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M
É
M
O
I
R
JUSTIFICATIF
E
,
P O U R
J
«r
Mc D E S M A R O U X ,
ACCUSÉ.
C O N T R E
M. LE PROCUREUR DU RO I
A C C U S A T EUR.
�CRIMINEL.
M
É
M
O
I
R
E
JUSTIFICATIF,
P O U R Me J o s e p h D e s m a r o u x , Notaire Royal &
Procureur au Bailliage Royal de Montaigut en
Combrailles, prifonnier dans les prifons de la V ille
de Riom, accufé.
C O N T R E Monfieur le Procureur du R oi de la
Sénéchauffée d’Auvergne & Siège Préfidial de la
Ville de Riom } accufateur.
infortunée de la vengeance & de la calomieje
n gémis depuis deux mois dans l’horreur des
prifons ; j'éprouve tout ce qui eft deftiné aux fcélérats du premier ordre; cependant, tout autre que
m o i eft coupable du crime qu’on m’impute. Fut-il
A
Vci t i m e
r
~
�*jamais d’accufé plus cligne d’être .plaint du public 8c
' protégé par -la juftice '1 Diipeniàteurs de ce tréfor
«îacré, magiilrats intègres, vous devez l’ouvrir à tous
ceux qui le demandent ; s'il pouvoit être fermé pour
un, il pourroit l’être pour tous : le dernier des citoyens
' y a le même droit que les puiiTances du royaume ;
mais, .s’il pouvoit y avoir quelque préférence iiir la
diftribution d’un bien il précieux, la raifon, la nature
Sc l’humanité ne demanderoient-elles pas qu’elle fût
. en faveur du malheureux qui eilinjuftement opprimé?
Père de famille, domicilié, jouiiTant de tous les
droits de l’honnête bourgeoise , j’ai été outragé
dans mon honneur, dans ma perfonne, dans ma
-liberté. Chargé par état de la confiance & du f e c r e t
des familles, j’ai depuis long-temps rempli tous mes
devoirs avec toute l’attention qu’ils exigent : e x p o i e ,
"malgré ces avantages, aux coups d’une trame odieufe,
ourdie par le reifentiment, fomentée par la paillon,
- & foutenue par la cabaletdç-^quelques ennemis pervers,
, je fuis confondu avec les malfaiéïeurs, & réduit a
paroître aux yeux de la juilice en criminel.
Mais, qui peut fe ‘ défendre de la calomnie, iur"
t o u t quand elle eil armée du bouclier impénétrable
-¿le ia tyrannie, le fecret! Combien de gens h o n n ê te s
‘ont été à la veille de fuccomber fous le poids de
-raceufation la plus injufte ? La vertu la plus p ^
'n’eft-ellepas tous les jours en butte à l’envie & a ^
�TlaiTuré par mon innocence, je pourrois laifFer le
foin de ma défenfe à la réputation que je me fuis
acquife en vingt-deux ans d’exercice dû
charges
& des différents emplois de confiance dont j ai ete
honoré par plufieurs perfonnes de considération ; je
pourrois me difpenfer de me donner en fpeétacle au.
public, par un mémoire, û la juilice humaine, mesu
rant fes coups fur ceux de la juftice divine, pouvoic
çonnoître fur le front des hommes la perverfité de
leur cœur, & diitinguer le coupable de l’innocent;
fi elle pou voit dire en toute atfurance : Defcendam,
.. 6’ videbo utràm clamorem qui venu ad me opere compleverim an non efl Itd ut fciam ( a ') .
Ma caufe intérelle effentiellement la fociété ; c’eit
celle de tous les notaires; c’eft celle de tous les
citoyens, parce qu’il n’y a perfonne qui puiife fe
flatter de n’avoir aucun ennemi, & d’être à l’abri de
la calomnie. Des circonitances il fingulières & fi inté^
reiTantes pour un homme public, demandent qu'il
faife paroître de la fenfibilité; elles veulent q u i1
repouife l’outrage; elles lui mettent les armes à la
main pour ia défenfe. Ce feroit donc mériter de ma
part toutes les injures qui m’ont été faites, que de
n en pas faire çonnoître l’injuftice aux refpe&ables
luagiftrats qui doivent me juger, & au public qui
!u a allez honoré de fon eitime, pour ne pas me fair^
Vn crime du filence que je voudrois mimpofer.
( tt) Genef, ch'ap. 1 8 , verf. 2 1 .
A
2
�L e fieur de Segonzat, feigneur de Champigoux,
'fit en ma faveur, par un feul & même aéte du 24
feptembre 1 7 j 6 } deux donations : Tune, à titre oné
reux, & l’autre abfoiument gratuite : l’a<5le fut reçu
par Giraud, notaire royal à Montaigut; il fut paifé
dans l’étude du notaire, & écrit de la main de Lougnon
qui lui ièrvoit de clerc pendant les vacances qu’il
paiîoit à Montaigut, chez le iieur Tabardin, notre
beau - frère.
Il eft dit dans la première partie de cette donation,
que le ijfeur de Segonzat me donne, par donation
entre-vifs, le bien & fief de Champigoux, fous la
réferve de l’ufufruit & jouillancede tous les bâtimens,
jardins y attenans, de deux chenevières..........le iieur
de Segonzat fe réferve auifi la dire&e fur les objets
donnés, & y impofe la redevance d’un denier de
cens portant profit. La donation eft de plus faite, à
la charge par moi de payer annuellement au iieur de
Segonzat une penfion viagère de 800 liv. d’acquitter
fes dettes, juiqu’à concurrence de la fomme de
lo a o o liv. ou environ, & de le tenir quitte de la
iorome, de ^ 3 liv. qu’il me devoit perionnellement.
La féconde claufe de la donation porte que « Ie
» fieur de Segonzat déiirant me témoigner la conti» nuation de ion amitié & de fon affe&ion „ . - •
a
* donné & me donne gratuitement, & aux miens*
�» par donation entre-vifs perpétuelle & irrévocable9
» le domaine appelé des Rondiers, fitué audit lieu
« de Champigoux, coutume deBourbonnois, & tous
r> les autres héritages en roture, qui lui appartenoient,
y> fitués dans les paroiiTes de Mourmière & St. Eloy ,
» avec quatre boeufs.......... en quoi que le domaine
y> des Rondiers & héritages en roture confiftent &
» puiiTentconfifter, fans en rien retenir ni réfer ver (a ).
Je dois obferver ici ( & c ’eft le feul crime qu’on peut
m'imputer, en fuppofant que je doive être garant des
laits d’autrui ) qu’à la fuite de cette fécondé partie
de la donation, Giraud qui la dtéloit, fit, par igno
rance, ou plutôt dans le deifein de trahir mes intérêts,
inférer la clauie, que le fieur de Segonzat me donnoit
de plus t o u s s e s b i e n s é c h u s e t a é c h o i r , p u é s e n s
e t a v e n i r (/>); ce qui rendoit la donation radicale
ment nulle, d’après les difpofitions textuelles de l’or
donnance de 1 7 3 1 .
J ’étois dans l’étude de Giraud, pendant q u il étoit
occupé à compofer cet a&e ; mais je faifois alors la
converfation à l’écart avec le fieur de Segonzat, & ne
donnois aucune attention à ce que Giraud di&oit,
n ayant*garde de fufpeéter fes deileins, moins encore
■(û) Nota. C e ft pour ce dernier objet de la donation feulement)
le fermier de M. le duc d’Orléans m’a demandé des droits de lods*
L a minute de la donation étoit compofee de deux feuilles« fit
claufe fe trouvoit écrite dans là feuille du milieu.
�( 6)
de me défier de Ton expérience & de fit capacité qui
m’étoient connues : d’ailleurs, on dévoie mç faire
leéhire de l ’a ile ; on me l’a fie en efiet, & alors
remarquai la claufe vicieufe : j’en iis auiïi-tôt l’obfer-.
vation, & demandai que la minute fût changée, ou
la claufe fupprimée, attendu que je n’étois pas dans
l ’intention de fournir aux frais d’une donation qui ne
pouvoit m’être utile. Sur ma repréfentation, Giraud *
ayant remontré qu’il fuffifoit de changer la feuille du
milieu, fur laquelle étoit écrite la claufe vicieufe, &
de fubflituer une autre feuille, dans laquelle on ne
comprendroit point les biens échus & à échoirs } pré' fens & à venir, le iieur de Segonzat & moi nous ren
dîmes à fon avis. Dans le même moment, la feuille
étant tranferite par Lougnon, la claufe fupprimée Si
l’aéte figné, je me retirai avec le iieur de Segonzat,
laiifant iiir la table de Giraud, & la minute de la
donation, & malheureufement la feuille fupprinuç
qu’on auroit dû déchirer dans l’inftant, Mais quel eft
l’homme allez prévoyant qui puiife fe flatter de n’avoir
jamais eu d’imprudence à fe reprocher?
Enfans de colère & du menfonge, vous qui êtes
plus confommés en malice que ces fcélérats même,
dont les crimes ont enrichi Unitaire au déshonneur
de la nation, mon imprudence va fournir à votre
imagination une vaite carrière, pour exercer vos
talens. Mais tous vos projets odieux, vos impoftur^,
vos calomnies, viendront, fe brifer à l’écueil de lip*
vraifemblance & des contradi&ions.
�(7 )
,
.
..
— -Les dates font dans cette affairé, de la plus 'grande
‘
importance.
'.......
c La donation faite* en ma faveur par le fieur de
^Segonzat, le 2.4 feptembre 17 7 6 y lut contrôlée &
¿nfinuée le 2,6 du même mois. Cette vérité ne peut
iparoitre équivoque , puifquelle eft confignée dans
des aéles .publics, dans un certificat du contrôleur,
& dans fa propre dépofition.
^
Devois-je m’attendre qu’une libéralité de cette
-nature alloit devenir pour moi le principe de la dei‘tru6lion de ma fortune! Pouvois-^je prévoir que des
-héritiers qui avaient refüfé d’accepter ce don, âux
Tnemes conditions que moi, fe ligueroieilt un jour avec
des ennemis jaloux & un fermier avide, pour me perdre
-dans l’efprit d’un confeil éclairé, du confeil d’un prince,
à tous égards refpedjjable, M. le duc d’Orléans?
La ligue formée , je fus atteint de fes coups-meur
triers, peu de temps après la donation. Je vis éclôrfe
deux procès contre moi, & s’en former un troiiîème
-qui attend fon exiftence du fort de la plainte q u oa
a fait-rendre contre moi.
I
‘ Giraud, quel nom viens-je de prononcer î ouï,
Giraud* ce même notaire qui a di&é la donation faitfe
^n ina faveur, par le fieür de Segonzat, cé notaire
jjui avoit eu la confiance des deux parties^ ie montre
^'la^tête de la cabale; il eft le •premieri'qui c'hei'çhe
faire dépouiller ’detf biéiis iqüi venbièiït de m êtrfe
’^ rniés en fa préfencè. Que ne^d'oît - on pas -crâindïb
^ ieifentiment & d’une baiTe jaloufieS
�(8)
Depuis la donation, ayant été chargé, en ma Qua
lité de procureur, de la défenfe de Jean Rouzîiie',
auquel Giraud avoit iufcité le procès le plus>injufte,
pour la vente de la coupe dun bois taillis je deviens
un objet odieux pour Giraud. Il faut me venger,
dit-il, il faut me venger, quand je devrois moi-même
être enveloppé dans ma propre vengeance.
Des raifons d’intérêt l’animèrent encore & lui
fuggérèrent le plan qu’il a fuivi, & que, fans doute,
il méditoit, en faifant ma donation, puifqu’il a confervé foigneufement cette feuille fatale que je fis
iiipprimer. C ’eft cette pièce dangereufe qui lui four
nit le moyen de me nuire. On voit tout d’un coup
l ’ufage qu’il en pou voit faire, & il le fit d’autant plus
avidement, que le fuccès & l ’impunité paroifToient
infaillibles.
Il voit le fieur de Segonzat, l’engage à fe pourvoir
contre fa donation, & lui fait part des reiTources qu’il
lui a ménagées pour réuifir à la faire déclarer nulle.
Ceux qui ont connu le fieur de Segonzat, ne feront
point étonnés que Giraud ait pu le faire varier.
On m’aiTigne donc le 1 7 février 17 7 7 en jufàce
de Montaigut, en nullité de cette donation faite cinq
mois avant. Le moyen de nullité eft tiré de ce que
la donation comprend les biens à venir.
Quel abus, Giraud, faites-vous de votre miniftère?
Eft-ce la haine feule qui vous confeille de vous com
porter ainfi ! Non : une efpérance chimérique vous
�t 9)
fait ,encore agir., Vous vous étiez periuade què ladonation faite en ma faveur étant une fois annullee*
le fieur de Segonzat difpoferoit des mêmes biens en,
faveur de Bouttin, beau-frère de votre gendre. C ’eft
le langage que vous avez tenu, & la convention que
vous aviez faite avec le fieur de Segonzat : la preuve
en eft écrite au procès.
Je" négligeai de comparoître fur la demande du
fieur de Segonzat, ou plutôt je ne favois quel parti
prendre; car, comment éviter la nullité, s’il falloit
que j’adoptaife le faux a<5te, & comment entrepren-v
dre de pourfuivre mon confrère en aèlion de faux!
comment même prouver la fauifeté?
Cependant le iieur de Segonzat prit contre moi.
une fentence par défaut, le 4 du mois de mars, qui
déclara la donation nulle.
L ’impofture, fière de mon filence & de fes pre
miers fuccès, alla croiifant de jour en jour. Giràud
s’étant retiré pour un moment derrière le rideau, je.
vis paroître fur la fcène Salleneuve, fermier de M.
le duc d’Orléans, pour me fufciter un nouveau pro
cès, fous le nom de ce prince. Ce fermier s’étant
figuré que la donation qui m’avoit été faite par le
fieur de Segonzat, étoit une vente déguifée, me fit
aflîgner, fous le nom du prince, en la juftice de
■Montaigut, le 1 ^ du même mois de mars, pour être
c°ndamné à payer les droits de lods.
1
défenfe fut fimple. Je ne devois pas de droits
�Cio)
rde lods pour une donation gratuite;'& quand j’en
aurois dû, je ceiTois d’y être aiîujetti, fi, par la four
berie de mon notaire, ma donation devoit demeurer
nulle : ce furent les moyens que j’employai ; je dis
d’abord qu’une donation ne donnoit point ouverture,
aux droits feigneuriaux dans la coutume de Bourbonnois ; j’ajoutai fubfidiairement que la donation
fa ite en ma faveur par le fieur de Segon^at} avoit
été déclarée nulle par une fentence du bailliage de
Montaigin 3 d3ouje concluois que M . le duc d 3Orléans
ne pouvoit pas exiger de droits feigneuriaux, jufqu à
ce que la jujiice eût prononcé définitivement jiir cette
demande en nullité de la donation, ou que le fieur de
Segon^at s3en fu t déjijlé.
J ’étois bien loin par ce genre de défenfes, d’ap
prouver la demande en nullité, & j’en difois allez
pour montrer le cas que j’en faifois, ou du m o i n s
pour convaincre que je ne m’en tiendrois certaine
ment pas à la fentence de Montaigut.
. Comment donc la malignité peut-elle me faire ufl
crime de m’être ainii défendu l Etoit-ce m ’a p p r o p r i e r
le faux de Giraud, & vouloir abufer de la nullitf
apparente, que d’en appeler, au contraire, à lajuft*te, & d’annoncer que je ne regardois pas comme
définitif le jugement de Montaigut? d’un autre côté,
ii ce faux devoir produire fon effet, fi je ne p o u v o i r
parvenir à écarter cette prétendue & fauiTe nullite>
oit-il jufte que je payaife les lods d’un bien ep*
�< « ')
n’étoit pas à mol! c’étoient les termes ou ) en etok
lorfque je me défendis, & il y a à ce fujet deux circonftances bien remarquables : lu n e, qu’à l’époque
des défenfes que je fis fignifier le i< juillet 17 7 7 t
contre la demande de M. le duc d Orléans , il eft
inconteftable que la fentence qui déclaroic nulle la
donation que m’avoit fait le fieur de Segonzat, fubfiftoit dans toute fa force, puifque je n’attaquai cette
fentence par la voie de l’oppofition qu’au mois d’aouc
fuivant.
L ’autre, que Giraud, de concert avec Salleneuve,
pour me perdre, ayant eu l’infidélité de lui délivrer
une expédition de la donation dans laquelle il avoit
inféré la claufe des biens échus & à échoir préfens &
à venir ; & Salleneuve m’ayant fait fignifier cette
donation dans cette forme, j’avois tout lieu de crain
dre que la perfidie de Giraud ne l’eût encore porté à
faire contrôler & infinuer cette donation dans la même
forme. Il n’y a rien à efpérer d’un ennemi, & tout eft
à craindre de fa part.
« Pour terminer mes doutes & fixer mes incerti
tudes, j allai confulter les regiftres des infinuations,
Sc me fis donner par le greffier une expédition de la
donation. Etant alors bien aifuré de fa validité, je
formai oppofition à la fentence qui avoit été iurpriie
contre moi, de la part du-fieur de Segonzat, & depuis
'1 n a plus été queftion, ni en la juftice de Montaigut,
1X1en ta cour de parlement, où l’affaire fut portée par
,
�'(,1 2
)
"appel, de la fentence obtenue parle iîeur de Segonzat,
qui déclaroic la donation riulle.» Giraud avoit en ion
pouvoir, & la feuille fuppriinée, & celle qui fut iiibftituée, au moment de l’aéte ; & cet ennemi juré fe
faifoit un jeu de délivrer des expéditions, tantôt dans
une forme & tantôt dans l’autre : tel eft l’art dange
reux qu’une intrigue adroite fait employer pour fatisfaire Tanimofité, Sc compromettre l’innocence.
Inftruit du contenu en l’expédition que javois
retirée du greffe, le fieur de Segonzat ne put fe diffimuler que la donation étoit valable, & que Giraud
l’avoit induit en erreur, en abufant de fa crédulité-;
il s’empreifa à m’en faire part & à fe réconcilier avec
m o i l a lettre qu’il m’écrivit à ce fujet le 10 août
1 7 7 7 , eil trop eifentielle à ma juilification, pour
que je puille me difpenfer de la tranfcrire ici dans fon
entier.
!
« Moniîeur, M. Bidon, mon procureur, m’a die
» que vous avez formé oppolltion à la fentence ( du
4 mars 17 7 7 , qui déclaroit la donation nulle, comme
contenant la claufe des biens échus & à échoir, ôcc. ) j
» je vous prie de ne point la pourfuivre : M. G i r a u d ,
» quoique votre ami, m’avoit confeillé cette demande,
pour m'engager à faire une nouvelle donation a
» B outtin j* il m avoit dit q u il s*e'toit refervé, lors de
y> la donation , DE quoi à me faire réujftr : je fuis
,» trop:content de vous, pour me laiifer,gouverner
y) à l’avenir par'de.mauvais confeils; laites,laire w
»
�( 13 )
v» Coupe * je vais la manger chez vous, & fuis votre
r> ferviteur, figné 3 d e S e g o n z a t r>.
. Il n’y a rien dans cette lettre qui ne foit remar
quable. Chaque phrafe, chaque ligne, chaque mot
découvre la perfidie de Giraud & la noirceur de fe’s
intentions : il a confeillé la demande en nullité ; il a
confervé d e q u o i à la taire réuilir ; il a déterminé le
fieur de Segonzat à difpofer en faveur de Bouttin,
des biens qui m’avoient été donnés. Quelles preuves
plus fenfibles pourroit-on exiger pour diitinguer le
coupable de l’innocent? Giraud a confervé, lors de
la donation, de quoi faire réuifir la demande en nullité
çlu fieur de Segonzat. C e d e q u o i enveloppé fous
l’ombre du my itère, peut-il fe réiérer à autre chofe
qu’à la feuille fupprimée, lors de la donation, dans
laquelle on avoit inféré la claufe des biens échus &
à échoir ï Non, Giraud, vous en êtes convenu vousmême, & les témoins ouïs dans l’information l’onc
attefté à la juftice, d’après les aveux que vous leur en
avez faits.
> La perfidie de Giraud étant ainfi découverte ,
la conteftation qu’il m’avoit lait iufciter par le fieur
de Segonzat, fut auifi-tôt terminée.
Le 12 du meme mois d'août, fut jugée r.inilance
d’entre M. le duc d’Orléans & moi. Par la fentence
qui intervint, M. le duc d’Orléans fut débouté de fa
demande en paiement de droits de lods, à la charge
par moi d’affirmer & de faire affirmer par le fieur de
�C 14 >
Segonzat, que la donation du 24 feptetnbre 17 7 6
étoit Jîncère , & quelle 11 œvoit pas été imaginée pouf
frujlrer M . le duc d* Orléans , des droits feigneuriaux.
L e fieur de Segonzat & moi fîmes notre affirma-’
tion le même jour fur la fincérité de cette donation;
& ) avois lieu de croire qu'un aéte auiîi folennel
deiIÎHeroit les yeux à mes perfécuteurs, & me délivreroit de leur tyrannie. Mais, de quel poids peut
être la religion du ferment pour des hommes dont
les principes ne renferment aucune conféquence,
pour des hommes qui ne coniiiltent que'leurs paillons
Sc l’intérêt ?
Giraud & Salleneuve, quoique réunis en fecret,
ne fe font montrés jufqu’à préfent contre moi, que
lu n après l’autre ; mais ils vont marcher de front :
plus animés que jamais, l’un, de ce qu’il n’a plus d’eipérance de me faire enlever les biens du fieur do
Segonzat, pour les faire paiTer entre les mains de
Bouttin, & l’autre, de ce qu’il craint d’être prive
des droits de lods qu’il m’avoit demandés, fous le
nom de M. le duc d’Orléans, forment un nouveau
fyftême pire que le premier : n’ayant pu parvenir *
déchirer leur vi&ime, ils tentent la voie de la faire
égorger. Calomniateurs iniignes, que ne m’eft - ^
pofliBle de peindre ici toute la noirceur de vos dé
marches dans cette circonftance ? Que n’ai-je dans
ce moment une plume de fer, & le talent d’écrirô
en caractères de feu l Mais quel homme peut etrô
�à 'l’abri des traits d’une cabale odieufe & întereffee î
Ces hommes, nés pour le malheur des autres, ces
hommes qui ne connoiflent que l’intrigue & ne res
pirent que la haine; ces hommes que je me félicite
d’avoir pour ennemis, parce que les honnêtes gens
en auront toujours de tels, tant qu’il y aura des mé
dians, parviennent par leurs fubtilités & leurs manœu
vres, à perfuader au confeil du prince, que je fuis
Unfourbe un ïmpojleur, un fau (faire enfin. On invente,
on controuve des faits ; on leur donne les couleurs
les plus vives & les plus éclatantes; on transforme
les avions les plus indifférentes, pour les rendre
douteufes, & toutes ces indignités fe trouvent renfer
mées dans un mémoire qu’on préfente au confeil du
prince, avec une lettre de Giraud qui en attefte la
fincérité.
Ce mémoire, tout infidelle qu’il étoit, a produit
l’effet que mes ennemis s’en étoient promis. Après
un arrêt du n août 17 7 9 , qui infirme la fentence
du juge de Montaigut, & me condamne à payer au
prince ( o u , pour mieux dire, à fon fermier, partie
principale intéreffée ) les droits feigneuriaux pour
line partie des objets que m’avoit donné le fieur de
Segonzat, je me vois, près de cinq ans après, enchaîné
dans les détours d’une procédure criminelle. Les droits
de lods furpayés au fermier du prince , les frais
acquittés, la conteilation terminée, jeiuis tout à coup
lié, garrotté & conduit comme le plus infamô
,
�(t6)
des criminels, par un huiiîier & la maréchaüÎTée 'dànS
les priions de la ville de Riom.
Qu’on fe peigne, s’il eil poifible, l’état affreux où
je dus me trouver, au milieu d’un cortège auflî
effrayant : Quelles révolutions étranges la nature n’é
prouve-t-elle pas dans des momens auiïï critiques \
Un homme d’honneur n’eit feniible alors qu’au regrec
de vivre encore ; il croit voir d’un feul coup d’œ il,
fa jeuneife, fa vie facrifiée, fa fortune envahie, fës
enfans & tous fes parens couverts de honte, plongés
dans l’opprobre, dans l’indigence, & difperfés : des
objets auifi effrayans ne font-ils pas fentir les tortures
les plus rigoureufes, & ne confondent-ils pas toutes
les facultés de l’ame.
Il
feroit inutile de m’étendre davantage fur des
images auifi hideufes : il n’eil perfonne qui ne foin
frappé d’un fpeétacle fi révoltant, & qui, d’après fes
propres réflexions, ne gémiife de voir encore dans la
fociété des monftres aiîez barbares pour immoler au
plus vil intérêt tout ce que leurs concitoyens ont de
plus précieux.
Que la nature du décret n’étonne pas : Giraud &
Salleneuve font témoins dans l’information faite contre
moi, à la requête de M. le procureur du roi.
*
Quelle manœuvre incompréhenfible pour étayer
une plainte ! Giraud & Salleneuve font mes ennemis
jurés, les auteurs de la ligue, mes perfécuteurs, m.es délateurs : ce font eux qui ont préfenté des mémoires
contre
�C 17 )
contre mol au confeil du prince; ce font eux qui ont
envoyé au greffe civil de la cour de parlement 1^
feuille fupprimée de la donation duiieur de Segonzat J
cé font eux qui ont follicité & obtenu l’arrêt du 1 1
août 17 7 9 , & ce font ces mêmes hommes qui ofent
fe préfenter à la juitice pour être témoins contre moi lQu’eft-ce donc qu’une accufation pour laquelle on1
commence à faire violer les règles les plus inviolables
del’ordre judiciaire! Votre religion âété furprife, magiftrats refpedtables : des coupables artificieux, dans la
vue d’éviter ou de diminuer les châtimens dont ils font
menacés, ont eu l’audace de fe plaindre des perfécutions qu’ils ont fufcitées aux autres * & d’imputer
leur propre crime à celui qui auroit dû être leur accufateur; mais quel ne doit pas être monefpoir? Eclairés
du flambeau de la juftice, vous avez déjà percé les
ténèbres où l’on cherchoit à vous égarer ; vous avez
déjà pefé au poids du fanétuaire la valeur des pref- .
tiges quon avoit employés pour vous faire illufion,
puiique Giraud, l’un de mes délateurs, a été décrété
d’ajournement perfonnel. Après le récolement & la
confrontation, n ai-je donc pas lieu d’attendre que,
pénétrés de la délicateife de vos fondions qui fonc
toujours proportionnées à celles de la confcience ,
limpoilure étant entièrement découverte, & l’inno
cence reconnue, les prévaricateurs fubiront le fort:
auquel ils m’avoient deftiné !
Ces premières réflexions çtevroient être fufïifante£
C
�,
c i 8 )
pour me juftifîer d’un crime, donc je n’ai p.u me
former l'idée ; d’un crime rqüi àuroit tourné con-r
tre moi, puiiqu’il m’enlévoic le fruit dune donation,
ou qu’évidemment je n’aürôis pu commetre que de
concert avec Giraud, afin-qu’après m’être fervi de
là fauiîe feuille pour éviter les. lods, je pus'rétablir,
enfuitela véritable, pour conferver ma donation; Si'
cependant il eft démontré que, loin de me iervir de
cette fauiTe feuille, j’ài appris que je proteftbis contre
la demande en nullité; & ce même Giraud qui ièroic
auili coupable que moi ,.ii j’avôis* participé au faux/
Si qui l’eft feul, puifque le faux n’a été pratiqué que;
pour me nuire, eft tout-à-la-fois ¡délateur & témoin
contre moi; ii ne manqueroit plus à la fingulaiité du
lait, que de l’avoir pour juge avec Salleneiiye.
-'»■/Mais, l’iniquité de-mes ennemis les trahit itrop >•
pour que je néglige dç les.<en accabler’, a u t a n t quejé le peux. Connue il s’agit ici d’une inculpation des!
plus graves, qui attaque tout-à-la-fois mon honneur,
mes états Sc ma fortune, & qui dépend de l’événe
ment de i’inilru<*tipn, je (ujs obligé de recourir au*
moyens qui concourent-à ma juftilication.'La juftice
lie làuroit me défaprouver, puifqu’elle eft eiie-meine
intéreilee à ne pas fe méprendre lin [ç choix des coü'
pables. C ’eft par l’examen,des déportions que ttnjufticçi fanglante. 'de; la . calomnie; éclatera. Jl eft donc
indifpenlable que j expdib.lës/différens chefs d^acçufation dont ojr m’inçulpe,,
ppur ejU; démontré
�l’injuilice & la fauiTeté, que je rende compte de a
qualité des preuves répandues dans les information,
récolemens & confrontations, par le moyen deiqueli.es
j’en ai eu cormoiiïanceayant d’ailleurs la mémoire
aiTez heureufe pour retenir, fur-tout ce qui mintereife auili particulièrement. Mais une obfervation doit
précéder cet examen.
On a dû remarquer par le détail des faits, dans
lequel je iliis entré, qu’une donation faite en m'a
faveur par le fieur de Segonzat, eft le principe de mes
malheurs Si la fource de la ligue qui s eit formée
contre moi. J ’ai dit, & je le répète, qu’à la leèlure
de cette donation m’étant apperçu que dans la feuille
du milieu on avoit inféré la claufe des biens échus &
à échoir, préfeus & à venir, qui rendoit la donation
nulle, cette feuille fut fupprimée; qu’il en fut fubftituée une autre à la place, & que tant la minute de
la d o n a t i o n , que la feuille fupprimée, relièrent fur
la table de Giraud, notaire recevant.
Voilà le fait eifentiel, prouvé, confiant qu’il ne
faut jamais perdre de vue, parce que c’eft la clef du
fyftême d’iniquité enfanté contre moi, & la preuve
convaincante de ma juilification.
Or, cette feuille fatale fut entre les mains de mes
ennemis, comme une épée à deux tranchans ; elle
devoit fervir à m’enlever les biens, & à les faire
pafTer à Bouttin, fi le fieur de S e g o n z a t vouloit y
ourier ion conientement. Dans le cas contraire, on,
C2
�/ (2 0 )'
pou voit l’employer a me faire une affaire criminelle,
& à y intérefler le prince, en perfuadant que j’avois
fubftitué cette fauife feuille à la véritable, pour priver
le prince de fes droits de lods.
C ’étoit, fans doute, un plan bien abfurde & bien
contradictoire; car, s’il arrivoit, comme on devoit
le prévoir, & comme il eit arrivé en efiet, que je fis
tous mes efforts pour maintenir ma donation & me
garantir de la fauifeté dont on vouloit me rendre
victime, alors il devenoit évident que ce n’étoit pas
moi qui étois l’auteur de cette fauifeté ; mais heureufement les médians ne prévoient pas toujours tout,
& ils tombent iouvent eux-mêmes dans leurs pro
pres filets.
Je me défendis, en effet, comme je l’ai déjà dit,
contre le fieur de Segonzat, & il fut lui-même trèsprompt à abandonner l’erreur dans laquel on l’avoit
précipité.
*
Alors Giraud ayant manquéfon but, & Salleneuve
craignant toujours que je ne réuiliife à écarter le droit
de lods, par le principe qu’une donation n’y efl pas
fuje.tte, ils en vinrent, de concert, à l’autre partie
de leur fyftême, qui fut de m’accufer auprès du
.prince, d’avoir falfifié la minute de la donation. Ils
adrefsèrent à fon confeil un mémoire où ils expo
sèrent.
« i° . Que le 24 feptembre 17 7 6 , l’aéle de donaj) tion fait en ma faveur par le fieur de Segonzat,,
�( 21 )
>> fut préfenté fur les dix heures du foir, tout rédigé,
y> à Giraud, notaire, qui ne voulut le figner avec les
v parties, que le lendemain 2.5 feptembre.
, » 2 0. Que Faite étant figné me fut remis pour le
» faire contrôler & iniinuer.
» 30. Que dans l’efpace de trois ou quatre m ois,
ï> qu'on a fuppofé que la minute de la donation avoit
y> refté en mon pouvoir, je l’avois fait changer, trois
« ou quatre fois; que les premières minutes avoierit
y> été brûlées ou déchirées, & qu’à chaque change^
» ment, la relation du contrôle & de Tinfinuatiori
» avoit été remife fur la nouvelle minute que je pré» fentois moi-même au contrôleur.
« 40. Que dans le temps que j’étois faiii de la
« minute, j’eus recours à deux ftratagêmes pour me
y> difpenfer de payer les droits de lodsque me deman» doit Salleneuve, fous le nom du prince. Le pre» mier fut de fupprimer dans la minute de la dona» don, la feuille du milieu, & d’en fubilituer une
» autre qui renfermoit la claufe des biens ¿1 venir ,
» ce qui rendoit la donation nulle, & faifoit priver
» le prince des droits feigneuriaux. Le fécond fut de
» confeiller au fieur de Segonzat, de former la de» mande en nullité de la donation qu'il ma voit faite,
» & d’oppofer enfuite au prince, contre fa demandé
** en paiement des lods, la fentence qui déclaroit la
« donation nulle, comme renfermant la claufe des,
biens à venir »
J
�( 22 )
Ce font les mêmes chefs d’accufation qiii ont été
mis fous les yeux de monfieur le procureur général,
& qui ont donné lieu à la plainte qui me retient dans
les fers, avec cette différence néanmoins que dans
le mémoire préfenté à M. le procureur général, on
y a ajouté « qu'après la remife de la minute qu’on
» fuppoie m’avoir été confiée, Giraud s’étant apperçu
» qu’à la place de la feuille du milieu, j’en avoîs
» iiibilitué une autre qui renfermoit la claufe des
» biens à venir, ce notaire vint comme un furieux
» chez moi, avant quatre heures du matin; qu’il me
» furprit au lit, dans le temps que je dormois; qu’il
» m’intimida, en me préfentant fur la gorge un pijlolet
y> garni de trois chevrotines ; qu’aulli-tôt je me levai,
» j’allai dans mon étude pour remettre la feuille fup» primée ; que dans ce moment arrivèrent les fleurs
y> de Segonzat & Rance qui relièrent un inftant, allèrent
y) enfuite à la mejfe, & qu’après leur départ, je remis
» à Giraud la feuille fupprimée qu’il rétablit dans
y> la minute, après Vavoir montrée à Salleneuve, & jôta
r> la feuille fauife qui contenoit la claufe des biens
» à venir ».
Qui ne voit dans tout cet expofé un tiiïii de four
beries, d’impoflures & d’invraiiemblances l Qui n’y
reconnoît une machination concertée avec art, avec
réflexion, un inyflère d’iniquité, un ouvrage digne
de l’exécration publique? En fuivant pas à pas ces
calomniateurs infâmes, je me flatte de parvenir à les
�C 23 )
. ,
confondre. Une feule circonftaiice n’opère pas 1^
conviction; mais la réunion des faits ne permet pas
de fe méprendre fur ies vrais coupables. Il eft dond
néceifaire de fuivre, de réunir, de combiner leurs
difcours , de les comparer avec l’énoncé en l’aéte
de donation, avec les dépofitions des témoins, & de
relever les contradictions dans lefquelles ils fohc
tombés : c’eil le feul moyen de faire fortir la vérité
du chaos, où l’on a cherché à l’enfevelir.
-
PREMIÈRE' INCULPATION,
L * a c te de donation fa it en ma faveur par le fieu/
de Segon^at, fut pre'fenté le 2.4 feptembre 1 7 7 6 , fur
les dix heures du fo ir, tout rédigé 3 à Giraud, notaire
qui ne voulut le figner avec les parties, que le len
demain 2,5 feptembre.
.
j;
R É P O N S E.
- I
A ce premier trait de la Calomnie, ne doit-on pas
reconnoître la noirceur du génie de mes perfécuteurs?
peut-on fe difpenfer de croire quune paifiori aveugle
fait arme de tout; que les vérités les plus feniibles,
les démonilrations même n’ont aucun prix aux yeux
des fourbes animés à calomnier l'innocence ?
Quoi ! ma donation a été préfentée à Giraud,
toute rédigée, le 2.4 feptembre, dz elle n’a été lignée
que le lendemain ! Qui s’eft jamais permis-des impoi’-^
tUres auifi évidentes! Lorfque vous avez parlé Jainii£
�( 24)
fjiraud, vous êtes-vous fouvenu que vôus aviez été
le miniflre de l’a6te, que par votre fignature vous
en aviez attefté la iincérité & la date? De deux chofes
l ’une : ou vous conviendrez, comme, vous l’ ave^ fa it
à la confrontation} que ma donation a été paifée le
2.4 feptembre, ou vous perfévérerez à dire qu’elle
ne Ta été que le 25. Au premier cas , vos mé-^
moires, votre lettre au confeil, votre dépoiition,
votre interrogatoire, font un tiiîu de fuppoiitions &
de fauifetés ; au fécond cas, il faut que vous conve
niez que vous êtes un fauifaire, puifque Ta&e dedonation qui fait par lui-même probationemprobatam9
ne permet point de douter qu’il ait été paifé le 24
feptembre.
Jepourrois ajouter que Lougnon qui a écrit l’a&e,
a attefté dans fa dépoiition, foutenu dans fon interro
gatoire ( a ) & à la confrontation, que c’eft le 24
ieptembre 17 7 6 , qu’il l’écrivit, ainfi que la feuille
fupprimée, dans votre étude & fous votre diélée ;
mais cette dépoiition, toute fincère qu’elle eft, ne
peut rien ajouter à la foi d’un a&e qui fait preuve
par lui-même ; ainii Giraud eil néceifairement un impofteur ou un fauifaire; ce qui ne permet point da*
jouter foi à fa dépoiition.
( a ) Nota. L e fieur Lougnon a été auili décrété d’ajournement per
sonnel. Mes juges ont fans doute voulu apprendre de lui-meme les cir-*
confiances dans lefquelles l^éte ayoit cté pafle, & lçpoque à laquelle
¡1 l’avoit écrit.
S E C O N D S
�O j)
S
e c o n d e
I
i n c u l p a t i o n
.
& a c t e de donation étant (igné a me fut remis
pour le faire contrôler & infirmer.
R é p o n s e
.
G iraud s’eft defiaift de fa minute ! Comment un
officier public oÎe-t-il faire un aveu de cette efpèce,
s’accufer de prévarication : nemo creditur allegans
tiirpïtudinem fuam. Cet aveu fuffiroit ieul pour em
pêcher la juftice d’y ajouter foi : mais c’eft encore
une iuppoiition démontrée telle par les dépofitions
des témoins ouïs dans l’information en effet. Le fieur
Lougnon a encore attefté que l’aéle de donation étant
écrit & figné, les parties fe retirèrent 3 & que la minute
de la donation & lafeuillefupprimée furent laijfées fur la
table de Giraud. Le fieur Tailhardat de la Fayette,
contrôleur, a dépofé que la minute de la donation lui
fu t remife pour être contrôlée & infirmée par Giraud,
& q u il la remit au même notaire, après le contrôle &
Vinftnuation. Le même fait eft attefté par un écrit qui
me fut envoyé par le fieur Tailhardat de la Fayette,
le 9 oétobre 1 7 7 6. Cet écrit eft imprimé à la fuite
du mémoire. Peut-on après cela fe diflimuler que
les inculpations qui me font faites, foient l'unique
ruit de la brigue & de Timpofture l
D.
�( i6 )
T
r o i s i è m e
i n c u l p
a t i o n
;
O nu ajouté que dans Vefpace de trois ou quatre mois
qu’on a fuppofé que la minute de la donation avoit refté.
en mon pouvoir , je Vavois fa it changer quatre ou
cinq fo is ; que les premières minutes avoient été brûlées
ou déchirées, & quà chaque fo is , la relation du con
trôle & de l3infirmation avoit été remife fu r la nou
velle minute queje préfentois moi-même au contrôleur.
R
é p o n s e
.
C e t t e troiiième imputation dévoile de plus en
plus l'acharnement de mes ennemis à confoiider l'ou
vrage d’iniquité, dont ils font les architectes ; mais
la vérité fe dérobe rarement aux yeux perçans de
la juilice , & le crime fe trahit ordinairement par les
fubtilités mcme qu’on emploie pour le cacher.
i° . Il eft fuppofé, il eft faux que la minute de la
donation m'ait été confiée. Que la ligue s'étudie tant
qu’elle voudra à inventer, je la mets au défi de
prouver que j’aie été faifi un feul inftant de cette
pièce.
2°. N ’eft-ce pas une fable ridicule de prétendre
que dans l’efpace de trois ou quatre mois, la minute
a été changée jufqu’à cinq fois ? Cette impoflure eft
entièrement détruite, i° . par l’expédition de la dona
tion qui a été tirée des regiftres du contrôle Sc des
infinuations. On voit en effet, par cette expédition,
�( *7 5
qu’elle eft conforme mot pour mot à la minute qui
eft entre les mains de Giraud ; & il n eft pas à preiumer que la minute eût été refaite il fouvent, fi
l’intention des parties n’avoit pas été d’y faire quelque
changement.
2°. Pour adopter une abfurdité de cette nature,
ne faudrot-il pas fuppofer fix fauilaires; deux notaires,
le clerc, le contrôleur & les parties contrariantes l
ce qui ne fauroit fe préfumer.
3°. Les regiftres du contrôle & des infinuations
ayant pafle fous les yeux du miniilère public & de
“ monfieur le lieutenant général criminel, il n’y a été
remarqué ni changement, ni rature, ni furcharge ;
cependant la donation du 2.4 feptembre fut contrôlée
& infinuée le 2.6 du même mois.
40. Les témoins de l’information difent, favoir;
le fieur Charbonnier, l’un des notaires, q u il n3a figné
Vaâe de donation, dont il s’agit ^ quune feule fo is ;
le contrôleur y q u il ne Va enregiflré quune fo is ; le
clerc, quil ne l3a anffi écrit quune fois , & tous les
trois ont déclaré dans leurs dépofitions, récolemens
& confrontations, qu ils reconnoiffoient la minute
qui leur a été repréfentée pour être l a m ê m e quils
avoient écrite, fig{iée, contrôlée & infinuée.
L ’incrédulité elle-même pourroit-elle ne pas céder
a des preuves fi évidentes & fi précifes? Se trouver°it—
il dans le public quelques - uns de ces efprits
malheureux qui croient fi facilement le mal fans preuve,
D a
�w
êc qui doutent toujours du bien, lors même qu’il eft
p r o u v é C e n'eft pas pour eux que je publie ma défenfe ; & toutefois , fi je ne peux parvenir à les con
vaincre, je vais du moins les confondre par un dernier
moyen fans réplique.
G irau d , principal auteur de cette calomnie , l’a
ainii préfenté, pour iervir Salleneuve, dans le mé
moire envoyé au confeil du prince ; il l’a attefté dans
fa dépoiition , & fou tenu dans fon interrogatoire ;
mais à la confrontation, la force de la vérité l a obligé
à venger l’innocence : ce miférable , après y avoir
hardiment répondu aux reproches déshonorans que
je lui oppofois, n’a pu réfifter aux remords de faconlcience ; il s’eft rétra&é pofitivement de ce chef de
calomnie; il a avoué qu'il iiavoit été fait quune feule
minute de la donation. Que d’opprobres? quel abus ?
quel jeu de la religion \ & que peut-on en inférer , fi
non qu’un tel témoin, qui eft l’un de mes délateurs,
s’eft proftitué à dépofer au gré de ion complice.
En faut-il davantage pour rendre la preuve com
plète , pour défabufer 1 incrédulité , & pour démon
trer qu’il eft une juftice fupérieure qui frappe les
criminels d’aveuglem ent, afin de faire foudroyer le
.vice Sc triompher l’innocence \
Q
uat ri è me
i n c u l p a t i o n
.
D a n s le temps que fé to ïs fiifid e la minute>j ieus
recours à deuxflratagémes , pour me difpenfer depayer
les droits de lods que me demandoit Salleneuve, fous
�('!(> )
le nom du prince le premier fut de fupprimer , dans
la minute de la donation, la feuille du milieu, & d’ en
fubflituer une autre qui renfermoitla claufe des biens à
venir ; cequirendoit la donation nulle, &fu fo itp riv er
le prince des droits feigneuriaux. Le fécond 3 fut de
conjciller aufieur de Segon^at déformer la demande en
nullité de la donation q u il m3avoit faite & d3oppofer
enfuite au prince , contre fa demande en paiement des
lods, la fentence qui déclaroit la donation nulle 3 comme^
renfermant la claufe des biens à venir.
R É P ONS E .
T o u t ce que la malice peut inventer de plus arti
ficieux , fe trouve renfermé dans ce chef d’inculpation»
Diffamateurs exécrables, comment avez-vous pu vous
garantir du remords déchirant d’avoir outragé la vérité
d’une manière fi indigne ? Avez-vous jamais conçu ,
combien il en coûteroit à un accufé, pour rendre fon
innocence auifi notoire quepourroit l’être votre diffa
mation l Avez-vous jamais penfé qu’un jour de ca
lomnie demandoit des années entières pour l’effacer,
Si que fes bleifures, fi elles ne font pas abfolument
incurables, laiifent toujours des cicatrices qui quel
quefois pafl'ent d’une génération à l’autre \ M ais,
quelles réflexions peuvent faire des monftres , dont
le cœur ne refpire que la haine & la vengeance ?
Ce n’eit pas aifez pour faire punir un crim e, de
*uppofer qu’il a été commis ; il faut le prouver, St
�C 3°)
donner des preuves plus claires que'le jour. Que tous
ceux, dit l'empereur, qui veulent intenter une accufation capitale, fâchent qu’ils n’y feront point reçus*
s’ils ne la prouvent, ou par des titres inconteftables ,
ou par des témoins fans reproche, ou par des indices
indubitables & plus clairs que le jour. Sciant ciincli
accufatores eam Je rem dcferre in publicam notionem
debere , quœ injlructa Jît apertifjimis documends , vel
munita idoneis tejlibus , vel indicis adprobationem in-dubitatis & luce clariorïbus expédita ( a ) .
Dans la recherche des crimes, en effet, comme
dans le commerce des affaires humaines , l’ufage a
introduit trois différentes fortes de preuves : la litté
rale , la teftimoniale & la conjecturale.
La preuve littérale eit la moins douteufe& la moins
foupçonnée, parce qu’elle fe tire de la leéture immé
diate des pièces authentiques ; elle prend fon principe
dans la propre autorité de la foi des a<5tes ; mais elle
ne fait foi que de ce qui y eft contenu. Irijlmmentunt
nihilaliudprobat, quàmïllndquodcontineturin eo (b).
Pour cette preuve, deux conditions fontrequifes (V ):
l’une , que la pièce qui fert de titre contienne Sc
prouve immédiatement le fait dont il s’a g it . . . car
fi ce titre ne contient rien du crime dont il ejl quejlion,
( a ) L . fin . cod. de probat.
( b ) B a ld , a d leg. a d probat. Z j , cod de probat.
( c ) M. le V a y e r , trair. dela preuv, par copp.d ecrit*
�( 31 )
$c qu’ori s’en ferve feulement pour en tirer des conféquences & des induCtions par conjeCtures, alors cette
preuve ne s’appelle plus preuve littérale du crime ; ce
neft plus qu’une preuve littérale d’une conjecture ,
& par conféquent, elle ne forme plus elle-même
qu’une conje6ture & un indice.
La fécondé condition néceiTaire eft, que la pièce
qu’on produit fa(]'efoi par fon autorité propre ; car il
elle ne fait pas foi par fa propre autorité, ce n’efë
point encore une preuve littérale, d’autant que ce n’eil
plus la pièce qui prouve : la preuve vient alors, ou
des témoins, ou des indices qui lui font donner créance ;
Si ainii, elle tombe encore dans l’efpèce de la preuve
teftimoniale ou conjeCturale.
La feuille fupprimée au moment de la donation du
24 feptembre 17 7 6 , peut-elle être-confidérée comme
une pièce authentique? peut-elle faire foi par ellemême que j’ai voulu priver le prince des droits feigneuriaux l 11 faudroit fuppofer les tètes & les idées
de tout le genre humain renverfées, pour qu’il pût fe
trouver un feul homme qui osât affirmer des abfurdites auifi révoltantes. i° . Une pièce qui n’a étéfignée,
ni par les parties, ni par un notaire, ne fera certaine
ment jamais confidérée comme un a6te authentique.
■20. La fuppreffion de cette feuille, qui renfermoit la
■claufe ’des biens échus & à échoir , préfens & a venir 3
peut d’autant moins manifefter mon intention de faire
•priver le prince ou fon fermier des droits feigneuriaux.
�( 32 )
que dans le moment de cette donation, j’étois intime
ment convaincu que je n en devois point, d’après les
difpoiitions de la coutume de Bourbonnois, fous l’em
pire de laquelle fe trouvent iitués les biens donnés.
Suivant le langage de mes ennemis , je n’ai gardé
la minute de la donation, que pendant trois ou quatre
mois. Dans cet intervalle, le fermier de M. le duc
d’Orléans, n’a formé, contre moi, aucune demande
pour le paiement des droits de lo d s, puifque je n’ai
été affigné par ce fermier 3 fouslenom du prince, que
l e i j mars 17 7 7 , dans un temps où l’on convient que je
n’avois plus la minute de la donation en mon pouvoir.
Or, dès le moment qu’il eft prouvé, par l’aveu même,
de mes délateurs , qu’au temps de la demande du
prince, je n’étois pas faifi de la minute , on doit néceflairement convenir que je n’ai pu en fupprimer la
feuille du milieu pour en fubftituer une autre.
Eft-il croyable d’ailleurs, que, pour me fouftraire
au paiement des lods, j’euiTe voulu m’expofer, d’une
part, à me faire dépouiller des biens donnés; & d’une
autre, à voir ma fourberie découverte, par le moyen
du rapport de l’expédition qu’on étoit dans le cas de
retirer duregiftre des infinuations 1L ’intérêt eft la règle
Si la meiiire des actions : on ne fe porte point ordi
nairement à une fcélérateife,lorfqu’on n’en doit retirer
aucun fruit, nemo gratuité malus ; & il ne pourra ja
mais paroître vraifemblable, qu’un quelqu’un s’expofe
il encourir une accufation qu’il eft le maître d’éviter.
�(33 )
'Quel ufage, au furplus, ai-je fait* de cette Feuille,
qui n’a jamais été en mon pouvoir, & que je n aurois^
certainement pas remife à Giraud , fi j’en avois été
faifi? V ai-je oppofée au prince ou à Ton fermier \ leur
ai-je communiqué quelque expédition, où fe trouve la
fauife claufe des biens à venirl Salleneuve, quoique
l’un de mes délateurs , a dit tout le contraire dansi’es
dépofition, récolement & confrontation.
Mais , à propos d’expédition, je me rappelle d’un
moyen bien important, pour coniondremes ennemis;
j’ofe même dire quil eft décifif. Le voici :
. Dans fa dépofition, Giraud a dit , qu3après que VaÜe
de donation eut été refait pendant trois fo is , dans l3e f
pace de deux mois , ou un peu plus 3 & que les pre
mières minutes eurent été brûlées ou déchirées en préfence du fieur Charbonnier, il me délivra une expédi
tion de la donation , une fécondé expédition au fieur
Rance , & une troifème à Salleneuve.
De fon côté, Salleneuve a foutenu que je lui avois
communiqué l3expédition que fa vo is retirée ; q u il en
avoit pris une copie ; qu il Vavoit confultée, & q u il
écoit aifuré que la claufe des biens à venir, n3étoic
pnnt dans cette expédition : cette claufe fe trouvoit
néanmoins dans les expéditions délivrées dans le même
temps au fieur Rance & à Salleneuve. L ’exiftencede
'la claufe , dans ces deux dernières expéditions, eft
atteftée par les dépofitions de Giraud, de Salleneuve
•A du fieur Rance.
E
�C 34 )
De là réfulte la conféquence néceflfaire, évidente*
que Giraud eftFauteur du faux; car fi je l’avois com
mis, c’eût été, comme on le iuppofe,pour tromper
Salieneuve, & ce fermier convient que je ne l’ai pas
fait, puifque je lui ai communiqué l ’expédition de
l’aéte vrai. Cependant il eft certain qu’il y a eu des
expéditions de i’a£te faux ; que ces expéditions ont
été délivrées par Giraud ; qu’il les a enfuite retirées
ou corrigées : donc c’eft Giraud qui a fait le faux ,
pour me mettre aux prifes avec le fieur de Segonzat,
9
\
ou avec Salieneuve.
Faut-il indiquer ces preuves, pour démontrer que
Giraud eft feul l’auteur du faux \ cela eft très-facile ;
on les trouve dans la conduite que Giraud a tenue, ÔC
dans la dépofition de Salieneuve.
Giraud, inftruit que dans le procès que j’avois
avec M. le duc d’Orléans , Salieneuve m’avoit faic
iignifier une copie de la donation , dans laquelle fe
trou voit inférée la claufe des biens à venir, vint chez:
m o i, me prie de lui communiquer cette copie ; ce
que je fis, fans connoître fes intentions ; & , dans le
moment , Giraud va chez le fieur Coulongeon, pro
cureur du prince, l’engage à raturer la clauiê vicieufe,
& me remet, en cet état, ma copie. Pourquoi faitesvousces démarches, Giraud? quel intérêt prenez-vous
à la conteftation qui s’eft élevée entre le prince & moi?
Vous avez craint que j.’apperçufle votre faulfeté, que
je déconcertaiTe vos projets, &que je priifele parti de
�*îî:> .
vous attaquer leTpremier ; mais ce n’eft pas tout; x
Le iieur Rance , créancier du fieur de Segonzat,
s’étant rendu en la ville de Montaigut, pour prendre
• à ce iujet des arrangemens avec m oi, Giraud , qui
eft inftruit du jour de fon arrivée , l’attend à ma
.porte , entre avec lui dans mon étude ; & à peine le
iieur Rance à-t-il dépofé, fur mon bureau, fes titres de
%créance, parmi lefquels fe trouvoitl’expédition de ma
donation, qui lui avoit été délivrée par Giraud, que
ce dernier fe faifit de cette expédition , l’emporta
- lur le champ , ratura la fetuife claufe, & ne la remit
que plufieurs jours après au fieur Rance qui fit les
plus vives follicitations pour l’y engager. Lors de la
remife, le fieur Rance s’étant apperçu de la rature, 8c
en ayant demandé les motifs à Giraud : que répondit-il?
que fon clerc s*étoit trompé. Quelle invraifemblance !
un copifte fe trompe ordinairement , en omettant
quelques claufesde i’aéte; mais il ne lui arrive jamais,
lorfqu’il eft de bonne foi, comme l’étoit certainement
le clerc de Giraud, d’ajouter dans une copie , des
claufes qui ne fe trouvent point dans l’original. A la
confrontation avec le fieur Rance , Giraud eft con
venu que cette rature étoit de fon fait : cette expédia
tion eft produite au procès.
Giraud ne s’eft pas contenté de raturer la claufe
vicieufe dans les expéditions qu’il a délivrées ; il s eft
en outre lait remettre les expéditions, lorfqu il a pu y
- parvenir. Ce fait eft attefté par Salleneuve qui dit ,
Ea
�. h * ?
'Hans fa dépoiition , que Giraud Vayant prié de lifiremettre la fau(fe expédition q u il lui avoit délivrée, il
y confentit, en lui difant j e n e v e u x p a s LA MORT
d u p é c h e u r , & je ferois fâché de vous expoferà des.
conféquences défagréables.
1
Giraud eft^/w/zi^r; Giraud eft/f faujfaire; Giraucl
eil le coupable ; il eit néanmoins en liberté , Sc je fuis
dans les fers. Que de réflexions ne pourrois-je pas me
permettre ici? mais je fuis hors d’état de les expofer;
ma raifon égarée, mon efprit affoibli, toutes les facultés
de mon ame anéanties , ne me permettent point d’ap
profondir un myftère auiïï inconcevable.
Qu’on perfifte à préfent à dire, avec quelques amés
corrompues, que mon intention étoit de me fervir
de la feuille fupprimée,lorfque le prince me demande*
roit les droits de lods, & d ’oppoferla véritable donation,
lorfque les héritiers Segonzat voudroient m’attaquer,
&que cette fupercherie doit me faire envifager& punie
comme un criminel? Je répondrai toujours avec fiiccès à.
cesfuppofitions, i°. qu’elles font purement gratuites Sc
contraires à la préfomption de droit; que c’eil Giraud,
dépofitaire de la minute , qui en a abufé & qui l’a
falfifiée : car, encore une fois, la fàuife feuille qui fut
fupprimée lors de la rédaétion de l’a&e , & laiflee au
pouvoir de Giraud , ne fait preuve, par elle-même ,
d’aucun crime. Le crime eil dans l’abus qu’on en a
fait : or, cet abus , à qui l’imputer, qu’à Giraud qui
il délivré de fauiîes expéditions-;
comment Tim^
;
�(37)'
«puter à moi, qui en ai reçu une vrâîe, 8t qui l’ai com
muniquée , comme je l’ai reçue, félon le dire meme
delà partie ùntéreifée, par qui cette affaire m’eftfufcitée \
* 2°. Outre la préfomption de droit, il y a preuve
évidente contre Giraud, par les expéditions qu’il a
délivrées, 8c par le témoignage de Salleneuve qui
attefte que je lui ai communiqué la vraie.
Ce n’eftpas cependant que j’adopte rien de ce qu'a
pu dépofer Salleneuve. Je fuis obligé d’avouer que
je n’ai nulle mémoire de lui avoir communiqué aucune
expédition. Mais enfin > ou fa dépofition eft vraie, ou
elle eit faulfe : fi elle eft fauife, quel cas doit-on faire
de mes délateurs ? fi elle eft vraie , comment douter
du véritable criminel.
Si jen étois pas aifez heureux pour avoir des preuves
teftimoniales auifi décifives , ma fituation en feroicelle plus critique \ Je vais démontrer que non.
J ’ai dit qu’un fécond genre de preuves fur lequelil eft;
-permis d’aifeoir une condamnation, eft la preuve teftimoniale ; mais quil eft dangereux de fe référer à des
témoignages de cette nature 1 Par une efpèce de fatalité
•attachée à la condition humaine, la plupart des témoins
ignorent l’importance duminiftère auquel la juftice les
appelle ; & d’autres à qui la diffamation ne paroît plus
qu un jeu de la fociété, étant vendus au menfonge, nq
^marchandent que l’honneur & la vie de l’innocent. Une
°n£Uon auifi férieufe exige de la réflexion, foutenue
�d’une probité éclairée & fcrupuleufé ; auffi, pour la
preuve teftimoniale , comme pour la preuve littérale,
exige-t-on rigoureufement, en matière criminelle ,
deux conditions eiTentielles pour la rendre certaine.
La première, que les témoins qui dépofent dun fait,
l ’atteftent cûnftne d’une chofe qu’ils favent de pleine
certitude, pour R avoir été préfens & l’avoir vu euxmêmes.' InqulfitiofuH per examinationem tejlium dicentiumfe ddfuïjje iis quæ gefla fu nt, & vidiJJ'e quœ tune
agebantur ( a ) ; car s’il paroît que la dépofition des
témoins eft vacillante & incertaine, audiendi non
Ju n t(b '); qu’ils n’ont parlé que d’après des ouï-dire,
ou fur des préem ptions, leur témoignage ne peut
plus former de preuve.: fie ergofuâ feientiâ débet
reddere tejlimonium, & de fut! prœjenda ; de auditii
autem alieno non valet ( c ).
La fécondé condition pour former la preuve com
plète, eft que les témoins qui font entendus en dépo
sition, foient exempts de paiîion contre l’accufé ; qu’ils
ne foient point engagés par quelque raifon particu
lière à le faire coniidérer comme coupable s 8c, qu en
un mot, leur conduite foit irréprochable : intejlimoniis autem d i g n î t a s 3 f i d e s , m o r e s > g r a v i t a s
examinanda ejl ( d ).
(a ) A uth. de fa n â if. epifeop. cap. z ,$ f iv e r o abfant.
( b ) L. z , J f . de tejlélb.
t e ) G lof, a d l. tejlium i q } cod. de tefiib. verb. prccJÎot
( d ) L . z , cod. de tefib.
�C 39 )
Pour démontrer d’une manière très-fenfible, que la
preuve teittmoniale confignée au procès ne fauroit
non plus me taire confidérer comme coupable du
crime dont onm’accufe, j’expoferai d’abord les motifs
qui doivent faire rejeter les dépoiitions de quelques
témoins, & j’examinerai enfuite s’il peut réfulter quel
que preuve de conviction du témoignage des autres.
PREM IÈRE
PRO PO SITIO N.
Onconnoît déjà, & les témoins que j’ai dûrécuijer, Giraud&s»i& les motifs qui nvy ont forcé. Les auteurs difentleneuve*
que l’accufé peut, avant la confrontation, demander
le nom de ion dénonciateur à M. le procureur du
roi, pour favoir fi les témoins font parens ou alliés de
fa partie fecrète, &plufieurs arrêts l’ont ainfi jugé (a).
La conféquence qu’on doit tirer de cette jurifprudence eft facile à pénétrer : on doit en conclure que
les parens du dénonciateur ne pouvant être témoins
contre l’accufé, il en doit être, à plus forte ration, de
même des dénonciateurs qui dans cette circonftance
dépofent dans leur propre caufe : or, Giraud & Salleneuve font mes véritables dénonciateurs ; ce font mes
ennemis jurés ; ce font les chefs de la ligue ; ce font
enfin eux qui, avec les héritiers Segonzat, m’ont fait
. fufciter le procès criminel qui eft à juger.
Giraud Si Salieneuve, de concert avec les héritiers
( a ) Lacombe, mat. crimin. part. 3 , chap. 1 3 , n. 3 Î > B ou vot, queft^
n0t* au mot dénonciateur-, tom. 2 , queft.
�U ° )
Segonz^t-, onc compofé différens m.çmoires^ .contre;
m oi, qu'ils ont envoyés auconfeil düprincej& ,Giraud
a attefté, par une lettre, la iincérité du contenu dans
ces libelles (rz).
Giraud a follicité le ileur Charbonnier à ligner l’un
de ces mémoires ; mais ce notaire, dont la probité
eft reconnue, a conftamment refufé de proftituer fa
plume (7 >).
Giraud a fait tous Ces efforts pour faire annuller la
donation quem’avoit faite le iieurdeSegonzat, afin de
pouvoir eniuite faire difpofer des mêmes biens en
faveur de Bouttin, beau-frère de fon gendre (c).
Giraud a dit publiquement, avant & depuis fa dépoiition, que mon affaire criminelle feroit bientôt ter
m in ée,^’ je voidois me départir de la donation q u i,
m a été faite (c/). Les héritiers Segoujat ni ont fa it
( a ) A la confrontation Giraud eft convenu d’avoir envoyé ces
mémoires au confeil, & il s’ejl excu/é, en dïfant q u i l y avoit été fo rcé,
& que ces mémoires lui avoient étéJuggérés.
( b ) Le fieur Bidon a attefté ce fait dans fa dépofition.
( c ) Giraud en a fait l’ aveu au fieur Bidon , qui l’a ainfi dépofé ; 8C
'Audin, autre témoin , a atteftc que dans le temps que la demande en
nullité de la donation fut form ée, le fieur de Segonzat lui avoit dit que
Giraud lui a vo it confervé q
Ce
Q U EL Q U E CHOSE
u e lq u e c h o se
eft le
de
QUOI
pour fa ire réuffir cette demande.
dont parle le iieur de Segonzat
dans fa lettre ; c’eft-à-dire, la feuillefupprim ée, dont Giraud a abufé.
( d ) Il en eft convenu à la confrontation.
faire
�(41 )
,
,
i f aire la même propofition depuis que je fuis prive de
.ma liberté (a).
Giraud a avoué au procès cpien vertu d*arrêt du par
lement 9 il afait dépofer au greffe , tant lafeuille fup primée, que la minute de la donation : donc il eft tout,à-la-fois, & l’un de mes dénonciateurs, & témoin
dans fa propre caufe.
Enfin, Giraud eft le vrai criminel, tefeul coupable
du faux ; il ne m’accufe que pour quon ne l’accufe
pas ; il veut me perdre pour fe fauver, & ce qu’il y a
d’incroyable, c’eft qu’il eft venu à bout contre toute
vraifemblance,toute raifon, de me mettre à fa place,
& de faire tomber fur ma tête un poids dont il doit
répondre par la fienne.
Salleneuve eft convenu à la confrontation , qu’il
avoit travaillé contre moi pour les héritiers Segonzàc
qui ont obtenu un arrêt d’attribution pour tenter
enfuite la voie de faire annuller la donation qui m’a
été faite ( b).
A la follicitation de Salleneuve, & d’un curé, donc
( a ) J en aurois offert la preuve teftimoniale ; mais depuis que mon
mémoire eft fous preiTe, les héritiers Segonzat m’en ont fourni une
preuve écrite ; n’ ayant voulu ni pu obtempérer à leurs propofitions dans
la circonftance attuelle, ils m’ont fait aflîgner le 2<j mai dernier, pour
être condamné à me défifter des biens donnés.
( ^ ) C ’eft la cour qui eft commife par cet arrêt, qui eft du lit
novembre 178 3 # & qui me fut figniiié fans afiignation, & fans explique*
?
�C )
le nom eft afiez connu, un nommé Jab ey, de la
paroiife d’Y oux, s’eft rendu dans cette ville le I er ou
.■le 2e mài dernier, pour porter des plaintes contre moi,
-quoique je ne lui aie fait aucun tort ( a).
Salleneuve a dit hautement qu’il parviendrait à me
faireperdre mes états mime A m e f a i r e p e n d r e ,
ou quilperdroit fon nom (b')^ Si la loi s’indigne contre
les témoins qui fe préfentent d’eux-mêmes, que doit
donc penfer le juge, de ceux que je viens de nommer ?
Si je me conduifois par les mêmes principes que
mes ennemis, je ne manquerois pas l’occafion de
dévoiler ici des faits qui ne laiiferoient aucun doute
fur le cas qu’on doit faire de la fidélité des uns & des
autres, dans les devoirs de leurs états; mais je crois
pouvoir m’en taire, & j’aime à le faire, perfua’dé que
les motifs pour lefquels il avoit été obtenu* le 1 7 du mois de décembre
iuivant.
Sur le refus que j’ai fait, depuis que je fuis dans les liens, de confentir
à ce que les héritiers Segonzat exigent injuftement de m oi, j’ai été aifigné
en la cour, à leur requête. Ces procédés permettent-ils de douter que les
héritiers Segonzat fe font réunis avec mes délateurs ? C ’eft: à mes juges;
c ’eft: au public impartial, à le décider ; c’eft le troifième procès dont j’étois
m enacé, & que j’ai annoncé au commencement de mon mémoire,
(a )
C e témoin, qui m’eft venu trouver en prifon , m’a inftruit du
fa it, & il l’avoit auparavant dit à plusieurs perfonnes qui le firent apper-1
c/evoir de fa démarche inconfidérée.
( b ) J ’offre la preuve des propos de cc fermier,
l
�■ C 43 >
je peux faire ce facrifice à l’efprit de charité, fan$
compromettre la néceifité de ma juftification. Eh 1
peutrêtre la notoriété publique ne iuppléera que trop
à ma difcrétion.
Un fécond motif qui doit faire rejeter le témoi
gnage de Salleneuve, eft l’évidence de la fauifeté de
fa dépofition : Salleneuve a foutenu dans fa dépofition, dans le récolement & à la confrontation, que
Giraudne lui délivra une expédition, dans laquelle je
trouve la claufe, des biens à venir, qu après que j 3eus
fa it ftgnifier ( le 15 juillet 17 7 7 ) la fentencequi avoic
été rendue contre moi, en faveur du fieur de Segon^at.
Cette allégation eft une impofture démontrée. Je fupplie mes juges de vouloir bien faire attention, en
examinant les pièces produites au procès, que ce fuc
le 15 juillet 17 7 7 , que je fis fignifier au prince la fentence rendue en faveur du iieur de Segonzat, &
qu’avant cette époque du 15 juillet, Salleneuve, fous
le nom de M. le duc d’Orléans, m’avoit fait fignifier
une copie de la donation, avec la claufe des biens
échus & à échoir, préfens & à venir. Ce fut la lignifi
cation de la donation dans cette forme, qui me déter
mina àoppofer fubfidiairement contre la demande du
prince, que la donation étant nulle, je ne pourrois
être dans le cas de payer des droits feigneuriaux ; il
eft donc faux ; il eft donc iuppofé que Salleneuve
n ait retiré une expédition delà donation, que pofténeurement à la fignification que je fis faire de la fen,->
�............ (4 4)
tence que le iîeur de Segonzat avoit furprife contre
moi.
Giraud a d’ailleurs démenti formellement cette
aifertion de Salieneuve : on peut voir, en effet, dans
la dépofition de Giraud, qu’il y attefte qu’environ trois
ou quatre mois après la donation, qui eft du 24 feptembre 17 7 6 , il en délivra une expédition à Salleneuve dans laquelle étoit la claufe vicieufe; mais ce
n’eft point là l’unique faulfeté que j’ai remarquée dans
la dépofition de Salieneuve ; il y en a une autre aufli
frappante.
• A la repréfentation qui a été faite à Salieneuve de
la minute de la donation & de la prétendue feuille
iiibftituée, ce f ermier defintérefjé a eu le front de foutenir quil reconnoijjoit Vacte écrit ju r deux feuilles ,
pour être celui qui compofoit o r i g i n a i r e m e n t Ici
minute de la donation e t l a f e u i l l e pour être
celle qui avoit é t é s u b s t i t u é e à la place de la
'feuille du milieu de la donation. Peut-on s’expofer
à mentir auifi grolfièrement ? Quoi! Salieneuve ofe
attefter qu’il reconnoît i’aéte écrit fur deux feuilles ,
pour être celui qui compofoit originairement \a minute
île la donation? Mais quelle certitude pouvoit-il avoir
'de ce fait,puifqu’iln’avoitpasétépréfentàla paiTation
•de cet aéle ? Il dit encore qu’il reconnoît la feuille
¡pour être celle qui avoit été fubjlituée\ mais quelle
'connoiflànce a-t-il de la prétendue fubftitution? a-t-il
y u iorfqu’elle a été faite ï a-t-il vu 'écrire la feuille
,
,
,
�(4i >
iubftîtuée ? m’a-t-il entendu dire que j’étois [auteur
de cette fubftitution \ Teftisdebei reddere radonem
'dicli fu i per fenfum corporalent, putà vifum vel ciudi-tum (a ). Salleneuve eh a donc impofé dans ces deux
parties de fa dépoiition ; il a défavoué’ce qui étoit
de fa connoiiTance , & il a attefté ce qu’il n’a jamais
pu connoître; àinfi fa dépoiition eft fauife, au moins
equant à ces faits;
<
M ais, quelle eft la règle reçue par les do&eurs criminaliftes dans cette matière , & puifée dans la difpofition des loix ? il n’y en a pas un qui ne dife que
'le témoin, convaincu d’être faux en une partie , eft
réputé faux en to u t, par rapport au ferment qui ne
fe peut divifer ex quo juravit dicere veritatem fuper
omnibus tune f i deponit falfum in uno } non creditur
-eiinaliquo y tanquamperjnro y dit Alexandre (7>). Menochius ( c ) s’exprime en termes encore plus forts :
»Si in modico conftftat falfitas teflis deponentis, prœfimiturfalfitas in aliis partibus 3 etiamfi ignoranter &per
erroremfalfum effet attejlatus s non enim ob id exeufatur.
Alciat ( d ) donne trois raifons pour prouver que
,
:
( a ) GloJ. ad l. ujiiutn. cod. de teji. DumpuL. n,
§ 8 , tit. i , gloft
denomb.
(b )
T it.% , confil.
44., n. 7 , p a g . 32. Cravetta, tom. 1 , cotif\ G ,
Pa£ ' *7* B ald, î'tb. z , co h f.z2G 3 n. q , pag. 80 , verf. col. 1 •
( O Lib. 5 , p ra f, z z , n. 1 , a , 3 ,p a g . q 26.
'(d) Ad, /, 1 , dt verb,-obligau §jtd fi mihi} n. 5 2
C‘ a86‘.
$4>PaS'
n.iqt
�( 4 i )
l ’ignorance '& l’erreur ne doivent point excufer un’
témoin qui fait une fauife dépofition, i° . quia tejlis
prœfumiturpropter juramentum deponere conftderatè &
deeoquodejicertus; i ° . quia tejlis dicens aliquidfalfums
committit contra jus divinum & naturale , undè igno
rant ¿a non excufat à dolo ; 3 0. quia in his in quibus
debetprœcedere diligenda, prœfumiturfcientia &dolus
illius qui debebat diligenter inquirere, nec admittitur9
-excufatio ignorantiœ ; d’où il conclut, que in dubio
non prœfumitur ignoranter depofuijfe f a l f u m & confequenter in dubio totum diclum annullatur.
Je conclurai aullî, avec ce do&eur, que la fauife
dépofition de Salleneuve tombe entièrement; que le
ferment qu’il a violé dans une partie, perd fon carac
tère, qui doit être comme la vérité une & invariable;
que , où la vérité n’eft pas entière, la fauifeté eft par
faite , & que ce qui n’eft vrai qu’à demi, eft entière
ment faux : veritas quœ non eflplena veritas, eflplena
falfitas : quœ non eft plena probatio s nulla eft probatio y dit Cujas ( a ) ,
Giraud eft tombé dans des contradiélions révol
tantes. Dans fes mémoires envoyés au confeil , il y
avoit dit que la donation avoit été refaite, dans V ef
pace de quatre mois pendant cinq fo is ; qu’il l’avoit
toujours iîgnée par complaifance : dans fa dépofition %
( a ) Sur la loi 3 , au cod, a d leg. Ju l, M a g %c’eft auifi lav is de Papon, en
fes air. liv, % \, tit. S.
�( 47 )
il a dit que cette donation n’avolt été refaite que trois
fo is , & à la confrontation , il eft convenu que cette
donation rfavoitjamais été refaite. Dans fon interro
gatoire, il eft convenu en un endroit, que c’étoit par
ion miniftère que la donation avoit étépa(fée le 24
feptembre 17 7 6 ^ & en un autre endroit , il dit que
Vacle lui fu t préfenté tout rédigé le 24 feptembre 3 &
quilne lefigna que le 2. ÿ. Dans fa déposition , il a dit
qu ayant délivré à Salleneuve une expédition del 3acle>
avec la claufe des biens à venir, ce fu t Salleneuve qui
fu t le trouver, & lui fit remarquer cette claufe\ & dans
fon interrogatoire , il a foutenu quJi/ s3étoit apperçu
le premier de ce vice, & q u il fu t aufji-tôt trouver Salleneuve j & le prier de lui remettre Vexpédition. Je ne
finirois pas ii je voulois rappeler toutes fes inconféquences & fes contradictions.
Quelle foi eft-il permis d’ajouter à des contradic
tions auifi frappantes? quoi, Giraud, à chaque inftant
vous dites o u i & n o n , & la juftice ne lance point fur
votre tête fes foudres & fes carreaux ! Suis-je donc
deftine a etre le iuppot de vos iniquités? il faut nécef
fairement que celafoit, puifqu a 1 avis même de votre
ami Salleneuve, vous etes le pécheur ; & perfonne
ne difconviendra que je fubis la peine due à vos for
faits. O uï, il faut que cela foit, puifqu’avant votre
^epofition, & en vous promenant dans l’antichambre
u parquet , fur les repréfentations qui vous furent
dltes> par un eccléfiaftique, de ne pas vous expofer
�C 4» >
•
5
t
*'
*
à dépofer-contre la vérité, vous répondîtes que voiiï
àvie% dans votre poche de quoi vous garantir. Mais y
Vous garantirez-vous de la peine dont ¿il menacé un
faux témoin, unimpofteur, un prévaricateur, unfauA
faire : fouillez dans vos poches, Giraud, vous n’y trou
verez pas de billet dé garantie de la part de la juftice*.
La contradiélioneftfécueil où fe brifent ordinaire
ment les fourbes & les impofteurs; non feulement elle
détruit toute la foi du témoignage, mais elle expofé
encore le témoin à la peine du crime de faux,
tejlis
deponit in uno judicio contrarium ejus quoddixerat in.
aliojudicio, & in hoccafudebetpuniri tanquamfalfarius\
aut deponit in uno judicio contrarium ejus quodpriàs
Uixerat in eodem judicio a & pariter puniendus e(l de
fa lfo ( a ) .
N ’eft-ce pas infulter à la juilice elle-même; n’eflce pas chercher à la furprendre ; n’eft-ce pas l’expoier
à pleurer fur fes propres jugemens, que de lui préfenter des témoins de cette nature? Ah! s’il étoic
permis d’aiTeoir des condamnations fur de pareils
témoignages, combien d’innocens feroient expofés
à devenir la vi<5time de la fcélératefTe? Ne feroit-ce
point ouvrir un champ libre à la calomnie? ne ieroitce point favorifer la noirceur de ces hommes mon£
'trueüx qui nepargnent ni les moyens ni les fuites
____
‘ - _______
,)
- (a ) Julius Clarus, lib. 5, Sfalfum, n. 5, /. 1 6 ,ff. détêjîib. /. 27 f , ad
/. Cornel, de fa lf.
.
-
^
funeftes
�( 4 9 .
funéites de leur vengeance, pourvu qu'ils fe vengent.
Mais oublions pour un moment ces faux témoins %
pendant que je vais examiner les autres.
SECONDE
PROPOSITION.
L es autres témoins ouïs dans l’information doi
vent être diftribués dans deux claifes : l’une, pour
ceux dont le témoignage r i eft fondé que fur des
o u ï-d ire ; & l ’autre, pour ceux dont la fcience ne
peut jamais être étayée que fur des préfom ptions,
des indices, des conje&ures, & le plus fouvent fur
des invraifemblances. T ou t le monde conçoit que
j entends parler de la fcience des experts en matière
de vérification d’écriture.
Première claffe des témoins.
D e tous les témoins ouïs dans l’information, il y
Le* fieur»
en a deux, qui font les fieurs Tailhardat de la Fayette Fay«ted&
& Rance, qui ont dépofé avoir ouï-dire q u ila v o itce*
été fuhjlitaé à une des feuilles de la minute, une autre
feuille , dans laquelle fe trouvoit inférée une clan.fe
nouvelle qui etehdoit la donation aux biens à ven ir,
mais qu’ ils ne fa v a u par qui cette fubiliiuûon a été
jatte.
'
J
S arreter a contredire ces dépofitions, ne feroit-ce
S
? ccuPer ^ cc>mbattre l’évidence ? Il y a une
eui le fubilituée dans la minute de la donation! qui
qu’ ° Ute‘
a entendu parler de cette iubilitution î
a y a-t-U d’étonnant, puifque le fait eft vrai\ M ais,
Q
�o
°
j
qûel eft l'auteur de ce faux qui dans ce principe n’en
étoit pas un? On vient d’obferver que la faufTe feuille,
ou le faux, s’eft trouvé entre les mains de Giraud ;
ainii il eft très-aifé de connoître le fauifaire.
Seconde clajfe des témoins.
L a preuve conjecturale ? ou la preuve par indices,
Morgeai &
qui eft la troifième que j’ai annoncée, eft celle qui
Barbon.
réfulte de la dépofition des experts qui ont été ouïs
dans l’information. Peut-être ai-je à me reprocher
de n’avoir pas obfervé à la confrontation, que ces
experts, connus pour muficiens gagés, qui en font
leur état, n’ont jamais fu écrire que machinalement,
& fans principes; mais, outre que ce fait eft notoire,
l'opinion de ces muficiens m’eft d’ailleurs très-indiffé
rente, puifqu’elle ne peut former ni preuve littérale,
ni preuve teftimoniale, 8c que ce n’efl que fur l’une
ou l’autre de ces preuves, que la juftice doit fe déci
der ou à condamner, ou à abfoudre.
Ces experts ont dépofé, fur la repréfentation qui
leur a été faite de la minute de ma donation & de
la feuille fubftituée, q u ’ i l s e s t im e n t que les deux
feuilles qui compofent la minute de la donation, ont
été écrites d’un même contexte, avec la même plume ,
de la même main & de la même encre, & que la feuille
fépctrée a auffi été écrite de la même main, mais d’une
chcre différente de celle du corps de la minute; que cer
taines lignes font refferrées & d’autres efpacées, &d’un
¡dus gros caractère; que le caractère des deux feuilles qui
EXPERTS.
�v
C 51 )
•èompofent la minute ejl plus uni que celui de la feuille
féparée 3 d’où Barbon ( feui ) a eu le courage de
conclure que la feuille féparée a été écrite dans uti
.temps différent de ma donation.
Au récolement, ces experts ont ajouté que la
marge de la feuille féparée riétoit pas égale à celle
des feuilles de la minute } & quils n’ ont pu juger J i
Vempreinte de ces deux feuilles étoit la même que
celle qui fe trouve dans la feuille féparée qui ejl d3un
papier plus fui ; ce qui, fuivant eux} peut provenir
de la pâte s ou de la main de Vouvrier.
De quel poids peuvent être aux yeux de la juftice
les dépoiitions de ces deux experts? y a-t-il quelqu’un
qui ignore que leur jugement eft conjeétural, incer
tain, & qu’il peut i'ervir de pailé-port au menfonge,
auiîi bien qu’à la vérité?
La preuve conjecturale & préfomptive eft inadmiiîible en matière criminelle ; elle n’apprend que
des circonftances defquelles on peut fe fervir par
raifonnement, pour découvrir la vérité; mais cela ne
conduit pas à la découverte de la vérité, puifqu il
ne s’agit que de conjeéturer '& d’argumenter par
conféquences qui ne peuvent déterminer une jufte
çoncluiion. Quand il s’agit d’accufation capitale, où
il échoit peine affliétive ou infamante, les loix exi
gent néceftairement une fcience parfaite, une certi
tude ^phyfique, de la part des témoins qui dépofent,
C eit pour*ce motif qu’on diftingue deux fortes'de
�o o
fciences Sc deux fortes de convictions 9 favoir ; la
fcience qui produit une certitude morale, & celle qui
produit une certitude phyfique. >
La fcience qui produit une certitude morale, eft
celle qui dépend du raifonnement, & telle eft la
icience qui n’eft fondée que iur des indices, des pré
emptions & des ënchaînemens de coriféquences.
La fcience qui produit une certitude phyfique,
eft celle qui dépend immédiatement des fens, telle
' qu’eft celle des témoins qui ont vu commettre le
crime. Ces deux différentes eipèces de fciences' for
ment les deux différentes eipèces de convictions;
conviction morale &■. conviétion phylique : or, la
-fcience & la conviction morales, quoique capables
<de fonder un jugement en matière civile, ne fufïifent
jamais en matière criminelle, contre un accufé, parce
que dans de femblables affaires, les juges doivent
chercher & déiirer des preuves, toujours claires.,
•pour n’être pas furpris ; elles 'iufEfent en matière
: civile, parce qu’il n’y eft jamais queftion que du
droit des parties, 8c que les queftions du droit font
de la dépendance de la morale; mais elles ne font
pas fuffifantes dans _une queftion capitale, par la
raifon qu’il ne s’agit dans cette queftion, que du
-fait, & que les queftions de fait ne font point de la
-jurifdiction de la morale, mais feulement delà pure
. connoiffance de la phyfique, qiii'Confifte dans*révi¿.dence, dans l’expérience & les preuv.es,-; .j
�'Cï3>
, Qui ôferoit dire que Morgeat & Barbon ont une
certitude phyiique du faux dont on m’accufe? mais
ont-ils été préfens à la paifation de ma donation l
ont-ils vu écrire la feuille fubftituée ? ont-ils une
connoiifance parfaite , per fenfum corporalem , que
cette feuille a été écrite après ma donation ? II fau
drait être auifi impofteur que Giraud & Salleneuve,
pour foutènir des aifertions ii évidemment fauifes.
: D ’ailleurs, lorfqu’on eft dans l'intention de com
mettre un faux, ne prend-on pas toutes les précau
tions pour empêcher qu’il ne foit découvert? Le fauffaire eft ordinairement très-adroit; il fe cache; il fe
déguife, & il imite fi parfaitement les écritures, qu’il
n’eft peut-être perfonne à qui il ne foit arrivé d’avoir
été trompé par la reilemblance des écritures , 8c
quelquefois même par la iienne propre.
Qu’on fuppofe donc, comme l’on dit ces experts,
que la .feuille féparée eft écrite d’une encre différente
de celle de la minute ; que les lignes font tantôt plus
reiferrées, tantôt plus éloignées; que le caractère eft
plus uni dans la minute, que dans la feuille féparée;
.que les marges des trois feuilles ne font pas les
mêmes, toutes ces,précomptions, ces conjectures
conduiront-elles aun e certitude phyiique, que la
feuille féparée a été écrite poftérieurement à ma dona
tion; que c’eft moi qui ai fait écrire cette fauife
■feuille; que je fuis l’auteur du faux, & que.je l’ai
c°ttU>Tiis pour tromper le prince & Ion fermier.? Jp
�0 4 )
ne me perfuaderai jamais qu’il y ait un Îeul homme,
inftruit ou non, qui puiiTe foutenir l’affirmative de
cette aifertion; il fera plutôt porté à croire que ces
irrégularités dans la feuille féparée, font une preuve
inconteftable, qu’elle a été écrite dans un temps où
l’on ne pouvoit préfumer qu’il pût s’élever des conteftations à cet égard.
Au furplus, l’expérience n’apprend - elle pas que
la main eft iùjette à des variations infinies ? Ceux qui
ont l’ufage d’écrire, n’ont-ils jamais apperçu dans
leurs écritures des variétés frappantes qui provenoient, foit du changement de l’encre, foit de la
pofition du corps, ou de la main, foit de la difpofition des idées? N arrive-t-il pas tous les jours a un
clerc qui écrit fous la diélée, tantôt de reiîerrer les
mots & les lignes, tantôt de les écarter? Cette diffé
rence peut provenir de l’attention 8c de l’application
du copifte, ou de fa négligence, & fouvent de la
nonchalance ou de la précipitation avec laquelle on
lui di<5te.
Cette refiemblance & cette difparité que ces experts
prétendent avoir remarquées entre l’écriture de la
minute & celle de la feuille féparée, peuvent donc
;etre l’effet de différentes caufes; mais fi cela eft ainfi,
y eût-il ‘jamais un figne plus équivoque, un indice
jplus incertain, une conje<5hire plus trompeufe'?
' Pour'fonder une preuve fur des argumens tirés des
préfom ptions, *ii faut qu. il n y ait rien *d'équivoqufe
�'(ff)
'¿[ans tes circonilances du fait, Sc qu’il n’ ait pti arriver
d’une autre manière qu’on fe l’eft perfuadé. Pourquoi
donc iuppofer ici un faux, tandis qu’il eft évident
qu’il n y en a aucun, au moins de ma part? pourquoi
fuppofer que j’en fuis l’auteurtandis que je n’avois,
aucun intérêt à le commettre?
' Des experts qui dépofent fur un fait qui ne s’eft
point paifé fous leurs yeux, ne peuvent en avoir une
connoiffance parfaite; aufli les plus hardis ( tel que
Barbon ) n’ofent-ils avancer autre chofe, finon quiU
c r o i e n t q u i’ ls préfument y quils efliment que le fa it
s’ ejl pajfé ainfi. Mais, fi ces experts ne favent pas
poiitivement le fait fur leqùel ils dépofent, comment
un juge pourroit-il fonder fur leurs dépoiltions une
fcience & une connoiilance qu'ils conviennent n’a
voir pas eux-mêmes?~Y a-t-il un homme de bon fens^
qui fît le moindre cas d’un témoin qui, au lieu de’
témoigner qu’il fait le fait, dont il dépofe, avec cer
titude, diroit fimplement q u il a opinion que cela e(lÎ
Qui peut s’ailurer, a dit un favant, que la penfée &
l’opinion d’autrui ne foient pas un menfonge !
La dépofition des experts ne peut produire une
preuve phyiique; elle ne forme pas même un indice
indubitable; il n’y a rien de plus incertain que leur
opinion ; rien de plus trompeur que leurs conjec
tures , Si de là réiulte la conféquence évidente, incon-’
^ftable^ quil n’exifte au procès aucune des trois
�'C y * ;
preuves déiîrées par la lo i, pour forcer là juilîce a
punir un accufé (¿z).
)
Mais ce n’eil pas fur le feul défaut de preuves
qu’eft fondée ma juftification ; c’eft principaiemenc
iùr l’invraifemblance du faux que l’on m’impute ; &
quoique j’aie déjà démontré que ce faux ne pouvoit
être que l’ouvrage de Giraud, je ne dois pas omettre,
pour achever de le confondre & de le convaincre
d’impoftures & de fauiTetés tout-à-la-fois, de dire
deux mots fur la manière dont il a raconté qu’il étoit
parvenu à retirer d’entre mes mains la feuille de la
minute qu’il a fuppofé que j’avois fupprimée.
v
Au dire de cet impofteur, il vint chez moi avant
quatre heures du matin; il me furprit dans lefommeil,
me porta le piftolet fur la gorge ; qu’intimidé j’allai
dans mon étude, oà vinrent aufji-tôt les fleurs de
Segon^at & Rance; qu’ils y relièrent un infîant, fortirent enfuite pour aller à la meff'e ; qu’alors je lui
remis la feuille fupprimée ; qu’il fortit de chez moi
¿te. qu’ayant apperçu Salleneuvé dans la ru e, il lui
cria de loin : j e l a p o r t e , j e l a p o r t e .
Quel front ne faut-il pas avoir pour oier entre_
( a ) Comme dans le récit des faits j’ai prouve que la fentence
obtenue contre moi par le fieur de Segonzat, avoit été follicitée pac
Giraud qui avoit intérêt à faire déclarer ma donation nulle pour
obliger B ju ttin , je crois devoir m’interdire d’autres réflexions quant
aux reproches qu’on m’a faits, relativement à cette fentence.
*
�.( >7 )
prendre.de perfuader à la juftice des faits auÎTi fau^ç
qu’invraifemblables l mais à quoi ne doit-on pas
s’attendre dans une pièce qui n'eft qu’un amas mons
trueux de fauifetés, de fuppofitions, & un tiifu d’intri
gues déteftables \
Eft-il d’abord à préfumer que fi j'eufle été faifi de
la prétendue feuille Supprim éeje l’euile remife
Giraud, fans exiger qu’il me remît dans le même temps;
la feuille fubftituée? perfonne ne fe le perfuadera.
,
2°. A quelle époque & à quelle heure s’eft paifée
la fcène dont parle Giraud? cela eft elfentiel àfavoir,
& i l a eu la complaifance de m’en inftruire.
,
D ’après les aveux de ce notaire & ceux de Salleneuve , je n’ai gardé la minute que trois ou quatre
mois : auffi-tôt que je l’eus remife à Giraud, il s’apperçut de la iuppreiTion & fubftitution des feuilles ,
ce qui l’obligea à venir chez moi, pour me forcer à
lui remettre la feuille Supprimée : la remife de cette
feuille fe réfère donc au mois de janvier, ou de février
* 7 11 > puifqu il y avoit alors quatre mois que ma
donation (qui eft du ^Septembre 17 7 (5 ), avoit été
faite. O r, qui pourra fe perfuader que dans la rigueur
dé cette faifon, ou le jour ne commence à paroître
qu à fept heures, Giraud s’eft introduit chez m oi,
*^ant quatre heures du matin? que le fieur de Segonzat,
le fieur Rance qui demeure à plus de; trois lieues »
eMontaigut , y vinrent auffi dans le même moment!
^Ue Ç*^,aud étant forti de mon étude, apperçut Salle-*
�C ;8 )
. .
neuve dans la me ( c’étoit apparemment à la faveur
de la clarté de la lune ) , & qu’il lui cria de loin ,
j e la porte, je la porte \ Que d mvraifemblances à-lafois ; mais il eft un principe qui d it, quod non ejl
verifjimile, ejl falfitatis imago.
L,es fieurs de Segon^at & Rance fordrent de mon
étude pour aller à. la mejfe ! en vous expliquant ainfi,
Giraud, vous n’avez certainement pas fait attention
que tous vos concitoyens vous donneront un démenti
iùr ce fait, en vous rappelant que les premières meifes
ne fe célèbrent point aulli à bonne heure dans les
églifes de Montaigut. Achevons de confondre l’impofture de Giraud, par une dernière réflexion.
A la confrontation, j’ai rappelé ces faits à Giraud,
8c lui ai de plus demandé qui lui avoit prêté le piftolet chargé de trois chevrotines, qui lui avoit ouvert
la porte de ma maifon ( je n’avois point alors de
domeftique, & Giraud m’avoit trouvé endormi, ainfi
que ma famille ) , 8c s’il y avoit de la lumière dans
mon étude. Que m’a répondu ce miférable? q u il ne
javoit plus où il en étoit ; il avoit oublié fa leçon. •
Ah ! Giraud, calomniateur infâme, vous ne favez
plus où vous en êtes? la force de la vérité vous acca
ble ; la confcience vous reproche, les remords vous
déchirent : hé bien ! je vais vous apprendre où vous
en êtes, ou du moins, où vous devriez être : c’eft
à ma place.
•.Tant d’iniquités , tant d’impoftures, tant de for-
�C 19 )
faits pourroient-ils relier impunis ? quelles couleurs
ne faudroit-il pas emprunter , pour en peindre toute
la noirceur, pour exciter la juile indignation des
magiilrats & la rigeur des loix
N’eil-cepas un crime, en effet, & même un crime
énorme , que de charger un officier public d’une
faulfe accufation ? N’eil-cepas un crime, & un crime
exécrable , que de m’attaquer dans mon honneur ,
dans ma liberté, pour me faire perdre la confiance du
public ? N’eil-ce pas un crime , que de m’accufer
d’un abus de confiance , de fuppofer que j’ai été
capable de fouflraire une feuille d’un aéle authen
tique , & d’en fubilituer une autre à la place
Perfides calomniateurs, votre complot eil heureufement décoüvert; vos propos , vos démarches , vos
contradi<5lions , vos aveux même ont décelé votre
honte & votre turpitude. Il eil prouvé au procès ,
que c’eft Giraud qui a follicité la fentence que le
fieur de Segonzat avoit obtenue contre moi ; que
pour parvenir à faire annuller ma donation , & faire
enfuite paifer les biens du fieur de Segonzat à Bouttin,
Giraud avoit confervé la feuille fatale qui me retient
dans les liens. Il eil prouvé que Giraud eil feul l’auteur du faux que l’on m’impute , puifque l’inilruïftent de ce faux s’eil trouvé entre fes mains, &
il en a fait ufage , tantôt pour faire annuller ma
nation, tantôt pour me perdre dans l’efprit de
nies juges Si du public; il eil prouvé enfin par im*
�« o .y
vraifemblance des faits $e l’adcufation, par la fauiTeté
des dépofitions de mes délateurs , par l’évidence; des
contradictions , dans lefquelles ils font tombés , par
les pièces juitifîcatives que j’ai produites , & par les
dépofitions des autres témoins de l’information , ques.
dans cette affaire, il n’y a d’autres criminels que mes_
perfécuteurs. Y a-t-il de fatisfaétion publique , dé>
dommages-intérêts qui puiifent réparer le tort que.
des injures & des calomnies ii odieufes m’ont caufé,
& arrêter l’effet du poifon de ces mortelles impos
tures. ?
J ’obferverai en finiiTant, que ce n’eil point par
un efprit de haine & de vengeance, que je me fuis.)
permis quelques déclamations contre mes délateurs ; *
c’eft la néceiîité d’une légitime défenfe qui m’y a
obligé : j’y étois d’ailleurs autorifé par les loix_, puifqu’en même temps qu’elles défendent l’injure , elles
permettent de la repouiïer par les termes, les expre£
fions & les couleurs les plus vives : Licet enirn fanguinem fiium q u a
liter
,
S ig n é ,
qua l it e r
redimere ( a ) .
DESMAROUX.
( a ) Dit M ornac, fur la loi I , de bon, cor. qui ante fentenu mon, fib i »
cortfciv, Bart, fur la même loi.
,
...
j
�-
J
:
C o p i e du billet qui me fu t envoyé par le fieur
Tailhardat de la Fayette contrôleur, le 9 octobre
1 776.
» J E prie M. Defmaroux de vouloir fe donner la
** peine de paffer au bureau, pour me payer le conw trôle & infinuation de la donation qui lui a été
- » faite par M. de Segonzat, que f a i remife au n0w taire. . . . . il obligera fon ferviteur.
s ig n é
'
|
'
(j
T
a i l h a r d a t
de
F
la
>
a y e t t e
.
Cet écrit eft produit au procès.
Monfieur C H A B R O L , préfident
général criminel rapporteur,
j
lieutenant
Me G A S C H O N , avocat.
D
effayes,
procureur*
S ig n é D E S M A R O U X .
D É G O U T T E , ImprimeurLibraire, près la Fontaine des Lignes. I784
A R IO M
c hez M a r t i n
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Baron Grenier
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desmaroux, Joseph. 1784]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Desmaroux
Tailhardat de la Fayette
Chabrol
Gaschon
Deffayes
Subject
The topic of the resource
faux
notaires
opinion publique
Orléans (Duc d')
donations
droits de lods
droits féodaux
abus de confiance
prison
coutume du Bourbonnais
témoins
faux témoignages
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Mémoire justificatif, pour maître Joseph Desmaroux, notaire royal et procureur au bailliage royal de Montaigut en Combrailles, prisonnier dans les prisons de la ville de Riom, accusé. Contre monsieur le procureur du Roi de la sénéchaussée d'Auvergne et siège présidial de la ville de Riom, accusateur
En annexe : « Copie de la pièce d'enregistrement par le contrôleur Tailhardat de la Fayette. »
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1784
1776-1784
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
BCU_Factums_B0113
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_B0114
BCU_Factums_G0934
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montaigut-en-Combrailles (63233)
Riom (63300)
Rights
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