17 7 2 deux car
tonnées d’un pré appelle Pralong, & que lors des
moiiïons de 17.7 3 • il paya, , au fieur* Faidides la
dîme novale à la onzième gerbe.
Damien Flouvat, quatorzième témoin, a refté
métayer pendant, trente années coniecutives /dans
un autre domaine fitué dans le même tenement,,
appartenant au fieur Fayolle,de Saint-Amant;
il dépoiè que durant ce temps il défricha fuccbffivement douze cartonnées de terrein, dont il per
çut quatre ou cinq récoltés fans payer aucune dîme, à la gerbe1, ;^ a is ce qui eft remarquable, le
témoin ajoute que le fîeut défunt Mercier la dut
avoit demandée plujteurs fo is : & quiconque a
coijinu la bonté du fi.eyr Mercier ?(fait que c’étoit
beaucoup ^c]e'fa piirt qiio d’ofer demander ce qui
iù u to ii V
. Le Témoin fut plus docile dans line autre
çccafion j il apprend que dans le meme temps
�l9
il défricha un pâquier de douze cartonnées , qui
produifit trois récoltés , & qu’autant-qu’il ¡peut
‘ s en rappeller, il n’en paya qu’une feule année la
novale au iieur Mercier à la onzieme gerbe :* mais
cette feule année de perception fufïircit pour éta
blir la poiîeflion.
j Michel B o u rg, vingt-rhuitieme Tém oin., eft
encore un ancien métayer du domaine du.üeur
Fayolle ; il dépofe qu’il y a plus de a $ ans' qu’il
défricha , en une feule année , fept cartonnées
d’un bois, 6c que le, fieur Mercier en perçut là
novale à la onzieme. gerbe : le Témoin ajoute, que
'le fieur Mercier ne perçut plus-dans lai fuite la
dîme de ce défrichement, & la raifon peut ên
£tre que le défrichement ne produifoit plus de. fruits
décimables.
, .
Mais il n’y a qu’a écouter ce que dit.la propriér
taire elle-même : c’eit la demoifelle femme Fayolle , trente-fixieme témoin ; quoique la difïimulâtion
la pl us rufée regne dans fa dépofition., elle en dit
cependant allez pour prouver que les Gurés de
Thiollieres font en poiîeflion ; de percevoir la no-»
vale dans ion domaine. '
Elle dit d’abord fort modeftement que du vi
vant du iieur Mercier il fut fait dans ion domai
ne trois différents défrichements ; 6c que. pour
éviter une conteflation , il fut payé la premiere an
née de la produ&ion au iièur Mercier quatre car
tons feigle pour l’un des défrichements, quelques;
gerbes pour le. fécond, 6c qiiei ta- iieur M erciet
Ci
�*
nTexigea ni grains ni gerbes pour le troifieme : elle
j ajouté que?ces.défrichements ayant été dans la fui..te enfemencés., n’ont rien payé jufqu’à la mort du
.fieur • Mercier. ¿ .
'Mais I o. la témoin ne s’accorde pas avec iès
métayers, où tout au moins il n’y a pas identité
rentre lés défrichements dont elle parle & ceux donc
íes -métayers ont dépofé : car on vient de voir que
Damien Flouvat & Michel Bourg ont dépofé que
dans les défrichements dont ils rendent compte,
.le fieur Mercier avoit perçu la dîme nóvale en e£peces ;& à la onzieme gerbe.
•
2/V II fuffiróit Íans’doute que le fieur Mercier
eût perçu une feule année la nóvale à la gerbe des
deux défrichements dont elle parle pour prouver ià
pofTefîion, en cela conforme au droit commun ; &
s’il étoit 'vrai- que le fieur Mercier n’eut rien exi
gé pour le troifieme, c’eût été une grâce qu’il lui.
auroit faite, ou il auroit ignoré que la terre eut été
enfemencée.
^ 3°. La témoin n’a pas ofé avancer que les dé
frichements faits dans ion domaine aient été
compris dans le prétendu abonnement dont on excipc : certainement fi relle l’eut jamais penfé, elle
ne fe feroit pas oubliée d’en dépofer.
Mais comment l’auroit-elle penfé? Elle termine
fa dépofition par l’aveu, que depuis que le fieur
Faidides eft pourvu de la C u re, c’eft-à-dire , de
puis 1 769 inclufivement, il a perçu la dîme nó
vale à la gerbeXur les défrichements qui ont .été’
�11
faits dans fon domaine : ainfi le fieur Faidides y
a pris la novale les années 176 9 , 1 7 7 0 , 1 7 7 1 &
I? 7 2 ,w
A l’égard de l’année derniere 17 7 3 > la témoin
dit qu’il n’a rien été payé , iuivant qu’elle l’a ouï
dire a fon métayer ; mais fi elle eut été véridique,
elle auroit dit que fon métayer a payé fur quatre
articles , qu’il a donné la gerbe îur partie d’un
cinquième, qu’elle-même a promis de faire rendre
juftice fur l’autre partie de ce cinquième article ÔC
autres ; mais ayant manqué a fa parole d’honneur,
elle eft déjà aifignée, 6c l’on verra fi elle dépouil
lera la Cure de Thiollieres d’un bien qui lui eft
acquis 6c par le droit commun 6c par la poÎTeflîon.
Un neuvieme tenement de la ParoiiTe de Thiol
lieres eft celui appellé du Pâturaux : il y a trois
témoins qui en parlent ; ce font les neuf, dix 6c
onzieme.
Jofeph Degeorge , neuvieme témoin, eft le mé
tayer d’un domaine appellé de Grand-Saigne, fitué dans la ParoiiTe cfAm bert, qui appartient au
fieur Madur : des dépendances de ce domaine eft
un héritage de deux cartonnées, qui eft fitué dans
le tenement du Pâturaux , en la Paroiilè de Thiol
lieres , 6c le témoin dépofe qu’il y a environ neuf
ans que cet héritage fut défriché, & que le fieur
Mercier en perçut la novale a la onzième gerbe :
*e témoin obferve que l’héritage n’a plus produit
des fruits décimables , à l’exception de l’année pré
fente qu’il a été enfemencé.
�^
Pierre C ollay, dixieme témoin-, parle du mê
me défrichement & de la perception que fit le fieur
Mercier de la dîme novale.
v
Me. Guillaume Duranton onzieme témoin ,
affirme que le défunt fieur Mercier percevoit tou
jours la dîme à la gerbe fur deux ièterées de terrein , fituées dans le tenement du Pàturaux ; il con
fine ces deüx feterées, &_il ajoute que la totalité
, a toujours payé à la gerbe, quoique partie fut d’an
cienne culture.
Un dixieme tenement de la Paroifle de Thiollieres cil appelle la Veyilèyre & la Couleyras; il
en eil fait mention dans les onze, douze, feize,
vin gt, vingt-cinq & trente-troifieme dépofitions.
Le fieur Duranton, onzieme témoin, dépofe
que dans le courant des vingt dernieres années, il
s’eil trouvé plufieurs fois préfent, lorfque les nom
més Pierre & Louis Imberdis 6c d’autres particu
liers prépofés par le fieur Mercier venoient lui ren
dre compte de la dîme qu’ils avoient perçue pour
lui à la onzième gerbe dans le tenement de l’Imberdis : le fieur Mercier pcrcevoil donc la novale
dans l’étendue du tenement.
C ’cil ce dont dépoie bien précifément Louiie
M ercier, douzième témoin ; elle déclare pofitivement avoir connoiiTance que le fieur Mercier per
cevoit la dîme 'a la onzieme gerbe dans le tene
ment de la VeyfTeyre.
Michel-Marie Bonnefoy , trente-troifieme té
moin , qui effc l’un des. intervenants, dit la même
�chofe, & prefque dans les mêmes termes : il eft de
fa connoiiîànce que le fieur Mercier & le fieur
Faidides ont perçu la dîme fur les héritages défrirchés dans le tenement de la Veyfleyre.
Annet Bofrie, vingtième témoin, déclare qu’il
poiféde lui-même dans le tenement deux terres
d ancienne culture, l’uneappelléé la Couleyre, de
C1nq cartonnées, l’autre de trois cartonnées, appel
l e le pâquier de la F o n t, & il dépofè que le fieur
M ercier , & après lui le fieur Faidides, ont toujours
perçu la dîme à la onzieme gerbe dans l’une ÔC
dans l’autre terre, comme ne faifant point partie
de l’abonnement.
Enfin Claudë B ofrie, qui eft l’un des adverfaif es ; Annet Bofrie & Antoine Poutignac, fèize,
vingt &: vingt-cinquieme témoins, dépofent que
toutes les terres , tant anciennes que nouvellement
defrichées, appartenant au fieur Madur D u lac,
dans le tenement de la V eyiîèyrc, ont toujours
payé aux Curés de Thiollieres la dîme à la onzieme gerbe, comme n’étant point comprifes dans
le prétendu abonnement : fut-il .jamais des preuves
plus claires?
_ Un onzieme & un douzième tenement de la
I aroiilc de Thiollieres font les domaines de Vin*
c îal & le Sollier, appartenants aux fleurs Vimal
de Murs , de la Ville d’Ambert : ici la preuve litté
rale fe réunit a la teilimoniale.Par rapport à la preuve teftimoniale, le fieur
Duranton , onzieme témoin, dépofe qu’il eft de fa
�’ connoiffance que le fieur Vimal de M urs, ayant
fait faire quelques défrichements dans fes domai
nes , il fit une convention par écrit, fuivant laquelle
le fieur Mercier ( pour lors âgé de près de 80 ans)
moyennant une certaine fomme qui lui fut payée,
promit de ne point exiger la dîme a la gerbe fur
les défrichements pendant fa vie curiale : le témoin
ajoute qu’il a* vu & lu la convention.
* François Gamonèt, trentième témoin, eft le
métayer du domaine de Vinchal ; après avoir dit
que le fieur Mercier n’exigeoit point la dîme novale
des défrichements faits dans ce domaine, ajoute
qu’il a appris que depuis que le fieur Faidides eft
pourvu de la Cure ; le fieur Vimal de Murs a fait
une convention avec lu i, par laquelle il doit lui
payer chaque année cinq cartons feigle pour tenir
lieu de novales fur les défrichements ; qu’en conféquence il a lui même payé par l’ordre du fieur
Vimal pendant quatre ans cette quantité de grains
au fieur Faidides. *
L ’on obferve que le témoin dit que le fieur Mer
cier n’exigeoit point la dîme novale fur les défri
chements du domaine de V inchal, & la raiion en
eft fenfible ; c’eft que le fieur Vimal avoit abonné
pour les novales : d’ailleurs l’on fait que le fieur
Vimal de Murs donnoit iouvent au fieur Mercier
du bois de chauffage , & l’un étoit compenfé par
l’autre ; mais au iurplus la couvention dont rend
compte le témoin explique tout.
Jacques Sauvageon, trentc-cinquieme témoin,
eft
�M
efl le métayer du domaine du Sollier : &: il dépofe
qu’il y a dix-huit ans qu’il elt dans le domaine :
que dans différents temps il y fît des défriche
ments, & qu’il ne fait pas qu’il ait écé rien payé
au défunt fieur Mercier , qu’a la vérité le fieur
Vimal de Murs lui faifoit conduire quelques chars
de bois, mais qu’il ignore quel étoit le motif de
ces petits préfents. Le témoin ajoute qu’il y a trois
ou quatre ans que le fieur Vimal de Murs abonna
la novale de ion domaine a quatre cartons par an.
Toutes ces dépofitions réunies ne laiffent aucun
doute ; mais on eft en plus forts termes \ voici la
preuve écrite :
Le fieur Vim al de Murs étoit un des témoins
affignés pour dépofer en l'enquête ; mais n’ayant pu
comparoir, ôc voulant néanmoins rendre témoig
nage de la vérité,, il a remis au fieur Faidides ion
double de la convention qu’il, avoit faite avec le
défunt fieur Mercier, elle eit du 2.3 Janvier 17 6 1 r
&. l’on y voit que moyennant une fommc de vingtquatre livres, le fieur M ercier, qui touchoit alors
a fa fin , promit de ne demander, tant qu’il vivroit r
aucunes novales pour raifbn des défrichements que
le fieur Vimal pourrait faire dans fes domaines de
Vinchat & le Sollier.
Cette convention a eu fa pleine exécution, &
c eft pour cela que les trente-un & trcnte-cinquicme témoins diiènt qu’ils ne favent pas que le fieur
Mercier ait perçu la novale fur les défrichements
antérieurs à fon décès ; mais la convention devoit
D
�i6
W prendre fin par la mort du iîenr M ercier; & le
leur Faidides en a fait de nouvelles avec le fieur
Vimal de Murs , propriétaire du domaine du Soll ie r ,& avec le fieur André Vimal de Vedieres,
fon fils, qui poiléde-aujourd’hui le domaine de
Vinchat: ce font desefpeces d’abonnements, par
lefquels, moyennant cinq cartons bled annuellement
pour le domaine de Vinchat, & quatre cartons
bled pour celui du Sollier, le fieur Faidides a pro
mis de ne rien demander fur les nouveaux défri
chements ; ce dernier eft porteur des a£tes, ils font
l’un & l’autre fous la date du 2,9 Juillet 1 7 7 1 :
d’après cela il ne reftc plus rien, à dire.
Un treizieme, lin quatorzième & un quinziè
me tenement de la Paroiiîe de Thiollieres iont
ceux appelles la Mouriîoulas , la llouchadas &
Bordclles. Louiiè M ercier, douzième témoin , dépoie qu’elle a connoiiïànce que le fieur Mercier
percevoit la dîme à la onzieme gerbe dans les deux
premiers tenements ; & Antoine Degeorge, trenteunieme témoin , déclare qu’il a donne au fieur
Faidides la gerbe d’un défrichement par lui fait
dans le tenement de Bordelles : fon témoignage
fait d’autant plus foi que c’efi: un des Intervenants.
Un ieizieme tenement de la Paroiiîe ell celui
appcllé Jamon : lesdix-iept, dix-neuf &C trentedeuxieme témoins en dépoicnt.
Mathieu 6c Etienne Imberdis , dix-tept & dixneuvième témoins, cliient unanimement qu’ils poffédent dans le tenement de Jamont deux parcelles
�de terre, l’une d’ancienne, l’autre de nouvelle cul
ture, & q u e dans l’une &dans l’autre les Curés de
Thiollieres ont toujours perçu par eux ou par leurs
prépofés la dîme à la onzieme gerbe , attendu,
difent-ils, que le terres nefo n t point partie de l'a
bonnement.
Les deux témoins dépofent encore que le nommé
Antoine Sollier poiTéde dans le même tenement
Une terre défrichée depuis environ vingt ans ; ils
ajoutent qu’ils l’ont faite valoir eux-mêmes en qua
lité de fermiers partiaires pendant dix ans, & ils
certifient que depuis le défrichement les Curés de
Thiollieres y ont toujours perçu la novale à la on
zieme gerbe.
Le dix-neuvieme témoin dépoiè en outre qu’il
poflede dans le tenement une terre de fept carton
nées d’ancienne culture ; une autre terre appellée
la Serve, défrichée depuis vingt-huit ou vingt-neuf
ans ; une troifieme défrichée depuis quatre ans,
&: que les Curés de Thiollieres ont toujours per
çu la dîme à la gerbe fur la premiere, qui eft
ancienne, <Sc la novale fur les deux autres depuis
les défrichements.
Enfin Pierre Gouvernaire , trente-dcuxicme té
moin , depofe de deux faits , l’un qu’il a payé la
dîme a la gerbe d’un ancien défrichement au iicur
F aidides depuis que cclui-ci eft pourvu delà Cu~
rc , l’autre que le fieur Faidides h également, de
puis qu’il eft Curé , perçu la novale d’une terre
appartenant au fieur BouiTel, défrichée depuis
D 2
�n6
a8, .
long-temps. Ces deux héritages font dans le te
llement de Jamon.
Il
y a encore trois autres tenements dans la Paroiilè de Thiollieres , Yun appellé Lourfïèyre,
l’autre la Grange, & le troifieme Thiollierettes,
les Curés de Thiollieres y ont perçu la dîme a
la gerbe comme dans le furplus de la Paroiflè.
Par rapport au tenement de Lourfïèyre, Etien
ne Imberdis, dix-neuvieme témoin, dit qu’il a
payé au fieur Faidides la novale a la onzieme ger
be d’une terre nouvellement défrichée.
Pierre Gouvernaire, vingt-fixieme témoin , qui
eft une des Parties adverfes, dépofè qu’il a fait quel
ques défrichements dans le tenement de Lourfieyre , que la premiere année il paya la novale à la
onzieme gerbe au fieur M ercier, qui ne l’exigea
plus dans la fuite, &c que depuis le décès du fieur
Mercier il adonné la gerbe au fieur Faidides toutes
les fois que les défrichements ont été en valeur.
A la vérité le témoin ajoute qu’il n ’a donné la
gerbe que comme contraint, & on le croit faci
lement, puifqu’aujourd’hui même il eft une des
Parties que le fieur Faidides eft obligé de com
battre ; mais il ne l’a pas moins donnée , & la con
tradiction ne fert qu’a donner plus de poids à la
poflèffion.
Par rapport au tenement de la Grange : Jean
&: Antoine Pourrat, vingt-trois & vingt-quatrieme témoins, font les métayers du domaine , dont
le tcnementeil compofé ; ils dépofent l’un ÔC l’an-
�tre qu’ il y a dix ans qu’il fut défriché une car- /
tonnée d’un pré , 6c qu’il ne fut payé aucune novale au fieur Mercier ; mais ils ajoutent en mêmetemps que depuis la mort du fieur Mercier, le dé
frichement ayant produit deux récoltes , le iieur
Faidides en a perçu la dîme novale à la onzieme
gerbe.
On ne feroit pas étonné quand le fieur Mercier
n’auroit point exigé de ion vivant la dîme de cenouveau défrichement : le fieur Gladel étoit pour
lors propriétaire du domaine de la Grange , il étoit
l’intime ami du fieur M ercier, & de plus il l’avoic
comblé lui & fon Egliie de bienfaits : cela eft no
toire fur les lieux ; mais le fieur Faidides a , depuis
la mort de fon Prédéceifeur, perçu la novale du mê
me défrichement ; le fait eft prouvé ; delà fon droit
6c fa polfeftion font également établis.
Enfin en ce qui touche le tenement de Thiollirette ; Antoine Malhayre , vingt-neuvieme té
moin , dépofe qu’il y pofTéde deux terres , l’une
appellée Loucroux de trois coupées, l’autre appel
l e Darrey de cinq cartonnées ; il ajoute que ces
terres font partie de l’abonnement, que cependant
le fieur Faidides , depuis qu’il eft C u ré , a exigé
la dîme novale, &quc lui témoin l’a conféquemment
payée, mais comme contraint 6c pour éviter un
procès.
Ce langage ne furprend pas : le témoin eft en
tré dans la cabale, il eft partie au procès, 6c il y
foutient avec opiniâtreté que le fieur Faidides n’a x
�,,
3°
^ aucun droit aux novales de fa ParoiiTc : dans
cette occurrence on ne lui auroit pas conièillé d’a
vouer dans fa dépofition qu’il a élevé une' mauyaife conteftation ; il doit cependant s’appercevoir
qu’il dit l’équivalent, lorfqu’il avoue qu’il a donné
la novale au fieur Faidides.
L ’on a parcouru tous les tenements de la P aroiilè de T h io llie r e s & par-tout l’on a trouvé des
traces manifeftes de la poifeilion des Curés j mais
ce n ’eft pas tout, un nombre de témoins dépofènt
encore de cette poilèiïion relativement à une mul
titude d’héritages dont les territoires ne font point
défignés.
Antoine Montel &C Antoine C o lla y , cinq <3c
vingt-dcuxieme témoins, atteftent que fur la fin
de l’année 1772- le nommé Guillaume Sauva
geon fit défricher un pré d’une cartonnée, & une
buge de deux cartonnées , ils atteftent que ces dé
frichements ayant produit une récolte en 1 7 7 3 ,
le fieur Faidides y perçut la novale à la onzieme
gerbe.
Pierre Imberdis , quinzième témoin , dépofe
|u’il cft propriétaire de deux terres appellécs le
;aven &C le Jatnon , fituées dans la Paroifle de
Thiollieres , que ces deux terres ont été défrichées
depuis plus de trente ans, & que foit le fieur Fai
llites, l’oit le fieur M ercier, fon prédéceiTeur, y ont
toujours perçu par eux ou par leurs prépofés la dî
me novale à la onzieme gerbe toutes les fois qu’elles
ont produit des fruits.
Î
�Claude B ofrie, feizieme témoin, affirme qu’il'^'
eft propriétaire d’une terre de quatre cartonnées
appellée la Saignas, fituée dans la Paroiiïè ; que
cette terre n’eft point compriie dans l’abonnement,
& que coniequemment il a toujours payé aux Curés de Thiollieres la dîme à la gerbe: voila un té
moin de bonne foi; c’eft le propriétaire même qui
avoue que ion héritage doic.
Annct Poutignat, dix-huitieme témoin, déclare qu’en qualité de fermier de la Paroiifedu Monne£
tier, il perçut, par erreur en 1 7 7 a , la dîme d’une
terre fituée dans la ParoiiTe de Thiollieres, appar
tenant à Pierre Imberdis, mais qu’il en fit aufïi-tôt
raiion au fieur Faidides. ' • '
Silveftre Malhaire, vingt-unieme témoin, dépo
se qu’il a défriché depuis environ trente ans deux
coupées d’un pré appelle Vacher , que le fieur
Mercier n ’en avoit jamais demandé la dîme ; mais
qu’en l’année 17 7 0 le fieur Faidides., l’ayant fait
afligner , il paya la dîme novale à la onzieme ger
be pour éviter un procès , & qu’il l’a toujours
payée depuis, en forte que le fieur Faidides l’a per
çue les années 17 7 0 , 1 7 7 1 , 1 7 7 1 6 c 17 7 3 .
Ce témoin eft encore partie au procès , il eft du
nombre de ceux qui ont cabalé : delà il n’eft pas
furprenant qu’il cherche des excufes; mais ce qui
eft plus déciiif, il a payé la dîme novale pendant
quatre ans, la poilèiTion fe réunit donc au droit com
mun ; il l’a payée fur une aflignation, c’eft donc
une tranfa&ion fur procès.
�31
Pierre Collay, vingt-leptieme témoin, eft aufli
du nombre des adverfaires ; mais il n’eft pas moins
forcé d'avouer , quoutre ce qu’il paye pour pré
tendu abonnement, il a toujours payé au défunt
fieur Mercier
au fieur Faidides, Curé a&uel,
la dîme a la onzieme gerbe fur une terre appellée
Loubien ; cette terre n’eft donc pas abonnée.
Michel-Marie Bonnefoi , trente deuxieme té
moin ,. eft de même du nombre des ligués ; mais,
que dit*il?Havoit d’abord refuféau fieur Faidides
la novale fur deux défrichements à lui appartenants,
mais mieux avifé, il l’a payée : voilà ce qui réfulte
de fa dépcfition. -J
Enfin la dépofition de Jean Malhaire, trentequatrieme témoin, eft remarquable : le témoin dé
fricha, il y a fix ou fept ans, un pré appellé d’ou
Crou : la premiere année du défrichement il refufa
d’abord la novale au fieur Mercier; mais menacé
d’afïignatidn, il en paya la valeur : la fécondé an*
née il ferma encore les fruits fâns donner la dîme 7
mais- aifigné de la part du fieur Faidides, qui avoit
fuccédé au fieur M ercier, il la paya de même avec
les frais de l’aifignation : la troificme année il
donna la gerbe : voilà ce dont dépoic celui qui ofe
fe rendre partie contre le fieur Faidides.
Enfin Louis Chevalier, quatrième témoin , dé
pofe que le défunt fieur Mercier perçut pendant
plufieurs années la dîme à la gerbe fur une terre
labourable appartenant au nommé Flouvat ; à la
vérité le témoin ajoute avoir ouï dire à fa mere
que
�33
i<2(
\
que le fieur M ercier, ayant reconnu dans la fuite
que cette terre payoit une cote de dîm e, rembour
sa ce qu’il avait perçu. * ^
_
A^.cetémom
C e dernier fait feroit vrai, qu’il n V auroit au•
i
n\
•
1
/
•
1
P
p ro p riéta ire
du
cune induction a en tirer: le témoin parle cl une f°nd.s. parce qu'il
•
o_ r 1
a
/
• / *ero,t p lu s a v a n ta terre ancienne , oc li la terre eut paye une quotité geux ponr lui da
particulière, le fieur Mercier n’auroit pas du pren- S T q u V i Î d î m *
dre à la fois cette quotité &c la dîme à la gerbe ; en natur.e, voilà
_
A
n -1 • n
• -> > /T
pourquoi ¡1 ajoute
^ais comment le témoin elt-il înitruit? celt par q ^ U o u ïd ir e q u e
Un ouï-dire ; &c un ouï-dire n’a jamais fait preuve, «mfelfa^qïïï
-Ttflis ex auditu fidem non facit : ainfi en écartant jjjj*
Cc que le témoin a oui d ire, il faut s’arrêter à fi,ppofé.
ce dont il dépoiè de fa icience , à ce fait certain
Sue le fieur Mercier percevoit la dîme à la gerbe
des terres anciennes comme fur toutes celles
nouvelle culture.
Le droit & la pofïèfïion des Curés de Thiollieres,
relativemcnt à la dîme novale, font encore prou
e s par l’aveu du défunt pere des Appellants,
Par les pieces produites en la SénéchaufTée , & par
es lieves mêmes dont les Adverfaires argumentent.
^ P a r Taveu du pere des Appellants r le fieur
lerre Fouilhoux fut réduit a défavouer en pré
f é r é inflance que partie de fon terrein fut de
^ouvelle culture ; preuve qu’il étoit perlùadé queCs défrichements n’étoient point abonnés.
, P a r les pieces produites en la Sénéchaujfte,
e fieurs Faidides y a juftifié de trois affignations
3Ue le fieur M ercier, fon prédéceilèur , fit donner
trois particuliers , qui lui avoient refufé la noE
�j£<L
? Page 20.
t
34*
vale. Qu’on ne dife plus que ces ailignations c!cmeurerent ians effet : l’enquête dont on a ren
du compte fournit une idée bien contraire ; en
outre le premier témoin eft l’un de ceux qui furent
aiïignés, & il déclare qu’il ne voulut pas plaider,
&c qu’il fe rendit auifi-tôt juftice.
D ans un journal mime on y trouve écrit
de la main du précédent Curé ; plus un quarton pour novale. Preuve que les novales appartenoient aux Curés, puifqu’ils les afcenfoient aux
propriétaires. Preuve qu’elles n’étoient point compriies dans le prétendu abonnement général ; puis
que les Curés faifoient à cet égard des conventions
particulières.
Qu’ont donc prétendu les Paties adverics loriquc
dans leur Mémoire Imprimé, * il ont articulépréci~
fia ie n t , il ont dénié formellement, que jamais au
cun Curé de Thiollieres, depuis le fieu r Fretiere
jufqu au feur-M ercier inclujivement, ait perçu la
dime en nature ou à la gerbe fu r aucune terre ,
f e u r Faidides ? Qi
d’être convaincu de mauvaife loi & de menfonge ! mais qu’il eft glorieux pour le fieurs Faidi
des d’avoir pour témoins des habitants de ia
Paroiilè, ceux la-mêmes qui aurotent intérêt à ce
qu’il fuccom bat;& qui plus e ft, ces AdverÎàires
mêmes, ce n’eft pas un petit avantage de con
fondre fes propres Parties, par leurs propres témoi
gnages.
�L’enquête eft concluante : les preuves font
plus claires que le jour : le vœu de l’Arrêt de
laCour eft rempli. Les Curés de Thiollieres ont tou
jours perçula dîme à laonzieme gerbe fur les terres
nouvellement défrichées dans leurs ParoiiTes : ilsont
également perçu la dîme à la même quotité fur
des terres d’ancienne culture : mais rle fieur
Faidides feroiten défaut du côté de fes preuves,
que fon droit, on ofele dire , ne feroit pas moins
inconteftable. On reprend les trois propofitions
établies dans fon Mémoire.
P R E M IE R E
PR O PO SITIO N .
I l ni a point dans la PavoiJJc de Thiollieres
d?abonnement valable fu r les dîmes.
Cette propofition à été établie dans le Mé
moire du fieur Faidides d’une manière fi folide
que les Parties adverfes n’ont pas entrepris de
combattre lesprincipes fur lefquels on l’afondée:
ils fe font contentés de dire vaguement dans le
Mémoire qu’ils ont de leur part fait imprimer,
que ces principes font pour la plupart faux , d’au
tres vrais, mais mal appliqués ; que les autorités
qu’on leur a oppofées ne reviennent point àl’efpece ; qu’enfin les raifonnements du fieur Faidiaes
font erronnés.
Les Parties adverfes fourniilènt ici un exemple
bien frappant , qu’il eft plus aifé de prodiguer les
E z
�^ qualifications d’erreurs, que de prouver les erreurs;
qu’il eft plus aifé de nier , que de donner des
raifons. Ils feront fans doute fenfibles à ce re
proche , mais il l’ont mérité.
La maxime la plus confiante enmatiere de dî
mes eft qu’il n’y a que les compofitions antérieures
à l’Ordonnance de Charles IX qui foient autorifées, & que les abonnements poftérieurs à cette Or
donnance ne peuvent valoir, fi on ne prouve
que les formalités ont été obfervées.
Le motif de cette diftinâion eft puifé dans
l’Ordonnance même de 1561 , qui excepte de
payer les dîmes félon la coutume des lieux à la
la cote accoutumée, ceux qui avoient par cidevant compofé & tranjigé , & dont les com
pofitions & tranfa&ions doivent demeurer en
leur force & vertu , on préfume que ces com
pofitions antérieures à 1^ 6 1 étant aucorifées
par l’Ordonnance , tout y a été fait avec les
lolemnités requifes.
.Mais il n’en eft pas de même des compofitions
poftéfieures. L’Ordonnance n’ayant excepté que
celles qui étoient déjà faites, a néceilairement itnprouvé celles qui le feroient dans la fuite : cùm
lexKin prœterirum quid indulget, infuturum vetat.
Or comme d’un coté les dîmes font inaliénables,
&: qued’unautrec,ôtélesabonnements font devraies
Aliénations, il réfulte de la difpofition même de
l’Ordonnance que ceux qui lui lont poftérieurs
font nuls, s’ilsnefont accompagnés de toutes lesfor-
�malités requifes pourl’aliénation desbiens d’Eglifè.
Ces principes ont été développés & prouvés
dans le Mémoire du fieur Faidides : il n’y a
qu’à ouvrir les livres , on les trouve par - tout
écrits : il n’y a qu’à conlulter les Auteurs , ils
font par-tout enièignés.
M. d’Hericourt, part..4, chap. 1, iom. 13, s’ex
pliqueences termes : quand, il y a des abonnements
faits entre les gros décimateurs & les habitants d ’une
paroijje , de payer tous les ans une certainefem
me ou une certaine quantité de grains ; ces tranJactions doiventêtre exécutées, p o u r v u q u ’e l l e s
a ie n t é t é f a it e s a vec t o u t e s le s f o r
m a l i t é s PR ESCR ITES FOUR LES A LIEN A
TIONS DES BIENS n ’E G L I S E .
M. de la Combe , dans Ton recueil de Jurifprudence canonique, verb. dîmes, fe&. 6, n. 2, s’ex
plique auili énergiquement. Z’abonnement perpé
tuel, ditl’Auteur , ejl regardé comme aliénation des
biens d 'E g life , & ne je foutient quau cas qu'on
dit obfervé toutes les formalités requifes aux alié
nations 7 & qu'il y ait eu utilité & nécejjité.
Denifart, dans ià colle&ion verb. abonnement,
Pofe la même maxime comme certaine , lorfqu’il
dit que , pour qu'un abonnement de dîme fait va
lable & perpétuel, il faut qu'ilfoit revêtu des for
malités prejentes pour l aliénation des biens Éccléles , ou au il foit fait par une tranfaclion
homologuée.
Mais il eft aiîcz fiiperflu de recourir à des
�' \n(>
38
autorités pour prouver des principes fi confiants
il fuffit de les Annoncer 6c d’en faire l’applica
tion , en examinant les prétendus titres des Par
ties adverfes.
C’eft une dérifion de donner pour titre d’abon
nement des dîmes de la ParoiiTe de Thiollieres ;
la tranfa&ion du 5 Octobre 1686, qui fut paiîee
entre leiieur Fretieie, Curé, 6c les Religieux Bé
nédictins de Souxillanges , pour lors gros décimateursde la Paroiiïè: cet a£te,qui dut fon être
aux nouvelles charges que la Déclaration du Roi
du 2.9 Janvier de la même année venoit d’impofer aux Décimateurs, ne fut de la part des Reli
gieux qu’un abandon au Curé de la groiïè dîme,
pour fe redimer delà portion congrue, fuivant la
liberté que leur en accordoit la nouvelle loi.
O11 arapporté ailleursla claule qui fert de point
d’appui a la prétention des Adverfaires, on y fa it
réf'erve au Curé de f i s droits & actions contrefis
Paroijfiens & autres pojfédants & jouijfants defd.
dîmes, f a r f o r m e d 'a b o n n e m e n t , pour
leur faire fuppléer la penjion , s*il y écheoit.
Tout autre que les Parties adverfes auroit trou
vé dans cette claule une excluiion d’un abonne
ment , ou tout au moins une iimple énonciation
d’un abonnement vicieux.
Si l’on préfente la tranfa£tion du ^ Octobre de
1686 comme un abonnement, ilfaudrala rejetter :
elle cft poitérieure de plus decent vingt-cinq ans à
¿’Ordonnance de Charles IX , elle n’elt revêtue
�d’aucunes formalités ; les habitants n’y font point
parties : onn’yindiquepas ce qui doit repréiènter la
dîme ; perfonnene s’y oblige , perfonnen’y accepte.
Si on préfente cette tranfa&ion comme un acle
fimplement énonciatif, il reftera d’un coté aux Par
ties adverfes derapporter le titre primitif, d’en faire
connoître l’étendue , de faire voir qu’il eft antérieur
à l’Ordonnance de 156 1, ou s’il eft poftérieur , de
prouver que les formalités y ont été obiervées ; &
d’un autre côté ce ne. fera plus qu’une énonciation
vague, qui ne fervira qu’à prouver une compofition abfolument nulle.
Pour être convaincu de cette vérité, il fufïit
d’examiner ayec une certaine attention les termes
de l’énonciation : des ParoiJ/iens & autres jo u if
foient de[dites dîmes parforme d'abonnement. Qu’in
duire de ces termes parforme d1abonnement ? ja
mais on ne s’expliqua ainii quand on entendit par
ler d’un abonnement général 6t en réglé ? Il eft
évident, qu’en s’expliquant ainfi, 011 avoit pour
objet des compofitions, des conventions particuliè
res faites avec quelques particuliers ; conventions
qui n’avoient aucun degré d’autenticité, compofi
tions qui n’étoient exécutées que pour la forme.
Ce n’eft pas , comme le diient les Parties advcries, une pitoyable difpute de mots, ce n’eft pas
non plus une interprétation forcée qui ajoute au
texte. i°. Les termes d’un a£e doivent être pris
dans la fignification qui leur eft propre , quorsùni
enim verba nifi ut mentetn demonjlrent 3 & quand
�v on voulut dire que les dîmes d’une ParoiiTè étaient
abonnées, dit-on jamais que des habitants <Sc au
tres en iouijfoientpar forme d'abonnement?
2°. Comment pouvoir , d’après la tranfa&ion de
' 1686, fe former l’idée d’un abonnement général
des groifes dîmes de la ParoiiTè de Thiollieres,
tandis qu’on y voit d’un côté que les Religieuxde Souxillanges s’y refervent certains fonds de l’an
cien domaine de la Cure , & que d’un autre côté
ils refervent au Curé, auquel ils font l’abandon,
fes droits & aclions contre f is Paroijfîens & autres’
jouijjants defdites dîmes parforme dyabonnement,
pour leur faire fuppléer la penfion : s’il eut exifté un abonnement général des dîmes, les fonds de
l’ancien domaine de la Cure n’auroient-ils pas été
tenus de fournir le fupplémant avant qu’on eut pu
attaquer les Habitants ? Que les Parties adverfes
concilient donc, s’ils le peuvent, leur interprétatation avec les diipofitions de la tranià&ion.
30. On a vu que les Habitants de Thiollieres ne
furent ni parties ni appellés dans la tranfa&ion de
1686, qu’ils 11e furent point obligés, que perfon11c n’accepta pour eux, que la tranfa&ion en un
mot leur fut abfolument étrangère ; mais cela étant,
comment oie-t-on préfenter la tranfa&ion comme
un titre d’abonnement ?Tout abonnement fur les
dîmes doit être fynnallagmatique , il doit avoir un
objet fixe 6c dès-à-préfent certain , il doit indiquer
1er territoires qui font abonnés, il doit indiquer la
redevance qui doit repréfenter la dîme.
Les
�4*
Les Parties adveries répondent fur le premier
point que toute la ParoiiTè eft compriie dans l’a
bonnement prétendu : mais la trania&ion de 1686
ne le dit pas , ni n’a pu le dire , ôc dans le fait
cela n’eft pas ni ne peut être.
Cette aiïertion eft de toute évidence : qu’on fc
rappelle quelle a été dans tous les temps la ma
niéré de percevoir la dîme dans la Paroiiiè de
Thiollieres ; il n’y a jamais eu de variation rela
tivement aux nouveaux défrichements, les Curés
deThiollieres enont toujours perçu la dîme nova
le à la gerbe : a l’égard des terres anciennes, une
partie a tojours payé également a la gerbe, & iùr
1autre partie les Curés n’ont perçu qu’une certai
ne quotité de grains fur le pied des lieves.
L’on ne peut plus aujourd’hui revcquer ces faits
cn doute : les 1, 11 , 12,13, 19 ?29 >31 & 31"*
témoins de l’enquête du fieur Faidides dépofènt
^ue les Curés de Thiollieres ont toujours perçu la
dîme à la gerbe fur toutes les terres, tant ancien
nes que nouvelles du tenement de l’Imberdis <Sc
lc Faven.
Les 1 , 11 , 29 & 31e. témoins en ont dit
autant du tenement de la Veyfîèyre.
Les 1, 11, 12, 29, 31 & 32e. témoins dient la même chofe des terres anciennes du telle
ment de Loubiens.
Les 1 , 11, 12, 13, 1 6 , 17’ , 19, 20, 21 &
2,')e témoins parlent d’une multitude d’autres terrcs anciennes cparilès dans les tenementsdu PratF
�»
*
^
•* Darey , du Pàturaux , de la VeyiTeyre; delaCoulcyras, de Jamon & dans d’autres tenemcnts ; S>C
ils déclarent que cétte multitude de terres ancien
nes a toujours payé la dîme a la onzième gerbe.
L’on doit au furplus faire ici trois obfervations
bien importantes :
L’une, que les 1 ,8 ,1 2 , 13 , 16,17, I 9 •>'
& 2 “J0. témoins, non feulement dépofent que les
territoires & terres anciennes dont ils parlent, oiit
toujours payé la dîme à la gerbe, mais encore que
ces tenemcnts & héritages ne font point compris
&C ne font point partie du prétendu abonnement.
L’autre, que la majeure partie de ces témoins
font des propriétaires qui avouent que leurs terres,
quoiqu’anciennes , doivent la dîme à la gerbe.
La troifieme , que les 1 ,1 0 , 16, 21, 29 , 31
& 32e. témoins, qui rejettent le prétendu abonne
ment pour des tenements entiers, pour une mul
titude de terres anciennes enclavées dans d’autres
territoires, font Louis Convers /Pierre Collay ,
Claude Bofrie, Silveftre Malhayre, Antoine Malhayre , Antoine Degeorgc & Michel MarieBonnefoi , fept des Adveriaires.
Que les Parties adveries fe concilient donc avec
les autres Habitants de la Paroifïe, avec les Pro
priétaires des terres anciennes & avec eux-mêmes,
n’eft-il pas étrange qu’on ofe foutenir en face de
la Jultice qu’un prétendu abonnement, qui ne pa
roic pas, comprend tous les territoires, toutes les
terres.de la Paroiffe, tandis qu’une partie de cei>
�.43
territoires, une multitude de ces terres même ail- ^
ciennes ne payent aucune redevance, qu’ils ont tou
jours payéladîme à la gerbe;quelespropriétaires déiavouent le prétendu abonnement, &c que le plus
grandnombre desAdverfaires, appelles entémoigna
ge, fontforcéseux-mêmes deconvenir decettevérité.
Les Parties adverfes ne font pas une réponfe
plus heureufe a la fécondé objeâion , qu’un abon
nement doit indiquer la redevance qui repréfente
la dîme ; ils difent que cette redevance eft indiquée
dans les lieves, que c’eil cinquante fetiers de^feiçle.
Mais en premier lieu , cela n’eft pas exaâjles
lieves informes dont on argumente fi mal-àpropos ne font point uniformes : l’une ne perte h la
vérité que 50 fetiers , mais l’autre en porte 5 1fetiers
1 cart.4.coupes demi, la troiiieme va à 55 fetiers
7 carr. &c la quatrième à 57 fetiers & un carton.
Quelle peut être la raiion de cette d iffé re n c e ?
elle cil fenfible; c’eit qué dans le principe il n ’y
eut que quelques comportions particulières faites
avec certains Particuliers ; dans la fuite d’autres
Propriétaires compofèrent, & la redevance aug
menta a proportion.
C’eltainfi quel’ontrouve écrit dansundesjournaux
dufieur Mercier, plus un carton bled pour novales.
C’eft en ce fens que le fieur Faididcs a aug
menté de neuf cartons de bled la redevance, par
la convention qu’il a faite avec les fleurs Vimal
po.r les nouveaux défrichements dans leurs domai
nes de Vinchat 6c le Sollier.
F a
�Voila vifiblement pourquoi les lieves ne font
point conformes ; & rien n’eft plus propre à écar
ter toute idée d’un abonnement général.
En fécond lieu , eft-il propofable de préfenter
comme la redevance d’un abonnement générai
la quantitédegrains portée parles lieves? Le moyen?
on a vu que des tenements entiers , qu’une mul
titude de terres anciennes, enclavées dans d’autres
tenements, ne payent aucune quotité de dîme;
que les Curés de Thiollieres y ont toujours per
çu & ^y perçoivent la dîme a la onzieme gerbe ;
que les Habitants de la Paroiiîe , les Propriétai
res mêmes qui ont été appellés en témoignage, reconnoiifent que l’abonnement prétendu leur eft
étranger ; que plufieurs des Adverfaires l’ont éga
lement avoué : en voila trop.
Que fert-il dès lors d’oppofer les lieves? elles
font informes, elles dérruifenr l’uniformité, & dans
tous les cas elles font abfolument étrangères aux
territoires & aux terres anciennes qui ont toujours
payé la dîme a la gerbe.
Que fert-il encore de faireparade d’une foule de
quittances de quotes dédîmes quel ’on fait remonter
a l’année 1667; d’un prétendu bail a ferme de la
dîme abonnée que l’on date de l’année 1703, de
certaines aiTignations données à la requête d’un
précédent Curé: rien de tout cela n’a été com
muniqué , mais ce font autant de picces inutiles.
L’on fait bien que les Curés de Thiollieres ont
donné des quittances, le lieur Faidides en a parlé
�le premier : il peut bien être que les Cures deV
'
Thiollieres aient paifé un bail a ferme , &: fait
pofer des affignations; mais ces quittances, cette
aicence, ces affignations quelles qu’elles foient,
n’ont pu avoir pour objet que les quotités de
dîmes mentionnées dans les lieves ; & ces quotités
de dîmes ne fe repèrent pas aux tenements, aux
terres anciennes qui ont toujours payé à la gerbe,
& qui, fuivant les témoins, &: pluiieurs même
des intervenants, ne font point partie du prétendu
abonnement.
Tous les raifonnements des Parties adverfes
viennent échouer à cette fimple réflexion : inuti
lement ils difent que iuivant MM. de Jouy ôc
Lacombe , on n’exige pas le rapport du titre pri
mordial de l’abonnement, qu’il fuffit de rapporter
des aêles anciens qui en faflent mention, & qui
aient été iuivis de pofleffion : ce que diiènt ces
Auteurs, loin de leur être favorable , milite
contr’eux.
Dcja l’on a eu raifon de dire ailleurs que la
propofition priiè trop crueinent , pourroit con
duire à une erreur. Il eft vrai que fi, au défaut
du titre primitif, des Habitants rapportent des
a^es anciens qui, joints à une poflèflion confiante
& fuivie, faflent préiumer qu’ils ont eu dans le
Principe un titre légitime , elle peut fuftirc; mais
°n le répété, il faut pour cela que ces ades anciens falfent préiumer un abonnement, antérieur
a ^’Ordonnance de Charles IX., parce que cc n’eft
�que dans íes abonnements qui ont précédé l’Ordônnance que l’oii préfume onmia folemniter
aña.
*
; '■
La maxime eft vraie ; MM. de Jouy 6c Lacombe n’ont rien dit de contraire , & c’eft cer
tainement ce qu’ils-ont entendu dire; mais s’il
refte quelque difficulté aux Parties adverfes, il
n’ont qu aconfulterMe. d’Héricourtàl’endroit que
Pon a déjà cité : la pojjljjion même de cent ans , dit
cet. Auteur , ne fùffit pas pour mettre les ParoiJJiens en droit de dire quils ont été abonnés : il faut
qu ils raient un titre en bonne forme de l'abonne
ment, ou du moins d’anciennes preuves par'écrit
jointes à la pojfefjion immémoriale , qui fojpnt
préfumer .qu’i ls ont eu uiï titre légitime : or quel
eft ce titre légitime£ Ce ne peut être qu’un abon
nement antérieur à l’Ordonnânce de Charles IX;
car pour ce qui eft des abonnements poftérieurs,
de Jouy , d’Héricourt, Lacombe & tous les au
tres Auteurs les ibumettent à l’examen, &C ne les
reçoivent qu’autant qu’ils font revêtus des forma
lités requifes pour l’aliénation des biens d’Egiife.
En fécond lieu les Adverfaires y ont-ils bien
penié ? où eft cette poiïèftion dont parlent les Au
teurs? Les Curés de Thiolliercs ont toujours per
çu* la dîme a la gerbe fur des tenements entiers,
& for une multitude dc’terres anciennes : où lont
même ces actes anciens , tout au moins indicatifs,
qui faiîènt^préfumer le titre légitime? Ce n’eft
pas la trartfa£Üon-dc 1686; elle eft moins pro-
�47 .
, ■
pre à faire prëfumer le
titre légitim
e qu’à en
prouver le vice : ce ne font pas les lieves , les
quittances, le bail à ferme & les prétendues aiîignations : on les a appréciés à leur juile valeur.
-L’on fait bien qu’en Coutume d’Auvergne la
quote & maniéré de payer la dîme ie preferivent ;
mais les principes en cette matiere'font confiants.
Suivant l’un, la poiîeiîion en matière d’abon
nement eil inutile, des qiforï allègue un titre,
parce qu’il faut le rapporter & fe décider par lui.
Suivant l’autre : lorfque le titreparoît & qu’il eft
vicieux, une poiieflion même immémoriale n’opéreroit pas la preicription ; melius efl non hàbere
litulum ,. quàm habere viciojum ', diièrit les'Doc
teurs.
•; ' i
Les Adverfaires fe trouvent dans ce cas : ils
allèguent un abonnement, & ils ne le produiienc
pas., ou ce qui eft pire , ils ne rapportent qu’un
a&e qui infe&eroit leur poiïèiîion , fi tanr'droit
qu’ils l’euilent.
^ 0|i - ‘ ' .
Les Li t c s font remplis d’Arrêts qui l’ont jugé,
mais il fuffira de renvoyer1à 'celui* cote par Denifart, verb. abonnement. Cet'A:rrêtqui 'eiï du i i
Mars 174.5, n’eue aucun ég4rd*à' un abonnement
de dîmes en grains fait par tfric t'rànfafïion du x
Juin 1678, entre le Prieur de Chamàliere & le
Seigneur de Beauflac , parc* q'ü’elle nrétoit point
Homologuée > ôc qu’elle nétoi^ pas d’ailleurs
paifée avec 'le corps d;es Habitants'; fe nonobftant
la poiTeiïion de plus de40 ansj de payer encoiï-
�^
formité de Fa&e de 1678,
ce qui dévoie, fclon
, le Seigneur de Beaufîac, opérer la prefeription,
quant à la quotité de la dîme.
L’on fent la différence qu’il y a entre l’efpece
jugée par cet Arrêt &i celle dont il s’agit : le Sei
gneur de Beaufîac étoit fondé en une tranfa&ion
de 1678, 6c l’on ne rapporte ici qu’un ade de
1686 : la tranfa&ion contenoit un abonnement
non équivoque : 6i l’a&e de 1686 ne contient
qu’une énonciation incidente qui ne tend qu’à
détruire toute idée d’un abonnement.
Mais au furplus les Adverfaires font inconcc.vablçs: pour prefcrirç il faut pofTéder : or n’eflil pas abfurdc de prétendre qu’ils aient preferit
la quote & maniéré de payer la dîme , tandis
qu’ils n’ont jamais rien payé fur des tenements
entiers (Scfur une multitude de terres anciennes
enclavées Mans d’autres tenements; &. qu’aucon
traire les; Curés de Thiollieres y ont toujours per
çu la dîme en nature & à la onzicme gerbe : en
core une fois, cela ne ic conçoit pas.
II..faut aller plus join ; il cil impofîible que les
Parties; adveries aient preicrit ce qu’ils n’ont pas
pofîedé ; mais leur .poilètfion. & leur prétendus
titres leurs deviennent égalem
ent inutiles au regard
o
O
même des terres anciennes, pour raiion dciqueücs
ils ont paye^une quotité relativement aux lieves
cela a deux fondemcntsandubitables.
1°. On a vu .qu’ils' n’ont payé qu’en vertu d’un
titre vicieux, & le vice du titre infe&c la polïèflion.
c
�2.°. Il n’y a point eu d’uniformité, ioit du côté
de la redevance, foit du côté de la poiTeflion.
Du côté de la redevance : une lieve la porte à
50 fetiers bled feigle ; l’autre à 51 fetiers 2 cartons
4 coupes 6c demi ; la troiiieme à 55 fetiers ■$car
tons; 6c laquatrième à <57 fetiers 6c un carton; plufieurs témoins de l’enquête difent qu’elle eft de 52.
Du côté de la .poiîèflion, c’eft dans diffé
rents tenements un mélange de terres anciennes
qui payent une certaine quotité, 6c de terres
auiïi anciennes qui payent à la gerbe.
Or il eft des premiers principes qu’il faut que
la poiFeiTion foit uniforme pour pouvoir prefcrire;
comme la prefcription en matiere de dîmes doit
former le titre, tout eft de rigueur, il eft d’une
néceilité indifpenfable de fatisfaire exactement à
ce que la loi exige ; il faut par conféquent prouver une poiîeflion confiante 6c uniforme dans le
canton pendant trente ans continus.
Ceft ce qu’enfeigne Lacombe, verb. dîmes,
10, queft. 10, n. 2, après avoir établi que
lulàge eft la réglé du paiement de la dîme; il
ajoute : ainfi il faut que l'ufage du heu J'oit conJ°rme à la quotité de la dîme , à laquelle on je pré
tend réduire par la prefcription\ cejt à-dire qu’il faut
yue le canton prejenve tout à la fo is cette quotité.
Les adveriàires peuvent donc mettre à l’écart
leurs prétendus titres 6c leur prétendue poilèiïion:
ccs titres 6c cette pofTeifion ne peuvent avoir.d’application aux tenements 6c aux héritages d’anG
�cienne culture , dans lelquels les Cures de Thiollieres ont toujours perçu la dîme à la gerbe; cela eft
même impofïible ; mais ils font encore fans force
au regard des terres anciennes, pour raifon defr
quelles on a payé une certaine quotité pour tenir
lieude dîme , parce qu’ils font également vicieux,
& que l’abonnement eil une chimere.
SEC O N D E P R O P O S IT IO N .
S 'il exijloit un abonnement, il ne comprendrait
pas les navales.
iJ
Cette proportion eil ii confiante en point de
Droit, & les preuves que le fieur Faidides en a
données dans fon Mémoire font telles quon ne
s’attendoit pas à une contradi&ion ; auffi en perfiftant à ce qui a été dit à ce fujet, fe bornera-t-on
à quelques réflexions.
On appelle novalcs les terres nouvellement dé
frichées ; on appelle dîme novale celle qui fe per
çoit fur les fruits des terres nouvellement mifes
en labour.
De cette définition il réfulte qu’on ne peut pas
préfumer qu’un abonnement fur les dîmes , quel
que général qu’il foit, comprenne les novales à
venir, par la raifon même qu’on ne peut pas pré
fumer qu’il frappe fur des défrichements qui n’cxiitent pas , & qui n’exiileront peut-être jamais. Les
Parties ne font pas ccnfccs porter leurs vues fur
lin avenir qui ne leur préfente qu’incertitudes ,
à moins qu’elles ne s’en expliquent formellement;
�^
.
on ne confidére lors de la compofition que l’état
a&uel de la dîmerie , c’eft fur cet état aftuel que
le décimateur apprécie fon intérêt &c celui de l’Egliie. Un abonnement fur les novales a venir ,
ne pourrait même être que fort défavantageux à
l’Eglife , parce qu’un droit qui n’eft pas échu ,
qui pourra ne pas écheoir , & que dans tous les
cas on ne confidére que de fort loin, eft toujours
compté prefque pour rien.
On a comparé avec raiion lin abonnement de
dîmes à une donation ; quelque générale que foit
la donation , les biens à venir n’y font jamais
cenfés compris : la décifion eft la même où il y a
nième raiion de décider.
Cette comparaifon eftjufte, & les Adverfaires
sen tireur mal, lorfqu’ils répondent, que dans l’i
dée du iieur Faidides il faudrait qu’une donation
ne put être faite des biens à venir : ce n’eft pas
ce que le fieur Faidides a dit : une donation peut
comprendre les biens a venir comme les biens pré
sents , quoique cela ne foit permis aujour
d’hui que dans certains contrats ; mais l’on ne
pi'éfumc pas que les biens a venir foient donnés fi
ccla n’eft expreilément ftipulé : les Adverfaires élu
dent doncJ l’obje&ion & n’y répondent pas.
La comparaifon qu’on a faite d’un abonnement
Rvec une tranfa&ion eft également jufte, & les
^-dverfiires ne font encore qu’éluder l’obje&ion :
Une tranfa&ion peut fans doute porter fur un pro-*
c«s, fur un droit à naître comme fur un droit,
Gi
�fur iin procès déjà né ; mais il ’faut que les Par
ties s’enioient expliquées, cela ne fe préfume pasyla
réglé eft au contraire invariable ; ks claufes’ les'
plus générales des tranfà&ions font reftreintes aux
objets qui y lont énoncés , de quo cogitatwn efl.
Il n’eft donc pas queftion de favoir fi l’on peut
donner les biens à venir, fi l’on peut tranfiger lur
un droit qui n’eft pas encore né, cela fe peut ;
mais à pojjîbili ad aclum non valet cônfequmtia ;
il s’agit uniquement de Îavoir fi cela iè préfume ; &
la préfomption n’eft pas recevable.
Cette préfomption feroit même d’autant plus *
extraordinaire, qu’outre qu’elle réfifte à tous les
principes, il eft de réglé connue qu’en matiere
d’abonnement tout s’interprète en faveur de l’Eglife : elle a pour elle le droit commun qui lui
donne fpécialement les novales ; elle a pour elle
la difpofition de la loi, qui, en général, improuve
les abonnements , fi l’Eglife n’y trouve fon avanta
ge & ion utilité, parce que ce font des vraies alié
nations. Il n’eft donc pas probable qu’elle puifîè
ctre dépouillée des novales à venir par l’effet d’une
fimple préfomption qui porteroit atteinte au droit
commun.
Les Adveriaires oppofent qu’un abonnement
des novales à venir tient un peu ducontrat aléatoi
re r par rapport à l’incertitude de l’événement : on
ne conçoit pas le fort de l’obje&ion ; cette incer
titude icroit elle-même une raifon pour ne pas autorifer unabonnement fur les novales avenir, parce
�»
> •
'
que c’eft
une* aliénation^qui- ri’eft
permit
quau*7^/
tant que l’Eglife y trouve fon avantage; mais qua
cela de commun avecTefpece ? 0ii2f>âiit faire des
conventions relatives a des événe^nfs iricertâifns^
perfonne n’en doute ; mais- il faut ail moins qùè
la convention foit faite , qu’elle ioit établie, &; elle
ne fe préfume pas, tout comme on ne préfume pas
qu’un abonnement ¡comprenne des novàlésà Venir.
Ce nreft pas un bon moyen de prouver qu’ürië
choie eft, que de dire qu’elle eft poflible.
C’eft donc bien infruéhieufement que les AdVerfaires en appellent 'a la tranfaction de: 1 686 ,
aux lieves, aux quittances ,~au bail à fermef, aux
aiîignations- dont on a parlé; le tout a été âppré*
cié à fa jufte .valeur ; mais de’plus tout ce cCela
n’eft qu’un déhors delà caufe , renonciation dans
la tranfa&iôn^ne fait aucune mention dès novales
à venir , elle ne rappelle que quelques compofitjons
particulières , dé ioi nulles , faites fur lös terres an
ciennes ; elle ne frappe même que fur une partie de
ces terres anciennes ; on l’a prouvé. Les lieves ,
les quittances , le bail à ferme 6c les aifignations
ne fe réferent qu’aux quotités>dé ces compofitionS
particulières, <Sc11’ont aucune application aux terres
de nouvelle culture.
• C’eft une iinguliere maniéré de prouver que les
lieves , les quittances , le bail a ferme, les ailigna-'
tions s’appliquent aux nouveaux défrichements quei
de dire qu’il y eft fait mention de quotc dedîmes :
il vaudroit autant dire qu’un droit eft l’objet d’un
�, par la raifon’même que l’a&e n’enparlepas :
gela* eft abfurdevr/;; fîoi vi.'/n y ôVg * ...j ■»;j
aaljl n’eft/p^sfitioin.s., fmgulier de rvouloir. prouve»
|’afeonflerrtentj-:desriioùv'eaux défrichements , par
çette?circonftance'i;quer'dans- les quittances que les
CDurés ont données, ils n’ont; point fait réferve de
(a, npMale>rIir.vaudr.oit- autanti direj que celui qui
ayanÿ detfxv,droits certains yr;d°nnej quittance‘de
l’qn\y; reconnpît delà que l’autre n’eft pas du. ',0
Mais qü’avoiént béiôin les;Curés de Thiollieresde faire réferve des novales dans Tles quittances
qu’ils, dorïnoient, -dans.Jes! baux.qu’ils,paiIoiént;/
^Çjj.d^ns les: aifigoations qu’ilsifaifoient, pofer;pour.
raifon, de la quotje de:dîme ? ils étoiént; en poiïe£
Çon ‘ ils percevoierit la dîme à la'gerbe fur tous
les nouveaux défrichements. .
i-4,
■ .|Ge faijr eft aujourd’hui.conftant :<dans tousiles
temps:.Ie5;idj.irésr.de/ Thiollieres ont-étélen poiTcf-,
fion de percevoir >&} put; toujours perçu la dîme
novale à la onzième gerbe; de tous les nouveaux
défrichements', dans toutei l’étendue de leur PaijoiiTè; ccl.4r.eft fprpuy,é- par -l'enquête , par les Pa*!
roiffiélis mêmes ; & qui plus eft,'- par les dépofiÿpps,:deLfept des- Advedàir.es ; rcela eft prouvé
par l’aveu du défunt Perc des Fouilhoux , appel-,
latlts. yjconfigné dans une écriture de la.cauiè prin
cipale. cclii çlt prouve par ^les, preuves, écrites , :
par des aflignations^données à la requêtie du fieur
Mercierpar les compôf?tions faites ^vecj|es fieurs
Yimalde Murs de Védieres , par des émar-
v^ \ & c
�gements même’misfur ^les liûves *■&. il. ne doit plus 1U &
préfentement refter,aux Adverfaires que.ls répefitir
Savoir avancé hardiment, dans leur Mémoire ,
queja dfftinâiipn des npjvales-Æ?^ jufqumi fieur
.
Faidides inconnue'dans la Païoÿje de Thiollieres , & que jamais ,o(i jîy a entendu parler. de
dîmes novale^ , :quelques...défnc]içmemsAqupn y ait
fa it depuis j e s jiécks. - .^ , .
sj z \
. r _.b
La,poffeffion.des Curés;de Thjollieres , une fois
conftante & prouvée, comment les Adverfaires
oient-ils, dire vque le; prétendu abonnement a été
général, pour,les novales -des défrichenrçnts a 've
nir comme'pour ks terres anciennes ?'lhn’y, a iti
qu’à lésjuger. par leurs propres'principes.
: Il faut confidérer, difènt-ils 7 page 18 de leur
Mémoire , Pétat. ,açluelude la djmcrie, cejl le der?\
nier état qui fa it .préfumer .de1- létat ancien : les
chofes font cenfées s’être pratiquées autrefois comme
elles fe pratiquent aujourd'hui. Delà l'autorité de.
la poffejjion en toute matiere. . . . . rujàgefubjugue tout. . . . . Tufage réglé abfolumeni.la for-,
m e , la quotité & l ’objet de la perception de la
dîme.
.
En un autre endroit de leur Mémoire, pag.
3-o, ils difent que ii les .Curés de Thiollicres
<-‘toient en poileifion de percevoir la novale, des
nouveaux défrichements, ¿c la .dîme fur plufieurs
terres d’ancienne culture, cela tendroit à faire
croire que l ’abonnement ici nejl que partiaire , re~
latLvcment même à la dîme ancienne, qü'il eft ab~
�t 6
Jbluinent étranger à la dîme novale, '& que telle
ejî fu r lune & Ju r- Tautre dîme la pojfefjion conf*
tante.
:1 t
" ,
*'
En voilà plus qu’il en faut : les Adveriaires?
prononcent eux-mêmes leur condamnation.' Les
Curés de Thiollieres font en poflèiïion de perceVdir la dîme à la^gerbe fur partie des hrresan->
ciennes, 6c la dîme novale fur tous les défriche-,
ments de leur Paroiiîe : ceft /’état actuel, cejl le
dernier état ; les chofes font cenfées s être prati
quées toujours de^même\ delà /’autorité de la pofi
Jejfi(/n?: Tiifage régie abfolument la forme , la
quotité & l objet de la perception delà dîme : cela
prouve que le prétendu abonnement ne fu t que
partiaire , relativement même à la dîme ancienne ;
cela prouve que le prétendu abonnement fut ab»
folument étranger-à la dîme novale.
~ Que refle-t-il donc préfentement à faire? l’on a1
prouvé qu’il n’y a jamais eud’abonnement valable
même relativement à la groilè dîme : l’on a prou
vé que cet abonnement exiileroit, que les novales n’y feroient point comprimes ; les Parties adverfes en conviennent; s’il eil vrai que les Curés
de Thiollieres en foient en poiTellion, cette poffeiTion eil prouvée, il ne relie donc plus qu’a
prononcer.
‘ En cet érat, les Parties adverfes ne diront plus
vraifemblablcment qu’ils ont prefcrit la manière
de payer la dîme novale : cela eil impoifible ,
puifqu’il s’agit de défrichements faits depuis moins
de
�de trente]'anssçj cela- rie.pcmrroit .ççrç 9j,-parçe que, 1
1$ ÿi§e<düotitïe sfy ¿oppaferoii'fj
polii' preicfire'il FainrpdiïtBepjj &çc‘Laipoije/Hon ^
rétitìft ati^'droitCommun:ennfey;e磿çs f(^ur^i ^
Ils' rie diront plus ; qu^m- Déçi«iatcurt ne peut
pas avoir *toüb inlaifois JapcJiofe (<Jc^|e pp^ce^
$lfc 1ePlfabitanrsfpayentrjpourfquçiç-,d,e çÔirne^^
polirJ->d’tìbjec^que des .teoresi ànoie#nésT)&c,i%ne.
payent rièri' pourîlès.iiQiiveauxidé&icKea^ents , qui,
oïit toujours payé"à4 a gerbe, ¡ri-.,
rl :
x?'Lès Adveriaires<oppò1en^qwe.quelque .q^ii^n^
tiés? âüiri-bienoqueA?autT^^res,jégajç}^çt}pJprôf;
diiit^', -fônt%ïnentian.de fco^rde/préç,y^e ^ilops
<3t-defjardittspotagers*commode çhofes po^irrajibn
defquelles les Propriétaires ; doivent^ payent,une
qüole^fà^tiâcü& dîmeabolir^ *f
ék'OTÇfe®
queladîme abonnée eft' générale;fur;^ Ja^oiüe^^7
^ é t t e P o ^ ’e ^ c r n ' e f t b i b n t m i e $ a ç é ^
f ni)r\7l
r;
Les; prétendus.titres?&3$üiWàftces qui: co.n,'tienriènt l’énonciation: n’ont yjamais 0étq. figrjifiçs
ni. communiqués.
.'-»upoviup-j oujoi ovof dop
1 ^^y j^a p^t1yrerde leur, ïnùtijité réfuU^ tûen/vi^d'étiirneht- dô^e que les Adversaires forjit.aiïez çomvprendre qiie rénonciation ;n’eft relative qu?a.,,çcr';tairiè'•ôbjét'si paniculiers ,j&^que lç généralun’en
J eft'pôintM-oiijecç ociKon iàit;cjue Ja^jr.avûere <|e
payer la dîme par quelques;Pv£rtjpjdiers.j,nf<jdéci
de rien pour le canton , elle eft meme inutile aux
Particuliers qui ne peuvent s’en prévaloir, quel
que longue qu’elle foit.
H
�5»
W
3‘- L’énoneiation« n’auroit rien de?furprenant^,
&' il,Terdit SIàiré d’eiî' idonner via iraiÎon'^-o.n aj
vu ¿[lie' de^'H-aCitants3'de:1a¡paroifle.de-ïhioUie-r
res ‘ont ;pàye urië cétbitte'quotitéJç- jdîmçs, .pour,
des terres' ancienhes ^qaUls^poJÎedent..; &;i! eft
ar^iv^plijiteurs-févs^qu’-à la^miiri; d,a çh-eC:4e fa-:
rriirBeD
, leWhéritier,'leirpartageant;ie>vMer$ liji
'défunt f^oîit prâ¥tûgé; le montant ^e lajqii&^de^i
^eî/coHrm,ê:iinè -¿hâfgc de la .iucceffiony epi
ont fait la répartition a.’proportion de leurs apieiv*
denients Turpïes; feérifâges.dqctoutesi.efpeçe§$ J; ux
adVenO^parle^artàge^^ceuXi'.quiponÇi^iv tmi? n^aiT
fon, rtni Jbaià■j1;impçé>°féibat^chargqs^e gayjay
a proportion, & ont payé' conformément a leur
partage; Voilà ce qui peut avqir donné, lieu au$
tfndac.iafofls $ûé> les*-Partiescatfcerfes. .’difent iypif
troü^éts^ daris^cèrtain^s^quittancesi :fn ■-
J . i;o
Enfin , lâ^mafliérende; payer.:laA î ™ dans la
paroiïîe de Thiollieres eit confiante ; les Curés
y ont toujours perçu la.novale à-la ■gejrbe.;,^
cela leve toute équivoque.
.*èi;prr.u;.injoo iri
“r’ Cette poffeiÎiofi’ideiFaveu des^rties ^iverfes,
'doit fàirfeMfr lôi7 <k-c?eil . uhejCQnjiqu^nc^jquç,
d a n s le; point de -fait comme dans^le. pajnuçc
droit;, les nôvales •ne-feroientf.poio^pr^ei^0
'T abon n em eh t ? s’ il/en exiftoit çm ^ ¡JJo feu tf,P ^ P j à.
’ ia^ trpifiem é pi'<)pofuion,; i
;i Cj o m it :,\ v î y b n
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‘j 1 i .’ orf non sf>
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TROÎSIEH.E PRO PO SITIO N r W
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y ?u,f 03V/i 2;fifi r Jlo/b
Z f j Religièiix B¿tiédiclinsi de Soitxilîangesi nau^
\ ro ient'èù àticurt dio
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ahohnéi le'$\ mvfdes\
ïy,,V^
H ?. •••' 1%-iK
Les novales appartiennent aux Curés a i’excïu-.
fion, de-tous autre?. ,.
,.s • vvi ^
Les Curés, quoique .dépouillés .des dîmes qui'
ont paiféjt des Çprps^ou àjdW^Barùeuli^rs ,,foiKreliés feuls fondés à percevoir ,les dîmes des ter*
*es qui rapportent de npuveau , dans l’étendue
de leur;;parpi0è4>des.rfruits'ijéci^abj^.. Ces nouy
Veaux ¡fruits ne ppiyèlP.
abntJ^dx.pU #
M 8Î
nàiiIanÎéi, ôc qui ;rtiêmern’ônt< ce 'droit -que çonlre le vœu général de 1Eglife & d,e l’Etat : ils
feAfcnt;,.^.¿pp^ftienncnt inçonççft^blenient à celui
*lu.Ufci,l.Qfeift
de? ta>V
rues' ,/•Aqui
fuppprte'ie
"poids
du
;
V
4
<•1
f} j
jour.
. . enhn ^u/^ure,.pour
q u i. la rétribution
. / t
- • ■*
gênera]eja. eteetablie., ;
^ - i i’ fiîn.v., .) (jv^H
v.Tei eft Je principe, enseigné par d’Hériçourt :
Les
novales
&„ les*
minies~dmes\ ¿\% cet'ÀuteurL•
r
/t. f
• -> ',r>* 1:J3. ./.y «••jJf; ;-.,u ?vr**/
/
t*
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'*
jQn&fijfçctçes ¡(L unelm a^i^particfiliej;e àceuof qiïi
font chargés de,'la conduiti dés: avie&ÿe- là P a rn;tr
,bn
‘
■ / ■ ' ‘-’•W 7i; ' f')0 *;rj!*vi.»
r°iJJe ; cejt pourquoi.jef gros jUécimateurs ne peu*
-Vent les prétendre cpfltje' îes^Çurés,
fj
'' -»bDuperray enlcigpeja rnçme do%inè ‘: Les.no-
'■valej y dit-il ^appartiennent de droit jomjîïun àïix
■Curesquand,meme
u » i ...... à ■V17' ils
/ 1nÇauroient
-• <•- aucune
yrj) part aux
EroJ}es dîmes., ■
0
ü
*
�;u ç
6°<
Fuût, rapporté par Lacombe , dit la même
chofe , mais avec plus d’étendue : Les novales
appdhkfûitnb aux X^iirés^ cej.qui a lieuAcàyifi'e les^
Religieux ■pfivilégiésYy \'auJJi-Uien
contre,Jes
autres gros Déçimateurs indijhnclement. Le princi
pe qui ‘dbntiè le‘s novales •aux^Curésejl que toute
t A
/>
*
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7
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^
pbur/oient.jên ; etrç:uvpoiltutsi qile_pa-r L:avquijition
âïïe ‘léspî)etïMitepti%aUtoïéht f'àïtè des'dxnîis ,\ vu>
par là p^PefcrtyiWn; 'l ‘O r 'les \Décinïatèuf$ ; ne ipcm.
gfcüfc
______ langes lon t m em bres.
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Cc»m m cntfCet 'droit' des1j0til'és' fctl r -difroiè-il-été
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J?apcs i f a^éttP àccorcfe i'TOVïïr^lVlç ‘d W i y ........
‘■ cu i& m
^ ¿ V M y ’^ i^ p K fljo r f-’dB'îa
parc
ont dans les grottes dîmes” ; m 'àisli’op
�6b
fait en même temps qu’un privilege pareil , qui
déroge à un droit public, introduit pour la iub—
fiilance des Miniilres l’Eglife , doit être revêtu de
l’autorité royale, 6c enrégiftré en la Cour du Par
lement. On connoît la certitude des maximes fur
ce point ; les Arrêts de règlements des 15. Mai
1657 , 1,5 Avril 1703 6c 16 Avril 1716, en fe
référant aux. réglés obfervées inviolablement de
toute ancienneté , font défenfes d'exécuter aucunes
Bulles ou B refs, ou autres Eixpéditions émanées
de la Cour de R o m e, fans Lettres Patentes du
Roi-, ;regijlrées en la Cour, pour en ordonner la
publication. Mais 011 feûilleteroit inutilement les
regiftres de la Cour d;c Parlement, on n’y trouveroit aucune vérification ou enregiftrement de
ces Bulles accordées à l’Ordre de Cluny.
•«..11 y ;a plus.; inutilement ces Bulles ont été
préicn'técs-, l’çnrégiilrement. a été toujours refufé.
Et comment l'exaclitudevde laCour auroit-elle pù
adopter ;,un privilege exhorbitant, contraire aü
lesjprive, hytoujoqrs de^droits dç ^revenus1 ui
l)ont(piis ncs auili la bour de Parlement a
►pgrpituftlle^qht^ijgç ,;çu^pntr^if é
les Curés dai?.sj.la^^pneç‘noÿ^lc$.contrôles
jÎiçligiedx,djÇ Cluny Jautres, Çorps prétçndants
?le4mêmc^privilegc : la \Jurisprudence eil notoire
4 cpt ¿^ardy 6c, eiVconftatée en
particulier par
u.ï
*
-
t»*-
‘ i .
-
.
..................... .
�62
lés Arrêts des 26 Avril 16 <5«5, 24 Avril 1663 ; 23 Mars 1666 , & 3 Septembre .1716, rap
portés a leurs dàtels dans lev Journal ’des- Au
diences.
A la vérité, ces Bulles clortt il s’agit ont ét'é^
enrégiftrées au Giand Cônfeil, mais cetenrégifc
trement au Grand Cônfeil n’a ancun trait au*
déciiions de la Cour,* âiiiïihous èft-il attëfté paf
tous les Auteurs que là J'urifprudencë du Parle^
ment eil perpétuellement rèiïée la même , de laiffer aux Curés toutes les novales, fans admettre
le privilege prétendu par l’Ordre de Clüny &
autres.
.
,
Fuet s’explique en Cès tcrtoùs ’ Iti JiM fprrtden.ee
du Parlement de Paris efi d'adjuger les novales
aux Cures indißincl'ement , au lieu que celle du
Grand Cônfeil ¿toit deiès adjuger aux Religieux
privilégiés , à proportion de ce quils pcjpaoienf
dans tes großes dîmes delà Paroi/Je.
<no :
Du Jouy dît : au Parlement on juge que les novalet appartiennent aux Curés , a moins qu'il n'y
'ait un titre particulier qui les donne à un autre
JJécimatèur , ce, qui peut arriver datis deux cas.
\<Àu 'Grand Cop/eil on àdmtt une troifleme excep
tion en faveur des Ordres de Cluny, Fontevrault
& aiitres 'qü'onjuge aVoirle droit de jouir des nô*
y aies à 'proportion dek großes Idimès.
'
?:\
Lacombe, verb. ¿îrncs^ 'izâ. l ï , qtieft. ,clit
encore : la Junfprudenèe du Parlement de Paris
tfl iVadjuger les novales au Curé indißinclement, au
�53
lieu que celle du Grand Confeil ejl de les adju
ger aux Religieux privilégiés , à proportion de ce.
qu ils pojfédent dans la greffe dîme de la Paroîjfc :
TAuteur; en avertit les Curés 6c les.invite a pren
dre garde de ne point plaider au Grand Confeil.
Il y a plus: cette façon de juger du Grand
Confeil eft une cfirofè abolie 6c anéantie ; auiïi,
comme on a dule remarquer , Me. Fùet: s’expri
me-t-il aii paifé e n là rapportant ? il en donne la
raifon, c’eft que par l’article 12 de la Déclaration
du 15 Janvier, 17 31 , qui eft rapportée dans le
Code des Cürés page 793 , il eit dit que toutes
les contentions entre les Curés & gros Décimateurs feront portées0devant les Baillis royaux ,6c
par appel aux Parlements, nonobftant toutes évo
cations, & notamment celles au Grand Confeil;
delà lé Légiijafeur, en' faifant tout rentrer , dans
1 ordre naturel pour lès JurîfHiéHons , a rétabli
l’unite dé Jurisprudence 6c a remédié à ladiverfité
des jugements : delà le droit des Curés ne reçoit
.jj>Ius d’atteinte , la Çc^ur. étant reliée feul juge de
r.£c qiii les concerné , comme auparavant elle l’aVoit été dans tous le^t<imps.
L’on trouve auiïi un nombre de dédiions récen
ts qui ont confirmé ledroit des Curés.L’on trou
ve dans le Codé' dés. Curés un ÀiV^t du Parlè
rent de Dijon du. 12 Janvier
?/ans
avoir egarcl au prétendu privilège1de l’Ordre de
Cluny , adjugea au Curé de la ParoiiTe de faint
Marcelles-Chalons-fur^ Saône? la rioVale djms
■ • -ü y »; oit j.ïm...
v .j
-/¡o
�l/i^
y
'
"
toute ,l’étendue de fa Paroiife ; ce,tyArrêt fut ren-‘
du contre ,1e Prieur .&;yCuï^ primitif^cjuf étoit
Clurtiile. L’on en?trouver un ¿utre. du 13 Septèm-v
bre 1758 rendu en faveur du Curé de l’Etoile, ‘
contre les Religieux de Morancourt , Ordre de
Fontevrauk ; il ,jven a un^autre très-connu, qui.
fut rendu en 1.759 en fav(eiir du -Curé de SousMaintraiiv, contre,.les,Religieux de Pontigni^,
Ordre de Citeaux.
,
: "
G’eft donc contre le vœu du Légiflatçur &
contre laVconftante autorité de la cHofe^ jugéet,qüe
les Parties adverfes ocient avancer que leVReligieux
de Souxillanges ^auroient pu abonner les novales
de la Paroiiiê de Thiollieres ; ç’eit; vouloir faire
adopter un prétendu privilere contraire au droit
»public.,
1-1* a
' v1interet,
' ' a des
j ^.C^oures oc de tQUt le.p
De
|L|».Jlerg
féculier.;
privilège que* les Cours
,; loin'de le to,,
’ f ,•••••
H )ri’ o y , n : . V DIÙT« . J
lerer , ont dans tous les-, temps- rejette ^ oc rejette
ront toujours.
' 1 * / V1 ■' *^
Ainfi il faut regarder comme; *une
vérité conf. - -n t•’
u r iJi
J P'.'V* /
tante
que
les
.R
elip-ieux
de
Cluny
ont
toujours
ete
P
ri} .
7
j
:.
Q'y
.
1
** ; . f
J
jujets au droit commun , imvant lequel ; les (L-ures
doivent avoir la dîme des fruits qui croiilènt fur
les fonds défrichés : on ne fait encore ici que rap-
•
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ait cet Auteur , oc ccrtamcmcnt ils n y trouveront
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roiit pas leur compte : le Parlement a toujours
adjugé les novales aux Curés, à l’exclufion des
Religieux privilégiés ; voilà ce que dit de Jouy.
Quant au iurplus , les Religieux de Souxillanges auroient eu dans le principe droit aux novales, ils n’auroient pas plus eu celui de les abon
ner , par deux raiions :
’L’une, parce qu’ils auroint été dépouillés par la
Déclaration du 29 Janvier 1686 , poftérieure de
neuf mois à la tranfaâion dont on excipe, & ils
n auroient pu par coniequent les abonner au pré
judice des Curés , auxquels la Déclaration du
Roi venoit de les attribuer indéfiniment ; c’eft
une loi du Royaume, qui ayant été enrégiflrée , a
dû avoir fa pleine & entiere exécution ; & le
fieurFaidides peut ici faire, plus heureufemenc
que ne le font les Parties adveriès , l’application
de la maxime , que lorfque la loi ne diitinguç
pas, il n’appartient pas à l’homme de diilinguer
a ion défaut.
La fécondé raifon clique les Religieux de S011xillanges firent, à la même époque de 1686 ,
Un abandon aux Curés de la groile dîme.
S’il falloit d’autres titres aux Curés de Thiolhetes , ils en trouveroient un dans la Déclara
tion du Roi du .28 Août 17 59 , qui donne aux
Curés 1es novales des défrichements poilérieurs
aTa date, &c fait dépendre de la poifeilion le
droit aux défrichements antérieurs : on doutoir ,
l^rs du Mémoire du iieur Faidides, il cette DéI
�claration avoit été enrégiilrée au Parlement de
Paris, Von voie aujourd’hui queTenrëgiiïremenr
flit fait le 8 Janvier 1761, avec quelques'modi
fications défavorables aux Ordres 'privilégiés;
mais le fieur Faidides n’eft même pas dans le cas
de faire ufage de ces modifications ; les Curéstde[
Thiolliercs ont toujours été en poiïèiïiôn'dc perce-1
voir les novales depuis 1686, ÔCpar conséquent.la.
Déclaration les leur donne toutes indiftin&cment. Le droit du fieur Faidides eft donc porté jufqu’au dernier dégré d’évidence ; il n’y a jamais1
eu d’abonnement valable des dîmes de là‘Paroiflbl
de ThioUicres ; s’il y en avoit un , il-ne compren-droit pas les dîmes novales ; les Religieux de Sou-;
xillanges n’auroient eu aucun droit de les abon
ner ; les Curés de Thiolliercs les ont perçus h la
aerbe , on a donc eu raifon de dir-c que tout" fif
réunit en leur faveur, le droit commun, les ti-'
très mêmes ôt la pofleiïion immémoriale.
L ’ o n finira par une réflexion : le but que s’eil
p r o p o f é le fieur Faidides a toujours été de conl'erver, de io n vivant , la dîmerie de fa Paroiflc
dans l’état qu’il l’a trouvéey& de prendre la per
ception de fes Prédécefleurs pour la régie de la
iicnne ; il s’effc conféquemment reftreint jufqu’à
préfent à demander la dîme à la gerbe fur -les
n o u v e a u x défrichements indiftin&emcric, •& fur’
les terres anciennes qui l’ont toujours payée; à
l’égard des autres, il s’eft contenté de la quotité
portée par les lieves, toutes informes qu’elles
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^7
,
.
ity
font : mais il comprend aujourd’hui qu il efl pre£
qu’impofiible que l’état adueL de la dîmerie puiile
fubfifter. On a vu qu’il n’exiile pas d’abonne
ment valable , mais d’ailleurs il ne peut y en
avoir où il n’y a pas d’uniformité. Or ence qui
concerne les terres anciennes prétendues abon
nées y il ny a pas d’uniformité dans la redevan
ce ; une lieve ne la porte qu’à cinquante fetiers,
une autre la porte à cinquante-un fetiers deux
cartons quatre coupes Ôc demie, la troifieme à
cinquante-cinq fetiers cinq cartons , &c la qua
trième à cinquante-fept fetiers &; un carton ; il
n’y a pas plus d’uniformité dans Jes.quotités(>particulieres, chacun cherche à diminuer la fienne ;
les fieurs Fouilhoux en ont fourni un exemple. Il
n’y a pas enfin,d’uniformité dans chaque canton:
une terre ancienne payé à la gerbe; une autre terre
dej même canton nerpaye qu’une certaine quoti
té , parce qu’il yva ùu à loin .égard une com
position particulière. : tout--cela cil .contre la
règle ,* c’eil un abus:qui;; jpeut avoir de mauvaifes
luîtes ; il paroîc de toute néceifité.dp.rétaiblir. cette
uniformité, qui cil de l’eiTence de;jtout abonne
ment , en faiiant tout rentrer dans le droit com
mun , dont le retour eit ii favorable. Le fieur
^Faidides prendra en coniéquence desconclufions
mais ce iera en s’en rapportant abfolument à la
prudence de la Cour»
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. rij/> ; ' : j , 4
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jj:.
H
�Ce considéré,,.Nofleigncurs , il vous
plaife donner a£te 'au Suppliant de la 'production
qù’il fait de-l’enquête-faite à--fa.'requête les 16 &C
17 Juin dernier, en exécution de l’Arrêt de la
Cour du 3 'du même mois, y ..ayant égard, &
procédant au jugement du procès -d’entre les Par
ties pondant en laCourau:rapport de M. M.allet ,
ConfôiUer ? fans s’areêcer h l’intervention de Damieii Bfrfrië ^-'d’Antoine -Moilier &:Conibrs ,
ni aux demandes, fins &: conclufions prifes, tant
par-Ieiliits Intervenants que par Suzanne .Gour-*
beÿrè' & Claude*Foiiilhoux , aux' noms & qualités
qu’ilsprocèdent,- Appellants, dont ils feront débou1
tés , & rendant droitfur l’appel de la Sentence de
la Sénéchauffée d’Auvergne à-Riom, du 11 Mars
1773, mettre l’appellation au néant; ordonner
que ce dont ¡eût' appel iortira effet:’condamner les
Appellants eit -l’iinlende , garder & maintenir-le
Suppliant-en ia qualité de Curé de la Paroiflè; dfc
Thiollieres aux droit &: poflèfïion qu’il a de per
cevoir la;dîmë-nôvale -à-raiion de la;on/,icnie gerbey
de tous fruité -ctécimables fur tous les nouveaux' dé
frichements faits & a faire dans toute létendnede
fa Paroiffe ,
la dîme auffi à la onzième gerbe
de tous fruits décimables dans tous les territoires
& terres anciennes qui oiit accoutumé de la -payer,
le tout indépendamment de la redevance des <57
fetiers bled, portés par l’une des lieves que les Ha
bitants ont accoutumés de payer pour & en lieu
de la dîme des terres anciennes, dans leiquclles les
�Cures de Thiollieres n’ont point pris la dîme en
nature, fans préjudice du droit des fucceffeurs Cu
rés : & où la Cour eftimeroit que l’etat actuel de
la dîmerie ne doit fubfifter, garder & maintenir,
audit cas le Suppliant, en fa qualité de Curé, dans
le droit de percevoir a l’avenir en nature les dî
mes tant novales qu’anciennes, a raifon de la on
zième gerbe des quatre gros fruits, froment, feigle,
orge & avoine qui fe recueilleront dans toute l’é
tendue de la Paroiffe de Thiollieres fans diftinction,
& ce tant dans les terres anciennes, pour raiion
defquelles on n’a payé qu’une certaine quotité de
grains , que dans celles auffi anciennes & de nou
velle culture qui ont jufqu’à préfent payé a la ger
be : ordonner, audit cas, que les Habitants de la
Paroiffe demeureront déchargés pour l’avenir, cha
cun de la redevance en grains portée par lefdites
lieves : condamner dans tous les cas les Appellants
& les Intervenants en tous les dépens : & vous
ferezbien. Signé , FAIDIDES, Curé deThiollieres.
Monfieur M A L L E T y Rapporteur.
Me. T A R D I F , Avocat.
BA
r
r
y
, Procureur.
l’Imprimeri« de P. V IA L L A N E S , près l’ ancien Marché au Bled. 1774»
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Faidides, Benoît. 1774]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mallet
Tardif
Barry
Subject
The topic of the resource
dîmes novales
défrichements
dîmes à la onzième gerbe
collecte de l'impôt
preuves par ouï-dire
métayage
fiscalité
Description
An account of the resource
Titre complet : A nosseigneurs, nosseigneurs du Conseil supérieur de Clermont. Supplie humblement Benoît Faidides, Curé de la Paroisse de Thiollière, Intimé. Contre demoiselle Suzanne Gourbeyre, veuve de Pierre Fouilhoux, et Claude Fouilhoux, Mineur, émancipé, autorisé par sieur François Laval, son curateur, appellants. Et encore contre Damien Bosrie, Antoine Moilier, Jean Mathias, François Gammonnet l'aîné, Pierre Colay, Pierre Gouverneyre, Louis Convers aîné, Antoine Chevalier, Claude Bosrie, Guillaume Sauvageot, Louis Convers le jeune, Antoine Malhaire, Claude convers, Sylvestre Malhaire, Jacques Bonnefoy, Jean Malhaire, Michel-Marie Bonnefoy, Antoine Degeorge, Pierre Gouvernaire, François Favier, Etienne Solviche, Antoine Serendas, michel Duffol et Annet Descote, tous habitants de la paroisse de Thiollière ; Monsieur Antoine Celeyron de la Greleyre négociant, Amable Micolon notaire royal, Claude Chantemerle changeur pour le Roi, et Jean-Joseph boucheron négociant, habitants de la ville d'Ambert, et possesseurs de fonds et héritages situés dans ladite Paroisse de Thiollières, intervenants et demandeurs.
Table Godemel : Novales (dîmes) : un abonnement, quelque général qu’il soit, ne frappe point sur les dîmes novales, sur les défrichements à venir, s’ils n’y sont expressément et nommément compris ; les novales sont-elles affectées d’une manière particulière aux curés, de façon qu’elles leur appartiennent, quoique les grosses dîmes soient possédées par d’autres ? Dîmes : 1. en droit, présume-t-on un abonnement sur les dîmes, sans titre et sans formalités ? Un abonnement, quelque général qu’il soit, ne frappe point sur les dîmes novales, sur les défrichements à venir, s’ils n’y sont expressément et nommément compris ? les novales sont-elles affectées d’une manière particulière aux curés de façon qu’elles leur appartiennent, quoique les propres dîmes soient possédées par d’autres ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1774
1686-1774
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
69 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0103
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0104
BCU_Factums_G0105
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52861/BCU_Factums_G0103.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Thiolières (63431)
Ambert (63003)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Collecte de l'impôt
défrichements
dîmes à la onzième gerbe
dîmes novales
fiscalité
métayage
preuves par ouï-dire
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53209/BCU_Factums_G1320.pdf
8000d68db87f4e633059430d70065a1c
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W )ï
MÉMOIRE
EN REPONSE,
POUR
A
nne
N O Y E R - L A G A R D E , avoué au tribunal
civil de l 'a rrondissement de C le r m o n t , intim e;
CONTRE
J o s e p h N O Y E R - D U B O U Y , habitant a Chamallières, appelant ;
EN
J
de
P
eanne
ie r r e
P R É S E N C E
et M A
et J
r ie
o seph
- G A B R IE L L E N O Y E R ,
G R E L I C H E S leurs maris,
habitant à M o zun , intimés.
H A R CELÉ depuis plus de dix ans par un adversaire trop
dangereux, N oyer-Lagarde a déjà appris, par une bien
�(
2
)
triste expérience, qu’on ne sauroit trop se prémunir
contre les attaques d’un ennemi trop adroit. Pour n’avoir
pas surveillé la rédaction d’un jugement rendu sur appel,
au tribunal civil du département de la Haute-Loire ; pour
avoir laissé dans ce jugement quelques équivoques échap
pées à celui qui en fut le rédacteur ; pour avoir agi en
exécution de la chose qu’il avoit dû présumer irrévoca
blement jugée ; peut-être encore par ce défaut de pré
voyance qui vicie quelquefois les actions de celui qui a
la bonhomie de croire à la bonne foi de ses semblables,
il a déjà succombé dans un procès relatif à la succession
de son père ; et son adversaire, abusant d’un triomphe
qu’il ne dut qu’à des circonstances que le juge ne pouvoit écarter, mais dont il n’eût pas dû profiter, a mis
autant d’àpreté dans l’exécution de ce premier jugement,
qu’il avoit mis d’adresse dans son plan d’attaque et de
défense.
Tout autre que Noyer-Dubouy se seroit sans doute
estimé assez heureux d’etre constitué, par le résultat de
ce jugement, créancier de près de 2,300 francs, de celui
qui se prétendoit lui-même créancier de près de 6,000 fr.;
et par une foule de significations inutiles , on pourroit
dire frustratoires , il n’eût pas aggravé l’infortune d’un
frère: il se fût contenté d’exiger le capital et les intérêts
qui lui étoient adjugés; mais il n’eût pas retiré une ex
pédition dont le coût et signification se montèrent à près
de 1,000 francs. Mais tel est le caractère de l’adversaire que
Noyer-La garde a encore à combattre aujourd'hui : consu
mer une partie de la fortune de son frère en frais inu
tiles, étudier avec soin toutes ses démarches, mettre à
�(
3
)
^
profît jusqu’aux moindres écarts dans la marche qu’il a
suivie ; voilà tout son système, et c’est par suite de ce
système astucieusement réfléchi, qu’après s’être laissé contumacer en première instance, il veut aujourd’h u i, et en
cause d’appel, tirer avantage, et des condamnations que
Noyer-Lagarde a obtenues contre lu i, et du silence qu’il a
gardé lui-même devant les premiers juges.
Des écritures respectivement signifiées avant le juge
ment qui a appointé les parties au conseil, et deux mé
moires signifiés depuis p eu , ont déjà tracé et retracé tous
les faits de cette cause, et Noyer-Lagarde, pour éviter des
répétitions inutiles, croit devoir se borner ici à la réfuta
tion des moyens employés par Noyer-Dubouy, dans son
mémoire signifié le 1 1 nivôse dernier.
Trois questions ont été par lui discutées; la première,
relative au désaveu, est dirigée contre ses sœurs et beauxfrères.
L a seconde, relative à l’opposition, et la troisième
qui a pour objet la consistance de la succession de la mère
commune, intéressent à la fois les dames Greliclies, leurs
époux, et plus particulièrement encore Noyer-Lagarde.
Sur la première question, Noyer-Lagnrdo se bornera
à mettre sous les yeux du tribunal un exposé fidèle de
la conduite qu’il a tenije. Sur la seconde, il établira que
son opposition est’ recevable, et subsidiairement que
Noyer-Dubouy no peut opposer la fin de non-recevoir.
E t sur la troisième, il établira que si l’on excepte quel
ques effets mobiliers de peu de valeur, il n’y a pas de
succession à diviser du chef de la mère commune; et subA 3
�U )
A
sidiairement, en supposant qu’il pût en exister, il en étaJLilira la consistance.
P R E M I È R E
QUESTION.
L a demande en désaveu des dames Greliches et leurs
époux étoit-elle Jbndée ?
Noyer-Lagarde, accusé par les dames Greliches d’avoir
colludé avec N oyer-D ubouy , et par Noyer-Dubouy
d’avoir colludé avec les dames Greliches, n’a colludé ni
avec les uns ni avec les autres. Guidé, dans la marche
qu’il a suivie, par une consultation signée par des juris
consultes dont les lumières devoient naturellement lui
servir de fanal dans la route qu’ils lui avoient indiquée,
il a cru ne pas compromettre les intérêts de ses sœurs
et beaux-frères, en faisant pour eux ce qu’on lui assuroit
qu’il pouvoit faire utilement pour lui. Si une demande
en désaveu est quelquefois llélrissante pour celui contre
qui elle est dirigée, il est aussi des circonstances où elle
ne suppose qu’une erreur de sa part ; et alors, sans com
promettre sa réputation, il peut, il doit même ne rien
dissimuler à la justice , et lui apprendre comment et
pourquoi il a cru pouvoir agir pour les demandeurs en
désaveu , sans y être spécialement autorisé de leur part.
Ecarter une demande en désaveu, par des allégations
mensongères, ce seroit ajouter, h. une erreur excusable,
une mauvaise, foi qui ne sauroit l’être; et Noyer-Lagarde,
que l’on excusera sans doute d’avoit agi comme il l’a fait,
�6
k
( 5 )
ne cherchera pas: à couvrir une erreur qui paroîtra si
naturelle à ses juges, par de&moyens que sa conscience
désavoueroit.
Laissant donc au tribunal le soin de-juger du mérite
de cette première question entre N oyer-D ubouy et les
dames Greliclies, il se bornera à rappeler la conduite
qu’il a tenue ; et quelques détails à cet égard apprendront
à la justice pourquoi, comparoissant au bureau de paix,
il'a déclaré s’en rapporter à la prudence du tribunal.
• Les dires de ses beaux-frères, consignés au procès verbal
du 18 floréal an 5 , ne lui avoient jamais paru être une
répudiation à la succession de la mère commune. Ayant
été assigné le 3 vendémiaire an 8 , par Noyer-Dubouy,
au tribunal d’arrondissement de Clermont, il vit que ce
dernier demandoit, dans son exploit, acte de ce qu’il acceptoit la qualité de seul et unique héritier de Françoise
T ix ie r , qu’il prétendoit lui avoir été donnée dans le
procès verb al, et la prétendue répudiation qu’il croyoity
trouver. Les prétentions extraordinaires de l’appelant,
qui évaluoit modestement la succession maternelle à
60,000 francs, n’eurent rien d’alarmant pour lui. Peu
disposé à partager avec lui une semblable illusion , il
s’occupa plus particulièrement des offres que lui faisoit
Noyei’-Dubouy, de lui payer une somme de 1,000 francs -,
à lui due d’après son contrat de mariage ; et avant tout
il examina s’ il 11e lui seroit pas plus avantageux d’accep
ter les offres de son frère, attendu qu’au moyen du traité
de fructidor an 2 , la succession de sa mère ne pouvoit
consister que dans un mobilier peu conséquent. Se dé
liant cependant de sa manière de voir, il ne voulut pren-
�. ( 6 )
dre aucune détermination, sans avoir auparavant con
sulté trois jurisconsultes de la ville de Clermont; et,
d’après leur consultation , en date du 2 1 fructidor
an 8 , il fit signifiev à Noyer-Dubouy l’exploit du 2 1 ven
tôse an 9,
Noyer-Lagarde n’ignoroit pas que Noyer-Dubouy avoit
dirigé l’action introduite par l’exploit du 3 messidor an 8 ,
contre les dames Greliches et leurs époux, et quoiqu’il
n’eût reçu d’eux aucun pou voir, il se crut néanmoins
suffisamment autorisé à défendre pour eux et pour lu i,
leurs intérêts étant communs. Par suite de la même per-»
suasion, muni de cette consultation, il les m it, sans leur
participation, en qualité dans l’exploit du 21 ventôse
au 9 ; et, occupant ensuite pour eux comme pour lu i, il
demanda pour tous l’adjudication des conclusions qu’il
avoit prises. Sur l’appel, il porta les pièces à un avoué
près le tribunal d’appel, eu le chargeant d’occuper pour
lui et pour ses sœurs,
Les intérêts étoient les mêmes , et l’avoué occupa pour
tous. IL paroît que ce ne fut qu’après l’obtention d’un pre-r
inier jugement par défaut, obtenu par N oyer-D ubouy,
que les dames Noyer et leurs maris, instruits de toute la
procédure qui avoit été tenue à leur insu , voulurent
çonnoître ce qu’ellcs avoient à craindre et à espérer des
suites de cette instance. Moins coniians que leur frère et
beau-frère dans l’avis des jurisconsultes avec lesquels ils
prétendirent qu’il s’étoit égaré, ils crurent leurs intérêts
compromis par une répudiation qu’ ils considérèrent
comme peu réllécliie *, répudiation qu’ils n’a voient jamais
eu intention de faire, et que leur frère et beau-frère
�Y
7
6
?
$
)
avoient faite pour eux , sans les en prévenir et sans y
avoir été autorisé.
Une demande en désaveu fut alors dirigée contre NoyerLagarde. Qu’avoit-il à répondre à cette demande? Iln e
pouvoit, sans blesser sa délicatesse, et sans m entira sa
conscience, soutenir qu’il avoit eu des pouvoirs à cet
effet ; e t , appelé au bureau de p a ix , sans entrer dans
les détails dont on vient de s’occuper, il se borna h dire
qu’il s’en rapportoit à la prudence du tribunal : en homme
d’honneur, il n’avoit d’autre déclaration à faire.
• Cet exposé sincèi’e de tout ce qui s’est passé suffira,
sans doute, pour excuser l’inconséquence dans laquelle
il est tombé. Il est certaines fautes qui sont suffisamment
réparées par l’aveu de celui qui n’a pas la mauvaise foi
de les désavouer. Noyer-Lagarde, en en appelant à la con
science de ses juges, n’attendra pas de la solution de la
seconde question posée à la page 20 d u -mémoire de
Noyer-Dubouy la solution de celle qui tendoil à savoir
si, d’après la conduite qu’il a tenue, il a encore droit
ou non à l’estime de ses concitoyens. Il savoit bien que
son fr è r e étoit peu disposé à etre le défenseur ou l’apolo
giste de son honneur ou de sa réputation. Noyer-Dubouy
eût conséquemment bien pu se dispenser d’ajouter à la
même page de ce mémoire cette note : I ljh u t observer
que je ne pose la question que relativement ¿1 mes in
térêts , 61 nullement pour ceux de N oyer - L a garde.
Note qui, en dépeignant toute l’atrocité de son caractère,
n’a excité dans le public que des sentimens de pitié et d’ indi
gnation. Hé! d’ailleurs, Noyer-Lagarde a-t-il donc besoin
d’un défenseur tel que Noyer-Dubouy ! d’ un défenseur qui
�ne rougit pas de lui faire un crime de ce qu’il n’a pas ose dé
guiser la vérité! d’un défenseur q u i, quoique son frère, ne
craint cependant pas de dénoncer,, à la page 22 de son mé.m oire, au ministère public, aux tribunaux, au gouverne.ment, une erreur comme un crim e, tin frère qui s’est inno
cemment abusé comme un prévaricateur à destituer ,'trani
chons le mot, comme un criminel à livrer à la vengeance
des lois! d’un défenseur qui......Maïs tirons un voile épais
sur des liorrcurs dont on ne'trouve d’exemple que dans les
malheureux fruits de l’incestueuse union d’Œdipe et de
Jocaste; et, après avoir dit tout ce qu’il étoit nécessaire
de dire pour éclairer la religion du tribunal sur ce qui
a trait au désaveu, passons à la seconde question,
SECONDE
QUESTION.
L'opposition au jugement par défaut, obtenu par NoyerD u b o u j , est-elle ou non recela hle ?
Cette opposition est régulière en la form e; elle a été
formée dans le délai de huitaine, à dater de la signifi
cation du jugement à avoué: il n’en faudroît sans doute
pas davantage , vis-à-vis tout autre que Noyer-Dubouy,
pour faire adopter l’affirmative de cette proposition ;
jnais l’usage universellement adopté par tous les tribu
naux de la république n’a rien d’imposant pour lui.
K11 excipant de la rigoureuse disposition de l’article 3
du litre 36 de l’ordonnance de 1667 , il veut en quelque
sorte forcer ses juges à devenir les instruirions de sa mau
vaise loi et de sou ambition démesurée. Plus de sept pages
de
�( 9 )
son mémoire n’offrent qu’ une compilation mal digérée
d’une foule d’autorités et d’arrêts, par lesquels il se pro
pose de leur arracher la sanction de l’injustice la plus ré
voltante.
Il fait plus : il publie partout qu’il tient du cit. Merlin
lui-m êm e, que l’opposition à un jugement en dernier
ressort n’est pas recevable dans l’état actuel de la procé
dure , et que s i , contre son attente, l’opposition de ses
frères et sœurs étoit reçue, ce célèbre jurisconsulte lui a
garanti la cassation du jugement qui la recevroit.
Personne ne prendra le change. Noyer-Dubouy , vous
n’avez pas vu M erlin , vous êtes dans l’erreur ; et l’on
ne veut même pas, en réfutant votre système, vous laisser
la consolation de dire que vous vous ôtes égaré avec un
maître dont les discussions sages et profondes, sur les
questions de droit les plus diffîcultueuses , servent de
bases aux décisions de la première autorité judiciaire.
Merlin n’adopta jamais un système aussi erronné : il sait,
comme le tribunal de cassation l’a déjà jugé , que l'excep
tion portée par la disposition secondaire de Varticle 3
du titre 35 de tordonnance de 16 6 7 , ne s’appliquait
qu'aux anciennes cours dans lesquelles les rôles des
causes étoient périodiquement arrêtés , publiés, déposés
et suivis , suivant q u il avoit été arrêté par le prési
dent ; il sait que depuis la promulgation de la loi
d'août 17 9 0 , qui porte que toutes les affaires seront
jugées dans les tribunaux sans préférence n i tour de
rôle , mais selon que le jugement en est requis par les
parties , il ne peut exister de rôle fa t a l ,• et il n’a pu
partager votre erreur,
B
�( IO }
I-e mérite de l'invention, on le sait, a souvent flatté
l’ambition de certains personnages; et, il ne faut pas en
douter , en imaginant un semblable m oyen, Noyer-Du
bouy n’a eu d’autre but que de se ménager la gloire de
l’avoir le premier proposé. Mais on lui contestera encore
ce faible mérite. Les annales de notre droit français,
depuis la révolution, nous fournissent un autre exem
ple d’ une prétention aussi extraordinaire. Un nommé
Jacques Clément l’avoit élevée avant lui contre l’op
position qu’avoit formée un nommé Valerand , à un ju
gement rendu en dernier ressort , par le tribunal d’ar
rondissement de Neufchâteau, et dans une espèce bien
plus favorable, puisque le jugement par défaut avoitété
rendu par suite d’un jugement contradictoire qui avoit
continué la cause. Ce Clément eut devant les premiers
juges un succès que Noyer-Dubouy, on aime à se le per
suader, n’osa jamais se promettre devant les juges deRiom.
Mais son triomphe fut de peu de durée; le jugement du
tribunal de Neufchûtcau, du 13 frimaire an 10 , qui avoit
accueilli la fin de nou-recevoir, a été cassé par jugement
du tribunal de cassation, du 3 pluviôse an 12. NoyerDubouy est donc tout à la fois réduit à partager lh on
neur île l’invention avec Jacques Clément, et la confu
sion d’avo ir, sans espoir de succès, imaginé un moyen
auquel personne n’avoil osé penser avant eux.
La lecture de ce jugement, que l’on trouve au sixième
cahier de l’an 1 2 , de la Jurisprudence du tribunal de cas
s a t io n , de Sirey, terminera louLe la contestation relative
à la réception de l'opposition , et elle dispensera de l'exa
men de la question subsidiaire, qui tendoit à démontrer
�( II )
^
surabondamment qu’après deux plaidoiries contradic
toires, sans exciper de cette fin de non-recevoir, NoyerDubouy ne seroit plus recevable à l’opposer.
Abordons donc la dernière question, celle que NoyerDubouy a seulement effleurée, question cependant qui est
la seule importante en la cause.
TROISIÈME
QUESTION.
D e quels objets , et comment doit se composer la succes
sion de la mère commune ?
Pour ne pas divaguer sur le point essentiel de la contes
tation , voyons d’abord ce que l’on doit entendre par le
inot succession. Une succession n’est, d’après tous les au
teurs, qu’une transmission des droits actifs et passifs d’un
défunt à la personne de son héritier. Françoise T ixier n’a
donc laissé à ses héritiers que l’exercice des di-oits qu’elle
eût pu exercer elle-même contre les héritiers de son mari.
Avant le traité du 22 fructidor an 2 , elle eût pu diriger
contr’eux son action en répétition contre la succession du
père commun ; son droit à l'exercice de cette action n’eût
pas été contesté par ses enfans. Mais si scs prétentions
eussent été aussi exagérées que le sont aujourd’hui celles
de Noyer-Dubouy , il eût fallu alors en discuter le mérite.
Il eût sans doute répugné à la délicatesse de la inère de
demander plus qu’elle 11’avoit droit d’exiger : mais si elle
eût insisté sur la validité des reconnoissaiices qui lui a voient
été faites par son ép ou x, la piété filiale de scs enfans les
eût placés dans une cruelle alternative. Il eût fallu, ou so
B 2
�*
4 >. •
( I* )
résouch’c à des sacrifices que leur position ne leur permet
tait pas de faire, ou contrarier les vues d’une mère; e t,
dans cette position, il parut convenable à la dame Noyer
et à ses enfans de ne pas engager devant les tribunaux une
lutte à laquelle la qualité des parties eût attaché une espèce
de scandale.
L e traité du 22 fructidor an 2 fit ù jamais disparoître
toute idée de discussion sur la quotité des reprises et avan
tag
Tixier. 7Par cet acte, elle
De s matrimoniaux de Françoise
9
se départ, au profit de tous ses enfans, de tous ses droits
dotaux et paraphernaux , et autres actions et préten
tions , sous quelque dénomination qu’ils puissent être ,
à elle revenans p ar le décès de son m a ri , moyennant la
somme de i , 5oo fran cs de pension viagère. Outre un
logement et la jouissance d’un jardin, ses enfans lui laissent
encore, en toute propriété, deux vaches, un cochon, et
tous les comestibles qui étoieut dans la maison au décès du
père commun.
Voilà donc Françoise T ixier, par suite de ce traité, vo
lontairement dépouillée de tous les droits dont elle auroit
pu avoir l’exercice, soit d’après son contrat, soit d’après
les reconnoissanccs qui lui auroient été faites par son m ari,
soit en vertu de son testament. Tout ce qu’elle avoit ou
pouvoit avoir avant cet acte, a passe en d’autres mains:
dès ce moment elle n’a plus été propriétaire que d’une
pension viagère de i , 5oo francs et de quelques effets mo
biliers; et tout ce à quoi elle avoit droit de prétendre avant
cet acte, est devenu la propriété de ses enfans, ses acqué
reurs. Les ell’ets mobiliers lui avoient été délivrés, 1a pen
sion lui avoit été exactement payée avant son décès, et sa
�X
T3
)
'mort n’a pu faire rentrer dans sa succession ce qui en étoit
sorti par son propre fait.
f
^
^
La qualité d’héritier de Françoise T ix ie r, ne transmet
tant à ceux qui le sont réellement, ou à celui qui veut
seul Tusui'per au préjudice de ses frères et sœurs, que les
droits qu’elle pourroit avoir elle-même, il en résulte bien
évidemment que les'enfans Noyer cumulativement, ou
Noyer-Dubouy seul, ne peuvent aujourd’hui demander
plus qu’elle ne pouvoit réclamer elle-même. O r, elle s’étoit dépouillée de tout, elle ne pouvoit rien demander :
ils ne peuvent donc exiger la délivrance de ce dont elle
n’a pas voulu que sa succession fût composée ; ils n’ont, ils
ne peuvent avoir plus de droit qu’elle en avoit elle-même :
Hœredem ejusdem potestatis , jurisquc esse cujus fu it
defunctns, constat. L o i 59 , au Digeste, D e diversis regulis juris. Elle ne leur a pas laissé une action plus éten
due que celle qu’elle avoit elle-même : Ne/no plus commodi hceredi sao relinquït qitàrn ipse habuit . Loi 12 0 ,
ibidem.
.. ' \
Noyer-Dubouy a bien senti de quelle .importance étoit
dans la cause ce traité ; et, pour écarter la conséquence qui
en dérive naturellement , il a loyalement révoqué en
doute son existence; il a soutenu d’ailleiirs qu’ il ne pouvoit faire pièce au procès, parce qu’il 11’étoit ni reconnu,
ni vériiié, ni siguiiié. Cependant, peu confiant dans cet acte
de loyauté dosa part, il a fait imprimer à toutes fins qu’il
avoit été annullé par le jugement du 2.5 ventôse an 5 , et
qu’au surplus il 11e présentoit qu’une démission de biens,
qu’un acte de partage de succession anticipée.
t^uoi! N oj cr-Dubouy, vous osez contester l’existence du
�\
»
( 14 )
traite du 22 fructidor an 2 ! Mais vous en avez vous-même
excipé dans le cours de la procédure tenue sur l’appel par
-vous interjeté, et dans vos griefs signifiés le i 5 fructidor
an 9. Cet acte est par vous rappelé et discuté dans plusieurs
rôles de votre écriture. Etoit-il donc nécessaire de le faire
vérifier et signifier ? En en rappelant toutes les clauses
dans cette même écriture, en cherchant à en tirer des in
ductions pour faire accueillir votre appel, n’en avez-vous pas rendu la vérification et la signification absolu
ment inutiles, surtout dès qu’il est établi qu’il fût fait
sextuple entre toutes les parties contractantes, et signé
par la mère et par les enfans?
Votre double, il est vrai, n’existe plus dans votre pro
duction ; mais qu ’importe la soustraction que vous en avez
faite! L e double de Noyer-Lagarde fait partie de sa pro
duction; et la représentation de cette pièce donnera, aux
juges dont vous cherchez à surprendre la religion , la
mesure de confiance qu’ils doivent avoir dans cette allé
gation , comme dans tant d’autres. Qui semel m cndax ,
semper mcndax .
M ais, dit Noyer-Dubouy, 'cet acte a été annuité par
10 jugement du 2.5 ventôse an 5 ; au surplus, prenant
sa source dans l’eïï’et rétroactif do la loi du 17 nivôse,
11 est frappé de nullité, comme les ventes qui furent faites
dans lo temps, par suite du partage lait entre les enfans
Noyer.
] /objection est marquée au coin de la mauvaise foi la
plus insigne. L ’acte.du 22 fructidor an 2 n’a pas été vi
cié par la rétroactivité introduite par la loi du 17 ni
vôse : il avoit pour objet les reprises de la mère sur la
�à 9 !
(.l 5 )
succession du père; il avoit pour objet l’usufruit qu’elleavoit des biens de son mari. Sous ce double rapport,
les »lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4 , lui
étoient absolument étrangères; et le jugement du 25 ven
tôse, que Noyer-Dubouy ne craint cependant pas de citer,
ne contient absolument aucune disposition qui ait trait
à cet acte ; il ne s’occupe que du sort des ventes qui
avo;ent pour objet la succession paternelle. Celles - là
seules avoient pris leur source dans la rétroactivité intro
duite par les lois de l’an 2 ; celles-là seules sont annullées par ce jugement.
Noyer-Dubouy, en dénaturant cet acte, en le présen
tant à la justice comme une simple démission de biens,
fait un dernier effort d’imagination. Mais la discussion
a laquelle se sont livrées les dames Greliches, dans leur
mémoire en réponse, dispense N oyer-Lagarde d’entre
prendre ici la réfutation d’une erreur déjà victorieuse
ment combattue. Françoise T ixier , simple créancière
de la succession de son m ari, a traité à forfait sur cette
créance. L ’acte qu’elle a passé avec ses enfans ne par
ticipe en rien des démissions de biens, il ne présente
qu’un traité sur des droits inconnus et litigieux ; et ce
point de fait une fois reconnu, il devient inutile de dire,
eu faveur de l’intimé , qu’à défaut de révocation de la
part de Françoise T ixie r, il devroit encore sortir son plein
et en lier eit'et.
Maintenant qu’ il n’est pas..possible d’équivoquer sur
la nature de ce traité, suj- içs.eflels qu’il doit produire,
et sur l’inlluencc qu'il avait dansp la décision de la cause,?
011 pourroil peut-ôlre se dispenser de suivre Noyer-Du-
�. .
( i6 )
1)0uy dans les preuves qu’il prétend administrer de la
consistance de la succession de la mère commune. Qu’elle
soit opulente ou modique, peu importe: elle s’est dépouil
lée de tout avant sa m ort; elle n’a laissé à son décès qu’un
mobilier dont elle n’a pas disposé;il a été perçu presque
en totalité par Noyer-Dubouy. Noyer-Lagarde a toujours
offert de remettre à son frère ce qu’il peut en retenir; il
est "même condamné de son consentement à en faire la
délivrance, par le jugement dont est appel. C’est donc
sans motifs comme sans raison que Noyer-Dubouy se plaint
d’ une décision qui lui adjuge tout ce qu’il a droit de récla
mer , et qui ne le condamne à payer que ce dont il s’est
bien volontairement déclaré débiteur, en prenant la qua
lité de seul et unique héritier de Françoise T ixier sa
mère.
M ais, pour ne rien laisser à désirer, mettons un ins
tant à l’écart le traité du 22 fructidor, et cherchons à
établir la consistance de celte succession , telle qu’elle
auroit dû être composée si ce traité n’eût jamais existé.
Il est convenu entre toutes les parties qu’elle lie con
siste qu’en des droits , gains et reprises sur la succession
do Jean-Dnptiste Noyer père commun. Mais quels étoient
donc ces droits } ces reprises et ces gains? les calculera-ton sur les clauses du contrai de mariage de la mère coinmuno ; sur la fortline présumée de Marien T ixier son
père; et sur celle de sa inère, qui 11’avoit apporté en dot
qu’une somme de 5 oo francs? M ais, outre que ce calcul
lionneroit un résultat bien peu satisfaisant'pour l'ambi
tion de Noyer-Dubouy, il seroit encore impossible de
lui donner quelque consistance; il scroit complètement
détruit
�(
r7
)
détruit par l’idée d’une succession obérée, d’une succes
sion répudiée par Françoise T ixier elle-même. Remon
tera-t-on aux sources que prétend indiquer Noyer-Dubouy, pour en fixer le montant? Mais des détails asse*
connus par la distribution du mémoire des dames G re lches et Noyer, détails qu’il seroit tout à la fois inutile et
pénible de rappeler ic i, contrasteroient d'une manière
trop frappante avec la supposition de l’existence d’une
somme de 36,000 francs trouvée dans une armoire de
Marien T ixier, d’une part, et d’une somme de 6,000 fr.
d’autre, sansy comprendre encore une somme de 8,000 fr.
prétendue déposée chez M \ R eb o u l, et ensuite retirée
par le père commun. Ce nç sera donc pas sur des don
nées arbitraires, et sur ces allégations gratuites, invraisem
blables et mensongères, que l’on cherchera à établir la
fortune présumée de Françoise Tixier.
Il ne restera donc qu’un seul moyen de ne pas tomber
dans un arbitraire qui compromettroit infailliblement
l’intérêt des parties, et on le trouvera dans le traité du
14 juin 1768 ; traité qui seul peut servir de boussole
dans la recherche de la succession dont il s’agit. Cet acte
fut passé entre Marie T ixie r, sœur germaine de la mère
commune, et Jean-Baptiste Noyer, agissant en qualité de
mari de ladite Françoise T ixier. Par ce traité les deux
sœurs viennent partage des biens de leurs père et mère;
il est fuit du tout une masse commune, et les deux suc
cessions réunie# donnent une somme de 11,0 88 livres
16 sous, Les dettes de la succession du père, ce qui avoit
•été payé au trésor royal, au procureur de la chambre
des comptes, réunis aux frais de voyage, sont fixés, sûr
C
�( i8 )
l’état qui en est représenté par le sieur N oyer, à une
somme de 5, 68 g livres 5 sous £ deniers, ce qui réduiroit
la valeur réelle de ces deux successions à une somme
de 5,399 livres 1 1 sous 7 deniers. Partant de cet acte,
fixons la quotité de la portion revenante soit à la mère,
soit à la tante commune : sur 5,399 ^ v * 1 1 sous 7 deniers,
que nous porterons à 5,400 francs pour éviter les frac
tions, Françoise T ixier avoit, d’après son contrat de ma
riage, à prélever une somme de 1,000 francs; plus, pour
sa moitié, 2,200 francs; en tout, 3,200francs. Les 2,200 fr.
restans appartenoient à Marie T ix ie r; plus, une somme
de 700 fr. (1) En sorte que la succession de cette der
nière demeure fixée, d’après cet acte, à une somme de
2,900 francs. D ’après le contenu en cette pièce essentielle
au procès, on seroit incontestablement bien fondé à sou
tenir que la consistance du peu de fortune laissé par la
maison T ixier éloit fixée , pour la part et portion qu’y
nmendoit Françoise, à une somme de 3,200 francs. Toute
reconnoissance tendante à faire présumer la perception
d’une somme plus considérable, devroit être écartée
comme contenant une libéralité indirecte.
Mais dès 1775 le père commun voulut Ctre tout à la
fois juste et libéral envers son épouse. Juste, en reconnoissant ce qu’il avoit réellement reçu pour elle ; libéral, en
( 1) Cette somme de 700 francs appartenoit personnellement à
M arie T ix ie r , suivant l ’obligation qui lui avoit été faite de pareille
somme par A nnet T a r d i f , et pour cause absolument étrangère à
la succession T ix ie r ; et voilà pourquoi cette somme n’est pas com
prise dans la reconnoissance du 8 novem bre 17 7 5 .
�•
¿ i f
( !9 )
reconnoissant qu’ il avoit reçu plus qu’il n’avoit touché. Et
Noyer-Lagarde, s’il pouvoit en être question malgré la
cession dont on a parlé, se feroit un devoir de respecter
cette première rcconnoissance. Elle est d’une somme de
5 ,ooo francs ; mais elle énonce d’où elle est présumée pro
venir : elle est dite, par le père commun, avoir pour
cause l’argent monnoyé retiré du greffe ; les ventes de
maison, jardin , vignes et terres ; le remboursement de
contrats de rente, et la vente des meubles ; en un m ot,
tout ce qui pouvoit composer la succession de son beaupère (i).
Une rcconnoissance ainsi motivée exclut toute idée de
sincérité dans des reconnoissances postérieures; et toute
autre qui contiendroit encore les mêmes causes, devroit
nécessairement être réputée libéralité indirecte. L a suc
cession de Françoise T ixier ne pourroit donc, en écartant
môme le traité de fructidor, être composée que de 5,ooo
francs de son chef, et de 2,900 francs du chef de Marie
T ix ie r, dont elle étoit héritière (2); en tout, de 7,900 fr.
( 1) L a rcconnoissance de 12,0 0 0 fra n c s, faite par le père com
mun dans son testament, au profit de son épouse, n ’indique d ’autres
sources que celles énoncées dans celle qu; il avoit faite en 17 7 5 . L a
première étant plus rapprochée de l’époque des perceptions qu’il
avoit la ite s, comment présum era-t-on qu’en indiquant alors les
mêmes causes, il ne leur a pas donné tout l’effet qu’elles avoient
pu produire; surtout dès qu ’il est notoire qu'il avoit tout touché
avant 1 7 7 ^ , et que dans l'intervalle qui s’est écoulé jusqu’à son
testam ent, i) n’a absolument rien recueilli outre et pardessus ce
qu’ il avoit touché de la succession T ix ie r ?
(a) Encore est-il incertain qu’elle ait laissé celle somme dans sa
C 2
'
v
�* f . % •
(' 2 ° )
Lu quotité de celte succession ainsi fixée, voyons ce que
chacune des parties litigantes auroit droit de réclamer
dans cette même succession.
Ou tous les enfans de Fi'ançoise T ixier auroient droit
de réclamer leur portion ;
Ou Noyer-Lagarde sera présumé avoir renoncé, et
alors le partage sera ordonné entre les autres enfans;
Ou enfin Noyer-Dubouy sera considéré comme seul et
unique héritier.
Voyons quels seroientles droits de ce dernier dans ces
trois hypothèses.
Supposer que Noyer-Lagarde auroit droit au partage,
ce n’est pas élever une prétention extraordinaire. Il a ré
pudié, il est vrai; mais sa répudiation doit être prise, et
elle ne peut être acceptée que dans les termes qu’elle a été
faite. Il regardoit l’acte du 22 fructidor comme un traité à,
forfait, qui avoit irrévocablement dépouillé sa mère de
tous scs droits sur la succession de son mari ; il ne voyoit
dans ce dont elle n’avoit pus disposé qu’un mobilier peu
conséquent. En répudiant à sa succession, il ne s’est dé
parti que du droit qu’il avoit d’en retenir ou réclamer
une portion; mais sa répudiation, restreinte à ce seul objet,
ne put jamais s’étendre sur les droits qui avoient fait la
matière du traité du 22 fructidor.
succession. P ar l’acte départage, son beau-frère lui avoit,pou r cette
som m e, constitué une rente de i
/t5 francs. Cette rente «Hoit raclie-
UWc , et quelques circonstances, résultantes d ’acquisitions par elle
faite s, laissent A présumer que le rem boursement de cette rente a
¿té effectué par Jean-Baptistc N o yer-D u b o u y, père commun.
�60
( 21 )
»• rVoyons,‘doncrquel 'seroit le résultat dé cfctte opération
de partage , dans cettç première liypothèsé.
L a succession de Françoise T ixier seroit portée ù une
somme de 7,900 francs',¡et toutes les parties conviennent
qu’elle doit être composée aux dépens de la succession du
père. Pour en former, la masse, voyons quelle seroit la
somme pour laquelle chacun des enfans devroit contribuer
pour sa composition. L ’appelant, légataire du domaine du
JBouy par son contrat de mariage, est tenu de payer, sur
cette portion de la succession paternelle, une somme de
,6,000 francs. Par jugement du 2 5 ventôse an 1 0 , il est jugé
en dernier ressort que sur ces 6,000 francs, 2,000 francs
sont dûs et rapportables à la succession de la mère (1);
Noyer-Dubouy.devroit donc d’abord, pour former la
masse de la succession maternelle, fournir 2,000 francs, à
la décharge de la succession paternelle: resteroient donc
5,900 francs qui seroient à la chargé des héritiers du père.'
Ils sont ou soroient au,nombre de quatre: chacun d’eux
devroit donc contribuer pour une somme de 1,475 francs.
Celte somme, multipliée par 4 , donneroit 5,900 francs,
qui, réunis aux 2,000 francs a la charge de Noyer-Dubouy *
feraient la somme totale de 7,900 francs. Il n’est pas ques
tion ici de Mari - Noyer ; des arrangemens particuliers
entre lui et l’appelant l’ont mis hors d’intérêt': au surplus',
( 1) Voici le m o tif de ce jugement quant à cet objet : Attendu que
s u t la somme de 6,000 fran cs, suivant le contrat de m ariage de
N oyer- D tib o u y , 2,000 francs sont dûs et rapportables à la suc
cession de la mòre. P ar suite de ce m o tif, le jugement ordonne le
rapport de cette somme à la succession maternelle.
�( 22 )
les dames Greliches et Noyer-Lagarde ne devroient contri
buer que pour leur part et portion.
La masse de la succession ainsi composée, soit par les
héritiers du père, soit par son légataire, voyons ce que
chacun des enfans auroit à prétendre. Les héritiers de la
m ère, dans l’hypotlièse que nous avons adoptée , seroient
au nombre de cinq: 7,900 francs, divisés en cinq, donne
raient, pour chacun d’eu x, une somme de i , 58o francs.
Noyer-Lagarde et ses sœurs ( car nous n’avons pas à nous
occuper de M ari - Noyer ) auroient donc, par l’effet de
ce partage, à prendre chacun io 5 francs de plus qu’ils
ne devroient rapporter; et, dans ce premier système, le
partage par égalité constitueroit Noyer-Dubouy débiteur
envers eux d’une somme de 3 15 francs.
Si la répudiation de Noyer-Lagarde n’est pas limitée
au seul mobilier de Françoise T ix ie r; dans ce second cas,
la masse de sa succession seroit composée ainsi qu’il a été
c%dessus expliqué : mais sur les 7,900 francs qui la composeroient, Noyer-Lagarde, qui pour en former la masse
Uevroit rapporter 1,475 francs, se retiendrait une somme
de 1,000 pour sa légitime maternelle , et il n’y auroit
alors à diviser , entre les quatre héritiers de la m ère,
qu’ une somme de 6,900 francs. Cette somme donnerait
à chacune des dames Greliches, pour leur quart, 1,725
francs; chacune d’elles n’auroita rapporter, pour former
la succession , qu’ une somme de 1,475 francs : chacune
d’elles auroit donc, en excluant Noyer-Lagarde du par
tage do la succession , et en ne lui attribuant que sa légi
time maternelle de 1,0 0 0 , j\ prendre, pour la remplir
de sa part.et portion, une somme de 25o francs, ce qui
�( 23 )
fero it, pour les deux sœurs , 5 oo francs. Prenant les
475 francs dont Noyer-Lagarde se trouveroit débiteur,
elles auroient encore à réclamer 25 francs; et cette der
nière somme devroit incontestablement leur être payée
par Noyer-Dubouy, qui a traité avec Noyer M a r iy qui
n’est pas en cause, mais qu’il doit représenter comme ayant
acquis tous ses droits.
Si l’on considère Noyer-Duboujr comme seul et unique
héritier, attendu la prétendue répudiation, et dans le cas
où elle seroit valable, dans le sens que prétend lui attribuer
l’appelant, tant pour les dames Greliches que pour NoyerLagarde, il ne seroit plus alors question de partage, et il
ne s’agiroit que de savoir ce que Noÿei-Dubouy auroit
droit de demander à ses frères et sœurs, et ce que ses
frères et sceiirs auroient droit de réclamer contre l u i ,
pris en qualité de seul et unique héritier de la mère.
-.La succession de cette dernière sex*oit toujours com
posée d’une somme de 7,900 francs. Noyer-D ubouy, par
suite des arrangemens qu’il a pris avec M ari-N oyer, ne
réclamant que le payement des trois quarts de cette somme,
comme ayant traité sur l’autre quart avec son frère (1) , sa
demande se réduiroit donc à exiger des dames Greliches et
de l’intimé une somme de 5,925 fr. M&is Noyer-Dubouy,
devant à cette succession, soit d’après son contrat de ma
riage, soit d’après le jugement du tribunal d’appel, une
sommede 2 ,00 0 francs, il ne pourroit exiger qu’une somme
( 1) L e quart de N o ye r - M a r i, sur la somme de 7,900 francs ,
«croit de 1,9 7 5 fran cs; en dem andant les trois quarts de la succes
sion, il ne demande donc qu’une somme de 5,9 25 francs.
'- K
�IV
C 24- )
de 5,925 francs, moins celle de 2,000 francs dont il est
nanti, par la raison bien sensible qu’il ne peut demander â
ses frères et sœurs ce qu’il doit lui-même. Dans ce dernier
cas, les intimés ne seroient donc comptables envers lui
que d’une somme de 3,925 francs. D ’un autre côté, chacun
des intimés devroit, en vertu de son contrat de mariage,
se retenir une somme de 1,000 francs pour légitime mater*
nelle. Leur debet, dans le système qui seroit le plus favo
rable à l’appelant, se réduiroit donc seulement à une
somme de 925 francs.
L e prétendu droit exclusif de N oyer-D ubouy à re
cueillir cette immense succession, cette succession qu’il a
portée dans le principe à nne valeur de 60,000 francs,
cette succession dont l’expectative a été présentée à ses
prêteurs et h ses créanciers comme une lettre de crédit ou
un gage de leurs créances, se réduiroit donc, en donnant
aux répudiations tout reflet qu’il prétend leur attribuer,
à une modique somme de 925 francs (1),
• Voilà donc à quoi se réduiroient toutes las prétentions
de Noycr-Dubouy, dans le système qui lui seroit le plus
favorable. Mais ce seroit trop lui accorder; ce seroit le
déclarer créancier de ses frères et sœurs, tandis qu’il est
incontestablement leur débiteur do sommes plus ou moins
(1)
Sur cotte somme il faudroit encore distraire les trois quarts
de la valeur des objets mobiliers appartenansà la succession pater
nelle , et qui ont été donnés à la mère lors du traité du aa fruc
tidor an a. La valeur de ces objets, déterminée par une estifnation
p réalab le, dim inuerpit encore d ’autant cette somme q u i , par
aperçu, pourrait bien alors ôtre réduite au moins à une somme de
600 francs.
de
�5
(■ * .)
^
considérables. Débiteur, dans la seconde hypothèse, d’une
somme de a 5 francs envers ses sœurs, il devroit dans
la première, soit aux dames Greliches, soit à Noyer-Lagarde, une somme de 3 15 francs.
Mais il seroit encore trop favorablement traité dans
l’un ou l’autre de ces deux cas. Il n’est débiteur ni d’une
somme de 3 1 5 francs, ni d’une somme de z 5 francs; il
est débiteur de sommes plus considérables. L e traité du
22 fructidor est un écueil contre lequel viendront tou
jours se briser ses efforts impuissans. Il n’est resté dans
la succession de la mèi*e que le mobilier dont elle étoit
nantie à son décès; la répudiation de Noyer-Lagarde n’a
eu pour objet que ce mobilier; Noyer-Dubouy n’est héri
tier de sa mère que pour ce mobilier , puisqu’elle n’a
laissé rien autre chose dans sa succession ; il se dit seul
héritier, en cette qualité il ne peut se dispenser de payer
les 1,000 francs de légitime qui sont dûs à l’intimé.
Peut-être les dames Greliches, mieux consultées lors de
la demande qu’elles ont formée au tribunal de Clermont,
auroicnt-elles d û, pour leurs propres intérêts, ne pas
réduire leur frère, par une demande peu réfléchie, à jus
tifier ou à excuser la conduite qu’il a tenue ; il ne seroit
plus question de désaveu dans cette cause ; elle se termincroit à la satisfaction de trois des enfans de Françoise T ixier;
elle se termineroit par la lecture et la méditation du traité
du 22 fructidor ; les dames Greliches , comme NoyerLngarde, auroicnt h réclamer chacune 1,000 francs pour
légitime maternelle ; et Noyer-Dubouy, trompé dans son
attente et dans scs ambitieuses spéculations, trouveroil,
dans une condamnation de 3,000 francs envers son frère
D
�( 26 )
et ses sœurs, de quoi dissiper, mais trop tard, la trop flatteuse illusion dans laquelle il s’est inconsidérément com
plu jusqu’à ce jour.
M.
M A R C H E I X , rapporteur.
T A R D I F , avoué.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer-Lagarde. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marcheix
Tardif
Subject
The topic of the resource
successions
fisc
abus de confiance
avoués
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour Anne Noyer-Lagarde, avoué au tribunal civil de l'arrondissement de Clermont, intimé ; Contre Joseph Noyer-Dubouy, habitant à Chamallières, appelant ; En présence de Jeanne et Marie-Gabrielle Noyer, Pierre et Joseph Greliches leurs maris, habitant à Mozun, intimés.
Table Godemel : Arrêt : rendu à tour de rôle, et faute de plaider, sous l’ordonnance de 1667, est-il susceptible d’opposition ? Opposition : 4. à un arrêt rendu à tour de rôle, et faute de plaideur, pour l’ordonnance de 1667, est-elle recevable ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1760-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1320
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1319
BCU_Factums_M0236
BCU_Factums_M0237
BCU_Factums_G1321
BCU_Factums_G1322
BCU_Factums_G1324
BCU_Factums_G1323
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53209/BCU_Factums_G1320.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chamalières (63075)
Mauzun (63216)
Rights
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Domaine public
Abus de confiance
avoués
fisc
Successions
-
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2f280337304ecd53a82e0a549a80092a
PDF Text
Text
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COUR
D’APPEL
DE RIOM.
M e. P i e r r e - C l a u d e P A P O N , de R i o u x , ancien
a v o c a t , habi t ant du li eu de V i c q , i n t i m é ;
C O N T R E
L e s ie u r J e a n - J a c q u e s P A P O N - B E A U R E P A I R E, a n cie n of f i c i e r d e c a v a le r ie , a p pela n t d e
deu x ju g e m e n s ren d u s a u trib u n a l de Gan n a t , les
29 th e r m id o r et 5 fr u c t i d o r a n 1 3.
vingt ans que le père commun est décédé, Me. Papon
n’a pu jouir d’un instant de repos : tous les jours de nouvelles
discussions lui ont été suscitées par ses frères et sœurs. Les
sacrifices ne lui ont rien coûté ; il a fait tous ses efforts pour
D
e p u is
entretenir la paix dans sa famille.
Son frère , appelant, associé avec lui aux libéralités des auteurs
com m uns, après avoir partagé tous les débats qui s’étoient élevés
dans la fam ille, l’a abandonné ayec perfidie ; et bientôt Mc. Papon
A
:
ii
«
«
�ΠO
n ’a eu que son associé à combattre. Mais c e lu i- c i, fertile en
in cid en s, a su les m ultiplier ; il a employé des ressources que
la loyauté et la bonne foi ne connurent jamais. Les volumes de
procédures sont devenus effrayans ; et les faits se trouvent tel
lement enveloppés par une foule d’actes frauduleux, qu’il de
vient indispensable de donner une grande publicité à ces débats
scandaleux.
Ce n’est qu’avec effroi que M e. Papon pénètre dans ce laby
rinthe. Mais sou frère est toujours si fastidieux dans ses détails,
tellement obscur dans ses dém arches, et toujours si loin de la
v é rité , qu’il faut bien aborder ce m ystère d’in iq u ité, et le dé
voiler à la justice.
3M°. Papon s’attachera surtout à être sincère et vrai ; il ne
dira rien qui ne soit prouvé par des écrits ; il ne laissera pas
enfin l’ombre d ’un doute dans sa défense.
S ’il est cruel de divulguer les affaires de fa m ille , on ne fera
pas le reproche à Me. Papon de s’étre légèrement déterminé
dans sa dém arche ; et son frère au moins lui saura gré de sa
modération et de sa véracité.
F A I T S .
D u mariage de M. Pierre Papon avec Louise B ertran d, sont
issus n euf enfans; savoir, Pierrc-Claude, in tim é; Louis-Bonnet;
Jea n - Jacq u es , appelant; G ilb e rt, Ja c q u e s , Lou is-A m able ,
M a rie , Françoise et Marguerite.
Gilbert a fait ses vœ ux dans l’ordre de M alte; Marguerite a
également fait profession religieuse au couvent Notre-Dame de
Gannat.
L e t2 décembre 17 8 4 , M r. P ap o n , intim é, a épousé dame
Pétronille I\ollat. Ses père et mère l’instituèrent leur héritier
imiversel de tous les biens meubles et immeubles dont ils
mourroient vêtus et sa isis, à la charge par lui , comme con
dition exp resse, d'associer à cette institution le sieur Jean -
�H 2
( 3 )
Jacques Papon-Beaurepaire, appelant, et pour une portion égale.
Il fut dit que cette association auroit lieu sur l’indication et
attribution qui seroient faites avec connoissance de cause et
détails des biens faisant alors partie de l’institution, et encore
à la charge par l'héritier et l'associé de payer à chacun de leurs
frères et sœurs non engagés la somme de 6000 fr. , pour leur
tenir lieu de leur portion héréditaire dans les successions pa
ternelle et maternelle. Il est stipulé des termes pour le paye
ment de ces légitimes.
Bonnet P ap o n , alors clerc to n su ré, est réduit à une
pension viagère et annuelle de 3 oo francs.
L o u is
L e religieux maltais doit avoir une pension de 5oo fr. jusqu’à
ce qu’il ait obtenu une commanderie , bénéfice, 011 pension
qui en tienne lieu.
L a fille religieuse doit recevoir une pension de 2,5 fr. , et les
héritiers sont tenus de payer une somme de 125 fr. de rente
annuelle aux religieuses de G a n n a t, jusqu’au remboursement
de la dot moniale de dame Marguerite Papon.
Les père et mère s'occupent ensuite , pour éviter la plus
légère discussion entre les deux h éritiers, de diviser les biens
qui leur appartiennent. Ils attribuent à l’aîné la maison pater
nelle d’ancienneté , avec toutes ses aisances et attributs, telle
qu’elle se trouvera garnie de meubles et am eublem ent, et ils
promettent de porter leur attention à ce que les logemens des
deux institués soient meublée et ornés dans la même valeur.
L a moitié de l’argenterie, vaisselle, arm es, chevaux, harnois,
vo itu res, vaisseaux vin aires, et meubles qui sont h Gannat ;
les denrées que les père et mère laisseront à leur décès ; toute
la bibliothèque , les jardins et parterres, les prés vergers , enclos
qui entourent la maison , un pré de réserve appelé L a d o u x ,
le lieu et domaine de R ioux , autrement Servières , avec les
jonctions et améliorations qui y ont été faites , les dîmes et
autres droits qui en dépendent, les bestiaux qui le garnissent,
sont attribués à l’ainé.
A 2
�( 4 )
On lui donne ¿gaiem ent le lieu et domaine des M orissards,
nvec tous les droits qui en dépendent, les bestiaux qui le gar
nissent, sans aucune réserve. On y ajoute la charge d’élu à
G an n at, dont l’intimé étoit alors p ou rvu , mais sans aucun re
tour pour frais de provision, réception, que les père et more
pouvoient avoir fournis.
Ces objets et biens ne lui sont délaissés qu’à la charge par lui
de payer en corps héréd itaire, à dire d’e x p e r t, ou en argen t,
à son c h o ix, les sommes fixées pour les légitimes des dames
Marie et Françoise Papon , ses sœ urs, la pension de LouisBonnet , et les deux tiers des légitim es de Jacques et LouisAmable P apo n ; p lu s, la rente de i s 5 fr. aux dames religieuses
de G an n at, la pension viagère de 25 francs à dame Marguerite
P a p o n , religieuse ; celle de 533 fr. par an n ée, sur la pension
viagère attribuée au religieux maltais ; et enfin d’une rente de
îs o fr. aux dames religieuses de Charroux.
L es père et mère attribuent ensuite au sieur Je a n -Ja c q u e s
Papon , associé à l ’institution , le lieu et château de Beaurep a ire , avec ses aisances et dépendances, les meubles qui s’ y
trouveront, la moitié de la vaisselle et meubles qui ont été cidessus d é crits; le domaine dépendant du lieu de Beaurepaire,
nvec tous ses attributs et les bestiaux qui le garnissent; et pour
éviter toute d iffic u lté , on fait une ligne de démarcation rela
tivement aux vignes qui doivent séparer les propriétés. On lui
donne encore le pré de réserve appelé P ré-G a ra u d , et on le
charge de payer une somme de 4000 fr. pour le tiers des légi
tim es des deux fils précédemment nommés. I l est également
tenu d’acquitter la somme de 167 fr. par an n ée, pour le tiers
de la pension attribuée au sieur Gilbert P a p o n , religieux m al
tais. Enfin l’héritier et l’associé doivent contribuer par égalité h
form er le trousseau de leurs s a u r s , qui ne pouira être moindre
<le 400 fr. pour chacune. Ils doivent donner un ameublement
ü leurs frères, de 200 fr. pour ch acu n , comme aussi ils sont
chargés de p a y e r p a r m oitié les dettes des auteurs com m uns,
�w
( 5 )
et e t , sans aucune exceptio n , soit les dettes existan tes, soit
celles qui pourroient avoir lieu à l’avenir.
Les père et mère poussent la sollicitude jusqu’au scrupule,
et exigent même qu’après leur décès l’institué et l’associé se
lassent réciproquement raison, si le cas y éch et, de la moitié
du montant de la valeur de ce dont les biens auroient pu être
diminués , de toute altération qui surviendroit par le fait du
père ou de la m ère, et de celle que les biens pourroient souffrir
par toute autre cause.
L es père et mère prévoient encore qu’une habitation commune
pourroit ne pas convenir ; et pour donner à leurs enfans une
preuve d’amitié et de tendresse im partiale, ils délaissent dès à
présent à leur fils aîné la jouissance des biens qui lui sont at
tribués , à la charge par lui de payer les pensions de ses frères
et sœ u rs,'d e faciliter tous arrangem ens, même d’avancer les
payem ens de légitim es, s’ils venoient à s’établir.
Ce pacte de fam ille, fait avec tant de soin, et lors duquel
les père et mère ont manifesté leur intention d’arrêter dans
leurs sources les incidens et les p rocès, méritoit d’être respecté,
surtout de l’héritier a sso cié , qui recevoit tant de preuves de
tendresse et d’affection.
Mais tel est le sort de tout ce qui est l’ouvrage des hommes :
les actes les plus sages ne sauroient être un frein , ni pour l’in
térêt , ni pour les passions.
.C e monument de bienfaisance et de paix a été le signal d’une
guerre intestine qui afflige M°. Papon depuis que ses père et
m ère ont cessé de vivre; et malgré ses efforts et ses sacrifices,
il a été continuellement le jo u et, soit des légitim âm es, soit de
l’associé. Il est nécessaire d’entrer dans le détail de toutes ces
iniquités.
M. Pierre Papon, père com m un, est décédé le 5 janvier 178 5; le
22 février suivant, Louis-Bonnet, Françoise et Marie Papon , tous
trois légitim aires, cédèrent leurs droits successifs à Me. Pierre-
�C 6 )
Claude Papon , moyennant la somme fixée par son contrat de
mariage pour leur légitime conventionnelle.
Mais deux ans a p rès, c ’est-à-dire, en 17 8 7 , Marie et Fran
çoise Papon form èrent , nonobstant leur tra ité , une demande
en partage des biens délaissés par le père comnn;n.
Cette demande fut portée en la sénéchaussée de Moulins ,
après qu’elles eurent obtenu des lettres de rescision.
Dans la su ite, et par deux transactions, l’une du 26 janvier
et l’autre du 22 février 178 9 , Marie et Françoise Papon se dé
partirent de leur demande en partage, ainsi que de l’effet des
lettres de rescision qu’elles avoient obtenues. Ce département
est fait en présence de Jean-Jacqu es Papon , associé à l’insti
tution ; il est consenti moyennant la somme de 6200 fr. .pour
chacune. Bientôt cet exemple est suivi par Louis-Bonnet Papon,
q u i, par acte du 27 juillet su iva n t, cède également ses droits à
Me. Papon ; il abandonne même ceu x qui pouvoient lui revenir
dans la succession future de la dame sa m ère , du consentement
de cette dernière , et reçoit de M e. Papon , son frère , la somme
pour laquelle ce dernier devoit contribuer au payem ent de sa
légitim e; c ’est-à-dire, que M e. Papon paye à Louis-Bonnet une
légitim e semblable aux autres , quoique , dans son contrat de
m ariage, il ne dût lui payer qu’ une pension viagère de 3 oo fr.
L e 10 février 1 7 9 1 , Jacq u es Papon, autre légitim aire, reçut
encore de M°. Papon la portion de légitime que celui-ci di.voit
payer conformément à son contrat de mariage. Jacques Papon,
par cet a c t e , déclare accepter la légitim e paternelle et mater
nelle ; il se contente de sa constitution, et c è d e , en tant que
de besoin , ses droits à son frère a în é , moyennant une aug
mentation de 2000 fr. , augmentation qui fut accordée par un
acte séparé du mémo jour.
Il n’est pas inutile d’njouter encore que Louis-Am able Papon ,
autre légitim aire, qui depuis est mort sans postérité, avoit aussi
cédé ses droits à M c. Papon, son frè re , par acte du 27 juillet
�H l
(7 )
17 8 9 , qui contient quittance de sa légitime paternelle et ma- ^
tern elle, en présence et du consentement de sa m ère, en ce
qui concerne M \ Papon ainé.
L e 4 août 17 9 2 , la dame Bertrand, mère commune, a cessé
de vivre. Ce décès réveilla l’activité et l’ambition des légiti
mâmes , qui se prétendirent lésés par les arrangemens qu’ils
avoient faits avec leur frère ainé. Louis-Bonnet, Marie et Fran
çoise Papon se pourvurent devant un tribunal de fam ille; mais
M arie Papon ne voulut pas aller plus a v a n t, et lit une nou
velle cession à son frère. Cet acte est du 27 août 179 3 : le
tribunal de fam ille avoit été composé le 2 du même mois.
L e 28 octobre su ivan t, mourut Louis-Ainable P ap o n , sans
postérité.
Les tribunaux de famille ayant été supprimés , survint un
nouvel ordre de choses. L a dame Papon , mère commune ,
n ’étoit décédée que le 4 août 17 9 2 ; son institution par consé
quent se trouvoit annullée par les effets rétroactifs de la loi
du 17 nivôse; en conséquence, tous les légitimaires se réu
nissent avec G ilb e rt, religieux maltais , et ¡M arguerite, reli
gieuse , et tous citent les deux héritiers en conciliation, pour
form er la demande en partage par égalité de la succession m a
ternelle. Les légitimaires forment aussi la demande en partage
de la succession du père ; et ces prétentions respectives firent
l ’objet d’une instance qui fut portée au tribunal civil de l’AUier.
L e 17 thermidor an 5 , intervint un jugement par lequel il
fu t ordonné, en ce qui concernoit Louis-Bonnet Papon, et de
son consentem ent, que la cession par lui faite seroit exécutée ;
mais il lui fut accordé , sans autre examen , un supplément
de légitime. Quant à Françoise Papon , il est ordonné que les
traités des 2a février 1786 et 25 janvier 178 9 , seront exécu tés:
seulement les héritiers sont tenus de lui payer ce qui lui reste
dû de sa légitime ; mais elle est autorisée à la prendre en
corps héréditaire, conformément à la loi du 18 pluviôse an f>.
Jacques Papon obtient sa légitime de d roit; Gilbert Papon,
�s*l
(S )
religieux maltais., est réduit à la pension viagère qui avoit été
fixée par ses père et m ère, et qu’on ne lui contestoir pas. Il
est tenu de restituer les sommes qu’il avoit reçues d’après l’é
chelle de dépréciation.
Il est donné acte à Marie Papon, l ’une des légitim âm es, de
ce qu’elle se départ de sa demande.
L a religieuse avoit abandonné ses prétentions avant le juge
ment. Enfin le partage de Louis Am able Papon, décédé sans
postérité , est ordonné avec tous les héritiers. Ce jugement
fait aussi une provision à Fran çoise, Louis B o n n et, Marie et
Jacques , chacun dans la proportion de son amendement.
I.es deux héritiers interjetèrent appel de ce jugement. Il
étoit en effet fort singulier qu’on eût adjugé un supplém ent
à Louis-Bonnet, sans antre exam en , et avant d’ordonner une
estimation préalable. Il étoit encore plus extraordinaire qu’on
n ’eût assujetti des légitim ants qu’à un simple rapport des sommes
qu’ils avoient reçues , tandis qu’ils devoient les restituer aux
héritiers qui les avoient payées de leurs deniers.
Cet appel fut porté au tribunal civil de la C reuze, où il fut
rendu un jugem ent, le 14 prairial an 6 , qui ordonna, avant
faire droit sur la demande en supplém ent, une estimation
préalable ; condamna Jacqu es Papon à restituer les sommes
qu’il avoit reçu es, suivant sa quittance; ordonna que les hé
ritiers institués seroient tenus de payer la pension du m altais,
à la charge par lui de tenir à compte les sommes qu’il avoit
reçues ou rccevroit ensuite de la république. Au résidu, il
fut ordonné que le jugement de Moulins sortiroit son effet.
L es parties exécutèrent respectivem ent le jugement de la
Creuze ; elles nommèrent des experts pour y parvenir. L e sieur
Bechonnet fut choisi par les légitim aires, et le sieur Chambroty par les héritiers institués.
Mais il étoit difficile de faire concorder la disposition des
doux jugenieiis ; e t, pour ne pas prolonger les discussions, les
parties se léuniient et passèrent un compromis le »4 messidor
au
�it o ) ■
( ? )
an 7 , par lequel ils nommèrent trois arbitres qui furent chargés
d ’interpréter les deux jugemens dans les chefs qui auraient be
soin d’étre exp liq u és, de régler les comptes que les parties se
devoient respectivem ent, ainsi que de terminer tout différent
qui pourroit s’élever sur l’exécution de ces mêmes jugemens.
Les 8 et g frimaire an 8 , jugem ent arbitral q u i, entr’ autres
dispositions, déclare la somme de 4000 fr. que Jacques Papon.
devoit restituer, réductible suivant l’échelle de dépréciation ,
à partir du 10 février 179 1» date de la quittance, à la charge
par Jacques Papon d’affirm er qu’il 11’a reçu aucun à-compte
avant la date de sa quittance; d’un autre cô té, les légitimâmes
qui doivent prendre leurs légitimes en corps héréditaire , sont
tenus de rembourser à P ierre- Claude Papon leurs parts et por
tions des impenses et améliorations nécessaires et utiles, faites
par ce dernier dans les biens communs.
L e i er. ventôse an 8 , Me. Papon a fait signifier un acte par
lequel il déclare qu’il est prêt à délivrer des biens héréditaires
jusqu’à concurrence de ce qui pouvoit être dû sur la légitime
conventionnelle que quelques-uns avoient approuvée; il donne
au ssi, par le même acte , un état détaillé et circonstancié de
tout le mobilier des successions com m unes, ainsi que de toutes
les dettes passives et actives.
Le 18 du même mois de ventôse, traité définitif avec LouisBonnet P a p o n , qui termine tous différens avec lui.
Marie et Françoise sont également mises hors d’intérêt pour
les successions des père et mère ; elles ne figurent plus au
procès que pour la succession de Louis-Am able , frère commun.
Reste donc Jacques Papon , qui devoit prendre sa portion légitimaire dans les successions des père et m è r e , et qui amendoit aussi sa portion dans celle de Louis-Amable.
Les experts se mettent alors en devoir d’opérer, et leur opé
ration devenoit facile. Ils font la description et l’état du m o
bilier : tout est conforme à l’état qu’avoit fourni Me. Papon.
On estime le mobilier attribué à l’aîné, à la somme de 3 aoo f r . ,
D
�( 10 )
et celui attribué à Jean -Jacq u es Papon , ap p elan t, à 2200 fr.
L es experts sont parfaitem ent d’accord sur ce point : mais ils
interrom pent leur opération relativem ent aux immeubles ; en
e ffe t, elle étoit plus longue et plus difficile. Dans l’in tervalle,
Jacqu es Papon , celui avec lequel le partage devoit être fa it,
céda , par acte du 19 floréal an g , à Gilbert Papon, son frère,
religieux m altais, tous ses droits successifs paternels et mater
nels , ainsi que ceu x qu’il amendoit dans la succession de sou
frère : cet acte est reçu devant C o lin , notaire à Gannat. Mais
Gilbert Papon garde son s e c r e t, et veut le laisser ignorer à
son frère aîné. Il prend alors une procuration de la part du
c é d a n t, il en prend m êm e une de ses sœurs , e t , en cette
qualité de fondé de p o u vo irs, il écrit le 22 floréal an 9 à son
f r è r e , pour lui proposer des arrangemens ; il dissimule sa ces
sion, il se propose seulem ent comme médiateur.
M e. Papon lui fait réponse qu’il seroit besoin d’en venir à
quelques exp lication s, et l’engage à se rendre chez lui ; mais
cette invitation n’est pas acceptée.
Gilbert Papon se fait encore céder les droits de ses deux sœurs,
qui ne figuroient plus au procès que pour la succession de LouisAm able. Ces dernières cessions ne sont faites que sous seing
privé ; elles sont sous la date du 26 nivôse an 10.
Gilbert Papon se lassa bientôt de son titre de cédataire ; il
craignit de ne pouvoir pas toujours cacher ces a ctes; il savoit
que n’étant pas successible il pouvoit être écarté par la subro
gation d’action.
Il prend alors le parti de rétrocéder les droits qu’il avoit a c
quis , à Jean -Jacq u es Papon , appelant, et associé à l’institution.
D eu x actes du inèm e jour 14 germinal an 1 0 , faits sous seing
privé , contiennent, le prem ier , la rétrocession des droits de
Ja c q u e s, et le d euxièm e, celle de M arie et Françoise.
Je a n -Ja c q u e s P a p o n , rétrocédataii e , prend toutes ses pré
cautions pour que son frère aîné ignore l’existence de ces a c te s ,
et fait agir ses frères et soeurs com m e s’ils u’avoient pas vendu
leurs droits.,
�C1 1 )
C ’est sous leurs noms que le 18 floréal an lo Jean-Jacques se
signifie à lu i-m ém e, et fait signifier à son frère et aux exp erts,
une sommation de procéder dans vingt jours au partage des
immeubles des successions dont il s’agit.
M e. Papon , qui désiroit surtout de term iner, répond à cette
sommation par un acte du i er. prairial an 10 ; il déclare qu’ il
a des observations importantes à faire aux experts , et demande
qu’avant de faire leurs rapports sur la formation des lots , ils
soient tenus de recevoir les dires respectifs des parties ; il ob
serve que c ’est le seul moyen d’éviter toutes difficultés et toute
suspension dans les rapports.
Jean-Jacqu es Papon , toujours sous les noms de ses frères et
sœurs dont il avoit les d roits, fait une sommation à son fr è r e ,
aux experts et à lui-m ém e, de se trouver en la maison d’un
sieur Bontem s, demeurant à G an n at, à l’effet par les experts
de recevoir et dresser procès verbal des dires que chacune des
parties jugera à propos d’insérer.
Cette réquisition avoit quelque chose d’inusité : ce n’étoit pas
chez un tiers inconnu des parties qu’elles devoient se rendre.
U n rapport contenant partage devoit être fait sur les lieux :
c ’étoit là que les parties devoient s’expliquer ; et Me. Papon
crut devoir l’observer à ses frères et sœ u rs, par un acte du
29 prairial an 1 0 , notifié avant la réunion.
Malgré cette rem ontrance, les experts ne dressèrent pas
moins leur procès verbal. On passe, pour ab rég er, sur les incidens qui s’élevèrent à ce sujet. Les experts reçurent enfin les
dires de Me. Papon ; mais bientôt ils furent divisés sur l’esti
mation des im m eubles, et se séparèrent pour dresser chacun
leur rapport.
Celui de l’expert Bechonnet a été déposé le 18 nivôse an 1 1 ;
il est assez volum ineux;, puisqu’il contient deux cent trente-huit
rôles de grosse. Cependant l’expert Bechonnet n’a fait que deux
lots d’attribution, quoique les lots .dussent être tirés au so rt,
d’après les jugemens précédons.
�fi
\
( 12 )
Bechonnet ne fait pas m ême mention des dires de M*. P apon;
il a cru inutile de les y insérer ; et il est notoire , dans le pays ,
que son rapport est l ’ouvrage de Gilbert Papon, religieu x, q u i,
de concert avec Jean-Jacques , son fr è r e , a rédigé et écrit luimém e le p ro jet, et s’est fa it, d it-o n , payer 600 fr. pour ses
peines. La suite prouvera la vérité de cette assertion.
L e sieur C h am b ro ty, de son côté , a rem is son rapport le
22 nivôse an 1 1 . S ’il s’agissoit de l’analiser ic i , on prouveroit
aisément qu’il est fait avec autant d’ordre que de c la rté , et
qu’il règle avec im partialité les intérêts de chacun.
Q u o iq u ’il en soit, les deux experts sont divisés; et l’ordre de
la procédure exigeoit la nomination d’un tiers e x p e rt, pour dé
partager les deux premiers.
On s’empresse de faire signifier ces rapports sous le nom des
légitim aires ; on y fait m êm e figurer Louis-Bonnet Papou , ijui
depuis long-temps étoit hors d’intérêt; on conclut à ce qu’il soit
nommé un tiers exp ert; et la cause est portée, sur cet in cident,
à l’audience du tribunal de G a n n a t, le 2 floréal an 1 1 . M e. J u g e ,
avoué, est entendu pour les légitim aires; et Jean-Jacques P ap o n ,
par l’organe de M e. B assin , son a v o u é , déclare ¿1 l’audience q u 'il
e n ten d exécu ter dans tout son contenu le rapport de B ech o n n et,
e x p ert ; i l conclut à l'hom ologation d e ce ra p p o rt, et demande
acte de ce q u ’i l n ’en ten d p lu s f a ir e cause com m une avec
A I 0. P a p o n , n i e n t r e r a i aucune m a n ière dans les fr a is d ’une
tierce e x p é rie n c e , ni autres qui pourroient se faire dans la
suite.
M e. Ju g e bien vite demande acte pour ses p a rtie s, de ce
qu elles acceptaient les offres fa it e s p a r Je a n -Ja c q u e s P a p o n ,
d ’exécuter le rapport de B ech o n n et, et de ce qu’ellea consentent
à l’homologation.
Comment expliquer une conduite aussi étrange ! Jean-Jacques
Papon, cédataire de tous les droits des légitim aires, par acte
du 14 germinal an 1 0 , étoit tout à la fois agent et patient, de
mandeur et défendeur ; c’est lui qui est le m oteur de toutes
�( ï3 )
ces m anœuvres; et il étoit difficile que M e. Papon ne fût pas
étonné d’une déclaration aussi singulière ; il prend le parti de
demander préalablement la nullité du rapport de Bechonnet.
L e tribunal se contente d’ordonner, par son jugem ent, que
les parties continueront de procéder devant lui en la manière
ordinaire.
L e 10 du même m ois, signification des légitimaires à PierreCîaude et à Jean-Jacques Papon , avec requête et assignation
à comparoître le 16 floréal, n e u f heures du m atin , en l ’hôtel
du président, pour être présens à la nomination du tiers expert.
On observe que dans cette assignation comme dans les actes
précédens, on n’énonce que le jugement du tribunal d’A llie r,
du 17 thermidor an 6 , et qu’on ne fait aucune mention * ni
du jugem ent du tribunal de la Creuze , ni du jugement a rb itra l,
qui tous les deux réformoient celui de l’A llier dans plusieurs
chefs.
L e jour capté , les parties com parassent avec leurs avoués.
Me. Papon, intim é, y déclare de nouveau qu’il persiste en sa
demande de nullité du rapport de B ech on n et, et que jusque-là
il ne doit pas être procédé à la nomination d’un tiers expert.
Jean -Jacqu es Papon , par l’organe de Bassin , son avoué , y
expose que d’après une signification qu’il a fait fa ire , et qu’il
date du 28 germinal an 1 1 , quoique cet acte soit inconnu de
M e. P ap o n , il ne doit plus se trouver en cause avec les légitimaires. Les propositions qu’il a faites ont été, dit-il, acceptées
par eux : la tierce expérience ne doit plus le co n cern er, et ne
regarde que Pierre-Claude Papon. Il réitère sa déclaration qu’il
n’entend plus faire cause commune avec l’h éritier, ni entrer
dans aucuns frais ; il demande de nouveau qu’il lui soit donné
acte de ce qu’il consent à exécuter dans tout son contenu le
rapport de Bechonnet.
Après plusieurs dires des p arties, qu’il est inutile de rappeler,
le président du tribunal, surpris d’un langage aussi exiraordi-
�<; i
( 14 }
ra ire et dont il ignoroit la véritable cause, croit devoir renvoyer
les parties à l’audience.
Les légitim ants font expédier et signifier ce procès verbal.
Jean -Jacq u es P a p o n , par une requête, renouvelle ses offres et
sa déclaration; il prend m êm e des conclusions tendantes à ce
que le rapport de Cham broty soit écarté, et à ce que celui de
Bechonnet soit homologué. Ori ne peut considérer sans effroi ce
volume de procédure, qui est encore compendieusement expliqué
par une seconde é critu re , puis par une troisième signifiée aux
légitimaires , par laquelle Jean -Jacqu es Papon leur réitère en
core son consentement. E t enfin, le 28 prairial an 1 1 , intervint
au tribunal de Gannat un jugement par lequel, sans s’arrêter ni
avoir égard aux demandes de Jean -Jacqu es Papon , ni à son con
sentement donné d’exécuter envers les légitimaires le rapport
de B ech o n n et, ni à l’acceptation de ce consentement par les
légitim aires, il est ordonné qu’il sera p ro cé d é , en la manière
ordinaire , à la nomination d’un tiers expert, pour être procédé
aux opérations ordonnées : les dépens sont réservés en définitif.
L e 19 messidor an 1 1 , signification de ce jugem ent par les
légitim aires ; et cette signification est accompagnée d’une longue
requête tendante à être autorisés à faire assigner les deux hé
ritiers pour être présens à la nomination d’un tiers expert.
L e 2G messidor an 1 1 , ordonnance qui nomme le sieur M aignol,
d’A rto n n e, pour tiers expert.
Cette ordonnance , qui sembloit mettre fin h tous débats ,
n’em pêche pas que le 27 brumaire an 1 2 , on ne fasse signifier
encore une longue écriture , dans laquelle on répète pour la
cinquièm e fois tous les faits qui donnent lieu à la contestation ;
et on soutient que le rapport de Bechonnet doit être homologué.
Ecriture en réponse, de Jean -Jacq ues P apo n , pour convenir
que les légitimaires ont raison, et que le rapport de Bechozinet
doit seul être suivi.
C ’est alors que le h a sa rd , ou la mauvaise fortune de l’in
�W
( i5 )
tim é , amène au pays un sieur Guillaum e Bertrand de FontV io le n t, directeur de la poste aux lettres de la ville du P u y ,
et parent commun des parties.
Ce sieur Bertrand est bientôt instruit des contestations qui
divisent la famille : on l’excite à se rendre médiateur de tous
les différens ; et celui-ci sollicite M e. Papon de passer un com
promis. M e. Papon , toujours disposé à terminer amiablement
un procès devenu si long et si c o û te u x , se laisse gagner , et
souscrit un compromis avec ses frères et sœ urs, par lequel ce
sieur Bertrand est nommé seul arbitre, avec pouvoir de décider
en dernier ressort toutes les contestations ci-après expliquées.
i°. Il est d it , en ce qui concerne l’instance pendante au tri
bunal de Gannat, relative à la transaction du 1 1 pluviôse an 1 0 ,
passée entre Pierre-Claude et Jean-Jacques Papon, que Jean Jacques Papon se départ de l’appel par lui interjeté d’une sen
tence rendue le 24 thermidor an 1 1 ; il consent à ce que cette
sentence soit pleinement exécutée, tant pour son contenu que
pour les réserves y mentionnées ; il consent à payer tous les
frais faits jusqu’à ce jour ; et le sieur Bertrand a le pouvoir
de décider et term in er, par jugement irrévocable, toutes les
contestations qui pourroient s’élever au sujet des réserves énon
cées en ce jugement.
20. L ’arbitre est chargé de décider les contestations qui pour
roient s’élever au sujet de l’estimation ordonnée par la transaçtio n , des biens que Jean-Jacques et Pierre-Claude ont acquis
de la nation, comme provenans de leur belle-mère commune.
5 °. En ce qui regarde le partage ordonné entre les légitimaires et les héritiers institués , il est dit que l’arbitre détermi
nera définitivement ce point de discussion, conformément au
jugement de G u éret, du 14 prairial an 6 , au jugement aibitral du 25 frimaire an 8 , interprétatif de ceux de Guéret et
M oulins, du 17 thermidor an 5.
4°. L e même arbitre prononcera, ainsi qu’auroit pu le faire
les tribunaux, sur toutes contestations relatives aux partages
M'
�(i6)
des successions des père et m ère , qüi n’auroient pas été ter
minées par les jugemens su sd atés, ou qui pourroient s’élever
entre les parties.
5°. L ’arbitre est autorisé à fixer le partage des successions,
les rapports et prélèvemens déterminés par contrats de mariage
ou autres a c te s , et généralement les rapports et prélèvem ens
tels que de droit, suivant l’amendement d’un ch acu n ; comme
aussi de fixer et liquider toutes charges, dettes ou créan ces,
généralement quelconques, ainsi que toutes contestations qui
pourroient s’élever, si toutefois elles n’ont pas été terminées
par jugemens ou transactions.
G0. L ’arbitre est aussi autorisé à diviser entre les parties le
lot revenant à la succession de Louis-Amable P apon; et c e , à
raison de l’amendement de chacun. Il est aussi chargé de li
quider et fixer irrévocablem ent entre les parties , toutes les
sommes qui pourroient être dues , et qui proviendroient des
père et mère.
L ’arbitre est le maître de prononcer sur to u t, par un ou
plusieurs jugem ens, ainsi qu’il avisera. Les parties s’obligent
à rem ettre entre ses mains , et dans l’espace de deux m ois, tous
titres et documens : elles consentent que le compromis tienne
pendant dix mois , sans pouvoir être révoqué ; et dans le cas
où après la décision définitive il surviendroit quelques diffi
cultés sur l’exécution du jugement arbitral , on donne encore
pouvoir au sieur Bertrand de prononcer sur ces in cid en s, à
l’effet de quoi on p roroge, dans ce c a s , le délai fixé à huit
mois de p lu s, à compter du jugem ent définitif.
A près ce com prom is, dans lequel L o u is-B o n n et Papon n’a
pas fig u ré , quoiqu’il fut en qualité dans toutes les procédures
qui ont eu lieu sur les rapports , procédures qu’il ignoioit
com plètem ent, le sieur Bertrand partit pour la ville du P u y ,
et ne revint que huit mois après.
A son re to u r, M 1’. Papon lui remit des observations sur le
partage qui devoit être fait entre les légitim âm es; il lui rem it
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( T7 )
des mémoires en réponse à ceux de Jean - Jacques Papon ,
qui se plaignoit des omissions qui avoient été laites dans la
transaction du 1 1 pluviôse an 10. II remit aussi à l’arbitre
ses quittances et ses pièces , en offrant de lui fournir tous
éclaircissemens qui pourrôient lui être nécessaires dans ses
opérations.
Il étoit aisé de pressentir que cet arbitre pourroit être em
barrassé sur plusieurs questions. Toutes les parties en consé
quence l’autorisèrent, mais verbalement et exclu sivem en t, à
avoir recours aux lumières et à l’avis d’un magistrat de la cour,
en qui elles avoient confiance.
Ce m agistrat, effrayé du volume de toutes les procédures
qu’on lui rapportoit, refusa de s’occuper du jugem ent; il désiroit que les parties pussent se réunir pour faire un arrange
ment à l’amiable et à forfait. Dans le cas où elles ne pourroient
se ré u n ir, il conseilla de s’adresser à un homme in stru it, qui
fût calculateur, qui connût la valeur des fonds et leur produit,
et qui eût en m êm e temps le lo isir, la patience et les talens
n écessaires, pour prononcer sur toutes les questions ; et si on
ne vouloit pas prendre cc p a r ti, il n ’y avoit d’autre ressource
que de recourir aux tribunaux.
L ’arbitre Bertrand, d’après la réponse de ce m agistrat, refusoit
de prononcer sur des questions qui étoient au-dessus de ses
fo rces; et lorsqu’il eut manifesté son intention, M°. Papon lui
demanda la remise de tous les papiers qu’il lui aroit confiés.
L e sieur Bertrand lui répondit que ces papiers étoient entre
les mains d’un sieur Hua , directeur de la poste aux lettres
à G annat, qui les rem ettrait à la première réquisition.
Bertrand repartit bientôt pour la ville du Puy.
Me. Papon étant allé à Gannat, chez le sieur H u a , réclamer
ses titres , celui-ci répondit qu’il ne lui en avoit jamais été re
mis aucuns. M®. P apon, in qu iet, en écrit au sieur Bertrand,
le 6 vendémiaire an i 3 , et le prie de lui m arquer, poste par
p o ste, où il pourroit trouver ses papiers. Ne recevant aucune
C
.
:
Il
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C ^a)
réponse, il fait dem ander ses pièces au magistrat auquel on
s’étoit ad ressé, lequel répond qu’il a laissé tous les papiers à
l ’arbitre Bertrand, attendu qu’il a refusé de s’en charger.
,
L e 5o vendém iaire an i 3 , M e. Papon reçoit une lettre du
sieur Bertrand , par laquelle il lui m arque qu’il a laissé ses
papiers et ceu x de son frère dans les mains du magistrat au
quel les parties avoient confiance. Comment concilier cette
lettre avec c e qu’avoit dit l’arb itre, qu’il avoit déposé ces pa
piers chez le sieur Hua , et encore avec ce qu’avoit dit ce
magistrat , qu’il n avoit aucuns papiers , Bertrand ne lui en
ayant laissé aucun? M e. P apo n , plus inquiet que jamais sur
le sort de ses titre s, reçoit enfin une lettre du magistrat auquel
on s’étoit adressé; elle est datée du 5 brumaire an i 3 . E lle çst
concue
» en ces termes :
oc J ’ai su que vous avez ressenti quelques inquiétudes sur le
» sort des pièces de votre procès avec vos frères et sœurs ; je
» m’empresse de les ca lm er, parce que je le peux aujourd’hui.
>,> J e sais où sont vos p iè c e s , elles sont aussi en sûreté que
» si elles étoient entre m es m ain s, et je les ai quand je veux.
» Assurez-vous que la justice ni vos intérêts ne seront blessés.
» Cette assurance qu’il me fut impossible de donner le jour
» que je pariai à M. Cham broty, je vous la donne m aintenant,
et vous pouvez y compter. J e su is, etc. >»
Q uelle que soit la confiance de M e. Papon dans l’intégrité et
les lum ières de ce magistrat , il convient que sa le ttre , au
lieu de calm er ses inquiétudes , ne fit que les augmenter. Il
prit son parti sur le champ : il part le lendemain pour la ville
du P u y ,. où il arriva le 8 b ru m aire, chez le sieur Bertrand.
L ’nrbitre fut embarrassé de sa présence; et Me. Papon demeura
quatre jours en la ville du P u y , sans avoir obtenu aucun éclair
cissement ni do renseignement certain sur le sort de ses pa
piers. Il part de la ville du P u y le 12 brum aire, et à son re
tour dans son domicile , il y trouve une lettre de ce m êm e
B ertrand, datée du G brum aire, conçue en ces te rm e s:
�( 19 )
« J e viens de sig n e r, mon cher Papon , les jugemens quî
« doivent, j’esp ère, fixer dans vos familles la paix et le bonheur.
« Il est possible que vous ne soyiez pas content, mais je n’ai
« rien à me reprocher. J ’ai pu commettre quelques erreurs ,
« mais elles seront moins funestes que celles des tribunaux ,
« qui portent toujours d’ une m anière terrible, et sur la fortune ,
« et sur la réputation ; vous ne perdrez rien au moins sous ce
« rapport, et les salles n’auront point retenti de vos divisions.
« Al. H u a, mon confrère de Gannat, est chargé de vous faire
fc connoitre nos décisions, etc. «
Quelle fut la surprise de Me. P apon, en apprenant une sem
blable nouvelle ! Le sieur Bertrand ne lui avoit pas dit un m ot.
de ce jugem ent, lorsqu’il l’avoit vu en la ville du P u y : la lettre
qu’il avoit reçue le 5 brum aire, dont on a parlé précédem m ent,
sembloit lui annoncer qu’il n ’y avoit encore aucun jugement de
re n d u , et ce m ystère lui faisoit présager quelque chose de fu
neste. Il apprit bientôt que ce jugement n’étoit l’ouvrage , ni du
magistrat à qui 011 s’étoit adressé, ni de Bertrand , arbitre choisi ;
il fut même instruit que Bertrand avoit seulement donné sa
signature en blanc. Indigné de ces m anœ uvres, il écrit une
lettre de reproches à Bertrand qui l ’avoit trompé. Enfin il est
résigné h attendre qu’on lui donne connoissance de ce prétendu
jugem ent, lorsque le i 5 frim aire an i 3 le sieur Gilbert Papon,
avec lequel il n’avoit depuis long-temps aucuns rapports , lui
é c rit, sous la date du jeudi 6 décembre 1804, qu’il a quelque
chose de très-pressé à lui dire, et qui l’intéresse essentiellement;
il l’exhorte à venir de suite, en ajoutant que si ce jour ou le
lendemain sans faute il n’est pas ren d u , il sera peut-être trop
tard le sam edi, et la lettre étoit du jeu d i; il lûi recommande
expressément de lui rapporter la présente. M e. Papon se rend
sur le ch am p , et son frère lui raconte qu’il a vu le jugement
arbitral ; il lui annonce qu’il a été sacrifié sans ressource ; que
cependant lui Gilbert avoit un moyen sûr de le sortir de cet
em barras, mais que ce moyen n’étoit connu que de lu i, et il
C a
�H>O0 ;V *, *'
( 20 )
ne veut pas le lui apprendre gratuitement ; il exige un sacrifice,
M e. P ap o n , trop curieux et trop in q u iet, cède : on est d’aCcord.
Alors Gilbert Papon lui apprend que Ja c q u e s, son frè re , lui
avoit cédé tous ses droits , par acte reçu C o lin , notaire à Gannat,
du 19 iloréal an 9 ; que M*. Papon pouvoit se subroger à cette
cession , dès que lui Gilbert étoit religieux et non successible;
que par ce moyen il évitoit tout l’effet du jugem ent a rb itra l,
dont G ilbert Papon étoit révolté. En con séquence, et d’après
cette déclaration, Gilbert Papon fait lui-méme le projet de cédule en conciliation sur cette demande en subrogation d’action ;
M e. Papou la cop ia, et la fit signer, le 17 frim aire an i 3 , par
le juge de paix de Gannat. Dans le même tem ps, M e. Papon
souscrivit une prom esse de 1200 fr. au profit de G ilb e rt, son
fr è r e , sous la condition néanmoins que cette somme ne seroit
exigible qu’autant qu’il réussiroit dans sa demande ; e t , en cas
de su c c è s, il s’oblige de la payer dans un a n , et en deux term es,
après le jugem ent du procès : mais quoique la promesse ait été
souscrite le même jo u r , elle a cependant été mise sous une
date postérieure.
C ’est ce même jour 17 frim aire, que Jean -Jacq u es Papon se
trouvant à G annat, inform é des démarches de son frère ainé,
qu’il avoit même obtenu une c é d u le , s’empressa d’aller déposer
chez B eauvais, notaire à G annat, les rétrocessions que Gilbert
Papon lui avoit faites sous seing p r iv é , tant de la cession de
Ja c q u e s , consentie par acte p u b lic , que des cessions de M arie
et F ran ço ise, qui n’avoient été faites que sous seing privé.
L ’acte de dépôt est dressé ; et Jean-Jacques Papon fait encore
comparoltre chez le notaire, Ja c q u e s, M arie et Françoise Papon,
qui rati(ien t, en tant que de besoin , les cessions , rétrocessions
et transports, et consentent à l’exécution de ces actes comme
s’ils avoient cédé directem ent leurs droits à Jean-Jacqu es ; ils
consentent même à ce que ce dernier se mette en possession
des lots qui leur étoient adjugés par le jugem ent arbitral de
iiertran d , en date du (5 brumaire.
�H>o\ cte#
( 21 )
Il ne fut pas difficile alors à M e. Papon d’expliquer pourquoi
Jean-Jacques demandoit avec tant d'empressement l'homologa
tion du rapport de Bechonnet; il ne put pas douter de la véra
cité du récit de Gilbert Papon. Il étoit aisé de voir que ses in
térêts avoient été sacrifiés; et les manœuvres perfides de JeanJacques Papon étoient à découvert.
Quoi ! le sieur Jean-Jacqu es Papon étoit depuis long-temps
xnaltre des droits de ses cohéritiers légitimaires ! ceux-ci étoient
hors d’intérêt ! Jean-Jacques P ap o n , en demandant à son frère
ainé fe remboursement des sommes qu’il avoit payées aux lé
gitim aires, terminoit toutes ces discussions intestines, devenues
si coûteuses. Tout étoit consommé entre les parties ; il n’y avoit
plus rien â exam iner; il n ’étoit nullement besoin d’arbitres : et
cependant, en laissant ignorer à Me. Papon tout ce qui s’étoit
passé dans la fam ille, on lui propose frauduleusement un ar
bitrage , lorsqu’il n’y avoit point de questions à juger. Partout
Me. Papon est dupe de son honnêteté et de sa confiance.
M c. Papon ignoroit encore l’acte de dépôt du 17 frim aire, et
n’avoit aucune connoissance du jugem ent arbitral. Il devoit coinparoitre le 29 frimaire au bureau de p a ix , sur la demande en
conciliation tendante à subrogation, qu’il avoit formée contre
G ilbert, son frè re , re lig ieu x ; Jean-Jacques Papon le p révient,
et lui fait signifier, le 28 du même m ois, le jugement arbitral,
avec déclaration qu’il est aux droits de ses frères et sœurs lé
gitim aires, au moyen de la rétrocession qui lui étoit faite par
Gilbert Papon , mais sans lui notifier cette rétrocession ; et
Gilbert P ap o n , averti de cette signification, se voit obligé de
d é clarer, le lendemain 29 frim aire , au bureau de paix , que
la demande en subrogation devient sans objet, dès que sa ré
trocession est connue : en conséquence , il est dressé un procès
verbal de non-conciliation.
L e même jour 29 frimaire , M c. Papon fit faire une saisie entre
les mains de B eauvais, notaire, pour l’empécher de se dessaisir,
en faveur de qui que ce s o it, des actes sous seing privé dont
�( 2 2 ).
le dépôt avoît été Tait entre ses mains le 17 du même mois.
L e 5 nivôse an i 5 , Me. Papon, par deux actes séparés, fait
d’abord signifier une déclaration à son frère , par laquelle il
révo q u e, en tant que de besoin , le compromis portant nom i
nation du sieur Bertrand pour arbitre; et en m êm e temps il le
fait citer en conciliation sur la demande qu'il entend form er en
communication du bénéfice de la rétrocession litigieuse que
s’étoit fait consentir Jean -Jacq u es Papon.
Cette cédule n’empécha pas Jean -Jacq u es Papon de faire pro
céder , deux jours après , par saisie exécution sur toutes les
denrées de son frè re , en vertu du jugem ent arbitral rendu par
le sieur Bertrand le 6 brum aire , et rendu exécutoire le 12.
Dans cet a c te , Jean-Jacques Papon déclare y procéder tant en
son nom que comme étant aux droits de Gilbert Papon , son
frère , qui étoit lui-m êm e aux droits de Jac q u e s, Marie et Fran
çoise
»
7, frère et sœurs communs.
Me. Papon répond , par même a c t e , qu’il a.lieu d’être surpris
de ce procédé, d’après la cédule qu’il a fait donner dès le 5 du
m êm e m ois; il s’oppose en conséquence à toute saisie-exécution,
com me de ses biens ; et on observe que par cet acte recordé
il n’est nullement fait mention de la vacation des témoins.
L e 12 nivôse il fut rédigé un procès verbal de non-concilia
tion. Jean-Jacqu es Papon , lors de ce procès verbal, veut excuser
ses procédés dont il est honteux; il dit que ce 11’est qu’à défaut
par Me. Papon d’avojr voulu prendre des arrangem ens avec les
frères légitim aires, que lui Jean - Jacqu es s’est déterminé à se
faire rétrocéder leurs droits; mais que son frère n’est pas recevable à vouloir profiter de ce bénéfice, et qu’ il entend seul le
conserver. Il se présonteroit fans doute «le grandes réflexions
sur une réponse aussi inconvenante, mais il faut ménager l’e x
pression.
Jean-Jacques Papon n’en poursuit pas moins son frère. L e 14
du même mois de niv6se, il fait itérative sommation de paye
m ent, et somme le gardien volontaire do représenter les objets
�( 23 )
saisis, pour être vendus le 27 nivôse; il fait aussi notifier un
congé à deux métayers de P ierre-C laud e Papon , pour qu’ils
aient à abandonner la culture des immeubles attribués aux lots
des légitiinaires.
L e 26 nivôse, M e. Papon fait notifier le procès verbal de nonconciliation , du 1 2 , avec assignation à son frère au tribunal
de G annat, pour être condamné à lui communiquer le béné
fice des rétrocessions ; il fait a u ssi, par un acte séparé, notifier,
soit à son frè re , soit au gardien, une opposition à la continua
tion des poursuites. Mais dans cette journée il devoit y avoir
beaucoup d’actes judiciaires ; c a r, dans la soirée, Jean Jacques
Papon fit faire une nouvelle som m ation, tant à son frère qu’au
gardien , et cette sommation fut suivie d’un nouveau procès
verbal de saisie-exécution , dans lequel il constitue pour son
avoué Me. Ju g e , qui occupoit d’abord pour les légitimâmes; il
déclare en même temps qu’il n’entend donner aucune suite à
la première saisie-exécution du 26 nivôse : mais ce n’est pas
pour faire grâce à son frère ; c a r , lors du premier procès verb al,
l ’huissier a voit eu au moins l’attention de ne pas comprendre
dans sa saisie les denrées et le vin nécessaires à la consomma
tion de Me. Papon et de sa famille , au lieu que dans cette
dernière il ne fait grâce de rien ; il y comprend tout ce qu’il
tro u ve , nomme le même gardien , et lui fait sommation de
représenter les objets saisis pour le 18 pluviôse. On remarque
encore que dans ce procès verbal l’huissier ne donne d ’autres
vacations à ses recors, que celles de propriétaires.
L e 16 pluviôse, opposition de la part de Me. Papon à cette
saisie-exécution; citation au bureau de paix, à Jean -Jacqu es,
sur la demande en nullité de toute cette p rocéd u re, ainsi que
des rapports des e x p e rts, du com prom is, et du jugement ar
bitral.
Mais le 18 pluviôse il est dressé contre le gardien un procès
v e rb a l, faute par lui d’avoir représenté les objets saisis, quoi
que le gardien eût exhibé de l’opposition foim ée entre ses mains.
�( 24 )
L e 19 , ce procès verbal est signifié au domicile du gardien,
qui est en m êm e temps cité au bureau de conciliation sur la
demande tendante à ce qu’il soit tenu par corps de représenter
les objets saisis. L e 24 p lu viôse, deux procès verbaux de nonconciliation sont dressés , l’un contre le gardien , et l’autre entre
M e. Papon et son fr è r e , sur la demande en nullité que le pre
m ier avoit formée.
L e 3 o pluviôse, Jean -Jacqu es Papon est assigné à la requête
de son frère , au tribunal de G a n n a t, sur cette demande en
nullité. L e 3 ventôse an i 5 , longue écriture de Je a n -Ja c q u e s
Papon , pour prouver que le jugem ent arbitral du 6 brumaire
est e x é c u to ire , et n’est pas susceptible d’opposition.
L e a germ inal, jugem ent par défaut contre M°. P ap o n , au
tribunal de G an n at, mais contradictoire avec le gardien ; et JeanJacqu es Papon est déclaré non recevable dans sa demande formée
contre le gardien ; il est condamné aux dépens envers lui.
Appel de Jean -Jacq u es Papon de ce jugem en t, vis-à-vis du
gardien ; mais il n’a donné aucune suite à cet appel : il paroit
m êm e qu’il a satisfait aux condamnations prononcées contre lui.
Opposition de M*. Papon à ce jugem ent qui avoit été rendu
par défaut contre lui. Jugem ent du 23 germ inal, qui le reçoit
opposant, et renvoie les parties au principal. Longue écriture
de Je a n -Ja c q u e s Papon , dans laq uelle, se jouant «le tous les
procédés, il compare agréablement son frère à un malade à
l’agonie , qui use de tous les remèdes contraires à la médecine.
Ce n’est que le 17 floréal qu’il donne enfin connoissance à son
frère des rétrocessions qui lui avoient été consenties; et il a c
com pagne cette notification d’ une autre écriture, dans laquelle ,
opiès avoir rendu pour la dixièm e fois compte des fa its, il ap
prend que son but est de s’opposer à la jonction des différentes
demandes pendantes entre son frère et lui.
U11 succès éplit'tnère semble IVncouniger à grossir encore ce
volume. Un jugement du 19 prairial an i 3 rujela la jonction
demandée par M r. Papou : mais le ü9 thermidor nu i 3 , un
autre
�( 25 )
autre jugement contradictoire , et certes très-équitable , annulla
tous les com m andem ens, saisies-exécu tion s, et autres pour
suites de Je a n -Ja c q u e s Papon , et fît pleine et entière main
levée au frère aîné de toutes ces saisies vexatoires. Ce jugement
en m êm e tem ps, en exprimant le regret des premiers juges de
n ’avoir pas ordonné la jonction précédemment , renvoie les
parties à plaider sur le principal, c ’est-à-dire, sur la demande
en nullité du compromis et du jugem ent arbitral, ainsi que sur
la demande en communication du bénéfice des rétrocessions,
à l’audience du 5 fructidor lors prochain.
Mais Je a n -Ja c q u e s P a p o n , craignant que le moment de la
justice ne fût arrivé , ne daigna pas comparoitre au jour capté;
çn conséquence, il fut rendu deux jugemens par défaut, l’un
qui adjuge la com m unication du bénéfice des rétrocessions,
l’autre qui annulle le compromis et le jugem ent arbitral.
Jean-Jacques Papon s’est rendu appelant, et par deux actes
séparés , tant du jugem ent contradictoire qui fait main-levée des
saisies-exécutions, que des deux jugem ens, dont l’un ordonne
la communication du bénéfice des rétrocessions , et l’autre pro
nonce la nullité du compromis et du jugement arbitral de Bertrand.
Mais il est à remarquer que la cour n’est pas saisie de la connoissiince du jugement qui ordonne la communication du bénéfice ;
Jean Jacques Papon n’ayant interjeté appel que par un simple
acte de ce dernier jugem ent, n'est point encore anticipé. Il ne
s’agira donc que d’examiner la validité ou nullité des saisiesexécutions , ainsi que les questions qui s’élèvent sur le com
promis et le jugement arbitral. On observera, au surplus, que
la cour a déjà eu connoissance de cette discussion; car le pre
m ier incident qui s’est élevé entre les parties a été de savoir si
la cour devoit joindre les deux appels dont elle est saisie ; et
la cause portée sur cet in cid en t, le 1 1 janvier est intervenu
arrêt contradictoire qui a joint les deux instances d’appel , et
renvoyé les parties à une audience captée, pour être fait droit
sur le tout par un seul et même arrêt.
D
�_ ( *6 )
C'est en cet état qu*il s’agit de prononcer ; mais il est bon ,
avant to u t, de rappeler qu’à l’audience de la co u r, Jean-Jacqnes
Papon voulut insinuer que le jugem ent arbitral étoit l’ouvrage
du m agistrat, en qui les parties avoient témoigné une si juste
confiance. MaisM*. Papon est autorisé à désavouer publiquement
que ce magistrat en soit le ré d a cte u r, et la déclaration indis
crète de son frère n’est qu’une suite de sa perfidie.
Maintenant qu’on a analisé , avec l’exactitude la plus scru
puleuse , une procédure m onstrueuse, et qu’on n’a dépouillée
qu’avec dégoût, on va discuter les moyens de Me. Papon contre
toutes les demandes , com prom is, ju g em en s,q u i depuis vingt
ans ont empoisonné sa vie et altéré sa fortune.
Il divisera sa défense en trois propositions ; dans la p rem ière,
il établira que le compromis est absolument n u l, qu’il n’est que
la suite de l’e rr e u r, puisqu’il a été passé avec des personnes
sans qualité comme sans intérêt ; dans la deuxièm e , il prou
vera que le jugem ent arbitral n’est pas même conform e au com
prom is, qu’il y a e xcè s de p o u v o ir, des erreurs grossières , et
qu’enfin il n’est pas l’ouvrage de l’arbitre que les parties avoient
choisi ; dans la troisième et dernière , il démontrera que les
saisies-exécutions faites à la requête de Jean -Jacq u es Papon ne
peuvent subsister , qu’elles sont tout à la fois nulles , irrégu
lières et vexatoires , qu’ainsi il en a dû obtenir la main-levée
pleine et entière.
I er.
L e com prom is est évidem m ent nul.
Un compromis ne peut subsister qu’autant que toutes les par
ties qui l’ont souscrit seroient également obligées ; il est nul lors
qu’il est l’effet de l’erreu r, qu’il n’a pas été nécessaire , ou qu’il
n’nuroit pas eu d’o b je t, si l’une des parties avoit connu les actes
qu’on lui a cachés.
�fo r
( 27 )
Ces principes sans doute n e seront pas contestés ; ils sont
consignés dans le titre des lois , au ff. D e recept. arbitr.
L ’article 110 9 du Code civil porte également qu’il n’y a point
de consentement valable, si le consentement n’a été donné que
par erreu r; et l’article 1 1 1 0 dit que l’erreur est une cause de
nullité de la convention , lorsqu’elle tombe sur la substance
même de la chose qui en est l’objet.
En appliquant ces principes à l’espèce , on v o it, i°. que lors
du compromis toutes les parties n’étoient pas également obli
gées. En e ff e t , les trois légitimaires qui y sont portés étoient
hors d’intérét ; ils avoient cédé leurs droits à un frère non successible ; et celui c i , dans la crainte d’étre écarté par la subro
gation d’a c tio n , avoit rétrocédé ces mêmes droits à l’héritier
associé. Dès-lors ces légitimaires n’étoient pas de bonne foi >
lorsqu’ils se sont mis en qualité ; ils ne contractoient aucune
obligation, puisqu’ils n’avoient rien à gagner ni à p erd re, et que
l ’événement du partage leur étoit indifférent.
Lors de leur cession, les légitimaires avoient vendu sans ga
rantie ; ils ne s’étoient point soumis à rester en cause ; ils n’a
voient donné aucune procuration pour autoris r à plaider en
leur nom. Ils étoient donc absolument hors d’intérét; ils n’é
toient plus parties : leur cédataire devoit seul figurer.
Ils étoient'cependant la cause unique et exclusive du com
promis ; ce n’étoit que contr’eux et pour eux que Me. Papon
se soumettoit à la juridiction d’un arbitre ; il n’auroit pas com
prom is, s’il< avoit su que les légitimaires n’avoient plus rien à
dém êler ni à;prétendre dans les successions. En e ffe t, cédalaire lui-même des droits de plusieurs de ces légitimaires , il
n’avoit pas réclamé de son associé ni le partage , ni leurs por
tions en corps héréditaire ; et s’il avoit été informé que son
associé fût aux droits des trois autres , il auroit espéré de lui
la même faveur , ou il l’auroit c o n t r a i n t à la communication du
bénéfice , ou au moins il auroit exigé les mêmes droits pour les
cessions qui lui étoient personnelles. Tout se, seroit naturelle-
D 2
/
�( *8 )
ment compensé entre l’héritier et l’associé , sans qu’il fût besoin
de porter atteinte au partage fait par les auteurs communs ,• et
qui fut l’ouvrage de leur impartiale tendresse pour les deux
héritiers.
Il est donc évident que toutes les parties n’étoient pas égale
ment obligées ; il est également démontré que le compromis est
le résultat de l’erreu r, puisque M°. Papon ignoroit les cessions
et rétrocessions des légitimaires. Il étoit dans cet état d’igno
rance par le f a it , soit des légitimaires , soit de son associé : tous
s’étoient réunis pour le tromper et l’abuser. Cet état d’ignorance
détruit la volonté , fa c it om nino involuntarium , comme le dit le
savant Dum oulin ; et il n’est pas de moyens dont la loi soit plus
to u ch ée, que cet état d’erreur ou d’ignorance invincible dans
lequel se trouvoit Me. Papon par le fait ou la mauvaise foi de
ceu x avec lesquels il a contracté.
Il est encore certain que l’erreur de M e. Papon tombe sur la
6ubstance de la chose qui étoit l’objet du com prom is, puisqu’il
s’agissoit de régler un partage , des rapports et des prélèvem ens
en faveur des légitim aires qui étoient alors sans intérêt , et qui
n ’avoient plus de partage à demander. C ’est depuis le 14 ger
m inal an 10 que Jea n - Jacq u es Papon avoit les droits de ses
frères et sœurs légitim aires, par des actes sous seing privé ; et ce
n’est que le 14 nivôse an 12 que ces légitimaires ont eux-m êm es
com prom is, com m e s’ils étoient encore dans tous leurs droits.
Il y a plus qu’ erreur dans l’espèce ; il y a évidem m ent dol dans
le procédé , puisque les légitimaires ne contractoient aucuns
engageinens. C ’est une machination perfide pour tromper , dé
pouiller l’un des héritiers au profit de l’autre , son associé , qui
jusqu ’alors avoit pris part h toutes les discussions , et avoit con
fondu ses intérêts avec ceu x de l’héritier.
L a justice ne peut envisager qu’avec indignation un acte qui
a été le fruit du d o l, de l’erreur et de la surprise ; et le com
promis une fois é c a r té , le prétendu jugement arbitral ne porte
sur aucune base.
�'•
t
-
( 29 )
§. I I .
L e prétendu ju g e m e n t a rb itra l n 'e st p o in t conforme au com
prom is ; i l y a excès de p o u v o ir; i l n ’est p a s l ’ouvrage d e
l'a rb itre que les p arties avaient choisi.
Quelle confiance pourroit-on avoir dans un arbitre qui s’avoue
incapable de prononcer su r des contestations qu’on lui a sou
mises , n’en prend aucune connoissance, et livre tous les intérêts
d’une famille à une inain obscure et mercenaire , à qui les par
ties , et surtout M e. Papon , n’auroient jamais accordé aucune
confiance ; d’un arbitre qui ne prend d’autre peine que de donner
sa signature, et encore de la laisser en blanc , et qui n’a vu a i
lu le jugement au bas duquel se trouve son nom?
Si les moyens de M e. Papon contre ce jugement pouvoient ne
pas paroitre suffisans , la voie du faux incident lui est ouverte ,
et il se la réserve expressément.
M e. Papon convient que l’arbitre étoit autorisé verbalement
à s’entourer des lumières d’un magistrat éclairé , choisi respecti
vement par les parties : mais il met en fa it, i°. que l’arbitre quitta
le pays dans les derniers jours de fructidor an 1 2 , et qu’alors
il ne s’étoit nullement occupé de l’objet de sa mission ;
2 Que cet arbitre , lors de son départ, montra à M c. Papon
une note du magistrat auquel il s’étoit adressé , et que par cette
note ce magistrat expliquoit très-disertement son refus de connoître et de prononcer sur les contestations de cette famille ;
5 °. Que l’arbitre avoit lui-même déclaré qu’il n’étoit plus dans
l’intention de juger les parties, et qu’il avoit déposé tous les pa
piers de M*'. Papon chez le sieur H u a , directeur de la poste aux
lettres à G an n at, où il pourroit les prendre quand il voudroit, et
que Me. Papon étant allé chez Hua pour retirer ses papiers, ce
dernier lui déclara qu’il ne les avoit jamais vus;
4°. Que AT'. Papon ayant prié le sieur Bertrand , arbitre , de
�k
4 W
Ç A ï'ç
C 3° )
lui donner quelques détails sur une pension de la ville du P u y ,•
où il vouloit placer son fils , cet arbitre lui écrit le i rr. vendé
miaire an i 3 , pour lui donner ces détails, mais ne lui parle
nullement des affaires de fam ille dont la décision lui avoit été
soumise. Me. P ap o n , dans sa réponse , lui repioclie son sile n ce ,
se plaint surtout de ce qu’il est parti sans lui remettre ses pa
p iers, et de ce qu’il l’a trompé en lui disant qu’il les trouveroit
chez le sieur H u a , qui ne les avoit jam ais vus ;
5°. Que M°. Papon ne recevant point de réponse de Bertrand ,
et inquiet surtout de ses papiers , pria le sieur Cham broty de
s’inform er auprès <lu magistrat désigné par les parties s’ il savoit
où pouvoient être ses papiers ; que le 20 vendém iaire an i 3 le
sieur Cham broty écrivit à M e. P a p o n , et lui marqua que ce
magistrat lui avoit dit que les longs mémoires l’avoient enir
péché de prendre connoissance de l ’a ffa ir e , mais qu’il n’avoit
aucuns papiers , et les avoit laissés à l’arbitre ;
6°. Que le 3 o vendém iaire an j 3 , M e. Papon a reçu une lettre
de Bertrand , par laquelle il lui marquoit qu’il avoit laissé ses
papiers dans les mains de ce m êm e magistrat ;
7°. Que Me. P a p o u , dans cet état de p erp lexité, reçoit une
lettre de ce m agistrat, en date du 5 brumaire an i 3 , par la
quelle il lui marque qu’il peut actuellem ent lui donner des nou
velles de ses papiers, qu’il sait où ils sont, qu’ils.sont aussi en
sûreté que s’ils étoient entre ses m a in s, qu’il les a quand il
v e u t , et lui assure que ni la justice ni ses intérêts ne seront
blessés ;
8°. Que M r. Papon , plus inquiet que jam a is, parce que cettq
lettre lui faisoit craindre qu’ un étranger qu’il ne conrioissoit pas
voulût s’ingérer dans la connoissance de ses affaires , partit pour
la ville du Puy le 5 b ru m aire, où il arriva le 8 ; qu’il y resta
jusqu'au 1 2 , et qu’ il ne put tirer autre chose du sieur Bertrand
sur le sort de ses papiers, sinon qu’il les avoit remis
un des
amis du m agistrat, en qui les paities avoient confiance , et quu
les papiers lui seroient remis à son a rriv é e ;
�t 3' )
9°i Qu’éthnt arrivé du P u y , il trouva à son domicile une lettre
de Bertrand , en date du 6 brumaire an i 3 , par laquelle il lui
annonce qu’il a signé ce même jour 6 brumaire les jugem cns
( il n’y en a qu’un , et cet arbitre ne Jui en avoit rien d it, quoi
qu’il ne l’eût quitté que le 12 b ru m a ire ); et qu’il n'a rien à
se rep roch er, etc. : cependant le 5o vendémiaire an i 3 , six
jours aup aravan t, ce ménie arbitre écrivoit qu’il avoit laissé
dans les mains du magistrat désigné tous les papiers de RJe. Papon,
ainsi que ceux de ses frères ; trois jours a p rè s, ce même ma
gistrat écrivoit qu’il n’avoit pas ses p ap iers, mais qu’il savoit où
ils étoient, etc.
i°. E t enfin Me. Papon met encore en fait que l’arbitre n’a
jam ais eu connoissance de ce jugem ent, qu’il ne l ’a vu ni lu ;
que cet arbitre fut suivi jusqu’à Glermont par l’un des frères
P ap o n , lors de son départ dans les derniers jours de fructidor
an 12 , et que là on obtint de la facilité de cet arbitre sa signa
ture en blanc ; que la preuve de cette circonstance résulte de
ce que la minute de ce jugem ent, contenant près de cent cin
quante pages , est entièrement écrite de la main du fils de Ju g e ,
avoué de Jean -Jacq u es Papon, à l’exception néanmoins des der
nières pages , qui sont écrites de la main de M e. Juge lui-inèine ;
que ces dernières pages sont resserrées, et que ce resserrement
n’a eu lieu que pour faire cadrer la clôture du jugement avec
la signature de l’arbitre ; que sans cette circonstance le resser
rem ent eût été inutile , puisque la signature de l’arbitre se
trouve placée aux deux tiers de la première page du dernier
rô le , et par conséquent il restoit encore un dem i-rôle et le
tiers d’un demi-rôle de papier blanc à remplir : donc ce res
serrement n’a eu lieu que parce que la signature étoit posée.
Cette signature d’ailleurs se trouve au bas de la décision sans
aucune approbation, et cet arbitre n’a paraphé aucuns des
feuillets de ce jugem ent, qui comprend plus de cent cinquante
pages en plusieurs petits cahiers.
C ’est ce dont on pourra se con vain cre, si la cour juge à
�( 32 )
propos de faire rapporter la minute. M é. Papon mot également
en fait que la minute de ce jugement a resté long temps entre
les mains de Jean -Jacqu es P ap o n , avant le dépôt qui en a été
fait au greffe ; et ce qui achève de prouver que cette décision
n ’est pas l’ouvrage de l’arbitre, c ’est qu’indépendamment de ce
que le tout a été écrit de la main du fils de l’avoué ou de l’avoué
lu i - même , on remarque à la clôture les mots qui suivent :
« F a it, arbitré et délibéré successivem ent à Y ic q , à Clerm ont;
cc et après avis en conseil , définitivement arrêté et jugé an
« P u y , chef-lieu du d épa rtem en t de la H au te-L o ire , le G b/u~
« m a ire an i 3. Seront au surplus les présens partages et juger
« mens déposés au greffe du tribunal de Gannat, pour y rece« voir la forme e xé cu to ire , et en être délivré expédition à qui
« de droit. »
Que de m aladresse et de sottises qui dévoilent la fraude et
le dol qu’on a si grossièm ent employés ! M e. Papon offre la
preuve de tous les faits qu’il vient de mettre en avan t, si la
cour ne se croyoit pas suffisamment éclairée par les lettres et
les écrits qu’il vient d’én on cer, et qui ont été notifiés à JeanJacques Papon dans le cours de l’instance.
Comment cette œuvre de ténèbres, qu’on ose qualifier du
nom de ju gem en t, pourroit-elle soutenir les regards de la jus
tice? Vainem ent voudroit-on prétendre qu’ un jugem ent arbitral
ne peut être attaqué par aucune voie , pas même d’appel ou
du cassation , lorsque les parties ne se sont ¡»as expressém ent
rtservé ce d ro it; ce seroit une erreur de l'appelant, dont le
systèm e ne porte que sur cette fausse base. La voie de la
nullité est toujours ouverte contre un jugement arbitral, toutes
les fois que les arbitres ont ju g é , ou sur un compromis n u l,
on sur toute autre chose que ce qui étoit soumis à leur dé
cision. y on c.rgù qu od liüet statucrc a rb iter p o te r it , ncc in
tjuà re lib et n i si de fpui rc com prom ission est et tptatenùs com
prom ission est. L. 5 2 , §. 1 5 , au ff. D e rccept. arbit.
La cour d'J cassation s’est conform ée aux dispositions d<-‘
eu lie
�( 33 )
cette lo i, et a souvent décidé que les jugemens d’arbitres pouvoient être attaqués par la voie de nullité. Un arrêt du 12 prai
rial an 10 l’a disertement jugé dans la cause de la dame Bény.
D euxièm e arrêt du 23 nivôse an 10. Troisièm e arrêt du 2 1 mes
sidor an 12. On pourroit même invoquer plusieurs préjugés de
la cour d’appel sur ce point, puisqu’elle a annullé un jngement
arbitral rendu contre des mineurs , quoique le tuteur fût obligé
en son nom.
O r, si on veut aborder cette oeuvre de ténèbres , et sans
qu’il soit besoin de faire un volume pour analiser un procès
verbal fastid ieu x, on y remarque d’abord que le premier objet
du compromis étoit une transaction du 1 1 pluviôse an 10 ,
passée entre l’héritier et l’associé. Il s’étoit élevé quelques incidens sur ce traité; et un jugement du tribunal de Gannat,
en date du 28 thermidor an 1 1 , en avoit ordonné l’exécution.
Mais Jean-Jacques Papon , suivant son habitude, avoit inter
jeté appel de ce jugem ent; et par le premier article du com
promis , Jean-Jacques Papon se départ de l’appel par lui inter
jeté , il consent à payer les frais ; mais on donne pouvoir à
l ’arbitre de statuer sur l ’ejfet des réserves respectivement fa it e s
par les parties lors de ce traité , ainsi que sur les contestations
qui pourroient s’élever au sujet de l’estimation des biens qui
provenoient d e là belle-mère commune des deux héritiers, et
dont ils s’étoient rendus adjudicataires de la nation, qui avoit
lait m ainm ise sur ces mêmes biens.
Les réserves énoncées dans le jugem ent de Cannat, du 24
thermidor an î x , au sujet de cette transaction, étoient ainsi
conçues : « Sauf h Je a n -Ja c q u e s Papon à se p om vo ir, ainsi
» qu’il avisera, pour obtenir la réparation des erreurs de cal» cid , faux emplois de sommes et omissions par lui soutenues
« exister dans la transaction du 10 pluviôse an 10. A cet effet
» lui donne acte des réserves qu’il s’est faites relativement
» ¡celles ; et donne pareillement acte à Pierre-C laude Papou
w de toutes réserves û ce contraires. »
E
�( 3 4 )
L es pouvoirs de 1arbitre étoient donc bornés à ce seul objer,
de v é r ifie r les erreurs (h c a lc u l, les omissiotis ou le f a u x em
p lo i. Mais sans doute que le sieur Bertrand étoit trop pressé
pour faire cette vérification ; il a trouvé plus commode d ’or
donner un nouveau compte entre les parties, c ’e s t - à - d ir e ,
d ’anéantir une transaction homologuée par ju g em e n t, et que
Jean -Jacq u es Papon ainsi que son frère avoient déclaré sim ul
tanément vouloir exécuter. L ’arbitre a remis en question la
chose ju g ée, l’exam en de tous les articles de cette transaction,
lorsqu’il ne pouvoit exam iner que les erreurs de calcul ou les
omissions qui pouvoient s’étre glissées dans cet acte.
V oilà donc un objet sur lequel les parties n'avoient pas com
promis , et qui caractérise un prem ier excès de pouvoir de
l ’arbitre.
2°. Les parties avoient déclaré par le com prom is vouloir e xé
cuter la sentence arbitrale du 9 frim aire an 8 ; et par cette
sentence il étoit expressém ent ordonné que les légitiinaires qui
voudroient prendre leur légitim e de d r o it, seroient tenus de
rem bourser à M e. Papon , dans la proportion de leur am en
dement , les impenses et améliorations nécessaires et u tile s ,
que'M ®. Papon avoit faites dans les biens communs.
Il sembloit que l’arbitre auroit dû ordonner préalablem ent
une estimation de ces objets. Mais il croit pouvoir éluder la
qu estion , et l ’obligation précise qui lui étoit imposée de faire
estimer ces objets, en disant qu’il attribue aux légitimaires des
im m eubles sur lesquels il n’y a pas eu de réparations ou am é
liorations.
Cependant , dans ces mêmes héritages attribués aux légiti
in aires, M e. Papon y a fait des plantations considérables qui
sont aujourd’ hui en ra p p o rt, et en augmentent sensiblement la
valeur. Il a fait abattre dans les vignes des rochers énorm es, en
a fait extraire plus de trois mille toises de cailloux , et a fait
planter des ceps de la plus belle venue , dans un terrain qui
naguères ne présentoit qu’une surface aride et desséchée ; il a
�( 35)
fait combler et dessécher à grands frais des parties de terrain,
où l’eau étoit en stagnation ; il y a construit un pont pour la
facilité de l’exploitation. Pourquoi donc l’arbitre a-t-il jugé à
propos de se dispenser de l’exécution des jngemens précédens,
ou en éluder les dispositions , lorsqu’il ne p o u vo it, d’après le
compromis , statuer sur cet objet qu’après une estimation préa
lable , conformément au jugem ent en dernier ressort de G uéret,
du 14 prairial an 6 , et au jugem ent arbitral du 25 friam ire
an 8? C ’est donc un nouvel excès de pouvoir commis par le
sieur Bertrand.
L ’arbitre devoit également ordonner l ’estimation des biens
sujets à partage. L e jugement de G u é re t, et la sentence arbi
trale , avoient ordonné que cette estimation des jouissances seroit
faite par e xp erts, et qu’en cas de discordance les parties 110111-.
meroient un tiers expert : c ’étoit un point arrété et jugé ; e t ,
d’après le com prom is, l’arbitre ne pouvoit s’écarter de ce qui
étoit définitivement jugé. Au lieu de nommer un tiers e x p e rt,
ou de s’en rapporter à celui qui avoit été nommé , il s’avise , sans
aucune connoissance locale , et sans aucune expérience, de faire
lui-m ém e cette opération; de là des injustices et des inconsé
quences révoltantes. L ’objet n’étoit pas de sa compétence ; le
compromis ne lui en donnoit pas le pouvoir ; il 11’a pu juger
d'après la lo i, n i s i de qud rc compromissum e s t , et çuatcnùs
compromissum est.
Ce méine arbitre ne devoit encore s’occuper que des biens
délaissés par les père et mère communs , et cependant il a com
pris , dans la masse à diviser , une propriété particulière de
JVle. Papou , que celui-ci avoit acquise depuis plus de dix ans ,
et il a bien voulu la délaisser à Me. Papon , pour le rem plir eu
partie de ce qu’il amendoit dans la succession de Louis-Am able,
son frère ; ce qui constitue un autre excès de pouvoir.
Cet arbitre s’est encore permis d’examiner le partage qui avoit
été fait par les père et mère. Cet acte sans doute devoit être
E 2
�( 3^ )
re sp ecté , et n’avoit donné lieu à aucune controverse entre les
parties ; on se rappelle inéme du soin rpi’ avoient mis les auteurs
comm uns «à rendre les deux lots parfaitement égaux : l’arbitre
en a pensé tout autrement. Quoiqu’il ne dût pas l ’exam iner par
le compromis , il a cru devoir attribuer un retour de lot à Jean Jacques P a p o n , d’ une somme de 2 2 1 fr. C ’est bien sans doute
un nouvel excès de pouvoir.
P a r la sentence arbitrale du g frim aire an 8 , Jacqu es P a p o n ,
légitim aire , ne pouvoit venir au partage qu’en restituant préa
lablem ent à M®. Papon une somme de 4000 fr. par lui reçue ,
et dont Jacqu es Papon avoit donné quittance le 10 février 17 9 1.
L a date de cette quittance autorisoit Jacq u es Papon à de
m ander la réduction à l’échelle ; mais M®. Papon avoit soutenu
qu’il n 'y avoit pas lieu à réduire , parce que cette somme , du
moins en très-grande partie , avoit été reçue long-temps avant
la quittance.
L es arbitres avoient cependant admis la réduction à l’échelle ,
m ais à la charge par Jacq u es Papon d’afiirm er qu’il n’avoit reçu
cette somme qu'au moment de la quittance. L ’arbitre Bertrand
ne pouvoit pas s’écarter de cette disposition ; il a cru néan
moins pouvoir ordonner cette réduction purem ent et simple
ment , et dispenser Jacq u es de son affirmation ; ce qui est encore
un excès de pouvoir.
L e contrat de mariage de M e. Papon fixe le mode et la por
tion des légitim es conventionnelles que chaque héritier doit
p ayer , en les réglant à Gooo fr. pour chacun. Il est dit en su ite,
par une clause subséquente , que toutes les dettes seront p ayées
p a r m oitié entre les d e u x héritiers. C ’est une charge de l’ins
titution dont Jean Jacqu es Pnpon ne pouvoit s ’écarter ; et dèslors il étoit tenu de payer la moitié des supplémens de légitim e
qu’avoient obtenus certains des légitim aires. Il n’ y avoit pas le
plus léger doute , d’après les dispositions du contrat de mariage.
I.arb itre ne pouyoît en exam in er, encore moins en éluder les
�h t
( 37 )
clauses. Me. Papon avoit formé la demande devant l u i , contre
Juan Ja c q u e s , son fr è r e , à ce qu’il fût tenu de payer cette
moitié des supplémens , que Me. Papon avoit lui-méme payée
à ses frères. L ’arbitre a jugé à propos de mettre les parties bois
de cour sur ce point ; de sorte qu’il en résulte que Jean Jacq u es
Papon profite de toutes les cessions qui ont été faites à son
frère ; il en a tout le bénéfice ; et au moyen des rétrocessions
qu’il s’est fait consentir par les autres légitim aires, il en a
aussi toute la portion qui diminue d’autant le lot de son frère
ainé sans toucher au sien. Il faut convenir que c’est là -une
injustice révoltante , une contradiction qui choque ; c ’est un
excès de p o u vo ir, d’ignorance ou de partialité.
L ’arbitre devoit aussi faire estimer les dégradations commises
dans les biens. Jean-Jacques Papon avoit fait un abattis d’arbres
de toute espèce ; ce qui diminuoit singulièrement la valeur des
immeubles : l’arbitre n’a pas daigné seulement s’en occuper.
Il est bien extraordinaire encore que dans les prétendus lots
d’attribution que l’arbitre a faits aux légitim aires, il n’y ait mis
aucuns bâtimens , q u ’i l a it môme p articu larisé les jouissances
p o u r les lots d'attribu tion , sans ordonner une estimation géné
rale. Cette manière d’opérer blesse évidemment les intérêts de
l ’héritier : la jouissance des maisons , bâtim ens, cours , etc.
sont souvent à charge aux propriétaires, tandis que les fonds
rapportent toutes les années. Il en résulte que les légitim aires,
qui n’ont que des im m eubles, ne supportent aucunes charges,
reçoivent le produit net de leurs lots, tandis que les bâtimens
deviennent plus onéreux à mesure que l’exploitation diminue.
jVr. Papon avoit aussi demandé q u e , dans le cas où il seroit fait
un partage par attribution pour les légitimaires , il fût aussi fait
trois lots pour M arie, Françoise et Louis-Bonnet, dontM®. Papon
est cédataire. L ’aibitre répond qu’à l’égard de Marie et Fran
ç o is e , Me. Papon ayant traité avec elles pour leurs légitimes
conventionnelles et supplémens d’icelles , n’a fait que remplir
�........................................C 3 8 )
les obligations qui lui étoient imposées par son contrat de m a
riage ; et en ce qui concerne Louis-Bonnet, l’arbitre trouve ridi
cule que M e. Papon prenne une-légitim e en corps héréditaire
sur lu i-m ém e, et en conséquence il le déclare non recevable.
Ce raisonnement est vicieux , et l’arbitre n’est pas conséquent
avec lui-méme. E n e f f e t , M e. Papon , cédataire des droits de
ses sœ urs, peut faire tout ce qu’elles avoient le droit de faire
elles-mêmes ; et c e r te s , si les sœurs étoient encore créancières
de leurs légitimes ou du supplém ent, elles auroient la facu lté,
d’après l’article 16 de la loi du 18 pluviôse an 5 , de l’exiger
en biens héréditaires. Pourquoi donc M \ Papon n’auroit-il pas
la m êm e faculté? pourquoi également ne pourroit-il pas d e
m ander la portion de Louis-Bonnet? Si les biens qu’il possède
étoient seuls sujets à la légitim e, le m otif de l’arbitre pourroit
avoir quelque fondement. Mais les biens de Jean -Jacqu es Papou
sont également affectés aux légitimes ; et dès-lors ce ne seroit
pas sur lui-m ém e que M e. Papon la prendroit.
Mais si la demande de M e. Papon est si ridicule , pourquoi
celle de Jean -Jacq u es est-elle m ieux fondée? car l’arbitre a
bien accordé à Jean -Jacq u es Papon , cédataire com m e son frère ,
le droit de prendre des biens pour la portion de ceux qu’il re
présente. Il y avoit cependant parité de raison : il devoit donc
y avoir semblable jugement.
On n’a relevé cette circonstance que pour donner un échan
tillon des motifs et îles injustices qu’on rem arque dans ce fas
tidieux procès v e rb a l, si improprement qualifié de jugement.
Ou feroit des volum es, si on vouloit entrer dans le détail de
toutes les inconséquences , ainsi que des erreurs grossières qu’ü
renferm e. O11 ne poussera pas plus loin les recherches , parce
que si cetto absurde décision n’étoit qu’injuste , et s’il n’ y avoit
pas d'autres vices , il ne seroit peut-être pas permis de l’exa
miner. La fâche de IV1". Papou doit se borner à en démontrer
la nullité , parce que la voie de nullité est ouverte contre un
�c 39 y
jugem ent arbitral. O r, M B. Papon croit avoir démontré que celte
.m onstrueuse production est absolument vicieuse et n u lle, soit
parce qu’elle part d’un compromis qui est infecté du même v ic e ,
et qui n’a été que le fruit du dol et de l ’erreur , soit par les excès
de pouvoir qui y fourm illent; et dés-lors Jea n Jacques Papon
n ’a plus aucun titre à opposer à son frère. L e jugement de
Gannat a bien jugé en mettant au néant cette masse in form e,
e t dont les conséquences seroient si funestes.
On passe maintenant à l’exam en des saisies-exécutions aux
quelles Jean-Jacques Papon s’est permis de faire procéder sur
les biens de son frère aîné.
$. 111.
L e s saisies-exécutions sont n u lle s, tortionnaires et injurieuses.
L e jugement du tribunal de Gannat, du 29 thermidor an i 5 ,
a fait justice de ces poursuites vexatoires ; il a annullé les commandemens et saisies mobilières , en a fait pleine et entière
m ain-levée à M e. P a p o n , et a ordonné que le gardien seroit
tenu de restituer les objets saisis. Les dispositions de ce juge
ment sont principalement motivées , i°. sur ce que Jean-Jacques
Papon ne s'étoit pas conform é à l’article 1690 du Code c iv il,
et avoit fait saisir et exécuter à sa req u ête, avant d’avoir no
tifié à son frère le transport fait à son-profit par les légitimâmes ;
2 0. sur ce que l’huissier, ministre de la saisie-exécution , n’avoit
donné à ses recors aucune vacation, si ce n’est la qualité de
p ro p rié ta ire s ; qualification insuffisante, d’après l’article 2 du
titre 2 de l’ordonnance de 1667 : et l’article de l’ordonnance
a paru d’autant plus applicable, qu’il est reconnu par l’une des
parties que l’un des recors étoit garde champêtre de la com
mune où réside l’huissier.
�1M .Û
.
( 4° )
Ces motifs sont p érem ptoires, surtout dans une matière de
rigueur. E n e f f e t , ce n’est que le 17 floréal an i 3 que Jean Jacqu es Papon a fait notifier les rétrocessions qui lui avoient
été consenties par Gilbert ; et depuis le 28 frim aire précédent
il s’étoit permis de faire un commandement à M e. P a p o n , ten
dant au payement des sommes adjugées par le jugement arbitral
du 6 brumaire an i 5 , ainsi que de celle de 221 fr. 88 cent, qui
étoit adjugée à Jean -Jacq u e?, pour retour de lot du partage fait
par les père et m ère communs.
Les deux saisies-exécutions sont également antérieures à la
notification du transport.
O r, l’article 1690 du Code civil porte expressém ent que le
cessionnaire n ’est saisi à l’égard des tiers que par la significa
tion du transport faite au débiteur. En e ff e t , ce débiteur 11e
peut faire cesser les poursuites qu’autant qu’il est instruit qu’j.1
a changé de créan cier; jusque-là il ne connoit ni ne peut connoitre le cédataire , et celui-ci à son tour ne peut exercer aucune
poursuite en son nom. L e commandement et les saisies étoient
donc faits à la requête d’un homme sans qu alité, et c ’est sans
contredit le plus grand vice qu’on puisse opposer.
M a is, en la fo rm e , il est cu rieu x de voir qualifier des recors
du titre de propriétaire. L ’article 2 du titre 2 de l’ordonnance
de 1GO7, veut que les huissiers et sergens déclarent, par leurs
exploits , les juridictions où ils sont immatriculés , leur domi
cile , ainsi que celui de leurs recors , avec leurs //oms , sur
noms et va ca tio n s : 011 ne peut entendre , sous le nom de
vacation, que le métier de celui qui assiste l’huissier. La qua
lification de propriétaire est dénégative de toute espèce de pro
fession : on ne désigne a in s i, dans la société ou dans les a c te s,
que les hommes marquans par leur fortune, par des propriétés
considér*iMes 1 el encore n’emploie-t-on cette qualification que
dans des actes indifiérens : c a r , en matière de rigueur, comme
dans une expropriation fo rc é e , on ne manque pas d ’ajo u ter,
lo i:.q u ü
�( 4 I, ]
lorsque le poursuivant n’a pas d é ta t, qu’il est sans profession,
•quoiqu’on lui donne égalem ent la qualité de propriétaire.
Un recors seroit-il suffisamment désigné par cette qualifica
tion générale? Il existe une foule de p réju gés, notamment de
la cour d’a p p e l, qui ont annullé plusieurs procès verbaux de
saisies , sur le seul m otif que l’huissier s’étoit contenté de dé
signer ses recors sous le titre de citoyens. Cependant ce titre
a quelque chose de plus apparent que le terme générique de
propriétaire : ce mot n’amène à sa suite aucune idée ; il est
dénégatif de toute vacation , de toute profession. Un proprié
taire proprement dit est celui qui vit de ses revenus , et n’a
aucun^état dans la société ; £t il faut convenir que ce seroit
bien dégrader c'efte qualification f si on pouvojt la.ilpnneKá des
• -re ^ rs jfe J.e but de l’ordonnance ne seroit pas rempli ^ ce seroit
• yn abus iju i entrafneroît les plus^grav-ee- iuçonvéjiiens.* »•
if do«£ nullité ¿ ’çrdonnance dans les saisies-exécutions.
JYJai$ on doit observer encore que’ Jean-iacqués T apón*n*avoit
à répéter au& íW ^l^ancní-liquide donlrô
Papón * son frère :
fttant tl’e n ’« venir.»aç^a ypie {le la saisie, il ,s’a£issoit de faire
un compte des rapports et prélèvemens que pouvoient devoir
les légitimaires. Quant à Jean-Jn ôifrt^1Î*ap<Jrif quoique ce ju
gement lui adjugeât personnellement une somme de 221 fr.
pour retour de lo t , ce jugement ordonnoit aussi un nouveau
compte entre les parties, sur la transaction de pluviôse an 10.
Jean-Jacques étoit par là comptable de son frère , puisqu’il
étoit son mandataire, et par cela même étoit réputé débiteur
jusqu’à l’apurement du compte.
P ar quel étrange procédé a-t-il donc osé se permettre d’en
Venir à des voies aussi rigoureuses avec son fvere aîné , son
associé , avec lequel il avoit été jusque-là d’accord , avec le
quel il étoit réuni pour repousser les demandes des légitimaires?
Cette conduite est odieuse et révoltante; on 11e pourroit l’ex
cuser dans l'homme le plus indifférent : mais elle excite l’inF
�( 42 )
dignation, lorsqu’elle part d’ un fr è r e , d’un associé, si étroite
ment uni par les liens du s a n g , les mêmes espérances et les
mêm es bienfaits. F ra tres e x eodem p â t r e , et eadem m atre
u a t i, consortes ejusdem f i d e i , e t spei cohœredes.
•
Signé P. Cl. P A P O N , de Rioux.
M c. P A G E S ( d e Riom ) , a n cien avocat.
»
M e. T A R D I F , avoué licen cié.
%%
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A R IO M , de l'im primer ie de L
andriot,
seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Février 1806.
«*-4 **? 1
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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A name given to the resource
[Factum. Papon, Pierre-Claude. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Tardif
Subject
The topic of the resource
arbitrages
successions
dot
religieuses
Ordre de Malte
pensions viagères
légitime
rétroactivité de la loi
experts
partage
saisie exécution
compromis
vie monastique
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Pierre-Claude Papon, de Rioux, ancien avocat, habitant du lieu de Vicq, intimé ; contre le sieur Jean-Jacques Papon-Beaupaire, ancien officier de cavalerie, appelant de deux jugemens rendus au tribunal de Gannat, les 29 thermidor et 5 fructidor an 13.
Annotation manuscrite: « 22 février 1806, 2éme section, jugement contradictoire qui, en appréciant , par des motifs approfondis, tous les actes des auteurs communs et du cohéritier associé, ainsi que des légitimaires, prononce la nullité du compromis, et, par suite de la sentence arbitrale et des saisies exécutions. »
Table Godemel : Compromis : passé, par erreur, avec ses personnes sans qualité comme sans intérêt, puisqu’elles avaient cédé leurs droits à l’insu du compromettant à une des parties en cause, qui, dans le procès avait un intérêt identique avec ce dernier, son associé, en combattant les prétentions des cédants ; et figurait, néanmoins, dans le compromis sans faire connaître sa nouvelle qualité, est-il nul, comme étant le résultat du dol ? Cette nullité frappe-t-elle, par voie de conséquence, la sentence arbitrale rendue en vertu du compromis, ainsi que les saisies exécutoires qui ont suivi ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1784-1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
42 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1533
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Gannat (03118)
Beaurepaire (château de)
Vicq (03311)
Rights
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Domaine public
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rétroactivité de la loi
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9ea57f52ebc620e9f0d4414172130d6e
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Text
MEMOIRE
EN RÉPONSE,
sieur A n t o i n e B R E C H E T , ancien chef
d’escadron, habitant de la ville de Clermont,
intimé ;
P our
dame J e a n n e - F r a n ç o i s e D E
V E N Y , veuve du sieur S ic a u d d e M a r i o l ,
habitante de la même ville, appelante d’un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de
C lermont, le 1 5 août 1 8 0 7 ;
C o ntre
f
de dame M a r i e A V E L I N ,
veuve du sieur V ény D e T h eix , tutrice légale
de demoiselle Anne-Françoise-Jeanne d e V ény,
sa fille;
E n p r é s e n c e
i
‘
E t de dame F r a n ç o i s e V É T H I Z O N - V É N Y ,
fille adoptive du sieur V én y d e T h e i x , et du
sieur J e a N - B a p t i s t e D E V E Z E , son mari:
tous intimés.
L A dame veuve de Mariol a présente comme trèsurgente une cause fort compliquée. Pour prouver cette
A
�urgence, elle a fait publier sur l’appel un mémoire im
prim é, de quarante-sept pages petit caractère, dans le
quel 011 est obligé de chercher péniblement les questions
qu’elle fait naître.
On a cru d’abord qu’elle avoit voulu donner une
édition nouvelle du Mémorial de la cour de cassation ;
et sans doute le soin qu’elle a eu de faire réimprimer
cette collection d’arrêts, avoit pour objet de donner des
leçons à ses juges.
Elle ajoute, d it-o n , qu’elle a des protections puis
santes : c’est vraisemblablement pour intimider le sieur
Brechet. Insensée! la dame de Mariol ne peut pas ignorer
qu’en la cour les protections et les manœuvres sont plus
dangereuses qu’utiles ; que les magistrats savent tenir
d’une main ferme la balance de Thém is, et que les per
sonnes n’y sont d’aucune considération.
L a dame veuve de Mariol pourroit-elle etre protégée
lorsqu’elle ose attaquer des règlemens de famille qu’elle
doit respecter , réclamer contre sa propre conscience
l’exécution des titres dont la fraude et la simulation sont
évidentes, et qu’elle n’a pas osé mettre au jour quand
elle étoit en présence de ses cohéritiers; lorsqu’elle vient
s’en prendre à un ancien militaire, créancier originaire
de sa famille, et qui n’a cessé de donner des preuves de
sa'franchise et de sa loyauté?
Il est rare, au surplus, de voir figurer la dame Mariol
comme créancière ; il n’en sera que plus facile de prouvér
qu’elle est tout à la fois défavorable et mal fondée dans
ses prétentions.
�lï)
( 3 )
i. .
F A I T
S.
L e 3 brumaire an 7 , le sieur Brechet, ancien chef
d’escadron, couvert de blessures, ayant obtenu une re
traite honorable, a épousé la demoiselle Anne Giron.
Les père et mère de son épouse lui constituèrent en
avancement d’hoirie une somme de 12000 fr., à prendre
sur celle de 15466 liv. 13 s. 4 d. qui leur étoit due par
les héritiers de défunte Marguerite Dauphin , veuve
Vény de Villemont.
Comme il étoit notoire que les créances sur cette maison
n’étoient pas de l’argent comptant, on a soin d’annoncer
que cette créance étoit due par acte sous seing p rivé, du
25 mars 1788; que cet acte est reconnu, vérifié, et déposé
chez Chastelut, notaire; qu’il est suivi de sentence obtenue
contre la dame Dauphin; plus, d’un jugement arbitral;
plus, d’un jugement du tribunal civil du Puy-de-Dôme,
du 23 floréal an 5 , qui déclare le tout exécutoire contre
les héritiers de la veuve Villemont.
Ces jugemens, ces titres ne rendoient pas les payemens
plus faciles ; il auroit fallu user de voies rigoureuses,
d’expropriation, par exemple. Une occasion se présente,
et le sieur Brechet la saisit, quelques sacrifices qu’on exige.
Le 30 germinal an 9 , il achète de la dame V én y,
épouse séparée , quant aux biens, de Jean - Charles
Dunoyer du Sauvage, ou plutôt d’un sieur Guinez, son
fondé de pouvoir, la portion qui étoit avenue à la dame
du Sauvage dans le domaine de T h e ix , par le partage
de famille, du 18 pluviôse an 7*
A 2
�( 4 }
Cette vente est faite, i ° . sous la réserve des arbres qui
avoient été précédemment vendus , et dont l’acquéreur
est tenu de souffrir l’exploitation, dégradation immense,
très-ordinaire dans cette fam ille, qui a toujours com
mencé par là avant d’aliéner le fonds.
2.0. L ’acquéreur ne peut entrer en jouissance qu’après
la levée de la récolte de l’année, qui est expressément
réservée dans son entier.
3 °. L e prix est fixé à la somme de 29300 francs,
en déduction de laquelle le sieur Brecliet paye celle
de 2100 francs.
Quant à la somme de 27200 fr. parfaisant le p rix ,
l’acquéreur est tenu de la payer en l’acquit de la dame
du Sauvage, aux créanciers de feue Marguerite DauphinMontrodès, sa mère. Il est dit que ces créanciers sont
dénommés en l’acte passé entre la dame D auphin, le
sieur Vény de T lie ix , et la dame M ariol, devant Coste,
notaire à Beaumont, le 20 mars 17 9 3 , notamment à
J , B . Giron , ou à Pacquéreur , en qualité de mari
de dame Anne G iro n , à Julien Peyrend, etc.
A l’égard du surplus , l’acquéreur sera tenu de le
payer aux autres créanciers de la dame Dauphin, jusqu’à
concurrence de la portion pour laquelle la dame du
Sauvage doit contribuer dans le payement des dettes de
la. dame sa mère.
Il n’est pas inutile d’observer que la dame du Sauvage
affecte et hypothèque spécialement à la garantie de cette
vente, le quart à elle appartenant du' domaine de St.Genest-Champanelle, dont la totalité a été depuis vendue
au sieur D alm as, et qui étoit alors indivis. !r'
�Le sieur Brechet étoit bien éloigné de penser alors
à cette acquisition ; il en eut l’obligation ù la dame
M ariol, qui le sollicita et le détermina p;ir ces manières
engageantes, ces formes aimables qu’on lui connoît ; et
bientôt la dame Mariol a affecté de publier que le
sieur Brecliet avoit fait une grande affaire, quand il a
acquis cette portion du bien de Tlieix : cependant une
portion égale a été vendue au sieur L e v e t, moyennant
une somme de 26000 francs ; la portion du sieur de
Theix , plus considérable, et en fort bon état, n’a été
vendue que 36000 francs : cependant la portion acquise
n’otoit affermée que 800 francs, par bail du 2 5 vendé
miaire an 9 , pour neuf ans, sur quoi 200 francs d’im
position. Les arbres vendus valoient plus de 2000 fr. :
la réserve de la récolte de l’année étoit encore une di
minution ; et le sieur Brechet a été obligé de faire
pour 7854 fr. de réparations. E n fin , pour sauver des
débris les arbres qui restoient à couper, il lui en a coûté
1800 francs. V oilà le grand marché qu’a fait le sieur
Brechet.
Il devoit , sans difficulté , se mettre en règle, faire
transcrire et notifier son contrat; il cède aux sollicitations
de la dame M ariol, qui le conjure de ne pas faire des
frais inutiles : il paye les créanciers délégués ; il en
rapporte les quittances; il se contente ensuite de prendre
une inscription sur les biens hypothéqués à la sûreté de
la vente, une à R io m , l’autre à Clermont. Elles sont
sous la date des y et 8 floréal an 9.
L e sieur Brechet reste trois ans dans la plus entière
sécurité : bientôt on lui fait parvenir des propos ou des
�menaces de la dame Mariol ; il se détermine à faire
transcrire son contrat. Cette transcription est du 27 ven
démiaire an 12.
L e 13 brumaire suivant, la dame veuve Mariol lui
fait notifier une mise aux enchères. Il est à propos d’analiser cet acte fort important au procès.
L a dame veuve Mariol fait cette enchère comme
créancière de la dame Vény du Sauvage , tant en
ver'tu de son contrat de m ariage , en date du 9 février
1 7 7 1 , que à?obligation clu 7 prairial an 1 1 ; elle ne
dit mot sur une certaine obligation de 10000 fr. qu’elle
a fait éclore depuis, et dont elle n’a pas sans doute osé
parler dans son acte d’enchère.
Elle s’exprime au surplus assez disertement sur la
portion des biens vendue au sieur Brecliet. Elle y dé
clare que ces immeubles appartenoient à la dame sa
sœur, et lui étoient avenus par le partage qii’elle a
passé avec ses cohéritiers , devant Coste , notaire,
le 18 pluviôse an 7 : elle n’avoit pas imaginé alors que
ce partage n’étoit que provisionnel, comme elle menace
de le dire aujourd’h u i, quoiqu’elle n’en ait pas même
parlé dans son mémoire.
Elle n’enchérit d’ailleurs que d’un vingtième ; il est
vrai que sa réquisition est antérieure à la promulgation
du Code Napoléon en cette partie, qui exige que l’en
chère soit d’un dixième. Elle ne l’auroit peut-être pas
fait trois mois plus tard, même trois mois plutôt : mais
elle savoit que ce bien avoit passé en d’autres mains ;
que le sieur Brechet l’avoit échangé avec un individu
qu’autrefois la dame de Mariol n’auroit pas voulu
�blesser : elle a cru pouvoir mettre le sieur Brechet ou
son acquéreur à contribution; et si elle en a été quitte
à meilleur marché pour son enchère , elle n’eu sera
pas plus heureuse.
L e sieur Brechet ne fut pas fort effrayé de cette dé
marche , qui tendoit tout au plus à la ruine de la dame
du Sauvage ; ce qui n’étoit pas infiniment délicat de la
part de sa sœur, évidemment alors sa débitrice.
Le 6 frimaire an 1 2 , le sieur Brechet commença par
faire une saisie-arrêt entre les mains de la dame Mariol
et du sieur Vény de T h e ix , de tout ce qu’ils devoient
à la dame du Sauvage , notamment la restitution des
jouissances de la succession du sieur V ény d’A r b o u z e ,
frère commun, et la somme de 10000 francs provenante
de la vente de Saint-Genest-Champanelle ; cette somme
faisant le quart revenant ;\ la dame du Sauvage dans
cette vente.
Cette saisie-arrêt est faite pour la garantie du prix
porté au contrat de vente du 30 germinal an 9.
L e même jour , cette saisie-arrêt, ainsi que la mise
aux enchères de la dame M ariol, sont dénoncées ù la
dame du Sauvage.
L e 14 nivôse an 1 2 , le sieur Brechet prend le parti
de faire signifier à la dame Mariol un acte extraju
diciaire , par lequel il lui déclare que pour la mettre
hors d’intérêt, il lui offre de lui p a yer la totalité de
ses créances contre la dame V é n y , femme séparée,
quant aux biens, du sieur du Sauvage, tant en prin
cipal , intérêts que f r a i s : il lui fait en conséquence
sommation de déclarer ■>dans vingt-quatre heures y le
�(8 )
montant de ses créances , afin que le payement en puisse
être fait de suite. Il offre de plus de lui éviter et la ga
rantir de toutes poursuites de la part des autres créan
ciers , relativement à cette enchère ; à la charge aussi,
par la dame M ariol, de le subroger à son lieu et place,
avec toute garantie, protestant de nullité et de tous
dépens, dommages-intérêts, etc.
L a dame Mariol s’empresse de répondre ; et le même
jour elle fait notifier au sieur Brochet qu’elle accepte
ses offres, pou r quelles ne puissent plus être révoquées
à Vaçenirj en conséquence, et donnant pour le moment
le détail, autant que possible, de ses créances, elle dé
clare qu’il lui est dû la som me de 30000 fr a n c s pour
la dot en préciput et avantage à elle faits par la dame
Dauphin, sa m ère, suivant son contrat de mariage du 9
févrie r 17 7 1 *, les intérêts de cette somme, depuis le
décès de la dame D aupliin ; p lu s, la somme de 6000 fr.
montant d’ une obligation consentie par la dame Y én y
du Sauvage , à son profit, le. 7 prairial an 1 1 ; plus,
les frais de mise à exécution, dans lesquels doivent né
cessairement entrer l’acte de mise aux enchères , les
poursuites ultérieures; et là-dessus une longue histoire
sur les affiches qu’elle avoit déjà fait imprimer, dont
quelques-unes sont tim brées, d’autres ne le sont pas, etc.
Pas encore un mot de cette obligation de 10000 fr.
de la dame Dauphin, faite-en 179 3, moment sans doute
fort opportun. Il est cependant extraordinaire que la
dame M ariol, si fertile en détails, qui n’oublie pas même
la façon et l’impression de ses affiches, garde le silence
sur un objet aussi important, et qu’elle ne devoit pas
ignorer.
La
�. ( 9 )
La dame M ario l, bien contente d’elle-m êm e après
cette notification , appelle cela un contrat judiciaire ;
et voilà que les contrats judiciaires sont des actes irré
vocables; et voilà que la cour de cassation l’a jugé ainsi
par une foule d’arrêts. Sirey et Denevers , qui se dis
putent sur tant de choses, sont d’accord sur ce point;
chacun cite les siens, etc.
Un contrat judiciaire ! lorsqu’on n’a aucune connoissance de ce qui est demandé, lorsque la dame Mariol
elle - même , en notifiant son enchère, ne donne copie
d’aucun titre, n’énonce aucune somme; mais si au lieu
de demander 36000 francs en principal, et le payement
de l’imprimeur des affiches, elle eût demandé cent mille
écus, un million, par exemple, il auroit donc fallu que
le sieur Brechet payât tout sans réflexion, sans examen,
par la force du contrat judiciaire ?
L e sieur Brechet n’a pas été de cet avis ; il a raison
nablement pensé qu’avant de payer, il falloit savoir
ce qui étoit légitimement dû; en conséquence, il a cru
devoir consulter les cohéritiers de la dame Mariol, pou r
savoir leur opinion sur ce point. L e 1 8 nivôse an 1 3
il a fait citer devant le bureau de paix , la dame du
Sauvage et son m ari; les sieurs Ribeyre, le sieur Vény
de T h e ix , et la dame veuve Mariol.
Il a exposé qu’il avoit fait transcrire son contrat de
vente d’une partie du domaine de Theix ; qu’il l’a fait
notifier; que la dame Mariol a fait une enchère; que
pour la faire cesser, il a offert de lui payer le montant
de scs créances ; que la dame Mariol a bien vite ac
cepté : mais le sieur Brechet croit qu’avant de payer
B
,
�il faut que les créances de la dame Mariol soient liquidées
tant en présence de la dame du Sauvage, qu’en celle des
autres cohéritiers, afin de fixer la portion que chacun
doit p ayer, parce qu’entre cohéritiers , la dame de
Mariol ne peut prétendre à une action solidaire, mais
seulement à une action personnelle pour la portion de
chacun ; que la dame veuve Mariol doit môme faire '
confusion de ses créances , dans la proportion de son
amendement : en conséquence, le sieur Brechet demande
que tous les cohéritiers s’accordent entr’eux pour fixer,
liquider ou compenser les créances prétendues par la
dame d.e Mariol.
Les gens éclairés que le sieur Brechet a instruits de
ses démarches, ont pensé qu’il agissoit sagement, qu’il
ne.proposoit que des choses justes, et que la dame M ariol
ne pouvoit exiger que des créances légitimement établies,
dans, la proportion et d’après les bases expliquées par le
sieur Brechet.
M ais il, est si difficile d’accorder tout le monde ! Les
parties se présentent au bureau de paix ; le sieur du
Sauvage se fâche de ce qu’on a dit qu’il étoit habitant de
Clermont; il veut être habitant du Monasticr, et ne veut
plus parler.
L a dame du Sauvage, maîtresse de ses biens aventifs,
approuve les réclamations de sa sœur, mais jusqu’à con
currence de 75oo fr. seulement, pour sa portion conr-,
tributive dans le préciput de 30000 francs.
Elle reconnoît devoir la,somme de 6000 fr. portée parson, obligation du, 16 prairial- an l i ; ebloiu d’être>créann
cière de sa sœur pour restitution de jouissanccs.de la suç-
�C 11 )
cession d’Arbouze, elle est au contraire débitrice de dif
férentes sommes payées par la dame de Mariol à la dame
Dauphin, mère commune. En dernier résultat, elle n’en
tend prendre aucune part aux contestations qui s’élèvent.
L e sieur Baltliazard de Theix n’est pas si complaisant;
il déclare avec assez de rudesse qu’il entend contester
les prétentions de la dame Mariol ; il observe qu’elle a
laissé écouler huit ans sans réclamer ses prétendus droits;
qu'elle a laissé consormner les partages , a signé les
com prom is , nom ination lïe x p e rts , et a accepté son lot
sans se rien réserver’ qu’elle a laissé vendre la totalité
des biejis de la successiœi de la mère com m u n e, et a
souffert les partages du m obilier sans encore aucune
réclam ation.
On craindroit d’affoiblir les observatioüs du sieur de
Theix si on ne les transcrivoit littéruléttiènt.
Il ajoute que « la demande que fait la dame’dë Mariol
« à ses cohéritiers , par l’incident qu’ëllë fait aü sieur
« Brechet, est plutôt une vexation qu’une justice; que
« cette demande est inconsidérée, d’après les actes qui
« se sont passés dans la famille, et-dont'elle a parfaite
« connoissance ; que sa demandé est absorbée par lés lois
« anciennes ; que c’est un avantage prohibé par- les lois
« existantes lors du décès de;la mère. »
11 observe en outre « que la! dame DàupKin fit, dans'
« l’intervalle du 28 brumaire à son décès, dëux; testa-“
« mens, codiciles, lidéicommis, etc. Il requiert lâ(màiü« levée de toutes inscriptioüs faites par la dame M ariol,
« et finit par toutes protestations et réserves.-»
Survient la) dame Mariol > qui ne saitTpas ce queVest
B 2
�-*fl
( Ï2 )
que confusion, compensation, fins de non-recevoir, etc.;
cçs mots barbares n’ont jamais retenti à son oreille; elle
suppose que c’est pour faire diversion à sa demande : elle
veut de l’argent, rien que de l’argent-, le sieur.Brecliet
a promis, s’est engagé; elle veut qu’il paye, et le somme
de se concilier sur sa demande, dont elle n’entend point
rabattre une obole.
A l’égard de son frère , il ne sait ce qu’ il dit ; elle
n’a renoncé à r i e n : quand il fera apparoir de ses pré
tentions, on saura bien lui répondre; et s’ il veut exèiper
des testamens de sa mère, c’est à lui à les produire, etc.
L e 10 pluviôse an 1 2 , requête du sieur Brecliet. 11
demande permission de faire assigner la dame de M ariol,
pour lui voir donner acte de la réitéi’ation des offres
qu’il fait de lui payer ce qui lui sera d û , après qu’elle
aura fait liquider ses créances ; il demande qu’elle soit
tenue de justifier de ses titi-es , tant en présence de la
dame du Sauvage que de ses autres cohéritiers.
C’est alors que la dame M a rio l, par une requête du
13 thermidor an 1 2 , fait éclore une obligation de la
somme de 10000 f r ., en date du 25 février 17 9 3, sous
crite à son profit par la dame sa m ère, et payable daris
dix ans. Elle n’avoit point assez demandé au sieur Brecliet,
par légèreté ou par oubli : elle form e la demande inci
dente de cette somme ; et comme le sieur Brecliet avoit
offert de tout payer, il payera bien encore cette somme
de 10000 francs.
¡Bientôt après elle donne copie de cette obligation, de
celle qui lui a été consentie par la dame du Sauvage,
Je 7 prairial an 1 1 , et pour la sûreté de laquelle elle est
�C !3 )
déléguée par sa sœur, à prendre sur une rente et les
arrérages échus; le tout dû par la dame Dalngmu et la
dame Cormeret, sa sœur. E t ce que la dame M ono! ne
dit pas , c’est qu’elle a été remboursée par les dames
Dalagnat et Cormeret. On la croit trop délicate et trop
honnête pour ne pas convenir de ce remboursement :
dans tous les cas, on lui en administi’croit la preuve.
U n e grande discussion s’élève entre les parties, sur la
légitimité des créances réclamées.
L a dame Mariol entend répéter à ses oreilles qu’elle
n’a ni disposition ni préciput ; qu’elle n’étoit pas saisie
irrévocablement des 30000 fr. portés en son contrat de
mariage ; qu’elle n’a pas ignoré qu’en ligne directe il
falloit rapporter ce qu’on avoit reçu , lorsqu’on venoit
à partage. Aussi s’étoit-elle rendu justice; elle a partagé
avec ses cohéritiers le seul immeuble ( la terre de Theix )
qui provenoit de la succession de sa mère ; elle n’a de
mandé ni préciput ni obligation : tout s’est bien passé.
A l’égard de l’obligation de la dame du S a u v a g e , on
lui a représenté qu’elle avoit oublié la précaution la plus
essentielle; qu’elle n’avoit pas demandé l’autorisation du
m ari, si évidemment nécessaire. On ajoute aujourd’hui
qu’elle en est même payée.
On a fini par lui dire qu’elle n’avoit pas d’hypothèque
pour cette prétendue obligation : à la vérité elle avoit
bien fait hypothéquer, par une clause générale, tous
les biens que sa sœur pouvoit avoir dans l’arrondissement
du bureau de Clermont, et dans celui de Riom ; mais on
a supposé qu’une hypothèque de ce genre étoit trop vague
pour qu’elle fCit valable, d’après la loi du 1 1 brumaire
�( M )
an 7 , et le Code Napoléon, qui exigent une désignation
plus précise.
On a remontré qu’il étoit assez difficile de penser que
la dame du Sauvage, pour la sûreté d’une obligation en
date du 7 prairial an 1 1 , eût eu l’intention d’hvpothéquer des biens vendus depuis le 30 germinal an 9, plus
de deux ans auparavant : on a dû croire que la vente
avoit opéré une tradition en faveur de son acquéreur,
et que la dame du Sauvage n’avoit pas voulu commettre
un délit grave ( un stellionat ) •, que sa sœur même ne
l’auroit pas exigé.
Les premiers juges ont été de cet avis; ils ont pensé,
« i°. que la dame de Yillemont étant morte en l’an 4,
« sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2 , cette loi
« ne lui permettoit de faire aucun avantage en faveur
« de ses successibles;
« 2°. Que la loi du 18 pluviôse an 5 n’avoit confirmé
a que les avantages faits irrévocablement avant la publi« cation de la première;
« 3 0. Que la dot de 30000 fr., stipulée par le contrat
« de mariage de la dame M ariol, étoit plutôt une expec« tative qu’ un avantage irrévocable, puisque la dame
« Villemont s’éloit réservée la faculté d’appeler sa lille
« à sa succession, en rapportant les 3000 0 fr. ; ce qui
« fait disparoîire toute idée d’irrévocabilité. »
Les premiers juges ont d it, en quatrième lieu, que
v d’après l’allégation des parties, la dame de Yillemont
« a fait un testament explicatif de ses volontés ( 1) ; que
(1) Ce testament est du a5 brumaire an 4 - La dame de Vil-
�« la dame de Mariol est venue au partage de la succes« sion de sa mère avec ses autres frères et sœurs, eu l’an 7
« et n'a point réclamé en préciput la dut de 30000J'r .
5 °. Quant à l’obligation de 10000 fr. souscrite par la
mère, les premiers juges ont encore décidé que, « d’après
« les présomptions, cet acte étoit un avantage indirect;
« que ces présomptions se cliangeoient en certitude,
« quand on voit la dame Mariol ven ir, en l’an y , au
« partage de la succession de sa m ère, avec ses frères et
« sœurs, sans réclamer le prélèvement du montant de
« celte obligation. » N ’auroient-ils pas pu ajouter que
la dame Mariol avoit au moins manqué de mémoire,
lorsque demandant au sieur Breehet tout ce qui lui étoit
dû, même les frais d’impression de ses affiches, elle ne
parloit pas de son obligation de 10000 f r ., et qu’elle l’a
passée sous silence au bureau de p a ix , etc. ?
Quoi qu’il en soit, le tribunal dont est appel est assez
malavisé pour décider que ni la somme de 30000 fr.,
ni l’obligation de 10000 f r ., ne peuvent être regardées
comme dettes de la succession de la dame de Villemont;
qu’ainsi le sieur ÜBrechet, acquéreur d’ une portion. du
bien de T h e ix, ne peut être chargé de les acquitter.
Quant à l’obligation de la dame du Sauvage, elle n’est
lemont, par cet acte qui n’a pas été enregistré , mais que la
dame Mariol ne désavouera pas, institue sa fille son héritière,
conjointement avec le sieur de Theix , son frère, et la dame
du Sauvage, sa sœur. La testatrice explique que les droits de
son fils aîné sont fixés sur la terre de Montrodès , et qu’elle
entend qu’ils ne s’étendent pas au delà.
�point autorisée ni par son mari, ni par la justice; et cette
obligation est consentie sous l’empire du Code Napoléon :
elle est donc nulle, d’après l’article 217 de ce Code.
E t si cette nullité peut être opposée par la femme ,
d’après l’article 22Ô du même Code, il est assez raison
nable d’en conclure qu’elle peut l’être aussi par ceux
que la femme, en pareil cas, seroit tenue de garantir :
c’est être assez conséquent.
L e tribunal ajoute que cette obligation est postérieure
de deux ans à la vente consentie par la dame du Sau
vage au sieur Brechet. Les biens vendus au sieur Brecliet
étoient entre ses mains lors de cette obligation. La sti
pulation d’hypothèque n’a pu comprendre que les biens
nppartenans à la dame du Sauvage lors de l’obligation.
La dame de Mariol n’ignoroit pas la vente con
sentie par sa sœur; il n’a pu être dans son intention de
lui faire commettre un stellionat ; de même qu’il n’a
pu être dans l’intention de la dame du Sauvage de s’en
rendre coupable.
On s’étonne pour la dame de Mariol, et, par égard,
on 11e fera aucune autre réflexion, qu’elle ait osé cri
tiquer de pareils motifs.
Il est dit encore que cette obligation ne contient aucune
affectation spéciale de la portion de la terre de T heix,
acquise par le sieur Brechet; qu’il n’y a qu’une aiïcctation
générale des biens à elle appartenais dans les arrondissemens de Rioin et de Clermont : de semblables ex
pressions ne peuvent se rapporter en aucun cas aux biens
qui ne lui appartenoient plus à cette époque.
On remarque aussi qu’aux termes du même article 4
de
�< )
'? ?
de la loi du n brumaire on 7 , il uuroit fallu , pour
une hypothèque spéciale, indiquer la nature, la situation
des immeubles, et préciser la commune où ils sont situés,
(i,a cour d’appel l’a jugé in term in is , par arrêt du 17
mars 1808.)
O11 observe également que le sieur Vény de Theix
oppose à la dame Mariol une fin de non-recevoir résul
tante de ce qu’au partage de la succession de la mère
commune, en l’an 7 , la dame Mariol s’est fait justice
à elle-meme, en ne demandant pas à prélever sa dot
de 30000 francs, et a préféré de venir au partage aver
ses frères et sœurs.
Quant aux autres créances réclamées par la dame M a
riol , on ne peut y statuer qu’après un compte préalable.
Il en résulte que la dame Mariol est déclarée non
recevable dans sa demande en payement, tant de la somme
de 30000 f r . , que de celle de 10000 fr. ; elle n’est pas
plus heureuse pour le montant de l’obligation de sa
sœur , sauf h elle à se pourvoir contre la dame du
Sauvage.
Il est ordonné que les sieurs de V é n y et la daine de
M ariol, sa sœur, viendront ù compte devant Chassaigne,
notaire commis, sur le payement des dettes qu’ils pré
tendent avoir respectivement fait à la décharge de la
succession de la mère commune.
Il est fait, dès à présent, main-levée au sieur de Vény,
de l’inscription de la dame Mariol ayant pour objet
les 30000 francs, ainsi que l’obligation des 10 0 00 fr.
Le sieur Brechet obtient également la main-levée des
inscriptions de la dame de Mariol*
G
�'Le
(1
8
.
tribunal maintient les inscriptions de la dame
M ariol, sur le sieur Y én y de T lie ix , ayant tout autre
objet que les deux premiers ; il est ordonné que les
parties contestei'ont plus amplement sur le mérite de ces
inscriptions conservées. La dame de Mariol est con
damnée aux dépens envers le sieur Brechet ; les autres
sont réservés.
C’est de ce jugement que la dame Mariol a eu le
courage d’interjeter appel; et, si on veut l’en croire,
il est très-ui'gent de la faire payer de toutes ces sommes,
car elle a grand besoin d’argent.
C’est elle qui fait expédier et signifier le jugement,
à la vérité sous toutes réservés : sa signification est
du 29 janvier 1808 , près de six mois après sa date.
Elle a eu le temps de mettre au jour un long mémoire
qui a accompagné sa requête d’urgence et son appel, en
date des i i et 17 février dernier; et comme elle est
préparée dans sa défense, elle entend que tout le monde
le soit; elle demande à être jugée sans délai.
L e sieur Brechet se prête volontiers à ce caprice ; il
vient soutenir,
i° . Qu’il n’y a point de conti’at judiciaire entre les
parties ;
2°. Que la dame Mariol n’a aucun préciput sur la
succession maternelle;
30. Que les créances prétendues de la dame Mariol
sont frauduleuses et simulées;
>
40. Que l’obligation de la darne du Sauvage est nulle;
5°. Qu’en la supposant valable , elle n’a ; aucune hy
pothèque sur le sieur Brcchet pour le montant de cette
obligation.
�On va essayer de prouver ces cinq propositions : 011
présentera ensuite quelques moyens de considération en
faveur du sieur Brechet; il promet d’avance de ne pas
abuser de ses avantages, par ménagement pour la-daine
de Mariol.
§.
1er.
I l n’y a point de contrat judiciaire entre les parties.
Qu’est-ce qu’un contrat judiciaire? Suivant la définition
que nous en donnent les auteurs élémentaires, c’est celui
par lequel le demandeur, après avoir formé une de
mande , s’en départ en justice ; c’est celui par lequel le
défendeur, après avoir contesté la prétention, y acquiesce
et l’approuve en jugement.
Ces contrats ont une grande fo rce, parce qu’ils ont
une grande solennité ; ils sont au-dessus des contrats
ordinaires : c’est en face même de la justice, que cette
espèce de contrat reçoit sa perfection ; de ses juges on
en fait ses témoins. D e sorte que ces engagemens qui ont
ete ordinairement préparés par de mûres réflexions, par
l’avis de ses conseils, sont bien supérieurs aux transac
tions qui se font hors la présence de la justice.
De tels contrats ne sont pas susceptibles d’examen; les
jugemens qui interviennent ne peuvent être attaqués par
aucune voie : tout est irrévocablement consommé.
O r, pourroit-on reconnoître à cette définition les actes
qui ont eu lieu entre les parties; et où a-t-on trouvé
qu’il y avoit entr’elles un contrat judiciaire? la justice
a-t-elle sanctionné des actes extrajudiciaires et fugitifs?
C 2
�La dame do Mariol fait une enchère ; elle en a le
droit dès qu’elle se suppose créancière : mais cette dé
marche entraîne des conséquences bien graves; elle tend
à la ruine du vendeur, qui doit une gai’antie pleine et
entière à l’acquéreur.
Une expropriation auroit encore des suites plus fu
nestes. Que fait le sieur Brechet? il offre de désintéresser
la dame M ariol; de lui payer le montant de ses créances
lorsqu’elle les aura fait connoître : mais le sieur Brechet
ne doit pas les payer à l’aveugle ; il ne peut contracter
hors la présence de son vendeur, à qui il a déjà dénoncé
cette enchère un mois auparavant.
Il faut que'la dame de Mariol justifie de ses titres; il
le demande; il l’exige : il faut qu’elle établisse la légi
timité de scs créances; rien de plus juste.
Qu’importe, si l’on veut, que la dame Mariol ait pi’is
une inscription ; qu’elle ait énoncé dans cet acte purement
conservatoire, des créances réelles ou imaginaires! elle
a été maîtresse de sa cause, de lâ fixation : il n’y a rien
de contradictoire avec les parties intéressées; et ce seroit
se compromettre bien gauchement, que d’aller payer
sans aucune discussion, tout ce qu’il plairoit à la dame
de Mariol de demander.
r
Il esL extraordinaire d’entendre dire à la dame de
M a rio l, que le sieur Brechet avoit connoissance du re
levé des inscriptions de la dame de M ariol, contre la
dame du Sauvage , et que ce relevé se portoit à une
somme de 160407 francs, r
Ou 11e voit pas trop où elle veut en venir, lorsqu’elle
énonce cette proposition; voudroit-elle prétendre que le
�sieur Brochet, d’après cette connoissance, a dû compter
bien vite cette somme de 160407 francs? Cependant elle
ne lui demande que 30000 fr. d’une part, et 6000 fr.
de l’autre; plus, les frais d’impression de ses affiches.
Ce 11’est que long-temps après, que par une demande
incidente , et par un agréable souvenir, elle réclame
encore une somme de 10 0 00 fr., montant de l’obligation
souscrite par sa mère.
C om m en t, avec de semblables variantes, pour roi t-elle
supposer qu’il y a un contrat''judiciaire? Il faut lui rendre
justice : quoique la dame Mari'ol ait fait un paragraphe
particulier sur ce contrat, elle n’insiste que foiblement;
il lui paroît-seulement qüe le contrat judiciaire étoit
fo rm é; et un arrêt de la cour suprême, du 23 avril
18 0 7, l’a'^ suivant elle, formèllèméiit décidé. Cependant
quand on examine bien cet arrêt, on voit qu’il a jugé
tout autre chose : d’abord, c’est un arrêt de rejet', qui
dès-lors ne juge rien ; mais il confirme un arrêtfde la
cour de Toulouse , qui a décidé que'la dame Gayral,
creanciere inscrite, pouvoit aller en avant sur son en
chère, malgré les olires postérieures de d’ Aiihernad, de
payer les créances inscrites., s a u f discussion.
O r, ce n’est pas là du tout'la question qui nous oc
cupe. En effet, si la dame Mar.iol, nor\obstant . les-piTres
du sieur Brechet, avoit refusé de se dé,partir de son
enchère, qu’elle eût demandé la continuation de ses
poursuites , et qu’ il fût procédé à l’expropriation1, elle
nüroifr'eu ‘ mi‘>prétext(3! ÿdur soütènir*1 qüXv«utf:refti1tifcè
notification cotnmè crétocièvèy'ellefavoif lë idtJ6ït cl’en^
chérir, et ne vouloitjp 'M 'üüu’e-’auS;'' 'aùfrès'&ré&iîléiétà *
�qu’on examineroit à l’ordre si ses créances étoient légi
t i m e s , etC.
.
-
;
.
Voilà peut-être ce qu’elle auroit pu d ire; c’est alors
qu’elle .auroit argumenté de l’arrêt du 23 avril 18 0 7 ,
non pour prouver que la cour de Toulouse avoit bien
jugé, mais pour établir qu’elle n’avoit violé aucunes lois.
Mais à présent que la dame Mario! s’est départie dç
son enchère; qu’ il ne s’agit plus .que de discuter sur le
mérite de ses créances., ;out,sur leur légitimité, l’airêt
de Toulouse, comme l’arrêt' de cassation;;! deviennent
absolument étrangers à l’espèce.
. En un m ot, le sieur Brechet, qui a une garantie h
exercer'contre sa yenderesse, n’a pu ni dû payer sans
examen , .sans le faire dire contradictoirement avec les
parties intéressées; s’il l’avoit fait sans aucune précaution,
on lui répondroit avec raison qu’il a pris sur son compte
de, payer ce qui n’étoit pas d û , et qu’il n’a dès-lors
aucun recours.
Cette proposition est d’une telle évidence, qu’il semble
que toute la question se réduit à examiner le mérite des
créances réclamées par la dame Mariol.
*
§.
X I.
L a dame de M arioI ne peut prétendre à aucun préciput
sur la succession maternelle.
✓
Par son contrat du. 9 février 1 7 7 1 , la dame de V illemont, sa m èrp„lui constitue une somme de 30000 fr.
Cette somme n’est payable qu’après le décès de la cons
tituante, et.sans intérêts jusqu’à ce,
�C 23 )
Cette constitution n’emporte ni forclusion, ni renon
ciation. Si la mère vient à mourir sans avoir fait d’autres
dispositions, la dame Mariol viendra à partage de ‘sa
succession, sans même être obligée de rapporter la somme
de 30000 francs •, mais il sera libre à la dame de V illemont de faire telles dispositions que bon lui semblera,
môme par testament, et de réduire la demoiselle future
à la dot de 30000 francs ci-dessus constituée , ou de
l’instituer héritière , à la charge du rapport de cette
dot.
La succession de la dame de Villemont est ouverte
en l’an 4 , sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2.
L ’article 8 de cette.loi veut que les enfans, descendans
et collatéraux, ne puissent.preudre part aux successions
de leurs :pères et mères, ascenda’ns ou autres parens, sans
rapporter les donations qui leur ont été faites antérieu
rement,, sans préjudice de l’exécution des coutumes qui
nssujétissent les donations à rapport', même dans le cas
où les donataires renoncent à<la succession du donateur ;
et la loi ajoute que cet article sera observé, nonobstant
toute dispense de rapport.
L a disposition de cette loi n’a pas été méconnue de
la dame de Mariol. Elle sait aussi qu’en principe gé
néral toutes donations en ligne directe sont ¡'sujettes à
rapport, à moins qu’elles .n’aient été 'faites en préciput. *
Mais la dame de Mariol prétend que la disposition
rigoureuse de cette loi a été modifiée ou rétractée par
l’article viev.
.]_a;
du 18 pluviôse an' 5 ; et que
d’ailleurs, sa donatiotirde 30000 ifr. est faite en précipùt.
J-Que porte* cet article i « rJ de lu ld i’ d il‘ i 8 ; p lù yiô se
�an 5? il maintient tous prélèvemens, préciputs, et autres
dispositions irrévocables de leur nature , stipulées en ligne
diîecte avant la publication de la loi du 7 mars 1793.
O r, coûtaient la dame Mariol prouvera-t-elle qu’il
existe dans son contrat un prélèvement de 30000 francs
irrévocable de sa nature ? Il 11’y a pas une expression
qui ne prouve ciu contraire la révocabilité. La dame de
Villemont uêl. manifeste aucune volonté 'certaine ; tout
dépend.de sa fantaisie, de son caprice ou de son ait’ecf ion:
elle peut laisser sa lille avec cette somme, sans qu’elle
puisse prétendre autre cliose ; elle se réserve le droit de
lui-donner cette .somme'en préciput, si bon lui semble,
de l’instituer héi’itière, s’il lui plaît, avec ou sans rapport
de sa dot: C’est Jbien là , sans contredit , ¡ ’finalise exacte
de cette stipulation, aussi mobile que le papillon diurne.
L a dame Mariol espère, et 11e >tient rien; on peut tout
lui ôter,; comme on peut tout lui laisser ; eti elle vient
dire»qu'elle est irrévocablement saisie, lorsque son sort
dépend-d’un.seul m o t; lorsque sa mère se réserve une
pleine et;enlïère liberté de faire tout le- contraire de ce
qu’elle laisse espérer.
:N’est-il pas au contraire évident que jamais clause ne
fut «plus incertaine; que tout dépendoit, non pas d’un évé
nement,- non pas jd ’ùne simple condition, mais du'plus
léger changement de volonté.r .
'• 1 i. , ;.
Elle prétend qu’il s’est élevé une très-grande contro
verse sur ce point : mais c’est une bien grande erreur.
L a .squle question qui ait divisé les jurisconsultes ^étoit
celle de savoir si, lorsqu’une disposition universelle étoit
faite,à la charge d’associer un tie r s la portion revenante
à
�20 7
( 25)
à ce tiers devoit faire partie de la succession ab intestat;
on soutenoit d’un côté qu’elle tomboit dans la succession.
ab intestat, parce que la charge d’associer étoit révocable
à volonté; d’autres, avec plus de raison, pensoient que
la révocabilité de l’association ne pouvoit avoir lieu
qu’au profit du donataire déjà saisi du bien universel;
que cette charge d’associer étoit une simple condition, et
non une disposition; que dès-lors l’associé étoit saisi; et
ce dernier système a prévalu. L a cour d’appel l’a ainsi
décidé par ses arrêts.
Mais autrement, toutes les fois que le disposant ne
s’est pas dépouillé toutes les fois qu’il a pu donner à
un autre ce qu’il promettoit au premier conditionnel
lement , on a décidé avec raison qu’il n’y avoit aucune
disposition irrévocable.
L a dame Mariol n’est pas heureuse dans l’application
de ses arrêts de la cour de cassation ; les trois arrêts
qu’elle rappelle n’ont pas empêché que la cour n’ait
jugé tout le contraire dans la cause du sieur Gardet de
V ayre.
Mais l’appelante ne veut pas faire attention , ou se
dissimule à elle-même, que dans l’espèce de ces trois
arrêts, il s’agissoit seulement d’un droit d’élection confié
à un tiers ; et que, dans ces trois cas, la succession du
disposant étoit ouverte antérieurement à la loi du 17
nivôse, et même à la loi du 7 mars 17 9 3 , qui défendoit
toute disposition en ligne directe.
Alors on a dû dire que la loi du 17 nivôse ne pouvoit
avoir d’effet qu’à compter de sa publication ; que tout
ce qui étoit antérieur étoit hors de son domaine; qu’elle
D
�( 26)
ne pouvoit régler les successions ouvertes avant qu’elle
fût promulguée; et voilà le principe consacré par la loi
clu 18 pluviôse an 5 .
Aussi on po u rrait écouter la dame Mariol, si la dame
sa mère étoit morte avant le 7 mars 1793 ; il seroit
raisonnable alors de soutenir que la' dame Villemont
étant décédée sans faire d’autres dispositions, la dame sa
fille peut user de la disposition contenue en son contrat
dé m ariage. ■
Mais vouloir lé soutenir ainsi pour une succession
ouverte en l’an 4 , sous l’empire d’une loi prohibitive
et rigoureuse, il faut absolument effacer l’article 8 de la
loi du 17 nivôse an 2 ; il faut vouloir contester l’évi
dence, et aller jusqu’à prétendre que cette loi n’a aucun
effet, pas même à compter de sa publication.
Il faudroit encore effacer la loi du 9 fructidor an 3 ,
celle du 3 vendémiaire an 4, et même celle du 18 plu
viôse an 5 , art. 9 , 10 et 1 1 , qui veulent impérativement
que la loi du 8 avril 17 9 1, celles des 4 janvier et 7 mars
17 9 3 , celles des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 , soient
exécutées h compter de leur publication.
E t ne peut-on pas observer encore à la dame Mariol
qu’elle passe bien légèrement sur l’article 2 de la loi du 18
pluviôse? Il est singulier qu’elle n’ait parlé que de l’article
i^r, • le 2e. est cependant assez essentiel : il veut que les
réserves dont il n’a pas été irrévocablement disposé,
fassent partie de la succession ab intestat , et appar
tiennent aux héritiers, autres que les donataires ou hé
ritiers institués.
•
•
O r, on ne contestera pas sans doute qu’il n’y ait dans
�( 27 )
^
le contrat de 17 7 1 une'réserve de la dame de Villemont,
de disposer de tout le surplus de sa succession ; et dans
ce cas, la dame Mai’iol est bien au moins donataire de
la somme de 30000 francs. Qu’elle nous explique main
tenant , comment, avec cette qualité de donataire, elle
pourroit prendre part à la réserve, sans rapporter sa
donation !
Ce n’est pas avec plus d’adresse que la dame de Mariol
veut argumenter de l’arrêt rendu en faveur des enfans
de sa sœur : elle feint d’ignorer la différence qui se trouve
entre sa sœur et elle. La dame Ribeyre n’étoit pas hé
ritière; elle ne venoit pas à la succession de sa mère;
elle réclamoit un supplément de dot éventuel, et il falloit
bien le lui donner : mais si elle fût venue à la succession
de la dame de Villemont, point de doute qu’elle auroit
rapporté 25ooo francs, et qu’elle n’auroit pas eu les
10000 francs de supplément; il n’y a donc aucune parité
entre les deux causes.
Si on considère enfin que la dame Mariol s’est jugée
elle-m êm e; qu’elle a resté huit ans sans réclamer ce
prelendu prélèvement; qu’elle est venue à partage de la
succession de sa mère, sans rien demander et sans se faire
aucune réserve, il demeurera pour constant qu’elle est
absolument non recevable.
O sera-t-elle dire que ce partage n’est pas définitif?
elle ne le montre pas; elle n’en a qu’un extrait dans ses
pièces. Mais peut-on concevoir un partage provisionnel
entre majeurs ? Il peut y avoir quelques objets omis ; ce
qui ne donneroit pas lieu à un nouveau partage : mais
quand il ne seroit que provisionnel ; la dame Mariol
D a
�SA*
.if?
( *8 )
peut-elle se flatter de faire croire que lorsqu’elle partage
l’objet le plus important, le seul immeuble de la suc
cession , elle auroit négligé de faire connoître ses pré
tentions ou ses droits à un prélèvement considérable ?
N o n ; on doit même penser que la dame de Mariol a
trop de délicatesse pour insister davantage sur une de
mande exagérée : elle se lassera de courir après une ombre
qu’elle ne pourroit jamais saisir.
O n terminera par rappeler à la dame de Mariol qu’il
existe un testament et un eodicile de la dame de V illem ont, reçu Coste, notaire ù Benumont; que dans ces
actes la dame Villemont a manifesté ses volontés; qu’elle
a ordonné que ses enfans fussent héritiers par égalité ; et
si ces actes, qui contiennent d’autres legs, ne sont pas1
légalement obligatoires, ils le sont au moins dans le for
intérieur : la dame de Mariol ne devroit-elle pas surtout
respecter les dernières volontés de sa mère ?
§. I I I .
Les créances réclamées par la dame M ariol sontfrau
duleuse# et nulles.
lies titres de la dame M ariol consistent,
i° . En une obligation de la somme de ioooo francs,
souscrite par la dame sa mère le 23 février 17 9 3;
2°. Eu une obligation de 6000 fr., en date du 7 prai
rial an 1 1 , souscrite par la dame Vény, femme séparée,quant aux biens, du sieur du-Sauvage.
On va discuter le mérite de chacune dans son ordre.
�( *9 )
' Pour i’obligation de la mère, on suspecte aisément des
titres de ce genre, et de simples présomptions suffisent
pour les anéantir. Il en coûte si peu d’arracher à la facilité
ou à la foiblesse une obligation payable dans d ix ans :
le terme est un peu lon g, et le bon Lafontaine l’avoit
remarqué dans une ingénieuse allégorie. Mais la justice
doit empêcher les fraudes et les donations déguisées; parce
que, comme le dit judicieusement Lebrun, il faut défendre
le plus ce qui arriveroit le plus souvent.
O r, quand on considère que cette obligation est causée
pour prêts f a i ts en divers temps par la dame de M ariol,
sans autre explication, sans préciser en aucune manière
ni le3 époques, ni les sommes, il est difficile de se per
suader qu’on ait fait un compte bien exact, et que la
dame de Mariol ait prêté jusqu’à concurrence de 8000 fr.
sans billets, sans notes et sans précaution.
On doit s’étonner davantage que par traité du 20 mars
1 793 > dame Mariol et son frère se reconnoissent dé
biteurs d’une somme de 62000 francs envers la dame de
Villemont ; qu’en payement de cette somme le frère et
la sœur se chargent de 56ooo francs de dettes envers les
créanciers de la mère, s’obligent de lui payer le surplus;
et que la dame de Mariol n’ait proposé aucune déduction
du montant de l’obligation, qui étoit cependant de fraîche
date.
Ce n’est pas tout encore ; la dame de Mariol traite avec
ses cohéritiers, fait avec eux le partage des biens : c’étoit
encore le moment de parler de cette obligation; elle n’en
dit rien ; elle ne parle pas même de la somme de 2000 fr.
promise par la dame de Montrodès.
�2»V^
<,/.
( 3° )
I-ors qu’elle veut former un contrat judiciaire avec le
sieur Brechet, qu’elle lui donne le montant de ses créances
avec tant de détails, elle garde encore ce titre pour une
meilleure occasion.
Elle croit trouver le moment opportun ; elle forme
une demande incidente pour cet objet, dont elle n’avoit
rien dit au bureau de paix en présence de son frère, de
sa sœur, de ses neveux.
L a dame de Mariol peut-elle espérer quelque succès
dans cette démarche ta rd iv e ? O n a relevé toutes ces cir
constances sans vouloir la blesser : mais le sieur Brochet
n’a pas besoin de s’appesantir davantage sur ce point. Les
héritiers du sieur V ény de T h e ix , neveux de la dame
M ario l, sont en cause ; ils viennent demander justice :
ils diront à leur tante que sans doute elle n’auroit pas
la cruauté d’arracher à des orphelins le dernier morceau
de pain qui leu r re ste ; qu’ils lui appartiennent d’assez
près pour qu’elle dût avoir quelques ménagemens ; et
/la discussion de cette partie de la cause leur est exclu
sivement attribuée, Ce qui reste à dire au sieur Brechet,
c’est que la dame du Sauvage, donl il est acquéreur, ne
devroit elle-mêm e qu’ une très-petite partie de cette
som m e , en supposant l’obligation sincère ; elle n’en seroit tenue que dans la proportion de son amendement,
et entre cohéritiers ils ne sont tenus que personnelle
ment, pour leur part : l’action hypothécaire n’appartient
qu’aux ci’éanciers, non aux cohéritiers,
On en vient à l’obligation de 6000 francs, consentie
par la dame de V ény, femme séparée, quant aux biens,
de Jean-Charles Dunoyer du Sauvage, et sans autori
sation de son mari,
�( 3T )
Pleuvcnt tout à coup les arrêts de la cour de cassation.
i° . Les obligations consenties parles femmes d’émigrés,
sans autorisation, sont valables. Il n’y a ici qu’une diffi
culté qu’il sera impossible de vaincre, c’est que l’obli-.
gation est de l’an 1 1 ; que le sieur du Sauvage, rentré
depuis l’an 8 , a été réintégré dans tous ses droits par
le sénatus-consulte de l’an 10 ; que dès-lors il n’y a plus
d’émigrés.
L ’article 217 du Code prononce la nullité des obliga
tions souscrites par les femmes sans autorisation de leurs
maris.
L ’article 226 dit que cette nullité peut otre'relevée
par la femme ; mais il n’y a que la femme seule, et ex
clusivement , qui ait le droit de relever cette nullité ,
dit la dame de Mariol. Les créanciers de la femme, qui
ont une garantie à exercer contr’elle, qui par conséquent
peuvent exercer tous les droits de leur débitrice n’ont
pas le droit d’exciper de cette nullité : donc la femme
sans autorisation, peut avec impunité, et en fraude de
ses créanciers, consentir des obligations de toutes parts,
conférer des hypothèques au préjudice de ceux qui auroient des droits antérieurs, ruiner des pères de famille,
se jouer de leurs engagemens, etc. Voilà les conséquences
qui résultent de ce système; et ce n’est pas sérieusement
sans doute que la dame de Mariol l’a proposé. Les lois
Quœ in fraudent creditorum , dont les dispositions sont
répétées dans le Code Napoléon, seroient donc vaines
et illusoires.
<•
.•j
r '■ >
Mais lors de cette obligation , la lo i, ou-la partie du
Code relative aux hypothèques, n’étoit pus promulguée5
�( 32 )
o r , d’après la loi du n brumaire an 7 , on ne connoisgoit point de vente sans transcription; la transmission
de la propriété ne s’opéroit que par la transcription ;
elle étoit le complément de la vente qui jusque-là ne
pouvoit être opposée à des tiers : plusieurs arrêts de
la cour d-e cassation Font ainsi jugé.
On çn convient; on ne trou voit peut-être pas dans la
loi, que la transmission de la propriété ne s’opéroit que
par la transcription ; il étoit peut-être raisonnable de
penser que la transcription n’avoit d’autre objet que de
purger les hypothèques; la loi n’entendoit vraisembla
blement par les tie r s , que les créanciers qui venoient
par ordre d’hypothèque. L e Gode Napoléon l’a dit bientôt
$près : cependant on jugeoit tout autrement. Et qu’ im
porte le défaut de transcription , si l’obligation est nulle.
ILa dame M ariol, en proposant cette objection , auroit
peut-êtr-e bien quelques petits reproches à se faire ; car
si le sieur Brechet a acquis, c’est elle qui l’a sollicité ;
s’il n’a pas transcrit, c’est encore pour l’obliger, et éviter
des frais de notification qui auroient réveillé bien du
monde : mais enfin, qu’a de commun le défaut de trans
cription avec la nullité de l’obligation ? c’est ce qu’on
cherche à deviner.
On demandera encore à la dame de Mariol pourquoi,
dans son mémoire, elle glisse si légèrement sur la dé
légation contenue en cette obligation, et ne dénomme
pas les débiteurs délégués; ils sont cependant bien connus:
c’étoit la dame Dalagnat, et la dame de Cormeret, sa
sœur. O r, le sieur Breohet a la certitude que ces dames
ont fait acquitter toutes les dettes de la dame de Freydefon,
leur
�C 33 )
leur mère : la dame de Mariol a donc été payée de s i
créance; et que signifièrent alors le défaut de transcription?
E t quand le sieur Brochet n’auroit pas transcrit la
dame Mariol persuadera-t-elle à qui que ce soit, qu’une
obligation de l’an 1 1 lui donne des droits sur une vente
faite en l’an 9; que sa sœur a voulu hypothéquer un bien
qui ne lui appartenoit plus, et dont elle avoit reçu le
prix ? La dame du Sauvage n’a pas fait mention de cette
propriété; elle ne l’a point affectée à la sûreté du payement
de l’obligation; si elle l’eût fait, elle eût commis un stellioncit : la dame Mariol, sa sœur, qui connoissoit la vente,
ne l’auroit pas exigé. Et quelle est donc aujourd’hui son
inconséquence ( l’expression est modeste ) , d’oser venir
demander au sieur Bréchet , acquéreur de l’an 9 , le
payement d’une obligation souscrite par sa venderesse en
l’an 1 1 , parce que le sieur Brechet n’a pas fait transcrire
son contrat?
L a dame Mariol n’a pas senti l’inconvenance de sa
demande; un seul instant de réflexion l’en fera départir;
et ses amis doivent lui en donner le conseil.
§.
I v.
L a dame M ariol , dans tous les cas, n'a point d"1hypo
thèque sur le bien vendu en Pan 9 au sieur Brechet.
Pour démontrer cette proposition , il est essentiel de
rappeler la clause qui termine l’obligation de la darne
du Sauvage.
« Au payem ent du p rêt ci-dessus, la dam e du Sau vage
E
�i 'K
C 34 )
a obligé et affecté la portion qui peut lui revenir des
biens des successions de la dame de Montrodès, et du
sieur Vény de Villem ont, son m ari, situés tant dans
l’arrondissement du bureau des hypothèques de cette
ville (Clerm ont), que dans celui de Riom , consistans
en bâtimens , p ré s, terres et vignes. »
A rt. 4 de la loi du n brumaire an 7. « Toute sti—
« pulation volontaire d’hypothèque doit indiquer la
« nature et la situation des immeubles hypothéqués ;
« elle ne peut com prendre que des biens appartenans
« au débiteur loj's de la stipulation. »
A rt. 2129 du Gode Napoléon. « Il n’y a d’hypothèque
« conventionnelle valable que celle qui, soit dans le titre
« authentique constitutif de la créance, soit dans un acte
« authentique postérieur, déclare spécialement la nature
« et la situation de chacun des immeubles actuellement
« appartenons au débiteur, sur lesquels il consent l’hyv potlièque de la créance. »
Avec deux lois aussi précises, on ne trouvera point
dans l’obligation d’hypothèque valable : une désignation
vague et générale ne remplit pas le but de la loi. Comment
le créancier pourroit-il connoître les immeubles qui lui
sont affectés, lorsqu’on se contente de lui donner des
biens situés dans les arrondisseitiens de Clermont et de
Riom ? n’est-ce pas un inconnu qu’il faut chercher dans
un espace indéfini?
L a loi ne reconnoît pins d’hypothèque générale ,
qu’autant qu’elle résulte d’un jugement; et lorsqu’il s’agit
d’une hypothèque conventionnelle, il faut qu’elle soitspéciale, c’est-à-dire, circonscrite, déterminée, avec la
«
«
«
«
«
«
�désignation de chaque objet, de sa nature "tet de sa si
tuation.
Il faut que l’objet hypothéqué appartienne actuellement
au débiteur : or, la dame du Sauvage étoit dépouillée
depuis deux ans de l’immeuble vendu par elle au sieur
Brechet.
La transcription n’étoit pas nécessaire relativement à
la venderesse; il y avoit de sa part tradition réelle; elle
ne pouvoit donc plus l’hypothéquer sans se rendre cou
pable d’un délit grave, sans s’exposer à la contrainte par
corps.
E t croira-t-on jamais qu’une loi ait voulu, on ne
dit pas tolérer, mais organiser, créer, autoriser un stellionat? Comment voudroit-on abuser d’une affectation
générale, lorsque la loi exige une désignation plus ex
presse ?
La cour, par un arrêt récent, du 17 mars 18 0 8 , a
jugé en thèse qu’il n’y avoit d’hypothèque spéciale qu’au
tant qu’on avoit désigné d’une manière précise les im
meubles , leur n a tu re , et le lieu de leur situation. Cet
arrêt, rendu en très-gran de connoissance de cau se, est
d’autant plus remarquable que, dans l’espèce de la cause,
on avoit affecté les immeubles appartenans au débiteur
dans une commune dénommée ; ce qui faisoit incliner à
penser que l’hypothèque étoit spéciale, parce que le dé
biteur pouvoit avoir des propriétés dans toute autre com
mune.
Mais la loi est tellement expresse, tellement limitative,
que les magistrats ne crurent pas devoir s’en écarter,
�malgré les circonstances qui se présento ient en faveur
du créancier.
Ici rien de favorable à la dame de Mariol : elle connoissoit la vente faite au sieur Brechet; elle savoit que
sa sœur s’étoit dépouillée de cette propriété ; elle n’a
donc pas entendu la comprendre dans la stipulation d’hy
pothèque insérée en son obligation.
E h ! on ne doit pas le dissimuler, la dame de Mariol
est aveuglée dans sa propre cause ; ce ne peut pas être
une ressource pour elle : ses démarches sont inconsi
dérées , ses prétentions téméraires ; son insistance ne
feroit point honneur à sa délicatesse; et l’opinion publique
qui dans son pays proscrivoit, condamnoit sa prétention,
a dû influer sur ses juges naturels, et la suivra jusqu’en
la cour.
M e. P A G E S (de R iom ), ancien avocat.
M c. T A R D I F , avoué licencié.
A R I O M , de l’imprimerie de T h ibaud - L a n d rio t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Avril 1808.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bréchet, Antoine. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Tardif
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
créances
émigrés
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Antoine Bréchet ancien chef d'escadron, habitant de la ville de Clermont, intimé ; Contre dame Jeanne-Françoise de Vény, veuve du sieur Sicaud de Mariol, habitante de la même ville, appelante d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de Clermont, le 15 août 1807 ; en présence de dame Marie Avelin, veuve du sieur Vény de Theix, tutrice légale de demoiselle Anne-Françoise-Jeanne de Vény, sa fille ; et de dame Françoise Véthizon-Vény, fille adoptive du sieur Veny de Theix, et du sieur Jean-Baptiste Devèze, son mari : tous intimés.
Table Godemel : Contrat judiciaire : y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances tant en principal, intérêts que ? , que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec les débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition, ni délai ? Obligation : 2. une femme a-t-elle pu s’obliger valablement, par acte publié du 7 prairial an 11, sans autorisation, pendant l’émigration de son mari ? son acquéreur a-t-il qualité pour opposer la nullité ? Préciput : 1. par le contrat de mariage de la dame de Mariol, du 9 février 1771, la dame de Villemont, sa mère, lui constitua une dot de 30 000 francs à titre de préciput, stipulée payable seulement après son décès, sans intérêts jusqu’alors ; laquelle constitution n’emportera ni forclusion ni renonciation à l’égard de la future qui ne sera pas obligée de rapporter la dot, s’il n’y a pas de disposition contraire par testament de la constituante. la condition résolutoire ne s’étant pas effectuée, le préciput doit-il avoir effet, lorsque la mère est décédée sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2 ? Surenchère : 1. y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances, tant en principal, intérêts, que de frais, et que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec ses débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition ni délai ? Transcription : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1771-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1708
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0504
BCU_Factums_G1707
BCU_Factums_G1709
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53311/BCU_Factums_G1708.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Theix (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
Créances
émigrés
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53442/BCU_Factums_G2213.pdf
b13da05e373257f25f1ccc84d756b56d
PDF Text
Text
PRÉCIS
COUR
i m p é r i a l e
DE RIOM.
PO U R
Sieur C l a u d e M I C H E L E T
i . r®C
et dame M a g d e l e i n e
:
!
ï
I
hambre.
P A S T I E R , son é p o u s e , habitans de cette ville
de R io m in tim és:
. .
u f
0>«Au
WIHaX—’
IO W.«*A^
l ï !•>,
CON T R E
M* --- T1-1
L e sieur
T A L O N , a u ssi h a bitan t de cette
C la u d e
v i l l e , appelant d 'u n jugem ent rendu a u tribunal
civil de R io m , le 3 1 décembre 1812.
L
es
sieur et
dame M i c h elet
se
voient
obligés
d’e n trer en lice av ec le sieur T a l o n , leur g e n d r e ,
et sa p r é te n tion inconvenante leur rappelle des sou
venirs déchira ns.
I l s ont
lui a
perdu
survécu
est
leur
fille u n iqu e;
mort
un enfant qui
dans leurs bras. D an s ce
1
�(2)
cruel état d ’is o l e m e n t , qui
se fait si pé niblement
sentir, et dont rien ne console, ils croyaient au moins
être
à l ’abri
favorisé
de
de toutes recherches.
la f o r t u n e , marié ,
Leur
gendre ,
ayajit des enfans
d ’ une seconde u n i o n , a réparé toutes ses pertes , et
oublié ses premiers liens ; ou du moins il ne s’en
souvien t que pour f a t i g u e r des parens m alheu re ux
dont il n’eut jamais à se pl ain dre, et qui ont rempli
a v e c exactitude tous les engagemens q u ’ils avaient
contractés.
D é j à un premier ju g em e nt a proscrit la demande
du sieur T a l o n ; sera-t-il plus h e u r e u x sur l’appel ?
Le
c r a i n d r e , ce serait douter de la justice et des
lumières de la Cour.
F A I T S .
L e 1 7 pluviôse an 6 , le sieur Claude T a l o n épousa
la demoiselle Gilb ert e Michelet ; ses père et m èr e
l’instituèrent .leur héritière générale et univers elle,
à la charge de l ’usufruit de la moitié des biens au
profit du survivant.
Us constituèrent à leur fille un trousseau é v a l u é
à 1,200 f r . , dont le contrat tient lieu de quittance.
« Et pour tenir lieu de plus
ample ava n c e m e n t
« d'hoirie , les sieur et dame Michelet s’obligent de
« recevoir les futurs é p o u x dans leur m aison , de les
« nour rir, chauffe r, éc la ire r, blanchir et entretenir
�« pendant leur co h a b it a tio n , ^eux et leurs enfans à
« naître du présent m ar ia g e , à la charge par le futur
« de rapporter ses soins, tr avaux et industrie, et le
« rev enu de ses biens ».
I l est dit que pour dédom m ag er le futur ép o u x
de la confusion de ses travaux et
in d u str ie , ainsi
que du rev enu de ses biens, le sieur Michelet l ’associe
po u r moitié à son c o m m e r c e , ainsi q ü ’aux acquisitions
d ’im m e u b l e s , et placement des capitaux q u ’il pourra
faire dans la suite ; et pour déterminer les profits ou
les pertes de la société, la valeur actuelle des m ar
chandises et autres effets de c o m m e rce appartenons
au sieur M i c h e l e t , a été fixée entre les parties à la
so m m e de 8,ooo fr. Cette somme doit être pr élevée
pa r le sieur Mic hel et en cas de partage de la société ,
en marchandises aux prix de leur a c h a t , sans que
sous aucun prétexte , elles puissent être évaluées à
plus haut prix pou r le pr élèvement.
E n cas d ’inc omp atibilité, les sieur et dame M ich elet
constituent, en avancement d 'h o irie, à la futu re, leur
fille , une rente annuelle
de
dix setiers from en t ,
payab le ch aque année de six en six m o i s , à c o m
m e n c e r le premier paiement au jour de la séparation.
Cet avancement d’hoirie doit s’imputer en totalité sur
la succession de celui de ses père et mère qui viendra
à prédécéder.
Il est aussi stipulé entre les ép o u x une c o m m u
nauté
de biens meubles
et çonquêts imm eubles à
2
�(4)
faire pendant la durée du mariage. L a future doit
confondre
iooo
dans cette co m m un aut é
francs sur sa
une pomme de
constitution de d o t ; le surplus
lui demeurera propre.
L e survivant des ép ou x doit gagner sur les biens
du pr édécédé la so m m e de 2000 francs, et si c ’est
l’ép ou x , il gagnera le trousseau de sa fe m m e , aux
charges de la Coutume.
I l est enfin ajouté que les père et mère des fu tu r s
se r é s e rv e nt , chacun en ce qui le c o n c e r n e , la ré
version des objets par eu x ci-dessus constitués en cas
de prédécès des futurs é p o u x , sans enfans, ou de
leurs enfans sans descendans , « sans néanmoins que
«■ladite réversion puisse porter atteinte aux gains et
« avantages acquis au survivant des é p o u x , en vertu
« des clauses du présent contrat de mariage ».
L e co ntra t, au surplus, ne contient aucun en ga
gem ent personnel des père et m è r e , aucune garantie
de leur part pour les gains stipulés.
Ce mariage n ’a pas eu une long ue durée ; les sieur
et dame Miclielet eurent le malheur de perdre leur
fille unique dans les premiers jours de ventôse an 9.
Elle laissait une fille dans le plus bas âge.
U n mois après le décès de sa f e m m e , et le premier
germinal an 9 , il fut passé un traité entre le sieur
Miclielet et le sieur T a l o n , portant dissolution de la
s iciété contractée entre eux lors du m a r i a g e ; l’a ct if
de la société fut porté à 9,200 francs, ce qui donnait
�1,200 francs de b é n é f i c e , dont moitié revenait au
sieur Talon.
L e traité porte quittance de cette somm e de 600 fr.
de la part du sieur Ta lon , qui reconnaît aussi avoir
reliré de la maison de son b e a u - p è r e , le trousseau,
bardes et nippes de sa f e m m e ; et il est stipulé que
les autres clauses du contrat de m a r i a g e , du 17 plu
viôse an 6 , resteront dans leur force et vigueur.
Il restait un gage de cette u n i o n ; le sieur T a l o n ,
dans les premiers m om en s , avait pris cet enfant auprès
de lui; mais bientôt il lui devint à c h a r g e , lorsqu’il
eut contracté de no uve au x liens ; cependant le sieur
M ic helet était
exact à p a y e r la
rente
q u ’il avait
promise > mais il était dévo ré d ’inquiétude sur le sort
de sa petite f i l l e , dont la santé était chancelan te; il
croyait s’apercevoir que cet enfant était à charge à
une n o uve ll e-é pous e, et ne recevait pas tous les soins
q u ’exigeaient son é t a t , et la faiblesse de sa santé.
O n doit pardonner quelque chose à un aïeul dont
la tendresse est a larm é e, et qui n’a d ’autre consolation,
d ’autre espoir que dans un enfant qui lui tenait lieu
de sa fille chérie : le sieur Ta lon 11e fut pas indulgent ;
1 aigreur s’en m ê la; il y eut des écrits qui alla ie n t jusqu aux injures. On fera grâce au sieur Ta lon de quel
ques lettres, qui ne feraient honneur ni à son style, ni
pe ut -êt re à son cœur; il suffit de dire q u ’il re n v oy a
assez durement cet enfant à son a ïe u l , qui le reçut ave c
bienveillance; que les soins les plus tendres lui furent
�«*•'
(
6
)
prodigués, mais soins inutiles ! l’enfant a succombé à
ses m a u x , et l’aïeul a p a y é tous les frais de maladie
ainsi que les frais funéraires.
Gilber le T a l o n , petite-fille du sieur M i c h e l e t , est
déc édée le 2 décem bre 1809. L e sieur Miclielet avait
jusques-là acquitté la rente des dix seliers de blé : sa
dernière quittance est du i 3 septembre de la m ê m e
année 1809.
L e s fraisde maladie, q u ’il a payé s, se portent, d ’après
les quittances, à i ô o f r . , et les frais funéraires à 8 3 fr.,
ce qui fait la so mme de 243 fr. Il est facile de v o i r ,
d ’après cet a p e r ç a , que le sieur Miclielet est cr éa n
cier de son g e n d r e , quand il pourrait réclamer ce qui
a couru de la rente depuis le 20 a o û t , époqu e de
l ’é c h é a n c e , jusqu’au 2 déc em b re 1809.
Mai s le sieur T alo n a une toute autre id é e , il pense
que celt e rente de dix setiers de b l é , promise pour
tenir lieu d ’alimens, n’est pas éteinte par le décès de
sa fille. Suivant lui, c ’est une rente pe rp étuelle, transmissible, q u e le sieur Miclielet doit lui servir à per
p é tu ité , ou du moins l e s ie u r M i c l i e l e t est te n u de lui
p a y e r la so m m e de 2,000 fr. stipulés pour gain de
survie dans son contrat de mariage.
E n c o n s é q u e n c e , et par acte du 2 3 mai 1 8 1 0 , il
fait notifier son contrat de mariage aux sieur et dame
M i clie le t , avec sommation de satisfaire à la teneur
d’i ç e l u i , e t pa ye r les arrérages échus de la rente de
dix seliers de froment en deniers ou quittances, depuis
�(7)
la date de son con tra t, à en continuer le service et
paiement à l'avenir et à chaque te rm e, sinon et faute
de le fa ir e, il déclare q u ’il se pourvoira à l ’effet d ’ob
tenir une grosse en fo rm e exécutoire de son contrat de
m a r ia g e , pour les y contraindre par les voies légalesj
il se fait aussi réserves de tous autres droits.
On ne voit pas trop pourquoi le sieur T alo n s’adresse
aussi à la dame M i c h e l e t , sa b e l l e - m è r e , qui n’a que
des biens d o ta u x , et n’a contracté auc un e obligation,
du moins v alab le, par le contrat de mariage de sa fille.
L a dot , ou avancement d’hoirie sont la dette du p è r e ,
mais le sieur T a l o n n’a rien voulu-avoir à se reprocher,
et la dam e Michelet a resté en qualité.
Elle a formé , conjointement avec son m ar i, oppo
sition à celte espèce de com m andem en t fait dans une
fo rm e n o u v e ll e , et sans être muni d ’un litre en forme
exécutoire. L e s sieur et dame M ic hel et observent q u’ils
ne devaient rien à leur g e n d re ; que la rente ou pension
par e u x promise à leur fille, n’était qu'en r em p lac e
ment des alimens q u ’ils devaient fournir ; que leur
obligation était éteinte par la mort de leur 1111e et
pe lit e-fïlle.
Sur cet exp osé, une ordonnance en r é f é r é , rendue
à l'hôtel du Pré siden t, le 27 juin 1 8 r o , re n v o y a les
parties à l’au die nce , toutes choses demeurant en état.
L e s poursuites ont été suspendues jusqu’ au i 3 d é
cembre 1 8 1 3 , q u ’il a été rendu ail tribunal civil de
celte ville, un jugeme nt contradictoire, dont il importe
de connaître les motifs et le dispositif.
�(8)
« Considérant que la future seule s’oblige au paie» ment de la somme de 2,000 fr. de gain de su rvie,
» et qu ’ ainsi ses biens seuls actuels 011 à venir y élaient
» affectés ;
» Considérant
q u ’on ne saurait - regarder com m e
» biens acluels de la f u tu re , ni c o m m e une donation
» perpétuelle et transmissible, un objet dont elle a pu
» disposer c o m m e d'un bien actuellement et irrévo» cablement acquis, la simple
obligation contractée
» par ses père et mère de recevoir les ép ou x dans leur
» maison, de les nourrir, chauffer, etc., pendant leur
» cohabitation et celle de leurs enfans;
» . Q u e cette nourriture et ce l o g e m e n t, sansaffecta» lion de capital, sont censés personnels à la future
» et aux enfans à naître, et doivent s’éteindre a vec e u x ;
» Considérant que l’obligation de paye r chaque ann ée
» dix setiers de b l é , obligation conditionnelle, subor» donnée au cas d ’incompatibilité, n’étant que le rem» placement de la nourriture et du l o g e m e n t , n ’eut pas
» d’ autre ca rac tèr e, et ne fut pas d’autre nature que
» celle dont elle devait tenir lieu , le cas a v e n a n t;
» Considérant que la clause de réversion fut, en ce
» p o i n t , sans objet et inconciliable m ê m e avec une
» libéralité q u i , ne dessaisissant le donateur d’aucune
» partie de ses biens , se bornait à des alimens à prendre
» à sa t a b l e , et à participer à une habitation cotn» mune ou bien à une fourniture annuelle de dix
» setiers de blé pour en tenir lieu ; q u ’ainsi on ne saurait
» en inférer rien d ’utile à la cause ;
» En
�» E n ce qui est relat if aux arrérages de la re n t e ,
» attendu q u ’ils sont dus jusqu’au décès de l ’enfant
» T a l o n , et que le sieur Michelet ne fait point d ’offres
» à cet ég ard ;
» L e tribunal jugeant en premier ressort, déclare le
» sieur T a l o n n on -r ec ev ab le dans sa dem an d e, co n» d a m ne le sieur Miclielet à justifier de sa libération
» de ladite rente de dix setiers de blé jusqu’au décès
» de l ’enfant T a l o n , et à pa ye r tous arrérages q u ’il
» pourra devoir sur icelles; com pense, dans ce cas, les
» d é p e n s ; ' e t ' s i toutefois il n’est dû aucuns arrérages,
» co ndam ne le sieur T a l o n en tous les dépens ».
L e sieur T a l o n , qui ne court aucun risque de pe rd re ,
q u i certat de lucro ca p ta n d o , ne se tient pas pour
b a t t u , et veu t épuiser tous les degrés de juridiction; il
rit de sa dé fa ite, et a l'indiscrétion de publier q u ’ il a
la certitude d’être plus h eur eux en la Cour. C ette ja c
tance ne doit pas effrayer; les principes, les motifs les
plus puissans de considération se réunissent e n .f a v e u r
d ’ un père m a l h e u r e u x , qui gém it sur son sort, et doit
plutôt rec ev oi r des consolations q u’ un accroissement
d ’infortune. L e sieur T a l o n devait le sentir, et s u r - tout
s apercevoir q u ’il m anque aux c o n v e n a n c e s , aux égards
q u ’il doit à son b e a u - p è r e , en affichant une prétention
inconsidérée.
Mais il est des personnes qui ne s’occupent et ne
voient que leurs in t é rê t s, et ne se mettent pas en peine
de justifier leurs pr océd és, p o u rv u q u ’ils trouvent leur
3
�profit : si la délicatesse y r é p u g n e , le bénéfice d éd o m
mage.
Le
sieur T a l o n ,
malgré son apparente s é cu r it é ,
obtiendra-t-il la continuation d ’ une rente à pe rp ét uité ,
c o m m e i l l’a dem andée par son exploit d u 2 3 mars 18 10 ?
ou f e r a - t - i l cond am ner son b e a u -p è r e au paiement
d’ une so m m e de 2,000 fr., à laquelle il réduit sa pré
tention en dernière analyse.
Que l est son titre ? un contrat de mariage par lequel
le père de sa f e m m e s’o b l ig e , à titre d ’a va n ce m en t
d ’h o i r i e , de lui fournir des alimens, dans sa m a i s o n ,
o u , pour en tenir l ie u , une rente de dix setiers de blé.
O n ne voit rien jusqu’ici q u ’une convention qui
ne peut avoir plus d ’étendue que la durée du mariage;
ce n ’est pas un avancement d ’hoirie, proprement dit;
il n ’y a aucune transmission de la propriété d ’ un m o
bilier ou d’ un i m m e u b l e , en attendant Fouverture de
la succession.
E n g é n é r a l , un a v a n ce m en t d ’hoirie n ’est autre
chose q u ’u n e r e m i s e anticipée , d ’u n e portion de la
succession q u ’on doit recueillir un jo u r ; l ’enfant qui
la reçoit est tenu de la rapporter lors de l ’ouverture
de la su cc es sio n , et dans la rigueur de l’ancien droit ;
l ’enfant ne pouvait se dispenser du rapport, m ê m e en
renonçant à la succession; tel est l ’avis du savant D u m oulin , sur le § 17 de l ’ancienne co u tu m e de P a ri s ,
n°s. 1 et 4 : n on licet ig itu r hoc casa J ilio
se tenere
a d donalLonem sibi f a c t a m , abslinendo se à succès-
�( II )
sione , secl necesse habet vel adiré vel rem donatani
restituere.
Il faut co n ven ir que l’opinion de ce jurisconsulte,
qui faisait loi de son t e m s , ne fut pas suivie dans la
jurisprudence. On pensa générale ment que le fils p o u
vait conserver l ’objet donné en a v a n ce m en t d ’hoirie,
en re n on ç ant, sauf le retranchement pour les légitimes.
Mais dans quel cas? lorsque l ’avan ce men t d ’hoirie con
sistait en un corps ce rta in; q u ’il y avait transmission
réelle ou d’ un mobilier ou d ’un immeuble.
Il n’en est pas de m ê m e lorsque l’avanc emen t d’hoirie
ne consiste q u ’en un simple reven u , une pension ,
une prestation annuelle ; ce re v enu n’est alors q u ’ une
provision alimentaire pour aider l ’ un-des é p o u x à sup
porter les charges du mariage; et l’obligation s’étein t
par le décès de l ’ép o u x auquel elle a été promise. C ’ est
ce q u i a été jugé bien fo rm e l le m e n t , et en th ès e, lors
d ’ un arrêt de la C o u r , du 24 mai 18 08, rendu sur les
conclusions de M. le Président B o n a rm e s , qui rempla
çait M. le Procureur général. E n voici l’espèce.
L e s sieur et dame Pé rig and de R o c l ie n e u v e avaient
marié leur fille unique a v e c le sieur B o n h o m m e - L a jaumont. Par ce co nt ra t, du 27 messidor an 3 , il fut
con venu que les futurs feraient leur dem eure et rési
dence en la maison et compagnie de leur père et m è re ,
qui s’ obligèrent de les nourrir. E n cas d’incom p ali bilité , ils s’obligèrent de donner aux fu tu rs, le jour de
leur s o r t i e , la jouissance de la maison qui était alors
4
�(
12
)
occ up ée par le frère du sieur R o c h e n e u v e , a vec les
meubles énoncés au contrat , et de leur p a y e r , pour
ch aq ue a n n é e , de quartier en quartier, et par a v a n c e ,
à co m p t er du jour de leur sortie, une so m m e de 1,200
f ra nc s, et la quantité de i 5 seliers de blé-seigle.
L e s futurs se font ensuite respec tivement donation
de l’entier usufruit des biens qui se trouveront appar
tenir au p r e m ie r mourant lors de son décès.
L a demoiselle Périgaud est morte sans pos térité5 ses
père et mère lui survivent.
L e sieur L a ja u m o n t fait sommation à son beau-père
de lui p a y e r les arrérages de sa pens ion, depuis sa
sortie de leur m a i s o n , et dem ande , c o m m e le sieur
T a l o n , la continuation de la rente pendant sa v i e ,
c o m m e usufruitier des biens de sa femme.
L a j a u m o n t , c o m m e T a l o n , prétendait que cette
rente était un av a n ce m en t d’hoirie transmissible, qui
avait saisi du m o m e n t m ê m e la d a m e , leur f i l l e , et
dont le mari devait jouir à titre d’ usufruitier pendant
sa vie.
L e sieur R o c h e n e u v e répondait q u ’il n’avait rien
d o n n é ; q ue la rente stipulée par le contrat de sa
f i l l e , n’était
q u ’en
remplacement de la nourriture
q u ’il sréiait obligé de f o u rn i r; mais que ce lte obli
gation s’éteignait
par le prédécès de sa f ille, q u i ,
n ’aya n t pas s u c c é d é , n avait pu rien tr ansmetlie a
son époux.
1 ^ tribunal civil avait déclaré I i ü j a u m o n t non r e -
�c e v a b l e , et n’avait m ê m e donné aucun effet au c o m
mandement pour les arrérages échus avant le décès
de la dame Lajaurnont.
L ’arrêt de la C our rectifie le ju gem ent à cet égard;
mais « en ce qui louche les arrérages de la pension
« réclamée par L a ja u r n o n t , pour le tems postérieur
« au décès de sa f e m m e , et pour l ’a v e n i r pendant
« la dur ée de la vie du m ar i;
« A t ten d u qne la pension et jouissance convenues
« par le contrat de mariage du 27
messidor an 3 ,
« en cas d ’incompatibilité, n’ont été assurées q u ’en
« remplaceme nt de la nourriture et du logement que
« les père et m ère s’étaient obligés de fournir aux
« deux é p o u x dans leur propre maison ;
« A t te n d u
que
ces
conventions
ne
doivent pas
« avoir plus d ’étendue que la durée du m a r i a g e , et
« se sont éteintes par le décès de la dame Lajaurnont ;
» A tte ndu que les ép oux ne se sont fait par leur
« contrat de m ar iage , d ’autre donation
en usufruit
« que des biens q u ’ils auraient au m om ent de leur
« décès ;
« Atte ndu que la dam e Lajaurnont n’en avait aucun
« a 1 instant de sa mort , arrivée avant q u ’elle eût
« recueilli auc un e
succession ; que tout, son r ev en u
« consistait dans une pension qui lui avait été assurée
« accidentellement en cas d ’inc ompatibilité, pension
« qui a été anéantie
par sa m o r t , et qui ne peut
« pas revivre au profit du m a r i , en contemplation
�cc duquel elle n a v a it pas été stip u lé e, et qui n ’avait
« uni quement lieu que pour soutenir les charges du
c< m ar ia ge ;
« L a C o u r confirme quant à ce , elc. ».
Q u e le sieur T a l o n lise et q u ’il se juge : peut-il y
avoir
d ’espèce
plus
semblable.
Mirhelet , c o m m e
R o c h e n e u v e , s’oblige de r e c e v o i r les ép ou x à sa c o m
pagnie , de les n ourr ir ; en cas d ’incompalibilité , il
donne
en re m placem ent dix selicrs de froment par
a n n é e ; il ne iîxe
aucun capital; ce
n ’est point en
contem plation de son g e n d r e , «[ju’ il promet de paye r
cette rente ; elle n’a d’autre objet que des alimens ,
des m oyen s de soutenir les charges du mar iage ; donc
l ’obligation ne peut pas avoir plus d ’étendue que la
dur ée du m ar ia ge, et s’est éteinte par le décès de la
da m e Talon.
L a dame T a l o n , c o m m e la dame L a j a u m o n t , n’a
.recueilli auc un e succession, n ’a laissé aucuns b ie n s ;
tout ce q u ’elle avait consistait dans cette rente
de
d ix se t ie rs , qui lui avait été assurée accidentellement,
en cas d ’incompatibilité , et pour
tenir lieu de la
nourriture et du logement.
Cette pension s’est anéantie ave c elle ; ses père et
m è r e n ’ont rien p r o m i s , ne se sont engagés en rien ,
n ’ont garanti aucun des gains. L e sieur T a l o n ne peut
donc avoir aucune action contre eux.
L ’appelant est bien convaincu que la constitution
d’ une simple re n t e , pour le cas d ’inc omp atibilité, doit
�( i5 )
^
cesser a v e c le mariage , mais il voudrait trouver dans
son contrat des clauses qui la rendent transmissible,
011 du moins jusqu’à concurr ence des ga in s ; en co n
séquence , il propose plusieurs objections, i
1.® L a future a dû c o n f o n d r e , dans la c om m un auté
conjugale , une som m e de i o o o francs à prendre sur
sa constitution de d o t , et il ne lui a été constitué
q u ’un trousseau et la rente dont il s’agit ;
2.° Les père et mère de la future ont stipulé la
réversion des
objets par eux constitués, en cas de
décès de t leur fille sans e n f a n s , et des enfans sans
descendans ; il est dit que cette réversion ne pourra
porter atteinte aux gains et avantages acquis au sur
v iv a n t des futurs époux.
Le
sieur T alo n conclut de cette stipulation, q u ’il
existe une transmission réelle et perpétuelle; que cette
rente
survie
constituée est au moins affectée au gain
de
2,000
francs,
et
que
dès-lors le
de
sieur
M ichelet est te nu , pe rso nnellem ent, de lui p a y e r c e ll e
s o m m e , si mieux il n’aime continuer le service de
la rente.
4
C ’est sur-tout ce dernier m o y e n sur lequel le sieur
T a l o n co m pte le plus, car il conviendrait aisément
qu il n en a pus d'autre.
E n ef fet , la première objection est insignifiante et
n ’a aucun fondement ; la confusion que la f e m m e
doit faire pour prendre part à la c o m m un auté , est
u n e confusion
é v e n t u e l l e , qui ne doit
avo ir
lieu
�*(■>&
( 16 )
q u ’aulant que la c o m m u n a u té serait profitable. T o u t
à été terminé à cet ég a r d , et le sieur T a l o n y
a
trouvé un b én éfic e; la société contractée avec son beaupère , a eu un act if de 1,200 francs, dont la moitié
a été reç ue par T a l o n , ainsi q u ’il résulte du traité du
p rem ier germinal an 9. Sur cette som m e de 600 f r . ,
il en revenait celle de 3 oo francs à sa fe m m e c o m m e
c o m m u n e \ on ne lui a rien dem ande a ce sujet ;
mais il est bien évident que la som m e de 1000 francs ne
doit plus être confondue , dès q u’on n’a point eu égard
à la c o m m u n a u t é , et dans tous les cas , ce ll e somme
ne pourrait être prise que sur les biens q u ’aurait re
cueillis la dame T a l o n ,
si elle avait succédé à
pè re et mère ; cette survie
ses
devait avoir lieu dans
l ’ordre de la n a t u r e ; c ’est sur cet aven ir q u ’on a
c o m p t é , puisqu’il n’y a eu a u c u n e autre constitution,
et le sieur T a l o n ne pouvait pas s’y m é p r e n d r e ; il
n ’a dû espérer autre chose que les biens qui pro
viendraient des sieur et dame M i c h e l e t , et que la
d a m e , son é p o u s e , ne pouvait
recueillir q u ’en leur
survivant.
T o u t a été subordonné à cet évé ne m ent ; les père
et mère n ’ont vo ulu se dépouiller de rien : ils ont
promis leur succession et rien de plus. Les conventions
personnelles des é p o u x , les gains q u ’ ils ont stipulés,
n ’ont
eu
d ’autre
base
que
l’espoir
de
succéder;
le prédécès de la fille a tout a n é a n ti ; les disposiiions
sont devenues caduques dès que la iille n’a pu succéder.
M a is
�s.
( i7 )
Mais à quoi b o n celt e clause de re tour , dira le sieur
T a l o n ? Il faut bien lui donner un effet q u e l c o n q u e ;
les père et mère ont manifeste par-là leur inlenlion
de transmettre à leur fille une rente en propriété , pré
cisément pour la garantie des gains, en cas de prédécès.
D o n n e r un effet quelconque à une clause inutile! O n
n ’ en voit pas la nécessité. Il faut d ’ailleurs ne pas o u
blier que le contrat de mariage est de l’an 6 , anté
ri eu r à la publication du C o d e Nap oléon ; on doit se
reporter à l ’anci enne co u tu m e de la p r o v in c e , où les
ascendans ne succédaient pas. T e l l e est la disposition
prohi bilive de l ’art. 2 du tit. 1 2 , qui a été modifié
par l’art. 3 , qui fait succéder les ascendans quant a u x
meubles et acquêts aut rem ent faits et avenus que par
hoirie ou succession ab intestat.
C ette
exclusion
cou tumière de
toute succession
luctueuse avait fait introduire dans tous nos 'contrats
l a clause de réversion au profit des asc en da ns , de tous
les objets par eu x do nn és ; elle était tellement d ’u s a g e,
q u ’on en a v u dans les contrats qui n e contenaient
q u e de simples institutions. E t il n ’est pas étonnant
q u ’on l ’ait insérée dans le contrat de mariage du sieur
Talon.
D ab o rd , sous l ’em p ire de la loi du 1 7 nivôse an 2 ,
la présence des frères faisait cesser le droit de s u c cessibilité des ascendans.
L a clause était nécessaire pour le sieur Talon p ère,
qui constituait à son fils dix septerées de terre en
3
�( i8 )
avan ce m en t d’h o i r i e ; i l est bien certain que si le sieur
T a l o n fils fût mort avant son pè re , ses frères auraient
succédé
pour
l ’imm euble
donné
en
av a n ce m en t
d' hoirie , et le pè re a dû le prévoir.
Il
n ’est pas étonnant alors q u ’on ait stipulé une
réversion g é n é r a l e , tant pou r le père du futur que
pour les père et m ère de la f i l l e , chacun en ce qui
les concerne ; cette clause n ’a pas m êm e
dû être
m é d i t é e , parce q u ’elle ne pouvait nuire à pe rson ne,
quoique surabondante : utile per in u tile non vitiatur.
Elle n’était pas également tout à fait inutile pour
les sieur et dam e M i c l i e l e t , qui avaient constitué à
leu r fille un trousseau évalué à 1,200 fr. en Fan 6 ;
le mari ne gagnait pas
le trousseau ; il fallait une
convention ex presse, ainsi q u ’il a été jug é par p l u
sieurs Arrêts de cassation, parce que toutes C outu m es
étaient abrogées par la loi du 17 nivôse; il est c o n v e n u
par le contrat que le mari le gagnera pour sa survie ;
si le mari était mort
le
p r e m i e r , et q u ’ensuite la
f e m m e eût prédécé dé ses père et m èr e , il fallait
encore les clauses de réversion pour que les père et
m è r e pussent reprendre le trousseau q u ’ils avaie nt
constitué à leur fille; voilà donc un motif pour stipuler
la réversion , s'il n’avait pas été dit que cette ré v er
sion serait sans préjudice des gain s, le retour aurait
privé le mari survivant du trousseau malgré la co n
vention , à raison du prédécès de la
c a s , les choses retournnt
fille; dans ce
leur p r em ier é t a t , les*
�3^
( i9 )
ascendans reprennent ce qu'ils- ont d o n n é , franc et
q u i t t e , indé pe nda m men t de toutes stipulations p e r
sonnelles entre les ép ou x ; il a donc fallu dire encore
pour ce trousseau , que la réversion serait sans p r é
judice des gains. P a r conséquent , la stipulation du
retour est justifiée par cela seul q u ’elle a un o b j e t ,
q u ’elle porte sur une constitution
quelconque , sur
une chose donnée par les père et mère.
Mais vou drait-o n encore que c e ll e réversion
sans objet , q u ’il n ’y
fût
eût rien à reprendre par les
ascendans? alors il faudrait dire a ve c les premiers juges,
que cette clause est inconciliable ave c une convention
p r é c é d e n t e , qui ne dessaisissait le donateur d ’aucune
portion de ses biens, qui se bornait ¿1 des aliinens 011 à
une fourniture annuelle de deniers pou r en tenir lieu.
Mais prétendre qu' un e clause de réversion change
la nature et le caractère des dispositions qui précèdent j
q u ’ une rente annuelle ou pension en remplacement de
nourr it u re , devient une propriété transmissible, une
re d e v a n ce perpét uelle, lorsqu’ on convient q u e , sans la
stipulation du retour, elle serait éteinte p a r l a mort de
celle q u i e n fut l ’o b je t, c ’est le comble de l ’a b s u r d i t é ;
c est un système subversif qui ne peut entrer dans une
tête bien organisée.
U n e clause de retour n’est q u ’ une précaution q u ’on
peut prendre sans c o n s é q u e n ce , stipuler sans nécessité,
q u o iq u ’elle soit indispensable, lorsqu’ il y a une dona
tion ; dans ce cas elle a l ’eifet de faire retourner au dona-
�’
(
20
)
teur les objets par lui donnés ; si’l n’y a pas de do
nation, elle devient inu tile, mais ne peut être vicieuse
ni aggraver le sort de celui qui a cru devoir la stipuler.
U n e donation, au contraire, ne se présume pa s, ni
ne peut être t a c i t e , il faut q u ’elle soit expresse; la
fa v eu r des contrats de mariage ne va pas jusqu’à faire
supposer une chose qui n’existe pas. Et pour que le sieur
Ta lo n pût réclamer son gain de su rvi e, il faudrait abso
lu m e n t , ou que le sieur Michelet eût d i t , qu'en cas de
prédécès de sa fille, la rente q u ’il lui constituait serait
le gage des gains promis au su rvivan t, ou qu'au m ê m e
cas il eût promis de garantir ces m êmes gains sur ses
biens personnels.
L o in de tr ouver rien de semblable dans le contrat
de m ar iage , on y voit tout le contraire; on y re m ar
que une intention bien prono nc ée des père et m è r e ,
de ne contracter aucune obligation; ils n ’entendent se
dessaisir de rien ; ils veulent bien avoir leurs enfans
auprès d’e u x , les nourrir et e n tr e te n i r, les l o g e r , etc.;
mais ils ne souscrivent à cette obligation que pour
enga ger leurs enfans à rester à leur compagnie , et s’ils
ne pe uvent com pat ir, ils pourvoie nt à leurs alimens,
mais par le m o yen d ’ une redevance annuelle, subor
donnée à la durée du mariage.
lies autres
conventions
matrimoniales
entre
les
futurs leur sont absolument personnelles : les père et
mère de la future y sont étrangers; ils ne promet lent
à leur tille que leur succession, et rien de plus. P o u r
�( 21 )
lÿ j
avo ir cette succession, il faut survivre a u x instituans;
et les é p o u x devaient l’espérer; mais ce n’est q ue sur
cette fortune à venir que la fe m m e a pu asseoir la
confusion de la c o m m u n a u té , c o m m e le pa iem e nt
des gains ; le mari n'a dû com pter que sur les biens
que sa f e m m e aurait un j o u r ; il a couru la ch ance
du pr édécès, puisque sa f e m m e n ’avait rien d’acquis;
il n’a exigé aucune sûreté, aucune garantie des père
et m è r e ; ce u x -c i n’ont pas voulu en d onn er; ils n’ ont
r i e n pr om is; n ’ont rien affecté : c ’était un hasard à
courir. L e sieur T a l o n avait toutes les chances dans
l ’ordre de la nature ; il s’en est contenté ; il a tout mis
au hasard ; le sort lui a été contraire , puisque sa f e m m e
n ’a recueilli aucune succession : c ’est un malheur pour
l u i ; c'est une consolation pour les père et m ère de
n ’être pas dépouillés de leur v i v a n t , pour enrichir un
gendre qui leur devient étranger, et qui a trouvé un dé
d o m m a g e m e n t à ses peines dans les bras d’ une seconde
épouse.
Quelle différence dans leur deslinée! L e sieur T a l o n
a tout réparé par un nouvel établissement. Ri en ne
peut remplacer dans le cœur d ’ un père et d ’une m ère
1 enfant q u ’ils ont perdu. Faudrait-il encore que la
perle de leur fille fût suivie de celle de leur fort u n e?
que les recherches continuelles, les vexations odieuses
d’ un gendre leur rappellent, à chaque instant, leur
m a l h e u r ? Loin de nous une pareille idée! Elle révolte
lout à la fois la n a t u r e , la justice et l’équité.
�( 22 )
Qu e le sieur T a l o n cesse donc de se faire illusion ;
q u ’il abandonne une .prétention odieuse que la déli
catesse re pouss e, que la loi condamne. Q u ’il sache que
toutes les faveurs seront aujourd’hui pour ceux qu'il
a tt a qu e; que loin de trouver dans son contrat une dis
position à son pr ofi t, on chercherait
à l’effacer s’il
pouvait y en exister; que tousles principes s’opposent
¡1 ce q u ’on puisse iaire résulter une obligation tacite
d ’une clause surabondante, dont Feffel est de conserver
au lieu de n u i r e , et qui ne peut jamais aggraver le sort
de ce ux qui Font stipulée.
Il
ne reste plus q u ’un mot à dire sur les arrérages de
la pension, antérieurs au décès de l 'e n f a n t; le^ sieur
T a l o n n ’avait rien demandé à ce su jel, et il est facile
d ’établir la libération du sieur Michelet ; il a toutes ses
quittances jusqu’au 20 août 1809. L ’enfant est décédé
le 2 déc em b re su iv ant; il y aurait donc trois mois et
douz e jours d ’arrérages, qui ne donnent pas le tiers de
la rente : ce serait à peu près trois setiers; mais le sieur
M ich e le t rapporte les quittances des frais de maladie
et d ’en te rrem en t, q u ’il a p a y é s , et qui seraient à la
charge de son gendre : ces objets se portent à 260 fr.;
le sieur M ich e le t est donc créancier au lieu d ’être
débiteur.
E n f i n , le sieur T a l o n a mal à propos compris la dame
Michelet dans ses poursuiles. On a déjà ‘dil que la dame
M ich elet n ’avait que des biens do ta u x ; q u ’elle n ’avait
pu contracter d’engagemens valables pendant le m a -
�.
riage ; que l’avancement d ’hoirie était la dette du p è r e :
le sieur T a l o n est d o n c , dans t ous les cas, non re c e vable contre la dame Michelet.
.
.
Mais cette dernière observation n’est que pour l ’ho n-
neur des règles. On croit avoir démon tré que le sieur
T a l o n a créé une chimère pour la combattre et q u ’il
" •• est absolument sans action contre le sieur •Michelet :
"
’que toutes les conventions de s on contrat sont anéanties
par le prédécès de son épouse,
-
4*
..
Signé- M I C H E L E T .
M .E P A G E S ,
ancien A v o c at.
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*
M. e T A R D I F , A v oué-Licencié.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Michelet, Claude. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Tardif
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
rentes
rentes en froment
société de fait
société de commerce
communautés
coutume d'Auvergne
frais de maladie
frais funéraires
jurisprudence
dot
obligation alimentaire
pension de réversion
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour sieur Claude Michelet et dame Magdeleine Pastier, son épouse, habitans de cette ville de Riom, intimés ; contre le sieur Claude Talon, aussi habitant de cette ville, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil de Riom, le 31 décembre 1812.
note manuscrite : « Le jugement a été infirmé par arrêt du 10 mars 1813. Voyez les motifs à la suite du mémoire ».
Table Godemel : Avancement d'hoirie : 2. la constitution, par les père et mère de la future, en avancement d’hoirie d’une rente en grains est la constitution d’un capital de rente et non d’une simple pension viagère. cette constitution est une véritable donation entre vifs qui a saisi les contractants ; ce capital doit être affecté en paiement des gains de survie et autres avantages stipulés en faveur de l’époux survivant par le même contrat de mariage. Si dans le contrat de mariage il y a 1° stipulation de communauté entre les époux, avec déclaration d’un apport déterminé, par la future ; 2° clause de retour au profit des père et mère, constituants, sans préjudice aux gains et avantages stipulés entre les époux ; ces circonstances prouvent que l’intention des constituants était conforme à la convention effective.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
An 6-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2213
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53442/BCU_Factums_G2213.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
communautés
coutume d'Auvergne
dot
frais de maladie
frais funéraires
jurisprudence
obligation alimentaire
pension de réversion
rentes
rentes en froment
société de commerce
société de fait
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53815/BCU_Factums_M0504.pdf
e413bd68d43175788ad0db2f8468b463
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MEMOIRE
EN R É P O N S E ,
sieur A n t o i n e BR E C H E T ancien chef
d’escadron habitant de la ville de Clermont,
.
J..
;
■ <
...t:
intime;
P our
C ontre
•
1
E
dame
J e ANNE-Fr a n çoise
DE
V E N Y , veuve dw sieur S i c a u d - DE M a r i o l ,
habitante de la même ville, appelante à un. juge
ment rendu au tribunal d’arrondissement de
Clermont, le 1 5 août 1 8 0 7 ;
n p r é s e n c e
de dame M A R I E A V E L I N
veuve du sieur V È N Y d e T h e i x , tutrice légale
de demoiselle A n n e - F r a n ç o is e - J e a n n e d e V é n y ,
sa fille;
E t de dame F r a n ç o i s e V E T H I Z O N -V E N Y ,
fille adoptive du sieur V e n y d e T h e i x , et du
sieur J e a n - B a p t i s t e D E V È Z E } son mari:
tous intimés.
L A dame veuve de M ariol a présenté comme tresurgente une cause fort com pliquée. Pour prouver cette
A
�( a )
urgen ce, elle a fait publier sur l’appel un mémoire im
p rim é , de quarante-sept pages petit caractère, dans le
quel on est obligé de chercher péniblement les questions
qu’elle fait naîtrep
r \
On a cru d’aborcl qu’elle a voit voulu donner une
édition /nouvelle.du M ém orial de la.cou r.d e cassation'
et sans doute le soin qu’elle a eu de faire réimprim er
cette collection d’arrêts, avoit pour objét de donner des
leçons à ses juges.
•‘
' i
E lle ajoute , d it - o n , qu’elle a des protections puis
santes : c’est vraisemblablement pour intimider le sieur
Brecliet; Insenkéb! la daine de M ariol ne peut pas ignorer
qu’en la cou'r1les .protections et les manœuvres sont plus
dangereuses qu^ tiles ; que les magistrats savent tenir
d’une main ferme la balance de T h ém is, et que les per
sonnes n’y sont d’aucune considération.
\ X>avdame veuve de M ariol pourroit-elle être protégée
lorsqu’elle ose attaquer des règlemens de famille qu’elle
doit respecter , r é c l a m e r c o n t r e sa p r o p r e conscience
l ’exécution des titres dont la fraude et la simulation sont
évidentes, et qu’elle n’a pas osé mettre au jour quand
elle étoit en présence de ses cohéritiers; lorsqu’elle vient
s’en prendre à un ancien m ilitaire, créancier originaire
de sa fam ille, et qui n’a cessé de donner des preuves de
sa franchise et de sa loyauté ?
Il est rare, au surplus, de voir figurer la dame M ariol
comme créancière ; il n’en sera que plus facile de prouver
qu’elle est tout à la fois défavorable et mal fondée dans
ses prétentions.
�( 3 )
F A I T
S.
»
L e 3 brumaire an 7 , le sieur B recliet, ancien chef
d’escadron, couvert de blessures, ayant obtenu une re
traite honorable, a épousé la demoiselle A n n e G iron.
Les père et mère de son épouse lui constituèrent en
avancement d’hoirie une somme de 12000 fr ., à prendre
sur celle de 15466 liv . 13 s. 4 d. qui leur étoit due par
les héritiers de défunte M arguerite Dauphin , veuve
V é n y de V illem ont.
Comme il étoit notoire que les
créances sur
cette maison
n’étoient pas de l’argent com ptant, on a soin d’annoncer
que cette créance étoit due par acte sous seing p r iv é , du
25 mars 1788; que cet acte est reconnu, vérifié, et déposé
chez Chastelut, notaire; qu’il est suivi de sentence obtenue
contre la clam e D a u p h i n ; p l u s , d’un jugement arbitral;
p lu s , d’ un jugement du tribunal civil du Puy-de-D ôm e,
du 23 floréal an 5 , qui déclare le tout exécutoire contre
les héritiers de la veuve Villem ont.
Ces jugem ens, ces titres ne rendoient pas les payemens
plus faciles; il auroit fallu user de voies rigoureuses,
d’expropriation, par exemple. Une occasion se présente,
et le sieur Brechet la saisit, quelques sacrifices qu’on exige.
L e 30 germinal an 9 , il achète de la dame V é n y ,
épouse séparée , quant aux biens , de J e a n - Charles
D unoyer du Sauvage, ou plutôt d’un sieur G uinez, son
fopdé de p o u v o ir, la portion qui étoit avenue à la^dame
du Sauvage dans le domaine | de. ,The;ix, par le partage
de fam ille, du 18 pluviôse an 7.
.
A 2
�( 4 )
Cette vente est faite, i ° . sons la réserve des arbres qui
avoient été jDrécédemment vendus , et dont l’acquéreur
est tenu de souffrir l’exploitation, dégradation immense,
très-ordinaire dans cette fam ille, qui a toujours com
mencé par là avant d’aliener le fonds.
2°. L ’acquéreur ne peut entrer en jouissance qu’après
la levée de la récolte de l’année, qui est expressément
réservée dans son entier.
•
- 3 ° . 'L e p rix1 est fixé à la somme de 29300 francs
en déduction dé laquelle le sieur Brecliet paye celle
de 2100 francs.
Quant à la somme de 27200 fr. parfaisant le prix
racqüéreîir rest tenu de la payer en l’acquit de la dame
du Sauvage, aux créanciers de feue M arguerite DauphinM onti’odès, sa mère. Il est dit que ces créanciers sont
dénommés en l’acte passé entre la dame D a u p h in ,'le
sieur V é n y de T h e ix , et la dame M a rio l, devant Coste
notaire à Beaumont le 20 mars 17 9 3 , notam m ent à
J . B . G iron , ou ¿1 l'a cq u éreu r, en qualité de m ari
de dame A n n e G ir o n , à Julien P eyren d, etc.
A l’égard du surplus, l’acquéreur sera tenu de le
payer aux autres créanciers de la dame D aup hin, jusqu’à
concurrence de la portion pour laquelle la dame du
Sauvage doit contribuer dans le payement des dettes de
la dame sa mère'.
c
Il n’est pas inutile d’observer que la dame du Sauvage
affecte et hypothèque spécialement à la garantie de cette
v e n te , le qu art à 'e lle appartenant du domairie>de : St.Genesl-Ciiiimpanelle^ dont la totalité a été depuis vendue
nu sieur Dalnias 7 et qui etoit alors:indivis,
9.;
�( 5 )
L e sieur Brechet ¿toit bien éloigné de penser alors
à cette acquisition ; il en eut l’obligation à la dame
M a r io l, qui le sollicita et le détermina par ces manières
engageantes, ces formes aimables qu’on lui connoit ; et
bientôt la dame M ariol a affecté de publier que le
sieur Brechet avoit fait une grande affaire, quand il. a
acquis cette portion du bien de T h e ix : cependant une
portion égale a été vendue au sieur L e v e t , moyennant
une somme de 26000 francs; la portion du sieur de
T h e ix , plus considérable, et en fort bon état, rit» été
vendue que 36000 francs : cependant la portion acquise
n’étoit affermée que 800 fran cs, par bail du 20 vendé
miaire an 9 , pour neuf ans, sur quoi 200 francs d im
position. Les arbres vendus valoient plus de 2000 fr. •
la réserve de la récolte de l’année étoit encore une di
m inution ; et le sieur Brechet a été obligé de faire
pour 7854 fr. de réparations. Enfin , pour sauver des
débris les arbres qui restoient h couper, il lui en a coûté
1800 francs. V o ilà le grand m arché qu’a fait le sieur
Brechet.
Il d e v o ir, sans d ifficu lté, se mettre en r è g le , faire
transcrire et notifier son contrat; il cède aux sollicitations
de la dame M a rio l, qui le conjure de 11e pas faire des
frais inutiles : il paye les créanciers délégués ; il en
rapporte les quittances; il se contente ensuite de prendre
une inscription sur les biens hypothéqués ù la sûreté de
la ven te, une à R io m , l’autre à Clermont. Elles sont
sous la date des 7 et 8 floréal an 9.
L e sieur Brechet reste trois ans dans la p laS cntiere
sécurité : bientôt on lui fait parvenir des propos ou des
�( 6 )
menaces de la dame M ariol -, il se détermine à faire
transcrire son contrat. Cette transci’iption est du 27 ven
démiaire an 12.
L e 13 brum aire su iv a n t, la dame veuve M ariol lui
fait notifier une mise aux enchères. Il est à propos d ’anaUser cet acte fort important au procès.
L a dame veuve M ariol fait cette enchère comme
créancière de la dame V é n y
du Sauvage ,
tant en
vertu de son contrat de îtia n a g e , en date du ç> février
1771 ? que d?obligation du 7 piairial an 11 • elle ne
dit mot sur une certaine obligation de 10000.fr. qu’elle
a fait éclore depuis, et dont elle n’a pas sans doute osé
parler dans son acte d’enchère.
E lle s’exprim e au surplus assez disertement sur la
portion des biens vendue au sieur Breclict. E lle y dé
clare que ces immeubles appartenoient à la dame sa
sœ ur, et lui étoient avenus pa r Je partage qu'elle a
passé avec ses cohéritiers , devant Coste , n o ta ire,
le 18 p l u v i ô s e nn 7 : e l l e n ’a v o i t p a s i m a g i n é a lo r s que
ce partage n’étoit que provisionnel, comme elle menace
de le dire aujourd’h u i, quoiqu’elle n’en ait pas même
parlé dans son mémoire.
E lle n’enchérit d’ailleurs que d’un vingtièm e ; il est
vrai que sa réquisition est antérieure à la promulgation
du Code Napoléon en cette partie, qui exige que l’en
chère soit d’un dixième. Elle ne l’auroit peut-être pas
fait trois mois plus ta rd , même trois mois plutôt : mais
elle savoit que ce bien avoit passe en d’autres mains \
que le sieur Brecliet l’avoit échangé avec un individu
q u ’a u tr e fo is la daine de M ariol n’auroit pas voulu
.
�blesser : elle a cru< pouvoir mettre le sieur Brechet ou
son acquéreur à contribution ; et si elle en a été quitte
a .meilleur marché pour son enchère , elle n’en sera
pas plus heureuse.
L e sieur Brechet ne fut pas fort effrayé de cette dé
m arche, qui tendoit tout au plus à la ruine de la dame
du Sauvage; ce qui n’étoit pas infiniment délicat de la
part de sa sœur, évidemment alors sa débitrice.
L e 6 frimaire an 1 2 , le sieur Brechet commença par
faire une saisie-arrêt entre les mains de la dame M ariol
et du sieur V é n y de T h e i x , de tout ce qu’ ils devoient
à la dame du Sauvage , notamment la restitution des
jouissances de la succession du sieur V é n y d’A r b o u z c ,
frère com m un, et la somme de 10000 francs provenante
d e là vente de Saint-Genest-Cham panelle; cette somme
faisant le quart revenant h la dame du Sauvage dans
cette vente.
Celte saisie-arrêt est faite pour la garantie du p rix
porté au contrat de vente du 30 germinal an 9.
L e même jo u r , cette saisie-arrêt, ainsi que la mise
aux enchèi'es de la dame M a r io l, sont dénoncées à la
dame du Sauvage.
L e 14 nivôse an 1 2 , le sieur Brechet prend le parti
de faire signifier à la dame M ariol un acte extraju
diciaire , par lequel il lui déclare que pour la mettre
hors d’in té rê t, il lui offre de lui payer la totalité de
ses créances contre la dame V é n y , femme séparée,
quant aux b ien s, du sieur du Sauvage, tant en p ^ n~
c ip a l, intérêts que f r a i s : il lui fait en conscqucnce
sommation de déclarer, dans vingt-quatre heures, le
�C 8 )
m ontant de ses créances , afin que le payement en puisse
être fait de suite. 11 offre de plus de lui éviter et la ga
rantir de toutes poursuites de la part des autres créan
ciers , relativement à cette en clitic 5 a la . cliarge aussi,
par la dame M a rio l, de le subroger à son lieu et place,
avec toute g a ra n tie , protestant de nullité et de tous
dépens, dommages-intérêts, etc.
L a dame M ariol s’empresse de répondre ; et le môme
jour elle fait notifier au sieur Brechet qu’elle accepte
ses offres, pour quelles ne puissent plus être révoquées
à l ’a ven ir; en conséquence, et donnant pour le moment
le d éta il, autant que possible, de ses créances, elle dé
clare qu’il lui est dû la somme de 30000 fr a n c s pour
la dot en préciput et avantage à elle faits par la dame
D aup h in , sa m ère, suivant son contrat de mariage du 9
février 1771 ; les intérêts de cette som m e, depuis le
décès de la dame Dauphin ; plus, la somme de 6000 fr.
montant d’une obligation consentie par la dame V é n y
du Sauvage , à son proiit , le 7 prairial an 1 i • p lus
les frais de mise à exécution, dans lesquels doivent né
cessairement entrer l’acte de mise aux enchères les
poursuites ultérieures; et là-dessus une longue histoire
sur les affiches qu’elle avoit déjà fait im prim er, dont
quelques-unes sont timbrées, d’autres 11e le sont pas etc
Pas encore un mot de cette obligation de 10000 fr*
de la dame D aup h in , faite en 1793, moment sans doute
fort opportun. Il est cependant extraordinaire que la
dame M ario l, si fertile en détails, qui u’oublie pas inôme
la façon et l’impression de ses affiches, g 0rde le silence
sur un objet aussi im portan t, et qu’elle ne devoit pas
ignorer.
La
�(9 )
La dame Ma v io l, bien contente d’e lle -m ê m e après
cette notification , appelle cela un contrat ju d icia ire ;
et voilà que les contrats judiciaires sont des actes irré
vocables; et voilà que la cour de cassation l’a jugé ainsi
par une foule d’arrêts. Sirey et Denevers , qui se dis
putent sur tant de choses, sont d’accord sur ce p oin t;
chacun cite les siens, etc.
( U n contrat judiciaire ! lorsqu’on n’a aucune connoissance de ce qui est dem andé, lorsque la dame M ariol
elle - même , en notifiant son enchere, ne donne copie
d’aucun titre, n’ énonce aucune som m e; mais si au lieu
de demander 36000 francs en p rin cip al, et le payement
de l’im prim eur des affiches, elle eût demandé cent mille
écus, un m illion, par exem ple, il auroit donc fallu que
le sieur Brechet payât tout sans réflexion , sans exam en,
par la force du contrat ju d icia ire ?
L e sieur Brecliet n’a pas été de cet avis ; il a raison
nablement pensé qu’avant de p ayer, il falloil savoir
ce qui étoit légitimement d û ; en conséquence, il a cru
devoir consulter les cohéritiers de la dame M ariol, pour
savoir leur opinion sur ce point. L e 18 nivôse an 1 2 ,
il a fait citer devant le bureau de paix , la dame du
Sauvage et son m ari; les sieurs R ib eyre, le sieur V én y
de T l i e i x , et la dame veuve M ariol.
Il a exposé qu’il avoit fait transcrire son contrat de
Vente d’une partie du domaine de T lie ix ; qu’il l’a fait
n otifier; que la dame M ariol a fait une enchère; q 116
pour la faire cesser, il a offert de lui payer le montant
de ses créances ; que la dame M ariol a bien vite acCepté : mais le sieur Brechet croit qu’a va it
Payer
�( 10 )
il faut que les créances de la dame M ariol soient liquidées
tant en présence de la dame du Sauvage, qu’en celle des
autres cohéritiers, afin de fixer la portion que chacun
doit p a y e r , parce qu’entre cohéritiers , la dame de
M ariol ne peut prétendre à une action solidaire, mais
seulement h zinc action personnelle pour la portion de
chacun ; que la dame veuve M ariol doit même faire
confusion de ses créances , dans la proportion de son
amendement : en conséquence, le sieur Brechet demande
que tous les cohéritiers s’accordent entr’eux pour fixer
liquider ou compenser les créances prétendues par la
dame de M ariol.
I æs gens éclairés que le sieur Brechet a instruits de
ses 'dém arches, ont pensé qu’il agissoit sagem ent, qu’il
ne ptoposoit que des choses justes, et que la dame M ariol
ne pouvoit exiger que des créances légitimement établies
dans la proportion et d’après les hases expliquées par le
sieur Brechet.
M ais il est si 'diilicile d’accorder tout le monde ! Les
parties se présentent au bureau de paix ; ]e sieur du
Sauvage se fâche de ce qu’on a dit qu’il étoit habitant de
Clentoont; il veut être habitant du M onastier, et ne veut
plus parler.
L a dame du S au vage, maîtresse de scs biens aventifs
approuve les réclamations de sa sœ ur, mais jusqu’à eon*
currence de yôoo fr. seulement, pour sa portion con
tributive Ylims le préciput de 30000 francs.
E lle recortnoît d evo iï la -somme de '6000 fr. portée par
son obligation du 16 prairial an 11 ; et loin'd’être créan
cière de sa sœui’ pour restitution 'de '/oitissarices de la ‘suc-
�(II )
cession tl’A r b o u z e , elle est au contraire débitrice de d iiférentes sommes payées par la dame de M ariol à la dame
D au p h in , m ère commune. E n dernier résultat, elle n en
tend prendre aucune part aux contestations, qui s élevent.
L e sieur Balthazard de T h e ix n’est pas si complaisant;
il déclare avec assez de rudesse qu il entend contester
les prétentions de la dame M a rio l; il obseive q u elle a
laissé écouler hu it ans sans réclam er ses prétendus droits;
qu'elle a laissé consomm er les partages , a signé les
com prom is, nom ination $ exp erts, et a accepté son lot
sans se rien réserver j qu’elfe a laissé vendre Icl tota ite
des. biens de la succession de la mere commune , et a
souffert les partages du m obilier sans encore aucune
réclam ation.
O n craindroit d’affoiblir les observations du sieur e
T h e ix si on ne les transcri voit littéralement.
Il a j o u t e q u e « la d e m a n d e q u e fait la dame de M ariol
« à ses c o h é r i t i e r s , par l’incident qu’elle fait au sieur
«
«
«
«
«
B reclie t, est plutôt une vexation qu’une justice ; que
cette demande est inconsidérée, d’apres les actes qui
se sont passés dans la fam ille, et dont elle a parfaite
connoissance ; que sa demande est absorbée par les lois
anciennes; que c’est un avantage prohibé par les lois
« existantes lors du décès de la mère. »
Il observe en outre « que la dame D auphin fit, dans
« l’intervalle du 28 brumaire à son d écès, deux testa« mens, codiciles, fidéicommis, etc. Il requiert la maia« lçvée de toutes inscriptions faites par la dame JVlauo ,
« et finit par toutes protestations et r é s e r v e s . »
^
Survient la dame M a r io l , qui ne sait pas ce que c est
B 2
�( 12 )
que confusion, com pensation, fins de non-recevoir, etc.;
ces mots barbares n’ont jamais retenti à son oreille; elle
suppose que c’est pour faire diversion à sa demande : elle
veut de l’argent, rien que de l ’argent; le sieur Brechet
a prom is, s’est engagé; elle veut qu’il paye, et le somme
de se concilier sur sa dem ande, dont elle n’entend point
rabatti'e une obole.
A l’égard de son frère , il ne sait ce qu’ ü ¿[¡t . e]je
n’a renoncé à rien : quand il fera apparoir de ses pré
tentions, on saura bien lui répondre; et s’il veut exciper
des testamens de sa m ère, c’est à lui à les produire, etc
L e 10 pluviôse an 1 2 , requête du sieur Brechet. 11
demande permission de faire assigner la dame de M ariol
pour lui voir donner acte de la réitération des offres
qu’il fait de lui payer ce qui lui sera d û , après qu’elle
aura fait liquider ses créances ; il demande qu’elle soit
tenue de justifier de ses titres, tant en présence de la
dame du Sauvage que de ses autres cohéritiers.
C est a l o r s q u e la d a m e M a r i o l , p a r u n e requête du
13 thermidor an 1 2 , fait éclore une obligation de la
somme de 10000 f r . , en date du 25 février i 793? soul
erite à son profit par la dame sa m è re , et payable dcifis
d ix ans. Elle n’a voit point assez demandé au sieur Brechet
par légèreté ou par oubli : elle forme la demande inci
dente de celte somme ; et comme le sieur Brechet avoit
offert de tout p a y e r, il payera bien encore cette somme
de 10000 francs.
Bientôt après elle donne copie de cette obligation, de
celle qui lui a été consentie par la dame du Sauvage
le 7 prairial an^i 1 , et pour la sûreté de laquelle elle'est
�( ï3 )
déléguée par sa sœ ur, à prendre sur une rente et les
arrérages échus ; le tout dû par la dame Dalagnat et la
dame C orm eret, sa sœur. E t ce que la dame M a iio l ne
dit pas , c’est qu’elle a été remboursée par les dames
Dalagnat et Cormeret. O n la croit trop délicate et tiop
honnête pour ne pas convenir de ce remboursement
dans tous les cas, on lui en administreroit la pieuve.
U ne grande discussion s’élève entre les parties, sur la
,
créances r é c l a m é e s .
,
L a dame M ariol entend repéter a ses oiei es q u e e
n’a ni disposition ni préciput qu’elle n etoit pas sais e
irrévocablement des 30000 fr. portés en son c o n t i a t c e
lé g itim ité des
mariage ; qu’elle n’a pas ignoré qu’en ligne diiecte 1
falloit l’apporter ce qu’on avoit reçu , lorsqu on venoit
à partage. Aussi s’étoit-elle rendu justice*, elle a paitagc
avec ses cohéritiers le seul immeuble ( la terre de T h e ix )
qui p r o v e n o i t d e la s u c c e s s i o n d e sa m è r e ; e l l e n a de
mandé ni préciput ni obligation : tout s’est bien passé.
A l’égard de l ’obligation de la dame du S au vage, on
lui a représenté qu’elle avoit oublié la précaution la plus
essentielle; qu’elle n’avoit pas demandé l’autorisation du
m a r i, si évidemment nécessaire. O n ajoute aujourd liui
qu’elle en est même payée.
On a fini par lui dire qu’elle n’avoit pas d’hypotlieque
pour cette prétendue obligation : à la vérité elle avoit
bien fait h yp o th éq u er, par une clause générale , tou*
les biens que sa sœur pouvoit avoir dans 1 arrondissement
du bureau de C lerm o n t, et dans celui de R iom ; inaIS nn
n supposé qu’une hypothèque de ce genre (.'toit u ° P va&ue
pour qu’elle fut v a l a b l e , 1d’après la loi du n brum aire
�( i4 )
an 7 , et le Code Napoléon, qui exigent une désignation
plus précise.
O n a rem ontré qu’il étoit assez difficile de penser que
la dame du Sauvage, pour la sûreté d’une obligation en
date du 7 prairial an u , eût eu l’intention d’bypothéquer des biens vendus, depuis le 30 germinal an 9, plus
de deux ans auparavant : on a dû croire que la vente
a v o it opéré mie tradition en fa,veur de son acquéreur,
et que la dame du S a u v a g e tfa vo it pas voulu commettre
un délit grave ( un-stellionat ) ; que sa sœur même ne
l’auroit pas exigé.
L es premiers juges ont été de cet avis; ils ont pensé,
« i° . que la dame de V illem on t étant morte en l ’an 4 ,
k sous l’em pire de la loi du 17 nivôse an 2 , cette loi
« ne lui perniettoit de faire aucun avantage en faveur
« de ses successibles;
« 2°. Q ue la loi du 18, pluviôse an 5 n’avoit confirmé
« que les avantages faits irrévocablem ent avant la publi« cation d e la p r e m i è r e *,
« 3°- Que la dot de 30000 f r ., stipulée par le contrat
a de mariage de la dame M ariol, étoit plutôt une expec« tative qu’un avantage irrévocable , puisque la dame
« V illem on t s’étoit réservée la faculté d’appeler sa iille
« à sa succession, en rapportant les 30000 ir. ; ce qui
« fait disparoître toute idée d’irrévocabilité. »
L es premiers juges ont d it, en quatrième lie u , que
cr d’après l’allégation des parties, la dame de V illem ont
« a fait un testament explicatif de ses volontés (1 ); que
(1) Ce testament est du 25 brumaire an 4. La dame de Vil-
�( i5 )
« la clame de M ariol est venue au partage de la sftcces« sion de sa m ère avec ses autres frères et sœ urs, en 1 an 7,
« et rta point réclam é en préciput la dot de 30000J r .
5o. Quant à l’obligation de 10000 fr. souscrite par la
m ère, les premiers juges ont encore décidé que, « d apies
« les présom ptions, cet acte étoit un avantage in d iiect,
« que ces présomptions se cliaugeoient en certitude ,
« quand on voit la dame M ariol v e n ir , en 1 an 7 > au
« partage de la succession de sa m b te, avec ses frères et
« sœurs, sans réclamer le p rélèvem en rd u montant de
« cette obligation. » N ’auroient - ils pas pu ajoutei que
la dame M ariol avoit au moins 'manqué de m ém one ,
lorsque demandant au sieur Bréchet tout ce qui lui etoit
d u , même les frais d’impression de ses affiches, elle ne
parloit pas de son obligation de ïo o o o f r . , et qu elle la
passée sous silence au bureau de p a ix , etc. ?
Quoi qu’il e n s o i t , le t r i b u n a l d o n t est appel est assez
malavisé pour décider que n i la s o m m e de 3 0 0 0 0 f r . ,
ni l’obligation de 10000 f r . , ne peuvent être regardées
comme dettes de la succession de la dame de V illem on t;
qu’ainsi le sieur B ro ch et, acquéreur d’ une portion du
bien de T h e i x , ne peut être chargé de les acquitter.
Quant à l’obligation'de la dame du Sauvage , elle n est
lem ont , par cet acte qui n’a pas été enregistré , mais que -la
dame Mariol ne désavouera ,pas, institue sa fille son héritière»
conjointement avec le sieur de Theix , son frère, et la daine
du Sauvage, sa sœur. La testatrice explique que les droits e
son fils aîné sont fixés sur la terre de Montrodès et
e e
,
entepd qu’ils ne s’étendent pas au ttélà.
�(
ï6
)
p o i n t autorisée ni par son m ari, ni par la justice; et cette
obligation est consentie sous l’em pire du Code Napoléon :
elle est donc n u lle, d’après l’article 217 de ce Code.
E t si cette nullité peut être opposee par la femme ,
d’après l’article 225 du même C o d e, il est assez raison
nable d’en conclure qu’elle peut l ’être aussi par ceux
que la fem m e, en pareil cas, seroit tenue de garantir :
c’est être assez' conséquent.
L e tribunal ajoute que cette obligation est postérieure
de deux ans h la vente consentie par la dame du Sau
vage au sieur Brecliet. Les biens vendus au sieur Brechet
ctoient entre ses mains lors de cette obligation. L a stiulation d’hypotlièque n’a pu comprendre que les biens
•ippartenans à la dame du Sauvage lors de l’obligation.
La dame de M ariol n’ignoroit pas la vente con
sentie par sa sœur; il n’a pu être dans son intention de
\ui faire commettre un stellionat ; de même qu’il n’a
pu être dans l’intention de la dame du Sauvage de s’en
rendre coupable.
O n s’étonne pour la dame de M ariol, et, par égard,
on ne fera aucune autre réflexion, qu’elle ait osé cri
tiquer de pareils motifs.
XI est dit encore que cette obligation ne contient aucune
■iffectation spéciale de la portion de la terre de T h e ix ,
acquise par le sieur Brechet; qu’il n’y a qu’une affectation
générale des biens à elle appartenans dans les arrondissemens de R ioin et de Clermont ; de semblables e x ressions ne peuvent se rapporter en aucun cas aux biens
qui ne lui appartenoient plus à cette époque.
O n remar<!ue aussi q u’aux tenues du môme article 4
de
�C 17 )
de la loi du 11 brum aire an 7 , il auroit fa llu , pour
une hypothèque spéciale, indiquer la nature, la situation
des immeubles, et préciser la commune où ils sont situés.
(L a cour d’appel l’a jugé in term in is , par arrêt du 17
mars 1808.)
On observe également que le sieur V é n y de Theix.
oppose à la dame M ariol une fin de non-recevoir résul
tante de ce qu’au partage de la succession de la mère
com m une, en l ’an 7 , la dame M ariol s’est fait justice
à elle-m êm e, en ne demandant pas à prélever sa dot
de 30000 fra n cs, et a préféré de venir au partage avec
ses frères et sœurs.
Quant aux autres créances réclamées par la dame M ar io l, on ne peut y statuer qu’après un compte préalable.
11 en résulte que la dame M ariol est déclarée non
recevable dans sa demande en payem ent, tant de la somme
de 3 0 0 0 0 f r . , que de celle de 1 0 0 0 0 fr. ; elle n’est pas
plus heureuse pour le montant de l'obligation de sa
sœur , sauf à elle à se p o u rvo ir contre la dame du
Sauvage.
Il est ordonné que les sieurs de V é n y et la dame de
M a rio l, sa sœur, viendront à compte devant Chassaigne,
notaire com m is, sur le payement des dettes qu’ils pré
tendent avoir respectivement fait à la décharge de la
succession de la m ère commune.
Il est fait, dès à présent, main-levée au sieur de Vény?
de l’inscription de la dame M ariol , ayant pour objet
les 30000 iran cs, ainsi que l’obligation des 10000
L e sieur Bréchet obtient également la m ain'ievée des
iftscriptions de lu dame de M ariol.
C
�(
1 8
\
L e tribunal maintient les inscriptions de la dame
M a rio l, sur le sieur V é n y de T lie ix , ayant tout autre
objet que les deux premiers ; il est ordonné que les
parties contesteront plus amplement sur le mérite de ces
inscriptions conservées. L a dame de M ariol est con
damnée aux dépens envers le sieur Brechet ; les autres
sont réservés.
C ’est de ce jugement que la dame M ariol a eu le
courage d’interjeter appel; e t, si on veut l’en cro ire ,
il est très-urgent de la faire payer de toutes ces sommes,
car elle a grand besoin d’argent.
C ’est elle qui fait expédier et signifier le jugem ent,
à là vérité sous toutes réserves : sa signification est
du 29 janvier 1808 , près de six mois après sa date.
E lle a eu le temps de mettre au jour un long mémoire
qui a accompagné sa requête d’urgence et son appel, en
date des 11 et 17 février d ern ier; et comme elle Cst
préparée dans sa défense, elle entend que tout le monde
le so it; elle demande jx être jugée sans délai.
L e sieur Brecliet se prête volontiers à ce caprice ; il
vient soutenir,
i<\ Q u’il n’y a point de contrat judiciaire entre les
parties ;
20. Q ue la dame M aritil n’a aucun préciput sur là
succession maternelle ;
3^ Q ue les créances prétendues de la dame Mario]
sont frauduleuses et simulées;
4 0 . Que l’obligation de la dame du Sauvage esc nulle;
5°. Q u’en la supposant valable, elle n’a aucune hy
pothèque sur ls sieur Biechet pour le montant de celte
obligation.
�(
)
On va essayer de prouver ces cinq propositions : on
présentera ensuite quelques moyens de considération en
faveur du sieur Brechet; il promet d’avance de ne pas
abuser de ses avantages, par ménagement pour la dame
de M ariol.
§•
I er-
I l n’y a point de contrat ju d icia ire entre les parties.
Q u’est-ce qu’ un contrat judiciaire? Suivant la définition
que nous en donnent les auteurs élémentaires, cest celui
par lequel le dem andeur, après avoir forme une d e
mande , s’en départ en justice c’est celui par lequel le
défendeur, après avoir contesté la prétention, y acquiesce
et l’approuve en jugement.
Ces contrats ont une grande force , parce qu’ ils ont
une grande solennité ; ils sont au-dessus des contrats
ordinaires : c ’est en f a c e m ê m e de la ju s t i c e , q u e cette
espèce de contrat reçoit sa perfection ; de ses juges on
en fait ses témoins. D e sorte que ces engageinens qui ont
été ordinairement préparés par de mûres réflexions, par
l ’avis de ses con seils, sont bien supérieurs aux transac
tions qui se font hors la présence de la justice.
D e tels contrats ne sont pas susceptibles d’examen ; les
jugemens qui interviennent ne peuvent être attaqués par
aucune voie : tout est irrévocablem ent consommé.
O r , pourroit-on reconnoître à cette définition l e s actes
qui ont eu lieu entre les parties; et où a-t-on trouve
qu’il y avoit entr’elles un contrat judiciaire? Ia justice
a~t-elle sanctionné des actes e x t r a judiciaires et fu g itifs?
C 2
�C 20 )
L a dame de M ariol fait une enchère ; elle en a le
droit dès qu’elle se suppose créancière : mais cette dé
marche entraîne des conséquences bien graves; elle tend
à la ruine du vendeur, qui doit une garantie pleine et
entière à l’acquéreur.
Une expropriation auroit encore des suites plus fu
nestes. Que fait le sieur Brechet? il offre de désintéresser
la dame M ariol; de lui payer le montant de ses créances
' lorsqu’elle les aura fait connoître : mais le sieur Brechet
ne doit pas les payer à l’aveugle ; il ne peut contracter
hors la présence de son vendeur, à qui il a déjà dénoncé
cette enchère un mois auparavant.
Il faut que la dame de M ariol justifie de scs titres- il
le demande; il l’exige : il faut qu’elle établisse la légi
timité de ses créances ; rien de plus juste.
Q u ’im porte, si l’on veu t, que la dame M ariol ait pris
une inscription; qu’elle ait énoncé dans cet acte purement
conservatoire, des créances réelles ou imaginaires! elle
a été maîtresse de sa cause, de la f i x a t i o n : i l n’y a rien
de contradictoire avec les parties intéressées; et ce seroit
se compromettre bien gauchem ent, que d’aller payer
sans aucune discussion, tout ce qu’il plairoit à la dame
de M ariol de demander.
II est extraordinaire d’entendre dire à la dame de
M a r io l, que le sieur Brechet avoit connoissance du re
le v é des inscriptions de la dame de M a rio l, contre la
dame du Sauvage , et que ce relevé se portoit à une
somme de 160407 francs.
O11 ne voit pas trop où elle veut en ven ir, lorsqu’elle
énonce celte proposition; voudrai t-elle prétendre que lp>
�( 21 )
sieur B rechet, d’après cette connoissance, a dû complet
bien vite cette somme de 160407 francs? Cependant elle
ne lui demande que 30000 fr. d’ une p a rt, et 6000 fx.
de l’autre; p lu s, les frais d’impression de ses affiches.
Ce n’est que long-temps après, que par une demande
incidente, et par un agréable sou ven ir, elle réclamé
encore une somme de 10000 fr ., montant de 1 obligation
souscrite par sa mère.
C om m ent, avec de semblables variantes, pourroit-elle
supposer qu’il y a un contrat judiciaire? Il faut lui rendie
justice : quoique la dame M ariol ait fait un paiabiap
p a rticu lier sur ce contrat, elle n’insiste que foiblem ent,
il lu i -paraît seulem ent que le contrat^ jüdiciahe etoit
form é ; et un arrêt de la cour su p rêm e, du 23 avr^
1807, l’a , suivant e lle , formellement décidé. Cependant
quand on examine bien cet arrêt, on voit qu’il a jugé
tout autre chose : d’abord , c’est un arrêt dé rejet, qui
dès-lors ne juge rien ; mais il confirme un arrêt de la
cour de T o u lo u se , qui a décidé que la dame G a y ra l,
créancière inscrite, pouvoit aller en avant sur son en
chère, m algré les offres postérieures de d’ A u b ern ad , de
payer les créances inscrites, s a u f discussion.
O r , ce n’est pas là du tout la question qui nous oc
cupe. E n effet, si la dame M a rio l, nonobstant les offres
du sieur B re clie t, avoit refusé de se départir de son
en ch è re , qu’elle eût demandé la continuation de ses
poursuites, et qu’il fût procédé à l’exp rop riatio n , elle
auroit eu un prétexte pour soutenir qu’ayànt reçu une
Notification comme créan cière, elle avoit le d r o i t d en
cliürir ? et ne vouloitp as nuire aux autres cicanciers;
�qu’on exam ineroit h l’ordre si ses créances étoient légi
tim es, etc.
,■
. V o ilà peut-être ce qu’elle auroit pu d ire; c’est alors
qu’elle auroit argumenté de l’arrêt du 2 3 avril 1807
non pour prouver que la : cour de Toulouse avoit bien
ju g é , mais pour établir qu’elle n’avoit violé aucunes lois.
M ais f4 ' présent que la -dame M ariol s’est départie de
son enchè re ; qu’il ne s’agit plus que de discuter sur le
jn é rite de ses créances, ou sur leur légitimité l’arrêt
de T o u lo u se, comme l’arrêt de cassation, deviennent
absolument étrangers à l’espèce.
E n un m o t, le sieur B recliet, qui a Une garant;e à
exercer contre sa venderesse, n’a. pu ni dû payer sans
ex a m en , sans le faire dire contradictoirement avec les
parties intéressées; s’il l’avoit fait sans aucune précaution
on lui répondroit avec raison qu’il a pris sur son compte
de payer ce qui n’étoit pas dû , et qu’il n’a dès-lors
aucun recours.
Cette proposition est d’une telle évidence, qu’il semble
.que toute la question se réduit à examiner le mérite des
créances réclamées par la dame. M ariol.
:
§.
11.
L a dame de M a rio l ne peut prétendre à aucun précipite
su r la succession maternelle.
P a r son contrat du 9 février 1.771, la dame de V illem ont^sa m ère, lui constitue une somme de 30000fr
Cette somme n’est payable qu’après le décès de la cons
tituante, et, suas, intérêts jusqu’à ce.
�( 23 )
Cette constitution n’emporte ni forclusion, ni renon
ciation. Si la mère vient à m ourir sans avoir fait d’autres
dispositions, la dame M ariol viendra à partage de sa
succession, sans même être obligée de rapporter la somme
de 30000 francs; m ais il sera libre à la dame de V illemont de faire telles dispositions que bon lui semblera,
même par testam ent, et de réduire la demoiselle future
à la dot de 30000 francs ci-dessus constituée , ou de
l ’instituer héritière , à la charge du rapport de cette
dot.
L a succession de la dame de "V illemont est ouverte
en l’an 4 , sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2.
L ’article 8 de cette loi veut que les eüfans, descendans
fet co llatérau x, ne puissent prendre part aux successions
de leurs pères et m ères, ascendans ou attires parens, sans
rapporter les donations qui leur ont été faites antérieu
rem ent, sans préjudice de l’exécution des coutumes qui
assujétissent les donations à ra p p o rt, même dans le cas
où les donataires renoncent à la succession du donateur ;
et la loi ajoute que cet article sera ob servé, nonobstant
toute dispense de rapport.
L a disposition de cette loi n’a pas été mécônr^ue de
la dame de M ariol. Elle sait aussi qu’en principe gé
néral toutes donations en ligne directe'sont sujeft.es à
rapport, à moins qu’elles-n’aient été faites eiï'précipiU.
M ais la dame de M ariol prétend que la disposition
rigoureuse de cette loi a été modifiée ou rétractée par
l ’article I er. de la loi du 18 pluviôse an 5 et que
d’ailleurs sa donation de 30000 fr. est faitë en précîput.1
Q ue porte cet article i 0r. de la loi du1 18 pluviôse
�( 24 )
an 5? il maintient tous prélèvem ens, préciputs, et autres
dispositions ir r é v o c a b le s de le u r n a t u r e , stipulées en ligne
directe avant La publication de la loi du 7 mars 1793.
O r c o m m e n t la dame M ariol prouvera-t-elle qu’il
ex iste* d an s so 11 c o n tr at un ,prélèvem ent de 30000 francs
ir r é v o c a b le de sa nature ? Il n’y a pas une expression
qui ne p r o u v e au contraire la révocabilité. La dame de
Villem ont ne manifeste aucune volonté certaine; tout
dépend de sa fantaisie, de son caprice ou de son affection:
elle peut laisser sa fille avec cette som m e, sans qu’elle
prétendre autre chose; elle se réserve le droit de
lu i donner cette somme en préciput, si bon lui semble,
de l’instituer h éritière, s’il lui plaît, avec ou sans rapport
de sa dot. C ’est bien l à , sans contredit, l’analise exacte
de cette stipulation, aussi mobile que le papillon diurne.
L a dame M ariol espère, et ne tient rien ; on peut tout
p
u
i s s e
lui ôter, comme on peut tout lui laisser; et elle vient
dire qu’elle-est irrévocablement saisie, lorsque son sort
dépend d’ un seul m o t; lorsque sa ;mère seréserve une
pleine et entière liberté dé faire tout lè contraire de ce
q u ’elle laisse espérer.
•; •
î i ’est-il pas au contraire évident que; jamais clause ne
fut plus incertaine; que tout dépendait, non pas d’un évé
n e m en t ,.n o n pas.d ’une simple condition, mais du plus
léger chiingement de volo'nté.
E lle prétend qu’il s’est élevé une très-grande contro
verse sur ce point : mais c’est une bien grande erreur.
L a seule question qui ait divisé les jurisconsultes, étoit
celle de savoir s i, lorsqu’une disposition universelle étoit
faite à la charge d’associer un tiers, la portion revenante
�'
(
2
5
)
à ce tiers devoit faire partie de la succession ah intestat;
on soutenoit d ’un côté qu’elle tom boit dans la succession
ah intestat, parce que la charge d’associer étoit i*évocable
à volon té; d’autres, avec plus de raison, pensoient que
la révocabilité de l’association né’-pouvoit avoir lieu
qu’au profit du donataire déjà saisi du bien universel;
que cette charge d’associer étoit une simple condition, et
non une disposition; que dès-lors l’associé étoit saisi; et
ce dernier système a prévalu. L a cour d’appel l’a ainsi
décidé par ses arrêts.
M ais autrem ent, toutes les fois que le disposant ne
s’est pas dépouillé ; toutes les fois qu’il a pu donner ù
un autre ce qu’il prom ettoit au prem ier conditionnel
lement , on a décidé avec raison qu’il n’y avoit aucune
disposition irrévocable.
L a dame M ariol n’est pas heureuse dans l’application
de ses arrêts de la cour de cassation ; les trois arrêts
qu’elle rappelle n’ont pas em pêché que la cour n’ait
jugé tout le contraire dans la cause du sieur Gardet de
V a yre.
Mais l ’appelante ne veut pas faire attention , ou se
dissimule à elle-m êm e, que dans l ’espèce de ces trois
arrêts, il s’agissoit seulement d’un droit d’élection confié
à un tiers; et q u e , dans ces trois cas, la succession du
disposant étoit ouverte antérieurement à la loi du 17
nivôse, et même à la loi du 7 mars 1 7 9 3 , qui défendoit
toute disposition en ligne directe.
A lo rs on a dû dire que la loi du 17 nivôse ne pouvoit
àvoir d’effet qu’à compter de sa publication ; q ue tout
ce qui étoit antérieur étoit hors de son domaine ; qu’elle
D
�(26)
ne pouvoit régler les successions ouvertes avant qu’elle
fût prom ulguée; et voilà le principe consacré par la loi
du 18 pluviôse an 5. '
• Aussi ou pourroit écouter la dame M ariol, si la dame
sa m ère étoit morte avant le 7 mars 1793 ; il seroit
raisonnable alors de soutenir que la dame V illem on t
étant décédée sans faire d’autres dispositions, la dame sa
fille peut user de la disposition contenue en son contrat
de mariage.
r , (j .
Mais vouloir le soutenir ainsi, pour une-succession
ouverte en l’an 4 , soùs l’empire d’une loi prohibitive
et x*igoureuse, il faut absolument effacer l’article 8 de la
lo i du 17 nivôse an 2 ; il faut vouloir contester l’évi
dence , et aller jusqu’à prétendre que cette loi n’a aucun
e ffe t, pas môme à com pter de sa publication.
Il faudroit encore effacer la loi du 9 fructidor an 3 ,
celle du 3 vendémiaire an 4 , et morne celle du 18 plu
viôse an 5 , art. 9 , 10 et 1 1 , qui veulent impérativement
que la loi du 8 avril 17 9 1, celles des 4 janvier et 7 mars
17 9 3 , celles des 5 brum aire et 17 nivôse an 2 , soient
exécutées à com pter de leur publication.
. E t ne peut-on pas observer encore à la dame M ariol
qu’elle passe bien légèrem ent sur l’article,2 de la loi du 18
pluviôse? Il est singulier qu’elle n’ait parlé que de l ’article
I er. ; le ac. est cependant assez essentiel : il vcut que jcs
réserves dont il n’a pas été irrévocablement disposé
fassent partie de la succession ab in testa t, et appar
tiennent aux h éritiers, autres que les .donataires ou hé
ritiers institues.
O r , on ne contestera pas sans doute qu’il u»y ait c|ims
�(
27 )
le contrat de 1771 une réserve de la dame d e \ illemont,
de disposer de tout le surplus de sa succession ; et dans
ce cas, la dame M ariol est bien au moins donataire de
la somme de 30000 francs. Q u’elle nous explique main
tenant, com m ent, avec cette qualité de donataire, elle
pourroit prendre part à la ré se rv e , sans rapporter sa
donation !
Ce n’est pas avec plus d’adresse que la dame de M ario
veut argumenter de l’arrêt rendu en faveur des enfans
de sa sœur : elle feint d’ignorer la différence qui se tiouve
entre sa sœur et elle. L a dame R ibeyre n étoit pas ie
CUî** au
A
ritière; elle ne venoit pas à la succession de sa m c ie ,
elle réclamoit un supplément de dot éventuel, et il a 01^
bien le lui donner : mais si elle fût venue à la succession
de la dame de V ille m o n t, point de doute q u elle auioit
rapporté sÔooo francs , et qu’elle n’auroit pas eu les
10000 francs de supplément j il n’y a donc aucune parité
entre les deux causes.
Si on considère enfin que la dame M ariol s’est jugée
elle-m êm e*, qu’elle a resté liuit ans sans reclamer ce
prétendu prélèvem ent; qu’elle est venue à partage de la
succession de sa m ère, sans rien demander et sans se faire
aucune ré se rv e , il demeurera pour constant qu elle est-
absolument non recevable.
O s e r a -t-e lle dire que ce partage n’est p a s définitif?
t. -Ota*
n.»*
elle ne le montre pas; elle n’en a qu’ un extrait dans ses
&-Vfu}waê—jK. .Asie/
pièces. M ais peut-on concevoir un partage provision»^
»
jf&zï ctr* l*4
entre majeurs ? Il peut y avoir quelques objets om|S 5 ce
crt*<&tUL>
qui ne donnerait pas lieu à un nouveau partage .
... 1
quand il ne serait que p ro visio n n el, la dame
ario )__ . _ /!$*&//
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X^er/u^fun\
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*
rti.vvil. i/ucr (t‘ ■Ÿî.itirr&t
/fTjtr/
�( *8 )
peut-elle se flatter dû faire croire que lorsqu’elle partage
l’objet le plus im p o rtan t, le seul immeuble de la suc
cession, elle auroit négligé de faire connoître ses pré
tentions ou ses droits à un prélèvem ent considérable V
Non • on doit même penser que la dame de M ariol a
trop ’de délicatesse pour insister davantage sur une de
mande exagérée : elle se lassera de courir après une ombre
ne p o u r r o i t jamais saisir.
O n terminera par rappeler à 1« dame de M ariol qu’il
existe un testament et un codicile de la dame de V illemont reçu C oste, notaire à Besum ont; que dans ces
actes la dame Villem ont a manifeste ses volontés; qu’elle
a o r d o n n é que ses enfaus fussent héritiers par égalité ; et
si ces actes, 'qui contiennent d’autres le g s , ne sont pas
légalem ent obligatoires, ils le sont au moins dans le foiintérieur : la dame de M ariol ne devroit-elle pas surtout
q u ’e l l e
respecter les dernières volontés de sa. m ère?
-§• I 11Jjds créances réclamées -parla dame M a riol'son t f r a u
duleuses ei nulles. :
i
r
^ , ^ 0 T o c t ;,r e s de la dame M ariol consistent,
Qe A*
-LiCS IHl^
r. (
'
)
,o F n une obligation de la somme de 10000 Irancs,
r
U i . -i. .fin. «y«./' W r i t e par la dame sa m ere le 23 février «793 ;
ÿr'&.*.-Y*o/0-2°. En unc obligation de 6000 fr-., en date du 7 praitiÛ tûu A A an t t , souscrite par la dame V é n y ' femme séparée,
W
- • '*
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»“ * W e n 8 > d u s!eur d u S a u v a g c ‘ ,
O n va discuter le m ente de chacune dans son ordre.
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^ e / j / « J f a Î L ^ t ^ L p s C \<Joco>f* , M \
f
l our 1 obligation de la m ere, on suspecte aisément des
titres de ce g en re , et de simples présomptions suffisentu
pour les anéantir. Il en coûte si peu d’arracher à la facilité
ou à la foiblesse une obligation payable dans d ix aj?s :
le terme est un peu lo n g , et le bon Lafontaine l’avoit
remarqué dans une ingénieuse allégorie. Mais la justice
doit empêcher les fraudes et les donations déguisées; parce
que, comme le dit judicieusement L eb ru n , il faut défendre
le plus ce qui arriverait le plus souvent.
O r , quand on considère que cette obligation est causée
pour prêts fa its en divers temps par la dame de M a rio l,
sans autre explication , sans préciser en aucune manière
ni les époques, ni les sommes, il est difficile de se per
suader qu’on ait fait un compte bien e x a c t, et que la
dame de M ariol ait prêté jusqu’à concurrence de 8ooo fr.
sans b ille ts, sans notes et sans précaution.
O n doit s’étonner davantage que par traité du 20 mars
1793 5 dame M ariol et son frère se reconnoissent dé
biteurs d’une somme de 62000 francs envers la dame de
V illem ont ; qu’en payement de cette somme le frère et
la sœur se chargent de 56ooo francs de dettes envers les
créanciers de la m ère, s’obligent de lui payer le surplus;
et que la dame de M ariol n’ait proposé aucune déduction
du montant de l’obligation, qui étoit cependant de fraîche
date.
t a*«*?
'Z'
Ce n’est pas tout encore; la dame de M ariol traite avec 'X edvw ¿ 6 ^ Æ
ses cohéritiers, fait avec eux le partage des biens : c’étoit
$.e.-¿â
encore le moment de parler de cette obligation; elJtf n’en
dit rien ; elle ne parle pas même de la somme de 2,000 fr.
promise par la dame de M ontrodès.
�A
/.
( 3° )
td buul S A * J
S
L orsqu’elle veut form er un contrat judiciaire avec le
un J* <«.c - b t r Ç d j sieur Brechet, qu’elle lui donne le montant de ses créances
t^
'^
^
ïliw int*1 / avec tant de d(:’tailsi elle Sarde encore ce titre pour une
(l
[ m eilleure occasion.
cr o*t trouver Ie moment opportun; elle forme
W * * / ?
mie demande incidente pour cet objet, dont elle n’avoit
rien dit au bureau de paix en présence de son frère, de
sa sœ ur, de ses neveux.
L a dame de M ariol p eu t-elle espérer quelque succès
dans cette démarche tardive? On a releve toutes ces cir
constances sans vouloir la blesser : mais le sieur Brechet
n’a pas besoin de s’appesantir davantage sur ce point. Les
héritiers du sieur V é n y de T h e i x , neveux de la dame
M a r io l, sont en cause; ils viennent demander justice :
ils diront ;\ leur tante que sans doute elle n’auroit pas
la cruauté d’arracher à des orphelins le dernier morceau
de pain qui leur reste ; qu’ils lui appartiennent d’assez
•
..
près pour qu’elle dût avoir quelques ménagemens ; et
la discussion de cette partie de la cause leur est exclu
sivement attribuée. Ce qui reste à dire au sieur Brechet,
c’est que la dame du Sauvage, dont il est acquéreur, ne
devroit elle-m ôm e qu’ une très-p etite partie de cette
s o m m e , en supposant l’obligation sincère ; elle n’en seroit tenue que dans la proportion de son amendement,
et entre cohéritiers ils ne sont tenus que personnelle• m ent, pour leur part : l’action hypothécaire n’appartient
qu’aux créanciers , non aux cohéritiers.
O n en vient à l’obligation de 6000 francs, consentie
par la dame de V é n y , femme séparée, quant aux biens,
de J e a n -C h a rle s D unpyer du Sauvage, et sans autori
sation de son mari»
�( 31 )
Pleuvent tout à coup les arrêts de la cour de cassation.
i° . Les obligations consenties parles femmes d’émigrés,
sans autorisation, sont valables. Il n’y a ici ci11 une diffi- <
culte qu’il sera impossible de vain cre, c’est que 1 obli
gation est de l’an n ; que le sieur du Sauvage, rentré (
depuis l’an 8 , a été réintégré dans tous ses droits par
le sénatus-consulte de l ’an io ; que dès-lors il n’y a plus
d’émigrés.
L ’article 217 du Code prononce la nullité des obliga
tions souscrites par les femmes sans autorisation de leius
maris.
L ’article 225 dit que celte nullité peut etre relevee
par la fem m e; mais il n’y a que la femme seule, et ex
clusivement , qui ait le droit de relever cette nullité ,
dit la dame de M ariol. Les créanciers de la fem m e, qui
ont une garantie à exercer contr’elle, qui par conséquent
peuvent exercer tous les droits de leur débitrice, n’ont
pas le droit d’exciper de cette nullité : donc la femme
sans autorisation, peut avec im punité, et en fraude de
ses créanciers, consentir des obligations de toutes parts,
conférer des hypothèques au préjudice de ceux qui àuroient des droits antérieurs, ruiner des pères de fam ille,
se jouer de leurs engagemens, etc. V o ilà les conséquences
qui résultent de ce système ; et ce n’est pas sérieusement
sans doute que la dame de M ariol l’a proposé. Les lois
Quœ in fraudent creditorur/i, dont les dispositions sont
répétées dans le Code N apoléon, seroient donc vaines
et illusoires.
M ais lors de cette obligation, la l o i , ou la pa l^e
Code relative aux hypothèques, n’étoit pas prom ulguée;
�(3 0
o r , d’après la loi du n brum aire an 7 , on ne connoissoit point de vente sans transcription; la transmission
de la propriété ne s’opéroit que par la transcription ;
elle étoit le com plém ent de la vente qui jusque-là ne
pouvoit être opposée à des tiers : plusieurs arrêts de
la cour de cassation l’ont ainsi juge.
O n en con vien t; on ne trouvoit peut-être pas dans la
lo i, que la transmission de la propriété ne s’opéroit que
par la transcription ; il étoit peut-etre raisonnable de
penser que la transcription n’avoit d’autre objet que de
purger les hypothèques; la loi n’entendoit vraisembla
blement par les tie r s , que les créanciers qui venoient
par ordre d’hypothèque. L e Code-Napoléon l’a dit bientôt
après : cependant on jugeoit tout autrement. E t qu’im
porte le défaut de transcription , si l’obligation est nulle.
La dame M a r io l, en proposant cette objection , auroit
peut-être bien quelques petits reproches à se faire ; car
si le sieur Brechet a acquis, c’est elle qui l’a sollicité ;
s’il n’a pas transcrit, c’est encore pour l’obliger, et éviter
des frais de notification qui auroient réveillé bien du
monde : mais enfin, qu’a de commun le défaut de trans
cription avec la nullité de l’obligation ? c’est ce qu’on
cherche à deviner.
O n demandera encore à la dame de M ariol pourquoi,
dans son m ém o ire, elle glisse si légèrement sur la dé
légation contenue en cette obligation , et ne dénom m e
pas les débiteurs délégués; ils sont cependant bien connus:
c’étoit la dame D alagnat, et la dame de C o rm eret, sa
sœur. O r , 1g sieur Brechet a la certitude que ces dames
ont fait acquitter toutes les dettes de la dame deFreydefon,
leur
�( 33 )
leur mère : la dame de M ariol a donc été payée de s i
créance; et que signifierait alors le défaut de transcription?
E t quand le sieur Brechet n’auroit pas transcrit , la
dame M ariol persuadera-t-elle à qui que ce soit, qu une
obligation de l’an 11 lui donne des droits sur une vente
faite en l’an 9 ; que sa sœur a voulu hypothéquer un bien
qui ne lui appartenoit plu s, et dont elle avoit reçu le
prix ? L a dame du Sauvage n’a pas fait mention de cette
propriété; elle ne l’a point affectée à la sûreté du payement
de l ’obligation; si elle l’eût fait, elle eût commis un stellionat : la dame M ariol, sa sœur, qui connoissoit la vente,
ne l’auroit pas exigé. Et quelle est donc aujourd hui son
inconséquence ( l’expression est modeste ) , d’oser venu
demander au sieur B re ch e t, acquéreur de la n 9 > le
payement d’une obligation souscrite par sa venderesse en
l’an 1 1 , parce que le sieur Brechet n’a pas fait transcrire
son contrat ?
L a dame M ariol n’a pas senti l’inconvenance de sa
demande; un seul instant de réflexion l’en fera départir;
et ses amis doivent lui en donner le conseil.
§•
IV .
L a dame M a r io l, dans tous les ca s, ri à point d'hypo
thèque sur le bien vendu en Van 9 au sieur Brechet.
P o u r démontrer cette proposition , il est essentiel de
rappeler la clause qui termine l’obligation de la dame
du Sauvage.
a A u payement du prêt ci-dessus, la daine du Sau\ agi,
E
�«
«
«
«
«
«
a obligé et affecté la portion qui peut lui revenir des
biens des successions de la dame de M ontrodes, et du
sieur V é n y de V ille m o n t, son m ari, situés tant dans
l’arrondissement du bureau des hypothéqués de cette
ville (C le rm o n t), que dans celui de Riom , consistans
en bfitimens , prés , terres et vignes, »
A r t. 4 de la loi du n brumaire an y. « T ou te sti—
« pulation volontaire d’hypotlvcque doit indiquer la
« nature et la situation des immeubles hypothéqués-,
c< elle ne peut comprendre que des biens appartenons
« au débiteur lors de la stipulation. »
A r t. 2129 du Code Napoléon. « Il n’y a d’hypothèque
« conventionnelle valable que celle q u i, soit dans le titre
« authentique constitutif de la créance, soit dans un acte
« authentique postérieur, déclare spécialement la nature
« et la situation de chacun des immeubles actuellement
« appartenons au débiteur, sur lesquels il consent l ’h y« polhèque de la créance. »
A v ec deux lois aussi précises, on ne trouvera point
dans l’obligation d’hypothèque valable : une désignation
va «me et générale ne remplit pas le but de la loi. Comment
le créancier pourroit-il connoître les immeubles qui lui
sont affectés, lorsqu’on se contente de lui donner des
biens situés dans les arrondissemens de Clermont et de
R io m ? n’est-ce pas un inconnu qu’il faut chercher dans
un espace indéfini?
L a loi ne rcconnoît plus d’hypothèque générale ,
q u ’a u t a n t qu’elle résulte d’un jugement; et lorsqu’ il s’agit
d’une liyPolll£iCi lie conventionnelle, il faut qu’elle soit
spéciale, c’est-à-dire, circonscrite, déterm inée, avec la
�( 35)
désignation de chaque o b jet, de sa nature et de sa si
tuation.
Il faut que l’objet hypothéqué appartienne actuellement
au débiteur : o r, la dame du Sauvage étoit dépouillée
depuis deux ans de l’immeuble vendu par elle au sieur
Brechet.
La transcription n’étoit pas nécessaire relativement a
la veuderesse; il y a voit de sa part tradition réelle; elle
ne pouvoit donc plus H yp o th éq u er sans se rendre cou
pable d’un délit grave, sans s’exposer a la contrainte par
corps.
E t croira-t-on jamais qu’ une loi- ait v o u lu ,'o n ne
dit pas to lérer, mais organiser, créer, autoriser un stellion at? Comment vou d roit-on abuser d’une affectation
générale, lorsque la loi exige une désignation plus ex
presse ?
La co u r, par un arrêt récen t, du 17 mars 1808, a
jugé en thèse qu’il n’y avoit d’hypothèque spéciale qu’au
tant cju’on avoit désigné d’une manière précise les im
meubles , leur n atu re, et le lieu de leur situation. Cet
arrêt, rendu en très-grande connoissance de cause, est
d’autant plus remarquable q u e , dans l’espèce de la cause,
on avoit alfecté les immeubles appartenans au débiteur
dans une commune dénommée ; ce qui faisoit incliner à
penser que l ’hypothèque étoit spéciale, parce que le dé
biteur pouvoit avoir des propriétés dans toute autre com
mune.
Mais la loi est tellement expresse, tellement limitat*v e >
que les magistrats ne crurent pas devoir s’en écarter.
�( 36 )
m algré les circonstances qui se présento ient en faveur
du créancier.
Ici rien de favorable à la dame de M ariol : elle connoissoit la vente faite au sieur Brechet; elle savoit que
sa sœur s’étoit dépouillée de cette propriété ; elle n’a
donc pas entendu la comprendre dans la stipulation d 'h y
pothèque insérée en son obligation.
E h ! on ne doit pas le dissimuler, la dame de M ariol
est aveuglée dans sa propre cause ; ce ne peut pas être
une ressource pour elle : ses démarches sont in c o n s i
dérées , ses prétentions téméraires ; son insistance ne
feroit point honneur à sa délicatesse; et l’opinion publique
qui dans son pays proscrivoit, condamnoit sa prétention
a dû influer sur ses juges naturels, et la suivra jusqu’en
la cour.
M e, P A G E S (de R io m ), ancien avocat.
-
M e. T A R D 1 F , avoué licencié.
A R I O M de l’imprimerie de Thidaud-Landriot , imprimeur
. d e l a c o u r d’appel. —Avril 1808. ‘
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bréchet, Antoine. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Tardif
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour sieur Antoine Bréchet ancien chef d'escadron, habitant de la ville de Clermont, intimé ; Contre dame Jeanne-Françoise de Vény, veuve du sieur Sicaud de Mariol, habitante de la même ville, appelante d'un jugement rendu au tribunal d'arrondissement de Clermont, le 15 août 1807 ; en présence de dame Marie Avelin, veuve du sieur Vény de Theix, tutrice légale de demoiselle Anne-Françoise-Jeanne de Vény, sa fille ; et de dame Françoise Véthizon-Vény, fille adoptive du sieur Veny de Theix, et du sieur Jean-Baptiste Devèze, son mari : tous intimés.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1788-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0504
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Theix (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53815/BCU_Factums_M0504.jpg
avancement d'hoirie
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53329/BCU_Factums_G1802.pdf
a7cd03188ce6c67eacf6dd76a9ee7c5f
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Text
REPONSE
Des Sr. et Dme. DE LA ROQUE DE MONS,
intimés,
AU M É M O I R E
D e s sieur et dame H I L L I A R D , cotuteurs de la
demoiselle D u m o n t , appelans.
sieur et dame de la Roque exercent des droits
consacrés par la nature et les lois ; et si leur réclamation
contrarioit les sieur et dame H illiard, ils ne devoient la
discuter qu’avec calme et décence : ils eussent peut-être
persuadé alors qu’ils croyoient avoir une bonne cause,
et qu’elle pouvoit se passer de personnalités et de décla
mations. Mais ce n’est point là le plan qu’ont voulu suivre
L
ES
A
�( o
les sieur et dame Plilliard. Les personnalités leur ont paru
devoir tenir le premier rang dans leur défense *, les
moindres circonstances leur ont paru de grands moyens;
et s’il falloit les suivre pas à pas, il faudroit écrire pour
les voisins et les voisines, qui seroient peut-être fort en
état de juger une partie des faits articulés, et de les dé
m entir, plutôt que pour la cour qui n’a qu’une simple
question de droit ù juger.
A insi, pour être entendu de la cour, il suffit de mettre
sous les yeux les expressions même des.'actes qui cons
tituent le litige.
F A I T S .
L e sieur Jean D u m o n t, et la dame Procule P itat,
eurent de leur mariage trois enfanS , M arie, épouse du
sieur de V aure, M arguerite, mère de la dame delà Roque,
et A n d ré , père de l’appelante. .Les filles furent mariées
à- l ’âge de dix-sept ans.
'
L e contrat de la dame de V a u r e , en date du 19 no
vembre 17 7 5 , contient ce qui suit :
« En faveur du m ariage, les sieur et dame Dumont
« ont institué la demoiselle future, leur fille, leur hé« xùtière par égale portion* avec les autres enfans qu’ils
« auront au jour de leur décès, de tous les biens dont
« ils mourront vêtus et saisis, sous la réserve expresse
« qu’ils se font de la terre de M ont, consistante e n . . . . .
« avec les bestiaux qui pourroient la garnir , jusqu’à
« concurrence de 5ooo livres, ensemble tous les vaisseaux
«- vinaircs} ainsi que les meubles meublans . . . . . , ar-
�( 3 )
geiHerie, en l’état que le tout se trouvera au décès du
dernier mourant ; en outre la somme de 6000 livides
que lesdits sieur et dame Dumont se proposent d’em
ployer en acquisition de fonds, cens et devoirs, pour
être annexés à ladite terre, et en faire partie, pour,
par lesdits sieur et dame D u m o n t, ou le survivant
d’eux, disposer de ladite terre au profit de tels de leurs
enfans .qu’ils jugeront à propos, même de la future,
par quelqu’acte que ce s o it, d’entre-vifs ou à cause de
m ort, sous signatures privées ou par-devant notaire;
dans laquelle réserve les sieur et dame D um ont, père
et mère de la future, entendent être comprises toutes
constructions nouvelles : et dans le cas de non dispo
sition de leur p a rt, ladite terre de M o n t , avec les
bestiaux qui se trouveront la garnir, jusqu’à concur
rence de ladite somme de 5ooo francs, les vaisseaux
vinaires, meubles meublans, lin ge, batterie de cuisine
et argenterie, en l’état que le tout se trouvera, ap
partiendront à André D um ont, leur fils, lequel en
demeurera précipué, ainsi que des annexes qui auront
été faites à ladite terre , jusqu’à concurrence des
6000 livres; ladite institution faite sous ladite réserve,
et à condition de ladite disposition, et encore à la
charge , par la fu tu re, de laisser jouir le survivant
des père et m ère, de la portion qui lui seroit revenue
dans les biens du prédécédé : sans toutes lesquelles
charges, clauses et conditions, ladite institution n’auroit
été faite , et la future auroit été apanée moyennant
« la dot qui va lui être constituée. »
En avancement de leur future succession , lesdits
A a
�(4)
sieur et dame Dumont ont constitué en dot à la future
la somme de 30000 livres, et 10000 livres de bien paraphernal. L a disposition est terminée ainsi : « Sera
. «. néanmoins tenue ladite demoiselle future, de rapporter
« tant ladite somme de 10000 livres à elle donnée pour
« lui tenir lieu de bien paraphernal, que celle de 300001.
« à elle aussi donnée en avancement d’hoirie, pourvu
« que le payement en ait été fait lors de l’ouverture
« des successions des sieur et dame ses père et m ère,
« ou de moins prendre dans lesdites successions. »
Chaque fois que les sieur et dame Hilliard ont rap
porté les stipulations de ce contrat de m ariage, ils se
sont arrêtés après ces mots : en avancement de leur
fu tu r e succession, lesdits sieur et dame D um ont ont
constitué en dot j cl la, demoiselle ¿future , la somme
de 30000 livres. Ils ont affecté d’omettre la dernière
clause, qui caractérise de la manière la plus précise la
constitution faite à la future, et explique que les 100001.
sont un bien paraphernal; que les 30000 ne sont pas
une constitution dotale, mais un* avancement d’hoirie ;
que la future est tenue de rapporter le to u t, lors de
l’ouverture des successions de ses père et mère.
La mère de la dame de la Roque se maria le 10 fé
vrier 1777? avec le sieur Grellet de Beauregard. On lit
dans leur contrat que : « Dans l’esprit du contrat de
« mariage de demoiselle Marie Dumont, lcur= fille aînée,
« avec M. Joseph Rabusson de Vaure , passé devant
« R o llat, notaire, le 19 novembre 1 7 7 5 , les sieur et
« dame Dumont ont institué la demoiselle future leur
« héritière par égale portion avec les autres enfans<
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
.
[
5
3
qu’ils auront au jour de leur décès, de tous les biens
dont ils mourront vêtus et saisis, sous la réserve expresse qu’ils se font de la terre de M o n t, telle qu’elle
est expliquée au contrat sus-daté, ensemble des autres
objets qui y sont détaillés, et de la somme de 6000 1.
dont il est parlé , p o u r, par lesdits sieur et dame
D um ont, ou le survivant d’e u x , dans les termes du
même contrat, disposer de ladite réserve au profit
de tels de leurs enfans, même de la future, par les
moyens et de la manière expliquée audit conti’at.
« Cette institution faite, en outre, aux mêmes charges
« que celles expliquées audit contrat; et en avancement
« de leur future succession, lesdits sieur et dame D u « mont ont constitué, etc., etc. » L a future est obligée
au rapport de tout ce qu’elle aura reçu. Il est bien exprimé
dans ce contrat que les sieur et dame Dumont se sont
réservé la terre de M ont avec les accessoires, pour en
disposer en faveur de tels de leurs enfans qu’ils jugeront
à propos ; mais ils ne disent pas qu’à défaut de dispo
sition, elle appartiendra par préciput à André D um ont,
et que sans cette disposition, ils auroient apané la
future : ce qui donne lieu de penser que leur volonté
n’étoit plus la m êm e, ou qu’ils craignoient que le ma
riage n’eût pas lieu si l’on pouvoit supposer que l’ins
titution de la future ne fût que conditionnelle.
En vain les adversaires prétendent - ils que ces mots ,
dans les term es, renferment les dispositions irritantes
par l e s q u e l l e s ils voudroient repousser les filles des sieur
et dame Dumont. 11 est de principe que les prohibitions,
de même que les peines, ne s’étendent pas au-delà des
�( 6 )
cas exprimes ce qui n’a été interdit qu’à une personne,
ne peut, par induction, être regardé comme interdit
à une autre. La disposition de la terre de Mont
étoit un objet assez important, pour qu’il fallût en faire
mention expresse dans le contrat de mariage de la dame
de Beau regard, si les père et mère vouloient qu’elle ap
partînt à André D um ont, en vertu de ce contrat. L ’institutiou de la mère de la dame de la Roque ne peut
être conditionnelle, lorsqu’il n’a été stipulé aucune con
dition dans son contrat ; le mot charges ne se rapporte
qu’à l’usufruit des biens du prédécédé, réservé en faveur
du survivant des père et mère : les contrats de bienfai
sance sont de droit étroit, tout y est de rigueur. Les
actes des 19 novembre 17 7 5 , et 10 février 17 7 7 , sont
des traités passés entre des familles différentes : les obli
gations de l’une sont étrangères à. l’autre.
ga
Marguerite D u m on t mourut le 8 avril 1783, huit jours
après avoir donné naissance à la dame de la Roque. La
dame Dumont ne survécut à sa fille qu’environ six mois:
• elle étoit commune en biens avec son mari ; il en con
serva la possession comme chef de la communauté, qui
se continua avec ses enfans.
André Dumont se maria en 1789. Il est dit dans son
« contrat: En faveur du présent mariage, le sieur Dumont
« père a institué et institue son fils, par égales portions avec
« ses deux sœurs, épouses de M M . Rabusson de Vaure
« et Grellet de Beauregard , de tous les biens meubles
« et immeubles dont il mourra vêtu et saisi ; et comme
« par le contrat de mariage de dame Marie Dumont ,
« épouse dudit Rabusson de V a u re, ledit sieur Dumont
�(7)
père, et ladite défunte Procule P itat, son épouse,
s’étoient conjointement réservé, même au survivant
d’eu x , la faculté de disposer au profit de tels de leurs
enfans qu’ils jugeroient à propos, et par tel acte que
bon leur semblerait, de la terredeM ont, consistante, ..
et en cas de non disposition desdits objets du vivant
desdits. sieur et dame Dumont , ils appartiendront
en toute propriété, et à titre de préciput, audit sieur
futur ép o u x, ainsi que les annexes qui auroient été
faites à ladite terre, jusqu’à concurrence de la somme
de 6000 francs.
« Et
mme ladite dame Pitat est décédée sans avoir
manifesté scs intentions à l’<5garcL de la réserve ci-dessus
désignée, ledit sieur Dumont père, usant de la faculté
de pouvoir disposer de là totalité desdites réserves,
déclare qu’il dispose, à titre de préciput, au prolit
dudit sieur futur époux, tant de ladite terre de M on t,
circonstances et dépendances d’icelle, que de tous les
autres objets ci-dessus spécifiés, et tel que le tout est
désigné et spécifié en ladite réserve portée au contrat
de mariage ci-dessus d até, des sieur et dame Rabusson
de Vaure ; p ou r, par ledit sieur futur, faire le prélè
vement et entrer en jouissance de ladite terre de M ont,
et de tous les autres objets compris en la présente dis
position , immédiatement après le décès dudit sieur
Dum ont; sous la réserve que se fait ledit sieur Dumont
p è re , de la somme de 30000 francs, à -prendre sur
ladite terre de M ont / pour en disposer en faveur de
' tels de ses enfans ou petits-enfans qu’il jugera à propos,
même en faveur dudit sieur futur, par tel acte d’entre-
�«f
«
«
ce
«
«
«
«
«
(
8
)
.
vifs, à cause de m ort, ou sous signatures privées, que bon
lui semblera ; et de suite ledit sieur Dum ont, en faveur
dudit mariage , a disposé et dispose en faveur dudit
sieur futur é p o u x , sur la susdite somme de 30000 fr.
réservée, de celle de 10000 francs ; de laquelle ledit
sieur son père se charge de lui servir l’intérêt au taux
de l’ordonnance, sans aucune retenue , jusqu’au remboursement, qu’il lui sera loisible de faire quand il
le jugera à propos.
« D e la même somme de 30000 livres, réservée par
« ledit sieur Dumont père, il a présentement disposé et
« dispose, en faveur de demoiselle Procule Grellet de
« Beauregard, sa petite-fille, fille de Jean-Baptiste Grellet
« de Beauregard, et de feue dame Marguerite D um ont,
« de la somme de 5ooo liv ., à prendre sur ladite réserve,
« payable après le décès dudit sieur Dumont père, seuec lem ent, par ledit sieur futur ép ou x, sans intérêts jus« qu’audit décès, après lequel ils auront cours au taux
« de l’ordonnance, jusqu’au remboursement, que ledit
« sieur futur sera tenu de faire dans deux ans du décès
« de son dit père; et dans le cas où ladite demoiselle
« Grellet, ou ses père et mère, contreviendraient direc
te tement ou indirectement à la disposition fa ite par ces
« présentes, de ladite terre de'M ont, en faveur du sieur
«f fu t u r ép o u x, la disposition de 5ooo livres, fa it e en
« fa v e u r de ladite demoiselle G rellet, sera et demeurera
k nulle et de nul e jfe t, et comme non fa ite ' pareille« ment, dans le cas où ledit sieur Dumont père ne dis—
« poseroit pas de son vivant des ï 5 ooo livres restantes
ft de la susdite somme réservée, elle demeurera réunie
« à
�( 9 )
« à ladite terre de M o n t, et appartiendra audit sieur
« futur époux, sous la réserve que ledit sieur Dumont
« père se fait de la jouissance, pendant sa v ie , de la
« susdite terre de M o n t, pour, après son décès, appar« tenir en toute propriété audit sieur futur époux et
« en avancement d’hoirie et de ladite institution, ledit
« sieur Dumont père a constitué en dot audit sieur futur
« la somme de.........etc., etc. »
Suivant la disposition de l’article 217 de la coutume
de Bourbonnais, sous l’empire de laquelle vivoient les
parties, la disposition de 5ooo francs, faite en faveur de
Procule G rellet, étoit nulle; la condition onéreuse dont
elle étoit grevée l’auroit aussi empêchée de l’accepter :
mais nu mois de brumaire an n , ie sieur D um ont,
présent au contrat de mariage de ladite Procule G rellet,
sa p e tite -fille, augmenta de 10000 francs l’avancement
d’hoirie promis à sa mère ; il stipula que 5ooo fr. seroient
rapportés au partage, et que les autres 5ooo non sujets
à rapport seroient payés sur la réserve qu’il s’étoit faite
en disposant de la tei’re de Mont.
A u mois de novembre i 8o 5 , le sieur Jean Dumont
décéda : c’étoit l’époque où ses enfans devoient faire
valoir leurs droits héréditaires. Les dames de Vaure et de
la R oque, après avoir fait examiner les contrats ci-dessus
cités, se sont empressées de déclarer qu’elles 11’entendoient pas contester à la demoiselle Anne Dum ont, fille
et unique héritiere d’André , la moitié de la terre de
M o n t, qui avoit appartenu au feu sieur Jean D u m o n t;
mais qu’elles se croyoient fondées à recueillir leur portion
dans l’autre m o itié, qui étoit la propriété de la dame
B
�( 1° )
Pitat, décédée avant le mariage d’André Dumont. Mères
de fam ille, et appelées par la nature et la loi au partage
égal de la succession de ladite dame Pitat, devoient-elles,
au préjudice de leurs propres enfans, abandonner à leur
cohéritière, qui recueillera les quatre sixièmes de cette
terre, la petite part que leur, attribue la coutume à
laquelle les parties étoient soumises ?
Les qualifications odieuses que les sieur et dame Hilliax-d
'ont données à la conduite des dames de Vaure et de la
R o q u e, et les inventives prodiguées dans le mémoire
!des adversaires, rejailliront sur leurs auteurs. Les sieur
et dame de la R oque, par attachement pour leur cousine
rgermaine, aimënt à se persuader qu’elle n’a aucune part
à cette indécente'diatribe.
;Lës tuteurs d e: mademoiselle ODumont troublent mal
% propos la cendre de son respectable aïeul, lorsqu’ils
disent qu’il l’a laissée dans l’abandon. On >trouverait les
preuves d’envois d’argent qu’il1lui a faits. Il est notoire*
daiis le pàj^s que quelques années avant sa mort, il la
fit venir d’une ville éloignée, où elle habitoit avec ses
tuteurs, auxquels il fit?passer pour les frais de voyage
et retour une somme plus!forte que celle qui étoit né'cessaire. Lorsque sa petite-fille partit, son trousseau étoit
bien différent de celui qu’elle avoit porté :,les autres
enfans du sieur Dumont auroient vu avec plaisir qu’il
eût fait davantage pour elle; mais-le désir de payer ses
dettes enchaînoit sa générosité.
Il n’est pas moins facile d’écarter le reproche que les
appelons font aux; dames de V a u re et de la R o qu e, sur
la conduite par elles tenue depuis le commencement du
�( II )
procès. A peine, disent-ils, la demande fut-elle formée,
qu’on vit les dames de Vaure et de la Roque poursuivre
l’audience avec une activité sans exemple, ü n croiroit
sur cette allégation que .lorsque, l’affaire'fut jugée, l’ac
tion étoit intentée depuis peu de jours : il s’étoit «coulé
une année entière ; on ne peut supposer qu’il ait été
employé des sollicitations pour obtenir, après un si long
temps, le jugement d’une affaire provisoire, en ce qu’elle
suspend le partage des successions des sieur et dame
•Dumont.
Les sieur et dame Hilliard se plaignent de ce qu’à
l’audience du 8 août, leur avocat ayant plaidé pendant
trois heures , les dames de Vaui-e-et de la Roque lais
sèrent obtenir un défaut; ils attribuent à des combinai
sons astucieuses, et à des manœuvres ténébreuses, une
chose fort simple. Il avoit été signifié, le 14 juillet pré
cédent, un écrit signé de M . Chabroud, intitulé : Notes
pour mademoiselle Dumont. Cet écrit fut envoyé aux
sieur et dame de la. R o q u e q u i' habitent le département
de la Creuse; ils l’avoient.fait.passer à leur conseil pour
y répondi-e;et leur avoué ayant reçu cette réponse peu
de jours avant le 8 août, n’avoit. pu se préparer à plai<der. L e sieur de V au re, qui avoit quelque répugnance
à plaider devant le tribunal dont il étoit membre, voyant
, que l’avoué des sieur et dame de la Roque 11’étoit pas
p r ê t , laissa prendre défaut.
Si le défenseur des sieur et damp Hilliard eût eu avec
ceux de- ses parties adverses d e s. communications ami
cales, ils l’eussent prévenu qu’il$. n e plaideraient pas à
cette audience. L ’avoué,des sieur et dame de la Roque
3 z
�( *4 )
clairem ent, dans le contrat de mariage d’André , son
fils; il y énonce les différens objets qui composoient la
réserve, et ne fait nulle mention des 6000 francs. Lorsqu’il
dit à la fin de sa disposition, que tous les objets énu
mérés appartiendront à André D um ont, il ajoute, ainsi
que les annexes qui auroient étéfaites à la terre de Mont,
ja sq u à concw'rence de 6000 francs. Lés titres d’acqui
sition et rachat de cens existoient alors; ces acquisitions
avoient été réunies à la terre de Mont : le sieur Dumont
vouloit qu’elles continuassent à en faire partie. Mais on
voit très-distinctement qu’il n’est pas entré dans la pensée
des instituans, qu’outre ladite terre et ses dépendances,
on pourroit encore exiger la somme de 6000 livres.
Par le contrat de mariage de son fils, le sieur Dumont
se dépouilla entièrement, quant à la propriété, de ce
qu’il vouloit lui donner. Les mots, avec les annexes qui
auroient été f a it e s , ne peuvent s’entendre que du passé,
et non d’acquisitions à faire dans la suite, pour joindre
à un objet, dans ce que le sieur Dumont avoit cédé
sa propriété. Il avoit si peu l’intention d’ajouter à la
valeur des choses par lui données, qu’il la diminua par
une réserve.
' Quant aux dépens, la demoiselle Dumont ayant suc
combé sur l’objet principal de la contestation, devoit
supporter une partie des frais. Les sieur et dame de
la R oque, en signifiant le jugement, se sont reservé de
poursuivre la réparation de ces deux griefs, pour lesquels
ilsseproposentd’interjeter incidemment appel. Les tuteurs
de mademoiselle Dumont sont appelans des dispositions
qui ont déclare huile la donation en préciputdè’ ld' terre
�(
)
de M ont, pour la moitié provenante du chef de la
dame Pitat. C’est sur cet appel qu’il faut en ce moment
se fixer.
MOYENS.
Il ne sera échappé à aucune des personnes qui ont lu
le mémoire de mademoiselle D um ont, que ce n’est pas
sur les dispositions de la coutume, qui fait loi entre les
parties, qu’elle fonde ses prétentions; elle n’en invoque
textuellement aucun article. E h ! comment eût-elle pu
s’en prévaloir, lorsqu’il n’en est aucun qui lui soit favo
urable ? C’est en citant des autorités et des préjugés pres
que tous puisés dans des ouvi'ages étrangers à la coutume
jie Bourbonnais , ou clans des îtianusevils inconnus aux
sieur et dame de l a vRoque, qu’elle prétend établir une
jurisprudence qui anéantiroit les dispositions de la loi
sous l’empire de laquelle vivoient les parties.
On pourrait soutenir que cette loi étant claire et pré
cise , les cours actuellement existantes doivent la faire
exécuter, sans égard pour une jurisprudence qui s’en
sçroit écartée. Mais ou verra dans la suite qu’à raison des
circonstances particulières de cette affaire, les appelans
ne peuvent tirer aucun avantage de la prétendue juris
prudence qu’ils voudraient faire admettre.
Désirant rapprocher les réponses des objections, afin
de rendre plus lumineuse la réfutation du mémoire de
leurs adversaires, les sieur et dame de la Roque auraient
voulu suivre l’ordre que les sieur et dame Hilliard ont
adopté : mais il y a dans leur mémoire tant de diffusion1
et d’incoJiérauce ! il faudroit revenir sans cesse sur ses
�c 16 )
pas. Il a donc paru plus simple d’établir quelques pro
positions qui détruisent de fond en comble le système
des appelans : on réfutera en même temps les objections
qui s’y rapportent.
PREMIÈRE
PROPOSITION.
L a coutume qui régit les parties est une coutume
d'égalité ; elle ne permettoit ni d'avantager
A n dré D u m o n t, dans les contrats de mariage
de ses sœurs, ni de les exclure des successions,
par dot ou apanage ¡ à moins que ce qui aurait
été donné à ce titre ne leur eût été irrévoca
blement acquis a Vépoque desdits contrats, et
sans être retenues dans la famille par une ins
titution; stipulation qui ne se trouve pas dans
ceux des dames de Vaure et de Beauregard.
Pour établir cette proposition et les suivantes , les
sieur et dame de la Roque n’ont pas cru devoir secouer
la poussière des anciens manuscrits des avocats de la
ci-devant province de Bourbonnais ; il leur a paru que
ceux qui ont des procès seroient trop malheureux, si
pour apprécier leurs droits il falloit fermer le livre de
la l o i , et y suppléer par les décisions de quelques
hommes plus ou moins éclairés. Cette manière de juger
seroit sujette aux plus graves inconvéniens. Un avocat
qui a fait prévaloir son avis, l’a consigné dans des notes
où
�( 17 )
oïl sans doute il n’a pas rappelé toutes les circonstances
qui auroient pu faire juger le contraire; dans le même
temps, son voisin rendoit peut-être une décision opposée.
Seroit - il juste de s’en rapporter à l’un plutôt qu’à
l’autre? N’cst-il pas plus raisonnable de laisser à l’écart
tous ces écrits p rivés, et de ne consulter que la loi à
laquelle les parties doivent obéir ?
Les contrats de mariage de tous les enfans des sieur
et dame Dumont ont été passés sous l’empire de la cou
tume de Bourbonnais. Cette coutume veut que les enfans
partagent également les biens des auteurs de leurs jours.
Les articles 217 et 219 prohibent toutes donations et
avantages en faveur des enfans, si ce n’est en contrat de
mariage. L ’article 321 ne leur permet pas de prendre part
à une succession comme héritiers et comme légataires.
M . A uroux des Pommiers, que nous citerons souvent,
parce que son commentaire a presque obtenu l’autorité
de la lo i, observe, sur l’article 317 de ladite coutume,
que « sa disposition a pour principe Végalité que la nature
« désire, étant juste que ceux qui sont égaux en nais« sance, et qui doivent l’être dans l’affection de leurs
« père et m ère, le soient aussi dans le partage de leurs
« biens. La donation entre-vifs a été exceptée, parce qu’il
« eut été difficile aux pères et mères de marier leurs
« enfans, s ils n’avoient pas eu la liberté de leur faire
« des donations entre-vifs en les mariant. »
Ce n’est donc que pour l’intérêt des mariés, et dans
leur contrat de mariage, qu’il est libre aux pères e t mères
de faire des donations entre-vifs à leurs enfans. Dumoulin,
sur le môme article de la coutume de Bourbonnais, dit
C
�C 18 )
que cela a été étendu aux ascendans , toujours en vue
de l’égalité -, façore œqualitatis.
On trouve à l’article 219 , nombre 13 et suivans, de
nouveaux développemens. M. A uroux s’y exprime en
ces termes : « Une condition pour la validité des insti« tutions contractuelles, est qu’elles soient faites en
« faveur des mariés ¿ ou de l’un d’eux, ou des descen
te dans du mariage. » C’est la disposition de notre cou
tume et de plusieurs autres ; tel est aussi le sentiment de
nos commentateurs. F a çor hujus paragraphi, dit M. de
Culant, nubentes tantum et ex eodem matrimonio des
cendentes affîcit, in tantum ut si institutio fa c ta ,fu e r it,
in gratia contrahentium, et aliorum no?i contrahentiu n i, pro portionihus contrahentium valent 3 et prç
non jiubentiuni parhbus corruat•
« Ainsi si un père fait une institution contractuelle
« en faveur de deux de ses enfans, dans le contrat de
« mariage de l’aîné des d eu x , il n’y aura que le seul
« aîné qui sera institué d’une institution contractuelle,
c< le puîné ne l’étant que par un acte' non valable à
et son égard -, la raison est que la faveur du contrat
« de mariage ne concerne que les mariés et leurs des-« cendans du mariage. » C’est le raisonnement de
M . Lebrun , Traité des successions, liv. 3 , cliap. 2, n°. 1 a.
D ’où cet auteur conclut que quoique la donation faite
aux futurs conjoints n’ait pas besoin d’être acceptée par
eux, néanmoins si elle conceraoitdes personnes étrangères,
elle devroit être acceptée par eux. M. le président B uret
pousse la chose si lo in , qu’il prétend qu’une donation,
faite en faveur de mariage à l’un des conjoints, dont il
�( z9 )
feroit sur le champ cession à une personne étrangère,
seroit n u lle, par la raison que cette donation ne seroit
pas censée faite au profit et utilité des m ariés, comme
le requiert notre article.
Par suite du même principe d’égalité, M . Auroux
décide, à l’article 321, qu’en ligne directe, le legs fait,
même au fils de l’h éritier, seroit déduit et précompté
sur la portion héréditaire du père.
Ce seroit une grande erreur de croire que l’article 305
a dérogé à cette égalité voulue par la coutume de Bour
bonnais ; il porte : c< Fille mariée et apanée, ne peut
« demander légitime ni supplément d’icelle. »
Les rédacteurs de la coutume , en déclarant forcloses
les filles mariées et apanées, n’ont pas eu intention de
les traiter moins favorablement que les garçons : ils ont
pensé qu’elles se marieroient plus avantageusement, si
au lieu de leur part dans une hérédité incertaine j on
leur constituoit une somme fix e , dont elles ne pussent
être privées par les événemens auxquels seroit exposée
la fortune de leurs père et mère.
« L ’apanage des filles, dit M . A u ro u x , sur cet article,
« ou leur exclusion de la succession de leurs père, mère,
« aïeul ou aïeule , même des successions collatérales,
« dans les termes de représentation établie par notre
« coutume en faveur des mâles , pour la conservation
« des familles, n’a rien d’injuste, parce qu’une succession
« pouvant diminuer, comme elle peut augmenter, cette
« incertitude fait que l’on suppose toujours de la justice
« et de l’égalité dans les exclusions tacites qui sont faites
C a
�( 20 )
cf moyennant un certain prix et une certaine récom« pense. »
L e texte et le commentaire de cet article de la cou
tume du Bourbonnais , font connoître qu’elle diffère
essentiellement de la coutume d’Auvergne. Dans cette
dernière, la fille mariée, dotée ou non, ne peut, suivant
l’article 20 du chapitre 1 2 , venir aux successions au
lieu que la coutume du Bourbonnais n’exclut que les
filles dotées et apanées.
Il sembleroit que la loi n’étant pas censée contenir des:
termes inutiles , il faut pour forclore la fille dans les
pays régis par la coutume de Bourbonnais , que son
contrat contienne dot et apanage. Mais les sieur et dame
de la Roque ne dissimulent pas que, par un usage peu
favorabLe au sexe le plus facile à opprim er, on considère
comme dotée et apanée toute fille à laquelle il a été
fait une constitution de dot irrévocable , sans aucune
réserve de participation à l’hérédité. On suppose que
les auteurs de ses jours ont entendu l’apaner, quoiqu’ils
n’aient pas dit que la dot qu’ils lui donnoient étoit à
titre d’apanage.
Appliquons ces principes à la cause, et prouvons que
les filles des sieur et dame Dumont n’ont été ni apanées
ni dotées.
Quoique les termes du contrat de mariage de la dame
de la R oque la mettent dans une position plus avan
tageuse , nous allons raisonner comme si toutes les sti
pulations du contrat de la dame de V au re se trouvoient
dans celui de la dame de Beauregard.
�C 21 )
Nous soutenons qu’il n’y a dans lesdits contrats ni
dot ni apanage.
Il n’y a pas d’apanage, parce qu’il y a institution : ces
deux dispositions sont incompatibles *, et'les auteurs
communs ont déclaré qu’ils n’apanoieni pas leurs filles.
Il n’y a pas de d o t, parce qu’il n’a été rien donné
irrévocablement : tout ce qui a été constitué aux filles
ne l’a été qu’en avancement d’hoirie, et à la charge du
rapport.
Les sieur et dame Hilliard seroient donc réduits, pour
combattre cette évidence de principes, à prétendre en
point de droit, qu’une fille peut être en même temps
lievititîre et apanée; m ais ce seroit une erreur choquante '
car par l’institution elle est retenue dans la maison
paternelle ; par l’apanage elle en est excluse : et on ne
peut tout à la fois être retenu dans la maison et exclu
de la maison.
O r, il a été fait une institution d’héritières en faveur
des dames de Vaure et de Beauregard , avec réserve
d’un objet dont la disposition pouvoit avoir lieu en leur
faveur ; elles n’ont donc pas été apanées.
Lorsque M . Auroux d it , dans son commentaii’e sur
l’article 305 de la coutume de Bourbonnais, « qu’une
« fille mariée par pèi'e et mère , à qui on a donné
« quelque chose de certain, est réputée apanée, et par
« conséquent excluse des successions, quoiqu’elle n’y ait
« pas expressément renoncé , et qu’on ne se soit pas
« servi du mot apané, attendu qu’il n’est pas nécessaire
« pour la validité de cette exclusion tacite et coutumière
�« qu’on se soit servi du mot apanê, pourvu qu’il y ait
« dotation faite à ladite fille. »
Il est évident que cet auteur s’exprime ainsirpour les
cas où les père et m ère, dotant leur fille, n’auroient pas
expressément énoncé s’ils entendoient qu’elle vînt ou
non à partage de leur succession; alors, d it-il, il y a
renonciation tacite et coutumière : mais cette renonciation
ne peut être supposée, lorsqu’elles ont été formellement
instituées héritières.
Après avoir fait l’institution avec réserve , et même
conditionnelle si l’on v e u t, les père et mère ont ajouté
que s’ils n’avoient pas fait cette institution, ils auroient
apané ; ce qui explique clairement qu’ils ont mieux aimé
faire l’institution que Fapanoge; car lorsqu’on annonce
que si on n’eût pas fait telle chose, on en eût fait une
autre, on dit positivement que c’est la première et non
la seconde qui a été faite.
Il est indifférent que les auteurs communs eussent pu
apaner, dès qu’ils n’ont pas usé de ce droit; s’ils eussent
fait un apanage de la manière voulue par la coutum e,
il eût été valable ; mais la disposition qu’ils ont préférée
étant prohibée par la l o i , doit être annullée.
Après l’institution , les père et mère ont dit qu’en
avancement de leur future succession, ils constituoient
en dot à la future la somme de. . . . qu’ils l’ont, par une
disposition subséquente, obligée de rapporter lors de
l’ouverture de leurs successions, ou de moins prendre dans
lcsdites successions. Les appelans voudroient adroitement
assimiler cette constitution de d o t, qualifiée d’avance-
�( *3 )
ment d’hoirie, et sujette à rapport, avec la dot dont
parle M. A u ro u x ; mais elles n’ont aucune analogie. Celle
qui est spécifiée par cet auteur, a lieu lorsqu’il n’a pas
été dit si la fille auroit ou non part aux successions; et
dans les contrats des dames de Y aure et de Beauregard,
elles ont été expressément instituéesliéritières. M . Auroux
dit positivement qu’il faut, pour la validité de la cons
titution de d o t, que la fille ait reçu un prix certain ,
une récompense qui soit hors des atteintes de tous les
événeinens : mais les sommes promises ou données aux
dames de Vaure et de Beauregard étant sujettes à rapport,
leur frère, héritier comme elles , devoit y prendre p a rt,
Js’il ii’en eût pas reçu d’égales.
Cette partie du commentaire de M . A uroux s’accorde
avec ce qu’il avoit précédemment énoncé, que l’apanage
des filles ou leur exclusion n’a rien d’injuste, parce que
les successions pouvant diminuer comme elles peuvent
augmenter, cette incertitude fait que l’on suppose toujours
de la justice et de l’égalité dans les exclusions tacites,
faites moyennant xin prix certain.
Les constitutions faites aux dames de Vaure et de
Beauregard, ne leur ont pas été irrévocablement acquises,
puisqu’on les a obligées d’en faire le rapport; ce n’est
pas un prix certain que celui qu’on n’est pas maître de
garder.
Afin de rendre cette vérité plus sensible , on a dit aux
adversaires : Supposons que postérieurement aux contrats
de mariage des dames de Vaure et de Beauregard, la
fortune des père et mère se fût évanouie ; et certes de
■pareils exemples ne sont pas rares. D ’après la loi qui
�Ch )
leur étoit faite dans leurs contrats, lesdites dames n’auroient pu s’empêcher de partager , avec l’héritière de
leur frère, tout ce qu’elles auroient reçu en avancement
d’hoirie.
Dans leur m ém oire, les adversaires cherchent à faire
entendre que ces dames, en renonçant à l’institution,
auroient conservé ce qu’elles avoient reçu , pourvu que
le fils eût trouvé sa légitim e, à défaut de laquelle la
fille même dotée est tenue de l’apporter.
Cela pourroit être vrai s’il n’y avoit dans les contrats
de mariage qu’une dot pure et simple.
Mais précisément les sieur et dame Dumont ont voulu
empêcher que les futures ne profitassent de la faculté de
retenir leur d o t , et ils ont fait ce qui étoit en eux pour
les
empêcher.
i ° . Ils n’ont donné cette dot qu’à titre d’avancement
d’hoirie.
20. Craignant qu’à ce titre encore les futures ne re
tinssent cet avancement, ils ont stipulé que la fu tu r e
seroit néanmoins tenue de rapporter la somme à elle
donnée en avancement.
Si les auteurs communs s’étant ruinés, les filles avoient
voulu garder ce qu’elles auroient reçu, avec quelle véhé
mence les adversaires ne se seroient-ils pas élevéscontre
cette prétention! Ils auroient dit avec raison qu’il n’y
avoit pas dans le contrat des dames de Vaure et de
Beauregard de constitution dotale; qu’il ne leur avoit
été rien donné ou promis qu’à titre d’avancement d’hoirie;
que tout ce qui a été reçu de cette manière est par sa
nature sujet à rapport, lors de l’ouverture des successions;
qua
e n
�( 25)
que par une stipulation bien expresse, à laquelle nulle
loi ne 9’opposoit, on les a obligées à ce rapport; qu’ainsi
leur frère doit en avoir le tie rs, étant institué comme
elles héritier pour cette quotité.
Ainsi les dames de Vaure et de la Roque , qui auroient été contraintes de partager avec l’héritière de leur
frère ce qu’elles avoient reçu, doivent, par réciprocité,
profiter des avantages que leur procurera le partage égal
des autres biens des successions communes.
f Les appelons ont dit que pour décider s’il y a eu un
apanage , il faut examiner si les père et mère ont eu
l’intention d’apaner , plutôt que les termes dont ils se
sont servis , voltmtatern potius quant vcrbci spectavi
placuitj mais il importe peu de rechercher l’intention ,
lorsqu’elle ne pouvoit suffire sans un prix certain qui
n’existe pas. Loin que cette intention ait été telle que
les sieur et dame Hilliard la supposent, elle étoit abso
lument contraire ; on en trouve la preuve dans le propre
contrat de mariage d’André Dumont. Si lors du contrat
de mariage de la dame de V a u re , dans lequel les père
et mère disent que sans l’institution ils l’auroient apanée,
leur intention eût été que cette clause produisît l’eifet
d’un apanage, personne ne devoit mieux le savoir que
le législateur de la fam ille, le sieur Dumont père; il
a prévu dans le contrat de mariage de son fils , le cas
ou la dame de la Roque se refuseroit à la délivrance
du préciput dont il disposoit en faveur d’André Dumont.
S’il avoit entendu, lors du mariage de ses filles, qu’elles
dussent etre regardées comme apanées, dans le cas oii
elles refuseroient d’exécuter les conditions attachées h
V
�( a6 )
l’institution, le sieur Dumont n’eût pas manqué de dire
que la dame de la R o q u e, si elle contestoit le don en
préciput, devoit être restreinte aux 40000 francs cons
titués à. sa m ère, en avancement d’h oirie, et que son
fils recueilleroit toute son hérédité.
A u lieu de cela, le feu sieur Dumont ne suppose
pas même que la dame de la Roque puisse jamais être
privée de sa part héréditaire, persuadé que le contrat
de mariage de la dame de Beauregard ne contenant
aucune disposition de préciput en faveur d’AndréD um ont,
la dame de la Roque pourroit le contester-, il lui fait
un don de 5ooo francs, si elle respecte la disposition
dudit préciput ; et en cas qu’elle ne veuille le souffrir,
il la prive de ce don. C’est, suivant le meilleur interprète
des c l a u s e s contenues dans les contrats de mariage des
filles, la seule peine qu’elle peut encourir. M algré la
grande envie qu’il avoit d’avantager son fils, le sieur
D u m o n t ne se croit pas autorisé à donner atteinte à l’ins
titution de ses filles : son fils n’est institué comme elles,
et conjointement avec,elles, que pour la même quotité.
Relevant avec l’apparence du triom phe, des objec
tions moins importantes, les sieur et dame Hilliard ont
passé celle-ci sous silence, quoiqu’elle leur eût été faite
dans tous les écrits signifiés en première instance ; ils
ont senti l’impuissance d’y répondre rien de plausible.
L e don de 5ooo francs fait à la demoiselle de Beauregard, dans le contrat de mariage de son oncle, étoit
radicalement nul, suivant les articles de la coutume déjà
cités, qui ne permettent de gratifier les enfans que dans
leur propre contrat de mariage. La condition apposée à
�( *7 )
cc don étoit d’ailleurs trop préjudiciable à la dame de la
Roque, pour qu’elle l’acceptât. Aussi n’a-t-elle jamais ré
clamé cette somme en vertu du contrat de mariage du 31
mai 1789. Mais le sieur Dumont père, présent au mariage
contracté par ladite demoiselle de Beau regard , le 30 bru
maire an 11 , augmenta de 10000 francs la constitution
faite à sa mère en avancement d’hoirie, et stipula que
de ces 10000 francs, 5 seroient sujets à rapport, s’ils
avoieiit été payés , et que les 5 autres seroient pris sur
sa réserve de la terre de Mont.
C ’est eh vertu de cette disposition affranchie de toute
condition, et faite dans le propre contrat de la dame
de la R o qu e, qu’elle a exigé ces 5 ooo francs, dont la
demoiselle Dumont lui sert l ’intérêt -, en attendant qu’elle
puisse les acquitter. Quant aux i 5 qui formoientle restant
de ladite réserve, le feu sieur Dumont en a fait donation
à la dame Narjot, fille de la dame de Yaure. Les tuteurs
de la demoiselle Dumont ayant formé demande en nullité
de cette donation, par la même requête qui a précédé
la demande en partage et délivrance de préciput, dirigée
contre la dame de Y a u re , les sieur et dame de la R oque,
ces derniers, pour ne pas surcharger d’un objet étranger
la contestation relative au partage et au préciput, à
laquelle les sieur et dame Narjot ne sont pas intéressés,
après avoir observé qu’il devoit être traité séparément,
sont restés spectateurs du débat qui existoit entre la
demoiselle D u m o n t, les sieur et dame Narjot.
Néanmoins la loi du 18 pluviôse an 5 , attribuant aux
héritiers non avantagés les réserves dont les instituans
D 2
�(
2 8
)
n’auroient pas valablement disposé, les sieur et dame des
la Roque ont pris devant les premiers juges des con
clusions tendantes à ce que la demoiselle Dumont fût
condamnée, si la nullité de la donation faite à la dame
Narjot étoit prononcée, à leur payer j 5oo francs faisant
moitié de la somme donnée, avec intérêts et frais. En
première instance, la demoiselle Dumont a été déboutée
de sa demande en n u llité, et condamnée à payer à la
dame Narjot les i 5ooo francs. On voit dans les motifs
des juges de Gannat, qu’ils ont été principalement dé
terminés par la considération que la demoiselle D u
mont étoit sans qualité pour contester ladite donation,
attendu que ce droit n’appartenoit qu’aux héritiers lé
gitimés;
O
" c’est-à-dire,* il la dame de V a u rc et à la dame
d e la R o q u e .
L e mémoire que les appelans ont fait imprimer ne
dit rien de ce qui s’est passé depuis ledit jugem ent,
entre la demoiselle Dumont et les sieur et dame Narjot.
Les sieur et dame de la R o q u e , qui n’en ont pas connoissance, doivent faire remarquer que si les sieur et
dame Hilliard ont interjeté appel vis-ù-vis des sieur et
dame N arjot, dans le cas où la cour prononceroit la
nullité de cette donation de iôooo francs, il y auroit
lieu d’adjuger la moitié de cette somme , aux sieur et
dame de la R oque, conformément aux conclusions par
eux prises en première instance, et à la loi du 18 plu
viôse an 5. Si au contraire les sieur et dame Hilliard
sont repoussés par la fin de non-rccevoir qui les a fait
succomber en première instance, les sieur et dame de
�( 29 )
'
la Roque entendent se réserver tous leurs droits à la
moitié de ladite somme de iôooo francs, pour les exer
cer quand et ainsi qu’ils aviseront.
SECONDE
PROPOSITION.
Tout don de préciput est formellement prohibé par
la même coutume, hors du contrat de Venfant
qui se marie. S i la jurisprudence Va admis, d’une
manière indirecte, dans les contrats de mariage
des filles instituées héritières, ce n est quautant
q u e lle s auroient été en même temps' dotées moyen
nant un p r ix certain et une récompense irrévo
cable.
i
Forcés de reconnoître dans leur mémoire qu’André
Dumont n’auroit pu être avantagé d’un préciput par le
contrat de mariage de ses sœurs, si cet avantage lui eût
été fait directement, les appelans se bornent à soutenir
qu’il a pu le recueillir par voie indirecte, à cause de la
condition mise à l’institution de ses sœurs.
Si on écoute la voix de la raison, il semble que toute
violation de la loi doit être également réprim ée, et que
le but du législateur est manqué s’il souffre qu’on ob
tienne par artifice ce qu’il a expressément défendu.
L ’article 308 de la coutume du Bourbonnais est ainsi
conçu :
. « Donations faites par père, mère ou autres ascendaos
« à leurs descendans, en préciput, en contrat de ma-
�( 30 )
« nage et faveur d’icelu i, ne sont sujettes à collation
« entre les donataires et leurs cohéritiers. »
Cet article est si formel qu’il n’a pas besoin de com
mentaire : ouvrons néanmoins celui de M. Auroux.
A p rè s avoir dit qu’il faut que le préciput soit donné
expressément à ce titre, il ajoute : « Une seconde condi« tion requise pour la validité du préciput, est qu’il
« soit fait en contrat de mariage et faveur d’icelui, ainsi
« qu’il est dit dans notre article; et la raison est qu’aux
« termes de l’article 217 suprà, les pères et mères ne
« peuvent donner entre-vifs à leurs enfans, hors contrat
« de mariage, » C’est l’observation de M. de Culant sur
notre article : « In gratiam contrahentïs matrimonium ,
« d it - il, alias m o r i b u s n o s tr is n o n v a l e t , hoc quia
« extra contraction matrimonii et ejus favorem non
« valet d o n atio facta liberis à parentibus. A rt. 217. »
M . A u ro u x ne compose pas avec la loi ; comme elle
il dit que le préciput n’est valable qu’autant qu’il est
fait en faveur de ceux qui se marient. L ’opinion de
M . de Culant, qu’il rapporte, n’est pas moins tranchante:
in gratiam contrahentis matrimonium et ejusjavorem ,
alias non valet.
« A la vérité, continue M . A u ro u x, par arrêt rendu
« au rapport de M . l’abbé Pucelle , le 22 mai 1 7 1 6 ,
« entre les dames Maquin et leur frère , le préciput
« de 30000 fr. fait au frère dans le contrat de mariage
« de ses sœurs, par les père et m è r e , fut confirmé :
« mais c’est parce que ce préciput étoit une clause et
« condition du rappel et institution desdites dames,
« sans laquelle réserve du préciput il étoit dit que
�yt
( 31 )
lesdits père et mère lesauroient apanées, et sous conVention que, où lesàites dames voudraient contester
ledit préciput, elles demeureraient apanées pour la
somme de 24000 fr a n c s chacune ; ce qui se pratique
ainsi dans cette province. »
Les appelans se sont persuadés que cet arrêt étoit
à leur avantage , tandis qu’il leur est absolument con
traire. M . A u r o u x , en rapportant les motifs qui ont
déterminé cet a rrê t, fait connoître qu’il n’est pas en
opposition avec ce qu’il a dit précédemment. Les mots
soulignés ci-dessus le sont aussi dans le commentaire
de M . A uroux ; ils contiennent la stipulation expresse
d’un apanage qui doit demeurer aux filles , et tenir
lieu de leur portion héréditaire r si elles ne veulent
souffrir le préciput. En disant qu’on a jugé ain si, par
cette raison, M . A uroux exprime d’une manière évi
dente que sans cette stipulation ont eût jugé différem
ment •, d’ou il résulte que les dames de Vaure et de
Beauregard, qui n’ont pas été apanées, et auxquelles
il n’a été rien constitué qu’en avancement d’hoirie, et
à la charge du rap p o rt, sont fondées à soutenir que
l ’arrêt de 1716 a préjugé p o u r, et non contr’elles.
Enfm M . A uroux qui avoit cité M . Menudel l’apporte
son avis, dans lequel cet auteur après avoir dit qu’on
reçoit le préciput dans le contrat de mariage des filles
instituées lieritieres à cette condition, conseille de mettre
dans le contrat que les père et mère ont doté la fille
de la somme de.... h la charge de venir à la succession
en la rapportant, et qu’où elle fourniroit débat contre
ledit préciput, ils déclarent qu’ils apanent ladite fille h
«
«
«
«
«
\
�( 3 0
la somme d e ....... parce qu’en mettant simplement la
clause qu’ils instituent ladite fille sous ledit préciput,
elle peut dire qu’elle n’a pas été apanée, à défaut d’exé
cution de ladite clause , qui sonne toutes fois en une
institution conditionnelle, et que les mots qui seroient
dans le contrat, sans lequel préciput les père et mère
l ’auroient apanée, ne seroient pas un apanage form el,
mais plutôt une simple én'oncintion du dessein d’apaner,
lequel n’étant pas diserlement expliqué , ne l’empê
che roi t pas de venir à une succession ab intestat des
père et m ère, en rapportant. Laquelle objection n’est
pourtant pas considérable , parce que le mot de dot
emporte quant à soi l’apanage, lequel est valable ah'qito
dato 2>cl promisso de pressenti.
Quoique l’avis de M . Menudel ne soit pas rédigé avec
toute la clarté qu’on pourroit désirer, on y voit que
.la solidité des stipulations par lesquelles on voudroit
assurer au fils un préciput dans le contrat de mariage
de ses sœurs , est subordonnée à la constitution d’une
dot de prœsenti. Les mots laquelle objection n'est pour
tant pas considérable, se rapportent aux difficultés que
la fille élèveroit, en alléguant qu’elle n’a pas été expres
sément apanée; ce q u i, suivant M . Menudel et même
suivant M . A u ro u x , peut être suppléé par une consti
tution à titre de dot.
L ’arrêt du 22 mai 17 16 , comme l’avis de M . Menudel,
ne peuvent être opposés, parce que les contrats de ma
riage des dames de Yaure et de Beauregard ne con
tiennent pas les deux clauses d’institution conditionnelle,
et stipulation de dot, tenant lieu de la portion hérédi
taire.
�( 33 )
faire. Les auteurs communs n’ont ni apané , ni eu
l’intention d’apaner leurs filles.
A u décès de la dame D um ont, ses filles ont été saisies
du tiers qui revenoit à chacune d’elles dans sa succession,
par la règle le mort saisit le vif. L e sieur Dumont père
n’a pu, postérieurement à ce décès , transmettre à André
Dumont la moitié de la terre de M on t, qui avoit appar
tenu à sa mère. La donation faite audit André Dumont
ne peut être validée par la faculté d’élire que les père
et mère s’étoient déférée mutuellement. Nul ne peut
faire par autrui ce qu’il ne lui est pas permis de faire
lui-même. Dès que la loi municipale défendoit impé
rieusement à la dame Dumont d’avantager son fils dans
un autre contrat de mariage que le sie n , le pouvoir
donné au mari est vicieux dans sa source : tout ce qui
a été fait en vertu de ce pouvoir est nul.
Dans nos mœurs , le droit d’élire a toujours été
regardé comme abusif ; il doit surtout être rejeté lors
qu’on ne l’a déféré que pour se procurer le moyen d’avan
tager une personne prohibée. Celui à qui ladite faculté
d’élire a été donnée ne pouvoit la recevoir , parce que
les articles 226 et 227 de la coutume de Bourbonnais,
défendent, durant le mariage, toute association, dona
tion ou autre contrat entre la femme et le mari, même
les donations mutuelles, s’ils ont des enfans.
Vainement les sieur et dame Ililliard disent-ils que
la faculté d’elire seroit n u lle, si elle étoit confé rée par
disposition directe, mais qu’elle peut valoir comme con
dition de l’institution des filles; qu’elle ne conféroit
E
�( 34 )
aucun avantage à l’époux survivant ; qu’ainsi elle n’étoit
pas contraire aux lois prohibitives d’avantages entre
époux.
3N’est-ce pas un avantage bien ré e l, et d’une grande
im portance, que celui qui met à la disposition d’un des
époux environ la moitié des biens de l’autre? D ’ailleurs
la loi n’a pas fait de distinction -, elle a prohibé toute
association, donation ou autre contrat entre époux,
même les dons mutuels : sa disposition doit être exécutée
par tous ceux qui étoient soumis à son empire.
Ce qui sera dit ci-après sur la question de savoir si
les stipulations prohibées peuvent valoir comme condi
tion d’une institution, s’appliquera à cette faculté d’élire
que les appelans vouloient en première instance faire
valoir comme mandat ou procuration; moyen qu’ils
ont abandonné, parce qu’on leur a observé que tout
.mandat expire à la mort du mandant, et que les morts ne
sauroient contracter, ni en personne, ni par procureur.
’ Il y avoit un autre vice dans la disposition de la
terre de M on t, et la faculté d’élire qui s’y rapportoit.
: Cette terre étoit un acquêt de communauté dont le
mari est seul maître, suivant l’article 136 de la même
coutume : les dispositions que faisoit la femme relative
ment à un bien sur lequel elle n’avoit pas de droit
acquis, étoient une usurpation du pouvoir que la loi
donne au mari seul sur les biens de la co m m u n a u té . O n
peut, disent les appelans, disposer d’un droit éventuel;
cela est vrai : mais la dame Duinont n’a pas disposé
'hypothétiquem ent; elle a donné, comme a elle appar-
�>/
. (
3
5
)
tenant, un bien qui étoit entre les mains de son mari.
-Aux textes les moins équivoques de la coutume, aux
suffrages de ses plus habiles interprètes, les sieur et
dame Hilliard opposent les notes manuscrites d’un ancien
avocat de M oulins; ils disent que ces notes ont été com
muniquées aux sieur et dame de la R oque, qui ne les
ont p oin t/ vues, et seroient hors d’état d’en vérifier
l’écriture. Nous avons fait connoître à quels dangers on
s’exposeroit si on vouloit asseoir des jugemens sur de
pareilles bases.
Les sieur et dame Hilliard ont encore cherché à tirer
avantage d’une consultation obtenue, d is e n t-ils , par
M . de Vaure l u i - m ô m e , de M M . B o iro t, Bergier et
D artis, sous la date du 12 décembre i 8 o 5 . Les appelans
assurent qu’ils ont copie de cette consultation, que cepen
dant ils ne tiennent pas du sieur de Vaure.
Ces jurisconsultes ont été d’avis, et c’est une erreur
échappée à des hommes très - éclairés, que le préciput
devoit être relâché à la demoiselle D um ont, en vertu
de l’institution de ses tantes ; ils ont aussi décidé qu’on
ne pouvoit regarder comme valable la faculté que les
père et mère s’étoient donnée, et au survivant d’eux,
par le contrat de la dame de V a u re, de disposer de la
totalité de la terre de M ont, au préjudice de l’institu
tion faite au profit de ladite dame, par égalité avec ses
frère et sœurs, soit parce que la coutume contenoit
des prohibitions particulières pour les dispositions des
pères et mères à leurs enfans, et pour les dispositions
entre ép ou x, soit parce que la terre de M ont étant un
E a
�, ( 36}
acquêt de communauté, la dame Pîtat donnoit ce qui
étoit sous la puissance du mari seul; qu’ainsi la repré
sentante d’André Dumont ne peut avoir la moitié de la
terre de M on t, qui a appartenu à la succession de la
dame Pitat, en vertu de la disposition faite en faveur
d’A ndré D u m o n t, par son contrat de mariage.
Enfin ils ont décidé que la somme de 6000 livres,
réservée pour acquisition de cens, et dont les premiers
juges ont mal à propos attribué la moitié à la demoiselle
D u m on t, ne pouvoit lui appartenu'.
Les sieur et dame Hilliard s’emparent de ce qui est
à leur avantage, dans cette consultation, et rejettent
tout ce qui est contraire à leurs intérêts.
En coutume d’A u v e r g n e , l’exclusion de la fille mariée
est de droit -, elle ne peut venir aux successions que par
un rappel formel dé ses père et mère : mais il n’en est
pas de même ën Boui’bonnais, où la fille a des droits
égaux à 'ceux de ses frères, dans la succession de ses
père et mère ; que pour être privée de ses droits, il
faut qu’on lui en ait assuré le prix de manière qu’elle
puisse gagner comme perdre à cet arrangement, suivant
les événemens auxquels sera exposée ensuite la fortune
de ceux dont elle auroit été instituée héritière : d’où
résulte la nécessité de faire, avec l’institution condition
n elle, une constitution de dot irrévocable, afin que si
la fille n’accfcpte pas la première, elle soit forclose par
la seconde.
�(
TRO ISIÈM E
37
),
PROPOSITION.
S i les conditions apposées à une institution sont
contraires aux lo is , Vinstitué peut profiter de
l ’institution sans exécuter la condition ; il peut
aussi renoncer a Vinstitution ; et la fille qui n a
pas été apanée, ou à laquelle il n a pas été f a it
une constitution dotale} telle quelle doit être pour
tenir lieu d’apanage, vient à la succession comme
héritière naturelle et légitime.
Pour tacher de persuader qu’André Dumont a pu
être avantagé par préciput, dans le contrat de mariage
de ses sœurs, de la moitié de la terre de M o n t, qui
appartenoit à sa m ère, parce que la destination de ce
bien , et le pouvoir d’élire donné au survivant des
époux , étoient des conditions de l’institution , les appelans exposent dans leur mémoire (page 10 et suivantes),
que la raison dit à qui veut l’entendre, qu’il est loisible
à celui qui exerce une libéralité, d’y apposer telles con
ditions qu’il juge convenables, pourvu qu’elles ne soient
contraires ni aux lois, ni aux mœurs; que c’est à celui
qui est l’objet de la libéralité, à l’accepter ou à y re
noncer; mais s’il l’accepte, il doit remplir les charges
et conditions qui y sont imposées ;
Qu’A uroux et Lebrun décident qu’on peut faire
l’équipollent d’une institution contractuelle , au profit
d’autres personnes que les mariés, en instituant la per_
�t 33 )
sonne mariée à la charge d’associer ses frères et sœurs
pour certaine quotité de l’institution ; ce qui vaut à leur
profit comme une condition de l’institution, parce que
l’association étant une charge de l’institution dont elle
fait partie, l’ institué est dans la nécessité, ou de renoncer
à l’institution, ou de consentir à l’association;
Que deux frères s’étant institués réciproquement dans
le contrat de mariage de l’un d’eux, celle faite en faveur
de celui qui ne se marioit pas , valoit comme condi
tion; que l’article 1121 du Code Napoléon a consacré
ces principes ; que cette disposition au profit d’un tiers
peut être révoquée par l ’instituant, qui n’est pas lié ,
mais le donataire ou l’institué ne peut se dégager qu’en
renonçant au bienfait ;
Que des conditions pouvant être apposées à une ins
titution , on ne voit pas ce qui pourroit faire obstacle à
ce qu’un institué fût tenu de souffrir le prélèvement d’un
précipu t, comme condition de son institution ; qu’un
instituant pouvant faire passer à des tiers une quotité de
succession, comme condition de l’institution faite au profit
de celui qui se m arie, on doit à plus forte raison décider
qu’une disposition au profit d’un tiers, qui n’a pour but
qu’une chose déterminée, peut valoir comme condition
d’une institution, suivant la maxime qui peut le plus
peut le moins ; qu’il y a plusieurs décisions d’avocats de
M ou lin s, sur un manuscrit de l’un d’e u x , et un arrêt
du 22 mai 17 16 , cité par A u ro u x, et dont les circons
tances sont développées dans ledit manuscrit ;
Que les contrats de mariage des filles des sieur et dame
Dumont contiennent une institution restreinte par la sti-
�( 39 )
pulation d’une réserve modifiée par plusieurs conditions
qu’il a plu aux instituans d’y apposer, tellement liées
avec l’institution , qu’on ne peut en supprimer une sans
anéantir, dans le vœu des instituans, l’institution ellemême •,
Que l’objection tirée par les dames de Vaure et de la
R oque, des articles 217 et 226 de la coutume, dont l’un
s’opposoit à la disposition faite au profit d’André Dum ont,
dans le contrat de mariage de ses sœurs, et l’autre à la
faculté d’élire, se détruit, en ne confondant pas les dis
positions principales et directes avec les dispositions rela
tives et conditionnelles; que l’institution faite par un père
en faveur de deux enfans , par le contrat de mariage de
l’un d’eu x , étoit nulle à l’égard de celui qui ne se marioit
p as , tandis que si l’institution n’étoit faite qu’en faveur
de celui qui se m arioit, à la charge d’associer son frère,
la disposition étoit valable au profit de ce dernier, comme
condition de l’institution faite à son frère; de m êm e, en
coutume de Bourbonnais, la disposition faite par des
époux pendant le m ariage, au profit du survivant, de
l’usufruit des biens du prédécédé, étoit n u lle , comme
contenant un avantage prohibé, tandis qu’elle a toujours
été considérée comme valide, lorsqu’elle se rattaclioit à
une institution de leurs enfans , et qu’elle en étoit la
condition ; ce qui est attesté par A u r o u x , sur les arti
cles 226 et 227 ; que c’est sur ces principes que repose
la consultation de M M . B oirot, Bergier et D artis, dont
les sieur et dame Hilliard argumentent longuement.
Nous n’avons omis aucunes des raisons par lesquelles
�( 4° )
les appelans veulent établir que la fille d’André Dumont
doit avoir, par préciput, la moitié de la terre de M ont,
qui avoit appartenu à la dame P itat, comme étant une
condition de l’institution de ses tantes.
En analisant ces raisons, on voit d’abord qu’à l’art. 308
de la loi municipale , qui défend toutes donations en
préciput, si ce n’est dans le contrat et en faveur de
l’enfant qui se m arie, les sieur et dame Hilliard n’en
opposent aucun autre duquel on puisse tirer des induc
tions contraires; mais ils disent que suivant M . A u ro u x,
dont l’avis est conforme à celui de Lebrun, on peut faire
indirectement, et par condition apposée à une institution,
des dispositions en faveur d’autres que les mariés ; qu’on
peut instituer celui qui se m arie, à la charge d’associer
telle ou telle personne, et donner l’usufruit au survivant
des é p o u x , en stipulant cette condition dans une insti
tution.
La première réflexion qui se présente est que M . A uroux
q u i, dans son commentaire sur les articles 219 et 224,
indique le moyen de faire l’équipollent d’une institution
contractuelle au profit d’un autre que les mariés, en ins
tituant la personne mariée à la charge d’associer l’autre,
ayant établi de la manière la plus positive, lorsqu’il traite
du préciput, qu’on ne peut le donner qu’à celui qui con
tracte mariage, on doit en conclure qu’il n’en est pas de
l’association, dont la coutume ne parle pas, comme du
préciput sur lequel elle a une disposition prohibitive trèsexpresse.
Dans les pays où l’association est en usage, elle a lieu
autant pour l’avantage de l’institué que pour celui de
l’associé.
�(4 0
l’associé. Ce dernier est retenu dans la maison; il aide à
cultiver les biens, à faire valoir les entreprises de com
merce. Les sieur et dame Hilliard ont cité un arrêt rap
porté par M. A u ro u x , qui confirma une institution réci
proque , faite par deux frères dans le contrat de mariage
de l’un d’eux ; mais ils se sont bien gardés d’ajouter que
M . Auroux donne pour motif que c’étoit une convention
par l’effet de laquelle les deux frères couroient même
chance, et dont le bénéfice dépendoit uniquement de la
survie.
Ces stipulations, qui peuvent tourner au profit de
l’institué, ne sauroient être comparées avec un don en
p r é c ip u t, qui a essentiellement pour objet de détruire
l’égalité voulue par la coutume à laquelle les parties
étoient soumises.
Quant à l’usufruit, les appelans ont cité le n°. 30 du
commentaire de M . A uroux , sur l’article 327 de la cou
tum e, où il dit que les conjoints père et mère, mariant
leurs enfans, peuvent convenir, en leur faisant des do
nations ou les instituant leurs héritiers, que lesdits enfans
laisseront jouir le survivant de leurs père et m è re , ainsi
qu’il est dit dans l’article 281 de la coutume de Paris,
qui s’observe en Bourbonnais, suivant M M . de Culant,
D uret et Semin : E o casu , dit M . de Culant, Jilius
recipt'oce censeiur usum Jructum douasse superstiti.
Il résulte de ce passage, que le conjoint survivant n’est
pas censé tenir l’usufruit de l’autre conjoint, auquel la
loi interdisoit cette libéralité - qu’ ü la reçoit p a r l ’e ffe t
du consentement de l’héritier institué, sans doute m a je u r ;
car M . A uroux ajoute, dans le nombre suivant, qu’il
F
�faut , pour la validité de cette convention, qu’elle soit
faite avec tous les enfans héritiers, à mesure qu’ils se
marient. Quoi qu’il en soit, lorsqu’il s’agit de déroger
à une loi précise, il ne faut pas raisonner d’un cas à un
au tre, n’y ayant jamais mêmes circonstances et mêmes
motifs.
L ’arrêt de 1 7 1 6 , cité dans les prétendues notes de
M . Beraud, et rapporté par M . A uroux loin d’être
contraire aux sieur et dame de la R o qu e, confirme les
principes- sur lesquels ils se fondent, attendu , comme
nous l’avons déjà d it , qu’il n’adjugea le- préciput qu’à,
raison de ce qu’y ayant dans les contrats des dames
M aquin , institution conditionnelle et apanage form el,
il falloit qu’elles prissent l’institution, ou qu’elles fussent
forcloses.
. M al à propos les appelans o n t-ils invoqué la dispo
sition de l’article 1121 du Code N apoléon, qui permet
de stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la con
dition d’une donation que l’on fait à un autre ; cet article
suppose que la stipulation a pour objet une chose qui
n’est défendue par aucune l o i , sans quoi il seroit en
contradiction avec l’article 900, qui répute non écrite
toute condition contraire aux lois, et avec l’article 1108 ,
qui v eu t, pour la validité d’une obligation, qu’elle ait
une cause licite. La même raison écarte l’allégation que
les contrats de mariage sont susceptibles de toutes con
ventions; celles qui tendent à violer la l o i , ne sont pas
plus permises dans les contrats de mariage que dans les
autres actes.
Les appelans auroient beaucoup mieux fait de garder
�( 43 )
le silence sur la consultation de M M . Boirot, Bergier et
Da rtis , dont ils se prévalent, quant au point qui leur
est favorable , et qu’ils rejettent dans tous les autres. S’il
faut croire, sur l’allégation des adversaires, que ces juris
consultes, décidant quatre questions, ont erré dans les
trois où ils ont contrarié les prétentions de la demoiselle
Dumont , elle ne peut exiger qu’on prenne leur avis
pour guide en jugeant l’autre question, qu’ils ont décidée
contre les sieur et dame de Vaure.
En Bourbonnais, le mot dotée n’étoit synonyme d’a\panée que lorsque les père et m ère, mariant leur fille,
lui av o ie n t , avec intention de l’exclure de leur succes
sion, constitué un objet déterminé dont elle ne pou voit
être privée par les événemens auxquels leur fortune
seroit exposée, et qui formoit ainsi lejprix de la renon
ciation tacite que la fille étoit présumée avoir faite aux
Buccessions des auteurs de ses jours. Les sieur et dame
Dumont n’ont fait ni voulu faire une constitution de
ce genre.
■Le contrat de ‘mariage de la dame de 'Vaure contient
la preuve que dans l’intention des instituans le mot
dot n’étoit pas synonyme à'apanage ; car ils ont cons
titué une dot, et ont dit qu’ëlle n’étoit pas un apanage;
qu’ils en auroient constitué une à ce titre, s’ils n’avoient
mieux aimé instituer la'future comme ils l’ont ifait.
Ce ne sont pas les mots, comme les appelans l’ont dit
eux-m êm es, qu’il faut considérer en pareil cas, mais
la chose qui a été réellement faite par les père et mère.
O n t-ils privé la fille de la qualité d’héritière, si elle
n’acceptoit'pas l’institution'? L ’o n t-ils alors qfïranchie
F 2
�C44)
des charges et des inquiétudes de l’hérédité? L u i ontils donné le prix de sa renonciation tacite, en lui assurant
une somme qu’elle conserverait indépendamment de tous
les événemens ? Ne lui on t-ils réservé aucun espoir
successif? On pourrait dire, quand ils n’auroient em
ployé ni le mot d o t, ni celui d'apanage, qu’il y a for
clusion. Si au contraire la fille a été retenue dans la
fam ille, et instituée héritière; si ce qui lui a été donné
ou promis n’étoit qu’un avancement d’hoirie qu’on l’a
obligée de l’apporter, et q u i, par conséquent , n’étoit
pas une récompense certaine, eussent-ils dit expressé
ment qu’ils ont doté et apané leur fille, elle ne serait
pas forclose.
Les. auteurs communs attachoient si peu au mot dot
l’idée présentée par celui d'apanage, qu’ils se sont servi
des mêmes expressions dans le contrat de mariage d’André
Dumont ; il y est dit : « En avancement d’h oirie, le
« sieur Dumont père « constitué et constitue en d o t,
« au sieur futur époux , la somme de 40000 livres, qui,
« avec celle de 10000 livres provenante de la réserve,
« font 5oooo livres; laquelle constitution dotale sera
« imputée, etc. » Les mots constitué en dot et consti
tution dotale, employés et même plus répétés dans le
contrat de mariage du frère, que dans celui des soeurs,
ne permettent pas de douter qu’on 11’y attachoit pas.,
dans la famille, le sens que les appelans voudraient lui
donner pour le rendre identique avec celui d'apanage..
Ce qui a été dit précédemment , répond aussi à l’ob
jection que les père et mère pouvant livrer leur fille
�à une forclusion absolue, ont p u , à plus forte raison,
ne la forclore qu’en partie , et l’obliger à respecter la
destination d’un objet particulier : 011 ne conçoit pas
trop comment, dans la même succession, une fille peut
être héritière en partie, et forclose pour une autre partie.
Mais les instituans n’auroient p u , suivant la loi qui les
régissoit, forclore la fille par leur simple volonté ; elle
étoit appelée, par cette lo i, à partager leur succession;
on ne pouvoit la priver des droits qu’elle y avoit, que
par l’espèce de composition à forfait, qui se trouve dans
la constitution d’une dot certaine et irrévocable, tenant
lieu de cc qu’elle auroit recueilli dans des successions
qui pou voient diminuer comme augmenter.
L ’adage qui peut le plus peut le m o in s, est ici inap
p licable, puisque les père et mère 11’ayant pas constitué
à leur fille une dot telle qu’il la falloit pour opérer la
forclusion, ils ne pouvoient la priver ni de la totalité,
ni de partie de leurs successions. Eussent-ils pu la livrer
à une forclusion absolue en l’apanant, cette circons
tance est indifférente, dès qu’ils ne l’ont pas apanée. Il
en est comme si un particulier, voulant gratifier son
am i, lui faisoit vente d’un bien sans stipulation de p rix;
l’acquéreur n’acquerroit aucun droit par un pareil contrat,
quoiqu’il fût certain que le vendeur auroit pu valablement (
lui faire une donation cent fois plus considérable. Tant
pis pour l’avantagé, quand celui qui vouloit le gratifier
a fait ce qu’il ne pouvoit pas faire, au lieu de faire ce
qui eût été valable.
Il est certain que la terre de M ont n’a été mise hors
de l’institution faite en faveur de la dame de Vaure ,,
�( 4 0
qu’èn ce sens, qu’elle pouvoit ne pas la trouver dans
l’hérédité : c’est le seul effet qu’étoit susceptible de pro
duire la longue stipulation insérée dans son contrat de
mariage. La réserve de cette terre rendoit les instituons
maîtres d’en disposer par acte valable ; et si la dame
D u mont eût été présente au contrat de mariage de son
'fils , et lui eût donné en préciput sa moitié de cette
te rre , la fille d’A ndré D u m ont, à laquelle on ne con
teste pas l’autre moitié donnée par le père, auroit aùssi
recueilli celle-oi.
Non-seulement le contrat de mariage de la dame de
V a ure ne l’a point privée de l’espérance d’avoir part à
cet immeuble ; elle pouvoit ’môme l’avoir en totalité, si
ses père et mère en disposoîent en sa faveu r, comme
ils s’en étoient réservé le droit. A défaut de disposition
valable, cette terre rentroit dans la masse de l’hérédité,
et toiis ceux qui y venoient avec un titre universel devoient la partager.
A l’allégation, quon peut fa ir e indirectement ce qui
est prohibé ouvertement, les sieur et dame de la Roque
ont opposé la maxime bien plus digne d’être consacrée
par la justice, que la condition contraire aux lois ou aux
bonnes mœurs, est réputée non écrite; qu’ainsi, celui
qui en a été grevé n’est pas tenu de l’exécuter. 'Ils ont
v. soutenu que la loi ordonnerait vainement, s’il étoit permis
de se soustraire à son empire par des voies tortueuses et
indirectes ; rque cette vérité étoit écrite dans les anciens
livres, comme elle l’est dans les articles 900 et 1174 du
Code Napoléon; enfin, qu’elle avoit été proclamée par
plusieurs arrêts solennels.
�( 47 )
Denizart, dans sa collection de jurisprudence, au mot
Dispositions conditionnelles, n°. 2 1 , en cite un rendu
en la grand’chambre du parlement de Paris, le 13 mai
1762. Il s’agissoit d’une institution d’héritier faite par le
sieur de V auban , en faveur de son n eveu , à la charge
de laisser à la veuve la jouissance de plusieurs terres
situées dans des coutumes qui prohiboient les avantages
entre époux. L ’institution fut maintenue , et l’héritier
déchargé de la condition. Cet arrêt rendu sur les con
clusions de M. Joly de Fleury, est aussi rapporté dans la
collection des décisions nouvelles, vulgairement appelée
Nouveau D enizart, au mot Avantage prohibé. On y voit
que la veuve faisoit valoir que la disposition devoit être
exécutée en tout son contenu; que l’héritier n’étant ins
titué que sous cette condition, ne pouvoit se dispenser
de l’accomplir ; qu’à la difficulté qui naissoit de la con
dition sous laquelle l’héritier éloit institué, on observoit
qu’elle devoit être regardée comme non écrite, puisqu’elle
étoit contraire à la prohibition expresse de la coutume:
et il fut ainsi jugé.
Par un autre arrêt du 2 avril 176 2 , rapporté dans
la môme collection, le parlement de P aris, dans le ressort
duquel avoient été. passés tous les contrats de mariage des
enfans des sieur et dame D u m ont, consacra les mêmes
principes, et jugea de plus que la prohibition d’avan
tager, dans les coutumes qui la contenoient, étoit absolue,
et pouvoit etre opposée par tous ceux qui y avoient
intérêt, sans examiner si elle avoit été introduite en leur
faveur ou non.
Il seroit trop long de rapporter l’espèce de cet arrêt ;
�54>
( 48 )
il suffit de remarquer qu’on opposoit aussi à. l’héritier
qu’il n’étoit pas recevable à attaquer la principale dispo
sition de l’acte dont il tiroit lui-même son droit à l’hé
rédité ; que cet acte étoit un tout dont on ne pouvoit
diviser les dispositions; il répondoit que les lois 14 , au
digeste D e cond. et déni. , et la loi 9 , §. 10, D e hœred.
inslituend. , décident qu’une condition nulle peut être
attaquée par le légataire, sans qu’il soit exposé à perdre
son legs. M . l’avocat général écarta les fins de non-rece
vo ir, et se fonda sur ce que l’article de la coutume étant
impératif, la prohibition étoit d’ordre public, et absolue;
qu’elle avoit été introduite par les lo is, de peur que les
conjoints ne se dépouillassent trop facilement par un
amour m utuel, et plus encore pour enlever une source
de division dans les mariages, empêcher le plus adroit,
le plus intéressé de tromper l’autre, le plus violent, le
plus emporté , de forcer l’autre à donner : et toutes les
fo is, disoit ce magistrat, que quelqu’un pourra établir
un droit, une qualité, une action, la justice doit saisir avec
empressement l’occasion de faire prévaloir sur la dispo
sition prohibée de l’homme, la disposition prohibitive
de la loi.
Hors d’état de citer aucune disposition de la coutume,
ni aucun préjugé favorable au système qu’ils voudroieut
faire adopter, les appelans s’emparent de quelques phrases
d’un discours de ce très-savant jurisconsulte, qui remplit
avec tant de distinction l’une des places les plus éminentes
de l’ordre judiciaire. Mais dans la cause où M. Merlin
portoit la parole, il s’agissoit d’une condition d’épouser
telle personne ; condition qui, à l’époque où elle avoit
été
�(49 )
é,té imposée n’étoit pas illicLle ; et ici la condition a pour
objet un don en p récip u t, que le texte le plus formel
de la loi municipale défendoit de donner à l’enfant qui
ne contractoit pas mariage. M . M erlin disoit que si la
condition dont il s’occupoit devoit être considérée comme
illicite, elle conduiroit à dire qu’il falloit regarder comme
nulle l’institution faite sous cette condition.
Un pareil résultat ne procureroit aucun avantage à
la demoiselle Dumont : les dames de Vaure et de la
Roque se trouveroient placées dans la même position
que si elles s’étoient mariées sans contrat de m ariage,
ou si leurs père et mère n’avoient pas été présens à
leur contrat ; alors elles i-ecueilleroient toujours le tiers
de tous les biens de la dame P itat, leur m ère, décédée
intestat. L ’arrêt du 22 nivôse an 9 , dont les adver
saires isolent un considérant, se rapporte aussi à une
condition qui n’étoit point illicite ; et s’il y est dit que
dans les actes entre-vifs, il faut respecter la volonté de
tous, ce ne peut être que relativement aux actes synallagmatiques, consentis par des personnes capables de conI tracter, et non pour ceux où une mineure a été, en fraude
de la l o i , grevée d’une condition à laquelle il lui étoit
impossible de donner un consentement valable.
Par une bizarrerie bien extraordinaire, tout ce qui
est dit dans cette partie du mémoire des appelons est
en contradiction avec ce qu’on lit à la page i 5 , où parlant
de l’arrêt de 1716 , rapporté par A u ro u x , qui valida une
disposition en p récip u t, apposée comme condition à
une institution d’héritier, dans un contrat où on avoit
en même temps apané une fille majeure, les appelans,
G
�C5o )
disent que si cette clause de préciput eût été contraire
il la lo i, ainsi que le porte un des considérans du ju
gement de Gannat, elle auroit été réputée non écrite,
nonobstant la menace de forclusion ; qu’il a toujoui-s été
de principe qu’une clause pénale ne pouvoit valider
une clause contraire à la l o i , parce qu’autrement on
pourroit se réserver les moyens de violer la loi.
Les appelans conviennent ic i, d’une manière bien
expresse, que si les conditions mises à l’institution de
la dame de Vaure étoient contraires à la lo i, elles sont
censées non écrites. Il ne sagit donc que d’examiner le
fait; et pour cela il suffit de lire le contrat du 19 no
vembre 1775. La dame D um ont, en avantageant son
fils de sa portion de l,à terre de M on t, en cas qu’elle
n ’ e n d i s p o s â t ,pas autrement, et donnant à son mari le
droit de. la lui transférer, violait ouvertement les articles
3 1 7 , 219 et 321 de la coutume sous l’empire de laquelle?
elle v iv o it, qui défendent aux pères et mères d’avantager
leurs enfans, si ce n’est par leur.propre contrat de mariage,
ou p<jr legs tenant lieu de portion héréditaire; l’art. 227,
qui ne permet point aux époux ayant enfans de se-faire,
aucun avantage, mêmepardonmutuel', durant le mariage;
l’article 136, qui l’endant le mari seul maître de la com
munauté , prive la femme du droit de disposer des biens
qui la composent.
L a condition.de respecter le préciput eût-elle été
obligatoire'pour les dames de Vaure et de la R o q u e ,elles peuvent s’en dégager en s’en tenant à la qualité
d’hériticres naturelles et légitimes. Lq coutume du Bour
bonnais, aïticle.223, dit que rhéritier institué. est libre
�( 5i )
de renoncer. M . A u ro u x, sur cet article, observé què
celui qui a été institué héritier par son contrat de mariage,
peut renoncer, si bon lui semble } à la successiori de
l’instituant, quand elle est échue, par hl raison qüe
l’institution contractuelle n’a été introduite qu’eii faveur
des mariés et de leurs descendans, et qu’il est librë à tui
chacun de renoncer à une-cliose introduite en sa faveur^
joint que l’héritier contractuel n’étbit pas en état d’ac
cepter la succession lors de l’institution, puisqu’elle ri’étôit
pas encore ouverte, et qu’il n’a contracté que sur Ici
faculté d’être héritier s’il le véüt.
T o u s les auteurs que les sieur et damé ïlilliard ont
cités comme disant que des associations et ddns d’üsufrilit
peuvent être maintenus, s’ils sont une condition de l’ins
titution , se fondent sur ce que ¡’institué ne pèiit s’àin
franchir dé la condition qti’en renonçant à l’iilstitutioü ;
d’où il suit qu’au moyéii de èetté réiidficiatiüiri, l’insti
tution et les conditions qui ÿ tint été fiiisës sënt éorfime
non avenues.
O r , si l’institution n’existoit Jjaà,- l^îs dattieè dé Vâuf-ë
et delà Roqué, contre lesquelles il a ’ÿ à aucune forclusion
légale ni conventionnelle, cdirïttié ôn' î’à:prouvé ci-devant,
recueilleroient le tiers dé touté là succession dé là dame
1 itat, leur mère et aïeule, èri qualité de ses héritières
naturelles ét légitimes : on rie saüroit donc les en priver.
A la page 33 de leur m ém oire, les appelait ont cru
faire une forte- objection, en disant qu’ori petit opposer
aux- dames de Vaure e t de la Roque Qu’elles se p r é s e n te n t
pour succéder'en vertu dé leur institution, ou q u ’e lle s
renoncent à c& titré -q u e d&És lé prerûier cas, leur titré
G 2
�( 52 )
étant indivisible, elles doivent l’exécuter intégralement;
que, dans le second cas, n’étant plus instituées, elles ne
sont que dotées, et dès-lors forcloses de d ro it, parce
qu’aux termes de l’art. 3o 5 , et suivant la jurisprudence la
plus constante, toute fille simplement dotée est par cela
même apanée ; d’où il résulte qu’elles ne peuvent venir
comme héritières ab intestat.
On peut répondre aux appelans : Ce dilemme, qui
renferme la quintessence de tous vos moyens, n’est qu’un
tissu d’erreurs.
i°. En nous présentant comme héritières instituées ,
nous ne serions pas obligées d’exécuter intégralement
le titre qui contient l’institution; nous en séparerions
la condition de souffrir le préciput, le don fait à André
Dumont dans le contrat de mariage de ses sœurs, étant
prohibe par la loi qui nous régissoit. Nous profiterions
de l’institution comme s’il n’existoit pas de condition,
celles de ce genre étant réputées non écrites. Si ce qui
est prohibé ne pou voit pas être séparé de ce qui est permis,
on violerait les lois quand on voudrait.
Lorsqu’il est question d’une stipulation faite dans un
acte passé entre majeurs et usans de leurs droits, cha
cune des parties étant aussi coupable que, l’autre de la
contravention à la lo i, on annulle purement et simple
ment la convention. Mais ce qui a été stipulé dans le
contrat de mariage des dames de Vaure et de Beauregard,
n’est pas leur ouvrage : âgées alors d’environ dix-sept
ans, soumises à la volonté des auteurs de leurs jours,
qui dictoient la disposition, elles n’ont pu ni consentir
ni la combattre. Ce sont leurs père et mère qui ont
�( 53 )
cherché à se soustraire à la prohibition ; et malgré la
faveur que les appelans veulent qu’on accorde a ce qui
est fait indirectement, la prohibition doit produire son
effet.
2°. D e ce que les dames de Vaure et de Beauregard
ne seroient plus héritières instituées , en renonçant a
cette qualité , il ne s’ensuivroit pas qu’elles ne fussent
plus héritières : leur position seroit la même que si lors
de leur établissement il n’avoit pas été passé de contrat,
ou si elles s’étoient mariées avec les droits qu’elles
pourroient avoir. Alors la fille vient aux successions
comme héritière naturelle et légitime , et y prend sa
portion de tout ce dont les auteurs de' ses jours n’ont
pas valablement disposé ; filins aut Jilia ergo hcercs.
3 °. Ni l’article de la coutume que les sieur et dame
Hilliard ont cité,, ni la jurisprudence, ne disent point
que la fille simplement dotée est par cela même apanée;
ils ne regardent comme apanage que la dot qui a été
constituée avec intention qu’elle fût le prix de la portion
héréditaire ; prix qui doit être certain, et hors des at
teintes de tous les événemens auxquels est restée exposée
la fortune des père et mère. On a vu que celle des dames
de Vaure et de Beauregard n’étoit pas de ce genre.
Dans tous les raisonnemens qui se rattachent à leur
dilem m e, les adversaires ont oublié que les dames de
Vaure et de Beauregard étoient héritières naturelles et
légitimes des sieur et dame Dumont ; elles doivent, à
ce titre recueillir les mêmes avantages qu’avec celui
d’héritières instituées. Espérant arriver plutôt à leur but,
elles out réclam é, comme héritières naturelles et légi-
�Ç54 )
times, le tiers de tous les biens généralement quelconques,
appartenons à la dame Pitat, leur m ère, qui n’en a fait
aucune disposition valable : et dans le cas où il y auroit
quelque difficulté ( ce qui n’est pas vraisemblable ) à
leur adjuger ledit tiers de tous les biens de la dame
P itat, en leur qualité d’héritières naturelles, elles de
mandent qu’il leur soit adjugé en vertu de l’institution
contractuelle faite à leur profit par ladite dame Pitat.
On a démontré jusqu’à l’évidence que la constitution
qui leur a été faite en avancement d’h o irie, n’est point
uue dot tenant lieu d’apanage ; que leurs père et mère
n’ont pas eu l’intention de les apaner, et qu’ils n’auroient
pu le faire de cette manière : ainsi rien ne s’oppose à
ce qu’elles recueillent, comme héritières naturelles et lé
gitimes , le tiers de tous les biens de leur m ère, décédée
intestat. S’il ne leur étoit possible d’obtenir le tiers
desdits biens, qu’en qualité d’héritières contractuelles,
alors, mais seulement alors, il faudroit se fixer sur reflet
que doivent produire les stipulations contenues dans leurs
contrats de m ariage, et examiner si nonobstant la prohi
bition expresse de la coutume, la fille d’André Dumont
doit obtenir en préciput la moitié de la terre de M ont,
appartenante à la dame Pitat, qui n’en avoit pas disposé
valablement.
Que les sieur et dame Hilliard cessent de se persuader
qu’en répétant sans cesse qu’il faut que les dames de
Vaure et de la Roque soient, ou instituées, ou apanées,
on finira par les en croire sur leur parole. Elles ont
un double titre d’héritières, et peuvent préférer celui
qui leur est le plus avantageux, suivant la maxime
�( 55)
Quoties dupîici jure defertur hcereditas sublato novt
super est vêtus. La nature et la loi appellent tous le;
enfans à recueillir également les successions des auteurs
de leurs jours, lorsque les actes par lesquels on a voulu
donner atteinte à ce droit ne sont pas valables ; ou lorsque
l’enfant peut venir auxdites successions, sans se prévaloir
de ces actes, il est dégagé de toutes les charges et con
ditions qu’on a voulu lui imposer.
QUATRIÈME
PROPOSITION.
L e s dames de Vaure et de la Roque n o n t f a i t
aucun acte qui leur ait im prim é la qua lité (th é -
ritières instituées , ou dont on puisse induire
quelles se sont considérées comme apanées.
Ne pouvant se dissimuler que si les dames de Vaure
et de la Roque appréhendent la succession de la dame
P ita t, comme héritières naturelles et légitim es, il faut
regarder comme non avenues l’institution, et la condi
tion de souffrir le préciput, les appelans prétendent que.
les dames de Vaure et de la Roque ont exécuté san
reserve les contrats de mariage dont il s’agit; que pai
là; elles se sont rendues non recevables à les attaquer:
ils font: résulter cette exécution de ce qu’elles ont reçu
le tout , ou partie de leurs dots, du vivant de leurs
père et m ère, de ce que l’une:d’elles a reçu annuelle
ment depuis le décès de sa mère les intérêts de ce qui
lui était d û , et enfin de ce que Tune: et l’autre ont
t
> r.
�yÇ'-'
;
.
(-5 6 )
laissé jouir le survivant des père et mère des biens (lu
prédécédé.
Gene peut être, disent-ils, en qualité d’héritières na
turelles qu’elles ont reçu leurs constitutions de d ot; car
le droit de l’héritier naturel ne peut s’ouvrir qu’au
décès de la personne à qui l’on succède. Ce ne peut
être en qualité de filles mariées et dotées, car elles
auroient été forcloses et réduites à un apanage. Ayant
reçu en qualité d’héritières instituées, et l’institution
étant indivisible, elles n’ont pu la recueillir sans se
soumettre à relâcher à l’héritière de leur frère le préciput qui en est une charge.
.E lles ont aussi laissé jouir leur p ère, pendant plus
de vingt ans, de la succession de leur m ère, en vertu
de la condition qui avoit été apposée à leur institu
tion. La crainte révérencielle qu’elles allèguent est un
m otif chimérique; elles ne persuaderont à personne que
par le seul eifet de cette crainte elles aient ainsi laissé
jouir leur père d’une succession opulente, qu’elles pouvoient appréhender depuis plus de vingt ans, lorsqu’on
considérera surtout que depuis 1789, le sieur Dumont père
ne pouvoit plus disposer que d’une somme de iô o o o f.;
qu’il est d’ailleurs plus naturel d’admettre qu’elles ont
laissé jouir le père de lu succession de la dame P itat,
pour remplir l’obligation qui leur étoit imposée, comme
condition de l’institution, que de supposer qu’elles ont
agi^ainsi par le puéril motif d’une crainte révérencielle:
eussent-elles agi par cette crainte, elles ne pourroient
espérer d’être relevée de l’exécution de leurs contrats
de mariage, parce que l’article 1114 du Code Napo
léon
�Iéon consacre l’ancien principe, que la seule crainte révérencielle ne peut suffire pour fonder une action ; qu’il
y a parité çle raisons pour décider qu’elle ne peut jus
tifier une exception; que les lois romaines rejetoientla
crainte prétendue révérencielle , e t n’admettoient l’excep
tion de la crainte que lorsqu’elle étoit l’effet d’une vio
lence illicite, et contraire aux bonnes mœurs.
Nous avons rapporté très-fidèlement tout ce qui a
été dit par les adversaires pour fonder leur prétendue
fin de non - recevoir ; il sera facile d’anéantir ce fruit
d’une imagination féconde.
Il a été prouvé précédemment que lorsqu’un acte
contient des stipulations contraires aux lo is, on doit les
considérer comme non écrites, et exécuter l’acte comme
si elles n’existoient pas, n’y ayant à cet égard aucune
indivisibilité ; que si cette assertion pouvoit être con
tredite relativement aux actes passés entre majeurs, qui
étant tous deux coupables de la contravention à la lo i,
sont tenus de l’exécuter tel qu’il est, ou de consentira
son anéantissement total, il ne sauroit en être de même
d’une condition dont l’objet étoit prohibé , qui a ét<?
imposée à une mineure par ceux sous la puissance des
quels la nature et la loi l’avoient placée : ainsi les dames
de Vaure et de la Roque devant être dégagées de la
condition illicite qui leur a été imposée dans l ’institu
tion , leur droit n’en seroit pas moins certain quand
elles auroient exécuté sans réserve les contrats de ma
riage qu’on leur oppose.
Mais .nous allons démontrer que toutes choses sont
entières à leur égard.
H
�Il est bien constant qu’elles n’ont fait aucun acte dans
lequel elles aient pris la qualité d’héritières instituées.
Toutes les fois qu’on veut induire de quelques faits la
renonciation à un droit certain, tel que celui de renoncer,
il faut que lesdits faits soient tels qu’ils n’auroient pas eu
lie u , si ceux qui en sont les auteurs n’avoient été décidés
à prendre la qualité dont ils voudroient ensuite se dé
pouiller.
Ces principes sont v rais, même dans le cas où l’hé
ritier se seroit immiscé dans les biens de l’hérédité.
M . Lebrun, en son Traité des successions, liv. 3, chap. 8,
section 2 , rapporte ce que dit M. l’Epine de Grainville
à l’occasion d’un arrêt de 1724, qui jugea qu’ une dame
L eclerc, qu’on vouloit faire réputer héritière à cause
de diiFérens actes qu’elle paroissoit avoir faits en cette
qualité, avoit pu renoncer. Ce magistrat observe que
ledit arrêt sert à faire connoître qu’on ne doit se porter
qu’avec scrupule à déclarer héritier celui qui n’a pas
intérêt de l ’être ; que les actes qu’on peut lui opposer
ont souvent des motifs bien diiiérens, et que les seuls
qui doivent lui faire donner celte qualité sont ceux qui
établissent qu’il a voulu la prendre et s’en attribuer le
profit -, à quoi M . Lebrun ajoute qu’il suffit que l’on
puisse faire une chose en quelqu’autre qualité que celle
d’béritier, pour n’être pas réputé l’avoir faite en ladite
qualité d’héritier.
Les mêmes principes peuvent être invoqués par l’hé
ritier naturel et légitim e, exem pt, en cette qualité, de
toutes charges, lorsqu’on veut le faire déclarer héritier
contractuel pour l’obliger d’exécuter des conditions qui
lui ont été imposées en fraude de la loi.
�Il
ne résulte de la réception des sommes qui ont été
touchées par les dames de Vaure et de Beauregard, au
cune approbation de l’institution : ces sommes étoient la
représentation des alimens que les pères et mères doivent
à leurs enfans , comme ceux-ci en doivent à leurs pères
et mères lorsqu’ils sont dénués de biens. Ce qui avoit été
promis en avancement d’h oirie, n’avoit rien de commun
avec l’institution ; car on pouvoit instituer sans avance
ment d’hoirie, ou donner un avancement d’hoirie sans
institution. Ainsi ce qui a pu être reçu par les filles des
sieur et dame Duraont, en attendant l’ouverture de leurs
successions , ne les a point privées du droit d’examiner
dans la suite à quel titre elles dévoient appréhender lesdites successions.
L e second fa it, duquel on veut faire résulter l’appro
bation de l’institution, est la jouissance laissée au p è re ,
des biens de son épouse décédée.
A cet égard, les appelans ont trouvé commode de dis
simuler la réponse tranchante et décisive qui leur avoit
été faite en première instance. On leur avoit dit : Nos
père et mère étoient en communauté ; l’intérêt des dames
de Vaure et de la Roque étoit que cette communauté
ne fût pas rompue : or, la continuation n’auroit pu avoir
lie u , si les enfans avoient retiré des mains du sieur
Dumont les biens de leur m ère, dont les fruits appartenoient à la communauté. Ainsi la jouissance desdits
biens n’est pas restée au p è re , à cause de la condition
mise à l’institution , mais par un m otif bien différent,
et pour l’intérêt des héritiers de la dame Pitat.
N ’y eût-il pas eu de communauté, les d a m e s de Vaure
H ^
�( 60 )
et de la Roque n’auroient pas préjudicié à leurs droits,
en laissant jouir leur père de l’hérédité m aternelle,
pendant un temps moindre que celui qui est nécessaire
pour la prescription. Cette négligence à réclamer les
biens maternels est un fait négatif, qui ne sauroit être
considéré comme une approbation de l’institution.
Tous les jours on voit des pères privés de l’usufruit
par des secondes noces, sans que leurs enfans profitent
du bénéfice de la loi ; et jamais cependant on ne s’est
avisé de soutenir qu’ils dérogeassent à rien par ce silence,
ni même qu’ils fussent non recevables à former leur
demande en privation, après une longue jouissance du
père. L e silence des dames de Vaure et de la Roque
n’est donc ici qu’un effet de la révérence paternelle, et
de la crainte que la privation de cette jouissance n’en
gageât le sieur Dumont à frustrer ses filles de partie des
biens qu’elles espéroient trouver dans sa succession.
Les sieur et dame Hilliard ont opposé que depuis
1789 , le sieur Dumont n’avoit plus à sa disposition
que i 5ooofrancs ; que suivant le Code c iv il, la crainte
révérencielle ne pouvoit fonder une action; qu’il y avoit
même motif pour une exception ; que les lois romaines
n’acceptoient pas l’exception de la crainte révérencielle,
mais seulement celle qui étoit l’effet de la violence.
Relativement au ne jtejus J h cer et, il y a inexactitude
à dire que depuis 1789, le sieur D u m o n t ne pouvoit
disposer que de i 5ooo francs ; il pouvoit disposer de
» v in g t, la dame de la R oque n’étant pas saisie de la
somme à elle donnée dans un contrat qui n’étoit pas le
sien : mais ce n’est pas sur ces 20000 francs qu’il faut
�( 61 )
apprécier l’effet du mécontentement que ledit sieur D umont auroit pu concevoir. Il avoit la liberté de vendre ;
il pouvoit faire des dons, soit de la main à la main ,
soit par obligations simulées. Irrité contre sa fam ille,
son affection se seroit portée sur des étrangers.
L ’article 1114 du Code Napoléon, qui dit que la seule
crainte révérencielle ne peut pas fonder une action ,
fignifîe que celui qui voudroit revenir contre un acte,
sous prétexte qu’il ne l’a signé que par révérence pa
ternelle , ne seroit pas écouté, s’il n’alléguoit aucun
autre motif ; ce qui ne paroît pas comprendre le ne pejus
J 'a c e r e t , c’est-à-dire, une autre crainte bien plus forte,
celle d’être privé de la plus grande partie de l’h érédité,
sur laquelle on avoit droit de compter.
Si la crainte révérencielle ne peut suffire, suivant le
Code c iv il, pour fonder une action, il n’y a pas parité
de raisons pour l’exception ; c’est-à-dire, pour celui qui
étant maître d’exercer ou ne pas exercer un droit, sus
pend , par révérence paternelle, l’exercice de ce droit
durant le temps où il ne périclite pas. L ’enfant qui n’a
pas agi en pareil cas, a cédé à l’un des plus doux sentimens de la nature : il eût dû malgré la crainte révé
rencielle résister à son père, s’il avoit exigé un acte de
renonciation au droit qui lui étoit acquis; mais dès que
le droit ne se perdoit pas, on ne peut que louer l’enfant
d’avoir garde le silence. Elle seroit bien dure, la loi qui
placeroit une fille tendre et soumise dans l’alternative,
ou de priver ses enfans d’une partie de leur fortune,
ou de remplir d’amertume les derniers jours de celui à
qui elle doit la vie.
�( 62 )
La fin de n on -recevoir est le plus pitoyable des
moyens opposés par les appelans ; il seroit inapplicable
à la dame de la R o q u e, qui n’avoit que huit jours lors
qu’elle a perdu ;sa mère décédée avant l’accomplisse
ment de sa majorité. Les 6000 livres payées à compte,
sur ce qui lui a voit été constitué en avancement d’hoirie,
l’ont été au tuteur naturel de ladite dame de la Roque.
Par l’effet des nouvelles lois elle a atteint sa majorité
d ix -h u it mois avant la mort du sieur Dumont , son
aïeul ; mais dans cet intervalle il n’a été fait aucun acte
approbatif de l’institution; et aussitôt après la mort
dudit sieur Dumont elle a manifesté qu’elle entendoit
réclamer sa portion dans la moitié de la terre de M ont,
qui avoit appartenu à la dame Pitat; et par conséquent
ne pas approuver les actes qui.auraient dérogé à ce
droit.
CINQUIÈME
PROPOSITION.
Quand les termes des contrats de mariage des
dames de Vaure et de Beauregard , contien
draient constitution d’une dot, telle quelle doit
être pour former apanage ; quand il seroit dit
expressément que si elles contestoient le pre'ciput,
elles seroient réduites à cette d ot, il riy auroit
pas lieu de les déclarer déchues du bénéfice de
V institution, mais seulement dyordonner la dé
livrance dudit pre'ciput.
Les sieur et dame Ililliard ont souvent manifesté
�dans la cause un grand désir de dépouiller les dames
de Vaure et de la Roque de leurs droits héréditaires.
Espérant leur faire abandonner par la crainte une partie
de leur patrimoine, on a plusieurs fois fait circuler le
bruit qu’elles couroient risque d’être réduites à la somme
qui leur avoit été constituée en avancement d’hoirie ;
mais il faut rendre aux appelans la justice de dire qu’ils
ont eu la pudeur de ne pas prendre de conclusions à cet
égard devant les premiers juges. C’est une contradiction
dans leur conduite , de discuter en la cour d’appel un
objet qu’ils n’ont pas demandé en première instance.
Ils auroient fait vainement cette demande, même dans
le cas où les contrats de mariage dés daines de Vaure
et de Beauregard auroient contenu la stipulation la plus
expresse que si elles contestoient le préciput, la somme
constituée en avancement d’hoirie tiendroit lieu d’apa
nage. L e droit sacré qu’ont les enfans à la succession des
auteurs de leurs jou rs, eût fait regarder la peine comme
comminatoire : on eût ordonné la délivrance du pré
ciput, sans égard à la demande en déchéance de la por
tion héréditaire.
Les appelans nous ont eux-m êm es fourni la preuve
de cette assertion, à la page 14 de leur m ém oire, où
ils l'apportent, d’après M . Beraud, les circonstances de
l’arrêt de 17 16 , cité par M . A uroux. Les filles qui, lors
de cet arrêt, avoient contesté le préciput, étoient ma
jeures à l’époque de leur contrat de mariage; elles étoient
instituées héritières sous réserve de 30000 liv. données
en préciput à leur frère, et avec convention expresse
qu’où lesdites filles voudroient contester ledit préciput %
�'
( 64 )
elles demeureroient apanées à la somme de 24000 liv.
Cet apanage form el, et moyennant un prix certain, les
obligeoit à souffrir le p réciput, ou à se contenter de
l’apanage. L e premier tribunal ordonna que le fils prélèveroit ledit préciput.
Sur l’appel, l’intimé forma incidemment demande ten
dante à ce qu’en conséquence de la contestation du pré
cip u t, ses sœurs demeux-assent apanées, conformément à
la clause expresse stipulée dans leurs contrats de mariage;
mais l’arrêt qui intervint, en confirmant le préciput, mit
hors de cour sur la demande en déchance de la portion
héréditaire.
Les contrats de mariage des dames de Vaure et de
Beauregard les placent dans une position bien plus avan
tageuse que celle où se trouvoient celles qui donnèrent
lieu à l’arrêt de 1716. Les dames de Vaure et de Beauregard n’avoient que dix-sept ans lox’s de leurs contrats
de mariage, les autres étoient majeures; circonstance bien
importante. Il n’y a pas d’apanage, pas même de cons
titution de dot certaine, en faveur des dames de Vaure
et de Beauregard; les autres étoient expressément apanées
à une somme déterminée. Il étoit stipulé dans les contrats
de mariage de celles-ci que si elles contestoient le pré
ciput , elles demeureroient apanées à la somme qui leur
étoit constituée; tandis qu’au contraire les père et mère
des dames de Vaure et de Beauregard ont dit dans le
contx*at de la dame de Vaure qu’ils 11e l’avoient point
apanée ; et le sieur Dumont père a prévu , dans celui
d’ André D um ont, le cas où la dame de la Roque contesteroit le préciput. Loin de déclarer qu’en ce cas elle
ne
�( 65 )
ne pourroit exercer ses droits héréditaires, il s’est borné
à dire qu’elle devroit être privée de 5ooo, francs dont
il lui faisoit don sur sq réserve; et il n’a institué son fils
héritier que pour un tiers, conjointement avec ses sœurs :
de sorte que la demoiselle Dumont ne pouyroit réclame^
qu-delà du tiers des successions à partager, sans contre
venir de la manière la plus formelle au liti’e qui, lüi
assure en préciput la moitié de la terre de M ont, apparf
tenante au feu sieur Dum ont, son aïeul. Elle peut d’autant
moins contester les droits de ses cohéritières, qu’il n’çst
pus douteux que le feu sieur Dumont n’eût fait aucun
avantage audit André Dum ont, $’¡1 eût pensé que lui ou
ses représentai» essayeraient de dépouiller 1rs dames de
Voure et de Beeuregard d’une partie des droits coqsacrés
par leurs contrats de m ata ge, et jnême par celui dudit
André Dumont.
S I X I È M E
PROPOSITION.
L a disposition du jugement dont les sieur et danie
H illia rd sont appelans, doit être maintenue tant
en faveur des sieur et dame de Vaure, que des
sieur et dame de la Roque ; mais s 1il y avait
difficulté v is -à -v is des prem iers, il 11 en existe
aucune relativement aux sieur et dçime de la,
Roque.
$ ie n convaincus que les droits de la dame de V a u r e ,
leur t a n te , sont incontestables ? les sieur et dame de la
�(
66)
Roque ont toujours raisonné comme si le contrat de la
dame de Beauregard contenoit les mêmes stipulations.
Mais les clauses irritantes de celui de la darne de Vaure
n’ont pas été mises dans celui de la dame de Beauregard;
il n’y est fait nulle mention qu’en cas de non disposition
de la terre de M ont, elle appartiendra à André D um ont,
ni que l’institution des filles soit grevée de cette condition ;
il n’est pas exprim é, comme dans le premier, que sans
ces conditions l’institution n’auroit pas été faite, et qu’elle
eût été apanée : des clauses de cette nature ne peuvent
se suppléer. On dit bien que l’institution de la dame de
Beauregard est faite aux mêmes charges que celles expli
quées dans le contrat de la dame de V a u re, mais cela
ne peut s’entendre que de l’usufruit réservé en faveur du
survivant*, il n’est nullement parlé de conditions.
M al à propos les appelans prétendent-ils que le mot
charges comprend la réserve d’usufruit, et la destination
de la terre de Mont. Dans le contrat de la dame de V aure,
les instituans ont bien distingué ces deux choses. Lors
qu’ils stipulent la réserve d’usufruit, ils disent à la charge
de laisser jo u ir ; lorsqu’ils rappellent la destination de la
terre de M ont, ils se servent de ces mots, et à condition
de ladite disposition.
L e meilleur interprète des actes dont il s’agit étant sans
contredit le sieur Dumont père qui en est l’auteur, on
ne sauroit trop faire remarquer comment il les a entendus.
Toute sa pensée est dévoilée dans le contrat de mariage
d’André Dunoont : s’il lui donne le préciput, c’est, dit-il,
parce que la faculté d’en disposer lui a été attribuée par
la dame Pitat, son épouse, dans le contrat de mariage
�( 67 )
de la dame de Vaure. Il n’eût pas manqué d’exprimer
que cette faculté lui appartenoit eu vertu des contrats de
mariage de ses deux filles, s’ils eussent contenu les memes
stipulations.
Faisaut ensuite donation à la dame de la Roque d’une
somme de 5ooo f r ., il lui impose l’obligation de con
sentir audit préciput, et vent qu’elle soit privée de cette
somme de 5ooo francs , si elle ou ses père et mère con
treviennent à la disposition qu’il fait en faveur d’André
Dumout.
Eût-il pris tous ces moyens, s’il eût cru la dame de
la Roque obligée par le contrat de mariage de sa mère
à soutlrir ledit p r é c i p u t ? N ’auroit-il pas plutôt l’appelé
que c’étoit une condition de l’institution de la dame de
Beauregard, si vraiment son institution eût été condi
tionnelle ?
Ces réflexions sont simples •, elles portent la convic
tion dans tous les cœurs, malgré la subtilité avec laquelle
les appelans cherchent à les écarter : ils font des mots
dans ¿’esprit, un talisman qui suffit à tout. Mais qui
est-ce qui ignore qu’une condition à laquelle on voudroit
donner l’efTet de priver l’héritière instituée de sa portion
dans l’un des objets les plus considérables de la. sucession
qui lui étoit promise, devoit être exprimée avec d’autant
plus d’energie, qu’il est de principe que les peines ne
peuvent etre appliquées qu’à celui qui y a été positi
vement soumis?
La famille paternelle de la dame de la Roque a dû
penser que le contrat de-mariage de la dame de Be.'U regard seroit son unique loi ; elle étoit loin d’iniagiuer
la
;
*
�( 68 °
que dans ui^ coutume d’égalité , qui met les plus grands
obstacles aux dispositions en précipu t, André Dumont
en réclameroit un très - considérable , en vertu d’un
contrat de mariage qui n’étoit pas le sien, et dans lequel
il n’est pas même nommé.
S i , contre toute vraisemblance , la dame de Vaure
venoit à succomber, les sieur et dame de la Roque ont
lieu de croire que la disposition du jugement dont est
appel , qui a déclaré nulle la donation en préciput de
la terre de M o n t, pour la moitié provenante de la dame
Pitat , seroit toujours maintenue à leur égard. Ils ont
démontré précédemment que les mauvais raisonnement
sur lesquels les appèlans fondent une fin de non-recevoir
inadmissible, ne peuvent ‘s’appliquer ni à la dame de la
Roque , ni à la dame sa mère , à raison de minorité.
O n feroit des répétitions inutiles, si l’on suivoit les
sieur et dame Hilliard dans leur critique des motifs qui
ont déterminé les premiers juges, lorsqu’ils ont décidé,
sur les conclusions conformes du procureur im périal,
que la moitié de la terre de M on t, qui avoit appartenu
à la dame P itat, seroit partagée entre tous ses enfans ;
ils ont fait une juste application de la loi sous l’empire
de laquelle ils sont nés et ont toujours vécu. On iie sauroi't
douter qu’ils n’en aient saisi le véritable sens.
R É S U M É .
Il
résulte des propositions établies dans le present mé
m oire,
iu, Q u’André Dumont ne pouvoit recevoir aucun avan-
�( 69 )
tage de ses père et mère dans les contrats de mariage
des dames de Vaure et de Beauregard; que la dame Pitat
étant décédée avant le mariage dudit André D um on t,
il n’a pu recueillir dans tous les biens qui lui avoient
appartenu, qu’une portion égale à celle de ses sœurs.
2°. Que la disposition en préciput qui a été faite en
faveur du môme André D um ont, dans lé contrat de
mariage de la dame de V aure, étant prohibée formelle
ment par la coutume de Bourbonnais, à laquelle les
parties étoient soumises , doit être déclarée nulle et
comme non avenue.
3°. Qu’il en est de même de la faculté d’élire donnée
par ladite daine Dumoüt à son m ari, soit parce que ladite
coutume ne permettoit aucunes donations ni autres contrats
entre époux, soit parce que cette faculté d’élire ne pourroit être considérée que comme une procuration ou un
mandat; et il est de principe que tout pouvoir finit à la
mort de celui qui l’a donné.
4°. Que la disposition de la terre de M ont, ainsi que
la faculté d’élire, ne sauroiënt être maintenues, comme
étant une condition de l’institution faite dans le contrat
de mariage de la dame de V au re, attendu que les con
ditions' contraires aux lois ou aux mœurs sont réputées
non ecrites , et n’empêchent pas l’exécution de l’acte
dans lequel elles ont été mal A propos insérées ; qu’il
doit plus particulièrement en être ainsi, lorsque l’enfant
auquel la condition a été imposée, iie pouvoit, à cause
de sa minorité , donner aucun consentement qui lui fût
préjudiciable.
5°. Qu’il seroit également contraire aux lois et à la
�.
( 7° )
m orale, qu’on pût faire par voie indirecte ce qui est
expressément prohibé. Si quelques auteurs ont dit qu’en
contrat de mariage on pouvoit instituer avec l'obligation
d’associer une tierce personne à l’institution, et stipuler
un don d’usufruit en faveur de celui des instituans qui
su rvivrait, c’est parce que l’association peut procurer
des avantages à l’un comme à l’autre des associés; et ce
n’est pas comme donation, mais comme acte de reconnoissance de la part de l’institué, que la clause d’usufruit
obtient son effet. A u surplus, n’y ayant pas égalité de
raisons, on ne sauroit en induire qu’il est permis, malgré
la disposition de la loi m unicipale, et le sentiment de
ses plus célèbres commentateurs, de donner un préciput
à l’enfant qui ne contracte pas mariage.
6°. Que la coutume de Bourbonnais étant une coutume
d’égalité, les pères et mères ne pouvoient forclore leurs
filles de leurs successions, par le seul empire de leur
volonté : il falloit, pour lesapaner, qu’ils leur donnassent
un prix certain par la constitution d’une dot qui leur
fût irrévocablement acquise. Si quelques auteurs, et un
arrêt de 1716 , ont déclaré valable un préciput (donné au
fils, dans le contrat de mariage de ses sœurs, c'est parce
que leurs contrats contenoient deux stipulations bien dis
tinctes , institution sous la condition du préciput, et
apanage formel ; au lieu que les sieur et dame Dumont
n’ont rien constitué à leurs filles qu’en avancement d’hoirie,
et à la charge du rapport : ils ont expressément déclaré
dans leur contrat de mariage , et dans celui d’ André
D um ont, qu’ils n’avoient p a s entendu les apaner, ni les
priver, dans aucuu cas, du partage égal avec leur frère;
�( 71 )
et ce dernier n’ayant été lui-même institué que pour un
tiers , conjointement avec les dames de Vaure et de
Beauregard , n’a transmis à son héritière aucun titre
#en vertu duquel elle puisse prétendre au-delà de cette
quotité.
7°, Que les appelans peuvent d’autant moins tirer
avantage, relativement à la succession de la dame Pitat,
de la prétendue condition relative au préciput, que les
dames de Vaure et de la Roqu e ayant le droit de re
cueillir sa succession en qualité d’héritières naturelles et
légitimes, si cette condition étoit valide, elles s’en trouveroient dégagées en n’acceptant pas la qualité d’héritières
instituées, et s’en tenant à celle d’héritières naturelles
et légitimes.
8°. Que les dames de Vaure et de la R o q u e, qui
n’ont p ris , dans aucune circonstance , la qualité d’hé
ritières instituées, ne sauroient être privées du droit de
venir à la succession de la dame Pitat, comme ses héri
tières naturelles et légitim es, qu’autant qu’elles auroient
fait des actes incompatibles avec cette dernière qualité :
au lieu que les deux faits dont les appelans essayent de
tirer avantage, sont absolument insignifians ; la réception
du tout ou de partie de ce qui avoit été constitué en
avancement d’hoirie, n’ayant rien de commun avec l’ins
titution , et la jouissance laissée au père des biens de
son épouse étant une suite de la communauté conjugale,
dont la continuation ne pouvoit avoir lieu au profit des
etafans , qu’en par eux laissant cette jouissance à leur
père.
< 9°* Que nul des moyens opposés par les sieur et dame
�(7 0
Billiard, ne sont applicables à lu-daine de 1<>R oque, le
contrat do mariage de sa mère ne contenant aucune dis-'
position en faveur d’André D u m o n t, et à raison de
l e u r minorité , ni la dame de Beauregard, ni la dame de
la Roque n’ayant pu faire aucuns actes préjudiciables ;
do sorte que la disposition du jugement dont la demoiselle
Dumont est appelante, d o it, dans tous les ças, ■
être
confirmée vis-à-^vis des sieur et dame d elà Roque.
" P . 5 . Quoique dans.cette affaire il n’ait déjà été que
trop parlé de consultations, on ne peut se dispenser de
dire un mot sur celles que les appelans ont fait imprimer
à la suite de leur mémoire ; elles sont données par cinq
jurisconsultes , dont quatre avoient, avant le, commence
ment du procès, signé en faveur de mademoiselle Dumont
une autre, consultation, qui a été communiquée, et est
en quelque sorte une pièce du procès, puisque les tuteurs
l’ont présentée au conseil de fam ille, pour obtenir son
autorisation. Si la cour veut se la faire représenter, elle
remarquera qu’il existe une différence notable entre les
moyens sur lesquels la prétention de mademoiselle D u
mont étoit fondée dans la première consultation , et ceux
qui 6ont présentés dans le mémoire.
On soutenoit principalement dans la première consul?
tation , que la disposition faite par la dame P ilât, lors
du contrat de mariage de la dame de V n u re, devoit
valoir comme legs, ou disposition testamentaire en faveur
d’André Dumont ; mais les sieur et dame de la Roque
ayant démontré dans les écrits par eux signifiés en
première instance, que si la demoiselle Dumout obtenoit,
à
�(73 J
à titre de disposition testamentaire, la moitié de la terre
de M o n t, qui avoit appartenu à la dame P itat, elle ne
pourrait, suivant l’article 321 de la coutume à laquelle
les parties étoient soumises , prendre autre chose dans la
succession de ladite dame P ita t, parce que dans cette
coutume d’égalité, l’un des enfans ne peut être héritier
et légataire. Les appelans ont changé de langage, et mis
à la page 27 de leur m ém oire, qu’André Dumont ne
recueille point le préciput à titre de legs; qu'on ne lui
a donné ni légué la terre de M ont directement; qu’il ne
la recueille que par l’effet de la condition imposée à l’ins
titution des iilles. Ainsi la première consultation, et celle.'
qui ont a p p r o u v é le m é m o i r e , n ’ éta nt pas appuyées SUl’
les mêmes hases , il est probable que les avocats qui les
ont signées n’avoient pas suffisamment examiné.
D ’ailleurs, les unes et ¡les autres .paraissent données
sur un extrait du contrat Ide mariage de la dame de
V au re; extrait dans lequel a< été-«omise la clause qui
Pobligeoit au rapport de tout ce qui lui étoit promis
par ses père et mère. Cette clause formant la preuve
la moins équivoque que la dame de Vaure n’avoit pas
été d otée, dans le sens qui rend ce mot synonyme
d ’apanée, celte omission a pu induire en erreur les juris
consultes qui ont signé toutes lesdites consultations.
Les sieur et daine de la Roque auraient *pu en faire
imprimer un très-grand nombre.;■
-mais ;ils n’ont-pas cru
devoir faire usage de pareilles armes: ils citeront néan
moins des suffrages dont on doit faire d’autant plus do
cas que ce ne sont pas eux qui les ont provoqués.
E u l’i i n - 6 , lo feu sieur D u m o n t voula nt savoir quel
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�( 74 )
effet produiroient les lois nouvelles sur les dispositions
par lui faites, et etre instruit de celles qui lui étoient
encore,permises, lit faire un mémoire à consulter, qui fut
envoyé avec les copies des’contrats de mai'iage de ses trois
enfans, à un jurisconsulte très-distingué, alors membre du
conseil des anciens, et aujourd’hui du sénat. Ce juriscon
sulte s’environna des lumières de plusieurs membres des
conseils, qui s’étoient spécialement occupés des lois rela
tives aux successions. Parmi les questions proposées par
le feu sieur D um ont, étoit celle qui est l’objet du procès.
Dans la réponse qu’il reçut, il est dit que l’héritière
d’André Dumont ne peut à aucun titre recueillir la
moitié de la terre de M o n t, qui avoit appartenu à sa
mère; que les filles des sieur et dame Dumont, qui,
étant héritières naturelles et légitim es, n’ont pas même
besoin
de se prévaloir de l’institution faite en leur
faveur dans leurs contrats de mariage, doivent partager
cette moitié de ladite terre.
Après le décès du sieur D um on t, cette consultation
a été trouvée sous les scellés, et fait partie des papiers
de sa succession. Les sieur et dame de la Roque l’ont
citée dans les écritures par eux signifiées en première
instance. Si leur assertion eût été contredite, il eût été
facile au tribunal de se la faire représenter.
Les sieur et dame de la Roque éprouvent la plus
douce satisfaction h rappeler un autre fait cité dans la
même écriture, et dont ils ont la preuve. L ’ inventaire
du mobilier de M ont ayant donné aux héritiers l’occa
sion de manifester leurs prétentions respectives sur la
terre de M o n t, les appelans se firent autoriser par le
�(
)
conseil de famille à soutenir celles de mademoiselle Dumont, après .avoir obtenu la consultation dont nous avons
p a ilé, qu Jls communiquèrent aux dames de Vaure et
e la Roque. Elles s’étoient également consultées, et
voient une si grande confiance dans leurs moyens ,
q u e es n’hesiterent pas à proposer aux tuteurs de la
demoiselle Dumont de faire délibérer les jurisconsultes
qui avoient donné leur avis en sa fa ve u r, avec ceux
qui en avoient^ émis un contraire, et de se conformèr ‘â
«> ecision qui serait rendue par ce tribunal arbitral.
1 ous les risques d’un pareü parti S o ie n t poui les dames
f " Vaure c, de la R oql,e ; ^clles p W ô ic n t
r e v e n ir '
eontie ce. qL„ a u r o n s
mademoiselle
DiJniont « .r o * si «l]e m
voftlu. ^ ' C c a question',
apiès sa majorité ,‘ ce.qùe. les arbitres auraient'décidé.
Mais voulant 4 tout prix éviter un procès, et persuadées '
que ma emoiselle-Dumont ne reviendrait pas ccmtfç .ce
qui aurait clé jugff en- grand», .oonnoissdycc de icfu »
les dames 9 e V rnre « . de la Rbc/ue d é v o ie n t ardem
m en tq u e leiiï proposition -fût'accepté« : elle ne.'le fut
q u i! falloit plaider.
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n’1n !!irn f°û'lu' i dCS întimées P^ouve que les Appëlansn . uioient ga, du les acctfseï' d'avidité', et d’avoii* voulu,
s le P'occs a ju g e r, firire*brillér leuV esprit aux dépans de la justice et de la l,„nne foi. Les efforts faits par
les dames de Vaure et a é 'V f c o q u c , pour éviter M
p io ccs, ont excédé les bornes de la prudence; et elles
evoitnt se croire exposees à aucuns reproches, en
�réclamant la foible portion qui leur revient d ans un
immeuble dont il n’a été fait, à leur préjudice, aucune
disposition valable. *
.
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Signé. L A R O Q U E
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TARDIF
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DE MONS
avoué licencié.
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. de la Cour d’a p p e l.— Juillet 1808.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. De La Roque. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tardif
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
contrats de mariage
communautés
dot
forclusion
fils avantagé
successions
avantages prohibés
préciput
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse des sieur et dame de la Roque de Mons, intimés, au mémoire des sieur et dame Hilliard, cotuteurs de la demoiselle Dumont, appelans.
Table Godemel : Préciput : 2. une disposition de préciput, en coutume de Bourbonnais, faite en faveur d’un fils par ses père et mère, dans les contrats de mariage de ses deux sœurs, comme condition de non apanage et d’une institution contractuelle à leur profit, est-elle valable, lors surtout que par le contrat de mariage du fils, le père survivant a surabondamment confirmé cette disposition, en vertu de la faculté que s’en étaient réservée les instituants, comme condition de cette même institution ? les sœurs instituées peuvent-elles soutenir que la réserve et dispositions faites en faveur de leur frère, étranger à leurs contrats de mariage, ne pouvaient leur enlever leur portion dans l’objet réservé, cette disposition n’ayant pas été faite dans son propre contrat de mariage, aux termes de l’article 219 de la coutume ? peuvent-elles à leur institution pour se dégager des charges et conditions qui en font partie, et demander le partage par égalité ? Ou, au contraire, en cas de renonciation, devraient-elles être réduites à l’apanage fixé par leur constitution dotale ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1775-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
76 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1802
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1801
BCU_Factums_G1803
BCU_Factums_G1804
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53329/BCU_Factums_G1802.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saulzet (domaine de)
Deux-Chaises (03099)
Mont (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avantages prohibés
communautés
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
dot
fils avantagé
forclusion
préciput
secondes noces
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/28/54014/BCU_Factums_DVV20.pdf
106d5d817990196714de06ebb333c78a
PDF Text
Text
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MEMOIRE A CONSULTER
ET
C O N S U L T A T I O N
PO U R
M' TRIOZON-SAULNIER,
Avocat près le Tribunal civil d’Issoire.
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M c T rio zo n-Saulnier, avocat près le Tribunal civil d’Issoire ,
consulté par les héritiers Cothon et autres, leur donna l’avis ver
bal d’intenter une action en dommages-intérêts contre un avoue
qui avait eu leur confiance.
Depuis cet avis, M ETriozon ayant eu connaissance de faits et
circonstances qu’il avait jusqu’alors ignorés, ne crut pas devoir
continuer à rester chargé de cette cause.
Les héritiers Cothon s’adressèrent à M .le président du tribunal;
le président du tribunal les renvoya au bâtonnier, qui, se confor-
�mant à leurs désirs , commit M c Triozon-Saulnier pour défendre
leurs intérêts
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M e Triozon répondit qu’il ne pouvait accepter la mission qui
lui était confiée , par des raisons qu’il était seul en droit d’appré
cier (2).
Le tribunal, formé en conseil de discipline, prit, le i g mars
dernier , une délibération dont le résultat fut que M c TriozonSaulnier comparaîtrait à jour fixe , devant lui, pour expliquer les
motifs JË son refus.
Cette délibération ayanl été transmise à M c T riozon-Saulnier,
il s’empressa de consulter les plus anciens avocats du barreau de
Clerm o n t? pour se conduire d’ après leur avis et ne rien faire qui
put porter atteinte à l’indépendance de sa profession.
Une consultation, signée de M. B o iro t, bâtonnier de l’ordre,
et d’un grand nombre de scs confrères , confirma M c T riozonSaulnier dans l’opinion qu’il s’était d’ abord formée ( 3). Il se pré
senta devant le tribunal, le jour qui avait été fixé, et répondit,
en se conformant à l’avis qui lui avait été donné, que pour la
dignité etjl’honneur de l’ordrCj des .avocats, il ne pouvait ni 11c
croyait devoir fournir des implications pour motiver sa résolu
tion de ne pas plaider, et qu’il persistait dans sa première déter
mination.
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Le tribunal, réuni en conseil de discipline (le 22 mai dernier),
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�fui d’avis que M c Triozon Saulnier s’était renfermé dans l’exer
cice des droits attachés à sa profession (i).
Me Triozdn espérait que cette décision serait souveraine : il se
trompait. Le ministère public , au nom de M . le procureur - gé
néral absent, lui fit notifier un appel et une citation devant la
Cour royale de Riom , pour répondre aux interpellations qui lui
seraient faites sur sa conduite, et se voir appliquer des peines de
discipline, pour s’ètre écarte des scnlirncns d'honneur , de fra n
chise et de loyauté (2).
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Les termes de celte citation ont justement affligé M c TriozonSaulnier ; il laissera à la sagesse de la C o u r le soin d’apprécier si
M. le procureur-général a pu interjeter appel de la décision du
22 mai : il se bornera à soumettre au conseil l’ unique question de
savoir :
Si un avocat, désigné en matière civile par le bâtonnier de son
ordre, pour défendre une cause qu’il a conseillée, peut être forcé
de faire connaître les motifs de son refus , et si M. le procureurgénéral est fondé à demander contre lui l’application des
peines de discipline, pour avoir répondu que pour la dignité et
l’honneur de l’ordre des avocats, il ne pouvait ni ne croyait de
voir fournir d’explications pour motiver sa résolution dans cette
circonstance.
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(1) Vuy. Pièces justificatives, n° 5 .
(2) Voy. Pièces jusiificativcs, n° 6.
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Qui a lu i° la décision du tribunal de première instance d’Issoire, réuni en conseil de dicipline, le 22 mai 1828, d’après
laquelle il a été d’avis que M ‘: T rio z o n -S a u ln icr, avocat près le
tribunal, avait eu le droit de refuser de plaider une cause civile,
sur la désignation du bâtonnier de son o r d r e , ( quoiqu’il eût luimeme conseillé le p r o c è s ) , et de faire connaître les motifs de
son refus.
20 L a citation donnée par M . le p ro c u re u r-g é n é ra l, audit
M c Triozon-Saulnicr à comparaître devant la Cour royale de
R io m , à l ’effet de répondre aux interpellations qui lui seraient
faites sur sa conduite, et se voir appliquer l’une des peines de
discipline énoncées en l’article 18 de l'ordonnance royale du 20
novembre 1822 , pour s'être écarté des serdimens d honneur, de
franchise et de loyauté, l'une des bases de la profession d avocat.
Consulté par ledit M c T rio z o n -S a u ln icr, sur la question de
savoir si en maiière civile, un avocat désigné par le bâtonnier
de son o rd re , pour défendre une cause qu’il a conseillée, peut
être forcé de faire connaître les motifs de son refus;
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EST
D ’ A V IS
DES
R É S O L U T IO N S
v (0
S U IV A N T E S :
De l’indépendance , caractère essentiel de la profession d’avo
�cat, naît pour celui qui l’cxerce la faculté d’accorder ou de re
fuser son ministère à ceux qui le réclament. S ’il se consacre au
public, il n’en est pas l’esclave (t) , et il le deviendrait s’il était
l’interprète obligé de scs passions ou de ses caprices. Le serment
qu’il prête en revêtant la to ge, lui impose le devoir de ne point
employer scs connaissances , ses talens au triomphe d’une cause
qu’il ne croirait pas juste en son âme et conscience. Sa conscience
seule est juge des motifs qui le portcnL à accepter ou à rejeter la
cause qui lui est présentée ; « sans ce droit précieux, lit-on dans
» le préambule de l’ordonnance de 1822, les avocats cesseraient
» bientôt d’inspirer la confiance et peut être même de la mé~
» rilcr (2). -•>
Une seule exception, non au devoir de l’avocat, qui est inalté-
(1) D ’Aguesseau ( Discours sur Vindépendance de l ’avocat,')
(2)
D an s l’affaire du chevalier D esgraviers , jVI. D upin a în é , répliquant de
vant la C o u r royale à M. Q u é q u e t, avocat g é n é ra l, disait ;
« C ’est avec plaisir que j ’ai entendu le défenseur de Sa M ajesté rappeler c,elte
belle et rassurante parole , d’un de ses plus illustres d evan ciers, Je savant et
modeste d’A guesseau, le q u e l, en parlant des gens du parquet, disait que : «dans
» les causes du r o i , leur.m inistère ne les rend parties qu’avec les dispositions
» des ju g e s, et le m êm e esprit de justice. »
» M ais en cela, q u il me soit permis de le dire , M . l’avocat du l\o i ne s’est
rien attribué que je 11e puisse égalem ent revendiquer pour le barreau.
» E t nous aussi , Messieurs , le devoir de notre profession nous ob ligea nous
constituer les prem iers juges du droit de nos cltfins ; nous ne sommes les déjeti-
seurs obligés d’aucune cause ; aucune loi ne dit que nous serons tenus de plaider
telle ou telle affaire ; et notre serin en t, le même que nos jeunes contrères vien
nent en ce m om ent de prêter devant v o u s , nous oblige à rejeter loin de nous
le fardeau de toutes les causes que nous ne croirions pas justes en notre ;1me et
conscience. »
�rable J'irltiis iisdn* c;ntièike ülvcrte , existe dans les affaires crimii*fq .
r' . |
,
nelle^. ‘L ’dèsislàntC' fFtin conseil est ■
alôrs exigee , autant dans
l’ intérêt de lû1 jiMick ijuê danb'l’intérê't'de l'accusé ; si hori habebunt advochiuhi v;'ëgà dubo , disait le prêteur (i). L ’avocat
noinrhé d’office ne peut réfuéér d’êfiæ l’appui, le guide d’ un irttr
forfané ; :pour lui la c a u se du malheur est sacrée; res est sacra
miser..... Il ne Tabandônnerait pas lors même que l’obligation
rïe serait pas écrite dans la loi ; mais son devoir dans ces affaires,
reste toujôurs tracé par sii conscience et son serment; il lui est
rappelé avàrit l'ouverture'des débats par le magistrat qui préside
f cttdè d’ inst. CrimiH^lfe. art. 3 i i ); C ’est ce devoir qui lui im
pose quelquefois un douloureux silence qu’il ne saurait rompre
sans blesser sa concience. TSec factum défende rneum , mata
causa silenda est (2).
En matière civile , l’avocat conserve son indépendance toute
entière; aucune injonction , aucune désignation 11e saurait le for
cer à se charger d’une cause qui lui répugnerait; il n’a aucun
compte à rendre de sà détermination; il ne doit consulter que sa
conscience , elle seule est son guide et son juge.
, air>nnr,7'*b «nJz »t'!t zituf üaa'fjf»
;>> a!-i/;iü8?iin '
Ce droiti, inhérent àda profession d’avocat, a été respecté par
i!» JuflvBB »1
le décret de i 8 r o , dont plusieurs dispositions portaient cepen
dant atteinte à son indépendance ; dàns, son système même ce
décret faisait une distinction entre les affaires civiles cl lesaifai-iiv
. . .
,
.
. ;..
res crimiuelles ; au criminel , tout accuse doit avoir un défenseur
de son clioijv , et ç’est pour ce ca§ seul que le déçret de 1810 ,
art.
» assujéLit l’avocat qui refuse, à déduire scs motifs pour
les ¡faire agréer ; rnaisi en* matière civile , il n’est pascssentiel que
■LJÜii i)l> U-U'.l
I .' ", I111(. ^
(r) Jj. 1 f § 4 ff- Wb postutnndo.
(a) (hid. 3 , de Pont.
. --------- 1
�les parties aient un avocat, ; plusieurs s’en dispensent, çt^proeje-,
dure n’en est pas moins régulière; aussi l’art. 4 1 du décret,rçfauf
torise-t-il à nommer d’office un avocat pour ces sortes:d’affaire8,
qu’on ajoutant s ’il y a lieu; ce qui rend la désignation et l’accep
tation facultatives. Le décret n ’oblige pas l’avocat, comme dans
, • cr ■
^ niioijpoeuopeol f JnSmÔiinBpiJa iievudq no li 2L
les atraires criminelles, a taira,connaître et.agréer scs motus;
s o n re f u s est p é r e m p t o i r e , e t c o m m e te d is a it M° D u p i n a î n é ,
inobnoaniîiio mo eojrtfijaiiooaioiiob .ni;! ¿iu<i unnoo 3xc*nic Jkqovî»
dans une consultation du 5 iev n er dernier , sur une question
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semblable, il peut se contenter d e repondre : « II ne me convient
» pas de p l a i d e r telle cause. T o u l c a u t r e d é d u c t i o n de m o t i f s ,
, n
., a a ub.ay.oou3 « p e o i i f i î J n i p aavnsifj 89b i d i w o
» telle que 1 allégation que 1 on est mal p o r ta n t, mie la cause est
--n« /'oir:.ilu<5iio )
ob oûp qtio Uj; o^uipoÆ a o n n o i i f i n a a p i q ^ n j j u p
» mauvaise, que 1 on est trop charge / est de pure courtoisie. »
n b ¡ajlao , oaüiiD r.i o b o J il in o u r (d oup ; « iu q o o a u m p o n o :iJ:i J ifii
Cette faculté de désigner un a v o c a t ’ dtins'-les affaires civiles,
n’est pas reproduite dans l’ordonnance du r o i , de .1822* I^’ai
Licle
4i se contente d’imposer à un avocat I'oblig^jop d’aççorder son
ministère en nialièi c 'C rim inelle ? à moins q u ’i l .n tlit présenté
fait agréer ses motifs d ’excuse.
•®•u
eailqai
Il faut en conclure que U'dispôsîtioh de l’art. 4‘r du décret de
1810 , qui n’imposait du ¡reste aucune: obligation de; p la id er, a
été àbrogée par. l ’ordonnance.
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ob .i’t.s'b
Objecterait-on que dans le cas particulier, l’obligation de
plaider nais&iit à l ’égard de M° TFrio/on , de ce q u ’il a^ait
étinfceillé d-lntentér le pro^è-s- ?Jfioovcfl oup iol iA ob u- . >iî*i-'*> ■
; ôliiipèM fi oin’ioino ) uoq .fiV.ovno’it rd Iifwp omont «nol , vlluéiaoj
On réppndrait qu’en donnant une Qpn^ltaliqn un; ayqcaL n’a
liène passa liberté ; qu’ il ncj.se forme ¡aucqn conjtgftt .-obligatoire
pour lui, vis-à-vits du client. So n devoir, dans spp¡cabineL, est
de peser en son àmç cl.pçi/scicpjcp ses ayis et ses conseils , d’après,
l’exposé qui lui est fait. Lorsqu’ils sonl donnés, ¡l;çst délié;ylp toute
�obligation vis-à-vis du d icn t ; ce dernier est libre de les suivre ou
de les négliger, de continuer ou de retirer sa confiance, de
s’adresser à d ’autres jurisconsultes; la liberté dont jouit le client
existe également pour l’avocat.
."A
,
Lhrilipiil jioiJJsJ
S ’il en pouvait etre autrem ent, les conséquences les plus déplo
rables se présenteraient en foule à l’esprit. Ce serait en vain qu’un
avocat aurait connu plus tard des circonstances qui changeraient
'* O fiU *SUPj
jO îüL'IO II 'lO I 'iV .'ji r i l b t V ) l ’ il
•
la face de l’affaire et l’opinion qu’il avait d’abord embrassée,
qu’une enquête dont il était impossible de prévoir le résultat,
aurait fourni des preuves contraires au succès du procès conseillé;
qu’une prescription non acquise à l’époque de la consultation au
rait été encourue depuis; que la moralité de la cause, celle du
client, jusqu’alors ignorées de l’avocat, lui auraient été révélées.
Par cela même qu’il èst possible q u e , postérieurement à la
Consultatidn donnée , des faits nouveaux; changent l’état de la
question e t , par’conséqticnt, le devoir de l’avocat, il f a u t , pour
qu’il l’accomplisse consciencieusement, qu’il demeure, à toute
e'poqup , seul arbitre du parti qu’il doit prendre.
E t quand'il serait vrai que les faits n’eussent pas changé, il ne
faut pas croire que tout conseil 1-engage irrévocablement à se
charger de plaider.
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c "iv ! uni l-i :cj
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U n conseil , une consultation peuvent n’êlre autre chose que
l’explication de la loi que l’avocat doit donner, au client qui le
consulte , lors même qu’il la trouverait peu conforme à l’équité;
mais l’avocat reste maître de prendre , non-seulement dans la loi,
mais aussi dans la riolion du ju;itc et de l’injuste qui lui est fournie
par sa conscience , la règle de son devoir. Par exem ple, il ne
peut s’empêcher de déclarer 5 son client q u ’a ux termes de la loi,
la prescription lui est acquise , et cependant sa conscience., appré-
�a
ciant les faits de la cause dans laquelle cette prescription est invo
quée , peut lui défendre de s’en rendre l ’organe.
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Si l’ayocat est libre de refuser son ministère;,,est-il tenu, com
me on le prétend , de faire connaître les motifs de son refus?
Non , sans doute : car si personne ne peut le forcer à se charger
d’une affaire , personne ne peut lui demander compte des motifs
qui le déterminent. Autrement, ce ne serait plus d’après sa cons
cience qu’ il plaiderait , mais d’après la conscience d’autrui. Ce
ne serait plus parce qu’une affaire lui paraîtrait bien fondée en
droit et et en équité, ce serait parce qu’elle aurait paru telle à
d’autres q u i, jugeant ses motifs, ayant la faculté de les admettre
ou de les rejeter, pourraient le forcer à soutenir ime opinion qui
n’est pas la sienne et à combattre son propre sentiment. Que de
viendrait l’indépendance de l’avocat? Où serait cette liberté es
sentielle à l'exercice de sa profession i'
• < *v
Vy v,
Mais indépendamment de celte liberté qui constitue son droit,
il existe un devoir s a c ré , celui de ne pas trahir la confiance du
client qui lui a demandé conseil ; son cabinet est un asyle invio
lable dan^ lequel aucune inquisition ne peut pénétrer. S ’il est
libre de ne pas défendre les intérêts d ’un c lie n t, il n’est pas libre
de les compromettre. Telle pourrait être cependant la conséquence
de la révélation des motifs qui le portent à refuser.
■
I c e >• êorfofiJiB i n o a î u p ¿ f t o i b
S ’il les communique au conseil de discipline composé de ses
confrères , ne les détournera-t-il pas de se charger de l’affaire ?
ne leur fera-t-il pas partager ses raisons , s a détermination? ne
mettra-t-il pas ainsi, par une indiscrétion îiépréhensiblevie client
qui a placé sa Confiance en' l u i , dans l’impossibilité de trouver
un défenseur?
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— ' ij;
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Combien scs intérêts seraient plus gravement compromis en
core si le conseil de discipline était com posé, comme il l’est à
Issoire, des membres même du tribu n al, c’est-à-dire des magis
trats qui doivent juger le procès ; ce serait à ces juges que l’on
voudrait contraindre l’ avocat de dévoiler tout ce que lui a dit son
client, les confidences qu’il peut en avoir reçues! Il devrait leur
exposer scs objections, les développer si elles étaient combat. îü
dJorrfoD *j'jJ-îî!/»iiio i) m l Jixo' i o u *•fi K»c/:o '
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tues , et élever ainsi dans leur esprit, non-seulement des préven
tions fâcheuses , niais peut-être y former une conviction contre
laquelle tous les efforts de son client pourraient être inutiles.
L ’avocat qui en agirait a in si, non-seulement montrerait une
faiblesse , une condescendance condamnables, mais encore mé
connaîtrait sa dignité’, son serment, ses devoirs; alors on pour
rait lui adresser le reproche renfermé dans la citation donnée au
nom de M. le Procureur général à M e Trio/on-Saulnier, de s être
écarté des sentimens d honneur, de franchise et de loyauté.
De ce qui précède , il faut conclure , avec le tribunal d’ Issoirc ,
que la profession d’avocat étant lib re , il est permis à celui qui
l’exerce de refuser ou d’accepter, en matière civile, les causes qui
lui sont présentées; que l’on ne peut exiger de lui qu’il fournisse
des explications sur les motifs de ce refus, parce que ce serait gê
ner la liberté et l’ indépendance inhérentes à la profession d’avo
cat; que M e Triozon-Saulnier s’est renfermé dans l’exercice des
droits qui sont attachés à sa profession.
il est cependant cité devant la Cour royale de llio m : il devra
s’y présenter avec confiance, dans l’espoir de voir consacrer de
nouveau des droits légitime** et précieux qui ont été m é c o n n u s c l
contestés. Les magistrats qui la composent seront frappés de ce
que M. le Procureur général invoque contre M* Triozon-Saulnier
�Inapplication des peines de discipline portées dans l’ordonnance de
1822 , pour avoir refusé de dire les motifs qui l’ ont déterminé à
11e pas plaider une affaire c iv ile , lorsque cette ordonnance , dans
son article 4 1 » ne prononce ces peines, en cas de résistance , que
lorsqu’il s’agit de la défense d ’un accusé ; ils n’apprendront pas
enfin sans étonnement et sans douleur, que la conduite d’un avoqui n’a fait qu’u s e r , suivant sa conscience , de la liberté inhé
rente à sa profession , ait pu provoquer une censure tellement
amère que l’oubli de tous les devoirs pourrait seule la justifier.
Délibéré à P a ris, le 16 juin 1828.
TA R D IF.
D E L A C R O IX - F R A IN V IL LE ;
ancien bâtonnier'.
B E R R Y E I l père.
D E L Y IN C O U R T .
G A Y R A L , ancien bâtonnier .
H E N N E Q U IN .
•F’adhère d’aulani plus volonliers à la consultation ci dessus , que nia con
viction à cel égard est form ée depuis lon g-tem p s; c l que j ’ai déjà émis la même
opinion dans une occasion sem blable. \ oyez la G azette des tribunaux , du 6
février 1828.
D U P IN
aîné.
l- ’ancicn avocat soussigné déclare avec em pressement son adhésion h une
doctrine qui est la seule véritable en m atière de devoirs et de droits de la
profession d’avocat. L es développcm ens que renferm e la co n su ltatio n de scs
confrères lui paraissent aussi concluans que com plets. A son avis , si une dis
cussion aussi lumineuse et aussi forte ne produit pas pour effet d’éclairer le
ministère p ublic exerçant près la C o u r royale de R io m , sur l’erreur de sa pour
�su ite , on ne saurait douter du résultat. D e s M agistats sup érieu rs, renom m és
pour la sagesse habituelle de leurs arrêts , et dont plusieurs se sont élevés des
rangs du barreau aux ém inentes fonctions qu’ ils rem plissent , ne pourront hé
siter à consacrer une défense fondée sur les maximes les plus évidem m ent con
form es à la raison , à la liberté de l ’avocat et à la dignité de sa profession.
D élib éré à P aris , ce 17 juin 1828.
B I L L E C O C Q , ancien bâtonnier.
J ’adhère com plètem ent aux principes développés ci-dessus.
P a ris, le 18 juin 1828.
M A U G U IN .
L e conseil soussigné estime que lors m êm e que la prétention de M
le P r o
cureur-général prés la C o u r royale de R io m serait fo n d ée, la qualification de
la faute qu’il impute ;V M . T iio z o n Saulnier , serait d’une amertume hors de
proportion avec celle faute qui dans la réalité 11e serait qu’une erreur. A in si
même dans ce cas I’accusalion ne saurait être accueillie ; mais appréciée à sa
juste v a le u r , on vo it que c’est elle qui est erronée , et il est évident que
M. T rio zo n Saulnier n ’a fait qu’user d’un droit attaché à sa profession. C ’est
ce qui a été parfaitem ent dém ontré dans la consultation ci-dessus à laquelle le
soussigné adhère com plètem ent.
P a r is , le 18 juin 1828.
D U P I N jeune.
J ’adhère com plètem ent à la consultation ci-dessus. E n m atière crim inelle
l’avocat est obligé d’ obéir il la nom ination d’ office dans l’ intérêt naturel de la
défense qui ne penn et pas qu’ on abandonne un accusé ; mais en matière civile,
il eu est autrem ent; la liberté et l’ indépendance de l’avocat peuvent et doi
vent être en tières, sans nuire à la partie qui trouvera un autre a v o c a t, ou
qui dans tous les cas , ayant un avoué qui ne peut pas refuser la nom ination
d’ office , 11e sera pas abandonnée à elle-m êm e.
�J e crois devoir d’ autant mieux adhérer aux principes développés plus liant par
ines honorables c o n frè re s, qu’ il ne m ’est pas possible de m ’expliquer à m o imêine les raisons sur lesquelles pourrait se form er l’ opinion opposée.
P aris , ce 22 juin 1828.
-,
J. B . N . P A B O U IN .
T
■
»
L e soussigné adhère pleinem ent à la résolution donnée dans la consultation
ci-dessus , ainsi qu’aux m otifs sur lesquels elle est fondée. 11 a toujours pensé
que , hors le cas où l ’avocat est chargé d’ of: ce , en m atière crim inelle en g é
n éral , il ne peut être contraint de rem plir la m ission qui lui serait donnée de
défendre une cause q u elco n q ue, parce qu’ il est juge Souverain des raisons
qui peuvent l’en détourner , raisons que les devoirs de sa noble profession
l ’em pêcheraient souvent de faire connaître à qui que»ce fût.
P aris , le 22 juin 1828.
DURANTON.
J e ne saurais rien ajouter à tout ce qui a été dit dans la consultation et les
adhésions qui p récèd e n t, en faveur de llavocat inculpé.
S a justification me sem ble com plète et irrésistible sous tous les rapports.
P a ris , le 23 juin 1828.
T H E V E N IN
p è re , bâtonnier.
U n avocat qui est nom m é d’ office pour plaider en matière crim inelle et qui s’y
refuse est obligé de déduire et de faire agréer les m otifs de son refus ; la loi est
form elle à cet égard. M ais il n’ en est pas de même en m atière civile ; l ’avocat
peut , en cette matière , se charger ou refuser de plaider selon qu’il le juge h
propos ; ensorte que personne n’a le droit de l’ in te rro g e r, ni de lui demander
compte de sa déterm ination ; il est entièrem ent libre et exempt «le toute espèce
de c o n trô le ; c ’ e s t ce qu’établit parfaitem ent la consultation à laquelle j ’adhère
com plètem ent.
Paris , le 24 juin 1828.
A R C H A M B A U L T , ancien bâtonnier.
�L a liberie dont l'avocat doit jou ir dans l’excrcice do ses fonctions civiles, et
le secret qui doit ûlre observé sur ce qui s’est dit et passé entre lui et son c lie n t,
s’ opposent égalem ent à ce qu’il lui soit demandé com pte des m otifs qui le dé
term inent à refuser la défense d’une cause civile. C ’est un principe universel
lem ent adm is, et qui ne peut ôtre révoqué en doute par ceux qui ont appartenu
à cet ordre.
A Paris , le 24 juin , 1828.
jîu a q gjtfopjoi £ i l .oàbnol îw silo ¿brjp ^ l m
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T R IP IE R .
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¡ani* «aowafe-w
Le soussigné adhère com plètem ent à la consultation ci-dessus.
P a r is , le a 5 juin 1828.
H . Q U F /N A U L T .
i t o i ^ l o i q sîcfon' £2 :'f> vu& rm i ‘A sup enoeir.': , •iornuolbij no': Jn-ivüyq iup
�PIECES JUSTIFICATIVES
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r i :} î ••
• t.
DES
F A ITS ÉNONCÉS DANS LE M ÉM OIRE A CONSULTER
ET
DANS
X.A C O N S U L T A T I O N .
IV
i.
Lettre cle M . D o r l i i a c , bâtonnier de l ’ordre des avocats près le
tribunal civil d ’issoire , à M ° T r i o z o n - S a u l n i e r , avocat.
L<- 19 Fevrier i8a8.
Monsieur ,
M . le président vient de m’inviter à désigner un avocat pour plaider la cause des Cothon, Pètres et autres, contre Mc Lemoine, avoué ; les parties m’ont en même temps
témoigné le désir de voir confier leurs intérêts à vos soins et à vos lumières; j ’ai donc
cru devoir vous commettre pour les débattre et les soutenir.
Agréez, Monsieur, l’assurance de la plus parfaite considération avec laquelle
j ’ai l’ honneur d’être, votre serviteur,
Signé DORLHAC,
Bâtonnier de l'ordre.
N°
Réponse de M e
T
r io zo n
-S
2.
au ln ie ii
à M'
D
o r liia c
.
Le icr Mars 1828.
Monsieur,
J ’avais prévenu les Cothou qu'il m’etaii impossible tic icpondre à la confiance dont
�iis voulaient m ’ honorer, je dois leur savoir grc' de leurs nouvelles instances par votre
intermédiaire; mais je crois d evo ir, par des motifs que je suis libre d’ apprécier, per
sister dans ma résolution. Il ne leur sera pas difficile de trouver plus de lumières et au
tant de zèle que j ’eu-a lirais mis à l<?s défendre. Je dois faire observer <jue par mon refus
je n’entends rien préjuger sur le mérite cle leur cause.
A gréez, Monsieur, l’assurance de la considération la plus distinguée de votre
très-liumble serviteur,
Signé T R IO Z O N -S A U L N IE R .
ct ,î T TIT?y:n i / rM
r ffIAT/TÎi !.f
..........
„
Lettre de
"
M .
M
N°
a g a u i)
f
3.
d ’A u b u s s o n
tribunal civil d Issoire , à
,
Procureur du R o i près le
M ‘‘ T r i o z o n - S a u l n i e r .
Le 22 Mars 1828.
Wonsieur,
Monsieur le Président ayant fait connaître au tribunal, réuni en conseil de discipline
de votre-Qrdre, qu'ayant été invité par l’organe de M . le bâtonnier,, à prêter votre m i
nistère aux Pêtres, Cothon et autres, en procès avec M . Lem oine, avoué, vous lui
aviez répondu que vous ne pouviez vous charger de cette affaire par des motifs que
vous étiez seul en droit d’apprécier : il a pensé q u e s i dans l’ctat actuel de la législa
tion, qui a déterminé lès devoirs et les prérogatives du b arreau , il ne pouvait être en
joint à nn a v o c a t, en matière c iv ile , de plaider d ’office, il existait pour lui une obliga
tion m orale, dérivant du droit naturel de la défense, et des sentimens courageux et dé
sintéressés dont il a toujours fait p reuve, de prêter son ministère aux parties qui le ré
clament , à moins qu’il n’ait des motifs fondés pour s’y refuser. Que le seul moyen de
concilier ce qui est dû à ce droit sacré de la défense, et à l’indépendance reconnue de
l’a v o ca t, était de l ’iuviter à faire connaître les motifs de son refus au conseil de disci
pline de son o rd r e , il a en conséquence été pris le 19 de ce mois p ar le conseil de disci
plin e, une délibération par laquelle vous êtes appelé à comparaître le 17 avril prochain
à 4 heures, devant lui à iin de déduire les motifs de votre refus.
Bien persuadé, Monsieur , que vous ne verrez là , de sa part qu’ une mesure comman
dée par le besoin d ’assurer un défenseur aux parties qui réclam ent, et qui paraissent
devoir en être privées, tant qu’elles conserveront l’espoir que vous pourrez leur en ser
v ir , je n’hc’site pas à penser que vous voudrez bien vous trouver suffisamment prévenu
par ma lettre, de l ’invitation qui vous est faite. Le désir que j ’ai de conserver avec les
�membres du barreau de ce siège, les relations agréables que permet l’accomplissement
de devoirs quelquefois pénibles, m’ engagera toujours à n’em ployer à leur égard de
mesures plus officielles, qu’ autant qu’elles deviendraient indispensables. Tels sont
mes seuls sentimens avo ues, qui seront toujours ma règle de conduite.
A gréez, M onsieur, l’ assurance de ma considération ti'cs-distinguée,
. . .
,
r
,•
.
. •, . *
;.
.
L e Procureur du R o i,
Signe M A G A U D n ’A U B U S S O N .
N«
4.
C O N S U L T A T I O N des Avocats près le tribunal civil de
Clerm oni-Ferra nd .
•
....
7;,
*î ' -.l,!.;i /”! ■
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1er A v r il 1828.
- n o s u n ï ’ i ' 1 o j j ï i u e ^ p a o ja i : c a iu / ijflp p J a sh sq *« i : k !o vçJu ioq :»
Les soussignés, avo ca ts, exerçant près le tribuual d ’arrondissement de ClennontFerran d , auquel il a été exposé par Mu Triozon-Soulnier, a vo ca t, exerçant près Je tri
bunal d ’Issoire , que sur l ’invitation adressée par M . le président au bâtonnier des a vo
cats , de commettre un avocat pour se charger de la défense des héritiers Cotlion , qui
ont un procès pendant devant ce tribunal, contre Mc Lcm oine, a v o u é ,
yb Ki,-j v 1 jaowiM’. onoiq lup , w à u a 'ii..'tiiw o , i ï l *WV'\ teüaKjaînn«» i» Vj
V»
11 s’est refusé à accepter celte mission.
Que cette réponse ayant été rendue à M . le président, il a cru devoir réunir les mem
bres du tribunal, q u i, aux termes de l ’ordonnance du 30 novembre 1 8 2 2 , étaient en
droit de se former en conseil de discipline.
)
Q u’il a été arrêté, que lu i, Triozon-Saulnier serait appelé à com paraître le 1 7 avril
prochain , à
4
heures, à ce conseil de discipline., qfin de déduire les m otifs dç son
refus.
u;
r c: ■ ,
Que M. le procureur du Roi 1a instruit de cet a rrê té , avec invitation de s ’y rendre.
-inl'i • m, jlo 'b buinioii liiauvu’i *41I0(£ -jIJi»io«oil o i t i o Ô cl ¿ 9B:ior »b alUOi
Consultes sur la question de savoir s’ il peut être obligé de déduire les motifs de son
têtus
,
ÜJi 1) HO UjU-»*'-» i-ci JU Jb.J
<
-1' - '
l
1
'i r ,
Estiment que celte prétention est contraire a la dignité et \ l'indépendance de sa p ro
fession , et qu’ il est en droit de se refuser à déduire les motifs de son refus.
Il est d ’abord essentiel d ’ observer qu’ il n’ est d ’tisape de' donner d ’olliee des jfvoe^ts
�aux parties qui le demandent, que dans les causes des pupilles, veuves, insensés, et
personnes misérables ,/eminis vel pupillis, v el alias debilibus, vel qui sanœ mentis
non sont: On peut voir à cet égard , L aroche-F lavin , dans sou T raité des parlem ensde
F rance, liv.
3 , titre
des a vo ca ts, pag.
238.
I c i , il ne s’agit ni de p up illes, ni de veu ves, ni d ’inseiisés, ni de personnes miséra
bles y il s’agit au contraire de personnes aisées qui ont les moyens de pourvoir à leur
défense, et d ’avoir recours soit à des avocats de la Cour ro y a le, soit à des avocats de
tous les tribunaux de son ressort.
Mais lors même qu’il en fut autrem ent, peut-on forcer M® Triozon-Saulnier à d é
duire les motifs de son refus , de se charger de la cause des héritiers Cothon, contre
Me Lqmoine ?
Quoique l’ ordonnance du dernier m inistère, du lo novem bre 18 2 2 , ne soit rien
moins que favorable à l ’ ordre des avocats, et qu’ on doive espérer qu’elle sera réform ée
en beaucoup de points, elle est cependant contraire à l’injonction faite à M c T riozon Saulnier, de se présenter.à Rassemblée du tribunal d ’ Issoire, réuni en conseil de disci
p lin e, pour y déduire les motifs de son refus.
■
*, V>! • :' L ' ' :;
11. ,
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’
'
On lit dans l ’art. Li de cette ordonnance, que l’ayocat nommé d ’ olüce pour la dé!!,
.
. .
fense d un accuse, 11e pourra refuser son ministère , sans fa ir e approuver ses motifs
d ’excuse et d'empêchement par les cours d ’assises , qui prononceront en cas de résis
tance, l ’une des peines déterminées par l ’art. 18 qui précède.
A insi, d ’une p a rt, il ne s’agit dans celle ordonnance que de la défense d'un accusé,
d ’autre p a rt, cette nomination d ’ollice paraît réservée à la Cour d ’assises.
/HiiiqnKib ;»h li»«noa no umnot 0?. :>b îio-il
D ’autre p a r t , enfin , c’est à la Cour d ’assises seule qu’ il appartient d ’exiger que
l ’avocat refusant déduise les motifs de son refu s, et c’est à la Cour d ’assises seule,
qu’il appartient de les approuver ou de l'es désapprouver.
Il ne faut pas s’étonner que cela soit ainsi en matière ciiuiinelle.
Toute défense à la Cour d ’assises, est honorable pour l’ avocat nommé d ’oflice : l ’ huinanité lui fait un devoir de prêter son ministère à l’accusé pour le ju stifier, s’il est in
nocent ; et s ’ il a des empêchemens pour s’y refuser, comme l’état de sa santé ou d ’aurcs c m p i'c h c in e n s de ce genro, il doit les faire connaître à la Cour d ’assises à laquelle
il appartient de les approuver ou de les désapprouver.
Mais cette ordonnance n’a rien de commun avec le cas qui se présente, où il s’agit
l
�uniquement d ’une cause civile, où l’ avocat nomme d ’ o fiice, peut avoir pour refuser son
ministère une multitude de motifs qui ticuuent à la délicatesse, qu’ il peut seul ap p ré
cier , et qui peuvent être de nature à en rendre la publicité dangereuse soit pour l ’ a v o
cat lui-même, soit pour les parties.
-SiuyJl v 'i 11
Le chapitre des motifs que peut avoir un avocat pour se refuser à plaider une cause
pour tel on tel individu . ou contre tel ou tel individu est inépuisable.
n i; *. i! tlifoiil
Ils peuvent être personnels à l ’avocat.
v • liul ■
. - .I f lO f ü > o ! 3* t i n b ;j b i i 'j ’i ; J a r i b i c l q « b a K î o i uc>i ¿ n i i b
il
Ils peuvent l ’êlre aux parties qui veulent le charger de plaider leur cause.
Ils peuvent l’être à leurs adversaires.
Dans l’un comme dans l ’autre cas, de quel danger ne serait il pas d ’exiger de lui des
aveux propres à compromettre sa délicatesse?
Ce serait bien pis si non content de se nuire à lui meme on veut le forcer de de'voiler
les secrets des autres, de rendre compte
au
public des aveux qu’ ont pu lui faire ses
clients, aveux qui peuvent être de nature à nuire à leur réputation et à leurs intérêts, et
peut-être même à les déshonorer-
,
E t si l’adversaire de scs clients est son am i intime, ou son ennemi im placable , si Ce
même adversaire lui a fait des confidences dangereuses, ou s’il tient ces confidences de
personnes tierces, sous le sceau du secret, sera-t-il obligé de les divulguer et de com
promettre ainsi, légèrement peut-être, l ’ honneur, la réputation et la fortune de cet ad
versaire?
-/
;
'i ü v jo I
. u ic y jI
, i: -1/fT
, wohowôD .t !
Il y a mille autres cas im prévus où l ’avocat peut sc trouver dans une position telle
qu’il ne puisse ni plaider telle cause, ni en rendre publics les m otifs; il n’ a d ’autre juge
que sa conscience dans ces matières.
Il
n 'y a aucune loi qui l’oblige à déduire scs m otifs, et l’ordonnance rendue au crimi
n el, est une exception qui confirme la règle pour le civil.
L ’insistance du tribunal d ’Issoire , pour exiger que M® Triozon-Sauluier déduise les
motifs de son refu s, est donc un acte arbitraire, une violation de la l o i , ou si l’on veut
pour adoucir les term es, une fausse interprétation de l’ordonnance.
■ou1 b î ii'jiniiitî toluoD ¿■ixilWiipaiti ->F) îi*>p,iioa n»
Au surplus, la question n’est pas nouvelle.
Elle s’est présentée tout récemment au tribunal de Brioüde.
•'
�l\Ic R o ch ette , a v o ca t p rès ce tr ib u n a l, a v a it été désigné d ’ oflice p ou r plaider pour
M adam e P o n s-L ig o n e t, contre le sieur C lio m ette, a v o u é , son m a r i, a vec lequel elle
était séparée de corps.
Il s ’y refusa.
L e trib u n a l, faisant les fonctions de conseil de d is cip lin e , v o u lu t le con train dre à
déduire les m otifs de son refus.
Il persista dans son re fu s d e p la id er et d ’en déduire les m otifs.
M° L)upin a în é , c o n su lté , a d é cid é q u ’ une p a re ille exigence était in co n ciliable avec
l ’indépendance de la profession d ’a v o c a t.
L a G azette des trib u n a u x du 8 fév rier d e rn ie r, n° 780 , rend com pte de cette affaire
et ra p p elle les passages les plus saillans de la con sultation de M c D u p in a în é , qui a p r o
du it son e ffe t, et fait cesser les prétentions du tribunal de B riou d e.
Il y a tout lieu de croire que le tribu n al d ’ Isso ire im itera son e x e m p le , et tout bien
c o n sid é ré , les tribu n aux quels qu’ils so ie n t, s’ hon oreron t toujours eux-m êm es en re s
pectan t l’ indépendance des a v o c a ts , qui est l ’a ttrib u t le p lu s p récieu x de leur p ro fe s
sion , le seul p ro p re à leur in sp irer des sentim ens é le v é s , et à les rendre dignes de la
con sid ération et de la confiance de leuxs con citoyens.
- lííJ )
1
;
D élib éré
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*
ThTüO
i î - r . » r>? . J’. V i '- i t ; h n u '/o f î :>! ï t ' a t
à C lerm ont - F e r r a n d , le
M au gu e-M
a s s s is ,
1 e1 a v r il
18 2 8 . Sign é
J e u d y - D u m o n t e ix , G a u l t ie r - B
II. C o n c iio n , M a l l e t , T i x i e r , F o u r n e t , E
tour,
ïm a r d
¿ O íU IO ¿’W ‘l
B o i r o t , bâtonnier,
ia u z a t ,
B o ir o t neveu ,
, Jouvet , V
e r d ie r - L a -
B ksse -B e a u r e g a r d , H. D. D e p a ig n e .
»
?
IV
5.
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Décision du 'l ribunal réuni en consed de discipline.
2 a Mai 1828.
A u jo u rd ’ h u i , vin gt-d eu x n ia i, mil hu it cent v in g t-h u it, le tribunal de prem ière in s
tance d ’ Isso irc , réuni en conseil de d iscip lin e , conform ém ent à l’a rt. 10 de l’ordonnance
du 20 n ovem bre mil huit cent v in g t-d eu x , et com posé de M M . M olin p résid en t, M ont e i l, G rc llic h e ju g e s , P ic h o l, B ou tarel ju g e s-a u d ite u rs, M agaud d ’ A u b u sso n , p ro cu
�reur du Roi et Fayolle greffier, pour entendre M c Triozon-Saulnier, a v o c a t, appelé en
vertu des délibérations prises les 19 mars et 17 avril derniers.
Vu la lettre écrite par M. le bâtonnier des avocats à M. le président du tribun al, en
date du 10 m ars 1828.
Vu l’avis écrit de M. le bâton nier, donné par sa lettre du 1 5 , dudit mois d ’avril.
Attendu qu’ il résulte en faits, des lettres précitées de M. le bâtonnier, des dires et
déclarations des héritiers Cothon , Pêtres et autres, faits à M . le présid en t, ainsi que des
explications données en personne par M° Triozon-Saulnier devant le conseil de disci
pline, que les héritiers C othon, Pêtres et autres se présentèrent dans le courant de l ’année
1 8 2 7 , dans le cabinet de Mc Triozon-Saulnier pour le consulter sur une demande en
dommages-intérets qu’ils étaient dans l’ inlention de former contre M e Leinoyne , avoué
près le tribunal d’ Issoire, pour a v o ir, selon e u x , négligé ou compromis leurs intérêts
dans un ordre dans lequel il occupait pour eu x; que ¡VIe Triozon-Saulnier, après les
avoir entendus, leur conseilla de former la demande et les engagea même à se rendre
chez un avoué pour faire dresser l’exploit introduclif d ’instance, sans que M e TriozonSaulnier, suivant son allégation, se fût expliqué sur le point d esavoir s’il se chargerait
ou ne se chargerait pas de l’ affaire, q u e, d ’après ce conseil, les héritiers Cothon, Pêtres
et autres n’ hésitèrent pas à suivre la marche tracée par l’a v o c a t, et furent trouver aus
sitôt Mc B o ry , pour le charger d ’intenter l’ action en dommages-intérèts contre M r Lemoyne , ce qui fut fait par cet avoué.
Que quelque temps a p rès, lorsque les héritiers Cothon voulaient hâter la décision
de leur affaire, ils se rendirent de nouveau chez M° Triozon-Saulnier qui avait leur
coufiance; qu’ alors cet avocat leur déclara qu’ il 11c voulait plus se charger de l'a ffa ire ,
sans toutefois leur expliquer les motifs de son refus ; que dans les premiers jours du
mois dernier, les Cothon et autres s’étant présentés chez M . le président du tribunal pour
a v o i r 1111 avocat qui pût plaider leur cause , inscrite alors depuis plusieurs mois sur le
rô le, ce m agistral pensa qu’ il ne lui appartenait pas de commettre un avocat en ma
tière civ ile, et adressa ces parties à M. le bâtonnier des a vo ca ts, en lui écrivant d'inviler un de scs confrère» à se charger de la défense des héritiers Cothon ; que INT. le bâ
tonnier, d ’après le désir que lui exprimèrent ces derniers, d ’avoir pour soutenir leur
cause, celui qui les avait engagés à l ’entreprendre, crut devoir commettre par une
lettre, M® Triozon-Saulnier pour se charger de cette cause; mais que cet avocat lui
ayant répondu qu’il 11e pouvait se charger de l'a ffa ire , par des raisons q u ’ il était seul
en droit d’a p p récier, sans donner d’autres
e x p lic a t io n s
,
il pensait qu il 11 était pas
�oblige de désigner un autre de ses confrères avant que le tribunal se fût prononcé
à
cct
égard.
L e refus pur cl simple de IVIC Triozon-Saulnier de continuer à prêter ses conseils et
son assistance aux héritiers C o th o n , parut de nature à compromettre la dignité et
l’ honneur des a v o ca ts , et le tribunal, formé en conseil de discipline, p rit une délibéra
tion le 19 mars dernier, pour que M c Triozon-Saulnier comparût à jour fixe devant lui ,
pour expliquer les motifs de son refus.
L a question sur laquelle le conseil de discipline est appelé à d élib érer, est donc de
savoir s i , dans la position où Me Triozon-Saulnicr se trouve p la cé , il doit faire con
naître les motifs de son refus , ou expliquer les raisons qui l’empêcheraient de faire con
naître ces motifs.
M c Triozon-Saulnicr interrogé sur les motifs qui l ’avaient porté à refuser de conti
nuer à prêter son assistance aux héritiers Cothon, a répondu que pour la dignité et
l ’honneur des avo cats, il ne pouvait ni ne croyait devoir fournir d ’explications pour
m otiver sa résolution dans cette circonstance, et qu'il persistait purement et simple
ment dans sa première détermination.
Sur quoi le conseil de discipline, après avoir ouï M PTriozon-Saulnicr en ses observa
tions , et M. le procureur du Roi dans ses conclusions, M. le procureur du Roi et le gref
fier s’étant re tiré s,et après en avoir délibéré,
Attendu qu’ en principe général, la profession d ’avocat est lib r e , et qu’ il est permis
à celui qui l’exerce de refuser ou d ’accepter en matière civile les causes qui lui sont
présentées ;
Attendu que dans l’espcce, M° Triozon-Saulnier a pu se refuser de se charger de la
cause des héritiers Cothon, l’êtres et autres, même après a v o ir c o n s e illé l ’alïairc qui fait
aujourd’ hui l’objet du procès contre Mc L cm o yn c, et après avoir été commis p a r le
bâtonnier de sou ordre , qu’ on ne peut lui demander compte des motifs de son refus , ni
même exiger de lui qu’il fournisse des explications sur les motifs de ce refus, parce que
ce serait gêner la liberté et l’indépendance inhérentes à la profession d ’avocat ,
Est d ’avis que M c Triozon-Saulnier s'est renfermé dans ces circonstances dans l’exer
cice des dioits qui sont attaches a sa profession et qu il n’y a lieu à lui appliquer aucune
des peines portées par 1 ordonnance du 20 novembre 1822.
Signé , Moi.u* , M o n te il , P ic ii o t , G r e l u c h e , Jules B o u t a r e l ,et
K a y o l i .e
greffier.
�-*)b
Jnr.hr.. j en , U iu!
9( t 9i< .*
laiijJosô-ntosohT »M iibaî sup niUlM
N °
6.
.nu jo uii>i fcliLasI
!■
» oui
Citation de M . le Procureur - général près la Cour royale de
liio m , à M . T r i o z o n - S a u l n i e r , pour comparaître devant
ladite cour.
6 J u in 1838.
iw to .'i'W m w p , w o u V \ î \ W n W \ iu W \ \
«A na ïi|& w » K t a b S w A i i h d
L ’an mil huit ccnl ving-huit et le six juin , à la requête de I\I. le procureur-général
près la Cour royale de R iom , lequel élit domicile en son parquet, j e , Christophe Serv o lle s, hu issier, reçu au tribunal de première instance de l’arrondissement d ’ Issp ire,
patenté sous le n° G , résidant audit Issoire, soussigné ,
Ai notifié à M c T riozon -Sauln ier, avocat audit tribunal de première instance d ’Issoiî.c, habitant à Issoire , en son domicile , où je me suis transporte, parlant à sa per-,
sonne,
L ’appel que le requérant interjette par le présent, conformément à l’art.
25 de
l'o r
donnance du Roi du 20 novembre 1822 , de la décision dudit tribunal d ’ Issoire, rem
plissant les fonctions de conseil de discipline de l'ordre des avo ca ts, laquelle porte que
ledit M° Triozon n’a encouru aucune peine de discipline.
E l à même requête et élection de dom icile, en parlant comme il est d it, en vertu de
l ’ordonnance décernée par M. le premier président de ladite Cour ro y a le, le
4
du pré
sent m o is, ai ciîé ledit M° Triozon à comparaître devant ladite Cour royale de Riom ,
toutes lescliambres assembléesau palais deju sticeà Riom, le vendredi 1 t juillet prochain,
cinq heures de relevée, à l’ effet de répondre aux ¡interpellations qui lui seront faites Sur
sa couduite, et se vo ir appliquer l’une des peines de discipline énoncées en l ’art. 18
de l ’ordonuance royale susdatée, rou u
f r a n c h is e
et
de
lo y a u té
s ’ê t r e
éc a r té
des
s e n t im e n s
d
’u o n n e u r , d e
, qui sont l’ une des bases de la profession d ’a vo cat, soit en
refusant de défendre la cause des sieurs Pêtrcs, Cothon et autres, contre Me Lem oine,
avoué, cause qu’il avait d ’abord conseillée, soit en ne v o u la n t pas déduire au conseil
de son ordre les motifs de son refus, après la désignation faite de sa personne par le
bâtonnier; ce qui a m isses clients dans l’impossibilité A’¿Ire d éfendus, et leur a
causé le plus notable préjudice (1).
(1) Voir le certificat ci-après des avocats d’ Issoive qui prouve l’inexactitude «1e cette
assertion.
�Et afin que ledit ¡VIe Triozon-Saulnier n’ en ign ore, je lui a i , en parlant comme des
sus, laissé copie du présent, dont le coût est d ’un fran c, non compris les frais de tim
bre et d ’enregistrement, lesdits jour et an.
Signe S E R V O L L E S .
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N °
7
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L
.
Certificat des Avocats près le tribunal civil d Issoire , qui attestent
que les sieurs C o t h o n et P ê t r e s n ’ont jam ais réclamé leur mi
nistère pour L'affaire qui les concerne et qui est encore indécise.
16 Juin 1838.
N ous, soussignés inscrits au tableau de l’ordre des avocats près le tribunal civil de
l’arrondissement d ’Issoire, et avocats stagiaires près ledit sièg e, certifions que les nom
més Cothon et Pêtres en instance à Issoire , contre M e Lem oine, avoué , n’ ont jam ais
réclamé notre assistance pour soutenir la demande en dommages et intérêts qu’ils ont
formée contre cet avoué , et que nous sommes disposés à l’accepter dans le cas où ils
la réclameraient.
Issoire, le seize juin mil huit cent vingt-huit.
COTHON , ¡VIo n e s t i e r , A
ltaroche,
M
albet,
observant néanmoins qu’ayant un intérêt
dans l’ordre qui donne lieu à la contestation , je n’aurais pu me charger de la d é
fense.
V
erny
, L
e v e -Bo n f il s ,
T
r io z o n -Co u r b a y r e
, D
albtne,
observant néanmoins
qu’ayant renoncé depuis long temps à la p laidoirie, je n’aurais pu me charger de
leur défense.
G
r e n ie r,
C oustand , F
abre
, B
ar tin
.
1
P A R IS ,
É VEH A T,
IM PRIM EUR
OU MONT
D E P I E T E RUE DU C A D R A N ,
N°
16,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums fonds privés
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<a href="https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les Factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Triozon-Saulnier. 1828]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tardif
Delacroix-Frainville
Berryer père
Delvincourt
Gayral
Hennequin
Dupin ainé
Tripier
H. Quenault
Subject
The topic of the resource
avocats
refus de plaider
déontologie
doctrine
conseil de discipline
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An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation pour Me Triozon-Saulnier, avocat près le tribunal civil d'Issoire. [suivi de] Pièces Justificatives des faits énoncés dans le mémoire à consulter et dans la consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Everat (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1828
1828
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV20
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
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Domaine public
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avocats
conseil de discipline
déontologie
doctrine
refus de plaider
-
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8e3ddf41c2fc46b7b7938bd731370296
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MÉMOIRE EN RÉPONSE
POUR
sr
A ntoine
V A R A G N E , «et autres, intimés;
CONTRE
RO LA N D , T oi n e t t e -G A B R IE L L E
R O LA N D 3 et Le sieur GROS son m a ri , appelans.
P lE R R E -ISRA EL
- L e père du sieur Roland avait trompé les mineurs
Varagne et les avait dépouillés de tout leur patrimoine;
le sieur Roland et la dame Gros se plaignent aujourd’hui
de ce qu’ un Varagne les a trompés à son tour pendant
qu’ils étaient mineurs, et a repris ses biens. Si cela était
vra i, il faudrait remonter à la source et ne tromper
personne;mais ce n’est pas ainsi que les adversaires l’en
tendent; ils veulent bien rétrograder jusques avant la 2.®
époque, mais non jusqu’à la première, c’est-à-dire,qu’ils
v eulent retenir ce que leur père avait pris. A la vérité
ils sont obligés de convenir que son usurpation n’était
A
�' *
r
'
( 2 }
.
.
pas la cliose du monde la plus solide; mais au moyen
de quelques prescriptions et péremptions ils espèrent la
légitimer. 11 faut croire au contraire qu’une œuvre d’ini
quité et de ténèbres ne prévaudra pas cônlreuuetransaclion sage et prudente qui en efïaçait la turpitude; et la
publicité même que les héritiers Roland ont voulu
met Ire à cette cause, ne prouvera que mieux h la Cour
qu’ils n’avaient pas mûrement réfléchi, quand ils ont
voulu blâmer ce qu’avait délibéré leur famille, pour cou
vrir le passé et leur rendre justice.
F A I T S ,
L e 18 septembre 1 7 4 7 , le sieur Pierre Roland avait
vendu à Géraud Varagne un domaine appelé de Fleurac, mo}rennant 12,000 francs. Il fut dit que Varagne
.demeurait quitte du prix, au moyen de ce qu’il créait
et constituait au profit du sieur Roland une rente de
5oo fr. par année, payable en deux termes, jusquesau
remboursement des 12,000 fr.
Géraud Varagne mourut en 1762 , laissant trois enfans
mineurs, Antoine, Marianne et Sébastien.
J 1avait payé la rente de 5 oo fr. avec la plus grande
exactitude', et on serait hors d’état d’établir qu’il eût
laissé pour un sou de dettes. Ses enfans devaient donc
CMre'à l’abri de riuquiétude.
Mais Je"sieur Roland icgrettait singulièrement le
domaine de Fleurac qu’il avait vendu, disait-il, à trop
bas prix , et que le bon étal où l'avait mis l’acquéreur
�lui faisait encore envier davantage. L a mort de cet ac
quéreur- lui fournil le prélexte de se remettre en pos
session en expulsant ses enfans. Abandonnés de tout le
monde, ils ne pouvaient l’en empêcher, et d’ailleurs ils
n'ont jamais été informés des diligences"cju’il pouvait
faire; c'est seulement après sa mort et par la remise
qu’on leur a faile de ses procédures, qu’ils ont connu
celles dont ils vont rendre compte.
L e sieur Roland fit nommer un tuteur aux deux
puinés; et comme Antoine Varagne avait déjà 16 ans,
il le fit émanciper, c’est-à-dire, on présenta sous son
nom une requête au juge de Fleurac , le 20 décembre
1 7 0 2 , pour demander son émancipation (1).
Après cela, le 16 février 1 7 5 3 , le sieur Roland as
signa ledit Antoine Varagne et le tuteur de ses frère et
sœur, pour lui payer s 5o fr ., la seule somme à lui due
pour le terme d’une demi-année de sa rente, échue
depuis La mort de Géraud Varagne.
Une sentence par défaut, obtenue le i .er mars 17^3,
adjugea ces conclusions, el condamna les mineurs à dé
clarer de suite s’ils entendaient ou non être héritiers
de leur père.
Celte sentence était sans doute bien inutile pour mo
tiver l’ usurpalion du domaine , et le sieur Roland le
sentit bien. Il chercha à persuader Antoine Varagne
( 1 ) Ainsi il n’était pas marié avant la mort de son père , et
émancipé par le m a ria g e , comme le disent les adversaires à la
iin de la page 1 7 de leur mémoire.
A 2
�( 4 )
qu’il n’avait pas d’intérêt à conserver un bien où il pas
serait sa jeunesse pour partager ensuite son industrie
avec deux enfans en bas âge; un jeune homme de
dix-sepl ans n’est pas bien difficile à séduire. Deux cents
francs que le sieur Holand lui promit, achevèrent de lui
tourner la tête: il promit tout ce qu’on voulut.
En conséquence' le 24 mars 1 7 6 3 , le sieur Roland
assembla cinq cullivateurssous le litre d’une assemblée
de païens, auxquels le jeune Varagne représenta, à ce
qui y esl dit, que le domaine de Fleurac lui serait plus
onéreux que profitable, que sou père l’avait acheté
Irop cher, n’avait pas même pu payer les droits de lods ,
qu’à la vérité il avait acquitté la ren ie, mais que c’élait
en contractant plusieurs dettes passives, et que son père
en avait conçu un v if c h a g ru i , qu’il croyait avoir été
cause de sa mort, que même , en m ou rant , lL Lui avait
conseillé de supplier le sieur R o la n d de reprendre son
dom aine ,\ d’après quoi il voulait suivre ce conseil, et
renoncer à la succession de sondit père.
Après cet acle de piété filiale, dans lequel le souf
fleur se fait assez remarquer, il élait question de pren
dre l’avis de trois païens paternels et trois maternels
qui avaient clé assignés la veille 5 leur délibéralion ne
doit pas êlre passée sous silence.
Les trois pareils maternels volent pour tout ce qui
est demandé, c’est-à-dire, l’abandon et la répudiation,
quoique l'un lût l’opposé de l’autre; mais le sieur
.ilolaud avait voulu loul prévoir.
Des trois parens paternels, l’un ne vint pas, parce
�que, dit-on , il était malade; les autres deux,, indignés
de ce qui se passait, et ne voulant pas participer à
l’expoliation de leur neveu , déclarèrent q u iis n e n
tendaient pas qu’il abandonnât Le dom aine , n i q u il
répudiât. Cette réponse est consignée en l’acte.
Cependant le juge, considérant que les parens ma
ternels étaient en plus grand nombre, homologua la
délibération desdils trois parens maternels, et homo
logua même celle du curateur qui n’avait rien dit.
Comme Antoine Varagne avait bien rempli son
rôle , le sieur Roland lui donna le lendemain , non
pas précisément la somme promise, mais un billet de
200 fiancs, payable dans huit ans seulement, c’està-dire , à sa majorité , aiin que si alors il voulait
se pourvoir, le sieur Roland pût au moins sauver
l ’argent.
Muni de cette homologation, le sieur Roland crut
en avoir assez fait pour mettre son usurpation en évi
dence , et par acte du 27 avril 1 7 5 3 , il donna à ferme
à un é t r a n g e r le domaine de Fleurac ; et, s’il faut en
croire les adversaires, il poussa le nim ia p reca u iio ) usqu’à faire signer comme tém oins , le curateur et le
mineur de dix-sepl ans.
Cependant le sieur Roland ne pouvait se dissimu
ler qu'il avait fait une mauvaise procédure, et que
les pupilles Varagne, n’étant pas même nommés dans
l’avis des trois parens , auraient un jour à réclamer
conlre lui des restitutions de jouissances; il s’agissait
donc de porter remède à ce danger. Depuis plus de
�trois ans il était en possession du domaine, et avait
Irouvé tout en bon état ; mais une vieille grange
lui sembla un prétexte suffisant pour ce qu’il avait à
faire.
L e tuteur étant mort,, le sieur Roland en fit nom
mer un second le 24 mars 1 7 56 , et présenta une re
quête dans laquelle il exposa que les enfans Varagne,
ayant déserté le domaine , avaient laissé le tout en
très-mauvais élat ; qu'il avait été forcé de préposer
des gens pour la culture, afin d’éviter le dépérisse
ment ; que le nouveau tuteur ne prenait non plu s' aucun
soin pour jouir du domaine.
En conséquence il demanda permission d’assigner
Antoine Varagne et le tuteur, savoir au provisoire
pour faire constater Yétat de la g ra n g e, procéder au
bail à rabais des réparations, et au fonds , pour voir
dire que la vente de 1747 serait résiliée, et qu’il serait
autorisé à reprendre la propriété d u d it dom aine , et
aussi pour être condamnés à payer la rente de 5 oo f .
j u s q u à ce. qu’il sera rentré en ladite propriété.
L e 5 mai il obtint une sentence provisoire qui lui
permit de faire c o n s t a t e r les r é p a r a t i o n s • et aussi pro
digue de formalités p o u r cette inutile précaution, qu’il
en avait été avare en s’emparant de tout, on compte
dix-neuf pièces de procédure, ailiclies 011 exploits entre
sa requête, et une sentence du i .cr juin qui adjugea
le rabais à 1,246 fr.
#
Ces réparations, comme on le vo it, n’avaient été
nécessaires que pour un seul des bditimens, et il était
�(?)
8
>
V
singulier qu’après trois ans d’usurpa(ion, le sieur Roland
s’avisât de s’en prendre aux Varagne qui n’avaient joui
que de 17 4 7 à 1752.
Quoiqu’il en soit, après cette sentence provisoire,
le sieur Roland en obtint une seconde le 29 septem
bre 17 5 6 , qui, adjugeant les singulières conclusions
de sa requête, déclara la vente de *747 résolue, lui
permit de rentrer dans la propriété, et condamna les
Varagne au paien^nt des arrérages ju s q u ii six rentrée.
Cependant les collecteurs, plus justes que lu i, s’obs
tinaient à ne pas vouloir changer la cote d’impositions,
malgré son bail à ferme et sa nouvelle procédure ; en
conséquence, avant de laisser terminer le répartement
de 1767 ^ le sieur Boland présenta une requête à l’in
tendance pour se plaindre de cette insubordination ;
et comme il avait une charge à privilèges, il demanda
une cote d’oüice, modérée suivant le produit du bien,
qui à peine s’élevait, disait-il, d'après son b a il, à cinq
cent cinquante francs : aveu , qui, en matière de sur
taux, où on n’exagère pas, fuit assez voir combien
peu Varagne, cultivant par ses mains, avait dû être
grévé en payant 5 co fr.
Sans doute, Antoine Varagne , devenu majeur, no
voulut pas accéder aux propositions qui lui furent
faites ; car le 23 décembre de la môme an n ée, le
sieur Roland le lit assigner, ainsi que le tuteur, pour
voir déclarer les sentences du i . er mars 17 6 3 et 29
septembre 1756 rendues contre eux-m êm es, en con
séquence, est - il dit, se voir condamner à payer,
�( 8 )
1.° 2 5 o fr. portés parla première, et 33 fr. de dixième;
2.° 1,246 fr. pour le montant du bail à rabais. L e 20
février 1768 , il surprit une sentence adjudicative.
Varagne en interjeta appel.
Cet acte imprévu dut déconcerter le sieur Roland,
qui sans doute chercha à renouer l’accommodement,
et à gagner du teins. Ce qui le prouve, c’est que na
turellement le plus pressé, parce qu’il était créancier
et demandeur, il se contenta de se présenter le 19
avril 17 6 8 , et garda le silence pendant trois ans.
Après celle époque, il dressa le 18 juin 1 7 7 1 un
exploit de demande en péremption , et il est démontré
par écrit qu’il n’y eut pas de copie remise, 011 si on
veut que l’huissier ne la donna pas. Aussi ne fut-il
pas difficile au sieur Roland , de surprendre , le 28
août 1 7 7 2 , une sentence par défaut qui déclara l’ap
pel périmé. Mais cette péremption, comme on voit,
était peu importante, puisque la sentence de 1768
ne portait que des condamnations pécuniaires, et
ne disait rien de la résolution, déjà prononcée en
17 5 6 . '
A peine Marguerite Varîigne fut-elle majeure , que
le si eu r Roland , toujours inquiet sur sa procédure,
chercha à obtenir d’elle un acquiescement aux sen
tences, et par acte du 16 février 1 7 7 3 , il paraît qu’il
lui extorqua cet acquiescement, sans prix.
L e sieur Roland mourut le 3 i juillet de la mémo
année, et toute la peine qu'il avait prise pour être
richo
�riclie ne l’empêcha, p a s, à ce que disent les adver
saires, de laisser des dettes. Il avait lait un testament
par lequel il instituait celui de ses en fans qui serait
élu par un conseil de famille.
Antoine Varagne ne redoutant plus le sieur Roland
mort, avait déjà annoncé qu’il allait interjeter appel
de la' sentence de 1756 , s’inscrire en faux contre
l’exploit de 1 7 7 1 , et réclamer les restitutions de jouis
sances de vingt-un ans, tant de son chef que comme
céda taire de Sébastien son frère, et même du chef
de Marianne sa sœur , en se faisant subroger.
Cette réclamation était si peu difficullueuse , que
le conseil de famille, composé des hommes les plus
éclairés, 11e trouva rien plus expédient que de rendre
le domaine , et de tâcher d’obtenir la remise des
jouissances.
En conséquence, Antoine Varagne traita le 3 o oc
tobre 17 7 3 avec le tuteur des enfans Roland, auto
risé du conseil de famille. Après l’exposé de ses pré
tentions , l’acte porte qu’il r e p r e n d r a le domaine
vendu en 17 4 7 , et que le p r ix pr in c ip al delà vente ( 1)
demeure fixé comme alors à 12,000 francs et 72 fr.
d’étrennes, Varagne paya de suite 2,472 fr. , et le
surplus fut dit payable à termes annuels de 1,600 fr.
et de 1,000 fr. sauf l’intérêt jusqu’au paiement. Au
moyen de quoi le tuteur remit à Varagne les pro( 1 ) L e s nppelans avalent dit renie, pag. 8 de leur mémoire:
erreur qui influerait sur les moyens de résolution.
B
�cédures et sentences , et le subrogea à l’acte passé le
16 lévrier précédent avec Marianne Varagne, à ses
risques et périls. Et comme le sieur Roland pouvait
avoir déjà démembré le domaine, le conseil de famille,
toujours prévoyant, fit stipuler, pour éviter les recours,
que s’il y avait des ventes au-dessous de 3 oo francs,
Varagne n’aurait rien à demander; mais que si elles
excédaient cette somme , il répéterait le surplus du
prix seulement.
En vertu de cet acte, Antoine Varagne se mit in
continent en possession de son domaine , et paya ré
gulièrement deux à-comptes au tuteur; dès la pre
mière quittance, on vérifia quelles ventes le sieur
Roland avaient passées, et elles se trouvèrent d’un
pré de trois journaux, et de partie d’un autre pré.
Comme les deux actes ne portaient de prix que 778 f.
Antoine V aragne, suivant sa convention, n’eut qne
478 fr. à déduire.
Bientôt le sieur Pierre-Israël Roland devint ma
jeur, et (ce qu’il ne disait pas jusqu’à ce que les V a
ragne l’aient découvert) le même conseil de famille
s’assembla le 4 décembre 17 7 7 pour l’élire héritier
universel de son père, à la charge de payer les légiiimes portées par son testament.
Ledit sieur Roland prit des arrangemens avec ses
frères et sœurs, en se mettant en possession de toute
la succession ; il s’obligea vraisemblablement à payer
leur légitime qui était assez considérable, et il avouo
aujourd'hui q u ’il les représente tous à l’exception do
la dame Gros.
�33
( n )
En 1 7 7 7 , il était échu un terme de 1,000 fr. sur
le traité de 1 7 7 3 ; et le sieur Roland, aussitôt qu’il fut
héritier, n’avait pas manqué, à ce qu’il paraît, de
prendre connaissance de cel acte. Car non-seulement
il demanda à Varagne le terme échu , mais il l’en
gagea même à avancer le terme suivant, pressé sans
doute d’acquitter les légitimes.
En effet on voit par quittance du 27 juillet 1 7 7 8 ,
que le sieur Pierre-Israël Roland , avocat en parle
ment , reçut d’Antoine Varagne 2,000 francs, savoir
1,000 fr. pour le terme échu à la Toussaint de 1777»
et 1,000 f r . par anticipation pour le terme a échoir
à la Toussaint de 17 8 8 , porté au traité passé devant
Le notaire soussigné, entre son tuteur, les conseillers à
la tutelle et ledit Varagne.
Dira-t-on que c’était Varagne qui s’empressait d’a
voir une ratification d’un majeur; mais elle 11’est pas
la seule ?
Quatre ans après, et lorsque le sieur Roland eut eu
le loisir de méditer l’actif et le passif de la succession
de son père, le surplus des 12,000 fr. était échu et
Varagne paya par quittance du 1 1 juin 17 8 2 , au d it
sieur R o la n d , avocat, la somme de 4,000 fr a n c s pour
tout reste et fin a l paiement du p r ix de la vente et
délaissement du domaine de Fleurac ayant appartenu
a u x auteurs d u d it sieur R o la n d , et délaissé audit
Varagne par traité reçu par le notaire soussigné, de
laquelle dite somme de 4,000 fr. ensemble d u p r ix
entier de ladite vente , ledit sieur R o la n d a promis le
fa ir e tenir quitte envers et contre tous.
�C 12 )
Antoine Varagne mourut, après avoir ainsi liquidé
sa fortune; il laissait sa veuve tutrice; et l’un de ses
fils, ayant clé marié , laissait aussi une veuve tutrice,
le sieur Roland trouvait là une bien belle occasion
pour marcher sur les traces de son père, et repren
dre ce qui ne lui appartenait plus. T.a crainte de trouver
de l'obslacle en son nom seul lui fit emprunter le
nom de ses frères et sœurs pour former sa demande,
et cacher soigneusement la qualité d’héritier universel)
dont il,avait cependant usé en prenant tout.le> prix
de la vente.
En conséquence, par requête du 2 5 février 17 8 8 ,
il fut formé demande devant le juge de Salers, en
nullité du traité de 17 7 3 , et désistement, à la requête
des sieurs Pierre-Israël Roland , avo cat/Jean -M arie
Roland , curé de Salers , Guy Roland , prêtre communalisle, Louis-Isiaël Roland, prêtre, et ToinelteGabrielle Roland , contre Catherine Lapeyre , en
q u a l i t é de tutrice des enfans d’Antoine Varagne père
son mari, Marguerite Chaumeil, aussi tutrice des enfans d’Antoine Varagne fils son mari, et Jean V a
ragne lils.
••
. Les Varagne qui ne voulaient pas plaidera Salers,
se laissèrent condamner par défaut le 10 juin 17 8 8 ,
et interjetèrent appel en la sénéchaussée d’Auvergre.
La cause fut appointée au conseil, et le sieur R o
land comprenant assez que sou système .d’envahisse
ment n’y ferait pas fortune , voulut se rendre un
peu moins défavorable. 11 reconnut qu’il avail mal
�( 13 )
à propos demandé le désistement total , et que Se
bastien Varagne aurait eu droit de rentrer dans le
domaine; en conséquence il se départit de sa demande _
pour un tiers. A l’égard des deux autres, il soutint
que son tuteur avait été trompé, et qu’après le traité
de février 1 7 7 3 , e lle s sentences de 1768 et 1 7 7 2 ,
Marianne et Antoine Varagne avaient perdu toute
p r o p r i é t é , de sorte que le traité de novembre 17 7 3
contenait une aliénation de biens de mineurs contre
laquelle .ces frères et lui pouvaient réclamer pendant
trente ans.
Mais les tutrices Varagne, pourrepousserces moyens,
firent des recherches dans les études de notaires , et
trouvèrent les quittances de 1778 et 178 2 , le testa
ment du sieur Roland père, et l’élection de 1777.
Ces pièces, jointes aux circonstances de l’acte do
1 7 7 3 , étaient si décisives que la sénéchaussée d’A u
vergne, par sentence rendue au rapport d e M .r Bidon,
le 3 septembre 17 9 0 , n’hésita pas à infirmer celle par
défaut de Snlers , et à débouter les sieurs Roland de
leur demande.
A leur tour les sieurs Roland ont interjeté appel
de celle sentence au parlement de Paris; ce n’est
qu’en l’an 10 qu’ils en ont repris les poursuites deVanl la Cour. 11 ne reste plus qu’à rendre compte
des moyens respectifs et à répondre à ceux proposés
pur les appelans dans leurs écritures et leur mémoire.
�( i4 )
MOYENS
.
L e système des appelons est, comme on le prévoit
sans peine , fondé tout entier sur l ’état des choses
subsistant avant la transaction de 17785 alors disentils aux Varagne , votre expropriation était légalement
consommée , vous deviez une rente foncière que vous
ne payez pas, ainsi il y avait lieu à résolution ; vous
avez déguerpi les biens, et vous le pouviez, quoique
mineurs , avec le décret du juge. Ainsi rien n’était
plus légitime que les sentences de 1 7 5 3 , 1756 jet
17 6 8 ; d’ailleurs c'était chose jugée h cause de la pé
remption prononcée en 17 7 2 contre Antoine Varagne,
et quant à Marianne elle avait tout approuvé par un
traité contre lequel il n’y avait pas lieu à retrait, dès
qu’il ne s’agissait que de résolution5 ni à subrogation
légale, puisque ce traité acquérait au sieur Roland
rem sibi necessarîam.
Si donc, disent les adversaires, nous étions proprié
taires incommulables en 1 7 7 3 , notre tuleur n’a pu
aliéner notre propriété sans formes et sans nécessité.
Nous nous sommes pourvus dans le lems, et les quit
tances du prix ne sont pas une approbation.
Quoique cet ordre de moyens soit une inversion de
questions, et que naturellement la première chose à
examiner dût être la fin de non recevoir , cependant
les intimés suivront cette série des moyens présentés
parles adversaires, puisque leur but est d’y répondre.
Ils examineront donc i.° si le sieur Roland avait re-
�2T
( i5 )
couvré la propriété du domaine de Fleurac, lorsqu’il
s’en empara en 17 5 3 ; 2.0 si au cas qu’il ne fut pas alors
propriétaire, il Test devenu par les sentences de 1 7 5 3 ,
1 7 5 6 , 1768 et 17 7 3 , et si elles étaient chose jugée
en 1 7 7 3 , tant contre Antoine que contre Marie V aragne; 3 .° si la transaction du 3 o octobre 17 7 3 était
une aliénation des biens des mineurs Roland; 4.0 si,
en ce c as, les adversaires se sont pourvus en tems utile;
5.° enfin si les quittances de 1778 et 178 2 produisent
une fin de non recevoir.
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e sieur R o/and pere avait-il recouvré la propriété
du domaine de Fleurac, lorsqu’il s’en empara en 17 5 3 ?
L e sieur Roland avait vendu ce domaine en 17 4 7 ;
ainsi sans difficulté Geraud Varagne en était proprié
taire à son décès en 1762.
Mais quelle était la nature de cet acte de 1747 ?car
de cet examen préaUible dépend la discussion relative
aux moyens proposés de déguerpissement et de réso
lution.
Souvenons-nous qu’en 1747 le sieur Roland avait
vendu un domaine moyennant 12,000 fr ., pour laquelle
somme l’acquéreur avait constitué une rente de 5oo fr.
Ainsi d’après les principes cet te rente n’était pas pure
ment foncière; c’était une simple rente constituée,
assise sur un immeuble avec privilège spécial.
�( 16 )
Par conséquent le bailleur n’avait pas retenu le do
maine direcl ;dèslors c’était une aliénation pure et simple
de sa part, ce qui changeait totalement le droit qu’il
s’est arrogé de s’emparer du'fonds, comme s’il 11’eût
délaissé que la propriété utile.
Cette différence à faire entre les ventes à charge de
rente constituée, ouïes baux à rente foncière, nous
est enseignée par les auteurs du nouveau Denizart au
mot arrérages: «-Unhéritage, disent-ils,peut être vendu
« moyennant une rente de telle somme, ou bien le prix
« de l’héritage peut être fixé d’abord à telle somme,
« et ensuite les parties convenir par le même acte que
« la somme formera le capital d’une rente constituée
« entre les mains de l’acquéreur. Dans le premier cas
« nuldouteque la rentenesoit foncière ; mais au second,
« la rente renferme une véritable constitution de rente
k à prix d’argent >3.
Sans doute cette opinion ne sera pas taxée d’innovalion; car on la retrouve dans Loyseau en son traité du
f
déguerpissement. «Toutefois,dit-il, en toutes ces renies
«• foncières, il y a une signalée précaution; et une re*• marque de grande importance , c’est quesi le contrat
« est fait en forme de vente , auquel le prix soit parti—
« cularisé et spécifié, pour lequel prix soit constitué
<r rente à lü suite du même contrat, alors, à bien en
te tendre, telle rente ne doit pas être estimée foncière,
« mais simple renteconstituée. (f. i. ch. 5 . n.° 14 e ! 17).
lie même principe est enseigné par Basnage sur l'ar
ticle 5^5 de Normandie, par I^othier au traité du contrat
�( i7 )
irat cîe consliluiion de rente, n.° 1 3 3 , par divers arrêts
de cassa lion de Fan 9 et l’an 1 1 , et par un arrêt de
la Cour de l’an i 3.
Cela posé, on ne voit plus où s’appuient les deux
moyens des adversaires, fondés sui\ ce que les enfans
Varagne avaient pu déguerpir le domaine, pour ne pas
payer la renie, et sur ce que, n e payant pas la rente,
la résolution était de plein droit après trois ans.
L e premier moyen ne semblait pas trop raisonnable,
parce que dans les faits ci-dessus rapportés, on ne voit
rien qui ail beaucoup d’analogie avec un déguerpisse
ment. Mais les adversaires prétendent que le simple
iait d’abandon du domaine équivaut dans l’espèce à
un déguerpissement , par la raison, disent-ils, que d'a
près L o y se a u , les mineurs peuvent aussi déguerpir
pourvu qu’il intervienne décret du juge pour le leur
permettre, après un avis de parens. Or, ajoutent-ils,
celle autorisation judiciaire se trouve dans la délibé
ration des parens qui avaient autorisé les mineurs à
abandonner le domaine et même à r é p u d i e r la suc
cession.
Erreur dans le fait et dans le droit.
Dans le fait ; car celte délibération n’autorisait pas
les m ineurs, mais l’émancipé seul; et loin d’être completle, on voil que les parens paternels eurent l’énergie
de s’ind igner hautement de ce qu’on méditait contre
un enfant, et que les parens maternels accédèrent seuls
à ce qui élait demandé.
Dans le droil ; car ce n’est pas celte délibération
C
�qui aurait produit un déguerpissement, elle y auto
risait seulement Témancipé, et cependant il s’en est
tenu h cette démarche, déjà même le sieur Roland
s’élait emparé du domaine; et quand il sollicitait une
répudiation, il est clair qu’il exigeait deux choses con
tradictoires, parce qu’ un déguerpissement était une
adition d’hérédité.
Un déguerpissement n’est pas un acte tellement sans
conséquence qu’il puisse avoir lieu par accord verbal,
car il est une aliénation, et non n udis pactis do min ici
trans/eruntur.
D ’abord il n’est pas très-cerlain qu’un tel acte soit
permis à des tuteurs, même avec le décret du ju ge;
la loi s’y oppose formellement; prœ dia vendu, v e l
i p s i s ca r b r e perm itti non dcbet , et si pcrm issuni s it ,
nulla est vend ¿tco, nullum que decretum. (L . si æs. fï.
de reb. eor. etc.)
Cependant admettons qu’ un tuteur puisse déguerpir
avec le décret du ju g e ; au moins faut-il, quand le
décret est intervenu , qu’il y ait un déguerpissement
formel.
Loyseau , invoqué par les adversaires, dit que le
déguerpissement doit être fait en ju gem en t, et pour
qu’on ne confonde pas celte expression, il ajoute,
cest-a-dire en L'audience de ju s t ic e , les p la id s tenant ;
a car, continue cet auteur, le respect ,1 a majesté du
« lieu où la justice est exercée, la présence des rna« gislrats, la fréquence des assislans donne à cet acte
« plus d'uutorité, parce que le déguerpissement est
«• un acte d'importance. ( Liv. 5.)
�( T9 )
Si donc il y avait cil lieu à déguerpissement, les
adversaires ne pourraient en invoquer aucun , car il
n’y en a d’aucune espèce. Mais ce n’élait pas le cas
dès que la renie n’élait pas foncière. Car, comme dit
Chopin sur l'art. 109 de la coutume de Paris, « en
« rente raclietable sous un principal exprim é, n’y a
« lieu à déguerpissement, cutn sit poliàs emptor, quàm
« conductor prelil vectigaiis ».
Opposera-t-on qne ces principes sont en faveur du
bailleur et non contre lui : mais dès que le déguer
pissement est une aliénation, il faut que le contrat
soit bilatéral ou synallagmatique, et jamais il ne sera
possible de penser que des mineurs sur-tout aient fait
un déguerpissement valable, sans aucun a c te , même
hors jugement, et par le seul fait de leur dépossession.
Quant à la résolution, faute de paiement par trois
ans, elle n’avait pas lieu en rente constituée; mais
ce serait devancer les adversaires que d’examiner
ici celte question, car ils ont élé forcés de recon
naître qu e, d’après leur propre système, il n’y avait
pas lieu ¡1 résolution quand leur père s’empara du
domaine en i y 5 3 , parce que la sentence du i . ermars
de ladite année ne portait condamnation que d’ uu
demi-terme de la rente de 5 oo francs, échu encore
depuis la mort de Géraud Varagne.
Ainsi, sur celle première question , il est constant
que sous aucun poinl de vue , le sieur Roland n’é
tait propriétaire du domaine de Flenrac lorsqu’il s’en
empara, et le donna à ferme le a 5 avril 1753.
G a
�L e sieur R o la n d est-il devenu propriétaire du do
maine de Fleurac par Les sentences de 1 7 5 3 , 1 7 56 ,
1768 et 17 7 2 ?
' Ces sentences étaient-elles passées en force de chose
jugée en 17 7 3 , tant contre Antoine Varagne que
contre M arianne sa sœur?
L a senlence de 17 5 3 ne signifie rien pour la pro
priété, cela est convenu; elle n’était qu’un achemi
nement aux autres, et eût été elle-même irrégulière,
puisque le sieur Roland a dit Géraud Varagne mort
en novembre 1 7 5 2 , et que depuis celle époque jus
qu’après les trois mois et quarante jours il n’avait pas
d’action, d'après l'ordonnance de 1667 , renouvelée
•par le Code civil.
En 17 5 6 , il y eut deux sentences, mais la première
ne parle que de bail à rabais et non de propriété 5
c’est la seconde seulement, du 29 septembre, qui pro
nonce la résolution de l’acte de 1747On ne peut pas douter que le juge n’ait été sur
pris lors de celle sentence , puisque l’exposé de la
requête, sur laquelle elle est rendue, suppose que le
sieur Roland n’était pas encore en possession du do
maine de Fleurac. Il demandait ju squ es-là les arré
rages de la renie de 5 oo f r . e t certes c’élait abuser
étrangement du silence forcé des mineurs Varagne ;
car s’il eût confessé au juge, que depuis plus de trois
�( 21 )
ans il percevait les fruits du domaine, sur lequel la
dite rente était assise, le juge au lieu de lui adjuger
sa demande, l'aurait éconduit, quoique par défaut.
Cette sentence, il est vrai, quelque mauvaise qu’elle
lût, disposait de la propriété du domaine; mais elle
était susceptible d’appel pendant trente ans d après la
jurisprudence; et dès-lors en 1 7 7 3 , elle pouvait etre
attaquée.
Ce n’est pas ainsi, à la vérité, que les adversaires le
supposent. Ils soutiennent, au contraire, qu’il y avait
chose jugée en 1 7 7 3 , et que tout espoir de retour était
ôté contre la procédure précédente, sauf néanmoins
les droits de Sébastien Varagne qu’ils reconnaissent
entiers. A l’égard des deux autres, ils séparent Antoine
Varagne de Marianne sa sœur.
Antoine Varagne, d iren t-ils, avait bien interjeté
appel de la sentence de 1768,* mais cet appel avait
été déclaré péri, et la péremption emportait le bien
jugé de cette sentence, et dès-lors de celle du 29
septembre 1766.
Mais les sieurs Roland confondent aujourd’hui ces
sentences, qui avaient un objet très-distinct en 1772.
L a sentence de 1768 n’avait pas pour objet de
faire déclarer les précédentes exécutoires contre les
Varagne , puisqu’elles étaient rendues contre eux-mêmes ; si le mot y fut employé ce n’était que par un
vice de style; car le but très-clair de la demande était
d’obtenir le paiement de 1,246 fr. prix apparent du
�.
bail y rabais, dont le S.r Roland n'avait pas encore obtenu
de condamnations. On voit en effet parla lecture de la
sentence de 17 6 8 , qu’elle ne porte que des condamna
tions pécuniaires, et ne dit pas un mot de la résolutiou.
L a sentence de 17 7 2 prononce la péremption de
l’appel de celle de 1768, et est encore plus étrangère que
toutes les autres à la propriété du domaine de Fleurac;
car, quand la péremption serait irrévocable, l’effet de
la sentence de 1768 ne s’étendrait pas au -d elà des
condamnations qu’elle prononce.
Ainsi, quand les sentences de 1768 et 1772 auraient
passé eu force de chose jugée en 1 7 7 3 , au moins la
sentence du 29 septembre 17 5 6 , la seule qui pronon
çât la résolution de la vente de 17 4 7 , était-elle évidem
ment susceptible d’appel en 17 7 3 .
Mais si, par impossible, la Cour pouvait considérer
d a n s la sentence de 1768 , une résolution que cettesentence ne prononce pas , comme alors celle de 17 7 2 au
rait une plus grande influence, c’est alors le eus d’exa
miner la validité de l'exploit de 1 7 7 1 , sur lequel cettô
sentence a été surprise.
, Il est démontré que la copie de cet exploit a été souf
flée. La lecture de l’original le prouve. Et en vain les
adversaires ont-ils ouvert une longue discussion sur des
mots écrits 011 ajoutés , on voit clairement que leur
père , ou le rédacteur de l’exploit a eu deux pensées
lu n e après l’autre, et que la deuxieme a corrigé la
première 5 mais ce n'est là disputer que sur le genre
d’iniidélité; car les adversaires sonl obligés d avouer qu’il
�( 23 )
y en a une. L ’huissier au moins n’a pas porté la copie ;
l ’assigné, qui ne l’a pas reçue, soutient l’exploit nul, et il
l’est sans difficulté. Si donc il n’y avait pas de demande
en péremption, il n’y avait pas de péremption; alors
l’appel était recevable en 17 7 3. Toute la laveur eut été
pour cet appel, et toute la défaveur pour.une péremp
tion extorquée par un faux évident.
Du chef de Marianne Varagne, Antoine eût été, disentils, moins reccvable encore, puisqu’elle avait tout ap
prouvé parle traité du 16 février 17 7 3 , ainsi personne
ne pouvait réclamer pour elle.
! Pourquoi donc ses frères n’auraient-ils pas eu d’action
en subrogation légale , si Marianne avait cédé un droit
litigieux et universel ? Cette prétention paraît choquer
les adversaires; mais c’est qu’ils partent toujours de cet te
idée fausse, que leur père avait conservé la propriété
directe du domaine, et alors ils se croient dans l ’e x ceplion de la loi eœcepUs cessionibus quas is qui, possidet pro tuilioae suâ accipit.
Cela est très-bien quand , avec un titre légitime pour
une partie , on possède tout, et q u e , pour confirmer sa
possession , on achelte rem necessariam.
Mais quand on n’a que la portion d’un cohéritier par
usurpation, il est clair qu’on ne cherche pas ¿1 y rester
pour éviter un procès; mais qu’on1 se prépare à en sou
tenir un contre les cohéritiers.
Suivant le système des adversaires, et en interprétant
judaïquemenl l’exception de la loi, rien ne serait plus
�i 1
( 24 )
facile que de l’éluder. L ’acquéreur d’un droit de copro
priété ou d’ un droit successif se mettrait d’avance en
possession d’ un objet, et ensuite il en serait quitte pour
dire qu’il est dans l’exception de la loi, parce que
p o ssiden s, pro tuitione accepit.
■ Pourquoi encore les frères de Marianne Varagne
n ’auraient-ils pas eu une action en retrait; car s’il est
certain que le domaine de Fleurac a resté dans la famille
V a r a g n e i l est clair que Marianne Varagne était pro
priétaire d’une portion , par la règle le mort saisit le v if%
Mais, disent-ils, un retrait n’a lieu qu’en matière de
vente ou d’acte équipolent à vente.
L ’objection même les condamne; car dès que l’acte
de 1747 était une vente, Marianne Varagne, propriétaire,
n ’a pu s’en départir que par unacteéquipolent à vente.
En vain oppose-t-on qu’elle a cédé son droit par une
transaction. Une transaction n’est qu’ un acte indéfini
qui admet toutes les espèces de conventions, et qui
dèslors retient elle-même le nom le plus analogue à
son objet principal. Ainsi quand , par l’effet d’une
transaction , rimmeuble d’ un contractant passe h un
autre, l’acte est toujours une vente, puisqu’ il en a les
caractères; car la qualité des actes 11e doit pas se juger
par les noms qu’on leur donne, mais parleur substance.
Si Marianne Varagne n’avait eu que J u s a d rem , il
est possible que la transaction ne fût pas considérée
comme une vente, dès qu’elle n’aurait cédé qu’ une
simple prétention litigieuse ; mais il est clair qu’elle
avait j u s in re, et qu’élant propriétaire au décès do
son
�?
4
..
( 25 )
son père, aucun acte ne lui avait ôté celle propriété.
Son abandon était donc une vente pure et simple.
Or, sans se jeter dans un long examen sur les cas
ou le retrait était admissible , les adversaires ne nie
ront pas qu’en vente d’immeubles il ne fût admissible
au profit d’ un frère.
Ils ne n ie r o n t pas encore qu’il n’eût été même ad
missible quand Marianne n’aurait abandonné que j u s
a d rem - car il est de principe enseigné par Potliier
d’après Dumoulin, Duplessis et autres auteurs, que la
vente d ’un, droit réputé pour héritage suffit pour
donner ouverture au retrait.
* L e même auteur dit plus clairement à la page pré
cédente , que la créance qu’on a pour se faire livrer
un héritage, est sujette à retrait si elle est cédée: et
cette doctrine n’ est qu’une conséquence du principe
que actio, quœ tendit a d a liq u id im m obile , est in imobilis.
Dans la circonstance sur-tout, et après la conduite
du sieur Roland père , lorsqu’il venait d’y mettre la
dernière main en ôtant le patrimoine d’une jeune fille
sous prétexte des dangers d’ un procès, il n’est pas
de tribunal qui eût refusé d’admettre un retrait qu’au
rait exercé Antoine ou Sébastien Varagne ; parce que
c’était la voie la plus légitime pour tout rétablir en
son premier état, et qu’il .ne s’agissait que d’arrêter
une usurpation.
Mais, objectent encore les adversaires, qu’aurait pu
faire Antoine Varagne, tant pour lui que pour sa
D
>
�( 26 )
sœur, quand il aurait pu exercer les droits dé l ’un
et de l'autre, et interjeter appel de la sentence de
17 6 6 ? cet appel aurait été non recevable au fonds,
parce qu’une résolution prononcée est inattaquable.
Sans doute, une résolution ¿égale est inattaquable,
et il était inutile de rappeler tout ce que dit sur celte
question M.r Chabrol : car ce n’est pas le principe que
contesteront les Varagne , mais bien l’application, qui
est véritablement choquante sous toutes les faces.
D ’abord M.r Chabrol parle des renies foncières j et
ici il ne s’agit que de rente constituée.
11 aurait fallu cinq ans d’arrérages dans ce dernier
cas; il eût fallu trois ans, si c’eût été une rente fon
cière. Or , ici il n’y avait que six mois d’arrérages.
Pour que la résolution soit légale , il faut que la
sentence, qui condamne au paiement, porte un délai,
sinon la demeure peut toujours être purgée. L a sen
tence de 1756 n’en portait aucun.
Ce n’est qu’après la sentence et le délai que le
bailleur peut se mettre en possession; ici, le vendeur
usurpait depuis trois ans. L e motif de résolution em
ployé par le sieur Roland élaiL même mal-honnele:
loin d’y parler d’un-abandon inutile fait par des pu
pilles chassés du domaine, il prenait pour prétexte le
défaut de paiement des arrérages. Il trompait donc
la justice, car il demandait ces arrérages, et cepen
dant il jouissait : il avait ôté par son propre fait aux
mineurs Varagne toute possibilité de les payer.
�( 27 )'
t r o i s i è m e
q u e s t i o n
L a transaction du 3 o octobre 1 7 7 3
.
é ta it-e lle une
aliénation cles biens des mineurs Iio la rid ?
L
citations des adversaires, pour montrer qu ’on
ne peut vendre sans formalités le bien des mineurs ,
es
11e sont pas plus applicables, que n’est fondé le re
proche fait à la sénéchaussée d’Auvergne de les avoir
méconnues.
I l est très-vrai que le tuteur ne peut de gré à gré
et sans nécessité vendre les immeubles de ses mineurs.
Mais ic i, ce que cédait le tuteur n’était pas un i m
meuble de ses mineurs; et il y avait nécessité.
Ce n’était pas un immeuble des mineurs Roland,
puisque leur père l’avait vendu ; que l’acte de 174 7
n’étant pas un bail à rente, il s’ était départi de la
propriété utile et directe , puisqu’enfin il n’y avait
eu ni pu y avoir de résolution valable.
Il y avait nécessité, puisque les pa rties allaient en
trer en procès, et que ce procès ne pouvait pas etre
d’ une solution difficile.
Car des mineurs dont un seul avait trente-cinq ans,
se plaignant d’un mode d’usurpation qui eût crié ven
geance, n'avaient pas à craindre une résistance bien
sérieuse.
Quand le faux de l’exploit de 1 7 7 1 n’eût pas fait
tomber la péremption, elle ne se fût rapportée qu’à
lu sentence de 17 6 8 , et le pis-aller eût été de payer
D 2
�( 2 8 }
mal à propos 1,246 fr., si les liériliers Roland avaient
établi avoir employé celte somme. Mais de sa part,
Antoine Varagne aurait eu à répéter les jouissances
de vingt-un ans à dire d’experts.
O r , les adversaires ont prétendu que le domaine
valait 3 o,ooo fr. ; et en ne fixant les fruits qu’à 1,000 fr.
par an, ils eussent été débiteurs de 2-1,000 fr.
A . la vérité, il eût; fallu déduire moitié pour la
rente de 5 oo fr. plus les 283 fr. de la sentence do
1 7 5 3 , et si on veut les 1,246 francs; mais, comme
on v o it, les mineurs Roland auraient toujours été re
liquat aires de 9,000 fr.
Ils avaient donc plus d’intérêt à traiter que Varagne,
puisqu’ils obtenaient le sacrifice de cette somme, au
lieu de faire eux-mêmes celui des réparations, comme
ils essayent de le persuader. . . • • j
Leur tuteur avait sans difficulté le droit de transiger,
puisqu’il ne s’agissait que de terminer un procès. En
vain dirait-on que ce procès n’était pas commencé;
car il est de principe que trcuisactio f i t de Lite m otâ,
aut niovendâ.
I/exposé de la transaction prouve les difficultés qui
allaient naître : au lieu d’assigner et de plaider, 011
transigea.
Si quelque chose devait ajouter à la faveur due à
un acte aussi respectable qu’ une transaction, ce serait
de connaître les personnes qui composaient le conseil
de famille et qui en ont été les auteurs. Car que
Maigue, tuteur, fût ou non un chapelier et unhoinmo
�J*
( 29 )
peu intelligent,¡’acte n’était pas purement de son fait,
il était le résullat des réflexions d’une famille distin
guée, à laquelle les adversaires devaient plutôt d elà
reconnaissance que des reproches ; reproches d’ailleurs
d’autant plus aisés à multiplier, que les intimés n’ont
aucun intérêt d’en vérifier la sincérité.
QUATRIEME QUESTION.
5
L e s appelans se sont-ils pourvus en tems utile contre
la transaction de 1 7 7 3 ?
O ui, disent-ils, par deux motifs ; le premier c’est
qu’elle n’a été passée que par notre tuteur; le second
c’est que vous avez retenu les pièces, et que le délai
pour nous pourvoir ne court que de leur remise.
L a réponse à ce premier motif pourrait être ren
voyée à la queslion suivante, parce qu’au moins les
quittances de 1778 et 178 2 ne sont pas du fait du
tuteur; mais pour suivre exactement les moyens des
adversaires, il suffit quant à présent de leur rappeler
ces quittances.
,
Il est aisé de voir le but de la distinction à faire entre
les actes des mineurs, et ceux de leur tuteur.
Souvent il serait injuste de les déclarer non recevables
après 10 ans, à l’égard de ces derniers actes, parce que
peut-être ils en auraient ignoré l’existence; et la pres
cription n’est qu’une peine imposée par la loi à celui
qui néglige d’agir.
Mais toutes les lois qu’il est certain que le mineur a
�H,
( ,3 ° }
connu Facle , toutes les ibis sur-ion ( qu’il l’a adopté,
c ’est alors que le fait du tuteur étant le sien, le mi
neur a à s’imputer de ne pas se pourvoir.
Or, par cela seul que le sieur Israël Roland, héri
tier de son père, a connu et adopié en 1778 l’acte de
1 7 7 8 , et sans examiner l’eflet de son approbation, il
a dû se pourvoir.
Comme, dès 17 7 8 , il connaissait la date de ce traité
de 1 7 7 3 , il devait savoir qu'à supposer qu’il eût droit
de l’al laquer, il ne le pouvait que jusqu’en 17 8 3 , parce
qu’il se l’était approprié; cependant il n’a formé de
mande qu'en 1788.
Alors non-seulement il y avait plus de dix ans de
puis le traité de 1 7 7 3 , mais le sieur Israël Roland avait
plus de trente-cinq ans.
L e deuxième moyen des adversaires sur celte ques
tio n annonce l’embarras d’en proposer de meilleurs.
C a r, contre quel acte devaient-ils se pourvoir?
Est-ce contre la transaction? Est-ce contre les pièces
y visées ?
Sans doule ce n’est pasconlre les sentences y énon
cées, puisqu'ils en excipent. C ’est doncconlre la transac
tion; mais ils n'articulent pas sans doule que Varagno
lait retenue.
Avec un système comme celui qu’ils hasardent , il
faudrait dire que tout traité d’après lequel 011 aura
remis des pièces à une parlie (ce qui arrive tous les
jours) sera allaquable à perpétuité; et, comme dit Du
moulin pour les choses précaires, elia n ip er m illeannos.
�( 3i )
*
D ’abord les adversaires pouvaient très-bien voir dans
la transaction , que leur père avait vendu un domaine,
et l’avait ôté ensuite à des mineurs par abus de leur
faiblesse, mais que ces mineurs l’avaient repris ; c’était
là tout le secret des pièces remises à Varagne.
Or, comme la transaction n’était pas retenue, si
les adversaires voulaient se pourvoir, rien ne les en
e m p ê c h a i t ; et alors, comme aujourd’hui, ils auraient
redemandé toutes ces pièces, qu’on ne leur cache pas.
Outre la faiblesse de ce m oyen, il n’a de prétexte
que la mauvaise foi; car les adversaires ont prétendu
que les sentences de novembre 17 56 et de 17 7 2 11’élaient pas énoncées dans le traité de 1 7 7 3 , de même
que le traité du 16 février, pour leur en cacher l’exis
tence. Cette allégation leur a même paru si impor
tante qu’ils y ont employé les pages 7 , 8 , 49, 5 o, 53
et 54 de leur mémoire.
Xi’omii-'sion supposée de la sentence de novembre
1 7 5 6 n est qu’ une misérable équivoque. L a sentence
de novembre 1766 était au moins visée et énoncée
dans celle de 1 7 6 8 , puisque les adversaires préten
dent que cette dernière renouvelait en entier celle
de 1756.
En second lieu , on voit à la fin des dires de V a
ragne ou traité, que parmi ses moyens contre la pro
cédure il disait qu’il était recevable à tenir les engagemens de son père dans La, circonstance su r-to u t
que LA S E N T E N C E QUI ORDONNE LA RÉSOLUTION D E
�LA v e n t e ri enlève celte faculté qu’après 3 o ans, etc.
O r , où est donc celle sentence, si ce n’est celle
du 2 9 novembre 17 5 6 ?
O11 n’a donc pas caché aux mineurs qu’il existait
une sentence prononçant une résolution.
Quant à la sentence de 1 7 7 2 , l’équivoque est en
core plus sensible ; on nous a caché , disent les adver
saires, qu’il y eût une senlence prononçant la péremp
tion (pag. 8 et 9).
M ais, en parlant de la sentence de 17 6 8 , on ajoute
que Varagne s’était rendu appelant, mais que la sen
tence avait passé en force de chose ju g ée comme n ayan t
pas fa it diligence sur son appel pendant trois ans con
sécutifs.
N ’est-ce donc pas se faire des moyens de tout que
de ne pas voir là le synonime d’une péremption 5 et
que les expressions ci-dessus expliquaient même mieux
le droit des mineurs: dès-lors on ne voulait pas écarter
ce qui leur aurait donné trop de lumières.
Enfin à l’égard du trailé avec Marianne Varagne,
comment les adversaires ont-ils encore osé dire qu’on
le leur avait caché.
•
La transaction porte que le sieur R o la n d , par acte
reçu Valette y notaire, le 16 février dernier, contrôlé
le 2 5 , a réglé avec M arianne V a ra gn e, sœur dudit
Antoine.
Plus loin , Antoine dit qu’à l’égard de l’ucle passé
avec
�Marianne Varagne, il était dans le cas de demander
La subrogation.
■ L ’acte est donc énoncé, visé et daté. L e règlement
avec la sœur ne peut supposer qu’ une cession de sa
part, puisque le frère veut s’y faire subroger.
Ainsi les adversaires sont obligés d en imposer à la
Cour pour se rendre favorables, et il est de la plus
grande évidence que -rien ne s’opposait à ce qu'ils ré
clamassent dans les dix ans contre le traité de 1 7 7 3 ,
s’ils croyaient y être recevables, ce qui va être enfin,
examiné.
CINQUIÈME
QUESTION.
L es quittances de 1778 et 1782 produisent-elles une,
¿fin de non recevoir contre la dem ande?
venait d’être élu héritier
universel de son père en 1 7 7 7 , lorsqu’il reçut le prix de
la venle de 17 4 7 , en vertu de la transaction de 1778.
Si l’ouverlure de la succession n ’ était pas en droit
écrit, au moins le domaine d e E le u ra c y était-il situé;
Israël Roland était donc seul maître du procès y re
latif. D ’ailleurs, en coutume comme en droit écrit,
les légataires sont les maîtres d’accepter le legs porté
parle testament; or, le sieur Roland ne s’est pas mis
en peine d’établir que ses frères et sœurs aient répudié
leur legs pour réclamer leur légitime, quoiqu’on lui
ait fait souvent celte interpellation.
P ie r r e -Isr a e l R o land
Antoine Varagne ne pouvait donc s’adresser qu’à
E
�"(<■
( 34 )
lui seul pour pa}7er, et la Cour a bien remarqué que
le sieur Israël Roland agissait aussi comme seul héritier
puisqu’il reçut la première fois tout le terme échu, et
la seconde fois la totalité aussi des quatre termes reslans.
M ais, dit le sieur Roland, forcé parla conséquence
de son propre fait , l’approbation d’un acte nul ne le
valide pas, parce que q u i confirm ât n ih il dat d’après
I) umoulin , en second lieu je serais relevé comme
mineur initio inspeclo , puisque, l’acle étant commencé
pendant ma minorité, ce que j ’ai fait en majorité n'en
est qu’ une suite.
La première objection n’est fondée que sur des prin
cipes absolument inapplicables. L e passage de Dumou
lin ne s’applique qu’aux actes radicalement nuls, et
lion à ceux simplement sujets à restitution.
Or, ce serait pour la première fois qu’on soutien
drait que la transaction faite par un tuteur, même avec
aliénation, fûl nulle d’une nullité rad icale , et ne fût
pas susceptible d’une simple ratification de la part du
mineur devenu majeur.
- Au lieu de citer la loi si sine décréta qui ne peut
s’appliquer que par argument à contrario , les adver
saires eussent dû voir la loi 10 au ff. de rebus eorum
qui sub tutela sunt sine decreto non alienandis , dont
la disposition expresse décide la difficulté dans les plus
forts termes. Car après avoir prohibé les ventes'du bien
des pupilles, failes sans décret du juge, celte loi dit
que si néanmoins le tuteur en a employé le prix dans
�jr
( 35 )
son compte, et que le mineur l’ait reçu en majorité, il
ne peut plus revendiquer l'héritage vendu. Prœ dio pup ili illicite venundato , œstimatione solutâ , vindicatio
prœ dii ex œquitate inhibetur. A quoi la glose ajoute non
tanïasperb tractandum est ju s prohibitce alienationis
prœdioruni pupilanorum , ut et solutâ œstimatione à
tutore in eniptorem pupilus sutnmo ju re experiatur.
A plus forte raison quand le mineur reçoit directe
ment le prix du débiteur lui-même , e t , comme le dit
le profond Voétius sur la même loi, le paiement, même
la demande, même encore la simple approbation du
prix après la majorité empêchent la réclamation. S i
sine decreto aliéna ta ponerentur m inoris botia , tune
cnim subsecuta post majorennitateni impletam solutio,
vcl ex a ctio , vel petitio , vcl acceptatio œ stim alionis ,
necessariatn tacitæ ratihabitionis inducit conjecturant.
Userait difficile de rien ajouter à des autorités aussi
claires, et cJest d’ailleurs un principe universellement
reconnu que l’on approuve une vente quand on eu
reçoit le prix.
D ’après cela il est inutile de peser les expressions
employées dans les quittances de 1778 et 17 8 2 , puis
qu’il ne s’agissait pas de confirmer un acte radicale
ment nul. D ’ailleurs, en lisant les quittances, on ne
peut pas douter que le sieur Roland ne connût la
transaction aussi bien que Varagne, puisqu'il savait le
montant de chaque lerrne, leur échéance, et ce qui
restait à payer. Il savait que c’était pour le domaine
de Fleurac, et il savait encore que ce domaine prove-
�(
3
6
}
naît de ses auteurs. Son consentement à recevoir le
prix d’un domaine transmis par ses auteurs à Varagne
aurait donc valu seul une vente nouvelle, car 011 y
trouve res, consensus et pretium. Ajoutons que c’était
un avocat qui traitait avec un cultivateur.
Le second moyen des adversaires est tiré du para
graphe scio q u i, comme le dit L eb ru n , a fait errer
plus de jurisconsultes que la mer n’a égaré de pilotes.
Mais cette loi a aujourd’hui un sens bien déterminé,
et n’égare que ceux qui veulent lutter contre la ju
risprudence.
L e mineur, qui a imprudemment accepté une suc
cession à la veille de sa majorité, ne renonce pas tou
jours aussitôt qu’il est majeur; et comme chaque jour en
ce cas il continue de faire acte d’héritier , la loi examine
si ces actes ne sont qu’une suite de .ce qu’il a com
mencé en minorité, et alors elle l ’en relève.
L a difficulté de distinguer la nature de ces actes
donne lieu à tous les majeurs, qui se trouvent dans
ce cas , de prétendre que ce qu’ils ont fait est une
suite de la première immixtion. Mais 011 examine tou
jours si le mineur était obligé de faire l’acte nouveau,
o u s ’ i l pouvait s’en empêcher.
' « Car, si le mineur, dit Lebrun, pouvait s'exempter
* de mettre la dernière main ¿1 l’aflaire ; en ce cas,
« après l’avoir achevée en majorité, il 11e pourra pas
« être relevé. »
- Les adversaires s’emparent d’une partie de ce pas
�sage, et disent aussitôt que la transaction était com
plète pendant leur minorité, et que Lebrun a été mal
appliqué.
Mais un peu plus loin ils eussent trouvé que L e
brun lui môme enseigne que le cas seul où le nouvel
acle ne produit pas une fin de non recevoir, est seu
lement quand ce nouvel acte a une conséquence n é
cessaire avec ce qui s’est fait en minorité , et préci
sément Lebrun prend pour exemple q u a n d ¿’a ffa ir e
a ya n t été a c c o m p l i e en m in o rité se con firm e en m a
j o r i t é p a r quelque nouvel acte.
Remarquons que pour employer ce moyen , les
adversaires s’approprient la transaction de 17 7 3 , comme
étant de leur fait par le moyen de leur tuteur, et c’est
de leur part une inconséquence qui marque assez leur
embarras.
D ’ailleurs, en quelque position qu’ils se placent, ils
ne peuvent invoquer Y in itio in sp ecto , puisque les quit
tances ne sont certes pas une suite nécessaire d’un acte
qu ils disent nul, et sur-tout d’un acle qui n’était pas
de leur propre fait.
ISec s Lient io p rœ terni itten d ci n i , dit encore Voetius sur
le même litre du digesle, alienationes illa s ,q u æ i n i t i o
in s p e c t o
nulles e ra n t, ta n q u a m contra senatuscon~
su ltu m fa c t œ , su b in d è est post ja c t o c o n firm a ri p o sse ,
prœ sertïtn s i m itior j a m
m a jo r f a c t u s a lien atio nem
ra ta m h a b u e n t , sive expresse s i v e t a c i t è .
.
. L a question cle Yinitio inspecto s’est présentée de-
�vanl la Cour dans une espèce bien plus favorable pour
lé réclamant. Un mineur ayant fait acte d'héritier
était poursuivi pour une rente ; à peine majeur (de
2 1 ans seulement) le créancier lui fit faire une rati
fication. Il se pourvut presqu’aussitôt après, et fit va^
loir son ignorance absolue des forces de la succession,ayant eu un tuteur encore comptable, et il exposa que
l’adilion d’hérédité emportait nécessairement le devoir
de payer les rentes; mais par arrêt du 4 floréal an 10 ,
la Cour proscrivit sa prétention, attendu que sa rati
fication n’était pas une suite nécessaire de l’adition
d’hérédité.
Les adversaires ne se dissimulent pas la faiblesse de
leurs moyens contre la fin de non recevoir, et en
désespoir de cause ils observent que la dame Gros ne
peut en être victime, n’ayant pas donné ces quiltances,
Déjà les Varagne ont répondu à ce moyen par le
défi d’établir qu’aucun des puînés Roland ait répudié
le legs du testament de leur père pour demander leur
légitime. Une autre réponse va se trouver dans un
arrêt de la Cour dé cassation.
En 17 9 1 , Marie Bordenave fille aînée, avait été
instituée héritière par le testament de sa mère.
Elle vendit un domaine en minorité en 1 7 9 3 , en
vertu d’autorisation; et après des oilres réelles, elle
reçut partie du prix en majorité.
Elle demanda la nullité en l’an 4 , et ses sœurs se
�( 39 )
joignirent à elle. L e tribunal de Pau avait adjugé la
demande; mais, sur l’appel, celui des Hautes-Pyrénées
avait déclaré Marie Bordenave non recevable à cause
de sa quittance, et ses sœurs aussi non recevables parce
qu’elles pouvaient réclamer leurs droits sur les autres
biens.
Sur le pourvoi des trois sœurs, la Cour de cassation
a rejeté la demande par arrêt du 4 thermidor an 9,
par ce seul motif qui embrasse tout : « Attendu que
« Marie Bordenave, héritier e universelle, a ratifié la« dite vente par la quittance qu’elle a donnée en ma« jouté, de la portion qui reslait à payer à l’époque à
« laquelle elle est devenue majeure.-»
Il semble que ce motif soit fait exprès pour la cause;
la fin de non recevoir des deux adversaires y est écrite,
sans qu’il soit besoin d’y changer un seul mot.
Les fins de non recevoir sont souvent odieuses parce
qu elles tendent à priver une partie d’user de son droit.
Mais ici, il est difficile d’en proposer une plus favorable ;
car elle n’a pas pour but de priver le sieur Roland de
ses moyens au fonds, mais bien de l’empêcher lui-même
d’opposer d’autres lins de non recevoir plus odieuses.
Ce n’est pas que tous ses arrière-moyens fussent 1res
à craindre , parce que son père , trop pressé d’usurper
n’a rien fait de bon ; mais il est toujours agréable de
vaincre un adversaire avec ses propres armes, et de
neutraliser une injuste attaque. Au reste le moyen pria-
�( 40 )
cipal de la cause n’est pas une simple fin de non re
cevoir et n’en a que le nom. Car le procès a été éteint
par une transaction; le sieur Roland en l’adoptant a
voulu aussi éteindre le procès, et a véritablement fait
une transaction nouvelle, contre laquelle il ne doit pas
être admis à se pourvoir.
M .r T I O L I E R , Rapporteur.
M.e D E L A P C H I E R . ' Avocat.
M .e T A R D I F , Licencié-Avoué.
A RIOM,
De Imprimerie du P alais, chez J . - C. S
a l l e s
.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Varagne, Antoine. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
déguerpissement
ferme
bail à rentes
minorité
tutelle
droit écrit
assemblées de parents
prescription
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Antoine Varagne, et autres, intimés ; Contre Pierre-Israel Rolland, Toinette-Gabrielle Rolland, et le sieur Gros son mari, appelans.
Table Godemel : Bail à rente : 1. la vente d’un domaine moyennant un prix déterminé pour lequel l’acquéreur constitue une rente, est-elle un bail à rente foncière qui laisse le domaine direct au vendeur, et qui, par suite, est susceptible de résolution et de déguerpissement ? Déguerpissement : 3. le preneur à vente qui, après plusieurs sentences prouvant la résolution du bail pour cause de non-paiement des arrérages, avait déguerpi les immeubles, a-t-il pu obtenir ensuite du tuteur des héritiers du possesseur actuel, sous l’apparence d’une transaction, l’abandon volontaire de ces mêmes immeubles et des droits des mineurs, moyennent un prix, sans aucune des formalités prescrites par les règlements ? Ratification : 3. en quels cas les quittances données par un mineur devenu majeur, constituent-elles approbation ou ratification de l’aliénation consentie par son tuteur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1756-1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1702
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1701
BCU_Factums_G1703
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
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Rights
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assemblées de parents
bail
bail à rentes
Déguerpissement
droit écrit
ferme
minorité
prescription
tutelle
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Text
M É M O I R E E N RÉPONSE
POUR
A
n t o i n e
VARAGNE,
et a u t r e s ;
intimés;
CONTRE
P i
erre
-I
srael
R O L A N D } Toi
n et te
-G
a b r i elle
R O L A N D , et Le sieur G R O S son m ari, appelans.
L
e
père du sieur Roland avait trompé les mineurs
Varagne et les avait dépouillés de tout leur patrimoine;
le sieur Roland et la dame Gros se plaignent aujourd'hui
de ce qu'un Varagne les a trompés à son tour pendant
qu’ils étaient mineurs, et a repris ses biens. Si cela était
vrai, il faudrait remonter à la source et ne tromper
personne ; mais ce n’est pas ainsi que les adversaires l'en
tendent; ils veulent bien rétrograder jusques avant la 2.
époque, mais non jusqu a la premiere, c est-à-dire,qu’ils
veulent retenir ce que leur père avait pris. A la vérité
ils sont obligés de convenir que son usurpation n’était
A
�( 2 )
.
pas la chose du monde la plus solide; mais au moyen
de quelques prescriptions et pérempiions ils espèrent la
légitimer, il laul croire au contraire qu’une œuvre d'iniquite et de tenèbres ne prévaudra pas contre une transac
tion sage et prudente qui en effaçait la turpitude; et la
publicité même que les héritiers Roland ont voulu
mettre à cette cause, ne prouvera que mieux à la Cour
qu’ils n’avaient pas mûrement réfléchi, quand ils ont.
voulu blâmer ce qu’avait délibéré leur famille, pour cou
vrir le passé et leur rendre justice.
F A I T S .
L e 18 septembre 1747, le sieur Pierre Roland avait
vendu à Géraud Varagne un domaine appelé de Fleu
ra c, moyennant 12,000 francs.
fut dit que Varagne
demeurait quitte du prix, au moyen de ce qu'il créait
11
et constituait au proiit du sieur Holanc! une rente de
5oo fr. par année, payable en deux termes, jusquesau
remboursement des 12,000 fr.
Géraud Varagne mourut en 1762, laissant trois enfans
mineurs, Antoine, Marianne et Sébastien.
11 avait payé
5
la rente de oo ir. avec la plus grande
exactitude, et 011 serait hors d’état d’établir qu’il eût
laissé pour un sou de deltes. Ses enfans devaient donc
être à l'abri de l’inquiétude.
Mais le sieur Roland îegrctlait singulièrement le
domaine de Fleurac q u ' i l a v a i t vendu , disait-il, ;i trop
bas prix , el que le bon étal où l'avait mis l ’acquéreur
�( 3
}
lui faisait encore envier davanlage. La mort de cet ac
quéreur lui fournit le prétexte de se reme!tre en pos
session en expulsant ses enfans. Abandonnés de tout le
✓
monde, ils ne pouvaient l’en empêclier, et d’ailleurs ils
n'ont jamais été informés des diligences qu’il pouvait
faire; c'est seulement après sa mort et par la remise
qu ’on leur a faite de ses procédures, qu’ils ont connu
celles dont ils vont rendre compte.
L e sieur Roland fit nommer un tuteur aux deux
puînés; et comme Antoine Varagne avait déjà 16 ans,
il le fit émanciper, c’est-à-dire, on présenta sous son
nom une requête au juge de Fleurac , le 20 décembre
1 7 5 2 , pour demander son émancipation (1).
Après cela, le 16 février i y
, le sieur Roland as
signa ledit A n t o in e V a r a g n e et le tuteur de ses frère et
sœur , pour lui payer s o fr ., la seule somme à lui due
pour le terme d’une demi-année de sa rente, échue
53
5
depuis La mort de Géraud Varagne.
Une sentence par défaut, obtenue le i .er mars 1753,
adjugea ces conclusions, et condamna les mineurs à dé
clarer de suite s’ils entendaient ou non être héritiers
de leur père.
Cette sentence était sans doute bien inutile pour moliver l’usurpalion du domaine, et le sieur Roland le
sentit bien. Il chercha à persuader Antoine Varagne
( 1 ) A i n s i il n’étnit pas ma ri é a va nt la mo rt de son p e r e , et
é m a nc i p é p a r le m a r i ag e > confine le disent les Adversaires ù Ici
f in de la p ag e 1 7 de leur m é m oi re .
A 2
�qu'il n’avait pas d’intérêt à conserver un bien où il pas
serait sa jeunesse pour partager ensuite son industrie
avec deux enfans en bas Age ; un jeune homme de
dix-sept ans n’est pas bien difficile à séduire. Deux cenls
francs que le sieur Roland lui promit, achevèrent de lui
tourner la tête: il promit tout ce qu’on voulut.
En conséquence le 24 mars 1753, le sieur Roland
1 assembla cinq cultivateurs sous le titre d’une assemblée
de parens, auxquels le jeune Varagne représenta, à ce
qui y est dit, que le domaine de Fleurac lui serait plus
onéreux que profitable, que son père Favait acheté
1rop cher, n’avait pas même pu payer les droits de lods,
qu’à la vérité il avait acquitté la renie, mais que c’était
en contractant plusieurs dettes passives, et que son père
en avait conçu un v if chagrin, qu’il croyait avoir été
cause cle sa mort, que même , en m ourant, il lu i avait
conseillé de supplier le sieur lio la n d de reprendre son
domaine ; d'après quoi il voulait suivre ce conseil, et
renoncer à la succession de sondit père.
Après cet acte de piété liliale, dans lequel le souf
fleur se fait assez remarquer, il était question de pren
dre l’avis de trois parens paternels et trois maternels
qui avaient été a s s i g n é s la veille ; leur délibération 11e
doit pas être passée sous silence.
lies trois parens maternels votent pour tout ce qui
est demandé, c’est-à-dire, 1 abandon et la répudiation,
quoique l’un lut l’opposé de l’autre 3 mais le sieur
lioland ava il voulu tout prévoir.
Des trois parens paternels,, l’un ne vint pas; parce
�( 5 )
que, clit-on , il était malade ; les autres deux, indignés
de ce qui se passait , et ne voulant pas participer à
l ’expoliation de leur neveu , déclarèrent qu’ ils n'en
tendaient pas qu’ il abandonnât Le domaine , ni qu il
répudiât. Celle réponse est consignée en Fade.
Cependant le juge, considérant que les parens ma
ternels étaient en plus grand nombre, homologua la
délibéra lion desdits trois parens maternels, et homo
logua même celle du curateur qui n avait rien dit.
Comme Antoine Varagne avait bien rempli son
r ô le , le sieur Roland lui donna le lendemain, non
pas précisément la somme promise, mais un billet de
200 francs, payable dans huit ans seulement, c’està-dire , à sa majorité , afin que si alors il voulait
se pourvoir, le sieur Roland pût au moins sauver
l ’argent.
Muni de cette homologation, le sieur Roland crut
en avoir assez fait pour mettre son usurpation en évi
53
dence , et par acte du 27 avril 1 7 , il donna à ferme
à un étranger le domaine de Fleurac ; et, s’il faut en
croire les adversaires, il poussa le nimia precautio jus
qu’à fiiire signer comme témoins , le curateur et le
mineur de dix-sept ans.
'
Cependant le sieur Roland ne pouvait se dissimu
ler qu'il avait fait une mauvaise procédure, et que
les pupilles Varagne, n'étant pas même nommés dans
l’avis des trois parens , auraient 1111 jour h réclamer
contre lui des restitutions de jouissances; il s’agissait
donc de porter remède ¿1 ce danger. Depuis plus de
�(
6
)
trois ans il était en possession du domaine, et avait
trouvé lout en bon état ; mais une vieille grange
lui sembla un prétexte suffisant pour ce qu’il avait a
faire.
L e tuteur étant mort, le sieur Roland en fît nom
mer un second le 24 mars i j d , et présenta une re
quête dans laquelle il exposa que les enfans Varagne,
ayant déserté le domaine , avaient laissé le tout en
très-mauvais état ; qu'il avait été forcé de préposer
des gens pour la culture, afin d’éviter le dépérisse
ment , que Le nouveau, tuteur ne prenait non plus aucun
soin pour jouir du domaine.
En conséquence il demanda permission d’assigner
Antoine Varagne et le tuteur, savoir au provisoire
pour faire constater Yétat de la grange, procéder au
6
bail a rabais des réparations, et au fonds , pour voir
dire que la vente de 1747 serait résiliée, et q u il serait
autorisé à reprendre la propriété dudit domaine , et
aussi pour être condamnés à payer ta rente de oo f ,
jusqu'à, ce q u il sera rentré en ladite propriété.
5
Le
5
mai il obtint une sentence provisoire qui lui
permit de faire constater les réparations; et aussi pro
digue de formalités pour celte inutile précaution, qu’il
en avait été avare en s’emparant de tout, 011 compte
dix-neuf pièces de procédure, affiches ou exploits entre
sa requête, et une sentence du i .cr juin qui adjugea
le rabais h 1,246 fr.
Ces réparations, comme on le vo it, n’avaient été
nécessaires que pour 1111 seul des batimens, et il était
�(
7 )
singulier qu’après trois ans d’usurpation, le sieur Roland
s'avisât de s’en prendre aux Yaragne qui n’avaient joui
que de 1747 à 1752.
Quoiqu’il en soit, après celle sentence provisoire,
le sieur Roland en oblint une seconde le 29 septem
bre 1756^ qui, adjugeant les singulières conclusions
de sa requête * déclara La vente de 1747 résolue, lui
permit de rentrer dans la propriété, et condamna les
Yaragne au paiement des arrérages ju sq u a sa rentree.
Cependant les collecteurs, plus justes que l u i , s’obs
tinaient à ne pas vouloir changer la cote d’impositions,
malgré son bail à ferme et sa nouvelle procédure ; en
conséquence, avant de laisser terminer le répartement
de 1 7 5 7 , le sieur Roland présenta une requête 11 l’i n
tendance pour se plaindre de celle insubordination 5
et comme il avait une charge à privilèges, il demanda
une cote d’oflice, modérée suivant le produit du bien,
qui à peine s’élevait, disait-il, d’après son bail, h cinq
cent cinquante francs : aveu, qui, en matière de sur
taux, où on n’exagère pas, fait assez voir combien
peu Varagne, cultivant par ses mains, avait dû être
grévé en payant 5 00 fr.
Sans doute, Antoine Yaragne , devenu majeur, 110
voulut pas accéder aux propositions qui lui furent
faites; car le 23 décembre de la même année, le
sieur Roland le lit assigner, ainsi que le tuteur, pour
voir déclarer lc?s sentences du i . er mars 1763 çt 29
septembre 1766 rendues contre eux-mêmes , en con
séquence , e s t - i l dit, se voir condamner à payer.,
�5
(
8
)
33
i.° 2 o fr. portés parla première, et
fr. de dixième;
2.0 1,246 fr. pour le montant du bail à rabais. Le 20
février 1768 , il surprit une sentence adjudicative.
Varagne en interjeta appel.
Cet acte imprévu dut déconcerter le sieur Roland,
qui sans doute chercha à renouer raccommodement,
et à gagner du tems. Ce qui le prouve, c’est que na
turellement le plus pressé, parce qu’il était créancier
et demandeur, il se contenta de se présenter le 19
avril 1768, et garda le silence pendant trois ans.
Après cette époque, il dressa le 18 juin 1771 un
exploit de demande en péremption , et il est démontré
par écrit qu’il n’y eut pas de copie remise, ou si on
Veut que l’huissier ne la donna pas. Aussi ne fut-il
pas difficile au sieur Roland , de surprendre , le 28
août 1 7 7 2 , une sentence par défaut qui déclara l’ap
pel périmé. Mais cette péremption, comme on voit,
était pe u i m p o r t a n t e , puisque la sentence de 1768
ne portait que des condamnations pécuniaires , et
ne disait rien de la résolution, déjà prononcée en
1756.
A peine Marguerite Varagne fut-elle majeure, que
le sieur Roland , toujours inquiet sur sa procédure,
chercha à obtenir d’elle un acquiescement aux sen
tences, et par acte du 16 février 1773, il paraît qu’il
lui extorqua cet acquiescement, sans prix.
Iiü sieur Roland mourut le i juillet de la mémo
a n n e e , et toute la peine qu’il avait prise pour êiro
rie I10
3
�'(
9
)
riclie ne l'empêcha p a s , ¿1 ce que disent les adver
saires, de laisser des dettes. Il avait fait un testament
par lequel il instituait celui de ses en fa l i s qui serait
élu par un conseil de famille.
Antoine Varagne ne redoutant plus le sieur Roland
mort, avait déjà annoncé qu’il allait interjeter appel
de la’ sentence de 17 ^ 6 , s’inscrire en faux contre
l’exploit de 1771 , et réclamer les restitutions de jouis
sances de vingt-un ans, tant de son chef que comme
cédataire de Sébastien son frère, et même du chef
de Marianne sa sœur , en se faisant subroger.
Cette réclamation était si peu difficultueuse , que
le conseil de famille, composé des hommes les plus
éclairés, ne trouva rien plus expédient que de rendre
le domaine , et de tâcher d’obtenir la remise des
jouissances.
En conséquence, Antoine Varagne traita le o oc
3
tobre 1773 avec le tuteur des enfans Roland, auto^
risé du conseil de famille. Après l’exposé de ses pré
tentions , l’acte porte qu’il reprendra le domaine,
vendu en 17 4 7 , et que le prix principal delà vente ( 1)
demeure fixé comme alors à 12,000’ francs et 72 fr.
d ’étrennes. Varagne paya de suite 2,472 fr. , et le
surplus fut dit payable à termes annuels de 1,600 fr.1
et de 1,000 fr. sauf l’intérêt jusqu’au paiement. A n
moyen de quoi le tuteur remit a Varagne les pro-
( 1) Les appelans avaient dit r e n ie , pag. 8 de leur mémoire:
erreur qui influerait sur les moyens de résolution. '
B
�( 10 )
cédnres et sentences , et le subrogea à l’acte passé le
16 février précédent avec Marianne Varagne, à ses
risques et périls. Et com me le sieur Roland pouvait
avoir déjà démembré le domaine, le conseil de famille,
toujours prévoyant, fit stipuler, pour éviter les recours,
que s'il y avait des ventes au-dessous de oo francs,
Varagne n’aurait rien à demander; mais que si elles
excédaient cette somme , il répéterait le surplus du.
prix seulement.
3
En vertu de cet acte, Antoine Varagne se mit in
continent en possession de son domaine , et paya ré
gulièrement deux à-comptes au tuteur ,■dès la pre
mière quittance, on vérifia quelles ventes le sieur
Roland avaient passées, et elles se trouvèrent d’un
pré de trois journaux, et de partie d'un autre pré.
Comme les deux actes ne portaient de prix que 778 f.
Antoine Varagne, suivant sa convention, n’eut qne
478 fr. à déduire.
Bientôt le sieur Pierre-Israël Roland devint ma
jeur, et (ce qu’il ne disait pas jusqu'à ce que les V a
ragne l’aient découvert) le même conseil de famille
s’assembla le 4 décembre 1777 pour l’élire héritier
universel de son père, à la charge de payer les légi
times portées par son testament.
Ledit sieur Roland prit des arrangemens avec ses
frères et sœurs, en se mettant en possession de toute
la succession ; il s’obligea vraisemblablement à payer
leur légitime qui était assez considérable, el il avoue
aujourd lmi qu’il les représente tous à. l ’exception de
la dame Gros.
x
�( II )
En 1 7 7 7 , ü éfaîl: échu un terme de 1,000 fr. sur
le traité de 1773; et le sieur Roland, aussitôt qu'il fut
héritier, n'avait pas manqué, à ce qu’il paraît, de
prendre connaissance de cet acte. Car non-seulement
il demanda à Varagne le terme échu , mais il l’en
gagea même à avancer le terme suivant , pressé sans
doute d’acquitter les légitimes.
En effet on voit par quittance du 27 juillet 17 7 8 ,
que le sieur Pierre-Israël Roland , avocat en parle
ment, reçut d’Antoine Varagne 2,000 francs, savoir
1,000 fr. pour le terme échu h la Toussaint de 1777?
et 1,000 fr . par anticipation pour Le terme a échoir
à La Toussaint de 1788, porté au traité passé devant
Le notaire soussigné, entre son tuteur, les conseillers ci
la tutelle et ledit V^aragne.
Dira-t-on que c’était Varagne qui s’empressait d’avoir une ratification d’un majeur; mais elle n’est pas
la seule ?
Quatre ans après, et lorsque le sieur Roland eut eu
le loisir de méditer l’actif et le passif de la succession
de son père, le surplus des 12,000 fr. était é c h u , et
Varagne paya par quittance du 11 juin 1782, audit
sieur R o la n d , avocat, la somme de 4,000 francs pour
tout reste et fin a l paiement du prix de la vente et
délaissement du domaine de Fleurac ayant appartenu
au x auteurs dudit sieur R o la n d , et délaissé audit
Varagne par traité reçu par le notaire soussigné, de
laquelle dite somme de 4,000 fr. ensemble du prix
entier de Ladite vente, Ledit sieur R oland c l promis le
faire tenir quitte envers et contre tous.
�( I2 )
Antoine Varagne mourut, après avoir ainsi liquidé
sa fortune; il laissait sa veuve tutrice; et l’un de ses
fils, ayant été m arié, laissait aussi une veuve tutrice,
le sieur Roland trouvait là une bien belle occasion
pour marcher sur les traces de son père, et repren
dre ce qui 11e lui appartenait plus. La crainte de trouver
de 1*obstacle en son nom seul lui fît emprunter le
nom de ses frères et sœurs pour former sa demande,
et cacher soigneusement la qualité d’héritier universel,
dont il avait cependant usé en prenant tout le prix
de la vente.
En conséquence, par requête du
février 1788,
il fut formé demande devant le juge de Salers, en
25
nullité du traité de 1 7 7 3 , et désistement, ¿1 la requête
des sieurs Pierre-Israël R o la n d , avocat, Jean-Marie
Roland curé de Salers , G u y Roland , prêtre corrimunaliste, Louis-Israël Roland, prêtre, et ToinetteGabrielle Rol an d , contre Catherine Lape }Tre , en
qualité de tutrice des enfans d’Antoine Varagne père
son mari, Marguerite Chaumeil, aussi tutrice des en-
3
fans d’Antoine Varagne fils son mari, et Jean V a
ragne fils.
Les Varagne qui ne voulaient pas plaidera Salers,
se laissèrent condamner par défaut le 10 juin 1788,
et interjetèrent appel en la sénéchaussée d Auvergne.
La cause fut appointée au conseil, et le sieur Ro
land comprenant tissez que sou systeme d envahisse
ment n’y ferait pas fortune , v o u l u t se rendre un
peu moins défavorable. 11 reconnut qu’il avait mal
�13
(
)
à propos demandé le désistement lot al , et que Sé
bastien Varagne aurait eu droit de rentrer dans le
domaine; en conséquence il se départit de sa demande
pour un tiers. A l’égard des deux autres , il soutint
que son tuteur avait été trompé, et qu’après le traité
de février 1 7 7 3 , et les sentences de 1768 et 1 7 7 2 ,
Marianne et Antoine Varagne avaient perdu toute
propriété, de sorte que le traité de-novembre 1773
contenait une aliénation de biens de mineurs contre
laquelle ses frères et lui pouvaient réclamër pendant
trente ans.
Mais les tutrices Varagne, pour repousser ces moyens,
firent des recherches dans les études de notaires, et
trouvèrent les quittances de 1778 et 1782 , le testa
ment du sieur Roland père, et l ’élection de 1777.
Ces pièces, jointes aux circonstances de l’acte de
1773 , .étaient si décisives que la sénéchaussée d 'A u
vergne, par sentence rendue au rapport de M :r Bidon,
le
3 septembre
1790 , n’hésita pas à infirmer celle par
défaut de Salers , et à débouler les sieurs Roland do
leur demande.
A leur tour les sieurs Roland ont interjeté appel
de celle sentence au parlement de Paris; ce n’est
qu’en l’an 10 qu’ils en ont repris les poursuites de
vant la Cour.
ne reste plus qu’à rendre compte
des moyens respectifs et à répondre à ceux proposés
par les appelans dans leurs écritures et leur mémoire.
]1
�(
)
M O Y E N S .
système des appelans est, comme on le prévoit
sans peine , fondé tout entier sur l’état des choses
subsistant avant la transaction de 1 7 7 3 ; alors disentils aux Varagne , votre expropriation était légalement
consommée, vous deviez une rente foncière que vous
ne payez pas, ainsi il y avait heu à résolution ; vous
avez déguerpi les biens, et vous le pouviez, quoique
mineurs, avec le décret du juge. Ainsi rien n’était
plus légitime que les sentences de 1753 , 1756 ,'et
1768; d’ailleurs c'était chose jugée à cause de la pé
remption prononcée en 1772 contre Antoine Varagne,
et quant à Marianne elle avait tout approuvé par un
L
e
traité contre lequel il n’y avait pas lieu h retrait, dès
qu'il ne s’agissait que de résolution; ni à subrogation
légale, puisque ce traité acquérait au sieur Roland
rem sib'i necessariam.
Si donc, disent les adversaires, nous étions proprié
taires incommutables en 1 7 7 3 , notre luleur n’a pu
aliéner notre propriété sans formes et sans nécessité.
Nous nous sommes pourvus dans le tems, et les quit
tances du prix ne sont pas une approbation.
Quoique cet ordre de moyens soit une inversion de
questions, et que naturellement la première chose ¿1
examiner dût être la fin de non recevoir , cependant
les intimés suivront cette série des rno}rens présentés
parles adversaires, puisque leur but est d y répondre.
Ils examineront donc i.° si le sieur Roland avait re-
J
�5
( i )
couvré la propriété du domaine de Fleurac, lorsqu’il
s’en empara en 1753 ; 2.0 si au cas qu’il ne fut pas alors
propriétaire, il Test devenu par les sentences de 1 7 , ;
1 7 5 6 , 1768 et 1772 , et si elles étaient chose jugée
en 1773, tant contre Antoine que contre Marie V a
ragne; .° si la transaction du o octobre 1773 était
nue aliénation des biens des mineurs Roland; 4.0 si,
en ce cas, les adversaires se sont pourvus en tems utile;
53
3
5.°; enfin
3
si les quittances de 1778 et 1782 produisent
une fin de non recevoir.
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L e sieur R oland pere avait-il recouvré la propriété
du domaine de Fleurac, lorsqu’il s’en empara en 1753
L e sieur Roland avait vendu ce domaine en 1747 ;
ainsi sans difficulté Geraud Varagne en était proprié
taire ¿1 son décès en 1752.
Mais quelle était la nature de cet acte de 1747 ? car
de cet examen préalable dépend la discussion relative
aux moyens proposés de déguerpissement et de réso
lution.
Souvenons-nous qu’en 17 4 7 .le sieur Roland avait
vendu un domaine moyennant 12,000 fr. ,pourlaquelle
somme l’acquéreur avait constitué une rente de oo fr.
Ainsi d ’après les principes celle renie 11’élait paspuremem foncière ; c’était une simple renie constituée,
assise sur un immeuble avec privilège spécial.
5
�( x6 )
Par conséquent le bailleur n'avait pas retenu le do
maine direct ;dèslors c’était une aliénation pure et simple
de sa part , ce qui changeait totalement le droit qu’il
s’est arrogé de s'emparer du fonds, comme s’il 11’eût
délaissé que la propriété utile.
Cette différence à faire entre les ventes h charge do
rente constituée, ouïes baux à rente foncière, nous
est enseignée par les auteurs du nouveau Denizart au
mot arrérages : «-Unhéritage, disent-ils, peut être vendu.
« moyennant une rente de telle somme, ou bien le prix
« de l’héritage peut être fixé d’abord ¿1 telle somme,
c< et ensuite les parties convenir par le même acte que
rr la somme formera le capital d’une rente constituée
«
«
«
«
entre les mains de ¡’acquéreur. Dans le premier cas
nul doute que la rente ne soit foncière ; mais au second,
la rente renferme une véritable constitution de rente
à prix d’argent >3.
Sans doute cette opinion ne sera pas taxée d'innova-»
lion; car on la retrouve dans Loyseau en son traité du
déguerpissement. «Toutefois, dit-il, en toutes ces renies
« foncières, il y a une signalée précaution, et unere'«■marque de grande importance , c’est quesi le contrat
« est fait en forme de vente , auquel le prix soit parti« culaiisé et spécifié, pour lequel prix soit constitué
* rente à la suite du même contrat, alors, à bien en« tendre , telle rente ne doit pas être estimée foncière,
c< mais simple rente constituée, (f. 1 • ch. . n.° 14e! 17).
L e même principe est enseigné par Bas 11âge sur l’aiv
ticle
de Normandie, par Pothier au traité du con
trat
5
5^5
�( 17 )
'
trat de constitution de re n te , n.° 1 3 3 , par divers arrêts
de cassation de Tan 9 et Tan 1 1 , et par un arrêt de
la Cour de l’an i 3.
Cela posé, on ne voit plus où s’appuient les deux
moyens des adversaires, fondés sur ce que les enfans
Varagne avaient pu déguerpir le domaine, pour ne pas
payer la rente, et sur ce que, ne payant pas la rente,
la résolution était de plein droit après trois ans.
L e premier moyen ne semblait pas trop raisonnable,
parce que dans les faits ci-dessus rapportés, on ne voit
rien qui ait beaucoup d analogie avec un déguerpisse
ment. Mais les adversaires prétendent que le simple
fait d’abandon du domaine équivaut dans l’espèce à
un déguerpissement, par la raison, disent-ils, que d'a
près L o y se a u , les mineurs peuvent aussi déguerpir
pourvu qu’il intervienne décret du juge pour le leur
permettre, après un avis de parens. Or, ajoutent-ils,
cette autorisation judiciaire se trouve dans la délibé
ration des parens qui avaient autorisé les mineurs à
abandonner le domaine et même à répudier la suc
cession.
‘Erreur dans le fait et dans le droit.
Dans le fait ; car celte délibération n’autorisait pas
les mineurs, mais l’émancipé seul; et loin d’être com
plet te, on voit que les parens paternels eurent l’énergie
de s’indigner bâillement de ce qu'on méditait contre
un enfant, et que les parens maternels accédèrent seuls
à ce qui était demandé.
Dans le droit ; car ce n'est pas cette délibération
C
�( i8 )• •
qui aurait produit un déguerpissement, elle y auto
risait seulement Fémancipé, et cependant il s'en est
tenu à cette démarche, déjà même le sieur Roland
s^était emparé du domaine; et quand il sollicitait une
répudia lion, il est clair qu’il exigeait deux choses con
tradictoires , parce qu’un déguerpissement était une
adition d’hérédité.
Un déguerpissement n’est pas un acte tellement sans
conséquence qu’il puisse avoir lieu par accord verbal,
car il est une aliénation, et non midis pactis dominicu
transferuntar.
D ’abord il n’est pas très-certain qu’un tel acte soit
permis a des tuteurs, même avec le décret du juge;
la loi s’y oppose formellement ; prœdia vendi, v e l
7
i p s j s c a r e r e permitti non debet, et si permis sam s it
nulla est venditio, rmllumque decretam. (L. si æs. ff.
de reb. eor. etc.)
Cependant admettons qu’ un tuteur puisse déguerpir
avec le décret du juge; au moins faut-il, quand le
décret est intervenu ; qu’il y ait un déguerpissement
formel.
Loyseau , invoqué par les adversaires, dit
déguerpissement doit être fait en jugem ent,
qu’on ne confonde pas celle expression, il
c’est-à-dire en L'audience de ju stice, les plaids
*
«
«
«
*
que le
et pour
ajoute,
tenant-
car, continue cet auteur, le respect ,1a majesté du
lieu où la justice est exercée, la présence des magistrais, la fréquence des assislans donne a cet acle
plus d’autoriié , parce que le déguerpissement est
un acte d’importance. (Liv. .)
5
�9
( i )
Si donc il y avait eu lieu à déguerpissement, les
adversaires ne pourraient en invoquer aucun , car il
n'y en a d’aucune espèce. Mais ce n ’était pas le cas
dès que la rente n’était pas foncière. Car, cdmmë dit
Chopin sur l ’art. 109 de la coutume de Paris, « en
« rente rachetable sous un principal exprim é, n’y a
« lieu à déguerpissement, cum sit ootiàs emptor, quàm
« conductor pretii vectigalis ».
Opposera-t-on qne ces principes sont en faveur du
bailleur et non contre lui : mais dès que le déguer
pissement est une aliénation , il faut que le contrat
soit bilatéral ou synallagmatique, et jamais il ne sera
possible de penser que des mineurs sur-tout aient fait
un déguerpissement valable, sans aucun acte, même
hors jugement et par le seul fait de leur dépossession.
Quant à la résolution, faute de paiement par trois
ans, elle n'avait pas lieu en rente constituée; mais
3
ce serait devancer les adversaires que d’examiner
ici cette question, .car ils ont été forcés de recon
naître q u e , d’après leur propre syslê'me, il n’y avait
pas lieu à résolution quand leur père s’empara du
'domaine en iy’ ; parce que la sentence du r.er mars
de ladite année ne portait condamnation que d’ un
demi-terme de la rente de oo francs, échu encore
depuis la mort de Géraud Varagne.
Ainsi, sur celte première question, il est constant
que sous aucun point de vue , le sieur Roland n’é
tait propriétaire du domaine de Flenrac lorsqu’il s'en
empara, et le donna h ferme le
avril 1753.
53
5
^5
C 2
�( 20
DEUXIÈME
)
QUESTION.
L e sieur R oland est-il devenu propriétaire du do
maine de Fleurac par les sentences de 1 7 5 3 , 17^6,
1768 et 1772 ?
Ces sentences étaient-elles passées en force de chose
jugée en 1773 , tant contre Antoine V^aragne que
contre Marianne sa sœur ?
L a sentence de 1753 ne signifie rien pour la pro
priété, cela est convenu; elle n’était qu’un achemi
nement aux autres, et eût été elle-même irrégulière,
puisque le sieur Roland a dit Géraud Varagne mort
en novembre 17 52 , et que depuis cette époque jus
qu’après les trois mois et quarante jours il n ’avait pas
d’action, d'après l’ordonnance de 1667 , renouvelée
par le Code civil.
En 1756, il y eut deux sentences, mais la première
11e parle que de bail à rabais et non de propriété ;
c'est la seconde seulement, du 29 sepiembre, qui pro
nonce la résolution de l ’acte de 1747*
On ne peul pas douter que le juge n’ait été sur
pris lors de cette sentence , puisque l ’exposé de la
requête, sur laquelle elle est rendue, suppose que le
sieur Roland n’était pas encore en possession du do
maine de Fleurac. Il demandait j u s q u e s - l à les arré
rages de la renie de oo f r . ,, et cerles c’était abuser
étrangement du silence forcé des mineurs Varagne;
car s'il eût conlessé au juge, que depuis plus de trois
5
�(
)
ans il percevait les fruits du domaine, sur lequel la
dite renie était assise, le juge au lieu de lui adjuger
sa demande, l'aurait éconduit, quoique par défaut.
Cette sentence, il est vrai, quelque mauvaise qu’elle
fût, disposait de la propriété du domaine; mais elle
était susceptible d’appel pendant trente ans d’après la'
jurisprudence; et dès-lors en 1 7 7 3 , elle pouvait être
attaquée.
Ce n’est pas ainsi, à la vérité, que les adversaires le
supposent. Ils soutiennent, au contraire, qu’il y avait
chose jugée en 17 7 3, et que tout espoir de retour était
ôté contre la procédure précédente, sauf néanmoins
les droits de Sébastien Varagne qu’ils reconnaissent
entiers. A l’égard des deux autres, ils séparent Antoine
Varagne de Marianne sa sœur.
Antoine Varagne, d ire n t-ils, avait bien interjeté
appel de la sentence<de 1768; mais cet appel avait
été déclaré péri, et la péremption emportait le bien
jugé de cette sentence, et dès-lors de celle du 29
septembre 1766.
Mais les sieurs Roland confondent aujourd’hui ces
sentences, qui avaient un objet très-distinct en 1772.
L a sentence de 1768 n'avait pas pour objet de
faire déclarer les précédentes exécutoires contre les
Varagne , puisqu’elles étaient rendues contre eu x mêmes:; si le mot y fut employé ce n’était que par un
vice de style; car le but très-clair de la demande était
d’obtenir le paiement de 1,246 fr. prix apparent du
�( 2* )
bail à rabais, dont le S.rRoland n'avait pas encore obtenu
de condamnations. On voit en effet parla lecture de la
sentence de 1768, qu’elle ne porte que des condamna
tions pécuniaires, et ne dit pas un mot de la résolutiou.
La sentence de 1772 prononce la péremption de
l ’appel de celle de 1768, et est encore plus étrangère que
toutes les autres à la propriété du domaine de Fleurac;
car, quand la péremption serait irrévocable, l’effet de
la sentence de 1768 ne s’étendrait pas au -d elà des
condamnations qu’elle prononce.
A in si, quand les sentences de 1768 et 1772 auraient
passé en force de chose jugée en 17 7 3 , au moins la
sentence du 29 septembre 1706, la seule qui pronon
çât la résolution de la vente de 1747, était-elle évidem
ment susceptible d’appel en 1773.
Mais si, par impossible, la Cour pouvait considérer
dans la sentence de 1768, une résolution que celte sen
tence ne prononce pas , comme alors celle de 1772 au
rait une plus grande influence, c’est alors le cas d’exa
miner la validité de l'exploit de 1 7 7 1 , sur lequel cette
sentence a été surprise.
Il est démontré que la copie de cet exploit a été souf
flée. La lecture de l’original le prouve. Et en vain les
adversaires ont-ils ouvert une longue discussion surdes
mots écrits 011 ajoutés , on voit clairement que leur
père , ou le rédacteur de l'exploit a eu deux pensées
l ’une après l'autre, et que la deuxième a corrigé la
première ; mais ce n'est là disputer que sur le genre
d’inlidélité ; car l e s adversaires sont obligés d’avouer qu’il
�(
2 3 }
y en a une. L ’huissier au moins n’a pas porté la copie;
l'assigné, qui ne i’a pas reçue, soutient l'exploit nul, et il
l ’est sans difficulté. Si donc il n’y avait pas de demande
en péremption, il n’y avait pas de péremption; alors
l’appel était recevable en 1773. Toute la faveur eut été
pour cet appel, et toute la défaveur pour une péremp
tion extorquée par un faux évident.
Du chef deMarianne Varagne, Antoine eût été, disentils, moins reccvable encore, puisqu’elle avait tout ap
prouvé par le traité du 16 février 1773 , ainsi personne
ne pouvait réclamer pour elle.
Pourquoi donc ses frères n’auraient-ils pas eu d’action
en subrogation légale , si M ari anne avait cédé un droit
litigieux et universel ? Ce tte prétention paraît choquer
les adversaires; mais c’est qu’ils partent toujours de cet te
idée fausse, que leur père avait conservé la propriété
directe du domaine, et alors ils se croient dans l ’ex
ception de la loi exceptis cessionibus quas ¿s qui possidet pro tuiliorie sucî accipit.
Cela est très-bien quand, avec un titre légitime pour
une partie , on possède tout, et que, pour confirmer sa
possession , 011 achette rem necessariam.
Mais quand on n’a que la portion d’un cohéritier par
usurpation, il est clair qu’on ne cherche pas à y rester
pour éviter un procès; mais qu’on se prépare à en sou
tenir un contre les cohéritiers.
Suivant le système des adversaires, et en interprétant
juduïquemenl l’excepliou de la loi, rien ne serait plus
�24
(
)
facile que de l’éluder. L ’acquéreur d’un droit de copro
priété ou d’ ùn droit successif se mettrait d’avance en
possession d’uri objet, et ensuite il en serait quitte pour
dire qu’il est dans l ’exception de la loi, parce que
possidetis, pro tuitione accepct.
Pourquoi encore les frères de Marianne Varagne
Sauraient-ils pas eu une action en retrait; car s’il est
certain que le domaine de Fleurac a resté dans la famille
Varagne, il est clair que Marianne Varagne était pro
priétaire d’une portion , par la règle Le mort saisit le vif.
Mais, disent-ils, un retrait n’a lieu qu’en matière de
vente ou d’acte équipolent à vente.
L ’objection même les condamne; car dès que l’acte
de 1 747 était une vente, Marianne Varagne, propriétaire,
n ’a pu s’en départir que par unacteéquipolent à vente.
En vain oppose-t-on qu’elle a cédé son droit par une
transaction. Une transaction n’est qu’ un acte indéfini
qui admet toutes les espèces de conventions, et qui
dèslors retient elle-même le nom le plus analogue à
son objet principal. Ainsi quand , par l’effet d’une
transaction, l’immeuble d’un contractant passe h un
autre, l ’acte est toujours une vente, puisqu’il en a les
caractères; car la qualité des actes ne doit pas se juger
par les noms qu’on leur donne, mais parleur substance.
Si Marianne Varagne n’avait eu que ju s ad rem> il
est possible que la transaction ne lïit pas considérée
comme une vente, dès qu’elle n’aurait cédé qu’une
simple prétention litigieuse ; mais il est clair qu'elle
avait ju s iti rcy et qu’étaul propriétaire au décès de
son
�25
(
)
son père, aucun acle ne lui avait ôté celle propriété.
Son abandon était donc une vente pure et simple.
Or, sans se jeter dans un long examen sur les cas
où le retrait était admissible, les adversaires ne nie
ront pas qu’en vente d’immeubles il ne fût admissible
au profit d'un frère.
Ils ne nieront pas encore qu’il n’eût été même ad
missible quand Marianne n’aurait abandonné que j u s
ad rem; car il est de principe enseigné par Polluer
d’après Dumoulin, Duplessis et autres auteurs, que la
vente d'un droit réputé pour héritage suffit pour
donner ouverture au retrait.
L e même auteur dit plus clairement à la page pré
cédente, que la créance qu’on a pour se faire livrer
un héritage, est sujette à r e t r a i t si elle est cédée: et
cette doctrine n’est qu’une conséquence du principe
que actio ) qtiœ tendit ad aliquid immobile ; est im
mobiles .
Dans la circonstance sur-tout, et après la conduite
du sieur Roland père , lorsqu’il venait d’y mettre la
de rnière main en ôlanl le patrimoine d’une jeune fille
sous prétexte des dangers d'un procès, il n’est pas
de tribunal qui eût refusé d'admettre un retrait qu’au
rait exercé Antoine ou Sébastien Varagne ; parce que
c’était la voie la plus légitime pour tout rétablir en
son premier état, et qu’il ne s’agissait que d’arrêter
une usurpation.
Mais, objectent encore les adversaires, qu’aurait pu
fane Antoine Varagnep tant pour lui que pour sa,
D
�( 26 )
sœur, quand il aurait pu exercer les droits de l ’un
et de l'autre, et interjeter appel de la sentence de
1*756? cet appel aurait été non recevable au fonds,
parce qu’une résolution prononcée est inattaquable.
Sans doute, une résolution Légale est inattaquable,
et il était inutile de rappeler tout ce que dit sur cette
question M.r Chabrol : car ce n’est pas le principe que
contesteront les V a ra g n e , mais bien l’application, qui
est véritablement choquante sous toutes les faces.
D ’abord M.r Chabrol parle des rentes foncières , et
ici il ne s’agit que de rente constituée.
Il aurait fallu cinq ans d’arrérages dans ce dernier
cas; il eût fallu trois ans, si c’eût été une rente fon
cière. Or , ici il n’y avait que six mois d’arrérages.
Pour que la résolution soit légale , il faut que la
sentence, qui condamne au paiement, porte un délai,
sinon la demeure peut toujours être purgée. L a sen
tence de 1 7
56
n ’en portait aucun.
Ce n’dst qu’après la sentence et le délai que le
bailleur peut se mettre en possession; ici, le vendeur
usurpait depuis trois ans. L e motif de résolution em
ployé par le sieur Holand était même mal-honnete:
loin d’y parler d’un abandon inutile fait par des pu
pilles chassés du domaine, il prenait pour prétexte le
défaut de paiement des arrérages. Il trompait donc
la justice, car il demandait ces arrérages, et cepen
dant il jouissait : il avait ôté par son propre fait aux
mineurs Varague toute possibilité de les payer.
�(
’
r
«
-1
TROISIÈME
L a transaction du
i
3o
)
*
—•
/.
QUESTION.
octobre 1773 éta it-elle une
aliénation des biens des mineurs R oland ?
r
•
,
r
citations des adversaires, pour,montrer qu’on
ne peut vendre sans formalités le bien des mineurs,
ne sont pas plus applicables, que n’est fondé le re
L
es
proche fait à la sénéchaussée d’Auvergne de les avoir
méconnues.
. .1
Il est très-vrai que le tuteur ne peut de gré h gré
et sans nécessité vendre les immeubles de ses mineurs.
Mais ici, c e 'qué cédait le tuteur 11’était pas un im
meuble de ses mineursj et il y avait nécessité.
Ce n’était pas un im m e u b l e des mineurs Roland,
puisque leur père l’avait vendu ; que l’acte de 1747
n’étant pas un bail à rente, il s’était départi, de la
propriété ,utile et directë , puisqu’eùfin il n’ÿ avait
eu ni pu y avoir de résolution valable.
;
Il y avait nécessité, puisque les parties allaient enIrer en procès, et que ce procès ne pouvait pas être
d’une solution difficile.
• -f
Ccir des mineurs dont un seul avait trente-cinq ans,
se plaignant d’un mode d ’usurpation qui eût crié ven
geance, n'avaient pas à craindre une résistance bien
sérieuse.
Quand le faux de l’exploit de 1771 n’eût pas fait
tomber la péreinplion, elle ne sc fûl ra p p o rte qu’à
la sentence de 1768, et le pis-aller eût été de payer
D 2
�( 28} ,..
mal à propos 1,246 fr., si les héritiers Roland avaient
établi avoir employé celle somme. Mais de sa part,
Antoine Varagne aurait eu à répéter les jouissances
de vingt-un ans à dire d’experts.
O r , les adversaires ont prétendu que le domaine
valait o,ooo fr. • et en né fixant les fruits qu’à 1,000 fr.
par an, ils eussent été débiteurs de 21,000 fr.
A la vérité il eût fallu déduire moitié pour la
rente de oo fr. plus les 283 fr. de la sentence de
1 7 5 3 , et si on veut les 1,246 francs; mais, comme
on v o i t , les mineurs Roland auraient toujours été re
liquat aires de 9,000 fr.
3
5
Ils avaient doncplus d’intérêt à traiter que Varagne,
puisqu’ils obtenaient le sacrifice de cette somme, au
lieu de faire'eux-mêmes celui des réparations, comme
ils essayent de le persuader. .
Leur tuteur avait sans difficulté le droit de transiger,
puisqu’il né s’agissait que de terminer un procès. En
vain dirait-011 que ce procès n'était pas commencé 5
car il est de principe que transactco f i t de Lite rnotâ,
aut movendâ.
L ’exposé de la transaction prouve les difficultés qui
allaient naître : au lieu d’assigner et de plaider, on
transigea. .
Si quelque chose devait ajouter à la faveur due à
un acte aussi respectable qu’une transaction, ce serait
de connaître les personnes qui composaient le conseil
do famille, et qui en ont été les auteurs. Car que
Maigne, tuteur, fui ou non un chapelier el un homme
�(
2
9
3
peu intelligent, l’acte n’était pas purement de son fait,
il était le résultat des réflexions d’une famille distin
guée, ¿1 laquelle les adversaires devaient plutôt d e là
reconnaissance que des reproches ; reproches d'ailleurs
d’autant plus aisés à multiplier, que les intimés n’ont
aucun intérêt d'en vérifier la sincérité.
QUATRIÈME
QUESTION.
Les appeians se sont-ils pourvus en tenis utile contre
La transaction ¿/e 1773?
O u i, disent-ils, par deux motifs ; le premier c’est
qu’elle n’a été passée que par notre tuteur; le second
c’est que vous avez retenu les pièces, et que le délai
pour nous pourvoir ne court que de leur remise.
La réponse ¿1 ce premier motif pourrait être ren
voyée h la question suivante, parce qu’au moins les
quittances de 1778 et 1782 ne sont pas du fait du
tuteur; mais pour suivre exactement les moyens des
adversaires, il suffit quanta présent de leur rappeler
ces quittances.
Il est aisé de voir le but de la distinction à faire entre
les actes des mineurs, et ceux de leur tuteur.
Souvent il serait injuste de les déclarer non recevables
après 10 ans, à l’égard de ces derniers actes, parce que
peut-être ils en auraient ignoré l’existence; et la pres
cription n’est qu'une peine imposée par la loi ¿1 celui
qui néglige d’agir.
Mais toutes les fois qu il est certain que le mineur a
�( 30 )
connu l'acte , toutes les lois sur-tout rqu'il l’a adôplé ,
c ’est alors que le fait du tuteur étant le sien, le mi
neur a à s’imputer de ne pas se pourvoir.
- Or, par cela seul que le sieur Israël Roland, hériiier deTson père, a connu et adopté en 1778 l ’acte de
1 7 7 3 , et sans examiner reflet de son approbation, il
a dû se pourvoir.
Comme, dès 1778, il connaissait la date de ce traité
de 1773, il devait savoir qu'à supposer qu’il eût droit
de l’attaquer, il ne le pouvait que jusqu’en 1783, parce
qu’il se l ’était approprié; cependant il n’a formé de
mande qu'en 1788.
Alors non-seulement il y avait plus de dix ans de*
puis le traité de 1773, mais le sieur Israël Roland avait
plus de trente-cinq ans.
L e deuxième moyen des adversaires sur cette ques
tion annonce l'embarras d’en proposer de meilleurs;
C a r , contre^quel acte devaient-ils se po u rv o ir ?
Est-ce contre la transaction? Est-ce contre les pièces
y visées ?
Sans doute ce n’est pas contre les sentences y énon*
cées, puisqu'ilsenexcipent. C ’est donccontrela transac
tion; mais ils n'articulent pas sans doute que Varagne
l'ait retenue.
A vec un système comme celui qu’ils hasardent, il
faudrait dire que tout traité d’après lequel on aura
remis des pièces à une partie (ce qui arrive tous les
jours) sera attaquable à perpét uité; et, comme dit Du^
moulin pour les choses précaires, eUa-niper mille antios,
�(
3 1 7
D ’abord les adversaires pouvaient très-bien voir dans
la transaction , que leur père avait vendu un domaine,
et l’avait ôté ensuite à des mineurs par abus de leur
faiblesse, mais que ces mineurs l'avaient repris ; c'était
là tout le secret des pièces remises à Varagne.
Or, comme la transaction n’était pas retenue, si
les adversaires voulaient se pourvoir, rien ne les en
empêchait; et alors, comme aujourd’hui, ils auraient
redemandé toutes ces pièces., qu’on ne leur cache pas.
Outre la faiblesse de ce moyen, il n’a de prétexte
que la mauvaise foi; car les adversaires ont prétendu
que les sentences de novembre 1756 et de 1772 n’é
taient pas énoncées dans le traité, de 1773, de même
que le traité du 16 février, pour leur en- cacher l’exis
tence. Cette allégation leur a même paru si impor
tante qu'ils y ont employé les pages 7 , 8 , 49, 5o, 53
et 54 de leur mémoire.
L ’omission supposée de la sentence de novembre
1756 n'est qu'une misérable équivoque. La sentence
de novembre 1756 était au moins visée et énoncée
dans celle de 1768 , puisque les adversaires préten
dent que celle dernière renouvelait en entier celle
de 1756.
En second lieu , on voit à la fin des dires de V a
ragne au traité, que parmi ses moyens contre la pro
cédure il disait qu’il était recevable à lenir les encragemens de son père
que l a
sentence
dans
La c i r c o n s t a n c e s u r - t o u t
qui or d o nn e
la
Ré s o l u t i o n
jde
�3
( a )
LA v e n t e n’enlève cette faculté qu’après o ans, etc.
Or , où est donc cet le sentence, si ce n’est celle
du 29 novembre i y
?
^
3
56
On n’a donc pas caché aux mineurs qu’il existait
une sentence prononçant une résolution.
Quant à la sentence de 1772 , l’équivoque est en
core plus sensible ; on nous a c a ch é , disent les adver
saires, qu’il y eût une sentence prononçant la péremp
tion (pag. 8 et 9).
Mais , en parlant de la sentence.de 1768 , on ajoute
que Varagne s3était rendu appelant, mais que la sen
tence avait passé en force de chose jugée comme n ayant
pas fa it diligence sur son appel pendant trois ans con
sécutifs.
N ’est-ce donc pas se faire des moyens de tout que
de ne pas voir là le synonime d’une péremption ; et
que les expressions ci-dessus expliquaient môme mieux
le droit des mineurs: dès-lors on ne voulail pas écarter
ce qui leur aurait donné trop de lumières.
Enfin à l’égard du traité avec Marianne Varagne,
comment les adversaires ont-ils encore osé dire qu’on
le leur avait caché.
L a transaction porte que le sieur R o la n d , par acte
!»
(
#
reçu V alette, notaire, Le 16 février dernier, contrôlé
le 2 , a réglé avec Marianne Varagne, sœur dudit
jinloine.
Plus loin, Antoine dit qu’à l’égard de Facto passé
avec
5
1
�33
(
)
Marianne Varagne, il était dans le cas de demander
La subrogation.
L ’acte est donc énoncé, visé et daté. L e règlement
avec la sœur ne*peut supposer qu’une cession de sa
part, puisque le frère veut s’y faire subroger.
Ainsi les adversaires sont obligés d’en imposer à la
Cour pour se rendre favorables, et il est de la plus
grande évidence que rien ne s’opposait à ce qu’ils ré
clamassent dans les dix ans contre le traité-de 1 7 7 3 ,
s’ils cro}raient y être recevables, ce qui va être enfin
examiné.
C I N Q TJIEJVEE
QUESTION.
L es quittances de 1778 et 1782 produisent-eLLes une
J in de non recevoir contre La demande?
P
ie r r e -Isra el
R
oland
venait d’être élu héritier
universel de son père en 1777 ^lorsqu’il reçut le prix de
la vente de 1747, en vertu de la transaction de 1773.
Si l’ouverture de la succession 11’était pas en droit
écrit, au moins le domaine de F le uracy était-il situé5
Israël Roland était donc seul maître du procès y re
latif. D ’ailleurs , en coutume comme en droit écrit,
les légataires sont les maîtres d’accepter le legs porté
parle testament; or, le sieur Roland ne s’est pas mis
en peine d’établir que ses frères et sœurs aient répudié
leur legs pour réclamer leur légitime, quoiqu’on lui
ait fait souvent cette interpellation.
•Antoine Vuragnc ne pouvait donc s’adresser qu’à
E
�3
( 4 )
lui seul pour p a y e r , et la Cour a bien remarqué que
le sieur Israël Roland agissait aussi comme seul héritier
puisqu’il reçut la première fois tout le terme échu, et
la seconde fois la totalité aussi des quatre termes restans.
Mais , dit le sieur Roland, forcé par la conséquence
de son propre f a i t , l'approbation d’un acte nul ne le
valide pas, parce que qui cotifirmat nihil dat d’après
Dumoulin , en second lieu je serais relevé comme
mineur initio inspecte, puisque^ l’acte étant commencé
pendant ma minorité; ce que j ’ai fait en majorité n'en
est qu’ une suite.
La première objection n?est fondée que sur des prin
cipes absolument inapplicables. L e passage de Dumou
lin ne s'applique qu’aux actes radicalement nuls, et
lion à ceux simplement sujets à restitution.
Or, ce serait pour la première fois qu’on soutien
drait que la transaction faite par un tuteur, m ê m e a v e c
aliénation, fût nulle d'une nullité radicale, et ne fût
pas susceptible d’une simple ratification de la part du
mineur devenu majeur.
Au lieu de citer la loi si sine decreto qui ne peut
s’appliquer que par argument à contrario, les adver
saires eussent dû voir la loi 10 au if. de rebus eoru/n
qui sub lu tela sunt sone decreto non aUenandts , dont
la disposition expresse décide î:i difficulté dans les plus
fort.s termes. Car après avoir prohibé les ventes’du bien
des pupilles, (ailes sans décret du juge, cette loi dit
que si néanmoins le tuteur en a employé le prix dans.
�(
3 5 }
son com pte,et que le mineur l’ait reçu en majorité, il
ne peut plus revendiquer l ’héritage vendu. Prœdio pupiU illicite venundato , œstimatione solutâi vindicatio
prœdii ex œquitate inkibctur. A quoi la glose ajoute non
tam aspere tractanclum est ju s prokibitœ alienationis
prœdiorum pupilariorum , ut et solutâ œstimatione ci
tu tore in eniptorem pupilus summo jure experiatur.
• A plus forte raison quand le mineur reçoit directe
ment le prix du débiteur lui-même , e t , comme le dit
le profond Voétius sur la même loi , ’le paiement, même
la demande, même encore la simple approbation du
prix après la majorité empêchent la réclamation. Si
sine decreto alienata ponerentur tninoris bona , tune
¿mm subsecuta post majorennitatem impletarri solutio,
çeL exa ctio, vel petitio , veL acceptatio œstim ationis,
necessariam tacitœ ratihabiùonis inducit conjecturant.
Userait difficile de rien ajouter à des autorités aussi
claires, et c’est d’ailleurs un principe universellement
reconnu que l’on approuve une vente quand on en
reçoit le prix.
D ’après cela il est inutile de peser les expressions
employées dans les quittances de 1778 et 1782, puis
qu’il ne s’agissait pas de confirmer un acte radicale
ment nul. D ’ailleurs, en lisant les quittances, on ne
peut pas douter que le sieur Roland ne connût la
transaction aussi bien que Varagne, puisqu’il savait le
«montant de chaque terme, leur échéance, et ce qui
restait à payer. Il Scivait que c était pour le domaine
•d,e Fleurac, et il savait encore que ce domaine prove-
�36
(
)
nait de ses auteurs. Son consentement à recevoir le
prix d’un domaine transmis par ses auteurs à Varagne
aurait donc valu seul une vente nouvelle, car on y
trouve res, consensus et pretium. Ajoutons que c’était
un avocat qui traitait avec un cultivateur.
L e second moyen des adversaires est tiré du para
graphe scio qui , comme le dit Lebrun , a fait errer
plus de jurisconsultes que la mer n’a égaré de pilotes.
Mais cette loi a aujourd’hui un sens bien déterminé,
et n'égare que ceux qui veulent lutter contre la ju
risprudence.
L e mineur, qui a imprudemment accepté une suc
cession à la veille de sa majorité,, ne renonce pas tou
jours aussitôt qu’il est majeur; et comme chaque jour en
ce cas il continue de faire acte d’héritier , la loi examine
si ces actes ne sont qu'une suite de ce qu’il a com
mencé en minorité , et alors elle l ’en relève.
La difficulté de distinguer la nature de ces actes
donne lieu à tous les majeurs, qui se trouvent dans
ce cas, de prétendre que ce qu’ils ont fait est une
suite de la première immixtion. Maison examine tou
jours si le mineur était obligé de faire l’acte nouveau,
ou s’il pouvait s'en empêcher.
« Car, si le mineur, dit Lebrun, pouvait
» de mettre la dernière main à l’afíaire ;
« après favoir achevée en m a j o r i t é , il ne
(f cire relevé. »
Les adversaires s’emparent d’une partie
s'exempter
en ce cas,
pourra pas
de ce pas-
�. (
37
)
sage, et disent aussitôt que la transaction était com
plète pendant leur minorité, et que Lebrun à été mal
appliqué.
: ;
Mais un peu plus loin ils eussent trouvé que L e
brun lai-même enseigne que le cas seul où le nouvel
acle ne produit pas une fin de non recevoir, est seu
lement quand ce nouvel acle a une conséquence né
cessaire avec ce qui s’est fait en minorité , et préci
sément Lebrun prend pour exemple quand L’affaire
ayant été a c c o m p l i e en minorité
jorité par quelque nouvel acte.
se
confirme en ma
Remarquons que pour employer ce m o y e n , les
adversaires s’approprieni la transaction de 1773, comme
étant de leur fait par le moyen de leur tuteur, el c’est
de leur part une inconséquence qui marque assez leur
embarras.
D ’ailleurs, en quelque'position qu’ils se placent, ils
ne peuvent invoquer Yinitio inspecto, puisque les quit
tances ne sont certes pas une suite nécessaire d’un acte
qu'ils disent nul, et sur-tout d’un acte qui n’était pas
de leur propre fait.
JSec silentio prœtermittendum, dit encore Voetius sur
le même titre (tu digeste, alietiatiqnes illas, quce i n i t i o
inspecto
nullœ erant, tanquam .contra senatusconsultum factce, subindè est post/ado confirmari posse
prœsertlm si minor j a m major fa ctu s alienationem
ratam lia buer it , sive expresse s i p ^e t a c i t e .
La question de Yinitio' inspecto s’est présentée de
�(
38
)
vant la Cour dans une espèce biçn plus favorable pour
le réclamant. Un mineur ayant fait acte d'héritier
était poursuivi pour une rente ; à peine majeur ( de
21 ans seulement) le créancier lui fit faire une rati
fication. II se pourvut presqu'aussilôt après, et fit va
loir son ignorance absolue des forces de la succession,
ayant eu un tuteur encore comptable, et il exposa que
l ’adition d’hérédité emportait nécessairement le devoir
de payer les rentes; mais par arrêt du 4 floréal an 10,
la Cour proscrivit sa prétention, attendu que sa rati
fication n’était pas une suite nécessaire de l’aditioft
d’hérédité.
Les adversaires ne se dissimulent pas la faiblesse de
leurs moyens contre la fin de non recevoir , et en
désespoir de cause ils observent que la dame Gros ne
peut en être victime, n’ayant pas donné ces quit tances,
D é j à les V ara gne ont répondu à ce m o y e n par le
défi d’établir qu’aucun des puînés Roland ait répudié
le legs du .testament de leur père pour demander leur
légitime. Une autre réponse va se trouver dans un
arrêt de la Cour de cassation.
En 1791 , Marie Eordenave fille aînée, avait été
instituée héritière par le testament de sa mère.
Elle vendit un domaine en minorité en 179 3, en
Vertu d’autorisation; et après des oilres réelles, elle
reçut partie du prix en majorité.
Elle demanda la nullité en l’an 4 > e l ses sœurs so
�9
‘( 3 >)
.
joignirent à elle. L e tribunal de 'Pau avait adjugé la
demande; mais, sur l’appel, celui des Hautes-Pyrénées
avait déclaré Marie Bordenave non recevable'à cause
de sa quittance, et ses sœurs aussi non recevablesparce
qu’elles pouvaient réclamer leurs droits sur1 lei' Autres
biens.
*
.r
:
Ai *’
Sur le pourvoi des trois sœursj la Cour de cassation
a rejeté la demande par arrêt du 4 thermidor an 9,
par ce' seul motif qui embrasse tout : « Attendu que
« Marie Bordenave , héritière( universelle , a ratifié la« dite vente par la quittance qu’elléla donnée en ma" jorité, de la portion qui restait à payer à l’époque à
, « laquelle elle est devenue majeure.«
Il
semble que ce motif soit fait exprès pour la cause ;
la fin de non recevoir des deux adversaires y est écrite,
sans qu’il soit besoin d’y changer un seul mot.
Les fins de non recevoir sont souvent odieuses parce
qu’elles tendent h priver une partie d’user de son droit.
Mais ici, il est difficile d’en proposer une plus favorable ;
car elle n’a pas pour but de priver le sieur Roland de
ses moyens au fonds, mais bien de l’empêcher lui-même
.d^opposer d’autres lins de non recevoir plus odieuses.
Ce 11 est pas que tous ses arrière-moyens fussent très
¿1 craindre, parce que son père , trop pressé d’usurper
n ’a rien fait de bon; mais il est toujours agréable de
vaincre un adversaire avec ses propres armes, et de
neutraliser une injuste attaque. A u reste le’moyen pria-
�4
( ° )
cipal de la cause n’est pas une simple fin de non re
cevoir et n’en a que le nom. Car le procès a été éteint
par une transaction ; le sieur Roland en l'adoptant a
voulu aussi éteindre le procès, et a véritablement fait
une transaction nouvelle, contre laquelle il ne doit pas
être admis à se pourvoir.
M .r T I O L I E R , Rapporteur.
M .e D E L A P C H I E R , Avocat.
M .e T A R D I F , Licencié-Avoué.
A
RIOM,
P e rimprimerie du Palais , chez J. - C. S
a l l e s
#
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Varagne, Antoine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
abus de tutelle
conseils de famille
fraudes
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Antoine Varagne, et autres ; intimés ; contre Pierre-Israël Roland, Toinette-Gabrielle Roland, et le sieur Gros son mari, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1747-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0409
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0741
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ydes (15265)
Fleurac (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Abus de tutelle
conseils de famille
fraudes
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OBSERVATIONS
POUR
L e sie u r L A B R U E D E S A I N T - B E A U Z I L L E
in t im é ;
C O N T R E
Le sieur C H 0 P I N , appelant.
L E sieur Chopin veut équivoquer sur l’étendue d’un
contrat de vente ; il veut en effacer les clauses principales,
celles qui commencent et terminent l’acte, et qui en sont
tout l’objet. Il ne veut past qu’on y voie une vente de,
la terre de Champfollet, quoiqu’il l’ait expressément
vendue en ces termes; quoiqu’il se soit dessaisi de cette
terre de Champfollet circonstances et dépendances il
ne veut pas qu’on y lise une réserve qu’il y a formellement écrite, dont il a soigneusement désigné tout es,-
�les parties, et que sans doute il ne peut ni outrepasser ni
étendre.
E t cet acte est le sien ! ces clauses sont son ouvrage !
L u i seul a p a rlé *, lui seul les a dictées; et cependant
il en conteste l ’efficacité : il veut avoir eu le droit de
les in sé rer dans son acte , de les y répéter plusieurs
f o is , sans autre objet que d’abuser un acquéreur venu
de trente lieues; avoir pu y intercaler un perfide détail
pour le tr o m p e r, tandis que rassuré par les termes géné
raux de sa v e n t e , par une réserve minutieusement dé
taillée , par les protestations du sieur C h o p in , par les
assertions de tout le monde^ l’acquéreur étoit persuadé^
tout à la fois de la g'énéralité de sa vente, et dé là bonne
>
*. •
foi de son vendeur.
C ’est la prétention du sieur Chopin depuis q u il a
vendu.
”
^
Alais examinons son langage lors qi?il voulait vendre;
11 sera bien,plus, propre quelle dernier à jeter des lumieres
sur l’étendue de la vente. Ce langage est écrit; car il n’y
avoit pas d’autre manière de s’entendre, à un éloigne
ment de trente lieues.
*■
r
O r , le sieur C h o p in , en discutant les conditions de la
ven te, la restreignoit-il à. certaines parties de sa terré?désignoit-il à son acquéreur sept locnteries seulement,
quand il en a v o i t d ix ? P o i n t du t o u t ; il ne le lui faisoit
pas même pressentir.
11 vouloit vendre; son rôle étoit alors d'exagérer \ c’est
lùi-mcme qui nous l’apprend ( png. 23 ), de présenter aux
clialans une superbe terre , toute d'une p ièce , de n’en
rien excepter que sa maison, d’en enfler considérable-
�----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(3)
442
ment le produit et l’étendue, tout cela pour offrir h son
acquéreur un bel ensemble qui pût le tenter, pour en
tirer un prix excédant la valeur réelle. Jouer ce rôle
étoit, suivant le docteur C h opin , une cliose^/bi*/ ordi
naire; ce qui prouve au moins qu’elle seroit fort ordi
naire pour lui.
Seroit-ce donc aussi une chose J b rt ordinaire , après
avoir mis en pratique une si belle m orale, après avoir
trompé sur la valeur et en avoir profité, de se ménager
encore les moyens de contester après la vente une partie
de la chose vendue, d’en attaquer la substance? Mais l’espiéglerie seroit un peu trop forte, et la morale même du
docteur ne sauroit le conduire jusque-là.
L e sieur Chopin ne se plaindra pas; il veut qu’on tienne
pour certain qu’il n’a vendu et entendu vendre que cer
tains objets. E h bien! on s’en rapporte à lui. O u i , à lui
C h o p in , non au Chopin q u i a vendu , mais au Chopin
qui vouloit vendre , q u i, s’il faut l’en croire, s’expliquoit
sans fa r d , sans déguisement, disoit ingénument la vérité.
C ’est d o n c la vérité que n ou s a llon s trouver dans les
lettres du sieur Chopin ; et ce n’est pas une vérité stér i l e , car ces lettres contiennent la base , les élémens de
la vente qui les a suivies. Rien ne sauroit donc en expliquer
mieux les incertitudes ; et de même que pour juger des
objets qu’embrassent une transaction sur procès, ou un
hors de c o u r, il faut recourir aux pièces du procès, de
môme on ne peut mieux découvrir les bornes d’une vente
que dans les discussions qui l’ont préparée;
J’out l’objet de ces observations est donc de r e n d r a
publiques les négociations écrites, c’est-t\-dii*e, les lettres
A 3
J
SMk
I
j
'
�(
4
)
du sie u r C h o p in , de les m ettre plus p a rticu liè re m e n t sous
les y e u x .d e la juàtic'e. D e u x sont écrites au sieu r D e c o m b e s , q u i en étxiit l’ in te rm é d ia ire ; d e u x autres au sieur
de S a in t-B e a u z ille lu i-m êm e .
A v a n t de tran scrire ces lettres, il n’est pas inutile de
ra p p e le r que ce fut en revenant de Paris que le sieur
de: S a in t-B e a u z ille fut porté à cette acquisition par le
sieur Decombes ; et que voulant cqnnoître-la position
de G ham pfolletils y allèrent ensemble. - .
La visite ne fut qu’une apparition, d’autant plus que le
sieur Chopin prétexta des affaires, et il étoit le seul com
pagnon du sieur St.-Beauzille ; le sieur Decombes. •même
n’y avoit pas assisté. Aussi après avoir examiné seulement
l’état et la situation de cette propriété, le sieur St.-Eéauzille
demanda un état circonstancié des produits. Etranger
au pays, au genre de culture, par conséquent..hors d’état
de ju g e r ù l ’œ il de la v a le u r , de l’étenduq et du p ro d u it
des te rra in s, il ne p o u v o it asseoir sur aucune autre base
que sur le produit, la valeur de la terre et le prix qu’il
devoit y mettre. Il laissa entrevoir cependant qu’il pourroit
le porter à 1 20000 francs.
A lo rs s’établit une correspondance dans laquelle 011
disputa sur le p r i x , sur la valeur de la terre, sur les
réserves que se faisoit le sieur Chopin : c’est là ce q u ’ il
importe aujourd’hui de bien connoître , p u isq u ’on y
trouve les élémens de la vente.
lia première de ces lettres est écrite au sieu r Decombes ;
elle est du 7 thermidor an 8 , fort peu de temps après
la première entrevue; la voici :
�. v J e vous dirai bien 'd ès-choses: aü> sujet du prétêridu grand
« avantage que vous me présentez. J ’a i trouvé de la personne
« qui est à la téte de mes affaires j 5oo fran cs de ferm e de
« mes- biens ^patrimoniaux., et i 5ooo francs d ’avarice ; ce qui
«•f a i t 8 a 5o fr . de ferm e j ' e t .une, réserve, de plus de i 5oo fr« Ajoutez ce que doit gagner un fermier : ¡c’est un objet d ’une
'« 'douzaine de m ille francs -, pourfiooo fran çs qu i 1-en couteroft
de Sairit-Beauzille (1) ; car .Ias 5 q o o o francs q u i,lu i
-« restéroient entre mains ne ¡lui côûteroient pas plus de 10.25. fr.
,« de rente je vous île prouverai à laiprem ière yu$, Je. \jous
cc répète, comme je vous l’ai déjà marqué,\que d’ipi;^ uïj n)oi6
« tout sera terminé; il est bitin certainique .jQ;yendraiÿjqüelque
:« choseiqüi.arrive : rri^is i l se<présente ¡ùeàu&up. d ’4 pqfiéreurs,
« et quand ils sauront que. je vends ,'Céla> ira erifcôre mieux.» I l
« a eu tort de ne pas traiter dej suite , etc,*,;,etc. (2), » ■
. >>
L a seconde lettre est du 7 fructidor an 8 -, encore écrite
au sieur Decombes.
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(1) On voit q u e jusque-là C ette l e t t r e n’a trait qu’aux 120000 francs offerts
par M . de Saint - Beauzille ; m;»is elle n’ en est pas moins précieuse., car clie
prouve que les biens dont le sieur «le Saint-Beaiuille donaoit 6000 francs,( en
revenu ), et que le sieur Chopin .ne vçulpit pas lui^dynner pour ce prix, parce
tjii'il, clisoit en trouver 1 200O francs >ëtoient sefr^iftuSjjMïiri/noniaux, ^nns
exception. Il étoit donç question entre les'patties ,\\<i$s In premier instanf-,
de vendre et d’acheter les biens p a trfm on iaijxdfiC /ipp in .' Or , les, jfrois
locateries contestées faisoient alors partie d eia terre; elles sont patrim oniales ;
elles £âsoient donc partie de la vente proposée .: voilà une vérité incpntestuble.
(2) T o u t le reste de cette lettre est ¿ u r jp ;mûmv. ton ^on voit q u e.c’çst. un
verbiage inutile à la contestation, i n ij ti lq’pa rj £0 tysi'(JWc 11^ réjlî'tcr içi ;[stulcnicnt elle confirm e, ce qui .est vrai, que. le jicur de »Saint-Beau7.ille n’avoit pas
voulu traiter tle suite , parce <]u’il n’avQit pu W goiç $<;$ idées que sur un ¿tat
q u i! avoit en effet demandé.
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« J e n ’ a i p o i n t changé d’intention; l’acquéreur que vous m’avez
« fait l’amitié de me présenter me convient parfaitement,
« parce qu'il a l’air d’un honnête homme ; mais je n’ai pas
« cessé d’étre en com pagnie, et n’ai pu faire l ’éta t en quescc
«
«
«
tion (3). M a is on voit a u jo u rd h u i , en plongeons , près de
quarante milliers de gerbes , moitié seigle et motié froment.I l fa u t em défalquer à peu près 7000 ( gerbes) pour le domaine
de la nation : vous verrez ce que cela f a i t , c ’est en èvidente (4);i pour deux mille livres environ de produits de
«
« vente de vieux et jeunes bœufs , de gros et petits cochons,
« 'et de vieux moutons ;
; i fciiov * ■ r >
■
u.c<j Pour 400 francs' de laine, et àutarit de vin; 1
Pour deux pulle francà de pessel, inayère ou plants de saules;
« Cent milliers'*de'foin de réserve au moins, et des terres
« closes en haie# vives , propres, à en’ faire deux cents milliers
« de plus ;
( 5) Il étoit donc q u estion d ’ un état'. L e sieur de Saint-Beauzillc l’avoit de
mandé; le sieur Chopin l’avoit promis : il devoit servir d’instruction à l’ache
te u r; et cette instruction pouvoit seule le conduire à fixer le prix. Eh bien!
par cette même lettre Chopift va en donner le croquis, parce qU’on l'attend,
parce qu’on, ne veut rien faiW snns celft.
(4) Ici les réflexions se -piSicatéM cri1foulé.« " ‘<1--'
m ;
Q uel <étnt de produits donne le sieur Cliopin? cst-Cc celui de troi* domaine*
•et sept loCatèries? On voit qu’il fl’ën est pas question. C'est l'étal d e tou t ce
q tt'il p o ssèd e'j de tout' cef qui est én é v id e n c e , sans en excepter ntèttio la
ricolte du dortiaîne de la Aâtiün. Il défalque ensuite le produit do cc qu’ il ne
veut pas vendre : CetW'défalcation nfc porte pfls sur les trois locuterie*, dont U
ri'a pas môme l’id6e. 11 distrait sept mille gerbé*pou r le d o m a i n e d e la nation :
tou t le reste il le présehtef i l‘«Cquireur; il lc lui1 livre : vous verrat ce que
c e la f a i t , lui'dit-il s'e'es t'en évidence. YoiW lVtat qu’il lui o ffr e ;1état de de
qu ’il voüloit lui Veridrc, de ee que le sieur dû Snlnt-Benuï.ille vôulôit aolietei',
cc qu o n lui a ven d u , qu il a nàlicté b ien tô t apr^s. r *
c o n sé q u c in m c n t de
�( 7 ). ,
.
4
' **
« D eux étangs et les fossés, qui s’ernpoissonnent de douze
« cents; ce qui fait un produit de çinquante éçus par an. I l y
« a une 'vingtaine d ’arpens de beau bois de fu ta ie ; il y a bien
« pour 3oo francs par an de bois blanc à exploiter ; il n’en coû
te teroit pas plus de 5o francs par an p o u r entretenir cette coupe.
« Les métayers et locataires payent l’imposition , et quelque
« chose au-dessus, que l’on peut com p ter, puisque cela va à
ce 600 francs. Il y* a au moins deux mille boisseaux de blé de
te mars par an pour ma part; un bon pays de chanvre, qui produit
ce au moins 600 francs par an : en forçant les cultivateurs , on
ce pourroit les obliger à en semer le double. Il est une infinité
ce d’autres produits, tels que pommes de terre , vessars, fàves ,
« p o is r o n d s , h a r i c o t s , e t c . ( 5 ) E n
1 7 8 1 , c e lt e te r r e ¿ t o i t a f-
cc f e r m é e 8000 f r a n c s , e t d e s réserves p o u r 2.000f r a n c s a u m o in s .
« D e p u is c e te m p s , f y
te
a i a n n e x é u n d o m a in e q u i è t o i t trop
m ê l é , e t e n b on s f o n d s . V o u s hioyez q u e c e la f a i t u n e su -
tc v e rb e te r r e (6 ).
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« Sous peu de jours j e vous f e r a i,passer un état plus circonsce tancié ; mais c ’est l’œil de l’acquéreur qyi vaut mieux que
ce tout. Comme )1 y- a environ S o m ilte fra n cs non exigibles, et
çc .13 des 5.0 qui ne p a yen t l’intérêt qu'au denier 5o ,.je ne ppis
(5)
Dans cc long détail le sieur .C lio p ia Jjse-.çt abuse Amplement do la permis
sion d ’exagérer qu ’il trouve si légitime. Mais à quoi Jbon prendre tant de peine,
lui qui étQit ¿i fort pressé, si l’étjit demandé ne devoit pas être la seulc^règle de
l ’acquéreur? N ’a vo it-il donc d ’autre but que celui de le tenter par ce détail
fastueux et outré? Il y est parvenu; et il pourroit aujourd’hui prendre'un
langage tout opposé, pour diminuer la chose vendne!
(G) Rien de plus positif. Le sieu rÇ h o p in donne poyr excjnj>lo on bail de
1781 : cette terrq ( qu’il vend ? qu’on iparcj^inde, qu’ion a çnsuUc achetée ) tjtoit
alors, d it-il, affermée ioooo francs.
C ’est cette superbe terre qu’ il s\ngit d’acquérir; plus, un domaine nouvelle
ment annexé. ( C’est celui des Quaissons. )
O r , lcibail de 1 7 8 1 copipi'énoit les trois loc^toijet cpntcktéesi L d aieur Gllrçjrt0 >
<iui a le b.til!, n d’abord tenté dti le nier j il-l'a ensuite reconnu en pLiidant : ^
conséquence est toute «impie. ' i
. îo ‘
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T iJ rf :»■'(>
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( 8 )
« donner cette p r o p r ié té p a t r im o n ia le à moins de cent quatre« vingt mille livres. Si votre acquéreur prévoit pouvoir payer
« cette somme , j e l u i f e r a i p a s s e r d e p lu s g r a n d s r e n s e ig n e
nt. m e n s. Je suis bien r e c o r i n O i s S f l n t de la part que vous prenez
« à! c e ‘qui me regarde ; ma reconnoissance égale l’estimé avec
« laquelle j’ai le plaisir de me dire le plus dévoué de vos voisins.
« C II O P IN . «
11; y
' h LI i
’r/un
L a troisième lettre est (<jlu4.vendérhiaire an 9 , quoique'
datée du même, jour .de .Pan 8, époque à laquelle il n’étoit encore question de rien ; elle est écrite au sieur de
.
■
. . .
. 9
■
Saint-Beauzille par le sieur Boislaurent, sous la dictée
du^sieür Chopin. " ■ ■’
«Wt '
A?
-i\v\ \W> • ’ n :v> ; « Lamothç, ,1e 4 vendémiaire an.8 (<))•
« Monsieur Chopin est ici dans le moment rriômé que jô
« vous écris; il est venu dans l’intention de savoir si décidé« ment vous vouliez toujours acheter C h a m p fo lle t. Il a pris
ce. d e s arrançerriens q.xec $es c r é a n c i e r s V q u i l u i 'o n t d o n n é , dans
cc le cas oii v o u s a c h è t e r i e z , ju s q u ’ à Noël pour payer '/fiooà fr. J
« 45 autres mille seroient payables dans l’année. Vous seriez
« chargé de 5oooo fr. de contrats, et vous lui consentirez à lu i,
« M. Chopin , une obligation de xoooo f r . , qui ne seroit payable
« qu’autant que y o u s seriez tranquille possesseur. // d e m a n d e
u en outre 200 louis d’épingles qu’il dit que vous lui avez protc mis , la réserve d e la m a is o n q u e v o u s c o n n o is s e z , a in s i q u e
n d es te rr es q u i e n d é p e n d e n t , e t e n fin u ïie p e t i t e p ê c h e r ie e t
« tr o is s c p tc r è e s d e m a u v a is e s te rr es q u i n e
vous
c o n v ie n n e n t
« p a s (7). Il vous engage à lui faire une réponse prom pte,
(j) C’ est ici le'Sieur Chopin qui parle; car il est d it, quelques ligues plus bas,
q u e'le ticur Boislaurent écrit jous\sa d ictée . O r, que proposc-t-il,au sieur de
Saint-Bcauzillc? d’acheter Cham pfollet ; et ce n’ est pas ici d m in p fo llet, cort-,
cc
les
�« les retards pouvant préjudiciel' h ses affaires, étant en marché
cc avec une autre personne; il vous préféreroit, pourvu que voua
CC n’ayez pas changé d’idée.
« Je suis fort a ise , M onsieur, d’étre chargé d’ une pareille
« commission, puisqu’elle tend à vous rapprocher de nous. Je
« vous préviens que j'écris sous la dictée de M . Chopin.
« V eu illez, je vous p r i e , .....................
« Votre.................
« BOISLAURENT. »
L a quatrième lettre est du sieur C h o p in , et adressée
au sieur de Saint-Beauzille lui-meme.
« Saint-Beauzille , ce i 3 novembre ( 22 brumaire an 9).
cc D ’après vos deux lettres, une à M. D ecom bes, et l’autre
cc à m o i, j’avois résolu de vous répondre par une négative, ayant
cc imaginé que vous cherchiez une défaite honnête pour retirer
cc votre parole (8). D ’abord vous exagérez ou vous êtes trompé,
sis tant en trois domaines et sept locaterics, c ’ est C ha m p follet, sans autre dé
signation, sans aucune exception.
Aussi voulant en distraire quelques objets dont il n'nvoit pas parlé d’abord ,
il se c r o i L obligé de les dem ander ; bien mieux, obligé encore de persuader à
l’acquéreur, pour l’engager à y consentir, que ce sont de mauvaises terres
qui ne lu i conviennent pas. Et il se trouveroit avoir réservé trois locaterics
sans en parler ! Sont-ce donc encore des objets dont il nuroit pu dire à l’acqué
reur qu'ils ne lu i convenaient p a s, surtout celle de la Guillaumie , qui joint
immédiatement la réserve du cliAteau , qui est à sa p o rte , qui est une des
meilleures de la terre? Mais en core, quand cela scroit, auroil-il fallu le d ire,
et les réserver.
(tt) On voit ici que le sieur de Saint-Beauzille avoit répondu au sieur Chopin,
paru dégoûté de l’acquisition , à cause de la réserve qu’ il ne vouloit pas
souffrir. M algré son envie de répondre par une négative , malgré ses grandes
affaire j j n,a|gr,i ia foule d’acheteurs qui se présentoient, suivant lu i, le doc
teur fait soixante lieues pour forcer clans sou domicile un acquéreur dont ld
�«
«
«
v.
«
«
«
«
«
«
te
enajoutantquelquesode trop, comme l’a pensé M. Decombes
car vous évaluez la petite maison de mon père 2.0000 francs
cet o b je t, situé dans le plus mauvais terrain , n’a qu’un petit
pré qui n’a pas pu être fauché cette année, et qui, en bonn<
année, donne un millier de foin ; un autre qui peut en donnes
trois quintaux, et un petit réservoir à tenir un quarteron di
poissons ; un jardin «t cour d’environ 3 à 4 boisselées ( il en
faut 10 pour le setier ); une mauvaise maison bâtie en terre,
sans cave ni écurie. Il faut que je fasse tout cela. J’ai trouvé
du tout 5 o francs de ferm e, et vous le portez à 1000 francs,
A ce prix Cham pfollet (9) vaudroit plus d’un million (10). .
bonhomie Ini convenait si fo rt, et sur lequel il avoit lancé le harpon. Il ne
le trouve pas; il lui écrit : son premier mot est de lui dire q u ’i l cherche une
défaite pour retirer sa parole .
Le sieur de Saint-Beauzille avoit donc donné une parole ; et en effet il avoit
déjà offert i5oooo fran cs, et 0000 francs d ’épingles : c’étoit le prix auquel sc
réduisoit C h opin, d ’après la lettre précédente; c’ est le même prix, qui a été
convenu et payé. Cette remarque est essentielle.
,
(9) T o u jo u r s C h a m p fo lle t , lo rs q u ’o n d iscu te u n e r é s e r v e , e t C h a m p f o l l e t
sans a u tre n d jcctlo n , a p rès u n e p a r o l e d o n n é e , le p r ix a c c o r d é , et lo rs q u ’ il
n e re ste de d ébats (jue su r c e lte s e u le ré se rv e .
(10) On voit ici qu’en effet c’est la réserve des Cliâtclans qui avoit dégoûté
le sieur de Saint-Beauzille. Cette réserve est sur le point de tout rom pre; c ’est
pour cela que le docteur abandonne ses a ffa ir e s , sa com pagnie , scs malades,
et vole au fond du Limousin : là , pour endormir l’acquéreur, il lui fait en
tendre que l’objet réservé est de peu d’im portance, dans le plus mauvais
terrain , de nul produit ; lui persuade que cette réserve ne peut ni déprécier
la terre, ni en diminuer la valeur. T o u t étoit ¿o n , e x c e lle n t , superbe, dans
l’état de sa terre; tout est mauvais et mesquin dans ce qu’il se réserve. E t ce
pendant ces vilenies üiisoient discussion; le sieur de Saint-Beauzille les vouloit,
m enaçoit, pour si p eu , de retirer sa parole. E t cet homme s» convoiteux
seroit devenu tout d’ un coup si traitable, qu’il auroit c o n s e n t i , pour le même
p r i x , et sans que jusque-là il en eût été question, n la réserve de trois locateries, dont une touche sa porte, et coupe en deux la superbe terre touto
d'une pièce !
E t le sieur Chopin n’auroit pas cru devoir en faire la réserve bien expresse,
�4m
C C .................................«
................................................................................................................................
« . . . (11) C ’est d'après toutes ces réflexions que M. Decombes
« a désiré que je vous visses, n’ayant plus à retarder, attendu
« que j’attends un acquéreur de P a ris, quiconnott encore m ieux
cc que vous Champfollet (12), qui est mon voisin, et à qui,
« une fois co n ven u , je serois obligé de le céder, attendu que
« je 11e pourrois point lui dire que j’ai promis la préférence ;
« cela me forceroit de manquer à ma parole. A in s i v o y ez,
te M o n sieu r, si vous tenez à la petite réserve de la maison de
« mon p è r e , ne songez plus à Champfollet ( i 3). A u cas con
te traire, rendez -vous demain à midi à Argentac ; j’y serai
cc jusqu’à une heure et dem ie, que je partirai pour me rendre
« à P lo t, où j’ai une voiture et mon homme de confiance, et
« d’où je partirai le lendemain du matin : peut-être nous arran-,
ccgerons-nous. Je n’ai pas un jour à perdre, si je manquois deux
« occasions favorables qui se présentent. Je n’ai que jusqu’au
« 20 décembre pour vendre, après lequel temps mes créan
te ciers seroient maîtres de ma propre chose : c’est une principale
« clause du contrat qu’ils n’ont passé qu’à cette condition. Quant
« aux payem ens, ils n’ont pas changé ; ils m’ont abandonné
« tout ce que je vous dem ande, excepté deux septerées de terre ;
*c ils ne m’en ont abandonné qu’une pour réunir à mon enclos :
ci quant a u x deux que je -bous demande de p lu s , je vous les
»
lui qui a cru devoir désigner bien soigneusement les mauvais terrains qui ont
fait tant de discussion !
T 'H ' 0 « oïnctTct ÛÏÏTpige entière de la lettre, qui n’a trait qu ’aux pépinière*
et aux récoltes dont il n est pas question en la cour.
(12) Chopin convenoit bien alors que le sieur de Saint-Reaiuillc ne connoissoit pas bien Chainpfollct; qu’il n’ enconnoissoit pas bien les détails; et cepen
dant il y avoit alors parole donnée , prix accordé : tout ¿toit convenu, hors
l’article de la réserve.
(<") Toujours cette seule réserve sur Cham pfollet. Le sieur Chopin insiste :
il faut renoncera C ham pfollet , si on ne la souffre pas. O r, on y c o n s e n t en
suite; on achète donc C ham pfollet, moins cette réserve.
13
2
�■
( 12 )
« payerai à dire d ’experts ; c e s t à une demi-lieue du château,
« ainsi que la petite maison (14)- Je vous abandonnerai de
te suite le ch âteau , puisque j’ai déjà commencé à déménager*
« Je suis en attendant le plaisir do vous voir , si vous ôtes
« toujours dans la même intention,
« Votre très-humble serviteur.
«CHOPIN.
« P . S. Mais j ai 1 honneur de vous prévenir de ne pas compter
« que je retarderai d’une,dem i-journée mon départ de P lo t,
« qui sera samedi m atin, et d’Argentac demain vendredi, à
« une heure et demie. Je vous attends, et suis avec estime.
« CHOPIN.
' 1 -■ %^
cc N e craignez pas mon voisinage ; j e serai assez loin de
« vous. Je ne vais chez mes meilleurs amis que quand ils sont
« m alades, ou quand ils me l’ont fait dire dix fois : je ne me
cc mêle jamais des affaires de mes voisins, à moins qu’ils ne m’en
(i/Î) Le sieur Chopin avoit compris dans son «*tat le r e v e n u de cous s es biens
patrim oniaux ; il avoit ensuite pari«1! Ue sc réserver les Châtclans; et sauf cette
réserve, le prix ¿toit convenu pour toute la terre.
Il veut agrandir cette réserve; mais il sc croit tellement lié par cc qui a
précédé, qu’il n’ose demander gratuitement deux mauvaises septerées de terre :
il offre de les payer à dire d'experts.
Bien plus, il sc croit obligé, pour les obtenir, de représenter au sieur de
Saint-Bcnuzillc qu'elle* sont hors de sa portée, à une d-.tmi-lieue du château .
Le sieur de Saint-Beauzille consent à tout,
passe la vente pour le p rix offert et accepté depuis
long-temps; et bientôt C hopin, qui devoit être à une demi-lieue du clwltcau;
Chopin, tellement circonspect qu’il n’osoit pas sc réserver ouvertement ces
deux septerées; C h opin, lorsqu’ il a vendu , élève la piétention d’avoir con
servé trois locatcrics dont il n’nvoit jamais parlé. Il n’est plus, à une dem ilieue du ch â tea u , il est à 1,, pou c ; la locaterie la P!,iS rapprochée , la plus
précieuse,-est a lu i, sans qu il l'ait demandée ni réservée, lorsqu’il ¿toit ques
tion de Vendre toute la (erre, ni lorsqu’il l’a vendue.
�(
«
«
«
cc
13
)
4
^
prient; d’ailleurs je suis, D ieu m erci, aimé et estimé de tout
le monde ; on a bien dû vous le dire dans le pays. S i j ’osois,
je présenterois mes respects à votre aimable famille, que je
désire bien connoître (i5). »
V oilà cetle correspondance. S’ il n’en sort pns la con
viction la plus intime, la démonstration la plus com
plète que les parties ont toujours etc en marché de la
terre de Chain p follct , telle qu’elle étoit, il faut renon
cer à rien prouver.
L e docteur lu i-m ê m c n’oseroit le n ier; il n’a pas
porté jusque-là sa logique : mais il a un bien meilleur
moyen pour en repousser les inductions. Ces lettres ne
sont point le contrat, d it-il; ce n’est pas par ces mis
sives que j’ai ven d u ; je ne dois v o i r , et la justice ne
doit consulter que mon acte.
( i 5) Chopin craint tellement d’avoir éloigné son acquéreur, qu’après être
allé le chercher chez lu i, et ne l’avoir pas tro u vé, il lui promet de l'attendre
à Argentac ; il compte tellement sur sa p a ro le , il est tellement plein d’atten
tions, de prévenances, qu’il a com m encé, d it-il, à déménage r de Ch.impXbllct. Il sera le meilleur voisin du m onde; d'ailleurs voisin qu’on ne doit pas
craindre, puisqu’il sera assez loin du château. Il est si timide , qu’à peine il ose
respectueusement offrir scs hommages à l ’aim able fa m ille .
A in s i, après avoir présenté à son acquéreur la terre de C ham pfollet , lui
avoir exalté les avantages de cette superbe terre toute d'une p iè c e , en insis
tant sur une seule réserve, le sieur C h o p in , par cette lettre, essaye d’.ibord
de piquer son am our-propre en lui rappelant qu’il a offert un prix qu’on a
accepté, et qu alors il consentait à celte réserve, en paraissant croire qn’i l
cherche un prétexte honnête pour retirer sa parole. li prend ensuite le ton
doucereux, cherche à s’ insinuer, à séduire : il y parvient à force de souplesse;
ct c’ est ce patelinage qu’il appelle aujourd’hui de la bonn i foi ; c’cst ce langage
qu d ne veut plus a v o u er, parçc qu’aprèj en avoir si bien profité il ne veut
p<ii qu on Jo lui oppose.
�( i 4 )
B ravo, D octeur! il faut compter pour rien ce que
vous avez dit, ce que vous avez écrit, les états que vous
avez donnés à votre acquéreur, les promesses que vous
lui avez faites, etc., etc. B ra vo ! cette morale-ci vaut bien
l ’autre ; mais il n’est pas difficile de répondre.
L a vente est consentie cinq semaines après ces lettres;
elle en est la suite immédiate; elle en est le résultat,
comme ces lettres en sont les élém ens, et en contien
nent les bases. Ces bases ont bien servi au sieur Chopin
pour amener son acquéreur à augmenter le prix! et après
.
en avoir profité, sous ce rapport, il pourrait les renier
aujourd’h u i, parce qu’elles expliquent sa v en te?
E n second l i e u , la vente est consentie pour le prix
promis et accepté par les lettres ; ce qui prouve que les
conventions n’ont pas changé depuis.
E lle est consentie des mêmes objets ; car elle est faite
de la terre de Cham pjbllet , sous la seule ré se rv e de
la m aison des C lu itelan s, etc. j ca r on sc d é p a rt de la terre
de Cham pjbllet , circonstances et dépendances.
L a vente est donc parfaitement concordante avec les
lettres;
vendue
sement
C ’est
elle est aussi générale, aussi absolue : la terre est
en masse; les objets réservés y sont bien soigneu
désignés : tout le reste est donc vendu.
là un principe de droit bien ce rtain , car on ne
sauroit admettre à la fois une réserve expresse et une tacite.
L e s restrictions, les réserves m entales , dit un auteur,
rûont point cours dans ce genre de commerce.
Q u ’ importe le détail artificieux qui sc trouve intercalé
dans l’acte ! Quel cas a dû eu faire le sieur de SaintBeauzille, la tête pleine des idées que la correspondance
�à tt
y avoit imprimées; l’esprit rassuré par les protestations
de Chopin , par les termes généraux de l’acte, par cette
réserve dont le sieur Chopin ne se tirera jamais ! car les
objets réservés, on le sait, ne faisoient partie ni de la
réserve du château, ni des trois domaines^ ni des sept
locateries.
A la bonne heure, dit C h o p in ; mais c’étoit une pré
caution de plus.
Q u ’ il dise, un piège de plus! Mais adoptons même
qu’il eût cru pouvoir prendre cette précaution ; qu’il nous
apprenne au moins com m ent, s’il n’eût vendu que des
objets dont cette réserve étoit indépendante, elle eût pu
être l’objet d’une discussion si sérieuse, qu’elle a été à la
veille d’occasionner une rupture! Q u ’avoit à y voir l’ac
quéreur? quel droit auroit-il eu de s’opposer à cette ré
serve, si la vente n’eût pas été de la masse, de la tota
lité de la terre, des biens p atrim oniaux ?
L e sieur Chopin sent tout cela ; aussi a-t-il cru devoir
se retrancher dans un moyen tout autre. Il prétend que
le sieur de Saint-Beauzille « exécuté la vente ; il invoque
l’art. 1325 du Code Napoléon ; il va presque jusqu’à
créer une fin de non-recevoir.
( i5 )
E t ce moyen , le seul dont il ait fait du b ruit, a trouvé
quelques sectateurs!
L ’air de bonne foi du docteur a trouvé des partisans!
Personne , au re s te , moins que le sieur de SaintBeauzille , n’a le droit de s’en étonner ; il s’est laissé
prendre lui-même à cet air mielleux.
Mais voyons cette exécution dont on n’a fait tant dû
fr a c a s que dans l’espoir de jeter de la poudre aux yeux,
�Q u ’est-ce que l’exécution d’un acte ? Il y en a de deux
sortes.
L ’une consiste dans un f a i t , une action qui, émane
d’une volonté bien prononcée : il n’y a même que ce
premier cas qui constitue une exécution.
- <
S i , par e x e m p le , le sieur Chopin , après sa vente ,
avoit mis son acquéreur en possession des trois locateries
contestées, que ce fait fût légalement constaté, et qu’il
n’eût pensé à les réclamer que long-temps après, ce seroit
une véritable exécution. Il auroit beau réclamer ; il
auroit beau dire : J ’ai vendu limitativement sept locateries ; rien n’est plus clair et moins susceptible d’ambi
guïté ; on lui imposeroit silence en une phrase ; on lui
diroit : Si votre acte ne portoit réellement d’autre ex
pression que celle de sept iocateries, les trois que l’ac
quéreur auroit prises de plus n’en seroient pas moins à
vous, parce qu’évidemment elles ne seroient pas vendues.
IVlais ici , outre la d é s i g n a t i o n n u m é r i q u e , il y a une
expression générale : vous avez livré tout ce que cette
expression pou voit com prendre; de là, quelque force
que vous puissiez attribuer à la num ération, s’élève
contre vous une présomption assez forte pour servir de
règle à votre acte et à votre intention.
Et dans ce cas là même où la présomption naîtroit
d’un fait positif, d’une action, elle n’exclueroit pas tout
autre moyen légal d’expliquer la vente.
Il en est bien autrement de î exécution qu’une partie
veut induire d’ un lait purement passii ; par exemple ,
du silence de l’aulre.
Si lu partie qui scprétcndlésée ou trompée ne se plaint
pas
�( 17 )
pas aussitôt, qu’elle garde long-temps le silence, il s’élève
alors une présomption qu’elle ne s’est pas crue autorisée
à réclamer plus qu’elle n’a : cette présomption n’est rien ,
si l ’acte est clair; elle peut tendre à l ’expliquer, s’il est
ambigu.
•
- * .
Mais pour cela il faut que plusieurs circonstances con
courent ; que le silence soit absolu -, qu’il soit assez pro
longé pour qu’on puisse y vo ir une interprétation réfléchie
de l’acte ; enfin que la présomption qui eu naît ne soit
effacée par aucun au tre m o y e n de fait ou de droit. Car
si le silence a été co u rt, s’il n’a pas. été absolu, et que dans
les premiers instans la partie ait témoigné qu’elle croyoit
avoir acquis ce qu’elle a demandé ensuite , ses délais
ne sont plus rien*, ils peuvent n’être dictés que par la
prudence.
* '
,
:
Observons d’ailleurs que le silence même absolu ne forme
qu’ une de ces présomptions ordinaires qui sont laissées
à la prudence du juge, qui par conséquent ne sont plus
rien si l’acte s’explique sans elles, et surtout par des écrits;
une de ces p ré so m p tio n s q u e la lo i n e p erm e t au ju g e
de compter pour quelque ch ose, que lorsqu’elles sont
graves, précises , concordantes; qu’il ne lui permet
d’admettre que dans les cas où la preuve testimoniale
est admissible. ( A rt. 1353 du Code civil. )
Ainsi d o n c , quand le sieur de Saint-Beauzille auroît
gardé un silence absolu depuis le 6 ventôse an 9 jus
qu’au 16 vendémiaire an n ? date de sa première de
mande, ce ne seroit qu’ une présomption ; mais une pré
somption trop légère pour pouvoir interpréter l’a clf, et
justifier le vendeur ; présomption qu’il ne seroit pas même
C
�laissé à la prudence du juge d’admettre comme telle,
parce qu’elle ne seroit ni grave, ni précise , ni formée
par une foule de circonstances concordantes ; présomp
tion enfih qui ne seroit d’aucune utilité pour l’inter
prétation de l’acte, puisque le sens en seroit fixé par
des moyens plus sûrs, plus positifs, par les écrits du
vendeur lui-meme.
M ais le sieutf de Samf-Bea(r¿ille à-t-il donc attendu
dix-neuf mois à exprimer que ces ttois locateries dévoient
lui appartehir ? n’a-t-on jJa's, sur cet article * un1peu passé
à côté de la vérité sur le fait comme sur le droit?
Il achète le 6 ventôse. an 9 ; il repart, et 11e vient
s’établir à CHampfollet qu’à l’époque de la moisson.
On lüi refuse la portion du maître datl5 trois locuiteries;
aussitôt il soumet son contrat de vente à des jurisconsultes
consommés.
Une consultation lui est donnée le 6 thermidor an 9 :
le 22, il notifie son ocle de vente aux locataires, notam
ment à ceux qui jouissent les trois locateries contestées,
et leur signifie de déguerpir.
C ’est ainsi qu'il a pris possession.
Il prend deux autres consultations à P aris, une autre
à Riom , dans le cours de l’an 10.
Il se pourvoit en justice le 26 vendémiaire an i r .
E t l’on ose se faire un moyen de ce qu’il n’a joui
que sept locateries ! Les trois autres n’étoient pas en
son pouvoir -, il ne pouvoit que les réclam er comme
il l’a fait : la loi 11e lui permeltoil pns de s’y installer
de vive force ; elle ne lui ordo 11n'oit pas , sous peine
de déchéance, de les réclamer le lendemain; elle ne lui
défendoit pas lu reilcxion.
�^
( I9 )
Il n’y a donc pas un silence absolu; le sieur de SaintBeauzille n’a donc pas pensé pendant deux ans que son
acte ne lui transmettoit que sept locateries.
Il ne s’élève donc pas la moindre présomption contre
lui.
^
L e sieur Chopin a senti aussi-bien qu’ un autre toute
la foiblesse de l’objection ; il a essayé de la fortifier p a r
d’autres circonstances.
I l dit ( pag. 1 3 et 1 4 de son(m ém oire ) que le 1 6 plu
viôse an 10 le sieur de Saint-Beauzille demanda la res
t i t u t i o n , des bestiaux de la réserve, et rien de plus ;
Q ue les créanciers lui ayant fait commandement de
p a y e r, . il y ¿forma opposition j qu’il fut condamné à
payer, par un jugement et un arrêt confirm atif;
Que >
ju sq u e-là il n éto it point encore question des
trois locateries.
V o y o n s .s i , pour soutenir un faux système, le sieur
Chopin ne s’avise pas de tromper encore la justice sur
■
ces points de. fait.
\Lors de l ’acte 1relatif aux bestiaux , qui n’est qu’ une
-citation en-conciliation, le sieur de Saint-Beauzille s’est
. réservé tous>autres droits et demandes à ¡fo rm er, et
autres prétentions , conformément à Vexécution de, son
contrat d’acquisition, \ oilu. pour le premier ob jet, sur
, lequel il n’y
encore , de la part de Chopin , qu’une
èscobarderie : voyons le second.
'
E n se faisant un moyen du silence du sieur,,de SaintBeauzille sur les trois locateries, lors de l ’ i n s t a n c e avec
les créanciers, Chopin-avoit sans doute la procédure sous
'^les yeux.
�(
20
.)
Eli bien! qu’on ouvre le premier acte intervenu sur
le commandement de payer, la requête d’opposition, on
y lira ( ce qu’il y sa voit bien ) , parmi les moyens d’op
position que le sieur de Saint-Beauzillc présentait :
« D ’ailleurs l’exposant ne jouit qu’en partie des objets
« qui lui ont été vendus par l’acte du g ventôse an 9 ,
' c< et' notamment il est privé de la jouissance de trois
« locateries dont il se -propose de fo rm er demande. Les
«. bestiaux de la réserve, qui lui ont été vendus, ne lui
« ont point été liv r é s ......... La jouissance actuelle d ’ une
«
«
«
«
«
«
it
quatrième locaterie lui est encore refusée......... A in s i,
d’après tout ce qu’on vient de dire, l’exposant est bien
fondé à former opposition au commandement qui lui
a été f a i t , soit pour en obtenir la m ain -levée, soit
pous faire ordonner que ledit commandement restera
sans effet jusqu'il ce que toutes les difficultés sub
sistantes , et dont on vient de parler , seront appla-
« 7¿¿es. »
Cette requête que Chopin avoit sous les yeux lors du
m ém oire, puisqu’il parle de Tordonnance de surséance
qui est à la suite; cette requête, dit-on, était bien an
térieure au jugement de Gannat et à l’arrêt de la cour.
Cependant, suivant C hopin, il n’étoit point question
alors des trois locateries .
V o ilà un mensonge bien grossier, bien v o lo n t a ir e ,
bien réfléchi : il a échappé à Chopin. Mais ce Chopin
est si v r a i, si ingénu, que la justice ne d evra pas croire
q u ’ il ait m en ti pour le besoin d'une mauvaise ca u se ,
quoique la preuve en soit b ien acquise. Il ne ment pas,
car il offre de prouver tout ce qu’il dit, sachayt bien que
�'la preuve est inadmissible, qu’on la contestera , qu’il
n’insistera que pour la forme , et qu’il aura pu séduire
quelqu’un.
Et cependant ce mensonge, une autre inexactitude de
fait, et un sophisme sont toute la base de son moyen
d’exécution.
Et c’cst le seul moyen sur lequel il ait insisté; le seul
qui ait pu éblouir quelques esprits.
Si on l’écarle, que reste-t-il aux deux adversaires du
sieur de Saint-Beauzille ?
Il reste à Chopin la ressource de torturer son acte et
de renier ses propres écrits;
A M agot le mérite de rapporter deux titres, et de
plaider contre tous les deux.;
A l’un et à l’autre la stérile jouissance d’accabler leur
adversaire d’injures, d’épitliètes outrageantes, au grand
scandale de la justice et des auditeurs ;
E t pour parvenir à cet odieux trio m p h e, soutenir au
jourd’hui un système, demain un autre; avancer un fait,
et bientôt le rétracter ; se contredire sans cesse , avant
comme depuis le procès; mettre de côté tout ce qui est
franchise, et arborer la plus étonnante duplicité.
E t le sieur de Sain t-B eauzille seroit la dupe de ce
honteux concert de fraude et de mauvaise foi !
E h quoi ! la bonne loi n’est-elle donc plus lVime des
contrats? l’ordre et l’harmonie de la société auroient-ils
cessé de reposer sur cetle base immortelle? les tribu
naux auroient-ils de plus bel apanage, que d’en protéger
les exemples et d’en punir les infractions? t r o u v è r e n t ils jamais une occasion où ils fussent plus sûrs d’être les
�( «
)
organes'de la justice, qu’ils le seroient en confirmant un
jugement fondé.sur ce principe?
Que peut-on désirer pour l’éclaircissement.des faits?
Q u’y a-t-il de plus certain dans ¡le droit?
L ’homme q u i vent vendre , a dit quelque p a r t un
a n cien , se f a i t ordinairement un plan pour l’exécu
tion de son dessein. I l arrange, il ajuste ce plan ; il
met ¿1 part certain nombre de paroles étudiées qu’ il y
f a i t entrer, après les avoir librement concertées , tantôt
avec ses désirs , et tantôt avec ses intérêts. D e lit ré
sulte ime résolution bien fa rin ée de porter la vente
aussi haut q u i i p o u rra , et d’abuser sans scrupule
de Vimprudence et delà sim plicité des acheteurs. Maitre
et possesseur de ce q u i i v e n d ,'il n’ a seulement à se
garder que de tendre trop de pièges ; enfin il dicte les
conditions’ de la vente .............. Q u ì i s e x p li q u e donc
n e t t e m e n t , et 'q u ’ i l d a ig n e *a w m o in s'p r e n d r e la p e in e
d e 'b i e n d é c la r e r se s v o lo n tés. I l ¡ l u i est p lu s f a lc ile
de dire Ce qu’ il pense , qu’ à d’autres de le deviner ou
de le comprendre.............. D ir a -t-il q u i i n’a i p a s. su
7/lieux démêler ses intentions ? il justifie Vacheteur q u i
les a m al entendues ; avoue-t-il qu’ i l m ’a pas voulu
pârler plus ' clairement ? i l se condamne : 'mais on
voit bien qu’ i l ne tenait q u ìi lu i de dissiper les ténèbres
q u i i 'ci volontairement épaissies. Illu m in é tout à coupi
il éclaircit ses idées , ses expressions ; 'il parle devant
rles’ tribunaux une autre langue que dans les contrats :
il Cst donc juste que' l'équivoque farmée> de la fr a u d e
oiiïde Vinadvertance du vendeur s'explique uniquem ent
contre‘ lui. L e moyen 'de disculper un homme en q u i
�.( 23 )
/ ¡é 5
Vamour de la vérité n a pu débrouiller les pensées
que Vamour du gain développe ! ......... Tout conspij'et-il donc contre V.acheteur? toi{t est-il permis pour le
tromper ?
L e sieur Chopin ne veut pas qu’on le reconnois.se dans
ce vieux portrait \ mais qui, manquera de l’y voir tout
entier? d’y lire la conduite qu’il a tenue? Et pourquoi
l’a-t-il fait ? parce qu’il savoit bien que pas un, acqué
reur au monde n’eût voulu de sa terre, s’il eût çéservç
la locaterie de Guillaumie.
E t si cette réserve tacite étoit admise, ces objets, on
le sai t , appartiendroient aux créanciers, q u i, dans la
procédure tenue avec le sieur Sauret, s’en sont expres
sément réservé le droit, en déclarant qu’ils n’eussent pas
consenti à des sacrifices considérables, qu’ils n'auroient
pas souscrits sans la condition que Chopin leur délais—
seroit la généralité de ses biens patrim oniaux , et qu’ils
seroient tous compris dans la vente consentie au sieur
de Saint-Beauzille.
E t l’on soutient la corrélation 1
O ù est d on c le d ro it du sieu r Chopin à ces trois locateries ? Et si les créanciers qui les ont abandonnées
entendoient qu’elles fussent vendues au sieur de SaintBeauzille, de quel droit veut-il les contester?
Il cherche h inspirer de la pitié ! Il n’est devenu pauvre
que parce qu’ il n’a pas voulu payer ses dettes en assi
gnats *, il est sensible et b o n , et on le persécute, etc.
Il nvoit son état : son père lui a laissé une belle for
tune et 60000 francs de dettes *, toutes les autres sont de
sa création.
�( 24)
>
, .
Et ce n’est pas pour avoir fait de mauvaises affaires !
si au lieu de faire un roman cynique, en remuant les
cendres de son p è re , il avoit parlé de lui-même, on en
auroit mieux connu la cause. .
Ce n’est pas pour n'avoir pas voulu les payer en as
signats : loin de le p o u v o ir , il en a contracté à cette
époque.
E h quoi ! il a dissipe plus qu’ il n’avoit; il a obtenu de
ses créanciers une perte de 33 pour 10 0 , sa n s être négo
ciant n i banquier ; il conserve par ce moyen p lus de
60000 francs de fo rtu n e, et il veut inspirer la pitié !
Il veut contester ce qu’il a vendu !
C ’en est trop; toutes réflexions seroient inutiles : certain
de la bonté de sa cause , le sieur de Saint-Beauzille attend
avec sécurité l’arrêt de la cour; et dût-il éprouver autant
de sévérité de la décision, qu’il a essuyé d’outrages de
la défense, il n’en portera pas moins dans l’intérieur de
sa f a m i l l e , et dans l e s e i n d e l a s o c i é t é , l e témoignage
d’ une bonne conscience et d’une loyauté que ne sauroient
lui arracher ni l’injustice des hommes, ni les revers de
la fortune.
M c. V I S S A C , avocat.
M e. T A R D I F , avoué licencié.
A R I O M , de l’imprimerie de T h i b a u d - L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mars 1808.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Labrue, Jacques. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Tardif
Subject
The topic of the resource
créances
locaterie
ventes
domaines agricoles
assignats
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour le sieur Labrue de Saint-Beauzille, intimé ; contre le sieur Chopin, appelant.
Table Godemel : Vente : 11. après un contrat entre ses créanciers contenant un état de son actif immobilier, le sieur Chopin ayant vendu, le 6 ventôse an 9, la terre de Champfollet consistant en une maison de maître, réserve, trois domaines et sept locatairies, en un seul tenant, sous la seule réserve d’une maison et de quelques objets soigneusement désignés et confinés, et tel que le tout avait été énoncé en l’état produit aux créanciers ; a-t-il pu ensuite soutenir que ladite terre de Champfollet contenant dix locatairies au lieu de sept, cette vente ne comprenait pas les trois locatairies de la Guillermie, de Moret et de Paray ? s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ? 12. si le contrat de vente a stipulé, en faveur d’un tiers, réserve de la jouissance de l’une des locatairies, l’acquéreur peut-il, contre la disposition précise et absolue de son titre, prétendre que, d’après un acte antérieur, la jouissance du tiers ne devait commencer qu’après le décès du vendeur ? Clause : - obscure. - s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 9-An 10
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1818
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1816
BCU_Factums_G1820
BCU_Factums_G1819
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53345/BCU_Factums_G1818.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paray-sous-Briailles (03204)
Jaligny-sur-Besbre (03132)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
Créances
domaines agricoles
locaterie
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53347/BCU_Factums_G1820.pdf
24afc778174b3df1d4e36469e9d46721
PDF Text
Text
MEMOIRE
POUR
Sieur J a c q u e s L A B R U E DE S t . B E A U Z IL L E ,
propriétaire au lieu de Champfollet, commune
d e Paray, intimé;
C O N T R E
Sieur
A n to in e
cine
Jean
C H O P IN docteur en méde
M AGOT
,
et
A n to in e tte
M A N S IE R , sa femme tous habitans du
lieu des Chatelans, commune de Paray ,
appelans.
....
—
;,ï
L A connoissance du sieur C hopin a v alu au sieur de
Saint-Beauzille la perte de sa tranquillité. Devenu acqué
reur de la terre de Champfollet, il s’est vu d’abord dis
puter une partie essentielle de sa vente, et se voit chaque
jour eu butte à de nouvelles difficultés. Q u a tre procès
A
�soht déjà pendans en la cour ou au tribunal de Garni at :
celür^ci -ft’est
lé jii'oins considérable. 11 est-questio n de
savoit’ s i après ïrvoit ventùvjfo -terre de Ch'amjrfbllet s o d s
en rien excepter ,
ses circonstances et dépendances,
et s’être^réservé quelques objets bien spécifiés, le sieur
Chopin peut soutenir qu’il est resté propriétaire de trois
locateries qui dépendoient de cette terre au moment de
la vente.
:
Quelque simple que paroisse cette question, c’est cepen
dant , à la lettre, celle .qujélève le sieur Chopin. Elle
pourroit se décider par les seules expressions du contrat;
mais on trouve au besoin, 'dans les'circonstances de la
cause,
des *■preuves
si claires
et si jcertaines
d e.l’étendue
«
’
;t'
/*. • '
' ;
f
• • * • r - '| I ( '
de la ‘vente, ijü’il est difficile de concevoir comment après
avoir succombé devant les premiers jugés,‘le sieur Chopin
a eu la hardiesse d’interjeter appel en la cour.
F A I T S .
--
J
f
.
. . .
"
Le-sieur Chopin,*accablé de dettes, harcelé, paisses
créanciers ,Tcherchoit à vendre la terre de*Champfollet;
il a voit communiqué, son projet au sieur Decombes des
M orelles, qui porta le sieur Labrue de Saint-Beauzille à
faire cette acquisition.
‘
*
Eloigné de trente lieues âe Cham pfollet, le sieur de
Saint-Beauzille ne connoissoit ni la valeur, ni la situation
de cette p ro p riété -, il se rendit à l’invitation du sieur
Decom bes, et vint la visiter sur la fin de l’an 8.
Il n’eut d’autre guide dans cette visite que le sieur
Chopin ? quM ui fit Yoir sa terj'e^n masse >. et qui n’ou-
�blia pas cl’en exagérer de beaucoup la valeur et le produit.
Cette visite, qui ne dura pas deux heures à deux reprises,
n’avoit pour le sieur de Saint-Beauzille d’autre objet que.
de connoître l’état et la situation de la terre; quant à sa
consistance et à ses produits, il demanda au sieur Chopin
un état circonstancié. Il retourna bientôt après à SaintBeauzille, sans avoir rien terminé.
'
‘
La négociation fut continuée quelque temps par l’in
termédiaire du sieur Decombes. Dans une lettre (Ju 7
fructidor, C h o p in lui écrivoit : « Je n ’ai pu faire l’état
« en question ; mais o n voit aujourd’hui en plongeons
« près de quarante milliers de gerbes. . . . . . . . C’est en
« évidence. »
Il détaille ensuite les autres produits de sa terre ; il
les porte à 8460 francs, non compris deux mille bois
seaux de blé de ?nars, un grand produit en vessars} pois,
haricots, etc., et une vingtaine d’arpens de beaux bois.
Il ajoute qu’en 1781 cette terre étoit affermée 8000 fr.,
et des réserves pour 2000 francs ; et que depuis ce temps
il y a annexé un dom aine en bon fonds : vous voyez ,
d it-il, que cela fa it une superbe terre.
L e sieur de Saint- Beauzille offrit 120000 frayes de
la terre de Champjblleit, 'sans -jeu rien excepter; car,
dansile principe,-il n’étoit question eptre les parties d’au
cune espèce de réserve à. .faii# >sw\ la vente. Chopin se
-réoria fort. Dans ¡une lettre du -7 thermidor , toujours an
•sieur Decombes, il>di&oit : 1« JVi trouvé 7600 francs de
1« ferme d e fmes biens-patrimofyhii#, & i 5qoç> franco
« (d’avance^ ¡ce qui/foit 82$p fraftos ¡dje*)finfënc., et ünp
« réserve de i 5 oo francs; ajoutez .-ce ¡quel doit
A 2
�« un fermier : c ’est un objet d'une douzaine de mille
« fr a n c s / pour 6000fr a n c s qu'il en couteroit à M . de
« Saint-B eauzille! » r
*'0
Il ajoutoit : « II y a plus de dix mille cliarrois de bois
« dans la terre de Champfollet, qui valent bien dix mille
« écus. » On verra combien, sur ce seul article, l’intimé
a été considéi’ablement trompé.
*' 1
-Cependant le sieur de Saint-Beauzille persévéroit à
n’offrir que 120000 francs; et le sieur Chopin écrivoit
encore le 4 fructidor an 8 : « Quelque poursuivi que je
« fusse, je préférerais voir vendre mes fonds en justice,
« que de donner- 12000 francs de rente pour 6000. »
On vient de voir que ces 12000 francs étoient le prix
de ferme qu’il prétendoit' avoir trouvé de ses biens patrim on ia ux, et que c’étoit de ces 12000 fr. de revenu,
par conséquent de ses biens p atrim on iaux, que le sieur
de Saint-Beauzille offroit 6000 francs.
Il p aro ît que b ientôt après le sieur C hopin parla de
se réserver, sur la ven te, la maison qu’occupoit alors
son père, l’enclos qui la jo in t, et quelques autres acces
soires; objet en total de peu de valeu r, et détaché de
la terre. Cette réserve dégoûta un peu le sieur de SaintB eau zille, qui refusa d’acquérir à cette condition. Chopin
craignit d’échapper un acquéreur qui ( suivant ses propres
expressions ) lui convenoit beaucoup, parce qu'il avoit
Tair d'un honnête hom m e, c’est-à -d ire , plein de con
fiance et de bonhominie : il vint le ch erch er à SaintBeauzille, le 13 décembre 1800 ; il ne l’y trouva pas, et
prit le parti de lui laisser une lettre qui 11’cst pas 'sans
utilité dans la’ cause,*'
,.
�( 5 )
Il se plaint de ce que le sieur de Saint-Beauzille évalue
trop la -petite ?naison de son -père, qu’il vouloit se ré
server; de ce qu’il prétend rùavoir pas consenti à cette
réserve, tandis qu’au contraire ils en étoient convenus;
il finit par lui dire : V o y e z , M on sieu r, si vous tenez
à la petite réserve de la maison de mon père, ne songez
plus ci Champjbllet.
« Mes créanciers, ajoute-t-il, m’ont abandonné tout
« ce que je vous demande, excepté deux septerées de
« terre; ils ne m’en ont abandonné qu’une pour réunir
« h mon enclos; quant aux deux que je vous demande
« de plus, je vous les payerai à dir'e d'experts : c’est à une
« demi - lieue du château, ainsi que la petite maison. »
Les lettres dont on a déjà parlé démontrent qu’il s’agissoit entre les parties de la vente de toute la* terre de
Champfollet, de ses biens p atrim on iaux, dont le sieur
Chopin trouvoit 12000 francs de ferm e, et que le sieur
de Saint-Beauzille vouloit avoir pour 6000 fr. : celle-ci
est une preuve bien complète qu’il n’étoit question d’au
cune autre réserve sur celte t e r r e , que de celle de la petite
maison des Chatelans et de ses accessoires, que l’acquéreur
refusoit encore de souffrir, quoique cet objet fût d’une
valeur bien modique.
Il faut expliquer, avant d’aller plus loin, ce que Chopin
cntendoit en disant que ses créanciers lui avoient aban
donné la maison de son père : on en trouvera l’intelli
gence dans le contrat d’union qu’il avoit passé avec eux
quelques jours auparavant, le 9 brumaire an 9.
L e sieur Chopin y donne à ses créanciers l’état de son
a c tif j il leur propose ensuite de leur abandonner tous
�ses biens propres et p a trim on ia u x , h l’exception
de ceux
qu’il a achetés de la nation, et de la maison qu’habite son
p è re , ainsi que de l’enclos d’icelle , telle qiCelle est dé taillée audit é t a t ........... ou de leur déléguer 90000 fr.
pour les créances exigibles, sur le prix qui proviendroit
de la vente projetée.
Les créanciers acceptent ce dernier parti. En consé
quence , il est passé un contrat d’union , par lequel le
sieur Chopin est autorisé à vendre sa terre de Champ f o l l e t pour payer ses créanciers ; et s’il n’a pas vendu au
4 nivôse prochain , ils seront autorisés à le faire euxmêmes, toujours sou s la réserve de la m aison occu p ée
p a r le p è r e .
Si l’on consulte Pétat de tous ses biens p a trim on ia u x ,
que donnôit à ses créanciers le sieur C h opin , et qui fut
annexé au contrat d’union, on voit qu’ils consistent uni
quem ent dans la terre de C ham pfollct; et qu’o u tre une
ré se rve et quelques accessoires , celte terre , dont on donnoit nécessairement l’état intégral, est dite divisée en trois
dom ain es et sept locateries.
On y voit ensuite un détail fort circonstancié, et fort
'exagéré, des produits de la terre , q u i, d it-o n , co n
tient la plus belle ch a sse et la plus belle p èch e que Von
p uisse im a g in er, en c e que toutes les p rop riétés de cette
~terre ne f o n t qu'une seule >pièce.
'
Les négociations durèrent encore quelque temps. Le
-sicür Labrue ièfloit toujours à ¡acquérir', sànts &cservc^
toute la teïi^ d e Chümpfolldt. Oepondontlersiour'Chopin
vin t ericô're lé chercher à 'Saint-Dcauzille ; il »consentit
•»lors h la fëservë ktemandée , mais 6oalemcht « 'cette
v
�(7 )
réserve , et parce que l’objet étoit de petite conséquence.
C’est donc à Saint-Beauzille, à trente lieues de Champfollet, que fut consentie une vente sous seing privé de
cette superbe terre , toute d’iuie p iè ce , que le sieur
Labrue ne connoissoit pas, et qu’il n’avoit pas vue deux
heures.
Par cet acte du 3 nivôse an 9 , Cliopin vend « sa
a terre de Cham pfollet, située dans les communes de
« Paray et de Lonzat, consistante en la m aison de maître ,
« composée de deux corps de lo g is. . . . . et la réserve
« composée de prés, deux étangs, dont un à rétablir,
« bois de Jittaie en chêne (1) , pacages.................trois
« domaines ; savoir..........sept locateries ; savoir , celle
« E lia , située commune de Lonzat, cultivée par Claude
« Retiva ; celle de la Croix-Rouge , cultivée par Claude
« M a r tin , dont la jouissance est réservée à Jean M agot
« et sa fem m e, au dernier viv a n t, etc. »
• Après cette désignation vague et générale , à. -laquelle
il n’est ajouté aucune indication de confins, ni de la
quantité de terrain attaché à chaque locaterie, Chopin
continue :
« A in s i que le tout se limite .et comporte , et tout
« de,même qu’en jouissent, et le cultivent les ci-dessus
(c dénommés, avec tous les droits qui peuvent ou pour« roient en. dépendre, sans en,' excepter a a cia is..........
ce m’obligeant à cet'effet de remettre de bonne foi au
( 1) C’est celui q u i, d’après les lettres du sieur Chopin, devoit avoir une une vingtaine d ’arpens , et q u i, bien mesuré ,
n en contient <jue quatre.
*
�C 8 )
« citoyen Labrue de Saint-Beauzille tous les titres con« cernant la propriété et droits de ladite terre. »
Vient ensuite la x’éserve de la maison du père , qui
avoit fait tant de difficultés , la seule et unique réserve
que Chopin se fasse sur la terre de Champjbllet. Il dé
taille avec sc ru p u le , par confins et contenue, tout ce qui
en est l’objet.
« Sous la réserve que moi Chopin me fais de ma
« maison des Châtelans, c o u r, jardin et grange y atte« nans, ainsi que le clos y joignant, entouré de toutes
« parts de haies v iv e s, lim ité, sa vo ir. . . . le tout ainsi
« et de même qu’il est expliqué par le contrat d’union,
« tant pour la propriété que pour la contenue ; p lu s,
« le petit clos de vigne , en partie national, ainsi que
« le taillis du Bourret. »
C ’est là , comme on v o i t , le seul article sur lequel on
ait donné les confins et les contenues, soit dans l’acte sous
seing privé , soit dans la ven te authentique qui l’a suivi J
ce qui démontre quel soin particulier on a mis dans la
rédaction, à ne laisser aucune équivoque sur la situation
et la quantité des objets qu’on entendoit se réserver.
Enfin il est ajouté que la vente est faite moyennant
j 40000 francs, dont 90000 seront payés par l’acquéreur
h des créanciers délégués, pour des dettes exigibles, et
que les autres 5oooo fr. resteront entre les mains de
l ’acquéreur pour faire face h des créances non exigibles.
Cet acte fut remplacé par un contrat authentique, le 6
ventôse suivant: il faut encore bien se fixer sur les termes et
les clauses de cette vente. Il y est d it, comme dans le sousgeing, que Chopin vend « LA t e r r e p e C h a m p f o llk t ,
a consistante
�. . . . . . .
consistante en la maison de’ m aître..
la r é s e r v e ....
trois domaines. . . . et sept locateries. . . . (toujours sans
aucune expression de confins ni contenues ) , ’ainsi que
ïè toUtW'limite et "com porte.. . . et sans en rien réserver, 'bx'cepter n i reten ir , vm êm e les g r o s et m enus'
•bestiaux qui. garnissent lesdites terre , réserve , do
te' m arnes et lo ca ter ies . . . . ensemble les droits, de quelque
cV nature q u ils soien t, dépendons de l a d i t e t e r r e d e
* CHAMPFOLLET, et qui p o u rro ien t ctre ré ta b lis, SOUS
« LA r é s e r v e que se fait led it sieur ven d eu r delà m aison
« des C h â t e la n s , cour, jardin, etc........ainsi que le petit
« clos de vigne, en partie national, etc., ET FINALEMENT
« le taillis du Bourret, com m u n e de L origes.
« Ladite vente ainsi consentie, e s t-il d it, sous les
« clauses, conditions et réserves ci-dessu s stipulées, et
« encore moyennant le prix et somme, etc. »
Enfin il est ajouté, pour ne laisser aucune obscurité,
et pour terminer l’acte comme il a com mencé, par une
vente entière et sans restriction de la terre de G ham jrfbllct :
« E n conséquence de tout ce que dessus, ledit ven d eu r
« s’est démis et dessaisi de la propriété, possession et
« jouissance, fru its ,p r o fits etém olu m en s DE LA s u s d i t e
« t e r r e d e C h a m p fo lle t, c irc o n s ta n c e s e t d é « TENDANCES D’iCELLE, et en a saisi ledit a cq u éreu r ,
« etc. »
f
" Il n’est fpas inutile d’observer ici que pour la garantie
de cette vente Chopin hypothèque vaguement les biens
qu’il possède dans les communes de Paray et de Lonzat :
cette î-enuirque aura son application dans la suite.
B
«
«
«
«
«
«
�A lire ces actes,r.et la correspondance qui les avoit
précédés, il n’est persopne qui ne demeure hien con
vaincu que le sieur de Saint-Beauzille -a. acheté,/« terre
de Champfollet toute entière ; ce.tte terre, dont.le sieur
Chopin trouvoit 12000 fr a n c s de fe r m e , qui en 1781
et oit affermée Q o o o fr. , et des réserves pour 2000f r . ,*
en un mot , LA TERRE DE CHAMPFOLLET, CIRCONS
TANCES ET DÉPENDANCES d ’ ic e l l e , sans aucune autre
exception Jii réserve que la maison des Châtelans et ses
accessoires, bien spécifiés par l’acte de vente.
C’est aussi ce que le sieur de Saint-Beauzille avoit cru
jusqu’alors, bien éloigné de penser que toutes les clauses
d’un acte artificieusement rédigé seroient autant de sources
de procès ou de difficultés dans les mains du vendeur
astucieux auquel il s’étoit livré avec autant de sécurité
que de bonliommie.
T e lle a été cependant la suite immédiate de son exces
sive confiance : lo rsq u ’il a v o u lu se m etti’e en possession
de la terre de Cham pfollet, s’en croyant bien propriét
a ir e , il s’est trouvé qu’au lieu d’être divisée en sept
locateries, elle étoit divisée en d ix ; et le sieur Chopin,
qui avoit vendu la terre de Champfollet sans autre ex
ception ni réserve que la maison des Châtelans et scs ac
cessoires, a prétendu que trois de ces locateries, quoique
dépendantes de la terre, 11e f’aisoient pas partie de la vente.
Cette prétention auroit le droit d’étonner , si toutes
les circonstances ne démontroient sans réplique que les
moyens d’y parvenir avoient été profondément combinés
par Chopin ; lors de l’acte sous seing privé.
�Il suffit, pour s’en convaincre, de rapprocher diverses
clauses de cet acte, et les circonstances qui l’ont immédia
tement suivi; elles ne sont pas étrangères à la cause.
On a vu que 90006 francs du prix de la vente devoient
être payés à des créanciers de dettes exigibles , et que les
Soooo fr. de surplus devoient rester entre les m ains de
T acquéreur pour faire face à des créances n on exigibles.
Il ne s’est pas trouvé pour cette dernière somme de
dettes non exigibles ; le sieur Chopin a prétendu alors
que l ’acq u éreu r devoit lui payer l’excédant, soutenant
que pour l’en dispenser, il ne suffisoit pas d’avoir dit dans
l’acte que cette somme rcsteroit dans les m ains de Tacqué
r eu r pour faire face à des créances non exigibles ,* que
pour cela il auroit fallu dire expressément qu’il ne seroit
ten u , dans aucun cas, de payer réellement cet excédant i
son vendeur.
L e sieur de Saint-Beauzille, chargé seulement par son
contrat de payer 90000* francs effectifs, n’a pas voulu en
réaliser d avan ta g e; il a soutenu q u ’il ne devoit que cette
somm e et le re ve n u de 5oooo fran cs; en co n séq u en ce,
procès sur1lequel il est en instance avec le sieur Chopin
devant le tribunal de Gannat.
On a vu aussi qu’à la garantie de sa ven te, le sieur
Chopin avoit hypothéqué tous les biens qu'il p ossèd e
dans la com m u n e de P aray. En vertu de cette hypo
t h è q u e , l’acquéreur s’est cru en droit de prendre une mo
dique inscription de 25ooo francs. L e sieur Chopin s’est
écrié qu’il n’en avoit pas le droit. J ’ai consenti v a g u e
ment, a-t-il dit, à hypothéquer tous ?nes b ien s ; la loi
J3 2
�f 12} .
veu t, pour que l’hypotlièque soit valable, que les biens
affectés soient désignés spécialement, chacun par leur
nature et leur situation; je ne l’ai point fait; je ne vous
ai donc point donné d’hypothèque : votre inscription est
donc faite sans titre ; elle est donc nulle. Autant auroit
valu dire : Je vous ai donné un simulacre d’hypothèque;
je vous ai trompé à l’aide de quelques expressions vagues.
L e sieur de Saint-Beauzille n’en a pas moins éprouvé un
autre procès encore pendant à Gannat.
II existe au milieu d’une pièce de terre une petite
pêcherie. L e sieur Chopin reconnoît que la pièce de terre
appartient à l’acquéreur; mais il a soutenu que la pêcherie
n’étoit pas vendue, quoiqu’enclavée de toutes parts dans
ce champ, et en faisant partie, par cela seul qu’elle n’étoit
pas nominativement désignée dans le contrat ; en consé
quence, troisième pi’ocès d’aussi bonne foi que les autres,
comme on voit. Venons au quatrième; •;
L e sieur C h op in a vo it ven d u tous les bestiaux de la
réserve, des domaines et locateries. Lorsque le sieur de
Saint-Beauzille a voulu se mettre en possession, tous les
bestiaux de la réserve avoient été enlevés par le vendeur.
L e contrat spécifie parmi les objets vendus un bois de
haute futaie, sans désignation de contenue. Les lettres
indicatives du sieur Chopin, et l’état annexé au contrat
d’union, l’avoient annoncé comme contenant environ vingt
arpens ,* il n’en a que quatre.
Une terre de la réserve, donnée pour cinquante boisselée9, n’en a pas trente.
Enfin,toute vérification faite, l’état donné par la coitcs-
�( 13 )
pondance du sieur -Chopin, a enflé de plus- d’un, tiers le
produit réel de- l a }terre.
•
, .
D ’un autre côté, depuis le contrat d’union, postérieur
u la visite du sieur de Saint-Beauzille, le sieur Chopin
s’étoit permis de couper et d’enlever beaucoup d’arbres.
Il devoit remettre tous les titres de propriété de la terre
de Champfolletj le sieur de Saint-Beauzille n’avoit jamais
pu les obtenir.
, ,
.
E nfin, lorsque l’acquéréur v o u lu t se mettre en posses
sion de la locaterie de la C ro ix -R o u g e , qui lui étoit
spécialement vendue , et que ïe 22 thermidor an 9 il fit
à M agot, comme aux autres locataires, une sommation
de vider les lie u x , Magot et sa femme prétendirent en
avoir la jouissance actuelle.
•
Il faut à cet égard expliquer quelques faits.
,
.. P arleu r contrat de m ariage, du 3 floréal an 2 , le sieur
Chopin leur avoit donné la,.jouissance de cette locaterie,
pendant la vie de l’un et de l’autre, mais pour commencer
après son décès seulement. .
A u ssi p ar l’acte de ven te est-il dit '. L a locaterie de
la Croix-Rouge y cultivée par^Claude M a r tin , dont ,la
jouissance est réservée à Jean Magot et à s a je m m e ,
(tu dernier vivant. Cette expression ne pouvoit que sc
référer aux actes par lesquels çpttç jouissance leur^etoit
accordée; o r, il n’y en avoit-pas d’autre que le contrat
de mariage du 3 floréal an 2, qui renvoyoit le commen
cement de cet usufruit après le décès du sieur Chopin; et
le contrat d’union, en exécution duquel a été consentie
la vente, portoit la réserve de cette jouissance aux termes
�( T4 )
.
du contrat de mariage : ce contrat ¿toit donc la'base de
cette réserve. L e sieur de Saint-Bcauzille, subrogé aux
ch'oits d e ‘son vendeur, devoit donc jouir de cette locaterie pendant toute la vie de ce dernier. V oilà un point
qui p a r o i s s o i t incontestable, et sur lequel l ’acquéreur avoit
dû compter.
M ais, avec le sieur Chopin il folioit un acquéreur
mieux instruit et moins confiant, qui ne souffrît pas la
moindre ambiguïté dans le contrat de vente. M agot et sa
femme ont opposé au sieur de Saint-Beauzille, que l’acte
du 6 ventôse an 9 ne rappelôit’ pas le contrat de mariage.
Ils ont soutenu qu’il avoit été dérogé à ce contrat par
un actè sous seing p r iv é , et prétendu que le sieur de
Saint-Beauzille devoit en souffrir l’exécution , quoiqu’il
n’en fut pas chargé par sa vente, quoique cet acte ne
lut pas p u b lic, quoique même' il n’eût pas de date cer
taine , ni d’existence re c o n n u e , puisqu’il n’est pas enre
gistré , et qu’on n’a jamais oèé le produire.
Porteur d’un titre authentique, lors duquel il avoit
traité avec bonne fo i, le sieur de Saint-Beauzille, voyant
s’élever une difficulté sur chaque clause du contrat, se
voyant trompé sur tous les poin ts, prit encore avec
peine, après beaucoup de délais et de tentatives, le parti
de réclamer en justice l’exécution pleine et entière de son
contrat, que le sieur Chopin lui contestoit avec une mau
vaise foi sans exemple. Il le fit citer en conciliation , le
20 brumaire an 12. 11 est nécessaire de tracer sommai
rement les diverses demandes qu’il annonça vouloir for
mer. Elles teiidoicnt ,
-
�Ç 1.5 )
t
A être mis en possession de tous les biens rqui composoiçht-Ja tç rre ^ e Ç ham pfollet.aujnornent de la vente,
notamment des trois locateries d e'M prel,. la G uillaum ie
et P^fay^. q fjf, y riü.j n . ' y - . j rt;,qm! , .
o.x.
, Siibsidiairepiient; ,o4 obtenir les biens nationaux qui
étoient rattachés aux domaines, locateries et réserve, au
moment dé la vente, et qui n’en avoient pas été exceptés;
- 2?, A ’etre ¡indemnisé id& rénoym e déficit existant dans
les contenances j‘ qualités et produits donnés aux biens
vendus, soit par le contrat d’union , soit par le s rlettres
du sieür Chopin y notamment eU ce que le bois de haute
futaie dontié p ou r vingt arpens n’en a-réellem ent que
quatre;
: m ...
3°. A la restitution en nature* ou à; dire d’experts', des
bestiaux dfc la .réservé, expressément vendus, et enlevés
par le'sieur Chopinidàns l’intei’valle de la vente sous seing
privé à l’acte authentique ;
• 4 ° .-A l’indem nité-résultante de coupes d’arbres faites
par le sieur'Chopin depuis le contrat d’union qui le lu i
a Voit positivem ent iü terd it;
5 °. A la. remise de-tous les tittes relatifs à la terre de
Champfollet , circb n std u ces et dépendances d,’’¿celle ,
sinon à être autorisé à les rechercher * et à en retirer
expédition aux frais du sieuriChopin ; '
,.-;i 3a(;;
6 °. A être tais en possession de la1locaterie de la C roixR ouge: Jfi: v [rnoo r Mj-inr r \
=
j : . y . ni,
L e tout avec' restitution.de jouissances, intérêts, etc.
En même temps1le sieur’ de Saint'-Beauzille ;fit. citer
M agot et su fem ine'suï ses conclusions .fendantes à i'àive
�( 16 )
déclarer bon et valable le congé du 22 tîiè'viriidor an r9,
à ce qu’ils fussent tenus en coiiséqudnéé Jd c ;vider les
lieux , réstituer les'jouissances , etci ^o'ii sub 3i:'L e sieur Cliopin comparut au bureau de paix-.ptar’ uh»
fondé de pou voir, qui refusa de se ¿oriWliër;,'fbl 'offrit en
même temps une liasse dé papiers) qu’il pré'tëàdit'icori-'
tenir tous les titres de propriété: d'è la'terre dé Ghâmpfollet.1 Mais comme il'èxigc&:dti>sieiir-’clri'Skinf-Bèauiüle
de les recevoii ,’ sans lui permettre'd’y jeter les yeux, lé
sieur de Saint-Béauzille déjà trop'pilni’de. son excessive
confiance, retusa cette offre , et déclara ne vpulair donner
quittance que de ce qu’il recevroit. L e fondé de pouvoir
retira la liasse, disant que sa procuration ne l’autorisoit
pas à permettre1cet examen.'
-.' .’iiîao ^ ! .1 . ;;
L e sieur de Saint-Beauzille fut donc forcé db recourir
à la justice. Il fit assigner le sieur Chopin dèvant le tri
b unal de Gannat, aux fins de la citation en conciliation.
I l fit en m êm e tem ps assigner M ag ot et'sa femme SUT
lés conélusiôns annoncées au bureau, de p a ix , sous-ses
offres de leur remettre l’usufruit de la locaterie de la
Croix-Rüuge après le décès du sieur Chopin,
.
L e 23 août 1806, le tribunal de Gannat a prononcé
sur toutes ces demandes par un jugement contradictoire,
dont les dispositions sont nécessaires, à ’rappeler.
L e sieur Chopin est d’abord condamné ¿'livrer nu. sieur
de S a i n t - B e a u z i l l e toutes les parties composant la terre
do Champfollet, notamment les trois locateries de M ol’el,
la Guillaumie et P a ra y , et à. en restituer les jouissances.
Le-sieur de Saint-Beauzille est déclaré non recevable
dans
�( *7 )
dans ses demandes relatives aux bestiaux de la réserve,
et aux bois enlevés par le sieur Chopin.
J ' Il est enfin donné acte dés offres faites par Chopin , des
titres qu’il avoit eu son pouvoir. lie sieur de St.-Béauzillè
est condamné à les recevoir, sous la réserve cependant
de tous ses droits, dans le cas où il'découvriroit qu’il en
a été retenu d’autres par le sieur'Chopin.
1
-Chopin est condamné au x’ trois quarts des dépens;
l’autre quart compensé.
■
Quant à Magot et sa femme, le jugement déclare bon
et valable le congé du 22 thermidor an 9 ; ordonne qu’ils
videront les lieux et restitueront les jouissances' qu’ils ont
indûment perçues depuis cette époque.
Les premiers juges ont donné pour motifs de cette
décision ,
Qu’il n’y a pas corrélation entre le traité d’union et
la vente ; r'
!'
J ’
Que le sieur Chopin pouvoit vendre la totalité de ses
biens patrimoniaux, ne fussent-ils pas tous compris dans
l’état de son actif donné à ses créanciers ;
■
Que la vente comprend la terre de Cliam pfollet, cir
constances et dépendances \ moins quelques objets ré
servés j
v
•
Que la réserve expresse ne permet pas d’en supposer
une tacite, surtout lorsqu’à hi suite'de la désignation le
vendeur transmet à l’acquéreur, en termes génériques,
tonies les circonstances et dépendances de la terre ;
Q u 'il est avoué èt reconnu entre les parties 'que les
trois locateries dites M o r el, la Cruillawnie et Paroÿ',
G
�( xp )
j/ iîsoh iit -partie des dépendances de la terre de Champfo lle t , avant le 6 ven tôse an 9 ; ,
Que le vendeur esf tenii de s’expliquer clairement, et
que le doute s’interprète contre lu i;
>
Que le sieur de Saint-Beauzille n’a pas le droit 4 e' s?
plaindre des infractions, faites au traité d’union;
Qu’il n’établit pas’ que, son•vendeur retienne cl’autres
papiers que ceux qu’il a offerts ;
Qu’il n’établit pas non plus sa demande relative aux
bestiaux et bois prétendus enlevés;
Qu’enfin, par l’acte de ventp, Chopin n’a pas réservé
à Magot et sa femme d’autre jouissance que ce>lle portée
par leur contrat de mariage.
, Si ce jugement faisait tort à quelqu’u n , c’étpit. sans
doute au sieur de Saint-Beauzille, puisqu’il refusoit de
lui adjuger des demandes fondées tout à la fois sur un
d ro it bien établi, et sur la m auvaise foi cte son rvondeur.
Il ¿toit inconccvaljlex en cllc t, que la cleniande relative
aux bestiaux de la réserve 11c fut pas reconnue établie,
lorsque ces bestiaux, expressément vendus, avoient été
enlevés depuis la vente par le sieur Chopin.
11 étoit bien étrange encore que dans une vente dont
le prix avoit été uniquement fixé sur un état des revenus
et de la valeur des biens, fourni par le vendeur, il eût
pu impunément les exagérer d’un tiers, et tromper à ce
point un acquéreur crédule et de bonne foi.
Cependant le sieur de St.-Beauzille ayant acquis 6000 fr.
de rente pour 12 qu’on lui avoit a n n o n c é s , 1111 bois de
quatre arpens pour v in g t, une terre de trente boisselées
�( T9 )
pour cinquante ; le sieur de Saint-Beauzille, abusé sur tous
les points , acquéreur au cher denier, a respecté la déci
sion des premiers juges; ert le sieür Cliopin , trop confiant
sans doute sur le succès de son adroite rédaction , a jugé
à propos de porter sur un; plus' grand théâtre une pré
tention de mauvaise foi , ’ condamnée par la justice et
réprouvée par toutes les lois : il a-interjeté appel en la
cour; M agot ét sà femme l’ont^intîté.7 ••••'•
Déjà le sieur de Saint-Beauzille a obtenu un arrêt par
défaut cfui prononcé le bien-jugé- contre tous;'les nppelans
y ont formé opposition. T e l est l’état de la causé.
û w'
A lebien prendre, ‘il rié; se pŸeséntè qu’ùnè seule ques
tion de fait. Que comporte là venté'foite^ü. sieur de SaintBeauzille? Est-elle dë^touté 'W ie ïr è dé Gham pfollet, oubien est-elle restreinte à quelquesr objéts ’ partièuliërs,'*
spécialement! et exclusivement Vendus? V ôilà toute la
question; E lle doit donc pririëipalëiherit'se décider par les’
circonstances du*'fait.
‘7"‘
C’est souè ce rapport qu’il faut l ’erivisagér et qu’on va
là d isc u te ra i l’intim é se pi’é vaut énsuite de quelques auto
rités'en point de d tô it, ce sera uniquem ent priu'r déter
m iner comment, dans ccrtainscàs, il iau tap pren d re à juger'
d ü 'f a it, et quelles sont’ les" règles'partieiilièi-és' qui s’y ;
appliquent'dans le contrat de vente.
'
. •\
>
C’est d’abord1u n ‘point1 cô ristantyét -slir lequel il fa u t1
sè fixer avant t'oüt, q u e'les troiV locateries1qui* Sont le
principal- objet de la contestatibn faisbierit-' p&rtie’U/k' /¿z'5
t'ehre de Chtünpfolkt' aü 'imohâéiit'-ilê la*-VëiitfeViÎ*« j ’n g#''
C 3
�ment nous apprend que c’est un fait a vou é et reconn u
en tre les .parties. .•
i
1 Voyons maintenant ce que le-sieur Chopin a vendu;
isolons pour un instant le contrat, de vente de toutes les
circonstances qui l’ont précédé et préparé.
L e sieur C hopin ven d LA TERRE DE CHAMPFOLLET,
consistante, etc...............ainsi que le t o u t se limite et
com porte........... et sans en rien e x cep te r , r é s e r v e r , ni
r ete n ir ............. ensemble les droits, de quelque natui'e
qu'ils soien t sans en excepter., a u c u n , dépendans de
LADITE TERRE DE CHAMPFOLLET.
Il promet remettre à son acquéreur tous les titres
concernant la propriété et droits de ladite terre. 1
Il se réserve quelques objets spécialement désignés, et
ajoute que'la yente est'consentie 3sous les clauses et ré
serves ci-d essu s stipulées.
![•; '
:\r.E nfin, il se dém et, au profit de l’acquéreur, de la pro
priété , possession et jouissance, f r u i t s , p ro fits et é/nolu/nens DE LA SUSDITE TERRE DE CHAMPFOLLET,,
CIRCONSTANCES ET DEPENDANCES D’iCELLE.
_ Conçoit-on des termes plus généraux, moins rqstrictifs?f
L e sieur Chopin n’a-t-il pas vendu tgute -sa terre de
Cham pfollet, sous la réserve de sa ra,aison,dcs CluVçlans,
et ses accessoires? N ’a-t-il pas yendu cette terre avec scs;
circon sta n ces et d ép en d a n ces? N ’e n t a - t - il pas fait ( la .
tradition pleine cl entière à son acquéreur?
J ’ai vendu, dit—i l t r o i s domaines et sept locateries ;.
ces objets sont spécialement désignés dans l’acte. Je n’ai
vendu ni pu vendre trois locateries de plus sans eu avoir
i
�( 21 )
parlé. On ne vend point par induction ; tout ce qui n’est
pas spécialement vendu est censé réservé : voilà la base,
de sa défense.
; Quelle méprisable argutie! lie sieur Chopin a-t-il ose
la faire avec quelque confiance ?
Les trois domaines, les sept locateries, ne sont pas
l’objet direct et immédiat de la vente. Cet objet direct,
celui auquel le sieur de Saint-Beauzille s’est attaché, sur
lequel il a dû com pter, c’est la terre de Champjvllet..,.
sans aucune exception n i réserve..... avec ses c ir c o n s
tan ces et dépendances.
Cela est si v r a i, il est tellement impossible que cette
énuniération de troistdomaines et sept locateries soit 'li
mitative qu’elle ne donne aucune désignation des con
tenances, qu’elle n’apprend rien à l’acquéreur sur l’éten
due et^la, valeur'des objets vendus. Si donc o n p o u v o it
penser que la vente est restreinte, il faudroit aller jusqu’à
dire que le sieur de Saint-Beauzille, par la plus grossière!
inadvertance', se séroit exposé,à avoir autant de procès,
et à sc cliargerid’autc-int de p reuves directes que son c o n tr a t.
ne lui auroitpas fournies,’ qu’il auroit plu à son vendeur
de lui contester d’objets particuliers, én les soutenant
attachés attelle loçaterie plutôt qu’à telle autre; com me,
enleflet, il est v-rajj que' dans;les'locâteries prétendues ré
servées, et que le sieur Chopin ,possède, il se cultive 3
aujourd’hui deux pièces de rterre considérables, dépen
dantes des domaines et locateries dont la vente n’est pas
contestée.
, .
v
Il est donc ¿évident que le sieui; de Saint-Beauzille a voit
�£2 2 )
eu une autre base de calcul : il n’avoit vu la terre quepour
connoître sa position et son état. Quant à l’étendue et à
la v a le u r, il s’étoit appuyé sur les prod uits; et puisqu’il
n’y avait, point de baux de ferm e , il n’avoit pu connoître
ces produits que par des états que le sieur Chopin lui
avoit effectivement foui’nis.
Il étoit donc indifférent au sieur de Saint - Beauzille
qui achetoit la terre de C ham pfaüet , et qui en lixoit le
p rix sur les p roduits, qlie cette terre fût. divisée en sept,,
en dix ou en vingt.locatei’ies ; il achetoit la chose, et
s’inquiétoit peu du mode d’exp loitation , du nom bre de
locateries, de la quantité de terrain attaché à chacune..
- Il est donc clan’ comme le jour que le sieur de-Saint-*
Beauzille^ ai entendu tout acheter, eti que le sieur. Chôpiin
lui: a'persuadé, qu’il lui vend oit tout, 'n
. . ’/ion
P o u rq u o i, sans-cela, vendre là terre de' Chamjrfùllbt'let ne pas. vendre seulement trois domaines, et sept loca
teries?
■
’ . ..
ü :.! ri v , -i'iOÎ;* '-î t -p
r P ourquoi vendrai tous les'droits y dei quelque naturel
q n ils s o ie n t, dépendons d e'la ;'terre ?"Gomment ne pas'
réserver ceux qui pouvoiento plus' particulièrem enti dé
pendre des trois locateries contestées-?
•
■>'> i f ■
Pourquoi, s’engager à' rem ettre tous les] titrés 'cancer-*
nant la p rop riété et d r o ite d e'la t e r r e , si. line ’pai’tie'de'
cette terre n?étoit pas ven d u e?
-1
-> <*••'
P ourquoi enfin term iner lh vente por^ces! expressions
générales' et universelles : Se' dém et de-la:- p r o p riétés. Vi'b
fru its , profits et érnolumens DE l a s u s d i t e -'TEHR'E >
DE' CHAMrFOLLET, CIRCONSTANCES'El1 DÉPHN-ÙA^C^S
�( 23 )
D’iCEiLE ? Il n’est question, dans cette dernière partie,
ni de domaines, ni de locateries.
Il résulte donc évidemment du contrat de vente, à s’en
tenir même à ces premiers termes, que le sieur de SaintBeauzille a entendu et dû entendre acheter toute la terre
de Champjbïïet j
Qu’on lui a vendu en effet la terre de Ghampfollet,
telle qu’elle étoit composée au moment de la vente, avec
ses circonstances et dépendances ;
Que la désignation du nombre des domaines et loca
teries, de la division actuelle de la terre ^ n’est d’aucune
conséquence dans la cause.
M ais, quelque conséquence qu’on pût en tirer en thèse
générale, elle seroit anéantie par la réserve qui la suit
immédiatement.
On voit en effet avec quel soin, 011 peut dire avec
quelle-scrupuleuse minutie le sieur Chopin détaille les
objets qu’il entend se réserver, comment il en énonce
la contenue exacte, et tous les confins , tenans et abou
tissons.
L e sieur Chopin sentit en première instance de quelle
force étoit contre lui cette réserve; il s’empressa d’avancer
que les objets réservés faisoient partie des domaines et
locateries vendus. Mais il est démontré dans la cause
qu’il avoit recours à un mensonge plus que hardi, pour
faire réussir sa petite finesse.
N ’est-ce pas après avoir vendu la terre de Champfollet
qu’il se fait cette réserve ?
,
Conçoit-on d’ailleurs que la maison des Châtelang, alors
�habitée par son p ère, le jardin et l’enclos qui la joignent,
fissent partie d’un domaine ou d’une locaterie?
Peut-on penser d ès-lors que cette réserve s’applique
à autre chose qu'à la terre de Champjbïïet, vendue en
masse par les expiassions les plus générales et les plus
illimitées ?
• Peut-on tirer d’autre conséquence de ces termes : Je
me ré se rv e .,. . et f i n a l e m e n t le taillis du Buurret,
situé COMMUNE DE LoRIGES , si ce n’est que c’est le
dernier et fin a l objet qu’il entend se réserver sur la terre
de Champfollet ?
Enfin, qu’on remarque bien que le sieur Chopin vend
une terre située dans les communes de P a ra y et de
L o n z a t , et que cependant il se croit si bien obligé d’in
diquer spécialement tout ce qu’il se réserve sur ses biens
p a trim on ia u x, qu’il y désigne ce bois taillis qui ne
p o u v o it faire partie de la vente, puisqu’il est situé com
mune de JLoriges.
Comment alors oser prétendre qu’on n’a pas cru né
cessaire de se réserver trois locateries considérables,situées
précisément dans les communes de P a ra y et de L o n z a t?
C o m m e n t oser soutenir qu’elles ne sont pas comprises
dans les termes universels de la venté ?
Comment enfin se prévaloir de ce qu’il n’a pas pu
vendre trois locateries, parce qu’elles ne sont pas dési
gnées , lorsqu’on est bien plus fondé à lui dire , après sa
réserve de quelques objets , que tout ce qui dépendoit de
la te rre , et qui n’est pas réservé , est nécessairement
yendu ?
*
C’en
�( 25 )
C ’en seroit assez sans doute pour pulvériser tous les
moyens du sieur Chopin. Mais veut-on apprendre à juger
du fait et ¡de l’étendue de la vente par les principes du
dro it? Veut-on jeter encore un regard sur la méprisable
objection de Chopin ,r qu’il n’y a] pas de vente par in
duction , que des expressions de son -;contrat on -'ne peut
faire résulter la vente de dix: docateries, quand il n’en
désigné que sept? Il est'facile> de le<satisfaire.J n
'Les principes .'généraux sur les conventions! ont été de
tous les temps, que le juge devoit moins s’attacher'»aux
expressions de l’acte qu’à l’intention des parties, potiùs
voluntatem qiumi verba spectari.
■
'■
>1
. :
v C’est cè que. nous, dit la loi ; c’est cei-que noiis répè
tent tous les auteurs, particulièremènt\D a n to in e, dans
son excellent Traité sur le titre, £F. D e reg. ju r ., L . 96.
« Il faut moins s’attacher aux termes qu’à l’intention ,
« qui est Vessentiel du contrat. »
C ’est enfin ce que nous dit le Code Napoléon dans son
article 1 156 , qui n’est qu’un résumé des anciens principe?.
O n d o it, dans les c o n ven tio n s, rcch crclier q uelle a
« été la commune intention des parties contractantes,
« plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. »
O r , on a vu que l’intention du sieur de St.-Beauzille
avoit été nécessairement d’acheter, non trois domaines
et sept locateries, mais bien la terre de Champjxtllet toute
entière-,
'"
»»
Que l’ intention du sieur Chopin avoit été de la vendre
telle qu’elle étoit, et bien certainement au moins de per
suader à son acquéreur, par les pl\is minutieuses précau
tions, q u ’il eutendoit la lui vendre ainsi.
..
D
�^
( ¿6 )
; Si donc On pouvoit trou ver un sens restrictif dan?'les
.ternle$ dp l’acte , tout généraux .qù’ils'sont, il ne faudroit
p a s/ y a rrê te r, .’mais s’qn tenir- k. riitteutiôii -/qui est res
sentie! du cOntrat, e tq u i n’eshpgs-dpùteusQi . . ' . i
_ Si de ces principes généraux on. passe à ceux qui sont
particuliers au contvat de venté , le sieur Chopin y trou*
,yera fa condamnation •gcJritê [en des termeslbien plus forts.
11 n’est'pns bçsoijl dé. rappeler;ici que le vendeur est
obligé ;de,Uvrcr la .chosejVendue, et toutes les parties tyui
en dépendent ,.;à' moins, de réseÿvc! expresse , ni même
d’énoncer ces maximes'générales que tout le monde connoît ; il suiïit de dire que toute clause.-obscurci. Ou am.bigUë sünteFpijètç contre lé-Vendeur.J//emditQri.HOcet:i in
icvjusjwtestate\ fuit, legeïïi, apertiàs coiucribàrc. L . 39,
fi'. D e pactisa , x , v. .’I ^'y:’’ . '
' ' ■!' ’
Une disposition plus précise enéorc, et qui s’adapte par
ticulièrement ii l’espèce,, est celle de la loi 43, 11. D e
co n tra fi. er/tpl.
D olum malum ci se abesse prœsldré venditor débet,
qui non tantum in eo est
FALLÈNDI CAUSA obscure
Joquititr, sedetiam qui INSIDIOSÈ , obscure DISSIMULAT.
« L e vendeur, dit Doinat, est obligé d’expliquer clat~
« rement et nettement quelle est la chose vendue, en
« quoi ellç consistey ses qualités, ses défauts, et tout ce
« qui peut donner lieu à quelque cri'vitr ou malen« tendu; et s’il y a dans son expression de l’ambiguité,
« de l’obscurité, ou qiielqu’autré vice, l’interprétation
u s’en fait contre lui. »
E nfin, le Code Napoléon, article 1602, résumant les
principes, veut) j
�C' *7 X - §
Q ue' 1er vendeur soit tenu d’expliquèr clairement ce à
quoi il s’oblige;
.
ícsíUs?. soluot
-jQ u c tout pacte'obscur ou ambigu.(ç’intérprèfe contre
lui.,
(
ÜCI
i rrí'¿:J
Si le sieur Chopin veut s’opiniâtrer à préténdre que
sálvente ne comprend que’ trois dónrtaines et sept locateries,,quoiqu’il ait vendu- la terre de1) Champfollet en
corps, in globo , il faudra bien au moias'qu’il convienne
qu’enlemploÿant d’abord ces expiassions générales et üniversellés , la terre- dé 'Champfollet. . .’. . /sans ten :rièiù
excepter, etc. ; qû’en répétant à la fin de Pacte., la terre
de Cham pfollet, circonstances.et dépendances d’icelle,
il : a bien, volontairement donnée lieu ià erreur et mal
entendu j que bien loin de s'exprimer’.clairement et net
tement sur.la consistance de la terre; il a employé des'
réticences, et fait usage d’une finesse condamnable.'
-•'11 faudra bien qu’il s’applique-'le dohtm m alum résul
tant. de la -double .expression deMla" lo i 7 qui fa llen d i
causâiobsçU rè loquitur. :\!. . .'..qui. insidiosè dissim u
lâ t; car il a -fuit l’un et l’auti-ci. Il est évident que, dans
ce systèm en o n -seu lem en t il n’a parlé ni c la ir e m e n t ,
n i n e ttem en t , niais qu’il l’a fait sciemment, fa llen d i
Gaüsû.^\'.\ i in sid iosè— : qu’en un m ot,, cómme! Je
dit G odefro.yisur cette lo i, fa lsiu n v.com m ittit; d’où ilfrtut infórei? sans cdritredit'que sonvacqiiéreur né peut Être
la> dupe d’une tournure insidieuse', destinée à trom per ton
excessive cófííiánée; que Chopin, au co n t nt ¡ re ,•e m burra s'sé :
dans ses’ -prouves filets,'•n ç ¿tn&rit á
'l’inâïgftat
la sévérité de la justice, et doit sou¿íVii‘ ’qltf<iJn¡interprétai
i<
coutícolüi»eses üi’tiiiciedses!’caprbssiow si;-!i^ b;:vJaj
D 2
�( s8- )
' Voilà ce qui résulté du contrat de vente, en l’isolant
même de toutes autres circonstances.
'<ro'-: >
;
l Mais si on lé rapproche de toutes celles qui l’ont pré
cédé, combien ne démontrent-elles pas toute la mauvaise
foi que'Chopin met aujourd’hui dans sa défense? I iOn voit en effet bien clairement dans ses lettres' ce
qu’il entendoit verîdre, et ce' que le sieur de St.-Beauzille
entendoit acheter^ c ■. .
;i r, if
!
• .
- On voit] qu’il s’agissoit des. biens p a trim o n ia u x ’de
Chopin , -de la .terre .de' C ham pfollet, qui en faisoit la
totalité; car il écrivoit': ' x . • . n
« Cette terre produit, v . . . . .
.E u . 17 8 1, elle\ étoit
« affermée 8000 francs, et 2000 fr. de réserves. rDepuisy
« j’y ai annexé uiVidomaine' en lions fonds ,' etc.';
« Vous voyez que cela fait une superbe terre;.»1 V>v.«\ ">
Il ajoutoit dans une autre lettre : . ‘ "
■
V ;.
« J ’ai trouvé 7600-fr. de ferme de m es bienswpatrice m o n ia u x , i5ooo francs d’a v a n c e, ct une x-éserve de
« i 5oo francs, etc. . ... ..ajoutez ce que doit gagner un,
« ferm ier; c’estiun objét d’une'douzaine de-mille irçmcs,
« POUR SIX MILLE LIVRES Qü’lL EN COUTEROIT A,
« M . de S a i n t -B e a u z i l l é . 3)
, .
,
>11 vouloit donc vendre cette, terre , q u i, en 17.8.1, étoit
affermée-I.oooo francs., et le domaine qu’il* y avoit an-,
nexé ; ses biens,patrim oniaux , dontiil trouvoit 12000 fr.
de ferme ; une superbe terre toute d'une p ièce ; et copen-,
dant la locaterie de la Guillaumie , prétendue réservée,
y est enclavée de trois côtés, et sépare les autres pro-j
priétés de cette; terre. -
11 entendoit yendre enJûu cette terre telle qu’elle étoit
�( *9 )
au moment de la vente, moins les objets expressément
réservés ; et cela est tellement certain , qu’on voit dans
cette même correspondance que le sieur de St.-Beauzille
disputoit sur la réserve de la maison des Châtelans, et que
Chopin lui écrivoit : S i vous tenez à cette réserve, ne
songez plus a C h a m p f o l l e t ; que dans la même lettre
il lui demandoit deux septerées de terre de plus que ses
créanciers ne lui en avoient accordé, et lui offrôit de les
payer à dire d'experts.
Quelles expressions! quelles circonstances! Et lorsqu’on
v o it, immédiatement après ces prélim inaires, une vente
en termes universels de la terre de Cham pfollet. . . . sans
en rien excepter , si ce n’est la maison des Châtelans, etc....
delà terre de Cham pfollet, circonstances et dépendances
iïic e lle , qui pourra douter un instant que la vente necomprenne nominativement toute la terre de Champ
follet , moins les objets réservés ?
Qu’on observe enfin que nulle part, dans cette corres
pondance, il n’est question du nombre et d e 'l’étendue
des domaines et des locateries qui com posent la terre ;
qu’il ne s’est a g i , dans tous les pourparlers et les écrits ,
que de la terre en masse, in globo, sans désignation d’au
cune de scs parties, et sans autre base que son produit
ïé e l, pour la connoissance de sa valeur et la fixation du
prix. O r , le sieur Chopin lui-même avoit donné l’état de
ses produits ; et l’on a vu que ce n’étoit pas l’état des pro
duits de trois domaines et sept locateries, mais celui des
revenus de toute la terre, et que c’est sur ces états que
le prix a été fixé et la vente consentie. . n?-:-;
f
�( 3° )
L e sieur Chopin veut-il un argument de plus ? O n
peut encore le lui fournir parmi bien d’autres.
Si l’acquéreur avoit eu le soin de consulter le, traité
d’union, il y aurait vu que Chopin avoit donné l’état
intégral de tous ses biens patrimoniaux.
O r , su ivan t cet é ta t, ils consistent u n iq u e m e n t dans la
te rre de C h a m p fo lle t.
E t la terre de Chatnpfollet elle-même y est indiquée
comme divisée en réserve, trois domaines et sept locateries.
O r , tout le monde sait que le sieur Chopin , en a te r
moyant avec ses créanciers, et obtenant d’eux une.remise
d’un tiers, devoit leur donner l’état de son actif sans
aucune réticence, à peine d’être déclaré banqueroutier
frauduleux.
' ■ :
Et comme il.n’appartenoit pas au sieur de St.-Beauzille
de mal penser du sieur.Chopin avant de le çonnoître, il
a dû c ro ire que ces trois dom aines et sept localeries com posoient toute la tqrrc, rapportojent à- elles,seules les
les 12000 fr. que le sieur Chopin assurait en être le re
venu ; que par conséquent elles étoient beaucoup plus
considérables qu’elles ne le sont réellement.
Celte circonstance a donc pu fortifier le sieur de. Sain tBeau/.ille dans l’idée qu’on lui donnoit une désignation
exacte; et en joignant cette idée u l’inutilité dont étoit pour,
lui cette désignation, puisqu’il achetoit tout , on conçoit
qu’il n’a dû, ni y apporter le moindre obstacle, ni même,
y faire la plus, petite attention.'
:
Que le sieur Chopin ne dise donc pas, coirune il Taifait.
�( 3i )
clans ses défenses, qu’il avoit donné à ses créanciers un
état intégral de ses biens patrimoniaux, mais qu’il n’en
'a Vendu qu’une partie ; car on peut lui faire ici un di
lemme dont il ne se tirera jamais.
Ou l’état annéxé au contrat d’union est intégral et
sans réticence, ou il ne l’est pas.
<
■ S’il est entier-, comme le dit le sieur C hopin, parce
qu’on y 'a compris la- terre de Champfollet, quoiqu’en
suite on n’y rappelle que trois'domaines et sept loeateries,
il faüt appliquer le même raisonnement à l’acte de vente;
car il est conçu comme le traité d’union; il contient les
mêmes énonciations. La vente est donc dans ce cas,
d’après Chopin lui-mème, de toute la terre de Champfo llet, sans restriction.
' ' rSi au contraire l’état n’est pas intégral\ il y a réticence;
le sieur Chopin a dès-lors trompé tout à la fois scs créan
ciers et son acquéreur; c’est alors mieux que jamais qu’il
faut dire de lui fa llen d i causa obscure loquitnr, et'iarn
insidiosè dissimulât ; c’est alors qu’il faut s’écrier dolum
<inaluni, Jiilsum coim niltit, et le condamner avec la loi
à supporter la peine de sa mauvaise foi.
Qu’il choisisse entre ces deux partis! Il ne peut faire
que ce ne soit une chose ou l ’autre. '*
- Il est donc plus clair que le jour que le tribunal de
Gannat a bien ju gé, en décidant que les trois loeateries
contestées faisoient partie de la vente.
Cela est en effet bien é ta b li,
Par la contexture et les expressions de l’acte;
Par l’intention bien connue des parties;
Par la correspondance du sieur Chopin ;
�C 3Î J
Enfin , par toutes les circonstances qui ont précédé et
préparé la vente.
Mais à défaut de ces conclusions principales, le sieur de
Saint-Beauzille en avoit pris de subsidiaires; il avoit dit
au sieur Chopin :
;
Lorsque j’ai ach eté, vos biens nationaux étoient con
fondus dans vos domaines et locateries,; ils étoient jouis
et cultivés par les memes individus. O r , si vous voulez
qu’on s’en rapporte à la lettre du contrat, même dans
votre sens; si vous soutenez toujours que le contrat d’u
nion et la vente n’ont entr’eux aucune espèce de rapport,
ces biens nationaux sont à m oi, car ils font partie des
trois domaines et sept locateries vendus, Tet ils tie sont
pas réservés.
C’est encore un dilemme auquel le sieur Chopin n’a
jamais pu répondre ; les conclusions subsidiaires étoient
incontestables; et la seule chose qui doive étonner, c’est
*que le sieur de S a in t-B e a u z ille les nil subordonnées à
l’admission de la demande relative aux trois- locateries ;
car elles eussent été bien fondées comme conclusions
principales.
Il
est donc d’autant plus inutile de s’appesantir sur cet
objet si clair par lui-m êm e, que l’admission des con
clusions principales ne sauroit éprouver la moindre dif
ficulté , respectivement au sieur Chopin.
Quant à Magot et sa femme , 011 voit combien est
simple la difficulté qu’ils élèvent. Leur contrat de mariage
de l’an 2, leur assuroit la jouissance, leur vie durant,
de la locateriede la Croix-llouge. Mais cet usufruit 11c
devoit commencer qu’après le décès du sieur Chopin.
Lo
�( 33 )
L e contrat d’union parle de cette jouissance, et la rap
porte au contrat de mariage du 3 floréal an 2.
La vente faite ensuite, et en exécution de ce tra ité,
réserve cette jouissance pour Magot et sa fem m e, sans
autre explication.
Cette réserve ne peut se référer qu’au contrat de ma
riage , au seul acte qui l’accordoit à Magot et à sa femme.
Cela est si évid en t, môme aux yeux des appelans,
qu’ils se sont crus obligés de mettre en avant un acte
sous seing p riv é , qui n’exista jamais, et de prétendre
qu’an térieu rem en t à la vente du 6 ventôse an 9 , il avoit
été dérogé au contrat de mariage, et la jouissance accordée
à M agot dès l’instant même.
Ce n’est là qu’un de ces tours d’adresse dont fourmille
le sieur Chopin. L ’acquéreur n’a connu ni pu connoître
que le contrat du 3 floréal an 2 , le seul acte public qui
parle de cette jouissance, et sur lequel elle est appuyée
dans le contrat d’union : tout autre acte lui est étranger:
O. 5
êt il est plus que ridicule de prétendre qu’il soit obligé
d’exécuter un acte sous seing privé, non enregistré, qui
n’a conséquemmant pas d’existence légale, qui vraisen.blablement n’en a d’aucune espèce ; car on n’a jamais osé
le faire pdroître.
S’il en étoit autrem ent, un tiers acquéreur pourroit
toujours être trom pé; et c’est' pour cela que l’art. 1328
du Code civil ne donne à l’acte sotts seing privé de date,
vis-à-vis les tiers, que du jour de l’enregistrement.
On ne peut donc pas opposer au sieur de St.-Beauzille
celui qu’on suppose exister.
’
E
�(34 )
Il
faut donc entièrement se référer au contrat de ma
riage des Magot.
L e tribunal de Gannat a donc encore bien jugé en
celte partie.
Voilà toute la cause; il n’en fut jamais de m eilleure,
à moins que la mauvaise f oi , l’ambiguïté , les réticences
préméditées d’un vendeur ne lui soient désormais des
titres pour retenir une partie de la chose vendue, et se
faire payer la totalité d’un prix déjà exorbitant.
E h quoi ! le sieur Chopin n’est-il pas satisfait d’a v o ir
impunément vendu un bois de quatre arpens pour vin gt,
un champ de trente boisselées pour cinquante; d’avoir
fait porter le prix de sa terre à une somme excédant de
beaucoup sa valeur réelle, en fournissant des états de
produits exagérés de plus d’un tiers ; d’avoir persuadé à
son acquéreur qu’il y trouveroit d ix mille chars de b ois,
lo rsq u ’il n’y en a pas la dixième partie ; d’avoir vendu
les bestiaux de la r é s e r v e , et de les a v o ir enlevés en
suite? N ’est-il pas satisfait de voir une partie aussi essen
tielle de ses astucieuses combinaisons consacrée par le
jugement dont est appel, et le sieur de Saint-Beauzille ne
pas s’en plaindre ?
Que lui faut-il donc? plaider, disputer , faire agir tous
les ressorts , pour arracher encore à son acquéreur une
partie de la chose vendue ! J ’en aurai toujours pied ou
aile, dit-il en lui-meme. Lassons mon adversaire , à force
de procès tentés les uns sur les autres ; il a Voir dhm
honnête homme ’ il s’ennuyera de ces persécutions.
C’est sans doute une fort bonne logique de la part du
�( 35)
sieur C hopin, et déjà elle lui a amplement réussi. L e sieur
de Saint-Beauzille, trop confiant, trop peu exigean t,
trompé par les prévenances et l’air mielleux de son ven
deur aujourd’hui si cruellement désabusé, a fait le sacrifice
des plus légitimes prétentions , en n’interjetant pas appel
de son chef du jugement de Gannat. Mais il soutient avec
confiance le bien-jugé de la disposition principale; et il
croiro it faire injure à la cour de douter un seul instant
qu’elle ne repousse avec sévérité une prétention ménagée
avec artifice par de perfides combinaisons, et démontrée
de mauvaise foi par toutes les circonstances de la cause.
i
Signé L A B R U E D E S A IN T -B E A U Z IL L E .
M e. V I S S A C , avocat
M e, T A R D I F , avoué licencié.
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de la Cour d’appel. — Décem bre.1807.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Labrue, Jacques. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Tardif
Subject
The topic of the resource
créances
locaterie
domaines agricoles
assignats
ventes
fraudes
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour sieur Jacques Labrue de Saint-Beauzille, propriétaire au lieu de Champfollet, commune de Paray, intimé ; Contre sieur Antoine Chopin, docteur en médecine ; Jean Magot, et Antoinette Mansier, sa femme ; tous habitans du lieu des Châtelans, commune de Paray, appelans.
Table Godemel : Vente : 11. après un contrat entre ses créanciers contenant un état de son actif immobilier, le sieur Chopin ayant vendu, le 6 ventôse an 9, la terre de Champfollet consistant en une maison de maître, réserve, trois domaines et sept locatairies, en un seul tenant, sous la seule réserve d’une maison et de quelques objets soigneusement désignés et confinés, et tel que le tout avait été énoncé en l’état produit aux créanciers ; a-t-il pu ensuite soutenir que ladite terre de Champfollet contenant dix locatairies au lieu de sept, cette vente ne comprenait pas les trois locatairies de la Guillermie, de Moret et de Paray ? s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ? 12. si le contrat de vente a stipulé, en faveur d’un tiers, réserve de la jouissance de l’une des locatairies, l’acquéreur peut-il, contre la disposition précise et absolue de son titre, prétendre que, d’après un acte antérieur, la jouissance du tiers ne devait commencer qu’après le décès du vendeur ? Clause : - obscure. - s’il y a, dans le contrat de vente, des clauses obscures et ambiguës, contre qui, du vendeur ou de l’acquéreur, doivent-elles être interprétées ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
An 9-An 10
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1820
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1819
BCU_Factums_G1816
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53347/BCU_Factums_G1820.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paray-sous-Briailles (03204)
Jaligny-sur-Besbre (03132)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
assignats
Créances
domaines agricoles
fraudes
locaterie
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53436/BCU_Factums_G2207.pdf
f431818ad8632ea2a9815e201f4d51de
PDF Text
Text
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V
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TABLEAU GÉNÉALOGIQUE.
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Q
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Benoît
Bourgade
à
N .................
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^Tarmarli
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1
I
Hugues 1er.
à
Françoise
Bourganel.
Marin.
A eu neuf enfans,
tous décédés
tans postérité.
I
C laude 2e.
Pétron ille
à
Claude 4e.
g
Q
Q
I
Hugues 2e.
à
M aric-Françoise
Bonnabaud.
A n toin e i cr.
à
M arie
Decouzon.
Jacqueline
A
G ilb e rt.
L o u is Ie r .
à
M arguerite
Decouzon.
Intimée.
H ugues
M arie.
C laude
Jacqueline
à
A céd éàsei
à
A cédé à
C h è ze .
frères.
N . M alaleuge. C laude,
Appelant,
Appelant.
son frère.
M ich el.
Intimé.
Claude
à
Roche.
Appelant.
M aurice,
décédé sans
postérité.
A cédé à
M ichel,
H uçucs
a
Roche.
Appelant.
Antoine 2e.
Lo uise.
Jeanne.
O nt cédé leurs droits à Louis,
Antoinette
A
Louis
Bourgade.
Intimés.
Louis 2e.
à
Antoinette.
c
C lau d e, I e r. du nom.
C laude 4e.
G ilb e rt
Jeanne
à
â
à
Pétron ille. Jacqueline.
Claude 3e.
Héritiers institués par le contrat de
17 7 :.
Hugues 3e.
décédé sans
postérité.
Claude 5e.
curé
á Cusset.
t
i
Jeann e,
religieuse.
A n to in e,
génovéfin.
Marin.
G ilb e rt,
décédé sans
postérité.
M ario
A
Bonnet.
A cédé à
Claude 4e.
et A Jeanne,
veu ve de
C lau de 3®.
A ntoinette,
mineure.
^rm r^r.r.rrnnmnnrínr^nnrinmr^^nr^ririnrifirrír^mrrifiiiQrmrimririrririrrirr^pt
�\ "k
v -\
C*
c
T.
^ ---------
«anas
Marin.
A eu neuf enfans,
tous décédés
sans postérité.
Claude 2e.
A ntoine i cr.
à
M arie
D ecouzon.
C laude 3e.
Jean n e,
religieuse.
Mauriceilbert,
décédé saédé sans
postéritstérité.
A cédé i
M ich el.
I
M arie
à
Bonnet.
A cédé i
Claude 4e.
e tà Jeanne,
vcu vo de
Claudo 3*.
Ç
g
<3
K.
C
c
M arie.
Claude
Jacqueline.
Hugues
A cédé à
à
A céd éàses
à
C h è ze .
frères.
N . M alaleuge. C laude,
son frère.
Appelant,
Appelant.
Claude
A
Roche.
Appelant.
Hugues
a
Roche.
Appelant.
s
c
t
e
c
t:
ci
Ss
c
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MÉMOIRE
IMPÉRIALE
B O U R G A D E , et Louis d e r i o m .
B O U R G A D E , son mari; M a r g u e r i t e D E - ire C H A M B R E .
C O U Z O N , Veuve d’autre Louis B o u r g a d e , =
tant en son nom comme ayant acquis les
droits d’Antoine B o u r g a d e , que comme
tutrice de sa fille, tous habitant au lieu du
Buisson , commune de V o llo re -V ille , et
M i c h e l B O U R G A D E , prêtre , desservant
la succursale de Vollore-Ville , intimés;
C o n t r e H u g u e s B O U R G A D E -C H È Z E ,
habitant à Vollore , C l a u d e et H u g u e s
B O U R G A D E - R O C H E , et C l a u d e
B O U R G A D E - M A L A L E U G E , habitant
à la D ardie, commune de V o llo r e appe lans
P
our
A n to in ette
E n p r é s e n c e de C l a u d e B O U R G A D E ,
prêtre, curé de Cusset d’A n t o i n e B O U R - ,
G A D E , ex-génovéfin ; de J e a n n e B O U R G A D E veuve de Claude; et de M a r i n
B O U R G A D E , propriétaire tous habitant
la commune de Vollore.
L a coutume d’A uvergue protégeoit singulièrement
les contrats d'association universelle ; elle sembloit les
A
�considérer comme le lien des familles, le moyen le plus
sûr d’y conserver l’union et la concorde; elle les entouroit d’une aussi grande faveur que les institutions con
tractuelles, et un titre entier étoit consacré à en tracer
les règles et en déterminer les effets.
L ’esprit des habitans de ces contrées, qui avoit dicté
les précautions de la coutum e, sembloit encore ren
chérir sur ses dispositions. Les associations de ce genre
étoient très-fréquentes, et le plus souvent elles étoient
contractées pour les associés directs et leurs descendans.
Elles duroient pendant des siècles, toujours dans le même
esprit d’ union et de bonne intelligence ; elles étoient
régies par un mcmlrre de la famille, qui étoit le chef
de la société, qui étoit respecté de tous comme le père
com m un , dirigeoit tout au-dedans et au-dehors, marioit
les jeunes gens dans la famille m êm e; et en redoublant
les liens qui rapprochoient tous ses membres, y entretenoit l’innocence des mœurs et une constante harmonie.
Ces sortes d’associations étoient tellement en usage ,
q u ’ on ne connoissoit presque pas, dans les familles, d’as
sociations temporaires ; et quoique la coutume voulût
une stipulation expresse pour les faire continuer sur
la tête des descendans, la moindre expression sufïisoit
pour témoigner en ce sens l’intention des contractans.
Depuis long-temps l’usage en étoit devenu moins
général; on ne l’avoit guère conservé que dans la cam
pagne de T liie r s , ou il duroit encore au moment de la
révolution. O n se rappelle avec un religieux respect
une famille P in o n , qui vivoit ainsi depuis des siècles
dans toute l’innocence et la simplicité des patriarches-
�m
I/association dont il s’agit entre les Bourgade étoit
de ce genre, quoique beaucoup moins ancienne. Elle
fut contractée en 1748, par Hugues et Antoine Bour
gade frères : le défaut d’harmonie la fit cesser en 1784.
A p rès le décès des deux associés, un cohéritier en de
manda le partage; une sentence l ’ordonna, et il fut
fait, en 1785, par un acte sous seing privé. Plusieurs
actes approbatifs ont été consentis depuis.
Mais des tuteurs a voient été parties dans cette sen
tence ; ils le furent également dans le partage •, et quoi
que depuis cette époque chacun ait joui du lot qui lui
avoit été attribué, les représentans d’une branche, de
venus majeurs, et argumentant, pour la première fois,
en 1809^ de leur m inorité, ont demandé un nouveau
partage. Ils ont prétendu que l’association n’avoit été
contractée que pour la vie des deux associés, parce
que Hugues, leur auteur, avoit fait des acquisitions
assez considérables après la mort d’A n to in e , et que,
soit la sentence de 1784, soit le partage qui l’avoit
suivie, les avoient comprises dans les biens d e là société,
la considérant comme subsistante, malgré le décès d’un
des associés primitifs. P o u r mettre à l’écart les argumens
qui se tirent de la sentence, ils y ont formé opposition,
après vingt-quatre ans d’exécution volontaire.
C ’est ainsi que des jeunes gens, étrangers à ces an
ciennes habitudes, et élevés dans un siècle où tout est
dicté par l’esprit d’égoïsme et la v o ix de l’intérêt per
sonnel, ont substitué le trouble à cet esprit d’union et
de désintéressement qui nnimoit leurs aieux.
Héritiers de celui des deux associés qui avoit survécu
A 2
�à l’autre, ils ont cru pouvoir se faire attribuer exclusi
vement des immeubles achetés par lui seul, quoiqu’ ils
eussent été acquis des deniers communs. Ils ont oublié
que cette association consistoit moins peut-être dans
les propriétés personnelles des deux frères Bourgade,
que dans un commerce fort étendu, et des fermes de
dîmes et censives qui duroient encore lors du décès
d’A ntoin e; qu’à cette ép oqu e, les biens de la société
consistoient, en majeure partie, dans un mobilier con
sidérable, dans les bénéfices du commerce, les dettes,
billets et obligations des censitaires, et les recouvremens
de toute espèce; que tous les enfans d’Antoine étoient
mineurs; que Hugues survivant continua de tout g é r e r,
sans faire inventaire, ni prendre aucune précaution ;
qu’il ne fit pas même nommer un tuteur aux mineurs
de son frère; qu’enfin, s’il ne fut pas infidèle, il agit
comme un homme q u i, restant le chef d’une société
toujours existante, avoit d’autant moins de précautions
à prendre, que tout continuent d’appartenir à tous jus
q u ’au m o m e n t du partage.
A la faveur de celte obscurité, et au mépris des actes
les plus solennels et de la force morale qui étoit tout
à la fois le principe et le soutien de cette association,
ils ont cru pouvoir s’approprier exclusivement des biens,
qui étoient le patrimoine commun de la famille..
Celte prétention a été repoussée par le juge des lieux.
Il a considéré le but moral de cette antique et véné
rable institution, la bonne foi et la confiance réciproque
qui en étoient l’âme, la régularité et lu sagesse des actes
passés entre les parties. Il- eu a ordonné l ’exécution-
�(5)
Un appel téméraire a saisi la Cour de cette contesta
tion. Les détails qu’elle présente, le nombre des parties,
la diversité de leurs intérêts, la multiplicité des actes,
tout force à éclairer la justice par une analise-écrite de
la cause. Les intimés s’y proposent moins une discus
sion de d r o it, qu’ un récit des laits. Cela seul est néces
saire, et cela seul sufïit.
F A I T S .
L ’explication du tableau généalogique d evroit, ce
semble, précéder l’ordre des faits; cependant les diverses
parties de l’un et de l’autre ont une liaison si intime entr’elles, qu’il est impossible de les séparer, sans s’exposer
tout à la fois à plus de longueur et moins de clarté dans
le récit. On va tacher de les expliquer avec ordre, pour
en faciliter l’intelligence.
Benoît Bourgade eut trois enfans : M a r in , dont la pos
térité s’est étein te, et dont les biens ont resté dans la
famille; Claude, qui entra dans les ordres, et H ugues,
I e r . du n o m , auteur commun des parties. On remonte
jusqu’à Benoît, parce que Claude, frère de Hugues, dont
la portion n’a jamais été distraite de la masse des biens,
en a fait des dispositions particulières, dont on aura
bientôt occasion de parler.
Hugues, I e r . du n o m , épousa Françoise Bourganel ;
* il en eut quatre enfans : Claude 2e. , qui mourut dans le
célibat; A n to in e , Hugues 2e. , et Je anne , qui se fit re
ligieuse.
Par testament du 12 décembre 1 7 2 7 , Hugues I er. lé
�gua en préciput le quart de ses biens à Claude et A n
toine : celui-ci, et H ugues, son frè re , ont dans la suite
réuni la totalité des biens, par l’effet du prédécès sans
postérité de Jeanne et Claude 2e.
Antoine Bourgade épousa M arie Decouzon , le 25
janvier 1746. La seule chose de remarquable dans le
contrat, est une donation que lui fit Claude I er. , son
on cle, du quart de ses biens de patrim oine à lu i échus
p a r le décès de ses père et mère.
L e 18 juin 174 8 , Hugues 2e. épousa Marie-Françoise
Bonnabaud. Cet acte mérite une attention particulière.
Outre diverses dispositions, il contient le pacte d’asso
ciation qui donne lieu à la cause actuelle.
Claude I e r . y intervint pour donner au futur un quart
et demi de ses biens de patrimoine, sous réserve d’usufruit.
O n lit ensuite la clause suivante :
« A été aussi présent A ntoine Bourgade, frère du
« fu tu r, leq uel, de son bon gré et vo lo n té, aussi-bien
cc que ledit fu tu r, se sont associés, abutinés et accom« munautés en tous biens meubles et immeubles présens
« et à v e n ir, pour iceux être en commun et partagés
« par têtes et portions égales, y compris les dots de leurs
« femmes, avec pacte de succéder. E t sera ladite asso
it d a tio n am bulatoire des prem ier e t d ern ier, comme
« f r è r e s ju m ea u x. E t pour rendre l ’association égale
« entre les deux associes, ledit sieur Claude B o u rgad e,
« prêtre, a fait donation audit sieur. Antoine Bourgade
« du demi-quart de ses biens de patrimoine. »
Il faut s’arrêter un instant sur la position des deux
frères au moment de cette convention.
�(7 )
.
la>b
On a vu qne H u gu e s, leur p è r e , avoit légué en préciput le quart de ses biens à Claude et A n to in e ; ainsi
Antoine avoit un huitième de plus que Hugues z e. , sou
frère.
L a fortune immobilière de cette maison étoit modique ;
les actes de la famille le démontrent : mais Hugues I e r .
faisoit un commerce de bestiaux considérable, et avoit
de bonnes fermes. A p i’ès sa m o rt, An toine avoit conti
nué seul de gérer l’un et l’autre pour son compte person
nel. Il s’étoit marié en 1746, et avoit reçu de son épouse
une somme de 5oo fr. qu’il y avoit versée.
Quant à Hugues , il avoit eu une destination toute
autre. Son père lui avoit fait donner une éducation plus
soignée dans les collèges de Thiers et de Clermont ; il avoit
fait deux années de théologie ,puis il avoit passé quelque
temps à R i o m , dans l’étude d’un procureur. Il est vraiseriiblable que le décès de son p è r e , et celui de C la u d e, son
frè re , apportèrent quelque changement à sa destination,
puisqu’il se réunit à son frè re , et se maria en 174 8 , dans
la maison paternelle.
Ainsi l’on voit que le but principal de l’association
étant de continuer le commerce et l’entreprise des fermes,
tout l’avantage étoit du côté de Hugues , puisqu’A n to in e,
son aîné, mettoit dans la société un huitième des biens
du p è re , de plus que lu i, tous les bénéfices de son com
merce personnel, et des fermes qu’ il avoit gérées depuis
la mort du p è re, et y apportoit en outre l’industrie et
l ’activité qui avoient jusque-là fait prospérer des travaux
dont toute la famille a profité par la suite.
�( 8 )
Il est vrai aussi que Hugues recevoit de sa femme une
dot plus considérable.
Cette différence dans l’éducation des deux frères nous
conduit naturellement à penser qu’ils durent se partager
diversement l’administration. A n to in e , familier avec le
commerce et l’administration ru ra le , continua de s’occu
per exclusivement de l’un et de l’autre ; Hugues moins au
fait de cette gestion, mais plus instruit, tenoit les livres,
payoit les fermes, recevoit les cens, les lods, le payement
des obligations, etc. : les titres et papiers étoient entre
ses mains, comme ils ont resté depuis en celles de ses
enfans. La société fit des bénéfices considérables, et fit
diverses acquisitions.
A n toin e et Hugues eurent chacun neuf enfans : leurs
nom s, tracés sur le tableau généalogique, sont inutiles
à rappeler ici. Ces enfans, élevés dans la maison commune,
étoient l’espoir de leurs parens, et recueilloient toute leur
tendresse. Ils pensèrent à les unir réciproquement. Les
mariages de ce genre étoient l’âme de ces communautés,
o ù on tenoit à cœur de v i v r e constamment en famille,
et de réunir toujours les personnes et les propriétés. L e
24 janvier 1771 , un triple contrat de mariage fut con
senti. Un fils et deux filles d’Antoine (Claude 3e., Pétronille et Jacqueline) épousèrent Jeanne, Claude 4e. et
G ilb ert, enfans de H ugues; ils furent institués héritiers
universels par leurs père et mère respectifs, et les six
autres en fa iis de chaque associé furent réduits à des lé
gitimes. Les six époux continuèrent d’habiter la maison
paternelle.
Le
�L e commerce de bestiaux étoit fort étendu; les meilleures
relations avec le Charollais, le Maçonnais et la Bour
go g n e, et une excellente administration, lui assuroient
des bénéfices constans ; la ferme des terres du P u y de
C elle, de P u y - M i l l i e r , d’Aubusson et Montel ; l’ex
ploitation de cinq domaines et des biens, de famille ;
le soin des cheptels qui étoient nombreux et considéra
bles ; le i-ecouvrement des arrérages de cens , et des
créances de toute espèce , entraînoient des détails im
menses que les associés pouvoient seuls connoître : et la
société , surtout dans sa consistance m obilière, étoit au
plus haut degré de prospérité, lorsque, le 6 novembre
1773 Antoine Bourgade fut enlevé à sa fam ille, lais
sant en état de minorité ses six enfans légitimaires.
Cet état de choses sembloit commander à Hugues 2.e.
certaines précautions dans l’intérêt de ses neveux. Il
devenoit le chef de la famille; son frère laissoit des enfans en bas âge, à qui la fortune appartenoit pour moitié ,
et qui n’avoient pas de moyens de connoître sa consistance.
Cette position le mit forcément dans une alternative fa
cile à sentir.
O u il considéra la société comme subsistante, et alors
il put n’entrevoir de lui à ses neveux d’autres obligations
que celle de la régir en bon père de fam ille, jusqu’au
moment o ù , par un événement quelconque, il en abandonneroit l’intégralité à ses n eveu x, comme à ses enfans,
dans l’état où elle se trouveroit alors ;
O u il se crut permis de penser que la société etoit
interrompue , et alors les intérêts devenant distincts et
séparés , il se trouvoit dans une rigoureuse obligation
B
/
�( IO )
'de pourvoir d’ un tuteur les enfans de son fr è r e , de leur
conserver tout ce qui étoit à eux , par un inveutaire
fidèle et régulier; en un m o t, de prendre toutes les pré
cautions que commandent en pareil cas les lois civiles
et les règles de la probité ; obligation d’autant plus étroite,
que la nature et l’étendue des affaires de la. société l’exigeoient impérieusement.
B ien de tout cela : Hugues resta s e u l, sans aucune
fo rm alité, à la tête de la maison ; il continua d’élever
ses enfans et ceux de son frère ; et ce ne fut que le
19 octobre 1 7 7 7 , sur la provocation du procureur d’of
fice , que le juge des lieux donna à Mai'ie Decouzon ,
mère des mineurs, la qualité de tutrice. Mais il ne sera
pas désavoué par les appelans, q u e , ni a va n t, ni depuis,
elle ne s’immisça dans l’administration des b ie n s, et que
Hugues 2e. seul en conserva constamment la jouissance.
C ’est ici le cas de dire que Claude 3e. et Claude 4e. ,
fils et gendre de Hugues 2e. , avoient eu des enfans..
Claude 30. en eut quatre ; Hugues , Claude , Marie et
Jacqueline. Les deux premiers, qui figurent dans la cause
parmi les appelans, représentent aussi M arie et Jacque
line.
Claude 4e. eut trois enfans; Claude, Hugues et A n to i
nette.
E t Antoinette a épousé Louis B o u rgad e, fils d’autre
Louis.
C ’est aussi le cas , pour ne pas tenir davantage l’es
prit en suspens, d’apprendre que la contestation a pour
objet principal la question de savoir si les acquisitions
faites après le décès d’A ntoine ; sont entrées dans la so
�ciété; elle s’élève entre Antoinette, fille de Claude 4e. 9
Louis et Michel Bourgade , fils d’A n to in e , qui repré
sentent les six enfans légitimâmes, soit du chef de Louis
et M ic h e l, soit par l’effet de diverses cessions ; et d’une
autre p a r t , les enfans et représentans de Hugues.
Il faut enfin remarquer que parmi les représentans de
H ugues, qui sont les appelans, on voit figurer plusieurs
descendans d’A ntoine ; mais cela vient de ce q u e , par
l ’effet du mariage de 1 7 7 1 , ils se trouvent en même temps
petits-enfans de Hugues 2e.
Mais reprenons l’ordre des faits. A p rès le décès d’A n
toine , Hugues, son frère, cessa le commerce de bestiaux,
qu’il n’étoit guère en état de continuer, et qui cependant
étoit pour la société la meilleure branche de fortune; il
se borna à l’exploitation des propriétés de la fa m ille, et
à continuer la régie. La ferme de la censive et des cinq
domaines de la terre du P u y de Celle venoit d’être re
nouvelée; les autres étoient expirées peu avant le décès
d’A n to in e , et il ne restoit à recueillir que les arrérages
et les obligations.
Hugues ne tarda pas à faix*e des acquisitions.
L e 9 juin 1 7 7 5 , il acquit le domaine de Laverchère
et comme s’il eût considéré Claude 3e. comme devant
remplacer A ntoine , son père , dans les qualités de la
société , il le comprit pour un tiers dans cette acquisition.
Elle fut faite moyennant 16,000 f r . , dont 6,000 fr. furent
payés com ptant, et les 10,000 fr. restans stipulés payables
par termes de 2,000 f r . , d’année en année.
L e 13 décembre 1 7 7 6 , il fit une seconde acquisition
en son nom seul.
B 2
�E n 1777 , il vendit seul aux sieurs Brugière et Dam as
quelques liéritages de la société , moyennant 1,200 f r . ,
et en reçut le prix.
L e 7 avril 1 7 7 8 , il fit une acquisition plus remarqua
ble. Il y prit qualité comme a cq uéreur, « tant pour lui
« que pour les enfans de défunt A ntoine B ou rgade, son
« frère et son a s so c ié , et ce , au "prorata de ce que
« chacun amende dans la succession dudit y.Intoine
« B o u r g a d e , leur père. »
Il étoit impossible de reconnoitre plus ouvertement
la continuation de communauté; car, en appelant à cette
acquisition les enfans d’A n to in e , au prorata de ce que
chacun arnendoit dans sa succession , il ne les y comprenoit pas pour leur conférer aucun droit de leur chef
personnel, mais bien au conti’aire pour leur reconnoitre
un droit préexistant, et qui leur appartenoit par représentation de leur p èr e, son associé, et pour ce qui composoit sa succession : aussi s’inquiétoit-il peu de leur
participation pour le payement du p rix; il le paya seul,
c o mm e c hef de la société , et ne prétendit jamais aucun
droit de répétition contre ses n e v e u x , parce que les
deniers étoient ceux de la communauté.
D ’ailleurs, et indépendamment de cet aveu , positive
ment consigné dans l’a cte , la conduite de H ugues,
depuis la mort de son frère, témoignoit assez son opi
nion sur cette continuation de communauté; c’est au
moins ce que les intimés se plaisent à penser; sans
ci:la, Hugues eût été nécessairement coupable, envers
les enfans de son frère, de la plus scandaleuse infidélité;
ce qui leur seroit bien pénible à reconnoitre*
�( 13 )
A u veste, d’où pouvoient être provenues les ressources
de Hu gués j pour faire face à toutes ces acquisitions,
depuis la mort de son frère ? Si les appelans persistoient
à.prétendre qu’elles émanoient de lu i-m êm e, il faudroit,
pour y ajouter fo i, renverser toutes les idées qui naissent
des faits de cette cause, nier tout ce qu’il y a de vrai
semblable , et regarder comme vérité constante les choses
dont l’impossibilité est en quelque sorte démontrée.
Il faudroit croire qu’au moment du décès d’A n to in e ,
la société ne présentoit aucun actif m obilier, et n’avoit
pas de recouvremens à faire; et il faudroit le décider
tout à la fois contre la notoriété p u b liq u e , contre la
vérité de fait que démontre le simple état des choses,
et contre la présomption de droit qu’élève le défaut
d’inventaire.
Il faudroit reconnoître que, depuis le décès d’A n to in e,
la société prospéra beaucoup plu s, quoique déjà on
eût abandonné le commerce; que les rentrées de deniers
n’eurent aucun rapport à la gestion antérieure, et n’étoient
pas autant de capitaux accumulés pendant la vie d’A n
toine , et que tout ce qui fut p a y é , même dès les premiers
instans , étoit le patrimoine personnel de Hugues. Il
faudroit croire tout cela contre l’évidence des faits, et
la démonstration que donnent nécessairement la conduite
soutenue de Hugues, et sa déclaration dans l’acte de 1778.
Ce ne furent cependant pas les seuls emplois de deniers
que lit Hugues Bourgade; il est r e m a r q u a b l e q u e , dans
le même instant où les bénéfices ditninuoient par la ces
sation du commerce, les d é p e n s e s s’accrurent pour l’édu
cation des en f a n s , qui étoient tous en âge d’en recevoir
plus ou moins.
�( i4 )
Les intimés ne prétendent pas que Hugues Bourgade
négligea celle de ses neveux; ils se plaisent, au contraire,
à rendre hommage aux soins qu’il leur donna toujours ;
mais ses propres enfans étant plus avancés, il fit pour
eux des dépenses plus considérables. Si les intimés en
rappellent quelques traits, ce n’est assurément pas pour
s’en plaindre, mais pour démontrer une vérité qu’on
s’efforce tant d’obscurcir.
_
>
• E n 1 7 7 6 , il obtint un canonicat en la collégiale de
T h iers, pour Hugues Bourgade, l’un de ses fils. Il fallut
faire les frais de provision s, d’am eublem ent, d’ornemens, etc. Quelque temps après, un procès sérieux
s’éleva dans le chapitre sur la nomination du prévôt ; le
nouveau prébendé y étoit personnellement impliqué. Les frais furent considérables : tout fut payé par le père.
A n to in e , qui fut depuis gén ovéfiu, s’étoit d’abord
engagé ; le père fit la dépense de son c o n g é , il fit ensuite
les frais de son placement dans une communauté, et y a
payé ses pensions jusqu’à son décès.
~ L e prieuré de V o l l o r e vint à vaquer par la résignation
du sieur Mozat ; Hugues 3e. , déjà chanoine à Thiers j
fut pourvu du prieuré, à la charge d’une pension envers
le sieur Mozat. Il fallut préalablement faire déclarer le
bénéfice en commande, et faire des frais considérables :
le père fit face à tout.
Il établit plusieurs de ses enfans; il éleva les autres et
ceux
donc
plus
donc
de son frère, comme nous l’avons déjà dit. Il est
vrai que les dépenses de la société furent beaucoup
considérables après le décès d’Antoine. Il seroit
inconcevable'que l’époque de cette augmentation,
�rr F
qui fut aussi celle de la diminution des revenus, eût
donné beaucoup d’accroissement aux bénéfices.
L ’année 1783 apporta de grands changemens dans la
famille. Claude 3e., époux de Jeanne, mourut le 8 avril;
Hugues 2e. , père des appelans, le 10; et G ilb e r t , son
fils , le 19. Ainsi furent enlevés, en peu de jours, le chef
de la famille, et deux jeunes gens à la fleur de l’âge.
Claude 4e. , H u g u es, p r ie u r, et C lau d e, p r ê tre , se
mirent à la tête des affaires, )$£ ne prirent pas plus de
précautions que n’en avoit pris H u g u es, leur père.
E u x seuls perçurent, administrèrent, sans quelesenfana
légitimaires d’A ntoine fussent admis à aucune communi
cation.
C eux-ci ne purent pas rester long-temps dans cet état
d’incertitude qui ne pouvoit que nuire à leurs intérêts j
M ich e l,u n desinthnés, qui étoitalors vicaire h Augerolleé,
prit le parti de réclamer sa légitim e, par exploit du 11 dé
cembre 1784.
Il faut bien se fixer ici sur les qualités de cet exp loit,
puisque ce sont celles de la sentence qui fut rendue sur la
demande de Michel B o u rga d e, et qu’elles doivent néces
sairement faire un point de départ important dans celte
cause.
P o u r ne pas faire de confusion, distinguons, dans Ie9
qualités, les enfans d’Antoine et ceux de Hugues.
.
L.a demande est formée contre ,
Pétronille et Claude 4e. , son m a r i, héritiers, l’un
d’A n to in e, l’autre de Hugues.
Jeanne, veuve de Claude 3e. , tant en son n o m , comme
héritière de H u g u e s ,q u e comme tutrice de ses eufaos,
�( i 6 )
héritiers d’A n t o i n e , par représentation de Claude 3e. ,
leur père.
Jacqueline, veuve de Gilbert.
O bservons, en passant, que Gilbert étoit mort sans
postérité ; qu’ainsi , cette première partie des qualités
comprend tous les héritiers institués.
Claude, M a rin , Marie et G ilbert, mineurs émancipés,
et Hugues 3e. , tant en son nom que comme leur cura
teur (i).
» A n to in e, génoçéfin , n’est pas compris dans les qua
lités, à cause de sa profession x’eligieuse. Jusque-là, nous
voyons tous les enfans successibles de Hugues.
Enfin , Marie Decouzon , veuve d’A n to in e , comme
tutrice de M au rice, Louise, L o u is , Jeanne et Antoine,
ses enfans.
A i n s i , tous les successibles étoient en q u alité, et c’est
avec eux tous que fut rendue la sentence.
Remarquons aussi les conclusions de cet- exploit.
O n y rappelle l’association de 1 7 4 8 , le décès d’A n
to in e, celui de H u g u e s -, on y dit ensuite que les biens
sont jouis par les représentans de H ugues, sans aucune
com m unication audit sieur in s ta n t, ce q u i lu i donne
lieu à ne pouvoir plus entretenir la com m unauté ,* il y
demande le partage des biens, d’abord en deux portions
égales, etc.
Il est ensuite ajouté :
(1) Claude étoit majeur, et déjà prêtre h cette époque ; il
figura en cette qualité dans le partage de 1785. Ainsi c ’est par
erreur qu’il fut assigné comme mineur en 1784 .
« Lequel
�Zo2>
( 17 )
•
« Lequel partage sera fait par experts, entre les mains
« desquels lesdits Claude B ou rgad e, messire Hugues
« Bourgade, prieur, et messire Claude Bourgade, prêtre,
« frères, enfans audit défunt H ugues, lesquels, après le
« décès de leur père q u i , à son d écès, était le c h e f de
« la m aison co m m u n e, se sont emparés de toutes les
« clefs de la maison commune, jouissantet disposant de
« tous les biens et revenus, sans rien communiquer audit
« sieur instant, seront tenus de rapporter tous les titres,
« papiers et documens concernant les biens sujets à par
te tage ; tout le m obilier, 01*, argent, billets et obligations,
« qui se sont trouvés au décès dudit Hugues B ourgade,
« et de se purger par serment qu’ils n’en retiennent rien
« par d o l, ou autrement. »
Ces conclusions furent adjugées littéralement par une
sentence du i cr. déèembre 1784.
A i n s i , il fut jugé que la société avoit existé jusqu’au,
moment de la demande en partage, o u , au m oin s, du
décès de H u gu es, puisque ses enfans furent condamnés à
rapporter tout le m o bilier, 01*, argent, billets et obli
gations qui s’étoient trouvés au décès de H u g u es, et que
cela fut fondé sur cela seu l, qu'au décès de Hugues Us
s'étoient emparés de toutes les clefs de la m aison com
mune.
Ce qu’il faut remarquer aussi comme un point essentiel,
c’est que cette sentence fut signifiée au domicile de tous
les intéressés, par acte du 3 janvier 17 8 5 ; cet exploit
contenoit aussi nomination d’ un expert, et assignation au
5 pour le voir confirmer, et en nommer un de leur part.
L e 5 , il fut dressé un procès verbal de confirmation
C
�( 1 8 )
du sieur G o u rb in e, pour expert de M ichel Bourgade.
Jacqueline, veuve de G ilb ert, en son nom personnel,
et Marie D eco u zo n , veuve d’A n to in e , en sa qualité de
tutrice , y comparurent pour adhérer aux conclusions
de M ich e l; et M e. B rugière, notaire à V o llo r e , fut
nommé expert pour les défaillans.
Ce procès verbal fut encore signifié à domicile, le 18
du même mois, avec assignation au lendemain, pour as
sister à la prestation de serment des experts. L e 19 , fut
dressé un procès verbal de cette prestation de serment.
Les experts s’occupèrent immédiatement de leur mis
sion. Les enfans de Hugues sentirent alors l’impossibilité
où ils éloient de se soustraire à l’effet de la demande en
partage, au moins en deux parts, pour fixer la portion
des enfans légitimantes d’Antoine. Ils se réunirent tous
pour engager les experts à prévenir toutes contestations,*
par un partage amiable, conform e a u x dispositions de
la sentence ; et c’est ainsi que fut dressé, le 27 janvier
178 5 , un acte sous seing p r iv é , qui sembloit de%'oir être
u n "obstacle éternel a toute demande ultérieure.
T o u s furent en qualité dans cet acte comme ils l’étoient
dans la sentence; à la seule différence, comme nous l’avons
observé, que Claude, prêtre, aujourd’hui curé de Cusset,
y figura comme m ajeur, en son nom personnel, tandis
qu’il étoit assigné comme mineur émancipé.
Il faut encore s arreter un instant sur les dispositions
de cet acte.
Les parties y disent d’abord qu’elles ont pris en con
sidération la sentence du I er. décembre d ern ier, par
laquelle il est ordonné, etc,.....................et « considérant
�a o j
( 19 )
« que les frais d’une expérience judiciaire seroient longs
K et coûteux, nous sommes convenus de procéder au
« partage ordonné entre n o u s , am iable m en t, et de
« l’avis et médiation de nos experts ; lesquels s’étant
« transportés sur les lie u x , et leur ayant remis en main
« l ’expédition de ladite sentence, et celle des trois contrats
« de mariage du 24 février 1 7 7 1 .............., nous avons
« procédé à la première division de nos biens, ordonnée
k être fa ite p a r ladite sentence, en deux portions égales;
a l ’une, pour les représentans d’A n toin e; l’autre, pour
« les représentans de Hugues Bourgade. »
Observons aussi que les biens acquis depuis la mort
d’Antoine, notamment le domaine de Laverchère, acquis
en 1775 , deux tiers pour Hugues et un tiers pour
Claude 3e. , furent compris dans le partage général, de
l ’assentiment de tous , et que préeisén?ent le domaine de
LaVerchère échut à la branche d’Antoine , qui en seroit
entièrement exclue , si la prétention des appelaus étoit
adoptée : le restant du prix fut porté dans les dettes
communes.
Cette première opération devoit être nécessairement
suivie d’ une seconde entre les enfans d’A n to in e , puisque
les légitim aires, notamment M ic h e l, demandoient leur
portion séparément.
L ’acte porte en effet cette subdivision ; il y est ajouté
que parmi les enfans d’A n to in e , les trois héritiers ins
titues amendent moitié , et chacun un neuvième de l’autre
m oitié, et que les six autres neuvièmes appartiennent aux
légitimaires. En conséquence, on fait trois portions égales,
dont deux sont attribuées aux héritiers institués, et la
C 2
�V
‘ .................................... ( ao )
troisième aux six légitimaires. Six neuvièmes de la moitié
équivalent en effet au tiers du tout.
i
• L e partage est seulement fait par tiers, sur les décla
rations de M ic h e l, et de la tutrice des cinq autres légi
timaires , qu’ils entendent jouir en commun ; aussi le tiers
n’est pas subdivisé entr’eux.
■
Les deux autres tiers sont encore subdivés en trois ,
pour les trois héritiers institués, dont deux seulement,
Jeanne et Pétronille, déclarent vouloir jouir en commun :
Jacqueline prend son lot séparément.
i
E n fin , comme le partage n’étoit effectué que quant aux
immeubles, il est sursis au partage du mobilier, « que
« les parties se réservent de faire nécessairement, en exév cution de ladite sentence, q u i dem eure, pour le surplus
« de son exécution , dans sa fo r c e et vigueur; lesquels
« lots, est-il ajouté, nous avons agréés et acceptés, et nous
*< en promettons la garantie telle que de droit en fait de
« partage; et pour l’exécution d’icelui, nous obligeons
k nos biens. »
L e lendemain , à la suite du mê me acte, on fait lè‘
partage des rentes actives et passives. Les inconvéniens
qu’ il présentoit déterminent à atti’ibuer les rentes actives
à la branche de H ugues, avec garantie des autres cohé
ritiers, et sons la condition d’acquitter les passives.
» E n fin , on termine Pacte par cette clause remarquable,
et qui étoit bien dans l’esprit de la société, quoique ce
fût le moment de sa dissolution :
. a Toutes dettes passives, pensions et entretien des en« fans de la m a ison , qui pourront être dûs ju sq u 'a u « jou rd ’/iui, seront acquittés en commun sur les fruits
/
�«'
«
«
«
«
«
de l’année 1784, et toutes autres dettes actives qui se
trouveront, seront partagées de m êm e, n o u sen rapportant à la probité des uns et des autres de ce u x q u i
les fe r o n t rentrer, et sur lesquelles ils seront autorisés
à payer les dettes passives, si tant peut abonder ; et
avons sursis le surplus du mobilier au premier jour. »
On sait que ce mobilier étoit dans les mains de la branche
de Hugues et des héritiers institués.
Sous tous les rapports, cet acte sembloit avoir mis une
barrière insurmontable à toute discussion à venir entre
les enfans légitimaires d’Antoine et les autres associés.
- i ° . Il étoit fait en vertu d’une sentence que toutes les
parties approuvoient, et qui, indépendamment de son exé
cution volontaire, a passé depuis en force de chose jugée.
20. Toutes les parties étoient libres de leurs droits, procédoient pour leur intérêt personnel : une seule, M arie
D e c o u zo n , n’avoit d’autre qualité que celle de tutrice j
mais ses mineurs sont précisément ceux qui réclament
aujourd’hui l’exécution du partage.
Jean n e, veuve de Claude 3e., procédoit aussi comme
tutrice; mais cette qualité n’est d’aucune conséquence
dans la cause, car elle seule avoit intérêt à réclamer la dis
solution de la société depuis la mort d’A n to in e; et ses
mineurs, dont les intérêts étoient séparés des siens, représentoient A n to in e , et avoien t, en ce sens, intérêt à
la continuation de communauté. Il est vrai cependant que
comme représentant Claude 3e. , leur père, ils avoient
un intérêt opposé, pour le tiers de Laverclière ; mai»
nous verrons b ie n tô t, par ce qui s’est passé depuis
combien peu cette circonstance est essentielle*
»
�C 22 )
3°. Tous les héritiers reconnoissoient librement que la
société avoit duré jusqu’a lo rs, soit en comprenant au
partage les immeubles acquis depuis 1 7 7 3 , soit, de la
part des représentans de H u gues, en ne i*eprésentant ni
rendant compte d’aucunes jouissances, si ce n’est celles de
l ’année, qui devoient faire face aux dettes actives; quoi
qu’en cas de discontinuation depuis 1773 , ils eussent dû un
compte rigoureux, et la î-estitution des jouissances depuis
celte époque/
Il n’en a pas été ainsi, comme le témoigne la cause
actuelle, et comme vont l’apprendre les actes subséquens.
Lors du partage de 1 7 8 5 , on n’avoit pas eu connoissance du testament de 1761 , par lequel Claude Bouiv
gajde I er. avoit légué le quart de ses biens à Claude et
autre Claude B o u rgad e, ses neveux ; ils le rapportèrent
dans la suite; et leurs cohéritiers, sans aucun exam en,
passèrent, le 9 ventôse an 4 , et sous les mêmes qualités
que le précéd ent, un second acte sous seing p r iv é , par
lequel on délaissa aux représentans de Claude 3e. et à
C laude 4e. , certains héritages qui faisoient l’équivalent
de ce préciput.
Il faut cependant remarquer qu’à cette époque Hugues
Bourgade-Chèze, et M a rie , enfans de Claude 3e., étoieut
devenus majeurs, et qu’ils stipulèrent en leur nom per
sonnel.
11 faut observer aussi qu’indépendamment de ce que cet
acte étoit virtuellement une ratification de celui de 1785,
loutes les parties y expriment leur v o lo n té , en disant,
à la lin de l’acte : A u su rp lu s, le susdit partage (de 1785)
aura sa pleine et entier& exécutionf
�2o< *
( 23 )
Il faut remarquer cependant qu’à cette époque Hugues
et Claude, prêtres, enfans de H u g u es, Micliel et Maurice,
prêtres, enfans d’A n t o in e , étoient déportés comme réfractaires; les autres enfans de chaque branche stipulèrent
respectivement, tant de leur chef personnel que comme
représentant les déportés, en vertu des lois d’alo rs, qui
ïittribuoient leux’s biens à leurs parens. Ainsi on doit les
considérer comme parties dans cet acte, ou sans qualité
dans la cause.
Nous avons dit que lors du partage de 1 7 8 5 , la pox*tion d’immeubles échue à Pétronille et aux mineurs de
Claude 4e., héritiers institués d’A n to in e , avoit resté in
divise avec celles de tous les enfans de Hugues. L e 4 ger
minal an 4 , ou 24 mars 1 7 9 6 , ils en firent le partage
entr’eux ; et en core, à cette é p o q u e, lisant de la loi qui
attribuoit aux familles les biens de leurs parens déportés,
ils se partagèrent les portions de Hugues et Claude, enlans de H ugues, prêtres déportés, et celle d’A n to in e ,
génovéfin, aussi déporté, mais qui avoit été exclu de la
succession de son père par le décès de Hugues, avant qu’il
fût rendu au siècle et l’appelé aux successions à venir.
Dans cet acte, qui est fait hors la présence des six puînés
d’A n t o in e , on rappelle l’ancien état de la fa m ille, les
actes déjà passés, notamment celui de 1785. On lit dans
le préambule cette phrase remarquable et précieuse :
« A p i’ès le décès d’A ntoine et Hugues B o u rgad e, il
« a été délaissé aux enfans d’A n to in e , autres que ceu x
« parties a u x présentes , leur portion dans les biens
« meubles et immeubles de la succession , y compris le
« domaine de L a v e rc h è re , quoiqu’acquis par Hugues et
I
*4 %
�( H )
« Claude B o u rg a d e , son g en d re, après le décès d’A n
te toine Bourgade, p ar la raison que lors de cette a c« quisition la, société subsistait encore. »
Nous n’avions pas trop besoin de cet aveu pour re
connoitre la vérité du fait ; cependant il la co rro b o re,
et la rendroit incontestable si elle ne l’étoit déjà ; mais
ce seroit le laisser sans f o r c e , que de ne pas faire im-*
médiatement remarquer qu’il est émané de ceux-là môme
que représentent aujourd’hui les appelans.
*
Q ui avoit intérêt à contester la continuation de société,
et la confusion dans le partage des biens acquis depuis
le décès d’A ntoine ? Personne autre que les enfans de
H u g u e s, et ceux de Claude 3e. qui avoit acquis pour un
tiers le domaine de Laverclière.
Q ui figure dans le partage?
Claude 4 e. , J e a n n e , veuve de Claude 3e. personnel
lem ent , comme fille de Hugues, et en qualité de tutrice
de Claude et Jacquelin e, ses enfans d’avec Claude 3e. ;
M a rin , et M a r ie , fem m e B o n n et , tous enfans de
Hugues 2e. *, Hugues 4e. , et M a r ie , enfans de Claude 3e. ,
qui étoient majeurs.
E t ils procédoient à ce partage comme représentant
légalement Hugues 3e., et Claude et A n t o in e , prêtres dé
portés , q u i , par cela se u l, y sont censés parties.
Qui conteste aujourd’hui la continuation de commu
nauté ? qui demande la distraction des biens acquis après
le décès d’A n to in e ?
Claude et Hugues Bourgade-Roche, enfans de Claude 4 e. ;
Hugues Bourgade-Chèze, et Claude Bourgade-Malaleuge,
enfans de Jeanne et de Claude 3e. , et qui représentent
M a r ie ,
�Q\\ . „>
(a 5 )
M a r ie , fe m m e B o n n et ; et leui's conclusions ont été
adoptées, sinon prises expressément en première instance,
par Claude, curé de Cusset, A n to in e, génovéfin, Jeanne,
veuve de Claude 30. , et M a rin , tous enfans de Hugues.
En sorte que parmi ceux qui élèvent aujourd’hui
une prétention repoussée par l’acte de 1748, et toutes
les circonstances de la cause, il n’en est aucun qui n’ait
été partie ou valablement représenté, soit dans la sen
tence de 178 4, soit dans le partage de 178 5, soit dans
celui de 1796.
Enfin, contre qui élèvent-ils cette prétention?
Contre des légitimaires orphelins dès leur bas â g e ,
à qui leurs portions ont été délaissées en masse depuis
178 5, qui les ont reçues comme il a plu de les leur
donner, sans demander aux enfans de Hugues le rapport
des dépenses énormes qu’il avoit faites pour leur établis
sement depuis la mort d’A n t o in e , et qui en ont joui
depuis sans contestation.
Les choses ont resté en cet état jusqu’au 29 pluviôse
an 1 1 , jour auquel les enfans de Claude 3e. firent une
tentative dont ils semblèrent reconnoître presqu’aussitôt
la témérité. Ils firent citer tous les héritiers de Hugues
et A n to in e, pour demander un partage général, et la
distraction d’un tiers de L averch ère, soutenant que la
société avoit été dissoute en 1 7 7 3 , et que Claude 3e. ,
leur père, avoit valablement acquis pour son compte ce
tiers de domaine.
Une explication de faits, donnée sur cette citation,
en arrêta les suites; les demandeurs l’abandonnèrent après
une procédure dont ils payèrent les 'frais.
;
D
�(- 2 6 )
Mais le 2 messidor d elà même année n , ils passèrent
avec les autres enfans de Hugues, et Pétronille, fille d’A n
toine, un acte assez singulier.
Nous avons dit qu’après le partage de 1785, les por
tions attribuées aux enfans de H ugues, à Claude 3e., et
P étron ille, enfans d’A n to in e , a voient resté indivises.
Nous avons dit aussi qu’il en avoit été fait un par
tage, le 24 mars 1796, en l’absence des prêtres déportés.
Ces ecclésiastiques étoient rentrés ; leurs cohéritiers
vouloient leur rendre leur portion : il falloit donc un
nouveau partage. Ce fut l’objet de l’acte du 2 messidor
an 11. On y expose tout ce que nous venons de dire ; on y
glisse que des difficultés s’élèvent sur les rapports et p rélèvemens; q u ’une autre non m oins sérieuse, et en quel
que sorte prélim in a ire, est de savoir s i le partage de
1785 ne reposoit pas su r une base inexacte.
A p rès cette pierre d’attente, on dit qu’on ne peut
faire qu’un partage provisoire, et on y procède sans
nuire au définitif.
M algré cette réserve, un silence profond a régné pen
dant plusieurs années, sans que le sieur Bourgade-Mala-r
leuge et ses frères aient osé relever la demande de l’an 11
et il n’y a pas apparence qu’ils eussent jamais hasardé
une poursuite principale, si une circonstance particu
lière ne leur eût fourni l’occasion de présenter incidem
ment leur prétention.
Jacqueline Bourgade, une des héritières instituées, qui
avoit pris sa portion separement en 1 7 8 5 , est décédée
sans postérité, après avoir donné l’universalité de se»
biens à L ouis, i CT. du nom > son frère-
�. ( 27 )
Claude 4®. avoit laissé troi6 enfans, parmi lesquels 3e
trouve Antoinette, intimée. Elle épousa L o u is , 2e. du
n o m , son cousin. Claude et Hugues B o u rg a d e -R o clie,
ses frères, avoient espéré qu’elle leur céderoit sa portion
dans les successions des père et m è r e , moyennant une
somme d’argent; elle s’y refusa. Soit par ce m otif, soit
par la jalousie qu’ils avoient conçue de la disposition
faite par Jacqueline, ils lui firent des difficultés, et elle
fut obligée de les faire citer en conciliation le g décembre
1808 , sur la demande en partage des successions de
Claude 4®., et Pétronille, leurs père et mère communs.
Hugues et Claude B ou rgade-R och e, qui vraisembla
blement n’étoient pas pressés de se dessaisir, opposèrent
que la présence de tous les héritiers de Hugues et A ntoine
étoit nécessaire, parce qu’il n’y avoit jamais eu de par
tage définitif; et leur mise en cause fut ordonnée sans
trop de réflexion, par un jugement du i g avril 1809.
Ils furent tous assignés à la requête de Hugues Bour
gade-Roche, qui prit contre eux les conclusions les plus
étendues, tendantes à un partage général et à des sub
divisions sans fin , comme si on eût été encore dans le
premier état d’indivision.
Dans l’intervalle, M aurice, fils d’A n to in e , étoit décédé
après avoir fait donation de ses biens à M ichel , son
frère , un des intimés.
Les choses n’auroient pas été menées bien loin , si
aucun des assignés ne s’étoit rendu partie poursuivante ;
car les enfans de Claude 4e. étoient évidemment sans
q u a lité , comme sans intérêt. Mais Bourgade-Malaleuge,
iils de Claude 3e. , qui avoit une ombre d’intérêt de plus,
D 2
\
�( ' 2 8 }
à.cause de l’acquisition de L averclière, s’empara bien
tôt de la tranchée, et, par des défenses signifiées le 10
juillet 1 8 1 0 , se montra le véritable agresseur.
Il demande acte de ce qu’il entend faire procéder au
partage général, depuis Benoît; e t, passant en revue tous
les membres d e là famille, déjà décédés, même ceux qui
avoient fait des cessions de droits particulières, il conclut
au partage et à la délivrance de sa part dans dix-sept
successions.
Il demande qu’un tiers de Laverclière soit attribué à
la succession de Claude 3e. , son père..
►
Il demande encore que les lots soient faits par attri
b u tio n , afin que chacun conserve, autant que possible,
dans son Lot, les objets dont il est déjà en possession.
E t , enfin, sentant la nécessité d’écarter le partage de
1 7 8 5 , et la sentence de 1784 en vertu de laquelle il
avoit été fait, il déclare adhérer à l’opposition que Hugues
B o u rg a d e -R o ch e avoit précédemment formée à cette
sentence.
Est -ce bien là l’esprit dans lequel avoit été formée la
société de 1748? 11 est difficile de penser que si nos aïeux
eussent fait de semblables calculs, les communautés d’A u
vergne eussent jamais été connues,, encore moins qu’elleseussent fait constamment l’édification publique.
Ces conlusions, qui découvrirent le masque sous lequel
Bourgade-Malaleuge s’étoit tenu caché jusque-là, don
nèrent lieu à élever des questions d’un autre genre.
Tou s les cohéritiers avoient été appelés, et tous figu
rèrent dans la cause, soit par eux-mêmes, soit dans.lit
personne de ceux qui les représentoient*.
�( *9 )
Des six enfans légitimaires d’A n to in e, deux seulement
comparurent en personne, Louis et M ich el; ils avoient
les droits d’A n to in e 7 L o u ise, Jeanne et M a u rice, et
réunissoient par conséquent la totalité des légitimes.
L o u i s , 2e. du n o m , époux d’Antoinette y étoit en mi
norité. Louis I er. , son p è r e , fut d’abord nommé curateur 'y
bientôt après il décéda ; et son fils, devenant son héritier
pour m oitié, réunit dans sa main et celle de son épouse,
partie des droits de plusieurs légitimaires, ceux de Jac
queline, et le tiers de ceux de Claude 3e. , et P étron ille,
héritiers institués»
Antoinette n’avoit élévé aucune des questions qui com mençoient à grossir cette cause ; elle s’étoit bornée à de
mander le partage des biens de ses père et m è r e , qui
pou voit se faire sans rien toucher à celui de 1785. Les
légitimaires d’Antpine ayant le même intérêt, ils se réu
nirent à elle ; en sorte qu’on vit procéder ensemble A n to i
nette, Louis, son m ari, en son nom personnel, M argue
rite D ecouzon, veuve de Louis i er., tant en son nom
personnel, comme étant aux droits d’Antoine 2e., que
comme tutrice de sa fille, autre héritière de L o u is , et
M ichel , curé de V ollore.
Leurs conclusions, signifiées le 10 août 1 8 1 1 , semblent
toutes naturelles..
Ils concluent d’abord à ce q u e , sans s’arrêter aux de
mandes incidentes de Malaleuge et autres, dans lesquelles
ils seront déclarés non recevables, on ordonne seulement
le partage des successions de Claude 4e. et Pétronille.
Ils y ajoutent cependant une demande incidente.
O n se x*appelle q u e , par les actes de 1785 , les copar—
tageans s’étoient réciproquement réservé de venir à par-
�( 30 )
tage du mobilier ; que ce mobilier étoit entre les mains
des enfans de H ugues, et des héritiers institués. Rien
n’annonce que cette masse de propriétaires ait jamais
pensé à délivrer aux enfans légitimâmes d’Antoine la
portion qui leur en revenoit, et cependant ils touclxoient
d’anciennes créances. Accoutumés à les regarder comme
des êtres de surérogation, ils les considéroient toujours
comme suffisamment payés de leur naissance, par la déli
vrance de la portion d’immeubles qu’il avoit plu de leur
attribuer.
A u ssi, ces derniers demandent incidemment que les
héritiers de Hugues soient condamnés à rendre compte
de tout l’actif du m obilier, depuis le décès de H u gu e s, et
à déposer tous les titres, papiers et livres-journaux de
la succession.
Subsidiairement, et dans le cas où on croiroit devoir
revenir sur le partage déjà consomm é, ils demandent
qu’il soit fa it, sans aucune distraction ni prélèvem ent,
soit en faveur des enfans de Hugues 2e., soit au profit
de ceux de Claude 3e.
E n fin , prévoyant le cas o ù , par impossible, le tr i
bunal regarderoit la société comme dissoute par la mort
d’ A n to in e , ils concluent à ce qu’avant tout partage , les
héritiers de Hugues soient tenus « de rendre le compte
« de la gestion de Hugues, et de celle qu’ils ont eue après
« l u i , de tous les biens meubles et immeubles composant
«
«
«
«
«
la société, au décès d’Antoine Bourgade; de tous les
cens, dîmes, droits de lods, et autres droits r é e ls .. . .
du produit de tous les cheptels, contrats, obligations,
créances actives, et généralement de tout ce qui cornposoit lu fortune des deux associés. »
�(
3 *
)
Assurément si les demandeurs fussent parvenus à faire
adopter leurs réclamations établies sur une injustice pal
pable, ils n’auroient pu échapper à ces conclusions sub
sidiaires, dont l’adjudication en eût été la conséquence
forcée.
C ’est en cet état, et avec cette apparence considérable,
que la cause a été portée au tribunal de T h iers le 6 fé
vrier 1812. Il est utile de connoître le jugement : néan
moins on se bornera à une simple analise, soit des mo
tifs, soit du dispositif; cela paraissant plus convenable.
L e tribunal considère que le partage de 1785 n’est
pas provisionnel, et qu’il a été approuvé et ratifié, par
actes subséquens, par tous les copartageans, lors de leur
majorité, excepté Malaleuge et Jacqueline, sa sœ ur;
Que néanmoins les formalités pour le partage des biens
des mineurs n’ont pas été observées;
Que le bénéfice de restitution ne profite pas aux ma
jeurs ;
E t enfin, que le mineur lui-même conclut à la for
mation des lots par attribution, et à ce q u e chacun con
serve, autant que faire se po u rra, les objets dont il est
nanti.
Recherchant ensuite l ’amendement du mineur dans
les biens de la communauté , le tribunal considère que
la stipulation que la société sera ambulatoire du premier
au dernier, y appelle les descendans; que l’emploi de
cette expression, dans un contrat de société, a toujours
été ainsi entendu dans nos usages; et que c’est ainsi que
la famille Bourgade elle-même l’a entendu dans tous les
actes.
�(30
Sur ces deux points, le tribunal ordonne que vérifi
cation sera faite des biens délaissés, en 1785, aux six
enfans légitimaires d’A n to in e , et à Jacqueline, veuve de
G ilb ert, une des héritières instituées qui s’étoit réunie à
e u x , à l’effet de savoir s’ils excédoient dix trente-sixièmes
de la totalité des biens; et en cas d’excédant, ordonne
qu’il en sera délivré deux dix-huitièmes à BourgadeMalaleuge.
~
Cette fixation à dix trente-sixièmes s’explique faci
lement.
Chaque associé ayant eu neuf enfans, et ayant fait une
institution universelle, les légitimaires d’Antoine étoient
réduits chacun ù un dix-huitième de sa m oitié, ou, ce qui
est la même chose, à un trente-sixième du tout; ce qui
faisoit pour les six ensemble, six trente-sixièmes des biens.
L ’institution se composant de neuf dix-huitièmes pour
chaque branche, ou de neuf trente-sixièmes du tout,
chaque héritier amendoit trois trente-sixièmes pour sa
part dans l’institution, et un autre pour sa portion virile.
E n sorte que i-éunissant les quatre trente-sixièmes a t
tribués à Jacqueline, avec les six trente-sixièmes des lé
gitimaires, on obtient dix trente-sixièmes, qui forment
en effet la part des intimés, puisqu’ils représentent les
uns et les autres.
1
L e tribunal ordonne qiî’au surplus le partage général
de 1785 continuera d’être exécuté,
Examinant ensuite la demande en partage dans l’intérêt
des enfans de H u gu es, et des héritiers institués seulement,
il considère que si le partage de 1796 étoit définitif,
Jes parties l’ont anéanti depuis par le retour des prêtres
déportés ?
�( 33 )
d ép ortés, et que le second partage de l’an 11 n’est que
provisoire.
En conséquence, il ordonne les divisions et subdi
visions qui résultent de cet état de choses, et aux moyens
desquelles Antoinette Bourgade, une des intimées, doit
recevoir sa portion dans les successions de ses père et mère.
E n f in , tous les dépens sont compensés comme frais
de partage.
L e juge paroît ne s’être occupé ni de ce qui pouvoit
résulter de la sentence de 1 7 8 4 , ni de l’opposition qui
y avoit été form ée; les moyens du fond ayant produit
le même effet dans son esprit, il les a nettement décidés,
sans examiner la fin de non-recevoir.
Hugues'Bourgade-Chèze, Claude Bourgade-Malaleuge,
Claude et Hugues Bourgade-R oche, ont interjeté appel
de ce jugement; ils n’ont pas craint, pour un intérêt
modique et un espoir évidemment mal co n çu , de porter
leurs prétentions sur un plus grand th éâtre, et de re
mettre en lice une famille en tière, dont tous les efforts,
depuis 1748 , a voient tendu à établir une union et une
paix inaltérables.
Jusqu’à présent, les autres parties qui avoient adhéré
à leurs conclusions en première instance, paroissent tenir
un langage plus modeste, et désirer avec une respectueuse
attente la décision de la justice. Il faut croire qu’ils gar
deront jusqu’à la fin celte contenance modérée.
T e l est l’état de la cause. Les détails dans lesquels on
a été obligé d’entrer pour la faire connoître, ont donné
au récit des faits une étendue qui force nécessairement
d’abréger la discussion des moyens ; d’ailleurs, comme on,
E
�(
34
)
l’a apnoççé , le fait est ici ¿ce qu’il -y a 4 e plus important ;
et les intimés se sont plutôt proposé de le faire connoître
avec exactitude, pour ¿mettre le .juge à portée de le bien
saisir, q u e ,d’établir, fiÿ point ,de droit, une discussion qui
deviendroit fastidieuse. Ojo se borne,ra donc à quelques
réflexions rapides, résultant soit des faits «déjà analisés,
çoit même des points de droit qui s’y ^apportent.
.Comment se fait-il qu’une associa,tion aussi belle, aussi
morale que celle ,de 1748 , donne lieu aujourd’hui à des
discussions sans fin ? que les membres d’une même fa
mille se désunissent, et s’acharnent à plaider, aprèsayoir
vécu si lon g-tem p s dans upe union intime? comment
surtout arrivje-t-jl que les actes par lesquels les auteurs
/communs et les parties eUes-rn.êiAes av oient si sagerpenf
réglé les intérêts de tous, soient aujourd’hui attaqués
par les .enfa us des associés, comme .autant de concerts d e
fraude, dont l’effet a été de dépouiller de? m in e u r ? jNgus.
Payons déjà dit; c’est que l’esprit qui y présida, et les
sentimens qui soutinrent long-temps la .communauté, np
se retrouvent plus chez de jeunes efferveseeqs, à qui peutêtre il ne manque que de la réflexion. Cette remarque est
la première que fait naître cette cause; elle est le produit
d?jjn sentiment dont on ne peut se défendre.
Mais cette démarche, que peut-être les règles d’unje
z rigoux’ieuse délicatesse n’avouent qu’à dem i, est-elle jus
tifiée par les lois? est-elle dans l’ordre de la justice des
homm es? C ’est ce que nous avons à examiner ici.
11 ne faut pas perdre de vue que tout l ’intérêt con
�siste dans la question de savoir si la société a dufe jus
q u’en 1773 ou jusqu’en 1784; si , par conséquent, les
acquisitions faites postérieurement à la mort d’A n toin e
Bourgade ont dû'ou non être confondues dans la société.
C ’est une considération' très-importante dans'cette cause,
parce qu’ellé décide tout, quoiqu’il s’agisse au fond d’ une
demande en partage, et de la société, et de ses diverses
parties.
Remarquons aussi que’la demande principale et origi
naire n’est plus du tout celle qui divise les parties : personne
ne l’a contestée. E t en effet, puisqu'on* reconnôît qü’A n toinette Bourgade n’a pas eu sa portiôn d'afis lés' succes
sions de ses père et m è r e , il faut bien que ses cohéritiers
la lui délivrent ; puisque cette succession est confondue
avec celle de Claude 3e., et des enfans* de Hugues, et
qu’il n’a été fait qu’un partage provisoire', il faut" bien
faire cette premièi’e division. Aussi personne ne s’est
opposé, en ce sens, aux dispositions du jugement dont
est appel ; tous reconnoissent, comme ils l’ont fait lors
du partagé provisoire, que Îës prêtres déportés doivent
retrouver dans la masse des biens une portion sacrée
qu’aucun membre de la famille n’avoit voüluJleur ra vir,
en usant du bénéfice' de la loi* qui prononçoit leUi ex
clusion.
Les intimés observeront cependant q'u’en première
instance" ils ont' demandé aüx' erifaris d’e lïugùeâ' 2‘ei I’ef
rapport des sommes eferéanees qu’ ils4ont totfchées depuis’
1785': ce chef de réclama tien est* sans difficulté'; ca ï'o ii
a vu que le partage de~i y 85'éti povtôitïâ r'ês'éûvé dXptë$&ï
et les infimes sont ett étiit' d’établii' que-liiuvs4adversaires
E 2
�ont tou ch é, depuis le partage, beaucoup de créances
arréragées, et qui remontoient au temps de la société. Ils
sont nantis notamment de quittances données par C laude,
curé de Cusset, pour environ 800 f r . , et pour des créances
qui faisoient partie de la société ; il ne leur sera pas dif
ficile de se procurer, et d’autres quittances, et d’autres
preuves. Ce chef de demande, au reste, ne mérite pas
une plus longue discussion ; il s’établit par lui-même.
C ’est donc uniquement de la demande formée par
Bourgade-M alaleuge, et que d’autres se sont appropriée,
qu’il faut examiner le mérite.
Est-elle recevable ?
Est-elle fondée ?
Si elle étoit l’un et l’autre, les demandes incidentes
des intimés pourroient-elles être contestées?
V oilà les trois points que nous allons discuter som
mairement.
§. 1er.
L a d em a nd e e s t-e lle receva b le ?
E n étendant cette question suivant la nature des fait»
de la cause, elle se présente ainsi :
Peut-on réclamer un partage, et demander qu’il soit
fait sous tel ou tel mode , lorsqu’une sentence a ordonné
ce partage, et en a réglé le m ode; qu’elle a été signifiée
à domicile; que peu de temps après elle a été volontai
rement exécutée , et que vingt-quatre ans se sont écoulés
sans que personne ait réclamé ni contre les dispositions
de la sentence, ni contre les actes qui l ’avoient suivie ?
�( 37 )
O n sent que la question ainsi posée, se convertit d’ellemême eri une proposition négative ; elle est cependant
posée suivant la vérité des faits : c’est ce qu’on a pu
facilement apercevoir, et c’est d’ailleurs ce qu’on va dé
montrer en peu de mots.L a société étoit contractée avec stipulation qu’elle seroit
ambulatoire du prem ier au dernier.
Antoine décéda en 1773 ; Hugues continua de tout
gérer sans faire aucune différence, quant à son adminis
tration , entre ses enfans et ses neveux.
Il décéda lui-même en 1783.
E n 178 4, Michel forma sa demande : elle lui fut ad
jugée par sentence du i er. décembre 1784.
Dans cette sentence figurent toutes les parties intéres
sées , soit personnellement, soit par des tuteurs. Jeanne,
veuve de Claude 3e. , et M arie D ecouzon, veuve d’A n
toine , y sont en qualité en leur nom , et comme tutrices
de leurs enfans.
L a demande avoit pour objet de partager la commu
nauté -, elle la supposoit existante au décès de Hugues 2e.
M ic h e l, demandeur, exposoit que la jouissance exclusive
que s’attribuoient les enfans de H u gues, ne luiperm ettait
plus de L'entretenir. Il leur demandoit en conséquence
le partage de la société, et le rapport de tout le m obi
lier , or et a rg en t, billets ou obligations, q u i se sont
trouvés A U D É C È S D E H U G U E S .
L a sentence, rendue par défaut, l’ordonna dans les
mêmes termes.
E u sorte que l’effet nécessaire de cette sentence fut
�( 38 )
de fixer la dissolution de la société au décès de H u g u e s,
et d’obliger ses héritiers à la soumettre au partage, dans
l’état où elle s’étoit trouvée à cette époque.
L e sentence fut signifiée au domicile de tous les inté
ressés , le 3 janvier 1785.
L e 5 et le 18 du même m ois, il fut donné des assi
gnations, d’abord pour la nomination d’experts , ensuite
pour leur prestation dé serment.
Dépuis'ce temps, personne n’a pensé à l’attaquer. Vingtquatre ans se sont écûulés ; il n’èn falloit que dix pour lui
donner la force de chose jugée : elle'est donc irrévocable.
Si elle n’a voit jamais été exécutée, elle ne* sei’oit pas
par elle-même un obstacle aü partage, puisqu’elle l’ordonnoit ; seulement il'faüdroit ïe faire comme elle l\n ordonné,
car elle est dans toute sa vigueur'; mais dans ce' cas là
m êm e, elle s’oppüseiôit' tout à la' fois- à' ce qu’en la' met
tant de côté, on forttiat brusquement une nouvelle de
mande en partage, et mieux encore, à ce qu’on proposât
des éle métis et dés basés de'partage, toüfautres’qüe ceux
déjà posés" par la'justice', qui elle-même’n’a pVüfc aujour
d’hui la puissance de lés changer.
A in si, sbus'cë premier'et ce sëuÎ rapport, là demarlde
s'eroit' non* receVable , sauf le droit qu’auroit chacune’des
parties de réclamer Inexécution de là sentence.
lilais il y a*mieux :‘ a iïlïe u d\ittàqüér la sehtetice, et
la nomination d’experts qui en avoit été'lia suite, toute»
les*parties consenti rferi tà son etéoutiott’; elles eneliargèrènt
les experts, qui le firent avec leur concours. Notis'aVottS
fait coniloître le'partage de 178^ et les actë£ silBséquens ;
�<39}
on ne peut pas (do,u,ter que le partage de 1785 ne soit défi
nitif; la ¡sentence l’ordonnoit ainsi. Les parties déclarent
qu’elles ont, ainsi que .les experts nommés par la sen
tence, procédé à la première .division des biens ordonnée
ê.tre fa ite p a r ladite sentence : elles se réservent de faire
incessamment le partage du m obilier, en exécution de
ladite sentence, q u i dem eure, pour le surplus de son
ex écu tio n , dans sa f o r c e et teneur. T o u t , au surplus,
d,ans cet acte,, démontre le fait et l’intention des parties.
Les actes postérieurs le démontrent ¡encore : partout
ce partage est .approuvé et ratifié comme définitif; l’acte
du 28 février 1796, notamment, en y apportant quel
ques modifications A l’occasion du testament de 1761?
porte expressément q u e , pour le su rp lu s, le partage de
Ï785 aura sa pleine e t entière exécution.
Personne d’yilleurs n’a pu prétendre qu’il n’étoit que
provisoire.
U ne seule chose reste donc â examiner : ces actes sontils réguliers? sont-ils obligatoires pour tous ceux qui y
sont parties?
O ù pourroit être le doute? L e partage de 1785 est
fait en exécution de la sentence, et par les experts ju
diciairement nommés ; les autres reposent toujours sur
cette base unique; il ne manqueroit donc, en la form e,
au partage de 1785, que l’homologation de la justice,
respectivement aux mineurs : mais vingt-quatre ans d’une
exécution réciproque et volontaire valent b i e n sans doute
une homologation.
. Remettons-nous d’ailleurs sous les yeux les qualités
des parties contractantes, et ce qui s’est passé depuis.
�( 40 )
Claude 4e. , père de Claude et Hugues Bourgade-Roche,
y figuroit personnellement. Les Bourgade-Roche n’agis
sent que par représentation -de leur père -, il n’y a pas
pour Claude 4e. de moyens de rescision, surtout après
vingt-quatre ans, et la double ratification faite en 1796 :
la lin de non-recevoir est donc évidente contre ces deux
appelans.
Jean ne, veuve de Claude 3e., y figuroit aussi de sonchef ; mais elle y figuroit comme tutrice de ses quatre
enfans; et, en celte partie, si les enfans devenus majeurs se
sont pourvus en temps utile contre le partage de 1785, ils
peuvent le faire annuller ou rescinder, s’il y a des moyens,
toujours cependant sans s’écarter des dispositions de la *
sentence dans le nouveau partage qu’ils pourroient faire.
O r , se sont-ils pourvus en temps utile ? n’ont-ils pas
au contraire renoncé au droit de se pourvoir en rescision,
par des actes faits en majorité ?
C ’est ce qui se rencontre respectivement à Hugues
Bourgade-Chèze, et à M arie, sa sœur. Ils étoient majeurs
lors de l’acte du 24 mars 1 7 9 6 , qu i contient un partage
définitif des biens dévolus à la branche de Hugues, par
le partage de 1785 ; non-seulement ils ne réclament pas
en 179 6, contre les dispositions de ce premier acte, mais,
rappelant la confusion qui fut faite dans la communauté
des biens acquis depuis la mort d’A n to in e , ils disent
que cela fut fait ainsi, par la raison q u e , lors de cette
acquisition , let société subsistoit encore.
Fût-il jamais une approbation plus form elle, plus r é
fléchie, plus authentique? C ’est une famille' entière qui
Ja fait çn pleine connoissancc dç cause?
J5ourgade-f
�22 y
( 4 0
Bourgade-Chèze est donc aussi non recevable, soit de
son ch ef, soit de celui de M a rie , sa sœur, à réclamer
un nouveau partage, et à redemander aux six légitimantes
la moindre partie du lot qui leur a été attribué depuis
178 5, et dont ils ont joui depuis.
Trois des appelans sont donc invinciblement écartés.
Reste Bourgade-Malaleuge, de qui aucun acte approbatif
n’est émané en majorité : d’où il résulte que s’il s’est
pourvu dans les dix ans, il a le droit de réclamer contre
le partage , sauf encore l’examen qu’on peut en faire.
D e là deux choses encore à examiner : i° . quel seroit
l’effet de ce droit respectivement à l u i , et 2°. s’il profiteroit aux autres, surtout dans l’espèce particulière.
Retraçons-nous bien d’abord la demande telle qu’elle
a été formée et soutenue.
T o u t en demandant un partage g é n é r a l , Malaleuge
n’avoit d’autre objet que de faire opérer la distraction
du tiers de L averch ère, et de connoître la portion de
chacun dans le surplus. Mais il vouloit si peu s’exposer
à une refonte arbitraire, à un tirage des lots, qu’il concluoit expressément devant le juge dont est appel, qui
s’en est fait un m o tif, à ce q u e , dans le nouveau par
tage, les lots soient f a i t s par a ttrib u tio n , et à ce que
chacun reçoive et conserve dans son lot les objets dont
il est déjà en possession.
D ’ où le juge a conclu, ce qui étoit vrai en effet, que
la quotité de son lot étoit le seul objet de sa critique;
et comme il est vrai aussi que la conf usi on du tiers de
Laverchère est le seul d o m m a g e dont il se plaint, et
que la sentence fait obstacle à toute distraction de ce
F
fik 'X
�( 4 2 )
tiers, il faut reconnoître que la fin de non-recevoir qui
s’élève contre lui-même sur cette question, tranche toutes
les difficultés de la cause.
Les intimés , qui pourroient se plaindre de la vérifica
tion ordonnée, et qui se le sont expi’essément réservé,
sont néanmoins fort tranquilles sur l’événement, bien
certains que le partage de i j 85 ne leur a rien attribué
au delà de ce qui leur revenoit ; ils sont convaincus
d’avance que la vérification n’aura jamais lieu , si le juge
ment dont est appel est confirmé.
A i n s i , en donnant à son système toute la latitude pos
sible , Malaleuge seroit réduit à demander la confirma
tion du jugement dont est appel; car il lui fournit les
les moyens de conserver son lot comme il l’a demandé 7
et d’obtenir ce qui lui manque, s’il n’est pas intégralement
satisfait. M ais, sous tous les autres points de v u e , il est
non recevable; et par cela même on aperçoit qu’il n’a
pas de moyens contre le partage en lui-même, puisque
la demande en distraction de Laverchère est une vérita
ble dérision.
Maintenant, comment les majeurs pourroient-ils être
relevés par le fait du mineur, en supposant même qu’il
pût obtenir en définitif ce que le juge de première ins
tance lui a permis d’espérer?
En principe tout s’y opposeroit.
Il est constant, d’une p a r t , qu’en choses divisibles, le
fait du mineur ne profite jamais au m a jeu r, parce que
chacun conserve ses droits comme il l’entend, dès qu’ ils
sont séparés. Il est certain, en droit comme en jurispru
dence , que le mineur ne communique au majeur le b é-
�( 43 )
néfice de sa m in orité, que dans les choses absolument
indivisibles.
Rien de plus divisible que les choses qui peuvent être
la matière d’ un partage. Les lots une fois faits, et dévolus
à chaque héritier, môme sans acte , les uns peuvent pres
crire , les autres réclam er, et chacun exercer ses droits
à sa g u is e , sans que les autres puissent l’empêcher.
Aussi la Cour a-t-elle constamment appliqué le prin
cipe en matière de partage. U n arrêt de la seconde
cham bre, rendu le 5 thermidor an 12, entre les Cotlion et
Fucliet de N esch er, le décida formellement, eu admet
tant à nouveau partage l’une des parties qui avoit ré
clamé dans les dix ans de sa m ajorité, et en prononçant
la fin de non-recevoir contre l’autre, quoique mineure
lors du même partage , mais parce qu’elle ne s’étoit pas
pourvue dans les dix ans.
Divers autres arrêts, soit de la C o u r , soit des divers
tribunaux de l’E m p ir e , ont décidé de même. L a juris
prudence est aussi constante que le principe.
Seulement si le cohéritier non recevable est a p p e lé ,
il n’est tenu de représenter son lot que fictivement ; et
c’est ce que jugea l’arrêt des Fuchet.
Ici les circonstances sont bien plus fortes. L e mineur
demande que chacun conserve son lot ; seulement il ré
clame des in tim és, et des intim és seu ls, ce qu’il prétend
lui manquer. Ainsi cela ne peut produire aucun boule
versement dans la famille. B o u r g a d e - C l i è z e , ni les Bour
gade-Roche , n’ont rien à crai ndre pour leur lot per
sonnel , par conséquent ni droit ni intérêt de réclamer
F 2
�í 44)
pour eux-mêmes à l’occasion de la poursuite du mineur.
Cette proposition une fois dém on trée, faisons même
abstraction de la fin de non-recevoir , et jetons un coup
d’œil sur le fond.
§• I I .
L a demande est-elle fondée ?
P e u t - e lle être séparée des demandes in ci
dentes ?
Si on oublie pour un instant les fins de non-recevoir,
on est réduit à chercher la lumière dans l ’acte de société ,
dès qu’ il s’agit ici d’une communauté conventionnelle. Il
ne faut pas cependant faire une entière abstraction des
principes ; ils sont toujours un guide assuré , lorsque les
actes présentent des doutes dans leur interprétation. Il
ne faut pas surtout les négliger dans cette espèce, où
la stipulation n’est pas exclusivement propre aux contract ans, maïs où elle tient au x visages du pays et aux
stipulations de la coutume.
O n sait que dans les principes g é n é r a u x , la société
n’existe qu’entre les associés directs ; la maxime M orte
unius societas d isso lv itu r, est vraie en elle-même ; en
sorte que la société ne peut avoir plus d’étendue que
dans les cas d’exception.
A insi ce principe cessoit autrefois dans les pays qui
admettoient la communauté légale, et la continuation
de communauté; et malgré la maxime Hœ res so cii m ei
non est socius m e u s , le survivant des époux qui ne fai-
�23!
( 45 )
soit pas inventaire en coutume du Bourbonnais, étoit
toujours, et malgré lu i, en communauté avec les en fa us.
X-a coutume d’A u verg n e n’établissoit pas la commu
nauté entre é p o u x , mais elle avoit aussi ses dispositions
particulières; elle autorisoit les associations entre toutes
sortes de personnes, les protégeoit autant que les contrats
les plus favorables, et y permettoit les stipulations dont
les contrats de mariage seuls étoient susceptibles par
tout ailleurs. Sans nous livrer ici à des commentaires,
fixons-nous sur quelques articles précis de son texte.
Plusieurs articles du litre 14 annonçent sa vo lo n té;
ils placent l’association universelle sur la même ligne que
l’institution contractuelle, lui donnent la même faveu r,
et l’entourent des mêmes avantages.
V ien t ensuite le titre i 5 , qui* lui est exclusivement
consacré.
L ’article i er. porte : « Tous pactes et convenances,
« tant de succéder que autres quelconques soit mutuelles
« ou n o n , mises et apposées en contrat d’association uni«
te
«
«
«
«
K
«
«
«
verselle faite et passée par personne capable à con
tracter, non malade de maladie dont l’on espère que
la mort s’en ensuit de prochain, sont bonnes et valables,
et saisissent les contralians ladite association ou leurs
descendons. »
L ’article 2 ajoute : « E t durent lesdites convenances
de succéder et autres apposées audit contrat d’association entre les contrahans ladite association , et leurs
descendons , quand il est ainsi convenu et accordé par
¡celles, posé qu’il y ait partage fait entre les associés,
ou que l’un desdits associés trépasse. »
�( 4 6 )
L ’article 3 e n fin , porte l’exception qui résultait assez
^du précédent : « Mais où il ne seroit convenu lesdites
« convenances de succéder et autres apposées es-dits
« contrats durer entre leurs descendans, après le trépas
c< desdits associés, ou partage entr’eux fait; lesdites asso
it ciations et convenances de succéder, et autres y appo« sées sont éteintes par partage subséquent, ou par la
« mort de l’un desdits associés. »
C ’est ici le cas de rappeler ce que nous avons d it,
que les associations universelles furent d’abord très-fré
quentes dans toute l’A u v e r g n e , que toujours ou presque
toujours elles étaient contractées pour les associés et leurs
descendans. Les familles sembloient trouver dans cette vie
commune et patriarchale des moyens de prospérité tou
jours nouveau x, et des liens qui resséroient chaque jour
davantage l’union intime de ses membres,
Cet usage répandu sur toute la surface de l’A u v e r g n e ,
fut resséré peu à peu dans quelques contrées ; et au m o
ment de la révolution , il n’étoit plus connu que dans
les environs de Thiers , qu’habitent toutes les parties.
Mais il y était tellement p ra tiq u é , que la convention
étoit plutôt exprimée par une clause de style, à laquelle
les notaires étoient familiarisés, que par un développe
ment bien clair et bien étudié de la volonté des parties.
Aussi l’habitude de ne contracter que des associations
perpétuelles entre freres, par exemple, faisoit induire cette
intention des parties de la moindre expression ; et la force
de cette habitude étoit telle, que les enfans continuoient
naturellement de vivre ensemble, s’bonoroient de cettç
communauté qui exigeoit tant de bonne foi et do con-
�( 47- )
fiance réciproque , et auroient cru faire outrage à la
mémoire de leurs pères, que d’interpréter autrement les
clauses de leur association.
Ici tout démontre que l’association de 1748 fut de
ce genre. L a qualité des parties, la stipulation de l’acte,
la conduite de l’associé survivant après le prédécès de
l ’un d’e u x , celle des enfans qui avoient participé h la
société pendant la vie des associés prim itifs, tout s’élève
avec force pour déposer de cette vérité.
Dém ontrons-le rapidement. i° . Les associés étoient frères; ils contractoient une as
sociation de famille , dont le premier caractère étoit la
perpétuité, sauf le droit d’interruption ou de division
en plusieurs branches , que pouvoient nécessiter les cir
constances , et^ l’augmentation trop considérable de la
famille.
'
20. A près avoir réglél es conditions ordinaires de la so
ciété , ils ajoutent q u e lle sera am bulatoire du prem ier
au dernier y comme fr è r e s ju m ea u x.
Que signifioit cette clause ? Assurément elle n’étoit pas
placée sans intention , et comme des mots vides de sens,
dans un acte où tout étoit exprimé sans cela, si on n’avoit
voulu contracter qu’ une société pure et simple. Si donc
elle étoit unique et propre à ce seul acte, il faudroit
l’expliquer , et lui d o n n er, comme le veut la lo i, le sens
dans lequel elle pourroil avoir quelque effet. ( C. Nap.
art. 1157. )
Que peut signifier ce mot ambulatoire ?
Il dérive du verbe latin a m b u / a r e ; il signifie que
la société ne sera pas fixée exclusivement sur la tête des
�deux personnes qui la contractent, mais qu’elle se pro
mènera de l’une à l’autre; ce qui naturellement s’exprime
par ce mot, qu'elle sera am bulatoire.
Les termes encore ajoutés, du prem ier au d ern ier,
complètent cette interprétation si simple , si naturelle,
et exclusive de toute autre. Il y a là une expression
sous-entendue, mais qui rigoureusement étoit inutile,
du prem ier au dernier m ourant. Il ne peut y avoir un
dernier des deux associés, sans que l’un d’eux soit dé
cédé , car il n’est dernier que parce qu’il reste seul et
survivant. Si donc la société doit durer avec le d ern ier,
c’est-à-dire, avec le su rvivan t, comme il faut nécessai
rement deux têtes au moins pour form er ou soutenir
une société , il s’ensuit qu’elle dure entre le survivant
et les représentans du prédécédé. Il n’y a pas moyen de
se soustraire à cette conséquence.
Mais cette conséquence est non-seulement celle de la
raison , c’est encore celle de l’usage et de la jurispru
dence.
L a stipulation que la société seroit amb ul ato ir e, n’est
pas propre aux contractans; elle n’est pas leur ouvrage
immédiat; elle est une clause d’usage, une clause de style
dont certains notaires seservoient pour exprimer la conti
nuation avec les enfans, qui ne pouvoit pas avoir d’autre
sens, et qui a toujours été entendue ainsi. M. Chabrol
en cite un exemple.
« O n a ju g é , dit-il sur l ’art. 3 du titre 1 5 , par une
« sentence de la sénéchaussée d’A u v e rg n e , du mois de
« mars 17475 qu’ il avoit été suffisamment stipulé que
« le pacte de succéder passeroit aux enfans, par la clause
que
�( 49 )
que la société seroit am bulatoire d é Tun à V autre, du
prem ier au d ern ier, et que le pacte de succéder a uroit
lie u , iionobstant la mort. O n pensa que les enfans
étoient appelés à V institution, et que les expressions
nonobstant la m o r t, ne pouvoient avoir d’autre objet
que d’appeler les enfans qui survivroient. »
Les appelons se sont fortement récriés sur cette ap
plication : tout est écrit, d isen t-ils, dans ces termes,
>nonobstant la m o rt; et ils ne se trouvent pas dans
l’acte de 1748.
Ce mauvais argument reçoit deux réponses.
Dans le contrat dont l’effet fut jugé en 1 7 4 7 , il faut
distinguer deux choses. O n stipule d’abord que la so
ciété sera am bulatoire du prem ier au dernier,• et cela
suffit pour la faire passer aux enfans. On ajoute que le
pacte de succéder aura lieu nonobstant la m o rt,• et
cela appelle les associés c'i succéder l’un à l’autre, malgré
l ’existence des enfans, q u i, par cela seul, sont réduits à
leur légitime.
«
«
«
«
«
«
O r , comme l’association peut durer après la m ort, sans
que le pacte de succéder subsiste au préjudice des en
fans; comme il est aussi dans les caractères du pacte de
succéder, que la stipulation peut le faire subsister, quoi
que la société soit interrompue par un partage, il s’ensuit
que l’expression am bulatoire, employée seule dans un
contrat d’association , mais sans application au pacte de
succéder, la fait continuer sur la tête des enfans du pré
décédé , quoique le pacte de succéder soit anéanti.
Ici on ne prétend pas que le pacte de succéder ait sub
sisté après la naissance des enfans.
G
�c 5° )
En second Heu, ce que nous avons dit plus haut sur
ces termes , du prem ier au d ern ier, démontre qu’il ne
faut tirer aucune conséquence de l’addition ou de l'omis
sion de ces autres m o ts, nonobstant la m o r t, qui ne sont
guère qu’ une superfétation, car aucun des associés ne
reste le dernier si l’un d’eux n’est prédécédé.
E n fin , cette signification du mot am bulatoire est celle
de l’usage, comme l’attestent les premiers juges, à qui
ces usages sont familiers.
3°. Ce fut l’opinion que manifesta Hugues 2e. après la
m ort de son frè re , et ce fut celle des jurisconsultes du
temps.
Comment se conduisit Hugues 2C. à cette époque ? mitil quelque différence entre ses enfans et ses neveux dans
l ’administration de la fortune? fit-il entrevoir qu’ il eût
besoin de séparer dès-lors des droits q u i, égaux à cette
époque, fussent devenus très-difïerens par la suite, si la
société eût été interrompue ? Non ; il se regarda vrai
semblablement comme le chef d’une société toujours
subsistante, q u ’il d e vo it livrer au x uns et a u x autres lors
de son décès, en l’état où elle se trouveroit, et pour la
quelle ses neveux comme ses enfans n’auroient besoin
d’autres lumières que de celles qu’ils pourroient prendre
à l’ouverture de sa succession.
Il paroît cependant que bientôt après il hésita dans
cette manière de penser , et crut pouvoir acquérir le
domaine de Laverchère pour Claude 3e. , son gendre ,
et lui.
Mais cette hésitation ne fut que passagère ; et en 1778,
faisant une nouvelle acquisition ? il y stipula tant pour
�( 5i )
lu i que pour les enfans de défunt A n to in e B o u rg a d e,
son f r è r e et son a sso cié , et c e , au prorata de ce que
chacun d’eu x amejide dans la succession dudit A n to in e
B o u r g a d e, leur père.
I<es iutîmés croient savoir qu’il fut raffermi dans ses
premières idées sur la durée de l’association , par des
jurisconsultes recommandables, qu’il consulta avant de
faire cette acquisition. A u reste, il étoit contractant en
1748; et quoique la rédaction ne fût pas son ouvrage,
il savoit ce qu’il avoit entendu faire.
Ses enfans et représentans, en lui prêtant une autre
p ensée, oseront-ils l’exposer au reproche d’avoir cher
ché à enlever à ses neveux les moyens de connoître leur
fortu n e, lorsque l’âge leur permettroit d’en jouir; qu’il
fut infidèle et coupable de malversation, en s’appropi'iant
une fortune mobilière considérable, et en touchant les
capitaux sans faire d’inventaire ni prendre aucune pré
caution pour laisser à ses n eveux, après l a i , des lumières
q u ’ils ne pouvoient pas avoir par eux-mêmes?
*
Que les appelans choisissent ; car il n’y a pas d’appa
rence qu’ils osent soutenir, moins encore qu’ils puissent
faire présumer qu’au décès d’A n to in e , la société étoit
m auvaise, et qu’elle devint beaucoup meilleure après
l u i , parce que les revenus d im in u èren t, et que les dé
penses s’accrurent.
40. Enfin , comment l’ont entendu les enfans Bourgade
eux-mêmes , après la mort de Hugues ?
En 1785, ils partagent tous les biens, et y com prennent,
comme biens de société , tous ceux qui avoient été acquis
depuis la mort d’A u t o in e , notamment le domaine do
G 2
�' ( 52 )
Laverchère. Et remarquons q u e , parmi les copartageans,
se trouvoient les trois héritiers institués de H u gues, qui ,
mariés dès 1771 , et parvenus, ainsi que certains des
légitimaires de H u gues, à un âge qui les avoit mis à môme
de connoître et de gérer la soeiété sous sa direction, en.
connoissoieut le principe et les élémens.
Dans un acte du 28 février 179 6, ils ratifient ce par
tage, q u i, disent-ils, aura sa pleine et entière exécution.
E t , dans celui du 24 mars 1796, ils le ratifient en core,
et remarquent que c’est avec réflexion qu’ils ont compris
dans le partage de 178 5, les Liens acquis depuis la mort
d’A n to in e , par la raison q u e, lors de ces a cq u isitio n s,
la société durait encore.
Ceux qui argumentent maintenant de leur m in orité,
lors de ces actes, ne sont-ils pas au moins coupables d’ir
réflexion? Y a-t-il quelque pudeur à soutenir une pré
tention de ce genre? Eussent-ils même l’espoir de réussir,
le profit qu’ils en retireroient auroit-il quelque propor
tion avec le mal qu’ils ont causé, en jetant le trouble et
la désunion dans leur pr opre famill e, dont l’harmonie et
la bonne intelligence avoient été jusque-là sans nuages?
é t o it - i l assez considérable, pour justifier l ’espèce de
scandale qu’ils ont causé, en s’efforçant de détruire l’ou
vrage de leurs auteurs; cet ouvrage qu’ ils eussent dû regar
der comme le titre le plus honorable de leur fam ille,
quand bien même leurs intérêts en eussent été légèrement
blessés? Eu cela ils eussent imité leurs pères qui, méprisant
à cette époque le petit appât que pouvoit leur offrir
l ’esprit de chicane, et rendant hommage à une vérité qui
étoit de leur science ? ne virent que l’intention de leurs
�auteurs, se regardèrent tous comme des frères qui jusquelà n’avoient eu que des intérêts communs, et qui sem
blèrent les diviser à regret.
Nous nous bornons ici à faire parler les faits dont le
langage a une force irrésistible. S’il étoit nécessaire, nous
trouverions des ressources égales dans les principes du
droit; nous expliquerions avec e u x , de la même m an ière,
l ’esprit de l’acte de société ; la loi seroit notre guide. S i
non apparent quod acturn e s t , id sequam ur quod in
regione in quâ actum est frequentatur. Ainsi s’exprime
la loi 3 4 , ff. de reg. ju r. O ù seroit donc le doute que la
société a dû se continuer dans une contrée où cela étoit
d’ usage ? où seroit le doute que la qualification am bula
toire lui imprimoit le caractère de cette d u ré e , lorsqu’elle
étoit ainsi entendue dans l’ usage, et qu’elle ne pouvoit
avoir d’autre sens?
Les appelons le nient ; ils n’ont cependant pas manqué
d’apercevoir l’extrémité où ils se jettent par une prétention
contraire; mais ils ont méprisé cette considération. T o u t
ce que nous venons de dire fut v r a i , comme cela est
évid en t; la conduite de Hugues fut un véritable aban, don dicté par la force de la vérité et sa propre im pulsion,
ou il fut un administrateur infidèle. Jusqu’ici ses enfans,
ses petits-enfans , les appelans eux-mêmes ( BourgadeChèze et M arie), s’étoient honorés de ratifier son ouvrage ;
ils donnent aujourd’hui un démenti à leur aïeul, à leurs
pères, à leurs propres faits ; et, qu’en résulte-l-il ? Autant
d’outrages à leur mémoire.
En effet, si la société dut cesser eu 1 7 7 3 ? si les intérêts
�devinrent distincts et séparés , les plus minutieuses pré
cautions devinrent nécessaires au survivant, pour con
server les intérêts de ses neveux. Il se trouva placé dans
la même position que le survivant de deux époux qui
étoient en communauté ; il demeura chai’gé des obliga
tions et de la responsabilité qui pèsent sur tous ceux
qui administrent les biens d’a u tru i, et plus spécialement
sur ceux qui jouissent les biens des mineurs. Il doit un
compte de sa gestion , et ce compte doit ê t r e , i ° . de
tous les dîmes , cens , rentes , obligations, bestiaux,
profit de cheptels, bénéfices de com m erce, qui se trouvoient dans la société au moment de la mort d’ A n toine;
2°. de tout ce qui a été perçu depuis 1773 jusqu’en 1785.
L e défaut d’inventaire est une preuve de négligence *
et une présomption de soustraction. L a plus légère de
toutes les peines de la l o i , est de rendre l’administrateur
responsable de tout ce que la commune renommée fait
présumer de la fortune mobilière.
Pas le moindre doute sur l’application de ce principe
à la cause actuelle. SL les appelans ou l ’ un d’eux pe uv e nt
faire fixer à 1 7 7 3 , dans leur intérêt personnel, la disso
lution de la so ciété, les représentans de Hugues doi
vent y l’apporter tout ce qui composoit la fortune m o
bilière de la société à cette époque ; ils doivent en subir
la fixation , d ’après une preuve de commune renommée ;
et cette p r e u v e , que les circonstances connues soutiend ro ie n t, et dont elles font pressentir l’événem ent, ap~
prendroit jusqu’à quel point il est permis de dire qu’un
commerce florissant, quatre fermes seigneuriales consi-
�( 55 )
dérables, qui avoicnt duré huit ans, et les produits des
biens ruraux , ne présentoient aucun actif mobilier au
décès d’Antoine.
M a i s , dans le cas particulier, la loi dispense de ces
recherches ; elle détermine la peine du su rviva n t, et la
consistance de la succession du préd écéd é, en ordonnant
la continuation de la communauté.
C ’est d’abord ce qu’elle fait pour les communautés
légales entre époux. Ce seroit s’épuiser vainement en
efforts, et abuser des momens de la justice, que de l’é
tablir par des citations.
L a raison seule l’étendroit aux sociétés convention
nelles, dont le principe est le m êm e, et où le m otif sub
siste également : mais la loi s’en explique positivement;
les docteurs du droit n’en ont fait aucun doute.
L a coutume de Bourbonnais, q u i, comme celle d’A u
vergne , admet les associations entre toutes personnes ,
porte, article 270 :
« Si l’un des conjoints par m ariage, ou autres com « muns p erson n iers, vont de vie à trép as, . . . . et le
« survivant ne fait aucun inventaire, partage ou autre
« convention équipollente à partage, dedans quarante
« jours, . . . . la communauté des biens se continue, et
« c o n se rv e entre le survivant et lesdits enfa n s , etc. »
Les coutumes de Nivernais et de Berri sont aussi
précises. La première , au titre des com m unautés et
a sso cia tio n sj la seconde, à l’article 20 du titre 8 , qui
est ainsi conçu :
« L e s sociétés et com m unautés conventionnelles, e\’« presses ou ta isib lcs} induites par demeure et dépenses
�( 56)
« communes, et communication de tous gains et profits,
« se continuent entre le survivant et les héritiers du
«
«
«
«
«
•.«
p ré d é cé d é , en ligne directe et collatérale, m ajeurs
ou m in e u r s, ju sq u 'à ce q u ’il y aura un inventaire
fait par les survivans, partage, ou autre déclaration
expresse de volonté fa it e p a r les su rviv a n s, q u ils
n entendent persévérer en la société contractée avec
les prédécédés. »
Ici il n’y a de déclaration que dans l’exploit de M ichel,
en 178 4, et de partage qu’en 1785.
ce La société entre paroissiens et gens de village, nous
« dit Rousseaud-Lacombe, continue entre le survivant
« et ses enfans mineurs, ou les enfans m ineurs de Vautre
« a ssocié, faute d’inventaire. »
M . H en rys, quest. 9 9 , traitant la question pour des
personnes d’A u v e r g n e , et de la ville de Thiers, s’ex
prime ainsi :
« Encore que la société finisse par la m ort, il est ce« pendant nécessaire que le survivant des associés fasse
« inv ent ai re , autrement la société continue.
te
ce
«
«
«
cc
cc
« Ce qui a été introduit pour la continuation de com
munauté au défaut d’inventaire, a lieu , continue-t-il,
aussi - bien pour les autres communautés que pour
la conjugale; il y a identité de raison, puisque c’est
___pour punir la négligence du survivant, et couper
le chemin aux fraudes qu’il pourroit commettre. Puisque c’est en faveur de mineurs, et pour les garantir
des surprises, il faut établir la môme règle.
Il est inutile de remarquer que l’espèce traitée par
Henrys étoit loin de présenter la même faveur; inutile
aussi
�$4$
( 57 )
aussi de s’étendre en citations et en raisons, pour éta
blir la continuation de société. E vid em m en t, en l’ab
sence de toute stipulation et de toute reconnoissance, elle
auroit continué jusqu'au partage: enfans mineurs, société
considérable en m obilier, point d’inventaire, pas même
de tutelle des enfans du p ré d écé d é, toutes les circons
tances possibles se trouvent réunies.
Mais il y a une stipulation positive.
Il y a reconnoissance des parties intéressées dans le
partage de 1785.
Il y a approbation, ratification de cet acte et de toutes
ses dispositions, soit par les auteurs des parties, soit par
les parties elles-mêmes : un seul n’a pas d’approbation
contre lui ; mais où peut en être la nécessité, l’utilité
m êm e? tout ne se réunit-il pas contre lui comme contre
les autres? lui a-t-on fait le moindi’e to rt? n’a-t-il pas
sa portion entière? la vérification ordonnée par le ju
gement dont est appel, ne lui fournit-elle pas les moyens
de la com pléter, s’ il lui manque la moindre chose? le
jugement n’en ordonne-t-il pas la délivrance? sa propre
demande ne l’exclut-elle pas de réclamer rien de plus?
C ’en est assez : il seroit en ce moment .superflu de se
livrer à d’autres détails, de parler de l’appel incident que
les intimés se sont réservé , ainsi que des subdivisions
ordonnées. Si cela devient nécessaire, on y suppléera dans
la plaidoirie. Les enfans légitimaires d’ Antoine Bour
gade ne s’étoient pas plaints de ce que, dans une société où
tout sembloit devoir être com m un, ils a voient été réduits
h une portion exiguë. Pleins de respect pour la mémoire
et la volonté de leur père, pleins de confiance en leurs
II
�( 58)
associés, ils la reçurent de leurs mains, comme il plut
aux experts de la fixer, sans même réclamer contre les
avantages énormes que H ugues avoit faits depuis 1773
à ses enfans, aux dépens de la société. Ils s’étonnent au
jourd’h u i, et la morale s’offense, de ce qu’après vingt-huit
ans d’une jouissance paisible, ceux-là même qui la leur ont
délivrée, osent leur en disputer une partie, au mépris de
toutes les lois, de toutes les convenances, et des actes les
plus inviolables; de ce q ue, foulant aux pieds les engagemens les plus saints, de jeunes ambitieux veulent leur
arracher quelques lambeaux de cette portion sacrée qui
leur étoit réservée par la lo i, et qui leur avoit été déli
vrée de bonne foi. Mais la justice veille; elle sera scan
dalisée, et son invincible autorité repoussera loin d'elle
une prétention qui n’a d’autre principe que l’am bition,
d’autre soutien que l’injustice.
.
.
M e. V I S S A C , avocat.
M e. T A R D I F , avoué licencié.
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , im p r im é e la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison L a n d r io t . — Octobre 1812.
.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bourgade, Antoinette. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Tardif
Subject
The topic of the resource
société universelle
coutume d'Auvergne
partage
communautés familiales
société ambulatoire
communautés tacites
coutume du Bourbonnais
généalogie
prêtres réfractaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Antoinette Bourgade, et Louis Bourgade, son mari ; Marguerite Decouzon, veuve d'autre Louis Bourgade, tant en son nom comme ayant acquis les droits d'Antoine Bourgade, que comme tutrice de sa fille, tous habitant au lieu du Buisson, commune de Vollore-Ville, et Michel Bourgade, prêtre, desservant la succursale de Vollore-Ville, intimés ; contre Hugues Bourgade-Chèze, habitant à Vollore, Claude et Hugues Bourgade-Roche, et Claude Bourgade-Malaleuge, habitant à la dardie, commune de Vollore, appelans ; en présence de Claude Bourgade, prêtre, curé de Cusset ; d'Antoine Bourgade, ex-génovéfin ; de Jeanne Bourgade, veuve de Claude ; et de Marin Bourgade, propriétaire ; tous habitant de la commune de Vollore.
arbre généalogique.
Table Godemel : société : 7. en coutume d’Auvergne, et dans un contrat de société universelle entre deux frères, la clause qu’elle sera ambulatoire du premier au dernier comme frère germain, signifie qu’après la mort de l’un des associés, l’associé survivant est libre de révoquer la société ou de la continuer avec les descendants de l’autre ; mais s’il ne la révoque pas expressément, la société continue avec les descendants pour la portion qu’y avait le défunt.
arbre généalogique
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1748-1812
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
58 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2207
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2206
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53436/BCU_Factums_G2207.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vollore-Ville (63469)
Vollore-Montagne (63468)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
communautés familiales
communautés tacites
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
généalogie
partage
prêtres réfractaires
société ambulatoire
société universelle