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d6e9ed388b9517ccafb20c3d6deaa323
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MÉMOIRE
EN
COUR RO YALE
DE RIOM.
RÉPONSE
I re
PO U R
Sieur J o s e p h D UFOUR, Négociant, et d a m e C l a u d i n e
R1BEROLLE son épouse, de lu i autorisée, habitans
de la ville de T hiers, Intimés ;
CONTRE
Sieurs J o seph - J ust R I B E R O L L E et P ierre
R I B E R O L L E , leurs frères et beaux-frères,
Propriétaires, habitant en la commune d'Arconsat,
Appelans.
Conscia mens recti fam œ mendacia ridet.
O vide.
S
i
le mémoire publié par les sieurs R iberolle n’avait
objet que d’exposer leurs prétentions,
d e j u s t i f i e r l e u r s DRoits
.a pour
, et
de discuter les dispositions du jugement r e n d u entre parties par le
tribunal do Thiers , les sieur et dame D ufour, renonçant au secours
de la presse, auraient simplement présente leurs moyens à l’audience
CHAMBRE.
�( 2 )
de la cour. Mais le but réel auquel tendent les efforts dns nppelans
a été d’employer toutes les ressources de la calomnie pour attaquer
le sieur Dufour dans ce qu’il a de plus sacré, sa réputation, sa
probité et son crédit. Un intérêt aussi grave a dû imposer silence à
toutes les considérations qui faisaient désirer le terme d’un débat
toujours fâcheux entre proches ; la publicité delà défense est devenue
un devoir et une nécessité. Toutefois, et malgré l'acrimonie de
l’attaque non seulement dans les imputations qu’elle s’est permises ,
mais encore dans les expressions qu’elle a em ployées, le sieur
Dufour saura se renfermer dans les limites de la modération. Toutes
ses corn' inaisons de r u s e , à!adresse et de subtilité se borneront à
rétablir les faits, à donner aux actes la teneur qui leur appartient,
et à invoquer le témoignage de la vérité. Ses adversaires n’impu
teront qu’à leur propre imprudence les révélations qui peuvent en
découler, malgré son désir d’éviter toute espèce de récrimination.
La liquidation de la succession de la mère commune , toute
m obilière, a mis en mouvement l’ambition des sieurs lliberolle qui
38 45
en recueillent chacun un tiers. L ’aîné, débiteur de
ji
fi** > ne
voudrait rien rapporter à la masse; son frère désirerait y prendre
beaucoup. Pour obtenir ce double résultat, il a fallu, dans le
m ém oire, priver la dame Riberolle de volonté et la déclarer inca
pable de toute gestion ; constituer le sieur Dufour leur beau-frère
le mandataire général de la m è re , et lui attribuer l’administration
de toutes les affaires; supposer qu’il s’est emparé de sommes consi
dérables : qu'outre celles qu’ il avait reçues pour sa belle-m ère
personnellem ent , il a encore profité cle 63,670 fr. 5o c. provenant
de la sucôession A rn a u d ; perçu des créances; vendu plusieurs
o b je ts , et spolié du m obilier p our une v a le u r de 2 6 ,0 19 fr- j
composer J^j^ ccession de tous les iJiffor accumulés pendant
quinze ansS -h+pcapitaux réels ou supposés , et n’admettre , à l’égard
de la dame Riberolle m è re , ni dépenses ni besoins ; ajouter à cette
masse imaginaire un trésor en foui, oublié pendant sept ans et retiré
par tes sieur e t dame D u fou r, à l ’insu de toutes les parlies inté
ressées; o b l i g e r enfin le sieur D ufour, eu sa qualité de m a n d a t a ir e
ou de géran t, à rendr e compte a u x appelans des fo r c e s de la
�succession ainsi form ée, et qu’ils portent dans le tableau annexé à
5
leur mémoire à la somme de 142,818 fr. o c.
La relation exacte des faits et les propres écrits des appelans
suffiront pour faire crouler tout cet échafaudage.
Par eux-mêmes souvent les médians sont traliis.
Gresset, M é c h a n t , acte 3 , scène 5.
FAITS.
Par testament du 6 thermidor an i 5 , Cbarles-Gilbert Riberolle
avait légué à Anne Guillemot son épouse l’usufruit et la jouissance
de la moitié de tous ses biens meubles et immeubles, sans nuire à
sa dot et à ses avantages matrimoniaux. 11 assura à ses deux fils,
appelons, en préciput, le quart de tous ses biens; divers legs
furent stipulés.
L a succession du sieur Riberolle était considérable. Lespropriétés
territoriales valaient 200,000 II*. Les créances, et le mobilier inven
torié, allaient au-delà de 120,000 fr.
En 1809, Joseph-Just Riberolle arracha de sa mère les sacrifices
les plus énormes , en dictant les stipulations de son contrat de
mariage avec demoiselle Monchanin-Desparras , relatives au règle
ment des droits de sa mère.
Ces droits se composaient de la dot portée en son contrat de
mariage du i janvier 1785 ; des sommes et mobiliers reçus par le
5
sieur Riberolle lors dy partage des successions des p è re , mère et
frère de la dame Guillemot son épouse; de ses gains et avantages
matrimoniaux , et enfin de l’usufruit qui lui avait été conféré par le
testament du 6 thermidor an 1 .
3
On la fait intervenir dans le contrai de mariage en date du
2 février 1809, pour déclarer qu’elle convertit tous ses droits
m obiliers, biens et actions, voulant que la présente conversion e t
héduotion
ait effet et 'vaille pour le futur époux
comme
traité
à
forfait ou donation entre-vifs, aux droits et objets suivans :
10
Lue somme de i2 ,5 o o fr. que Joseph-Just Riberolle ne paiera
qu a p rès le d é c è s dp. s a m è r e et sans intérêt;
2° La jouissance de la maison située
à
T h iers, dépendante de la
�succession du sieur R iberolle, ainsi que d’un mobilier nécessaire
pour compléter l'ameublement ;
° La propriété de quelques objets d’argenterie ;
5
4 ° La dispense de rendre compte au futur époux et à ses frère et
sœ ur, cie toutes les denrées qui étaient ameublées à l’époque du
décès du sieur Riberolle p è re , ainsi que des récoltes de toute espèce
qui cont provenues dans les biens dépendant de ladite succession,
qui lui avaient été légués par son mari , et desquels fruits et récoltes
elle déclare avoir fait emploi pour l’acquit des menues dettes de
ladite succession, frais funéraires et de dernière maladie, ainsi que
la nourriture et entretien de Ja commune famille;
5° line
pension annuelle et viagère de 2400 fr. que le futur
époux paiera à sa m ère, en deux termes égaux, les 11 novembre
et 5 mai de chaque année. Il s’oblige de plus à lui fournir tout le
bois nécessaire à son chauffage.
On stipula qxi’au décès de la dame Riberolle , la rente viagère
serait éteinte , et le futur époux libéré même de tous les arrérages
échus quand même il n’en présenterait aucune quittance , à moins
qu’ il n’en eût été formé citation ou demande.
L a dame Riberolle excepte de la cession les sommes et objets
qui lui appartiennent personnellement et que son mari n’a pas reçus,
notamment le recouvrement des sommes à elle dues par les sieurs
C o u rb y-Jo u b ert, et par les héritiers Lacossade et Lachassaigne ,
p o u r différens capitaux et rentes qu’ils prétendent avoir consignés
et en être libérés.
Une clause finale réduit à 1800 fr. la pension de la mère pendant
tout le tems de sa cohabitation avec les futurs époux.
Les dispositions de cet acte sont évidemment combinées de
manière à attribuer au fils aîné un bénéfice annuel sur les revenus
de sa mère , qu’il avait restreints sans modération*
T elle était l’opinion qu’en avait la famille , et notamment le sieur
Guillem ot, de L y o n , qui la manifeste dans une lettre écrite à la
dame Arnaud sa sœ ur, le 10 juillet, six mois avant le m ariage,
lorsqu’on s’occupait du règlement des affaires.
« Je pense, écrit-il, que
votre
première m’annoncera le parti
�«■définitif qu’aura pris notre sœur ; je ne peux voir dans l'incertitude
«■qu’elle montre que de la faiblesse, puisque celui que je vous ai
«• indiqué est le se u l qui puisse assurer à elle de la tranquillité et
« des jouissances , et des avantages à ses enfans , sur-tout à Adèle.
« Quant aux frais d’inventaires, ils ne sont pas aussi considérables
« que les intéressés vous les montrent; fussent-ils plus grands, on
« ne saurait acheter trop cher son repos. Je m’abstiens de vous dire
« toutes les raisons que j’ai eues pour vous donner mon avis à ce
« sujet. Quoi qu’il en so it, j e n ’aurai pas ci me reprocher de vous
« avoir laissé ignorer mon opinion et celle des MM. D upuy.
« C ro y ez-m o i,
«■
outré
de
ses
j ’ai
lu
dans
le
dispositions
coeur
envers
de mon
sa
neveu
MERE.
,
et
j ’ai
Ét f .
»
Ce n’est pas la seule fois que nous invoquerons le témoignage du
sieur G uillem ot, qu’on a voulu opposer aux intimés.
Voyons comment la dame veuve Riberolle s’expliquait sur le
règlement de ses droits, dans une lettre qu’elle écrivait à la dame
Arnaud sa sœur, et dont la date (omise) est fixée par le texte même.
Après avoir parlé de sa belle-fille , de la visite que les nouveaux
époux se proposent de faire à C h arn ay, du contrat de mariage de
son fils, elle ajoute : « Je vous avoue que l’histoire des i2 ,5 o o f r . ,
« dont il a plu à MM. Desparras et D upuy de le mettre jouissant,
« sa n s q u e v o u s n i m o i n o u s p u is s io n s Le m e ttr e d a n s n o tre t ê t e ,
« parce qu’effectivement cela n’avait rien de commun
aux
biens
* fonds que je lui cédais. C ’est donc une injustice que je fais à
« Lan drevy ( Riberolle jeune ). Cela me désespère. V o y e z donc
65
« tout l’avantage qu’a Riberolle avec moi? Il a o fr. des 12,5oo fr.,
« la jouissance des biens pour 3,400 f r ., et dont j’aurais pu tirer
« Sooo fr. en me faisant encore des réserves très-agréables ; voilà
« donc autres 600 fr. q u 'il gagne, et encore l’agrément de la jouis« sauce de la maison de la ville , et plus encore ma pension, et mon
« chauffage qui est Compté à raison de 800 fr. »
A i n s i , d’après le calcul de la mère 3 et en employant scs
expressions, le sieur Just Riberolle g a g n a it annuellement sur elle
au moins i , oo fr.
5
11 réglait dans le môme tems avec sa sœ ur, en obtenant cl’e lle ,
�par deux actes séparés et authentiques des i er et deux du même
mois de février, la cession de ses droits mobiliers dans la succession
paternelle, moyennant 10,000 fr. , et de ses droits immobiliers,
5
moyennant i ,ooo fr.
L e prix stipulé étant hors de proportion avec le quart qu’avait à
prétendre la demoiselle Riberolle dans les biens de son p ère, le
sieur Riberolle, par suite des conventions arrêtées, délivra le même
jour à sa sœur une reconnaissance de la somme de 17,200 fr., pour
supplénn ni de prix.
Lorsqu’on i8 io ,le sie u r Dufour demanda la main de la demoiselle
Riberolle, il lui fut imposé pour condition de ratifier avec elle les
cessions. La quittance du principal, qui était en totalité de 42,200 f. ,
et des intérêts depuis le traité , fut délivrée et signée par eux, après
la rédaction du contrat réglementaire , mais a vant la célébration du
mariage. C ’est donc bien mal à propos que le sieur Riberolle aîné
veut se donner des airs de générosité envers sa sœur.
Les moyens abondaient pour rendre ces précautions inutiles :
le sieur Riberolle père avait dans son testament outre-passé la quotité
disponible; la darne Dufour n’avait pas été éclairée sur la consis
tance des biens; elle éprouvait une lésion énorme; néanmoins, par
respect pour la mémoire de son père et par amour de la p a ix, elle
renonça à toute espèce de.réclamation.
On ignore les arrangemens qui ont été pris entre les deux frères.
La dame Riberolle 11’habita pas long-tems avec son fils ; ce ne
fut point par choix, mais par nécessité, qu’elle se relira chez la dame
A r n a u d . Elle n’avait point de goût pour la campagne qu’elle habitait ;
et une différence de quinze années entr’elle et sa sœur plus âgée ,
ne lui offrait pas les avantages de l ’intimité. Les procédés de son
fils, le non service de sa pension, les besoins qu’elle é p r o u v a i t
furent les seules causes qui la déterminèrent à quitter le domicile
commun.
Ecoutons cette dame dire à sa sœur dans une lettre du 26 juin 1809
( 4 mois après le mariage de son fils ).
<f U n’y a plus pour moi aucune satisfaction sur la terre ; si
« Adèle ne vous l’a pas d it, il faut que j’ose vous l’avouer.
�« douleur s’accroît tous les jours; je ne puis presque pas me
« souffrir ic i, et j’y
tiens plus
que jamais, parce que je chéris tout
« ce que le pauvre M. Riberolle aimait; que je suis près de ses
« cendres et de celles de notre digne m ère, et que les miennes
« ne peuvent pas tarder à s’aller réunir aux leurs..............................
« L e mariage de mon fils a mis le comble à mes m aux , je ne
«• vous en parlerai plus parce que cela 11e sert à rien. Si mon iils
« désire ou fa it sem blant que je reste avec lu i,„ c’est sans doute
v l’ambition qui l’y engage. Dans les lettres qu’il m’écrit de Charnay,
(f il me prie de le pardonnner , s ’ il m’a parlé avec trop de viva« c itéy et qu’il fera tout ce qui dépendra de lui, ainsi que sa femme,
« pour nie rendre heureuse. Ce sont de beaux mots , mais leur
«f
conduite les démentira toujours ; en conséquence ,
« t ô t ou t a r d q u i t t e r l e s
«■mari me force à chérir. »
lieux
il faudra
que le souvenir de mon pauvre
L ’événement prévu par le sieur Guillem ot, qui avait lu dans le
cœ ur de son neveu ses dispositions envers sa m ère3 se réalisa
bientôt. La dame veuve Riberolle accepta un asile chez sa sœur ;
elle s’y retira avec sa Itlle.
Les appélans ont avancé, dans leur ex p o sé imprimé , que leur
mère vivait gratuitement chez la daine Arnaud ; ce fait sur lequel
ils insistent avec réflexion est de toute fausseté. Ce qui eut été
convenable pour un séjour accidentel et déterm iné, cessait de
l’ètre pour une cohabitation perpétuelle ; la dame Riberolle n’aurait
pas accepté une libéralité que sa délicatesse aurait considérée comme
une humiliation que ne comportait pas la somme de ses revenus ;
mais la pension ne fut réglée qu’à 600 fr. par année.
C ’est à Charnay même , et le 28 mars 1810 , que fut contracté le
mariage de la demoiselle Claudine Riberolle avec le sieur Dufour ;
les n o u v e a u x époux établirent leur domicile à Thiers, siège de leur
commerce.
L es sieurs Riberolle font soigneusement remarquer celte époque
(page 11 do. leur mém oire) , comme celle « où le sien/' D ufour
« q u i avait obtenu toute la cortjiatice des dames A rn a u d et
« Riberolle , f u t chargé de la gestion e t de l*administration de
�« toute Leur fortu n e , et devient leur mandataire dans toute la
te signification du mot. »
L ’observation n’est pas plus heureuse
q u ’ elle
n’est vraie. A l’égard
de la dame Arnaud, il sera p ro u vé , et on ne peut le contester, que
le sieur Guillemot son frère, habitant à L y o n , dont Charnay est
éloigné de 5 ou 4 lieues, a été constamment et exclusivement chargé
des affaires de sa sœ ur, jusqu’au décès de celle-ci; sa correspon
dance et les actes Je famille établissent cetie gestion. Aussi le sieur
Dufour y est il resté absolument étranger , sauf une négociation par
ticulière dont on parlera bientôt.
L ’administration de la dame veuve Riberolle était peu compliquée
et ne réclamait pas l’assistance d’un tiers. L e traité du 2 février 1S09
avait fixé tout son avoir à un revenu viager de 2,400 fr. Le sieur
JustRiberolle nele lui a pointpayé: iln e s’est nullement inquiété des
besoins de sa m ère, ni de son entretien, ni des dépenses attachées
à son â g e , à sa position de famille et à ses goûts.
O11 croit avoir tout prévu quand 011 a dit qu’elle n’avait aucune
charge à supporter, aucun besoin à satisfaire.
Les sieurs Riberolle savaient fort bien profiter de la tendresse et
de la générosité de leur mère pour l’empêcher de former des
capitaux avec ses économies.
Ils produisent, sous la date du 11 novembre 1811 , une quittance
écrite en entier de la main du plus jeune, à C h arnay, et revêtue
de la signature de la dame Riberolle, précédée des mots : ¡ ’ approuve
ce que dessus.
Cet acte constaterait que Just Riberolle a payé à sa mère la somme
de
7 , 2 0 0 fi*.,
pour trois ans de sa pension de
2,400
fr . , soit en argent,
soit en effets payables à présentation; qu’elle a reçu de plus 2,000 fr.
pour les denrées qu’elle lui a cédées.
Cette somme de 9,200 francs n’a jamais été délivrée à la dame
Riberolle ; elle ne pouvait l’ê tre, au moins en totalité.
En eiïet, d’une p a rt, la dame Riberolle ne pouvait vendre
à son fils des denrées dont elle avait déjà fait em ploi, lors du traité
de 1809, et qui n’étaient plus dans ses mains ; d’un autre côté , si
cette quittance n’eût pas été une libéralité, laite à scs deux fils, le
�9
(
)
sieur Just Riberolle n’aurait pas manque de réduire les arrérages de
la pension à la somme de 1800 f r . , pendant la durée de la cohabi
tation ; comme aussi de retenir la somme par lui employée en achat
• de diamans ou cadeaux de n o ces, lors de son m ariage, dépense
qu’il avait portée à
5 ou 6000 fr ., quoique sa mère ne l’eut autorisé
que jusqu’à concurrence de 1000 fr. Mais toutes ces déductions
devenaient inutiles, quand 011 se libérait sans bourse délier.
Quel que soit au surplus le mérite de la quittance, ce qu’il est
assez indifférent d’examiner, il paraîtra extraordinaire que les sieurs
Riberolle veuillent constituer le sieur Dufour comptable de cette
somme de 9200 f r . , prétendue payée à C h a rn ay, en son absence,
comme ayant passé immédiatement en ses mains , et ayant été
employée à ses affaires personnelles (p . 12). Quand leur assertion
ne choquerait pas la vraisem blance, elle ne pourrait devenir un
titre contre leur adversaire. On le sent bien , mais il faut frapper les
esprits par le nombre et par l’énormité des réclamations.
L ’harmonie n’existait point dans la famille. Les frères Riberolle,
divisés entre eu x, se refroidirent aussi avec le sieur Dufour.
L a séparation et les griefs de la mère avaient donné lieu à des
explications plus ou moins vives ; 011 se voyait p e u , et la pension
n’était pas servie.
La dame veuve Riberolle fut conseillée de prendre une inscrip
tion sur les biens de son fils : on a écrit au Mémoire (p . i ) qu’elle
5
avait été prise par le sieur Dufour.
Que l’énonciation soit mensonge ou e rreu r, peu importe ; dans
tous les c a s , elle est facile à relever.
L e 12 octobre 18 12 , la dame R iberolle, en envoyant le contrat
de mariage de son fils et un bordereau d’inscription rédigé par
M. Dupuis qui lui avait conseillé celte mesure , pour assurer sa
pension, invitait son gendre à faire les diligences nécessaires, après
avoir pris l’avis d’un jurisconsulte qu’elle lui indiquait. Le sieur
Dufour ayant prié sa belle-m ère de l’en dispenser, elle écrivit
3
directement à un avoué qui déposa le bordereau le 2 janvier 18 1 ,
Ces deux lettres sont rapportées.
Cette femme respectable employait tous scs soins à maintenir la
�( 10 )
bonne intelligence entre ses enfans , recommandant à chacun la
patience et la modération. Ses fils ne parlaient que de leurs besoins;
l’aîné, de ses mauvaises affaires et de ses nombreux enfans. La
mère s’épuisait en libéralités, et accordait sans cesse des délais pour •
le service de la rente viagère.
L e sieur Riberolle-Landrevy peint avec exactitude cet état de
choses dans ses lettres. « T u m’apprends, ma très-chère maman,
« que tu as compté à mon oncle 200 f r ., montant d ’un e ffe t que
« je lui avais souscrit lors de mon voyage à L }o n . L e peu de
(f confiance qu’a mon oncle à mon exactitude, me peine ; si j’eusse
« prévu cela , je me serais procuré celte somme ailleurs.
Dans une autre, du 18 juin 1817 : « J’accepte avec plaisir le
K cadeau que tu veux bien me faire, et t’en remercie. La crainte
« où j'étais que tu eusses besoin de cet a r g e n t est seule cause de
« l’orgueil dont lu me pares. »
C ’est donc par oubli que, dans son interrogatoire, Riberolle
jeune a déclaré que sa mère ne lui avait jamais rien avancé ni donné.
Il d it, dans une troisième, du 20 février 1819 : « Tu me
« témoignes la crainte où lu étais que mon frère me fil demander
k m alhonnêtem ent les clefs à D ufour; sois sans inquiétude ;i cet
« égard : tout se passera selon les désirs. »
L e quinze avril suivant, il lui écrivait: « Si tu fais bien, je
« t’engage à écrire à mon frère que tu désires ardemment être
fr payée , e t , en un m o t, que tu exig es de lu i un règlement
« pour tout ce qui l’est du; engage-le à aller te voir. »
il s’expliquait ainsi, le i er avril 1820 : « Je te sais gré de Tein
te pressement que tu mets à me transmettre les intentions de mon
« frère à mon égard. Si ce qu’il promet s’effectuait, il y a beau
« tems que je serais payé ; tu le serais a u ssi; nous serions contons
(( l’un et l’autre, et lui beaucoup mieux dans scs affaires, lu me
ft recommandes la modération ei le ménagement que l’on doit à un
« frère...... Je ferai lout ce que tu exiges de moi; mais il convient
« qu’il soit pressé , sans cela je n ’obtiendrais jam ais rien. »
Enfin, il écrivait, le
5 juin suivant : «T a lettre m’avait fait espérer
tr que mon frère aurait satisfait à ses engagemens, en me payant
m
�<t dans le courant du mois la moitié de ce qu’il me doit; mais il suit
« en tous points le proverbe (promettre et tenir sont deux). 11 n’est
« pas moins vrai que, pour faire honneur à mes engagemens , il
« me faut recourir aux emprunts, ce qui ne laisse pas que d’ètre
« trcs-désagréable. »
IN’cst-il pas curieux de voir aujourd’hui le sieur Riberolle jeune
se reunir à son frère, pour imputer au sieur Dufour la volonté de
faire naître de mauvaises dispositions entre la mère et le fils?
C ’est encore par oubli sans doute que , dans son interrogatoire,
il a répondu à une question faite d’oflice par le juge-commissaire,
qu’une seule fois sa mère lu i avait d it : Je ne sais pas pourquoi
ton frère ne me paie pas.
La dame Arnaud avait été colloquée, dans un ordre clos devant le
tribunal de T h ie rs, pour deux sommes formant ensemble celle de
9.597 francs , et dont 6000 fr. étaient grevés de l’usufruit du sieur
G uillem ot-D arrot, l’un doses frères. E lle e n v o y a au sieur Dufour
une procuration spéciale pour toucher ces fonds, en l’obligeant au
paiement de l’intérêt annuel dû à l’usufruitier. Ce mandat fut rem pli,
ainsi que le constatent deux actes authentiques, des G et 12 octo
bre 1820.
Immédiatement après la réception des fonds, le sieur Dufour en
donne avis à la dame Arnaud sa tante , qui , de son coté, en instruit
le sieur Guillemot, de Lyon, son chargé d’affaires. Aussi, dans une
leltre du 6 novembre 1820, il écrit à sa soeur : « Je suis charmé
« d’apprendre que Dufour ait reçu pour vous les 9000 fr. qui
« vous étaient dus à T hiers, dont l’intérêt des 6000 fr. doit être
« payé à notre brave frère cadichon (G u illem o t-D arro t), sa vie
3
«f durant, et à vous celui dos ooô fr. »
Bientôt après, ces doux sommes furent remises à la dame A r n a u d
qui ou a délivré quittance au sieur D ufour, le 10 janvier 1821 ,
en ratifiant tous les engagemens contractés en so n n o m par les actes
des (> et 12 octobre précédent. Cette quittance est rapportée.
Il y a plus, les frères Riberolle produisent eux-mêmes une copie
du règlement fait après le décès de la dame Arnaud entre scs d e u x
héritiers, Guillem ot, do L y o n , et la dame veuve Riberolle , dans
�lequel on convient de p a y er p ar moitié la renie de 5oo f r . , qui
éta it due ¿1 leur fr è r e de Thiers ( Guillem ot-D arrot). L ’obli
gation de payer l’intérêt pi’ouve évidemment la réception du
capital.
Où est donc la bonne foi des appelans dans le reproche adressé
au sieur Dulour, de n’avoir jam ais rendu compte des suites de ce
mandat ?
D ’après ces explications, il faudra bien qu’ils se résignent à rayer
encore
du
tableau
indiquant
la
composition
de
la
succession
cette somme de 9 5 9 7 fr. 8 c. ainsi que celle
de 2200 fr. 94 c. pour les intérêts calculés pendant 4 ans et 7 mois.
de la
dame r ib e r o lle
,
Nous avons déjà prouvé qu’on ne peut y comprendre les 9200 fr.
énoncés dans la quittance du 11 novembre 1 8 1 1 , ni les intérêts
calculés à 6670 fr.
Il était dû à la dame veuve Riberolle et au sieur Just Riberolle
son fils une somme de 4810 fr. i
5 c.
, pour laquelle ils avaient été
colloqués dans le même ordre. L ’acte précité du 12 octobre 1820
établit le paiem ent, en l’acquit du débiteur, au sieur Dufour se
portant fort poxir sa belle-m ère , i° de 2/|o5 fr. pour la moitié du
capital; 20 de 209 fr. pour intérêts , total, 2614 fr- » et non pas
2800 f r . , comme on le dit par erreur au mémoire (page i5 ).
L e sieur Riberolle aîné a reçu une somme égale pour la moitié
qui lui appartenait.
On verra dans la suite que cette somme de 2614 fr. a été portée
en ligne de compte dans un règlement fait entre la dame veuve
Riberolle et le sieur Dufour.
C ’est à cette époque, et le 16 janvier 1821 seulement, que la
dame Riberolle put obtenir de son fils le règlement tant promis et
tant attendu. U fut fait à Charnay entre la mère et le bis, et non en
présence des sieurs Riberolle jeune et Dufour, qui n’en ont eu
connaissance que postérieurement (voir les interrogatoires des deux
frères).
L ’état sur lequel ce compte fut ré g lé , et qui est écrit en entier
de la main de la dame R iberolle, constate que les arrérages de sa
pension viagère jusques et compris le
terme échu
le 12 novembre
�1820 , se portaient à 21,960 fr. ; il avait etc payé par le
fils,
en
argent ou pour les impôts de la maison de T liiers, dont la dame
5 25 fr.; par conséquent
Riberolle avait la jouissance , la somme de o
le fils r e s t a i t débiteur de celle de 18,955 fr.
L ’acte souscrit réduit la dette à la somme de i ,ooo fr. stipulée
5
payable après le décès de la m ère, en s ix termes ég au x, d’année
en année, et sans intérêt qu’à défaut de paiement à chaque t^rme.
Ainsi Just Riberolle obtient de la générosité de sa mère une
réduction de g
f r . , un délai éloigné pour le paiem ent, et le
5 55
bénéfice des intérêts qui lui sont remis.
Poursuivant! le système arrêté, de présenter leur beau-frère
comme ayant provoqué par des combinaisons odieuses ce règle
ment pour s’en approprier le pro d u it, les sieurs R iberolle, après
avoir rendu compte de ces résultats, ne craignent pas de dire dans
leur m ém oire, page i\ : le projet conçu p a r le sieur D ufour, de .
s ’em parer des arrérages de la ren ie, dus ¿1 sa belle-m ère, avait
ainsi échoué.
11 y a mauvaise foi et maladresse dans cette réflexion.
i° Il est avéré que Dufour est demeuré étranger au règlement
et à tout ce qui l’a précédé ;
20 L ’acte lui-même offre la preuve qu’il 11 ex e r ç a it aucune
influence sur sa bclle-m cre, ou que s’il avait obtenu sa confiance ,
il n’en abusait pas dans son intérêt personnel. En effet, un ambitieux
qui en aurait eu le pouvoir se serait bien gardé d’accorder à
Riberolle aîné les avantages qu’il a obtenus.
A in si t o m b e n t tou tes ce s a ssertio n s a c c u m u l é e s q u i se d issipen t
au p r e m i e r e x a m e n .
11 est vrai que
la dame Riberolle dont la tendresse était égale
pour tous ses enfans , crut devoir un dédommagement aux sieurs
Riberolle-Landrevy et Dufour. En leur apprenant qu’elle avait
fait une remise à son fils aîn é, elle souscrivit à chacun d’eux un
cilet de 3ooo fr. qui 11e fut payé qu’après la vente de Çharnay. L a
manière dont sa pension était servie ne lui permettait pas d’autre
moyen de compensation.
L a dame G uillem ot, veuve Arnaud, est décédée en décembre
�1821, après avoir institué pour ses héritiers universels la dame veuve
Riberolle et le sieur Joseph Guillemot ses frère et sœ ur, par testa
ment du 18 octobre précédent.
Elle avait donné en outre à sa sœur sou argenterie, ses joyaux
et bijoux, et l’usufruit de son domaine de Charnay, ou, à son choix,
une somme de
5ooo fr. une fois p a yé e ,
comme équivalent de cette
jouisi^nce.
Ce testament contenait de plus différens legs ; savoir : à la dame
Dufour sa n ièce, sa garde-robe et tous les habillemens et linge à son
usage personnel ;
A la fabrique de l’église de C h arn ay,
Au curé de cette paroisse,
5oo ir. ;
5oo fr. ;
E t au sieur Pézard , petit-neveu de son mari , la somme de
10,000 f r . , payable une année après le décès de la testatrice.
La dame R iborolle, vivement affectée de la mort de sa sœ u r,
avait appelé près d’elle toute sa famille. L e sieur Guillemot et sa
femme, les premiers instruits, vinrent partager sa douleur. Just
Riberolle ne jugea pas à propos de se rendre à Charnay. Son
interrogatoire constate qu’il ne répondit pas à l ’invitation de sa
mère qui l’appelait auprès d’elle; mais il y envoya sa fille qui 11’a
q u ille Charnay qu’avec son aïeule. Lorsqu’il fut question de
s’occuper des affaires d’intérêt, Pierre R iberolle, qui s’était rendu
sur les lie u x , 11e pouvant s’entendre avec son oncle G uillem ot, de
L y o n , ne voulut plus s’en mêler. Il en convient dans son interro
gatoire.
Pourra-t-on maintenant blâmer le sieur Dufour d’avoir prêté à sa
belle-m ère une assistance que ses fils lui refusaient? son affection,
son devoir et l’intérêt commun lui en faisaient une n é c e s s ité . Au
surplus, cette coopération était peu importante: elle se réduisait a
aider le frère et la sœur dans le partage ou le règlement de la
succession indivise entr’eux , et à faire face aux détails et aux
embarras qui sont, toujours la suite d’un décès.
La succession de la dame Arnaud se composait du domaine de
Charnay, qu’elle habitait; du mobilier et des denrées contenues
dans les bàtimens ; des fonds placés à L yon par l’intermédiaire du
�( >5 )
sieur G uillem ot, et de quelques modiques créances à répéter sur
les lieux.
Les droits des cohéritiers étaient fixés par le testament du
18 octobre 1821, qui devenait la hase principale du règlement. La
dame R ibërolle, comprenant que l’usufruit du domaine était préfé
rable à la somme de ooo f r ., opta pour la jouissance.
5
Dans cette position, on conçut le projet d’atlribucr à l’usufruitière
la propriété de l’immeuble, en laissant au sieur Guillemot une partie
des valeurs qui étaient dans ses mains, et qui, d’après son compte,
se portaient à la somme de
56 ,000 fr.
L e sieur Dufour rédigea, sur ces données, un traité qui fut accepté
et signé le 4 janvier 1822, après quelques débats; une copie en est
produite par les appelans, et l’un des doubles , lacère, a été trouvé
dans les papiers de la mère com m une, après son décès.
Quelques réflexions firent penser au sieur Guillemot qu’il était
lésé par le traité ; une explication produisit de l’aigreur entre lui
et
son
neveu.
L a dame llib ero lle, toujours animée de seniimens
généreux et du désir de conserver l’harmonie dans sa famille ,
consentit à considérer comme mil l’acte consommé, et à accepter
la médiation du sieur L avcrrière , notaire, proposé par son frère
pour un règlement définitif.
Dans l’intervalle, le sieur Guillemot présenta à sa sœur u n état
particulier de situation avec la dame Arnaud, depuis le
25 octobre
1820, qui le constituait reliquataire, sur les intérêts des capitaux
qu’il avait touchés, d’une somme de 1687 fr. 10 cent. Sa libération
s’ e ife c tu a par u ne compensation avec près de trois ans d’arrérages
>de la pension de 600 f r ., que la dame Ribërolle payait à sa sœur.
Les énonciations écrites par elle, sur l’état produit par les frères
R iberolle, prouvent que la somme de 1687 fr 10 cent. 11’a pas été
versée eu argent. On y lit, en effet, reçu le solde ci-dessus, d ’après
nos arrangQtnens , à C h arn ay, ce 7 janvier 1822. S i g n é veuve
Ribërolle. Plus tard, le sieur G uillem ot, trouvant sans doute celte
quittance insuffisante , lit ajouter par sa sœur un nouvel acquit, sans
date, ainsi conçu : reçu la somme de 1687 fr. 10 cent., de mon frère
�( 10 )
Joseph Guillem ot, pour solde de compte ci-dessus ¡ f a it d ’après
nos arrangemens. Signé veuve Riberolle.
Ainsi, jamais cette somme n’a été dans les mains de cette dame.
Dans tous les ca s, eLsi la tactique des appelans n’était déjà connue,
on ne concevrait pas qu’ils eussent dit dans leur m ém oire, p. 2 1 ,
que le sieur Dufour avait r e çu , sous le nom de sa belle-m ère, cette
somme de 1687 f r . , et qu’il en est comptable.
C ’est le lendemain, 8 janvier, que les parties intéressées, le
sieur Guillemot et la dame R iberolle, acceptèrent le traité proposé
par Me L averrière, pour régler leurs droits respectifs. En voici les
dispositions principales :
i° Au m ojen de la vente consentie le même jour, devant le
médiateur, par le sieur Guillemot à sa sœ ur, de sa moitié du
domaine de C h arn ay, la dame Riberolle reste seule propriétaire
dudit domaine ;
2° Sur l’argent et les dettes actives dont les titres sont au pouvoir
36
3
du sieur Guillemot, ce dernier se retiendra
,oooi’r ., dont ooo fr.
en argent, pour la part e t portion (jni p eu t lu i revenir dans la
succession mobilière et immobilière de M “ ° A r n a u d , les dettes
actives comprises ; il fera compte à M “ 9 Riberolle de la somme
de 20,000 f r . , soit en effets ou argent comptant, sur les
56 ,000 fr .,
pour la rentrée desquels effets les contractans se garantissent, de
part et d ’a u tr e , de toutes pertes qui pouvaient s u r v e n i r jusqu’à
l’échéance des promesses ;
5° Outre la totalité dudit domaine de Charnay et les
20,000 f r .,
la dame veuve Riberolle aura de plus tout le m obilier, linge,
denrées, vin, blé et fourrages, avec les bestiaux et les petites
dettes actives dues à la succession par diverses personnes de
C h arn ay, dont elle fera le recouvrement ¿1 ses périls et risques ,
sans recours contre M. Guillem ot.
Mais la dame Riberolle
demeure
seule
chargée
de
payer
la
totalité des droits de succession, les frais d’enterrement et œuvres
pies de la défunte, les frais de son testament, les frais de maladie,
et tous les petits comptes journaliers dus par la défunte, les gages
�des domestiques com pris , com m e encore les legs en argent faits
par la défunte, montant ensemble à 10,600 fr. ;
4° Enfin la ren te,
frère
des
e lle s ,
parties,
tous
ou les intérêts dus à M . G uillem ot (D a r r o t) ,
sera p ayée p ar ces dernières , par moitié entre
les ans, le
2
o cto b re, jusqu’à son extinction.
P o u r préven ir le désaveu que l’on pourrait faire sur la participa
tion de M® L av e rriè re à ce règlem ent définitif, on prévient qu’011
est porteur de sa quittance d’h on o raires, tant pour la vente que
pour le traite sous signatures privées.
Il est très-im portant de m ontrer quel éta it, à cette é p o q u e , le
tableau de la fortune et des ressources de la dame v e u v e R ib e r o lle ,
ainsi que les charges qui pesaient sur elle.
D e son c h e f, elle 11e pouvait disposer que de sa pension viagère
de 2400 fr. E lle n’en a pas touché un centime de son fils aîné ,
depuis le règlem ent du iG janvier 18 2 1. C ’est un point jugé et non
contesté , que ce dernier doit rapport à la succession de sa m ère de
la totalité des arrérages. L a dame R iberolle n’a donc trouvé aucune
ressource de ce coté.
E lle avait, du ch e f de la dame Arnaud sa sœ u r, la propriété de
C h arnay, qu’elle habitait; la somme de 2 0 ,oo ofr. à répéter contre son
frère de L y o n , le m obilier nécessaire aux bâtimens et à l’exploita
tion, des denrées peu considérables en v a le u r, et quelques petites
créances éparpillées dans Charnay et dont la rentrée était au moins
difficile.
Cependant il fallait p ou rvo ir aux dépenses urgentes qui sont la
suite d ’un d écès; aux œ uvres pies dont la défunte et son héritière
avaient la louable habitude; aux habits de deuil m êm e p our les
dom estiques; aux frais de toute esp èce; à la tenue du m én age; aux
soins de l’exploitation du dom aine, au paiement des dettes journa
lières et des gages des dom estiques; aux droits de s u c c e s s i o n , et
enfin à la délivrance des legs se portant à 10,600 fr.
A e lle était la p o sitio n e x a c t e d e la d a m e R i b e r o ll e .
Disons maintenant
a v e c le r é d a c t e u r d u
m ém oire
deç
appelans :
le s f a i t s com m encent a s’e x p liq u e r ; et v o y o n s , en continuant
3
�#
notre relation, si du même point de départ nous arriverons aux
mêmes conclusions.
L e sieur Dufour avait prêté, en différentes fois, à sa belle-mère ,
une somme de 4000 fr. pour fournir aux premiers besoins.
Après la signature du traité, le sieur Guillemot partit pour L y o n ,
accompagné de son neveu D ufour, auquel il remit une somme de
3ooo fr ., cri or, faisant partie de l’argent comptant ; il reçut en échange
une quittance écrite et signée, le 8 janvier 1822, par la daine
R iberolle, q u i reconnaît avoir reçu cette somme de son frère.
L a mention faite par le sieur G uillem ot, au dos de cette quittance
qu’on produit (page 2 r ) , ne détruirait pas le fait constaté par l’acte.
Mais le sieur Guillem ot lève lui-même toute incertitude par les
termes de sa lettre du 20 janvier : « J’ai reçu, ma chère sœ ur, par
« la Jeannc-Marie , la . lettre que vous m’avez fait le plaisir de
« m’écrire , le 17 de ce mois , par laquelle 'vous ni accusez
« réception des
5ooo fr.
que j e remis pour vous ¿1 M. D u fo u r,
« e t dont il m’ a donné voire reçu. »
Ceci est clair et n’a pas besoin de commentaire. Autre rectification
à faire au tableau.
Cette somme de
5ooo
f r . , reçue en o r , fut remise en même
monnaie par la dame Riberolle à M. M au rice, curé de Morençay ,
qui avait eu l’obligeance de les lui prêter pour suppléer à l’absence
de ses revenus, que son fils 11e payait pas.
Il fallut pourvoir aux dcltes urgentes; le m oyen d’y parvenir était
indiqué par la nature cleis choses. La dame Riberolle 11e pouvait
disposer que de la somme dont elle était créancière de son frère.
L ’économie du teins et de l’argent prescrivait la voie usitée des
traites ou mandais. De là, les trois émissions d’effets tirés, les 14 jan
5
vier, i février, et i.\ mai 1822, à l’ordre du sieur Dufour, qui on
a fait opérer les rentrées jusqu’à concurrence de la dette du sieur
Guillemot.
Ces faits n’ont jamais été déniés; mais ce que ne disent pas les
appelans, les fonds étaient employés au fur et à mesure de leurs
rentrées; et la dame Riberolle, qui se faisait rendre compte des
�recettes et des dépenses, donnait à son gendre les décharges équi
valentes.
La correspondance de la dame Riberolle, les actes qu’elle a passés,
sa conduite avec toute sa fam ille, prouvent tout à-la-fois sa capacité ,
l’exercice de ses droits , la sagesse de sa volon té, et la direction
exclusive de ses affaires personnelles. Elle demandait et acceptait
avec plaisir le concours accidentel de son g en d re, pour les détails
dont Féloignait son sexe ou son â g e , mais elle ne l’a jamais consi
déré comme un mandataire qui agissait pour elle; chaque affaire,
chaque négociation était réglée entr’elle et lu i, aussitôt qu’elle était
terminée.
Il
est indispensable de donner quelques explications sur les
documens que les sieurs Riberolle ont obtenus du sieur Guillemot,
de L yon , leur oncle.
Père de famille, et valétudinaire, le sieur Guillemot profilait
avec empressement des largesses de la dame Arnaud sa sœ ur, qui le
gratifiait annuellement d’une pension de 600 fr .; lors du traité fait
avec la dame R iberolle, il usa de tout l’ascendant qu’il avait sur
e lle, pour obtenir de larges concessions; le sieur Dufour eut le
malheur de combattre quelques unes de ces prétentions, et perdit
dès-lors ses bonnes grâces. Après la clôture du traité, préparé et
rédigé par M e L averrière, le sieur Guillemot voulut encore élever
des difficultés sur son exécution. 11 se croyait dispensé, entr’autres
objets, de compter l’intérêt de la somme de 20,000 fr. qu’il devait
payer à sa sœur; il 11e voulait point contribuer au service de la
3
rente de oo fr. , due à G uillem ot-D arrot. C ’était là le texte
ordinaire de ses plaintes.
On en trouve la preuve dans le projet que produisent les sieurs
Riberolle île sa lettre à sa sœ ur, du i
5 mai
1S22 (page 26) :
« Je vais vous parler de nos intérêts réciproques, et vous témoigner mon étonnement de ce que vous me dites de corresr< pondre avec M. Dufour pour cet objet, ayant une parfaite connais« sance desmotifsparticuliersqui m’en éloignent, p arla perfidie qu’il
<r a eue d 'a j o u t e r à nos conventions l’obligation pour moi de payer
5
«■annuellement i o fr. à notre frère G uillem ot-D cirrot, pendant
�ff
sa v i e ,
ce
a q u o i j e n’ai ja m a is c o n s e n t i
, et
c o l a à l a s u i t e clc
« n o t r e traite q u e je v e n a is d e s i g n e r p a r c o n fia n c e en v o u s , d o n t
« je r é c l a m a i s l ’a n n u l a t i o n
en votre p résen ce,
e t q u ’ il m ’ a r r a c h a
« p a r v i o l e n c e , a v e c m e n a c e d e m e f r a p p e r , e t a u q u e l j’ a i c o n s e n t i
« p a r é g a r d e t a m i t i é p o u r v o u s ............ »
C ’estpar suite de cette irritation, qu’il manifestait, dans une autre
lettre à la dame Riberolle, sa répugnance de traiter avec M. Dufour,
dont j e crains, dit-il, l’astuce et l ’adresse dans les affaires ;
qu’il écrivait encore au sieur Riberolle aîné : ff Je me dispense de
« te parler des affaires d’intérêt que j’ai eues avec ta mère dans le
« partage des biens de ma sœur A rnaud, ou j’ai été sacrifié par ma
w faiblesse, ma mauvaise santé, et ma répugnance de traiter avec
« M . D u fou r, le plus subtil de tous les hom m es, d’une somme
ff très-considérable. »
G’est sans doute aussi dans les intentions les plus pures, qu’il a
c r u d e v o i r remettre à ses neveux ces p réc ie u x documens dont ils
veulent faire des armes foudroyantes contre le sieur Dufour.
11 suffit, pour réfuter toutes ces assertions accumulées de subti
lité , d ’ a d r e s se et de p e r f i d ie , de faire observer que la clause relative
à la rente Guillemot-Darrot se trouve insérée non seulement dans
le premier traité du \ janvier, que la dame Riberolle a bien voulu
anéantir sur la demande de son frè re , mais encore dans celui
du 8, qui a été rédigé p arM . L averrière, et définitivement accepté
par les parties.
M a is é c o u to n s su r tous c e s faits u n t é m o i n d i g n e d e c o n f ia n c e ,
et qu’aucune des parties n’osera recuser, la dame veuve Riberolle,
DANS LES L E T T R ES MEMES QUE PRODUISENT LES APPELANS.
12 mars 1822. ff Je vois avec peine, mon cher frère , tpie vous
ff revenez sur ce qui a été arrêté entre nous par deux sous seings
(( qui ont été rédigés pour éviter toutes difficultés et toutes dis«■ eussions ; c est a cette lin que je me suis chargée d’une propriété
tf qui ne me convenait, pas , et que je nie suis chargée aussi de
" satisfaire à toutes les obligations de la succession, quoiqu’etrau«
25 mai
g è r e aux affaires de celte nature.
1822, en réponse ¿1 celle p r é c ité e , du i5.
�( 21 )
«■Est-il possible qu’après avoir eu le grand malheur de perdre
« ma méritante sœ ur, j’aie celui de voir la discorde dans ma
k fa m ille ? est-il possible que vous croyiez que Dufour eût intention
« de vous battre? E t ne l’aurait-il pas fait dans le moment que
« vous lu i avez mis les deuæ poings sous le m enton, moment oii
«
j ’a d m i r a i so n
r e s p e c t e t sa p r u d e n c e .
Il ne vous a rien proposé •
5
(t que vous n’ayez accepté et signé. Si les i o fr. annuellement
« dus à notre frère vous offusquent, je paierai à moi seule
« les oo fr. »
5
Précédemment, cette digne fem m e, pour étouffer tout r e s s e n
timent, avait encore fait le sacrifice de la moitié des intérêts de la
somme que lui devait son frère.
Comment les sieurs R ib erolle, ayant sous les yeux cette lettre
de leur m è re , ont-ils osé imputer au sieur Dufour des torts imagi
naires dont la fausseté est démontrée par leur propre dossier?
C est encore avec les pièces produites par eux qu’on les battra
sur un autre point. Pour donner c o u l e u r a u système de gestion
exclusive du sieur Dufour et de l’inertie prétendue de la dame
Riberolle dans ses propres affaires, ils invoquent deux lettres
écrites le 2 juin au sieur Guillemot de L yo n , pour lixer le montant
des traites tirées sur lui ainsi que la situation respective; l’une par
la dame Riberolle qu’ils disent évidemment écrite sous la dictée
du sieu r D ufour (p. 27. ) , et l ’a u t r e par le s i e u r Dufour lui-même.
L ’inspection de ces deux lettres prouve leur erreur, volontaire
ou involontaire. Elles sont en effet sous la date uniforme du 2 juin;
mais celle de la dame Riberolle est écrite de C h a rn ü y3 frappée du
timbre d' A nse , bureau de départ de la poste ; tandis que celle du
s ie u r Dufour est datée de 'l1hiers, et porte le timbre de cette ville.
O r on sait qu’il y a 5o lieues de distance entre Charnay et
Thiers : il est donc matériellement démontré que le 2 juin 1822,
le sieur Dufour n’a pu d icter , comme on voudrait le faire
croire,
la lettre écrite par sa belle-m ère ; et ce qu’il y a de plus remarquable
dans ces deux lettres provoquées par celle du sieur G u illem o t,
C est l ’ i d e n t i t é d u r é s u l t a t ,
q u o i q u e c h a c u n e x p l i q u e les c h o s e s à sa
m a n i è r e : o u p e u t l es v é r i f i e r .
•
�11 faut tirer de ce fait la conclusion, conforme à la vérité, que
madame Riberolle réglait elle-rnéme ses affaires, et connaissait par
faitement sa position : toute sa correspondance le prouve.
E lle la connaissait tellement, que, pour se procurer du repos et
pour accomplir le seul vœu que formait sa tendresse, la concorde
entre ses enfans, elle leur proposa le partage anticipé de ses biens.
L e sieur Riberolle aîné devait, dans ce cas, rapporter, aux termes
de son contrat de mariage, les i2 ,5 o o f r ., capital de sa m ère; les
5
1 ,ooo fr. d’arrérages liquidés par l’acte du i6 janvier 1821 ; et
enfin l ’arriéré de la pension de 2,400 fr. , depuis celte époque, se
portant à 4000 fr. environ. Ces sommes réunies formaient un capital
de i à 52,000 fr. , qui excédait évidemment son tiers dans la
5
fortune. 11 refusa , préférant éloigner l ’époque du paiement, puis
qu’il 11’avait rien à recevoir.
Un autre motif secret éloignait les deux frères de cet arrange
ment : ils espéraient obtenir de la dame Piiberolle l’avantage préciputaire que le père leur avait accordé. Des tentatives furent
faites auprès de cette bonne m è re , qui fut ferme dans sa volonté.
Ils craignirent, après avoir échoué, que la dame Dufour, leur sœur,
11e se prévalût de leurs démarches pour réclamer en sa faveur :
c’est sur ces doléances que madame Riberolle leur promettait de
conserve
11 e n t r e
eux l é g a l it é
;
mais dès-lors leur inimitié contre
le sieur Dufour et sa femme n’eut plus de bornes.
Cependant la dame veuve Riberolle était loin de surmonter les em
barras qui se présentaient : la teiiue de la maison de Charnay était
dispendieuse; l’exploitation difficile* pour une femme seule et âgée;
les ressources épuisées par le paiement des dettes; la pension viagère
n’était point payée. Elle reconnut bientôt la nécessité de se retirer
à Thiers et de vendre une propriété qui ne lu i convenait pus et
qu’elle n’avait acceptée (¡ne pour fa ir e p laisir à son fr è r e (lettre
du 1 9. mars 1822. )
Celte mesure, dont on veut méchamment
sieur Dufour, pour
p r o f it e r du pr ix
donner l ’in it ia t iv e
5
au
(pages 29 et o() , était depuis
long-iem s indiquée par la famille, connue et approuvée même
^>ar ceux qui eu font aujourd’hui un grief. Prouvons ce fait :
�L e sicur (Guillemot, de L y o n , écrivait à sa sœur, le
5 avril
1822 :
«■Je n’ose me flatter d’avoir le plaisir d’aller vous voir après les
* fêtes, niais si j’en ai la force j’irai avec ma fcnmie vous faire mes
« derniers a d ieu x , bien persuadé que vous to u s déterm inerez à
« vendre votre dom aine, et à rentrer dans votre domicile et votre
« fa m ille pour jouir de la douceur de la voir souvent et de réconK cilierv o sfils avec M . D ufour; je le désire, mais je regarde cette
« réunion bien diilicile.
Dans une lettre, du i
5 mai suivant, le sieur Riberolle-Landrevy
écrivait à sa mère :
« T u me fais espérer que tu viendras bientôt habiter auprès de
«• tes enfans, mais il faut pour c e la , dis-tu, qu’ils soient unis ; ils le
« sont et t’attendent à bras ouverts; quant ¿1 ton g endrey j’ai de la
^ peine à croire que mon frère se décide à mettre les pieds chez lui,
(f, e t il est même prudent de ne pas les engager a, se voir.
« S i t u v e n d s C h a r n a y et que tu veuille disposer de tesfo n d s
« en ma faveur tu me rendrais un grand service , et m’aiderais bien
« dans l’acquisition que j’ai faite. T u pourras prendre toutes tes pré«• cautions pour assurer tes fonds...... »
C’est à cette lettre désintéressée que la dame Riberolle répondait,
le 9 juin : « Votre inimitié pour Dufour est pour moi un surcroît de
cf douleur que je ne puis te rendre; oui, mon am i, le chagrin me
« tue. Soyez tranquilles, mes chers, aucun tort ne vous sera fait;
« j e f e r a i toujours de mon m ieu x pour l’égalité ;
en conséquence,
« JE NE PUIS T E PR O ME T T R E CE QUE T U DEMANDES EN E N T I E R , AYANT
«
TROIS ENFANS. »
Les efforts de cette digne inère étaient impuissans sur le cœur de
ses fils; quoiqu’appelés à Charnay, pour assister à la vente, ils ne
voulurent pas s’y transporter.
Par a cte, sous signature p rivée, du 18 juillet 1832, le sieur
Piérou, m édecin, devint acquéreur du domaine de Charnay.
Une clause précise comprend dans la vente les pressoir, cuves,
vaisseaux vinaires , outils aratoires et autres immeubles par destina
tion; tous les grains vieux et nouveaux étant dans le grenier, tous
les vins v ie u x et nouveaux étant dans la grande
toutes les
cave,
�(
»4
)
bouteilles tant pleines que vides, ex cep té trente pleines d e v in , au
ch o ix de la venderesse;
tout
le
mobilier
,
meubles
meublans,
TOUS LES L I TS MONTÉS ET GARNIS ET GENERALEMENT T O U T CE QUI EST
RENFERME DANS LES MAISON ET BATIMENS VENDUS J desquels objets
mobiliers madame Riberolle aura l’usage jusqu’à son départ, qui
doit avoir lieu dans la quinzaine.
Le prix fixé fui de
,ooo fr. , payables par d ixièm e d'année
en année.
56
11 est stipulé que si, avant deux ans, l’acquéreur veut faire con
vertir la convention en un acte authentique à ses frais, il en aura la
faculté ; mais en ce cas il ne fe r a paraître que 18,000 fr. et le sur
plus sera mentionné dans un traité sur lésion, sous signatures privées.
Toutes les clauses de cet acte sont remarquables. Elles repoussent
toutes insinuations perfides. La 'v en te du m o b ilie r prouve que le
sieur Dufour ne voulait pas se l’approprier. L e paiement du p rix ,
en d ix années, n’annonce pas une spéculation intéressée. La clause
de dissimulation d’une partie du p rix, en cas d’acte authentique,
était dictée par l'acquéreur qui voulait diminuer les frais d’enre
gistrement.
Un pot de vin, ou étrenne de 2000 fr. , avait été convenu, sans
être mentionné dans l’acte. Cette somme fut remise par ü acquéreur
à la dame Riberolle elle-même , ainsi qu’il l’attesle dans sa lettre
du 2 juillet 1826.
L a darne Riberolle s’était réservé son argenterie, et certains
objets et meubles à sa convenance. Elle avait de plus une partie des
objets qui meublaient un petit appartement
qu’avait
occupé
M“ ° Arnaud à L y o n , et qui étaient encore emballés.
C ’est ce mobilier qui , après distraction de q u e l q u e s objets
m odiques, ou hors de se rv ic e , vendus jusqu'à concurrence de
100 f r . , fut emballé, expédié à Thiers, et déposé, non pas, comme
4
on le dit (p ag e ^ )» dans l’habitation du sieur D u four, mais bien
dans la maison paternelle dont la dame Riberolle avait la jouissance.
H y existait encore, presqu’en son entier, à la mort de la dame
Riberolle. Ce n’est que par suite de la vente de la maison qu’a faite
depuis le sieur R iberolle, que ce mobilier a été transporté, du
�consentement des deux frères, dans un des appartemens du sieur
D ufour, père de l'intimé.
L e s i e u r D u f o u r d o i t - i l aussi se l a v e r d e l ’in c u lp a tio n d 'avoir
v id é les celliers, vendu ou f a i t transporter à Thiers quarante
dnées ( m e s u r e ) de vins v ie u x ou nouveaux , montant à une
somme de 2^ 0 0 f r . ( p a g e 5 i ) ?
Cette tâche sera facile.
11 est vrai qu'outre les vins vieux ou nouveaux, déposés dans la
grande Cave, compris dans la vente du 18 juillet, il en avait été
distrait ou réservé une certaine quantité. La dame Riberolle, qui
en avait vendu une partie, se plut à distribuer le surplus dans sa
famille. En voici la preuve :
Dans sa lettre du 29 janvier 1822, le sieur G uillem ot, de L y o n ,
accuse
anees),
nt t - il,
«■mais
réception à sa sœur de cinq bareilles de vin (faisant douze
et lui en fait ses sincères remercîmens. « J’ai p a yé , ajoute
142 fr. 75 c. pour la voiture et les droits d’entrée à la ville;
ne m’attendant pas à ça , je n’ai pu payer au voiturier les
« droits do sortie, et dont je te ferai compte. »
Le sieur Riberolle aîné convient, dans son interrogatoire, que
sa mère lui a envoyé une pièce de vin. Son frère reconnaît aussi
en avoir reçu , sans en déterminer la quantité. Une pièce fut
adressée au sieur Dufour. Le prix d’achat des barils, les droits de
congé et les frais de transport sont portés dans le règlement fait
entre la dame Riberolle et son gendre. Avant le départ de C h arn ay,
trois barriques avaient été adressées au sieur Guillem ot, de Lyon.
Enfin, il en a été transporté pour le compte de la dame Riberollej
à Thiers. On ne contestera pas qu’il y ait actuellem ent dans sa cave
un tonneau de deux cents litres, et plus de quatre cents bouteilles
de vin de Charnay.
Telles ont été les dilapidations du sieur Dufour.
On ne doit pas passer sous silence une circonstance qui rendrait
impossibles les enlèvemens imputés au sieur D uiour, quand leur
fausseté, ne serait pas démontrée. La fille du sieur Just Riberolle se
rendit à Charnay auprès de sa grand’mère , immédiatement après
le décès de la dame Arnaud ; elle y a constamment habité, et n'est
/
4
�revenue à Tliiers qu’avec la clame veuve Riberolle et le sieur
Dufour. Ces faits sont avoues par les sieurs Riberolle dans leurs
interrogatoires.
Ainsi, depuis décembre 1821, jusqu’à la fin de juillet 1822,
c ’est-à-dire pendant sept mois consécutifs, la demoiselle Riberolle
a eu sous les yeux toul le mobilier de sa grand’mère ; elle a assisté
à toutes les négociations, a vu les emballages, les transports et les
envois. Et l’on voudrait faire croire à l’audace et à la vraisemblance
d’une spoliation !........
L ’indifférence que les sieurs Riberolle manifestaient pour leur
m è re , leur résistance aux procédés les plus ordinaires, e t , il faut
le d ire , le besoin des secours et de la compagnie de sa iille ,
portèrent la dame Riberolle à accepter un asile dans la maison du
sieur Dufour. Celle d é t e r m i n a t i o n exaspéra les deux frères qui
oubliaient
com bien
l’essai d’une
autre
cohabitation avait coûté de
larmes à cette femme respectable.
C ’est alors qu’on ne garde plus de mesures.
4
V oici la réponse textuelle de la dame Riberolle,
août 1822 ;
n ous Ici trou vons d a n s le u r d o s sie r .
« Toute criblée de douleurs que je suis , mon cher fils, je viens
<( te prier de ne pas exécuter le projet que tu faisais de venir
« un jou r chez D u fo u r,
a c c o m p a g n e d ’u n n o t a i r e
,
p our prendre
« note de ce qui est à moi. J’aurai soin de faire faire et de faire ce
« qu’il convient pour vous édifier. Je te prie, mon cher (ils, ainsi
« que R iberolle, de meure tous les procédés honnêtes que l’on se
« doit en famille; sur-tout ayez p itié de la douleur que me donne
« votre désunion. J ’y succomberai bientôt, si vous n’avez pas
« égard à ma douleur que je ne puis plus supporter, s i vous n’avez
« pas pitié de moi. Adieu , je vous embrasse louS et suis voire
<r m alheureuse mère. »
L e sieur Dufour était loin de soupçonner la cupide défiance de
ses beaux-frercs. Le dépôt du mobilier dans la maison de la mère
semblaitdevoir rassurer tous
les intérêts. O ccupee du soin d’éloigner
tout motif de discussion, la dame Riberolle 11e lui parla point do
l’exigcance de ses (ils; il ne l’a connue que parle mémoire
imprimé
�( 27 )
ei par la communication des pièces où se trouve la lettre que l’on
vient de lire. Que ne s’adressaient-ils directement à leur beau-frère?
ils auraient obtenu toute satisfaction.
Par acte reçu Grangcon, notaire à Thiers, le 14 décembre 1823,
le sieur Pézard délivra quittance de la somme de 10,000 fr .,
montant du legs porté au testament de la dame Arnaud, et par lui
reçue, est-il énoncé, des mains de M . D n fo u r,
e t ven u e néanmoins
DES DENIERS DE EA DAME VEUVE RIBEROEEE.
Cette attention qu’eut le sieur Dufour de faire insérer, en l’absence
de sa belle-m ère, l’origine des deniers dont on lui donnait quittance
justifie-t-elle les assertions de scs adversaires ?
Dans cette circonstance, comme dans toutes celles ou le sieur
Dufour avait eu momentanément à sa disposition des fonds de la
dame Riberolle pour un emploi déterminé, celle-ci lui remit une
déchargé spéciale des 10,000 fr. que venait de recevoir le sieur
Pézard. Ainsi le sieur Dufour était muni de pièces suffisantes pour
établir la destination des sommes qu’il avait touchées.
Cependant la dame R iberolle, désirant sans doute empêcher des
discussions qu’elle pouvait malheureusement prévoir, voulut régler
définitivement sa position ave/: le sieur Dufour son gendre, sous
une forme authentique.
L ’acte est sous la date du
5o juin
1825 ; il est nécessaire d’en
faire connaître les dispositions que l’on s’est efforcé de torturer.
Quatre articles le composent.
Pau ee p rem ier, la dame vcüve Riberolle énonce et reconnaît,
avec indication de leur objet et de leur em ploi, toutes les sommes
que le sieur Dufour, son gen d re, a payées pour elle et sur sa réqui
sition , ou à elle-même; cet état, qu’il serait tnfp long de transcrire,
produit un total de 10,239 fr.
36 c. V o ici maintenant la teneur du
Surplus de l’acte :
A r t . a. L a d a m e v e u v e R i b e r o l l e d é c l a r e en outre q u e les som
mes payées p a r le s ie u r D u f o u r , ainsi q u ’il est dit en l’article précé
dent, l’onCffti'. pour libérer d ’autant, celui-ci des sommes qu’il avait
r e ç u e s pour elle e t sur son invitation, soit d e la succession de la
daine Arnaud, sa s œu r, soit des débiteurs de cette succession, soit
�( s» )
du sieu r C hervet- V a ch er, suivant un acte reçu par nous G rangeon,
nn dns notaires soussignés, le 12 octobre 1820, enregistré le 21 ,
soit enfin de toutes autres personnes.
A
rt
.
3 . En conséquence,
ladite daine Riberolle veuL que son dit
gendre dem eure q u ille envers elle et les siens, connue il est dit eu
l’ariicle précédent , de la somme totale de 10,239 h'. 56 c . , lui en
passant quittance avec promesse de l’en faire demeurer quitte envers
et contre tous.
A rt.
/f . Convenu qu’au moyen du payem ent de la sonunc to
tale énoncée en l’article p récéd e n t, et de celle quittancée suivant
un acte consenti p a rle sieur Antoine Pézard, devant nous G ran
geon , le 14 décembre 1822, le sieur Dufour-Riberolle
demeurera
envers la d a m e R i b e r o l l e de toutes
les sommes qu’ il a reçues pour elle ju sq u ’à ce jo u r , attendu
bien e t
valablem ent
qu’icelles font un
déchargé
t o ta l
égal
à
celui des sommes payées par ledit
sieur Dufour pour le compte de sa belle-m ère , ou
à
celle-ci elle-
mème. Fait et clos, le , etc.
Ce règlem ent, dicté par la bonne foi, porte avec lui l'empreinte
de la vérité; aussi, n’est-ce q u ’ e n l u t t a n t contre l e u r propre convic
tion que les sieurs Riberolle essaient de lui opposer quelques faibles
objections. Parcourons-les.
Ils n’osent pas contester l’état des créances portées en l’art, p r e
mier,, sur la sincérité duquel ils n’élèvent que des soupçons. En
effet, ses é lé m e n s se c o m p o s e n t en très-grande partie d e s dettes
inévitables de la succession Arnaud: honneurs funèbres ; frais de
dernière maladie, de deuil, du testament, du traité avec le sieur
Guillem ot; gages des domestiques; legs pieux; droits de succes
sion ; coût des diverses quittances; argent donné, etc.
On observe seulement qu’on a dvi ' v r a i s e m b l a b l e m
en t
trouver
dans la maison de la dame Arnaud une somme suffisante pour p a y e r
les frais de dernière maladie et d’inhumation. Rien ne fait présumer
Le silence, gardé sur ce point dans les arrangemens
sieur G uillem ot, de L y o n , prouverait le contraire.
qu’il y en eut.
faits avec le
L ’objection est donc sans fo rce, surtout respectivement au sieur
Dufour, qui a payé.
La critique sur la somme de
456 fr.
comptée au sieur C h e n e t-
�(
29
)
Vacher, pour intérêts de la somme touchée par le sieur Dufour, le
16 octobre 1820, n’est pas fondée, puisqu’il est établi par la quit
tance qu’il p r o d u i t que d ès le 10 janvier 18?. 1 la somme capitale
avait élé m ise au pouvoir de la dame Arnaud.
Il en est de même relativement à la somme de 717 fr. pour les
gages des domestiques. On feint d’oublier : i° qu’ils étaient au nom
bre de trois, dont un mâle pour l’exploitation du domaine, et qui
3
avait plus de oo fr. (le gage; 20 que le sieur Dufour a acquitté,
non-seulement les gages de l’année échue lors du décès de la dame
Arnaud, mais encore ceux qui avaient couru jusqu’à la fin de juil
let 1822 , époque de la vente et du départ de Charnaÿ pour Thiors.
C ’est avec le même esprit qu’on insinue que le sieur Dufour
58
étendait sa surveillance ju s q u 'a u x p lus p etits articles (p a g e
},
en relevant le paiement de plusieurs articles d'épicerie el de ménage.
La plus légère attention aurait fait reconnaître que ce genre de
gestion était impossible, puisque le sieur D u ib ur habitait à Thiers;
mais qu’au moment du départ de sa belle-m ère, il fallût solder les
comptes ouverts de l’épicier, boulanger, etc. 11 n’est donc pas
surpi enant que ces objets se trouvent consignés dans l’état qui en a
été yérifié par la dame veuve Riberolle.
Si les frères Riberolle n'eussent pas été préoccupés fie l’idée fixe
de tout contester, ils se seraient gardés d’articuler que le paiement
de la somme de oo fr. n’a pas été fait au sieur Pézard.
5
Sur la réclamation faite par ce dernier , la dame veuve Riberolle
avait écrit au sieur G uillem ot, de L y o n , de solder celte somme.
On lit dans une lettre du sieur Dufour à son o n d e, le 28 avril 1822 ,
q u ic s l dans le dossier des a p p elo n s, et enregistrée comme toutes
celles par eux produites : « 11 est instant que ma belle-mère sache
«f de suite à quoi vous vous d é c id e z , afin q uelle prenne ses
« arrangemens avec M. P éza rd , qui parait pressé de recevoir les
<(
<f
«
«
«
4 ou 5oo fr. qu’il vous a récla m és, et qu’il est dans I intention
de ma belle-mère de lui faire passer, si c’est la votre. Ainsi, si
vous vous chargez d’acquitter jM. P é z a r d , vous les lui ferai
passer. S i, au contraire , je les lui enverrai p our Ut maman el
clic négocierait alors sur vous son solde.
�(
3o
)
te M . P éza rd m’a aussi écrit pour obtenir les mêmes sommes
«■qu’il vous demandait. »
.
Conformément aux intentions de la dame Riberolle, la somme* de
5oo fr. fut payée au sieur P é za rd , au moyen d’un effet passé.à l’or
dre de Madame Riberolle qui elle-même l’endossa au profit de ce
dernier; il s’exprime ainsi dans sa lettre au sieur Dufour, datée et
timbrée de Paris, le 21 juillet 1822 :
(( J’ai reçu, le 18 du courant, la vôtre du 14 » dans laquelle était
« un effet de 5oo fr. qui m’ont été payés hier, 20 juillet, par
«■M. G avoty, négociant, rue M auconseil, à Paris. »
Ce p a i e m e n t a donc été légitimement porté en ligne dans le
compte présenté par le sieur Dufour à sa belle-m ère, et ratifié par
elle.
Les sieurs Riberolle n’ont pas craint de tomber dans absurde en
1
reprochant au sieur Dufour le défaut d’indication d’emploi d’une
somme de i598 fr. 98 c . , qu’il avait versée entre les mains de la
dame Riberolle. Cette objection ne mérite pas de réfutation, tant
elle est déraisonnable. Au surplus, ils ont fait justice de toutes leurs
allégations, en p o rta n t en ligne dans leur t a b le a u 1«; total de la
quittance du
5o juin
5
1820, à l’exception des oo francs Pézard sur
lesquels ils paraissent vouloir insister.
O11
se dispensera de suivre les appelans dans les efforts de leur
imagination et de leur logique pour faire croire que l’acte du
o juin 1822 ne renferme pas règlement et décharge définitifs, à l’é
gard du sieur Dufour, mais seulement une quittance ¿1 valoir qui le
3
soumet à la nécessité d’un nouveau compte.
La simple lecture de l’acte repousse leurs argumentations. On y
voit en effet qu’après avoir fixé par l’article premier l’état des
sommes payées par Dufour à celle de 10,259
^6 c ., la dame
veuve R iberolle, par les d e u x suivans, le déclare libéré d autant
sur les sommes qu’il «avait reçues pour elle. Cela devait être ainsi,
puisque l’avoir du sieur Duiour surpassait la dépense qui était
allouée jusque.-Ui; mais lorsqu’on a complété le règlement à
l’article /, par l’allocation des 10,000 fr. payés au sieur Pézard en
acquittement de son le g s, on reconnaît alors que la balance ctait
�(
3i
)
égale enire la recette et la dépense ; et c ’est par suite de cette
vérification, que la dame Riberolle déclare son gendre
bien
et
VALABLEMENT DECHARGÉ DE TOUTES LES SOMMES QU’ l L A REÇUES POUR
E L L E JUSQU’A CE JOUR.
Pour combattre ce résultat évident et incontestable , les frères
Riberolle , qui ne peuvent nier que les sommes payées ne s’élèvent
56
à 20,259 frc. se résument à dire que toute la question
e st de savoir s i, à Vépoque de l'acte du o ju in 18 2 5, leur beaufr è r e avait reçu une somme égale ou supérieure (page
de leur
3
43
mémoire. ).
n’y a point là de question. L a dame Riberolle tenait elle-même
11
état des recettes de son gendre. A chaque opération, à chaque
versement, elle délivrait des quittances ou décharges. C ’est sur ces
élémens que le compte a été rédigé. L e traité fait avec le sieur
Guillemot le 8 janvier 1822, et toute la correspondance que pro
duisent les appelans, établissent la consistance de la s u c c e s s i o n et la
quotité des sommes qui ont passé entre les mains du sieur Dufour.
Ces documens rendaient ce travail facile à tout le monde; aussi les
frères Riberolle avaient-ils eux-mêmes résolu la question qu’ils ont
25
posée plus tard en portant eux-mêmes à la page
de leur mémoire,
le total des sommes reçues du sieur Guillemot à la somme de
5
20,587 fi’. o c.
Il y a v a it erreur de leur part, en ce qu’ils comprenaient dans ce
5
total la somme de ooo fr. en o r , reçue et quittancée par la dame
Riberolle elle-même; mais la différence a été, à peu de chose près,
compensée par la décharge spéciale de la somme de 2614 ii’ ,
que le sieur Chervet-Vacher avait délivrée au sieur D ufour, le
12
octobre
1820.
Cette somme fait donc un nouvel article de distraction dans le
tableau créé par les appelans.
Il en Jfera de même d’une somme de 600 fr. payée par le sieuf
Guillomot-Dessapt , puisque le litre que produisent les sieurs
Riberolle (lettre de M“ ' Riberolle à son frè re), apprend que c’est
leur m ire qui a directement reçu ce versement qu’il voudrait mettre
à la charge du sieur Dufour. La dame Riberolle paya elle-même
�(3
2 )
celle somme à M. Guillem ol-D an'ot qui y avail droit en sa qualité
d’usufruitier.
Pour ne laisser sans réponse aucune objection, il faut bien dire
un moi sur la créance Poitrasson et la restitution laite par lu régie,
64
dont 011 prétend que le sieur Dufour a profité (p. 46 et
-)
L e notaire L a v e rriè re , qui a fait opérer les rentrées au nom de
la dame Pùberolle , lui donnait avis par deux lettres des i er juillet
et 2g août 182.5 , dé tirer sur lui pour leur montant réglé à
56 fr. qui lui étaient
ce qui réduisait la somme à 652 fr.
déduction faite de
688 fr.,
dus pour scs honoraires ,
L e sieur Dufour compta cette somme à sa belle-mère, qui lui déli
vra un mandat sur le sieur L averrière, v a leu r reçue c o m p ta n t ; il
a été acquitté par ce dernier.
Ainsi tombent, devant l’évidence des faits et des actes, des asser
tions et des
calculs
hasardés. L e règlement du
3o juin
1823 reste
dans toute sa pureté et dans toute sa fo rc e , comme une décharge
valable et définitive, qui n’aurait pas permis à la dame Riberolle de
revenir en arriè re , quand elle en aurait eu la volonté.
On impute encore au sieur Dufour la conversion en acte authen
tique, de la vente de Charnay, consentie, sous sein g-privé, au
sieur P icro u , pour s’en approprier le prixv( pag. 46 et 47); et selon
le système adopté, on dém ontre en dénaturant les f a its ; il faut
les rétablir.
Lp, G février 1824 > ° sieur Piérou écrit au sieur D ufour : « J ’ap« prends avec déplaisir que Madame Riberolle est frappée d’une at-
1
« taque de paralysie. Celte maladie peut guérir ou du moins se
cc prolonger long-tems; cependant comme nous 11e pouvons ré « pondre des événemens,
je
désirerais
passer
un
contrat
en
« r è g l e n u r o m a i n e q u ’ e l l e m ’ a v e n d u . V eid llez m’ adresser au
«■plutôt la procuration nécessaire à cet effet. ,
Ce n’est donc pas le sieur Dufour qui a provoqué la conversion.
L e médecin Piérou écrit le 20 avril
1824
: « J’attends toujours la
* procuration de Madame Riberolle pour passer le contrat d’acqui« sition du domaine qu’elle m’a vendu sous seing-privé, et je ne
« reçois ni procuration ni réponse.
y a cependant plus d’un
11
�33
(
)
v mois que je vous ai écrit ma seconde lettre à ce sujet, dans la
re quelle je vous marquais que nous suivrions en tout notre double,
« ex cep té pour ce qui serait porté sur le contrat <pii ne serait
cf
que de 17 à 18000 f r . ,
l e s u r p l u s en promesses
payables à l’é-
«• chéance accoutumée. Vous m’obligerez à un voyage, si vous gar« dez plus long-tems le silence à ce sujet et si je ne reçois point
« cette procuration. »
L a pensée de ne point porter la totalité du prix au contrat authen
tique n’appartient donc pas au sieur Dufour, mais à l’acquéreur qui
y avait intérêt et qui déjà en avait fait une clause dans son acte d’ac
quisition du 28 juillet 1822.
C ’est alors seulement que la dame R iberolle, en envoyant une
procuration au sieur N euville, curé de Charnay, lui' écrivit la lettre
4
du 27 a v r il, dont il est parlé au Mémoire (p . G-)’
flu^Prescr*L~
vait les bases de l’acte authentique, conformément aux clauses de
la vente sous sein g -p riv é, et aux demandes insérées dans lc§ trois
lettres du sieur Piérou : cette lettre, écrite par le sieur Dufour, est
signée par la daine Riberolle.
La vente fut reçue par INI* L averrière, le 18 mai 1824.
L e prix réel était de
56 ,ooo fr.
Mais dans le mois de décembre 1822, la dame Riberolle avait
directement reçu du sieur Piérou , à L y o n , une somme de 2000 f.
L u second effet de 2000 f r ., échéant le o mai 1825, avait été
négocié p ar elle aux sieurs Bonfils cl Blanc qui lui en avaient fourni
la valeur.
3
Il ne restait dû par le sieur Piérou que
sition.
52 ,000 fr.
sur son acqui
On porta dans la vente authentique 18,000 fr. seulem ent; ils
n’ont pas été payés et sont dus à la succession.
L e surplus du p rix, qui était de 14,000 f r . , fut converti en qua
tre effets de
35oo
fr. chacun. Pour les sûretés du sieur Piérou, il
fui fut délivré une déclaration sur le prix réel de la vente.
I
u cinquième effet île 1600 fr. eut pour objet 1 intérêt du princi
pal de 52000 f r . , échu lors du règlement authentique.
Tous ces faits sont établis , soii par l’acte de vente , soit par une
5
�lettre du fondé de p o u v o ir, 1« curé N euville, écrite à madame
Ribei’olle , sous la date du 21 mai 1824.
La daine Riberolle reçut le payement du dernier effet relatif aux
intérêts du prix de vente.
Voici l’emploi des quatre autres :
La dame Riberolle, qui avait déjà délivré au sieur Riberolle-Landrevy la somme de 3ooo fr. pour indemnité de la remise dont elle
avait gratifié son fils aîné, lors du règlement du 1G janvier 1821
{faits reconnus clans les interrogatoires et dans le Mémoire ) ,
était débitrice envers le sieur Dufour, son gendre , d’une semblable
somme de 5ooo fr. pour la même cause, plus de celle de 4000 fr.
qu’il lui avait prêtée à diverses époques ; cette créance était assurée
par une reconnaissance de la dame Riberolle, sous la date du
8 janvier 1822.
Pour se libérer, cette dernière passa au profit du sieur Dufour,
l’ordre des deux premiers effets, qui étaient de
55oo fr. chacun, avec
mention que la valeur en était échangée contre le billet qu’ elle
lui avait fa it le 8 janvier 1822, ou les intérêts échus dès ce jour.
L e sieur Dufour en a reçu le montant aux échéances, les 18 sep
tembre 182401 18 septembre i a .
85
Ce paiement est d’autant moins contestable que les sieurs Ribe
rolle reconnaissent la dette dos
5ooo
f r ., et que l’acte du
5o juin
1825, qui établit l’emploi de tontes les sommes reçues par Dufour,
prouve que la dame Riberolle n’avait laissé entre scs mains aucune
valeur p o u r le couvrir de scs avances et de son indemnité.
L ’ordre des deux derniers effets a été passé au sieur Dufour, soit
pour solde de la pension de 1,000 f r . , depuis 1825, soit pour frais
de garde pendant une longue maladie, soit enfin pour la valeur dos
objets contenus dans la garde-robe léguée par la dame Arnaud à
sa nièce, épouse du s i e u r Dufour, dont la dame Riberolle avilit
disposé. Mais comme ces différentes valeurs n’atteignaient pas la
somme de 7000 f r . , montant des deux effets, le sieur Dufour Sous
crivit à sa belle-m ère, deux billets, l’un de 1,000 f r . , l'autre ¡de
^00 fr. pour rétablir la balance; ils sont causes pour s'ôlde de tous
comptes; ces deux reconnaissances ont été trouvées dans les papier,*
�de la dame Ribérolle et font partie de l'actif de sa succession.
Avant de terminer sa carrière, la dameRiberolle voulut constater,
par un acte de dernière volon té, les seniimens et les principes de
toute sa vie.
Son testament, reçu Gourbine , notaire à Thiers , est sous la date
du 2 novembre 1823.
Il contient d’abord un legs à sa dom estique, et un autre de
5oo fr.
à chacun des hospices de Thiers.
La dame Riberolle donne ensuite à sa fille, la dame D uiour, par
précipiit et avantage , certaines rentes modiques , dues par des
particuliers de Péchadoires; et de plus, ses armoires , linge , bijoux
en or ou en argent.
E lle insiitue enfin scs trois en fans, s e s h é r i t i e r s p a r é g a l i t é ,
dans tout ce q u i, au surplus, composera sa succession. Après avoir
indiqué l’ordre et le mode des naiemens, et chargé ses cnfans d’un
devoir p ie u x , elle termine ainsi ses dispositions :
«• Plus, je veux que les règlent eus que j'a i fa its , soit avec mon fils
k
aîné, soit avec mon gendre D ufour, soient exécu tés , e t que les
« quittances que je leur a i données soient respectées.
k Je veux que celui ou ceux de mes enfans qui se permettraient
d’élever aucun débat a c e t é g a r d , soit privé de la quotité dont
« laloi m’autorise de disposer, à son ou à leur préjudice, et qu’ elle
« appartienne ¿1 celui ou ¿1 c e u x qui seraient ainsi querellés , leur
«
« en faisant en ce cas tout don en préciput. Bien entendu que ledit
« cas ayant lie u , ce préciput souffrira celles de mes dispositions
« précédentes, qui pourront être considérées comme prélegs. »
Les sieurs Riberolle font de vains efforts pour disloquer ces
dernières volontés, q u i, librement ém ises, sont marquées au coin
d’une sagesse éclairée, et circonscrites dans la capacité légale.
L ’obstacle que la tendresse ingénieuse de la dame Riberolle a nns a
toute discussion entre scs enfans, est un monument que la justice
s empressera de consacrer.
C est dans le courant du mois de mai 1825, que cette dame
respectable lut enlevée à sa famille.
Les sieurs Riberolle reçurent de suite avis de cet événement. Ce
�qui le p ro u v e , c’est qu’ils étaient présens à l’inhumation et aux
cérémonies funèbres. Leurs dispositions envers leur sœur et son
époux n’étaient point changées. Au lieu de débarquer chez le sieur
D ufour, ils se rendirent chez le sieur Clavel leur avoué. Le sieur
Riberolle aîné affecta de rester dans le salon de réception; il n’entra
pas même dans l’appartement du sieur Dufour. Les deux frères se
retirèrent après la cérémonie.
Peu de jours après, ils envoyèrent deux notaires, MM. Courbine
et D elo t, pour procéder à l’inventaire. Quoique fatigué par cet
oubli des convenances, le sieur Dufour s’empressa de consentir à
cette opération. 11 fut tenu note par les deux notaires , en présence
de Riberolle jeune, et de M e Clavel, chargé des intérêts de Riberolle
aîné, de tous les objets représentés; elle demeura incomplette et
sans être revêtue des signatures, par la présentation des quittances
demandées au sieur D ufour, par la découverte de quelques lettres ,
dont le contenu parut devoir compromettre les intérêts des sieurs
R iberolle, et parce qu’on ne voulut pas consentir, avant le partage
du m obilier, au prélèvement d’une partie des objets que le testament
attribuait en précipul à la dame Dufour.
O11 remarque, dans la copie informe que produisentles appelans,
que l’inventaire a été fait dans la maison appartenant à Al. R iberolle a in é , dont la mère avait la jouissance, aux termes du contrat
de mariage du 2 février 1809. Ce fait établi démontre (contraire
ment aux assertions consignées au mémoire) i° que tout le mobilier
de la dame Riberolle avait été déposé dans sa maison, et non dans
celle de son gendre (p:»ge
54 ) , à l’exception de celui
nécessaire à
son usage personnel; 20 que c ’est du propre secrétaire de la dame
R iberolle, placé dans sa maison, que furent sortis les titr es et pièces
de sa succession , et non d’un secrétaire appartenant au sieur
D ufour, qui n’en a jamais eu chez lui (p»ges
5 et 5o ) ; 5° enfin que
les appelans qui crient à la spoliation du mobilier ne savent et ne
peuvent indiquer les objets qui auraient été distraits. Six couverts
d’argent manquaient; mais il a été vérifié par les sieurs R iberolle,
qui ne le désavoueront pas, que ces objets ont été donnés par leur
mère aux sieurs Guillemot de L y o n , ses neveux. Ce n’est pas h*
�seul acte de libéralité que cette dame ait fait dans sa famille qu’elle
a constamment comblée de bienfaits.
L a succession indivise, loin d’avoir été dilapidée, présentait un
actif aussi considérable que les héritiers pouvaient l’attendre.
En v o i c i le tableau exact :
Art. i er.— Prix delà vente de Charnay, d’après l’acte authentique
du 18 mai 1824, 18,000 f r . , c i...........................
Art. 2,— L a somme de
58 , i 43 fr*
18,000 f. 00 c.
7^ c . , que
doit rapporter le sieur Just R iberolle, et qui se
compose :
i° Des 1 2 , oo fr. de capital pour les reprises
5
de sa m ère, réglées par le contrat de mariage
du 2 février 1809;
5
20 De r ,ooo fr. dont il a été constitué débiteur
de sa mère , par le traité du 16 janvier 1821 ;
° De celle de 10,645 fr. 7 c. pour les arrérages
de la pension de la dame R iberolle, depuis ledit
5
5
jour jusqu’a son décès.
T o t a l , 0 8 ,1
43
fr. 7.5 c. , non contestés et
reconnus par le jugem ent, c i...................................
5
Art. .— Rente duc par les sieurs C o u rb y , au
capital de 4000 fr. Elle appartenait à la dame R ibe
rolle en propre; pour arrérages dus, rooo fr. ci.
4 -— Créance contre demoiselle Constant.
Art. 5 .— Eifet de 2000 f r . , souscrit par le sieur
Art.
Guillemot-Dessapt à la dame Riberolle , ci. . .
58, 1 43
5 .000
5oo
2.000
75
00
00
00
Observer à cet égard que ce p rê t, fait're 8 mars
1823 , constitue un placement postérieur à l’ouver
ture de la succession de la dame Arnaud.
Art. 6. — Autre de 1200 f r . , dû par la dame
Guillem ot-D essapt, ci. ...........................................
Art. 7 ..— Pour arrérages anciens, dus sur
Do cette ¡ art. . . . . .
1,200
00
64,643 f. 76 c.
�(
38
)
D e Iciutrepart............... 64,643 f.
l’obligation de
6 ooo f r ., mentionnée
75 c.
dans l'acte
du 12 octobre 1820, c i................... ......................
2,528
00
D ufour, arrérages compris......................................
2,000
00
Art. 9.— -Pour plusieurs petites créances de la
succession................................................................. ...
1,600
00
Art. 10.— Valeur du mobilier de toute nature.
8,000
00
i,5 o o
00
Art. 8.— Rentes diverses des particuliers de
Péchadoires , léguées en prèciput
la dame
à
Art. 1 j et dernier. — Montant de deux effets
souscrits par le sieur D u fou r, pour solde de tout
compte...........................................................................
T
otal
net
à
partager, toutes dettes et pensions_____________
ducs au sieur Dufour étant soldées.......................
80,071 i. 75 c.
Tous ces documens avaient été loyalement donnés par le sieur
D ufour; mais au lieu de régler aimablement leurs intérêts, les sieurs
Riberolle recoururent aux voies judiciaires. Un jurisconsulte res
pectable avait été proposé et accepté pour arbitre ; mais ils ne
voulurent point lui remettre tous leurs titres, ni déduire leurs pré
tentions.
L ’assignation aux sieurs et dame Dufour est sous la date du
27 novembre 1826. Elle a eu pour objet le partage de la succession
et le rapport de toutes les sommes et valeurs mobilières dont on
prétend qu'ils se sont emparés.
Par leurs conclusions du
janvier 1827, les défendeurs donnent
leur consentement au partage; ils invoquent les actes authentiques
qui règlent la situation respective des héritiers ; ils demandent
enfin aux sieurs Riberolle le rapport de toutes les sommes et valeurs
qu’ils ont reçues de la dame veuve Riberolle.
Des interrogatoires sur faits et articles ont été subis de part cl
d’autre, en exécution
des jugemens qui les avaient ordonnés.
Dans celui prêté par le sieur Dufour, il rappelle les laits; il relève
les inexactitudes, erreurs ou mensonges des demandeurs; il répond
�qu’il n’a jamais été le mandataire général de sa b e lle -m è re , ni le
gérant de ses affaires; qu’il s’est em p ressé, au refus de ses beauxfrè re s , de l’aider quand elle a réclam é scs services; il énonce qu’à
chaque opération la dame R iberolle exigeait de lui le reçu des'
sommes qu’il touchait, et après l’emploi lui en donnait quittance.
Il termine enfin par faire ob server qu’il trouverait, dans tous les cas
5
possibles, une décharge complette dans le règlem ent du o juin 182
et dans les clauses du testament.
Les interrogatoires de la dame Dufour et des sieurs Riberolle ne
présentent aucuns faits qu’il soit indispensable de rappeler actuelle
ment.
C ’est en cet état et sur les docuniens produits par les parties , que
le tribunal de Thiers a statué, tant sur les demandes principales que
sur les preuves respectivement offertes.
L ’cnoncé textuel des motils et du dispositif du jugement, qui est
en date du 6 mars 1828 , doit être soigneusement mis sous les yeux
de la C o u r, afin qu’elle puisse fixer son opinion sur le mérite de
l’appel interjeté par les sieurs Riberolle.
E n ce qui a trait à la dem an de tendante au partage de la succession de
la dame G u i ll e m o t , veuve R ib e r o lle ,
Considérant q u ’ il est reconnu que ladite succession est toute m o b i
l iè re ; que dès-lors il doit être procédé au partage à en faire, et qui n’est
point co n tes té, par-devant un n o taire, après inventaire et estimation des
effets mobiliers dont se compose ladite succession.
E n ce qui touche au compte que les dem andeurs réclament du défen
deur en qualité de mandataire et de gérant des affaires de M adame de
R ib e r o lle , sa b e l l e - m è r e ,
Considérant que s i, com m e on ne saurait en douter d ’après les pièces
produites au procès, le sieur D ufour a géré et administré la majeure
partie des a lia ires de la dame R ib ero lle, il est établi par acte du 3o juin
q u ’ un com pte a eu lieu entre sa belle-m ère et lu i; que cet acte
p o ite quittance des sommes q u ’ il aurait perçues ju s q u ’audit jour ;
Q u en supposant que les perceptions faites excédassent les emplois
énumérés audit acte, 011 ne saurait voir dans la quittance générale q u ’ un
avantage indirect que la dame Riberolle aurait voulu faire à son gendre,
�(
4°
)
ce qui lui était lo isib le, a y a n t , aux termes de la l o i , la libre disposition
du quart de ses b ien s; q u ’ainsi jusqu'à ce q u ’ il soit éta b li, ce qui n ’est
pas même allégué, que le règlem ent dont est q u e s tio n , co ntient un
avantage q u i , joint aux autres dons que la dame Ribero lle aurait pu faire
à sa fille ou à son g en d re , excéderaient la quotité d ispo n ible, le lit acte
doit être maintenu com me règlement de compte, qui est le caractère que
la dame Riberolle a voulu lui im prim er : volonté q u ’elle a exprim ée de
nouveau en son testament, du 2 novembre su iva n t; ce qui rend in a d
missibles les conclusions des demandeurs, qu ant aux comptes des percep
tions faites antérieurem ent à ce règlem ent.
E n ce qui a trait au rapport du prix de la vente du dom aine de
Cliarnay ,
Considérant q u ’il est justifié au procès que la vente de ce d o m a in e ,
dont le sieur Dufour a été le principal négociateur, a été consentie au
sieur P ié r o u , m oyen nant la somme de
38 ,000
f r . , bien que l’acte a u
thentiqu e qui en a été passé n’en porte que 18,000 fr. ;
Q u ’ il est égalem ent établi que sur les
38 ,ooo f r . , prix réel de la vente,
a , 000 fr. ont été payés co m p ta n t, que l ’a cqoéreur a souscrit à la dame
Ribero lle pour 18,000 fr. d ’effets, et que les autres 18,000 fr. portés en
l ’acte de vente sont encore dus ;
Q u e les effets souscrits par Piérou ne se sont point trouvés chez la
dame R iberolle lors de l ’ ouverture de sa succession ;
Q u ’ il n ’ est point désavoué par le défendeur que plusieurs des effets
dont il s’ agit ont été passés à son ordre par sa belle-m ère et pour diffé
rentes causes ;
Q u ’ il importe de savoir si les endos de ces billets sont réguliers et tels
q u ’ ils en avaient transmis la propriété au d éfendeur ;
Q u ’ il importe également de savoir si les causes des transferts sont ou
non légitimes ;
Q u e rien n ’établissant que le sieur D u fo u r se soit trouvé créancier de
sa b elle -m è r e , les effets dont il s’ agit n ’ont pu passer entre ses mains
q u ’ à litre de don indirect ;
Q u e le d éfen deur ayant été et se
trouvant
en core, par le fa it, nan ti
de la majeure partie des effets de la succession, c ’est à lui de représenter
les billets du sieur P ié r o u , sauf aux demandeurs , au cas de non r e p r é
sentation de ces mêmes b illets, à en faire la recherche ou prouver soit
leur soustraction, soit la disposition juste ou illég a le, que la dam e R i
berolle en aurait faite au profit de son gendre ;
�(4 0
Q u ’à ce môme titr e , le défendeur doit être tenu de représenter les
titres constitutifs des créances assises sur les sieurs C o u r b y et Dessapt
et la demoiselle C o n s t a n t .
E n ce qui touche à la soustraction de partie du m obilier de ladite
dame R i b e r o l l e , que les demandeurs im puten t au sieur D u f o u r ,
Considérant
vente
q u ’il est reconnu au procès q u e , postérieurem ent à la
du domaine de C h arn ay, tout le mobilier de la dame de R ib e r o lle ,
non compris dans ladite v e n t e , a été transféré au dom icile du défendeur
où
la dame R ib ero lle est allée habiter ; q u ’ aucuns titres n ’établissent
q uelle était la consistance de ce m obilier ; q u ’au décès de la dame R i berolle il n ’ en a point été fait inventaire; que le tout est resté entre les
mains du sieur D u fo u r; que dès-lors ce dernier doit être tenu de le re
présenter pour en être fait inventaire; sauf aux dem andeurs, en cas d ’ in
fidélité dans la représentation, à justifier tant par titres que par témoins
de la consistance réelle d u d it m obilier.
E n ce qui touche au fait de l ’extraction o p érée, selon les dem andeurs,
par le sieur Dufour, de sommes d ’argent et d ’argenterie enfouies au d o
m aine de Charn ay, par la dame A r n a u d , dont lu dame Riberolle était
h éritière ,
Considérant que, s’ il est des cas où les tribun aux peuvent admettre la
5
preuve par témoins de faits présentant un intérêt de plus de i o f r . , il
en est d ’ autres où la loi leu r défend de recourir à une preuve de celte
es p è ce , comme lorsqu’ il n’existe aucun co m m encem ent de preuves écrites
d u fait a llég ué, ou que le fait en lu i-m êm e n ’a pas eu pour cause l ’ une
de celles indiquées par l’art.
du Code ;
Considérant q u ’outre le danger q u ’ il y aurait à admettre par témoins
la preuve d ’ un fait de la nature dont il s’ agit, il s’élève ici une foule de
considérations qui en dém ontrent l ’ invraisemblance. E n effet, si, com m e
l ’annoncent les d em an deu rs, l ’entrée des alliés en F ra n ce avait engagé
la dame Arnaud à enfouir dans un fournil de sa maison une somme co n
sidérable d ’ a rg e n t, et de
l’argenterie qui devait lui être nécessaire,
n ’est-il pas présuinable q u ’aussitôt après la sortie des troupes étran gères,
elle on a fait ou fait faire l’extraction? Peut-on au contraire penser q u ’elle
ait laissé les objets enfouis jusqu’à son décès? L orsq u e l ’on considère que
les cohéritiers de la dame Arnaud n'en ont point réclamé la remise contre
le sieur Dufour, les présomptions qui naissent des circonstances même
du fait et les considérations qui déco ulen t de l ’esprit de la loi se r é u n i s
sent donc pour faire ecarter la preuve offerte.
6
�(
4*
)
E n ce qui touche à la preuve des autres faits articulés dans les c o n c lu
sions des d em an deurs,
Considérant q u ’il est du devoir des tribu n au x de n ’admettre la preuve
qjie des faits non justifiés ou de ceu x d on t la démonstration pourrait
avoir des résultats utiles pour la justice ;
Q u e la preuve ultérieure de la gestion que le défendeur aurait eue des
affa ires de sa belle-m ère serait absolument in u tile , puisque les faits de
cette gestion sont établis au procès ;
Q u ’il en est de môme de la preuve relative au prix réel de la vente d u
domaine de Charn ay, pu isqu ’ il est reconnu q u ’ il s’est élevé à la somme
de
38 .ooo
fr. ainsi que Pont allégué les demandeurs ;
Q u e les mêmes motifs doivent faire écarter la preuve offerte du séjour
de la dame R ibero lle au dom icile de son gendre, et de l ’état d ’affaiblisse
m en t dans lequ el celle-ci se serait trouvée sur la fin de sa vie : la première
de ces circonstances étant patente au procès, et la seconde pouvant d é
truire le mérite des actes consentis par la dame R ib e r o lle ; q u ’ainsi des
difTérens arliculatsdes d em an deu rs, les seuls dont la preuve puisse avoir
un résultat utile et soit admissible so n t:
i° celui de la soustraction de
partie du m obilier de la dame R ib e r o lle , au cas où la représentation que
le
défendeur
doit
e n f ai r e
serait incom plète, preuve qui doit être réservée
aux demandeurs lors d e là confection de l ’inventaire à intervenir ;
2° L a soustraction ou dispositions illégales des billets consentis par le
sieur P ié r o u , acquéreur du dom aine de Charn ay, au cas où ils ne se
raient point représentés par le sieur Dufour.
E n ce qui touche les conclusions d u défendeur, tendant à obliger le
sieur R i b e r o l l e aîné à rapporter à la masse de la succession, i ° l a so m m ed e
12,000 fr ., m ontant de son avancement d ’ h o irie; 2° celle de 26,3oo fr.
p o u r arrérages de la pension viagère q u ’ il était tenu de payer à sa m ère,
aux termes de l ’acte portant contrat de m ariage, du i février 1807,
Considérant q u ’ il ne s’élève quant à ce aucunes difficultés, le sieur
Ribero lle s’étant à l’audience quant à ce reconnu com ptable envers la
succession des sommes qui lui sont demandées.
Relativem ent au rapport qui lui est demandé d ’ un h u ilier et c h a n d e
lier en a rg e n t, d ’ un m atelas, lit de plu m e et traversin appartenant à la
succession et dont il se trouverait n a n t i ,
Considérant que chacun des cohéritiers doit être tenu de rapporter à
la masse, et lois de l ’inventaire à faire, les effets mobiliers q u ’ il se trou
vait détenir, et que ce n'est q u ’à défaut de rapport et à la clôture de
�l ’inventaire, que la preuve de la rétention de ce m obilier peu t avoir lieu.
R elativem ent au rapport des sommes que chacun des fils R ibero lle au
raient reçu de leur mère,
A tte n d u que les sommes dont il est question ne sauraient être consi
dérées
que
com me de simples largesses que la dame R ib ero lle aurait faites
à ses deux fils et sur ses revenus ; qu'elle en a fait d ’équivalens à sa fille ;
que la loi laissant aux pères et mères la libre disposition de leurs reve
nus , leur permettant d ’en gratifier ceu x de leurs enfans que b o n leur
s e m b le , de pareils dons ne sont p o iul sujets à rapport.
E n ce qui touche à la preuve des faits articulés dans les conclusions
du défendeur; autres que celui de la rétention de la part du sieur R i b e
rolle d ’ un h u ilier et chandelier en argent ci-dessus rappelés,
Considérant que la preuve de tous ces faits serait absolum ent sans ré
sultat pour la cause ; q u ’ elle doit être rejetée com m e inu tile.
P ar
ces
M otifs ,
L e tr ib u n a l, avant faire droit en d éfinitif, ordonne que par un notaire
au choix des parties, à défaut de s’ entendre qu ant à ce dans les trois
jours, h partir de la signification du p résent, par M" G o u r b in e , que le
trib u n al commet à cet effet, il sera procédé à l'inventaire du m ob ilier
d épendant de la succession de la dame Ribero lle -, à défaut de représen
tation de la part des copartageans qui s’en trouvent nantis, ou de repré
sentations incom plètes de leur pa rt, autorise chacune des parties à faire
p r e u v e , tant par litres que par tém oins, de la consistance d ud it m ob i
lier, laquelle preuve se fera en la manière ord in a ire, par-devant M . le
président, juge commis aux enquêtes q u ’ il y aurait à faire, et pour sur
veiller les opérations du partage ;
O rd o n n e que le sieur Dufour represenlera les effets consentis p a r l e
sieur Piérou ; à défaut de représentation , autoiise les demandeurs à faire
preuve en la m ême forme et par-devant le m êm e com m issaire, soit de la
soustraction, soit de la disposition illégale de ces mêmes billets;
O rd on ne que le sieur D u fo u r représentera les titres constitutifs des
créances dues par les sieurs C o u rh y et les mariés G uillem ot-D essapt,
ainsi que par la demoiselle Constant ;
Déclare le sieur Ribero lle aîné d é b ite u r d e là succession, d e là somme
de
38,ooo f r . ,
savoir: 12,000 fr. portés en son contrat de mariage , les
quels aux termes du droit ont dû porter intérêt à partir du décès de la
mère co m m u n e, et les autres 26,3oo fr. pour arrérages de la pension
viagcic dont il était tenu envers sa mère et q u ’il n ’a pas p ayée, lesquels
�(
44
)
produiront intérêt à partir d u jo u r où la dem ande en aura été spéciale
m e n t formée ;
Déclare inadmissible la preuve des autres faits articulés dans les con
clusions des demandeurs et des défendeurs, qui ne se trouve point formel
lem en t autorisée par le présent;
Surseoit à faire droit jusqu’ au jug em en t d éfinitif sur les autres chefs de
conclusions des parties, qui ne se trouveraient point réglés par le présent ;
tous moyens quant à ce leur dem eurent réservés ainsi que les dépens.
Réfutation des moyens des appelans.
Les développemens que le sieur Dufour a dù donner à son ex
posé pour combattre les innombrables assertions de ses adversaires
rendent maintenant oiseuse une longue discussion.
Quelques observations suffiront pour démontrer que l’appel n’est
fondé ni dans le droit ni dans le fait.
Il
se présente en preiniere ligne une considération morale qui do
mine toute la cause.
Dans le système de l’attaque, le sieur Dufour n’aurait pu s’em
parer d’une p a r t ie de la fortune de la d a m e R i b e r o l l e , qu’en trom
pant sa confiance ou avec son concours. Ces deux hypothèses sont
également écartées par les écrits nombreux qui font pièces au p ro
cès. La correspondance de la dame R iberolle, qu’on ne peut lire
sans être pénétré de respect pour ses vertus, prouve quelle s’occu
pait a v e c intelligence de scs affaires, qu’elle en conservait la direc
tion et quelle savait faire prévaloir sa volonté. Elle était trop
éclairée pour se laisser dépouiller impunément ; son attention étant
sur-tout excitée par les surveillans naturels qui l’entouraient. L a
loyauté de cette dame, sa piété sincère, son égale tendresse pour
ses enfans éloignent encore plus fortement la pensée qu’elle ait em
ployé des voies in d ir e c te s et frauduleuses, pour enrichir sa fille et
son gendre en dépouillant ses deux (ils. Au s u r p l u s , tous les actes de
sa v i e , les réglemens successivement faits avec son gen d re, ses dis
positions testamentaires démontrent tout a-la-fois la pureté de sa
conduite, la connaissance des faits, l’exactitude du résultat et la
persévérance de sa volonté.
�Que peuvent espérer les sieurs Riberolle d’une combinaison qui
est un véritable outrage à la mémoire de leur m è re , dont ils osent
suspecter la capacité intellectuelle ou la moralité ?
Pour faire croire à une spoliation, les appelons ont annexé à leur
mémoire un tableau indiquant la composition de la succession de la
dame Riberolle; mais la majeure partie des élémens en est ima
ginaire.
11 a ete démontré, et les pièces produites le justifieront, qu’il faut
distraire de l’actif, i° la somme de 9200 fr. d’arrérages de pension
portée dans la quittance du 11 novembre 1 8 1 1 , dont la dame
Riberolle n’a jamais reçu le montant; 20 celle de 9597 fr. 8 c .,
montant des quittances délivrées par le sieur Dufour, les 6 et
12 octobre 1820 , mais dont il a été déchargé par la dame Arnaud
par la quittance du 10 janvier 1821 ; cette somme faisait nécessai
rement partie des
,000 fr. de capital placés parle sieur Guillemot.
O11 11e peut donc la reproduire sans faire u n d o u b l e emploi; 5° celle
de 1687 fr. quittancée p a r com pensation, le 7 janvier 1822, pour
solde de compte entre le sieur Guillemot de L yo n et la dame
56
Riberolle , et qui ne peut dès-lors cire considérée comme une
valeur réelle.
Ces sommes réunies aux intérêts calculés
au
tableau
, forment
un total de 29,638 fr. qui a été mal à propos comptée dans l’actif
de la succession.
On aurait dû aussi ajouter aux sommes à distraire de l’aclif les
dettes personnellement contractées par la dame Riberolle , et dont
elle s’est libérée ; les dépenses nécessaires pour sa nourriture et son
entretien; les libéralités dont elle gratifiait souvent les personnes
de sa famille et les appelans eux-mêmes, qui se sont luit dispenser
du rapport par la considération que ces largesses avaient été prises
5
sur les revenus ; le service annuel de la somme de oo fr. pour
l’usufruit du sieur Guillem ot-Darrot; et enfin les placemens faits
par elle, tels que celui du sieur Guillemot-Dessapt, se portant
à 2000 fr. ; de la dame Constant pour la somme de
sieur Guillemot son neveu pour
5oo fr.,
3oo
fr. , et du
destinés :i son cautionne
�ment. Les sieurs Riberolle savent qu’elle a remis à ce dernier sa
reconnaissance à titre de libéralité.
Il faudrait aussi faire disparaître en majeure partie les derniers
articles , qui sont imaginaires et évidemment exagérés.
Ces rectifications faites porteront l’actif de la succession à la valeur
réelle, ci-dessus indiquée de 80,000 fr.
Mais les sieurs Riberolle insistent ; ils opposent que la dame
Riberolle a sans nécessité absorbé les capitaux qui lui étaient pro
venus de là dame Arnaud, sa sœ ur, et que le sieur Dufour a profité
seul des fonds qui ont disparu.
La réponse sera péremptoire; il est très-vrai que les capitaux ont
été amortis, mais d’un autre coté les revenus ont formé des capitaux;
dès-lors, il y a compensation.
L ’exactitude de cette conséquence peut être démontrée par un
calcul facile.
L e sieur Riberolle aîné est reconnu débiteur i° de la somme de
5
1 ,ooo f r ., portée au règlement du 16 janvier 1821 ; 20 de celle de
io,643 fr. 75 c . , pour arrérages de la pension échue depuis celte
décès d e la m è r e ; total. . . .
fr. 7 5 C.
dont il fera le rapport à sa succession.
é p o q u e , ju s q u ’a u
25,645
Il est incontestable que la dame Riberolle avaitla faculté d’absorber
scs revenus , et d’en disposer à son gré , sans qu’aucun de ses enfans
put s’en plaindre; elle 11e l’a pas fait. Par tolérance, par nécessité ,
ou par calcul, si l’on veu t, elle a laissé agglom érer les arrérages de
sa pension , pour en former un capital : mais tous ses enfans n’en
profitent pas moins, et ce résultat positif devrait les porter à respecter
l’emploi qu’elle a pu faire de partie des sommes qui lui sont pro
venues de la dame Arnaud sa sœur.
Au surplus, quels ont été les capitaux reçus par la dame Riberolle?
Les 20,000 fr. que lui a soldés le sieur Guillemot de L y o n ,
autres 20,000 fr. sur le prix de Charnay, et quelques modiques
recouvremens.
Mais elle a payé 10,000 fr. légués au sieur Pézard; 10,259 fr.
portés au règlement du
5ooo
50 juin 1823 j 3ooofr. aucuréd eM oren çay;
fr. pour indemnité au sieur Riberolle jeune ; pareille sommo
�(
47
)
sieur Dufour; plus 4000 fr. argent prêté; 5 250 fr
au
pensi on
5o
depuis le règlement du
d’exploitation pendant sept mois
à
p0m, Sfl
juin; les frais de m éna-e et
Charnay; elle a éteint les dettes
de la succession, et fourni à une multitude de dépenses inévitables
L ’on retrouve enfin dans sa succession la somme de i oo f r . ,
montant de deux eil’ets du sieur Dufour.
5
Il y a donc eu emploi légitime et nécessaire des capitaux amortis.
.c<Ju,l,,l,re Parfait
entre la recette et la dépense. L es pré
tentions des appelans s™ t donc déplorables d’après l’explication
des laits.
,
Si la consistance de la succession , telle qu’on vient de la
déterm iner, est exacte, les difficultés spéciales au sieur Dufour
deviennent sans objet. Il importera peu de rechercher quel a été
le gérant des ailaires , si les résultats sont à l’abri de critique.
R i e n dans la cause n'im prim e au sieur D ufour la qualité ni les
oblig
n i a c c e p t e' a u c u n p o u v o i r
? a t i o n s d ’u n , m a n d a ta ir e . H n ’a rr ce vm11 «J
d agir dans 1 intérêt de la dame lliberolle.
y a absurdité d e représenter l e sieur Dufour comme ayant e u ,
11
depuis son mariage en 18 10 , l'administration de tous les biens de s i
belle-mère (p . 71 et 7 2 ), lorsqu’elle n’en possédait aucuns (toute
5
sa fortune consistant dans un capital de 1s , o o fr ., non remboursable,
placé dans les mains de son fils aîné , et dans une pension viagère);
l o r s q u ’elle
résidait a Charnay, tandis que son gendre habitait la ville
de Thiers.
Si après le décès de la dame
Arnaud, le sieur Dufour,
sur le
refus de ses beaux-frères, a momentanément prêté son assistance
à la dame Riberolle , soit pour préparer un traité avec le sieur
Guillemot
soit pour opérer les réglemens urgens,
soit
enfin
son cohéritier,
pour 1aider dans
la vente du domaine de
Charnay et
dans son déménagement, 011 ne peut voir dans cette coopération
quun bon office que prescrivaient les
désir de sa belle-m ère, sans le soumettre aux
purement accidentelle
circonstances et le
obligations d’un comptable.
Fut-il même obligé à un compte, lesieur Dufour ne deviendrait
responsable que des sommes reçues par lu i, mais non de toutes
�(
48
)
c elles qui sont directement parvenues à la dame R iberolle, et on a
vu qu’elles sont assez considérables.
Sous ce rapport, les demandes et l’appel des sieurs Riberolle
sont absolument sans intérêt.
Q uel que soit d’ailleurs le caractère de sa coopération, fu.t-elle même
considérée comme un véritable mandat, le sieur Dufour trouve dans
l’acte du o juin 1823 une quittance des sommes qu’il a reçues.
3
Ce règlement, fait avec pleine connaissa«ce des faits, sur des états
tenus respectivement, et sur des élémens dont les sieurs Riberolle
ont avoué eux-mêmes l’exactitude, restera, malgré tous leurs efforts
pour le dénaturer, comme u n monument qui constitue en faveur
du sieur Dufour une décharge complette et définitive.
Inutile après cela de faire observer que l’acte du
5o juin ne serait
pas moins irréfragable en droit, quand il renfermerait un avantage
indirect au profit du sieur D ufour, puisque cet avantage n’attein
drait pas la quotité disponible.
Enfin, le testament de la dame Riberolle, en confirmant solennel
lement la sincérité des actes et reglemens qu’elle a faits avec ses fils
et gen d re, a imposé à tous ses enfans un obstacle qu’ils sont tenus de
respecter, si non par piété, au moins pour éviter l’application de la
clause pénale que sa sagesse a infligée à ceux de ses enfans qui
soulèveraient des contestations qu’elle a voulu prévenir. Dans tous
les cas possibles , les sieurs Riberolle ne peuvent se soustraire à
Falternative posée par leur m ère, ou d’exécuter les réglemens qu’elle
a approuvés, ou de se restreindre à la réserve faite par la loi : cette
option est pour eux de toute nécessité, ainsi que l’a décidé une ju
risprudence constante.
Il
faut actuellement apprécier le jugement dont est appel, dans
ses dispositions relatives aux effets composant partie du prix du
domaine tie Charnay.
Ce n’est pas en qualité de mandataire, mais comme ayant été
nanti de partie de scs effets , par suite des ordres passés à son
projit} ainsi qu il en convenait lui-m êm e, que les juges de première
�( 4g )
instance ont ordonné que le sieur Dufour représenterait les effets
consentis par le sieur Piérou; en laissant aux sieurs Riberolle la
faculté de faire la recherche de ces effets, à défaut de celte repré
sentation.
En prescrivant ces mesures préliminaires, le tribunal de Thiers
s’est expressément réservé le droit d’examen sur les causes des
ordres souscrits par la dame Riberolle en faveur de son gendre, et
sur la validité des créances du sieur Dufour.
La représentation des effets est aujourd’hui impossible, puisque
le sieur Dufour a touché le montant de ceux dont la propriété lui
a été transmise.
On a vu dans l’exposé des faits que la dame Riberolle a reçu
directement les 2000 fr. de pot de vin ; qu’elle avait aussi touché
de l’acquéreur 2000 fr. en décembre 1822 , et autres 2000 fr. par
négociation avec les sieurs Bon fils et Blanc : total 6000 fr.
C ’est pour cela qu’en passant la venie authentique du 18 mai 1824,
55
le sieur Pierou ne souscrivit que quatre effets de
oo fr. chacun ,
complétant les 14000 fr. qu’il restait devoir sur la partie de prix
qui avait été dissimulée dans l’acte.
On connaît aussi l’emploi de ces quatre effets dont l’ordre a été
passé par la dame Riberolle au sieur D ufour, valeur reçue, soit en
quittances, soit en effets faisant ensemble i oo fr.
5
Si l’on contestait la teneur des endossemens, elle pourrait être
vérifiée, soit par la production qu’en ferait le sieur Piérou qui les a
soldés et retirés, s’il en est encore saisi ; soit par sa déclaration en
justice , s’il ne les a plus en son pouvoir.
Dans tous les cas , les valeurs délivrées par le sieur Dufour étant
réelles et légitimes, il sera nécessairement déchargé de toute repré
sentation desdits effets, soit par la cou r, si elle veut statuer sur ce
chef en l’évoquant ; soit par le tribunal, lors de la discussion des
comptes. Les réserves les plus expresses sont faites sur ce point par
le sieur Dufour.
Le jugement ne fait aucun grief aux appelans sur le mobilier.
Tous les documens ont été donnés sur sa consistance. U11 état informe
a été dresse: les sieurs Riberolle en représentent une copie; on les
7
\
�(
5o
)
défie d’indiquer aucun objet en déficit. Au surplus, si, après un
inventaire régu lier, ils croient avoir à prouver des soustractions,
le jugement leur réserve la faculté d’en administrer la preuve; il
n’y a donc lieu à aucune rectification à cet égard.
On ne s’arrêtera pas à démontrer l’absurdité de la preuve offerte
sur l’extraction d’uue somme d’argent et d’objets d’argenterie,
prétendus enfouis par la dame Arnaud, lors de l’invasion des alliés.
L e jugement a fait justice de cette fable : il suffit de renvoyer aux
motifs qu’il indique.
Au résum é, les imputations et les demandes des frères Riberolle
n’ont d’autre cause qu’un sentiment injuste d’inimitié contre les sieur
et dame Dufour ; c’est sans motif raisonnable qu’ils crient à la
spoliation, lorsqu’on leur démontre que la succession de la mère
commune , dégagée de toutes dettes , a une valeur positive de
80,000 fr. Si les legs, les dettes et les dépenses personnelles ont
absorbé des capitaux, les revenus o n t, par compensation, formé
d’autres capitaux équivalons. La dame Riberolle a scrupuleusement
maintenu entre ses trois enfans l’égalité qu’elle leur avait promise et
q u i était dans so n c œ u r . Les exagérations de ses fils doivent dispa
raître devant la vérité ; et le sieur Dufour , obligé de suivre ses
adversaires dans toutes les assertions qu’ils se sont perm ises, aura
rempli son b u t, s’il a convaincu les magistrats de la cour qu’un
père de sept enfans a été injustement attaqué dans son honneur et
dans sa fortune.
C l a u d i n e RIBERO LLE.
Joseph
D U FO U R .
Me G O D E M E L , ancien avocat.
Me T A IL HAND, avoué-licencié.
RIOM ,
IMPRIMERIE
DE SALLES
FILS,
PRES LE
PALAIS
DE J U S T I C E .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums fonds privés
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Description
An account of the resource
<a href="https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les Factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dufour, Joseph. 1828?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Godemel
Tailhand
Subject
The topic of the resource
successions
abus de faiblesse
testaments
inventaires
dilapidation d'héritage
médiation
ventes
usage du factum
contrats de mariage
viager
correspondances
vin
quittances
mobilier
procédures
spoliation
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour sieur Joseph Dufour, négociant, et dame Claudine Riberolle son épouse, de lui autorisée, habitans de la ville de Thiers, intimés; contre sieurs Joseph-Just Riberolle et Pierre Riberolle, leurs frères et beaux-frères, propriétaires, habitant en la commune d'Arconsat, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1828
1805-1828
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV25
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_DVV24
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/28/54019/BCU_Factums_DVV25.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Thiers (63430)
Arconsat (63008)
Charnay (69047)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
contrats de mariage
correspondances
Dilapidation d'héritage
inventaires
médiation
mobilier
procédures
quittances
spoliation
Successions
testaments
usage du factum
ventes
viager
vin
-
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096dec0a05f329d8fa02e067225ff7d0
PDF Text
Text
M
E M
O
I R E
POUR
MICHEL DIERNAT, ARNAL
E T A U TR ES IN T IM É S ,
C ON T R E
JEAN ROUCHY,
Ap pelant.
L e curé de Maintenon, forcé de fuir son presbytère et sa patrie
pour rester fidèle à scs devoirs ecclésiastiques , a passé de longues
années sur la terre étrangère.
Admis comme instituteur dans les familles les plus riches de l'aristocratie anglaise, il a p u , par son travail, adoucir l'amertume de
ce temps d’exil si malheureux pour un grand nombre de nos com-
�)>•
7 2 patriotes ; ¡1 «a même préparé sur le sol étran ger, pour ses vieux
jours , une fortune qu’ il u’mirait pas pu attendre et qu’on ne doit
pas économiser dans les fonctions du sacerdoce français.
M. l’ahbé Lavergne a porté sur la terre étrangère les vertus du
bon prêtre, et par dessus tout, la bonté, la bienfaisance qu’il
trouvait dans son cœur et qui puisaient une nouvelle force dans ses
sentiments religieux. L e prêtre fiançais est resté, à cet égard , tout
ce qu’il était ; il ne s’est jamais démenti, et rie n , au surplus , dans
ses rapports avec les familles catholiques - anglaises , n’eût été de
nature à modifier scs inclinations charitables.
Mais , à l’àge où l ’homme moral se complote , à l’àgc où s’arrê
tent les tendances , les opinions, qui doivent être celles du reste do
la v ie , on ne passe pas les virjgt-cinq années réellement puissantes
de son existence, au milieu d’une nation arrivée à un haut degré de*
civilisation, en conservani complètement intactes les premières
idées de son éducation , les mœurs et les habitudes de sa patrie.
M. l’abbé Lavcrgne avait subi la loi commune.
L ’amour de la France ne s’était jamais éteint dans son c œ ur; tou
jours il avait montré désir, espoir de retou r; mais les principes sur
lesquels reposent les institutions do notre p a y s, surtout ses institu
tions nouvelles lui étaient tout-à-fa it étrangers.
llesté Français de cœ ur, il était devenu Anglais même dans les
goûts, les habitudes de la vie ordinaire; h plus forte raison, l’était-il
par les pensées qu’il avait puisées sur l'étendue du droit de disposer
au sein des riches familles Anglaises, dans ce pays où les institutions
sont si libérales cl les lois si aristocratiques , et où cette puissante
aristocratie ne vit et ne sc conserve que par les lois attributives des
propriétés immobilières et la faculté de substituer.
Peut-être plusieurs de scs jeunes élèves tenaient-ils ainsi des
majorats considérables , des dispositions qui avaient été faites bien
des années avant leur naissance.
�-
3 -
A iO
M. l’abbé Lavergne ne pensait pas que ce qui sc pratiquait si fré
quemment en Angleterre put être interdit en France.
11 faut bien admettre que les tendances de son esprit le portaient
à faire des substitutions , c a r, dans le mémoire auquel nous répon
dons, on reconnaît en analysant l’article 6 du testament, que la dis
position qu’il contient est une substitution prohibée.
Il est vrai que le sieur R o u c h y , héritier, comme les sieurs
Diernat et A rn al, a intérêt à en signaler une dans cette partie du
testament; maison ne veut pas en trouver dans les articles premier
et deuxième, qui concernent le sieur Rouchy.
Bientôt nous démontrerons que la substitution des articles p re
mier et deuxième est bien plus manifeste , bien plus étendue, bien
plus en opposition avec l’esprit et le texte de notre législation que
celle de l’art. 6.
Mais disons, avant tout, que quand on apprécie ce testament
dans son ensemble , on reste frappé de cette pensée que le testateur
a la ferme conviction qu’il peut disposer, en législateur suprême, de
la transmission de scs biens., de leur em p loi, et des moyens de
perpétuer son nom jusqu’à la fin des siècles.
S ’agit-il de cette propriété de Longevergne , acquise aux dépens
de son tra v a il, embellie par scs soins, l'immeuble le plus important
de sa fortune , le manoir de cet homme à qui la famille a été inter
dite et qui voudrait se survivre à perpétuité sur cette ierre, la puis
sance du testateur réglera la transmission à perpétuité.
S ’agit-il de son nom , qui va mourir avec lui , il l’attache au ma
noir dont la transmission est réglée par son autorité sans limites
et sans pensée de contrôle.
S ’agit-il d’un domaine moins important, celui de Labastide, il
veut bien s’arrêter à la quatrième transmission dans l’exercice de
cette puissance de réglementer les siècles.
S ’agit-il de ses bienfaits, de ces pensées libérales et religieuses
en même temps, que nous louons et que nous voudrions détacher
�v
— 4 —
de quelques prescriptions où perce la vanité humaine , admet-il
qu’un contrôle , qu’une surveillance de la loi ou de l’autorité soient
possibles. Non, c ’est l’homme mort qui doit avoir tout prescrit,
tout réglementé, et tout doit se courber dans les générations qui
vont suivre de siècle en siècle, devant cette inflexible volonté ; et
celte voix qui s’éteint veut, dans mille ans, dans deux mille anS,
parler encore aux générations futures, et veut parler pour ordonner.
Non , prêtre , vous vous trompez : accoutumé à des pensées de
toute puissance , vous avez exagéré l’humaine puissance.
L ’homme , après lu i, ne laisse rien sur cette terre.
L a loi civile a voulu encourager scs efforts et lui ménager à
l’heure suprême des consolations. Mais en créant le droit de dis
poser, elle devait se montrer sagement économe de ce d r o it , car
dans votre sylême , une génération pourrait l’absorber entièrement
aux dépens des générations futures.
Pour votre nom , vous vous trompez encore : de voire seule
puissance vous ne pouvez pas l’ imposer ; l’autorité supérieure a ,
de par la l o i , son droit de permettre , son droit de défendre.
Pour vos bienfaits eux-inèmes vous êtes dans l’erreur.
V os ¡mentions protectrices de la vieillesse et de l’eufancc méri
tent les respects de tous. Mais ne croyez pas qu’elles puissent,
qu’elles doivent être exécutées comme vous le prescriviez , sur le
vu seulement de vos ordres écrits.
Non , ici la loi veille encore.
Elle ne veut pas que par des libéralités exagérées , les membres
des familles déshéritées puissent devenir de nouveaux pauvres
qui auront recours à la charité publique ;
E lle ne veut pas que par des dispositions trop étendues pour des
corporations, des établissements de charité ou des fondations, des
masses trop considérables de propriétés se trouvent frappées de
main-morte, sorties du commerce cl de la circulation.
�-
5
-
¿if
Elle ne le veut pas , par les mêmes raisons qui s’appliquent aux
substitutions; seulement, à la différence de cc qui a heu pour lt*s
substitutions, ne pouvant pas créer une règle absolue pour ces libé-r
râblés , elle les a soumises à une approbation de l'autorité supé
rieure , et si l'autorisation a lieu , pour le tout ou pour partie , elle
réglemente cl surveille encore l'exécution.
Uisons-le sans crainte d’èlre démenti : M. l’abbé Lavergne, dans
toutes les parties principales de son testament, s'est exagéré la
puissance qu’il tenait de la loi de disposer de ses biens.
Ces dispositions de la loi se lienl à des principes d’ordre public ,
à l’organisation loutc entière des sociétés , et ne sauraient fléchir
devant une volonté particulière , qu’ il faut entourer sans doule de
respect et de protection , mais alors seulement qu elle s’est e xp ri
mée dans les limites de cc qui est permis à l ’homme.
On a pensé avec raison , dans le mémoire publié pour le sieur
Roucby , qu’il ne suffisait pas pour apprécier cette cause de meure
sous les yeu x do la cour les articles du testament qui servent de
base principale à la discussion , qu'il fallait que l’œuvre entière fût
connue des magistrats , et cependant, après avoir cilé le lexie des
art. I er et 2% on s’est borné à donner l’analyse des 5 a articles qui
suivent. Nous ne pouvons admettre ni l’exactitude de l’analyse ui
le système en lui-môme.
Quant à (’exactitude de l’analyse, nous pourrions signaler plu
sieurs omissions importantes. Nous n’en indiquerons qu’ une comme
exemple : Sur l’ai ticle 5 , après avoir dit que le testateur donne
aux Dieruat une somme de 8,ooo fr. à prendre sur le revenu du
domaine de Longevergne , on passe complètement sous silence les
dispositions finales, expression si nette de ses pensées, et qui portent :
« J e leur aurais donné le domaine s’ils se fussent mariés , mais
» leur grand i\ge a fait perdre tout espoir de mariage. «
Quant au système , nous l’avons tous dit dans les plaidoiries ,
c’csi le testateur lui-inèinc qu’ il faut lire dans l’expression littérale
�de scs pensées , c’esl lui qu’il faut juger , c’est le lexlc complet du
testament que nous mettons ici sous les j e u x de chacun des ma
gistrats.
Il sera imprimé à la suite de ce mémoire«.
Ce testament , dit-on dans le mémoire , avait paru conférer au
sieur Rouchy le titre et les droits de légataire universel ; aussi l’o r
donnance qui l’envoyait en possession eu cette qualité , avait-elle
été maintenue par un premier jugement du 12 janvier 1848.
C ’est là une erreur.
Des qu’il eut été formé opposition à l’ordonnance , Rouchy r e
connut parfaitement lui-même qu’il 11e pouvait pas espérer de se
faire déclarer héritier universel, et, à ce litre, saisi de l’ universalité
de la succession et des biens dont il n’aurait pas été disposé d’une
manière spéciale. Aussi s’empressa-t-il de form er, par conclusions
du 1 1 novembre 18 4 7 , unc demande incidente, tendante à ce que,
dans le cas où il serait seulement légataire particulier, les héritiers
naturels fussent tenus de lui faire délivrance.
Sur ces conclusions subsidiaires , il s’élève des difficultés de
forme; les Diernat et Arnal soutiennent qu’une demande en déli
vrance de legs particulier, est principale et 11e peut pas être formée
incidemment par conclusions , et le tribunal , loin de juger ou
même de préjuger que Rouchy était légataire universel, ordonne
par le jugement qu’on invoque , qu’il sera plaidé au fonds sur la
demande incidente de Rouchy tendante à la délivrance de son legs
particulier , demande qui soulevait celle de la validité de ce legs
grevé de substitution.
Ainsi, ce jugem ent, s’il préjugeait quelque chose , c’est que le
sieur Rouchy serait légataire particulier et non légataire universel.
On plaide donc au fonds.
E t alors sont tranchées, par le tribunal, par des motifs aussi
simples que nets, mais frappants de vérité, les questions qu’on sou
lève de nouveau devant la cour , et qu’on soutient entourées de
grandes didicullés, sans doute parce qu’on se préoccupe de l’iu-
�— 7 —
lerét qui y est attaché , plutôt que ties tonnes, du sens des disposi
tions mises en présence du texte et de l’esprit de notre législation.
Nous allons les discuter à notre tour , dans l’ordre où les adver
saires les présentent dans leur mémoire.
PREMIÈRE
QUESTION.
f.c sieur Rouchy est- il légataire universel de l’abbé Lavergne.
L a lecture attentive du testament que nous avons mis sous les
yeu x des magistrats devrait contenir toute notre réponse ; e t, eu
effet, dans quel article, dans quel passage, trouve-t-on de la p a r td e M #
l’abbé Lavergne la manifestation de la volonté que le sieur llouchy
recueille tous les biens dont il n’aurait pas nominativement disposé,
ou ce qui restera après les legs payés? Dans quelle partie l’appellet-il à l’ universalité de sa succession et à toutes scs éventualités? On
lie peut pas citer un seul texte.
Et comment nos adversaires pourraient-ils en trouver, eux qui
se montraient, dans la plaidoirie , si exigeants pour que les termes
fussent dispositifs.
Comment organise-t-on donc cette qualité de légataire universel
qu’on veut faire reposer sur la tète du sieur llouchy , et à laquelle
on a vu qu’il ne cr oyait pas lui-mème dans le principe.
On invoque l’art. 1002 du Code civil ; 011 se garde bien d’ v
joindre le lexte de l’art. io o 5 .
O11 cite différents textes du droit Romain , desquels il r é s u l te
que l’héritier créé par le testateur, succède à tous les droits du
défunt; qu’en droit romain, l’institution d’héritier se faisait de
diverses manières, et que l ’omission de quelques mots dans la ma
nifestation de volonté qui désignait l’héritier n’eimièchnit nas de 1
*
jV
�en conférer les droits par l’application de celle maxitnc .* Politis
voluntatem quatn verba spectari plaçait.
Parlant de ces premières idées , 011 ajoute : les art. i«T et 2« du
testament contiennent 1111 legs Irès-imporlant en faveur du sieur
Roucliy ; cependant ce n’est pas là précisément qu’on signale le legs
de l’ universalité; 011 s’en garde bien ; on tomberait sous le coup de
l’art. 896 ; mais on dit : après avoir fait ce le g s, le testateur parle
encore de Roucliy dans plusieurs passages de ce long testament ,
cl il le désigne ainsi : Roucliy , mon héritier; Rouchy, l’héritier du
domaine de Longevergne ; or il faut appliquer là ces lois Romaines
qui voyaient une manifestation complète de la volonté dans ces
mots :
Totius hæreditatis meœ dominus esto ;
I aicîus hæres esto , ou Lucius hæres , ou Lucius esto.
Loin de nous, la pensée de proscrire les citations puisées dans le
dioit Romain ; mais on nous accordera sans doute que ces citations
portent souvent à faux, et que cela doit être nécessairement lorsqu’on
les applique à des matières sur lesquelles nos législateurs ont cru
devoir s’écarter complètement des règles admises en droit Romain.
C/est ce qui arrive ici :
On reconnaissait, en droit Romain , que le testateur ne pouvait
commander qu’à l’héritier qu’ il instituait et non à l’héritier du sang
qui ne tenait son droit que de la loi ; aussi ne pouvait-on pas faire
des legs sans nommer un héritier, et si l'institution manquait , si
elle était nulle, les legs tombaient avec elle. Polhier , des dona
tions et testaments. Chap. 2. Scct. 1. § 1.
Cet héritier ne pouvait pas en même temps être légataire. Jlœ r e d i
à scineti[>so legari non potest (même auteur, chap. 3 , art. /}.)
»
« On 11e pouvait pas non plus, dans le droit Romain, dit G renier
( d is c o u r s historique, p. 2 8 ), mourir comme ayant fait une dis-
j- position testamentaire d’une partie de scs biens, cl 11’cn aya*:-
�-
9 -
/
» pas fait pour le surplus , ce que les lois Romaines rendaient par
» ces termes : parlirn testât us partim intestatus,... ce qui pro» duisit celle conséquence que l'institution d'héritier pour une
» partie de la succession , quelque modique qu’elle fut avait l'effet
» d’attribuer le tout à l’héritier testamentaire. »
E t c’est à ce sujet que M. Grenier dil : ces trois mots , Lucius
îiæres eslo faisaient un testament.
Ces règles n'étaient pas celles de nos coutumes; elles avaient au
contraire pour maxime : Fintitution d'héritier n'a lieu ; elles ne
permettaient pas aux particuliers, dit Pothicr , de se donner à euxînémcs des héritiers.
Les rédacteurs de nos codes ont admis, ont le voit .assez, d’autres
principes , d’autres règles ; ils ont permis de se donner un héritier
sous le nom de légataire universel , mais ils n’en ont pas fait une
condition de la validité du testament cl n’ont pas subordonné l’exis
tence des legs particuliers à celle du legs universel ; mais ils ont
reconnu qu’en présence des anciennes habitudes , on ne pouvait
pas imposer aux pays de droit coulumier les formules ordinaires
du droit écrit, et réciproquement.
« Toutes ces dispositions , d i lM . Grenier (t. r r , 5e édition ,
» p. 4 ? 5 ) qui tenaient à d’anciens usages des Romains qui depuis
* bien longtemps devaient nous être étrangers, ont enfin disparu de
» notre législation , on a cru toujours devoir permettre des dispo» positions sous le nom d'institution d'héritier par égard pour les
» anciennes habitudes contre lesquelles on lie sescrait pas clevé sans
» inconvénient ; mais il est indifférent que l’on qualifie celui ci qui
» on fu it des dispositions, d ’héritier ou de légataire. E n matière
» de testament ces mois : donner , instituer héritier, léguer, de» viennent par eux-mêmes sans conséquence. L ’objet essentiel, est
* que la disposition soit claire et précise. T el est le résultat de
» l’art. 9G7 où il est dit : Toute personne pourra disposer p a r
« testam ent, soit sous le titre d'institution (Théritier, soit sous
* le titre de legs , soit sous toute antre dénomination propre à
�» manifester la volonté , disposition que l’on retrouve dans la
» seconde partie de l’art. 1002. »
A in s i, tout le monde reconnaîtra qu’en droit Romain où on ne
pouvait pas faire un testament sans faire un héritier, on 11e dût pas
facilement admettre qu’un acte présenté comme
testament ne
contînt pas de nomination d’héritier, pour peu que les expressions
employées par le testateur fussent de nature à faire supposer qu’il
s’étaii conformé à cette prescription fondamentale de la loi.
M a is, parmi nous, il 11’en est plus ainsi : faites un légataire
universel ou n’en faites pas ; grevez ou ne grevez pas ce legs uni
versel de legs particuliers ; faites des légataires à titre universel
ou n’en faites pas , ne faites que des légataires particuliers ; grevez ,
si vous voulez, ces legs particuliers de certaines charges ou du
payement de certains legs particuliers , lout cela est dans votre
droit. 11 n’y a plus de forme spéciale.
Les maximes du droit Romain, que le testateur ne peut prescrire
qu’à l’héritier de son choix el non à celui du sang , qu’il n’y a pas
de testament valable sans désignation d’ un héritier, qu’on ne peut
pas m ourir, partirn tes talus , partim ¿nies lattis;
La maxime du droit couluiuier, d’après laquelle la loi seule et
non les personnes désignaient l’héritier, institution d'héritier n'a
lieu;
Tout cela est proscrit.
L a loi ne considère plus que la manifestation de la volonté ;
Pour la faire exécuter dans toute son étendue , si elle ne dépasse
pas ce qui est permis ;
Pour la restreindre, si elle dépasse certaines bornes ;
Pou r l'annuler en entier, si ces bornes sont dépassées de telle
manière, que les restrictions nécessaires ne produiraient pins
qu’ une volonté tellement tronquée qu’ il fut incertain qu’en cet étal
celte volonté fût encore celle du testateur.
�- IX -
'
/*6l
Mais encore en cet état, la nullité à la différence du droit romain,
ne porlc-t-clle pns sur le testament entier, mais seulement sur les
dispositions qui sont frappées par les proscriptions légales, et toutes
les autres, quelle que soit leur forme, universelle, à titre universel
ou particulier, restent debout, parce qu’elles restent des volontés
non douteuses.
..a
A présent, nous pouvons adopter, sans restriction et invoquer
nous-mêmes la maxime de la loi 10 1 de ni conditionibus testunien-
torurn voluntatem potins quant vetba cotis idc rare oporlet.
Cherchons donc celte volonté de bonne f o i , cl le texte qui est
sous les yeu x des Magistrats leur fournit tous moyens de contrôle.
Une première question se présente , et sa solution est de la plus
grande importance pour lever tous les doutes.
M. l’abbé Lavergnc pouvait, sous une dénomination quelconque
(le s termes ne sont pas à considérer), disposer de l’universalité de
scs biens, au profil de telle ou telle personne, et charger celte p e r
sonne de payer ou délivrer tous les legs particuliers qu’il lui plairait
de faire ;
Ou bien il pouvait faire des legs particuliers et dire qu’ une fois
ces legs payés ou p rélev é s, le surplus de scs biens appartiendrait à
telle ou telle personne.
Il pouvait employer l’un ou l’autre do ces m od es, en quelques
termes que cela fût dit, faisant passer la disposition universelle
avant les dispositions particulières , ou faisant l’inverse , grevant la
disposition université d’ un petit nombre de charges , ou , au con
traire, lui en imposant d ’ une importance telle, que le legs universel
fût, d’après l’état de la succession à sou ouverture, réduit à rien.
Cela serait insignifiant ; nous ne nous arrêtons pas à la formule
du langage ; nous ne nous arrêtons pas à l ’importance matérielle
des dispositions ; nous ne considérons que leur caractère de géné
ralité ou de spécialité ; si, d’une manière quelconque , il a exprimé
celte volonté, d’une part, de généralité de sa succession, quelle que
�fût sa valeur et, d'autre part, de spécialité , il y a un légataire, uir
héritier universel, il y a des légataires particuliers.
Mais il pouvait aussi disposer taxativement, nominativement d’un
certain nombre d’objets de sa succession, ou de tous les objets de
sa succession ; s’il l’a fa it , il y aura des légataires particuliers, plus
ou moins nombreux; et que certains de ces legs soient minimes,
que d’autres soient très importants , cela n’a aucune influence sur
leur caractère réel, il n’y aura»toujours que des legs particuliers, et
il ne lui était pas prescrit , de par la loi et sous peine de nullité,
comme en droit rom ain, de faire un légataire, un héritier universel.
A présen t, qu’a-t-il fait? Y a-t-il une seule disposition d'univer
salité, ou de ce qui restera, les legs payés ; il faut lire, et évidem
ment 011 n’ en trouve pas trace ; n’y a-t-il pas, au contraire, minu
tieux détails des objets immobiliers et mobiliers de la succession,
recevant tous une destination spéciale; encore une fois, il n’y a
qu’à lire.
Disons même q u e, dans les intentions qui animaient évidemment
le testateur, cela ne devait pas être autrement.
Aristocrate de goût et d’éducation , beaucoup plus que de nais
sance , il s’était fait un fief, c’était Longevergne, fruit de ses travaux,
et de ce qu’ il veut bien appeler scs faibles talents ; il faut y attacher
le nom du fondateur, le transmettre de génération en génération,
et pour cela ce ne sont pas les affections qui sont à considérer ;
j’aurais donné ce domaine aux D ie rn at, dit le testateur, mais pour
remplir mes v u e s, ils sont trop vieux, alors ce sera R o u c h y , cor
donnier à Ilouen , petit-neveu , et, pour le but que je «ne propose,
le petit-neveu de trciHe ans doit avoir le pas sur les neveux de
soixante.
Ce n’est pas là de la préférence dans l’ordre des aflfectious du
testateur, c’est le moyen d’assurer l’exécution d’une volonté qui ne
tient en rien à la personne de Rouchy.
Scs affections , quelles sont-elles, après cette idée fixe de création
d ’un majorai?
�—
i3 —
Sa famille, et les pauvres d’une manière générale. 11 esl donc de
toute évidence que , lors même qu’il mirait eu des valeurs beaucoup
plus considérables que celles dont il a disposé, il les aurait réparties
dans cet ordre d’aflection : rien dans le testament n’annonce une
préférence, et s’il y en a une, elle est énoncée dans la parlie finale
de l’art. 3 du testament, et cette préférence n’est pas pour le sieur
llouchy.
Ainsi, pas de dispositions à faire un légataire universel ; cela était
même contraire à cette pensée de tout faire émaner directement de
lui et de tout réglem enter, et aussi rien, dans les termes , qui soit
attributif de l’universalité.
M ais, dans diverses parties de son testament, disent les adver
saires, il üppelie llouchy , son héritier , ou L’héritier du domaine
de Longcvergne, et c’est en citant un axiome duquel il résulte qu’il
faut considérer la volonté plutôt que les mots , que , cependant on
veut de ce mol qui n’est accompagné d’aucune attribution, d’aucune
expression de volonté, qui reste à l’état de désignation, faire résulter
que M. l’abbé L a v e rg n e , a donné à U o u cliy, tous les biens dont il
n*a pas spécialement disposé, qu’ il l’a institué son légataire uni
versel ; en sorte q u e , certaines valeurs qui ont été omises dans les
dispositions toutes spéciales du testateur devraient appartenir à
llouchy et non aux héritiers , et que, si une succession de 200,000
francs était échue à M. Lavergne, sans qu’ il en eut eu connaissance,
ce serait encore au sieur llouchy qu'elle appartiendrai^, et non aux
héritiers du sang.
A l’appui du système qui attache tant d’importance à une qualifi
cation qu’on sépare de la disposition, 011 invoque un arrêt de la
Cour de Lim o g es, du 8 décembre 18 37 ( S . 3 q -2. 27 ).
Que la Cour veuille bien se mettre sous les yeux l’espèce dans
laquelle cet arrêt a été ren du , et elle y verra qu’ il y a dans le tes
tament institution formelle de légataires universels, cl que la dilliculté naissait surtout de ce que ces légataires universels étaient au
nombre de trois, sans être bien expressément conjoints dans la
disposition ;
�/x^
— »4 —
E t que néanmoins 1’arrètiste dans une note a soin de mettre le
lecteur en garde contre les applications qu’on pourrait faire de cette
décision.
Mais s i , comme le disent les adversaires , il faut considérer l'in
tention et non les paroles, ne faut-il pas par l'ensemble des disposi
tions du testateur, e t , par ses habitudes , chercher le sens que lu i ,
dans sa pensée, donne aux mots dont il se sert.
Suivant v o u s, Ilouchy , mon héritier; Rouchy , héritier de
Longevergne , n'est pas le synonime de R o u c h y , légataire du d o
maine de Longevergne auquel mon nom est attaché, et cependant
comment s’exprime le testateur dans l’article i " , en disposant du
domaine de Longevergne : Telle est mon intention qu 'il en soit
seul et unique iie iu t ie r . Comment s’exprime-t-il encore dans le
même article en disposant de ce domaine, il le donne ci l'exclusion
de scs autres patents et iieiutieiîs.
Donc le testateur attache aux mots héritier d ’un domaine , 1 a
môme portée, le même sens qu’aux mots légataire d ’un domaine.
Donc encore ses parents, dans sa pensée, restaient bien ses héritiers.
Car en parlant de R o u c h y , fh éritier du dom aine , il parle de scs
autres parents et les appelle ses héritiers.
$
En sorte que si on voulait que Rouchy fût légataire universel par
cette expression sans attribution autre que celle de legs spéciaux ,
les parents qui n’ont pas besoin eux d’attribution , pourraient égale
ment revendiquer la dénomination sous laquelle ils ont été désignés :
il les appelle ses héritiers.
Il est à remarquer q u e, dans le mémoire où on relève avec tant
de soins toutes les dénominations d’héritier employées par le testa
teur, celle de l’art, i " , appliquée à Rouchy cl qui devait frapper
la première l'attention, est la seule qui ait échappé au rédacteur.
Elle est cependant l’origine , la clef de toutes les autres dénomi
nations semblables.
II a dit que Rouchy serait, à l’exclusion de tous les autres héri-
�—
15
—
{¿ers , le seul héritier du domaine de Lon goverg n c, cl qu’il devrait,
lui cl scs descendants, porter son nom à perpétuité. H appelle par
lu suite Rouchy son héritier ou l'héritier du domaine de Lon gcvcrgne.
Et il est si vrai que celte dénomination en rapport, au surplus,
avec la formule usuelle en Angleterre, n’a d’autre source, d’autre
cause que celle qui procède de la libéralité des articles 1 “ et a,
que le testament ne contient pas d’autre disposition qui puisse y
fournir le moindre prétexte, que toutes celles qu’on y trouve la
repousseraient .au contraire.
Que donne-t-il, en effet, à Rouchy de plus quece qui est contenu
aux articles i er cl 2e?
A l’article 2 8 , il exprime la crainte que ses meubles soient brisés
par le transport d’une localité dans une autre, ce quiserait arrivé si
les héritiers en avaient faii le partage. Alors il les donne à R o u c h y ,
mais il veut qu’il paye à ses parents, pùur leur p a rt, différentes
sommes désignées.
Ainsi, sans une disposition expresse, les parents auraient partagé
le mobilier; il n’y avait donc pas de legs universel.
Il veut toujours qu’ils le partagent; mais , dans le seul but d’éviler une détérioration, il fait la licitation , et fait payer à chacun leur
part en argent; donc, dans sa pensée, s’ il a fait un légataire, ce qu’il
appelle un héritier dù domaine de Longcvergne , ¡1 n’a pas un seul
héritier de tout l’actif de sa succession. 11 laisse, pour héritiers, les
héritiers du sang , e t , dans Je mobilier , il a la précaution de faire
leur part.
A-t-on une part sans cire héritier?
On fait remarquer dans le mémoire que, par l’article 1 9 , le pro
priétaire de Longcvcrgnc est spécialement chargé de payer tous les
frais d’enterrcmciit.
Cette disposition, dans le cas même où elle serait isolée, pourrait
être invoquée contre le sieur Rouchy beaucoup plus qu’en sa (à-
�—
16
—
veur, car, s’il était légataire universel, celle charge pesait de droit
sur lui , et il était inutile de la lui imposer; mais il ne faut pas la
séparer de l’art. 54 où on voit que le testateur donne au sieur Rouchy 2,000 fr. à prendre , d it - il, sur les fonds du gouvernement ,
pour payer celte dépense.
A insi, il sait si bien que Roucby n’a rieu à prétendre en dehors
de son legs particulier de l’art. i cr, que , lui imposant une charge
un peu considérable, qui ne pourra pas être prise sur scs revenus
qui ne seront pas encore échus , il lui fait remettre une somme
spéciale pour payer ces frais.
E t il est tellement vrai que le ¿estateur sait qu'il n’a personne
qui soit spécialement saisi de l'universalité, par son testament, que
lorsqu’il ne peut pas connaître le montant d’une somme dont il veut
disposer, il crée une disposition spéciale de ce qu’ il pourra y avoir ,
ou du surplus.
A in si, la disposition du domaine de Longevergne est tellement
faite dans le seul but de satisfaire cette idée fixe de création de m a
jorai et de transmission de nom , sans intention aiFcclucuse cl per
sonnelle à Jean Roucby., qu’il veut que si, au moment de son décès,
il y a des revenus de ce domaine, échus et non payés , ils appar
tiennent au fils aîné des Julliard.
Ainsi, il ne peut pas bien faire son compte du capital des renies
s u r l 'E t a t , puisque ce capital est variable. Alors il se demande ce
que de viendra le surplus, après payement des dispositions écrites,
si surplus il y a; et comme ce surplus ne serait pas assez important
pour le laisser partager enire lous les héritiers, il le donne moitié
aux enfants d’Anioinc Roucby, de Labaslide, moitié aux enfants
Julliard.
Comment ensuite peut on attacher tant d'importance à ce (pii
n'est qu'une qualification , lorsque dans le testament lui-même ces
qualifications varient dans leur application à la même personne?
S ’il a dit : R o u c b y , mon héritier, dans certains articles,
A l'art. 8 il dit : R o u c b y, mon donataire ;
�— '7 —
Aux articles io cl 1 9 , le propriétaii e du domaine de Longc-
vcrgne;
A l’article 2 3 , Rouchy, mon légataire;
A l’article 2 9 , Rouchy, héritier du domaine de Longevergnc.
Dirons-nous, adoplant le système du sieur Rouchy : vous 11’ètes
que légataire du domaine, par cette raison qu’il vous a appelé lé
gataire , propriétaire , donataire du domaine ?
Non , nous ne le dirons pas; il ne s’agit pas , en cflfet, des expres
sions plus ou moins justes, plus 011 moins conformes au langage du
droit dont le testateur se sera servi dans la désignation d’un individu.
Il s’agit uniquement d’apprécier le fond des dispositions et d’eu
lixer le caractère.
O r, que donne le testateur au sieur Rouchy? il lui donne spé
cialement le domaine de Longevergnc et scs dépendances, et la
réalité est qu’il ne !ui donne pas autre chose, c a r , s’il lui attribue
les meubles meublants , il lui impose l’obligation la plus stricte d’en
payer la valeur qu’ il fixe, et à chaque héritier pour sa part.
S ’ il lui donne (art. 54), mie somme de 2000 fi\, il lui est prescrit
(art. 1 9 ) , de l’employer au paiement de tous les frais funéraires.
iNIais, dit-on, il faut considérer la prépondérance du legs fait au
sieur R ou chy, et on invoque l’opinion de M. G ren ier, pour faire
admettre que l’importance des legs peut servir à en fixer le carac
tère.
On n’a qu’à se mettre sous les yeux ce que dit M. Grenier au
passage cité (t. 1 " , p G5 i , 5e édition), et on verra que cet auteur
traite là des dispositions dans lesquelles il y a concours entre le
légataire universel cl un légataire à titre universel; qu’il explique
parfaitement les caractères des différents le g s, et que nulle part il
11e dit qu’un legs d’un objet ou de plusieurs objets déterminés peut
être considéré comme legs u niversel, parce que ces objets auraient
une grande valeur relativement à l’importance do la succession.
3
�&
~
1 8
“
Conmient eùt-il tenu ce langage , lui qui d i t , t. i f , 5K édition ,
p. 67G, que le legs de tous les bois, de tous les prés, n’est qu’un
legs particulier; que , par la même raison, il ne faut voir qu’un legs
particulier dans celui de tous les meubles et immeubles qui sont
situés dans un département, et qui ajoute : « le legs d’une succession
» écliue au testateur n’est aussi qu’un legs particulier, quelque
» considérable qu’elle puisse élre , et quand même elle fo rm e» rait lu totalité de la succession du testateur au moment de son
» décès. Tel est le résultat des art. 1 0 0 2 , io o 3 , 1 0 1 0 du Code. »
M. G re n ier, en tenant ce langage, s’appuie sur l’autorité de
Chabot.
llic a r d , des donations (art. 5 , n° 1 6 2 6 ) , nous donne p ar
faitement la raison de cette opinion.
Cet auteur examine la question de savoir si on considérera
comme legs universel celui q u i, fait en termes particuliers, com prendait cependant réellement tout ce que le testateur possédait
d ’ une certaine classe de biens.
E t Ricard dit que ce n’est pas un legs universel, « parce que ,
» dans les successions, nous ne considérons pas seulement le pré» sent et ce qui nous paraît, mais nous y comprenons aussi la pos» sibilitè et F espérance ; d’ailleurs le legs étant d’un corps parti» culier, la disposition est certaine cl arrêtée.»
Ici il s’agit bien plus positivement que dans les exemples que
nous venons d’emprunter aux auteurs, (Fun corps certain et arrêté.
L e testateur a voulu donner ce qu’ il désigne, il n’a pas voulu
donner autre chose; il n’ a pas voulu donner les éventualités de sa
succession ; attribuer plus d’ étendue ou un autre sens à scs dispo
sitions cc serait créer un testament.
D e même qu’un legs particulier ne perd pas son caracterc de
legs particulcr parce qu’ il est considérable ; un legs universel ne
cesse pas d’être un legs universel parce que ses résultats sont m i
nimes , et que même , charges payées , le légataire universel sc
trouve en définitive ne rien avoir. 11 serait facile d'en citer des
�— i9 —
exemples, et de prouver que, soit par la volonté du testateur, soit
par des circonstances imprévues, des legs universels se sont trouves
beaucoup plus considérables qu'on
ne
pensait , ou tout à fait
minimes. L e legs particulier est le legs certain , positif; le legs uni
versel est celui des éventualités.
Personne, dit-on , n’est chargé du payement des dettes; ce sera
donc le sieur Rouchy qui les payera? donc il est légataire universel.
On conçoit très-bien par quelle raison le sieur Rouchy rédam e
le payement des dettes , obligation qui n'aurait que des avantages ,
puisque le testateur avait fhit, pour le passif comme peur l’actif de
s i succession, des dispositions toutes spéciales, et que sa succession
n’est grevée d’aucune charge non prévue.
Mais s’il s'en découvrait, dira-t-on?
S'il s’en découvrait, elles seront à la charge des héritiers naturels
qui recevront aussi l’actif dont ibu’a pas etc disposé, cl il en existe.
Enfin, qu’on suppose un testament q u i , absorbant tout l’actif par
des legs particuliers, aurait omis de régler le payement des dettes;
qu’on suppose dans ce cas la renonciation des héritiers naturels,
en résulterait-il qu’il faut créer un légataire universel là où il n’y en
a pas? ¡Non, il en résulterait que le passifserait payé par une réduc
tion proportionnelle des legs particuliers (art. io a 4 -)
Dans le mémoire comme dans la plaidoirie , en voulant soutenir
que le legs fait au sieur Rouchy est un legs u n iversel, ou a été
conduit, par la force des choses, à en revenir aux dispositions des
art. i rr et a1' du testament; c l, en effet, le testateur n’ayant pas eu
réalité donné autre chose au sieur R o u c h y , il fallait bien faire r e
poser les prétentions sur ces articles.
On y esl conduit par la pente irrésistible du terrain.
Lorsq u ’ on dit que le legs doit être considéré comme universel
à raison surtout de son importance, quel est ce legs important dont
on veut parler ?
�Incoiitcsti\blemcnt celui (le L o n ge v erg tie , manoir principal, lit
plus importante des propriétés ; nous devons être nécessairement
d’accord, puisque, sans doute, la pensée du rédacteur du mémoire,
comme celle de l’avocat plaidant, qui l’a d’ailleurs nettement ex
prim é, ne peut pas s’appliquer aux meubles meublants donnés à !a
charge de les p a y e r , et aux deux mille francs donnés pour les
employer.
Ici le magistrat a devancé de beaucoup la réponse que nous
avions à vous faire, et il vous a dit : Mais si la qualité de légataire
universel résulte de la disposition relative au domaine de Lon gevergne , c’est là qu'on vous signale la substitution, et tout legs
grevé de substitution est atteint, par l’art. 89G, quel que soit son
caractère universel; particulier, ou à titre universel.
Cette objection admet-elle une réplique possible, à moins qu’il
ne soit permis aux adversaires de laisser tuer le même legs comme
particulier par l’article 89G, et de le faire revivre ensuite comme
universel.
Voilà les conséquences ou sont conduits même les hommes les
plus éclairés lorsqu’ils partent d’un système qui repose sur une
base fausse.
L a vérité doit se faire jour , elle ressort même des paroles et des
écrits qui la combattent.
Celle v érité, quelle est-elle en définitive?
C ’est que les qualifications, et dénominations diverses données à
Rouchy par le testament, procèdent toutes des dispositions des a r
ticles 1 et a oii ou voit même que Rouchy est appelé héritier a
cause du don du domaine, et qu’alors, pour fixer la qualité réelle
du sieur Rouchy vis-à-vis la succession , il ne s’agit que de déter
miner le caractère du legs contenu aux art. 1 et 2 , et les adver
saires l’ont fait eux-mêmes : c’est un legs particulier.
*
Qu’on réunisse d’ailleurs, si on veut, toutes les dispositions q u i ,
dans le testament, concernent Rouchy.
�— ai —
Art i ' r cl 2. L oîts
o du domaine de Lon covcren
n
D e,7 avec obliiiailon
O
de porter le nom et de transmettre à l’infini ;
Art. 22 Don des immeubles meublants, à la charge d’en payer
le prix.
Art. i g et 2/|. Don de 2,000 fi’ ., pour les employer aux frais
funéraires.
Puis des charges imposées à R o u c h y , mais toutes avec spécialité
et détermination complète , cl en même temps calculées dans le
cas même oii cela n’est pas e xp rim é , de telle manière qu’elles
puissent cire payées sur les revenus du domaine.
Voilà donc trois legs bien déterminés grevés aussi de charges
positives, sans que Rouchy ait rien à recevoir en sus , rien à payer
de pl us que ce ce qui est ordonné par le testateur. Y eùl-il cent legs
de même nature et faits à la même personne, et cent charges fixes ,
le nombre n’en changerait pas le caractère, il y aurait ccnl legs
particuliers.
Deux de.ces legs sont insignifiants ; ils n’ ont même que la déno
mination de legs. L ’autre a, au contraire, de la vale u r; le testateur
y en attachait beaucoup , par suite de l’organisation qu’il faisait.
Mais en définitive, Rouchy n’est pas compris pour autre chose
dans les volontés exprimées ; qu’à présent, à raison de ce qu’il lui
donne , le testateur qui ne connaît pas les qualifications légales ,
l’appèle son donataire , comme il le fait, le testament perdra-t-il
sa nature de testament pour devenir une donation ; qu’ il l’appèle
sou héritier ou l’héritier de L o n g e v e rg n e , ce qui est la même
chose dans sa pensée , entend-il pour cela lui donner plus ou moins?
Cela fera-t-il le s i e u r Rouchy légataire universel? Cela fera-t-il
q u e si le testateur eût laissé dans sa succession 100,000 fr. dont il
n’eût pas disposé, il serait réputé avoir voulu les donner au sieur
Rouchy ?
Il l’a. bien appelé aussi légataire. Rencontrant, cette fois, l’cxpression juste en droit, cela a-t-il plus d’ importance? Mais, 11011.
�Appliquez donc la maxime que vous invoquez ,potius volunlcilcm
qnam verba spectariplacuit , et reconnaissez en même temps qu’il
n’y a , en définitive, dans le testament, qu’ une seule disposition
d’où procèdent les dénominations diverses que le testateur donne
au sieur Rouchy , puisque, dans les deux autres également parti
culières et insignifiantes, au surplus, il ne reçoit que pour payer ;
reconnaissez que vous avez déterminé comme nous le caractère de
cette disposition , et qu’en définitive, celte détermination est même
sans b u t, sans résultat au procès, puisque, si elle contient une subs
titution prohibée , la nullité prononcée par la loi l’atteint dans tons
les cas et quelle que soit sa classification légale.
D E U X I E M E QUESTION.
L e testament du sieur Lavcrgne contient-il une substitution ou
seulement une défense d'aliener ?
L e texte de la disposition qui est sous les yeu x des magistrats
est trop clair et trop formel pour qu’il soit nécessaire de se livrer
à ce sujet à une longue discussion.
II est vrai que le testateur ne se sert pas de ces expressions : le
sieur Boitchy sera chargé de rendre ¿1 ses enfants , les enfants
de Ronchj-, au.v leurs, les enfants des enfants de llonchy, etc ;
car
pour exprimer une à une
toutes
les transmissions
qui
riaient dans la volonté, il n’y aurait pas de limites, cl c’est précisé
ment pour cela que la pensée ne pouvait se rendre que par une
disposition g é » é raie.
Ou
voudrait
pouvoir
soutenir
que
les
mois
charge
de
conserver et de rendre sont sacramentels , ei que sans leur emploi
il n’y a pas de substitution; si on ne va pas toul à fait jusques-là
011 en approche , car après avoir souligné les mois : charge de
�— »3 —
conserver et de ren d re , on dit qu’il faudrait les trouver expressé
ment écrits dans le testament, et on invoque l’opinion des auteurs
cl quelques arrêts.
Nous avons vérifié la plupart de ces citations et il faut recon
naître qu’elles ne sont pas heureuses. P o u rq u o i, par exem ple,
invoquer dans l’ouvrage de M. Toullier le n° 24 du tome 5 , où il
dit, ce qui est hors de doute : « C ’est celle charge imposée au grevé
» de c o n s e r v e r ses biens pendant sa vie et de les rendre à sa mort
» qui constitue ce que les auteurs appèlenl l'ordre successif. » Au
lieu de citer le passage du même auteur, au n<> 5 o , même v o lu m e ,
qui s’applique réellement à la question, car il dit : « toutes les fois
» que l’acte esl conçu de telle manière, qu’il renferme nécessairement
» la charge de conserver et de rendre; quoique non littéralement
•5» exprim ée, sans qu’ il soit possible de lui attribuer un sens différent
» propre à maintenir la volonté du testateur aux yeu x de la loi , la
» disposition est nulle comme renfermant une substitution ; elle est
» nulle quant à la substitution , parce qu’elle est contraire à la loi
» que le testateur avait voulu éluder; elle esl nulle quant à l’ insti» lution du legs principal , parce qu’il est certain que le testateur
» n’a voulu donner qu’à charge de rendre, et qu'il est incertain
» s'il eut voulu donner sans cette charge. »
Ces paroles, et nous pourrions en citer de semblables empruntées
à M. G renier, à Duranton, à ¡Merlin, Coin-Delille , T h é v e n o l, et
à la Jurisprudence, diseut toui'ce qu’il faut dire , et reproduisent
au surplus le texte de l’art. 896 qui, en frappant de nullité toute dis
position p a r laquelle le légataire sera chargé de conserver et de
rendre ¿1 un tiers , exprime très-bien qu’ il n’y a pas à ce sujet
d’expression sacramentelle , cl que comme dans toutes les dispo
sitions testamentaires, il ne s’agit que de chercher cl do recon
naître les volontés quels que soient les formules du langage et les
termes employés par le testateur.
Si à présent ont veut soutenir que dans le cas où les expressions
employées
peuvent naturellement recevoir un sens aulre que
�Jjb
— 2.4 —
celui d'une substitution prohibée , 011 doit croire que le testateur a
voulu faire ce qui était permis plutôt que ce qui lui était défendu.
¡Nous serons de l’avis de nos conlradicteurs.
Que disions-nous , en e ffet, en plaidant? Nous disions, lorsque
sous l’empire d’une organisation sociale qui puisait de la force dans
les substitutions, elles étaient vues avec faveur, 011 en reconnaissait
là où on n’en reconnaîtrait pas aujourd'hui. Ainsi ces mots : J ’ins
titue un tel et ses enjants étaient alors réputés contenir une v o
lonté de transmission successive. Aujourd’hui, si rien autre chose
n’expliquait la pensée, on pourrait ne pas y voir un ordre successif,
mais seulement une disposition conjointe, en ce sens que le père et
les enfants dev raient recueillir directement du testateur ensemble et
par portions égales.
On pourrait encore avoir du doute aujourd’h u i, si on disait:
J ’institue Pierre et après lui ses enfants , car le testateur a pu
vouloir prévoir le cas de son déccs avant Pierre et stipuler que
dans ce cas , il donne à ses enfants , disposition qui reste directe,
qui est une substitution vulgaire, parfaitement perm ise, et non la
substitution, avec ordre successifprévue et prohibée d’une manière
si formelle par l’article 896.
Mais ce doute pourrait encore disparaître devant l’ensemble des
dispositions du testament.
Mais ici, 011 le dem ande, le doute, l’incertitude la plus légère
sont-ils un instant permis , en face d’une disposition qui crée la
substitution en ternies formels , qui en dit toutes les conséquences,
qui attache à sa perpétuité, la perpétuité du nom , et. qui indique
que le choix du grevé a été fait uniquement dans cette pensée de
transmission, on sorte que la stipulation, les conséquences, les mo
tifs, tout s’y trouve.
La stipulation. Y a-i-il rien de plus précis que ces expressions :
« J e lui en fu is donÇii Ilo u ch y ), pour être entièrement à lui et
* ses descendants, après mu m ort , à l’exclusion de mes autres
�-
35
_
» parents cl héritiers , car telle est ma volonté qu’il en soit seul et
» unique héritier, lui et ses enfants, après lu i , de génération
» en génération .
Ajoutez à cela que i ous les héritiers, possesseurs de ce domaine,
présents el à venir d e v ro n t, comme condition absolue, renoncer
au nom de R ouchy , pour prendre et porter le nom de Lavergne.
A insi, nom et domaine, tout se transmet de génération en g é
nération, dans la famille Ilo u c h y , qui prend a la fois, l e bien de
L o n g e v e rg n e , renonce au nom Ilouchy et prend le nom de L avergne , de génération en génération.
L es conséquences. « L e domaine de Longevergne ne sera jamais
» vendu, échangé, morcelé, ni grevé de dettes, sous quelque
» prétexte que ce soit; mais il passera à chaque héritier, à chaque
» famille, lel que je l’ai laissé à ma mort. » Ce qui est aussi une
répétition de la stipulation.
Puis, tant l’idée de conservation et de transmission complète
existe , obligation à chaque possesseur successif de maintenir les
lieux dans leur état complet d’entretien, réparation et culture.
L es motifs du choix. « J e leur aurais donné ce domaine (aux
» Diernat) , s’ils se fussent mariés , mais leur grand âge a détruit
» tout espoir de mariage.
Si dans le mémoire auquel nous répondons, on n’eût pas passé
sous silence celle partie de Parlicle 5 du testament, on n’aurait pas
demandé comment il sc ferait que le testateur, pour remplir cette
intention de tranmission, eût choisi un homme qui n’était pas marié.
On demande là au testateur ce qu’il a eu le soin d’expliquer.
Ses affections seraient pour les Diernat ; niais il s’agit de l’accom
plissement de la volonté de transmission de génération en généra
tion ; ils sont trop vieux : Rouchy est jeune, et il est choisi unique
ment en vue de la substitution, en vue de ce que la loi défend. Sans
cela il ne l’eut pas élé.
4
�¡¿ fi
-
,6 -
M ais, dit-on , la disposition contient une interdiction de vendre ,
clause réputée non écrite , aux termes de l’article 90 0 , cl on va jus
qu’à dire : le tribunal qui en fait une substitution , a violé la
maxime (juod nullum est nidlum producit effectum.
Etrange application de cette maxime qui ferait que ce qui est
nul ne produirait pas môme une nullité ! ¡Nous n’avons qu’à ré
pondre : Vous avez raison, ce qui est nul ne produit aucun eflet.
L a loi dit que la disposition entachée de substitution disparaît en
entier, dans le legs lui-même comme dans la charge de rendre.
Ainsi, le legs fait au sieur R o u chy , dans les art. i tr et 2« du testa
ment ne produit aucun effet.
O u i, sans doute, il y a interdiction de vendre; mais cette inter
diction résulte implicitement de toutes les substitutions ; ici, elle est
exprim ée; si elle l’était sans que ce fût pour créer une substitution,
ce serait l’article 900 qu’il faudrait appliquer, car l’intention de
gratifier le sieur Rouchy personnellement resterait encore certaine.
Mais lorsque l’interdiction de vendre n’est exprimée que comme
conséquence de la substitution , c’est l’article 896, la loi spéciale de
la m atière, qui doit recevoir son application. ( V o y e z G renier,
troisième édition, p. 1 15 , n° 7.)
D ’autant plus que la piésomption de la loi est ici vérifiée par le
fait, qu’ il est certain que le testateur n’a donné à Rouchy que
poursubstituer, et que la substitution disparaissant, il ne voulait pas
que sa propriété de Longevcrgnc fut à lui.
Nous le comprenons, le système du mémoire doit convenir par
faitement au sieur Rouchy , il lui donne le legs et met au néant les
obligations qui l’accompagnent.
Mais ce système , sous prétexte de maintenir pour partie les in
tentions du testateur, n’en est-il pas la violation la plus manifeste?
N’a-t-il pas dit assez clairement : J e ne donne ce domaine au sieur
Rouchy que parce que je veux le maintenir dans l’état où je le laisse
à lout jamais; je veux le faire transmettre , par Rouchy qui n’est ici
�- *7 A ï)
qu’un m oyen, de génération en génération, sans cela je ne le lui
aurais pas donné, je l’aurais donné aux Diernat. E l on le donnerait,
ce domaine, à Roucliy , lorsqu’on reconnaît qu’on ne peut exécuter
sous aucun rapport la volonté réelle du testateur, celle pour l’ac
complissement seul de laquelle il l’a il passer le domaine par les mains
de Roucliy !
E t on appelle cela exécuter une volonté ! Mais si on voulait faire
accomplir la volonté seconde, alors que la première reste impuis
sante devant la l o i , ce serait aux Diernat qu'il faudrait attribuer la
propriété.
Cela ne se peut pas, parce que le testateur dit seulement ce qu’il
durait ja it s’il n’avait pas voulu fonder un m ajorai, et qu’on ne
peut faire exécuter qu’ une disposition précise.
Mais toujours est-il que lorsque la l o i , comme le disent tous les
auteurs , répute seulement qu’ il n’est pas certain que le testateur
eûl maintenu le legs dans le cas où il aurait su que la disposition do
transmission successive disparaîtrait, ici il est complètement dé
montré , prouvé que la substitution écartée, Roucliy ne serait pas
le légataire. Peut-on à présent, comme on le demande , écarter la
substitution et maintenir le legs , c’est proposer à la cour à la fois
]a violation de la loi cl la violation de la volonté du testateur.
L ’auteur du mémoire, l’avocat qui a plaidé pour le sieur Rouchy
sont d’accord avec nous , la volonté qui est en opposition avec les
principes fondamentaux de noire droit ne peut pas recevoir son
exécution; mais ne devraient-ils pas reconnaître en même temps
qu’alors que la voix qui aurait pu substituer une volonté licite à
celle qui ne l’est pas , ne peut plusT se faire entendre , c’est la loi
qui parle, et qu’elle appelle les héritiers du sang.
Les Diernat n’auront pas tout ce qu’ ils auraient eu si la volonté
du sieur Lavcrgnc pouvait encore ordonner. L e sieur Rouchy
recevra une portion beaucoup plus considérable q u e les Arnal. Mais
cette petite part les sortira de Pelai de domesticité dans lequel ils
�**" vivent. Faut-il, avec l’auteur du mémoire, tani gémir sur le sort de
l ’ouvrier cordonnier qui ne recevra pas un cliàteau , mais qui aura
des moyens d’existence assurés. Ne faut-il pas au contraire se féli
citer de ce que, dans la fortune d’un homme bienfaisant, la part de
tous se trouvera faite , la part des pauvres du village , la part des
pauvres de la famille.
TR O IS IÈM E QUESTION.
Y aurait-il même dans le testament une substitution, elle ne
serait pas prohibée.
Il faudrait, pour admettre celte proposition , que la substitution ,
une fois reconnue, put être renfermée dans les termes de la loi du
17 mai 1 8 2 6 , cl restreinte au second degré inclusivement. E st-ce
bien là ce qu’a voulu le testateur? Devons-nous, pour décider cette
question, nous liv r e r a des recherches nouvelles, afin de constater
de nouveau sa volonté? On comprend très-bien que l’appelant ait
pu diviser en deux questions ce qui a fait l’objet de la seconde et
de la troisième proposition de son mémoire. Dans l’une, il s’agissait
pour lui d’établir que les termes du testament renfermaient une
simple prohibition d’aliéner; il a pu se livrer sur ce point à une
discussion qui laissait en dehors le sujet qu’il traite dans la dernière.
Mais telles n’ont point été les conditions de la réponse qui lui a été
faite. P ou r établir qu’il existait dans le testament du sieur Lavergne
autre chose qu’une prohibition d’aliéner, nous avons été obligés de
prouver que ce testament renfermait une véritable substitution, et,
par suite, d’en démontrer les caractères cl l’étendue. Nous pourrions
donc nous en référer à cette partie de la défense présentée dans les
intérêts des héritiers du sang, et si nous passons à un examen spécial
de cette partie.de la discussion do nos adversaires, c ’est avec l’in
tention de choisir dans leurs arguments ceux qui appartiennent
d’une manière plus spéciale à celle nuance de la question.
�—29—
Jl
Leur argumentation sur cc point n’a qu’ un seul b u t , celui
d’établir que l'hypothèse des deux degrés suffit pour expliquer les
(ormes dans lesquels la substitution est conçue et assurer l’exécutiou
de cette partie du testament.
T
Nous avons déjà prouvé que les vues du testateur embrassaient
un avenir sans limites et l’esprit général de ses dispositions viendrait
ici protester , s’ il était nécessaire , contre le sens forcé que l’on
voudrait attacher à la lettre du testament. Mais la lettre et l’esprit
sont dans une harmonie parfaite à cet égard , comme il nous sera
facile de l’établir dans quelques rapides observations.
Les premières doivent porter sur la valeur des termes employés,
et ce qu’il y a de plus sûr, c’est de nous attacher à la définition
judiciaire qui a pu en être donnée. Nous sommes assez heureux
pour rapporter des autorités irrécusables sur ce genre de difficultés
qui présentent toujours un caractère assez grand d’indécision.
L a loi 220 au D . de vetbis significatione s’exprime en ces
termes : liberorum appcllationc nepotes et prœnepotes cœterique ,
qui e x his descendant continentur. Dumoulin applique «à notre
langue et à notre droit français celle signification du 11101 latin ;
c ’est ce qui résulte du passage suivant de son commentaire sur la
coutume de P aris, lit. i er, p. i 5 : « Verbum gallicum, enfant ,
» non est de se restrictum ad primurn vcl ad alium graduui ; sed
» iudiflerenter suppr.nit quovis dcscendenlcs , sicut verbum liberi
» in loge romanà. » E n fin , Ricard fait dans le même sens une
application plus directe de ce mot lorsqu’ il dit : L e mot enfant est
gênerai pour signifier tous les degrés de la ligne descendante ,
ce qui a lie u , soit qu'il s’agisse dem péc/ier Vouverture d ’un
Jidéïcommis , en conséquence de la condition , s ’il décède sans
enfants , ou de donner effet à une substitution au profit des
petits-enfants.
Cela ne veul pas dire que le mol enfants doive toujours s’enten
dre dans son acception la plus étendue, mais bien seulement que
celle acception csi susceptible de tous les degrés , suivant l'intention
�— 3o —
1
^
.
.
.
de celui qui en fait usage ci les circonstances dans lesquelles cet
usage a eu lieu.
Livrons-nous à celte double recherche pour le testament qui
nous occupe. Quel est le premier mot employé par son auleur en ce
qui touche la substitution, c’est celui de descendants : pour en
jouir, dit-il, cl ses descendants après ma mort; voila déjà une
première preuve que la pensée du testateur 11e s’arrête pas aux
premiers degrés. L e mot descendants 11e s’emploie jamais pour in
diquer uniquement les enfants et les petits-enfants ; ce serait lui
donner un sens impropre ; pour que l’expression soit juste, il est
nécessaire qu’elle désigne une longue lignée de personnes issues les
unes des autres , cl qu’elle p a rle , pour ainsi dire , d’un point fort
éloigné pour remonter jusqu’à l’auteur commun, embrassant alors
dans sa généralité , mais seulement dans ce cas , même les enfants
du premier degré ; c’est le mol de la ligne descendante qui corres
pond à celui d'ancêtres, dans la ligne ascendante. O r, nous défions
la vanité la plus ridicule d’oser appliquer celte qualification à l’uïeul
ou au bisaïeul. A in si, des le principe, nous voilà avertis par le
testateur lui-même; il veut étendre scs bienfaits sur une race tout
entière. C ’est donc dans le sens de cette première expression et
dans le sens conforme de la définition admise par les autorités citées
plus haut qiie l'auteur du testament continue en ces termes : lui et
ses enfants après lui, c’est-à-dire nepotes et prænepotes , cœ teri(jue qui e x eo descendebunt L ’explication qui suit immédiate
ment , de génération en génération , vient compléter la conviction
à cet égard. Celle locution est, en effet, des plus énergiques et ne
s’emploie jamais que pour indiquer une longue succession de per
sonnes ou de choses. Elle a passé dans le langage familier; chacun
de nous peut eu trouver cent exemples pris dans les habitudes de la
conversation et s’assurer , par lui-même, de l’étendue presque in
définie qui s'attache toujours à cette manière de s’exprimer. C ’esi
dans ce sens que les écriture? saintes entendent ces mots, de siècle
en siècle , qu’elles huit.suivre d’une si énergique explication. Il
n’existe qu’une différence, c’est que l’une de ces locutions s'applique •
�— 3 1 —-
«•tu cours du temps, l’outre à celui de l'humanité ; mais elles n’en ont
pas moins l’ une et l’autre un caractère biblique, qui doit conserver
à ces expressions toute leur force, lorsqu’elles se retrouvei.t sous
la plume d’ un prêtre.
L e mémoire du sieur Ronchy ne peut opposer sur ce point
qu’ une objection grammaticale que nous sommes obligés de repous
ser , d’abord au nom de la grammaire elle-m êm e, et pour le main
tien de scs règles. De ce que le mot génération est pris au singulier,
on v e u t conclure qu’il ne s’agit réellemçnt que de deux générations,
dont l’une serait indiquée par le premier emploi du mol génération,
et l’autre par le second emploi qui en esl fait; pour aller au-delà,
le mémoire eût exigé le pluriel. L e pluriel! lorsqu’ il s’agit d’indi
quer un ordre successif, le passage d’une chose à l’aulrc ! Mais
c ’eût été une faute gro ssiè re , en contradiction manifeste avec les
faits que l’on veut exprimer. Plusieurs générations ne succèdent
pas immédiatement à plusieurs générations, elles se suivent une à
une , dans l’ordre des temps, et pour aller de la première jusqu’à la
plus reculée, c’est toujours l’ une après l’autre qu’il faut les prendre;
c ’est donc au singulier que doivent se faire toutes les énonciations
de celle nature et jamais peut-être un plus long avenir n’a été prévu
ou annoncé que par ces mots : de génération en génération.
L a cour exigerait-elle une preuve de plus; qu’on veuille bien se
rappeler qu’une des conditions imposées par le testateur au léga
taire du domaine de Longevergne était d’abandonner sou nom pour
prendre le nom de son bienfaiteur. L e domaine cl le nom étaient
deux choses attachées l’ une à l’autre cl dont les destinées se con
fondaient dans la pensée de M. l’abbé Lavcrgne. Esl-cc à Ronchy
seul qu’il impose l’obligation de prendre et porter le nom de L a vergne? Est-ce uniquement à ses (ils ou à scs petits-fils? Non , c’cst
à sa postérité, à scs descendants garçons et Jilles. Comme la pos
session du domaine doit suivre celle du nom , c’est donc à sa pos
térité qu’il transmet l’un cl l’autre. Il est impossible que celte charge
de conserver cl de rendre soit censée ne plus exister après le second
�degré; c’est une prétention contraire au texte du testament , cl la
cour sait déjà qu’elle est encore plus contraire à son esprit.
QUESTI ON
SUBSIDIAIRE.
L e titre même de cette partie de mémoire détermine nettement
la position acceptée par les auteurs pour la dernière question dans
laquelle ils se réfugient. Ce titre suppose en cflet que les questions
principales ont déjà été décidées dans le sens contraire aux préten
tions de Rouchy. l.a qualité de légataire universel ne lui a pas
été attribuée p a r le testament, ou bien dans tous les cas, le legs
universel se trouvant entaché du mente vice que le legs particuliçr, la substitution fid éi commissaire n'en existe pas moins avec
tous scs caractères juridiques ; elle embrasse la descendance
entière du sieur Rouchy sans limitation ci un degré spécifié , et
ne peut être retenue dans les limites de la substitution légale ;
mais dans ce cas même, à en croire nos adversaires, la nullité ne
commence qu'avec la prohibition , et les tribunaux doivent dis
tinguer : annuler la disposition dans sa partie qui concerne les
personnes appelées ¿1 un degré prohibé , la maintenir à l'égard
de celles qui se trouvent ci un degré où la substitution est p e r
mise. Cette prétention , que l'on cherche à appuyer de l’exemple
des lois anciennes , suppose nécessairement l'impuissance d’appli
quer l’art. 89G aux dispositions qui rentrent dans le cas prévu par
la loi du 17 mai 18 2 G , lors même que ces dispositions excéde
raient les limites fixées par cette loi elle-même. C ’est prononcer en
un mot l'abrogation au moins partielle de cet article si important
île noire droit civil. Celle décision csi-clle admissible? ¡Nous
sommes loin de le penser cl nous espérons pouvoir porter jusqu'à
l'évidence la démonstration qui nous reste à faire sur ce point.
La question ne se présente pas seulement à propos de la loi du
1 7 mai 182G , (îl longtemps avant la publication de ce dernier acte
législatif, ou s’était déjà demandé si la clause ¡m iaule de l’art. 89G
�-
33 -
qui annule toute disposition portant substitution fidéi-commissaire,
pouvait être appliquée au cas ou une substitution faite suivant l’es
prit des an. 1048 et 1049 du code civil lui-mcnie, aurait dépassé
toutefois les bornes fixées par ces articles. Le mémoire publié pour
Iîoucfiy indique suffisamment que ses signataires avaient souvenir
de cette circonstance, mais ils regardaient la solution de la ques
tion agitée p a r eu x comme <Jouteuse sons les principes rigoureux
de l’article 8gf> du code civil, qui prohibait toute substitution et
qui annulait la disposition principale même à l'égard de dona
taire et de légataire, (p . 2G.)
C ’est là sans doute le motif qui les a empêchés d’examiner à ce
point de vue la question qu’ils ont mieux aimé porter sur le terrain
de la loi du 17 mai 18 26. Nous ne pouvons cependant restreindre
notre discussion à cette dernière partie, parce que l’ un de nos con
tradicteurs a repris dans la plaidoirie la thèse abandonnée dans le
mémoire , qu’au fond la loi du 17 mai 182G se confond pour nous
avec l’art. 8 g Sd u code civil,et que la décision pour la difficulté qui
nous occupe doit rester la même sous l’empire de deux législations
émanant des mêmes principes.
Nous allons donc examiner d’abord la question avec les termes
du Code civil, et par rapport aux articles
1048
et 1049 de ce Code.
Une’ premicre observation se présente à cet é g a r d , c’est qu’il ne peut
être dans ce cas nullement question de l’abrogation do l’art. 89G
comme dans le cas où il s’agit de la loi du 1 7 mai 1S26. Ces dispo
sitions du Code civil appartiennent au même titre, elles ont été
publiées en même temps . et pourraient tout au plus présenter
entre elles quelque opposition ou quelque antinomie. Il sera fa
cile de démontrer plus tard comment elles s’accordent et peuvent
trouver une exécution facile et simultanée; il convient d’examiner
avant tout le système qui nous est opposé.
Nos adversaires invoquent la maxime utile p er inutile non
vitiutur; mais il faudrait préalablement prouver que la substitution
faite au-delà du premier degré n’est qu’ une clause inutile, à laquelle
5
�¡¿tlai*loi n'attache aucun caractère réprouvé
34 par elle ; c’est là précisément
en quoi consiste la question , et l’invocation de la maxime rappelée
plus haut n’est qu’une véritable pétition de principes.
E lle ne peut donc dispenser nos adversaires d’examiner avec
nous les motifs de l’exception en vertu de laquelle une substitution,
que la loi déclare nulle au-delà du degré fixé par elle, ne devait
pas entraîner la nullité de la disposition principale dont elle fait
partie. L e C o d e , disent-ils, n’a point, en ce c a s , prononcé la
nullité de toute la disposition. C ’est encore là décider la question par
la question. Si l’on s’arrête aux termes isolés des art. 1048 et
io /j Q,
nos adversaires pourraient donner peut-être une apparence spé
cieuse à leur aflirmalion sur ce point; mais est-ce ainsi qu’il faut
procéder?
Une erreur de fait en quelque sorte sert de base à leur raisonne
ment. Ils semblent croire que la nullité de la substitution faite audelà du premier degré est prononcée par les articles que nous
examinons; il n’en est point ainsi. Que l’on pèse les termes dans
lesquels ces articles sont conçus, et il sera facile de se convaincre
qu’ils ne prononcent directement aucune nullité ; ils valident dans
les cas pour lesquels ils interviennent les donations par actes entre
vifs 011 testamentaires faites avec la charge de rendre aux
enfants du donataire , cm prem ier degré seulement ; ces dernières
expressions supposent une nullité préexistante en ce qui touche les
degrés inférieurs, niais elles ne la prononcent pas. Où donc est
écrite cette prohibition? Dans l’art. 8 9 6 , qui relié ainsi étroitement
aux art. 1048 et 1049 , proclame le principe, tandis que ces derniers
articles introduisent l’exception.
E n cilet, rappelons-nous les circonstances dans lesquelles sont
intervenues les dispositions qu'il s’agit d’ interpréter. Tout ce qui
avait trait aux substitutions avait été effacé de nos codes sous le ni
veau de l’égalité révolutionnaire ; la loi du
octobre 1 7 9 2 s’était
contentée de déclarer toutes substitutions abolies, sans autre com
mentaire que celui des événements au milieu desquels cette abolition
était prononcée.
�— 35 —
C ’est en l’an 1 1 qu’eut lieu la révision de cclte matière au sein
du conseil d’état ,
destiné à être
bientôt une des principales
institutions de l’empire qui se préparait. A cette époque transitoire,
il y a , sur cette matière, plus que sur toute autre transaction entre
les idées qui dominaient encore et celles dont on voulait assurer le
triomphe prochain. Cette double tendance, on pourrait dire cette
double nécessité, sc retrouve évidente dans l’ensemble des discus
sions remarquables qui ont eu lieu sur cclte grave question. C ’est
ainsi que les dispositions prohibitives de la loi de 17 9 2 ont été
proclamées de nouveau comme principe général, en tète de l’art.
8 9 6 , tandis que les dispositions contraires doivent être considérées
comme purement exceptionnelles et restreintes rigoureusement aux
cas qu’ elles ont prévus. Tout ce qui est en dehors tombe nécessai
rement sous l’empire de la règle commune. Tel est le sens du mot
seulement, employé par les art. io/{8 et 1049. Ils ne prononcent
eux-mêmes aucune nullité pour les autres cas de transmission avec
la charge de rendre, parce que le législateur savait très bien que
cette nullité avait été prononcée par lui de la manière la plus abso
lue dans l’art. 896.
Cette vérité ressort toute puissante du rapprochement des textes;
elle devient irrésistible par l’examen des discussions où se sont éla
borés les principes admis dans notre code civil. L à une discussion
unique a eu lieu , et elle a porté en même temps sur l'article 896 et
les art. 1048 et suivants. Ils forment la mémo pensée législative
chargée de donner satisfaction à tous les besoins du moment sur la
matière; c’est un tout indivisible qui n’a pas élé divise dans la dis
cussion prépatoire par le législateur cl ne peut être divisé dans scs
résultats par le pouvoir chargé de faire l’application d e là loi.
L ’art. 89G n’admet aucune exception, pas plus dans la disposi
tion principale ainsi conçue, les substitutions sont prohibées , que
dans sa disposition secondaire , ayant pour but d’annuler, à l’égard
de toutes les parties, toute disposition faite à la charge de conserver
et de rendre à un tiers. Si cet article était resté la règle unique de
la matière, aucunes dillicüllés ne pourraient évidemment s’élever
�Is 6
_
3« -
dans son application; non seulement les substitutions du second et
du troisième degrc seraient nulles, mais elles devraient aussi entraî
ner la nullité d elà disposition toute entière. Quel changement peut
donc résultera cetég crd d es termes des art. 1048 et >049? un seul :
celui qui consiste à excepter de la prohibition générale les dona
tions faites à la charge de rendre aux enfants du donataire, au
premier degré seulem ent ; mais cette exception doit cire restreinte
aux cas qu’elle spécifie, c’est ce qu’ indique l’expression seulement ,
employée dans l’article. C ’est, au reste, ce qui résullc de la na
ture des dispositions elles-mêmes et des principes qui règlent le
domaine du droit général cl celui du droit exceptionnel.'
Quelles sont les autorités citées à l’appui de l’opinion con
traire? Elles sont fort peu nombreuses; identiques dans leurs
moyens elles doivent également tomber devant la même réfutation.
M . Toullier a écrit sur la question une opinion qui paraît ne pas
avoir clé de sa part l’objet des méditations approfondies que le sujet
comporte. 11 l’exprime en quelques mots, comme en passant, et
l’appuie seulement sur les deux motiis que nous avons déjà réfutés;
le i ' r consistant à dire que le code n’a point prononcé la nullité de
toute la disposition lorsqu’il s’agit d’ une substitution fidcï-commissaire prolongée au-delà du degré légal; le deuxième tiré de la
maxime utile par inutile itou vitiatur. INous croyons avoir
démontré sufiisamment ce que de semblables arguments présentent
de futile et d’irréfléchi ; nous n’y reviendrons pas. Q u’il nous soit
seulement permis d’opposer à l’opinion de M. Toullier sur les art.
1048 et 1049 l’opinion de M. Toullier lui-même sur l’art. i o 5o du
même code.
On sait que ce dernier article avait pour but d’empêcher que la
charge de rendre put avoir lieu au profit d’un seul des enfants du
grevé ; il déclare donc que les dispositions permises p a r le s deux
articles précédents, ne seront valables qu’autant que la charge de
restitution sera au profit de tous les enfants nés ou à Huître. M.
Toullier pense qu’ une disposition faite à 1111 seul des enfants serait
nulle en totalité , c'est- à-dire que la charge de rendre 1i un ou
�1
^7
plusieurs enfants ne serait pas seulement invalide , mais encore
la donation directe fa ite au donataire ou au légataire grevé
( Toullier t. 5 , n° 7 2 8 ).
Après avoir professé de tels principes , c’est cependant dans 1«
il" qui suit immédiatement que M. Toullier change de langage et
de décision lorsqu’ il s’agit d’apprécier les résultats de la nullité qui
aurait pour cause l’obligation de conserver et de rendre au-delà
du premier degré.
Pourquoi cette distinction? Les articles io/J8, 1049 et i o 5o ne
sont-ils pas dans le même chapitre? Ne font-ils pas les uns et les
autres partie d’ un ensemble de dispositions intervenues sur la môme
matière, et soumises aux mêmes règles. Si les premiers échappent à
l’application de l’art. 89G, il doit en être de môme pour le dernier.
Nous irons même plus loin à cet égard et nous dirons q u e, si c e 1
argument de l’auteur, consistant à dire que le code ne prononce
point dans ce cas la nullité de toute la disposition , pouvait avoir ja
mais quelque chose de spécieux, ce serait dans l’cspcce de l’article
i o 5o ; car cet article prononce lui-mème la nullité à apprécier , et
il 11c s’explique point sur les conséquences qui peuvent atteindre la
disposition faite en faveur du donataire ; tandis q u e la nullité qui
frappe les substitutions du second degré et des degrés subséquents
a son origine ailleurs, dans les prohibitions générales de l’art. 89G
lui-même , et qu’ elle doit participer nécessairement à toutes les ri
gueurs qui lui servent de sanction.
Il est vrai que RI. Toullier donne un autre motif à la sévérité
qu’il déploie en ce qui touche la nullité prononcée par l’art. i o 5 o ,
dans le cas où la substitution ne serait pas recueillie par tous les en
fants du g re v é ; une pareille distinction , dit-il, ne pourrait être
fa ite que dans d is vues d'orgueil que la loi réprouve. Est-ce qu’il
Ii’y a pas un orgueil aussi grand à vouloir perpétuer une fortune
immobilière dans sa famille , de génération en génération? Est-ce
tpie l’on ne retrouve pas dans ce mode de substitution, et au plus
haut c h e f, toutes les raisons d’ordre public qui doivent la faire
prohiber comme la plus désastreuse de toutes? L ’aflinnative ne
�¡¿b*
-
38
-
pcul être douteuse. Cette contradiction d'avis prouve évidemmeni
que l’auteur s'est laissé entraîner à exprimer sur la question dont il
s’agit une opinion superficielle, cl la manière dont il a décidé celle
dont il s’est occupé en premier lieu, doit faire penser qu’un examen
plus approfondi l’ eùl ramené sur toutes les questions de même na
ture aux véritables principes de la matière.
L a cour connaît du reste les motifs qui ont fait introduire dans le
cod e, à la diflerence de ce qui existait dans les lois anciennes, une
prohibition qui frappe de nullité la disposition entière à raison de la
nullité dont se trouve frappée dans certains cas la clause de substi
tution. L e législateur s’est proposé un double but; il a voulu don
ner une sanction pénale à des défenses toujours éludées jusqu’à lui;
il a pensé que la donation faite sous la charge de rendre formait un
tout indivisible, en-dehors duquel on courrait le danger de ne plus
retrouver la volonté du donateur ou du testateur, et qu’il était im
possible de maintenir un acte semblable dans cet état d’altération
présumée. (M erlin, dict. de jurisprudence verb. substitution,
t. j*r, v. 1 4 . — pages 52 et 522 .) Ces deux motifs de la loi s'appli
quent aux substitutions du second et du troisième de g ré, avec plus
d’évidence et de justice qu’à toute autre disposition iïdci-commissaire.
Que la Cour veuille bien faire elle-même l’expérience de cette
application, cl elle restera convaincue qu’il n’existe pas sur ce point
de la cause une seule considération de nature à justifier un système
qui aurait pour résultat de soustraire à la sanelion pénale de l’art.
896 les substitutions les mieux caractérisées et les plus dangereuses,
celles en un mot que la loi a voulu atteindre par-dessus toutes.
Les mêmes raisons de décider peuvent-elles s’appliquer à la loi
du 17 mai 1826? Sans nul doute en ce qui concerne le plus grand
nombre d’entre elles , et pour arriver sous ce rapport a une dé
monstration complète , nous n’avons qu'une chose a faire , c’est
d'établir que la loi de 182G, fondée sur le même principe que les
art. 1 0 .'|8 cl 1049 i>’a fait autre chose qu’en étendre les dispositions
à un plus grand nombre de cas sans en changer le caractère.
�^9
Pour accepter celte v é rité , il suffit de lire attentivement les dispo
sitions de nos deux lois. L ’ intention du législateur est évidente, il
n’a entendu que modifier les articles du Code sur certains points ,
en les maintenant sur d’autres, et en laissant les dispositions nouvelles
comme les anciennes sous l’empire du droit commun de la matière.
L e projet de la loi du 17 mai 1826 renfermait, outre la disposition
relative aux substitutions, une disposition trcs-gravc qui fut rejetée
par les chambres, et qui tendait à créer un prcciput légal et obliga
toire en faveur de l’aîné miile de chaque famille placée dans de
certaines conditions de fortune. L ’ esprit qui avait inspiré celte
double mesure législative ne peut être douteux ; elle avait pour
but de reconstituer et de conserver en France des fortunes territo
riales propres à constituer une aristocratie nouvelle. Ce fut un des
actes les plus expressifs de la pensée qui dominait le gouvernement
, à cette époque , et l’on peut se rappeler encore combien furent
v ives les oppositions soulevées contre cette tentative. L e g ou ver
nement fut donc obligé d’agir comme celui de l’an II , et par des
motifs tout-à-fait analogues, il fit des concessions pour en obtenir.
L ’article relatif au droit d’aînesse disparut de la l o i , et l’on prit tous
les moyens d’amoindrir autant que possible fes autres modifications
introduites dans la partie si importante de notre Code civil sur les
substitutions.
C ’est ce qu’explique ires-bien le premier exposé des motifs de la
loi présentée d ’abord à la chambre des pairs, et qui est conçue en
ces termes :
« Ainsi, Messieurs, modifier les art. 10 4 8 , 1 0 4 9 0 1 i o 5o du
» Code c i v i l , et quant aux personnes seulement, étendre, mais
» seulement d’un degré, l’exercice de la faculté qu’ils accordent;
» permettre l’excrcice de cette faculté à toute personne ayant la
* capacité légale de disposer de ses biens; permettre aussi.qu’on
* en fasse usage au profit d’un ou de plusieurs enfants du donataire,
» au lieu d’exiger que la donation comprenne tous ces enfants ;
» mais en même temps ne rien changer à ce qui est déjà fixé pour
�» les biens; maintenir les bornes données à la quotité disponible, et
» renfermer dans ces bornes la liberté accordée aux donateurs et
» aux testateurs : lel est évidemment l’un des moyens les plus efTi» caces de favoriser la conservation des biens , sans choquer les
». mœurs et sans changer les bases de notre législation. »
T el est aussi le sens de cet antre passage pris dans l’exposé des
îuotils présenté à la chambre des députés :
« C ’est encore pour cela qu’on a jugé qu’il su disait de modifier,
» en mi petit nombre de points, les articles 1048 et «049 du Code
» civil, et qu’on devait se borner, i ° à rendre la faculté de substi* tu e r , à toutes les personnes qui ont la capacité légale de disposer
» de leurs biens ; 2# à ajouter un second degré au premier déjà
» établi p a r l e C o d e ; enfin à permettre d'appeler indifféremment
» un ou plusieurs enfants du g r e v é , selon la volonté de l’auteur de
> l’institution.
k T e l est, en effet, le projet de loi que nous soumettons à votre
» examen; telles sont les modifications qu’il a paru nécessaire de
» faire subir à cette partie du Code civil. *
L ’identité apparente de ces diverses dispositions législatives avait
semblé telle à tous les esprits, qu’ un magistrat qui faisait partie de la
chambre des députés , crut devoir proposer l’abrogation des art.
io/jS cl io.jg du C o d e , pour y substituer la loi nouvelle, et que M.
le garde-des-sceaux vint réclamer le maintien simultané des deux
lois, parce qu’elles n’étaient ni complètement différentes, ni com
plètement identiques entre elles. On lit dans sa réponse cette
phrase remarquable oii se trouve résumée en peu de mots toute la
vérité sur la question spéciale qui nous occupe : C elte disposition
est si loin d ’abroger les d eu x articles, qu’elle s ’appuie sur eu x ,
qu ’elle part de cette base pour s ’étendre plus loin qu'ils ne le
Jnnt eux-mernes.
La première conséquence à tirer de tout ce qui précède, cYst
que la loi du 17 mai 182G a été ramenée aux principes du Code
i
�—
4I
—
-Á ty
civil, qu’elle n’a entendu faire autre chose qu’étendre les disposilions
exceptionnelles que le premier législateur y avail déjà déposées et
que j devenue ainsi en quelque sorte partie intégrante du Code luim e m e , clic doil être soumise aux règles générales qui dominent
scs disposilions. O r n o u s savons déjà, qu’en matière de substitu
tions , le principe adopté csl celui qui est écrit dans l’art. 896, au
quel on doit conserver louic sa force.
L a seconde conséquence c’est que la loi de 18 2 6 n’a prononcé
contre cet article ni abrogation expresse ni abrogation tacite. E lle
soustrait à son empire les exceptions qu’ elle crée dans le sens et
l’esprit des art. 10 48 et 1049, mais tout ce qui csl en dehors de ces
exceptions nouvelles tombe sous le coup de la prohibition de l’art.
896 du code c i v i l , comme y tombaient, avant les modifications
qu’il a reçues en cette partie , tous les cas qui n’étaient pas compris
an nombre de ceux plus restreints formant les exceptions du code.
L e rnémoir.e publié dans l’intérêt du sieur Rouchy nous semble
contenir des raisons bien faibles en opposition de celles qui viennent
d’être développées. 11 donne pour tout motif à l’art. 89G , sur le
quel s’ est livrée une lutte si grave entre des régimes que les é v é
nements mettaient de nouveau en présence , Vintérêt des 'transac
tions commerciales et la plus grande fa cilité des 'ventes. Soit T
nous voulons bien raisonner dans cette hypothèse; mais que con
clure de ce fuit? L es législateurs de 18 2 6 avaient apprécié au
trement les intérêts de ces transactions ; ils ont aboli l’art. 8f)G
et la prohibition qu’il prononçait; la clause pénale de cet article
a dû disparaître avec la prohibition qui en était la cause. C es
sante causa, cessât ejjectus.
11 est superflu de signaler à Fatteiuion de la cour la forme de cc
raisonnement, réprouvée par l’école elle-même. 11 repose tout en
tier sur des inductions tirées d’une des propositions qui le consti
tuent à celle qui suit cl qui sont toutes contestables. Ainsi, il n’est
pas exact de dire dans le sens absolu du mémoire que les d eu x
législateurs ont apprécié différemment les intérêts des üansac0
�- ^ “
lions ; cela est vrai en cc qui touche le deuxième degré défendit
¿»y*
par le prem ier, autorisé par le second. Tous les deux retombent
d’accord sur le troisième degré, et comme la prohibition commence
à cc point pour l’un et l’autre , elle doit entraîner également sous
l’empire des deux lois toutes les conséquences pénales qui lui ser
vent de sanction. On pourrait prendre ainsi chacune des supposi
tions que nous venons de rappeler, et constater successivement la
fausseté de chacune d’elles et le défaut de rapports qui vicie leur
ensemble; mais il suflit d’avoir fait l’épreuve sur une seule pour les
avoir infirmées toutes.
Il
reste encore un argument contre lequel nous avons réservé
nos derniers efforts parccqu’il présente une apparence plus spécieuse
que les autres. L a loi du 27 mai 1 8 2 6 , disent nos adversaires ,
nous a ramenés complètement aux dispositions des ordonnances de
1 56 o et de 1 747 * Or, le plus savant commentateur de celte dernière
l o i , Thévenot Dessaules nous apprend que la nullité d’une'substi
tution au 5 e degré n'avait d’autre effet que de laisser les biens
substitués libres dans les mains de celui qui avait été appelé au
second degré. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui sous une
législation analogue
D ?
Deux réponses sc présentent et qui sont toutes deux également
décisives : la première c’est qu’aucune des lois antérieures n'avait
attaché la nullité de toute la disposition à celle de la clause fidéïcommissaire, et que cette différence capitale entre les deux légis
lations explique les motifs qui devaient faire valider cette disposition
dans le premier cas, tandis qu’elle doit être annulée dans le dernier.
Nous répondrons en second lieu que les termes des deux légis
lations peuvent bien être les mêmes en cc qui touche les résultats ,
mais qu'elles ont l’une et l’autre un point de départ bien opposé et
procèdent de principes tout différents.
Quel était en effet le droit commun en cette matière sous l’empire
de l'ancienne législation ? C’était celui de la liberté la plus complète
en fait de substitutions. Les ordonnances de i 56’o et 1 «7.-f7 avait eu
�-
43 -
Â
pour but de les restreindre, comme il est facile de s’en convaincre
en lisant leur préambule; l’exception à cette époque consistait dan»
la prohibition, et Thévenot Dessaules, s'expliquant à cet égard
dans l’ouvrage invoqué contre nous , dit en termes formels , chnp.
4 , p. i r" , que les jidùï-commis sont optirni ju iis , en sot ie que
tout s ’y interprète et tout s’y juge de la manière la plus fa v o
rable.
Nous avons déjà établi que, depuis 1792 , c’est le principe con
traire qui a prévalu. 11 est écrit comme règle absolue et générale
au titre de l’art. 89G du code civil. La faculté de substituer forme
l’exception ; elle est stricti juris et doit être renfermée dans ses
termes les plus rigoureux.
L a conclusion de ces prémisses se déduit d’ elle-mème ; tout ce
qui était douteux ou obscur sur l’ancienne législation devait s’ inter
préter suivant l’esprit des ordonnances dans le sens favorable au
maintien de la substitution , tandis que sous l’empire de la loi nou
v elle, il faut interpréter contre elle tout ce qui peut donner lieu à
interprétation.
L a loi ne s’explique-t-elle pas d ’une manière formelle sur le
sort d’une substitution permise qui se trouve mêlée à une substi
tution faite pour un degré défendu ! C ’est le droit commun de la
matière qui doit être appliqué à défaut d’une disposition spéciale,
et nous savons que le droit commun des deux époques nous conduit
à des résultats tout à fait contraires : le maintien de la substitution
pour la première et sa nullité pour la seconde.
T els sont précisément les termes de l’cspccc créée par le testa
ment soumis à l'appréciation de la Cour. L ’abbé Lavergne pouvait
donner à son neveu en lui imposant la charge de rendre à scs enfants
jusqu’au second degré ; enfermée dans ces limites, l’institution eût
été valable , puisqu’elle se fût trouvée conforme aux dispositions
exceptionnelles de la loi du 17 mai 1 8 2 6 ; mais le testateur a tait
p lu s, il u imposé à tous ses successeurs de génération en génération
�•
~ 44 —
l'obligation de conserver et de rendre l'immeuble qui 11e devait
jamais sortir de la famille; c’est là une disposition inadmissible, une
clause que toutes les parties s’accordent à considérer comme nulle.
L a seule difficulté est d’apprécier la conséquence juridique de cette
nullité.
Sous l’empire des ordonnances de 15 7 0 et 17 4 7 la disposition
principale eût été valable , la substitution eût également produit scs
effets jusqu’au second degré inclusivement. Nul doute à cet égard ;
nous en avons dit les motifs. D ’une part ces ordonnances ne p ro
nonçaient en aucun cas la nullité de la disposition entière; d’autre
part elles avaient admis pour droit commun de la matière la validité
des substitutions. O r , les deux principes contraires sont écrits dans
la loi nouvelle, et un raisonnement analogue doit nous conduire à
une décision complètement opposée, la nullité de la disposition
principale elle-m êm e. Loin d’èlre défavorable à notre cau se,
l’exemple tiré de la législation ancienne vient donc lui prêter un
appui nouveau et inattendu.
INous ne connaissons aucun arrêt qui ail décidé formellement la
question soulevée; mais un grand nombre sonl intervenus depuis la
loi de 1 8 2 6 , étions ont appliqué l’article 89G du Code civil sans
exprimer un seul doute sur le maintien de ses dispositions. On petit
consulter le plus récent rendu par la Cour d’appel de Pau , le 2
septembre 1 8 4 7 , et qui est rapporté dans le recueil de Syeis, tome
4 9 , page i q 3 ; 011 y verra que la Cour y vise plusieurs fois la loi
de 182G , qu’elle puise dans les motifs de celle loi un moyen de
nullité pour le cas dont elle s’occupe , et que cependant elle n’hésite
pas à prononcer en même temps la nullité de la clause de substitu
tion et celle de la disposition principale.
Parmi les auteurs qui se sont occupés de la question, M. Tonllier
seul a exprimé une opinion-contraire et que nous avons déjà réfutée.
Une noie qui se trouve au 5e volume de la dernière édition du
Traité des Donations, de M. G re n ier, rappelle cette opinion et s’y
range; mais elle est évidemment écrilc sous l'influence exercée par
le nom du premier jurisconsulte sur l'esprit de l’auteur, M. Ancdot,
�— 45 —
tyf
jeune magistral de grande espérance , que les événements politiques
om rendu au barreau.
Les autres auteurs sont unanimes dans le sens de l’opinion déve- '
loppée par nous. On peut consulter avec utilité Rolland de Villargues, Vazeille, Dalloz, Coin de l’Isle et surtout Duranton, tom. 8,
n° 5 i. L ’espril et le texte de la nouvelle législation , la doctrine et
la jurisprudence, tout s’élève donc contre l’étrange prétention de
nos adversaires. La loi du 17 mai 1826 était en opposition avec les
mœurs de notre époque et de notre pays ; il n’a été fait aucun usage
de la faculié nouvelle qu’elle avait introduite; elle était en quelque
sorte frappée de désuétude, lorsqu’ une mesure récente est venue
prononcer contre elle une abrogation formelle ; comment pourraiton reconnaître à une loi aussi éphémèrp la puissance d'avoir effacé
de nos codes le principe en vertu duquel les substitutions avaient
été abolies? La cour 11e saurait accorder la sanction de scs arrêts à
une semblable doctrine.
Nous venons de parcourir dans. toute son étendue le 'ce rc le où
110s contradicteurs avaient eux-mêmes renfermé la discussion , et
nous pensons n’avoir laissé sans réponse aucune des objections sé
rieuses élevées contre le système adopte par les premiers juge.«.
Dans une cause de cette nature, les principes ont une importance
telle qu’on hésite à placer à côté du grand intérêt public de leur
conservation des motifs puisés dans des considérations d ’intérêt
personnel et de justice privée.
Mais s’il est des cas où l’on puisse se montrer moins scrupuleux
à cet égard , c’est surtout à propos des affaires où , comme dans
celle-ci , l’intérêt de la famille vient se confondre avec celui de la
société. Nous avons démontré en fait que l’abbé Lavergnc n’avait
été déterminé dans son choix pour Rouchy , qu’à raison des motifs
que la nullité des clauses de substitution doit anéantir. Ses affections
l’eussent dirigé d’un autre côté , et l’exécution de son t e s t a m e n t ,
réduite à la disposition principale, n’est plus conforme à sa volonté
réelle, on pourrait même dire à sa volonté exprimée. Celle exécu
tion serait-elle au moins plus conforme aux principes d ’un régie-
�.
m ent sage et équitable pour la distribution de la fortune de l’abbé
L a v ergne entre tous ceux que la loi et la nature appelaient à la
recueillir? On doit avouer que non ; si le testament s’exécute, quel
spectacle va nous offrir la famille de l’abbé L avergne? Un de ses
membres, appelé subitement d’une humble position à une grande ri
chesse, deviendra seul opulent au milieu de ses parents les plus
proches, réduits à l’état de besoin et de domesticité que de mauvais
sentiments une position semblable peut faire naître dans le cœur de
tous! Si au contraire une répartition plus égale pouvait faire parvenir
à chacun d’eux une partie de ce patrimoine trop riche pour un s e u l,
de meilleures dispositions pénétreraient dans chaque famille avec une
aisance plus grande. L e sieur Rouchy serait encore un des mieux
traités dans le p artag e, et son retour aux habitudes de sa vie toute
entière avec des conditions de fortune meilleures , pourrait lui pré
senter plus d'une compensation à un r ève non réalisé d’une richesse
qui ne fait pas toujours le bonheur.
Cette affaire peut du reste se résumer en peu de mots : Le testa
ment de M. l’abbé L a v ergne présente deux parties bien distinctes ;
l’une sacrée et pieu se, elle sera exécutée par les héritiers naturels
avec tous les scrupules de la piété qui l’inspira; l’autre en opposi
tion flagrante avec les mœurs et les lois de notre p ays, nous ne
l’aurons pas en vain dénoncée à la justice de la cour : nous sommes
surs de rencontrer en elle la fermeté de principes contre laquelle
une disposition semblable doit venir se briser.
DUCLOZEL,
SALVETO N,
T A ILH A N D ,
M IR A ND E ,
]
l Avocats.
J
ï
i A vouès-Licenciés
I
R I OM. — A. J O U V E T , I m p r i m e u r - L i b r a i r e , près le Palais.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Godemel
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Diernat, Michel. 1848?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Duclozel
Salveton
Tailhand
Mirande
Subject
The topic of the resource
testaments
prêtres réfractaires
émigrés
indivision
domestiques
écoles
enseignement scolaire
cimetières
fondation d'une paroisse
successions
legs
intention du testateur
substitution
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Michel Diernat, Arnal et autres intimés, contre Jean Rouchy, appelant. Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1848
1793-1848
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
46 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3018
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3016
BCU_Factums_G3017
BCU_Factums_G3019
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rouen (76540)
Maintenon (28227)
Anglards-de-Salers (15006)
Angleterre
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cimetières
doctrine
domestiques
écoles
émigrés
enseignement scolaire
fondation d'une paroisse
indivision
intention du testateur
legs
prêtres réfractaires
substitution
Successions
testaments
-
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MÉMOIRE
C o u r ro yale.
E N
till
_ _
_______
_______
R E P O N S E
2« CHAMBRE.
POUR
L e s s i e u r s J e a n - G i lb e r t e t N ic o la s - F é l i x D U M A Y
et
le
s ie u r
C H A M B O R D O N , su b ro g é tu te u r
d u m i n e u r P R U N E Y R E tous intimes;
°
CONTRE
,
L es sie u rs C R O M A R IA S et R O U G I E R anciens A v o u é s,
d e m eu ran t à R l o m . a p p e l a n t s ,
•: ■!
H!
E u présence de M B O N N E F O Y , A vou é à Is s o ire , a u s s i i n tim e .
L es sieurs Crom arías et R o u g ie r, cessionnaires du prix de cer
taines aliénations consenties p a r le sieur P ru n e y re , sont intervenus
dans un ordre ouvert sur le prix des biens de ce dernier;
Ils ont demandé la nullité de différents titres de créance des
frères D u m a y, notamment d’un acte du 29 mai 1 844 p a r lequel
ceux-ci ont é té subrogés à l'hypothèque légale du mineur P runeyre.
Ils ont cru voir dans ces actes le résultat d’un concert frau duleu x,
organisé entre les sieurs D um ay et les sieurs P runeyre et Chamb o rd o n , leurs beaux-frères. Ils ont indiqué e n c o re , comme prem ier
artisan de cette prétendue fraude , Me Bonnefoy, avoué à Issoire ,
�qui avail etc chargé par e u x de purger l'hypothèque légale du
mineur P runeyre , et q u i , depuis, a occupé pour les sieurs Dumay.
Cette demande a été accompagnée des imputations les plus mal
veillantes, mais, hûtons-nous de le d ire, les plus hasardées, soit
contre les frères D u m a y , soit contre le sieur Bonnefoy.
Attaqué devant le tribunal ou il exerce ses fonctions , le sieur
Bonnefoy ne pouvait laisser sans réponse les insinuations dirigées
contre sa délicatesse; il deyait aller au-devant des réserves dont ou
semblait le m e n a ce r, et il est intervenu dans l’instance en son nom
personnel.
Cependant, au jour fixé pour la plaidoirie, les sieurs Cromarias
et Rougier se sont bornés à prendre des conclusions; ils n'ont pas
été défendus, et le tribunal d’Issoire a adjugé les conclusions des
intimés. L e jugement dont est appel ne porte donc pas avec lui le
préjugé qui s’attache ordinairement à la décision d’une première
juridiction, puisque la cause n’a pas été discutée devant les premiers
juges. Mais les conclusions signifiées par les intimés, la communi
cation de leurs titres, auraient dû rectifier bien des erreurs de fait
et d’appréciation, commises par les adversaires dans l’exposé de leur
demande.
Devant la c o u r , on n'en a tenu aucun compte; les sieurs C r o
marias et Rougier ont fait imprimer, sous le titre d ’ Observations ,
un mémoire dans lequel les faits sont exposés d’une manière incom
plète et souvent inexacte.
j
On n’y reconnaît pas le véritable caractère des actes «soumis à
l’appréciation de la cour ; on y dénature les intentions des inti
m és; on in vo q u e , presque à chaque p a g e , la parenté qui existe
entr’eux et le sieur Bonnefoy, e t, pour constater une fraude qui
n’est nulle p ari, 011 va jusqu’à la calomnie, espérant, comme don
Basile , qu’il en restera quelque chose.
Les sieurs Dumay et Chambordon , connus jusqu’à ce jour sous
des rapports honorables, doivent aux magistrats et au public l’e x
plication de leur conduite; ils se doivent à eux-mèmes de réfuter
�-
3 -
les imputations odieuses , à l’aide desquelles on a essayé de les
ilélrir.
Après avoir exposé fidèlement les faits d e là cause, ils espèrent
démontrer deux choses : d’a b o rd , qu’il n’a existé ni concert frau
duleux, ni fraude , à l’occasion des actes attaqués; et qu’il ne peut
être question que d’exam iner, si les intimés se sont mépris sur la
véritable étendue de leurs droits ;
E t en second lieu , que leslactes attaqués, et notamment celui qui
a subrogé le sieur Félix Dumay à l'hypothèque légale du mineur
P ru n e y re , sont des actes valables, et doivent être maintenus.
!
FAITS.
ül
v
L e sieur P run eyre contracta mariage avec la demoiselle Thérèse
D u m a y , le 5 i mars 1825.
Les père et mère de la future lui constituèrent, en avancement
d’hoirie, un trousseau en valeur de 5 ,000 f r ., livré lors de la c é
lébration du mariage , et une somme de 20,000 fr . , exigible à la
volonté du futur.
Différents dons ou institutions d’héritier furent faits en faveur
du futur par la dame P u e l , sa m è r e , la dame M a lb e t, sa tante, et
le sieur Louis P runeyre , son aïeul.
L a dame D u m a y , épouse Pruneyre , décéda trois ans après son
m a riag e , laissant un seul enfant , mineur , sous la tutelle de sou
père. M. Jean-Baptiste Dumay , aïeul du mineur , fut nommé son
subrogé-tuteur.
Le sieur Pruneyre n’avait pas encore touché la dot de son épouse ;
mais peu d’années après il eut une occasion d’en faire emploi dans
son intérêt personnel.
11 acheta de M. de Séguin, une propriété située à Saint-GermainL em bron , connue sous le nom d’E n c lo s -d e -la -F o r ê t, moyennant
80,000 f r ., dont 20,000 fr, furent payés comptant, e lle s 60,000fr.
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- 4 -
restant, stipulés payables en cinq termes de 12,000 fr.lch a cu n ,
d’année en année.
L e sieur Pruneyre n’ayant pas les 20,000 fr. qu’il devait payer
immédiatement, réclama de M. D u m a y , son b e a u -p è re, la dot
promise à son, épouse, qui lui fut payée en argent ou en valeurs né
gociables ; il en donna quittance à M. Dumay le 20 octobre 1827,
par un acte sous seing-privé, soumis plus tard à l’enregistremerit ; et
les valeurs provenues de M. D um ay furent remises ou négociées
à M. de S ég u in , qui consentit la vente de l’E nclos-de-la-F orêt, le
a 3 du même mois.
1
Voilà donc , quand et comment a été payée cette dot que les
sieurs Croinarias et Rougier ont prétendu n’avoir jamais été reçue
par le sieur P r u n e y re ; cette somme de 20,000 fr. appartenait au
mineur P runeyre , et son père n’avait pu la toucher que comme
tuteur; d e là ^hypothèque légale du m ineur, dont il sera souvent
question dans le procès.
L e sieur P runeyre avait été obligé de contracter des emprunts
considérables, pour finir de payer le prix de son acquisition à
¡NI. de Séguin.
Notamment, le 17 février i 8 3 8 , il avait emprunté à M. Paul Roudelle, une somme de 2 5 ,000 fr. alors restée due à M. de Séguin ,
qu i, en la recevant, avait subrogé ce bailleur de fonds à scs p rivi
lèges et hypothèques, jusqu’à concurrence de la somme par lui
prêtée.
Cependant le sieur P r u n e y re , sur la fin de 184* j e t ,dans les
premiers mois de 1842, avait vendu, en détail, différents immeu
bles situés à Auzat-sur-Allicr. 11 avait accordé des termes éloignés
pour le payement des prix de ces diverses aliénations.
La dernière do ces ventes est du î q juillet 18 4 2 , et il parait que
dès cette é p o q u e , ou m ê m e auparavant, le sieur P runeyre avait
arrêté le projet d’une cession de ces prix de vente, aux sieurs C r o
inarias et R ougier , qui font assez volontiers des spéculations de
cette nature. Mais pour éviter un v o ya g e des deux associés, de
�Rioin à Saint-Germ ain-Lembron , le sieur R ouglcr fut chargé seul
de conclure cette affaire , et le sieur C-roniarias lui donna une p r o
curation datée, du 20 juillet i8/j2, qui l’autorisait à acquérir pour
lui et en<son nom, ou de compte ci-demi, diverses créances mon
tant à la somme de 17,8 11 fr., dues à M. Joseph Pruneyre par
plusieurs personnes , etc., dont il connaît les échéances ; p ro cu
ration qui l’autorisait à a cq u érir, à tel p r ix qu’ il aviserait , ci
p a yer comptant ,-ou à prendre des délais , etc.
En ellet, le 11 août 1842 , et par acte reçu V ern iè re , notaire à
Saint-Germain , P runeyre fit cession aux sieurs Rougier et C ro niarias d’une somme de 1 7 ,8 1 1 fr. à lui due pour divers prix de
ventes dont il est inutile de donner le détail ; ensemble des intérêts
desdites sommes, depuis qu’ils avaient pris cours jusqu’au payement
intégral;
L e sieur Rougier accepta la cession , tant pour lui que pour le
sieur CrOmarias.
./ J ç ..
11 est dit dans l’a c t c , que la cession est faite moyennant pareille
somme de 1 7,8 11 francs que ledit sieur Pruneyre déclare avoir
reçue de M. Rougier , ès-dite qualité , et dont il lui donne quit
tance..
\Y‘\ -uvi'süï
I/acte constate e niin , que le sieur P runeyre a remis au sieur
Rougier les grosses exécutoires des actes de vente dont le prix
faisait l’objet de la cession. ■
;
Ainsi d o n c , le sieur Cromarias donne pouvoir de p a yer comp
ta n t ; le sieur Rougier paye comptant le prix de la cession ; peu
importe qu’ils aient ou non réellement payé la somme entière de
1 7 ,8 11 francs;(peu importe le bénéfice que devait leur procurer
cette opération.
,n
Ce qu’il importe de retenir, c ’est qu’ils payaient comptant, quoique
les immeubles dont le* prix leur était cédé , fussent grevés de l’h y
pothèque légale du mineur P runeyre , de l’hypolhèque légale de la
dame Sadourny , seconde épouse du vendeur , et qu’ils ne pussent
pas l'ignorer. Llsl-cc par imprudence qu’ils agissaient ainsi? L ’on
�verra bientôt le contraire. D ’ailleurs , comment supposer une p a
reille imprudence de la part de deux anciens avoués ; aussi rompus
aux affaires que soigneux de leurs intérêts ?(Il faut donc le recon
naître , si les sieurs Cromarias et Rougier avaient payé com ptant,
c ’est parce que la position sociale du sieur P r u n e y r e , sa fortune ,
au moins apparente, le crédit dont il jouissait, leur avait inspire
comme à tous ceux qui le connaissaient, la plus solide confiance;
c ’est parce qu’ils étaient sans inquiétude sur sa solvabilité; et cepen
dant on les verra, plus la r d , prétendre que les frères Dum ay ne
devaient pas avoir la même confiance , et qu’ils devaient nécessai
rement connaître la situation fâcheuse de leur beau-frère
Q uoi qu’il en s o it , les sieurs Cromarias et R ougier voulaient
faire p urger les hypothèques légales qui grevaient les immeubles
aliénés par le sieur Pruneyre , et notamment celle de son enfant
mineur du premier lit.
'•»
■
C ’est en parlant de cette purge que les sieurs Cromariaset Rougier,
dans leurs observations, commencent à dénaturer les faits, à substi
tuer le mensonge à la vérité.
Ils disent d’abord , page 5 , que le prix de la cession du i1 août
18 4 2 , quoique quittancé dans l’a cte , ne devait être p a yép a r euæ
qu'après la purge de l’hypothèque légale du mineur. Comment
croire à cette allégation imaginée p our le besoin de la ca u se ,
si formellement démentie par les énonciations de l’acte authentique?
Ils disent ensuite :
« Le sieur P r u n e y r e , qu i était seul porteur des actes de vente,
sechargea de faire opérer cette p u r g e . . . L es pièces fu r e n t remises
à M* Bonnefoy , parent de la famille D u m a y , et avoué à Issoire. »
Les sieurs Dumay n’ont aucune connaissance personnelle de cette
partie des faits; mais il est évident pour eux , il le sera bientôt pour
la C o u r, que Pruneyre n'était pas chargé de faire opérer la p u rge ,
et que ce n’est pas lui qui en a donne la mission à M* Bonnefoy.
Il existe divers motifs pour le démontrer.
En g é n é ra l, le vend eu r, déjà payé du prix de la vente, n’a aucun
�intérêt à faire purger les hypothèques existantes sur l’immeuble vendu.
L e sieur Pruneyre nîétait pas se u l porteur des actes; la cession
constate qu’il en avait fait la remise au sieur Rougier.
i
L e sieur R o u g ie r , nanti des actes , était seul intéressé à p urger;
ce n’est pas le sieur P runeyre qui a fait choix de M e Bonnefoy ;
depuis long-temps , il avait pour avoué M* V ach er , et si la purge
eût été à sa charge , c ’est à Me V acher qu’il eut remis les pièces.
Lejsieur R o u g ie r , au contraire, avait alors de fréquentes rela
yons d’aflairesiavécM * Bonnefoy. C ’est lui qui chargea M e B o n
nefoy de faire cette p u rg e , et lui remit les actes. Une lettre du g août
18^2, écrite, de Riom, par le sieur R ougier à Ma Bonnefoy, ne laisse
aucun doute sur ce point."
M e Bonnefoy fit opérer la p u r g e , et suivant lui , c ’est d ’après
l’indication du sieur R o u g i e r , qu’il fit notifier l’acte de dépôt des
contrats de vente au .'sieur'Auguste D u m a y , receveur des hos
pices, oncle du mineur Pruneyre ,1 qui par erreur fut considéré
par le sieur R ougier
com m e subrogé-tuteur.
Celte notification était donc irrégulière en ce qu’elle était faite
au sieur Dum ay qui n’était pas subrogé-tuteur de son neveu ; elle
l’était encore, en ce que la damé D u m a y , première épouse du sieur
Pruneyre, n’y est pas indiquée sous son véritable prénom de T h crèze D u m a y , mais sous celüi de 'Joséphine.
Cependant les sieurs Cromarias et Rougier continuent ainsi : « le
sieur Dum ay n’avait pas cette qualité ; il garda cependant un
silence absolu sur Ferreur. I l avait ses projets , sans doute ; car
il était depuis ■
835 , caution avec son frère , et pour une somme
considérable , du sieur Pruneyre dont les affaires embarrassées
leur étaient nécessairem ent connues . »
t 1
La notification destinée au subrogé-tuteur n’avait pas été faite du
domicile du sieur D u m a y , mais bien au bureau des hospices dont il
était receveur , et en parlant à son em ployé ; le sieur Dum ay dé
clare que cette copie ne lui a jamais été remise, et voilà la cause na
turelle de son silence... Il est' cependant probable que s’il eût eu
�XI0
- 8-
connaissance de cette purge , elle iie>l’aurait nullement inquiété ni
pour les intérêts du mineur , ni pour les suites du cautionnement
qu’il avait donné personnellement au sieur Pruneyre; parce qu’alors,
comme les sieurs Crotnarias et R o u g ie r , il avaiu une confiance
entière dans la solvabilité de celui-ci , tandis qu’au contraire, s’il
eût eu connaissance des embarras et de la situationifâcheuse des
affaires du sieur Pruneyre, il aurait pris des mesures pour échapper
aux suites possibles de ce cautionnement ; il aurait dû faire plus ; et
quoique n’étant pas le subrogé-tuteur ; il aurait dû prendre une ins
cription pour conserver l’hypothèque légale du mineur j il y'/était
autorisé, comme p a r e n t , par l’art. 2 i 3 g du code civil, lir:-
r
i
L e sieur Dum ay n’avait donc pas ses p r o j e t s . . 11 ne pouvait en
avoir aucun. Ni lu i, ni son frère n’étaient e n c o r e les créanciers du
sieur P runeyre ; ils ne pouvaient avoiriaucun intérêt à ce que la
purge de l’hypothèque légale du mineur fût ou non faite régulière
ment. Pas d’intérêt, pas de fraude possible. Comment donc a-t-on pu
dire et imprimer que , dans un but d’intérêt personnel, et par suite
d’un concert frauduleux, l’un d’eux ci laissé croire aux acquéreurs du
sieur P runeyre qu’il était le subrogé-tuteur de son neveu , que tous
les deux ont vouluprofiter ensuite d’une erreur qu i est en quelque
sorte leur ouvrage ?
!-
: ;u
- ■
“.> i
ni'
Il faut donc le retenir ; puisque cctle.;nullitéide purge légale
est la base de tout système de fraude imaginé parles sieurs Cromarias
et Rougier , les frères Dum ay ont été complètement étrangers à
tout ce qui s’est passé à cet égard ; M. Bonnefoy n’a a g i, ni dû agir
pour eux qui n’avaient aucun intérêt ; il n’a point agi non plus pour
le sieur Pruneyre. Il n’a été l’instrumentique du sieur R ougier ; et
si la purge légale est nulle , le sieur Rougier ne peut l’imputer qu’à
lui-même.
;il
Nous devons maintenant ,' faire connaître les faits qui ont donné
naissance aux divers titres de créance des frères Dum ay contre le
sieur Pruneyre.
,j.
Ce dernier, grûccs ù une fortune apparente assez considérable, et
�à son second mariage avec mademoiselle S a d o u r n y , avait eu lo n g
temps un crédit très étendu ; il n’existait sur ses biens , aucune ins
cription ; et ces diverses circonstances lui avaient permis de faire de
nombreux emprunts , par lettres de change ou billets à ordre , dont
le plus grand nombre souscrit à la maison Comitis et Marche , qui
elle-même les avait donnés comme doublure , et par voie d’endos
sement, à ses bailleurs de fonds.
En avril i 843 * la maison Comitis tomba en état i de faillite ; les
nombreux créanciers de cette maison luttèrent de diligence pour la
conservation de leurs droits ; ceux qui étaient porteurs de la signature
du sieur P ru n e y re , d’abord rassurés individuellement, lorsqu’ils se
connurent tous , se trouvèrent si nombreux , que cette signature
devint presque sans valeur. L e sieur P runeyre était en état de décon
fiture; il devait plus de 25 o ,ooo fr.
'
;i, •
On conçoit qu’en présence d’un tel désastre , tous les créanciers ,
si cruellement désabusés sur.une solvabilité qui jusque-là n’avait été
douteuse pour p ersonne, durent prendre leurs mesures pour o b
tenir des titres authentiques, .d’ une manière amiable, ou par la voie
judiciaire, afin d’avoir des h ypothèques; et aucun d’eux n’y a
manqué.
.
Parmi les créanciers figurait la maison D u c h é -D u m a y -B o y e r , de
lliom , pour une somme de 14,000 francs, montant de trois lettres
de change souscrites depuis plusieurs années.
Quant aux frères D u m a y, ils n’étaient pas personnellement créan
ciers du sieur P runeyre ; mais ilsl’avaient cautionné , par voie d’aval,
pour une somme de 20,000 francs, montant de deux, lettres de
change par lui souscrites à M. Félix Ilouganne, le 20 novembre
i 8 5 5 ; ils avaient donc à courir la chance de p ayer le sieur Rouganne, sans obtenir un recours utile contre le sieur Pruneyre, prin_
cipal débiteur. 11 était de leur intérêt de prévenir un pareil résultat.
Ils payèrent donc la somme due au sieur R o u g a n n c , et deman
dèrent aimablement au s i e u r P r u n e y r e , ce qu’ils auraient obtenu de
la justice, sur une simple assignation : un litre hypothécaire.
�D ’un autre côté, le sieur Félix D um ay, qui avait fait prêter par la
maison dont il est l’associé, une somme de 14,000 francs au sieur
P r u n e y r e , voulait aussi un titre pour la somme qui était due à celte
maison ; mais par m alh eur, il ne lui était tombé suus la main que
deux des effets du sieur P runeyre , s’élevant à 10,000 francs; et
dans la persuasion qu’il n’étaitpas dù autre chose à la maison Duché,
il ne réclama de titre que pour les io',ooo francs. 11 avait oublié un
effet de 4 iOOO francs, dont le montant est absolument perdu pour
la maison D uché-D um ay-Boyer.
C ’est donc pour les 20,000 francs payés à II. R o u g a n u e , et pour
les 10,000 francs faisant partie de la somme due à la maison Duché,
que le 8 mai 1843 , le sieur Pruneyre souscrivit aux frères Dumay
une obligation de la somme de 3 o ,ooo francs, et cela, bien entendu,
sauf au sieur Félix Dumay à faire compte à sa maison de banque de
la somme de 10,000 francs.
,
A in s i, quoique l ’acte constate que l’obligation est causée pour
prêt fait des avant ce jo u r et hors la v u e des notaires , il ne faut
pas en conclure avec les sieurs Cromarias et Rougier, qu'il n’ était
rien dû a u x sieurs Dum ay , et qu’il s’agit d’un titre frauduleux ,
simulé entre le débiteur et ses deux beaux-frères, pour diminuer le
gage des créanciers légitimes.
r;>'
L e sieur Pruneyre avait donné une hypothèque sur scs immeubles
situés dans la commune d’Auzat, vendus depuis 1842 ( et q u i , par
conséquent, ne pouvaient plus êire hypothéqués par lui) et sur ses
immeubles de St.-Gcrmain-Lcmbron. Les frères Dumay prirent une
inscriptiou.
Quant aux autres créanciers du sieur P r u n e y re , ils avaient agi
judiciairement; trente-cinq jugements avaient été rendus à leur pro
lit par les tribunaux de commerce d’Issoire cl de C le r m o n t, qui
tous condamnaient le sieur Pruneyre au payement des effets qu’il
avait souscrits ; qui tous prononçaient contre lui la contrainte par
corps.
Il ne restait de disponible au sieur Pruneyre que la propriété de
�la Forêt, qu’il avait acquise de M. de Séguin ; la saisie immobilière
on fut faite en février 1844 > à l‘n requête du sieur P a p o n , l’un des
créanciers inscrits.
‘
f|' . ^
Les sieurs Dumay doivent ici déclarer hautemeut, que pour par
venir au recouvrement de leur créance, ils ont voulu faireUout ce
qui était permis par la l o i , tout ce qu’aurait eu le droit de faire lui—
même tel autre créancier du sieur P runeyre; et s’ils n’ont fait
qu’exercer un droit légitime , leur qualité de parents du sieur Pru
neyre et du sieur Cham bordon, ne saurait donner à leurs actes un
caractère de fraude qu’ils n’ont jamais eu.
L e sieur F élix Dumay a voulu exercer le droit qui appartient à
tout créancier de payer le créancier qui lui est préférable, à raison
de ses privilèges et h yp othèqu es, afin de se faire subroger aux
droits de ce créancier. Droit incontestable, puisé dans les lois r o
maines, connu dans notre ancienne législation sous le nom de droit
d ’ o ffr ir , et formellement reconnu par l’art. 125 i du code civil ;
droit qui peut être exercé contre tout créancier indistinctement,
majeur ou m ineur, capable ou incapable; droit enfin, pour l’exe r
cice duquel la loi n’a exigé aucune forme sacramentelle.
On a dit plus haut que le sieur Paul Roudelle avait été subrogé
aux droits de M. de Séguin sur la propriété de la F o r ê t , jusqu’à
concurrence d’ une somme de 2 5 ,ooo fr. Cette somme n’avait pas
été remboursée au sieur Roudelle ; et ce d e r n ie r , ne voulant pas
subir les lenteurs d’une saisie immobilière e t'd ’un o rd re , annonça
l’intention d’exercer son privilège de vendeur, et de demander lu
résolution de la vente consentie par le sieur Séguin à P ru n e y re , le
a 5 octobre 1827. Cette mesure eût été très préjudiciable à la masse
des créanciers.
Pour en prévenir les conséquences, le sieur Félix Dum ay fit des
offres amiables au sieur R oudelle, de lui payer sa créance avec
subrogation; sur le refus du s i e u r Roudelle, il lui fit faire des offres
réelles par le ministère d’huissier, e l l e 19 avril 1844 » le sieur
Roudelle lui donna quittance de la somme de 2G,4o5 fr. 5 o c ., qui
�lui était alors d u e , 'en principal, intérêts et frais, et le subrogea à
ses privilèges et hypothèques.
L e sieur Félix Dumay n’avait fait qu’exercer à l’égard du sieur
R o u d c lle , ce droit incontestable accordé par l’art. I 2 5 i du code
civil. Il crut qu’il était de son intérêt d’exercer le même droit à
l’égard du mineur P r u n e y re , et deise faire subroger à son h y p o
thèque légale. P o u r cela , il n’avait pas à s’inquiéter ni des droits
des autres créanciers du sieur P ru n e y re , ni de ceux des acquéreurs
des biens d’Auzut et des cessionnaires Cromarias et Rougier, ni de la
question de savoir si ces droits avaient été plus ou moins c o m p r o
mis par la négligence des tiers intéressés; il n’avait qu’une seule
chose à fa ir e , offrir réellement et payer la créance du m in e u r, et
en obtenir à l’amiable ou en justice, une quittance portant subro
gation.
Dans un état de choses ordinaire et n o rm a l, ces offres auraient
dû être faites au tuteur du mineur Pruneyre. L e sieur Dum ay
pensa q u e , vu les circonstances, il était plus prudent, et plus con
forme aux intérêts du mineur, de faire ces offres au subrogé-tuteur.
On en fera bientôt connaître les motifs.
Mais le mineur Pruneyre n’avait pas de subrogé-tuteur. L e sieur
Dum ay père , son aïeul m aternel, qui avait eu cette qualité , était
décédé en 1829 , et n’avait pas été remplacé. Aucune circonstance
impérieuse n’avait nécessité ce remplacement.
L e s choses ayant changé, il était urgent de nommer un subrogétuteur. Celte nomination , les frères D u m a y, et tous autres créan
ciers du sieur Pruneyre auraient pu la provoquer dans leur intérêt
personnel; mais avant tout, elle était commandée p a r le s intérêts
du mineur.
C e n’est pas les sieurs Dumay qui ont fu it procéder à cette no
mination; c ’est le sieur P r u n e y r e , c’est le luteur lui-même qui a
fait convoquer le conseil de fam ille, et si les deux frères Dumay y
ont figuré, c ’est comme plus proches parents maternels du mineur ,
désignés par la loi pour en faire partie.
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,3 _
Du reste, cette nomination d’un subrogé-tuteur était indispen
sable; l’article 420 du code civil exige qu'il y en ait un dans toute
tutelle.
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Mais il y avait de graves motifs pour se presser.
1 ..!)■
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L e sieur P r u n e y re , ruiné, exproprié de son dernier immeuble ,
courant le risque d ’ètre appréhendé au c o r p s , n’ayant plus rien à
sa disposition, ne pouvait plus subvenir aux charges de la tutelle ,
ni fournir aux besoins du mineur, à son entretien, à sa nourriture ,
à son éducation. L e sieur P runeyre était dans le cas d’ètre destitué
de la tutelle. Mais pourquoi cette humiliation inutile?
D ’une autre p a r t , il y avait évidemment opposition entre les inté
rêts du mineur Pruneyre et ceux de son tuteur. L ’expropriation du
sieur Pruneyre allait donner lieu à un ordre entre ses créanciers; il
fallait exercer à cet o rd re , dans l’intérêt du mineur, les droits r é
sultant du contrat de mariage de sa mère ; il n’était pas convenable
que le sieur P r u n e y r e , débiteur et partie-saisie, vînt en qualité de
tuteur, demander à cet ordre , et sur lui-m èm e, la collocation de
la créance de.son fils; il était encore moins prudent de laisser passer
entre scs mains le montant de la collocation. Il fallait enfin prendre
des mesures, pour qu’à l’avenir les revenus du mineur fussent e m
ployés à ses besoins et à son éducation.
Dans la délibération du 22 mai 1844 ; Pnr laquelle le sieur Cliambordon fut nommé subrogé-tuteur, on ne pouvait énoncer tous ces
motifs peu favorables au tuteur, mais le sieur Pruneyre y expose
nu conseil de famille, qu’il a des intérêts opposés à ceux de son fils à
exercer immédiatement, et qu’il y a lieu de procéder à la nomina
tion d'un subrogé-tuteur, leq u el devra être autorisé à exercer les
actions immobilières du m ineur, soit dans la recherche des biens
et droits de sa m è r e , soit pour tous actes d’administration ou
autres , dans lesquels il se trouverait lui-même empêché.
Après cet exposé, le conseil do famille nonune subrogé-tuteur le
sficur C h am b o rd o n , oncle par alliance du m iucur, qui accepte le
onctions et prête serment.
�T e l est cet acte nécessite par les intérêts du mineur
ont été l’ objet.
qui seuls en
i'
Laissons les sieurs Cromarias et Rougier chercher les moyens de
prouver à la Cour, q u e, comme ils le prétendent, cet acte est frau
duleux, et continuons le récit des faits.
Le conseil de famille du mineur Pruneyre avait du v o ir dans la
nomination du subrogé-tuteur, la substitution de ce dernier, comme
administrateur de laifortune du m ineur, à un tuteur qui ne pouvait
plus administrer. Dans son exposé au conseil de famille , le sieur
P runeyre l’avait compris, l’avait ainsi voulu lui-m êm e; après avoir
pourvu à la surveillance des droits et des intérêts de son fils, le sieur
Pruneyre , sans domicile comme sans profession , devait quitter
l’ Auvergne pour se soustraire à des menaces de contrainte par corps.
Il ne tarda pointa seifixer à Paris.
. ¡,
Mais le subrogé-tuteur n’avait à sa disposition aucune ressource
appartenant au mineur; ce jeune homme , depuis plusieurs années,
avait été placé par son père à Montpellier , dans la maison d’un mé
decin, chargé de soigner sa santé et de pourvoir aux frais de son en
tretien, de sa nourriture et de son éducation . les frais de sa pension
dépassaient 2000 francs par année.
Pour y p o u r v o ir , il fallait attendre les ressources lointaines qui
devaient provenir au mineur de sa collocation sur le prix des biens
de son p è r e , et subir les lenteurs ordinaires d’un ordre qui pouvait
se compliquer d’incidents ; le procès actuel en est la preuve.
D ’un autre côté, le sieur Félix Duinay avait le droit et la volonté
de payer le mineur Pruneyre , pour se faire subroger à son h y p o
thèque légale.
Pour y parvenir, il devait payer la créance du mineur P runeyre,
en l ’acquit du sieur Pruneyre qui en était le seul débiteur? Devaitil, pouvait-il convenablement l'offrir et la payer au sieur Pruneyre
considéré comme tuteur, ayant seul capacité pour administrer et pour
recevoir les capitaux mobiliers du mineur? 11 en pensa différemment;
il trouva plus p ru d en t, pour son intérêt personnel et pour celui du
�xyy.
-< i5 —
mineur, de s’adresser au subrogé-tuteur , sauf à prendre des garan
ties pour assurer au mineur la conservation de sa c r é a n ce , afin qu’il
pût la recevoir intacte au moment de sa majorité ; afin que les r e
venus du mineur pussent être annuellement perçus et employés à
ses besoins jusqu’à cette époque.
1
.
¡m n
Dans cette pensée, le sieur Félix Dumay s’adressa au sieur Cham
bordon, pour obtenir à l’amiable, de lui, une subrogation qu’il aurait
pu obtenir de la justice, après des offres,,réelles et sur assignation.
En conséquence , et le 29 mai 1844 > ^ ful
entre le sieur
Ghambordon agissant comme subrogé-tuteur , et le sieur D um ay,
un acte dans lequel :on l’appelle des faits incontestables , l’état de
déconfiture du sieur P runeyre , la position fâcheuse du mineur,
l’embarras o u , pour mieux d ir e , l’impossibilité du subrogé-tuteur
de faire les avances nécessaires à ses besoins et à son éducation , et
l’on ajoute :
. j.:
i° Q ue le sieur Dum ay , voulant aider le sieurn Chambordon,
dans les m oyens de faciliter les dépenses nécessaires à l’éducation et
aux besoins de leur neveu co m m u n , tout en assurant au mineur
la perception du capital de sa créance, à l’époque de sa majorité,
a présentement p ayé comptant , pour et en l’acquit de M. P r u
neyre père , son beau-frère, au sieur Ch am bordon, ce acceptant eu
qualité de subrogé-tuteur du mineur Pruneyre, la somme de 25 ,000
fr. e t, de laquelle somme ledit sieur Chambordon donne quittance
au sieur Dumay payant de ses deniers personnels, pour ledit sieur
Pruneyre père ;
ül
...
20 Q ue le sieur Chambordon , en la qualité qu’il a g i t , subroge le
sieur Dumay dans les droits, privilège etihypothèque légale du mi
neur Pruneyre contre led it sieur Pruneyre père , jusqua co n cu r
rence de ladite somme de 23,000 fr.;
5 " Q u e cette somme de 20,000 fr. sera immédiatement versée à
la caisse des consignations , par ¡VI. C h am bo rdo n , en qualité de su
brogé-tuteur , pour y rester jusqu’à l’époque de la majorité du
mineur , et avec déclaration que cette somme est la propriété du
�% r*
_
,6 -
m ineur, et que les intérêts annuels de ladite somme seront touchés
par ledit sieur C h am b o rd o n , pour les employer aux besoins ¡du
mineur jusqu’à sa majorité;
>J:- :ü
j.
iq
4® Enfin , que M. Chambordon se charge de faire compte au
mineur Pruneyre de la différence d’intérêts qui existe entre le taux
de la caisse des consignations, et le taux légal en matière du prêt.
E t en effet, le lendemain même de cet acte, le sieur Cham bordon
versa la somme de 25 ,ooo fr. à la recette générale de C le n n o n t ,
avec toutes les déclarations nécessaires pour en garantir la propriété
au mineur/'
r
•
■
' •'
>11
]N'ous devions faire connaître les clauses de cet acte que l’on
cherche à dénaturer , en le qualifiant de cession illégale des droits
du mineur P ru n e y re ’j par un subrogé-tuteur qui n’avait point capa
cité pour la faire. On y verra que les intérêts du mineur ont été
soigneusement conservés; que cet acte lui a procuré des ressources
immédiates ; qu’il ne s’agit pas d’une cession, mais d’un payement
accepté; que cet acte n’est entouré'd’aucune circonstance qui puisse
ressembler à la’fraude; ét'qu’en droit, il reste seulement à examiner
si le payement a été régulièrement fait, si la subrogation qui en a
été la suite est valable.
1(1
n , ¡n
Cependant la saisie-immobilière de l’enclos [de la F orêt avait cté
poursuivie à la requête du sieur Papou , par le ministère de M®
Bonnefoy, son avoué. L ’adjudication définitive était fixée au 6 juin
1844 > et trcs Peu d c temps avant cette époque le sieur Papon était
décédé. Il existait donc une saisie immobilière , sans créancier
poursuivant. Il importait d’éviter les lenteurs d’une nouvelle p r o
cédure , les frais de nouvelles appositions d’afiiehes, et le siéur Félix
Dtimay , conformément à la l o i , et le jour même fixé pour l’adju
dication, se subrogea à la poursuite com m encéc'par le sieur Papon ;
il ne crut pas devoir charger un autre avoué d’une procédure qui
louchait à sa fin, qui avait etc faite par i\I. Bonnefoy sous sa respon
sabilité, dont toutes les pièces étaient en son pouvoir; c’est pour cette
cause toute naturelle, que plus tard , lorsque les sieurs Cromarias
�c l Rougier.ont attaqué de fraude tous les titres de créance des frères
D u m a y , ceux-ci'ont chargé ¡VIe Bonnefoy du soin de leur défense;
comment donc les adversaires peuvent-ils voir un nouvel élément
de fraude dans cette circonstance insignifiante , en rappelant à chaque
ligne la parenté de M" Bonnefoy et des sieurs D u m ay? Q u a n ta
M* Bonnefoy y si violemment attaqué dans sa delicatesse , dans<sa
probité d’ofiiciér.iministcriel, par ses anciens clients, pouvait-il
avoir quelque motif sérieux ou même de simple convenance pour
ne pas accepter la confiance des frères Dumay ?
jXous ne pouvons terminer le récit des faits de cette cause sans
dire un meit d’une dernière circonstance que les sieurs Cromarias
et Rougier ont voulu rattacher au procès, quoiqu’elle soit fort indif
férente.
V r,n;3Î.:
. "¡•.S'
ils disent , p a g p 'io ,'que le payement fait au sieur Chambordon,
n’était pas utile au mineur, puisque les 23 ,o o o fr. versés n’ont
jamais servi à ses dépensesiquoique ce fût le prétexte donné dans la
quittance; et ils ajoutent, que ce prétexte était d’autant plus faux,
que le 26 janvier 1845, le conseil de fam ille, où assistèrent, soit le
sieur Chambordon, soit le sieur Félix D u m a y , autorisèrent le tuteur
à emprunter 1 , 3oo fr. pourifairc face aux dépenses de l’éducation
du mineur.
I
>oq
La circonstance de cet emprunt peut s’expliquer facilement ; la
somme de 25»ooo fi\ était un capital auquel le subrogé-tuteur ni le
tuteur lui-même ne devaient pas toucher; l’acte du 29 mai 1844-»
et la quiltance du versement, indiquaient même que celte somme
devait resterjù la/caisse des dépôts et consignations jusquà la ma
jorité du mineur Pruneyre. Les intérêts seuls de celle somme de
vaient être touchés par le subrogé-luieur, pour faire face aux besoins
et à l’éducation du mineur ; o r , celte somme 11’avait été versée que
le 5o mai 1844- > losjinlérêts ne pouvaient être exigés d e l à caisse
que le Zo mai 184 5 , cItI’oxi¡n’élail encore qu’au mois de janvier. Il
n’y avait aucune ressource présente applicable aux besoins du mi
neur. Voilà la t'ause de ce projet d’e m p r u n l, car il n’a point été
3
�H W °-
-
,8 -
réalisé. L e sieur Félix Dumay fit Fayanco de <ln pension de son
neveu ; il a fait depuis beaucoup d’autres avances dans l'intérêt de ce
dernier. ; > .ri ¡1
n — >vi)i.
-I unob juuuiiu«
Du reste ,1le sieur Félix Dumay n’ayant comparu que par un man
dataire à cette assemblée de famille, n’a pu y faire connaîti’e le paie
ment qu’il avait effectué au sieur Cliambordon, le 2g mai 1 844 î cl
quanti au sieur Chambordon , c ’est par erreur que: l’on a dit qu’ il y
était présent. Il ne faisait point partie du conseil de famille, ij u 1.
.jqoooi» <hr
Il nous reste peu de faits à rapporter. 'iir¡ifn«o
L ’adjudication de l’enclos de Laforêt avait'eu lieu l e 6 juin: 184 4 »
et un ordre avait été ou ve rt, sur le prix , aii* tribunal d’issoire:
Les frères Dumay y avaient produit pour demander la colloca
tion de l’obligation de 5 o , o o o , du 8 mai 1 8 /f5 ; le sieur Félix Dumay
avaitiaussi demandé la collocation de la somme par|lui pavée au
sieur Rondelle.
j . i:
;un
Il est vrai qu’il n’a point demandé à être colloqué en vertu de l’hypolhcque légale du mineur Pruneyre, pour la sommé de 23,000 fr.
à laquelle il avait été subrogé; agir ainsi eût été diamétralement
contraire à ses intérêts ; le sieur Dumay ne pouvait espérer la collo
cation de sa créance de 5 o,ooo f r ., qu’autant que l'effet de l’h yp o
thèque légale du mineur ne s’exercerait pas sur les biens dont le
prix était en distribution.
)■
"‘j i.
jiíó
Il est encore vrai que dans la même pensée, et sans s’occuper des
intérêts des tiers, mais dans le but de recouvrer unoicréance légi
time , qu’il était peu disposé à perdre , quoique beau-frère de son
débiteur, il a dégrevé l’enclos de Laforêt de l’inscription prise en
vertu de cette hypothèque légale, pour la faire peser uniquement
sur les autres biens du sieur P runeyre/¡ü: ■
»
Les choses étaient dans cet état, lorsque les sieurs! Rougier et
Crom arías, assistés de quelques-uns des acquéreurs des immeul.les
d’Auzat-sur-Allicr , sont intervenus dans l’instance d’ordre * par une
requête du 14 lllf|rs i8/(5 , suivie d’ordonnance et d’assignation aux
frères Duinny , au sieur Chambordon et au sieur P runeyre; aprè>
�— >9 —
avoir présente les f;iils dans le sens passionné de leur intérêt, en les
accompagnant d’allégations plus ou moins mensongères , ils ont de
mandé la nullité des différents actes qui constituent la créance des
frères D u m a y , comme faits en fraude de leur droit; cette fraude
aurait été concertée entre les quatre beaux-frères, assistés de M e Bon
nefoy , dès l’acteide notification fait par les soins de cet avoué , pour
p u rge r I’hypothcquo;légale du mineur P r u n e y re ; elle aurait été
consommée par la quittance du ag mai 1844, qu’ils qualifient de
cession illégale dqs.droits d é m in e u r P runeyre.
t u '.
Ils ont pareillement assigné l'adjudicataire de la propriété de la
Forêt et le premier créancier inscrit en assistance de cause.
r
L e 27 juin , 1,845 * les frères Dumay ont fait signifier des conclu
sions contenant, leurs ¡moyens de défense; ils ont demandé le rejet
de loutes¡les demandes formées par les sieurs Cromarías ot R o u g ier,1
et! la suppression de la -requête
du
14 mars
i 8 4 5 , comme
calomnieuse.¿ovin'' ib
■: ■ilitou
M. Bonnefoy est intervenu dans l’instance , et a pris des conclu
sions personnelles contre les sieurs Cromarias et Rougier.
C ’esL dans cet état ,•■que le 3 décembre i 8 4 5 , jour fixé pour la
plaidoirie, les adversaires firent prendre, p a r le u r a v o u é , des
conclusions contenant le développement de leur demande, et qu’a-*
près avoir entendu les plaidoiries des avocats des intimés et de
M. Boiinefoy , ainsi que le ministère public , le tribunal a rendu un
jugement qui déclare les sieurs Cromarias et Rougier purement et
simplement non recevables dans leurs demandes , et les en déboule ;
ordonne, en outre , la suppression de la requête du 14 mais 1 8 4 5 ,
en ce qui concerne les frères Dumay ; statue ensuite sur l’intervention
et la demande de M. Bonnefoy, et condamne les sieurs Cromarias
et Rougier aux dépens envers toutes les parties.
L ’appel de ce jugement fait r e v iv re , à la vé rité , toutes les ques
tions qui avaient été'soumiscs aux premiers juges ; mais les obser
vations que 11011s avons déjà faites nous permettront de nous expliquer
rapidement sur les imputations de fraude dirigées contre les frères
�D u m a y , et de consacrer principalement cette réponse à l’examen des
questions de droit posées par les adversaires.
D IS C U S S IO N .
'"
L ’exposé qui précède doit avoir démontré la certitude de plu
sieurs points qui doivent rester désormais liors de contestation ,
savoir :
i:
Q ue les frères Dumay n’étaient point créanciers du sieur P r u
n e y r e , lorsque les appelants ont fait p u r g e r , en 1842, l’hypothèque
légale du mineur Pruneyre ;
Q u e , n’ayant aucun intérêt à empêcher la purge de celte h y p o
thèque lé g a le , ils n’ont pu directement ni indirectement influer sur
la régularité de la procédure faite à cel égard par les appelants;
Q u e le sieur Auguste D u m a y , n’ayant pas reçu la copie de la
notification à lui faite sous une fausse qualité de subrogé-tuteur, n’a
pas même à se faire le reproche de 11’avoir pas prévenu les sieurs
Cromarias et Rougier de leur e rreu r;
Q ue le mineur Pruneyre était réellement créancier de son père ,
d’une somme de 23,000 francs; que celte somme avait servi aux
besoins personnels du sieur P runeyre , et que ce dernier avait fait
connaître l’hypothèque légale de son fils, soit aux appelants, lors
des ventes qu'il leur a consenties, soit aux frères D u m a y , lors de
l’obligation du 8 mai 184 5 ;
,i‘
Que cette obligation du 8 mai 1845 est sincère , et que les frères
Dumay étaient créanciers sérieux et légitimes du sieur Pruneyre ;
Que la nomination d’un subrogé-tuteur au mineur P runeyre était
devenue indispensable; qu’elle 11’cst pas l’œ uvre des frères D u m a y,
mais bien du tuteur lui-même , qu i, devant le conseil de famille , a
déterminé très-expressément la cause cl l’objet de celle nomination,
ainsi que les attributions ou les pouvoirs qu’il étail urgent de conférer
an subrogé-tuteur.
11 est donc inutile d’examiner, de discuter des questions de fraude
�qui ne sc présentent réellement pas dans la cause; qui ne sont décélées par aucun in d ice , par aucune présomption sérieuse ; et nous
devons aborder immédiatement les véritables questions du procès ,
qui consistent à rechercher i° si l’acte fait le 2g mai 1844 > entre le
sieur Chambordon et le sieur Félix Dumay , est un acte valable; si
le sieur Charbordon , comme subrogé-tuteur, a eu capacité pour
recevoir et quittancer la créance du mineur; s i, par suite , le sieur
Félix Dumay se trouve valablement subroge à l’hypothèque légale
du mineur ;
<
20 Quels sont les droits que cette subrogation à l’hypothèque
légale du mineur Pruneyre , a dû conférer au sieur Félix Dumay ?
,1»
;T
PREM IÈRE Q U E STIO N .
Sans contredit, le but et l’intérêt des sieurs Cromarias et Rougier
était bien d’affranchir les immeubles dont le prix leur a été cédé , de
l’hypothèque légale du mineur P runeyre; ils avaient payé comptant
le prix de la cession à eux faite, soit parce que c ’était un plus sûr
moyen de réaliser un gros bénéfice, traitant avec un vendeur qui
avait besoin d’a r g e n t, et qui en avait fait une condition de la cession ;
soit parce que la solvabilité apparente de ce vendeur les avait com
plètement rassurés; ils avaient purgé l’hypothcque légale du mineur,
avec la certitude que son tuteur ne ferait pas inscrire cette h y p o
thèque légale , quoique l’art. 2 «56 du Code civil lui en fit un devoir
impérieux. Ils agissaient donc en cela d’accord avec le sieur P ru
neyre , et en pleine connaissance de cause, d’une manière évidem
ment nuisible au mineur, puisqu’ils voulaient le priver des effets de
celte hypothèque sur les immeubles patrimoniaux de son p è r e , qui
en étaient le plus anciennement grev é s; c ’est-à-d ire, le priver de
son gage le plus certain et le moins sujet à contestation.
Cependant, les sieurs Cromarias et R ougier s’érigent aujourd’hui
en protecteurs, en sévères gardiens des intérêts du mineur P ru
n eyre; ils ne s’attachent p a s , dans leur m ém oire , à prouver que
�Pacte du 29 mai i 844 a porté-atteinte à leurs droits personnels, en
ce qu'il aurait rendu leur position plus mauvaise qu’elle n’était au
paravant, en ce qu’il aurait compromis quelque droit qui leur ap
partenait. Us attaquent cette convention , comme ayant compromis
les droits du m ineur, comme en étant une aliénation illégale, et
comme ne lui ayant pas profité.
r -
Les frères Dum ay soutiennent d’abord que les sieurs Cromarias
et Rougier n’ont ni droit ni qualité pour critiquer cet acte; les in
térêts du mineur Pruneyre ne sont point placés sous leur sauvegarde;
ils ne sont pas ses tuteurs; ils ne sont pas même ses créanciers , et
n’ont aucun caractère pour exercer les droits qui lui appartiennent.
Cet acte ne pourrait être valablement attaqué que par le tuteur
lui-même , par le conseil de famille ou par le ministère p u b lic , s i ,
pour e u x , il en résultait la preuve que les intérêts du mineur ont
été compromis.
-■ jvjOjflJ 1 J'î u -
Jü'
Les appelants ne peuvent pas se plaindre, d’ailleurs , que cet acte
ait changé leur position. Avant comme après cet a c t e , les immeu
bles par eux acquis étaient grevés de l'hypothèque légale du mineur;
en supposant que cet acte fût annulé, le mineur reprendrait certai
nement tous les droits que cet acte a conférés au sieur D u m a y , et
pourrait les exercer de la même manière que lui.
Sous aucun rapport, les adversaires n’ont donc qualité pour cri
tiquer l’acte du 2g mai 1844*
S i, cependant, nous admettons comme simple hypothèse que les
sieurs Cromarias et R ougier aient réellement qualité pour critiquer
cet a c t e , nous devons , pour établir sa va lid ité, l’examiner et le
discuter sous trois points de vue différents : respectivement au m i
n e u r, respectivement;iau sieur Chambordon , respectivement au
sieur Dumay.
• h ■
Respectivement au mineur, la seule chose à considérer, est de
savoir si le résultat de cet acte a été de compromettre scs intérêts ,
de lui enlever quelque partie de ses droits ou de sa créance; et si
telle est la position faite nu m ineur, la Cour doit s’empresser d’ané-
�-
tfg f
23 _
antir l’œuvre (l’un subrogé-tuteur qui a complètement méconnu ses
d evo irs, qui a sacrifié les intérêts de son pupille.
¡jMais le résultat de l’acte du 29 mai
*
1844
a été tout contraire ;
011 ne conteste pas que le mineur a'.reçu toute la créance qui lui
appartenait; qu’il l’a reçue immédiatement, tandis que les autres
créanciers Pruneyre attendent, pour recevoir leurs cré a n ce s, la
clôture définitive d’un ordre. Ou neiconteste pas la solvabilité de
la caisse des consignations, qui a reçu la créance du mineur en dépôt.
Ce que l’on conteste, c ’est la capacité de la personne qui a reçu la
somme pour la verser à la caisse ; le payement fait au subrogétuteur , la consignation opérée par l u i , ne suffisent pas aux appe
lants, pour garantir les intérêts du mineur; le payement devait être
fait.au tuteur, seul capable d ’administrer et de r e c e v o ir ;... et quand
cela serait, où serait donc le préjudice causé au mineur? sa créance
en est-elle moins assurée? le versement à la caisse des consigna
tions en est-il moins avantageux pour lui? qu’importe que la somme
ait été versée par la main du tuteur, plutôt que par celle du sieur
Chambordon , pourvu que la somme ait été réellement ve rsé e , et
qu’ elle soit la propriété du mineur? iComment peut-on dire , que
ce payement n’a point été utile au mineur 1 lorsque les intérêts de
la somme déposée , perçus annuellement par le subrogé-tuteur ,
sont employés à ses besoins? que même , il lui a été nuisible , en
ce que le taux de la caisse des consignations est inférieur au taux
lé g a l, lorsque le subrogé-tuteur, s’est obligé lui-même à payer au
mineur la différence , faisant un sacrifice personnel, pour garantir
à son pupille la conservation de tout ce qui lui appartenait?
Du reste le tuteur, lui-même , et le conseil de famille ont connu
l’acte du 29 mai 1844 > cl ne l’ont point attaqué ; cet acte avait réa
lisé les prévisions énoncées dans la délibération du conseil de fa
mille du 23 mai 1 8/j4Les intérêts du mineur n’ont donc été 111 sacrifiés , ni même lé
gèrement compromis ; aucun motif de ce genre
annuler l’acle du 39 mai 1844 j cl
ne peut faire
^aul 1° reconnaître, ce sont
�— 24 —
bien les intérêts du m ineur, qui doivent, dans celle question,
préoccuper le plus les magistrats.
Respectivem ent au sieur Cham bordori.., il avait capacité pour
re ce vo ir et quittancer valablement la somme due au mineur P runeyre.
Pour établir le contraire , les sieurs Cromarias et Rougier , fei
gnant d’ignorer les circonstances qui ont précédé la nomination du
sieur Chambordon , comme subrogé-tuteur , rappellent des prin
cipes que nous nous garderons bien de contester, mais ils en font
une fausse application à la cause.
A in si, disent-ils, page 7 , le subrogé-tuteur n’a point le pouvoir
d’aliéner , même une valeur mobilière appartenant à son mineur ;
d’après l’article 4 2o du code c i v i l , ses fonctions consistent à agir
pour les intérêts du mineur, lorsqu’ils sonl en opposition avec ceux
du tuteur; mais ce droit d’agir n’est qu’un droit de surveillance ,
qui ne l’autorise pas à s’immiscer dans l’administration des biens
du mineur.
Ils citent les paroles du tribun Muguet , et le tribun Leroi qui
disait : qu’il est possible que le tuteur ait des intérêts communs en
opposition avec ceux du m in e u r , et qui ajoute que le législateur
ne devait pas laisser ht jid élité a u x prises avec [intérêt ; ils
citent les opinions de MM. Magnin et de Frérninville , qui ne font
que confirmer la capacité du subrogé-tuteur dans l’espèce qui nous
occupe.
On ne saurait contester ces principes. Mais l’article 420 11’a fait
que poser une règle générale , lorsqu’il a dit que les fonctions du
subrogé-tuteur consistent à agir pour les intérêts du mineur lors
qu’ils seront en opposition avec ceux du tuteur. La loi n’a spécifié
aucun cas; elle a laissé à la sagesse des tribunaux l’appréciation des
circonstances dans lesquelles le subrogé-tuteur aurait agi. Rem ar
qu on s, toutefois, que ce n’est pas sans intention que la loi se sert
du mot agir ; elle n’accorde donc pas seulement au tuteur des fonc
tions de surveillance et de prétention ; elle lui a cco rd e , encore ,
�~ *5 _
% % y.
une action; et ccltc action, il peut l’exercer amiablement ou judi
ciairement, toutes les fois que les intérêts du mineur sont en oppo
sition avec ceuxtdu tuteur
non seulement il le p e u t , mais encore il
le d o it , et c ’est ce que M; de Frém inville, au numéro 160 cité par
les adversaires, qualifie d 'obligation imposée au subrogé-tuteur,
de défendre les intérêts d u 1m ineur , quand ils sont en opposition
avec ceux duituteuri
Ji
‘
u.
Le tribun Leroi donne cette action au subrogé-tuteur , lorsque
le tuteur a des intérêts communs en opposition avec ceux du m i
neur. A in s i, par e x e m p le , dans une instance en partage ou en
compte, le tuteur et son pupille peuvent avoir des droits respectifs,
des rapports et prélèvements à faire ; le tuteur pourrait a g i r , p ro
céder ou conclure dans un sens nuisible au m ineur, en servant son
intérêt personnel ; la loi veut que le mineur soit représenté et d é
fendu par un autre que le tuteur; elle p r é v o i t , dans sa sollicitude ,
i ;
#
j
‘.V
que le tuteur peut céder à des tentations coupables; elle ne veut pas
laisser sa fid élité a u x prises avec son intérêt; l’action du subrogétuteur peut seule empêcher ce résultat prévu par le législateur.
Si au lieu d’avoir des intérêts communs en opposition avec ceux
du tuteu r, le mineur a des intérêts absolument contraires ; si le
..
w,
ivui
.
tuteur ruiné doit au mineur des sommes considérables, devenues
exigibles^; s’il est urgent de prendre des mesures ^pour en assurer
la conservation et le remboursement, on ne doit pas s’attendre à ce
que le tuteur agisse contre lui-même; dans un cas semblable , il
1
° j /’
.
I i-l
doit cesser momentanément ses fonctions de tuteur, et le subrogétuteur doit en être investi. La loi ne permet pas que le mineur cesse
un seul instant d'être défendu ct( protégé ; le subrogé-tuteur doit
donc agir contre le tuteur empêché d’a g ir , de la même manière
que le tuteur agirait lui-même contre un étranger, dans l’intérêt du
m ineur. 11 peut et doit administrer toute aflairc dans laquelle le
mineur n’a à discutcrquc contre son tuteur; il peut, par conséquent,
4
�HW
-
»6 _
recevoir une créance; et la quittancer, lorsqu’elle est due par le
tuleur lui-même , tombé en faillite ou déconfiture,
h*1
îno-ii:
Si le tuteur est exproprié , et qu’umordre soit ouvert sur le prix
de ses biens , il est évident qu’il est du devoir du subrogé-tuteur
d’y produire ; et d’y demander la collocation des créances du mi
neur; c ’est à lui'que doit être délivré le bordereau de collocation ;
c ’est lui qui doit en recevoir le montant dans l’intérêt du mineur ;
il peut dès-lors le quittancer valablement. Dans un cas semblable ,
on ne saurait admettre , sans compromettre les intérêts du mineur,
que la collocation puisse être demandée et obtenue par le tuteur
qui eât en même temps débiteur et partie saisie; que la créance du
jnineur soit reçue et quittancée par le tuteur exproprié , qui ne
présente plus aucune responsabilité.
E n faisant l’application de ces principes à la c a u se , on trouvera
que le sieur Chambordon avait reçu de la loi la capacité de rece
vo ir et quittancer, en sa qualité de subrogé-tuteur, la créance due
au mineur P r u n e y r e , par son tuteur. Cette cap acité, il la tenait,
en co re, de la délibération du conseil de famille du 22 mai 1844 >
qui l’avait nommé; délibération q u i , d’après le vœu du tuteur luimême , l’autorisait à e x erc er les actions immobilières du m ineur ,
soit dans la recherche des biens, et droits de sa mère , soit pour
tous actes d ’administration , ou autres , dans lesquels le tuteur
se tiouverait lui-m èm e em pêché .
O r , qu’a'fait le subrogé-tuteur, autre chose qu’un acte de bonne
administration , en recevant la créance du mineur , amiablement,
et d’un tiers, au lieu d’en poursuivre le recouvrement en justice.
IS’a-t-il pas fait un acte de bonne administration , en versant cette
somme à la caisse des consignations, comme propriété du mineur?
L e résultat de l’acte du 29 mai 1844« a é t é , sans contredit,
d’asstucr au mineur la somme entière de 2},000 fr. qui lui était
d u c , tandis qu’à l’o rd re , sa créance pouvait être contestée, sans
aucun droit, sans doute; mais enfin, elle pouvait l’être, surtout si
quelque créancier eut imité les sieurs Cromarias et Rougier, q u i,
�— 27 —
«
sans aucun fondement, onl allégué dans leur demande et dans.leurs
conclusions, qu’il n’était rien du au mineur P n in eyre;!q u e son père
n’avait jamais reçu la dot de son épouse^ et qne'la quittance de
cette dot ,i fournie au sieur D u m a y , son beau-père, était fraudu
leuse ou simulée.
Les adversaires proclament le principe que le subrogé-tuteur
n’a le pouvoir ni de céder ni d’aliéner les droits du mineur; mais
ce qu’ils appellent une cession illégale, n’est que l’acceptation d’uu
payement que le subrogé~tuteur pouvait recevoir du débiteur luimêinc, et qu’il a pu re cevo ir d’un tiers, payant en l’acquit du d é
biteur. Au lieu d’aliéner la créance du m in eu r, il n’a fait qu’en
opérer le recouvrement; il l'a réalisée, et l’a certainement con
servée, en la déposant à la caisse des consignations.
Quant à la subrogation du sieur Félix D u m a y , à l’hypotbèque
légale du mineur, le sieur Chambordon avait le droit de l’accorder,
puisqu'il représentait le mineur, e lq u ’ilavait mandat de recevoir pour
lui; cette subrogation, môme purement conventionnelle, était au
torisée par les'art. 1249 et * 25 o du code civil; elle devait êlretune
condition expresse du payement fait par le sieur D u m a y , qui payait
pour le sieur P r u n e y re , et qui ne pouvait vouloir payer sans ob
tenir cette subrogation. Cette subrogation devait, d’ailleurs, s’o
pérer légalement et malgré le sieur Cham bordon, comme on va
le démontrer bientôt; cette subrogation , enfin, ne pouvait causer
le moindre préjudice au mineur, qui recevait en compensation le
montant intégral de sa créance.
En résumé, l’acte du 29 mai 1844 a etc , de la part du sieur
C h am b o rd o n , un acte de sagesse et de bonne administration dans
l’intérêt du mineur.
Respectivem ent au sieur F é lix Dumay , . . . . cet acte n’est pas
moins valable; le sieur Félix Dumay , tout en facilitant au subrogétuteur les moyens de réaliser les ressources nécessaires à son neveu,
a voulu exercer, dans son intérêt personnel, un droit qui lui appar
tenait ;
il
�%<f
-
23 -
Lorsqu’un débiteur est insolvable, c ’est-à-dire , -lorsque la valeur
des biens qu’il possède est de beaucoup insuffisante pour acquitter le
montant de ses dettes, il est indispensable que quelqu'un soit exposé
à perdre tout ou partie de sa créance; les créanciers examinent leur
position; la nature des créances et l’état des inscriptions leur ap-!
prennent les chances qu ’ils ont à courir; il leur est permis alors
d’exercer tous les droits que la loiimet à leur disposition pour amé
liorer leur sort, pour obtenir que leur créance soit utilement colloquée. Ils peuvent le faire sans être tenus d ’en prévenir les autres
créanciers, qui pourraient exercer les.mèmes droits avant eux , ou
concurremment avec eux. Ils peuvent le faire sans blesser la déli
catesse , et surtout sans pouvoir cire taxés de frau d e , parce qu’ils
n’agissent que pour la conservation de la chose qui leur est légiti
mement due.
r
II est aussi juste que naturel qu’entre deux créanciers, dont l’un
doit nécessairement perdre , chacun d’eux préfère que la perte re
tombe sur son adversaire.
10.
<
En payant le mineur pour se faire subroger à ses droits, le sieur
Félix D u m ay n’a donc pas voulu causer de préjudice à de mcilheu--
reitx cessionnaires ; mais, dussent-ils en souffrir, il a voulu éviter
une perte, un malheur pour lui-môme.
-ïi'
Sous l’empire des lois romaines et de l’ancienne législation fran
çaise , il a toujours été permis à un créancier, d ’offrir au créan
cier dont l’hypolhcque était antérieure à la sienne , le payement de
sa créance , afin d’etre subrogé aux droits de ce créancier; il pouvait
contraindre le créancier antérieur à recevoir sa créance ; (il pouvait
la consigner sur son refus; et le payement accepté p a r le créancier
antérieur, ou la consignation opérait de plein droit la subrogation
à son hypothèque, au profit du créancier postérieur. Une ordon
nance de Henri IV avait érigé ce principe en article de loi ( V o i r '
Ilen u sson , chap. /f , page g 3 et suivantes.— Ilousscau-Lacom be ,
■verbo Subrogation , n ° 6 , et verbo offrir. — G ren ier, Hypoth.
tome Ier, pages 179 et suivantes).
�Ces principes se résument dans les dispositions de l’article. 1201
du code civil;
.nmii;
La subrogation a lieu de plein d r o it , dit cet article, au profit de
celui qui, étant lui-même créancier, paye unj autre créancier qui
lui est préférable , à raison de ses privilèges ou hypothèques.
* Outre la subrogation conventionnelle, dit G r e n ie r , n° g i , il
« est plusieurs cas dans lesquels il était juste que celui qui payerait
» la créance fût subrogé aux privilèges et hypothèques du créancier,
» malgré lu i , et encore malgré le débiteur. C ’est alors une subro» gation légale; elle se fa it par le se u l ministère de la l o i , sans
» convention, sans stipulation ; l’emploi seul des deniers emporte
* avec lui la subrogation, et en tient lien. L a loi prend la place du
créandier et elle j a i t la cession pour l u i , etc. » ^
D u reste aucun créancier n’est à l'abri de l’exercice du droit
d'offrir, et chacun des créanciers postérieurs a le droit et la faculté
de l’exercer; ils ont quelquefois un grand intérêt à le faire, et alors
la subrogation légale devient le prix de la course; la loi l’accorde
au créancier le plus diligent; vigilantibus jura subveniunt.
Nous avons déjà fait connaître l’intérêt qu’avait le sieur D u m ay
à exercer ce droit résultant de l’art. 1 a 5 1 ; les sieurs Cromarias et
Rougier pouvaient avoir le même intérêt que lui à agir comme il
l’a fait; ils peuvent éprouver le regret d’avoir été prévenus; mais
la subrogation légale aux droits du mineur P runeyre , est irrévoca
blement acquise au sieur D um ay.
Dans leur mémoire, les adversaires n’ont pas accordé la moindre
attention à celle subrogation légale; ils ont oublié l’article i a 5 i ,
pour ne voir dans l’acte du 39 mai 1 844 > que la subrogation co n
ventionnelle autorisée par l’article i a 5 o.
Ils ne contestent p a s , et ne pourraient sérieusement contester le
principe de cette subrogation légale. Ils disent seulement que le
droit du sieur Dumay a été exercé irrégulièrem ent, en ce qu’il a
payé au subrogé- tuteur, tandis qu’il aurait dû payer au tuteur qui,
�•-
3o -
seul, avait le pouvoir (l’administrer, q u i , s e u l , pouvait valable
ment recevoir et quittancer.
Nous avons déjà fait connaître dans l’exposé des faits, les motifs
de prudence puisés tant dans l’intérêt du mineur, que dnns l’intérêt
du sieur D u m a y, q u i'o n t déterminé sa conduite, et pour ne pas
nous répéter, nous n’y reviendrons point; nous croyons avoir dé
montré , d’ailleurs , que le subrogé-tuteur avait (capacité pour
recevoir.
Supposons, cependant , qu’au lieu de payer au subrogé-tuteur,
le sieur Dum ay eût payé au tuteur lui-m êm e; il en serait résulté,
pour le mineur, vu l’insolvabilité du tuteur, un très-grand préju
d ic e , probablement m êm e, la perte absolue de sa créance; le mi
neur aurait perdu le rang de son hypothèque légale fixé par la
date du contrat de mariage de sa m ère, et celle de la quittance de
sa dot ; il aurait obtenu , en échange , une nouvelle hypothèque
lé g a le , si l’on v e u t , à la date du payement qu’aurait fait le sieur
D u m a y , mais une hypothèque légale complètement illusoire: et si
le sieur Dum ay s’était conduit ainsi, le mineur P ru n e y re , à sa ma
jorité, les sieurs Cromarias et Rougier , dès à présent, ne lui fe
raient-ils pas le reproche d’avoir imprudemment et irrégulièrement
p a y é ; d’avoir payé eh l’acquit du sieur P ru n ey re , au sieur P ruI ■ \
> J' 1 n cyrc lui-mcme.
L ’on a d it , enfin , que cet étal d’insolvabilité du tuteur ne devait
pas empêcher le sieur Dum ay de lui faire le p a y e m e n t, sauf à
exiger qu’il fil le versement de la somme à là caisse des consigna
tions. Mais ce que l’on aurait obtenu par ce moyen , savoir : la
conservation de la créance du mineur, ne l’a-t-on pas obtenu en
payant au subrogé-luteur? la somme n’esl-ellc pas déposée à la
caisse des consignations? Q u ’importe au mineur et à la cause des
adversaires, qu’importe à la justice, que celte somme y ait été
versée par le sieur Chambordon , subrogé-tuteur , plutôt que par
le tuteur lui-même?
Il faut donc reconnaître, en définitive, que sous tous les rap-
�p o r ls , l’acte du 29 niai 1844 est valable; que le subrogé-tuteur
avait capacité pour r e ce v o ir; que le sieur D u m a y , en payant le
mineur P runeyre, n’a fait qu’exercer un droit que tout autre créan
cier aurait pii exercer avant lu i, et de la même manière; que la
subrogation qui en a été la conséquence
,|C S t
valable; qu’enfin, le
sieur Dum ay n’est poinl devenu propriétaire de la créance du
mineur, au moyen d’une cession illégale; mais que la cession s’eu
est opérée à son profit, par la seule force de la loi.
3! D E U X I È M E Q U E S T I O N .
't • !
'
<
Les prétendues questions de fraude étant écartées, la validité de
l’acte du 29 mai 1844 étant démontrée , il doit résulter de tout ce
qui p ré c è d e , que, comme subrogé aux droits du mineur, le sieur
Félix Dum ay était créancier du sieur P runeyre d’une somme de
23,0 00 f r . , avec hypothèque légale ou générale sur tous les biens
de son débiteur ; et que les frères D u m a y , conjointement, étaient
créanciers d’une somme de 5o ,o o o fr , avec hypothèque spéciale
sur l’Enclos-de-la-Forèt ;
i<
Il reste à examiner, maintenant, si le sieur Dumay pouvait léga
lement et sans fra u d e , mais dans son intérêt particulier , déplacer
l’hypothèque légale du mineur P r u n e y r e , de l’Enclos-de-la-Forêt,
pour la faire peser uniquement sur les biens d’Auzat-sur-AIlier ,
ou, en d ’autres termes, s’il a pu donner main levée de cette h y p o
thèque lé g a le , en ce qu ’elle grevait l’Enclos-de-la-Forêt, et main
tenir son inscription , uniquement sur les autres biens.
En thèse g én érale, l’hjpothèque étant indivisible, et subsistant
en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque
portion de ces immeubles ( c o d e c i v i l . art. 2 1 14 ) , il est certain
que le créancier qui a une hypothèque générale , a le droit de
c h o is ir , de désigner l’immeuble snr le prix duquel il veut être
p ayé de sa créance.
Cette faculté qui ne lui est contestée ni pnr le droit ancien, ni
�par le droit nouveau , parce qu’elle est de l’essence même de l'h y
pothèque, peut cependant faire naître de très-graves inconvénients;
elle p eut, dans ün o rd re 1! conduire à des résultats contraires à l’é
quité. Il pourrait dépendre du créancier qui a une 'hypothèque
générale, en exerçant son choix de telle outelle manière, d’empôchcr
un créancier q u in ’aurait qu’ une hypothèque sp écia le , mais inscrite
en rang u t ile / d ’être colloqué pour sa créance, pour faciliter à un
créancier, n’ayant aussi qu’une hypothèque spéciale, inscrite à un
rang postérieur, le moyen d’obtenir une collocation, à laquelle la
date de son inscription ne lui aurait pas permis de prétendre. On
pourrait exploiter cette faculté de choisir, qui appartient au créan
cier qui a l'hypothèque g é n é rale , obtenir à prix d’argent qu’il en
fit un mauvais u s a g e , et par des manœuvres frauduleuses, changer
Tordre légal des collocations , et rendre sans effet les dispositions
de l’art. 2154 du code civil.
r
' v x. m
Aussi, dit ¿VI. Dalloz , les auteurs et les tribunaux ont essayé di
verses combinaisons pour atténuer les résultats du système consacré
par la loi ; mais leurs efforts ont été stériles. L a cour de cassation a
maintenu dans toute son étendue le droit de l’hypothèque générale ,
exercé même par subrogation. »
Les auteurs qui ont écrit sur les h yp othèqu es, et notamment
MM. G renier et T r o p lo n g , ont cherché à concilier les effets atta
chés à l’indivisibilité de l’hypothèque générale, avec les intérêts des
créanciers qui n’ont que des hypothèques spéciales. Ils ont cherché
à tempérer la rigueur du droit par l’équité ; telle a été aussi la ten
dance d’une partie des cours r o y a le s , en distinguant toutefois les cas
où tous les biens du débiteur sont l’objet d’un seul et même o r d r e ,
de celui ou il existe plusieurs ordres sur le prix de biens différents ;
de celui où une partie seulement des biens ayant été vend ue, l’b y potheque générale peut s’exercer en même temps sur ces biens et
sur d’autres immeubles non encore aliénés.
,
Les adversaires ont pu trouver un certain nombre d’arrêts de
cours royales, qui ont décidé que dans le cas où tous les biens du
�débiteur sonl l’objet d’un seul et même ordre , les droiis respectifs
des créanciers hypothécaires à hypothèques générales et à h y p o
thèques spéciales, doivent être combinés de manière à éviter tout
dommage non nécessaire , c ’est-à-dire, à faire colloquer les créan
ciers à hypothèque spéciale, dans l’ordre de leurs inscriptions,
après avoir assuré la collocation de l’hypothèque générale. L e motif
de cette jurisprudence, puisé dans l’équité, est que la justice ne
doit pas souffrir que le créancier qui a une hypothèque générale
puisse restreindre volontairement sa collocation, à tel ou tel im
meuble, de manière à priver, à son gré, et sans aucun intérêt pour
lui-m êm e , tel ou tel créancier à hypothèque spéciale, de la co llo
cation qu’il devrait obtenir à la date de son inscription,
u
Pour ce ca s, plusieurs arrêts ont décidé que le créancier ayant
une hypothèque générale, n’a que le droit de demander sa colloca
tion en ordre u tile , et qu’une fois cette collocation assurée, il ne
lui est pas perm is, en désignant l’immeuble sur lequel il veut être
colloque , de jeter la perturbation dans l’ordre légal des créances
à hypothèques spéciales, et de faire, pour ainsi dire, l’ordre lui-même.
Cette jurisprudence, dont nous ne cherchons point à combattre
l'autorité, est fondée sur ce grand principe de droit et d’é q u ité ,
qu'il n’est pas permis de nuire à autru i, sans avantage pour soim êm e; dans le cas prévu par celte jurisprudence, il semble que le
créancier qui a une hypothèque gé n é rale , n’a le droit d’exiger
qu’une seule chose, le payement intégral de sa créance; et s’il est
colloque de manière à l’obtenir, tout intérêt doit disparaître pour
lui; il semble qu’il ne doit pas lui être permis de se mêler de la
question desavo ir auquel des autres créanciers doit être attribué le
surplus du prix.
Voilà le molifde lu jurisprudence consacrée par les arrêts descours
royales de T o u lo u se , de Limoges cl de llio m , invoquée par les
appelants, page i5 de leur mémoire; quant à l’arrêt unique de la
�-
34 -
cour de cassation qu’ils citent également, et qui est du 16 juillet
1 8 2 1 , il suffit de le lire pour voir qu’il ne s’applique pas directement
à la question.
Mais les adversaires n’ont cité, de la jurisprudence, que les déci
sions favorables à leur système ; s’ils eussent tourné le feuillet, ils
auraient trouvé beaucoup d’autres décisions contraires, émanées
d'autres cours royales, et*notamment de la cour de cassation. On
peut voir l’indication do ces arrêts dans lé dictionnaire de jurispru
dence de D a llo z, verbo H yp oth équ é , n° 275 et suivants.
Malgré c-:s puissantes raisons d’é q u ité , la cour de cassation et
plusieurs cours<royales respectant le droit attaché à l’indivisibilité de
l’hypothèque, ont reconnu au créancier qui a une hypothèque g é
nérale, la faculté de choisir l’immeuble sur lequel il veut faire porter
sa collocation,quoique des créanciersà hypothèque spéciale puissent
en souffrir. L e motif de cette jurisprudence est que les créanciers
qui n’ont qu’une hypothèque spéciale devaient sa v o ir, lorsqu’ils
ont contracté avec le débiteur com m un, que ce résultat était pos
sible; que c ’était à eux de s’informer de la véritable situation de ce
débiteur; de faire réduire l’hypothèque légale ou générale qui exis
tait sur ses biens, ou enfin, d’exiger de plus amples sûretés.
Mais les adversaires n’ont pas voulu voir et discuter la véritable
question qui est soulevée p arleu r demande; ils se sont bornés à éta
blir avec la jurisprudence, ce qui doit se passer, selon e u x , lors
qu’un créancier ayant une hypothèque générale est en concours avec des créanciers à hypothèque spéciale, pour prouver que ce c r é a n
c ie r, pourvu qu’il soit utilement colloque, n’est point admissible à
causer aux autres créanciers un préjudice non nécessaire et sans
utilité pour lui-rnêmc.
La véritable question du procès, la voici : Lorsqu’un créancier qui
a en même temps une hypothèque légale ou générale est en con
cours avec des créanciers à hypoihèque spéciale, et lorsque le prix
�de tous les biens du débiteur n’est pas distribué dans un seul et môme
ordre, cc créancier a-t-il le droit de choisir l’irameuble sur lequel
il veut faire porter la collocation de son hypothèque générale, afin
de faciliter par cc moyen la collocation de son hypothèque spéciale,
et d’obtenir par conséquent la collocation de ses deux créances?
L ’aflirmative ne> paraît pas devoir souffrir la moindre difficulté;
Qui ne voit, en effet, la grande différence qui existe entre cette es
pèce et celle pour laquelle ont raisonné les appelants?
Dans le cas où le créancier qui a l’hypothèque générale, n’a pas,
en même temps , une hypothèque spéciale , les autres créanciers
peuvent lui dire avec un certain fondement : Pourvu que vous soyez
payé de voire créance, vous n’uvez pas le droit de causera d’autres
créanciers un préjudice qui ne peut être utile pour vous-m êm e,
vous n’avez plus d’intérêt.
;
Dans le c a s , au contraire, où le créancier à hypothèque générale
a , en même temps , une hypothèque spéciale, les autres créanciers
ne peuvent, sérieusement , lui tenir ce langage, car il peut leur r é
pondre : Mon hypothèque générale est indivisible , et j’ai le droit
de la faire porter sur l’immeuble qu’il me convient de choisir ; ce
droit dont la justice pourrait modifier l’exercice , si je voulais en
abuser , je ne viens pas l’excrcer pour nuire aux autres créanciers,
pour leur faire éprouver un préjudice non mécessaire , et sans uti
lité pour moi-même; je viens l’exercer pour ne pas perdre ma
créance à hypothèque spéciale, qui sans cela ne serait pas colloquée;
j’ai donc intérêt à le faire ; et si mon intérêt est conforme à mon
droit , vous n’êtes pas fondés à vous plaindre de la manière dont
j’entends
exercer ce
droit ; vous
ne pouvez m’empêcher de
l’ex ercer ainsi, qu’en me payant mes deux cré a n ce s, ou en me
laissant colloquer pour mes deux créances.
Dans le cas qui nous occupe , en effet , l’intérêt du créancier à
hypothèque g é n é rale , légitime cl justifie la manière dont il use de
�>
—
36 —
son droit de se faire colloquer sur tel immeuble , plutôt que sur tel
autre , et la jurisprudence n’admet plus de distinction quant à
l’exercice de ce droit,
L a cour de cassation, dans le cas dont il s’agit, a maintenu rigou
reusement le droit du créancier à hypothèque générale ; elle dit no
tamment, dans les motifs d’un arrêt du 4 mars 1835 (S ire y , l 3 5 .
i . 4 2 1 ) , __ qu’il suit du principe d’indivisibilité, que le prix de
chacun des immeubles sur lesquels frappe un droit d’hypothèque,
dem eure invariablement affecté à son ex ercice , sans qu’ il soit
au pouvoir , soit du d éb iteu r , soit de ses créanciers postérieurs
en hypothèque , d'en détourner Vapplication , contre la volonté
du créancier propriétaire de ce d ro it , seu l juge de son intérêt ¿1
cet égard ;
Et l’arrêt ajoute : que si dans des circonstances où cet intérêt n’é
prouverait manifestement aucune lésion , il peut être indifférent que
l’exercice de son hypothèque soit assigné sur la masse cumulée des
prix qui sont en distribution , il n’en saurait être de m ê m e , lorsque
le refus d’application du principe de l’indivisibilité de l’hypothèque,
entraînerait un préjudice, soit pour lui-m ême , soit pour d'autres
créanciers.
Q u e faut-il conclure de tout ceci ?... Q ue la jurisprudence ré
pugne à autoriser l’exercice du droit rigoureux qui appartient au
créancier à hypothèque générale, lorsque ce droit est exercé par
ce créancier, de manière à nuiie aux autres créanciers , sans intérêt
pour lui même ; qu'au contraire, elle autorise l’exercice de ce droit,
lorsque le créancier à hypothèque générale ne veut en user qu’en
vue d’ un intérêt sérieux et légitime.
Si ces principes sont vrais , s’ils concilient le droit cl l’équité,
l’application à la cause du sieur Dumuy en est facile Le sieur I)umay csl créancier tout à lu fois à hypothèque générale du chef du
mineur P ru n e y re , cl à hypothèque spéciale, de son clicl personnel.
�—
h
—
L e prix de lous les biens du sieur P runeyre , son débiteur, n’est pas
distribué dans un seul et même ordre; il n’y a d’ordre que sur le
prix des biens de Saint-Germain-Lembron ; il n’y en pas sur le prix
des biens vendus aux appelants. L e sieur Dumay n’a pas l’espérance,
vu la date de son inscription, d’être colloqué pour sa créance à h y
pothèque spéciale, sur le prix des biens de Saint-Germ ain-Lem bron,
s’il se fait colloquer sur ces biens pour le montant de sa créance à
hypothèque générale; il avait donc un intérêt incontestable à agir
ainsi qu’il l’a fait.
Remarquons, au surplus, que la question que nous venons de dis
cu ter, parce qu’elle a été soulevée par les adversaires, est intem
pestive et prématurée, et que leurs prétentions à faire modifier l’ordre
sont, au moins quant à présent, non-recevables.
Celte discussion, en effet, ne pourrait être discutée que par les
créanciers du sieur P runeyre, elles appelants ne sont pas créanciers;
ils ne demandent pas de collocation à l’o r d r e , et n’ont pas le droit
de critiquer l’ordre des collocations ; comme acquéreurs des biens
d’Auzat-sur-Allier, ils n’ont pas encore été troublés dans la posses
sion des héritages par eux acquis, et ce n’est qu’en cas de trouble
qu’ils pourront devenir créanciers du sieur P r u n e y r e , par suite de
la garantie qu’il leur a promise. Il semble donc que la cour ne peut
pas statuer sur un débat qui n’est pas né.
Du reste , qu’on les considère, si l’on v e u t, comme créanciers
dès à présent, puisqu'ils sont des tiers intéressés à surveiller les
résultats de l’ordre, l’application des principes devra toujours être la
même. L e sieur Dumay devra être maintenu dans tous les droits
qu’il a acquis et qu’il n’a fait qu’exercer comme l’auraient fait les
sieurs Cromarias et Rougier , s’ils s’étaient fait subroger à une
hypothèque générale.
Il est de toute évidence que dans la position où étaient les sieurs
Cromarins et Hougier, ils avaient intérêt à payer le mineur Pru-
�neyre pour être subrogés à son hypothèque légale , et que s'ils
l'eussent fait, ils auraient agi absolument de'Ia même'manicre que
le sieur Dumay ; ils n’auraient pas fait peser celle hypothèque légale
sur les immeubles par eux a cq u is, mais bien sur ceux de SaintG e rm a in -L e m b ron , afin d’en affranchir ceux d’Auzat-sur-Allier.
E t alors qu’arriverait-il aujourd’hui ?.... L e sieur Dumay ne serait
plus qu’un simple créancier avec une hypothèque spéciale ineffi
cace1; sa créance, étant primée par l’hypothèque légale du mineur,
ne serait pas colloquée ; réduit à la perdre, serait-il fondé à se
plaindre ; pourrait-il reprocher aux sieurs Cromarias et Rongier
qu’ils auraient employé des manœuvres frauduleuses; pourrait-il ,
enfin, contester leur droit et l'intérêt qu’ils auraient à l’exercer
ainsi ?... Il est évident que les adversaires feraient au sieur Dumay
la même réponse qu’il vient de leur faire lui-même.
Les sieurs Cromârias et Rougiër ont négligé de p ayer la créance
du mineur P ru n e y re , afin d’obtenir une subrogation qui eut mis
leurs intérêts à couvert ; ils ne sont pas fondés à se plaindre de ce
qu’un autre vienne exercer un droit qu’ils ont dédaigné.
Enfin, lorsqu’ils onl contracté aveclesieur Pruneyre, ils ont connu
ou pu connaître sa situation hypothécaire ; ils ont eu connaissance ,
notamment, de l’hypolhèque légale du mineur Pruneyre, mention
née dans leur contrat d’acquisition; ils pouvaient , d’après les arti
cles 2161 et suivants du C ode civil, obtenir la radiation de l’h y p o thcque légale du mineur , et en faire affranchir les immeubles par
eux acquis, pour la laisser subsister uniquement sur les immeubles
de Saint-Germain-Lembron ; ils ont encore négligé de le faire. Ils
ont e u , enfin, le tort très-grave de payer le prix de leur acquisi
tion avant d’avoir purgé l’hypothèque légale du mineur ; ils ont fait
ensuite une purge irrégulière. A qui doivent-ils s’en prendre, si ce
n’esl à eux-mêmes ?
Quant au sieur Dumay et au sieur Cham bordon, leur conscience
ne leur reproche rien; ils croient avoir démontré que le jugement
�-
39 _
. “J O l
dont est appel a justement repoussé toutes les demandes de leurs
adversaires. Ils espèrent avec confiance que l'arrêt de la C ou r fera
justice des imputations calomnieuses dont ils ont été l’objet.
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C
et F
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DUM AY,
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Subrogé-Tuteur ,
^
> Intimés.
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M* C H I R O L , Avocat des sieurs Dumay.
M* D U C L O Z E L , A vocat du sieur Chambordon.
M* M A R I E , A voué du sieur Dumay.
M* T A IL H A N D , Avoué du sieur Chambordon.
Riom. — Imprimerie de A. Jouvet, Libraire et Lith. près le Palais.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dumay, Jean-Gilbert. 1846?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
A. Dumay
F. Dumay
L. Chambordon
Chirol -Duclozel
Marie
Tailhand
Subject
The topic of the resource
créances
hypothèques
conseils de famille
tutelle
dot
minorité
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour les sieurs Jean-Gilbert et Nicolas-Félix Dumay, et le sieur Chambordon, subrogé tuteur du mineur Pruneyre, tous intimés ; contre les sieurs Cromarias et Rougier, anciens avoués, demeurant à Riom, appelants, en présence de monsieur Bonnefoy, avoué à Issoire, aussi intimé.
Annotations manuscrites. Question suivi de l'arrêt
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie A. Jouvet (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1846
1835-1846
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G3011
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G3010
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53628/BCU_Factums_G3011.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Auzat-la-Combelle (63022)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
Créances
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hypothèques
minorité
tutelle
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d4556047427034d074e333ba23f108ce
PDF Text
Text
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DE R IO M .
L es sieurs M A R T I N , Médecin ; M A R T I N , Greffier du
J u g e de paix-, M O N E S T I E R , U S S E L , R E Y N A U D ,
M- BONJOUR.
M A U G U E - C H A M P F L O U R , et autres Propriétaires
de T a l l e n d e , d e M o n t o n , de S a i n t - A m a n d , appelans
d ’ u n Jugement rendu par le T r i b u n a l de C l e r m o n t ;
CONTRE
Dame
J u stin e
USSEL
et
le
sieur V
in cen t
M* JOHANNEL.
C H A N D E Z O N 3 son mari, Adjoint de la com
mune de Tallende, y habitant, intimés
EN PRÉSENCE
De la dame D U V E R N I N , veuve C I S T E R N E S , en son
nom et comme tutr ice de
de dam e
H élèn e
C h arles
CISTERN ES,
V A R E N N E S , son m a r i ,
M* SAVARIN,
CISTERNES;
et du sieur de
assignes en assistance de
c a u s e , et aussi intimés;
EN PRÉSENCE
De la dame M O N E S T I E R
son m a r i ,
et d u sieur C R E U Z E T
D ’É tie n ne B O H A T - L A M I , A ntoine B O H A T - T IX IE R ,
L a u ernt T I X I E R , H u g u e s B O H A T , d i t l e G r e
n a d ier
.„U)
eM
c hirol
MeTAILHAND.
�( 2 )
M* D EBORD .
E t de
F
rançois
^
'
B A L L E T - B E L O S T E -,
To us aussi assignés en cause, et intimés;
E N P R É S E N C E ENFIN
M9 Y E Y S S E T .
D u sieur
f.s
Nicolas
B A R B A R I N , également appelant.
discussions re la tives à l ’irrig atio n de vastes p ra iries sont
l ’objet d e la cause actuelle.
O11 sait qu’à la différence dessourecs qui naissant dans une pro
priété privée en sont l’accessoire , et dont le propriétaire peut
disposer à son gré tant que lescaux restent dans son héritage, les
cours d’eau plus considérables , tels que les ruisseaux , ne sont la
propriété de personne particulièrement ; que seulement les ri
verains ou ceux dont les cours d’eau traversent les fonds peuvent
en user à leur passage ; mais que cet usage est soumis à des règles,
à des modifications , à des conditions établies dans l’intérêt de tous
les propriétaires riverains.
Il est juste,
en effet,
que tous ceux qui sont exposés aux
ravages des eau x, aux inondations qui sillonnant leur sol
en
enlèvent la terre végétale pour le couvrir de gravier et quel
quefois de rochers, à toutes les dégradations que ne produit que
trop souvent le dangereux voisinage des rivières cl des ruisseaux ,
il est juste que tous ceux que ces désastres affligent jouissent au
nioiusde quelques avantages; que les eaux, si fréquemment nuisibles,
leur servent aussi pour féconder leur terrain, pour l’améliorer,
pour les indemniser des pertes qu’ils éprouvent journellement.
La loi devait doue, dans sa sollicitude égale pour tous les inté
rêts, veiller à une sage distribution des eaux utiles tomme dange
reuses à t o u s , et ne pas permettre qu’un seul, parce qu’il possède-
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rait une propriété supérieure, s'en emparât sans mesure et les
détournât complètement de leur cours lorsqu’il n’aurait pas à en
redouter les ravages , pour les rejeter sur les propriétés inférieures,
lorsqu’elles pourraient lui nuire.
Telle est pourtant la prétention des époux Cliandczon.
Un ruisseau appelé la Monnc, qui, découlant des montagnes,
traverse les territoires de Saint-Amand, de Tallende et de Monton, a
servi, de tems immémorial, dans le seul territoire de Tallende, à
l’arrosement d’environ cent trente mille toises des plus précieuses
prairies , presque toutes formant des vergers brillans de végétation
et de riches fruits.
Le sieur et la dame Cliandczon, qui ne sont propriétaires que
d’environ huit mille toises de terre , dont une faible partie seule
ment est riveraine du cours d’e a u , veulent détourner à leur gré
toutes les eaux , ne pas mèine les rendre à leur cours ordinaire
après en avoir u s é , et priver ainsi une foule de propriétaires infé
rieurs des bienfaits d’une irrigation dont ils avaient toujours joui.
Et ce qu’il y a de remarquable, ce n’est pas sur leur propriété
meme que les époux Cliandczon prennent les eaux qu’ils détour
nent ; c’est sur une propriété voisine qu’ils vont la chercher, et
que, par abus ou par tolérance, plaçant d’année en année, dans une
position plus élevée et plus éloignée de leur propre terrain, des
obstacles au cours naturel, au cours ordinaire des eaux , ils les
dirigent toutes dans leur héritage ; si cc n’est dans les instans de
danger, où le ruisseau, devenu un torrent dévastateur, est rejeté
dans son lit pour couvrir et dégrader toutes les prairies inférieures,
c est a - d iie , toutes les propriétés des appelans , comme l’année
présente en a fourni les plus déplorables exemples.
C est contre cet abus qu’aucune l o i , qu’aucun principe n’autorise,
que les appelans vicnnem réclamer devant la Cour. Le jugement
qu ils attaquent n a etc que le triste fruit d ’une préoccupation et
d’une erreur non seulement sur lc droit mais encore sur le fait j
c,*r la position des parties, la localité, la nature même de la de
mande, en un mot l'objet du procès paraissent avoir etc absolument
méconnus par les premiers juges.
�( 4 )
FAITS.
Les propriétés des parties sont situées dans le territoire de T a llende, entre deux ruisseaux, l’un appelé la Monne, dont le lit, placé
au midi et dans une partie plus élevée du territoire , sert à arroser
ces propriétés ; l’autre, appelé la V e yre , au nord du prem ier, et1
q u i, coulant dans un terrain plus bas , ne peut les féconder.
Un plan des lieux, annexé au mémoire , rendra plus facile l’in
telligence de la localité. On peut y voir les lits des deux cours
d’e a u , dont la pente est de l’otiest à l’est.
L e lit de la Monne, qui est celui dont nous avons principalement
à nous occuper, est tracé sur ce plan depuis les héritages du sieur
Bouchard, qui y sont indiqués par la lettre A , à l’o uest, jusqu’à
l’extrémité des propriétés des appelans, qui se terminent à l’est vers
deux points marqués par les grandes lettres Z Z.
L e sieur Bouchard possède à l’ouest, vers le point A , et sur les
deux rives de la Monne , les premiers héritages désignés sur le
plnu. Celui qui est bordé par la rive gauche de la rivière est le seul
qui puisse être arrosé à l’aide d’une prise d’eau placée sur cette
même rive plus à l’ouest. Mais les eaux peu abondantes employée*
à cette irrigation retombent dans le lit du ruisseau à la sortie de
l’héritage même.
La propriété Bouchard, sur la rive gauche, s’arrête au point B r
où commence la propriété des époux Chandczon.
Sur la rive droite , la propriété Bou< liai d s’étend plus à l’est. Elle
va jusqu’au n° 70, qui indique des vignes et broussailles appartenant
aux époux Chandczon. Ceux-ci ne possèdent que ce seul héritage
sur la rive droite de la rivière; il est bordé par le lit dans une lon
gueur de
85 mètres ou
/p toises environ ; il est élevé de plus do
30 pieds au-dessus «lu lit; et par conséquent, cet héritage* pas plus
que les héritages voisins sur la même riv e , qui sont Ions à uno
très-grande élévation , ne peut a u c u n e m e n t profiter des eaux du
ruisseau.
Les é p o u x Chande7.on possèdent, sur la rive gauche, une vigne,
�( 5 )
une terre, une noyéree ou saussaie, et des butimens marques au plaa
par les n°» G7, 68, 69 (1). Ces objets ne peuvent être arrosés ; leur
position et l’élévation du terrain ne le permettent pas.
Les époux Chandezon possèdent aussi le pré n° GG du plan : c’est'
le fonds qu’ils font arroser. Il est borné à l’ouest par leur vigne et
leur noyérée , au nord par un chemin public, à l’est par un autre
chemin public , au midi par un pré des héritiers Cisternes, n° 72
du plan , et dans une très-petite partie, c’esi-à-dirc dans une lon
gueur seulement d’environ G6 toises, p a rle ruisseau de la Monnc.
C ’est sur cette longueur seulement que touche au ruisseau ce préverger Chandezon , dont la superficie entière, y compris le n° 75
qui a été acheté d’un nommé Ballet, est de 8712 toises; et c’est
pour ce pré qu’on voudrait absorber la totalité des eaux de la Monnc.
Toutes les propriétés Chandezon ne sont bordées par la rivière,
sur la rive gauche , que dans une longueur d’environ 120 toises, et
sur la rive droite, dans celle d’environ 4 3 toises. jN o u s avons déjà
dit que cette dernière rive est très-élevée, et qu’elle est presque à
pic du lit de la rivière.
Quatre prises d’eau sont sur ce lit.
L a première, dans le pré Bouchard, en avant du point B par le
quel les eaux s’introduisent dans la propriété Chandezon, à l’aide
d’un canal qui les conduit au n° 66: L ’entrée du canal sur la pro
priété Chandezon est fixée par un agage en maçonnerie que l’on
»Ucrcepte quand 011 le veut à l’aide d’une vanne.
• A côté, et vers le même point B, mais un peu plus haut, parallèle
ment au lit de la rivière, est établi un déversoir, aussi bâti en ma*
Sonnerie sur une longueur de trois mètres seulement, et ou est placé
0rdinaircmcnl une vanne qu’on lève quand on veut rejeter l’eau
dans la rivière.
C ’est vers ce point que se trouve la prise d’eau des époux Chande
zon. Ils n’ont pas d’ailleurs de barrage fixe sur la rivière; ils 011
clèvent un en pierres mobiles, qu’ils établissent, non pcrpcndiculaire-
( 0 C»» numéro» »ont cciit il« Cartailre, «i le» me»ure» ou contenance* que Pou ¡uJiqucr.i
d*n» le rocuioire »cronl tircct du Ca.lajli« m im e .
�(6 )
ment aux deux vives mais diagonalcmcnt le long de la propriété
llotieliard. Ce barrage mobile ils l’onl prolongé en amont depuis
quelques années, et toujours do plus en plus, de manière à diriger
vers le point B dans leur canal la totalité de l’eau do la Monpe,
sur-tout lorsqu’elle n’est pas très-abondante.
Telle est la première prise d’eau faite sur la rivière. Elle ne sert
et ne peut servir qu’aux époux Chandeïion.
Lne seconde prise d’eau a lieu au point Q , en tête du pré u* 72.,
appartenant à madame Cisternes. Elle sert à arroser ce pré , et est
destinée aussi, à l’aide d’une rase ou canal qui traverse le chemin
entre les points J K , à arroser les prés n°* 320 et 32 î appartenant
53f),
U la dame Cisternes, ainsi que les autres prés marqués parles n0l
.340 jusques et compris le n°
aux appelans.
Les
555-, héritages divers qui appartiennent
prairies auxquelles cette prise d’eau devrait servir sont
d’une surface de 28,904 toises. Mais l’eau n’arçive aux derniers
héritages que lorsque les prés des héritiers Cisternes ont suffisam
ment bu; et ceux-ci eux-mêmes ne reçoivent d’eau que ce que leur
laissent parvenir les époux Chandezon, qui o n t, dit-on,-quelques
arrangemens secrets avec la dame Cisternes et avec les autres intimés.
La troisième prise d'eau se fait au point R , toujours sur la rive
48 5
gauche de la Monne. E lle est destinée à l’irrigation de
,o o toises
de prairies , divisées-entre les appelans , et désignées sur le plan
par les lettres T T .T .
La quatrième prise d’eau est pincée ou point U , sur la rive
droite de la Monne ; elle a aussi pour objet l’arrosement d’une
vaste prairie , contenant, dans le seul terroir de Tallende , 58,074
toises, et divisée entre un grand nombre des appelans.
Ces deux dernières prises d’eau sont devenues presque inutiles
quelque tcnis avant le procès, pur suite des injustes entreprises
du sieur Chandezon sur le cours d’eau, dans la partie supérieure.
Toutes ces prairies inférieures, dont la superficie totale est de
5 5
i a o , G toises, existent depuis tin teins immémorial; elles ont tou
jours usé des eaux de la Monne pour leur irrigation; élites sont gar
nies d’arbres cl forment de beaux, de fertiles vergers, qui produisent
�(
1
)
ccs excellens fruits que recherchent, dans ce canton sur-tout, les
marchands parisiens attires par l’excellente qualité des pommes qui
y mûrissent.
Ces avantages seraient perdus pour les appelans si le jugement
dont est appel était confirmé. Leurs prairies se dessécheraient ; les
arbres qui les garnissent périraient, et leurs intérêts, comme ceux de
l’agriculture, éprouveraient un immense dommage, pour satisfaire
à l’ambition et aux arbitraires volontés des époux Chandczon.
Long-tems ceux-ci, ou plutôt le sieur Ussel leur auteur, s’étaient
rendu justice; ils ne prenaient l’eau que rarement et pendant un
tems très-court, en tête de leur propriété, vers le point B, ou audessus à peu de distance. E t alors même ils n’en détournaient qu’une
faible partie; ils en laissaient arriver la plus grande quantité aux
prairies inférieures, en sorte qu’il s’operaitfacilementune distribution,
sinon régulière, au moins assez équitable pour que personne n’eût
été autorisé à se plaindre ; et si cette modération eut continue
d’être le mobile de tous, il aurait été inutile de recourir à la justice
des tribunaux.
Cependant, comme les eaux de la Monnc n’étaient pas toujours
assez abondantes, on cherrha, en l’an 9, à augmenter les ressources
qu’elles offraient en tâchant d’y réunir d’autres eaux ; savoir celles
qui servaient au routoir d’un sieur Monestier, ou qui découlaient
petites sources surgissant d.ins le voisinage.
Ce routoir est situé au nord de l’enclos du sieur Chandczon , audelà du chemin. Il est iudiquésur leplau parla lettre D. Les sources
sont à côté.
On se proposa de recueillir les eaux sortant du routoir et des
sources, dans une rase qui devait les conduire au point E du plan ,
°ù elles devaient s’introduire dans un canal découvert mais cons
truit en maçonnerie, et suivre la ligne courbe E F G II l J K. Vers
deux derniers points elles devaient se réunir au canal trans
versal existant depuis long-tems pour l’usage de la prise d’eau Q K.
Ce premier canal, s’il avait pu remplir le but propose, aurait
aussi recueilli et rend.i à leurs cours ordinaire les eaux de la
Momie, qui se scruicnt écoulées de l’onclos Chandczon, pour l’irri-
�( 8 )
galion duquel elles étaient détournées dans sa partie supérieure. Ce
canal offrait donc d’assez grands avantages à tous les propriétaires
de prairies. Aussi le projet sourit-il beaucoup au sieur Ussel, alors
propriétaire de l’cnclos Cliandezon, soil parce qu!il assainissait le
bas de son héritage, soit parce que celte nouvelle ressource
d’irrigation obtenue pour les propriétés inférieures lui faisait
espérer pouvoir retenir lui-même à son agage supérieur une plus
grande quantité d’eau ou la conserver plus long-tems pour l’arrosement de son enclos.
L e projet fut donc exécuté , sans néamoins aucune modification
des droits des parties à l’usage des eaux de la ¡\Ionnc. Un arrêté de
l’administration municipale , homologué par le préfet , autorisa à
creuser ce canal le long du chemin public qui borde , à l’est,
l’enclos Ussel, aujourd’hui l’enclos Chandezon ; le canal fut construit
en maçonnerie, et M. Ussel contribua pour cent francs aux frais do
celte construction.
Mais on ne tarda pas à reconnaître l’inutilité du canal, et l’im
possibilité de faire arriver au point K les eaux que l’on y réunissait.
En effet , si des points D , E et F l’eau arrivait facilement au
point G qui est le plus bas, il n’en était pas de même pour la faire par
1
venir au point K le long du chemin , en suivant la ligne I I J. Le
55
point K distant du point G de 1
mètres, au lieu d'être plus bas
a une sur-élévation de a mètres 76 centimètres (plus dehuit pieds);
en sorte qu'il aurait fallu un canal très-profond dans une grande
partie de sa longueur , bien cimenté pour que l’eau ne s'échappât
pas par infiltration dans le chemin 011 dans le pré Chandezon, et
qui fût revêtu de murs latéraux et saillans , pour empêcher l'en
combrement que produirait la circulation des voilures.
Ces difiicultés et d’autres obstacles que la localité présente ont
rendu tout-à-fait insignifiant ce canal, dont le lit fut bientôt couvert
de vase qui s’opposait encore au cours de l’eau. Dès l’origine même
de sa création, l’eau refoulée se pratiqua, sur le chemin qui longe
le canal à l’est, différentes issues par où elle s’échappe pour aller se
jeter au-delà , dans la V e j r c , ruisseau dont le lit est moins élevé.
J'.n 1823 , le sieur lleynaud, desservant à Tallendc et propjié-t
�( 9 )
taire de deux prés considérables de ce canton, voulut faire récurer
et réparer le canal dans l’espoir de l’utiliser ; mais il ne put y
réussir et ne fut pas dédommagé de ses dépenses.
Ce fut alors aussi que, dans l’espoir du succès dans l’usage du
canal,
le sieur Ileynaud essaya d’établir un règlement pour
l’irrigation des prés inférieurs ; il en fît faire un projet par le sieur
Chouvy, expert. Mais ce règlement n’a jamais été adopté , ni même
connu par les autres propriétaires , et le sieur Reynaud a dû
seul en payer les frais.
On prétend que ce projet de règlement avait été confié à
M. Chandezon, comme adjoint de Tallende , et que celui-ci a
«
refusé de le restituer.
Cependant, avant comme depuis la construction et l'essai du
canal, toutes les prairies avaient continué de proGtcr de l’eau
de la Monne, et de recevoir, suivant l’étendue de chaque portion,
l’eau à laquelle elle avait droit. Le sieur Ussel, beau-père du sieur
Chandezon , la détournait rarement, et en petite quantité seulement 5
et lorsqu’il la retenait trop long-tems ou en trop grande quantité ,
‘•>n se transportait vers le barrage mobile qu’il établissait momenta
nément dans le lit de la rivière le long de la propriété Bouchard ;
°n déplaçait les pierres , 011 faisait disparaître le barrage , et l’on
rendait l’eau à son cours naturel pour l’arrosement des prés infé
rieurs,.
C ’est ainsi que cela s’est pratiqué jusqu’en i
85 a. Néanmoins on
■ne doit pas dissimuler qu’à défaut dé règlement d’eau, il y avait
nécessairement de l’arbitraire dans cet usage des eau^ ; car chacun
s*en emparait plus 011 moins fréquemment, suivant sa vigilance , scs
tentatives et le degré d’insouciance ou de résistance des autres pro
priétaires. O11 11c doit pas dissimuler aussi qu’à défaut de règles fixes
et positives qui déterminassent l’exercice des droits de chacun àl irri
gation, il s’élevait souvent des querelles assez sérieuses, parce que.
•»oins la rivière était abondante et plus les besoins paraissaient
pressans , plus c h a c u n faisait d’efi’orls pour s’approprier l’eau et
arroser sa propriété particulière.
Ces discussions, ces querelles furent portées fort loin , sur-tout
2
�on 1832, année de sécheresse où M. Cliandezon , qui jouissait de
l’cnclos de son beau-père ou qui l’administrait, augmenta scs pré
tentions, fit continuer beaucoup plus haut, en amont dans le lit de
la riv iè re , un barrage mobile , placé au-dessus de la ligne de ses
propriétés, et prolongea ce barrage jusqu’à atteindre la hauteur de
/(7 mètres ou i!\ toises environ le long d’une propriété étrangère,
celle du sieur Bouchard.
Cette œuvre était illégale; car si le propriétaire riverain est au
torisé par la loi à u se r. à leur passage, des eaux qui baignent les
bords de sa propriété, il n’a le droit de les prendre que devant son
héritage même; il n’a pas le droit d’aller les chercher devant une
propriété supérieure appartenant à autrui et de les conduire ainsi
à la sienne par une espèce de canal établi sur un terrain étranger;
et lors même que le propriétaire supérieur tolérerait cette voie de
fait, ce propriétaire supérieur ne peut avoircelte tolérance, ni celui
qui l’obtient en user au préjudice des propriétés inférieures qui
bordent le lit de la rivière. L ’eau doit en effet profiter en totalité
aux propriétaires inférieurs si le premier propriétaire ne peut luimême s’en servir à cause de la position de son héritage. C ’est ce
que nous prouverons plus tard.
Celte œuvre illégale, dans un moment où la rarclé des eaux ren
dait la sécheresse mortelle pour la végétation, cette œuvre hasardée
excita des querelles pîus violentes que jamais sur le point même où
elle se pratiquait; le barrage fut détruit plusieurs fois, plusieurs fois
rétabli pour être détruit de nouveau; et cela sans beaucoup d’eflbits
puisqu’il n’y avait qu’une simple rangée de pierres à écarte:*.
ZSous n’entrerons pas dans les liicheux détails de ces luttes. Il
suffira de savoir qu’un coup de fusil fut tiré, cl que, si personne ne
fut blessé alors, des malheurs graves étaient à craindre par la suite;
on sorte qu’il était urgent de prendre des moyens pour les prévenir.
Le moyen le plus simple el le plus sur était un règlement d’eau.
Les propriétaires des prés se concertèrent pour y parvenir. Le
plus grand nombre le considérait comme indispensable. Le sieur
lisse! ou plutôt le sieur Cliandezon s’y opposa. Quelques autres
personnes dont il avait o.blenu le silence par des arrangemens parti-
�( 11 )
ailiers ne voulurent pas s’en mêler; alors commença le procès.
855
Par exploit du x i mars 1
, le sieur Martin, grellier du juge de
pa ix, d’accord avec un grand nombre d’autres propriétaires, assi
gne les époux Chandezon et le sieur Ussel, leur père ou beau-père,
ainsi que huit autres particuliers.
11 leur expose qu’il est propriétaire, ainsi que beaucoup d’autres
personnes, de prés situés sur les deux rives du ruisseau de la Monnc;
Que l’arrosement de ces prés a lieu au moyen des eaux de ce
ruisseau, qui y sont destinées;
Q u e, n’y ayant pas de règlement, lui et les autres propriétaires
de ces prés éprouvent des dillicultés journalières pour la conduite
et la direction des eaux destinées a leur arrosement ;
Que notamment, en i 8 5 2 , le sieur Chandezon avait usé de ces
eaux comme d’une propriété à laquelle il aurait un droit exclusif,
en les tenant constamment détournées de leur lit qu’il laissait à
sec; de sorte que, par le résultat de cette voie de fait, les eau x, vu
la disposition des lieux , ne rentraient pas dans leur l i t , et les prés
inférieurs en avaient presque tous été privés, ce qui avait occa
sionné un tort considérable aux propriétaires ;
Que le plus grand nombre des propriétaires des prés, voulant
faire cesser toute discussion, avaient proposé aux compris un rè
glement amiable pour la distribution des eaux dans chaque parcelle
de pré; mais que ces derniers s’y sont refusés.
Eu conséquence il les assigne pour voir ordonner un règlement
des prises d’eau dans le ruisseau de la Monnc, pour l'arrosement des
pi’és de tous les propriétaires , et pour nommer ou voir nommer
des experts qui procéderaient à ce règlement dans la proportion
de la contenance de chaque parcelle de pré, et qui indiqueraient les
travaux à faire pour l’exécution du règlement et pour faciliter le coulcment des eaux.
Il conclut, eu cas de contestation, aux dépens contre les contes
tons, sinon à ce qu’ils soient supportés par charpie partie intéressée,
dans la proportion de la contenance de sa propriété.
Le sieur Cisternes-Dclorinc, un des propriétaires riverains, fut
«iis en cause par u n second exploit du i ,r avril i
855 .
�L e io mai suivant, plus de quarante autres propriétaires de
prés intervinrent par requête et adhérèrent aux conclusions du
sieur Martin.
Dans le cours de l’instance, le sieur Ussel meurt, et la cause est
reprise par l’une de ses (¡lies, la daine Chandezon, et par le sieur
Chandezon lui-mêine, comme cédataire des droits de l’autre fille.
L ’ailaire s’instruit par des conclusions respectivement signifiées;
et l’on remarque que, parmi tous les défendeurs , les sieur et darne
Chandezon sont les seuls qui s’opposent au règlement demandé, eux
qui moins que personne cependant avaient réellement des droits à
une eau qu’ils ne pouvaient pas prendre sur le bord même de leur
propriété, et qu’ils ne pouvaient pas rendre à son cours ordinaire ,
comme la loi le prescrit, les eaux superflues qu’ils introduisent dans
leur enclos s’écoulant, après l’irrigation, ou dans le chemin C D au
nord de cet enclos, ou dans celui G II l à l’est, sans pouvoir rentrer
dans la Monne.
Parmi les autres assignés, les époux Crouzet déclarent, par des
conclusions du 7 mars i
85 /f , n’entendre prendre aucune
part à la
contestation , se réservant tous leurs droits en cas de règlement.
Sept autres défendeurs, par des conclusions du 1 1 août, deman
dent acte de ce qu’ils s’en remettent à droit en réclamant leurs dé
pens contre ceux qui succomberaient.
Le sieur Cistcrnes s’en remet aussi à droit sous toutes réserves.
Mais les époux Chandezon résistent. Ils prétendent avoir le droit
d’user à leur gré des eaux de la Monne, argumentent des chaussées,
des canaux qu’ilsdisentavoir faitset entretenus pour leur prise d’eau,
se font un moyen de la construction du canal fait en l’an g pour re
cueillir les eaux vers le chemin G II I J K , allèguent un prétendu
règlement fait en 1822, sans leur participation, entre les aun es pro
priétaires, invoquent enfin une prétendue possession exclusive et
immémoriale comme réglant l’exercice «le leurs droits.
Cette possession était illusoire; elle n’a jamais été ni exclusive ,
ni paisible, ni de l’étendue qu’ou voudrait lui donner aujourd’hui.
La construction de l’an 9 , le pi étendu règlement de 1822, ne
�(
'3
)
fournissaient aussi au sieur Ghandczon que les plus insignifiantes
objections.
Mais les époux Ghandczon se prétendaient aussi propriétaires
des deux rives de la Momie ; ils parlaient de chaussées, de
canaux construits et réparés par eux seuls; ils prétendaient que
l’eau était rendue à son cours naturel. La localité n’était pas
connue des magistrats; ils crurent que la prise d’eau existait sur la
propriété même des époux Chandezon, entre les deux rives qui
leur appartenaient; ils pensèrent que les canaux dont on argumen
tait étaient étabtis au milieu du lit même de la rivière; ils eurent
l’idée fausse que les propriétaires inférieurs voulaient se servir, pour
l’irrigation de leurs héritages, de ces canaux à la construction des
quels ils n’avaient pas concouru ; ils considérèrent enfin l’eau
comme étant rendue à son cours ordinaire dans le lit de laMonne,
après avoir parcouru les propriétés Chandezon ; et ils rejetèrent
la demande en règlement d’eau par des moti£> qui ne sont en
harmonie avec aucune des questions de la cause.
854
Ce jugement est du 28 mai i
» en voici les termes:
« Attendu que la co-propriété de la prise d’eau dont il s’agit 11’est
« pas justifiée;
« Q u’en effet d’une part il n'est rapporté aucun titre, et d’autre
« part il n’existe aucuns travaux sur la propriété du sieur Chandezon,
” exécutés par les propriétaires inférieurs;
« Q u ’ainsi les parties restent dans les ternies des articles G/j¡2 et
« G/j/, du code civil; qu’il n’est point prouvé que Chandezon ait
« excédé les droits que lui donnent ces articles ;
Par ces motifs ,
« Le tribunal déclare les demandeurs non rcccvables dans leur
« demande, et les condamne aux dépens. »
Ainsi le tribunal a supposé qu'il existait sur le lit du ruisseau des
travaux dont nous voulions profiter, tandis qu’il n’existe aucune
construction sur le lit de la rivière; tandis que la prise d’eau sti
forme à l’aide d’une simple rangée de pierres mobiles , non liées
entr’elh*!,, irrégulièrement posées et empruntées du lit mémo ;
Le tribunal a cru que nous voulions participer à cette prise d’eau,
�inadis qu’au contraire nous nous en plaignons et qu’elle nous esi
nuisible;
Il a pensé enfin que la cause restait dans les termes des articlesô/ja
et G44 du code civil, tandis que ces articles sont étrangers à la lo
calité; tandis qu’aussi l’article G44 prescrit de rendre l ’eau ¿1 son
cours ordinaire, et que le sieur Chandezon en change au contraire
le cours et la rejette, à la sortie de son fonds, sur des points éloignés
du cours ordinaire auquel elle 11e peut plus revenir.
Cette affaire était trop importante, le préjudice que le jugement
ferait éprouver aux propriétaires des prés était trop considérable
pour qu’ils 11e portassent pas leurs réclamations devant la Cour.
Les intervenans et le premier demandeur se sont réunis pour
3
854
interjeter appel, par exploits des i septembre et 2 décembre 1
-Cet appel, dirigé principalement contre les époux Chandezon ,
leurs seuls , leurs vrais adversaires} a été signifié aussi à ceux qui
.s’en étaient remis à droit, parce que leur intérêt commande leur
présence dans la cause.
La Couraura à prononcer sur les difficultés réelles qui 11’ont pas
été abordées par les premiers juges.
L ’examen des principes nous conduira à apprécier les prétentions
des époux Chandezon, à déterminer les droits de chacun des pro
priétaires riverains et à reconnaître la nécessité du règlement d’eau
qui est réclamé.
DISCUSSION.
La doctrine ancienne, telle qu’elle avait été adoptée par les au
teurs les plus respectés , déclarait les eaux communes à tous les
propriétaires supérieurs ou inférieurs dont elles bordaient ou tra
versaient les héritages.
Le droit naturel même établissait cette communauté , et quident
nuturali ju r e communia sunt ornnia heee, aar, aqua p rojlu cn s,
etc. Inst., lib. 2, tit. 1, §. 1.
l)e ce principe découle nécessairement la conséquence que les
propriétaires riverains 11e peuvent disposer des eaux courauicv
�( i5 )
comme de leur propriété p riv é e , qu’ils ne peuvent se les appro
prier exclusivement, qu’ils ont seulement le droit d’en user à leur
passage, mais qu’ils doivent les rendre à leur cours ordinaire, c’està-dire les faire rentrer, à 1’cxlrcinitc de leurs héritages, dans le lit
qu’elles s’étaient creusé.
Davot, dans son traité du droit français , tome
5 , p. 208 , s’ex
prime ainsi :
« Si le propriétaire reçoit dans son héritage l’eau qui vient
* d’ailleurs, il peut s’en servir pour son usage, mais ils ne peut en
* détourner le cours ancien, au préjudice des héritages qui sont
* au-dessous. »
L ’opinion de l’auteur s’applique comme on le voit à un terrain
traversé par un cours d’eau.
liretonnier, sur Heyrys, tient le même langage : (Observations
nouvelles, quest. 18g, livre 4, tome 2).
« Celui dans l’héritage duquel l’eau ne fait que passer, venant
«
*
*
*
d’ailleurs, 11e peut s’en servir que pour son utilité, et non pas
pour son divertissement ; il ne peut ni la ’retenir, ni la détourner
au préjudice du public ni de ses voisins, parce qu’il n’en est pas le
propriétaire, ruais un simple usager; et par conséquent il en
« doit user en bon père de famille, c’est-à-dire en bon voisin. »
Antérieurement à ces auteurs, Domat enseignait les mêmes vérités
dans son droit public , livre 1 , tit. 8 , sect. 2, n° 1 1.
L ’usage des rivières étant au public, personne 11e peut y faire
de changement qui nuise à cet usage.
'< Ainsi, quoiqu’on puisse détourner de l’eau d’un ruisseau ou
* dune rivière pour arroser des prés ou d’autres héritages ou
« pour des moulins et autres usages, chacun doit user de cctLc li«■berle, de sorte q u ’ il uc nuise point à des voisins qui auraient
un semblable besoin et un pareil droit; et s’il n’y avait pas assez
« d eau p our ton s, ou que l’usage qu'en feraient quelques-uns
* J iït nuisible a u x a u tre s, il y serait pourvu selon le besoin,
« par les officiers de qu i c’ est la charge.
(Jporlet euitn in hujusnm di rebus ulilitatem et tulelam f o cientis spectari sine tnjurui utùjue accohirum , dit une loi
�1
romaine citée par le savant auteur. (La . 1, § 7, in fin e , ÎT, ne quid
in Jlurn. )
Toutes ces opinions s’appliquent aux héritages qui sont traversés
par les cours d’eaux connue à ceux qui en sont haignés sur un
bord seulement.
Cos principes étaient consacrés par une disposition expresse de
l’art. 207 de la coutume de Normandie.
Cette doctrine est la base des divers articles du Code c iv il, qui
se sont occupés des cours d’eau.
On y remarque une différence essentielle entre les règles rela
tives aux sources et celles applicables aux eaux qui 11e naissent pas
dans un héritage mais qui y arrivent des terrains supérieurs.
v Celui qui a une source dans son fond, dit l’article 6 4 1 , p e u t
«r en user à sa volonté.
11 peut donc la retenir, la détourner, en disposer arbitrairement,
parce qu’il en est le maître, parce que la source est un accessoire
de sa propriété oii elle surgit.
Au contraire, d’après l’article G44 5 s* Je riverain ou celui dont
l’héritage est traversé par l’eau peut en user à son passage, son
usage est restreint, est soumis à des modifications et à des condi
tions qui en préviennent l’abus.
«■Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que
« celle qui est déclarée dépendante du domaine public, peut s’en
a servira son passage pour l’irrigation de ses propriétés.
*
Celui dont cette eau traverse l'héritage peut même en user
« dans l’in ten a lle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la ren« dro , à la sortie de scs fonds, « son cours ordinaire.
Dans los deux cas, le propriétaire du fonds, soit que l’eau le tra
verse ou qu’elle le borde seulement, ce propriétaire n’a qu'un sim
ple usage de cette eau ; seulement, s’il est propriétaire «les deux
rives, 11’élant en concurrence avec personne dans cette partie du
cours d'eau, il en use seul dans tout Cintervalle qu'elle parcourt
au milieu de sa propriété ; tandis que , s’il nVst propriétaire que
•l’une r iv e , sou usage doit sc combiner, même pour l'intervalle
pendant lequel l’eau baigne d’un côté son terrain, son usage doit se.
�( 17 )
combiner avec l’usage, avec les droits semblables qu’a le proprié
taire de l’autre rive.
Mais scs droits , dans les deux c a s , se réduisent à un simple
usage, à un usage qui n’est pas attributif de la propriété de l’eau,
a un usage qui ne doit pas devenir un abus et par lequel on ne peut
être autorisé à changer le cours de cette eau , ni même à l’absorber
en totalité au préjudice des autres propriétaires dont les fonds sont
aussi traversés ou bordés par le cours d’eau.
« Cette faculté, dit Pardessus, ne doit pas cependant dégénérer
* en une occupation tellement exclusive, que les autres en soient
* privés. L ’eau est pour tous un don de la nature -, que chacun do
* ceux à qui elle peut être utile a droit de réclamer également ;
K la seule différence consiste en ce que la disposition des lieux la
* donne à l’un avant l’autre. Mais ce n’est qu’un dépôt dont il peut
* u s e r , pourvu qu’il ne prive pas ces derniers du même droit
* (Traité des servitudes, partie 2, chap. i , sect. i , n° i o i ) .
M. Toullicr, dans son droit civil français, s’exprime dans le même
35
54
sens (liv. 2 , tit. 2, chap. 2, n° i
et 1 )*
« Si le propriétaire d’un héritage que traverse un courant d’eau
w pouvait détourner ce courant ou en retenir tonies les cauæ
« au préjudice du fonds inférieur, le propriétaire supérieur aurait
<f le même droit ; en défendant à l’un et à l’autre de détourner le
« cours de l’eau, la loi protège également leurs propriétés par la
* limitation même qu’elle y apporte; ils peuvent user de l’eau pen" dant qu’elle traverse leur héritage , l’y faire circuler comme bon
* leur semble, mais à la charge de la rendre , à la sortie de leur
« fonds, a son cours ordinaire.
De tôut ce que nous venons de dire et de la lettre même de l’ar
ticle 6/(4 il résulte en droit, i* que, si celui dont la propriété borde
une eau courante peut s ’en servir ¿1 son p a ssa g e, il ne peut pas
la conduire au-delà du point ou son héritage cesse d’être bordé par
le cours d’eau; 20 qu’il en est de même du propriétaire dont le
fonds est traversé par l’eau courante ; car d’après le second para
graphe de l’article , il 11e peut user de l’eau que dans l'¡ritenutile
elle parcourt son héritage. Donc son usage doit se borner à
�l'héritage traversé par le cours de l’eau; il ne peut être étendu à
des héritages réunis au précédent , éloignés des bords du cours
d’eau et que cc cours ne traverserait pas.
M. Proudhon, déjà si honorablement connu par son excellent
Traité de l'usufruit et de l’usage , a développé avec beaucoup de
sagacité et de sagesse, dans un nouveau Traité du domaine public,
les droits que peuvent avoir sur un cours d’eau les propriétaires
d’héritages riverains ou traversés par ce cours d’eau.
Après avoir transcrit l’art.
644 du
Code et posé aussi en prin
cipe que ces héritages ont seulement l’usage de l’eau, il fait remar
quer que , s'il était permis à tous les propriétaires riverains de
changer le cours des eaux , tantôt à droite, tantôt à gauche, cette
licence introduirait bientôt entr’eux un état d’anarchie, de débats et
de guerre civile.
11 ajoute ensuite cette observation importante
,n
:
« De là on doit encore tirer la conséquence que le propriétaire
« du fonds riverain ne pourrait y pratiquer un canal depuis le
« ruisseau, pour en conduire les eaux su r un héritage plus reculé,
« attendu que cc serait appauvrir le cours d’e a u , au préjudice des
« héritages qui sont situés , soit à l’autre bord, soit plus bas , et qui
433
421
« ont lous le droit d’en profiler. » ( V . t. 4 » p* n" *
•)
A la page
, il dit que « le propriétaire riverain du cours
4^8
« d’eau 11e pourra , au préjudice des autres propriétaires , soit
« collatéraux , soit inférieurs , le faire dériver en tout ou en partie,
« dans un réservoir ou étang, etc. »
A la page
d’attention :
4 29 > *1
d’autres remarques également dignes
« Le propriétaire d’un fonds bordant le ruisseau n’a le droit d’y
v prendre que l’eau nécessaire à l’irrigation de son propre héric tage ; donc il ne pourrait y perm ettre la confection cl’un
v aqueduc pour conduire les eauæ sur le fonds d’ un autre qu i
« serait plus recu lé; et tant qu’il n’y aurait pas prescription, les
« autres propriétaires intéressés à la s u p p r e s s i o n d’un pareil 011« vrago pourraient la demander. »
Il dit à la suite que « ce propriétaire riverain n’a le droit
�( l9 )
* d’arrosement que pour l’usage du fonds qui borde l'e a u ; s’il
« l’agrandit par des acquisitions d’aulres fonds gui ne soient p as
r euæ-m ëm es adjacens au ruisseau , il n’aura pas la faculté d’y
« faire, au préjudice des autres propriétaires, de plus grandes
« prises d’eau pour l’irrigation de ses propriétés...... La raison de
« c e la , c ’est que la servitude d’usage, qui n’est établie que pour
« un fonds, ne doit pas cire étendue à d’aulres........
« S’il ne peut en user à discrétion comme le maître de la source,
« c’est parce que les autres propriétaires, soit collatéraux, soit in« férieurs, ont aussi leurs droits, auxquels il est défendu de porter
« préjudice. »
A la page / p i , s’occupant des droits du propriétaire dont les
fonds bordent le cours d’eau des deux côtés, il souligne ces expres
sions de l’article 644 >p eu t même en user, pour en conclure que
« le propriétaire du fonds n’est toujours signalé que comme
« usager, et encore que son usage ne s’applique qu’à l’irrigation
* de ses héritages...... et qu’il ne pourrait pas recueillir e t renv fe r m e r les e a u x dans des étangs ou réservoirs. »
433
A la page
, en rappelant q u e , si l’art. 644 permet à celui dont
l’héritage est traversé par l’eau , d’en user « son passage dans
l’intervalle q u e lle y p a rco u rt, c’est à la charge de la rendre,
ci la sortie de ses fo n d s , à son cours ordinaire, l’auteur fait re
marquer que l’article ne dit pas à la sortie de son fo n d s , mais
a la sortie de ses fo n d s ; et il ajoute ensuite une observation d’une
grande justesse :
«■ C ’est pourquoi, si l’on suppose que le fonds qu’il possède à
« gauche du ruisseau, s o it, vers la région inférieure, moins pro« longé que celui qu’il possède sur la droite, et qu’il veuille le
* faire circuler ou serpenter dans l’intérieur d’un de ces fonds, il
* sera obligé de le ramener à son cours naturel vis-à-vis de la
« pointe du fonds latéral de gauche , qui est le moins p r o l o n g é ;
* attendu qu’autrement on ne pourrait pas dire qu’il l’a rendu à
* son cours ordinaire à la sortie de scs fonds. »
Des diverses règles que nous venons d’analyser, le judicieux au
teur tire plusieurs conséquences, notamment, page
435 , où il dit :
�( >0 )
.
« Que les propriétaires des fonds touchant au ruisseau dans
« la partie inférieure ont ;mssi un-véritable droit à l’irrigation de
« leurs héritages-;, droit dont il n’est pas permis de les priver,
« puisque celui qui les précède ne doit jouir des eaux avant eux
« qu’à la charge de les rendre , par un aqueduc , à leur cours ork
diuaire. Et cela est de toute justice , car comme ils 11e pourraient
« s’empêcher de les recevoir si elles leur étaient nuisibles , il faut
« bien que, réciproquement, ils aient le droit d’en exiger la trans«f mission lorsqu’elles leur sont utiles. »
C ’est d’après ces mêmes idées de justice, que l'auteur décide en
faveur des propriétaires inférieurs la question qui liait lorsque
l'héritage d’un des riverains est trop élevé pour y faire monter les
eaux ; il se demande alors si le riverain opposé doit profiter de
cette circonstance pour s’emparer de l’eau dont n’use pas celui-là,
et pour faire serpenter cette eau dans son pré ?
L ’auteur répond négativement « parce qu’il est incontestable que
<r les propriétaires des héritages inférieurs ont droit à toutes les
» eaux qui découlent naturellement des fonds supérieurs ; d’où il
<î résulte que, s i , parmi ces fonds , il y en a qui n ’absorbent auv cunc partie du fluide, ce sera une cause d’accroissement, ou
« plutôt de non décroissement dans la masse dirigée vers la ré-
44
436
«■gion inférieure. » ( V . le même tome 4 »Pag e
*> u* i
.)
Tous ces principes se résument en quelques règles positives et
conformes à la lettre comme à l’esprit de l’art. 644 du Code civil :
Un propriétaire riverain d’un cours d’eau peut se servir de l’eau
à son passage ; c’est-à-dire, qu’il doit la prendre sur sa propre r iv e ,
et 11e remployer fjii’à l’irrigation du seul héritage qui borde le cours
d'eau ;
Celui dont le fonds est traversé par l’eau peut en u ser, mais seu
lem ent dans £intervalle que l'eau y parcourt.
n’a pas le droit
11
d’élendre son usage au-delà de la limite où l’eau cesse d’avoir son
cours au milieu de scs propriétés;
Ce propriétaire doit rendre , au point extrême de celle des
rives de scs deux fonds qui est la moins p r o l o n g é e , il doit rendre ,
à l'extrémité de celle rive , ¿1 son cours ordinaire, l’eau qu’d avait
�( 21 )
Retournée, sans pouvoir en prolonger l’usage dans une partie in
férieure de son héritage, qui ne borderait pas le cours d’eau ;
C ’est devant son propre héritage , et non devant l’héritage supé
rieur d’un autre que chaque pi’opriétaire doit prendre l’eau dont
il veut user ; il n'a pas le droit de la prendre , à l’aide d’une rase ou
d’un canal, dans la partie supérieure du lit du ruisseau , ou dans le
terrain du propriétaire voisin; c e lu i-c i, simple usager lui-méme
pour sou propre héritage seulement, n’a pas aussi le droit d’auto
riser l’établissement* d’un canal ou d’un aqueduc sur son terrain
ou sur la partie correspondante du lit du ruisseau, pour diriger l’eau
sur l’héritage d’un autre, au préjudice des propriétaires inférieurs ;
ces derniers sont autorisés à faire détruire ou modifier les ouvrages
qui empêchent que l’eau ne leur a r r iv e ;.
Enfin, si certains des héritages riverains ne peuvent, à cause de
leur élévation, user des eaux pour leur irrigation, ce qu’ils ne
pourront recevoir devra profiter aux riverains inférieurs par droit
de non décroissement.
Comparons cette doctrine aux prétentions des époux Chandezon
et à la localité.
Ces prétentions , et les moyens sur lesquels elles s'appuient, sont
développés dans de longues conclusions signifiées en première
instance, le
5 mai i 83 /f, et dont voici l’analyse
:
« En fait, dit-on , la propriété des sieur et dame Chandezon est
en partie b o rd ée, en partie traversée parle ruisseau de la Monne;
« A
65 mètres environ,
au couchant de leur ve rg er, il y a une
prise d’eau consacrée par un usage immémorial ;
« L ’eau introduite dans le verger se divise en une infinité de
petites rigoles établies pour son irrigation;
*
En sortant du verger, elles se rendent dans un canal dont la
direction a été donnée par les demandeurs pour distribuer ces
eaux enlre les propriétés inférieures ;
« Si elles n’arrivent pas à leur destination , c’est que le canal est
dégradé; c’est aux demandeurs à le réparer : cela est étranger au
sieur Chandezon ;
« Il avait été fuit anciennement une distribution des eaux ; elle a
�etc renouvelée en 1822 par le sieur Chouvy, expert, entre les
propriétés inférieures; et le sieur U ssel, représenté par les époux
Chandezon, 11’y figure pas.
« En droit, le libre usage qu’ont exercé les époux Chandezon
de la prise d’eau sur le ruisseau de la Monne, pendant un tems
immémorial, est une servitude que nul ne peut leur contester ;
(f Celui dont la propriété est traversée par une eau courante a
le droit d’en user dans l’intervalle quelle y parcourt, à la charge
de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire;
« Il peut absorber entièrement l’eau, toutes les fois qu’il n'en
change pas le cours ;
« O r, les époux Chandezon entretiennent les rases qui laissent
écouler l’eau de leur veFger ;
« Ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par le fait
d’ouvrages inférieurs à leurs propriétés ;
« Un règlement d’eau 11e peut être demandé que par ceux qui
sont en concuiTcnce ; or, la propriété des sieur et dame Chandezon
étant traversée par le ruisseau, ils exercent leurs droits sans aucune
concurrence, et n’ont pas à ménager ceux des propriétaires
riverains ;
«■Les propriétaires" de la rive opposée pourraient seuls se
plaindre (1);
« Les époux Chandezon seuls ont établi et entretenu, à leurs
frais , les vannes et les canaux qui servent à l’irrigation de leurs
propriétés; eux seuls doivent, par conséquent, en jouir. »
Tels so n t, en résumé, les principaux moyens sur lesquels on
s’appuie pour repousser le règlement demandé.
Parmi quelques faits et quelques principes exacts , ces moyens
en présentent beaucoup d’erronnés ; et même ce qu’il y a de vrai
reçoit une fausse application.
En fa it, la propriété des époux Chandezon n’est B o r d é e que
dans une petite partie par le ruisseau de la Monne , et elle n’est
1
( 1 ) Ceci est un e erreur. V . le p»j»age de l’io u Jb o n cité |j u» liaut, tome 4,
n* » .
430
�( 23 )
traversée par ce ruisseau que dans une partie beaucoup plus petite
e n c o re , comme on peut le voir sur le plan; les époux Chandezon
ne sont propriétaires des deux rives du ruisseau, que sur une longeur d’environ G5 toises , et la plus longue ligne par laquelle ils
touchent au ruisseau sur l’une des rives , la rive gauche , n’est
15
que de 1
toises.
La partie la plus considérable^de leur propriété est éloignée du lit
du ruisseau , et se prolonge, presque en totalité, derrière le pré de
la dame Cisternes, qui est intermédiaire entre le cours d’eau et 1e
verger Chandezon ; en sorte que c’est à la darne Cisternes seule
qu’appartiennent, dans celte longue étendue, les droits de proprié
taire riverain ; o r, celte dame use elle-même de scs droits pour
l’irrigation de sa prairie.
C ’est aussi une erreur de fait de dire que les époux Chandezon
rendent l’eau à son cours ordinaire comme le veul la loi (C . C .,
art. 644)j car le cours ordinaire est le ruisseau qui est au midi;
o r , les eaux qui sortent de la propriété Chandezon tombent, en
partie, à l’aspecl opposé, au nord, le long du chemin , vers les
lettres C D du plan , et en partie, à l’est, aussi le long d’un chemin ,
vers les lettres G I I I ; et de là , il est impossible, à raison de la
disposition du terrain , qu’elles puissent rentrer dans le lit de la
Monne; il faudrait qu’elles remontassent de près de neuf pieds.
L e canal G
11 I avait été pratiqué , il est vrai,
pour recueillir les
eaux qui tombent dans les deux chemins, et qui proviennent no
tamment de plusieurs sources. Riais lors de l’établissement do ce
canal , aux Irais duquel le sieur Ussel avait contribué en l’an 9
comme tous les autres propriétaires , les riverains inférieurs ne
renoncèrent a aucuns de leurs droits sur les eaux de la Monne;
et certes, une telle renonciation, si le sieur Ussel eût pu l’obtenir,
aurait été consignée dans un traité.
L e canal, au reste, ne peut servir à l’irrigation des prés des appelans , l’eau ne pouvant monter d’environ 9 pieds , comme il le fau
drait. Il est, d’ailleurs, complètement dégradé ; il ne pourrait être
rétabli qu’à grands frais et à une grande profondeur, en le construi
sant de toute autre manière qu’il ne l’avait été dans son origine , en
�le faisant passer sous ’plusieurs ponls , et sans même qu’il pût être
d’une utilité réelle et équivalente aux dépenses qu’il occasionnerait.
IVous verrons bientôt que si le propriétaire riverain, ou celui
dont le terrain est traversé par l’eau, veut en user, c’est à lui-même
à la rendre , à ses frais , à son cours ordinaire, et qu’il ne lui est
pas permis d’en changer le cours, et de la jeter à l’aventure , à la
sortie de ses fonds, en laissant aux propriétaires inférieurs le soin
de la reprendre.
E niin, cette prétendue distribution des e a u x , renouvelée en
1822 entre les propriétaires inférieurs , est une erreur de plus du
sieur Chandezon. Jamais cette distribution 11’a été reconnue ni exé
cutée par les appelans ; il ne peut y avoir de règlement sans que
toutes les parties intéressées y concourent, le sieur Chandezon
comme les autres. Jusqu’à présent , ou au moins jusqu’en i
832 ,
avant la tentative usurpatrice du sieur Chandezon l’eau arrivait à
chaque prairie, parce que le sieur Chandezon 011 avant lui son
beau-père en prenaient peu et rarement , et que , s’ils détournaient
l’eau , les propriétaires inférieurs allaient lui rendre son co urs, en
détruisant le barrage temporaire et mobile qu'ils y avaient établi.
Tels sont les faits : examinons le droit.
Comme propriétaire riverain , le sieur Chandezon ne pourrait se
servir de Veau qu’à son passage , c’est-à-dire, sur le bord même de
sa propriété ; il n’aurait donc pas le droit de la conduire loin de
son l i t , dans un héritage ou un prolongement d ’héritage qu’il a
ajouté à sa propriété riveraine, et q u i, n’étant ni adjacent ù
la rive ni correspondant à cette riv e , ne peut avoir aucun droit à
l ’eau. C ’est ce qui résulte des dispositions do l’art.
du Code
civil; c’est ce qu'enseigne Proudhon, toine 4» I>agc 29. (V o ir
644
5
le passage e’i -dessus cité.)
Comme possédant même une propriété traversée par ce cours
d’eau , le sieur Chandezon ne pourrait user de l’eau qnv dans Cin~
tervalle qu’ elle y p arcourt, comme le dit expressément le second
paragraphe de l’art. 644’ O r » cet intervalle s arrete au point () ; le
ruisseau de la Momie ne traverse la propriété du sieur Chandezon
que dans une partie de la ligne U Q ; et a cc dernier point se* ter
mine le bord de son héritage ; à ce dernier point, il 11c possède plus
�(
*5
)
même une seule rive du cours d’eau. Ainsi, aux termes de la l o i ,
c’est à ce point Q , qu’il devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
c ’est-à-dire, au lit du ruisseau ; car cela est impérieusement,
prescrit par l’art. 644 du Code civil, qui lui impose cette loi
comme condition attachée à l’usage de l’eau qu’il lui accorde ;
à la charge de la ren d re, à la sortie de ses fo n d s ,
à son c o u r s
o r d in a i r e , dit l’article.*
Et remarquons que , suivant la doctrine de M. Proudhon , lors
même que la propriété du sieur Chandezon s’étendrait, sur la rive
droite, plus bas que le point Q , il n’en devrait pas moins rendre
l’eau à ce p o in t, parce qu’il serait tenu de la ramener à son cours
ordinaire, vis-à-vis de la pointe ditfonds latéral qu i est le moins
prolongé su r l ’une des rives.
Nous ne rappelons cette opinion que pour mieux fixer le sens de
644
l’article
du Code civil ; car, dans l’espèce, le point Q , sur la rive
gauche, est môme le point le plus prolongé des deux héritages que
possède le sieur Chandezon sur les deux rives (V. le plan); en sorte
que le sieur Chandezon devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
même plus haut que le point Q.
L e sieur Chandezon obéit-il à cette prescription de la loi ?
Use-t-il seulement de J’eau dans l ’intervalle q u e lle parcourt sa
propriété ? La rend-il, comme il l’a prétendu, comme il l’a fait
croire au tribunal de première instance, qui a adopté aveuglément
ses allégations , la rend-il à l ’extrémité de cet intervalle, c ’est-à<bre au point Q , comme il le devrait?
Non , l’ eau ne revient p a s , l’eau ne petit pas revenir à ce point ;
clic est détournée de son cours ordinaire ; elle est jetée à un tout
autre aspect que celui où coule ie lit de la Monne ; elle ne peut plus
y rentrer naturellement, parce quelle se trouve dans un terrain
beaucoup plus bas que le lit du cours ordinaire ; elle ne pourrait y
revenu' qu’à l ’aide de travaux extraordinaires et ou creusant un
canal d’une grande profondeur, (pii consommerait en frais d éta
blissement des sommes considérables, dont Ventretien annuel serait
;iussi trop coûteux parce qu’il serait bientôt encombré par les
terres , par les sables, et que l’on sc verrait enfin forcé d’aban-*
4
�donner, comme on Va déjà éprouvé , parce que toutes les fois qu’on
a à vaincre des obstacles naturels, la résistance constante de la
nature finit toujours pur triompher.
Dans de telles circonstances, que peut-on penser de l’observation
des époux Chandezon, qui disent naïvement que l’eau étant sortie
de leur p r é , ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par
le fait d’ouvrages extérieurs à leurs propriétés?
L ’observation pourrait être do quelque justesse, si les époux
Chandezon rendaient l’eau à son cours ordinaire , et que ce cours
fût ensuite gêné par des faits indépendans de leur volonté.
Mais il arrive précisément tout le contraire. L ’eau, comme nous
l’avons déjà dit (et il est impossible qu’on nie cette vérité de fait),
l’eau n’est pas rendue à son cours ordinaire ; et les ouvrages dont on
•
•
*
*
i
p a rle , loin de nuire à la rentrée de l’eau dans le lit de la Monne ,
avaient pour but de l’y ramener ; mais ce but n’a pu être rempli.
Au reste, ce n’est pas aux riverains inférieurs à ramener dans
leur lit naturel, dans leur cours ordinaire, les eaux dont les époux
Chandezon veulent user ; c’est à eux que la loi impose cette con
dition absolue ; c’est à eux donc , ou à renoncer à l’usage des eaux,
ou à faire et à entretenir tous les ouvrages nécessaires pour exécuter
la condition sous laquelle cet usage leur est attribué.
Ainsi, les époux Chandezon violentla loidans ses principaux points r
Us la violent en ne se restreignant pas, comme riverains , à se
servir de l’eau à sou passage, pour l’irrigation du seul terrain qui
est adjacent à la rive, mais en la détournant pour la conduire à uu
terrain plus éloigné du ruisseau , et qui, n’étant pas exposé aux inconvéuicns des eaux , ne doit pas profiler de leurs a\antages ;
Ils la violent , même comme propriétaires de fonds traversés
par un cours d’eau , en ne se bornant pas à user des eaux dans
l’intervalle qu’elle y parcourt, en ne restituant pas l’eau à l’extrémité
de cet intervalle, et en l’étendant à une propriété que celle eau ne
parcourt pas , qui est au contraire séparée du cours d’eau par une
propriété étrangère ;
Ils la vio len t, en ne rendant pas l’eau à son cours ordinaire,
comme la loi les y oblige , et en la jetant, au contraire, à.u u c
�(
27
)
grande distance, et sur un terrain beaucoup plus bas , d’oii elle ne
peut rentrer dans son Ht ;
Ils violent aussi la loi sous un autre rapport, en prenant l’eau ,
«on dans la partie du cours qui est correspondante à leur propriété,
mais au-dessus, dans une partie du lit dont est riverain un proprié
taire étranger qui n’a pas le droit de disposer de l’eau au préjudice
des propriétés inférieures et riveraines.
Si les époux Chandezon se bornaient à prendre l’eau dans la ligne
de leur propriété, c’est-à-dire, dans l’intervalle du point B au point
O , les riverains inférieurs auraient peu à se plaindre , parce qu’ils
ne seraient privés que d’une faible portion des eaux de la rivière.
L e ruisseau de là Monne coule dans un vallon; et son lit est en
caissé de manière que la rive droite étant très-élevec et tresescarpée ne peut profiter des e a u x , tandis que les terrains , sur
la rive gauche , sont inclinés eu pente plus d o u c e , et peuvent
être arrosés dans leur partie basse.
L ’enclos des époux Chandezon est un petit monticule à trois
versans , l’un au midi du (*ké de la rivière l’autre au nord du
côté du chemin C D , et le troisième à l’est , vers les lettres G H I.
Si l’eau nécessaire à l’irrigation était prise seulement vers le point
B , ou même en amont mais dans un point rapproché , il ne s’in
troduirait dans la propriété.Chandezon qu’une très-petite quantité
d’eau; l’encaissement du lit en conserverait la plus grande quantité
pour les propriétés inférieures.
Mais les époux Chandezon vont aujourd’hui prendre l’eau
beaucoup plus haut que leurs propriétés , à
45
mètres environ
au-dessus du point l i , dans la partie du lit de la rivière qui
longe la propriété Bouchard, c ’est-à-dire, à un point dont le
niveau est beaucoup plus élevé que le point B , où le lit est moins
encaissé, et à l’aide d’un barrage qui n’a rien de fixe, qui n’est
formé que de simples pierres alignées dans le lit de la rivière, non
liées cntr’elles , mêlées quelquefois d’un peu de paille; à l’aide d’un
barrage qui varie de forme et de longueur à l’arbitraire du sieur
Chandezon, et que, d’année en année, il remonte,un peu plus
haut, le long de la propriété Bouchard ; en sorte que, depuis i
85 a,
il s’est emparé, dans tous les lems, de la plus grande partie de l’eau
�de la Monne, e l , dirns les tems socs, de la totalité de cette can.
Telle est la manière dont les époux Chandezon veulent s’appro
prier l’eau de la Monne.
En ont-ils le droit ?
La négative n’est pas douteuse. La lettre comme l’esprit de
l ’article
644 du
code civil le démontrent. Cet article permet au
propriétaire riverain de se servir de l’ eau à son passage, et à celui
dont le terrain est traversé p ar l’eau d’en user dans l’intervalle
qu’elle y parcourt. Mais elle ne l’autorise pas à s’introduire audessus de la ligne de sa propriété dans le lit du ruisseau, à remonter
ce li t , à y établir un barrage pour empêcher l’eau de couler dans
sou lit naturel, pour en changer le cours et pour la diriger vers
une propriété inférieure de
45 mètres au point ou elle
est prise.
Les époux Chandezon diront-ils que le sieur Bouchard le tolère,
et que lui seul étant riverain en cet endroit, pourrait seul aussi s’y
opposer?
Un tel argument serait la plus grande des erreurs.
L e sieur Bouchard n’est pas propriétaire de l’cviu de la rivière.
Cette eau est commune à tous les riverains ; el chacun d’eux peut
seulement en user sans avoir le droit de concéder à un autre ce
qui ne lui appartient pas à lui-même.
Comme riverain, le sieur Bouchard a le droit de se servir de
l’eau pour l'irrigation de sa propriété ; et dans le fait il exerce ce
droit.
Cet usage exercé par le sieur Bouchard pour son propre avan
tage, épuise tous ses droits ; il ne lui est pas d’ailleurs permis de
tolérer dans un autre ce qu’il ne pourrait pas faire lui-mème pour
son propre avantage. Il ne peut pas autoriser le sieur Chandezon ni
qui que ce soit à établir dans la partie du lit dont lui Bouchard est
riverain, un barrage pour conduire l’eau chez son voisin ; car ce
serait se rendre maître d’une eau dont il n’a qu’un usage personnel;
ce serait disposer de la chose des riverains inférieurs.
Cette doctrine ressort clairement des dispositions de l’article G44
du code c iv il, qui a entendu concilier les intérêts de tous les rive
rains, cl qui 11e veut pas que plusieurs riverains supérieurs puissent
�( 20 )
se concerter entr’eux pour priver les inférieurs des avantages qu’ils
peuvent retirer du Voisinage d’une x’iviere trop souvent désastreuse,
pour eux par ses irruptions.
Cette doctrine est aussi professée par M. Proudhon , dans son
Traité du domaine public . dont nous avons déjà transcrit le passage
si positif où il dit que le propriétaire d’ un fo n d s qu i borde un
ruisseau n’a le droit d ’y prendre que l’eau nécessaire à l’irri
gation de son propre héritage , e t qu’il ne pourrait y perm ettre
la confection d ’un aqueduc p our conduire les e a u x su r le fo n d s
d ’un autre q u i serait plus reculé ( V . tome
4 , page 429 )-
A in si, c’est sans droit que le sieur Chandezon s’empare de l’eau
de la rivière vers un point qui ne correspond même à aucune de
ses propriétés; et les x’iverains inférieurs sont d’autant plus fondes
et intéressés à s’en plaindre , qu’en ne prenant l’eau que près de
chez lu i, il n’en pourrait retenir qu’ une partie et ne priverait pas
les vastes prairies qui sont plus basses d’une irrigation dont elles
ont toujours joui.
Nous avons démontré clairement et positivement, il semble, que
l’article 644 du code civil ne conférait pas aux époux Chandezon
les droits qu’ils s’arrogent, et que par leurs entreprises ils blessaient
ouvertement la lettre comme l’esprit de notre législation sur les
cours d’eau.
Ici se présente une autre objection tirée de l’existence des canaux
et de l’usage des eaux, usage qu’ils ont exercé eux ou leurs auteurs,
disent-ils, depuis un teins immémorial.
Relativement aux canaux et à l’agage B aux frais de l’établisse
ment desquels les propriétaires inférieurs n’avaient pas contribué ,
dit-on, il est assez étrange qu’on se soit fait de celte circonstance
un moyen devant les premiers juges.
Cet usage, utile aux époux Chandezon seuls, ces rases ou rigoles
<ln’ils ont creusés dans leur pré, ne sont que nuisibles aux riverains
infér ieurs. Ceux-ci ne pourraient s’en servir, en eussent-ils le droit;
ds n’y ont jamais rien prétendu; ce n’est pas là que gît la question
de la cause.
Quant à l’argument tiré de l’usage des e au x, il csl facile d’y ré
�pondre; cl on le sentait si bien qu’on ri’y a pas insisté en première
instance. Aussi le tribunal ne s’y esw l pas arrêté:
1
Ce prétendu usage n’a pu acquérir aiicuri droit aux époux Chaiidezon, parce qu’il n’a été ni caractérisé, ni exclusif.
Il n’a pas été caractérisé par des travaux de main d’homme, éta
blis d’une manière fixe et propres à annoncer l’intention permanente
de s’emparer des eaux au préjudice des droits des riverains inté
rieurs.
E n effet, sauf un commencement de rase pratiquée dans la pro
priété Bouchard, en amont mais à peu de distance du point B , les
époux Chandezon ni leur auteur n’ont jamais pratiqué, sur le lit de
la rivière au-dessus de leur propriété , des ouvrages apparens et
solidement édifiés, tels qu’un barrage en maçonnerie, pour diriger
dans leurs héritages les eaux de la rivière de la Monne. Ils n’y ont
même jamais élevé d’écluse eu fascines soutenues par des p ie u x, ni
aucune autre espèce de construction solide qui détournât les eaux
de la rivière et qui put faire concevoir aux propriétaires inférieurs
la crainte d’en être prives.
Ils se sont toujours bornés, lorsqu’ils voulaient s’emparer de l’eau,
à faire instantanément dans le lit de la rivière et dans la partie de
cc lit, correspondante à la propriété Bouchard, un barrage mobile j
composé des pierres prises dans le lit môme de la Monne et aux
quelles ou réunissait un peu do paille, afin de détourner les eaux do
leur cours ordinaire pour les diriger, par une espèce de cannfctcm*
porairc , le long de la propriété Bouchard, jusqu’à la rase qui
commence à une faible distance de leur propriété particulière*
c’est-à-dire, près du point marqué B sur le plan.
O r de tels ouvrages, qui ne présentaient rien de certain , rien do
fixe, rien de positif, qui disparaissaient à la moindre crue d ’eau, au
moindre mouvement de la rivière , n’ont pti constituer une ser
vitude réelle de prise d’eau, ni attribuer un droit exorbitant, un
droit contraire aux prescriptions de la loi, celui d’aller prendre, sui*la rive d’un héritage supérieur cl à un point éloigné de son propré
héritage, l’eau que la nature comme la loi destinent aux héritages
�(
ê
'
3i
)
^
inférieurs lorsque le possesseur du terrain supérieur ne peut plus
en user lui-même sur sa propre rive.
Pour établir une servitude de prise d’eau, pour acquérir par la
prescription sur le lit d’une rivière , comme sur le terrain d’autrui
un droit exclusif à des eaux qui ne nous appartiennent pas, il faut
que la possession soit caractérisée par des ouvrages apparens et
fixes, qui n’aient rien de précaire et qui ne puissent pas être
considérés comme l’eiï'et de la simple tolérance du propriétaire su
périeur , ou comme ayant pu échapper à l’attention des propriétaires
inférieurs auxquels les eaux devaient arriver. On peut invoquer sur
cette question par analogie un arrêt de la Cour de Iliom, du 2G
avril 1826. (V o ir aussi l’article 6^2 du.Code civil.)
O r, certes, à la manière dont était formée l’espèce de barrage
pratiqué par les époux Chandezon ou leur auteur, et tant que ce
barrage n’avait pas été prolongé en amont d’environ
45
mètres et
élargi sur le lit de la rivière de manière à intercepter la totalité ou
la presque totalité des eaux; en un mot tant qu’il 11’y avait pas eu
832
abus comme en j
, époque de l’origine du procès, les proprié
taires inférieurs, ainsi que le propriétaire supérieur , n’avaient dû
donner qu’une légère attention à l’entreprise des époux Chandezon,
parce qu’ils n’en éprouvaient pas un préjudice sérieux et continu.
Cette entreprise ne causait en cil et aucun préjudice au sieur
Bouchard, propriétaire supérieur, un barrage peu solide et peu
élevé n’exposant pas son héritage à être inondé.
Les propriétaires inférieurs étaient eux-mêmes peu blessés dans
leurs intérêts, soit parce que ce barrage n’existait pas constamment,
soit parce q u e , même pendant son existence primitive, comme il
était plus rapproché du point II, il ne détournait qu’une petite portion
de l’eau et en laissait arriver la plus grande quantité aux prairies
inférieures.
Ainsi, sous ce premier rappo rt, l’usage des eaux invoqué par les
époux Chandezon ne pourrait leur valoir aucun droit parce qu’il
n’aurait pas été caractérisé et que leur possession n’cîxt été que pré
caire.
Mais il y a plus, cet usage n’a jamais été exclusif.
1
�Jamais, en eiïet, avant )
832 , les époux Chandezon, ni
leur au
teur ne s'étaient emparés des eaux arbitrairement, quand bon leur
semblait, et malgré la résistance des riverains inférieurs; jamais ils
u’avaient disposé de ces eaux à leur gré ; jamais ils ne les avaient
détournés abondamment et constamment au préjudice des proprié
taires inférieurs.
S’ils usaient des eaux de la M onne, ce n’était qu'assez rarement*
et en partie seulement comme nous l’avons déjà dit; en sorte que
la plus grande masse du cours d'eau arrivait constamment aux pro
priétés inférieures.
E t si quelquefois le barrage était maintenu ou disposé de ma
niéré à détourner une trop grande quantité d’e a u , les proprié
taires inférieurs se transportaient vers ce barrage toléré plutôt que
dû ; et tantôt ils le détruisaient, tantôt ils le réduisaient de manière
à faire disparaître le préjudice qu’ils en auraient éprouvé.
C ’est ainsi que les choses se sont passées jusqu’en i
; c ’est
ainsi q u e , jusqu’à cette époque, sans qu’il y eut de règlement formé
832
et bien ordonné entre les divers propriétaires des prés supérieurs
ou inférieurs, tous cependant profitaient tour à Lourdes eaux , quoi
qu’avec peu de régularité; tous jouissaient des mêmes avantages s’ils
étaient exposés aux mêmes désastres; aucun d’e ux, pas plus les
époux Chandezon que les autres , n’avait ni 11e réclamait de privi
lège exclusif sur ces eaux.
T el a été l’unique mode de possession des époux Chandezon
ou de leur auteur. O11 le demande, pourrait-on trouver dans un tel
usage des eaux, dans une possession aussi précaire, aussi incertaine,
aussi variable, aussi peu exclusive, le principe du droit, qu’ils ré
clament aujourd’h u i , de s’emparer à leur gré et sans mesure des
eaux de la Monne ; de les retenir tant qu’il leur plairait ; de les absor
ber presqu’enticrement, soit pour l’irrigation d’une grande étendua
de propriété non riveraine du cours d’e a u , soit pour l’entretien
d’un vivier qu’ils y ont récemment établi; enfin de changer la di
rection de ces eaux sans s’inquiéter de les rendre à leur cours ordi
naire comme le veut la loi: et de prétendre encore que c ’est à ceux
<jui en ont besoin à les faire rentrer dans leur lit, tandis que Ja loi
�( 33 )
impose expressément celte charge à tous ceux auxquels elle c»
accorde l’usage?
Reconnaissons donc que les époux Chandezon ne peuvent invo
quer en leur faveur une possession caractérisée et sufiisante pour les
autoriser à priver les propriétaires inférieurs des eaux communes
que la nature a destinées à tous les riverains; reconnaissons qu'ils
sont tenus de se soumettre aux principes que nous avons ci-dessus
développés sur l’usage des e a u x ; reconnaissons q u e ,) comme
riverains, comme propriétaires même d’héritages que le cours d’eau
traverserait, ils ne pourraient prendre l’eau que sur la ligne de leur
propriété, et n'auraient pas le droit d’aller s'en emparer au préju
dice des propriétaires inférieurs, sur la partie du lit correspondante
à la propriété Bouchard; reconnaissons que, même en usant de l’eau,
ils seraient tenus de la rendre à son cours ordinaire, à la sortie de
leurs fonds et au point même où ils cessent d’être riverains; recon
naissons, en un mot, que leurs prétentions, qui tendent à violer
toutes ces règles, doivent être repoussées, et qu’il est juste de mettre
un frein à l’usage arbitraire qu’ils veulent faire d’un cours d’eau
auquel beaucoup d’autres propriétaires ont aussi des droits.
Ceci nous conduit à examiner si un règlement d'eau doit cire
ordonné.
A la suite des principes poses dans l’article
644
du Code civil
sur l’usage des eaux accordé par la loi à ceux qui possèdent des
héritages bordés ou traversés par une eau courante, vienneut des
dispositions réglementaires écrites dans l’article
645 pour faire cesser
les contestations que cet usage peut faire naître.
645
L ’article
s’exprime ainsi :
« S ’il s’élève une contestation entre les propriétaires auxquels
« les eaux peuvent être utiles, les tribunaux en prononçant doivent
« concilier Vintérêt de ¿’agriculture avec le respect du à la pro« priété ; et dans tous les cas les régleuiens particuliers et locaux
« doivent être respectés.
Cette dernière partie de l'article reste sans application dans la
ca u se , puisqu’il n’cxisle aucun règlement local et que le but du
procès est d’en faire ordonner.
5
�( 34 )
Quant à la première partie, jamais cause n’en comrhanda plus
l ’applicaiion. La lutte est engagée entre un propriétaire qui ne
possède qu’environ 8,000 toises de terrain susceptible d’irrigation,
et qui, pour en augmenter les produits ou les embellisseincus dans
son intérêt privé , veut absorber ou détourner à son gré toutes les
eaux du ruisseau de la Monne et en priver plus de 120,000
toises de prairies inférieures , toutes d’une grande valeur et d’un
produit considérable, toutes garnies d’arbres fruitiers, toutes exis
tantes en nature de prairie depuis 1111 teins immémorial, et en pos
session depuis plusieurs siècles d’un droit d’irrigatiou dont le sieur
Chandezon voudrait aujourd’hui les empêcher de jouir.
' Sans doute l’intérêt de l’agriculture ne permet pas qu’on sacrifie
ainsi à un seul, et pour un terrain d’une médiocre surface, les droits
d’un grand nombre de propriétaires et la fertilité d’une vaste éten
due d’un terrain auquel l’arrosement est nécessaire.
Cette première considération suffirait seule pour faire ordonner
le règlement réclamé.
Nous pourrions aussi invoquer contre les prétentions des époux
Chandezon , soit des autorités nombreuses, soit la jurisprudence de
plusieurs cours.
Ces prétentions sont repoussées par les observations même qui
ont été faites au conseil d’é ta t, lors de la rédaction de cette partie
du Code civil.
«• Lorsque l’eau passe par plusieurs héritages, y fut-il d i t , sans
« que personne en soit propriétaire , que le modo de jouir n’est
« établi ni par le titre, ni par la possession, ni par des réglemens
* particuliers et locaux, les tribunaux déterminent la jouissance de
« chacun par un règlement qui fixe le teins pendant lequel chaque
« propriétaire usera des eaux et même l’heure oii il pourra s’en
/|5
«f servir; et l’article G veut qu’ils combinent ce règlement de matf nière à concilier l’intérêt de l’agriculture, c ’es t-à -d ire l’intérêt
« général avec le respect dù à la propriété (Esprit du Code civil
5
<t Sur l’article G/| ).
Ici Finlérct général est. tout en faveur des appelans, et l’intérêt
de la propriété ne peut leur être opposé, puisque
uous
savons que
�(
33
)
les eaux d’un ruisseau sont communes à tous les riveraius, et
que les époux Chandezon, riverains dans une très-faible étendue de
terrain, n’avaient à ces eaux qu’un droit proportionnel el par con
séquent fort restreint ; puisque nous avons vu aussi que les époux:
Chandezon n’avaient pas le droit de prendre les eaux au point du
lit où ils s’en emparent pour les conduire à leurs héritages.
Bien plus, dans l’espèce, le respect dû à la propriété est blessé par
les entreprises du sieur Chandezon, qui violent le droit que les
propriétaires inférieurs ont acquis à l’usage de ce cours d’e au , par
une possession de plusieurs siècles.
Malleville , sur le même article
645 , dit aussi que , « si l’un des
« riverains absorbait l’eau au préjudice des autres ou en prenait un
« volume considérable, c’esfle cas de faire un règlement entr’eux,
<f et que c’est l’objet de la seconde partie de l’article
645 .
M, Pardessus, après avoir posé en principe qu’un riverain ne
peut détourner l’eau en entier sur son fonds , ajoute ce conseil re
marquable :
x Si le volume était si modique qu’il ne fut pas possible d’y faire
» des saignées , et que par cela seul les eaux devinssent inutiles ,
« il vaudrait mieux les accordera un seul pendant quelques heures
« ou quelques jours, et par ce moyen les en faire jouir su ccesii« vem ent pendant un tems proportionné à leurs besoins, que de
* ne les leur donner que partiellement, et dès-lors en si petite
« quantité qu’ils se trouvent manquer d’un élément qui peut seul
v féconder leurs héritages ; en un mot les tribunaux doivent établir
« des règles de convenance et d’équité.
Telle est la vraie doctrine. Il ne doit cire permis à aucun riverain,
quoique supérieur, de s’emparer exclusivement de l’eau au préju
dice des riverains inférieurs ; et les tribunaux doivent s’empresser
de réprimer les abus et d’ordonner les réglcmcns nécessaires pour
une sage distribution des eaux.
C ’est sur cette doctrine que s’est fondée la Cour de Riorn, on
décidant par deux arrêts , l’un du
germinal en 10, l’antre du
5
27 nivôse an 12 , que le propriétaire d’un pré supérieur où passait
un ruisseau n’avait pu relcnir l’eau cl la détourner des prés iufe«
�e 36 )
rieurs. ( V o i r ;ccs arrêts dans le journal de la C o ur, an 12., pages
1 1 6 , 120 ).
o
On p<uit consulter aussi un arrêt du parlement de Paris , du
65
j 6 juillet i o , rapporté par Mornac.
C ’est encore en adoptant et cri consacrant cette doctrine , qu’un
ai’rêt de cassation du 7 avril 1807, rejeta le pourvoi contre un
arrêt de la cour de Dijon , qui avait condamné un propriétaire su
périeur et riverain à détruire des digues et des canaux qu’il avait
établis pour s’emparer de la plus grande partie de l’ean , au préju
dice des propriétés inférieures. Une des dispositions de l’arrêt ren
voie ce propriétaire supérieur ¿1 se pourvoir en règlem ent avec
les parties intéressées. L ’arrêt reconnaît donc que des réglemeijs
sont nécessaires dans de tels cas.
•
On oppose, il est vrai, un autre arrêt du 16 juillet 1807, qui a
rejeté aussi le pourvoi contre une décision contraire. Mais ce se
cond arrêt ne peut être invoque par les époux Chandezon sous plu
sieurs rapports : 1* parce que les propriétés de celui qui se servait
des eaux étaient traversées par des ruisseaux ; qu’il ne prenait les
eaux qu’à leur passage et dans la partie du lit qui était bordée des
deux côtés par ses héritages, et qu’il n’en usait que dans Vintervalle
où le ruisseau parcourait ses propriétés ; 20 parce qu’à la sortie
de ses f o n d s , et au point où il cessait d’être riverain, il les rendait
¿1 leur cours ordinaire.
O r le sieur Chandezon ne fait rien de tout cela : 10 il ne prend
pas les eaux dans la ligne de scs propriétés; il va les prendre, sans
droit,par pure tolérance, dans lapartiesupérieure du lit, devantrheritage lîouchard à qui ces eaux n’appartiennent cependant pas, et
qui ne peut légalement en disposer ni en laisser user au préjudice
des riverains inférieurs auxquels la nature comme la loi les destinent}
nous avons déjà prouvé cette vérité de principes.
2* Le sieur Chandezon n’use pas des eaux dans l’intervalle seule
ment où leur cours traverse scs propriétés; il les conduit sur un
lorrain éloigné du lit de la rivière ; et ce qu’il y a de contraire à tous
les principes , il ne les rend pas à leur cours ordinaire , il les dé
�( 3? )
tourne au contraire de ce cours pour les faire tomber sur un terrain
beaucoup plus bas d’ou elles ne peuvent rentrer dans leur lit.
L e second arrêt invoqué ne peut donc recevoir aucune applica
tion à la cause, et la doctrine que nous avons cmise reste dans toute
sa fo rc e , protégée par la loi comme par l’équité, comme par l'in
térêt de l’agriculture.
Cette doctrine a été appliquée par un troisième arrêt plus récent
de la Cour de cassation ; cet arrêt, en date du i o avril 1821, et qui
casse une décision contraire, déclare en principe, en visant l’article
645 du code sur lequel il se fonde, que «■lorsque des propriétaires
« de dilTérens terrains ont le droit de se servir des mêmes eaux, et
« que le mode de jouissance n’est déterminé ni par les anciens
titres ni par aucun règlement particulier et lo c a l , c’est aux tri« bunaux qu’il appartient de prononcer sur les points qui divisent
* les intéressés et de fixer des règles qui préviennent tous débats
« ultérieurs.
T e l est le point de droit que pose l’arrêt.
Ce point de droit s’applique exactement à la contestation présente.
Les eaux de la Monne sont communes à tous les riverains , et
tous'ontle droit de se servir de ces eaux; nous l’avons déjàprouvé.
S ’il y a des difficultés entre les riverains sur le mode d’usage de
ces e a u x , les tribunaux sont donc appelés à faire cesser ces diffi
cultés par un règlement fait dans l’intérêt de tous.
Et comment le sieur Chandczon pourrait-il être admis à s’y op
poser , lui qui y a un intérêt plus pressant que tout autre s’il veut
obtenir ou conserver l’usage légal d’une partie de ces eaux ; lui qui,
s’il 11 y avait pas de règlement , devrait être privé de toute prise
d’eau.
1
Car rs propriétaires riverains, même inférieurs , ont le droit de
1 empêcher d exercer aucune prise d’eau ailleurs que dev;,nt s011
propre héritage ; ils ont aussi le droit d’exiger qu’il fasse rentrer
dans le lit de la rivière les eaux dont il userait et qu’il les fasse ren
trer dans leur lit au point où son héritage cesse de border le cours
d’eau.
Or, comment le sieur Chandczon arroserait-il, en sc soumettant
�( 38 )
à ces prescriptions qui lui sont cependant rigoureusement imposées
par la l o i , comme condition expresse de la faculté d’user de l’eau?
Ainsi par sa résistance illégale et injuste au règlement qui est de
mandé , il s’expose lui-même à être privé absolument de l’eau dont
il abuse aujourd’hui,
Il s’expose à en être privé ; car comme nous l’avons déjà fait ob
server il ne pourrait argumenter de prescription , puisqu’il n’a pos
sédé que précairement, puisqu’il n’avait jamais usé avant i
832 que
d’une faible partie des eau x, puisque le barrage qu’il établissait illé
galement sur le lit du ruisseau vis-à-rvis la propriété Bouchard était
détruit par les propriétaires inférieurs dès qu’ils s’apercevaient que
l’eau ne leur arrivait pas ou qu’elle ne leur arrivait qu’en moindre
quantité , puisqu’enfin jusqu’aux nouvelles tentatives par lesquelles
le sieur Chandezon a voulu s’approprier la presque totalité de l’eau
commune pour s’en servir même à embellir sa propriété et à y
établir un ou plusieurs viviers, jusqu’à ces tentatives arbitraires, les
propriétaires inférieurs avaient suflisamment fait arroser leurs vastes
prairies.
Ces propriétaires inférieurs ont donc le droit de se plaindre et
d’insister sur un règlement qui ménage les intérêts de tous.
Ils sont d’autant plus dignes d’intérêt dans celle réclamation , que
leurs prairies, dont le terrain est presqu’au niveau du lit du ruisseau,
sont chaque année exposées à d’aifligeantes dégradations par l’inva
sion des eaux j et ils ont fait cette année-ci l’épreuve la plus désas
treuse de ce danger.
Les époux Chandezon, au contraire, donl le terrain est élevé audessus du cours d’eau, sont à l’abri de ces malheurs presque annuels j
et cependant ils voudraient seuls profiter du bénéfice des eaux, eux
qui n’en redoutent pas les incommodités , pour en laisser tous les
ravages dans les
momens fâcheux aux propriétaires inférieurs
qu’ils priveraient de leur avantage dans les inomens où elles pour,
raient être utiles.
n’nst pas ainsi que la justice
Ce
se distribue.
Loin de là; l’équité ;
et la justice commandent un ordre tout oppose.
^
Cîir selon la remarque de Proudhon : « Si les près infui'icurs
�( 39 )
•
« étaient sujets à des inondations dans les crues d’eau cxtraordi« naires , cc serait là une considération majeure pour leur laisser
«• pleinement l’usage des eaux d’irrigation dans les tems ordinaires,
» plutôt que de permettre au propriétaire supérieur de s’en empa«■rer, tandis que l’organisation naturelle du sol le met à couvert
« des mêmes pertes__Secundùm naturcini e s t commoda ciijus* que rei seq u i quem sequuntur incommoda. L . 10, flf de reg.
« ju ris. »
Le cas prévu par l’auteur est celui où se trouvent souvent les
parties.
Cependant, quoique dans les tems de sécheresse l’eau puisse être
insuffisante pour tous, les appelans se sont bornes à demander un
règlement qui divisât les eaux entre tous les propriétaires supérieurs
et inférieurs dans la proportion de l’étendue des propriétés respec
tives susceptibles d’irrigation. Celte réclamation était trop juste
pour que le sieur Chandezon lui-même ne l’eût pas accueillie, si les
conseils irréfléchis de son intérêt personnel ne l’avaient complète
ment aveuglé sur scs droits.
Aussi est-il le seul qui ait résisté à la demande en règlement.
Les autres intimés ne s’y sont pas opposés; ils s’en sont rapportés à
droit en première instance; - et s’ils ne se sont pas réunis aux appe
lans, c’est qu’il existe, à ce qu’il paraît, entr’eux et le sieur Chande
zon , des arrangemens secrets qui les désintéressent.
Il
est vraisemblable que devant la Cour les autres intimés reste
ront aussi neutres dans les débats , prêts cependant à profiter du
succès qu’obtiendraient les appelans.
Mais s’ils se montraient hostiles, la dissertation à laquelle on vient
de se livrer leur sci ait applicable.
Dans cette cause, un règlement d’eau est autorisé par la loi pour
l’usage d’un cours d’eau commun à un grand nombre de proprié
taires riverains, parmi lesquels il n’en est pas un seul qui ait un droit
de possession exclusive, et dont il est juste que tous recueillent les
avantages, les propriétaires inférieurs sur-tout,
exposés aux ravages des inondations.
beaucoup plus
Ce règlement d’oau, réclamé par beaucoup , refusé par un s e u l,
�est prescrit par l'intérêt de l’agriculture, qui ne permet pas que
de vastes et de nombreuses prairies de la plus grande valeur, soient
privées d’une irrigation de laquelle elles ont toujours joui, et ré
duites à une affligeante stérilité , pour fournir à la prodigalité de
l’arrosement et aux embellissemens d’une propriété unique d’une
bien plus faible étendue, d’une bien moindre valeur.
Ce règlement d’eau est voulu par l’intérêt légitime du sieur
Chandezon, à qui la l o i , rigoureusement appliquée , refuserait
toute participation à l’usage de l’e a u , puisqu’à la sortie de ses fonds,
il ne la rend pas, il ne peut la rendre à son cours ordinaire.
Ce règlem ent, enfin, est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre
p ublic, pour prévenir les violens débats , les dangereuses querelles
que font naître l’usage et l’occupation des e a u x , et qui peuvent
produire de fâcheux excès , dans l’irritation qui jaillit du choc des
passions, excitées, sur-tout dans les tems de sécheresse par l’ur
gence des besoins d’irrigation.
La Cour, dans sa haute sagesse, ordonnera la mesure commandée
par les circonstances , comme par la doctrine, comme par l'équité,
qui est la première des lois,
M e A L L E M A N D , Avocat.
M* B O N J O U R , avoué,
R I OM ,
IM PR IM ER IE DE SA LL E S F IL S ,
PRES L E PA LAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Martin. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bonjour
Savarin
Johannel
Chirol
Tailhand
Debord
Veysset
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
irrigation
jardins
rivières
vin
prises d'eau
canal
cadastre
sécheresse
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Martin, médecin ; Martin, greffier du juge de paix ; Monestier, Ussel, Reynaud, Maugue-Champflour, et autres propriétaires de Tallende, de Monton, de Saint-Amand, appelans d'un jugement rendu par le tribunal de Clermont ; contre dame Justine Ussel et le sieur Vincent Chandezon, son mari, adjoint de la commune de Tallende, y habitant, intimés ; en présence de la dame Duvernin, veuve Cisternes, en son nom et comme tutrice de Charles Cisternes ; de dame Hélène Cisternes, et du sieur de Varennes, son mari, assignés en assistance de cause, et aussi intimés ; en présence de la dame Monestier et du sieur Creuzet son mari, d'Etienne Bohat-Lami, Antoine Bohat-Tixier, Laurent Tixier, Hugues Bohat, dit le grenadier, et de François Ballet-Beloste ; tous aussi assignés en cause, et intimés ; en présence enfin du sieur Nicolas Barbarin, également appelant.
Annotations manuscrites.
plan cadastral.
Table Godemel : Cours d’eau.
en matière de cours d’eau, les dispositions des articles 644 et 645 du Code civil ne sont applicables qu’aux cas où les droits du riverain d’une eau courante sont égaux, et où il n’y a ni titre ni possession qui déterminent des droits spéciaux en faveur de l’un d’eux. – ainsi, lorsqu’il résulte, des faits de la cause, ou de l’état des lieux, ou des documens produits, que des constructions de main d’homme ont été faites pour conduire les eaux dans la propriété de l’une des parties, et qu’elle en a profité depuis une époque reculée, il y a lieu de maintenir sa possession.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1800-1836
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2810
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2811
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53566/BCU_Factums_G2810.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Amant-Tallende (63315)
Veyre-Monton (63455)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cadastre
canal
doctrine
irrigation
jardins
Jouissance des eaux
prises d'eau
rivières
sécheresse
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53563/BCU_Factums_G2807.pdf
9d2a71e4b05518b30aff83a8f649af15
PDF Text
Text
9 \ p y ï.
COURROYALE
DE
RIOM
-
.
>
P
O
U
R
3 CHAM BRE
G A S P A R D S E R V O L L E , in tim é ;
.
CONTRE
Jean-Baptiste C H E V A L IE R , et autres, appelants d ’ un
jugement rendu par le Tribunal civil de R io m , le 27
novembre 18 3 4
. .
‘ •
e
'r *
’
",
.
L
•
C o n s e il s o u s s i g n é , q u i a p r is c o n n a i s s a n c e , 1° d u c o n tra t
d e m a riag e in t e r v e n u le 25 p lu v iô s e an 6 ( 1 3 f é v r ie r 1 7 9 8 ) . ,
e n tr e H e n r i C h e v a li e r et J a c q u e lin e S e r v o ll e ; 2° d ’u n e c e ssio n
f a it e , le 23 d é c e m b r e 18 0 7, p a r J a c q u e li n e S e r v o l l e , f e m m e
C h e v a li e r ( s t i p u l a n t c o m m e m a îtr e s s e d e ses b ie n s p a r a p h e r n a u x ) , à G a s p a r d S e r v o ll e , so n fr è r e , d e s d r o its q u i lu i r e v e
n a ie n t d a n s la s u c c e s s i o n a lo rs é c h u e d ' E t i e n n e U s s e l ; 3 ’ du
ju g e m e n t d u t r ib u n a l d e R i o m , en date d u 27 n o v e m b r e 1 8 3 4
e stim e q u e le t r ib u n a l a b ie n ju g é e n v a lid a n t la c e s s io n d u 20
d é c e m b r e 1807 , et q u e c e ju g e m e n t d o it ê tr e c o n f ir m é ,
L e s enfants d e J a c q u e li n e S e r v o l l e , f e m m e C h e v a li e r , ne
s' a rrêta n t pas à u n e ce s s io n q u e le u r m èr e avait fa ite à so n
�( 2)
frè re d e fo u s le s d ro its q u i lu i étaient alors é c h u s dans la s u c
ce ssion d ’ E t i e n n e U s s e l , p r é t e n d a n t q u e ce tte c e ssio n était
n u lle c o m m e alié n a tio n d e bie n d o t a l , o n t d e m a n d é c o n t r e
G a s p a r d S e r v o lle le p artag e d e la s u c c e s s io n d ’U sse l. C e lu i - c i
s’ est d é f e n d u à l ’a id e d e sa c e ssio n , a p r é t e n d u q u ’e lle était
v a la b le ; et le t r i b u n a l , a d m e tta n t c e s y s t è m e , a r e je t é la d e
m a n d e e n p artag e .
P o u r s a v o ir s ’il a é té b ie n j u g é , i l faut r e c h e r c h e r , ' i ° si la
c e s s io n d o n t on d e m a n d a it la n u l l i t é , e m b r a s s e d e s b ie n s d o
t a u x o u des b ie n s p a r a p h e r n a u x ; 2° si ce tte c e ssio n p e u t ê tr e
a s s im ilé e à u n e v e n t e , et si e lle n ’ est pas p lu tô t un p artag e o u
u n acte é q u iv a le n t à p artag e .
§ I".
L e s d r o its q u e la f e m m e C h e v a l i e r a c é d é s à son f r è r e , le
a 3 d é c e m b r e 1807, so n t-ils d o ta u x ou p a r a p h e r n a u x ?
P o u r r é s o u d r e ce tte q u e s t i o n , il est in d is p e n s a b le d ’analiser
s o ig n e u s e m e n t le co n tra t d e m a riag e d e la f e m m e C h e v a lie r .
Il a été fait à H e r m e n t , p a y s d e C o u t u m e , le i 5 f é v r ie r 1798
( 25 p lu v iô s e an G ). 11 n e r e n f e r m e a u c u n e s tip u la tio n d e r é
g i m e ; à c e t é g ard , o n s’ en r é f è r e au d r o it c o m m u n . O n y v o it
q u e les p è r e e t m è r e d e la fu t u r e lu i c o n stitu e n t un t r o u s s e a u ,
q u ’ ils lu i co n s titu e n t aussi u n e s o m m e d e 1,000 l i v . , p a y a b le
p a r le f r è r e d e la f u t u r e , G a s p a r d S e r v o lle .
I m m é d ia t e m e n t a p r è s , v ie n t la cla u se q u i d o n n e lieu à la d if
ficulté. E l l e est e n c e s t e r m e s :
« Il est c o n v e n u e n t r e les p a r tie s q u e , da n s le cas o ù le c i
t o y e n E t i e n n e U s s e l , c i - d e v a n t n o ta ir e à R i o m , v ie n d r a it h
d é c é d e r avant M a g d e la in e U s s e l, m è r e d e la f u t u r e , h é r it iè r e d e
d r o i t d u d i t U s s e l , son f r è r e , d è s le m o m e n t d u d é c è s d e c e
d e r n i e r , la d ite J a c q u e lin e S e r v o ll e p r e n d r a dans la s u c c e s s io n
d u d i t U s s e l la p o r t i o n q u i lu i r e v i e n d r a i t , si ladite M a g d e la in e
�( 3)
U s s e l était m o r te a va n t son fr è r e ,
tira
nature
d e bien
dotal
laquelle
portion lui
sor
; à cet effet, a , ladite M a r g u e rite
U s s e l , a u to risé e d e son m a r i , constitué à la future le droit de
succéder audit Etienne Ussel, p o u r la p o r t i o n c i-d e ssu s d é t e r • ,
m ince. »
’•
11 n ’est pas d o u te u x q u e cette clau se n e so it fort b i z a r r e ,
fort s in g u liè r e m e n t r é d ig é e , et lo u t-à-fa it en d e h o r s d e la la
titu d e p e r m is e p a r les co n tra ts d e m a ria g e . T e l l e q u ’elle e s t ,
n é a n m o in s , il faut a r r i v e r à la c o m p r e n d r e . Il est clair q u e c e tte clau se a eu p o u r b u t d e co m p le 'te r la
c o n s t it u t io n d o ta le d e .la fu tu r e . C e la r é s u lt e d e ce p assage : A
cet effet, la d ite M a r g u e r it e U s s e l c?constitué à la future le droit
de succéder audit U s s e l. C ’ est là la ba se ; ce q u i est c o n s t i t u é ,
c ’ est le droit de succéder, c o m m e c o n s é q u e n c e . Il est d it q u e
la portion q u e la fu t u r e r e c u e i lle r a , en v e r t u d e ce tte c o n s t it u
tio n d u d r o it d e s u c c é d e r , lui sera dotais.
A i n s i , d a n s c e lt e c la u se , la dotalité, c o n f o r m é m e n t au d r o i t r
ré s u lte de la c o n s t it u t io n ..C ’est un effet d e la stip u latio n ; c ’est
aussi u n e c o n s é q u e n c e d u p r i n c ip e su iv a n t le q u e l il n ’y a d e
dotal q u e ce q u i a é té c o n s titu é , o u à d éfau t d e c o n s titu tio n ,
q u e les b ie n s p ré se n ts, repute's c o m p r i s d a n s u n e c o n stitu tio n
im p lic ite .
C e la é t a n t , H faut b ie n a r r i v e r à c e tte c o n c lu s io n , q u e si la
c o n stitu tio n est n u lle , o u si elle n e p r o d u i t pas d ’e f f e t , il n ’y
a pas d e d o t a l i t é , au m o in s p o u r le s b ie n s à v e n ir.
O r , c ’ est ce q u i a r r iv e dans l ’e sp è c e .
D u n e p a r t , c o m m e l ’a 1res - b i e n r e m a r q u é le t r ib u n a l de'
^ Fiiorrt, la c o n s titu tio n n ’a p r o d u i t a u c u n effet ; ca r M a r g u e r it e
U s s e l n a pas s u r v é c u à so n f r è r e ; la c o n d it io n q u i serva it de
base a la stip u latio n n a pas é té a c c o m p lie . J a c q u e lin e S e r v o llc
a s u c c è d e d ir e c te m e n t. E l l e a r e c u e i lli u n e p o r tio n d e la s u c
ce ssio n d e son o n c le , n o n p as en v e r t u des d r o its q u ’avait sa
m e r e , n o n pas e n v e r t u d e la c o n s titu tio n q u i lu i avait été faite,
�mais en ve rtu d ’u n d r o it p e r s o n n e l. C e l t e p a r t d e s u c c e s s io n
lui avait été' d o n n é e p a r sa m è r e , m a is e lle n ’a ja m ais a p p a r
ten u à ce tte d e r n iè r e ; e lle n ’ a jam ais a p p a rte n u q u ’à la f i l l e ,
n o n pas en v e r t u d u contrat d e m a r i a g e , m a is e n v e r t u d ’un
d r o it o u v e r t b e a u c o u p p lu s tard.
L a cla u se d u co n tra t d e m a ria g e a é té sans effet ; les d r o its
q u ’ e lle a r e c u e illis éta ie n t d e s biens à venir, et n o n pas d e s
b ie n s p ré s e n ts à l ’ é p o q u e d u m a ria g e . S o u s c e r a p p o r t , il n ’y
a pas e u d o ta lité .
D ’a u tre p a r t , c e tte c o n s t it u t io n q u i , p a r l ’é v é n e m e n t , n ’a
pas p r o d u it d ’ e f f e t , n e p o u v a it pas en p r o d u i r e , ca r e lle était
e n ta c h é e d ’ u n e n u llité ra d icale et d ’o r d r e p u b lic . C e tt e cla u se
n ’ est a u tre c h o s e q u ’ u n e c e ssio n d e d r o its s u r u n e s u c c e s s io n
q u i n ’était pas e n c o r e o u v e r t e , q u ’u n p a c te s u r u n e s u c c e s s io n
fu tu re . C ’ é t a it , p a r c o n s é q u e n t , u n e stip u la tio n p r o h i b é e e n
t e r m e s e x p r è s p a r l ’article’ n d e la loi d u 17 n i v ô s e an 2 , e t
p a r la r é p o n s e à la 56 e q u e s t io n r é s o lu e en la loi d u 22 v e n t ô s e ,
m êm e année.
.
.
O r , l o r s q u ’ u n e co n s titu tio n d e d o t est n u l l e , r a d ic a le m e n t
n u l l e , les b ie n s q u ’ e lle c o m p r e n a it p e u v e n t-ils ê tr e r e g a r d é s
. c o m m e dotaux, p a r ce la se u l q u e p lu s tard ils r e v i e n n e n t à la
f e m m e , à u n a u tre titr e ? E v i d e m m e n t n o n ; la ca u se c e sse a v e c
l’e f f e t , et d e s b ie n s échus après le mariage n e p e u v e n t ê tr e as
s im ilé s à d e s biens donnes au moment du mariage.
A u t a n t v a u d r a it d i r e , a p r è s q u ’ un co n trat d e m a r ia g e a v e c
s tip u la tio n d e d o t a é té a n n u lé p o u r v i c e d e f o r m e , q u e la d o
talité su b s is te e n c o r e , si la f e m m e a les m ê m e s b ie n s.
Il faut r e m a r q u e r , d ’a i l l e u r s , q u e la clau se a é té e n t e n d u e en
c e se n s p ar les p artie s ; c a r , da n s l ’acte d e c e s s i o n , J a c q u e li n e
S e r v o lle d o n n e a u x b i e n s q u ’ e lle a r e c u e illis d a n s la su c c e s s io n
de son o n c l e , la q u a lité d e bien s p a r a p h e r n a u x .
*
�(5)
§ HM ais les b ie n s fu sse n t-ils d o t a u x , on p o u r r a i t , à la r i g u e u r ;
s o u te n ir q u e la c e ssio n n ’est pas a b s o lu m e n t n u lle .
Q u a n d e lle a e tc faite, la s u c c e s s io n d ’ E t i e n n e U s s e l était e n
c o r e in d iv is e . C e lt e s u c c e s s io n c o n t e n a it b c a u c o ù p d e v a le u r s
m o b iliè r e s . A u m o y e n d e la c e ssio n faite p a r J a c q u e li n e S e r v o lle , et p a r t o u s les a u tre s h é r i t ie r s d e G a s p a r d S e r v o l l e , s i
n o n da n s le m ê m e a c t e , au m o in s le m ê m e ' j o u r , l ’i n d iv is io n
a cesse'.
~
,
O r , q u ’e s t - c e q u ’u n a cte fait e n tr e fr è r e s et s œ u r s , e n tr e
c o h é r i t i e r s , et m e tta n t fin à u n e in d iv is io n , si c e n ’ est u n v é
r ita b le p a rta g e ? P o u r son l o t , J a c q u e lin e S e r v o lle a e u des v a
le u r s m o b iliè r e s q u ’ elle a é té d is p e n s é e d e li q u i d e r et d e r e
c o u v r e r . Il est d ifficile de s o u te n ir q u ’ elle a été lésée , et q u ’e lle
a e x c é d é ses d r o its e n a cc e p ta n t c e tte p o s itio n .
•
T e l s so n t les m o tifs q u i se r é u n is s e n t p o u r faire d é c i d e r q u e
1« t r ib u n a l d e R i o m a b ie n ju g é.
D é l i b é r é à C le r m o n t - F e r r a n d , le 12 f é v r ie r 1 836 .
'
^
*
J.-B. BAYLE-MOUILLARD.
<
Je suis çlu m ê m e avis ,
*
<
^
_ •
P .- C . T A I L I I A N D .
.
*
i
'
'
1
�CONSULTATION
/
P our
M. GASPARD SERVOLLE.
L eC o n s e il s o u s s i g n é ,
q u i a p ris c o n n a i s s a n c e ,
i° du
c o n tra t
d e m a r ia g e d e J a c q u e li n e S e r v o lle a v e c H e n r i C h e v a l i e r , d u
25 p lu v iô s e an 6 ; 2° d ’u n e v e n t e d e d r o its, su c ce ssifs’ , c o n
s e n tie p a r m a d a m e J a c q u e lin e S e r v o ll e , e'pouse C h e v a li e r , à
M . G a sp a rd S e r v o l l e , s o n f r è r e , le 23 d é c e m b r e 1807 ; 5“ d e s
m o tifs d ’un ju g e m e n t 'd u trib u n a l civ il d e R i o m , du 27 n o
v e m b r e i 8 3 4 , q u i v a lid e c e tte v e n t e c o m m e n e r e n fe r m a n t
q u ’ u n e a lién a tion d e b ie n s p a r a p h e r n a u x ; 4° d ’ u n e c o n sû lta t io n d e M M . T a ilh a n d et B a y le - M o u illa r d , a v o c a ts , ten d a n t à
la c o n fir m a tio n d u ju g e m e n t p r é c i t é ; 5° d ’ u n e c o n su lta tio n
i m p r i m é e , d e p lu s ie u r s ju r is c o n s u lt e s d e R i o m , ten dan F , au
.c o n tr a ir e , à l’in firm a tio n d e ce j u g e m e n t ;
"
E s t d ’avis q u e la s e n t e n c e des p r e m ie r s ju g e s a p a r fa ite m e n t
i n t e r p r é t é le co n tra t d e m a r ia g e d u 25 p lu v iô s e an 6, et q u ’ e lle
^.doit d è s lo rs ê tr e c o n f ir m é e p a r la C o u r royale.
C ’est ce q u ’ il e s p è r e f a c ile m e n t é t a b l i r , a p r è s a v o ir r a p p e lé
en d e u x m o ts le p o i n t d e la d ifficu lté.
FAITS.
L e 25 p lu v iô s e an 6 , la d e m o is e lle J a c q u e lin e S e r v o ll e , et
le s ie u r H e n r i C h e v a l i e r , d r e s s è r e n t le s c o n v e n t io n s de le u r
fu t u r m a r i a g e , q u i d e v a it ê t r e . r é g i p a r la C o u t u m e d ’A u
vergne.
L e s ie u r B ia ise S e r v o ll e et la d a m e M a g d e la in e U s s e l , p è r e
et in è re d e la f u t u r e , lu i c o n s t it u è r e n t d ’a b o r d u n t ro u sse a u
et u n e s o m m e d e m ille liv r e s .
11 fut d it e n s u ite :
« 11 est c o n v e n u e n tre les p a r tie s q u e , da n s le cas où le c i -
�(-)
« t o y e n E t i e n n e U s s e l , c i-d e v a n t n o ta ire à R i o m , v ie n d r a it a
» d é c é d e r avant M a g d e la in e U s s e l , m è r e d e la f u t u r e , h éri» tiè r e d e d r o it d u d it U s s e l, son fr è r e , ladite J a c q u e lin e S e r v o lle
» p r e n d r a dans la s u c c e s s io n d u d it E l i e n n e U s s e l , d è s le uio» m e n t d u d é cè s d e ce d e r n i e r , la p o r tio n q u i lu i r e v i e n d r a i t ,
» si ladite Magdelaine Ussel était morte avant son frère, l a »
quelle
portion
lu i so rtira n a tu re de bien dotal. ^4 cet effet,
» la d a m e M a g d e la in e U s s e l , a u to r isé e d e son m a r i , c o n s titu e
» à la fu tu r e le d r o it d e s u c c é d e r a u d it E t i e n n e U s s e l , pour
» la portion ci-dessus déterminée. »
C ’ est c e tte cla u se q u i d o n n e lie u au p ro cè s.
L e cas p r é v u p a r le co n tra t d e m a r ia g e n e se ré a lis e pas. L e
s ie u r E l i e n n e U s s e l , au lieu d e d é c é d e r a v a n t M a g d e la in e
U s s e l , sa s œ u r , n ’ est de'cédé q u ’a p r è s ; en so rte q u e sa n i è c e ,
J a c q u e lin e S e r v o ll e , a é té a p p e lé e directement à r e e n e illir u n e
p art d e la su c c e s s io n d e son o n cle .
L e 23 d é c e m b r e 1807 , la d a m e S e r v o lle , é p o u s e C h e v a lie r ,
stipulant comme maîtresse de ses biens adventiff, et p r o c é d a n t
a v e c l’assistance et le c o n c o u r s d e s o n m a r i , a fait v e n t e d r
cette p a r tie à M . G a s p a r d S e r v o l l e , soji f r è r e , a u x r i s q u e s et
p é r ils de ce d e r n i e r , m o y e n n a n t u n e s o m m e d é t e r m in é e .
L a d a m e J a c q u e lin e S e r v o lle étant d é c é d é e , ses enfants p r é
t e n d e n t a u j o u r d ’h u i q u e la v e n t e c o n s e n t ie p a r le u r m è r e , le
23 d é c e m b r e 1807 » d o it e tr e a n n u l é e , c o m m e r e n fe rm a n t une.
aliénation de b ie n s d o ta u x .
L e t r ib u n a l c iv il d e R i o m a r e je t é le u r d e m a n d e , p ar so n
j u g e m e n t d u 27 n o v e m b r e 1 834 * Il s’ est f o n d é s u r ce q u e la
c la u se d u co n tra t d e m a ria g e d u 25 p lu v iô s e an G, n e d é c la
rait do tale q u e la p o r t i o n d o n t la d a m e J a c q u e li n e S e r v o l l e
aurait p u p ro fite r da n s la s u c c e s s io n d e s o n o n c l e , p a r su ite
d e la r e n o n c ia t io n a n tic ip é e q u e sa m è r e avait faite en sa
faveur.
C est c e j u g e m e n t q u i est da n s c e m o m e n t s o u m is à la C o u r
r o y a le d e R i o m .
�(8 )
DISCUSSION.
L e s o u s s ig n é d o it e x a m in e r d ’a b o rd s i , dans le cas où les
b ie n s a lié n é s p a r la d a m e J a c q u e lin e S e r v o l l e , le 20 d é c e m
b r e 1807, a u ra ie n t é té s t ip u lé s d o t a u x , la v e n te d e va it être
d é c la r é e nu lle.
S u r r e p o i n t , le s o u s s ig n é n e saurait a d o p te r
l ’o p in io n
é m is e d ’ u n e m a n iè r e , au s u r p lu s , to u t-à -fait s u b s id ia ir e , dans
la C o n s u lta tio n d e M M . T a ilh a n d et B a y le -M o u illa r d . Il p e n s e ,
en c i f e t , q u e , dans c e lte h y p o t h è s e d e d o t a li t é , l ’acte d u
2 3 d é c e m b r e 1807 n e saurait é c h a p p e r à l’a n n u la tion .
A la v é r i t é , q u o i q u e les b i e n s q u ’ u n e f e m m e d o it r e c u e illir
da n s u n e s u c c e s s i o n , d o iv e n t faire p a r tie d e sa d o t , la loi
n ’e x ig e pas p o u r t a n t q u e le p a rta g e so it fait en j u s t i c e , s i ,
d ’a ille u r s , la f e m m e est m a je u r e et d û m e n t a u torisée.
Il est vra i e n c o r e q u e , d ’ ap.rès l’a r tic le 888 du C o d e c i v i l ,
t o u t acte q u i a p o u r o b je t d e faire c e sse r l'indivision e n tr e
c o h é r i t i e r s , e n c o r e q u ’il soit q u alifié d e v e n t e , d ’é c h a n g e , d e
tra n s a c tio n , o u d e lo u t e a u tre m a n i è r e , d o i t , en règlegénérale,
ê tre a ssim ilé à un p artag e.
M ais l'art. 889 e x c e p t e la v e n t e d e d ro its su c ce ssifs faite sans
fra u d e à l ’un d e s c o h é r i t i e r s , à ses risques et périls, p a r scs
a u tres c o h é r i t i e r s , o u p a r l’ un d ’e u x .
C e t a rticle n ’a d m e t p o in t l’a ctio n en r e s c is io n c o n t r e u n e
se m b la b le v e n t e , é v i d e m m e n t p a r c e q u ’ il n e la c o n s id è r e p as
c o m m e un s i m p le p artag e d é c la r a t if d e la part d e c h a c u n , m ais
b ie n c o m m e u n e v é r ita b le a lié n a tio n m ê lé e d e ch a n c e s aléa
to ire s.
O r , la v e n t e c o n s e n tie à M . G a s p a r d S e r v o l l e , le 23 d é c c m b r e '1 8 0 7 , l’a é té m o y e n n a n t un p r i x f i x e , et à ses risques et
périls. C e tt e v e n t e d e v r a it d o n c ê tr e a n n u l é e , s’ il était p r o u v é
q u ’e lle e m b ra ssa it d e s b ie n s d o ta u x .
M a is e st-il v ra i q u e la part q u e la d a m e J a c q u e lin e S e r v o lle
�(9)
avait r e c u e i lli e directement, da n s la su c c e s s io n d e son o n c l e ,
doit ê tr e c o n s i d é r é e c o m m e d o ta le ?
A ce t é g a r d , si g r a v e s q u e so ie n t les n o m b r e u x suffrages
des ju r is c o n s u lt e s q u i se so n t p r o n o n c é s p o u r l'a ffirm a tiv e , le
s o u s s ig n é n e p e u t e m b r a s s e r l e u r se n tim e n t.
A v a n t t o u t , il d o it r a p p e le r u n p r in c ip e .
L a C o u t u m e d ’A u v e r g n e , q u i ré g issa it le co n tra t d e m a
riag e d u 25 p lu v iô s e an 6 , dans son c h a p itr e i 4 , c o n s a c r é à la
m a tiè r e d e s d o n a tio n s et d e s d o t s , d isp o sa it :
A r t . i " . « F e m m e m a r ié e o u fia n cée est en la p u is s a n c e d e
son m a r i o u f ia n c é , e x c e p t é quant aux biens adventifsou paraphernaux, desquels elle est réputée mère de famille et dame de
ses droits. »
t
.
Art. 8. « T o u s b ie n s q u e la f e m m e a au t e m p s . d e ses fian
ç a i lle s , so n t t e n u s et r é p u t é s b ie n s d o t a u x , s ’il n ’y a d o t p a r
tic u liè r e c o n s t it u é e e n traitant le m a r ia g e . »
11 r é s u lt e c la ir e m e n t d e ces d e u x d i s p o s i t i o n s , q u e les seu ls
b ie n s lé g a le m e n t r é p u té s d o ta u x p ar la C o u t u m e , étaient c e u x
d o n t la f e m m e était d é jà saisie à l ’é p o q u e d e ses f ia n ç a i l le s ,
et q u e les b ie n s q u i lu i a d v e n a ie n t p lu s tard étaient ce n sé s
p a r a p h e r n a u x , to u te s .les fois q u ’ ils n ’a va ie n t pas été e x p r e s
s é m e n t fr a p p é s d e d o ta lité.
O n d o it d o n c r e g a r d e r le s b i e n s r e c u e illis p a r la d a m e Ja c
q u e lin e S e r v o ll c , a p r è s son m a r ia g e , d a n s la s u c c e s s io n d e so n
o n c l e , c o m m e p a r a p h e r n a u x , tant q u e le c o n tr a ir e n ’est p as
c la ir e m e n t é tab li.
O r , s u r q u e l le d is p o s itio n sc f o n d e - t - o n p o u r c o n s id é r e r
ce s b ie n s c o m m e d o t a u x ? U n i q u e m e n t s u r la clau se d u c o n
trat d e m a ria g e d o n t o n a p r é c é d e m m e n t r e p r o d u i t le^texte.
M a is c e tte c l a u s e , b i e n lo in d e p r o u v e r la d o ta lité , la r e
p o u s s e , au c o n t r a i r e , f o r m e l l e m e n t
A t t a c h o n s -n o u s , d ’a b o rd , à »a c o n l e x t u r e g r a m m a tic a le .
« D a n s le cas o ù E t i e n n e U s s e l v ie n d r a it à d é c é d e r avant
�C10 )
M a g d e la in e U s s e l , m è r e d e la f u t u r e , il est d i t ' q u e c e lle -c i
p r e n d r a , dans la s u c c e s s io n d u d i t E t ie n n e U s s e l , dès le m o
m e n t du d é c è s d e ce d e r n i e r , la p o r tio n q u i lu i r e v i e n d r a i t ,
si ladite Magdelaine Ussel était morte avant son frère, laquelle
p o r tio n lu i so rtira n a tu re d e b ie n dotal. »
A s u iv r e les r è g le s d e s g r a m m a ir i e n s , le p r o n o m r e la t if ,
laquelle, établit u n e r e la tio n n é c e ssa ir e a v e c to u t ce qu i a p r é
c é d é ; c ’est-à-dire; q u e la p o r tio n q u i d o it s o r t ir n a tu re de
b ie n d o t a l , n ’ est p a s , en g é n é r a l , t o u t e p o r tio n q u e J a c q u e
lin e
S e r v o lle p o u r r a it r e c u e illir dans la su c ce ssio n d e son
o n c l e , m ais b ie n la p o r tio n p r é c é d e m m e n t i n d i q u é e et q u a
lifiée , à s a v o ir , c e lle q u ’ e lle p o u r r a r e c u e illir p a r su ite d e
l ’a b a n d o n a n tic ip é q u e sa m è r e fait en sa fa v e u r .
L a su ite d e la clau se p r o u v e d ’a illeu rs q u e tel £ s t , en e f f e t ,
le sen s r e s t r i c t if q u e les p a rtie s on t attaché à ces m o ts, laquelle
portion, p u i s q u ’il est d it q u e , « à cet effet, M a g d e la in e U s s e l ,
a u to r is é e d e son m a r i , c o n s titu e à la fu tu r e le d ro it d e s u c
c é d e r à E t i e n n e U s s e l p o u r la p o r tio n ci-dessus déterminée. »
M a g d e la in e U s s e l n e p o u v a it a ssu r é m e n t c o n s t it u e r à sa iille
c e q u e celle-ci r e c u e ille r a it d i r e c t e m e n t , et jure proprio, dans
la su c c e s s io n d e son o n c le ; e lle n e co n stitu a it d o n c q u e c e
q u e sa fille n ’ aurait p u r e c u e i lli r d i r e c t e m e n t , si e lle n e lu i
e n avait p o in t fait l ’a b a n d o n . Sa p o r tio n ci-d e ssu s d é t e r m in é e
était d o n c e x c lu s iv e m e n t c e lle q u e J a c q u e lin e S e r v o lle d e va it
r e c u e i lli r en v e r t u d e l ’a b a n d o n d e sa m è r e , si celle-ci s u r v i
vait à E t ie n n e U s s e l ; c ’ est aussi e x c lu s iv e m e n t c e lle q u i d e
vait a v o ir n a tu re d e b ie n dotal.
1
*^An s u r p l u s , a d m e tto n s q u ’il p u t y a v o ir q u e l q u e s d o u te s
s u r la v^ ritÿb lc ent,entç d e la c l a u s e ; ces d o u te s se ra ie n t fa
v o r a b le s à la p a r a p h e r n a lité ; c a r , o n l’a d i t , so u s la C o u t u m e
d I A u v e r g n c r ¿es^biens quj^ n]ad vcn a icn t à la f e m m e q u ’a p r è s
les fia n ç a ille s, étaient r é p u té s p a r a p h e r n a u x , tant q u e la d o talité n ’avait pas- e tc e x p r e s s é m e n t s t ip u lé e .
>1
�( " )
O n o p p o s e , c l c ’ est l à , sans d o u t e , c e q u i a d û p r i n c ip a le
m e n t d é t e r m in e r les ju r is c o n s u lt e s d o n t on c o m b a l l’o p in io n ,
on o p p o s e q u ’ il s e m b le d ifficile d e s ’e x p l i q u e r p o u r q u o i le
ca ra ctè re dotal n ’ aurait é té attaché ta x a tiv e m e n t q u ’à la p o r
t io n q u e J a c q u e lin e S e r v o ll e p o u r r a it r e c u e i lli r par suite de
l'abandon de sa mère.
M a i s , d ’a b o rd , si le sens d e la cla u se est p r é c is , a in si q u ’o n
c r o it l’a v o ir p r o u v é , il serait in u tile et d a n g e r e u x d e c h e r c h e r
les m otifs q u i l ’o n t d ic t é e .
E n a d m e tta n t m ê m e q u e la c o n t e x t u r e d e la clau se fû t un
p e u é q u i v o q u e , les p a r tie s a u ra ie n t à se r e p r o c h e r d e n e pas
s ’ ê tre e x p r i m é e s d ’u n e m a n iè r e assez claire , q u a n d il s ’agissait
d e d é r o g e r au p r i n c ip e g é n é r a l d e la p a ra p h e r n a lité des b ie n s
a d v e n tifs.
M a i s , d 'a i l le u r s , a v e c un p e u d ’a t t e n t i o n , il est f a c il e , ce
n o u s s e m b le , d e d é c o u v r i r u n e ra iso n fo rt p la u s ib le d u sens
r e s tr ic t if dans le q u e l la cla u se a é té c o n ç u e .
S i M a g d e la in e U s s e l s u r v iv a it à s o n f r è r e , J a c q u e li n e S e r
v o lle ne p o u v a it ê tr e a p p e l é e , p o u r a u c u n e p a r t , à la s u c c e s
sio n d e c e d e r n ie r . S i e lle profitait d ’u n e p o r tio n d e ce tte s u c
c e s s io n , c e n e p o u v a it ê tr e q u ’ au m o y e n d ’ u n d o n d e sa m è r e .
O r , sa m è r e , en faisant ce d o n , p o u v a it i m p o s e r te lle c o n d i
tio n q u ’e lle ju g e a it c o n v e n a b le ; d i r e , n o t a m m e n t , q u e la p o r
tio n q u ’ e lle a b a n d o n n a it à sa fille serait dotale. L a fille a c c e p
tait alors la d o t a l i t é , p a r c e q u e c ’ était le seu l m o y e n d ’o b t e n ir
le d o n .
M a is , s i , au c o n tra ir e , M a g d e la in e U s s e l d é cé d a it avant son
f r è r e , J a c q u e lin e S e r v o ll e d e v a it r e c u e illir u n iL p o r lio n d e la
s u c c e s s io n d e so n o n cle , jure proprtti:
'^tfjâanUMé^caJTC
p o u v a it a lo rs g r e v e r d e la rcstricti(m
(S > b ie n s
q u ’ elle d e v a it te n ir d e la s e u h j d j i t o r i t ^ d ^ l a f o j ^ e
t r ic lio n . L a f u t u r e , bien loin d î r s f r i n n f n ^ e j r l ^ r c p o i
D a n s le p r e m ie r c a s , o n a p e r ç o it la s o llic itu d î^ d ’ u n e m è r e
* V
^
�r i c h e des le ço n s d e l 'e x p é r i e n c e q u i s'a tta ch e à la d o ta lité ;
p a r c e q u e , si c e t te d o ta lité p r i v e sa fille d e s f r u i t s , e lle lu i g a
r a n tit , au m o i n s , la c o n s e r v a tio n d u cap ital.
D a n s le s e c o n d , l ’o n r e c o n n a ît fa c ile m e n t l ’i n d é p e n d a n c e ,
p e u t - ê t r e m ê m e l ’ im p r é v o y a n c e d ’ u n e je u n e é p o u s e q u i p r é
fè re la p a r a p h e r n a l i t é , p a r c e q u ’ e lle lu i a ssu re la li b r e d i s p o
sitio n n o n - s e u l e m e n t d e ses c a p i t a u x , m a is e n c o r e d e ses r e
v e n u s.
A i n s i , les t e r m e s re s tr ic tifs d e la cla u se s ’ e x p l i q u e n t d e la
m a n iè r e la p lu s n a t u r e l l e , e t , d è s l o r s , to u s les d o u t e s s u r la
v é r ita b le in te r p r é t a tio n d e c e tte cla u se d o iv e n t d is p a r a ît r e .
A j o u t o n s q u e la d a m e J a c q u e lin e S e r v o l l e , et le s i e u r C h e
v a li e r , s o n m a r i , o n t e u x - m ê m e s e n t e n d u la cla u se d e le u r
c o n tra t d e m a r ia g e dans le se n s q u ’o n v i e n t d ’i n d i q u e r , p u is
q u e , d a n s l ’a cte d u 25 d é c e m b r e 1807 , la d a m e C h e v a li e r d é
clarait tra ite r d e ses biens libres et adventifs.
L a d o ta lité , a llé g u é e p a r le s enfants C h e v a li e r , n e p e u t d o n c #
ê tr e a d m i s e , p u i s q u ’ e lle se ra it c o n t r a ir e au te x te littéral d u
c o n tra t d e m a r ia g e a u x m o tifs q u i e n o n t i n s p ir é les c l a u s e s ,
et à la m a n iè r e d o n t les é p o u x e u x - m ê m e s l’ o n t e n t e n d u , lors
d e l’acte d u 23 d é c e m b r e 1807.
D a n s ce s c i r c o n s t a n c e s , les s o u s s ig n é s e s tim e n t q u e le j u g e
m e n t r e n d u p a r le t r ib u n a l c i v i l d e R i o m d o it ê tr e m a in te n u .
D é l i b é r é à P a r i s , le 17 ju in 1 836 .
D A L L O Z et P A R R O T ,
' Avocats à la Cour de cassation;
P h i l i p p e D U P IN ,
Avi
Avocat à la Cour royale de Paris.
R IO M IM P R IM E R IE D E T H IB A U D F IL S .
( L
�
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Title
A name given to the resource
[Factum. Servolle, Gaspard. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle-Mouillard
Tailhand
Dalloz
Parrot
Dupin
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
biens dotaux
coutume d'Auvergne
biens paraphernaux
successions
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour Gaspard Servolle, intimé ; contre Jean-Baptiste Chevalier, et autres, appelants d'un jugement rendu par le tribunal civil de Riom, le 27 novembre 1834.
Annotations manuscrites. Le 20 octobre 1836, arrêt confirmatif, 3éme chambre ».
Table Godemel : paraphernaux.
2. un contrat de mariage régi par la coutume d’Auvergne, contenant constitution d’une dot particulière en faveur de la future, stipulait, en outre, au nom de sa mère, le droit qu’elle lui attribuait de recueillir, pour lui ressortir nature de bien dotal, la part qu’elle pourrait amender dans la succession d’étienne Ussel, son frère, oncle maternel de la future, dans le cas où elle survivrait à celui-ci. La mère de la future est décédée avant étienne Ussel et sa fille, future, a succédé, pour partie, à son oncle, non par l’effet de la clause, mais par la force de la loi et jure suo. elle a fait cession de ses droits successifs à son frère. après sa mort, ses héritiers ont attaqué de nullité la cession comme portant sur des biens dotaux et inaliénables ; ils ont demandé partage.
jugé que les biens cédés étaient paraphernaux, que l’aliénation en est valable, et que la cession équivaut à un partage.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1797-1836
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2807
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2808
BCU_Factums_G2809
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53563/BCU_Factums_G2807.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Herment (63175)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
biens paraphernaux
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53562/BCU_Factums_G2806.pdf
9ca31f846da26b4ceb581b1b44c98f1c
PDF Text
Text
■ '<[■
MEMOIRE
C O U R iA R O Y A L E
DE
R IOM.
EN RÉPONSE
1er C H A M B R E .
POUR
P R É C E P T E U R , INTIMÉ ;
CONTRE
et L o u i s - E t i e n n e G U E S T O N , Pro
priétaires; F r a n ç o i s e G U E S T O N et J e a n
C A U S S E , son mari, Docteur en médecine;
Appelants d’un jugement rendu par le Tri
bunal de Moulins, le 28 avril 1836.
G ilb ert
t ¡ t tfi
L
es héritiers légitimes du sieur Gueston , en s’adressant à la publi
cité, ont plutôt consulté leurs intérêts matériels, dont la conserva
tion les a toujours vivement préoccupés, que les devoirs de la piété
filiale , dont l'accomplissement était pour eux sans bénéfice. Dans le
but d ’expliquer en leur faveur les actes et les faits de la contestation
qu’ ils ont so u le vé e , ils n’ont pas craint d ’outrager la mémoire de
leur p è r e , en imprimant que la seule présence de ses enfants lui
�faisait ombrage, et q u ’il allait jusqu’à les menacer de faire disparaître
sa fortune, en le représentant comme un liomme faib le, livré à la
domination d ’une femme entièrement illétrée, et dupe des plus gros
sières mystifications. Son fds naturel accepte comme une portion
précieuse de son héritage le soin de venger sa mémoire. Il lui suffira
d ’exposer fidèlement la conduite que son père a tenue, pour le jus
tifier des reproches immérités qui lui ont été adressés, et faire res
sortir l’ingratitude de ceux q u i, après avoir partagé pendant sa vie
son riche patrim oine, ne craignent pas de Taccuser après sa mort.
Dans ces débats, qu ’il est obligé de soutenir seul contre des adver
saires opulents, sans autre appui que la bonté de sa cause, sans autre
ressource que le produit de son travail de tous les jours, il aura du
moins la consolation, en défendant ses d ro its, de remplir un pieux
devoir, et de seconder les bienveillantes intentions de son père.
Déjà le tribunal de Moulins, dont la Cour a souvent eu l’occasion
d ’apprécier les décisions empreintes de sagesse , lui a rendu justice.
Il a répudié la responsabilité q u ’on voulait lui faire encourir, en l’as
sociant à des actes dont il n’avait pu juger la portée sans débats con
tradictoires ; il n’a pas voulu q u ’arrachés à la faiblesse d ’une tutrice,
ces actes devinssent pour un mineur une'cause de dommage et de
ruine, et il l’a réintégré dans la plénitude de ses droits. Bientôt, il
l’espère , la Cour partagera les mêmes convictions , et ratifiera, après
un examen consciencieux , cette œuvre d e sagesse et de réparation.
FAITS.
Le sieur François Gucston a contracté mariage avec mademoiselle
' >
•
lîarathon-Desgranges le i juin 1790. Cette union fut de courte du
4
rée. : madame Gucston mourut en 1 7 9 7 , laissant trois enfants en
bas âge. Par son testament, en date du 21 mars 1797 , elle avait lé
gué à son mari l’usufruit de tous ses biens. Devenu veuf dans la force
de lago ,llíe sieur Gucston q u i , dans l’intérêt de scs enfants, n’avait
pas voulu contracter un second mariage, ne put cependant vivre
�dons l’isolement où l ’avait placé la perte prématurée de'sonl épouse.
H jeta les yeux suri une jeune fille de dix-neuf ans, qui était, à son
service, é t q u i ,. simple et naïve,-ne sut'résister. à lia «séduction d ’un
homme qui'avait sur-elle l’avantage de l’éducation et l’ajitorité d ’un
maître-, Marie Brun et, dans sa nouvelle position
se dévoua entière-
mentià la personne ;du sietlr Gueston ; l'attachement q u ’elle lui por
tait ;rejaillit‘sur. saijeune fam ille, dont elle soigna l’enfance avec une
tendrosse;touf;e maternelle;;D’un désintéressement à toute épreuve\
jamais, elleune, songea à tireraprofit de l'affection et de la confiance
que luv témoignait sopi maître. Pari son active surveillance’ , par soii
économie soutenue, elle contribua puissamment à l ’amélioration no
table que le sieur Gueston apporta à: sa fortune. Depuis la mort de
sa fe m m e , il avait *(! en ‘ éfiet'J »acqu is, des .propriétés considérable«;,
dont il avait ientièremerii payé1Le prixv> malgré les dépenses occa
sionnées par l ’éducation de sesjeiifantsyjeti les sacrifices qu.’iî était
obligé de faire pour les exempter.du service militaire. L e remplace
ment de' l’un d ’eux ,i notamment, s’était élevé à la somme de dix
mille franc?,! poiir laquelle il avait souscrit uneiobligatio.O:en faveur
de .lean Alibert.ùCett«: sage administration^ loin d'imposer à ses «fin
fants la recodnaissanccjqu’elle devait leur inspirer^ jne fit :qu’exciter
leur cupidités L e sieur ¡G ueston, domicilié en jB ourboun ais, avait
adopté le régime et les usages consacrés dans cette!province. A d é i
faut d’inventaire, la communauté avait continué de Subsister après
le décès dolson épouse ; ! et toutes les; acquisitions' qü’il avait faites,?
appartonaientipour moitié à ses enfants.) Impatient d !çn;profiterV.>le
sieur Gilbert Gueston , son fibtaîné, à peine parvenu,àisa majorité ,
lit brusquement apposer les scellés dans le domicile.de sOn.pèreJ et
un inventaire fut dressé’, les 28 et 29 avril
i
8i 3 ,
par le notaire Bou-
caumont. Cet inventaire constate que les seules valeurs mobilières
dépendant de la commnnaulé s'élèvent a lla som m e;de 60,000 fr.
Malgré le chagrin qu un procédé aussi violentjdùtucauser a)i sieur
Gueston, il ne contesta.pas lés droits rigoureux de son fils; i^fit
plus , il se montra à son égard généreux et bienveillant : un partage
�\.
-
X-
de tous les biens composant la communauté fut p assé , le
5
3o
avril
18 1 , entre le sieur Gueston p ère , son fils aîné m ajeur, et le cura
teur à l’émancipation du sieur Louis-Etienne Gueston.et de la demoi
selle Française Gueston, encore dans les Hens.de la minorité. On
procéda d ’abord au partage du mobilier, estimé 60,000 francs.'Il fut
convenu q u e , sur cette valeur, le sieur*Gueston père se retiendrait
dix mille francs pour solder le prix du remplacement: encore dû à
Jean Alibert. Les reprises du.'sieur Gueston p ère, soit pour les som
mes q u ’il avait recueillies dans plusieurs s u c c e s s io n s s o it pour les
dettes q u ’il avait payées dans l’intérêt de son épouse , furent réglées
à 55,891 fr. , qu ’il fut également autorisé à prélever sur les valeurs
mobilières. La portion revenant aux enfants’, soit pour les prélève
ments q u ’ils avaient à exercer, soit à titré de communistes, fut fixée
à 1
1,644 fr- 5°
cent. M. Gueston leur délivra immédiatement pour
2,265 fr. de mobilier, et paya comptant à son fils aîné la somme de
3 ,1 2 6 fr.
5o c c n t ., complétant son amendement, et s’engagea à payer
une pareille somme à chacun de ses deux autres enfants, lorsqu’ils
seraient arrivés à leur majorité. On procéda ensuite au partage des
immeubles acquis pendant la communauté. Deux lots égaux furent
form és, et attribués, par la voie du sort, l’un aux enfants, l’autre
au sieur Gueston père. Celui échu aux enfants se composait de la
5
propriété des Salles, garnie de son cheptel estimé 6,002 fr.T o c. ;
celui échu au sieur Gueston père comprenait : i* le domaine des
Veaux ; 2* celui de Loulaigue ;
mêm e-nom ;
46 ta locatcrie de
3®celui
de la Faye et la locatcrie du
Loulaigue;
5° les bestiaux
attachés ;»
l’exploitation de ces diverses propriétés.
Enfin, M. Gueston ren on ça , en faveur de ses enfants, à la jouis
sance des biens de son é p o u se , qui lui avait été assurée par le tes
tament de cette dernière.
>
:i;
■
Gct acte nous donne des renseignements précieux sur la cousislance do la fortune personnelle du sieur Gueston. Nous y trouvons
la preuve que les seules valeurs mobilières dépendant de la commu
nauté s’élevaient à 60,000 l r . , et qn’ù l'exception de 1 i,6/j4 francs
�5o cent,
—5—
reconnus appartenir à ses enfants, tout le surplus avait'été
retenu par le père comme étant sa propriété exclusive. Nous'y trou
vons aussi un indice qui peutrservir à apprécier la valeur corrélative
des immeublesisoùmis au partage ; et dont l’exploitation rd !un seul
domaine nécessitait pour plus de 6,060 fr. de bestiaux. Nous'terrons
plusitard l'estimation q u ’en ont faite les héritiers Güeston .’’ Idrsqn’ils
ont voulu liquider les droits de leur frère naturel.
1,1
Cette, conduite loyale et généreuse du sieur Gueston était de na
ture à satisfaire lesiexigences de ses enfants; e lle >ne fit que donner
plus d ’aclivité à leur ambition, ils exploitèrent habilement'une oc
casion favorable qui se.présenta dans la famille. Marie B ru n et, qui
s’était retirée à Tagnères pendant les opérations que: nécessitèrent
l’apposition des scellés et le partage de la communauté, fut bientôt
rappelée par le sieur G u e sto n , qui l’envoya chercher par la femme
Chavillat, sa locataire. Elle rentra au domicile de son m aître, dont
elle ne s’était pas séparée depuis 1808, au commencement de juin
8 3 , et non dans les
premiers mois de 1 S 1 4 , comme l’ont avancé
les héritiers Gueston dans une intention q u ’il est facile d e compren
dre. Par suite de ses relations avec le sieur Gueston; elle devint en
i
i
4
ceinte. Au mois de juillet 18 1 » celui-ci la fit conduire à M oulins,
chez les dames B o r d e t , accoucheuses, o ù , le 18 octobre 1814 , elle
donna le jour à un Gis qui fu t, le lendemain 1 9 , dépoSé à l’hospice
5
de Moulins. L e môme jour 19 octo bre, et non le a , l’enfant fut
présenté à l’officier de l’état civil, et reçut les noms d ’Éléonard Canu.
Il fut baptisé le 20 , dans l’église de Notre-Dame. Une nourrice du
lieu de T ré v o l, indiquée par la m ère, reçut de l'administration cet
enfant q u i , pendant son séjour chez sa nourrice , fut souvent visité
soit par Marie B ru n et, soit par le sieur Gueston lui-même , dont la
paternité n était un mystère pour personne. L e 11 janvier i
8i5 ,
Marie B ru n et, qui était sur le point de contracter mariage avec un
nomme Gilbert l'ratissier, récemment revenu du service, déclara à
1administration^qu elle
entendait rester chargée de son enfant. Un
acte constatant la r e m is e d ’Éléonard lui fut délivré par la sœur Bartit.
�L attachement.que lersieur Gueston portait à son enfant naturel, et
qui .cependant oe j e t a i t manifesté que par des caresses ou deilégers
présepjt£,faits à*-£a;:npumce> dor(na de,;ripquiétude.à ¡son fils aîné ,
dont prt(a déjà pu apprécier ln cpnduite.iütéressécdà l’égard.de son
pèrp.-II.ejsagéra sesci<aintçs:, et manifesta une défiance que.'lê sieur
Çiiestonlcrut devoir dissiper en faisant-encore de< nouveaux sacrifices
personnels. L e ]
4 ¡janvier 18 i 5
par afcle reçu Boncaiitpont
il icôn-
sgplijí, en*'iayeur-de ses'deux fils majeurs'et de îsatfilleiencôre xninpureij une donation , sous la forme de- vente',: de’ la majeure partie
de, ses biens.rneubleSiiet immeubles. Cette':ventc comprend : i® le
château et la,réserve[de :Sciàuve; 2,".Je domaineidei Sciauve et ses
3
dépendances ; ° le moulin des Y e a u x e t j e s dépendances » consistant
pu jardin, chenevjpres* prés et Ierres;
5° le domaine dçs.y.çaux ; 6° le domaine
4? la locatcrie
d e Bôuchon ;
de la Faye- e t la locaterie y
attenant ;'7°ile domaine d e i o u l a i g u e ; 8®-.tojJs les bestiaux garnissant
lesdils domaines ; ç)° tous, lep .meubles m eublants, à l'exception de
ceux,garnissant;]^chambre habitée par le sieur Gueston j et de quel
ques objets réservés, tçls q u ’ils:ont été.estimés datas l’inventaire des
83
28 et 2 9 ,avril j i ;i io° toutes les récoltes engrangée'siet tous les
grains écossés qui sont daris les .greniers. Vu'.'. ¡
uÀ
. Cettç vente fut consentie à la charge par les acquéreurs de payer :
1» n n f somme de 48,000 fr. au sienr de Boisrcnaud, sur le prix de
la vente qti’ile v a it consentie au sieur Gueston ; 2».collé de lo ,o o o f:
onçoni di\e ail Remplaçant A libert, e t ,’ en outre., ¡Via'charge de serjvir une rente, viagère de
5,-000 fr.
annuellement au sieur Gueston l
<•1 de quelques.prestations en nature;
¡;*ui «
1•
i-
1
8 5 , les (rois enfantsGueston souscri*-
■
Le même joui% il\ janvier i i
virpnt un acte soüs seing .’privé par lequel ils reconnurent devoir à
Marie Brunei une somme de 2 ,o o q frnnfcs pour^el)e;et>son eilfant
naturel , et 'ce par don et par forme de récompense «le ses services*.
Ils s’engagèrent solidairement à la paver au moyen d ’une rente an
5
nuelle et viagère de ôo francs, dorft Mario Brtinct profiterait jusqu’il
('A* rjUc Jiléonard \Cariu, 1son fils naturel", ne le 18 âclnbrc 1 8 1 4 > cl
�qu elle'avait retiréi le 1 1,janvier, auraitiatteinV l ’âge d eh S 'û n s], atrü
quel cas ils s’obligeaient à la payer en totalité audit Éléonard
jusqu’après son décès.- , ?o}os ai h
‘)iliir.ri( î:;jrnr>ri toinqr.i r>-f
En présence d ’un pareil a c t e y l e s héritiers Gueston peuvent-ils
encore balbutier quelques articulations, contre! l ’identité d’Éléônard ')
^Dansce moment où ils triomphaient de leur pfere ¿'où ils obtenaient
l’abandon gratuit de la presque totalité de saifortune, ils n'hésitaient
pas à reconnaître que l’enfant auquel ils promettaient une rente
3
viagère de, oOt iVàiics était l)ien réellement le fils de Marie Brunet ;
e t.c ’est parce q u ’ils.redoutaient lei concours de c e f enfant dans les-aflections et'dans le ¡partage des biens duipère co m m u n , qu ’ils con
voitaient et s’assuraient à l’avance son riche patrimoine.
Peuvent-ils également s’en prévaloir pour insinuer que Marie
Brunet exerçait un empire absolu sur l ’esprit du ^sieiir Gueston ?
Cette femme crédule et confiante allait bientôt qiiitter pour toujours
le domicile de son ancien m aître, et devenir l ’épouse^ d'un autre ;
elle n’avait même plus à cette époque les avantages de la jeunesse.
D ’ailleurs ; elle ne demandait et n’obtenait rien pour elle.1 La faible
pension constituée au profit de son fils, n ’était, de la part des en
fants G u eston , que l’acquittement d ’une dette légitime et sacrée ; et
cependant cetteprom esse si sainte, que l’h onueur, à défaut de lien ,
aurait;du laire respecter, n’a été de leur part q u ’une promesse trom
peuse, et décevante! Ils n’ont pas rougj de la.briser,' en prétendant
qu’elle était.une donation sans valeur, pour n ’avoir pas été passée
devant notaire avec.les solennités requises pour ces sortes de contrats.
Si quelqu’un exerçait une influence intéressée sur l’esprit du sieur
Gueston, que l’on prononce entre lesisieursGueston fils, q u i , après
avoir.obtenu la jouissance immédiate des biens de leur m è r e ,- Ici
partage des acquêts de la communauté, se font encore délaisser gra
tuitement pour trois cent mille francs d ’immeubles ou de valeurs
mobilières, et la femme objet de leur rivalité, q u i, après avoir sa
crifie son honneur c l vingt années de sa v ie , s’éloigne, en emportant
pour subvenir aux premiers besoins de son enfant, une promesse
�—8—
illusoire que le caprice ou’la mauvaise foi pouvaient à chaque instant
anéantir !
Ce rapprochemeut justifié par des a c te s , suffit pour faire justice
des allégations imaginées par les héritiers Gueston.
5
iij
Deux jours après, et le 16 janvier x8 1 , Marie B ru n et, contracta
mariage avec Gilbert Fratissier. Dans cet acte solennel elle reconnut
Éléonard Canu pour son fils, et l’institua son unique héritier, dans
le cas où il ne naîtrait pas d ’enfant de son mariage. Cette reconnais
sance isolée est restée complètement étrangère à Fratissier, absent à
l’époque de la conception et de l’accouchement. Les héritiers Gues
ton ont cru devoir signaler la constitution faite par Marie Brunet
comme un indice des bénéfices q u ’elle avait pu faire pendant sa lon
gue cohabitation avec le sieur Gueston. Cette observation de leur
pari ne prouve q u ’une ch o se , c ’est que le temps n’a pas amorti chez
eux cette ardeur d ’ambition intéressée qui caractérise toute leur
conduite. Eux seuls peuvent s’exclamer en effet devant un pécule de
a,
35o francs et de 200 francs de mobilier.
Après vingt années de ser
vices, certes Marie B run et, qui avait recueilli la succession de sa
mère , a bien pu réaliser ces faibles économies sans recevoir du sieur
Gueston autre chose que les gages annuels qui lui étaient légitime
ment dus. Bien loin de trouver dans cette constitution un prétexte
de blâme contre e l l e , on y puise la conviction de son désintéresse
ment et de sa loyauté. Il est. vrai que' dans son mobilier , elle n’y
comprend passes hardes et ses habillements personnels, q u ’elle n ’a
point voulu faire détailler ni estimer, et l’on s’empare de cette cir
constance pour y voir une réticence , une dissimulation coupable.
Nous y trouvons au contraire la preuve que ces objets exclusivement
destinés à son usage, ne valaient pas la peine d ’une estimation. ¡Ne
sait-on pas, du reste, que pour ne pas en transférer la propriété au
m a ri, il arrive souvent que l’on omet un détail estimatif pour se
ré-server la faculté de les conserver en nature? D ’ailleurs, ces robes et
bardes d ’une paysanne ne pouvaient pas appartenir à la famille Gues
ton. La précaution q u ’ils avaient prise depuis 1 8 1
3 de
faire tout in-
�veulorier ; cl la vente faite deux jours avant de tous les meubles
oompris dans l’inventaire, sont des actes qui doivent dissiper toutes
l<2urs inquiétudes.
Le sieur Gueston père , après s’être dépouillé d ’une fortune con
sidérable en faveur de ses enfants légitimes, se croyait quitte envers
eux. La locaterie de Loulaigue, la pension de
3 ,ooo francs,
le loge
ment et les prestations en nature q u ’il s’était réservés, les 3oofrancs
de rente créés en faveur de Marie Brunet et de son fils, lui parais
saient des éléments suffisants pour assurer l’avenir du jeune Éléonard ,
auquel il portait toute l’affection d ’un père. Accoutumé à des habi
tudes d ’ordre, de travail et d ’économ ie, il espérait, avec ces res
sources, lui créer un patrimoine convenable, et s'acquitter à cet
égard de la dette qu ’il avait contractée. Mais ce n’était pas la seule
obligation q u ’il eût à remplir. Il devait à son fils naturel un nom et
une position sociale que l ’on n’obtient pas avec de l’argent seulement.
Marie B run et, depuis son mariage, ne résidait plus avec lu i; il était
à l’abri de toute influence, si elle avait été capable d ’en exercer.
Mais le cri de l’honneur et de la conscience , plus fort que toutes les
sollicitations, s’était fait entendre, et devait trouver de l’écho auprès
du sieur Gueston. Il n ’y fut pas insensible. Le
3o mars i 8 i 5 , il
se
transporta devant M" Place , notaire , e t , en présence de tém oins,
il reconnut liléonard Canu , né à Moulins, suivant son acte de nais
sance en date du 19 octobre 1814 > pour être son fds naturel et celui
de Marie B r u n e t , et déclara que cédant à l ’ impulsion de la nature,
el voulant rendre sa reconnaissance publique et authentique, il requé
rait le notaire de la recevoir, afin que ce mime enfant pût recueillir,
dans sa succession, l'intégralité des droits que les lois accordent aux
enfants naturels reconnus t it ce sans préjudice des autres dispositions
qui peuvent avoir été faites en sa faveur.
Marie Brunet comparut également dans le même a c t e , et'renouvela la reconnaissance et la donation déjà insérées dans son contrat
de mariage.
L e sieur Gueston ne se borna pas à l’accomplissement de ce de
2
�—
10
—
voir; il prit aussi des précautions pour donner à-son fils naturel ¡es
4
85
moyens de faire respecter ses droits. Le
juillet t i !, il déposa.en
l’étude du notaire P la ce , qui en constata la rem ise, un paquet ca
cheté portant cette suscription, entièrement écrite de) sa main.et
signée par lui : « Sous cette enveloppe, sont les papiers rjai conccrncnt
Eléonard, mon fils naturel* » Sous cette enveloppe étaient : i° J’acte
1 4
de naissance d ’El^onard, du
octobre 8 i 'î 2° l’acte deJreinise
faite à sa mère le 1i janvier s8 l ; ° la promesse relative it la cons
5 3
3oo fr. ; 4° ie contrat de mariage d e
Marie Brunet ; 5 ° la reconnaissance du 5o mars 18 1.5. Pensant que
titution d ’une rente viagère de
ces actes pouvaient être utiles à son üls, craignant q u ’ils ne lui fus
sent pas fidèlement remis s’ils restaient parmiises papiers domesti
q u e s , connaissant le caractère faible et l ’inexpérience de sa mère
il avait chargé le.notaire de ne les remettre q u ’à Eléonard , lorsqu’il
serait m ajeur, ou au tuteur qui lui serait nommé.
L ’espoir que le sieur Gueston avait conçu de créer à son fils na
turel un patrimoine par son travail intelligent et scs économ ies, ne
put se réaliser. Encore jeu n e, le sieur Gueston succomba le 1er mai
1 8 1G. Sa mort tragique priva Eléonard du seul protecteur qui pût le
défendre des embûches qui furent tendues à la faiblesse imprévoyante
de sa mère.
Les scellés ne furent pas apposés après le décès du sieur Gueston.
Ses héritiers se bornèrent à faire procéder sans contradiction à la
prisée et ù l ’inventaire des objets mobiliers q u ’ils indiquèrent comme
appartenant à leur père. Ceux représentés à son domicile lurent es
65 cent. ; ceux
i’ureut évalués 58 y fr.
timés 4*209 fr.
trouvés dans sa résidence de Moulins
L e 12 juin ¡ 8 1 6 , un conseil de famille fut convoqué pour nom
mer un tuteur au mineur Eléonard. Les sieurs Gueston furent con
voqués» ils comparurent; et sans contester ni l’identité ni la recon
naissance d ’Eléonard, en l'acceptant au contraire implicitement-, ils
soutinrent que la loi n’accordait à l’enfant naturel que des droits
réels sur les biens du père qui l’avait reconnu ; mais qu’il n’existait
�—
11 —
entre lui et la famille de son père aucune parente légale. En consé
quence , ils s’abstinrent de prendre part à la délibération. L e conseil
nomma Marie Brunet tutrice, et Fratissier, son m ari, co-tnteur.
En sa qualité de tutrice, Marie Brunet retira le dépôt confié à
M® P la c e , et se disposait à faire valoir les droits de son fils, ou plu
tôt les héritiers Gueston, alarmés d ’une action judiciaire, cherchè
rent à la prévenir. A l’aide de l'influence q u ’ils avaient conservée sur
l’esprit de cette femme incapable de leur résister, et des moyens
qu ’ils employèrent auprès de Fratissier, ils les déterminèrent à sa
crifier tous les droits d ’Eléonard moyennant une somme de
3 ,ooo f.
Un partage en justice aurait révélé, par ses formes protectrices, le
préjudice qu ’uni pareil abandon causait au m ineur; une cession de
droits ex ig e a it, pour être valable , des précautions également dan
gereuses: pour ceux q u i, à vil p rix , voulaient dépouiller Eléonard ;
on eut recours à la voie détournée et plus facile d ’une transaction.
Le
5 août 1 8 1 6 , un
conseil de famille fut formé devant M. le juge
de paix du Montet-aux-Moines, arrondissement de Moulins; Il fut
composé d’étrangers, sous prétexte que l’enfant naturel n’avait aucun
parent. On leur exposanlongnement une savante dissertation , dans
laquelle les époux Fratissier d ém ontren t, comme des jurisconsultes,
que les droits d ’Eléonard sont incontestables, q u ’ils s’élèvent à un
seizième des biens composant la succession du sieur Gueston père ,
q u e , d ’après la liquidation q u ’ils ont fait faire des forces actives et
passives de la succession, la part héréditaire du mineur s’élève ¡à
3
2,887 fr- 29 «eut» q u i, étant inférieure à celle de ,ooo fr. , il est
avantageux de transiger pour le prix proposé. Comme on s’en doute
b ie n , le conseil répondit : Benè. Il déclara même qu’il était à sa con
naissance personnelle que les biens avaient été estimés au-dessus do #
leur valeur, quoique aucun des membres ne connût ni la consistance,
ni même la situation des propriétés du sieur Gueston , et qu ’aucun
nioyen de s’en assurer n ’ait été fourni. Munis de cette autorisation ,
les tuteurs présentèrent à M. le procureur du roi de Moulins une
requête à l’effet d’obtenir la nomination de trois jurisconsultes. L ’or-
�^
K 'l
— 1 2 ---donnanee portant nomination de MM. Jutier, Ossavv et Iîoyron , fut
rendue le 10 août, e t , le même jo u r , ces honorables jurisconsultesdonnèrent line consultation dans laquelle ils établirent que , sous
aucun rapport, l’on ne pouvait critiquer la qualité du mineur Klénuard; que son amendement dans la succession de son père devait ,
à raison de la quotité disponible absorbée par la donation du 14- jan
8 5 , être du tiers dans les trois quarts, ou d ’un seizième dans
vier i i
la totalité. Ils visèrent ensuite le projet de liquidation qui fait suite
au: règlement des droits de l’enfant naturel, duquel il résulte que la
succession de François Gueston tant en meubles q u ’immeubles , dé
duction faite des dettes, ne s’élève q u ’à 4^,196 fr.
65 cent. , dont
le
seizième , revenant à Eléonard C a n u , est de 2,887 fr, 29 cent. , et
pensèrent que la transaction projetée était avantageuse au mineur
puisqu’elle avait lieu moyennant un prix supérieur à son amen
dement.
;
Le 12 août 1 8 1 6 , ce projet de transaction fut réalisé : il importe
de faire connaître par une analise co m p lè te , les principales dispo
sitions de cet acte, dont le mérite fait l’objet du procès.
-, Dans un exposé préliminaire , on fait connaître l’état de la famille
du sieur Gueston p è r e , 011 rappelle l ’acte de vente du i!\ janvier
i8 i.‘j ; mais on garde le silence sur l’inventaire et le partage de
communauté du mois d ’avril i
8i3,
dont la communication aurait
servi à faire connaître la fortune du sieur Gueston. On unalisc en
suite la,promesse d’une rente viagère de
3oo francs,
la reconnaissance
4 juillet 1 8 1 5 r
faite par le sieur Gueston d ’KIéonard, le dépôt fait le
les pièces comprises sous l’enveloppe ca ch etée, et l’on d i t : Les
choses étaient dans cet é t a t , lorsque les sieur et, dame Fratissier,
^voulant s’éclairer sur les effets de la reconnaissance du 3o mars 181J»
et sur la nature «t l’étendue des droits q u ’Éléonard pouvait exercer
sur la succession de son- p è r e s ’adressèrent à des jurisconsultes qui
déclarèrent ;
i* Que b reconnaissance du 3o mars 1 8 1 S était valable en la.
forme et au fond.
.
.
�a» One l’on ne pouvail révoquer en doule l’identité de l'enfant ,
parce qu’en pareille matière, des'üllégalions ne peuvent tenir lieu de
preuve.
3°
*
Q u e , suivant l’article 757 . le droit de l’enfant naturel, lorsque
le père a laissé des descendants légitimes, est d’un tiers d e là por
tion q u ’il aurait eue s’il eût été légitime.
4° Que l’enfant naturel adroit à une réserve légale,
de môme que
l’enfant légitime, sauf la différence de quotité.
5°
Que pour fixer cette quotité , il faut l’admettre momentané
ment au nombre des enfants légitimes., et le faire concourir figura
tivement avec eux.
J
6° Q u e, par une conséquence de ces principes, l’enfant naturel
qui ne trouve pas sa réserve dans les biens de la succession , peut
demander la réduction des dispositions entre-vifs qui ont excédé la
quotité disponible.
7° Que la valeur en pleine propriété des objets aliénés par l'acte
5
du 14 janvier 1 8 1 , doit être imputée sur la quotité disponible , et
l’excédant rapporté ii la masse.
8° Q u ’il importe peu que la reconnaissance ait eu lieu après la
vente, par la raison que le droit de l’enfant est acquis par sa nais
sance et non par la reconnaissance qui ne fait que le déclarer.
9° Q u e , d ’après ces principes, le sieur Gueston ayant laissé trois
enlants légitimes et un enfant naturel, il ne pouvait disposer que du
quart de ses biens; en sorte que si Éléonard était légitime , sa pari
serait du quart des trois quarts ; que la loi lui attribuant le tiers de
cette portion héréditaire, il a droit de réclamer un seizième de la
succession.
io° Que la cté sous seing privé du 14 janvier 181 J> est nul.
On ajoute que les sieur et dame Fratissier se disposaient à former ,
au nom de leur pupille, une demande en justice contre les enfants
8 5,
Gueston, en réduction de la donation de i i
et en partage des
cinq sixièmes de la locaterie de Loulaigue , et de tout le mobilier
dépendant de la succession, pour en ôtre attribué un seizième du
�- 1-i tout à Eléonard, ’orsque les sieurs et demoiselle Gueston ont pro
posé de transiger sur tous les droits dudit enfant naturel moyennant
3 ,ooo
la somme de
francs, q u ’ils disaient supérieure à celle qui
pourrait lui revenir, en admettant ( c e qui selon eux pouvait être
contesté) que les diverses questions précédemment agitées fussent
résolues en sa faveur.
On expose que sur cette proposition, les sieur et dame Fratissier,
s’étant fait remettre les litres et papiers concernant la succession, les
ont communiqués à leurs conseils, qui ont procédé à la liquidation des
droits d ’Éléonard de la manière suivante :
i° La terre de Sciauve, telle qu ’elle a été vendue par l ’acte du 14
8 5 , a été portée pour une valeur estimative de cent mille
janvier i i
francs, c i *
• • • «
. *, 1« * > « •
20 Les cin q sixièmes de la locaterie de L o u Jaigue............................................................................
5° L e
x.00,000 fr. ®# c*
;l;
5
Z|, 5c)6
. a , o o *ij r» :
65
T o t a l ........................107,096 fr. 65 c.
mobilier constaté par les inventaires .
Arrêtons-nous un moment sur cette évaluation. La terre de
Sciauve, si vaguement désignée, ne comprend pas seulement les
objets vendus par M. de Boisrenaud , au moins 48,000 francs, puis
que cette somme était encore duc an vendeur lors de l’ouverlure
de la succession ; elle comprend encore tous les domaines attribués
au sieur Gueston par le partage du
3o avril
181
3 , dont nous avons
déjà fait connaître la consistance et la désigation.
Tous ces immeubles réunis donnaient et donnent encore un re
venu annuel de 10,700 francs, savoir : le clifiteau et la réserve de
Sciau ve, 2,000 francs; le domaine de Sciauve, a,5oo francs; le
domaine des Y c a u x , 2,3oo francs; celui de la P a ye , 1,800 francs;
celui de Loulaiguc , 1,600 francs ; le moulin des Veaux , üoo francs ;
et toutes ces propriétés sont estimées en bloc cent mille francs! Ce
n ’est pas tout, on y comprend encore tous les objets vendus le 14
janvier i
3
8i5,
c ’est-h-dire, les meubles énumérés dans l’inventaire
«le 18 1 , d ’une valeur de 60,000 fr ^ c s . Il est vrai cju*îl faut retran-
�—
lâ
cher de celle estimation la portion qu e les enfants Crueston iimendaicnt dans le partage.de La comnuinaulé, et la valè-ur des^objcts
réservés au père. La portion*des héritiérS (iiueslon datïs l'c'tfiobilier
dépendant de~la communauté, javait été réglée à 1 1 ,
6/(4 francs 5o
centimes, sur laquelle le père avait p a jé co m p ta it à son fils aîné
3,12(5 francs, ce qui fa réduisait h
8 , 5 i'8 francs r5ô 'centimes.
Les
meubles réservés, d’après"Testlination de l'inventaire* f'ait9laprès le
décès du sieur Gueston, s’élevaient à
3 , ' j e f î francs ¿5 centimes.
En
reLranchant'ces deux sdmmes de l'eValualiüti porlée dans l'inventaire
de i 8 i 3 , i l en résulte q u ’indépendamment1dés ¡¡niheuliles, les seuls’
8 5 , -et'par consé
objets mobiliers compris dans la donation de i i
quent dans l’article i cr de la liquidation, étaient d ’une valeur de
47,688 francs.
1
i,
!Tii■r
■
■r
t
Q u’on ajoute maintenant la valeur des bestiaux attachés à ex
ploitation de ces diverses propriétés , celle des récoltes engrangées,
celle du blé renfermé dans les greniers, et q u i, à cette é p o q u e ,
était d ’un prix très-élevé, et l’on aura une idée de l’exactitude de
cette estimation véritablement dérisoire.
•i
Les mêmes observations s’appliquent à la locatcrie de Loulaigue ,
d’un produit annuel de
3oo francs, et que l’on a estimée 2 , 5oo francs.
Dans le cas où les héritiers Gueston soutiendraient que les va
8 3,
leurs mobilières constatées par l’inventaire de ,i i
ne sont pas
comprises dans la vente faite à leur profit', il faudrait tirer de cette
allégation , fondée ou n o n , une conclusion encore plus directe contre
la sincérité des éléments qui ont servi à la composition de l’actif. En
e llet, ces valeurs qui formaient une partie essentielle du patrimoine
du sieur Gueston, et qui existaient à son décès, auraient été sciem
ment dissimulées par les héritiers légitimes ; et cette omission de
leur part suffirait pour caractériser la moralité de celle prétendue
transaction.
Après avoir composé l’actif de la succession , on établit son passif
ainsi q u ’il suit :
�— 16 —
i° Il était dû à SI. de Boisrenaud . ........................
2° Au nommé Alibert . j ........................................ .
3° Les frais de l’acte du
‘
:i
:l:
1
i/j janvier
T o t a l ’.
i
48 >ooo
.
fr.
jo ,o o o
8 i 5 i .................. 2,900
. . . . . .
Go.qoo
fr.
Les héritiers Gueston, qui dissimulent avec tant de soin les forces
actives de, la succession , sont plus ingénieux lorsqu’il s’agit de com
poser la masse des dettes. Les dix mille francs dus à Jean Alibert
avaient pour cause le remplacement de l’un d ’eux : cet engagement
contracté dans son intérêt personnel l’obligeait à le supporter entièrem ent,
et pouvait d ’autant moins grever la succession, que la
quotité disponible avait été épuisée. Les frais d e là donation du i
janvier 18 1
4
5 étaient une charge exclusive des donataires , avec d ’au
tant plus de raison q u ’ils conservaient les propriétés dont la mutation
Jes avait occasionnés.
Après avoir ainsi apprécié , au détriment dn m ineur, l ’actif et le
passif de la succession, on arrive à cette conclusion q u e , balance
faite, elle se compose de biens meubles et immeubles d ’une valeur
de 4 6 ,196 francs
65
centimes. On en retranche 11,5 4 9 francs 16
centimes pour le quart formant la quotité disponible , et l’excédant
montant à
partage.
Si
36,647
francs /j9 centimes devient
la
matière
du
Éléonard C a n u , est-il d it, avait été légitim e, il aurait eu le
quart de cette somme , qui est de 8,661 francs 87 centimes ; comme
enfant naturel, il ne doit avoir que le tiers, qui est de 2,887 francs
29 centimes.
'
On rappelle ensuite les diverses formalités remplies pour parvenir
à une transaction, et on termine en stipulant que pour satisfaire
au vœu de la famille, cl d ’après l ’avis des jurisconsultes commis à
cet effet, les parties ont résolu de transiger, comme de fait, elles
tra n sig en t
par forme de transaction sur procès pour tous les droits
que peut prétendre Élconard Canu dans la succession du sieur F ra n
çois Gueston , son père naturel, pour une somme de
3.,00c» fra n cs, que
�les sieurs et demoiselle GueUon s ’engagent' solidairement à payer à son\
émancipation ou à sà majorité. >»*:/.. ¡».‘nflrt'If îjH -N • n:.¡o. -...i
11
4
est surabondamment reconnu que la: prétendue- donation-faite
le ' i janvier i'SïS à Marie Brunetlet à son fils,'Jsera.nulle iet ré
putée comme 'non avenue. " :hoN
‘ïi-au ni) h i..:„u ¿i;ui
T el est en substance l ’acte idu 1 1 août 1 8 1 6 , dont il s’agit d ’ap
précier le caractère et les'effets.>On'y trotove réunis tous les «ÿémentSi
1
qui constituent un partage : il est intervenu entre'les divers ayants
droit à la succession du sieur Gueston ; il a pour objet de faire cesser
entre eux l’indivision, et de déterm iner, par voie d ’attribution ,i
l'amendement du mineur. On procède comme dans toutes les opéra
tions q u ’une liquidation exige : ’après avoir fixé , d ’aP ^ s ^avis ^es
1
jurisconsultes , les droits d ’Eléonard, on eompose la masse active des
biens meubles et immeubles ;>on en retranche-les dettes, qui sont
rappelées en détail ; on prélève sur cette masse, ainsi réduite , le
quart formant la quotité disponible ; e t , par ce travail préparatoire ,
on parvient à une liquidation rigoureuse, et en apparence exacte ,
de la portion héréditaire d ’Eléohard. Malgré le noni* donné à ce
Iruilé , il est bien constant qu ’étant entre les' parties le premier aètë
qui ait lait cesser l’indivision, il réunit tous les caractères d ’un par
tage véritable.
11 est bien
certain que les formes''employées n'ont eu
d ’autre but que d’éluder celles plus efficaces que le législateur a
tracées dans l’intérêt d u ’miri'our.
‘
I'
>r:
Cette transaction fut homologuée le 19 août. Les héritiers Guèston étaient tellement impatients d ’arriver au but qu'ils s’ôtaient pro
pose, que , dans moins de quinze jours, touteé'les formalités exîgéés
p a r la loi avaient été remplie^. A peine Eléonard était-il parvenu h
sa majorité, q u e , dand'rtspoir!U!obtienîr un,acqüiesccment'à ieéfc acte
luineux poiir l u i , ils ‘lui firerit offrir, par expldrt du 16 janvier 1636,
la somme de
3 ,000 fr. en capital, et
IcsMnlérÔt^ échus. Eléonard re-
fusa , e t, par le même acte,! il fût assigné en validité devant le1 tri
bunal dé Moulins. De son côté , il forma contre les héritiers GùeSton
une demande! en partage qtii fut portée devant le tribundl db Mont-
�— 18 —
luçon , dans l’arrondissement duquel la succession s’était ouverte.
La demande en validité d ’ofl'res avait pour, but de foire décider que
la transaction) du ,12 août était) irrévocable , letndevait,.interdire à
Kléonard toute actiontrelative àjl’exercifce de ses droits comme en
fant naturel du sieur Gueston. Pour la com battre, il a d ’abord ré
clame un sursis jusqu’à Ja décision à intervenir sur la demande en
partage pendante, devant lei tribunal de M onllüçon; e t , au fon d , il
a soutenu-que la transaction-n’étant autre chose q u ’un partage n u l,
ou du moins provisionnel^ et- dans tous les cas susceptible d ’ôtie
rescindai pour cause de lésion , ne pouvait avoir la force de paralyser
son action, et de.produire à son égard des effets déGnitifs. Sa défense
a été accueillie par un jugementrcontradictoife du 28 avril i
836 ,
textuellement rapporté dans le mémoirefde nos adversaires, et dont
nous reproduirons lesjprincipa,ux motifs en discutant son mérite.
’’T i ;
DISCUSSION. 5
.1
Avant d ’aborder la discussion du fo n d , il est nécessaire d ’écarter
immédiatement une objection présentée au nom des héritiers Gues
ton , qui aurait les effets d ’yne fin de non-recevoir, quoiqu’ils ne
1
l’aient,pas.ainsi formulée. P ’aprèseux , le jugement du i g aûut 1 8 1 >
qui a homologué la prétendue transaction du 12 aôut, est une déci
sion irrévocable qui a épuisé la juridiction du tribunal, et q u ’aucune
autre jnç peut Réformer. L e caractère de transaction q u ’il a reconnu
dans çet acte lui a été définitivement imprimé ; il n’est plus permis,
1
de , e contester. Etrange doctrine que celle qui attribuerait à un
jugement rendu sans débats j. sans conste^tation, des eil’e ts aussi
désastrçux^AinÊi l’erçeur,, d ’un tribunal ;trompé p a r le s apparences
dont op aurait revêtu un contrat ser£tl,f irréparable ; la justice res
terait,, impuissante, et désarmée pour, venir au sçcours d ’un mineur
dont,les,jintérêts ¡auraient été nûïçonnus. et sacrifiés! Sous le nom
de.transaction, un tuteur iqûdèlc|aurai^ aliéné ses biens, aurait pro
cédé à un partage /Çnns .rcjuplir aucune ,dcs formalités prescrites par
�— 19 —
la lo i, et cette œuvre de'spoliation serait à tout jamais consacrée
par le jugement d'homologation’ que le tuteur aurait’obtenu ! Ras-1
surons-nous , la loi n’a pas voulu Être complice*d’une injustice aussi
révoltante.
r'
.......’’
Pour qu’une'décision judiciaire produise' des effets irrévocables,
il faut qu’elle ait obtenu l’autorité de la chose ju^ée. Parmi les carac
tères de la chose jugée ,* définis par l’article 1
35 1 ,
lés principaux
sont que la demande soit, entre les mêmes 'parties, formée par
elles et contre elles en la même qualité. II faut donc que le jugement
ait prononcé sur des prétentions contradictoires, sur des intérêts
opposés et débattus devant la justice par diverses parties , xpour q u ’il
puisse attribuer à l’une d ’elles un bénéfice quelconque 'qui devient
définitif s’il n’ est pas attaque dans les formes et dans les délais fixés
par là loi. Un jugëm ent'd’homologation n’a aucun de ces caractères ;
rendu sur requête sur la demande isolée d ’une partie, il ne peut
conférer aucun droit à celui qui n’y figure pas ; fil manque d’un des
éléments essentiels qui constituent la chose jugée. C ’est' ce qui a
été positivement décidé par un arrêt de la Cour royale de Bordeaux,
( D a llo z , i
a , p. i
, deuxième p a rtie).
du 22 novembre i
832
83
58
T out jugement qui statue sur des intérêts d ’une nature déterminée
est susceptible d ’être réformé par l’autorité
supérieure, sur la
plainte de la partie lésée. Celui du 19 août, s’il avait les caractères
d ’un jugement contradictoire, serait encore susceptible d ’être frappé
d ’a p p e l, puisqu’il n’a jamais été signifié ni h la tutrice ni au subrogé
tuteur; et cependant com m ent, dans ce c a s , devrait procéder le
mineur Éléonard? Intimerait-il devant la Cour les héritiers Gueston?
Mais c e u x -c i répondraient : Nous n’avons pas été parties dans le
jugement de première instance ; vous ne p o u v e z, par ce m o y e n .
nous enlever le bénéfice du premier degré de juridiction. Inter
jetterait-il appel contre la tutrice? Mais e n c o r e , l’arrêt infirmatif
serait sans influence contre les héritiers Gueston. Etrangers à ces‘
nouveaux débats, par quels moyens donc obtenir la nullité de la
prétendue transaction homologuée? Par voie d ’action en nullité,
�ou par voie d ’e xception, comme l!a fait Eléonnrd, sans s’inquiéter
du jugement d ’homologation. Cette approbation donnée par la jus
tice à la tutrice qui le réclamait, est l’accomplissement d ’une for
malité exigée par la loi ; sans elle , l’acte du 12 aôut serait resté dans
le néant : soif intervention a eu poui^ effet de lui donner une valeur
comme transaction , e t d e relever la tutrice de son incapacité à con
sommer un acte dev cette nature. Mais si le mineur démontre que
cet acte n ’est pas \ine transaction , que la tutrice a excédé les,
limites de ses pouvoirs, q u e lle a stipulé une cession de droits suc
cessifs pu opéré, un véritable partage définitif,(il lui suffira d ’attaquer
le traité sîins faire réforme^séparément le jugement d ’homologation
qui-en est. J’acces^oire , et qui n’a pu ni éfpndre les pouvoirs de la
tutrice au delà des bornes fixées par la lo i, ni dépouiller le mineur
«les garanties qui le protègent,,, En faisantj.prononcer la nullité de
L’acte du 12 aôut 1 8 1 6 , ou en restreignant ^es effets à ceu xjd ’un
partage provisionnel, il fera tomber eu môme t e m p s ,o u il restrein
dra aux mêmes proportions le jugemqnt, d'homologation qui. lait
corps avec lui. De nombreuses décisions judiciaires rendues dans
des espèces analogues ♦ont ju gé que c ’était la seule marche à suivre.
Ainsi la.Gour,dc cassation , par un arrêt du i g floréal an x u ( Dencçcrsf an .x i iy p. 447 ) » a décidé en matière de v^nte de biens de
mineurs, qufil n ’était pas nécessaire d ’attaquer les jugements qui
l ’ayaient. ordonnée. En cas de vente de biens dotaux, la Cour de
Caeiv, p a r flrrÇ't (^u
4
G renoble, par arrêt du
Juillet 1826 ( D . 1827 , p. 47 ) •; la Cour de
4 aôut
1802 ( J). i
833 , p.
102 ) ont jugé
que la fonirae dç^ait ¡directement agir par voie de nullité contre les
acquéreurs,, njalg^ les jugements rendus sur requête qui avaient
autorisé v,c,s aliénations. La Cour.de Turin a consacré le même prin
cipe en nmtièrç de transaction passée par un tuteur en vertu d ’un
jugement
. p.y66.).
1
», ,’homologation.
[ T u r in , 29 ju illet
1 8 0 9 , lome 10,
pouvons donc sans crainte aborder la discussion du
et lech^rchqf dç quel c ô té s e trouve le bon droit.
,Le,traité dn ti 2 a ô u t ^ S i ô est-il une transaction ou uu partage,?
i
�Telle est la question dominante.
Les héritiers Gucston se sont
efforcés d ’établir que cet acte méritait la qualification qui lui avait été
d o n n ée, e t, q u ’à ce titre, il était irrévocable comme ayant reçu la
sanction spéciale que la loi exige pour les contrats de cette nature.
Nous allons, au contraire, cherchera d ém ontrer, i° que ce traité,
malgré sa dénomination vicieuse, est un véritable partage, dont la
nullité doit être prononcée pour n ’avoir pas été revêtu de toutes les
formalités prescrites par la l o i , ou dont les effets provisoires doivent
cesser sur la demande d ’un partage définitif; 2° que lors même q u ’il
participerait en même temps et de la transaction et du partage, il
faudrait e n co re, s’il était possible , distinguer ce qui tiendrait à l’un
ou à l’autre de ces deux contrats, et rejeter la partie du traité qui
serait relative aux stipulations d ’un partage définitif et aux opérations
qui en seraient le complément.
La dénomination que les parties donnent à un contrat est abso
lument insignifiante pour.en assigner le véritable caractère. Il se ré
vèle exclusivement par les conventions qu’il renferme , par l’objet
qui en fait la matière , par les effets q u ’il doit produire. A cet égard,
le fond l’emporte sur la form e, la chose est plus significative que le
n o m , la réalité est plus forte que l’apparence. Peu importe donc que
le traité de 1816 ait été qualifié transaction; cette appellation est
sans influence pour en juger la nature. 11 faut, pour l’apprécier, pé
nétrer plus intimçment dans les entrailles de cet acte. Les héritiers
Gueston en ont reconnu la nécessité ; aussi ont-ils cherché à faire
ressortir tout ce qui pouvait servir à lui conserver non-seulement la
form e, mais encore la réalité d ’une transaction pure et simple. Pour
y parvenir avec plus de facilité, ils ont supposé que cet acte
avait etc passé avec un majeur, et ils ont demandé si, dans cette
hypothèse, le traité intervenu ne serait pas à l'abri de toute critique,
et ne participerait pas de. l’irrévocabilité des transactions, dont il
présentait tous l»[s caractères. Nous accepterons volontiers le terrain
sur lequel la discussion a été portée ; mais il faudra bien alors con
venir qu’en admettant ce raisonnement, la conclusion sera toute con
�— 22 —
traire , si nous parvenons à démontrer que lorsque ce traité aurait
été passé avec un majeur, il ne serait pas réellement une transaction,
mais un véritable partage.
L e caractère spécial, distinctif de la transaction, est de ne pou
voir être attaqué pour cause de lésion. A r t.
2o 52.
L ’acte de partage, au contraire, destiné à consacrer l’égalité
entre chaque héritier, est toujours rescindable pour cause de lésion.
Prouver que l’acte du 12 août 1816 aurait pu être rescindé pour
cause de lésion, sur la demande d ’Eléonard Gueston , qui l’aurait
consenti en m ajorité, sera donc prouver que cet acte, aux yeux de
la lo i, était réellement un acte de partage.
O r , d ’après l’art. 888 du Code civil, est réputé partage tout acte
qui a pour objet de faire cesser l’indivision entre cohéritiers, encore
q u ’il soit qualifié de v e n te , d ’éch an ge, de transaction, ou de toute
autre manière.
Cette disposition du Code civil ne fait que confirmer les principes
anciens.
M o rn ac, sur le titre du digeste : Familiœ erciscundœ, s’exprime
ainsi : E o ju re utimur ut quocumque nomine denominetur contractus ,
scu transactio vocetur , seu non, tamen pro divisione hœrcditatis rcrumque communium accipi debeat.
Nous tenons pour maxime au palais, dit également L e p restre, que
le premier acte qui se fait entre les h éritiers, quoiqu’il soit déguisé
sous le nom de contrat d ’éch an ge, môme de transaction , est néan
moins tenu pour partage.
Bretonnier sur Ilenrys, t. 2 , p. 944» confirme cette doctrine gé
néralement admise. C ’est une maxime constante dans tous les tribu
naux, d it-il, que l’on peut revenir contre le partage quoique fait par
transaction, et quoique la transaction soit intervenue sur un procès
intenté pour parvenir au partage. Car l’acte qui finit cette discus
sion, quelque nom q u ’on lui d o n n e , est toujours un partage.
Tous nos auteurs m o dernes, sans exception, proclament les m ê
mes principes. Seulement M. Chabot, dans son Commentaire sur les
�Successions, t.
3 , p.
7 0 g , a pensé que si des contestations réelles
et sérieuses s’étaient éleyées relativement aux droits respectifs des
prétendants à la succession , sur la quotité de la portion qui doit ap
partenir à chacun, sur la validité des dons et legs, sur l’obligation
ou la dispense du rapp ort, l’acte par lequel on aurait traité sur tou
tes ces questions, et réglé les droits de tous par une attribution spé
ciale de biens déterminés, devrait être considéré comme une tran
saction , et produire tous les effets attachés à la nature de ce contrat.
Mais cette opinion contraire à la définition du partage, qui est
l ’acte qui fait cesser l’indivision, quel que soit le nom q u ’on lui
donne, et la forme adoptée pour y parvenir, est repoussée par B e leurie, t.
3 , p. 455. Tout premier acte entre
cohéritiers, dit-il, est
considéré comme un partage , et résoluble dans les mêmes cas , de
quelque nature et gravité q u ’aient été les difficultés qui s’élevaient
entre les coparlageants. M. Yazeille combat victorieusement l’opi
nion de Chabot. À ses y e u x , la transaction ne peut rester ferme que
lorsqu’elle est isolée et distincte du partage , soit en nature , soit par
attribution. S ’il y a confusion, la rescision du partage doit emporter
la nullité de la transaction. {Com . sur les Succrss. t p.
o.)
54
C ’est dans ce dernier sens que s’est prononcée la Cour de cassa
tion. Après plusieurs difficultés et môme plusieurs jugements sur le
partage de la communauté dissoute par la séparation de c o r p s , les
époux Ramonet firent, le 6 juin 1 8 2 5 , une transaction par laquelle
le mari s’engage, pour terminer toute contestation, à payer à sa
femme une somme de 80,000 francs. Au moyen du payement de
cette somme, ¡1 devait rester seul propriétaire de tout l’actif de la
communauté. Sur la demande en rescision de cet acte , formée par
la dame Ramonet, la Cour d ’Aix jugea q u ’à raison des questions
épineuses, des difficultés réelles qui s’étaient éleyées entre les par
ties, le traite du 6 juin 1825 avait tous les caractères d ’une vérir
*able transaction. Mais sur le pourvoi dirigé contre cet arrêt , la
Cour suprême en prononça la cassation par les motifs suivants :
• Considérant, en droit, que la loi déclare tout premier acte passé
�-
2i -
enlre cohéritiers on communistes, rescindable dans les cas p révus,
lorsque cet acte fait cesser l’indivision, quand même cet acle serait
qualifié transaction ;
''
’'
’
*
s Considérant que la loi ne distingue pas des autres cas ceux
où il existerait des difficultés graves et réelles, môme des procédures
et jugements antérieurs ;
» Considérant, en fait, que l’acte du 6 juin 1825 est un premier
acte entre les deux communistes; que cet acte a eu pour objet de
faire cesser l’indivision enlre eux, et qu’il avait en effet opéré le par
tage par attribution à forfait d ’une partie de l ’actif de la commu
nauté. » ( Cour de cassation, 12 août 18 2 9 ; D . 1829 , p.
332. )
On
peut encore citer, dans le môme Sens, un arrêt de la Cour de Pau ,
du 12 janvier 1826. (D . 1 8 2 6 , p. 114 .)
Toutefois, une sage distinction a été faite : il peut arriver q u ’avant
de déterminer la part afférente à un cohéritier ou à tout autre co
propriétaire, il soit nécessaire de régler des difficultés préalables ,
dont la gravité ou les chances incertaines sont de nature à engager
les parties à une transaction. Dans ce cas, l’acte peut alors réunir le
double caractère de transaction et de partage. Toutes les questions
qui se rattachent à la qualité des parties, à l ’étendue de leurs droits,
à l’appréciation des actes qu ’elles s’opposent mutuellement, sont ir
révocablement jugées par le traité qui intervient ; mais ensuite le rè
glement qui est fait en conséquence du droit reconnu de la quotité
déterminée, est un partage véritable, susceptible de rescision, si
l’un des copartageants n’a pas obtenu tout ce q u ’il devait avoir d ’a
près les bases adoptées.
Cette distinction est enseignée par M. Chabot lui-même comme
modification à l’opinion q u ’il vient d’ém ettre; il ajoute : « Mais il
s est bien important de remarquer que l’acte ne peut être considéré
; comme transaction, et non comme un simple partage, que dans
» le cas seulement où les contestations et les difficultés sur lesquel> les il'à été transigé étaient rée lle s, étaient sérieuses, et présen» taient des questions dont la solution pouvait être incertaine.........
�—
25
—
» 11 faut ajouter que même dans le cas d ’une transaction réelle.,.si,
» on avait fixé d ’abord la quotité de la portion que devait avoir cha» cun des héritiers, et q u e , d’après cette fixation, il eût été procédé
» au partage de la masse, celui des héritiers qui n’aurait pas eU|Ia
» totalité de la portion déterminée, et qui éprouverait à cet égard
» une lésion , serait encore fondé à se pourvoir en rescision. L ’acte
» vaudrait bien comme transaction quant à la fixation de la quotité
» des parts pour chacun des héritiers; sons ce rapport il ne pourrait
» être attaqué : chacun des héritiers ne pourrait réclamer que la
» quotité qui a été réglée ; mais s i , dans la distribution des parts ,
» un des héritiers avait eu moins des trois quarts de la quotité qui
» devait lui revenir d ’après les bases adoptées, il aurait le droit de
» se pourvoir contre l’opération du partage, sans toucher aux autres
» conventions ; l’acte, dans ce cas, ayant deux parties très-distinctes ,
» la transaction sur la fixation de la quotité, et le partage qui aurait
» déterminé chaque part séparément. » ( Chabot, Comment, sur les
Success. , p. 7 11 et suiv.)
Cette distinction est approuvée par MM. Duranton (Coursde droit
français, t. y , n°
o) ; et Yazeille ( Comm. sur les Succ. , p.
o).
£11 e est consacrée par un arrêt de la Cour de Nîmes, du o juin 1819
58
( D . 1 8 2 1 , p.
54
3
35 ) ; et par un arrêt de la Cour d ’Amiens,
du 10 mars*
1 8 2 1 { D . 18 23 , p. 1 1/| ).
Ces principes posés, faisons-en l'application à la cause. Comme
nous l’avons fait remarquer dans l ’exposé des faits, les prétendues
questions graves, rée lle s, que les héritiers Gueston mettent en avant
pour donner à l’acte du 12 août 1816 les apparences d ’une transac
tion , n’avaient ni gravité ni réalité.
Ils auraient pu contester l’identité d ’Eléonard comme le fils de
Marie Iîriinét! Pure allégation, ridicule et grossier m ensonge, qui
ne pouvaient faire illusion à personne. L ’acte de dépôt h l’h osp ice ,
1 acte de naissance, 1 acte de remise , la reconnaissance insérée dans
1<‘ contrat de
mariage de Marie B r u n e i, témoignage de son affection
maternelle, protestent contre une si étrange prétention. Qui aurait
4
�cru , sur le dire des héritiers Gueston , q u ’une mère affiche, son
déshonneur, s’impose des sacrifices de tous genres, pour se prêter
à une spéculation aussi immorale? La reconnaissance du sieur Gueslo n , les soins minutieux q u ’il prend pour assurer ît son>fils naturel
les actes et les moyens nécessaires de
conserver son é ta t , ne
viennent-ils pas donner encore un démenti énergique à dés alléga
tions dictées par la cupidité? Enfin, l’acte volontaire contracté par
4
les héritiers Gueston , le 1 janvier
i
8 i 5 , en faveur de Marie Brunct
et de son fils, n ’est-il pas de leur part une reconnaissance positive et
formelle?
Le droit de réserve, disent-ils e n c o r e , était contestable à l’égard
de l’enfant naturel. Sans d o u te , on peut tout contester, même l’é
vidence ; mais celte contestation ne pouvait créer une difficulté sé
rieuse et réelle. Que l’on consulte sur cette question MM. Merlin,
G ren ier, Touliier, Duranton, Loisoau, F avard, Malpel, Dalloz,
Yazeille , Delvineourt, Levasseur ; ils enseignent tous quo l’art. 761
du Code civil attribue à l’enfant naturel un droit de réserve sur les
biens du père ou de la mère qui l ’a reconnu. La jurisprudence des
Cours royales et de la Cour de cassation est également uniforme sur
la solution de cette question.
Mais, ajoutent-ils, ils auraient pu oontester le droit de réduction
pour composer cette réserve sur les biens compris dans la donation
déguisée du \l\ janvier
i
8 i 5 ; mais si l’enfant naturel a une réserve,
s’il doit com p ter, suivant les termes de l’arrêt de la Cour de cassa
tion du 26 juin ¡80 9, comme une fraction d ’enfant légitime, il doit
bien avoir les moyens de l’obtenir; et ces moyens ne doivent pas
être différents de ceux qui ont été organisés par la loi pour complé-.
1er la léserve des enfants légitimes.
Rem arquons, d’ailleurs, que cette question de réduction était
*ans inlluenco sur la détermination de la tutrice, et q u e , sous ce
rapp ort, elle n’a pu rien sacrifier pour éviter les chances d ’uno
discussion judiciaire qui aurait pu tourner contre son pupille. Eu
effet, la question do réduction des immeubles précédemment dun,-»
�nés, n’aurait pu s’agiter que dans le cas où les Liens libres provenant
de la succession du sieur Gueston n’auraient pu faire face aux droits
que la loi attribue à l’enfant naturel. Il est bien sensible que si les
héritiers Gueston avaient voulu y prendre part, ils auraient été
obligés de rapporter ceux q u ’ils avaient antérieurement reçus. Or ,
les biens libres et dont le sieur Gueston n’avait pas disposé, consis
taient: i° dans les cinq sixièmes de lalocaterie de Loulaigue, estimés
dans l’acte du 12 août i 8 i 6 à ........................................... 2,5oo fr.
2° Dans le mobilier du sieur G ueston, porté dans les
inventaires et le traité à........................................................ 4 ^ 9 6
T o t a l ...................................... 75096 fr.
Ces valeurs, malgré la dissimulation qui a été faite de celles énu
8 3 , étaient supérieures à la somme de
mérées dans l’inventaire de p i
3 ,ooo
francs attribuée à Éléonard. La question de réduction était
donc sans intérêt pour l u i , et ne pouvait porter la tutrice h accep
ter une pareille transaction.
M ais, d’ailleurs, est-ce qu ’on peut dire sérieusement que ces pré
tendues difficultés sont entrées pour quelque chose dans le règle
ment des droits d ’Éléonard? Les jurisconsultes consultés avaient ils
sur leur solution laissé à la famille, aux tuteurs, la plus légère incer
titude? IVavaient-ils pas, à l’unanimité, déclaré q u e , sous tous les
rapports, les droits du mineur Gueston étaient à l’abri d ’une contro
verse dangereuse ? Les héritiers Gueston eux-mêmes demandaientils un sacrifice-pour prix de leur renonciation à soulever ces contes
tations , dont ils connaissaient bien
le peu de fondement et de
consistance? Non. Dans l’acte du 12 août 1 8 1 6 , ils proposent3 à
lilrc de transaction, une somme de 3,000 francs supérieure à celle
qui pourrait revenir à l'enfant naturel, en admettant (ce q u i, selon
e u x , pouvait être contesté ) <juc. 1rs diverses questions agitées fussent
résolues en leur faveur, lo u te leur contestations se réduit h une
possibilité indiquée entre deux parenthèses. Loin de se prévaloir de
la ressource d ’un procès injuste pour obtenir une réduction sur
�l'étendue des droits du mineur G ueston, ils offrent, pour le désin
téresser, line somme supérieure à la valeur de son amendement. Ils
reconnaissent d o n c , par cette offre ainsi formulée, q u ’Eléonard est
bien fondé à obtenir au moins sa portion héréditaire dans la suc
cession de son père. Autrement celte supposition de leur part n’au
rait été q u ’un mensonge d ’autant plus coupable, qu’il aurait eu pour
but de tromper un frère mineur
en se donnant les avantages d ’une
apparente générosité.
A u ssi, sans s’inquiéter des prétendues questions graves et sérieuses
que l’on voudrait faire revivre, procède-t-on immédiatement à la
liquidation des droits d'Eléonard. Pour y parvenir, on compose la
succession du sieur Gueston. On récapitule les dettes qui la grèvent,
dans lesquelles on fait figurer 2,900 francs, montant des droits
85
d ’enregistrement de la vente du il\ janvier i o ; il en résulte que
l’actif est réduit à 4 6 ,1 9 6 francs. Sur celte somme , on détermine le
seizième revenant à l ’enfant naturel.
2,887
Ce
seizième est
porté à
fr” 29 c * C ’ est pour remplir Élconard de tous scs droits dans.
la succession du sieur François Gueston, son père naturel, que les
héritiers légitimes s’engagent à lui payer à>sa majorité la somme de
1
3 ,ooo francs.
f t ’est-j’ l pas évident que cet acte a eu pour effet de faire cesser
l ’indivision? ÎN’est-il pas évident que la somme de
3 ,000
francs était
l ’amendement d ’Éléonard dans la succession de son père naturel ? A
l’exceplioi) do la qualification donnée à cette prétendue transaction,
11e remontre-t-on pas dans cet acte tous les éléments, tous les caractères
qui sont propres au partage? Sa forme , son b u t, ses résultats permcttent-ilsde se méprendre sur la nature véritable de celte conven
tion? Si donc Éléonard Gueston avait passé cet acte en majorité,
il pourrait sans contredit en demander la rescision pour cause du
lésion. En démontrant que les 0,000 francs qu ’on lui offre ne sont
pas la sixième partie de ce qui lui revient dans la succession de son
p è r e , nul doute que ses adversaires seraient réduits à l’impuissanco
de combattre cette action. En vain parleraient-ils des difficultés
�i
—
29
—
sérieuses qui s’élevaient au moment où le traité'à élé passé; ii leur
répondrait victorieusement qu ’elles n’étaient pas s é r i e u s e s ‘qui;
d ’ailleurs elles ont été sans influence sur la fixation de son amende
ment.
11 leur
répondrait, avec la Cour de cassation, queT existency
de contestations réelles justifiées au besoin par des débats judiciaires,
est insignifiante pour déterminer le véritable caractère d ’une tran
saction ou d ’un partage ; q u ’il suffit que ce soit un premier acte
intervenu entre des communistes sur des biens indivis, pour qu’il
soit considéré par la justice comme un véritable partage, malgré la
dénomination que lui ont donnée les parties.
Il
leur dirait, au besoin , que si la renonciation des héritiers
Gueston à contester son droit, et la renonciation de la part de la
tutrice à se prévaloir de la promesse du 14 février, peuvent consti
tuer une transaction définitive, il n’en est pas de môme du règle
m ent, qui avait pour objet de lui attribuer auimoins le seizième de
la succession de son père. A l’aide de la distinction émise par MM.
Chabot, Duranton et Vazeillé, il leur répliquerait : Cet acte alors
renferme deux parties distinctes : d ’une part, la (reconnaissance de
mes droits, la fixation de mon amendement , l’abandon par ma
mère de ses prétentions à la somme de 2,000 francs que vous lui
aviez volontairement promise , forment, si vous le v o u le z , un traité
irrévocable; j’admets avec vous que l’on ne puisse pas faire revivre»
ces prétendues question^ préliminaires dont la solution est restée
complètement indépendante de mes droits; mais il:n’en est pas de
même de la seconde partie de cet acte , dans laquelle une somme de
3 ,ooo francs est promise pour tenir lieu de
tons mes droits dans la
succession de mon père naturel. Cette attribution, qui est calculée
sur mon amendement, est le lot que vous m’avez fait; elle n’a eu
d autre but que de faire cesser l’indivision. Dans l’intention com
mune des parties contractantes, il est bien certain q u e lle devait re
présenter le Seizième qui me revenait. Son règlement a été déter
miné d ’après les forces actives et passives de la succession et d ’après
1étendue
et la quolilé de mes droits comme enfant naturel. C e lle
�seconde partie de l’a c te , entièrement indépendante des autres dis
positions, est donc un partage soumis àitoutes les règles, à tontes
les conditions résolutoires des conventions de cetteinature. Eh bien !
je demande à prouver que',cette fixation à
3 ,ooo
francs que vous
disiez dépasser m o n 'a m e n d e m e n t, est une fixation mensongère et
décevante : je demande à prouver que je n’ai pas été lésé d ’un quart,
mais de plus des cinq sixièmes. La loi, l’é q u i t é , la nature des con
ventions se réunissent pour justifier ma réclamation.
Les conséquences légales qui dérivent des principes que nous ve
nons d ’établir sont faciles à tirer. L ’action en rescision que le sieur
Gueston serait fondé à introduire , dans le cas où il aurait passé en
majorité le traité du 12 août, ne pourrait être accueillie que parce
q u ’aux yeux de la justice cet iacte serait un véritable partage. C a r ,
aux termes de l’art. 2 o 5 2 , il serait, . comme transaction, à l’abri de
tout grief de lésion. L e caractère de cet acte une<fois légalement
fixé, ne peut pas changer; il'doit rester le même dans toutes les h y
pothèses; et la minorité d ’EIéonard, loin d ’être une raison de le dé
naturer, est au contraire une considération puissante, qui doit en
gager les magistrats à lui conserver sa véritable physionomie.
Comme partage, le traité du 12 août, malgré l’intervention de la
justice , et les formalités qui ont été remplies, est sans valeur, ou du
moins ne peut produire que des elTets.’ provisoires. Aux termes de
l’art. 466 duiCode c iv il, pour obtenir, à l’égard du mineur, tous les
effets q u ’il aurait entre majeurs, le partage doit être fait en justice ,
et précédé d ’une estimation faite par experts nommés par le tribunal
du lieu de l’ouverture de la succession. Les experts do iv en t, après
avoir prêté serment, pro cédera la division des héritages et à la for
mation des lots, qui sont tirés au sort. Tout autre partage est consi
déré seulement comme provisionnel. Les mêmes dispositions! sont
reproduites dans l’nrt. 8/|0. Dans sa sollicitude pour le mineur,'dont
les intérêts peuvent être si facilement compromis par des cohéritiers
cupides, des tuteurs inhabiles ou infidèles, le législateur a multiplié
les précautions qui doivent lui servir de garantie. l\on-seulemcnt la
�—
jl
—
justice est chargée de.veiller, mais encore elle doit êtreiéclairée par
des hommes dont les études spéciales lui font connaître d ’une ma
nière certaine la valeur et la consistance des immeubles.:¡Trois ex
perts choisis par le tribunal du lieu doTottvérture de lafsuccession ,'
après un serment quilenehaînHéuricdnsciencey sont tenus d ’estimer
les biens , et de faire connaître les bases de léiir estimation ; et y dans
la crainte encore que celte estimation soit vicieuse ou erro n é e , la
loi pousse plus loin sa sage prévoyance1: elle rejette toute combinai'
sou par voie d'attribution qui pourrait être iunq'occasion de dom
mage pour le m ineur; elle veut que devantttti’ mènibrc du tribunal:,f
ou devant un fonctionnaire public désigné iti'cét 'effetvles lois soient
tirés au s o r t , afin que l’incertitude d e 'ce litage sbit"utle"te'conimandation efficace auprès des experts et môme dos parties majeures, de
se conformer à la plus scrupuleuse égalité. :l
•
Toutes ces garanties ont manqué au mineur Gueston. Peuventelles être remplacées par l’avis d ’un conseil de famille composé d eirangers q u ’aucun lien d ’affection ne rattachait à un enfant de dixhuit mois, et qui déclarent que des biens situés dans un autre
arrondissement, et qu ’ils n’avaient même jamais vus, sont estimés
au-dessus de leur valeur, sur une indication sommaire et incomplète !
C ’est cependant le seul document qui’ ait été fourni à la justice. Les
honorables jurisconsultes qui ont été appelés à rédiger la consulta
tion , n’ont pas dû s’occuper de la valeur réelle des biens : leur mis*
sion se bornait à: examiner quelle était, en d roit, la quotité de
I amendement du m ineur, et si les actes qui servaient de fondement
à la demande en partage projetée par la tutrice, étaient réguliers. Sur
toutes ces questions, ils ont été unanimes pourldécider que les in
térêts du mineur étaient à l'abri de toute contestation. Mais, quant
a la valeur des, biens, qui leur élail entièrement inconnue, ils ont
déclaré s’en remettro a l’opinion exprimée- par le conseil de famille,
be tribunal lui-même, toul en homologuant la prétendue transaction,
II a pris aucune mesure préalable pour s’assurer légalement de la
consistance et de la valeur de la fortune immobilière du sieur G ués-
�ton.-L’omission de ces formalités importantes , et dont l’accomplis
sement est indispensable pour donner une valeur définitive au par
tage qui, in t é r e s s e r a m in e u r, né permet pas de regarder comme
irrévocable leiréglement arrOlé par le traité d u -¡12[août ¿816.1 Tout
au plus p e u t - a n lui faire produire les effets d ’un partage provisoire,
qui
mettrait ¡ le s h é r i t ie r s Gueston à l’abri d ’une restitution de!
jouissances perçues pendant plus dé vingt ans au détriment du mi-i
neur. Mais consacrer la spoliation dont se plaint Eléonard, décider,'
au t mépris des dispositions les-.plus formelles de la lo i, que ce
traité qui lui' est étranger, consommé par uneLtutrice ignorante,
illétrée ; par ùu co-tuteur soumis à l'influence des héritiers Gueston ,
a pu le lier pour toujours et lui interdire une nouvelle action en
partage, serait une monstruosité que la justice ne sanctionnera
jamais. E h ! comment pourrait-elle s y résigner, lorsqu’elle est spé
cialement chargée du soin de protéger les intérêts sacrés du mineur ;
lorsque toutes les dispositions de notre Code» témoignent de la
sollicitude éclairée du législateur, qui'; par toutes les voies possibles ;
a voulu lui fournir les moyens d ’obtenir la réparation des illégalités
ou des injustices dont il aurait été la victime? En e f fe t , pour le
inineur, il n ’y aipas de contrat qui puisse lui causer préjudice. La
simple lésion suffit pour q u ’il soit fondé à obtenir la rescision des
conventions qui auraient été passées en son nom , malgré toutes les
précautions et toutes les formalités dont on aurait pris soin de les
35
environner. L ’article i o
du Code civil porte : La simple lésion
donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé.contre}
toutes sortes de conventions. Cette disposition ne s’applique pas aux
contrats passés par le.mineur seul ; car ils seraient frappés de nullité
à raison de son incapacité personnelle; elle est spéciale aux conven
tions qui auraient obligé le mineur malgré son incapacité, c ’est-àdire , à celles passées par,le tuteur dans les limites de ses pouvoirs,
avec le concours du co n se il, lorsque son intervention est nécessaire ,
et l’autorisât ion de la justice, lorsqu’élle.'fst exigée p a rla loi. Quant
53
à c<ilie,v- ci » 'J’article 1 o
2
ne distingue p a s , i l s’applique i toutes
�sortes de conventions d ’une'manière générale, absolue. C’est dans ce
sens que cette disposition a été interprétée par M. Merlin : <? Il
» importe peu , dit-il, que les transactions avec un mineur aient été
» homologuées par la justice après toutes les formalités prescrites
» par l’article 467 , ce n ’est qu’à l’égard des aliénations d’immeubles,
» ou des partagés de successions, que l’article 1
314 ferme aux mi-
» neurs la voie de la rescision , lorsque les formalités requises à rai» son de la faiblesse de leur âge ont été remplies ; les transactions
35
» restent sous l’empire de la règle générale qu ’établit l’art. i o . »
( M erlin3 Rrp., v. Transaction, § Y , n°
8 . ) Cette opinion est égale
ment professée par M. Toullier.
Il
resterait donc à Eléonard la ressource de faire rescinder pour
simple lésion l'acte du 12 août, s’il était possible de le considérer
comme une transaction dans toutes ses parties; mais celte ressource
subsidiaire et incomplète serait loin de réparer le préjudice qu’il a
souffert: fort de son bon droit, convaincu que malgré lafausse qualifi
cation donnée au traité du i 2 a ô u t , la justice ne peut en mécon
naître le caractère, le but et la p o rté e , il persiste à réclamer
l'intégralité de ses droits, et à demander q u ’on lui attribue la part qui
lui revient dans l'héritage paternel.
Le tribunal de première instance, dont la décision est empreinte
d un caractère remarquable de sagesse et de circonspection, a consacré
ces principes par le jugement q u ’il a rendu. Il n ’est p e u t-ê tr e pas
inutile de remettre sous les yeux de la Cour les motifs principaux de
cette décision, sauf à examiner ensuite le mérite de deux considé
rants dont on a fait une critique particulière:
« Attendu que l’acte du 12 août i 8 i 6 ,b i e n q u ’il soitqualifié tran
saction , équivaut à un partage à l’égard de Canu , puisqu’il en pro
duit tous les effets pour lui ;
» Q11 il conlient, en effet, l’énumération des biens formant la tota
lité de la succession de l'rançois G ueston, leur
estimation,
la
composition de la niasse, la liquidation de la succession, enfin la
determination de la quotité revenant à Cauu , en sa qualité d ’enfant
�34
-
naturel, laquelle y est fixée à un seizièm e, par suite de la réduction
opérée par l’exercice de scs droits -, de la donation déguisée du 14
8 i 5 ; qu ’il contient évaluation de celte qu o tité àu n e somme
peu inférieure à 3 , 00a f r . , et portée ensuite à la somme de
janvier î
un
3,ooo fr. pour désintéresser complètement C a n u , et pour ( est-il dit
dans l’acte) tous les droits que peut prétendre Eléonard Canu dans
la succession de François Gueston ; d ’où il suit qüe cet acte ren
ferme tous les éléments d ’un partage , qu ’il en a , en outre , le carac
tère essentiel et distinctif , celui de faire cesser l’indivision ;
» Q u ’enfin, s’il pouvait exister quelque doute sur ce point de doc
trine et de d roit, il serait levé textuellement par l ’article 888 du
Code c i v i l, disposition dans laquelle le législateur, par une sagesse
remarquable, évite avec un soin évident de se servir du mot partage,
et dit : Tout acte ayant pour objet de faire cesser l’indivision , encore
q u ’il fût qualiûé de v e n te , d ’échange et de transaction, ou de toute
autre manière;
?
» Attendu qu ’en matière de partage intéressant dès m ineurs, la
loi a établi des règles et déterminé des formes spéciales dont elle
prescrit l’observation rigoureuse, sous peine de ne laisser à l’acte
dans lequel elles n’auraient pas été scrupuleusement observées, que
le simple caractère et la seule force d ’un partage purement provi
sionnel ;
» Attendu que si quelques monuments de jurisprudence
con
sacrent la validité d ’un partage par voie de transaction entre ma
jeurs et mineuis, môme avec attribution de part ( arrêt de rejet,
(Jour de cassation j du
3o
aôut 18 1
5 ),
on doit y signaler que le
partage élail alors attaqué par les majeurs, tandis que l’inobserva
tion des articles/jGo 840 du Code civil ne peut être invoquée que
pur les mineurs;
>
2” Que les biens avaient été estimés en justice , et que celte
seconde garantie des intérêts protégés du mineur manque dans les*
pècc dont il s’agit ;
�» D ’où il suit que cet acte du 12 août 1816 V' q u i ’ sert dé base à
la demande, est nul en tant qu ’il détermine d ’une manière définitive
la part afférente à» Canu comme enfant naturel’, et qu’il fait cesser
pour lu i, l’indivision dans la succession de François Gueston. » '
Des raisons aussi logiques n’ont pas besoin de justification.’ Les
héritiers Gueston n’ont pas cherché à les combattre autrement
q u ’en déplaçant la question, et en dénaturant le véritable caractère
du traité de 1816. Ont-ils été plus heureux dans les critiques de
détail qu’ils ont faites de deux considérants, dans lesquels ils ont cru
voir des erreurs de droit et des contradictions manifestes. Il nous
sera facile de montrer que dans le jugement du tribunal de Mou
lins , il n’y a ni erreur de droit, ni contradictions, et que toutes ses
dispositions s’enchaînent, se coordonnent, et répondent victorieu
sement aux objections des héritiers Gueston.
Nos adversaires, dans leur m ém oire, ont cherché à éluder l’ap-'
plication de l'article 888 du Code civil : ils ont voulu se placer sous
la protection de l’article 88g qui porte : * L ’action en rescision n’est
» pas admise contre une vente de droits successifs faite sans fraude
» à l’un des cohéritiers à ses risques et périls, par ses autres co » héritiers ou par l’un d ’eux. Ainsi, disent-ils, les droits de Canu
» supposés certains, sa qualité reconnue , le traité sur ces droits par
» un majeur, moyennant une somme G xe, serait^une véritable
» cession de cette espèce, inattaquable de sa nature, parce que
» c ’est encore sur la quotité et la valeur des droits une sorte d e '
» transaction. »
L emploi de ce moyen était dangereux dans la bouche des héri
tiers Gueston. D ’une p a r t, c ’était considérablement affaiblir le ca
ractère exclusif de transaction que l’on voulait conserver au traité
«le 181G. D un autre côté , présenter cet acte comme une cession de
droits successifs, c était reconnaître qu ’il rentrait'nécessairement
dans la catégorie des actes qui font cesser l’indivision , et dont s'oc
cupe l’art. 888, si l’on n’établissait pas q u ’il fût compris dans l’excep
tion prévue par l’article 88g. Aussi l’habile interprète des intérêts
�—
5G-—
des héritiers Gueston., tont en développant ce moyen avec étendue ,
prend-il la précaution d ’indiquer quç s ’ il aborde,,cette question fort<
inutile, à sa cause, c ’ est uniqiwment parce que Je tribunal l'a mis sur
cette voie. .
h, ,
tL ’objection avait été en effet présentée devant le tribunal de Mou
lins^,et le jugement y répond par les motifs suivants
« Attendu
» que l ’acte du 12 août i 8 i Ü 'n e peut être considéré comme reu» fermant une vente de., droits successifs, lorsque l’on considère
» également le caraclèfe propre ;et distinctif de ce genre d ’aliéna» tion.
*
ft.
v,, . ,
,t, 4.
En effet, le vendeur de droits,successifs ne vend et ne garantit
» que . sa [qualité d ’héritier ou d ’ayant droit ; du ¡reste , il n’eit pas
1» garant de la moindre pu de la plus grande étendue de ses droits ;
p il ne vend que ce qui se .trouve ou peut se trouver dans la suc3 cession : dans l ’acte du 12 août, Canu a vendu nonrseulement des
» droits certains, mais des droits liquidés, déterminés , une quolc
» part enGn, attributive d ’une valeur fixée; en un m o t, le résultat
» d ’un partage préexistant. »
Ces motifs répondent parfaitement à l’argumentation des héritiers
Gueston. Par une exception au principe proclamé par l ’article 888 ,
le législateur déclare qije la vente des droit successifs laite aux ris
ques et périls de l ’acheteur , était à l’abri de l’action, en rescision.
Pourquoi? parce que, dans ce cas, les forces de la succession n’étant
pas connues, les dettes qui la grèvent étant ignorées, il y a pour
les deux parties chances aléatoires dans le contrat qui intervient.«
C ’est, disent Lebrun et P o th ie r , parce que l ’ incertitude sur la quotité
de Ca ctif de la succession et sur la quotité ¡des dettes et des charges,
rend également incertaine la valeur des droits successifs. L e caractère
distinctif de cette convention est d'ailleurs, assigné par l’article 889 ,
qui exige que .la vente soit faite,«!/# risques et périls de l ’acheteur,
c ’e$t-à-dire, suivant l’opinion générale des auteurs, q u ’il reste seul
expressément chargé d ’acquitter toutes les dettes.
D a n i-le traité de 181Ü, trouve-t-pu les éléments d ’un contrat
�aléatoire'.résultant dé l ’incertitude^dans laquelle toutes les" parties!
auraient été sur la quotité des biens et sur la*quotit<*i des dettes et
descharges? Mon : l ’actif est rappelé toutes lesdettessonténumorées ;
nulle part il est indiqué qu ’elles resteront à la charge des.cessionnai*
res; loin dé là , on fait.paÿer au mineur sa part contributive , en re
tranchant ide l’actif de la succession les dettes, qui. la grevaient. C e
n ’est pas une part incertaine., ignorée des parties, et dont-: la con
sistance pCit dépendre d ’un passif inconnu:,» que se fonticéder les
héritiers Gueston , mais un seizième déterminée d ’après les droits
reconnus d’Éléonard, et les forces d e <la succession soigneusement
énumérées.
Le tribunal a donc eu parfaitement raison lorsqu’il a décidé que
le traité du 12 août ne pouvait, sous aucun rapport, être assimilé à
la cession aléatoire dont s’occupe l’article 88g , et que la vente con
sentie au nom d ’Éléonard portait sur des droits certains, liquidés,
déterminés, enfin sur le résultat d ’un partage auquel toutes les par
ties avaient réellement procédé.
Où conduisait d ’ailleurs l’objection? Quand il serait vrai que la
cession consentie au nom d ’Éléonard fût un contrat aléatoire q u i,
par sa nature m ê m e, ne peut jamais être ni autorisé ni consommé
lorsqu’un mineur y est intéressé, elle n’en resterait pas moins une
cession de droits successifs dont la nullité serait évidente. En ellet’,
I aliénation des immeubles appartenant à un .mineur ne peut avoir
lieu qu’après l’accomplissement de nombreuses formalités qui témoi
gnent de la vigilance du législateur. Ces formalités sont indiquées
par les articles
4 ^7 » 4 ^®» ^ 9
Gode civil , g
56 et
suivants du
Code de procédure. Il faut q u ’il y ait nécessité absolue , ou avantage
«•vident reconnu par le conseil de famille et par le tribunal. Il faut,
encore que le subrogé tuteur soit appelé à la vente, q u ’elle soit
précédée d ’aiTichcs , d une estimation préalable par experts , et con
sommée publiquement sur des enchères reçues par un magistrat ou
un notaire. Ces dispositions sont communes à une cession de droits*
successifs, qui comprend nécessairement aliénation d ’immeubles,
�lorsque la succession est principalement immobilière. Sous la forme
d ’une transaction, et en se conformant aux prescriptions de l’article
¿¡G"1 , il n ’est pas plus permis au tuteur de faire un partage.;qu’une
cession de droits successifs qui puisse lier son pupille; autrement
toutes les garanties dont la loi a voulu l’environner lui seraient ravies.
En matière de .transaction, elle a seulement exigé le concours de
trois jurisconsultes, parce que la nature du débat sur lequel une
convention de cette nature est provoquée, exige plutôt l’appréciation
d ’une question de droit que l’appréciation de la consistance et de
la valeur des biens immeubles ; mais toutes les fois que les droits
immobiliers d ’un mineur sont en litige, elle a pris des mesures spé
ciales et plus appropriées à la nature même des droits q u ’il s’agit de
protéger.
11
ne nous reste plus q u ’à justifier le jugement attaqué du reproche
de contradiction que lui adressent les héritiers Gueston. Après avoir
fortement démontré que l’acte de 1816 était un partage réel qui ne
devait produire que des effets provisoires, le tribunal ajoute : « At» tendu que l ’acte dont il s’a g it, contenant transaction sur d ’autres
» points litigieux, les héritiers Gueston pourraient alléguer, peut» être , que l’admission de Canu à prendre part à la succession de
» leur père dans la proportion qui s’y trouve déterminée . n’a été que
» la condition par forme de transaction , de la renonciation de leur
» part à différents droits, et notamment h celui de contester la qua>
» lité d ’enfant naturel. »
• Très-bien ! s’écrient les héritiers Gueston , le tribunal en dit plus
» q u ’il n’en faut pour détruire tout l’effet des précédents motifs; il
» reconnaît que l’acte du )2 août contient transaction sur des points
» litigieux...... ; il reconnaît qu ’un de ces points litigieux était le droit
» de contester à Canu sa qualité d ’onfimt naturel ; d o n c, d ’après le
» jugement lui-même . il y avait contestation , et il v a eu transaction
* sur ce point important, fondamental, en même temps que sur
» d ’autre.'. »
Le tribunal de Moulins avait été saisi par la demande en validité
�—
39
—
<les offres faites par les héritiers Gueston d ’une somme de
3 ,ooo l i . ,
qui devait, selon e u x , désintéresser complètement leur frère natu
rel. Pour déterminer si ces offres étaient suffisantes , il était néces
sairement amené à examiner le caractère définitif que l’on voulait
imprimer au traité de 1 8 1 6 ; mais il n’avait pas à s’occuper du par
tage, qui était pendant devant le tribunal de M ontluçon, dans le
ressort duquel la succession s’était ouverte. Il aurait pu cep en d a n t,
en appréciant toute la portée de l’acte du 12 août, décider que les
héritiers Gueston, en reconnaissant la qualité de leur frère naturel,
en ne conlestant ni'sesdroits à une réserve, ni l’action en réduction
qu’il pouvait form er, et dont le mérite avait été sanctionné par l’avis
des trois jurisconsultes, ne pourraient plus, dans l’avenir, présenter
de pareilles objections; qu e, sous ce rapport, il y avait eu de leur
part renonciation formelle ; que celte renonciation , accompagnée
de la paît de la tutrice de l’abandon des droits que lui conférait l’acte
5
sous seing privé du 14 janvier 18 1 , constituait une transaction qui
devait être respectée par toutes les parties. En le jugeant ainsi , le
tribunal n’aurait pas été en contradiction avec les précédents motifs
q u ’il avait donnés. Suivant la distinction établie par MM. C h a b o t,
Duranton et Y azeille, et d ’après la doctrine des Cours d ’Amiens et
de ¡Nîmes, il aurait pu reconnaître q u e , dans celte partie de l’acte ,
>1 y avait transaction, et dans l’autre partage q u i, à raison de la mi
norité et de l’inaccomplissement des formalités prescrites, devait se
borner à des effets provisoires; et cette décision aurait été logique ,
conséquente; et le tribunal n’aurait pas, en l’adoptant, donné 1111
démenti à 1 interprétation qu ’il avait dé,à faite du règlement de 181 (5.
Mais il 11 est pas allé jusque l à , il a été plus circonspect : après avoir
constate le fait, ¡1 s’est b o rn é , en rejetant la demande eu validité
d o llre s, à faire réserve à toutes les parties de leurs droits respec
tifs, à 1 ellet soit de procéder à un nouveau partage, soit d'exercer
lesdils droits ainsi qu elles aviseront. Les héritiers Gueston peuventils s en plaindre? S ils attachent quelque importance à ces misérables
contestations, libre à eux de les reproduire à leurs risques et périls|;
leur frère naturel 11c les redoute pas.
�-40
-
!
Q u ’on ne dise pas surtout que le tribunal a reconuu q u ’un des
points litigieux était la qualité d ’enfant naturel, et qu ’il y avait con
testation sur ce point important, fondamental. Pour motiver la ré
serve générale faite aux parties, réserve que nos adversaires récla
maient positivement dans leurs conclusions, il dit seulement que les
héritiers Gueston pourraient alléguer peut-être. Certes, traduireainsi
leur prétention, était suffisamment en apprécier la valeur. Jamais,
en e ffe t, les héritiers Gueston n’ont contesté la qualité d ’Eléonard.
Indépendamment des actes nombreux qui l’établissent, eux-mêmes
l’avaient reconnue, soit dans l’acte du 14 janvier i
8 i 5 , soit dans la
délibération du conseil de famille du 12 juin 1 8 1 6 , soit enfin dans
le traité de 1 8 1 6 , où toujours Eléonard est indiqué comme fils na
turel du sieur Gueston. Aussi le tribunal dit-il qu’aucun doute ne
saurait s’élever sur cette qualité d ’enfant naturel du sieur Gueston.
Sous tous ces rapports, les premiers juges ont fait une apprécia
tion exacte et judicieuse des questions qui étaient soumises à leur
examen. L ’erreur involontaire commise parleurs devanciers ne les a
point égarés; ils ont su la réparer au moins pour l’avenir, en lais
sant le passé sous la protection du traité de 1816 et du jugement
qui l’avait homologué. Malgré la fausse qualification donnée à cet
acte , ils lui ont restitué son véritable caractère, révélé par les prin
cipes les plus certains de notre législation , par la nature des conven
tions qu'il renferm e, et les résultats qu ’il était destiné à produire.
La C o u r, dans sa haute sagesse, n ’hésitera pas à donner une nou
velle consécration aux droits imprescriptibles d ’un enfant mineur,
que des cohéritiers malveillants et cupides ont voulu compromettre,
et qu ’une faible fem m e, dominée par leur ascendant, n’a pas su
défendre. Dans cette lutte décisive , elle prêtera son appui tutélaire
à celui que la loi a placé sous sa protection spéciale, et dont les in
térêts ont été l’objet de sa constante sollicitude. L ’arrêt que pom Miit Eléonard, et q u ’il attend avec confiance, doit fixer son avenir.
Jusq.i’à présent, malgré tous les obstacles suscités par le besoin et
la détresse , il est parvenu , secondé par un travail opiniâtre , soutenu
�4
1
par l'intérêt qu’il a su inspirer, à terminer ses études. l ' instruction
qu ’il a r e çu e , et qu ’il donne en échange pour acquitter sa d e tte, lui
permet de suivre une carrière h on o rab le, s' il parvient à recueillir
l’héritage paternel. Toutes ses espérances, tous ses eff orts viendrontils se briser dans le sanctuaire de la ju stice, où il a cherché un
refuge ?
Me L. R O U H E T , Avocat.
Me T A IL H A N D , Avoué-Licencié.
RIOM.— IMPRIMERIE DE E. THIBAUD.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gueston, Eléonard. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rouher
Tailhand
Subject
The topic of the resource
successions
partage
enfants naturels
coutume du Bourbonnais
exposition
abandon d'enfant
fausse identité
reconnaissance de paternité
transactions
partage
domestiques
conscription
jurisprudence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Eléonard Gueston, précepteur, intimé ; contre Gilbert et Louis-Etienne Gueston, propriétaires ; Françoise Gueston et Jean Causse, son mari, Docteur en médecine ; appelants d'un jugement rendu par le tribunal de Moulins, le 28 avril 1836.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Enfant naturel.
6. lorsqu’après la reconnaissance authentique d’un enfant naturel et le décès du reconnaissant, les héritiers légitimes de ce dernier ont confirmé la reconnaissance, dans un acte passé avec le tuteur autorisé par une délibération du conseil de famille, en admettant l’enfant naturel à l’exercice de ses droits, en cette qualité, dans la succession de leur père, et que, dans cet acte, qualifié transaction, après l’énumération de tous les biens de la succession, leur estimation, la composition de la masse, la liquidation et enfin, la détermination de la quotité revenant à l’enfant naturel avec évaluation d’une somme fixe, on lui abandonne une somme un peu plus forte pour le désintéresser plus complétement et pour tous les droits qu’il peut prétendre dans la succession du défunt ; cet acte bien qu’il ait été homologué en justice, à la diligence du tuteur, et sans contradiction doit-il être considéré comme vente de droits successifs et transaction, ou au contraire comme partage ?
l’enfant naturel après sa majorité, peut-il, en invoquant le véritable caractère de l’acte, s’il a réellement fait cesser l’indivision, et en excipant de ce que les formes prescrites par la loi, pour l’efficacité des partages avec des mineurs, n’ont pas été observées, en demander la nullité, ou la rescision pour cause de lésion, et conclure à un nouveau partage ?
peut-on lui opposer, comme fins de non-recevoir, l’autorité de la chose jugée, résultant, soit de la décision judiciaire qui avait homologué l’acte réglant à une somme fixe ses droits dans la succession de son père naturel ? soit du caractère et des effets de la transaction ayant eu pour objet de trancher, entre parties, des difficultés nombreuses sur la qualité du réclamant, sur le règlement de ses droits, sur les conséquences des libéralités et dispositions antérieures faites à son profit ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de E. Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1814-1836
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
41 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2806
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2805
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53562/BCU_Factums_G2806.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Montet (03183)
Moulins (03190)
Veaux (domaine des)
Loulaigue (domaine de)
La Faye (domaine de)
Châtillon (03069)
Tronget (03292)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abandon d'enfant
conscription
coutume du Bourbonnais
domestiques
enfants naturels
exposition
fausse identité
jurisprudence
partage
reconnaissance de paternité
Successions
transactions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53551/BCU_Factums_G2714.pdf
2b8b0ee9bb699c886182dc66bcfb838b
PDF Text
Text
7
/
s*.-r
M
É
M
O
I
R
en r épo n se.
E
�EN RÉPONSE ;
M. J a c q u e s D E L S U C , p r o p r ié t a ir e et
an cie n n o t a ir e , habitant du lieu de Sain t-
P ou r
P a r d o ux - L a t o u r , intimé ;
C o n tr e M . J e a n -M a rie
N E Y R O N -D E S A U L -
N A T S , propriétaire, habitant au lieu de StGenès, appelant d'un jugement par défaut
rendu au tribunal civil d Issoire, le 27 juil
let 1827 ,
1
L
1
•
A contestation so ulevée entre les p arties, est relative à u n
droit d ’usage, dans u n e fo rê t appartenant à M . Desaulnats,
L e titre co nstitutif de ce d ro it a déjà fait n a îtr e , devant la
C o u r , de sérieuses discussions, et appelé u n examen sévère.
Mais u n arrêt in te rlo c u to ir e a fixé décid ém ent l ’état de la
c a u s e ; la p re u v e ordonnée est essentiellem ent p ré ju d icie lle ;
l ’arrêt porte sur le p rin c ip e qu i était contesté, et a u q u el se trouve
sub ordo nne le fond de la décision ; i l ne s’agit donc p lu s qu e
de r e c h e r c h e r si la p re u v e a été faite dans les termes et avec le s
c onditions imposées par les magistrats.
�(
2
)
T e l sem blerait être l ’u n iq u e p oint de v u e sous le q u e l les
débats do iv en t a ctu e lle m e n t s’engager.
T o u te fo is , d ’autres prétentions viennent de su rg ir : l ’a p p e la n t,
in q u ie t d u résultat p ré p a ré p a r les e n q u ê te s, s’efforcerait a u jo u r
d ’h u i de rem ettre en question tout ce q u e la C o u r paraît avoir
ir ré v o ca b le m e n t d é cid é ; il v o u d ra it soum ettre à u n e n o u v e lle
discussion des titres a n cie n s, sur lesquels il y a cliose j u g é e ; il
Voudrait contester l ’existence d u d roit d ’usage en lu i-m ê m e , et
d o n n e r la vie à u n e partie d u p rocès à janjais éteinte.
S ’il fallait m êm e ra p p e le r toutes les prétentions de M . D esauln a ts, il en ré sulterait q u e la possession de M . D e ls u c n ’est pas
é t a b li e ; e lle ne serait entourée d ’a u c u n e des circonstances p r o
pres à lu i im p rim e r u n e force lé g a le ; ce n ’est q u ’a ccid e n te l
le m e n t , et p ar suite d ’ une toléran ce de ve n u e dangereuse entre
les mains de M . D e l s u c , q u e ce lu i-ci a urait c h e r c h é à c o lo r e r
u n titre ir r é g u lie r en la f o r m e , et no n souten u d ’un e véritable
possession.
L à ne s’ari’êteraient pas les griefs de l ’appelant.
S u b s id ia ir e m e n t , i l d éterm in e à priori les ob ligations de
M . D e lsu c , <?t p réten d rait ne pas r e tro u v e r dans les tém oignages
r e c u e illis p ar M. le conseiller-co m m issaire, ces éléinens conser
vateurs d ’u n d roit d’ u sa g e , c ’e st-à -d ire , les faits successifs de
d é livra n ce p ar le p r o p r ié ta ir e , et le p a y e m e n t de la red eva n ce
par l ’usager.
C e p e n d a n t, et à toute f in , si l e d r o it p o u v a it être établi ,
M . Desaulnats en ré cla m e ra it la re strictio n , e u égard au titre
q u i le r e n f e r m e , et au domaine q u i doit en p rofiter.
V o i l à , en r é s u m é , les prétentions de l ’appelant : nous avions
besoin de les é n o n cer de suite, p a rce q u ’elles seront im m édiate
m e n t mises en regard avec les faits et actes"du p ro cè s, dont l ’e x
posé sim p le et fidèle retracera la lim ite q u e la C o u r a en tendu
poser entre la c a u s e , telle q u ’ elle se d é v e l o p p a i t devant e ll e , à
�(3)
la p re m iè re a u d ie n c e , et la cause telle q u ’elle est encore à ju g e r .
L e s magistrats ont p ris la p ein e d ’e x a m in e r , dans les plus
grands détails, tous les titres anciens invoqués dans l ’intérêt de
M . Delsuc et c e u x opposés p a r M . D esaulnats; cette investiga
tion s’est éten d u e sur la fo rm e des actes, co m m e sur la nature
et l ’effet des conventions y relatées; les m oyens respectivem ent
p ro d u its à l'a p p u i de ch a q u e p rétention ont été p are ille m en t
a p p ré cié s; l ’arrêt in terlocu to ire en fait fo i.
C e n ’est q u ’après a vo ir r e c o n n u et p ro cla m e l ’existence d u
d roit d ’ usage p o u r
31 . D e l s u c , q u e la question de savoir s’il avait
été conservé par u n e possession lé g a le , a d éterm in é la p re u v e
o rd o n n é e p ar la C o u r .
A ce seul p o i n t , à ce seul fait est v e n u se rattacher la néces
sité d ’ un in te r lo cu to ir e . M . D e ls u c y a-t-il co m p lètem en t satis
fa it? c ’est là l ’objet a ctu e l du procès. L e s autres difficultés n ’exis
tent p lu s entre les parties.
•
N o u s verron s b ie n tô t q u e si des ob ligations étaient imposées
à l ’in tim é , il les a«largement r e m p lie s ; il aurait m ê m e dépassé
les ex ig e n ces de l ’arrêt.
L e d roit d'usage a été lé g a le m e n t co n se rvé : nous a Ilo n s(|B K ^
q^ M ^ e d é m o n tre r.
FA IT S.
L e sieur D e lsu c est p ro p riéta ire d ’u n dom aine appelé de la
G u iè z e , a u q u e l sont attachés les droits contestes d’usage et de
c h a u ffa g e , dans la forêt de la R o c h e , appartenant a u jo u r d 'h u i
a u sieur Desaulnats ; le titre g énérateur de ces droits est sous
signature p r iv é e , et en date d u 17 dé ce m b re iG 54 *
L a concession iaîle p a r le sieur de la B a r g e , seigneur de
L a r o c h e , et alors propriétaire de la fo r ê t du m êm e n o m , est
c o n ç u e en ces termes :
« A v o n s , p ar ces présentes, in v estiet investissons Jean F u m â t ,
1.
�(
4
)
» ferm ier de ladite seigneurie de L a r o c h e , ci-p ré se n t, de nos bois
ü> et forêts appelés de la M a lg u iè ze et de L a r o c h e , dépen dan t
» desdites seigneuries de L a r o c h e -, p o u r en jo u ir p o u r son usage,
des maisons, p o u r les ténemens des villages de G u iè z e et de
j> Pissol, soit p o u r son ch auffage et réparations q u ’il p o u rr a it faire
>> dans lesdits tén e m e n s, à la ch a rg e q u ’il sera tenu de p a y e r an» n u e lle m e n t , à ch a q u e fête S t-N ico la s d ’h iv e r , la quantité d ’u n
» setier d ’avoine qu*il sera tenu d ’ap p o rte r audit L a r o c h e , a
A u p ie d <le cet a c te , o n lit les mots suivans:
« E t en foi de c e , nous sommes soussignés et ledit FumaL^ ^ il
« ch â te a u de la B a r g e , 17 dé ce m b re iG 34 .
» ^Signé L abar Ge .
» E t p o u r u n s e t ie r , m esure de L a r o c h e ,
» S ig n é F u m â t . »
C e lt e re con n a issan ce , co n trô lé e et insinuée ù L a t o u r , le
avril
172G, a été d é p o sé e , le 8 d é c e m b r e
5o
r y g i ^ p a r le sieur
G a b r ie l R e b o u l de F o n f r e y d e , habitant de la v ille d e C l e r m o n t ,
au n o m b re des m inu tes d u sieur C h assaigne, ç o ta ire en la m êm e
v i l l e ; le sieur B leton p è r e , l ’ un des p ropriétaires du dom aine de
J a J B ^ c z e , n ’a pas été é tra n g er à c e dépôt.
I l est facile de v o ir q u e , p a r ces stipulations , co m m e
l ’ indication d ’ une é p o q u e a n n u e lle de p a y e m e n t de r e d e v a n c e ,
sans en fix e r d ’ailleurs la d u ré e , cette concession était re vê tu e
d u caractère de p erp é tu ité ; et c ’est aussi dans ce sens q u ’e lle a
constam m ent r e ç» u son e x é cu tio n .
S i q u e lq u e s actes p ro d u its e t rem on tant à u n e é p o q u e assez
r e c u l é e , n e p arlen t pas en termes exprès des droits d ’usage, soit
en faveur d u p ro p rié ta ire d u dom aine de la G u i è z e , soit à la
ch a rg e d u seign eur de L a r o c h e , o n p e u t * e x p l iq u e r aisément
ce silence avec les clauses elles-m êm es de ces actes. O n p e u t
é galem ent opposer des titres n o m b r e u x et positifs sur ces d roits,
toujours re co n n u s et toujours exercés.
�( S )
In te rro g eo n s successivement ces différens actes.
L e 21 ju ille t 1657 , les seigneuries de L a r o c h e et de la Tar»
tière ont été vend ues par le sieur C risto ph e-F ran çois de la B a r g e ,
au sieur A n to in e N e y r o n de Buisson ; o n n ’y ra p p e lle pas ex p li
citem ent , il est "vrai, les droits d ’usage, mais il y est déclaré que
tout est vendu , ainsi que lesdites seigneuries ont été jouies par le
seigneur vendeur et ses prédécesseurs, sans en rien retenir n i ré
server, et l ’o n in d iqu e <les b a u x à ferme consentis, no tam m ent
à Jean F u m â t.
O n vo it q u e l ’état des ch oses, tel q u ’il avait été précédem m ent
établi p ar le seign eur v e n d e u r , éiait respecté ; e t , si les clauses
d e l ’acte ne sont pas fo rm e lle m e n t énonciaiives d u droit ou de
la ch a rg e actuellem ent en lit ig e , elles n ’en sont pas exclusives;
•ce titre n ’émanait pas au surplus de l ’usager; il n ’y était pas
.partie.
D e 1657
xi
1 7 2 9 , pendant soixante-douze ans, il n ’est p ro d u it
-aucun acte dans le q u e l le d roit d ’ usage ait été rappelé.
O n sait seulem ent q u ’au
4 avril 1 7 2 9 , é p o q u e à la q u e lle le
fo n d é de p o u v o ir du sieur F u m â t a fferm a, p o u r six années con
sé cu tives, m o ye n n an t 65 o fr. a r g e n t, le dom aine de la G u i è z e ,
;à A n n e t P la n e s, ot à Jean et A n to in e G o i x , p ère et f ils , c e u x - c i
(le s G o i x ) éta ie n t les anciens ferm iers; car ils sont désignés eu
la qu alité de laboureurs, habitants au domaine de la G uièze.
L e b a i ll e u r , après a vo ir fourni le détail des im m eu bles donnés
à f e r m e , se contente de-dire q u e le tout est affermé-, ainsi et de
môme que ledit domaine aurait été jo u i les années*précédentes par
lesdits G o ix . Cette circo n sta n c e , q u e les mêmes preneurs , à
l ’e x ce p tio n d ’u n s e u l , co ntinu aient u n e jouissance dont les ser
vitudes actives et passives le u r étaient parfaitement c o n n u e s ,
-rendait in u tile toute e x p lic a tio n précise sur les droits d ’ usage ;
aussi le bail n ’en fait pas m e n tio n , et ne devait p as, dans la p o
s itio n p a rtic u liè r e des p a r tie s , en faire m ention.
�(
6
)
I l laisse à la ch a rg e d u b a i ll e u r le p ay e m e n t de tous les c e n s ,
rentes et tailles dus sur le d o m a in e , avec ob lig atio n d ’en garantir
les p r e n e u r s ; de là en co re d é co u la it la dispense de s’e x p liq u e r
sur le p ayem ent d u setier d ’a v o in e , m ontant de la red eva n ce
a n n u e lle stip u lée dans l ’acte d u 17 d é ce m b re iG 54-.
C e p r e m ie r b a il d u 4- a v r il 1 7 2 g , a été re n o u v e lé à l ’e x p ir a
tion des six an n ées, le
3 o mars 1 7 5 5 , en fa ve u r d ’À n n e t Planes
s e u le m e n t , l ’u n des ferm iei’S, m o y e n n a n t G60 fr . a r g e n t, p o u r
trois o u six années. I l y a m êm e silence su r les d r o i t s , m êm e
o b lig a tio n de la p art d u b a ille u r , rela tive m en t au p ay e m e n t ;
mais il est égalem ent déclaré q u e le tout est afferm é, tout ainsi
et de même que ledit domaine et trente-deux têtes d ’herbages ont
été jo u is , les années précédentes, pa r ledit P la n es.
U n troisièm e b a il fut consenti p o u r t r o i s , six o u n e u f années,
le 17 mars 1 7^ 0 , p a r !a dem oiselle G a b r ie lle F u m â t , à A n t o in e
P la n e s , f i l s d ’A n n e t , p ré c éd e n t ferm ier. L a connaissance q u e le
p r e n e u r avait p a r l u i - m ê m e des objets q u ’il affermait et des
bénéfices y attach és, fut ra p p e lé p ar ces mots : T out ainsi que
ledit preneur, son défunt p èr e , et les autresprécédens ferm iers en
ênt jo u i.
A cette é ji o q u e , lo dom aine de la G u i è z e , ainsi q u ’il
én o n cé a u x différens b a u x ci-dessus r a p p e lé s , était afferm é avec
tous les h éritages dépen dan t d ’u n autre dom aine appelé d ’A u z a t ,
d o n t la fam ille F u m â t était aussi p ro p rié ta ire ; ces d e u x domaines
p o u v aie n t être alors ré u n is à u n e seule et m êm e fei'ine; mais des
afctes p ostérieurs attestent q u e cette e x p loita tio n c o lle c tiv e et
sim ultanée des d e u x p ro p riétés entre les m êm es m ains, n ’a pas
été de lo n g u e d u r é e , et i l n ’existe au p rocès a u c u n élém en t
q u i conduise à penser q u e les droits d ’usage attrib ués a u d o
m aine de la G u i è z e , aient p ro fité , p ar d o u b le e m p l o i , au d o
m a in e d ’A u z a t.
L e fait r e la t i f à l’exp lo ita tio n séparée , q u i se tro u v e d ’a cco rd
�(
7
)
avec les souvenirs des vieillards de la co m m u n e , se ¡mise dans un
acte sous seing prive', d u 5 i mai 1757 , ratifié'le
23 janvier 1768 ;
c ’test la vente p a r sieur A u g u s t in D a u p h i n , c h e v a lie r , seign eu r
de Cazelles le M o n t e l- d e - G e la t , au sieur Jean B u r i n , du dom aine
d ’A u z a t , paroisse de S t - P a r d o u x , tout ainsi et de même que Jean
R o u x , fe r m ie r , en a j o u i, suivant bail du G novembre 1754..
D ès l ’année 17^ 4 , le fe rm ie r d u dom aine de la G u iè z e n ’était
d o n c p lu s celu i d u dom aine d ’A u za t ; A n to in e Planes, q u i jouissait
d e l ' u n et de l ’a u tre en v e r tu du bail d u 17 mars i j 5o , consenti
p o u r tro is, six ou n e u f a n n é e s , a v a it , à la fin d ’un trien n a l, sti
p u lé de n o u velles c o n v e n t io n s , p ar suite desquelles le dom aine
d ’A u z a t avait été détaché de c e lu i de la G u iè z e , et afferm é sé
p a r é m e n t, le 6 n o ve m b re 17^4» a Jean R o u x .
A l ’e xp ira tio n d u bail d e 17 ^ 0 , ces d e u x domaines (en ce
q u i to u c h e la p ro p rié té ) passèrent en d ’autres mains.
P a r acte d u 29 mars 1 7 5 8 , la dem oiselle G a b r ie lle F u m â t ,
alors épouse d u sieur A n to in e de B o n n e t , stipulant en q u alité
d e dame et maîtresse de ses b ien s paraphei’n a u x , v en d it au
sieur B u r i n , se ign eu r de S t - P a r d o u x , devenu p ro p riéta ire d u
dom ain e d ’A u z a t , c e lu i de la G u i è z e , et les tre n te -d e u x têtes
d ’herbages.
L a vente est consentie avec les servitudes dues et a c c o u t u m é e s ,
et autres, ses circonstances et dépendances, tout ainsi et de mêm e
q u ’ il était co m p o sé , et q u e ladite dam e o u ses auteurs en avaient
jo u i o u d û j o u i r , ou le u rs ferm iers, et par exprès ledit sieur de
S t-P a r d o u x , pour l'avoir fa it exploiter l’ année dernière, et Antoine
P lanes , précédent ferm ier, suivant le bail du 17 mars
>'t‘Çu
M ou lin , notaire.
L e sie u r de S t- P a r d o u x déclare q u ’un e expédition de ce bail
lu i a été remise p a r la dame venderesse, q u i p r o m e t , d é p l u s ,
f o u r n ir les litres q u ’e lle p e u t a vo ir , en o u tre sa lo n g u e et paisible
possession et de ses a u teu rs, d ’u n temps im m é m o ria l, des susdites
choses ve n d u e s, et p lu s q u e suffisantes à p rescrire.
�( 8 )
,
. _
II afferm a, p a r acte d u 14 mars 1 7 7 $ , à F ran ço is S e r r e es
A n to in e G a t i n i o l, Son g en d re, habitant à A u g ero lles,, p o u r trois,
six et n e u f années, le dom aine de la G u i è z e ; et c o m m e ces prg-n e u rs , étrangers à la c o m m u n e , entraient p o u r la p re m iè re fois
dans la p r o p r i é t é , il le u r fut im p o sé , en term es e x p r è s , l ’obli-t
gation de p a y e r au seign eu r de L a b r o , u n setier avoine et u n e
p o u le c h a q u e , pour droit cCinvestison dudit domaine, dans la fo r ê t
de L aroche, et de passer dans les planchers de la § mn 8e deux,
arbres qu’ ils devaient prendre dans la mêmeforêt.,
V o i l a le droit d ’usage et la redevance y attachée f o r m e lle m e n t
é n o n cé s; ce n ’était pas là u n e in n o va tion a u x clauses desprem iers,
b a u x continu és avec les mêmes ferm iers ou leurs enfans; c ’était u n e
nécessité de la position d u p ro p rié ta ire avec de n o u v e a u x f e r
m iers pris hors la c o m m u n e , et dès lors ign ora n t l ’éten due
des droits et des charges d u dom aine dans le q u e l ils entraient.
P a r ce b a i l, les p reneurs étaient égalem ent tenus de d é liv r e r c h a
q u e a n n é e , au b a ille u r , qu atorze chars de bois à b r û le r , à p re n d re
dans la forêt de L a r o c h e ; mais cette c h a r g e ^ in d c p e n d a n t e des
droits attribués au dom aine de la G u i è z e , dérivait e xclu sivem en t
d ’autres droits concédés a u dom aine d e B u isson, dont le sieur
*
L u r i n , b a i l l e u r , était aussi p ro p riéta ire. Ces derniers droits sont
ç n c o r e e xercés et non contestés p a r le sieur Désaulnats.
I l é t a i t , sans d o u t e , perm is au sieur B u r in d ’ im poser à son fer^
xnier de la G u iè z e l ’ob ligation d e p q r t c r dans sa maison le bois
q u ’il p o u v ait perso nnellem ent p r e n d r e , co m m e u s a g e r , à raison
de son dom aine d u B uisson; ce transport était jine augm entation
d u p rix d u b a il, et n ’aggravait pas 1? servitude du p ro p rié ta ire de
la forêt, relativem en t a u x droils d ’usage de la G u ièze: les qu atorze
chars de bois étaient j>i’is no n en vertu des droits attachés au d o
m a in e de la G u iè z e , mais seulem ent en v e r tu des droits d ’usage,
plors et en co re appartenant au dom ain e d u B u isson.
C ’est p eu de mois après ce b a i l , et le 19 o c to b r e 1773 , cjue
�sieur B u r i n , seign eu r de S t - P a r d o u x , maria sa fille avec le sieur
A le x a n d r e B leton , et lu i constitua en dot une somme de 8,ooo fr.
q u i fut payée au m o y e n d u délaissement, en toute p r o p r ié té , d u
dom aine de la G u i è z e , com posé de m aison, grange et é ta b le s ,
])rés, terres, bois, pacages, frau x et c o m m u n a u x , avec le droit
d ’ usage, est-il d i t , et prendre du bois dans la forêt Laroche, tout
ainsi et de même que ledit sieur B u rin p ère, ou ses ferm iers, en ont
jo u i ou du jou ir.
.
L e p rix d u d o m a in e, fixé à la somme de 19,860 f r ., dépassait
de b e a u c o u p la consti tution de dot de 8,000 fr. ; aussi le 'g e n d re
f u t ch argé de p a y e r la différence.
I l est à r e m a rq u e r q u e dans ce délaissement, n ’étaient pas
com pris ,
i°. L e d roit de pacage et défrichem en t au co m m u n al appelé
llen ardèche. Plateaux et V e r g n e d u M a s, ainsi qu e les trented e u x têtes d ’h erb ag e s, faisant ci-devant partie d udit d o m a in e ;
2 \ U n petit héritage appelé la M a y , p récéd em m en t aliéné.
Ces exceptions dim inuaient l ’étendue d u dom aine , et restrei
gnaient fortem ent les droits concédés au nouveau pro priétaire.
T o u te fo is, les droits d ’usage et de cliaulïage étaient ici f o r m e lle
m ent rappelés, et ce qu i devait au besoin le u r im p rim e r u n e
grande consistance , c ’est q u e parm i les témoins assistant au c o n
trat de m ariage/figu rait le sieur Jean Caquet, capitainedes chasses
et poches de la terre de L a b r o , représentant d u propriétaire de
la forêt de L a r o c h e , et co ntradicteur légitim e de l'u sag e r; il ra
tifiait, par sa présence, tout ce qu i était déjà établi et se trouvait
consigné relativem ent à ces-droits d ’usage et de chauffage : il
laissait aux énonciations faites en ce contrat de mariage toute le u r
vé rité et toute le u r force. Aussi n ’est-ce pas sans doute sérieu
sement q u e le sieur Desaulnais a p r é t e n d u , dans son m é m o ire ,
q u ’à cette é p o q u e , 011 ne doit.p as être surpris de vo ir des p ro
priétaires de domaines voisins de la fo r ê t tenter de s’ attribuer de tels
3
�( 1 0 -)
droits; le propriétaire de la fo r ê t habitant assez loin de là , ne pouvaitqup faiblem ent surveiller sa propriété, et s ’ assurer de la vigilance
ou de la fidélité de ses gardes.
L a réponse à ces allégations, assez singulières dans la b o u c h e de
l ’a p p e la n t , se tro u vera it éci’ite dans le contrat de m ariage q u i
v ie n t d'être ra p p e lé , et dans les clauses y relatées; mais i l e s t ,
d ’ailleurs , des faits aussi précis h ra p p e le r, et q u i p o u v a ie n t être
à la connaissance d u sieur Desaulnats.
L e bois de L a r o c h e était incontestablem ent le bois des m o n
tagnes le m ie u x su rv e illé ; il n ’avait jamais été co m p ris dans les
b a u x à ferm e de la terre de C h a r t r e i x , et des autres propriétés
d u sieur d e L a b r o , qu i s’en était réservé spécialem ent l ’a d m i
nistration et la su rv eilla n ce : à cet effet , il
dans son ch âteau
avait
établi ,
de L a b r o , le sieur Jean C a q u e t , avec le
titre d e capitaine des chasses et p êc h e s de la terre de L a b r o ;
c e lu i- c i v eillait à la conservation de la f o r ê t , délivrait le bois
a u x usagers, et recevait les délivrances a u x q u e lle s ils étaient
ten us; c ’était à la fois, il faut le d i r e , u n se rvite u r a c t if et u n
h o m m e p ro b e et sévère.
C o m m e n t, dès lors, adm ettre lé g è re m e n t q u e des droits d ’ usage
p ouvaien t être fa cile m e n t c r é é s , ou au m oins q u e des tenta
tives aient été pratiquées dans ce b u t , par les p ropriétaires des
dom aines voisins de la f o r ê t , et q u e l ’absence d u sie u r L a b r o
ait laissé p lu s de facilité a u x entreprises?
D e pareilles insinuations sont co m p lè te m en t démenties par les
fonctions de su rv eilla n ce et de p ro te c tio n , p a r tic u liè r e m e n t co n
fiées au sieur C a q u e t , dont le caractère et les h abitudes devaient
insp irer autant de confiance au p ro p riéta ire de la fo r ê t, q u e de
earanties aux usagers.
D
o
D ’autres actes émanés du n o u v e a u p r o p r ié ta ir e , le sieur B le t o n , vie n n e n t se r é u n ir à tout ce, q u i avait été p ré c éd e m m e n t
la it, et en consacrer la m êm e e x é c u tio n . L e 9 mars 177/1, il a
�affermé p o u r trois ou six années , m o yen n an t i , o 5 o fr. a r g e n t , à
F ra n ço is S e r r e et A n to in e G a tin iol , son g e n d re , ancien fe r
m i e r , le domaine de la G u ib ze, sans en rien réserver ni retenir,
à l ’e x ce p tio n des objets délaissés à titre de ferme à A n to in e Planes,
et q u i n ’étaient pas de In c o m p ris e d r fp i’ésent b ail.
L e s p reneu rs étaient expressément ob ligés de p a y e r chaque
année , et sans a u cu n e d im in ution du p rix de le u r b a i l , la rente
due p o u r / inveslison des Lois, et de passer d e u x poutres sur les
bâtiinens du d o m a in e, suivant l ’indication d u -b a ille u r ; la nature
et la v a le u r de la rente
à p a y e r ne furent pas in d iq u é e s, p u isqu e
les ferm iers étaient les mêmes q u e c e u x de l ’année p récéden te ,
et q u e dans ce bail avaient été d ’abord inséi’es les détails les plus
p récis en ce point.
O n p ro d u it u n e quittance sous la date d u
3 o mars 177^ , f o u r
le p rix de-la ferm e de l ’année 1 7 7 3 , dans la q u e lle il est énoncé
q u e les ferm iers d e v a ie n t , de p lu s , ra p p o rter les quittances de
la dîm e du c u ré , et c e lle d u sieur de L a b r o , p o u r les bois.
L e m êm e dom aine de la G u iè ze fut afferm é, par acte d u
3o
mars 17 7 8 , à Joseph et Jean R o u x , q u i fu re n t astreints fo rm e l
lem en t à jîayer la rente d u e au sieur de L a b r o , p o u r raison du
d r o it d ’investison de ce d o m a in e, dans la forêt de L a r o c h e ,
laquelle rente, est-il d i t , consiste en un setier d ’avoine.
Il résulte des actes p roduits p ar le sieur D e sa u ln a ts, q u e la
seign eurie de L a r o c h e et la fo rê t en dépen dan t, ont été vendues
le 17 août 178/; , par le sieur de L a b r o , à u n sieur I3rassier, et
q u e des difficultés ont été soulevées par le sieur N e y r o n de la
T a n iè re ,
lig n a g er.
parent du v e n d e u r , qu i voulait e x e rc e r le retrait
U n traité sous la date du 10 ja n v ie r 178 5 , mit fin à cette c o n
testation. L e sieur de L a b r o , en délaissant la terre de L a r o c h e
au sieur de la T a n i è r e , déclara le s u b r o g e r a tous ses d r o its,
sans néanmoins aucune garantie dans tout ce qu i était rela tif a u x
2.
�12
)
droits d ’ usage qu i pouvaient, être dus dans le bois de L a r o ch e , et lu i
céda les redevances dues par les usagers , p o u r s’en faire p a y e r
co m m e il aviserait.
P e n d a n t la ré v o lu tio n , le séquestre national fut apposé sur la
terre de L a r o c h e , et co m m e le sieur N e ÿ r o n de la T a r t iè r e était
p la c é sur la liste des é m ig ré s, le G o u v e rn e m e n t se m it én posses
sion de la fo rê t de L a r o c h e , et se tro uva ainsi en ra p p o rt d irect
avec les usagers.
L e sieur B leto n s’empressa de faire valo ir, auprès de l'a u torité
adm inistrative, les droits attachés à son dom ain e de la G u i è z e , et
ne tarda pas h en o b te n ir l’ e x e r c ic e , co m m e p ar le passé.
I l avait d ’a bo rd satisfait a u x e xigen ces des lois de p o lic e sur
les forêts (celles des 2<S ventôse an
il
et 14. ventôse an 32), en
d é p e çan t, sur ré cé p issé , ses titres au secrétariat de la p réfectu re.
O n sait q u e la co m m u n e ou le p a r tic u lie r ayant d roit d ’usage
dans les lorêts nationales, ne p o u v a it , après ce dépôt co nstaté,
être privé de son droit d ’usage , et e m p ê ch é dans son e x e rc ic e .
C ’est dans ce sens q u e le préfet du P u y - d e - D ô m e re n d it, en
ternies g é n é r a u x , u n a r r ê t é , sous
date d u 18 t l i e r m ij o r an 12;
et en ex é cu tio n d ’ i c e l u i , la d é livra n ce et distribution de bois a u x
usagers de la forêt de L a r o c h e e u t lieu , p o u r l ’ordinaire de
l ’an i/|, ainsi q u ’ il résulte d ’ un procès vei’bal rédigé le 29 fruc
tid o r an 10 , par l ’inspecteur des eaux et fo r ê ts , le sieur B o u tarel ; il y déclare avoir m a rq u é cent arbres s a p in s , dans le
canton app elé de C h a n la g o u x , près Charlane, et (ait re m a rq u e r
q u e si ce n o m b re excède do
25 ce lu i de l ’ordinaire de l ’an i3 ,
c ’est qu e les besoins sont plus pressans , et ne d o iven t pas se r e
n o u v e le r p ério d iq u e m e n t.
Parm i les usagers qui ont été admis à cette d é livra n ce , on r e
m a rq u e , au n° 7, le sieur B l e t o n , de T a u v e s , qu i n ’eut p oint
p a r t , est-il d i t , à la distrib u tio n de l ’ord in a ire de l ’an i 5 , p o u r
réparations de son domaine de la G u ièze , et a u q u e l dix arbres
sont a ctu ellem en t délivrés.
�( 1 3 }
C est à p eu près à c e lle é p o q u e , q u e le sieur A m a b le -C a b riè 'l
R e b o u l , représentant de Jean et autre Jean F u m a i , avec lesquels
avaient élé passés deux actes, l ’un d u 1 5 janvier 1 56 1 , et l ’autre
i n v o q u é dans la cause , celu i d u 17 décem b re 160/1 , présenta au
p ré fe t et à l ’administration forestière l ’expéditio n de ces acles,
déposés dès le 8 d é ce m b re 1791 , dans l ’étude d u sieur Cliassaigne , notaire à C l e r m o n t , afin de se fui»e m a in ten ir dans la
possession des droits d ’usage que ces mêmes titres lu i conféraient.
L e conservateur des eaux et forêts tle la d ixièm e division , ap
p elé à s e p r o n o n c e r sur le mérite de cette réclam ation, l ’a ccu e illit
dans son e n t i e r , ainsi q u ’il ré su lte 'd e son a vis, d u 27 d écem b re
1806; on y vo it q u ’il a soigneusem ent exam iné les titres p r o
d u its; q u ’ il a consulté préalablem ent les agens forestiers de la
lo calité , et c ’est après ces examens et ces formalités prélim inaires,
q u ’il estime que le sieur R e b o u l doit être m aintenu dans la pos
session des droits d ’usage accoî’dés aux F u m â t , p o u r le u r c h a u f
fage et p o u r l ’entretien de le u r p ro p riété située dans les villages
D e lm a s - T o u r r e , de G u iè z e e t P i s s o l, à la ch arge de p ay e r ch a q u e
a n n é e , à la S aint-N icolas, entre les mains du r e c e v e u r des d o
m aines, le p r ix de d e u x setiers d ’a v o in e , m esure de L a t o u r , et
m êm e de p a y e r tous les arrérages de cette redevance qu i p o u
vaient être dus.
D e p u is , co m m e avant cet a v is , qui devait profiter au sieur
B le t o n , à raison d u dépôt d u litre du ^ d é c e m b r e 1G04, les dé
livrances co ntinu èren t en faveur des usagers : on r a p p o r te .d e u x
p ro cès v e r b a u x des 26 ju illet 1807 et
5 août 1808 , constatant des
délivrances p o u r réparations de son dom aine de la G u iè z e . L ’un
de ces p rocès v e rb a u x , ce lu i du 5 août 1808, récem m ent d é
c o u v e rt , n ’avait pas encore été p ro d u it : il y est e x p liq u é qu e la
position des usagers est actu e lle m e n t devenue plus favorable ;
q u ’à la décision p rovisoirem ent ren d u e par arrêté du p r é fe t, du
j 8 therm idor an 1 2 , a succédé une décision d éfin itive, ren d u e
�!
(
4
.)
p ar le conseil de p ré fe ctu re , au p ro fit d e l à p lu p a r t des usagers;
et q u o iq u e l ’insp ecteur des eaux et forêts n ’eût pas été officielle
m e n t p ré v en u de cette d e rn iè re d é c is io n , il c r u t d e vo ir écarter
des droits d ’usage les individus dont il avait lu i-m êm e p ro v o q u é
1 éloignem en t par ses co nclusions. L e s délivrances ont été en effet
opérées dans ce sens.
O n a déjà v u q u e f dès les p rem iers m om ens de la mainmise
d u G o u v e r n e m e n t sur la fo rê t de L a r o c h e , et de sa su rv eilla n ce
p ar l ’administration f o r e s tiè r e , les droits du sieur B leton fu re n t
r e c o n n u s , et l ’e x e rc ic e en fut lé g a le m e n t m aintenu.
Il faut actu e lle m e n t r e c h e r c h e r q u e lle a pu être la c o n d u ite du
sieur N e yro n -D e sa u ln ats , après a vo ir fait le v e r le séquestre et
r e c o u v r é sa p ro p rié té . N o u s allons la t ro u v e r c o n fo r m e au titre
de l ’iisager et à son a n cie n n e possession. E t d ’a b o rd , constatons
l ’é p o q u e où la réin tég ration dans la p ro p rié té de L a r o c h e a été
effectuée. O n est d ’acco rd sur ce p o in t : c ’est en l ’année 1809.
S ’ il fallait en c ro ire le sieur N e y r o n -D e s a u ln a ls , il ignorait
alors la consistance et les charges de sa propriété, il savait va gue
ment q u ’ elle était grevée de divers usages.
T e l l e p o u rra it être, sans d o u te , la position ordinaire d ’ un n o u
v eau p ro p rié ta ir e ; mais telle 11’était p as, dans le cas p a r tic u lie r ,
ce lle du sieur D esaulnats, qu i re tro u va it auprès de lu i tous les
m o ye n s de s’é cla irer, et a d u en p ro fite r. L a p ré te n d u e ign oran ce
dont on veut bien le gratifier, dans cette circon sta n ce , n ’est e llem êm e q u ’un e p récau tion oratoire h ab ile m e n t e m p lo y é e , et
dont la portée est facile à saisir : iftfa lla it, par a v a n c e , justifier
le sieur Desaulnats dans ses actes u lté r ie u r s , e x p liq u e r les faits
successifs de d é liv ra n ce volontaire ; il fallait e x p l iq u e r les r é c e p
tions annuelles d ’a v o in o , co m m e p rix de la redevance. Ces faits
d e v a ie n t'ils ê trc considérés co m m e l’e x é c u tio n d ’ un titre et d ’un e
possession r e c o n n u e , o u ,
a u c o n t r a i r e , n ’ être q u e la suite
d ’ une ig n o ra n ce q u i n’avait p u en co re s’é c la ir e r?
�(
>5
)
C ’était là l'e x c u s e q u ’on cntendaitse ménager; mais il n ’y avait
pas de débats à so u le ve r, de questions à poser sous ce r a p p o r t ,
ni d ’excuse à a c c u e i ll ir : il suffisait de savoir ce qu i s’était passé
en 180g.
. L e sieur M a n a r a n ch e , attaché en qu alité d ’h o m m e d ’aiFaires
au sieur Desaulnats p ère, depuis 178 1, habitait la maison de SaintP a r d o u x ; il régissait les biens, prélevait les revenus et surveillait
la forêt de L a r o c h e . O n 11e d é livrait d u bois a u x usagers qu e
d ’après ses o rd re s; il reste mêm e dans les souvenirs des h abhans
de la c o m m u n e , q u ’il ne faisait les délivrancés q u ’après avoir r e
c o n n u les besoins, et q u e l’usager inexact à p a y e r la redevance
é p r o u v a it lu i-m ê m e à son tou r des len teu rs, lo r s q u ’il réclam ait
d u bois.
L e sieur M anaranche était en co re l'agent du sieur D ésa u ln a is,
et résidait dans sa m a is o n , à l ’é p o q u e de la levée du séquestre
su r la forêt de L a ro ch e .
C o m m e n t admettre raisonnablement q u ’un serviteur aussi zélé
et aussi in stru it, n'aura pas fait connaître à son m a ître ,
dès
l ’année 1809, la consistance et les charges de la fo rê t; ne lui aura
pas in d iqu é les usa g ers, les droits q u ’ ils exerçaient avant le séques
t r e , et les redevances a u x q u e lle s ils étaient assujettis? C o m m e n t
admettre q u e le sieur D e sa u ln a ts, so ig n eu x de ses intérêts et h ab ile
à les d é fe n d r e , n ’aura pas r e ç u de son agent tous les renseigneinens
q u ’il pouvait désirer, et n ’aura pas co n n u le n o m b re exact des usa
gers, ce u x q u ’ il devait a ccu e illir, et c e q u ’ild e v a h leu r dem ander?
V o i l à , il se m b le , des circonstances propres à écarter la p r é
tendue ign o ra n ce d u sieur Desaulnats, ign orance q u i , "dans tous
les ca s, n ’aurait p u long-tem ps se p ro lo n g er, p uisque les documens étaient n o m b r e u x , fa cile sà re tro u ve r et saisir, et par suite,
l ’investigation devait être p ro m p te et rapide.
C ’est aussi, on p eu t le d i r e , en grande connaissance de cause,
q u e le sieur Desaulnats a successivement lait d élivrer du bois
�au sieur B leio n p è r e , soit p o u r l ’usage de sesbâtim ens, soit p o u r
son c h a u ffa g e , et a r e ç u , des ferm iers de ce d e r n ie r , les setiers
d ’avoine qui représentaient le p r i x de la concession.
Ces délivrances qui n ’avaient rien de p ré c a ir e ni de provisoire,
ont e u lie u p en dan t près de d ix ans, depuis i8 o c )à 1 8 19 : il est
bien vraisem blable q u e , dans ce laps de tem ps, le sieur D e sa u lnats n ’aurait pas m a n q u é de vérifier les titres attributifs d u droit
dont s’a g it , si déjà il n ’avait e u la p ré c au tio n de s’assurer de le u r
teneur, et de p re n d re auprès de ses agens tous les renseignemen9
nécessaires.
I l faut a jo u ter q u e si c e t ex a m en o u si ces renseignem ens
avaien t été contraires à la possession de l ’ usager, le sieur Desaulnats aurait refusé les délivrances a n n u e lle s , o u aurait eu le soin
de constater ce p r o v i s o ! ^ q u ’il p rétend a c tu e lle m e n t le u r c o n
server. C o m m e n t p o u r r a it-o n c r o ir e à u n e tolérance ou b i e n
v e illa n ce d ’aussi lo n g u e d u r é e , entre voisins, en présence des inte'rêts d u sieur Desaulnats.
L e s choses étaient en cet état, lo rsq u ’u n e saisie im m o b iliè re
fut p ra tiq u ée sur les im m e u b le s du sieur B leto n , ù la req u ête des
h éritiers d u d u c de Castries: le ca h ie r des charges indiquait le
dom ain e d e la G u iè z e et un e m ontagne co m m e objets à vendre ,
11e ra p p ela it p a s , en termes e x p r è s, le d roit d ’usage qu e les p o u r suivans pouvaient fort b ie n ne pas co n n a ître ; m a is il é la itd é c la r é
q u e le dom ain e était ven d u tel q u ’ il se co m p o se , avec ses servi
tudes actives et passives, et q u e les adjudicataires p re n d ra ie n t les
biens tels q u ’ ils se t r o u v e n t .*
I l est mêm e à r e m a rq u e r q u e les poursuivans , m al éclairés sur
la vé rita b le éten due d u d o m a in e, om iren t de c o m p re n d re dans
l'e x p ro p ria tio n d e u x h éritag e s, q u i, depuis, ont été vendus p ar le
pieur B leton , e io n t, par co n sé q u en t, d im in u é d ’autant ce dom aine.
L ’adju dication a été faite le i 5 n o v e m b re 1 8 1 9 , m o ye n n an t
lu som m e de 17,000 fi\, à M . le d u c de Castries, q u i bientôt, par
�' 7 ).,
l ’interm édiaire des son fondé de p o u v o i r , s u b r o g e a , dans^ les
m êm es termes et au m êm e p rix , le sieur D e ls u c , à tous les droits
q u i ven aien t de lu i être attribués.
.D ès ce m o m e n t, le sieur Desaulnats se trouva en présence du
sieur D e lsu c ; il fit p o u r lu i ce q u ’il avait fait p o u r le sieur
Bleton ; il continu a les délivrances constamment acco rd é es, d e
puis la concession de iG 5 4 , a u x diiïerens propriétaires d u d o
m aine de la G u iè ze . D e son .côté, le sieur D e l s u c , en recevant
le b o is , s’empressa de faire porter successivement chez le sieur
Desaulnats, les setiers d ’avoine représentatifs du p rix de la co n
cession.
C e t état de chose q u i , par lu i- m è m e , n ’avait rien de p ro v i
so ire , et n ’était réellem en t q u e la reconnaissance d ’un droit jus
q u ’alors incontesté, cessa tout à co u p en 1827 > P ar 1° refus du
sieur Desaulnats à d é liv re r lê bois nécessaire au sieur D e l s u c ,
p o u r la réparation de ses bâliinens de la G u iè ze .
C ’est là l ’origin e de l ’instance actuelle.
L e sieur D elsu c fait n o tifie r , le 2 3 mars 1 8 2 7 , au sieur D e
saulnats, i°. l ’acte d ’investison d u d roit d ’ usage, consenti, le 17
d é ce m b re iC 5 /|, par Jean de la B a r g e , seign eur de L a r o c h e , à
Jean F u m â t f 2". le contrat de vente consenti au sieur B u r i n , le
27 mars 1758 ; 5 °. le contrat de mariage de la demoiselle B u rin , d u
19 octo bre 1770. 11 expose ensuite q u e , par l ’acte de iG 3 4 , leseig n e u r de L a r o c h e avait investi, « à titre de p erp é tu e lle inves» tison, Jean F u m â t , à son bois app elé de L a r o c h e , p o u r d ’i» ce lu i en p re n d re et em porter par ledit F u m a i et les siens, à
» p e r p é tu ité , tant p o u r son chauffage q u e p o u r c lo r e et fermer
» ses h éritag es; q u e ledit F u m â t était autorisé à p ren d re du
» bois de sapin p o u r bâtir et édifier maisons, granges, étables,
» m o u lin s et autres édifices, etc. ; q u ê t a n t lu i-m êin e aux droits
» de ce dernier, et sur le p oint de construire un bâtim ent dans le
» dom aine de la G u i è z e , il a le d r o i t , a u x termes de l ’acte d ’in-
3
�( i 8 )
» vestison s u s - é n o n c é , de p re n d re dans le b o is de L a r o c h e , ap» p'arienant au sieur Desaulnats, tous les bois en sapin nécessaires
» p o u r la co n stru ctio n d u d it b â tim e n t, a u q u e l le sieur D e lsu c
» se p ropose de d o n n e r u n e lo n g u e u r de 24 m ètres
» mètres (78 p ie d s ) , et un e la r g e u r de 11 mètres
33 ce n ti-
(33 p ie d s).»
L e sieur D e lsu c somme le sieur Desaulnats de d é cla r e r s’il e n
te n d , ou n o n , m a r q u e r o u faire m a r q u e r p a r son fore stie r, les
a r b r e s , essence s a p i n , nécessaires à cette co nstru ctio n ; le sieur
D esaulnats refuse de répondi'e et de signer.
C ’est alors q u e , p a r u n e x p lo it sous la date d u 29 m ars 18 2 7 ,
i l y a e u citation en co n cilia tio n su r la dem ande tendante à faire
co n dam n er le sieur Desaulnats h d é liv r e r au sieur D e l s u c , ainsi
q u ’il v ien t d ’être é n o n c é , le bois nécessaire à la co n stru ctio n
d ’u n b â tim e n t, suivant les dimensions déjà rappèlées.
L e s parties ne p u r e n t s’accorder*au b u r e a u de p a i x , et u n e as
signation do n n ée a u x mêm es fins, saisit le trib u n a l c iv il d ’Issoire.
U n ju g e m e n t r e n d u p ar d é f a u t, le 27 ju ille t 18 27, après c o n
clusions signifiées, a a dju gé la dem ande d u sieur D e ls u c .
C ’est de cette décision q u e le sieur Desaulnats a interjeté
a p p e l devant la C o u r ; il a ré p o n d u à u n interrogatoire sur faits
et a rticle s, q u e le sieur D e lsu c avait fait o rd o n n e r p a r arrêt d u
i 3 a oû t 1829.
L e sieur Desaulnats a v o u e , dans son interi’o g a t o ir e , q u e lq u e s
d élivra n ces de b o is de chauffage o u autres, ainsi q u e la ré ce p tio n
de p lu sieu rs s e tie r sd ’avoine. C o m m e n t , en e ffe t, était-il possible
d e contester ces d e u x faits, si faciles à p r o u v e r ? M a is, tout en
les reconnaissant, il entend le u r conserver un caractère to u t
à fait p r o v i s o i r e , et su b ord o n n é à l ’exam en u lt é r i e u r d u titre
s u r le q u e l le sieur D e lsu c vo u la it a p p u y e r ses droits. I l croit
même Vavoir prévenu q u e si le d roit n ’était pas f o n d é , l ’u n p a y e
rait l ’avoine et l ’autre le boiS.
L e système de réserve embrassé p a r le sieur D esaulnats, dans
�(> 9 )
son interrogatoire, s’est constam ment re p ro d u it dans tout le cours
d u procès. C e p e n d a n t, il faut b ie n le d ir e , si un e retenue cal-*
c u lé e , u n e p ru d e n ce r e m a rq u a b le p e u v e n t sft trouver dans le
langage d u sieur D esa u ln a ts; s’il sait e x p liq u e r avec u n e sage
m esure les actes q u ’il a p u f a ir e , il est so u ven t, dans ces actes
eux-m êm es, u n dém enti fo rm e l à la pensée ou à la volonté que
l e u r auteu r vo u d ra it y rattacher. N o u s aurons l ’occasion de le
faire a p e r ce v o ir au m o m ent de la discussion de la cause.
C ’est Te i 5 'mars i 85 o q u e la C o u r a r e n d u l ’arrêt in t e r lo c u
t o ir e , sur l ’e x é cu tio n d u q u e l les parties sont actuellem en t en
contestation. T o u s les m o yens en droit et en fa it, et m êm e c e u x
en la fo r m e , fu r e n t lo n g u em en t discutés et soigneusem ent e x a
m in é s; l ’existence en elle-m êm e d u droit d ’usage et de cliaufiage
appartenant au sieur D e l s u c , fu t re co n n u e et p ro c la m é e ; il ne
s’éleva de d o u t e , dans l ’esprit des m agistrats, q u e sur son ex e r
c ice pen d an t les trente années antérieures à la demande. C ’est à la
p re u v e de cet e x e rc ic e q u e le dispositif de l ’arrêt a été resti'eint.
V o i c i les termes dans lesquels i l est c o n ç u (1) :
( i ) M . Désaulnats n’a cru devoir rappeler dans son M é m o i r e , que certaios
motifs de l'arrêt interlocutoire, propres à colorer ses prétentions. N o u s en in
diquons ici tous les motifs ; ils serviront de réponse à plusieurs moyens in
voqués dans l ’intérÊt de l ’appelant; ce sera abréger d’autant la discussion.
« E n ce qui to u ch e , est-il d i t , la validité ou invalidité de l ’actc du 17 dé
cem bre i 63^, et l ’ effet qu’a dû avoir cet a c t e , lequel porte concession d’un
droit d’usage dans les bois appelés de M a lguiè ze.et L a r o c h e , dépendans de
la seigneurie de L a r o c h e , pour en j o u i r , par le concessionnaire, pour son
usage des maisons; pour ses ténemens des villages de Guièze et P issol; pour
chauffage et réparations q u ’il pourrait faire dans lesdits téneinens, moyennant
les charges qui y sont énoncées ;
» Considérant q u e , quoiqu’il ne soit pas dit par cet acte que la concession
est faite à pe rp étu ité, on ne peut douter qu’elle n’ait dû avoir ce caractère ;
» Q u ’en effet il y est dit : « N o u s soussigné Jean- 13aptiste de la B a r g e , set-
3.
�( 20 )
« L a C o u r o r d o n n e , avant de faire droit a u x p arties, ei sans
•» p ré ju d ice des m o y e n s , tant de fait q u e de d roit, qui le u r sont
» respectivem ent réservés , q u e le sieur D e ls u c p ro u v e r a , tant
gneur dudit lieu et de L aroche, a v o n s , par ces présentes, investi et investissons
Jean F u m a i , notre fermier de ladite seigneurie de L a r o c h e , de nos Lois et
fo r êts , etc. ; »
» Q u e ces te rm e s , avons investi et investissons, ne compatissent guères avec
une simple faculté de percevoir un droit d'usage qui n’ eût élé que tem poraire;
que ces expressions se trouvent dans les actes anciens portant concession de
propriété d’immeubles à titre de cens , laquelle concession était toujours per
pétuelle ; que d’ailleurs si la concession dont il s’ agit n’ eût été que temporaire,
on n ’ eût pas manqué de le stip u le r , en marquant l ’époque de la durée de la
concession ;
» Q u ’ on voit ensuite que la concession est faite sous la condition que le.
concessionnaire sera tenu de payer un chacun an , à chaque jour de St-JVico!as
d 'h iv e r , un setier d ’a vo in e, qu’ il sera tenu de porter audit L a r o c h e ; que cctle
obligation générale et indéfinie, imposée au concessionnaire de porter la re
devance chaque année, à un jour in d iq u é, suppose nécessairement la p erp é
tuité de la prestation, parce qu’on ne peut raisonnablement supposer qu’on
n ’ eût pas limité la prestatio n , par la mention de sa d u ré e , si la concession
n’eût dû ôtre que tem poraire;
» Q u on^ne peut pas plu? supposer que la concession ne dût avoir lien que
pour le temps que J ea n F u m â t devait Ctre ferm ier de la terre de L a r o c h e ,
parce qu’ il est bien sensible que les mots noire ferm ier de la seigneurie île La
roche , ne sont em ployés que par forme de désignation de l'in dividu, mais non
par form e de restriction de la durée de la c o n c e s sio n , au temps pendant lequel
J ean F u m ât devait ôtre fermier ; qu’ une pareille restriction ne peut se suppléer
sans courir le risque de détruire une c o n v e n tio n , lorsque tout annonce un
esprit différent ;
» Considérant qu’ on ne peut pas attaquer cet acte de nullité en la forme ,
sur le fondement qu’ il n ’est pas dit qu’ il ait été fait d o u b le , et qu’ il ait élé
approuvé par les parties ; ce qui a lieu ordinairement pour les actes sous seing
privé ;
» Q u e d’aborJ
»
¡1 est
dii dans l ’a c t e , en f u i de quoi nous sommes soussignés; ce
�( 21 )
« p ar titres q u e par té m o in s, q u e , dans le cours des (renie années
» qu i ont p récéd é la dem ande, il a , lu i ou c e u x qu ’il représente,
» e x e rc é le d roit d ’usage q u ’ il réclam e sur le bois de L a ro clie ,
qui se rapporte an concédant et ledit F u m â t ; que l ’extrait de cet acte , délivré
par C hassaigfle, notaire à C l e r m o n t , chez lequel il fut déposé le ÎÎ décembre
1 7 9 I i ap p reud que l ’acle était revêtu de la signature de L a Barge , qui était
celle du concédant; et que par forme de l ’approbation de l'a cte, la signature
de F u m â t , qui était le concessionnaire , est précédée de ces mots : Pour un selier
avoine, mesure de Larorhe;
» Considérant que les vices de forme qui pourraient exister dans un acte de
cette ancien n eté, et à une époque où l’expérience apprend que la jurisprudence
n ’était pas fixée avec précision sur les formalités des actes sous seing privé ,
qui pouvaient être syuaitogmatiques , seraient couverts par des mentions con
tenues dans des actes postérieurs qui supposent l ’existence réelle du droit d’u
sage en question ;
» Q u e c ’est ce qui résulte d’ un traité du i o janvier 1 7 8 5 , reçu Baptiste et
son co n fr èr e, notaires à C l e r m o n t , lequel traitij, fait entre le sieur D um as de
L a b ro , le sieur Brassier et le sieur N e y ro n de la T a r t i è r e , représenté par le
sieur N e y ro n Desaulnats , apprend que sur une vente faite par le sieur de Labro
«u sieur B rassier, de la terre de L a r o c b e , dont faisaient partie les bois sujets
au droit d’usage dont il s’a g ît, le sieur N e y r o n de la Tartière avait exercé un
retrait lignager contre ledit B ra ssie r ; qu’ il s ’était élevé des contestations à ce
su jet, e n iie lesdits sieurs de L a b r o , Brassier et N e y ro n de la T a r t i è r e , qui
prirent fin par ce traité, dont le résultat fut le délaissement fait de la terre de
Laroci/e au sieur N ey ro n de la T a rtiè re ; qu’on voit dans ce traité une clause
qui p o r t e , article
3 , que
le sieur de L ab ro entendant subroger le sieur de la
T a r t i è r e , sans néanmoins aucune garantie, dans tout ce qui est relatif aux droits
d’ usage dans les bois de L a r o c h e , lui a cédé les redevances dues par les pré
tendus et soi-disant usagers, à l’ effet par ledit sieur de la Tartière de s’en faire
payer c o w n e il a v is e r a , pour les redevances échues et m im e celles à écbeoir à
l ’a v e n ir , le tout à scs périls , risques et fortune , com m e dessus est dit ;
» Q u e cette clause prouve incontestablement qu’ il existait des droits d’usage
, qui étaient le prix de certaines redevances, ou qu’au moins ces droits d’usage
étaient réclamés ; çt on peut présumer facilement que celui en question était
�» a u v u , a u s u , et d u consentem ent d u p ro p riéta ire d u bois
» p ré te n d u assujetti au» d r o i t , ou de c e u x q u ’il représente.
» Q u e le sieur D e lsu c p ro u v e ra é g a le m e n t , et de la m êm e
du n o m b r e , d’après les titres précédem m ent rappelés et ceux dont il sera parlé
dans la suite.
*
» C onsidérant que le sieur N e y ro n -D é sa u ln a ts ne peut tirer aucune induc
tion de ce q u e , dans une vente notariée qui a été faite le 27 juillet 1657 , par
le sieur C hristophe-Fra nçois de la B a r g e , au profit de M . G eorges N e y r o n ,
prieur de B riffon s , représenté par le sieur N e y r o n - D é s a u ln a ts , de la terre de
la Tartière et de la seigneurie de L a r o c h e , et domaines en d ép en d a n t, il n ’ est
fait aucune mention des droits d’usage auxquels les bois des terres vendues
eussent été assujettis ;
1
» Q u ’ un pareil silence ne saurait avoir assez de f o r te pour porter atteinte à
un droit qui serait déjà établi en faveur des tiers, sur l ’objet qui serait vendu;
que d’ailleurs il est dit à la suite de la clause portant vente des deux seigneuries
de la Tartière et de L a r o c h e , le tout ainsi qu’elles ont été jouies par le seigneur
vendeur et scs prédécesseurs, sans en rien retenir ni r é serve r; que de cette
dernière clause il résulte que l ’on a entendu vendre les biens tels qu’ ils se com
portaient, et par conséquent avec leurs droits actifs et passifs ;
» Q u e d’ailleurs l ’acte de 1 7 8 5 , dont il est ci-dessus pa rlé , prouve bien que
les biens étaient assujettis à des droits d ’usage ; qu’ on pourrait d ire, il est vrai,
que dans l ’intervalle de 1657 à 1785 , ces droits avaient disparu , par rachat ou
autrement; mais que c ’ est là une sim ple présomption qui est c o m b a ttu e 'p a r
les circonstances;
» Considérant qu’ on ne peut non plus tirer aucune induction de ce q u e ,
dans l ’acte d’adjudication du domaine de la G uièze faite au duc de Castries sur
le sieur TUcton, partie saisie, le i 5 novem bre 1 8 1 9 , il n ’est point fait mention
du droit d’usage qui devait appartenir à l ’adjudicataire sur les forêts de
Laroche !
» Q u ’on ne doit pas perdre de vue le principe qu’un droit d’usage n ’est
point un droit personnel, mais un droit r é e l , inhérent aux biens et bâtimens
pour l ’usage desquels il a été concédé; qu’ il ne peut être vendu seul et séparément;
en sorte qu’ il suit toujours les biens et bâtimens qui ont été l ’objet de sa
destination ;
» Q u e d’ailleurs il n’est pas étonnant que l ’adjudication n’ en fasse pas men-
�» m a n i è r e , q u e , dans le même espace de temps, ledit sieur D elsu c,
» ou c e u x q u ’il re p ré se n te , ont p a y é .la redevance, p r i x
du
tîon ; que le duc de Castries , créancier thi sieur B l e t o n , propriétaire du do
maine de la G u i è z c , et qui faisait vendre ce domaine sur expropriation forcée ,
était uniquement occupé de faire mettre à fin cette expropriation ; et qu’il en
tendait que ce domaine fût adjugé tel qu’il se c o m p o rta it, et avec tous les droits
actifs et passifs qui s’y rattachaient; que c’ élait là où se terminait son in té r ê t;
que cela devait être a in si, parce que tous les titres qui établissaient des droits
en faveur des biens saisi* étaient au p o u v o i r , non du duc de C a s tr i e s , mais
bien au pouvoir du sieur B l e t o n , partie saisie, qui ne pouvaitpas être forcé à les
r e m e tt r e , et que cet état de choses est prouvé de la manière la plus positive
par une clause'de la vente du domaine de la G u iè z e , faite par le. duc de Castries
qui en était devenu adjudicataire, ou par le sieur C h a r o la is, son fondé de
p o u v o ir s, au profit du sieur D e l s u c , par acte notarié du 12 févrfer 1821 , dans
laquelle clause il est dit que le sieur D elsuc se pourvoira ainsi qu’ il avisera,
po ur se procurer les titres de propriété dudit d o m a in e , le sicuç Charolais dé
clarant qu’il n’ en existe aucuns dans ses mains e l dans celles de M . le duc de
Castries ;
» D e tout quoi il résulte que le droit d’usage dont il s'agit a toujours suivi
naturellement le domaine de la G u i è z e , parce qu’il n’y a eu aucune renoncia
tion ou abdication directe ou indirecte de la part de ceux qui en étaient p r o
priétaires, ni de la part de celui qui l ’avait fait saisir et adjuger, et qui avait
"intérêt de le 'c o n s e r v e r , bien loin de le laisser perdre ;
» Considérant que dans plusieurs titres subséquens, le droit d ’usage dont il
s ’agit est rappelé par ceux qui avaient intérêt et qui n ’avaient d’autre, titre à
faire valoir que celui de iG 3£; que par acte notarié du 19 mars 1 7 5 8 , dame
G a brielle F u m â t , épouse du sieur de B o n n et, qui représentait les sieurs F u m â t ,
en faveur desquels ce droit d’ usage avait été constitué, com me maîtresse de ses
biens paraphernaux, vendit au sieur Jean B u rin -D u b u isson , le domaine de la
G u iè z e ; qu’ il y fut stipulé que la vente était faite avec les servitudes dues et
a ccoutum é es, et a u tres, ses circonstances et dépendances, sans réserve au
cune , tout ainsi et de m êm e qu’ il est c o m p o s é , et que ladite dame et ses auteurs
en ont joui ou dû jo u ir , ou leurs fermiers ;
» Q u e le 19 octobre 1 7 7 3 , le môme sieur Burin-Dubuisson ayant m arié
�(
'a 4
)
» droit d ’usage p réten du ; sa u f a u sieur N e y r o n - D e s a u ln a t s , fa
» p re u v e co n tra ire. » .
.
demoiselle Marie B u r i n , sa fille, a v tc le sieur Alexandre B l e t o n , lui consti
tua en dot le môme domaine de la G u i è z e , et qu’ il y esl dit avec le droit
d ’usage , et prendre du bois dans la forât de Laroche , tout ainsi et de même
que le sieur B u rin on ses fermiers en ont jou} ou dû jouir;
» Q u e par acte notarié j du
mars de la m êm e année 1 7 7 3 , le sieur B urin
avait affermé le domaine de la G uièze à François S erre et An toin e G atiniol ;
qu’ on y voit la charge imposée aux fermiers de payer au sieur de L a b r o , un
setier d’avoine et une p o u le , pour droit d’ investison dudii domaine dans la
forêt de L a r o c h e; qu’ il est ajouté que les preneurs seront en outre tenus du
passer deux arbres dans le plancher de la grange , qu’ ils prendront dans ladite
forât ;
« Q u e la m êm e charge est encore imposée pour le m êm e droit d’investison ,
par le sieur B l e t o n , par un bail de ferme du mêm e d o m a in e , par lui fait
devant notaire,, le g mars 1774., aux mêmes fermiers ci-dessus, et par un autre
bail <le ferme fait aussi devant n o ta i r e , en faveur des nommés H o u x , le
20 mars 177 8;
» Considérant qu’ en 1791 , et à raison de l’ inscription du nom du sieur
N e y n n de la T a n i è r e sur une liste d’é m igrés, le séquestre national ayant été
apposé sur la terre de L a r o c h e , le G ou v ern e m e n t s’étant mis en possession et
jouissance de cette terre et de ses dépendances, lou s ceux qui prétendaient
Sire usagers dans la forêt de L a r o c h e , du nombre desquels était le sieur B l e t o n ,
réclamèrent le droit d’usage en question , contre l ’administration des biens
séquestrés; que les usagers dans la forêt de L a r o c h e , qui avaient déposé leurs
titres a>i secrétariat de la préfecture , en exécution d une loi du 28 ventAse
an 1 1 , furent maintenus provisoirement dans leur droit de chauffage et autres
usages, par un arrêté de la préfecture du département du P u y - d e - D ô m e , du
18 thermidor an 1 a ; qu’ en conséquence de cet a rr ê té , il fut fait aux usagers
une distribution de différens arbres , par un acte fait par l ’ inspecteur des fo r êts,
err date du 29 fructidor ari i 3 , dans Içquel on voit figurer le sieur B le to n pour
tine certaine quantité d’a rb r e s , pour réparations à faire dans son domaine de la
G u iè z e ; le tout néanmoins sous la véserve des droits da G ou v e r n e m e n t; qu’ on
voit encore dan* un autre acte du
25 juillet
1 8 0 7 , une nouvelle distribution
�(
a5 )
E n exé cu tio n de cet a r rê t, les parties ont respectivem ent fait
p r o c é d e r à l ’audition des témoins ; nous aurons à exam iner les
enqu êtes et à en constater les résultats.
entre les usagers, parmi lesquels est compris le m im e sieur B le to n * au n° 6 ,
pour chauffage pour son domaine de la G u iè z e , et au n° 1 8 , po ur réparations
à faire au même dom aine;
» Q u e le sieur D elsu c a avancé et soutenu que les mômes délivrances de bois
d i chauffage et de construction avaient eu lieu , selon ses besoin s, pendant les
années suivan tes, jusqu’à sa demande ;
» Considérant q u e , d’après cet état de choses , il doit demeurer pour certain
que le sieur D elsuc a , en sa fa veu r, de son chef ou de ceux qu’il représente,
un titre quî lui donnerait droit à l ’usage qu’il réclame ;
» Mais considérant q u e , suivant la jurisprudence, ce titre ne suffit pas pour
l ’ établissement d’un pareil d roit; qu’ outre ce t i t r e , il doit Être fondé sur une
possession trentenaire, postérieure au titre; parce qu’à défaut de cette posses
sio n , ce litre serait prescrit, et que cette prescription aurait opéré l'affranchis
sement du d r o i t , quand même il aurait été établi long-temps auparavant;
» Considérant encore q u e , suivant cette même jurisprudence, pour que la
possession soit val.ible et puisse opérer son e f fe t, il faut qu’ elle soit accom
pagnée de la délivrance du b o i s , faite du consentement du propriétaire, et de
la prestation de la redevance moyennant laquell« la concession du droit d’usage
,9 été faite dans le principe ;
» Considérant que le sieur D elsuc ne rapporte ni la preuve par écrit du con
sentement donné à chaque d élivrance, p a r l e propriétaire, ni la preuve du
pa y em en t de la redevance, i chaque délivrance, et qu’ il offre seulement de
prou ver par tém oins, soit le consentement à la délivrance, soit le payement de
ia redevance, et c e , dans le cours de trente années avant la demande;
» O r , considérant que toutes les mentions contenues dans tous les actes cidessus énoncés , doivent être regardées , au m o i n s , comme autant de conimencemens de preuve par écrit du consentement à la délivrance et du payement
de la redevance ; q u ’on doit encore attribuer le même effet aux décisions
prises par l'administration , qui ont maintenu le sieur B l e t o n , ou ceux qu’ il
r e p r é s e n te , dans l ’exercice du droit d’ usage dont il s’a g it, m im e quoique ces
décisions n’ aient été que provisoires et prises sous la réserve des droits du
4
�I l s’agit
ü a ctu e lle m e n t de r e c h e r c h e r ,
i". Si au m ilieu des faits et actes d e la cause , tels q u ’ ils ont été
r a p p e lé s , si dans le u r com binaison avec les dépositions des té
m oins eniencfiis, le sieur D e lsu c a co m p lè te m en t satisfait au v œ u
de l'arrêt de la C o u r .
'
2°. Q u e l est l ’état présent d u dom ain e? L ’étendue et dim ension
p rim itiv e m e n t assignées a u x bâ tim e n s, seront-elles changées p ar
les réparations d u sieur D e l s u c ?
L a position d u p ro p riéta ire grevé d u d ro it d ’u s a g e , sera-t-elle
a g g ra v é e p ar suite des recon struction s et réparations du sieur
D elsu c?
§ P r. L a prcm 'e imposée au sieur D elsuc a t-elle é té fa ite P
T e l le est, il no us s e m b le , la question u n iq u e de la cause, la
seule q u i ait été re te n u e p ar la C o u r , et d o n t la solution doive
a c tu e lle m e n t fixer l'attention. I l n ’existe p lu s d ’in certitu d e sur
le d roit d ’usage et de c h a u ffa g e , qu i était d ’a b o rd co n testé : il
n ’est p lu s de doute à so ulever sur l’existence d u titre en lu i-m ê m e .
Il doit demeurer certain, on t dit les magistrats dans l ’ un des
motifs de le u r décision , que te sieur D elsuc a , en sa fa v e u r , de
son c h e f ou de ce u x q u ’ il représente, un titre qui lu i donne droit à
l'usage qu'il rcclnme.
V o ilà u n e disposition définitive et in a tt a q u a b le : e lle place
do rén a v an t, à l’abri de tou te discussion n o u v e l l e , la réalité d u
droit qui a etc r e c o n n u , et l ’on p eu t ineinc ajo u ter q u e , sous
f
G o u v e r n e m e n t, puisque, d’après les circonstances, il ne dépendait pas du
sieur M e lo n , ou de ceux iju'il r eprésente, d’ exercer autrement leurs droits, :
. .. Par tous ces motifs ,
» La Cour , etc. «
�( 27 )
ce r a p p o r t , l ’arrêt n ’a p lu s ?e caractère d ’un arrêt in terlo cu to ire ;
il devient contradictoire , ordinaire et définitif.
I l est vrai q u ’u n e p re u v e a été o r d o n n é e , celle de savoir si
le sieur D elsuc a e x e rc é u n e possession dans u n délai déterm iné;
mais cette p re u v e est essentiellement jir é ju d ic ie lle , p u is q u ’elle
repose sur le p rin c ip e d u droit q u i était controvex’sé entre les
p a r tie s , et
auquel se tro u v e évidem m en t s u b o r d o n n é le fond de
la décision. P eu im p orte la qu alificatio n d ’in te r lo c u to ir e im p ri
m ée à l ’a r r ê t; e lle lu i app artient, sans d o u te , dans le résultat
qu i g ît en p r e u v e ; mais il n ’ en est plus de m e inc dans le ré
sultat d é d u it de l ’exam en des litre s, et q u i a c o n d u it à l’econnaître et p ro c la m e r les droits d u sièur D elsuc.
C ’est sous ce dernier p o in t de vue q u e la décision ne p e u t
p lu s être attaquée.
P l u s i e u r s arrêts de C ou rs royales ont déjà accepté ce! te d istin c
t io n , et la C o u r de R io m l ’a elle-m êm e posée, le 10 février i 83 i ,
dans la cause d u sieur R e y n a u d , co n tre B o hat-Lam y.
A i n s i , il n ’est p lu s perm is a u sie u r Desaulnais , co m m e il l ’a
fait, de reprendre le p r o c è s , tel q u ’il se présentait à la p rem ière
a u d ie n ce ; tout exam en critiq u e sur les titres invo qués p a r le
sieur D e ls u c , et qui tendrait à contester ses droits en eux-mêmes,
est désormais interdit : il y a cliose ju gée sur ce p o in i ; elle doit
ê lre respectée : la discussion reste e n tiè re , seulem ent sur les té
m oignages respectivem ent p ro d u its; ce sont les seuls élémens à
in terro g e r et à débattre.
C e t état de la cause ainsi f i x é , doit être respecté avec d ’au
tant plus de raison, q u e l ’arrêt de la c o u r atteste q u e les titres
o n t été successivement et sérieusement examinés ; q u e la réponse
a été fo u rn ie à tous les m o y e n s , com m e à toutes les objections.
I l suffit, p o u f s’en c o n v a i n c r e , de consulter les n o m b r e u x mo
tifs donnés sur ch a cu n des actdl présentés'à l ’appui des p ré te n
tions respectives des parties.
4.
�( 2* }
V o y o n s d o nc q u e lle était la p reu ve à faire par le siëur Del-'
s u c , et q u elle s conditions y étaient attachées.
II devait p r o u v e r ,
i°. Q u e dans le cours des trente années qui ont p récédé la de
m ande , il a v a it , lu i o u c e u x q u ’il représente, exei-cé le droit
d ’usage q u ’il réclam e sur le bois de L a r o c h e , au v u , au su et d u
consentem ent du p ro priétaire ;
2°. Q u e dans le même espace d e tem p s, il a p a y é la r e d e v a n c e ,
p r i x d u droit d ’ usage.
C ’est h ces d e u x faits p rin c ip a u x q u e la p re u v e était ram enée ;•
l ’e x e rc ic e d u droit d ’usage, ainsi q u ’ il était c o n d itio n n é , et le
p ay e m e n t de la redevance. Cette démonstration n ’était m êm e pas
e x ig é e p o u r tous les ans; il suffisait de la re tr o u v e r dans le cours
des trente années antérieures à la dem ande.
L a dem ande ayant été formée en 1-827 , il fallait dès lors
r e m o n te r ju sq u ’en 1797 p o u r r e m p lir le voeu de l ’arrêt in te r lo
cu to ire ; c ’est dans ce laps d e temps de 1797 à 1 8 2 7 , q u e les té
m oins devaient déposer des faits relatifs à la d é livra n ce et au
p ay e m e n t de la redevance.
^
Ces faits se rattachaient à trois époques bie n distinctes.
L a prem ière co m p ren ait l ’e x e rc ic e de la possesion à éta b lir
p ar le sieur B leton , alors p ro priétaire d u dom aine de la G u i è z e ,
p en d an t la su rv eilla n ce de l'adm inistration des e a u x et forêts ,
ju s q u ’à l ’année 1809, o ù le sieur N e yron -D e sa u ln ats fit lever l e
séquestre et re co u vra sa p ropriété.
L a d e u x iè m e é p o q u e co m p ren ait en co re la possession du sieur
B l e t o n , à justifier depuis 1809 ju s q u ’au jo u r de l ’adju dication
et revente d u dom aine (en 1819 et 1 8 2 1 ) , en faveur d u d u c
de Castries, ou q u o iq u e ce s o i t , d u sieur D e lsu c.
L a troisième é p o q u e , plus re stre in te , s’ était é c o u lé e ju sq u ’au
jo u r d e la d e m a n d e , et devait ra p p e le r les faits personnels au sieur
D e lsu c. Cette p re u v e ainsi resserrée duns cette p ério d e de temps.,
�( 29 )
pouvait se faire tant par titres q u e par témoins ; e t, à Cet égard ,
il est, avant les témoins q u i seront interrogés p lu s tard , des élémens d ’appui à in v o q u e r par le sieur D e l s u c , et qui se puisent
dans lesdiiFérens actes par lui produits.
A peine les lois de p o lic e sur les bois et forêts , celles des 2S
v e n t o s e a n 11 et in v e n t ó s e an 12 ont-elles p a r u , q u ’u n arrê té ,
d u préfet du P u y -d e -D ô m e , sous la date d u 18 th e rm id or an 12,
a m aintenu provisoirem ent les usagers dans l ’exei’cice de le u r
dro its, ju squ’à décision contraire, à la ch arge p ar e u x de justi
fier d u dépôt de leurs titres, avec récépissé d u secrétariat.
C e lte formalité de dépôt des litres * dont l ’in e x é cu iio n semblait
entraîner d é ch é an ce ,’ n ’a pas é t é , com m e on sa it, exactem ent
r e m p lie p a r les com m unes et par
les p a rtic u lie rs ayant d roit
d ’ usage ; on sait aussi qu e les autorités administratives n ’ont pas
v ig o u re u s em e n t frappé de déch éan ce les usagers retardataires ;
il en est u n grand n o m b re q u i ont été relevés de cette déch éan ce :
on le u r a donné toutes les facilités possibles; on a re co n n u le u rs
d r o it s , toutes les fois q u e l ’occasion s’est p résen tée; et le C od e
forestier lui-m êm e r e n f e r m e , dans son art. 6 1 , u n nouveau délai
de d e u x années, en faveur des usagers q u i, depuis q u in ze ans, n ’a
vaient pas usé d u bé n éfice q u e la loi le u r a cco rdait.
T o u te fo is , tlès les p re m ie rs m om ens de la p u b lication des lois
de ventôse an n
et an 12 , des délivrances de bois avaient e'ié
r é g u liè re m e n t faites a u x usagers de la forêt de L a r o c h e . Il résulte
en effet d’un procès verbal dressé le
29 fru ctid o r an*i 3 , p a r le sieur
B o u t a r e l , insp ecteur des eaux et forêts, q u ’il a v a it , à cette époque,
distribu é d u bois p o u r l ’ordinaire de l ’an i/f. Le m êm e procès
v e rb a l constate u n e d élivra n ce précéden te p o u r l ’an i 5 , dont
les besoins, est-il d i t , avaient été plus pressons, et dépassaient de
-vingt-cinq arbres les besoins de l ’an i/J.
P a rm i les personnes a ya n t pris part à
cette délivrance de bois
p o u r l ’an i/j, on re tr o u v e au n° 7 le sieur B leton , qui n ’avait pas
�p ro fit 4 dë la d istribu tion de l ’an i 5 , et q u i r e ço it pour les répa
rations de son domathe de la G u ièze, d ix arbres m arqués depu is le
n°
3 6 . . . jusques et co m p ris le n° 46.
II est vrai q u e ce p rocès verbal c o n t i e n t , au p rofit du G o u
ve rn e m e n t, telles réserves et restrictions de d r o i t , si le cas y
é c l i e t , après le ju g e m e n t q u e devait p r o n o n c e r l e conseil de p ré
fe ctu re su r les diverses p ro duction s de litres faites par les d ifierens usagers dénom m és audit p ro cès v e r b a l ; mais u n avis d u
co n se rva te u r des eaux et forêts, re n d u le 27 d é ce m b re 1 8 0 6 ,
statua sur le m é rite des titres des i 5 jan vier i 5 6 i et ^ .d é c e m b r e
i 6 5 4 , q u i avaient été sim ultaném en t déposés a u secrétariat de
la p r é l e c t u r e , par le sieur G a b r ie l R e b o u l , le m êm e q u i déjà
avait déposé ces litres, en 1791 , en l ’étu de d u notaire Chassaigne.
I l fut alors re c o n n u q u e ces actes étaient r é g u li e r s , q u ’ils a c c o r
daient a u x F u m â t des droits d ’usagé et de chauiFage dans la
f o r ê t de L a r o c h e , et q u e Jeurs représentons devaient êti’e m ain
tenus dans la possession de ces droits , à la ch a rg e de m a rq u e et
de d élivran ce , et de p a y e r la r e d e v a n c e , ainsi q u e tous arrérages
q u i p ouvaien t en être dus.
L e bén éfice de cet avis d u conservateu r des e a u x et forêts
n'était pas u n iq u e m e n t r e c u e i ^ i p ar le sieur R e b o u l ; il ne lu i
était avantageux q u ’à raison d u titre d u i 5 janvier i 5 6 i , p o u r
les p ro priétés p r o v e n a n t des F u m â t , et situées dans les vil-t
la g e s d e D e lin a s-T ou rre et P i s s o l , tandis q u e le dépôt de l ’autre
titre du 17 d é c e m b r e iG 5 4 , fait en m êm e temps q u e c e lu i de
i 5 Gi , profitait e x clu siv e m e n t au sieur B l e t o n , co m m e r e p r é
sentant aussi les F u m â t , p o u r son dom aine de la G u iè z e .
"
C ’est en e x é cu tio n de cet avis fa v o r a b le , q u e les délivrances
on t c o n tin u é p o u r les années 1808 et 1809, et ont été faites,
no tam m ent au sieur B le to n , co m m e ayant des droits d ’usage et de
ch auffage , ainsi q u ’ il résulte de d e u x p rocès v e r b a u x sous Iqi
date des 2 5 ju ille t 1807.01
5 août 1808,
�( 3 -i )
C e d e rn ie r p ro cès verbal , no n rapporté à la prem ière a u
d ie n c e , apprend q u e la position des usagers n ’avait plus rien de
pro visoire en i 8 o 3 ; q u ’a cette é p o q u e , vine décision définitive
avait été re n d u e par le conseil de p ré fe c tu r e , et avait enfin fixé
la position des usagers. Si toutefois, com m e il convient de le
faire o b se r v e r , l ’insp ecteur des eaux et forêts, lors de son trans
p o r t , avec le
sous in s p e c te u r , le garde général et les gardes p a r
t ic u lie r s , dans la forêt de L a r o c h e , p o u r assister à la m a rq u e
et d é livra n ce des b o is , d é cla re , en ce mêm e p ro c è s v e r b a l , qu e
la décision d u conseil de p réfectu re ne lu i était pas co n n u e
officiellement, il n ’en constate pas moins l ’existence des disposi
tions p rin c ip a le s; il in d iq u e surtou t les élém ens personnels de
déterm in ation qu i devaient le g u id e r p ou r les distributions de
b o i s a fa ir e , et qui se p u isaien t, no n-seulem ent dans l ’opinion
p u b l iq u e signalant les
faux « s a g e r s , dont il avait lu i- m ê m e ,
p a r ses conclusions devant l ’autorité administrative , p ro v o q u é
l ’é lo ig n e m cn t, mais encore dans ses propres renseigneinens et
l ’exam en des titres de ch a q u e prétendant droit.
Il
est juste d e dire q u e ce procès verbal de 1828, com m e tous
c e u x pro duits par le sieur D e ls u c , n ’ont été considérés par l'arrêt
de la C o u r , q u e co m m e des com m en cem ens de p re u ve par é c r it,
p a r c e q u ’jls r e n fe r m e n t, dpns le u r c o n t e x t e , des réserves au
p ro fit d u G o u v e r n e m e n t , et sem blent ainsi n ’avoir q u ’ un effet
p ro v is o ir e ; cependant il faut b ie n aussi rem a rqu er qii’à cette
é p o q u e , le sieur B leto n était dans l ’im possibilité d ’e x e rc e r autie m e n t ses droits : il ne dépendait pas de lu i de se placer dans
u n e position différente; il se trouvait e n ch a în é vis-à-vis l ’autorité
administrative , avec la q u e lle il devait nécessairement se m e u re
e n ra p p o rt, p o u r la conservation de ses droits : c ’est elle qui ,
p a r la force de® lois transitoires, était appelée à exam iner les
titres et j u g e r le u r validité ; c ’est elle q u i , p ar une décision pres
q u e so u v e ra in e , maintenait les usagers en possession, ou les re
poussait à jamais.
�( S * ) '
'
L e sieur B leton dut r e m p lir les prescriptions de ces lo is ; il y
a satisfait p a r lu i-m ê m e , o u p a r le sie u r R e b o u l , stipulant dans
u n intérêt c o m m u n , lors d u dépôt de titres au secrétariat de la
p r é fe c t u r e . U n avis favorable du conservateur des eaux et forêts
considéra ces titres co m m e incontestables, et en consacra tous
les effets. I l était^reconnu q u e les représentans des F u m â t , en
ve rtu des actes de i 5 6 i et i 6 5 4 , devaient être m aintenus dans
la possession des droits d ’usage et de chauffage.
Si. u n e co n d ition était imposée à l 'e x e r c i c e de ces d r o it s ,
s a v o ir , le p ay e m e n t de la red eva n ce et des arrérages q u i p o u
vaient être du s, on ne p e u t contester l ’e x é c u tio n de cette c o n
dition , inséparable de la d é liv ra n ce d u b o i s , p u is q u e ces d é l i
vrances ont eu lie u à p lu sieu rs fois, ainsi q u ’il appert des différens
p ro cè s v e r b a u x de l ’an i 3 , i/fj 180 7, 1808; e tc ., car il y avait
o b lig ation , de la part des agens d i f G o u v e r n e m e n t , de p e r c e v o ir
la redevance au fu r et à m esure de ch a q u e distribution de bois ;
et des délivrances successives n ’auraient p u s’effe ctu e r sans le
p a y e m e n t du p r i x de la concession.
L e sieur Bleton a d o n c f a i t , pendant la d o u b le surveillance
des autorités administrative et forestière, tout ce q u ’il lu i était
possible de faire p o u r la constatation et la conservation de ses
d r o its; il les a e xercés dans les termes et suivant le m ode im r
posés p ar les lois et p ar les actes de l ’é p o q u e : «en agissant au*
tre m en t ; il se fût exposé à un e d é ch é an ce .
.
F a u d ra -t-il lu i adresser a u jo u r d ’h u i le r e p r o c h e d ’avo ir exc>
c u té la l o i , et de s’ être co n fo rm é a u x mesures indiquées p a r les
autorités com pétentes en cette m atière ?
D ’a ille u r s , ces actes a d m in istratifs, ces procès v e r b a u x des
agens forestiers, s’ ils n ’ont été retenus au p rocès q u e co m m e des
co m m e n ce m e n s de p re u v e p a r é c r i t , ils sont fa cile m e n t corrorb o ré s par les enquêtes. C ’est là q u e la p résom ption déjà acquise
a u sieur D e l s u c , p résom ption q u i tendait à faire cro ire à H
�( 33 )
conservation d ’un droit dont la C o u r avait p ro cla m é l ’e x isie n c e
p a r son a r r ê t , v ie n t r e c e v o ir son com plém ent.
l’en ferm é
dans
Tout y
sera
ces tém oignages : la d é livra n ce , com m e les
m o ye n s de l ’attester ; l ’em p lo i d u marteau destiné à m arqu er les
a r b r e s, com m e le p a y e m e n t de la re d e v a n c e ; e n f i n , la déclara
tion d u p ro p riéta ire de la forêt , portant q u e la délivrance
v a la it, à e lle s e u le , u n e qu ittance. O n y verra constam ment le
p ro p rié ta ire de la f o r ê t , o u ses agens , en présence des ferm iers
d u dom aine de la G u i è z e , assister a u x distributions d u b o i s ,
ne les contester jamais, et im p rim e r ainsi fo r c e et e x é cu tio n a n
n u elles a u x titres de l ’usager.
L e s tém oins produits p a r le sieur Desaulnats lu i-m ê m e v ie n
d ro n t rapp eler l ’expression de l ’op in ion p u b l i q u e , en î-econnaissant d e s 'd r o its q u e la p lu p a r t d ’entr’e u x on t toujours vu
e x e rc e r
sans opposition. C ’est aussi sous la promesse de ces
résultats ,* q u e l ’on p e u t in te r r o g e r , avec co n fia n c e , les déposi
tions re cu e illie s, et dire p a r avance q u e le sieur D e l s u c , q u i
n ’avait à p ro u v e r q u e qu elq u e s faits isolés, et passés dans le cours
des trente années avant la demande , est re m on té a u delà d u
term e fixé p a r l ’arrêt j il a surtou t co m b lé l ’intervalle des .deux
é p o q u e s, p ar des faits p lu s n o m b r e u x et p lu s détaillés q u e c e u x
mis à sa charge.
E n e ffe t , au lie u de s’a rrêter à l ’année 1 7 9 7 , p o in t de départ
r i g o u r e u x de la p r e u v e à f a i r e , et q u i co m p ren d le temps d u
sé q u e s tr e , le sieur D e lsu c a v S u lu dém o ntrer q u ’avant la m ain
mise d u G o u v e r n e m e n t, il y avait e u , co n tra d ictoire m e n t avec
le sieur L a b r o , ancien p ro p rié ta ire de la fo rê t de L a r o c h e ,
e x e rc ic e des droits d ’usage attachés au dom aine de la G u iè ze .
A v a n t d ’entendre les témoins sur ces actes conservateu rs, pas
sés sous leurs y e u x , on p e u t , en ce q u i con cern e le sieur L a b r o ,
ra p p e le r surabondam m ent la p re u v e écrite au p ro c è s , de la
reconnaissance d u droit ; elle se p u ise dans le contrat de mariage
�* s.
( 3 4 }
d u 19 o c to b r e 17 7 ^ , ce lu i de la dem oiselle B u r i n , fille de Jean
B u r i n , seign eu r de S t- P a r d o u x , avec le sieur Bleton , r e c e v e u r
des domaines. O n sait q u e les p ère et frère de la f u t u r e , en lu i
délaissant la p ro p rié té d u d o m ain e de la G u iè z e , y rattachèrent
f o r m e lle m e n t le droit d ’ usage j' et de prendre du lois dans la fo r ê t
de L a roch e, tout ainsi et de même que ledit B u rin p ère , ou ses
ferm iers, efiiont jo u i ou du jou ir.
U n e p are ille stip u la tio n , u n iq u e m e n t faite entre les m e m b re s
d ’ une m êm e fa m ille , ne p o u v ait sans d o u te être attrib u tiv e d 'a u
cu n droit sur la forêt de L a r o c h e , si déjà il n ’existait et n ’avait
r e ç u u n e e x é c u tio n lé g a le ; ce n ’ était pas là u n lien p o u r le p r o
priétaire grevé de la s e r v itu d e , et q u i n ’aurait pas assisté au
contrat de m a r ia g e , p o u r en a p p r o u v e r ou co n tre d ire les c o n
v e n tio n s ; mais telle nétait p as, en ce m o m e n t, vis-à-vis le sieur
de L a b r o , la position des parties contractantes; elles a g issaien t,
elles in d iq u a ie n t et précisaient leurs d ro iissu r la forêt de Laroche-,
en présence d u seign eu r lu i - m ê m e , o u q u o i q u e ce so it, d u
sieur C a q u e t , son a g en t, h abitant au ch âteau de L a b r o , avec la
q u alité dè capitaine des chasses et p êches de la terre d ç L a b r o .
C e c o n tra d ic te u r lég itim e a co m p a r u au contrat de m a riag e ;
il en a laissé é c r i r e , sans op position a u c u n e , toutes les clauses
relatives à la forêt q u ’il était spc'cialement ch a rg é de s u r v e ille r ,
et dont il devait b ie n connaître les usagers. Il n ’a pas contesté
le d ro it é n o n cé dans un acte so le n n e l; il a fait p lu s , il l’a for
m e lle m e n t a p p r o u v é par sa présence et p ar son silence. .L e sieur
C a q u e t , serviteu r zélé et d évo ué aux intérêts de son maître , n ’a u
rai t-il pas, à l ’in stan t, repoussé les prétentions de la fam ille
B u t i n , si u n titre a n c i e n , soutenu d ’un e lo n g u e possession,
n ’avait re n d u in u tile toute co n tra d ictio n à ce sujet?
. Aussi l ’ indication de ce droit incontesté, et de ses ch a rg e s,
a-t-elle successivement été insérée dans les b a u x à ferm e de 177^
et 1 7 7 8 ; et la C o u r e lle -m cm e , en im p rim a n t l'a u torité de la
�( 35 \
chose ju g é e , à l ’exisicn ce com m e à l ’e xercice légal des droits
d usage dans la forêt de L a r o c lie , depuis l ’année iG 5 /|, jo u r où
le droit a pris naissance, ju s q u ’en l ’année 1 7 9 7 , p oint de départ
des trente années de possession à p ro u v e r avant la d e m a n d e , la
C o u r , disons-nous, n ’a e ntendu p erm ettre dorénavant que la
cr itiq u e des tém oignages r e cu e illis dans le c e rcle p ar elle tracé.
C on sulton s donc les enquêtes.
P lu sie u rs témoins déposent des faits qu i se sont passés à l ’ép o q u e
o ù le sieur de L a b r o était en co re propriétaire de la forêt de
L a r o c h e ; c ’est, com m e on le v o it , rem on ter au delà des e x i
gences de l ’arrêt interlocutoire.
^
L e p rem ier de l'enq uête d ir e c te , P ierre C h a n e t , actuellem ent
âgé de soixante-seize ans, déclare q u ’il était d o m e stiq u e , il y
a en viron cinq uante ans ( c ’est-à-dire, en 1 7 8 0 ) , chez G a t i n i o l ,
fe rm ie r du dom aine de la G u iè ze : à cette é p o q u e , il est allé
p lusieurs f o is , d'après les ordres de son m a î t r e , ch e r c h e r du
bois dans la forêt de L a r o c h e . L a d élivra n ce a été e ffe c tu é e , à
c h a q u e f o is , par le nom m é S t-Jean, garde d u sieur de L a b r o ;
e lle portait tantôt sur du bois m ort a b a tt u , tantôt sur des arbres
m o r t s , mais en co re sur p i e d , q u e le g a r d e , à défaut de m a rtea u ,
m arqu ait avec la cognée d u t é m o in , en lu i défendant de c o u
p e r d ’autres arbres.
Cette d é p o sitio n , bien positive au moins p o u r les droits de
ch a u ffa g e , a été co rro b o ré e p ar ce lle du p re m ie r tém oin de la
co n tin u ation de l ’e n q u ê te , et ce lle d u d e u x iè m e témoin de
l ’enquête directe. C e d e r n ie r , Joseph C h a n e t , a été aussi le d o
m estique du ferm ier G a li n io l, en 1 7 7 2 , h u it ans avant l ’entre'e
de P ie r r e C h an et dans Je même d o m a in e; il est a llé , com m e
l u i , p ren d re souvent du bois de chauffage dans la forêt de .La
r o c h e ; il agissait avec la plus grande co n fian ce, car le ferm ier
lu i avait dit de n ’avoir au cu n e i n q u ié iu d e , M. Bleton ayant
droit dans celte forêt.
5.
�.
(
36
)
L e tém oin ajoute q u e si d u bois d ’usage o u de constru ction
n ’a pas été p r i s , c ’est q u e , p en dan t le temps de son s e r v i c e ,
a u c u n e réparation n ’a été faite dans le dom aine ; cependant il a
e n te n d u le fe rm ie r a n n o n c e r 'q u e lq u e f o is q u ’il y avait nécessité
de ré p a re r le sol de la maison d ’h a b ita tio n , et q u ’à cet e ffe t, il
faudrait a lle r c h e r c h e r d u bois dans la forêt de L a r o c h e .
V o i l à trois témoins d o n t les déclarations précises et c o n c o r
dantes sur les mêmes fa its, attestent positivem en t q u ’à l ’ép o q u e
où le sieur de L a b r o était e n co re p ro p rié ta ire de la forêt de
L a r o c h e , les droits attachés a u dom aine de la G u iè z e s’ex e rçaient dans l e u r p lé n itu d e . C ’est en présence d u garde d u sieur
d e L a b r o , c ’ est avec son consentem ent, et su r l ’indication p a r
l u i donnée de certains a r b r e s , q u e l ’usager faisait a n n u ellem en t
sa p rovision de bois de ch a u ffa g e . Si à cette é p o q u e , a u c u n bois de
co n stru ctio n n ’a été réclam é, c ’est seulem ent parce q u e la nécessité
d ’u n e réparation n ’élait pas d even u e u rg e n te. T o u te fo is , Joseph
C h an et déclare a vo ir parfaitem ent conservé le so u ven ir q u e le
f e r m ie r se p roposait d ’a lle r c h e r c h e r d u bois p o u r re m e ttre à
n e u f le sol de la maison d ’h abitation .
O n c o n ç o it , en e ffe t, q u e le d ro it d ’usage n ’est jias a stre in t,
p o u r sa co n s e rv a tio n , à u n e x e r c ic e a n n u e l et constam m ent r é
p é t é ; il se m aintient p a r le besoin de la ré p a r a tio n , q u i p e u t ne
se faire sentir q u ’à des intervalles é lo ig n é s; il renaît à ch a q u e
fois avec le besoin lu i-m ê m e ; tandis q u e le d ro it de chauffage
est de toutes les années, et co m p o r te des faits successifs de dé
liv r a n ce dans la m êm e p ério d e de temps.
A p r è s la constatation de ces faits de d é liv ra n ce , rem ontant a u x
années 1772 et 1780 , ¡faits q u e le sieur D e ls u c n ’était pas tenu
de p r o u v e r , nous arrivons à l ’c p o q u e o ù le sieur N e y r o n de la
T a r t iè r e , représenté a u jo u r d ’h u i p a r l e s ie u r N e y r o n - D e s a u ln a t s ,
est d e ve n u p ro priétaire de la te r r e de L a r o c h e . C ’est le 10 ja n
v ie r 1 7 8 5 , q u ’u n traité fait entre le sieur D u m as de L a b r o , le
�( 37 )
sieur Brassier et le sieur N e y r o n de la T a r liè r e , a assure' la m u
tation de p r o p r i é t é ; p ar l ’une des clauses, le sieur de L a b r o
entendait su b ro g e r le sieur de la T a r li è r e , sans néanmoins a u
c u n e g aran tie, dans tout ce qu i était r e la tif aux droits d ’usage
dans la forêt de L a r o c h e , et lu i cédait les redevances dues par
les usagers, à l ’eiTet de s’en faire p a y e r com m e il aviserait; le
tout à ses risques et périls.
Cette clause de non-garantie contre l ’ancien p ro p rié ta ire d é
m o n tre é vid em m en t que les litres constatant les droits d ’usage
et le montant des redevances dues p ar les u sa g e r s, ont passé dans
les mains d u sieur de la T a r t iè r e , lors de
1 acte de 1 78 6 ; la r e
mise de ces titres devenus inutiles au sieur de L a b r o ,• a d û suivre
nécessairement la transmission de la p ro p r ié té ; c ’était la consé
qu e n ce forcée de la clause de non-garantie ; car si l ’on mettait
h la ch arge du n o u ve a u p ro p rié ta ire tous les droits d ’u s a g e , il
fallait aussi q u ’on lu i fo u rn it tous les titres et p a p ie rs, au m o y e n
desquels il p o u rra it repousser des prétentions illégitim es ou
exagérées. L e sieur de la T a r tiè r e , en acceptant cette p o s itio n ,
conservait d o n c par-devers lu i les élemens propres à écarter tout
ce q u i tendi’ait à la ren d re p lu s mauvaise.
C e tte [explication ré p o n d ra it p ar avance , s’il était b e so in , aux
induction s présentées p a r le sieur Desaulnats, et résultant de ce
qu e le sieur D e lsu c n ’aurait r ie n d é co u v e rt sur l ’existence de
son d ro it ( ce q u i n ’est p lu s a u jo u r d ’h u i susceptible de contesta
tions) dans les archives d u sieur de L a b r o ; on pressent q u e cette
d éco u verte était devenu e impossible p ar le fait m êm e de la r e
mise de tous les p ap iers, notes et docum en s p rovenant du sieur
de L a b r o , entre les mains d u sieur N e y r o n de la T a r l i è r e , au
jo u r d u traité d u 10 ja n v ie r 1785.
T e l l e n ’est pas d ’a ille u r s, nous l'avons déjà d i t , la question
actu e lle d u procès.
A l ’é p o q u e o ù ce traité fut c o n s o m m é , et mêm e dès l ’année
�i 38, }
1781 , le sieur M anaranclie était établi dans la maison d u sieur
Desaulnats p è r e , à S t - P a r d o u x , e n qu alité d ’agent d'affaires :
c ’est lu i qu i percevait les p rix de fermes d ’ un grand n o m b re de
do m ain es, les renies d u village des A u ln a t s , les cens de la terre
de Cros et de la T a n i è r e , les redevances des usagers dans les fo
rêts de L a r o c h e et de C li i r o u z e ; il faisait m a r q u e r et d é liv r e r ,
en sa p ré se n c e , les bois destinés a u x usagers , etc.
U n e co m p ta bilité à la ,fo is considérable et c o m p li q u é e , e x i
geait des écritu re s assez r é g u liè re s : le sieùr Desaulnats p è r e ,
h o m m e in s tr u it, adm inistrateur h a b ile et é c o n o m e , résidait à
p ein e six mois de l’année dans ses p ro priétés de m o n tag n e ; mais
son agent d ’affaires lui rendait c o m p te , au mois u n e fois p ar a n ,
des recettes et d^s dépenses. C ’est aussi parm i les registres et les
n o m b r e u x papiers retro uvés dans la succession d u sieur Desaul
nats p è r e , et q u i étaient si décisifs p o u r la cause de l ’i n t i m é , que
le sie u r Desaulnats fils a d u connaître à la fois, et le d roit q u 'il
conteste a u jo u r d ’h u i , et le p ay e m e n t de la red eva n ce qui en
consacrait l’e x e r c ic e .
j ■ •
On^cônçoit son intérêt h re ten ir et d issim u ler toutes ces piqces
de c o n v ic t io n ; mais des déclarations de témoins vo n t su p p lé e r
fa c ile m e n t à ce silence.
I l en est deux- qui ra p p e lle n t notam m ent des délivrances faites
h l’é p o q u e o ù le sieur M an aran clie était l ’h o m m e d'affaires de
la maison D esaulnats; leurs dépositions ont été vive m en t atta~
. quéds ; tous les efforts de l ’investigation la p lu s scru p u leu se ont été
épuisés, dans l’ intention de les d é p o u i ll e r d e la confiance q u ’elles
m éritaient
ju stem ent.
Cette attaque se co m p re n d
a isém e n t,
lo r s q u ’ on sait qu e ces d e u x tém oins! en parlant de faits p erso n
nels , satisfaisaient ainsi à la d o u b le e x igÎ7e n c e de l’arrêt in terlo cn to ir e ; car ifs déposaient, en m êm e tem ps, sur la d élivran ce du
b o is , et sur le payem ent de la redevance. Q u e lle s ont été ces dépositions? c ’est ce q u ’ il im p orte d ’abord
�(V )
de connaître : nous p ou rro n s ensuite a p p récier les reproches.
L é g e r D u f a u d , troisième témoin de l ’enquête d i ie c t e , âgé de
cin q u an te ans , est le fils d ’ un ancien ferm ier du domaine de la.
G u i è z e , dans le q u e l il est entré à l ’âge de h u it ans, c’est-à-dire,
en 17 8 8 ; il y a d em euré pendant onze ans, c ’est-à-dire, jusqu’en
1 7 9 9 ; il déclare q u e , dans cet in te r v a lle , il est a l l é , non-seule
m ent p re n d re très-ordinairement d u bois de chauffage dans la
forêt de L a r o c h e , soit en p ré se n c e , soit en l'absence du g a rd e ,
mais en co re q u e d e u x ou trois ans après l ’entréè dans ce do m ain e,
en 1790 o u 1 7 9 1 , on eut besoin d ’ un p a r c , et q u e la délivrance
du bois a été laite par lé no m m é T a iJ e t , garde du sieur D esaulna ts; il en fu t'd e mêm e p o u r la réparation d u sol de la grange :
la d élivra n ce d u bois a été faite p ar le mêm e g a rd e , à un e ép o q u e
q u e le tém oin f ix e , u o is ou quatre ans avant sa sortie du d o
maine. . •
I l ne p e u t assurer si ce garde m arquait lès arbres d ’u n m a r
teau forestier ou de toute autre em p rein te , p arce q u ’éiant encore
je u n e , et plus spécialem ent ch argé de la surveillan ce des be s
t ia u x , il laissait a u x do m estiqu es, plus robustes qu e lui,, le soin
d ’abattre les arbres qu i le u r étaient m arqués. Mais il déclare se
ra p p e le r p ositivem en t q u e le bois n ’était jamais abattu ni enlevé
h ors la présence o u sans l ’autorisation du garde.
L e troisième tém oin de la co ntinu ation de l ’e n q u ê te , p arle de
faits semblables de délivrance d ’usage. Jean B r u g e a i l , âgé de
67 a n s, déclare en effet q u ’il y a trente-sept ou tre n te -h u it ans,
et p eu t-être p lu s , étant au service du sieur Bleton , à T a u v e s,
ch ez le q u e l il a d em eu ré onze ans, les ferm iers de la G u iè ze vin
re n t p ro ve n ir le sieur B leton q u e la-toiture de la grange du d o
maine avait été abattue par les vents : c e lu i- c i se
rendit aussitôt
à S a in l- P a r d o u x , en rapporta u n b ille t d u sieur M a n a r a n c h e ,
h o m m e d ’affaires d u sieur Desaulnats, qu i l'autorisait- à faire
c o u p e r le bois nécessaire aux réparations ; ce b ille t fut r c n '« pu
�t é m o i n , avec re com m a n d a tio n d ’a lle r p r é v e n ir le ch a rp e n tie r
d u sieur B le t o n , et les gardes de la forêt. L e s arbres ont été
m arqués par les gardes, et enlevés p ar les soins d u ch a rp e n tie r
et d u tém oin.
U n e d e u x iè m e fois, la maison e lle m êm e d u fe rm ie r ayant eu
besoin de ré p a ra tion s, le sieur B le to n ob tin t égalem ent l ’autol’isation de faire c o u p e r , dans la fo rê t de L a r o c h e , le bois qui
lu i était nécessaire; ce bois à été aussi m a r q u é et enlevé.
.L e s ferm iers d u dom ain e avaient l ’o r d r e le p lu s exp rè s, d onné
p a r le sieur B l e t o n , de n e jamais c o u p e r des arbres v i f s , sans
q u ’au p réalable ils n ’eussent été m a rq u és suivant les indications
d u p ro p r ié ta ir e de la forêt.
_
T e lle s sont, en substance, les d e u x dépositions des tém oins
critiq u és p ar l ’appelant. D ès q u ’on les co n n a ît) i l est facile de
c o m p re n d re l ’intérêt d u sie u r D esaulnats.à en alFaiblir la fo rce ;
mais il n ’est pas moins facile h eu reu se m e n t de repousser les c o n
tradictions q u ’on a b ie n v o u j u le u r p rê te r .
L ’ un de ces tém oin s, L é g e r D u f a u d , n 'a u ra it p u , a dit l ’a p
pelant , v o ir la d é livra n ce de bois de co n stru ctio n p a r le garde
T a l l e t , puisque ce garde était alors mort depuis plusieurs années ;
il avail été assassiné, dès 1792 , dans la jo r ê t même de Laroche :
Vacte de son décès le prouve.
A cet é g a r d , il est u n e d istin ctio n à f a ir e , et q u e le tém oin
lui-mêtne n ’a pas m an q ue de déposer. II r a p p e lle d e u x faits sé
parés de d é livra n ce d ’usage p ar le garde T a l l e t , et in d iq u e d e u x
épo ques différentes.
U n e p rem ière fois, d e u x o u trois ans après son entrée dans
le dom aine de la G u iè z e ( c ’était en 1790 o u 1 7 9 1 p u is q u e l ’e n
trée rem ontait à 1788) , T a l l e t , g a rd e d u sieur Desaulnats p è r e ,
et r e c o n n u com m e t e l , avait d istribu é du bois p o u r la co n stru c
tion d ’un p arc. Il est hors de doute q u e ce p re m ie r fait est an
té rie u r au décès de T a l l e t , qu i n ’a e u lie u q u ’en 1792 ; il n ’y a
�( 4i )
'
d o nc là a u cu n e contradiction ni r é e lle , ni apparente : la d écla
ration reste ici dans toute sa force.
Il est vrai q u e le m êm e tém oin parlerait d ’ une a u tre délivrance
faite p ar le m êm e g a rd e , p o u r les réparations d u sol de la grange,
trois 011 qu atre ans avant sa sortie d u d o m a in e , et q u i viendrait
se p la ce r vers l ’année 179S ou 1799, é p o q u e du séquestre.
L ’im possibilité de cette d é livra n ce serait dès lors attestée, à
Cette é p o q u e , p ar le décès d u garde. C o m m e n t, s’é c r ie - t- o n ,
ajo uter confiance à la déposition d ’un tém oin si complaisant P
L a réponse à cette observation qui paraît ju ste en e lle-m ê m e ,
au p re m ie r aspect, se puise dans les détails fourn is p a r le tém oin
lu i- m ê m e : on r e m a rq u e d ’abord q u e si l ’e r r e u r sur le temps
p récis de la d é livra n ce est é v id e n te , elle p e u t cependant ne pas
e n le v e r à l ’existence du fait m atériel toute sa r é a lit é ; d ’un autre
•côté, l ’âge en co re tendre de ce tém oin , au m om ent o ù les distri
bu tion s ont eu li e u , n'a d û lui laisser q u ’un so uven ir p e u fidèle
sur la date; tandis q u ’au c o n tra ir e , des circonstances p lu s faciles
à re ten ir frappaient nécessairem ent l ’esprit d ’ un enfant : c ’était
la présence du m êm e garde assistant à d e u x délivrances; c ’était
l ’objet de ces délivrances profitant a u m êm e dom aine h ab ité p a r
le tém o in , l ’un e servant a la construction d ’un p a r c , l ’antre à la
réparation d u sol de la gran ge.
V o ilà les impressions jîrem ières et durables q u i se sont natu
rellement. placées dans la m ém oire et ont p u s u r v i v r e , in d é p e n
dam m ent de la vérité de la d a te; de pareilles impressions servi
r a ie n t , au b e so in , à rectifier la date faussement énoncée. Les
d e u x faits ont pu se succéder à p eu d ’in te r v a lle , et les deux dis
trib ution s être l ’œ u v r e du garde T a lle t. C ’est ce q u e le souvenir
d u témoin a dû conserver co m m e chose certaine et positive; c est
aussi ce q u ’il faut a d m e ttre , sans q u e le démenti de la date d o n
née pat- le tém oin puisse l ’e m p orter.
Au. su r p lu s , le p re m ie r fa it, r e la tif à la d é livra n ce de bois
6
�( 42 )
p o u r u n p a r c , esi hors de toute contestation ; il reste au p ro c è s,
p o u r a ccr o îtr e les faits déjà p ré c é d e m m e n t é ta b lis , et attester
l ’e x e rc ic e c o n tin u des m êm es droits d ’usage, a u v u , au s u , et d u
co n se n te m e n t d u p ro p rié ta ire de la fo r ê t.
Q u a n t à la déclaration d u d e u x iè m e t é m o i n , Jean B r u g e a il ,
q u i ra p p e lle ra it des faits de d é livra n ce rem on ta n t exclusivem ent,
ainsi q u ’o n le p r é t e n d , à 1792 o u 1 7 9 3 , c ’ est-à-dire, a u c o m
m e n c e m e n t d u séqu estre, et q u i auraient e u lie u de la part d u
sieur M a n a r a n c lie , agent d ’affaires d u
sieur D e sa u ln a ts, on a
d it et l ’ on devait dii’e avec raison ( e n adoptant u n p are il p o in t
de d é p a r t ) , q u e le sie u r M an aran clie n ’avait évid e m m en t a u c u n e
autorisation à d o n n e r à cette é p o q u e , p u is q u e c ’était le sieur
B le t o n lu i-m ê m e q u i , c o m m e r e c e v e u r des dom aines, régissait
la f o r ê t séquestrée.
M a is u n e sim p le e x p lic a tio n fo u rn ie p a r le tém oin lu i-m ê m e ,
lo rs de sa dé p o sitio n , rép o n d a it e n co re à l ’o b je c tio n de l ’ap p e
lant. I l suffit, en e lf e t, de lir e attentivem ent cette d é p o sitio n ,
p o u r lu i co n server toute la fo rce et to u te la co nfiance q u i d o i
v e n t l ’e n t o u r e r ; c a r i e tém oin n e s’est pas u n iq u e m e n t restreint
à fix e r ces délivrances émanées d u sie u r M a n a r a n clie , à tre n te sept o u tre n te -h u it ans é co u lés au jo u r d e la déclaratio n ; il a aussi
a jo u té ces m o ts, et peu t-être plus : il a d o n c laissé u n e plus g ra n d e
la titu d e à la déterm in atio n vraie de l ’é p o q u e o ù les délivrances
ont été faites; et p o u r la r é g l e r avec p lu s de c e r t it u d e , c ’est l u i m ê m e q u i c o m m e n c e , avant d ’e x p o se r les faits à sa connaissance,
d ’a n n o n ce r q u ’il y a trente-sept o u tren te-h uit a n s , et peut-être
p lu s , a-t-il a jo u té , q u ’ élant au service d u sieur B l e t o n , il a v u
les fe rm ie rs de la G u iè z e a r r iv e r à T a u v e s , et p r é v e n ir q u e la
to itu re de la grange avait été a battue p a r les v e n t s , etc.
L e tém o in n ’a d o n c pas resserré dans le c e r c le de la p é r io d e
r e te n u e p a r l ’a p p e la n t, ce q u i était à sa connaissance perso nnelle,
et ce q u i pouvait c o n c e r n e r soit le sieur B l e t o n , soit le sieur
�( 43 )
M anaran clie. L a m é m o ire d ’u n c u lt iv a t e u r , toujours p lus fidèle
sur les circonstances des faits dont il d é p o se , qu e sur le u r date
p ré c ise , n ’était pas m ê m e en défaut dans ce cas p a r t ic u lie r ,
p u is q u e Jean B r u g e a i l , en se présentant devant le conseillercom m issaire, avait pris la p ré c au tio n de tém oigner de son em
barras h fixer avec ce rtitu d e l ’é p o q u e de ces faits; c ’est ce qui
e x p liq u e , après u n e in d ica tion a p p ro x im a tiv e de trente-sept ou
tren te-h uit ans, ces m o ts, et peut-être plus.
C ’en est assez, sans do ute, p o u r effacer e n c o r e , sous ce n o u ve a u
r a p p o r t , les critiques de l ’a p p e la n t; un e le c t u r e p lu s attentive
les aurait d ’abord écartées.
A i n s i , de tous ces prem iers faits d é c o u le la p re u v e acquise et
incontestable q u ’au j o u r d u séquestre de la forêt de L a r o c h e , en
i j ( j i , les droits d u sieur B leto n étaient entiers p o u r le chauffage
co m m e p o u r l ’ usage.
Ont-ils été conservés pendant la d u ré e d u séqu estre; c ’est ce
qu i ne p e u t d o n n er lie u à a u cu n e difficulté.
D e n o m b r e u x p ro cè s vei’b a u x sont rapportés ; ils justifient des
délivrances faites au sieur B leto n q u i , p a r lu i o u le sieur R e b o u l,
agissant dans u n intérêt c o m m u n , avait e u le soin de déposer son
titre au secrétariat de la p ré fe ctu re . L a m ain ten ue dans la pos
session avait été déterm in ée p ar l ’avis d u conservateur des eaux
et forêts, e t, en e x é cu tio n d ’i c e l u i , les distributions de bois d ’u
sage et de chauffage avaient co n tin u é.
T o u t e f o i s , il faut le recon n aître , ces d é liv r a n c e s, co m m e on
l ’a d i t , sem blent être provisoires seulem en t : les procès verbaux,
.ainsi q u e les actes administratifs pro duits dans la cause, r e n
fe rm e n t, au p ro fit d u p ro p r ié ta ir e , telles réserves et restrictions
de droit, s i le cas y éch et; mais il im p orte de rapp eler i c i , ce
q u ’on a déjà fait r e m a rq u e r a ille u r s , qu e ces réserves, tout à fait
m omentanées et presque de f o r m e , ont d û s’évan o uir b ie n t ô lj
p a r l ’ effet d ’u n e décision définitive q u e le conseil de p réfectu re
�( h\ )
'
avait r e n d u e , et qui se tro u ve é n o n cé e au d e rn ier p rocès verbal
de d é liv r a n c e , ce lu i du
•
5 août 1808.
D ès ce m om ent ( l'in s p e c t e u r des eaux et forêts le déclare lu i-
m êm e dans ce p ro c è s v e r b a l) , la situation des usagers qui ont fa it
les dépôts de titres, en conformité de la lo i du 28 ventôse an 1 1 , et
qui avaient été provisoirement adm is, par un arrêté du préfet du
P u y -d e -D ô m e , du 18 thermidor an 1 2 , à jo u ir des droits que ces
dépôtsfaisaient présum er, est devenue plusfavorable, par la décision
positive que le conseil de préfecture a rendue en fa v e u r de la plupart
des usagers.
L e sieur B leto n se trouvait n a tu re lle m e n t p la cé dans cette si
tuation in d iq u é e p ar l ’in sp ecte u r des e a u x et forêts; il devait dès
lo rs en r e c u e illir tous les avantages : c o m m e n t, en e ffe t, auraitil p u m a n q u e r a u x p re scrip tio n s de lo is , q u ’en sa qu alité de
r e c e v e u r des domaines et de régisseur de la forêt de Laroclie., il
était tenu de co n n a ître m ie u x q u e j^ersonne?
C ’éiait p o u r l u i u n e nécessité d ’intérêt et de p o s itio n , q u e de
se m ettre en m esure vis-à-vis l ’a u to rité adm inistrative.
M ais il y a plus e n co re : et la C o u r s’est empressée de le d écla
r e r p ar l ’ un des m otifs de son arrêt : c ’est q u e le sieur B le to n ne
p o u v ait pas e x e r c e r a u tre m e n t scs droits. S era it il d o n c a u jo u r
d ’ h u i f r a p p é , p arce q u ’il a u r a it e x é c u t é , p o u r la conservation
de la c h o s e , les o b lig atio n s rig o u re u se m e n t imposées p ar la loi
du temps? F a u d ra it-il ê tr e , à son é g a r d , p lu s sévère q u e la loi
e lle -m ê m e ?
Dans tous les cas, ces délivrances provisoires, si l ’on v e u t , p r é
sentent ce caractère précieuJc q u ’on ne peut le u r e n le v e r ; c ’est
q u ’elles arrivaient à la suite d ’autres d élivrances légalem ent fa i
tes; c ’est q u ’a 1 é p o q u e du séqu estre, en 1791 , les droits du sieur
B le to n étaient a
1 a b ri de toute p re sc rip tio n ; c ’est q u e le u r e x e r
c i c e depuis 1791 ju s q u ’en 1 8 0 9 , é p o q u e de la réin tégration de
1 ancien p r o p r i é t a i r e , dans les termes c l avec le m ode déterm inés
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p ar les lois transitoires, a conservé au passé tout son b é n cfic e, et
a revêtu d ’une présom ption légale et perm anente des droits mis
à p ro fit en p résence de l ’E iat ou de ses agens, légitimes contra
dicteu rs, et q u i n ’ont p r o n o n c é a u cu n e déchéan ce.
C ’esL au moins le résultat q u ’ il faut a cce p te r , au m ilieu de cette
in ce rtitu d e de législation , pendant la d u ré e du séquestre. Il nous
Suffit de savoir qu e le sieur Bleion l ’a traversé ave c des droits
toujours intacts, toujours exercés; com m e ils p o u v a ie n t , co m m e
ils devaient l ’être à cette épo que.
E n 1809, à la rentrée du sieur Dcsauînats dans la forêt de L a
r o c h e , l ’o rd re déjà établi a été co m p lètem en t r e sp e cté ; le n o u
veau p ro p rié ta ire n ’a pas c h e r c h é à contester les droits du sieur
B l e i o n , ni ce u x des autxcs usagers, dont il avait lu i-m ê m e une
parfaite connaissance. T o u s les p ap ie rs, tous les litres destinés à
l ’é cla ire r sur le n o m b re des usagers, co m m e sur l'éten d u e de
le u rs droits e i de leurs ch a rg e s, s’étaient retro uvés dans la su c
cession du sieur Desaulnals p è r e , et indépen dam m ent de ces renseignem ens faciles à r e c u e i lli r , l ’appelani avait e n co re auprès de
l u i , en 180g, le sieur M a n a r a n c lie , ancien s e r v ite u r , décédé
seulem en t en 1 8 1 2 , q u i , pen dan t longues années, avait p r é c é
d e m m e n t fait m a r q u e r et délivre r le b o is, et p erçu les redevances
des usagers.
E n vain s’est-on c o m p lu à présenter l ’appelant com m e in h ab ile
à ju g e r , dès les prem iers m oin ens, les droits du sieur B le io n , et
c e u x d ’autres réclam ans; en vain a-t-on dit qu’ en se montrant alors
trop sévère, il eût crainl d ’être injuste ; il crut donc devoir accorder
du l/ois, en attendant q u 'il p û t vérifier les titres.
U ne p a re ille c o n d u it e , lo u ie laudative d ’ailleurs p o u r le sieur
Desaulnals , p o u r r a -t-e lle être a c c u e illie sans opposition ? faudrat-il admettre avec c o n fia n c e , q u e le p re m ie r sentiment d ’ un
p ro p rié ta ir e , justement soigneux de ses intérêts, h abitué à les r é
g l e r avec o rd r e , h ab ile à les
p ro tég er,
ait été aussi empressé
�< 40 ) _
.
c l aussi b é n é v o le ? faudra-t-il re co n n a ître de b o n n e f o i, q u e la
crainte d ’u n e injustice ait d o m in é l ’esprit d u sieur Desaulnats ,
lo r s q u ’il n ’avait pas p ré a la b le m e n t v é r ifié , ainsi q u ’il v e u t bien
le d i r e , le titre justificatif’ de sa p ré te n tio n ?
F a u d r a - il c ro ir e enfin , q u e l ’appelant a r é p u d ié tous les avan
tages de sa p o s i t i o n , en 1809; q u ’il ait n é g lig é de co n su lte r tous
les anciens re gistres, tous les papiers de fa m ille entre s e s m a in s r
et q u ’il n ’ait pas m êm e in terro g é celu i q u i p o u v ait tout lu i d ir e ,
to u t lu i a p p r e n d r e , le sieur M a n a ra n ch e ?
Y o i l à , il fa u t en c o n v e n i r , de n o m b r e u x élém ens à la portée
de l ’a p p e la n t, et q u i devaient fixer incessamment la position des
usagers à son égard. E h b ie n , à l’en c r o ir e , ils auraient éclairé n o n
pas un sentim ent de ju stice, le p r e m ie r q u ’ils d evaient faire naître,
mais u n sentim ent de b ie n v e illa n c e q u ’o n ne dem andait p a s,
p a rce q u ’on l ’a cco rd ait co m m e u n e faveur.
L ’é lo g e , nous ne craignons pas de le d i r e , p e u t avo ir sans d o u te
son cûlé séduisant : mais la vérité m ise au gran d j o u r , ne lu i
d o n n e r a it - e lle pas q u e lq u e fo is u n dé m e n ti?
N o u s allons e n co re no us en a p e r c e v o ir , en p a rco u ra n t r a p i
dem en t les dépositions des tém oin s, sur les délivrances faites p a r
le sieur D e sa u ln a ts, depu is 1809; c a r i e caractère q u i les en toure
p r o u v e r a évid em m en t q u ’elles n ’avaient rie n de p ro visoire, et qu e
le p ro p rié ta ire de là f o r ê t , en les e f fe c t u a n t , entendait r é e lle
m ent consacrer la reconnaissance d ’un d ro it ju s q u ’alors e x e r c é ,
et no n pas fa ire des concessions m om entanées à des rapports de
b o n voisinage.
I l suffira de r a p p e le r q u e lq u e s dépositions des n o m b r e u x té
m o in s déposant sur ces faits.
L e c in q u iè m e tém oin de l ’e n q u ê te d i r e c t e , an cien g ard e de la
fo rê t de L a r o c h e , et q u i , p lu s tard , après la levée d u séqu estre,
passa au service de M . Desaulnats pendant c in q années, dépose
q u e lo rsque ce lu i- c i avait été réin té g ré dans sa p r o p r ié té , il lu i a
�(
47
)
e ntendu dire au n o m m é Chassagne , fermier- du dom ain e de lu
G u i è z e , q u i lu i demandait d u bois de c o n s t r u c t io n , qu’ il ne lu i
en marquerait p oin t, tant qu’ il ne payerait pas la redevance.
C o m m e on le v o i t , le d roit d ’ usage n ’était donc pas conlesté
en lu i-m ê m e ; le sieur^DesauInats le reconnaissait, au co n tra ir e ,
fo rm e lle m e n t, p u is q u ’il n ’en faisait dé p e n d re l ’e x e rc ic e qu e d ’un
fait perso nnel au fe rm ie r , celu i du p ay e m e n t de la red evance.
N o u s verron s b ie n lô t qu e ce p ay e m e n t a été effectué avec
e xa ctitu d e . U n e seconde circonstance est ra p p e lé e p ar le m êm e
tém oin : e lle est rela tive à un autre fe rm ie r d u do m ain e, appelé
Goigou-Baraille -, il e u t besoin de bois p o u r réparation des bûtim e n s , depuis la p o rte de la g ran ge , au-dessus de la maison , j u s
q u ’au f o u r : la délivrance en fu t opérée p a r le sieur Desaulnats
et p ar M i c h e l, son d o m e stiq u e , remplissant égalem ent auprès
de lui les fonctions de g a r d e , et d 'h om m e de confiance.
L e tém oin n ’affirme pas, il est vrai, q u e M . D esaulnais était
présent à cette d é liv r a n c e , mais il assure qu e M i c h e l a m arqu é
et d élivré le b o is, ce q u i devait être facile p o u r ce d e r n i e r ; car,
dit le d é p o s a n t, lorsque M . Desaulnats était absent, son domestique
M ich el était porteur du marteau propre à marquer le Lois.
L e d om estiqu e avait en effet la p lu s grande confiance de son
m aître : c ’est lu i q u i , depuis plusieurs a n n ées, connaissait le
n o m b r e et les droits des usagers : c ’est lu i qu i rem plaçait le sieur
D esaulnats, et m a r q u a it, en son a b se n c e , a\ec le marteau fo
restier laissé entre ses m ains, les arbres de chauffage et d ’usage.
A u s s i, q u e l q u e soit le doute à é le v e r sur la présence du sieur
D e sa u ln a ts, a u j o u r de la d élivran ce faile au ferm ier G o i g o u ,
p o u r les réparations des bâtim ens de la G u i è z e , il faudra toujours
r e c o n n a îtr e q u ’il y a ce rtitu d e acquise p ar la déclaration du té
m o i n , sur la présence d u dom estique M i c h e l , représentant en ce
p o in t le p ro p riéta ire de la f o r ê t, et caractérisant la d é livra n ce
q u ’il e ffe c tu a it , p a r le signe le m oins é q u i v o q u e , l ’e m p rein te du
m arteau d o n t il était le p o rte u r.
�I
( 4.8 )
L e h u itiè m e tém o in , ferm ier du dom aine il y a q u in ze a n s ,
et qu i était a llé à plusieurs fois dans l ’arrière saison, c h e r c h e r d u
Lois de chauffage, atteste égalem ent q u e ce bois avait été m a rq u é
p ar M i c h e l , désigné par lui co m m e garde du sieur D esaulnats,
et q u i se servait à cet effet d ’ un marteau forestier.
T e l était d o n c l’o rd re établi p a r l ’a p p e la n t, en son a b s e n c e ,
afin de satisfaire a u x besoins des usagers, q u e des circonstances
im p ré v u e s, surtout p o u r les bois de c o n s t r u c t io n , p o u v a ie n t faire
naître tout à co u p ; ils tro uvaient sans re ta rd , auprès d u garde
M i c h e l , les m o yen s d ’o b te n ir
ré g u liè re m e n t ce q u e le sieur
Desaulnats n ’aurait p u le u r refuser.
L e septième tém oin, qu i est en co re u n an cien fe rm ie r, parle de
b o is de chauffage m arqués et d é livrés par le sieur D esaulnats; il
avait d ’a b o rd d é cla ré q u e c e lu i- c i lu i avait aussi d é liv r é d u bois
p o u r réparations a u x bâtim ens du d o m a in e ; mais en co n su lta n t
m i e u x ses so u ven irs, il dépose q u e ce bois de co n stru ctio n a été
r é cla m é et r e ç u p a r le sie u r B le t o n , sans p o u v o ir toutefois se
r a jip e le r par q u i il fut m a rq u é et d é livré .
Cette différence établie p ar certains tém oins, qu an t a u x p e r
so nnes, p o u r r e c e v o ir le bois de ch auffage o u d ’usage, se c o m
p r e n d aisément par la destination de l ’objet d é liv ré , et l’intérêt d u
p ro p r ié ta ir e d u d o m ain e dans l ’u n o u l ’autre cas. S ’agissait-il d u
bois de ch auffage? le fe rm ie r était a p p e lé en p re m iè re l i g n e , à
s’ en o c c u p e r ; il devait faire p o u r l ’h iv e r la provision du dom aine;
ce soin le tou ch a it p a r tic u liè r e m e n t; c ’était en q u e l q u e sorte sa
chose p r o p r e . S ’agissait-il, au c o n t r a ir e , d u bois d ’usage? la
position ri’était p lu s la mêm e; il fallait alors rép a rer u n bâtim ent
d o n t la conservation ne devait intéresser q u e seco ndairem en t le
f e r m i e r , et intéresser p lu s sp écialem ent le p ro p riéta ire : la p ré
sence de c e lu i- c i, qu i n ’était pas d ’ailleurs d ’o b lig a t io n , p o uvait
dans ce ca s, n a tu r e lle m e n t in te r v e n ir avant c e lle d u ferm ier.
C ’est ce qu i est a rriv é dans les circonstances indiquées pur le
�^
( 4 9 )
septième tém oin. I l a r e ç u , en sa qu alité de ferm ier, le bois de
ch a u ffa g e , et le sieur B le t o n , intéressé à surveiller le c h o ix des
a rb re s, a r e ç u le bois d ’usage. Cette e x p lic a tio n , qu i doit s’a p
p liq u e r à d ’autres déclarations de tém oins, p e u t faire com prendre
aisément q u e tous les ferm iers q u i se sont succédés dans le do
m aine de la G u ie z e , n ’ont pas toujours assisté à la m arque et dé
liv r a n ce im médiate d u bois destiné aux réparations; ils n ’arrivaient
’ souvent dans la forêt qu e p o u r ex p lo ite r les a rb re s, c ’est-à d i r e ,
p o u r c o n s o m m e r l ’opération p réalablem ent et contradictoirem ent
arrêtée entre le p ro priétaire d u domaine et celu i de la forêt. I l
fa u t en co re ajouter qu e la nécessité d u bois d ’u s a g e , n ’a pas d û
se faire sentir aussi souvent q u e ce lle d u bois de chauffage.
L e s n e u v iè m e et d ixièm e témoins de l ’en qu ête directe p arlen t
de faits co ncernant à la fois la possession du s ieur B leto n et ce lle
d u sie a r D e lsu c ; ils constatent tous d e u x des délivrances de bois
de chauffage et d ’usage : c ’était tantôt le sieur Desaulnats q u i fai
sait m a rq u er et dé livre r le bois en sa p ré se n c e , tantôt le garde M i
c h e l se u l, entre les mains d u q u e l était déposé le marteau forestier.
L e n e u v iè m e tém oin dit a vo ir e u beSoin, à d e u x lois, de bois
d e co nstru ctio n p o u r ré p a re r d ’a b o rd le sol de la g ra n g e , et
ensuite u n e petite étable : les réparations ont été faites p a r le
ch a rp e n tie r G a y : dans les d e u x circon sta n ces, on avait p ris dans
la forêt de L a r o c h e , le bois qu i avait été préalablem ent m arqu é.
Ces d e u x témoins s’accordent à dire q u e l ’ex e rc ic e des droits
appartenant a u dom aine de la G u i è z e , n ’a jamais été contesté par
le sie u r Desaulnats lu i-m ê m e , q u i n e réclam ait q u ’u n e chose
à c h a q u e dem ande en d é liv ra n ce , s a v o ir , le p ayem en t de la
r ed eva n ce. A p e in e ce p a y e m e n t , s’il avait été retardé p ar la
n é g lig e n ce d u. f e r m i e r , était-il e f f e c t u é , q u e la délivrance s’e x é
cutait sans a u c u n e autre opposition.
P a rm i les autres témoins de l ’enqu ête directe, il en est encore
d e u x q u i v ien n en t à l ’ap p u i des mêmes faits, déjà si b ie n cons-
7
�( 5° )
tatés. L ’u n d ’e u x , le o n z iè m e , fe rm ie r du dom aine depuis Iiuit
ans, dépose q u e , pendant les qu atre p rem ières années, il est allé
p re n d re d u bois de c h a u ffa g e , d e u x fois par a n , au printem ps
et h l ’autom ne. S i x délivrances lu i on t été faites p a r le sieur
D e sa u ln a ts, et d e u x autres p ar son garde M i c h e l.
I l ajoute q u ’à u n e é p o q u e où les vents avaient abattu u n e
quantité d ’arbres assez co n sid érab le p o u r entraver le passage
des hom m es et des b e s tia u x , le bois q u i fu t alors d é liv r é p o u r
le c h a u ffa g e , avait été p r é c é d e m m e n t du marteau par le
sieur Desaulnats.
C ette p ré c au tio n d u p ro p rié ta ire de la fo r ê t, répétée à c h a q u e
d é liv r a n c e , d é m o n tr e , co m m e on p eu t aisém ent le p ressen tir,
q u e , dans cette circo n sta n c e , co m m e dans toutes les autres déjà
r a jip e lé e s , la distribu tion d u b o is , au m ilie u des dégâts o c ca sionés p ar les vents, n ’était pas sim plem ent faite à litre de b o n
AToisinage; car a u trem en t à q u o i bon l ’e m p rein te d u m a r t e a u ?
E l l e ne devenait ici néccssaii’e q u e p a rce q u ’en consacrant u n
d r o i t , e lle consacrait u n e ch a rg e.
L ’autre tém o in , le d o u z iè m e , est le n o m m é G a y , ch a rp e n tie r ;
il a , co m m e on le sait, été ch a rg é de différentes réparations a u
dom aine de la G u iè z e .
I l dépose q u e , p o u r faire ces réparations au sol de la g ra n g e
ci à l’habitation m êm e d u fe rm ie r, sur le d e r r iè r e , à l ’aspect de
n u i t , les bois on t été pris , il y a h u it o u n e u f a n s , dans la fo rê t
de L a r o c h e , et marqués par M . Desaulnats et son g a r d e , en sa
présence ( d e lu i d é p o s a n t ), et en c e lle du sieur D e l s u c , sans
n éanm oins afiirmer q u e celui-ci était p ré s e n t; mais il p en ch e ce
p en d an t à cro ire q u e M . D e ls u c a d û assistera c e lle opération ,
p arce q u ’on ne m arqu ait pas ord in a irem en t du bois en son a b
sence.
C e n o u v e a u fait de d élivran ce , aussi bien caractérisé, sera-t-il
égalemeint considéré p a r le sieur Desaulnais, co m m e l ’elfel d ’un e
�to lé ra n ce , ou le résultat d ’un bo n voisinage? U n e sim ple obser
vation repousserait de semblables explications. Si ce fait eût
a p p a ru seul au p r o c è s , il remplissait le voeu de l ’arrêt in te r lo
c u t o i r e , en ce qu i co n ce rn e la délivrance d u bois d ’usage, qui
ne se re p ro d u it pas annu ellem ent. Il aurait attesté q u e , clans le
cours des trente années antérieures a la dem an de, la délivrance
d u bois de, construction avait été fa ite , au m om ent de la néces
sité, au v u , au su, et du consentement du propriétaire; dès lors la
p re u v e mise à la ch arge de l’in tim é, sous ce rapport, était a c c o m
p lie .
Mais le sieur D elsu c n ’est pas r é d u it, co m m e on-a p u le v o ir ,
à in v o q u e r un fait u n iq u e de d é liv r a n c e , soit p o u r le droit d ’u
sage, soit p o u r le droit de chauffage. C e lu i q u i vient d ’être r a p
p e lé p ar le tém oin G a y , se ré u n it à tous les faits n o m b r e u x
déclarés par les autres témoins; ils s’enchaînent m u tu e lle m e n t ,
et co n tin u e n t, de l ’ un à 1 a u tre , cette possession légale q u i n ’a
jamais été in t e r r o m p u e , et qu e les anciens , com m e les n o u v e a u x
pro priétaires de la forêt de L a r o c h e , ont toujours respectée.
C ’est ainsi q u ’une seule et m êm e possession, ce lle des sieurs
B leto n et D elsU c, se trouve successivement établie p ar ra p
p o r t au sieur de L a b r o , au g o u v e rn e m e n t, et au sieur Desaulnais.
L e provisoire p e u t-il co m p orte r un e p areille d u r é e ? L a tolérance
est-elle aussi lo n g u e m e n t g én éreu se?
U n état incertain p o u r le p ro p rié ta ire, et bie n v eilla n t p o u r
l ’usager, aurait p u , sans d o u te , se co m p re n d re pendant quelques
a n n ées; mais lorsque le môme d ro it, reposant sur u n titre an
c i e n , s’e x e rc e p u b liq u e m e n t et co n tra d icto ire m e n t, pendant
p lu s de d e u x s iè c le s , il n ’est plus possible d ’associer le provisoire
à la validité du litre , et à la fa veu r d ’une possession entourée
d ’un aussi lo n g temps.
UèeonnaissonS-le d o n c ; e t , sans q u 'il soit besoin d ’interroger
de n o u ve a u x témoins , notam m ent les d eu x ièm e , quatrièm e et
7
*
�( 5 2 }
six iè m e de la co n tin u a tio n d ’e n q u ê te , présentant les mêm es r é
sultats, reconnaissons q u e le sieur D e ls u c a co m p lè te m en t ju s
tifié la m a in ten u e de ses d ro its, q u an t à la d é livra n ce d u b o is ,
p a r u n e x e rc ic e c o n t in u , et c o n n u d u p ro p r ié ta ir e de la forêt.
T o u r s les faits déclarés p ar les té m o in s, sont p r é c is , positifs et
p ro ba n s ; ils s’ab u te n t t o u s , sous ce p o in t de v u e , ave c la p r e u v e
im posée p ar l ’arrêt in te r lo c u to ir e ; ils en rem plissent les e x i
g ences.
I l est surtou t ici u n e r e m a rq u e im p orta n te à p oser, c ’est q u e la
p r e u v e de ces d élivra n ces successives, au v u , au s u , et du conseil'
tement du propriétaire, n ’ est affaiblie, en a u c u n e m a n iè r e , p a r
l ’e n q u ê te c o n tra ir e . L a p lu p a r t des tém oius entendus à la r e
q u ête d u s i e u r D e sa u ln a ts, o n p e u t d ire p resq u e tous, n e savent
rie n sur la contestation a c tu e lle ; le u rs déclarations tendraient
se u lem e n t ( et c ’est là l ’ensem ble de cette e n q u ê te ) , à la ire
co n n aître les bo n n es dispositions d u sieur D esaulnats, à l ’é gard
d e ses voisins, en le u r p erm ettan t facilem ent de p re n d re d u b o is
q u i, su iva n td e u x tém oins, n ’était pas m a r q u é avant la r é v o lu t io n ,
et q u i , depuis, l ’avait tou jou rs é té ; mais ces bo n n es dispositions,
h o n o rab le s p o u r le sie u r D esaulnats, p e u v e n t être a g réées, sans
p o r t e r d ’a ille u rs atteinte a u x droits d u sieur D e ls u c ; u n e dis
t r ib u tio n b é n é v o le de b o is de c h a u ffa g e , se c o n ç o it aise'm enten
certain temps des années , et p o u r certaines gens.
I l n ’y a là a u c u n e in d u c tio n à re te n ir co n tre l ’ intim é.
I l en d o it être de m êm e de ce q u e le q u atriè m e tém oin a p u
f a i r e , dans ses p ro p re s c o n v e n a n c e s , p a r r a p p o r t a u sieur D e saulnats; s’il fa u t l ’en c r o ir e , il avait élevé la p ré te n tio n d ’u n
d ro it d ’usage, et o b te n u provisoirement de l ’app elant q u e lq u e s dé
liv ra n c e s , en attendant l ’e xam en de ses d r o it s : il a u ra it m êm e
p a y é la r e d e v a n ce ; mais en i 8 i 5 o u 181G, c e t état p ré c aire n ’a
p lu s e u lie u ; le tém oin n ’a ya n t pas tro uvé son t i t r e , a cessé spon
tanément de ré cla m e r d u bois.
�(
53)
y )
V o ilà en co re u n fait assez insignifiant dans la cause, et q u i , en
le supposant e x a c t , reste exclu sivem ent personnel au tém o in ; iï
n ’apporte a u cu n e conséqu en ce contre les droits du sieur D e lsu c ;
la position n ’est p lu s la m ê m e , com m e il est facile de le rem ar
q u e r : il suffit, a u s u r p l u s , de d ire q u e le titre n ’est pas ici perdu,
et q u e les caractères des n om breuses délivrances faites à l'intim é
n e présentent rien de p ré c a ire .
P e u im p o rte e n fin , q u e le second t é m o in , déposi taire des pa
piers relatifs à la terre de L a b r o , à la q u e lle était attachée la forêt
de L a r o c h e , a it, d ’après la demande d u sieur D e l s u c , exam iné
les titres, p o u r savoir si u n e fa m ille F u m â t n ’avait pas q u elq u e s
droits sur cette f o r ê t, et q u ’il n ’ait rien d é co u v e rt ; cette r e c h e r
c h e , in u tile m e n t f a i t e , n e saurait n u ir e a u succès de l ’action
D e l s u c , p u is q u ’i l p ro d u it le titre des F u m â t dont il est l ’ayant
d r o it, et justifie l ’e x e rc ic e des droits en résultant.
A i n s i , to u t a été p r o u v é , quant à la d élivran ce d u bois de
chauffage et d ’usage, non-seulem ent dans le cours des trente an
nées antéi’ieures à la d em an de, mais p o u r des temps p lu s r e c u
lés : T u n e des conditions de l ’arrêt in te r lo cu to ir e d u 1 5 mars i 85 o
a été re m p lie .
A c t u e l le m e n t , il faut d ém o n trer q u e le p ay e m e n t de la rede
v a n c e , élém en t inséparable d u d ro it d ’u sage, tel q u ’il était
c o n fé ré p a r l ’acte d u 17 d é ce m b re 160/1., a suivi ou pre'cédé la
d é liv r a n c e ; c ’est la seconde co n d itio n dont l ’accom plissem ent
devait être p ro u v é p a r le sieur D e l s u c , a u x termes de l ’arrêt
in terlo cu to ire .
P a rc o u r o n s rapidem ent les dépositions des témoins sur cette
partie d u procès.
L e troisième de l ’en qu ête d ir e c te , L é g e r D u f a u d , qui se t r o u
vait dans le dom aine en 1788, dépose q u ’on payait annu ellem ent
la r e d e v a n c e , en h iv er o u au co m m e n ce m e n t d u p rin tem p s; il se
r a p p e lle avoir entendu d ire p ar son p è r e , tantôt q u ’il revenait de
�( 54 )
p o rte r l ’avoine due p o u r cette redevance au sieur M anaran ch e
liom m e d ’aiFaires d u sieur D e sa u ln a ts, tantôt q u ’il fallait p re n d re
la ju m en t d u d o m a in e , et a lle r p o rte r cette avoine audit sieur
Manare* nch e.
L e troisième tém oin de la co n tin u ation d ’e n q u ê t e , dont la
déclaration se rapp orte à la m êm e é p o q u e , atteste égalem ent le
p ay e m e n t a n n u el de la redevance ; il l ’a portée lu i- m e m e à S ain tP a r d o u x , lie u d ’habitetion d u sieur Desaulnats et de son h o m m e
d'affaires.
U n e circon stance p ro p re à fix e r les,souvenirs d u tém oin est
r a p p e lé e par lui ; il a va it, u n e a n n é e , fait m esu rer l ’avoine ré
co lté e dans le dom aine de l a G u i è z e , e t , de son côté , le fe rm ie r
avait mis un sac à l’é c a r t , p o u r le p o r t e r a S a in t-P a rd o u x ; mais
il le négligea , et l ’année suivante , le sieur M a n a ran ch e é c r iv it
au sieur B le t o n , p o u r le p ré v en ir de ce t o u b li. C ’est alors q u e
le d é p o sa n t, d ’après les ordres de son m a îtr e , se rendit à Ja
G u i è z e ; y fit m esurer d e u x setiers d ’avoine q u ’il ch argea sur u n e
ju m e n t. C ’est aussi lu i-m ê m e q u i les porta à S a i n t - P a r d o u x , au
sieur M a n a r a n c h e , dont q u itta n ce lu i fu t donnée et rapportée
au sieur B leton .
V o i l à , il faut en c o n v e n ir , d e u x dépositions b ie n précises et
concord an tes sur le p ay e m e n t de la re d e v a n ce , avant l ’apposition
d u séquestre sur la forêt. E lle s présentent ce p o in t de vu e assez re
m a r q u a b le , c ’est q u ’en retraçant des faits personnels à c h a c u n des
tém o in s, et q u i ne laissent a u c u n d o u te sur la lib é ra tio n a n n u e lle
d u prix «le la co n ce ssio n , il y est lait m ention d u soin p a r tic u
lie r de l ’agent d ’alfaircs, le sieur M a n a r a n c h e , à ne laisser eiï’e c tu e r les d élivrances q u ’au fur et à mesure du p ay e m e n t de la
red eva n ce. U ne p rem ière d élivran ce p o uvait a vo ir li e u , sans e x i
g e r à l ’instant et p réa la blem en t q u e l ’ usager r e m p lît cette o b l i
gation ; mais avant la sècb'nde , l ’o u b l i , s’ il avait été com m is , était
aussitôt r a p p e lé ; il fallait im m édiatem ent le réparer : c ’était lu
condition p re m iè re d ’ une n o u v e lle d istribu tion .
�(
55
)
C o m m e n t c ro ire dès lors a u n o n -p a y e m e n l, à la suite des n o m
breuses délivrances soit au sieur B l e i o n , soit au sieur D elsue ,
délivrances attestées p a r tous les tém oins? C ’est ce q u ’il est impos
sible d ’admettre. L a présom ption contraire serait toute de droit ;
e lle m iliterait ici avec l ’intérêt du p ro p r ié ta ir e , qui l ’averiissait
suffisamment, à c h a q u e dem ande de l ’u s a g e r , s’il y avait eu silence
des témoins sur ce point.
M a i s , dans le cas p a r tic u lie r rapp elé p ar le troisième témoin
de la co n tin u ation d ’e n q u ê te , il n ’est pas nécessaire de r e c o u r ir
à ces'p réso m p tion s; le p ayem en t a été certifié par u n e qu ittance
fo u rn ie au d é p o sa n t, et q u ’il a lu i-m êm e remise au sieur JBlcton.
Jusque-là l ’e x e rc ic e du d roit a été légal ; la possession s’est m ain
tenue avec toutes les conditions déterminées par l ’a c te d e c o n c e s
sion de i G 3 4 , et retenues p a r la décision de la C o u r .
A l lo n s plus en avant, et -voyons ce qui s’est passé au temps d u
séquestre sur la forêt de L a r o c h e . A cette é p o q u e , le sieur Bleton , en sa q u alité de re ce ve u r des domaines , était l ’adm inistra
te u r de la forêt ; il aurait mêm e été c h a rg é , à en ju g e r par q u e l
ques actes, de r e c e v o ir le p rix des concessions faites aux diiférens
usagers. E n acceptant cet ordre de c h o s e s , le sieur B leio n a dû
s’ en a cq u itte r r é g u l i è r e m e n t , et ne pas o u b lie r de co m p re n d re
dans le r e co u v r e m e n t ce q u ’il était perso nnellem ent tenu de
p a y e r. U n e n é g lig e n ce à cet égard eût été un m anquem ent à des
d e vo irs, dont il connaissait toute l ’é te n d u e , et q u ’011 ne p eu t
g ratuitem ent lu i supposer.
M a is , on le dem an de, q u e l p o u v ait être l ’intérêt du sieur Bleton dans les payeinens de redevance imposée a u x droits d ’usage
d u dom ain e de la G u iè z e ? devait-il en profiter jiersonnellem e n t?
N o n , sans d o u te : il ne jouissait pas par lu i-m ê m e de ce d o
m a in e , q u ’il avait constam ment affermé , com m e de n o m b r e u x
tém oins.en dépo sent, et l ’un e des conditions expresses du bail
�(
56
)
(le sieui’ B leton fils , troisième tém oin de l ’e n q u ê te co n tra ire , le
déclare) était de p a y e r au sieur D esaulnatsj en sus d u p r i x , u n
setier d ’a vo in e p o u r les droits d ’usage. O r , q u e l le q u e p û t être la
b ie n v e illa n c e d u r e c e v e u r des dom aines "vis-à-vis les ferm iers d u
do m ain e de la G u i è z e , il n ’avait a u c u n bé n éfice à attendre de
l ’in e xactitu d e de ses ferm iers : ce u x -ci étaient, au co ntraire ,
co m m e le p ro p rié ta ire , puissam m ent intéressés à satisfaire soi
gneusem en t à le u rs o b l i g a t i o n s , afin d ’o b te n ir l ’e x é c u tio n de
l ’o b lig a tio n c o r r é la t iv e , la d é liv ra n ce de bois.
Il faut b ie n e n c o r e r e m a r q u e r q u e ces délivrances étaient r é g u
liè re m e n t faites par l ’in sp ecteu r des eaux et forêts , en p résen ce
d u so u s-in sp ec te u r, d u garde g é n é ral et des gardes particuliers.
S i des p ayem ens n ’avaient pas été effectués, i l y avait aussitôt
p lu s d ’un e v o ix p o u r r é c la m e r , et les délivrances n e p ou v aien t
être ré e lle m e n t faites q u e p a r la connaissance acqu ise , o u p a r
la ju stification p ré a la b le d u p a y e m e n t de la re d e v a n ce . O n doit
c o n c lu r e de là q u e toutes les d élivra n ces attestées a u x différens
p rocès v e r b a u x p ro d u its dans la ca u se , em p o rten t avec elles la
dém onstration lé g a le de l'a cq u itte m e n t de la re d e v a n ce . L ’Etat
o u ses agens présens à ch a q u e d é l i v r a n c e , n ’a u ra ie n t pas alors
m a n q u é de la suspendre à l ’égard des usagers en retard de p a y e r
le p r ix de le u r concession.
F e r a -t-o n u n r e p ro c h e au sieur B l e t o n , o u q u o i q u e ce s o i t ,
au sieur D e lsu c qu i le re p ré se n te , de n e r a p p o r te r a u c u n e q u it
ta n c e , pas m êm e c e lle r e ç u e par le troisième tém oin de la co n
tin uation d ’e n q u ê t e , et remise au sieur B leto n ? C e r e p r o c h e
p e u t facilem en t s’écarter p ar cette c ir c o n s ta n c e , q u e la maison
de ce d e rn ie r a été in cen d iée le
25 août 1 8 2 8 , et q u ’au m ilie u du
désordre occasioné par u n p areil é vé n e m e n t, des papiers im p ortan s, des do cum en s p r é c ie u x , des quittances on t p u disparaître.
Si cette ex p lic a tio n , d ’a illeu rs b ie n p r o b a b le , devait tomber4
devant u n inventaire des papiers d e l à fam ille B l e t o n , et n ’énori'
�(
*7 )
çant a u cu n e qu ittance , il faudrait alors en reve n ir a u x clauses
des différons b a u x d u dom aine de la C u iè z e ; là on verrait q u e le
fe rm ier était seul tenu de p a y e r a n n u ellem en t la re d e v a n ce , et
p ar su ite , devait séul re tir e r et ga rd er les quittances. C ’était la
lib é ra tio n d ’ une ch a rg e imposée vis - à-vis un tiers. L e propi iétaire d u dom aine n ’était pas astreint à r é cla m e r et conserver ces
q u itta n c e s , p arce q u ’à ses y e u x , Ja d é livra n ce successivem ent
laite du bois de chauffage et d ’ usage, dénotait suffisamment l ’a c
q u itte m e n t de la redevance. S i un obstacle avait surgi , c ’est
co n tre le fe rm ie r q u ’il se serai): r e to u r n é , et lu i
aurait d e
m andé la p re u v e d u p a y e m e n t; c ’en était assez p o u r laisser la
qu itta n ce entre les mains d u fe rm ie r, partie p r in c ip a le et inté
ressée à en su r v e ille r la c o n se rv a tio n , soit p o u r la m o n tre r au
p r o p r ié ta ir e d u d o m a in e , ce qu i p ro u va it l ’e x é c u tio n d u b a i l ,
soit p o u r en justifier auprçs du p ropriétaire de la fo r ê t, ce q u i
assurait les réclam ations de bois.
A i n s i , q u elle s que soient les idées à a cce p te r dans ces p r e
m iers temps d ’o r a g e , au m o m ent du séquestre sur la forêt de
L a r o c h e , à u n e é p o q u e o ù les lois étaient e n co re transitoires,
e tle s m o yen s d ’e x e r c è r ré g u liè re m e n t les droits en co re incertains,
il faut cependant recon n aître q u e l ’ordre c o m m e n c e à se réta
b l i r p a r l ’arrêté d u p r é fe t, du j 8 t,hei-midor an 12 , donnant e x é
c u tio n a u x lois de p o lic e de ventôse an 11 et 12 , sur les forêts.
Dès ce m o m e n t , l ’autorité p u t co n ven ab lem en t a g i r , ré p r im e r
les usu rp a tion s, et sanctionner les droits a pp u yés de titres vala
b l e s .- C ’est dans cette dernière catégorie q u e le sieur B leto n fut
im m édiatem en t placé. Dès l ’an i 5 , des délivrances de bois lu i
avaient é té p ro v iso ir e m e n t faites. D èsil’année
i.8q0, il fut m ain
t e n u , par u n avis favorable du conservateur des eaux et forets,
dans la possession de ses droits d ’usage et de chaufl"ag e > en ^,n >
d ’autres p ro cès v e r b a u x de d é liv r a n c e , de 1807 et 1 S 0 8 , sont
venus co n sa cre r définitivem ent un ex e rc ic e l é g a l , c est-a-dire,
8
�. ( 58 )
des délivrances constam m ent suivies d u p ay e m e n t de la re d e
v a n c e . C e sont là des actes administratifs et forestiers q u i reste
ro n t au p ro cès co m m e pièces probantes. L e u r n o m b r e dispense
de la p r o d u c t io n des q u itta n c e s, soit p arce q u ’elles ont d û rester
entre les mains des fe r m ie r s , soit p arce q u e les délivrances ont
d û sim ultaném en t c o n c o u r ir avec le p a y e m e n t d e l à redevance.
L e s o b lig ation s étaient ici corrélatives. L a d é livra n ce de bois
faite au sieur B le to n , em p ortait a vec e lle en m êm e temps la r e
connaissance d ’ un d ro it q u ’on ne p o u v a it alors e x e r c e r a u t r e
m ent , et l ’acq u itte m e n t de la ch a rg e q u ’o n n e p o u v ait jamais se
dispenser de payei'.
C ’est ainsi q u e les choses ont d û se passer ju s q u ’en 1809, é p o q u e
de la ré in té g ration d u sieur Desaulnats dans la p ro p r ié té de la fo
r ê t de L a r o c h e .
E c l a ir é p a r les registres et papiers de fa m ille mis à sa disposi
tio n , co m m e p ar les renseignem ens d u sieur M a n a r a n c h e , alors
e x is ta n t, sur la v é r ita b le p osition des usagers, sur le u r s droits
et leurs titres, le sie u r Desaulnats s’empressa d e r e c e v o ir le p r i x
des délivrances q u ’ il ne p o u v a it contester au sieur B leton .
O n a déjà v u q u e de n o m b r e u x tém oins déposaient de ces d é li
vrances ; il ne reste p lu s q u a r e c h e r c h e r dans les e n q u ê te s , si le
p a y e m e n t de la re d e v a n ce est aussi b ie n constaté.
U n e d é clara tio n im p ortante à saisir, dès le p r e m ie r e x a m e n ,
est c e lle d u d ix iè m e t é m o i n , de M a r ie E r a g n e , fem m e de F r a n
çois S e y c h a l , ferm ier d u dom ain e de la G u iè z e . P e n d a n t la p r e
m iè re année de l ’acq u isitio n d u sieur D e ls u c , e lle avait engagé
son mari à dem an der a u sie u r Desaulnats u n e qu itta n ce de l ’a
v o in e q u ’ il lu i avait p o rté e : q u e lle f u t sa r é p o n s e ? Q u ’ en h ù
délivrant du bois, c ’était sa quittance.
C e lt e réponse , q u e les faits successifs de d é livra n ce c o n firm en t
p le in e m e n t , e x p l i q u e , dès l ’entrée de c a u s e , la co n d u ite d u
6ieur D esaulnats, vis-à-vis les ferm iers d u dom aine de la G u i è z e ;
�( % )
c était de ne pas le u r d o n n er u n e quittance de l ’avoine q u ’ils
lu i p o r ta ie n t; il y suppléait aussitôt, en faisant la délivi’ance ;
e lle était en ellet u n acte vo lo ntaire d u p ro priétaire de la fo rê t;
elle devait être aussi u n signe caractéristique d u p a y e m e n t, sur
tout lo r s q u ’ e lle se re p rod u isait pen dan t p lusieurs années. Ce
m o d e d ’agir étant c o n n u , il n ’est p lu s d ’e x ig e n ce à faire valoir
co n tre le sieur D e l s u c , s’il ne p r o d u it pas de p iè c e accusant
littéralem ent la ré cep tion de q u e lq u e s seiiers d ’avoine ; les f e r
m iers d u dom aine de la G u iè z e en auraient in u tile m e n t ré cla m é
d u sieur D esa u ln a ts, qu i n ’était pas dans l ’h ab itude d ’en fou rn ir.
L a circonstance rapp elée p a r ce dixièm e t é m o i n , ne fait pas
seulem en t naître ces l’é ile x io n s, mais e lle do n n e aussi la m esure
des m o yen s opposés p ar le sieur Desaulnats co n tre l ’in tim é, car
il lu i fait positivem ent le sin g u lier r e p r o c h e de ne pas représen
ter a u jo u r d ’ui la qu ittance q u ’il n ’a pas v o u lu lu i-m ê m e d o n n er.
C ’est-à-dire , q u ’avec ce s y s tè m e , les droits d u sieur D e lsu c
seraient livrés à la discrétion de son a dversaire, d o n t le lana
ens de sa situao acoe varierait a u f u r et à m esure des cliancem
o
tio n . T a n tô t i l recevrait l ’avoine des fe rm ie r s, et le u r fe ra it, en
l’e m p la ce m e n t de q u it t a n c e , les délivrances de b o is ; tantôt il
viendrait so u ten ir q u e les délivrances n o n a p p u yées de q u itta n c e ,
n e sont pas suffisantes p o u r co n stitu er la possession lé g a le de
l ’ usager. D e pareils m o yens p ortent h eu reu sem en t avec e u x le u r
désaprobation ; les in d iq u e r c ’est déjà les flétrir.
S i d o n c le sieur Desaulnats n était pas dans l ’h ab itu d e de f o u r
n i r la qu itta n ce de l ’a v o in e , i l s’agit de consulter au m oins les
tém o in s sur la réalité des livraisons. A cet é g a r d , les déclarations
sont aussi n om breuses q u e positives.
L e c in q u iè m e tém oin de l ’en q u ê te d irec te , ancien garde de la
f o r ê t de L a r o c h e , et p lu s tard , au service d u sieur Desaulnats,
l ’a e ntendu d ire (c o m m e on l ’a déjà r a p p e lé ) , au n o m m é C hass a i g n e , fe rm ie r d u d o m a in e , q u i lu i demandait d u bois de
8
.
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( Go )
.
c o n s t r u c t io n , q u ’il ne lu i en m a rqu era it p o i n t , tant q u ’ il ne
p a y e ra it p a s la redevance. L e tém oin n ’a pas vu p o rte r l ’avoine
chez
D e sa u ln a ts, mais il a o u ï dire q u e cette redevance était
payée.
L e s'x ièm e tém oin , fils d u n o m m é Cbasisagne, désigné dans la
d é iL u a t io n p ré c é d e n te , fo u rn it des détails p r é c i s , et q u ’il était à
m êm e du Lien c o n n a îtr e , sur les livraisons d ’avoine
II dépose
q u e dans le co urs des trois années de jouissance du dom aine de
la G u i è z e , son père ne piiya p o i n t , la p re m iè re a n n é e , la re d e
vance ; niais à la Seconde a n n é e , le garde de la f o r ê t , app elé
G è n e sl, refusa de lü i d é liv r e r d u L o i s , s’il né se libérait pas.
C ‘est alors q u ’il j>aÿit à M . Desaulnats la quantité d ’ iin Setier
a v o in e ; il n ’y W t pas de p ay e m e n t p o u r la troisièm e a n n é e ,
p a rce q u e ce feriiïith’ ‘¿ôi'tit d u dom ain e avant l'é p o q u e fixée
p o u r cet olijét.
L e septième t'émôÎri'|iarle aussi d ’u n refus d u sieur D esaulnats,
il y a seifce'ans, à liv r e r d u bt>is!d e ;coristrüctiôn , si la red eva n ce
•
r
n ’ éiaii pas p a y é e ; le déposant porta Iui-mêm bïhi ebâteilu un setier
d ’avoine q u i IVu m ésiire’et recti p a r le homitié R i b e y r e , domes
tiq u e d u siéitr DèSaulnrits, et é e l u i - c i fit blors la d élivra n ce
ré cla m é e .
L a p lu p a rt1des paydinèris de la r e d e v a n c e :ont été reçus par le
sleü r Desaiiliiiits; “c ’ést ce (pii résulte hotariitiiént des déposi
tions des n e u v iè m e et on zièm e tém oins de l ’en q u ê te directe.
O n pelit ég alem eh t cBrièulter lés décldratidris dès liiiitiènie et
ti e i i l ù m c ‘ de la hiêmè éhJpiète ; ils constatent lès inêriteS faits
de ‘rccCptîbn d ’a i b l n e ^ H r les bôihtribs de coilfiririée de l ’a p p e
lant.
A p i'tt fa v ô ir fait c ’d riniiîtrc dès tém oignages aussi positifs, aussi
'détaillés èt n o m b r e u x £ilr le pnyétnent de la rédévarice , et q u e
l ’ en qu êté coiWVaire, 'm ü é tte e n fc e 'p o h it, n'a pli dès lors déhiéntir
b u ;iU(5u i i c r , , îl" iie p c ’u t 'jlliis a ctu e lle m e n t s’é le v e r le m oindre
�( G I )
■doute sur la conscrvalion des droits d’ usage et de chauffage at
tachés au dom aine de la G u iè z e . T o u t est évidem m ent p r o u v é ,
soit avec les titres invoqués dans l ’ intérêt du sieur D e ls u c , soit
avec les élém ens fournis p ar les enquêtes.
S i , à l ’entrée du p r o c è s , l ’existence d u d ro it était contestée,
les titres repoussés co m m e in a p p lica b les , les faits de possession
c o m m e n o n perlin en s et ne p ouvant être f o u r n is , la question
n ’est plus restée la m êm e à l’audien ce de la C o u r ; là , u n e lo n g u e
discussion a jeté la lu m iè re sur la véritable difficulté d u procès.
C e n ’ est p lu s le d ro it en lu i m êm e qu i devait être co n te sté , c ’est
son e x e rc ic e légal pendant le cours des trente années antérieures
à la dem ande q u ’il fallait p ro u v e r.
L e sie u r D e lsu c a-t-il satisfait à la p re u v e telle q u ’elle était
c o n d itio n n é e ? A-t^il établi co n cu rre m m e n t la d é livra n ce des
b o is d ’usage et de chauffage , et le p ayem en t de la r e d e v a n c e ,
au v u , nu su , et du consentement ctu propriétaire de la forêt ?
C e tte q u e s t io n ;est résolue co m p lètem en t par les résultats des
e n q u ê te s ;
ils attestent q u e la possession de l ’in tim é , dont la
d ém onstration n e s’est pas arrêtée au c e r c le posé par l ’a r r ê t ,
et q u i est re m on té e b ie n au delà des trente a n n ées, se trouve
caractérisée p ar tous les élém ens conservateurs en celte m atière,
c ’e st-à-d ire , par le p ay e m e n t de la redevance et p ar des d é li
vrances a n n u e lle m e n t faites p a r le p ro p rié ta ire de la fo rê l. Cette
possession a été c o n t in u e , p u b l i q u e , et à titre de propriétaire
d u dom ain e de la G u ieze.
L ’arrêt in te rlo cu to ire (le la C o itr est-il actuellem en t re m p li?
c ’est ce q u ’il est perm is de d écid er en faveur du sieur D e l s u c ,
et dès lors la dem ande se tro u ve co m p lètem en t justifiée.
L ’a p p e la n t, justem ent in q u ie t des résultats apportés p ar les
enqu êtes , ch e rch e ra it subsidiairem ent à faire réd u ire le d roit
d ’u sa g e ; est-il en co re fond é dans cette n o u v e lle prétention? C e
sera l ’ob jet d ’ un exam en rapide.
�( 6 0
§ II. Q u e l est l ’état présent du domaine de la G u ièzeP L ’étendue
et dimension primitivement assignées a u x lâtim ens , seront-elles
changées par les réparations du sieur D elsuc P
L e sieur Desaulnats l ’a dit avec raison : c ’est dans le titre
c o n stitu tif d ’un droit d ’usage q u ’on d o it r e c h e r c h e r et son ob jet
et son éten due. L à , tout a été p r é v u , q u an t à l ’état a ctu e l des
bâtim ens et à le u r agrandissem ent fu t u r ; l à , le p ro p rié ta ire de
la forêt a p u re stre in d re , à sa v o lo n té , les droits co n cédés, o u ,
au c o n tr a ir e , l e u r d o n n e r u n e extension p lu s grande q u e les
besoins du m om ent.
C ’est d o nc le titre d u sieur D e ls u c q u ’il faut d ’a b o rd consulter,
p o u r se faire un e idée exacte de la concession et de sa m esure.
O r , q u elle s sont les conventions insérées dans l ’acte d u 17 dé
c e m b r e iG 5 4 ?
O n y r e tr o u v e u n e investison de la forêt de L a r o c h e , en faveur
de Jean F u m â t , fe r m ie r de la se ign eu rie de L a r o c h e , p our en
jo u ir pour son usage des maisons, pour les ténemens des villages de
G uièze et P is s o l, soit pour son chaiiffage et réparations q u ’ il pour
rait fa ire dans lesdits ténemens, à la charge, etc.
D e u x droits essentiellem ent distincts sont ici rappele’s : le d roit
de ch auffage et celu i d ’ usage. L e p r e m i e r , lo r s q u ’il est ainsi sp é
cifié, co m m e dans l ’espèce, doit être lim ité à la d é liv r a n c e d u b o i s
à b r û l e r , tandis q u e le d roit d ’ usage n ’a d ’autres bo rnes q u e celles
qu i sont prescrites par les titres de concession et la possession,
o u les règlem ens sur la p o lic e des forêts. A u s s i, toutes les fois
q u e les actes de concession co m p re n n e n t en m êm e temps le
d r o it d ’ usage et de c h a u f fa g e , il faut recon n a ître q u e l ’usager a
la fa c u lté de ré cla m e r n o n - s e u le m e n t le bois nécessaire à son
c h a u f f a g e , mais en co re le bois d o n t il p e u t a v o ir besoin p o u r
réparations o u constructions.
Ces p rincip es ont ré ce m m e n t x’e çu le u r a p p lica tio n dans l ’af-
�6
{ 63 ) .
f a ir e M i g n o t , co n tre les liai»tans de Riom-ès-Montagnes, et autres.
( A r r ê t , C o u r d e R i o m , 2e c h a m b . , 10 juin i 8 3 i.)
S i d o n c le sieur D e ls u c , co n tra irem en t au titre du 17 d é
ce m b re iG 3 4 , était a u jo u rd 'h u i dans l ’ intention de construire
u n nouveau b â tim e n t, o u m êm e d ’éla rg ir les bases sur lesquelles
les anciens bâtim ens sont éta b lis, il est h ors de doute q u ’en exa
m inant l ’étendue de ses droits, et lu i opposant son acte de c o n
cession , on p o u r r a it lu i d ire q u e celu i à q u i un e servitu d e est
d u e , ne p e u t en user q u e suivant son titre, sans p o u v o ir r ie n fa ire
p o u r l ’aggraver.
Mais telle n ’est pas p ré se n te m e n t, telle n ’a jamais été la p r é
tention de l ’in t im é ; il possède, dans les dépendances d u d o
m a in e de la G u i è z e , d e u x bâtimens q u i se com posent d ’un e
m aison destinée à l ’habitation d u f e r m ie r , et à seize toises d ’i n
t e r v a l le , d ’un e gran ge et écurie. V o i l à les seuls bâtim ens q u i
existaient à l ’é p o q u e de la concession de iG 3 /| ; il n ’en a été
co n stru it a u c u n autre.
L a sim ple inspection atteste (et cela ne p eu t être d o u te u x p o u r
le sieur D e s a u ln a ts ), q u e ces bâtim ens sont fort anciens : le u r
c o n stru ctio n p r e m iè r e , qu i re m o n te vraisem blablem en t à p l u s de
d e u x siècles , a été faite d ’un seul je t ; le u r vétusté se trahit fa
cile m en t. O n re con n a ît en effet, soit à la m a ç o n n e r ie , soit à la
d irec tio n des fenêtres et j o u r s , co m m e à l ’état de la c h a r p e n t e ,
q u e ces bâtim ens n ’ ont jamais été ni p lu s , ni m oins grands q u ’ils
n e sont a u jo u r d ’h u i.
Q u e lle est m aintenant la dem ande d u sieur D e ls u c ? a-t-elle
p o u r b u t d ’adjoin dre de n o u velles constructions aux anciennes,
o u m êm e d ’a gran dir celles a ctu ellem en t existantes? N o n , sans
d o u t e , et c ’est ici q u e la méprise d u sieur Desaulnats a été grande.
L ’intim é est se u lem e n t o b lig é de recon stru ire ou de réparer
les g ran ge et é cu r ie qu i tom bent en r u in e ; mais il n'excédera pas
d ’un e seule lig n e , soit en lo n g u e u r , soit en la r g e u r , les d im en -
o's
�/
( G4)
sions déjà ëiablies. O n bâtira sur les mêmes fon d em en s, et tout
sera r e p r o d u i t , co m m e p a r le p a ssé , dans les mêmes p roportion s.
I l ne s’agit d o n c pas d ’un e n o u v e lle c o n stru ctio n sur un p o in t
o ù e lle n ’au ra it jamais e x is té , ainsi q u e le sieur D e sa u ln a tsji
v o u l u le faire c ia in d r e ; c ’est sim p le m e n t la réparation d 'u n e an
cie n n e c o n s t r u c t io n , q u ’ il était im possible de retarder p lu s lo n g
temps.
A v a n t de c o m m e n c e r la ré p a ra tio n , le sie u r D e ls u c a d û p r é
v e n ir l’appelant ; il lu i a fait c o n n a îtr e , p ar acte e x tra -ju d icia ire ,
d u 20 mars 1827 , q u e l bâtim ent il entendait reco n stru ire o u r é
p a r e r , q u elle s en étaient les d im e n sio n s, afin q u e .celui-ci p û t
v o ir p ar lu i-m êm e si l ’entreprise était u rg e n te o u io r t u t i l e , et
si e lle était selon la q u alité de l ’usager.
C ’était la m a rch e p rescrite p ar les articles i 5 et i/jde la .coutume
d u N iv e rn a is ,f o r m a n t le d r o it c o m m u n en ces matières. Le^ sa
vant co m m e n ta te u r de celte C o u t u m e , G u y - C o q u i l l e , o b se rv e ,
à ce s u j e t ,
*
Q u e le seigneur a intérêt de connaître quel bâtiment ; car s’ il voulait
fa ir e bâtiment non nécessaire ou de plus grande étoffe .que la qualité de^
Cusager ne porte, le seigneur lu i pourrait le refuser; aussi, pour sa
voir quelle sorte de bois et e n quelle qualité V.usager en aura besoin.
A in si le sieur Desalnats, averti .par la som m ation CAtra-judi•ciaire d u 25 mars 1 8 2 7 , a c l e >
Pr «m >er m o m e n t , h portée
d ’a p p ré c ie r la nécessité de la r é p a r a tio n , et d ’en constater par
lui-m iîm e la vé rita b le é ten d u e. I l lu i a été fa cile de recon n a ître
q u e les anciens bâti mens d u dom aine de l a G u i e z e n ’elaient pas
•c h a n g é s ; q u e c ’était p o u r le u r état p r im it if q u e lo droit d ’ usage
était'tiniqueinent r é c la m e , et q u e la re co n stru ction .p ro jetée n ’ag-.
•gravait, sous a u c u n r a p p o r t , la servitu de d u e .p a r le .p ro p rié taire
de la forêt d e 'L a r o c h e .
Ces e x p lic a tio n s , in tu ile s, sans d o u te , p o u r 'le .sie u r iDçsaul*
‘ jiats q u i devait très-b ien savoir à q u o i.s ’en tenir su r ;les répara»
�C 65 )
tions d ô n t s’a g it , tém oigneront a u moins à la C o u r des disposi
tions réelles d u sieur D e ls u c , à ne pas dépasser les lim ites fixées
p a r son titr e , et à r é g le r ses entreprises p ar la m esure de ses
droits. L e s anciens bâtim ens, près de s 'é c r o u le r , seront re co n s
truits sur les mêmes bases, d ’après les mêmes dimensions ; voilà
la cause de la réclam atio n faite par Je sieur D elsuc ; v o ilî aussi
les motifs de l ’a c c u e i ll ir , p u isq u e l’état an cien est respecté dans
les jn o p o r tio n s p rim itiv e m e n t éiablies.
I l est en co re d ’autres craintes manifestées p ar le sieur Desaulnats, à l ’occasion de ces réparations ; il sera facile de d ém o n trer
é g alem en t q u ’elles n ’ont a u cu n fondem ent.
O n p réten d q u e le dom aine de la G u i è z e , p o u r la totalité d u
q u e l le d ro it d usage est dem an dé, est be a u c o u p p lu s co n sid é
r a b le a u jo u r d ’hui q u ’ il ne l ’était en iG 5/|.. O n r a p p e lle ce qui
s’est passé en 1 7 2 9 , jet l ’on dit q u ’à cette é p o q u e le sjeu r F u m â t
avait r é u n i , dans la mêm e main d u m êm e f e r m i e r , a son d o
m aine de la G u i è z e , tous les héritages dépendant d ’ un autre do
maine appartenant aussi au sieur F um ât.
E h b i e n , en supposant ces faits e x a c t s , q u e lle in flu e n ce a p p o r
teraient-ils,dans les réparations telles q u e le sieur D e lsu c entend
les faire ? Q u e signifierait l ’accroissemepit d u dom aine de la
G u i è z e , çi les re con stru ction s actuelles ne se p ro p o r tio n n e n t pas
avec la n o u v e lle éten d u e de la p r o p r ié té de l !i n t i i n é , mais d o i
v e n t rester, au c o n t r a ir e , avec les dimensions de bâtim ens, telles
q u ’elles existaient en iG 5 4 ?
1:
L a position d u s ie u r Desaulnats ne -pourra dès lprs en soufTrir,
p u is q u e l ’agrandissement ne porterait ré e lle m e n t q u e su r le ter
rain en c u lt u r e . M ais
il y a p l u s , c ’est qup d ’autres idpes se p résen
t e n t, et q u ’elles sont m êm e l«s seulep à a cce p te r. O n a c r u devQj’r
r aiso n n er dans l'h y p o th è s e o ù le dom aine d ’A u z a t serait encore
r é u n i à ce lu i de la G u i è z e ; si pela éta it, il aurait fyllu r e c o n
naître q u e les bâiitnen? d ’A u z a t , bien p lu s vastes q u e ceuje de la
9
�G u i è z e , se tro u va ie n t fo rcé m en t co m p ris dans cette r é u n i o n , et
q u ’ainsi les récoltes des d e u x dom aines se distribu aient n a t u r e l
lem en t dans le u rs bihimens respectifs : mais tel n ’est plus, depuis
lo n g u e s an n ées, l’ état des clioses; les d e u x d o m a in e s, soumis
m o m en ta n ém en t à u n e seule et m êm e e x p lo ita tio n , s o n t, depuis
1 7 6 4 , com m e on l ’a in d iq u é dans l ’exposé des faits, séparés et
jouis p a r d e u x ferm iers difierens.
L e dom aine d ’A u z a t reste d o n c étra n g er à cette contestation.
Q u a n t au d o m ain e de la G u iè z e , il est a u jo u r d ’h u i m oins c o n
sidérable q u ’il ne l ’était a u tre fo is , m a lg ré les adjo nctions assez
récentes d ’un petit p ré et d ’u n e teri’e ; ces o b je ts, en v a le u r de
3 ,o o o fr., com p en sent b ie n fa ib le m e n t les pertes é p ro u vé e s p a r le s
réd u ctio n s faites lors d u co n trat de m a riag e d u 19 o c to b r e 1 7 7 5 .
O n v o it dans ce contrat q u e les sieurs B u r in p ère et fils , en
délaissant en toute p ro p r ié té , à le u r fille et soeur, le d o m ain e
de la G u i è z e , ave c ses droits d ’ usage et de ch a u ffa g e , en e x c e p
tèrent néanm oins le d roit de pacage et d é fr ic h e m e n t dans le
co m m u n a l lien a rd cch e , P la te a u x et V e r g n e d u M a s , ainsi q u e
les têtes d ’h e rb a g e faisant ci-devant partie d u d it dom aine , et u n
p etit h éritage app elé la M a y , tout qu oi, est-il d i t , est aliéné cidevant, et ne f a it point partie du susdit délaissement.
C e n ’est pas tout ; à l ’é p o q u e de l ’e x p r o p r ia tio n d u d o m a in e ,
d e u x héritages n ’ont pas-été co m p ris dans la saisie, et ont été
ven d us par le sieur Bletori.1
O n d em a n d e a c tu e lle m e n t si les m inces acquisitions faites p ar
le sieur D e l s u c , p e u v e n t se u lem e n t r e m p la c e r les réd u ctio n s
q u i vie n n e n t d ’être signalées.
E n fin , u n e d e rn iè re ob je ctio n est soulevée par le sieur D esauln a ts; il p ré te n d q u e le sie u r D e ls u c a a c q u is , avec le dom ain e
de la G u i e z e , q u a ra n te -u n e têtes d ’h e r b a g e , et q u ’il les fait
c o n so m m e r en été p ar ses bestiaux.
L ’np2>eliuu sait m ie u x q u e p e r s o n n e , q u e tous les co rp s de
�( p7 )
d o m a in e , dans les m ontagnes d ’A u v e r g n e , ont besoin, p o u r ê ire
co m p le ts , d ’u n pacage fort éten d u. L e délaissement du dom aine
de la G u i è z e , p orté au contrat de mariage d u 19 o c to b re 1770 ,
atteste positivem ent q u e des têtes d ’h erb ag e en faisaient a u t r e
fois p a rtie ; il n ' y aurait d o n c pas a u jo u r d 'h u i d ’augm entation
sous ce rapport.
Ces pacages situés sur la ch aîn e des monts D o r e , sont q u e l
q u efo is à la distance d ’u n e , de d e u x et m êm e de trois lieues
de la m é ta ie rie; les vaches laitières y sont co nduites au m ois de
m a i , et ne r e v ie n n e n t à la ferme q u ’au mois de n o v e m b re sui
vant.
A cette é p o q u e , fa u t-il, co m m e l ’a p ré te n d u le sieur D e sa u lna ts, des bâlim en s p lu s vastes p o u r lo g e r ces b estiau x étrangers,
a - t - il d it, a u x besoins d u dom aine?
M ais (et c ’est la p re m iè re réponse à toutes les craintes p e u
fondées de l'a p p e la n t) , les bâlim ens ne sont pas ch a n g és, ils ne
le seront pas p ar les réparations à i a i r e , et ils r e ç o iv e n t, com m e
p a r le passé, les bestiau x si p eu étrangers a u x besoins du domaine,
q u ’ils en conrposent le p rin c ip a l r e v e n u .
D ’a ille u r s , il y a nécessité de lo g e r les bestiaux en n o m b re
suffisant p o u r co n so m m e r les fourrages r e c u e illis dans ce d o
m a in e ; e t , sous ce n o u ve a u r a p p o r t , il im p orte de ra p p e le r q u e
les bâlim en s de la G u i è z e , dont la co n stru ctio n p rim itiv e r e
m onte à p lu s de d e u x siècles, ne co m p o rte n t q u e la dim ension
a b so lu m e n t nécessaire p o u r co n te n ir les récoltes du dom ain e et
les bestiau x q u i d o iv en t les co n som m er.
C ’en est assez sans doute p o u r rassurer le sieur Desaulnats, q u i
n ’a pas c r u d e v o ir é le v e r jamais la m êm e difficulté à l'é g a rd des
v in g t dom aines a u q u els il f o u r n it , c o m m e à celu i de la G u i e z e ,
le bois d ’u s a g e , et q u i tous ont leurs m ontagnes et des bestiaux
en ra p p o rt avec l ’é te n d u e des pacages.
I l fa u t d o n c l e re con n a ître : le sieur D e l s u c , justem ent fondé
�( C8 )
_
dans sa dem ande en d é li v r a n c e , a d û la form er et la so u te n ir
devant l ’a u to r ité ju d ic ia ir e .
U n t i t r e , dont la date embrasse a u jo u r d ’h u i près de d e u x
siè cle s, r e n fe rm e les droits d ’usage et de ch auffage dans la forêt
de L a r o c h e ; des actes n o m b r e u x les ont constam m ent rapp elés;
u n e possession légale en a conservé toute la force , toute l ’éten
due.
L e s p ropriétaires d e là forêt, en se succédant l ’un à l ’a u t r e , ont
respecté des droits aussi clairem en t établis, aussi constam m ent et
aussi p u b liq u e m e n t exercés.
L ’état, en s’em parant de la forêt., exam ina les titre s, s’e n q u it
de la possession et de ses caractères; il a r e c o n n u le d r o i t , il a
lait les délivrances.
L ’ancien p ro p rié ta ire lu i-m ê m e , en accep tan t le b ie n fa it d ’une
r é in té g r a t io n , s’est empressé d e c o n tin u e r l ’o rd re établi ; il a fait
en gran de connaissance de ca u se , des délivrances a n n u e lle s , et
r e ç u le p ay e m e n t de la redevance.
U n d ro it d ’usage et de c h a u ffa g e , ainsi p ro té g é par la fa ve u r
d ’un
lo n g tem p s, ainsi caractérisé p ar la
ch a în e no n in ter
r o m p u e de n o m b r e u x actes et de n o m b r e u x faits de possession
lé g a le , d e va it-il être contesté?
C ’est au m o m ent o ù les réparations de bâtim ens m enaçant
m i n e , ont fait r é c la m e r la d é liv r a n c e des bois de c o n s t ru c t io n ,
q u e le p rocès a surgi ; alors tout a été mis en q u estio n : l ’existencc
co m m e la conservation d u d r o i t , l ’a p p lica tio n d u titre c o m m e
les effets de la possession.
U n arrêt de la C o u r , en fixant l ’état de la contestation , a d é
cidé q u e le d ro it était c e r t a in , q u e le titre p ro d u it donnait d r o it
à l ’u s a g e , tel q u ’il était dem andé. Si u n doute seul a p ré v a lu , a u
m ilie u des débats de l ’a u d ie n c e ; s’il a frap p é l’esprit d e s m agis
trats, et passé dans le u r dé cision in t e r lo c u to ir e ; si , e n ijn , il a
fa llu ju stifier q u e le d r o i t , tel q u ’il était r e c o n n u , nvait été
«
�( 6 9 )
e x e r c é , pendant les trente années antérieures à la d e m a n d e , au
v u , a u s u , et d u consentem ent d u p ro p rié ta ire ?
C e tte q u e stio n , la seule r e te n u e au p r o c è s, est décidém ent r é
so lue p ar les enquêtes. E lle s ont évidem m en t p ro u v é l ’exe rc ic e
lé g a l d u d roit c o n c é d é en 1 6 3 4 ; e lle s e n o n t dém ontré la conser
vation p a r des faits gém inés de possession, au v u , au s u , et du
consentement du propriétaire de la fo r e t.
T o u t e s les condition s imposées par l ’arrêt in t e r lo c u to ir e , ont
d o n c été rem plies. T o u t e fo is , le sieur D e lsu c se serait-il f a i t il
lusion? o u s’em p arant d u langage de son adversaire, ne serait-il
pas m i e u x fo n d é q u e lu i à dem ander quelle est celle des parties
que la ju stice et l 'équité protègent?
Mais c ’est a u x lu m iè re s, c ’est à la sagesse de la C o u r , q u e la
solution définitive de cette contestation déjà si l o n g u e , ap p a r
tient actu e lle m e n t. L ’in tim é doit attendre avec respect et co n
fiance, u n e décision dont il ne saurait craindre les résultats.
D E L S U C aîné.
. P . C . T A I L H A N D fils, avocat.
T A I L H A N D , a voué-licencié.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsuc, Jacques. 1831]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delsuc
P. C. Tailhand fils
Tailhand
Subject
The topic of the resource
droit d'usage
séquestre
biens nationaux
bois
coupe de bois
droit de chauffage
pacage
droit de bâtissage
eaux et forêts
émigrés
témoins
communaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour M. Jacques Delsuc, propriétaire et ancien notaire, habitant du lieu de Saint-Pardoux-Latour, intimé ; contre M. Jean-Marie Neyron-Des Aulnats, propriétaire, habitant au lieu de Saint-Genès, appelant d'un jugement par défaut, rendu au tribunal civil d'Issoire, le 27 juillet 1827.
Table Godemel : Usage (droits d') : 2. dans la contestation relative à un droit d’usage de prendre des bois de construction dans les forêts de la Malguièze et de Laroche appartenant au sr Désaulnats ; celui-ci prétend que ce droit ne résulte pas des titres produits, ni de la possession ; qu’il serait éteint par non usage ; et que, dans tous les cas, il ne pourrait être éxigé pour la réparation ou reconstruction de la grange qui fait l’objet de la contestation, parce qu’elle n’aurait été construite qu’après l’acte de concession du 17 décembre 1764, et après diverses augmentations faites au domaine de la Guièze, qui appartient à Delrue ; demandeur en délivrance. Quid ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1831
1764-1831
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
69 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2714
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2712
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53551/BCU_Factums_G2714.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Tour-d'Auvergne (63192)
Augerolles (63016)
Auzat (domaine d’)
Lagièse (domaine de)
La Roche (forêt de)
Pissols (village de)
Buisson (domaine du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens nationaux
bois
communaux
Coupe de bois
droit d'usage
droit de bâtissage
droit de chauffage
eaux et forêts
émigrés
pacage
séquestre
témoins
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53538/BCU_Factums_G2701.pdf
2e94d630de0e93c1ae48507bb77b67b6
PDF Text
Text
C o n tr e M . G e o r g e s O N S L O W ,
L E S A N CIEN S JU R IS C O N S U L T E S près la Cour royale de
Riom, soussignés, qui ont vu diff erens actes de l a famille Onslow,
s p é c i a l e m e n t le contrat de mariage de M. Edouard Onslow père avec
M lle de Bourdeille, du 16 mars 1783; celui de M. Georges Onslow,
leur fils aîné, du 18 juillet 1808; celui de Gabriel-Amable, autre
fils, du 17 octobre 1819; la copie d’un acte de partage du 11 avril
1828; celle des testament et codicille de M . Onslow père; enfin
une consultation donnée à Gabriel-Amable Onslow, le 19 jan
vier 1 85o, et copie d’une lettre adressée par M. Dunoyer à M. de
F o n t a n g e s , dans l ’intérêt de M. Georges Onslow, son gendre, sur
les questions soumises en ce moment au conseil ;
E s t i m e n t que les questions proposées doivent être résolues
comme il suit :
1°. M. Onslow père, quoique Anglais d’origine, est devenu Fran
çais, et a conservé cette qualité jusqu’à sa mort.
2°. Sa succession ayant été complètement mobilisée de son
v i v a n t , est totalement régie par les lois françaises.
3°. M Georges Onslow n ’a de droits acquis par son contrat de
mariage q u 'a un capital produisant vingt mille francs de rente,
qui lui était assuré sur les biens situés en Angleterre.
�( 2 )
•
^
4°. L e partage du 11 avril 1818 ne peut porter atteinte aux
^ ^ j ^ ^ d r o i t s réservés aux enfans par la disposition des Jpjs.
Parcourons successivement ces propositions; ilsera facile de les
^ ^ p ^ p ^ ^ ^ t r e f ^ t a b lie s sur des hases solides, et d'en tirer îles consé
quences immédiates.
■^9^
d’abord, M. Onslow père a été naturalisé et il est mort Fran
çais.
Celte proposition eslMort*idtMrèl^fl(Çtée dans la consultation du
i9janvier i 83o. Elle y est, d’ailleurs, clairement établie. On peut
la réduire h des termes très simples, en résumant ce que la loi et
les actes fournissent de plus saillant.
La loi du 2 mai 1790 est claire et précise. Elle n’exige, pour la
naturalisation de l’étranger qui réside en France, aucune déclara
tion, aucune mesure, aucun acte de sa volonté. Elle le déclare
Français de droit, par cela seul qu’il aura «cinq ans de domicile con» tinu dans le royaume, s’il a, en outre, acquis des immeubles,
» épousé une Française, O U formé un établissementde commerce,
» O U reçu dans quelque ville des lettres de bourgeoisie, nonobs» tant tous règlemens contraires, auxquels il est dérogé. » On
ne peut rien dire de plus formel. Aussi,«ans avoir besoin de nous
attacher à la constitution de 1793, ni à celle de l’an 8j moins encore à la
disposition du Code civil, qui impose de nouvelles conditions, il
nous suffit de rechercher si, au moment de la loi du 2 mai 1790,
M. Onslow père avait cinq ans de domicile en France, s’il y avait
acquis des immeubles, épousé une Française, ete. ; car s’il en
était ainsi, il est devenu Français, et a conservé cette qualité,,
qu’aucun événement ultérieur n’a pu lui enlever, si ce n’est une loi
formelle, ou sa volonté expresse et légalement exprimée. C ’est, en
effet, ce qui lésulte de la loi du 2 mai 1790, qui n’exige le serment
civique que de ceux qui veulent être admis à exercer les droits
de citoyen a ctif, comme le démontre. fort bien la discussion de
¡Vl^Merlin,sur l’affaire Mac-Mahon (Répertoire, y ° Divorce, section
�( 3 )
4 i § 10) , et l’arrêt de la Cour de cassation, dans l ’affaire du prince
d’IIénin (Denevers, 1819, p. 297).
Les faits rendent-ils le principe applicable à M . Onslow pere?
C ’est ce dont il n’est pas permis de douter. Ces faits et sa conduite
personnelle démontrent que sa volonté était conforme à celle de
la loi.
Son contrat, de mariage constate que, quoique né d’un pair
d’Angleterre, il habitait en France: résidant actuellement à Clermont en Auvergne, est-il dit au contrat.
II constate, en second lie u , q u ’il épousait une F rançaise ,
M 11* de B o u rd e ille , h a b i t a n t e d e l a v i l l e d e S t - G e r m a in - h e m b r o n ,
en A u v e rg n e .
Ce mariage supposait naturellement l ’intention de se fixer en
France. M..Onslow s’alliait à une famille noble, qui ne semblait
pas devoir présumer le contraire à l’égard d’un jeune homme
résidant à Clermont avant son mariage, et qui semblait s’y fixer
par cela seul; mais le contrat n’est pas muet sur ce point. On.
y trouve, à trois reprises, la déclaration formelle de cette intention.
EUe y prend, dès lors, le caractère d’une volonté positive, qui,
sans doute, fut la condition du mariage, et qui, d’ailleurs, a été
constamment accomplie.
.
En effet, pendant que les père et mère de M . Onslow, futur
époux, constituent à leur fils une somme de vingt mille livres
sterling, on leur impose la condition de réaliser celle de dix mille
livres sterling « en achat de terres ou autres immeubles en France, ce
» que lesdits lord Georges Onslow et milady Henriette Shelley
» s obligent solidairement de fa ir e , dans deux années , à compter
» de la célébration du mariage. »
Plus bas ils ajoutent : « Jusqu'à la réalisation e n F r a n c e , de
» ladite somme de dix mille livres sterling, en f o n d s d e t e r r e o u
* a u t r e s i m m e u b l e s , ils promettent lui payer huit cents livres
» sterling chaque année. »
�(4)
‘ Et enfin, pour prévoir un autre cas, il est encore ajouté : » Apres
» la réalisation desdites dix mille livres sterling, en terres ou
» autres immeubles en France, ledit 'intérêt de huit cents livres
» sterling demeurera réduit à trois cents livres. »
Il est donc évident qu’il y avait intention exprimée, condition
imposée et acceptée de.résider en France, ’d ’y acheter des terres
ou autres immeubles, de s’y naturaliser, en un mot, au lieu de
penser au retour en Angleterre, pour y naturaliser la jeune
épouse.
Or, celte condition a été fidèlement hccomplie* M . Onslow est
demeuré en France, et il y avait plus de cinq ans de résidence; il
y était marié avec une Française, et il paraît même qu’il y possédait
des biens (ce qui, d’ailleurs, n’était pas nécessaire), lorsque fut
promulguée la loi du 2 mai 1790.11 fut donc réputé Français , par
celte seule promulgation.
11 importe très-peu'*3e savoir s’il prêta ou non Je serment ci
vique , s’il exerça les droits de citoyen a c tif, qui pouvaient seuls
rendre ce serment nécessaire; si encore il a exercé, dans aucun
temps , des fonctions publiques , ou des droits politiques quelcon
ques. La qualité de citoyen, de Français , est indépendante de tout
cela. Beaûcoup de Français d’origine n’exercent pas de droits po
litiques ,’ ou les négligent; peu d'entre eux sont appelés à des fonc
tions publiques qui exigent toujours la nomination du Souverain
ou de ses délégués; et tous cependant sont Français, et ne cessent
pas de l’être. D ’ailleurs} et en ce qui concerne M. Onslow, il ne
paraît pas qu’il'ait exercé de fonctions publiques en Angleterre;
il ne serait donc citoyen d’aucun pays , si, pour le devenir , il fal
lait être fonctionnaire public.
11 n’importe pas davantage de rechercher si M. Onslow père fut
momentanément contraint de quitter le territoire français dans les
temps orageux de la révolùfion. Cet acte de violence fort illégale
ment exercée contre lui à une époque où la loi et la justice étaient
�( 5)
foulées aux pieds , ne pouvait lui ôter scs droits et son titre de ci
toyen. Ce n’était ni une lo i, ni un jugement rendu sur sa qualité ;
et' on ne peut attribuer aucune conséquence à un acte de cette nar
turc, d’autant que M. Onslow, après les orages, e s t revenu dans
le sein d’une famille qu’il avait laissée en France , et qui l ’y rap
pelait ; qu’il a continué d’y vivre avec son épouse et ses enfans ;
qu’il a aliéné tous ses biens d’Angleterre, bien'loin de conserver
u.n esprit de retour vers son pays natal, et qu’enfin il a attendu la
mort au sein de sa dernière patrie et de sa famille, toute française
comme lui. Reconnaissons donc qu’il était Français , au moins de
puis la loi du 2 mai 1790; Français d’intention, Français de vo
lonté , comme le prouve son contrat de mariage , Français de fait,
comme le prouvent ses acquisitions, son mariage, sa résidence
constante , et tout ce que nous venons de voir.
M . Dunoyer semble le reconnaître par la lettre communiquée,
mais il y attache peu d’importance. Cette opinion ne lui parait d’ aucune influence sur Yobjet actuellement en discussion, attendu
qu étranger ou Français, la disposition des biens n'en devra pas
moins être régie d’après les lois de leur situation. Il s’attache, en
effet, aie prouver parla seule force des statuts réels, et par la com
paraison de ce qui existait autrefois sur le territoire français, où
les* diverses coutumes établissant des règles différentes de dispo
nibilité , chacune d’elles régissait le partage des biens situés dans
son ressort, comme s'il y avait eu plusieurs successions ouvertes en
même temps, et à partager à la fois. Par cela seul, il considère
comme lout à fait indifférente la question de savoir si M . Onslow
père était Français ou étranger.
Q u o i q u ’il en puisse être de l ’application des statuts réels aux
biens situés daus tels ou tels lie u x , ce q u i n ’est pas contestable ,
généralem ent p a r la n t, nous ne saurions que difficilem ent adm ettre
les conséquences rigoureuses q u ’en tire M. D u n o y e r; et si nous
avions besoin de les discuter , il ne serait peut-être pas difficile de
^ c o n n a îtr e q u ’il les pousse beaucoup trop loin.
�_•A côté du principe lird de la réalité des statuts , par rapport aux
Liens situés sur tels ou tels territoires, se place cet autre principe ,
que toute succession est régie par la loi du domicile. O r , n’im
porte la situation de tels ou tels biens, la succession, au domicile
du défunt, a un centre commun auquel viennent aboutir toutes
ses branches , et duquel il faut partir pour fixer les droits de dis
ponibilité du père de famille.
Ainsi, pendant que, par la force du statut ré e l, un seul enfant
prendra tous les biens situés en tel lieu, parce'que la loi ne réser
verait pas de légitime aux autres, et qu’il prendra les neuf dixiè
mes dans lin autre pays, il ne pourra agir, sur les biens de France ,
que conformément aux lois françaises.
S ’il n’y prend aucune part, il est incontestable que les autres
enfans ne pourront pas obtenir la réduction de ce qu’il reçoit en
pays étranger, d’après les statuts réels , parce que les lois du pays
s’y opposent, et qu’ils ne peuvent pas agir en vertu des lois fran
çaises sur les biens situés en pays étranger.
Mais si l’enfant qui reçoit tout ou presque tout en pays étranger,
veut prendre part aux biens de France, alors surtout que la suc
cession y est ouverte, la question sera de savoir comment il le
pourra, sans faire, au moins fictivement, les rapports de d ro it,
conformément aux lois françaises.
;
Si nous avions besoin de traiter cette question , nous pourrions
entrer fort avant dans l’examen des principes, des lois positives, et
môme des anciens usages nécessités par la différence de la-quotité
disponible dans telles ou telles coutumes, ou dans diverses loca
lités, et peut-être arriverions-nous plus facilement qu’ori ne pense
à démontrer que celui qui vient partager une succession pareille ,
au lieu de son ouverture , et réclamer une part sur les biens de
France , où était le domicile du défunt, ne peut la prendre qu’à
la charge de laisser à son cohéritier ses droits légitimaires, tels
qu’ils lui s o n t réservés par les lois françaises .sur les biens situés en
France.
'
�( 7 )
Ce résultat est le seul qui puisse élrc conforme î\ la loi et aux
principes sur lesquels elle repose. 11 n’a rien de contraire a la rea
lité des statuts , puisque , dans aucun cas, le légitimaire n obtien
dra la réduction des avantages faits sur les biens d’Angleterre ,
mais que seulement il préservera les biens de France de toute main
mise de l’héritier précipué , s’il a obtenu sur les biens d’Angleterre
tout ce que les lois françaises lui accordent dans la succession , soit
en préciput, soit pour sa part héréditaire.
C ’est donc donner aux statuts réels un effet trop général et trop
absolu, que de voir autant de successions dans une seu le, qu’il y
a de lois différentes q.ui la régissent. On ne peut pas disloquer ainsi
la succession d’unindividu. Les statut# réels n’ont d’empire que sur
le territoire qu’ils régissent, et pour préserver les biens qui leur
sontsoumis de toute influence des lois étrangères. Us peuvent seu
lement empêcher qu’on y touche au delà de ce qu’ils permettent ;
mais, sortant de là pour exiger une part des biens régis par une
autre législation, il faut se soumettre ces lois et en adopter tou
tes les conditions, non-seulement pour la quotité qu’on y amende,
mais pour les rapports auxquels on est soumis.
Nous pourrions prouver cette proposition par un exemple tiré de
la loi elle-même sur le droit d’aubaine, sans avoir besoin de fouil
ler plus avant.
Après diverses variations sur cette matière, Jes articles 726 et
912 du Code civil s’en étaient référés aux règles de la réciprocité
entre états, pour déterminer le'droit des étrangers sur les succes
sions ouvertes en France. La loi du i/j. juillet'181g a révoqué ces
deux articles , et admis les étrangers à succéder , disposer et rece
voir de la niQfnei manière que les Français, dans toute Vétendve
du royaume.
. r,«
•
Or, supposant que1le défunt peut avoir laissé des biens hors de
France, et que l'étranger1 appelé à la stfcCession drun Français les
a recueillis par*la fotee des lois et coutumes locales, clle'vcut, par
�(M
son article 2 , que, les cohéritiers français prélèvent sur les biens
situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en
pays étranger, dont ils seraient exclus.
Voilà donc la condition du rapport nettement imposée au cohé
ritier étranger qui veut prendre part aux biens situés en France.
L e législateur ne touche point aux exclusions que prononcent, ou
aux prérogatives qu’accordent les lois étrangères sur les biens qu’el
les régissent; mais il soumet aux lois françaises tout ce qui a rap
port aux biens situés en France, et n’accorde de droit à l ’étranger
que sous cette condition qu’il était le maître d’écrire dans la loi,
et qui en est inséparable. On peut voir là-dessus lé rapport de
M . Boissy-d’Anglas à la Chambre'des pairs (Merlin, Répertoire,
v° Héritier, § 6, aux additions , vol. 16, p. 382 ). Il contient des
documens fort remarquables sur l ’article 2 , et les principe*s dont
il dépend.
Si cela, est vrai pour l ’ctranger, qui a , bien plus qu’un autre,
le droit d’user pour.son avantage des lois de son pays , combien la
vérjté n’est-elle pas plus saillante, lorsque c ’est un Français qui
invoque les lois étrangères, pour s’attribuer exclusivement les biens
situés en Angleterre , et qui veut, malgrécela, participer aux biens
de France, et y prendre , soit la quotité disponible , soit sa por
tion héréditaire L Est-ce que , pour cela, il n’est pas soumis aux lois
françaises ? Est-ce que , en ce cas, il peut excéder les bornes de la
disponibilité établie par les lois françaises ? Est-ce qu’il n’est pas,
par cela seul, obligé au rapport fictif de tout ce qu’il a reçu du
défunt ? Est-ce que-la succession ne se compose pas de tous les
biens du défunt, en quelque pays qu’ils soient situés ? Est-ce que
la succession ouverte en France n’est pas régie parles lois fran
çaises ! Il semble que la réponse à toutes ces questions se présente
d’elle-même , et que la conséquence en est indubitable. Il résulteraitdonc de là que si M. Georges Onslow veut se.réduirc aux biens .
d’Angleterre, il doit y prendre tout ce qui lui a été.attribué par la
�volonté du père , et par les lois du pays , mais que s il vient a
exercer ses droits sur les biens de Frandfe, il faut d abord compo
ser la succession pour en connaître la masse , et pour cela y porter
les biens de toute nature et de toute situation , pour lui attribuer
la quotité disponible et déterminer la part héréditaire de chacun.
Encore avons-nous supposé, pour arriver là , que, d’après les
lois anglaises et la volonté de son père , M . Georges Onslow aurait
pu prétendre à la propriété de tous les immeubles situés en Angle
terre. Mais nous aurions besoin de beaucoup de lumières sur ce
point. Cela serait très-possible s’il était Anglais ; mais il nous fau
drait savoir si les lois anglaises autorisent des prérogatives de cette
nature au profit d’un étranger, Français de nation , et professant
la rcligio'n catholique. Il est difficile de croire que , dans le cas
même où M. Onslow père eût été Anglais lors de son décès , de
semblables droits fussent accordés à des Français , surtout par des
lois qui sont nécessairement antérieures à l ’émancipation des ca
tholiques en Angleterre , et qui la régissent encore. O r, ce serait
à M. Georges à nous édifier sur ce point, en rapportant les preuves
que sa prétention est fondée, surtout alors que son père était França is, et que sa succession est ouverte en France ; qu’enfin
M . Georges, né en France , est demeuré Français incontestable
ment.
Mais nous avons supposé, en outre, que le père, au moment de
sa mort, avait des biens immeubles en Angleterre; or, c’est une
erreur de fait dans laquelle est enveloppée l ’opinion émise par
M . Dunoyer; ceci nous amène à la seconde proposition.
La succession de M. Onslow a été entièrement mobilisée de son
vivant, quant aux biens d’Angleterre; elle est donc entièrement
régie par les lois françaises.
Nous n avons pas besoin d’accumuler les preuves, pour éta
blir que le mobilier d’une succession est régi par la loi du domi
cile. C ’est un principe incontestable, et, d’ailleurs, fort inutile
a
�( 10 )
à Ja question, puisqu’il est certain, en fait, que les immeubles
d’Angleterre ont été rpndus en totalité, et que le prix en a été
placé en France, du vivant du père. Gela résulte de tous les actes
de famille, et spécialement du partage fait pendant la vie du père,
et par lui-même , entre ses enfans, le n avril 1828.
On voit aisément pourquoi cette vente a été consentie. Les lois
anglaises n’ont pas, comme les nôtres, aboli le droit d’aubaine.
Il y existe encore dans toute sa force, comme l ’indique M. Boissy
d’Anglas, dans son rapport ci-dessus cité. Or, en conservant cette
propriété immobilière, tous les enfans couraient le risque de se
voir exclus. M . Georges était celui qui pouvait en éprouver le plus
grand dommage. Il était donc de son intérêt de la dénaturer, et
d’en transporter le produit en France. C ’est ce qui a été fait.
Ici, on pourrait se faire la question de savoir par qui la vente en
a été faite, par qui le prix en a été reçu. On avait cru, d’abord,
que tout avait été fait par le fils aîné, avec une procuration de son
père. Ce fait demeure incertain. On croit que la vente, négociée
et vraisemblablement consentie par lui en Angleterre, a été signée
à Clermont par le père* sous l ’attestation.de deux notaires, sans
doute par forme d’approbation ou ratification de l’acte. Ces faits
deviennent à peu près indifférons, puisque la vente est constante,
et que le prix, porté à 84o,ooo fr., se retrouve entièrement dans
les mains des enfans, ou dans celles de banquiers français, ou
dans les caisses publiques de France. Toutefois, il est démontré
que tout a été négocié par M . Georges, puisque dans l’acte de par
tage, et dans son testament, le père reconnaît qu’il ne l’a fait que
par son mandataire , et que ce mandataire était M . Georges. Cela
est attesté non-seulement par l’acte de partage, mais encore par la
quittance de M. Auguste, du 7 janvier 1828, ou le fils aîné se dé
clare chargé de Vadministration des biens et affaires du père
commun.
A in si, tous les biens sppt soumis, aux règles établies pariés-
�. ( 11)
lois françaises. Cela seul nous démontre qu’il n’est point du tout
indifférent de savoir si M. Onslow père était Anglais ou Français,
ou, pour mieux dire, s’il était domicilié en France (ce qui ne peut
être contesté), puisque son domicile et sa qualité doivent avoir une
^ ssi grande influence sur sa succession mobilière.
Voudrait-on dire que le fils aine était donataire, par son contrat
de mariage, de la terre de Lillingsfonn, et qu’elle a été'vendue
pour lui? Ce serait une erreur de droit et de fait.
De droit, parce qu’une disposition pareille, faite à un Français ,
ne pouvait pas être valable, dans un pays où le droit d’aubaine
continue de subsister.
De fait, parce qu’on aperçoit très-clairement dans le contrat de
•mariage de M . Georges, q u e , tout en lui donnant la terre par
l ’expression, le père ne lui assurait, par le fa it, qu’un capital
devant produire un revenu net de 20,000 fr. argent de Fiance, et
aussi s’est-il empressé de vendre, et le fils y a-t-il concouru comme
mandataire ou négociant pour le père commun, ce qui le rendrait
désormais non recevable à critiquer l ’aliénation. Or, elle a suffi pour
mobiliser la terre, et soumettre le prix h l ’influence des lois fran
çaises, comme toutes les autres parties de la succession qui sont sur
le territoire français. La troisième proposition se trouve donc éta
blie.
La quatrième est plus facile encore. Elle consiste à dire que le
partage de 1828 n’a pas lié les enfans ni entre e u t , ni envers le
père.
Cela est évident. L e partage que faitlepère de son vivant, est
plus facile à atteindre encore que celui fait par les enfans entre eux,
après 1ouverture d’une succession. Celui-ci n’est attaquable que
pour cause de lésion de plus du quart; et le premier peut être
attaqué s il résulte du partage et des dispositions faites par préciput, que l'iui des copartageans aurait un avantage plus grand
que la loi ne permet (art. 1079 du Code civil). O r, il est évident
�( 12 )
que les dispositions du contrat de mariage et celles du partage,
soit réunies, soit isole'es, font à M . Georges un avantage qui excède
le quart; ¡1 ne peut donc lier les parties; et il le peut d’autant
moins qu’on aperçoit visiblement qu’il a été fait dans le but unique
de faire valoir, par le consentement plus ou moins libre des trfl^
enfans puînés, des dispositions qui ne pouvaient valoir ni comme
donation entre-vifs de biens immeubles, ni comme disposition
testamentaire faite en préciput.
Il doit donc demeurer pour constant, en dernière analyse,'que
tout l ’avantage de M. Georges se réduit à prélever 4.00,000 francs
pour son préciput, si cette somme n’excède pas le quart de la
masse totale, ou à prendre le quart des biens de toute nature, et
sa portion héréditaire sur le surplus, qu’il partagera par égalité,
avec ses trois frères.
L a masse se composera de tout ce qui appartenait à la succession
du père commun; 1°. des immeubles situés en France, et que
M . Georges aura droit néanmoins de retenir, soit comme dona
taire, soit parce qu’ils sont indivisibles; 2°. des sommes déposées
chez de tierces personnes, soit par le père, soit, en son nom,
par le fils aîné, ou tout autre ; 3°. de celles qui ont été reçues par
les enfans, et qui seront rapportées par chacun d’eux. 11 est à ob
server, sur ce point, que M . Georges devra i si on l’exige., le
compte du mandat qu’il avait reçu de son père,' parce que celui-ci
n’a pas pu l’on dispenser, après lui avoir donné toute la quotité
disponible. S’il a reçu des sommes excédant le prix de la terre,
de Lillingslonn, tel qu’il est fixé par la vente à 8.40,000 fr., il en
devra ,1e rapport comme du surplus.
Il est une remarque assez essentielle à faire. L'es sommes reti
rées d ’A ngleterre et placées d’abord chez M . Mcslier à Paris ,
ont été mises en d autres mains. Si cela a été fait du vivant du
père et par ses ordres, tous les enfans en attendront 1 échéance,
quoiqu’ils prétendent que c’est l’ouvrage du fils aîné. Si5 au can"
�C 13 )
traire, celui-ci avait fait ces placemens de son chef, surtout après
la mort de son père, et à longues échéances, comme il le parait,
il devrait en supporter seul les inconvéniens et les prendre a
son lot. Toutefois, M. Auguste lui ayant donné , à ce qu il parait,
une procuration pour ce placement, il ne peut élever aucune
contestation là-dessus; il ne serait pas recevable à s’en plaindre,
surtout dès qu’il recevra sa part héréditaire.
D ’ailleurs, cette procuration ne peut pas non plus êtro opposée
comme moyen approbatif du testament.
Enfin, il suffit d’une dernière réflexion. A u moyen de ce que
nous avons ci-dessus résolu, et du partage à faire suivant les lois
françaises, les deux testamens du père demeurent inutiles et sans
effet.
On n’a pas besoin de prouver que le fils, prélevant le quart des
biens, devra supporter le douaire de la mère commune jusqu’à
concurrence de ce qui ne sera pas couvert par l’usufruit d’un
autre quart. C ’est une proposition qu’il suffit d’énoncer. D ’après
l ’article iog 4 du Code civil, l’époux qui a des enfans peut dis
poser d’un quart en toute propriété et d’un autre quart en usu
fruit seulement. Il est Constant que ce don peut être distribué
entre la veuve et l’enfant précipué, sans que celu i-ci puisse
excéçler le quart, en ce qui le concerne. Ainsi, madame Onslow
prendra son douaire sur l’usufruit du quart des biens que son
mari pouvait lui donner; et si ce quart ne lui suffit pas , le surplus
sera à la charge du fils aîné, parce que son préciput doit suppor
ter tout ce qui excéderait la quotité disponible. Si le quart en usu
fruit excède le douaiie, le reste tombera dans la succession ah
intestat pour être partagé par les quatre enfans. Pour mieux dire,
et pour procéder plus simplement, dans ce dernier cas où le
douaire de la mère n’excéderait pas l’usufiut dont le père pouvait
disposer sur nn second quart des biens, les quatre enfans pren
dront immédiatement leurs portions égales dans les trois quarts
�( *4 )
des biens, et payeront par quart le douaire de la mère, sans égard
pour la distribution qui en avait été faite par le père commun.
L es soussignés pensent avoir résolu, selon les lois et la justice,
toutes les questions qui pouvaient naître des pièces communiquées.
Ils Vont fait avec attention, et après les avoir sérieusement mé
ditées.
'
D é l i b é r é à Riom, le i 6 février i 83o. •
D e VissAc, G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i a n d .
Sur Iarnouvelle observation faite au conseil, que M . Onslow
père avait, dit-on, obtenu du roi d’Angleterre une déclaration ou
ordonnance qui lui conservait ses di'oits et titres comme Anglais,
il regarde celte circonstance comme-tout à fait indifférente quand
elle serait vraie, soit parce que cette faveui accordée par le s o u
verain pourrait seulement préserver M . Onslow des effets du
droit d ’aubaine dans■
certaines suppositions, mais ne pourrait dé
truire en France les effets de la loi du 2 mai 1790; soit parce
que les biens d’Angleterre ayant été V e n d u s , et le prix transporté
en France, les lois d’Angleterre ne le régissent plus, et qu’après
to ut, c’est plutôt une question de domicile qu’autre chose. O r,
sur le domicile, il n’y a pas de difficulté.
D e V i s s a c , G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i a n d .
JLiES JU R ISCO N SU L T ES SO U S S IG N E S , qui ont vu une pré
cédente consultation du iG février i 83o , et un avis de M. Gamier,
du 10 mars suivant, deux consultations délibérées à Paris, dans
l ’intérêt de M . Georges Onslow, le même jour 17 avril i 83o , l’une
signée par M. Delacroix-Frainville, et quatre autres jurisconsul
tes , l’autre par M. Delacroix-Frainville seul, et qui ont revu
les pièces du procès ;
*
�{ i5)
D é c l a r e n t que, Lien loin de les convaincre du droit deM. Georges
Onslow, un nouvel et sérieux examen des questions qui se pré
sentent n’a fait qu’affermir leur première opinion. Toutefois,
comme il peut être nécessaire de quelques explications'sur les re
solutions prises, et que les moyens proposés pour M . Georges
Onslow peuvent exiger quelques réponses, le conseil croit devoir
reprendre la discussion sous une nouvelle forme, et résumer les
questions du procès.
L a première des consultations délibérées à Paris, et qui porte
cinq signatures fort respectables sans doute, établit deux propo
sitions principales :
i
i
L ’une, que M . Edouard Onslow est décédé sujet du roi d’An
gleterre, et que sa succession est régie par les lois anglaises , sauf
les immeubles situés en France;
• Et de là on tire la conséquence qu’il a valablement donné sa terre
d e L ü l’ingstonn à son fils aîné, sans qu’il y aitlieu h retranchement
pour Ja légitime ; q u e , même réduite à une somme d’argent par
la vente faite depuis la donation contractuelle, cette terre n’a pas
cessé d’appartenir au donataire , qui1a seul droit d’en réclamer le
prix.
‘
L a seconde position consiste à dire que M . Onslow, fût-il Fran
çais , le prix de la terre de Lillingstonn appartiendrait encore à
M . Georges, son fils aîné; et cela, parun principe de garantie tiré
de son contrat de mariage.
••••-•- 1(j ■1 <
Nous allons parcourir les preuves qu’on donne de ces deux pro
positions ; et nous ne craignons pas de dire qu’elles nous parais
sent se renverser d’elles-mêmes.
G est bien vainement qu’on prétend , sous la loi du 2 mai. 1790,
attacher la qualité de Français à la nécessité du serment civique ;
tout y résiste, la lettre comme l ’esprit de la l o i , et les principes*
généraux de la matière.
La loi est claire, positive, absolue : elle ne présente aucune am-
�( id )
biguïté. Nous pourrions dire que la construction de l ’article ne per
met pas d’hésitation ; il semble que les mots y sont rangés tout ex
près pour montrer que le serment civique n’est pas nécessaire pour
devenir Français.
« Toiis ceux qui, nés hors du royaume de parens étrangers ,
» sont établis en France, seront réputés Français et a d m i s , enpré» tant le serment civique, à l ’ e x e r c i c e d e s d r o i t s d e c i t o y e n
» a c t i f , après cinq ans de domicile dans le royaume , s’ils o n t ,
» en outre, acquis des immeubles, ou épousé une Française.»
Il était impossible de s’exprimer plus clairement. Ces mots : En
prêtant le serment civique, pouvaient être placés de manière à
prêter à l’amphibologie, par exemple, s’ils, eussent été mis après
ceux-ci : Citoyen actif. On semble avoir médité la manière qui
produirait un sens plus clair, plus décisif; et en les plaçant, par
une coupure de phrase , entre ces expressions , admis.... à l'exer
cice, e t c ., on a dit aussi positivement que possible, que tout étran
ger habitant en France serait réputé Français, s’il y avait résidé
cinq ans, et si, de plug, il y avait acquis des immeubles, ou épousé
une Française ; et qu’il serait, en outre, admis à l’exercice des
droits de citoyen actif, si à ces conditions il ajoutait celle de prê
ter le serment civique. L e titre de la loi suffirait h lui [seul pour le
démontrer:
« Loi concernant les conditions requises pour être réputé Fran» cais, et admis, en prêtant le serment civique , à l ’exercice des
»> droits de citoyen. »
Cela ne demande ni ne supporte de paraphrase.
A u reste, nous n’avons point erré dans les citations que nous
avons faites de la jurisprudence. Nous n’avons pas dit que l ’arrêt
M a c - M a h o n eût jugé la question ; mais nous avons invoqué l’auto
rité de M. Merlin, qui ne laisse pas que d’être fort grave, quoique
l ’arrêt ne l ’ait pas expressément consacrée, et qui l ’est d’autant
plus , dans l’espèce , qu’elle a été adoptée parla cour de cassation,
dans 1 affaire du prince d TIénin.
�(
17
)
Il est très-vrai que la Cour royale de Paris s’était bornée à décla
rer que la qualité de Français dans la personne du prince d Hénin
résultait de tous les actes de sa vie publique et privée; mais la Cour
de cassation s’est expliquée davantage.
Devant elle , on soutenait que l’arrêt avait violé les lois ancien
nes et celle de 1790,
i°. Parce q u e , sous les anciennes lois, on 11e pouvait devenir
Français que par des lettres de naturalisation , ou par la déclaration
qu’exigeait l’édit du 3o novembre 1716. O r, on ne rapportait ni
l ’un ni l’autre.
2°. Parce q u e , sous la loi du 2 mai 1790 , il fallait le serment ci
vique; et, pour trouver cette nécessité dans la loi, on invoquait ,
comme aujourd’h u i, la constitution de 1791 et les lois postérieures,
qui le disent assez nettement.
O r, la Cour de cassation , en examinant ce moyen, déclare « qu’il
» suffit que le prince d’IIénin ait résidé plus de cinq années en
» France , et qu’il ait épousé une Française, pour être réputé Fran» ça is, aux termes de la loi de 1790 ; que dès lors il importe peu
V qu il ait rempli toutes les formalités voulues par les lois anté& Heures et postérieures à celle de 1790, sous laquelle la qualité
» de Français lui a été irrévocablement acquise. » On ne peut rien
dire de plus clair. L a lo i, la doctrine de M . Merlin , et un arrêt, de
la Cour de cassation aussi formel, en vôih\, sans doute , plus qu’il
n’en faut pour convaincre.
D ’ailleurs , il est évident que si le serment civique eût été né
cessaire , d’après la loi de 1790, rien ne pouvait le suppléer dans
cette espèce; et la Cour le disait nettement, en affranchissant
de toutes formalités voulues par les lois antérieures et posté
rieures. C était dire assez que l’exigence du serment civique ,
qui résulte de la constitution de (7 9 1, n’ôte rien aux droits acquis
sous la loi de 1790, et que l’article 3 de la constitution n’est point
interprétatif de cette lo i, mais établit un droit nouveau.
3
�( >8 )
Au reste, la Cour de Paris vient de donner, en matière électorale,
un nouvel exemple de la doctrine qu’elle avait adoptée dans l ’af
faire du prince d’IIénin, que la qualité de Français pouvait résulter,sous la loi de 1790, de l’ensemble des actes de la vie. Le 19
juin i 83o, elle a jugé, dans l ’affaire du sieur Morlighem, que,
sans avoir prêté le serment civique, il devait être reconnu Fran
çais, pour être venu en France en 1777, pour y avoir épousé une
Française, ctj* avoir acquis des propriétés. La Gazette des tri
bunaux du 20 juin, qui rapporte cet arrêt, ajoute qu’il avait
payé les contributions, satisfait à l'emprunt fo r c é , et obtenu une
décoration dans la garde nationale. Ces circonstances ne sont
qu’accessoires; et nous verrons que toutes se rencontrent dans la
position de M. Edouard Onslow. Les actes de sa vie témoignent
plus hautement que dans ces espèces sa qualité de Français.
La jurisprudence est donc évidente sur le sens de la loi de 1790,
d’ailleurs assez claire par elle-même. Quand il s’agirait ici des
droits de M. Onslow, comme Français, il faudrait les reconnaître;
mais nous devons aller plus loin; il ne s’agit quqderses obigations;,
et, en cela surtout, la loi est tout à fait en harmonie avec les principes.
Il y a une grande différence entre les droits du citoyen actif
qu’on peut accorder à un étranger, et les obligations qu’on peut
lui imposer, par suite de sa résidence en France. Les prérogatives
sont établies en sa faveur;.on ne peut pas exiger qu’il en u s e , il
faut qu’il les réclame, et qu’il remplisse les conditions auxquelles la
loi en a attaché l’exercice. Les obligations, au contraire, lui sont
imposées de droit, et par la force même de la loi, non pour son
propre avantage , mais dans l ’intérêt de l’état et de la famille avec
laquelle il contracte des engagemens. Ce ne sont pas là des abs
tractions sur lesquelles puisse s’étaLlir une douteuse controverse;
ce sont des principes du droit public.
11 est, en effet, de l’intérêt de l’état que celui qui acquiert e*
possède des biens en France ne puisse pas çn disposer autrement.
�( ‘9 )
que suivant les lois du pays ; que celui qui y épouse une Française,
après une résidence assez longue pour faire présumer sa volonté
de s’y fixer, ne soit pas considéié comme étranger, et que la
femme qui s’unit à lui ne soit pds trompée dans la confiance que
lui inspirent des faits publics et patens , qui lui ont fait penser
que les lois de son pays seraient toujours les siennes. L e législateur
a dû s’occuper de ces grands intérêts : cinq ans de résidence, des
acquisitions d’immeubles, et un mariage avec une Française, voilà
plus de faits qu’il n’en faut pour qu’un étranger d’origine soit sou
mis aux obligations du Français envers l’état; et aussi la loi de 1790
en a consacré les conséquences, en réputant Français celui en qui
ces conditions se rencontrent, Français de droit, même malgré lui,
parce qu’il s’agit de scs obligations, et que ce ne sont pas ses seuls
intérêts qu’on envisage.
Ce sont donc, d’après la loi, deux choses grandement différentes
que d être réputé Français, quant aux obligations que ce titre im
pose, et à quelques avantages qui en résultent naturellement;
et d être admis à l'exercice des droits de citoyen actif. Or, n’impor
tent les définitions données par les lois postérieures et par le Code
civil lui-même, qui ne s’occupe de la qualité de Français que sous
le rapportde la jouissance ou de la privation des droits civils; la loi
de 1790 les avaient distingués parfaitement par l ’expression, et
c’est elle qui nous régit.
Ce que nous avons dit s’applique parfaitement aux faits du procès.
Il ne s agit pas de savoir si M. Edouard Onslow pourra être admis
a 1 exercice des droits civils, s’il pourra être appelé à des fonctions
publiques, voter comme électeur, etc.; il s’agit de décider si, par
1 ensemble des actes de sa vie privée, par sa résidence, son mariage
et ses acquisitions en France, il s’y est assez naturalisé pour que sa
succession soit soumise aux lois françaises, et pour que ses enfans,
tous Français, doivent la partager conformément aux lois du pays.
On l ’a senti parfaitement dans la consultation du 17 avril. On y
soutient :
3*
�( 20 )
i°. Q u ’il n’a manifesté par aucun fait, par aucun acte, l'intention
d’abdiquer sa patrie; que c c s t comme étranger qu'il a épouse une
Française , en 1780, comme étranger qu’il a acquis des immeubles
en France;
2°. Que la loi anglaise y aurai^mis obstacle, parce que, dans ce
pays, les sujets ne peuvent jamais être déliés envers le souverain,
du serment d’allégeance;
5°. Que non-seulement M. Onslow n’a pas songé à s’en faire
délier, en prêtant serment de fidélité au gouvernement français,
mais qu’il a sans cesse conservé l ’esprit de retour dans sa patrie,
et que cela est démontré par deux circonstances impérieuses;
l ’u n e , que, considéré comme sujet d’Angleterre, il fut mis hors
de France par arrêté du directoire; l’autre que, rentré en 1798,
il ne revint en France qu’avec une autorisation du roi Georges. Ces
deux pièces, dit-on, démentent hautement la qualité de Français.
E x am inons ces argum ens et sur le fa it, et sur le droit.
i°. Sur le fait :
L e conseil ne connaît pas les deux pièces dont on parle; et la
consultation de Paris ne lui démontre pas qu’elles aient été com
muniquées aux jurisconsultes qui l’ont délibérée. On peut les avoir
seulement mentionnées dans le mémoire. Dans tous les cas, rien ne
nous conduit à leur supposer les effets que leur attribue la consul
tation; et nous pouvons d’autant moins les leur reconnaître, qu’on,
a tiré du contrat de mariage des conséquences toutes contraires à
celles qui en naissent; en telle sorte qu’il est encore fort douteux
pour nous que les jurisconsultes de Paris aient eu sous les yeux le
contrat de mariage du père.
C ’est, en effet, une proposition pour le moins extraordinaire
que celle qui s’applique à la qualité d’étranger tirée du contrat de
mariage. C 'est comme étranger, dit*on, qu'il a épousé une Fran
çaise en 1783^ fit cet acte témoigne qu’il a conservé l'esprit de re
tour.
,
�(
21
)
D ans la précédente c o nsu ltatio n , nous avons re nd u com pte de
quelques stipulations de ce contrat. E lles sont lo in de fou rnir celle
preuve.
Et d’abord, M. Onslow n’y prend pas la qualité d étranger,
d’ Anglais; il aurait pu le faire sans conséquence, puisqu’il *^1était
par sa naissance; mais il évite avec soin cette qualification pour
lui-même, pendant que son père la prend.
» Furent présens ,
» Très-honorable Georges lord Onslow, pair du royaume d’An» gleterre, lo rd , lie u te n a n t, e tc .; et sous son autorité M ila d y ....... .
»
»
»
»
son épouse, demeurant ordinairement à Londres; et, sous l’autorité de l ’un et de Taulre, l'honorable M . Edouard Onslow,
mineur, leur fils puîné, résidant actuellement à Clermont, en
Auvergne, et tous étant aujourd’hui à Paris, etc., etc. »
Assurément, il n’y a rien, dans cette déclaration de qualités,
qui pût annoncer à M"* de Bourdeille , future épouse, que
M . Onslow se mariât comme étranger, et qu’elle dût procliaine*ment le suivre en Angleterre, et se soumettre aux lois et à la re
ligion d un pays où on refusait aux catholiques toute espèce de
droit et de participation aux affaires publiques. Cela ne se conce
vrait pas, alors que, catholique elle-même, elle n’avait diAi rece
voir du souverain Pontife l’autorisation d’épouser un protestant
que sous la condition, d’élever ses enfans dans sa religion : il y
a donc erreur dans la consultation du 17 avril, si elle a fait résulter
la qualité d’étranger de celles qui sont prises en tête du contrat de
mariage.
Résulterait-elle des autres parties de l’acte ?
Ce ne sera certainement pas des trois clauses successives où, en
constituant au futur une dot en argent, payable plusieurs années
après, on 1 oblige à la réaliser en achats de terres ou autres im
meubles situés en France: nous en avons déjà rendu compte, et
tiré les conséquences dans la précédente consultation.
�( 22 )
Ce sera bien moins encore dans la clause relative à la constitu
tion de dot de M lle de Bourdeille. Elle lui conserve la faculté de
vendre ses biens; mais il est ajouté, comme condition prohibitive,
quelle ne le pourra qu’avec le concours et consentement du futur
époux, et enfaisant emploi en fonds certain, ex France.
A in s i, bien loin de se marier comme étranger , M. Onslow se
présente comme Français ou voulant le devenir; et il obtient la
main d’une fille de famille noble , en souffrant la condition qu’il ne
pourra jamais transporter hors de France les biens de son épouse ,
ni par conséquent, son épouse et les enfans du mariage , ce qui
demeure bien , pour le moins , sous-entendu. N ’est-ce pas là une
preuve icrésistible qu’il voulait être Français, se naturaliser en
France? et n’est-il pas évident que le mariage a été contracté sous
la foi de cette promesse , d’ailleurs si constamment et si fidèlement
exécutée!
Nous examinerons plus tard celte objection tirée du droit, que
la loi anglaise y aurait mis obstacle. Quant à présent, restons sur
le fait.
On dit que c’est comme sujet de l ’Angleterre que M. Edouard
Onslow fut mis hors de France par arrêté du directoire, et qu’il a
manifesté l ’esprit de retour, en n’y rentrant qu’avec l’autorisation
de son souverain.
Si :ces deux faits pouvaient être de quelque importance, M .
Georges Onslow aurait à les prouver par le rapport des pièces. Jus
que-là , ils ne seraient que de vaines allégations. O r , non-&eulement ils ne sont pas justifiés, mais la position de M . Onslow père,
à l’égard de son pays natal, demeure tout à fait incertaine. Nous
ignorons quel motif le lui a fait quitter, quel motif l’a empêché d’y
remettre le pied depuis sa sortie; mais cela seul, avec son établissementen France, suffiraitpour constater sa volonté d’yêtre naturalisé.
Mais, outre que ces deux faits allégués sont tout à fait invrai
semblables , los circonstances notoires dans le département du
�( 25 )
Puy-de-Dôme ne permettent pas de leur donner le moindre crédit.
Tout le monde s a it, dans ce pays, que la sortie d e M . Onslow,
en 1797 , fut occasionée par un mouvement politique , auquel il
prit une part trop active , et non parce qu’il était né en Angleterre.
Lo gouvernement fort rigoureux de 1792 et 179^ l’y avait souffert
sans la moindre difficulté pendant la guerre, dans les temps les plus
orageux. Il avait été respecté dans sa personne et dans ses proprié
tés , comme tout Français , sans qu’on parût s’inquiéter de son ori
gine; et le directoire n’aurait pas eu de motif de l ’expulser en 1797*
s’il n’y eût pas donné lieu, en participant à quelquesévénemens de
cette époque.
=
C ’est encore un faitnotoire dans ce département, que M. Onslow»
en quittant le territoire français , ne se retira pas en Angleterre.
Ij’opinion générale est qu’il n’y est plus retourné depuis son éta
blissement en France. Singulier esprit de retour! Après son ma
riage , après ses acquisitions d’immeubles en France, il y a passé
sa vie dans le sein de sa nouvelle famille; il y a élevé ses enfans
comme des Français , et dans la religion catholique ; il y a , comme
le sieur Morlighem, payé ses contributions , et satisfait à l ’emprunt
forcé. Il a fait plus : après quarante ans d’uné résidence non inter
rompue , le dernier acte de sa vie a été de vendre tous scs biens
d Angleterre , et d’en transporter le prix en France. Enfin , il y a
terminé sa carrière, sans jamais en avoir quitté le s o l, si ce n’est
dans un moment de trouble , et pour y revenir immédiatement. E t
il n était pas Français ! et il n’avait jamais voulu l ’être ! et il avait
conserve 1esprit de retour ! Sa vie toute entière atteste que celte
assertion est une erreur.
Nous pourrions parler de certains souvenirs desquels il résulte
rait qu il a exerce des droits civils, ou même rempli des fonctions
publiques dans ce département. Mais il faut s’en tenir aux faits
constans , d autant que ceux-là sont inutiles , pu’isqu il ne s’agit
pas, nous le répétons , de rechercher si M . Onslow p e u t exercer
�( >4 )
aujourd’hui des droits politiques, niais seulement s’il était Français,
et si sa succession est régie par les lois françaises.
Quoique ce soit là une vérité démontrée par tout ce que nous
venons de dire , n’oublions pas l ’objection tirée du droit, que les
lois d’Angleterre se seraient opposées à celte naturalisation. Ou
puise la preüve de cette assertion dans Blackstone, qui dit que
tout Anglais est lié envers son prince dès le moment de sa nais
sance ; que son éloignement ne le délie pas envers le souverain ,
quand bien même il aurait prêté serment de fidélité à un autre.
Cette doctrine de Blackstone , qui peut être très-vraie, tient à
un principe purement politique, tout à fait indépendant de la ques
tion de naturalisation. Passe qu’en prêtant serment de fidélité au
roi de France, un Anglais ne soit pas délié de celui qu’il a prêté
au roi d’Angleterre, qu’il ne puisse pas porter les armes contre
l u i , e tc., en sera-t-il moins Français , moins sujet aux obligations
civiles d’un Français ? Qui donc en doute? Ce ne sont pas les con
seils de M . Georges Onslow; ils font dépendre la naturalisation de
son père de la prestation de serment civique. Il importerait donc
très-peut s’il l ’eût fait, qu’il fût demeuré lié envers le roi d’A n
gleterre par un serment d’allégeance il ne serait pas moins natu
ralisé Français. O r , nous avons prouvé que le serment civique était,
dans l’espèce , absolument inutile.
L a consultation dit ‘encore que nos précédentes résolutions con
duiraient à penser « que M . Onslow «tait h la fois Français et An» glaisj pour Anglais, dit-elle, cela est évident: pour Français ,
v rien ne Ictablil. »
Nous croyons, au contraire, avoir bien établi qu’il était Fran
çais, et pat la force de la lo i , et par sa volonté; et rien ne nous
fait entrevoir cet esprit de retour vers l’Angleterre , avec lequel on
veut faire obstacle à sa naturalisation ; mais cette observation prouve
que le système que nous combattons est fondé sur une confusion
de qualités et de droits qui disparaît devant-les véritables principes
du droit public.
�( 2$ )
' •
.
Ouvrons le Code diplomatique des aubaines de M . Gaschon; il
nous servira de guide sur ces règles qui.lient les nations entr elles.
Dans le chapitre 8, il examine si l’on peut être sujet d-e deux
souverains, cl il dit, page 79 :
« La jouissance des droits civils , quoique ordinairement inhe» rente à la qualité de citoyen ou de sujet, n’en forme cependant
» pas un caractère distinctif, puisque souvent elle en est séparée.
« De là, il faut tirer la conséquence que le même individu peut
>> jouir dans deux endroits diflerens des droits civils , sans être ,
/) pour cela, sujet de deux souverains. »
11 poursuit, et, appliquant ce principe à l’Angleterre , il dit que
l’individu né dans ce royaume ne perd jamais sa qualité d’Anglais
( c ’est la doctrine de Blackstonc), « quelque chose qu'il fasse ,
» quelque résolution qu’il prenne, vint-il même à s'expatrier, il
m la conserve toujours j toujours il jouit en Angleterre des droits
» qui y sont attachés, pourvu que cette jouissance ne nuise pas aux
» d.i'ûits des tiers , ou qu’il n’en ait pas été privé par l'effet de cer» taines condamnations. De là , cet état de choses extrêmement
>> singulier..... L e même individu est,, en même temps, Anglais et
» Français, ou Anglais et Espagnol, etc..... M m , qui n’aperçoit
» pas que la loi anglaise repose sur un principe d’intérêt ou decon» àervation qu’on ne remarque qû’en Angleterre ?......Elle a un but;
» et ce but se rattache à des considérations d’une très-haute poli» tique. »
On peut lire tout ce chapitre et le suivant, dans lequel M . Gaschon examine comment on perd la qualité de sujet; et on y verra
développé avec une assez grande élévation de pensées, cette dis
tinction de la qualité d’Anglais ou de Français avec la q u a l i t é de
sujet de tel ou tel* souverain, qui explique ce qu’a v o u l u dire
Blactstone, à raison du serment de fidélité. Il n’y a évidemment
aucune conséquence à en tirer pour la question qui nous occupe ;
car nous répéterons sans cesse q u ’i l s’agit ici des droits ou des oblih
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( 26 )
gâtions civiles de M. Onslow, comme Français, et non de la ques
tion purement politique de savoir s’il a été délié envers le roi d’Anv
gletcrre de son serment d’allégeance.
Au reste, ces principes sont ceux du Code civil. Qu'on médite
les articles 3 , 7 , 9 et i 5 , et on les y retrouvera dans toute leur
intégrité; ils admettent clairement qu’on peut être sujet du roi
d’Angleterre, et cependant exercer des droits civils en France,
par le seul domicile autorisé du gouvernement. Les différences de
cette législation avec la loi de 1790 ne touchent absolument rien
au principe.
L e conseil ne doute donc pas q u e , soit par la force de la loi ,
soit par la force des faits émanés de lui-même , et par une volonté
constante, M. Onslow n’ait été naturalisé et ne soi:, mort Fran
çais , et que sa succession ne soit régie par les lois françaises. .
Nous ne nous sommes pas trompés en disant qu’après tout c ’est
une' véritable question de domicile. On en est presque d’accord
avec nous; mais on veut que ce domicile soit demeuré celui d ’An
gleterre. Il est évident que non, par tout ce que nous venons de
dire, ne fût-ce que par l’arlicle i 3 du Code civil. L i succession
mobilière de M. Onslow est donc régie par les lois françaises.
Et dès lors , puisqu’il a mobilisé toute sa fortune de son vivant,
qu’il l’a totalement transportée en France, il n’a pu en disposer ,
et ses enfans, Français comme lui , et bien plus encore que lui ,
n’ont pu la recueillir que conformément aux lois françaises.
Nous arrivons à la seconde proposition, celle qui consiste à dire
qu’à supposer que M . Onslow fût Français, son fils aîné ne serait
pas moins saisi de toute la valeur de la terre de Lillingstonn pai'
un principe de garantie résultant de son contrat.de mariage. Il la
lui aurait valablement donnée, dit-on; et pour l’avoii vendue luimême et en avoir reçu le prix, il devrait le restituer au véritable
propriétaire, sans qu’il pût en naître ùn droit de légitime, au pro
fit des autres enfans.
�( à? )
Ici, M . Georges Onslow a tout à prouver, et.il ne prouve rien;
et ses frères, qui ne sont tenus d’aucune preuve, prouvent tout
contre lui.
'
En supposant que M. Onslow père eût disposé nettement et sans
condition de ses biens d’Angleterre au profit de M*Georges Onslow,
celui-ci aurait h prouver que, d’après lés lois anglaises, son père
aurait pu faire cette disposition, sans que le donataire fût assujetti
à la.légitime de ses frères et sœurs.
Il aurait à prouver, en second lieu, que lu i, Georges Onslow,
constamment étranger à l ’Angleterre, puisqu’il est né et demeure
Français, serait apte à la recueillir , quoique professant la religion
catholique.
Sur la première de ces propositions, on ne trouve absolument
rien dans les consultations de Paris. Il eût été nécessaire cepen
dant de citer des lois ou des autorités graves, pour établir cette
doctrine si contraire à nos usages et à notre législation.
•Blackstone ne dit rien de positif à ce sujet. Seulement, on voit
quelques principes généraux indiqués dans divers chapitres du
5e volume.
Au chapitre 14 (du titre de la possession des biens par des
cendance), après avoir fait la distinction des biens tenus en fief
d’avec ceux tenus en roture, et parlé d'une manière assez vague
des droits de primogéniture, il ajoute, à la page 28, que les terres
en roture, qui, dans le principe, « descendaient fréquemment à
» tous les fils également.... sont presque toutes tombées dans le
» droit de primogéniture, excepté dans le‘ comté de K e n t, où l'on
» se gloçifie de la conservation de la tenure en gavelkind, dont
» 1 objet principal est de réunir tous les enfans dans l ’héritage. Il
» n y a môme d’exception que dans quelques manoirs particuliers,
» ou les coutumes locales varient en appelant quelquefois le plus
» jeune des fils, et quelquefois un adtre à sa succession, »
Cette première citation ne s’applique qu’à la transmission des
�Mens à titre successif; mais elle démontre que, même sous ce
rapport, les droits de successibilité varient suivant les lieux , et ne
sont pas en Angleterre aussi exclusifs qu’on le prétend sans le
prouver.
A u reste, arrivant à la transmission des biens par disposition
entre-vifs, que Blackstone indique au chapitre ig , par ces termes :
du titre par aliénation, il explique nettement que « la loi.........
s> permet à tout homme de vendre et disposer comme iWeut des
» terres qu’il a achetées, et non pas de celles qui lui ont été trans» mises p a r ses ancêtres . . ». Il est vrai, cependant, que la liberté
» de vendre les acquêts était aussi limitée dans certains points,
» car le vendeur ne pouvait pas plus déshériter. totalement ses
» en/ans, qu’il ne pouvait disposer de son patrimoine;.. . . mais
» la liberté de disposer entièrement de toutes ses possessions lui
» était laissée, s i, au préalable , il avait acheté pour lui et pour
» ses en/ans assez de biens pour former leur héritage. Il fallait,
» de plus, que ses acquisitions eussent clé faites au nom de ses
» enfans comme au sien , sans quoi il n avait pas le pouvoir d ’ a» liéner au delà de la quatrième partie de lhéritage qu'il avait
» reçu de ses ancêtres, sans le consentement exprès de son hé» ritier. »
Cela est fort clair, et nous, démontre que les lois anglaises
n’ont pas, comme on le prétend, méconnu les droits de la nature;
qu’elles réservent une légitime aux enfans, et que cette légitime,
réduite toutefois, aux biens de patrimoine, est des trois quarts
de la succession. Tenons donc pour certain-que M . Onslow père,
eût-il été Anglais, et sa terre de Lillingstonn n’eût-ell.e pas été
vendue* à sa mort, il eût dû en réserver les trois quails à ses en
fans, s il n’eût acheté pour eux et en leur nom assez de biens
pour former leur héritage.
In d é p e n d a m m e n t de cette nécessité q u i s’a p p liq u a it au p è re *
u n m o tif de prQ hibilion pouvait encore se trouver dans la per-
�C 29 )
sonne du fils. Etranger, né d’une Fiançaise, lui-meme établi eil
France, catholique enfin", élait-il apte à recueillir des biens im
meubles en Angleterre 2 C ’est une question qui tient encore a la
connaissance particulière des lois anglaises; et on ne prouve pas
qu’il le pût. O r, jusque-là il ne pourrait pas l’obtenir, surtout
par l’autorité des tribunaux français.
On cite bien, à la vérité’, dans la consultation un passage de
Blackstonc, qui suppose que la règle générale- à ce sujet reçoit
exception en faveur des enfariS nés hors du royaume, 'dont le
père était Anglais de naissance, à moins que le père ne fût ac
cusé ou banni, ou au service de quelque puissance ennemie de
la Grande-Bretagne. Mais, d’une part, cela n’est pas appliqué par
Blackstonc aux catholiques; de l’autre, ce qu’on ajoute de l’avis
d’un jurisconsulte anglais qu’on avait sous les yeux, et duquel il
résulte qu’un acte de Georges III,‘ en 1760, le leur applique ex
pressément, 11’est point une preuve suffisante contre cette règle
générale, qui déclare les étrangers, et surtout les catholiques,
incapables de posséder ou d’hériter des immeubles en Angleterre.
Au reste, s i, contre la règle générale, on voulait faire valoir
des'exceptions, il faudrait prouver qu’on peut les invoquer.enlièrement; et pour cela , il faudrait connaître la situation person
nelle de M. Onslow à l ’égard de son souverain primitif. La seule
circonstance qu’une fois sorti d’Angleterre, il n’y est plus revenu,
suffit pour démontrer sa volonté de lui demeurer étranger, et
faire présumer que ni lui, ni ses enfans ne sont dans les cas
d exception admis par les lois anglaises.
Les soussignés regardent donc comme impossible, dans l’état
d e s choses, de faire admettre par les tribunaux français ni l’une
ni 1 autre des deux propositions principales de la c o n s u l t a t i o n d é
Paris; quant aux trois questions secondaires, elles ne sont que le
développement des deux premières, et ne d e m a n d e n t pas de ré
futation spéciale. Nous nous sommes s u f f i s a m m e n t expliquas sue
�( 5o )
tous ccs poinls dans notre précédent avis. Il est donc tout à fait
inutile d’entrer dans l’examen des conséquences, qu’un autre ju
risconsulte a déterminées par chiffres, à la suite de la consultation.
Il nous reste un dernier point, c’est la proposition que nous
avions émise, que M . Georges Onslow, prenant part aux Liens
de France, ne pourrait, dans tous les cas, échapper au rapport
fictif des biens qu’il aurait reçus en Angleterre, quand bien même
la terre n’aurait pas été mobilisée. Elle a été réfutée par la seconde
consultation de M. Delacroix-Frainville seul. Sans nous demander
pourquoi cette consultation, datée du même jour que la première,
n’est signée que d’un seul des cinq jurisconsultes qui avaient signé
celle-ci, examinons-en l’argumeYit. Il est tout à fait renfermé dans
ce système de M. Dunoycr, qu’il faut voir autant de successions
qu'il y a de lois différentes , comme autrefois dans les diverses
coutumes du royaume, qui établissaient des préciputs différens.
L o r s q u ’on raisonne uniquement par analogie, on s’expose à ne
pas rester dans l’exactitude des règles. En matière de principes et
de leur application, il faut s’attacher, avant tout, aux arguméns
directs, et n ’appeler les analogies que comme auxiliaires. On juge
plus facilement alors si elles sont exactes. C ’est donc sur les prin
cipes qu’il faut spécialement nous fixer. Nous les trouvons suffi
samment développés dans le Traité des successions de Lebrun, et
dans lés Commentaires d eFerrière, sur les articles 17 et 298 de
la Coutume de Paris.
Remarquons, avant tout, qu’il faut distinguer deux causes dif
férentes, qui ont pu faire agiter des questions touchant la légitime;
1 ”. les droits de primogéniture, ou les préciputs diversement éta
blis par les anciennes coutumes; 2°. les dispositions en avantage
que pouvaient faire les.père pt mère,
La première de ces causes tenait essentiellement au système
féodal; c ’est ce qui résulte, soit de l ’article 17 de la Coutume de
Paris, soit de la (Joctrine de tous les auteurs, soit mênie de l ’es*
�(Si)
sence des choses; et*, eñ cela, les lo i s d’Angleterre y sont tout à
fait semblables; les prérogatives qu’elles accordent à la primogéniture de'pendent tout à fait de ce système. On peut s’en con
vaincre par toute la doctrine, et même par la partie historique
des commentaires de Blackstone , spécialement aux chapitres des
francs-fiefs.
Partout ce système consistaitprincipalement à attribuer à l’ainé
des mâles les fiefs nobles , ou le manoir avec une certaine quantité
de terres, ou des choses semblables; et partout aussi on lui accor
dait le droit de le conserver intégralement au préjudice des autres
cnfans; mais il fallait saisir les conséquences de ce principe, et
c ’est là que les variations de doctrine et de jurisprudence se sont
établies , les uns pensant que le préciput coutumier ne pouvait
pas être sujet à la légitime, et les autres croya-nt qu’il la devait
comme le surplus des biens.
Ces différences d’opinion provenaient d’une certaine confusion
dans les idées. Il était convenable que la matière même du pré
ciput ne dût pas être diminuée par la légitime; le système féodal
et l’ordre politique des états pouvaient l ’exiger là où on tendait à
conserver les grandes propriétés, comme cela existe encore en
Angleterre ; mais le droit sacré de légitime ne disparaissait pas pour
cela. S’il n’y avait pas d’autres biens pour la fournir, l’enfant pre
cipuo par la loi ne pouvait retenir l ’intégralité du préciput qu’en
fournissant en argent la légitime de ses cohéritiers. D ’aillears,
qu’il y eût ou non d'autres biens pour fournir la légitime, le fief
entrait dans l’estimation de la masse, en sorte que, par cette réu
nion dernoyens, le préciput servait à la computation de la légitime,
et qu’il la fournissait, à défaut d’autres biens, sauf le droit de l’en
fant précipué de reteñirla totalitéde l’immeuble, e n remboursant
en argent la légitime de ses cohéritiers. On peut voir Ferrière, nos 5 ,
5 et G de la glose sur l ’article 17, et cet article lui-même, qui est
clair fct précis.
•'
�( 32 )
C ’est encore ce que déclare formellement Lebrun, Traite des
successions, 1. 2, ch. 3 , section 7, n° 24: « La trébellianique, la
» falcidie, noq plus que la légitime, ne doivent point se prendre
»' sur ces fiefs royaux........... ?Cependant, lorsque l’aînc qui pos» sède ces fiefs ne peut récompenser ses puînés en autres terres
» ni en argent, ces fiefs peuvent être divisés pour leur légitime;
» ce que nous avons expliqué au sujet de. la succession des fiefs ,
» où nous avons montré, dans la section 2, que celte prérogative
» de l’indivisibilité des hautes seigneuries souffrait cette exception,
» parce qu’elle n’augmente pas le droit de l’aîné, mais lui donne
» seulement lieu de conserve^ son fief en entier, en récompen» iant ses puînés, ' »
1
Ainsi, voilà le principe fort clairement posé, même dans les
temps où les droits de primogéniture étaient admis avec le plus
d’extension, parce que la légitime est, dans tous les cas, et a été ,
dans tous les temps, une dette sacrée de la nature.
On peut encore voir Lebrun, ch. 2, sect. i re, sur la Succession
des fiefs j au n" 25 et suivans. Il y explique parfaitement cette
doctrine, et examine la question sôus un point de vue tout à fait
analogue au cas présenté des légitimes dans divers coutumes. Il
demande si une succession ouverte dans le ressort de la Coutume de
Paris, se composant d’un seul manoir, ce manoir se partagera comme
fief, en telle sorte que, pour la fixation de la légitime, il faille
appliquer à la fois l’art. 17 relatif au droit d’aînesse, et l’art. 298
relatif aux dispositions du père sur les autres biens qui ne sont pas
frappés par ce droit exhorbitant. Il décide que non, et reconnaît
rju’en oe cas la prérogative de l’aîné se réduit à un partage féodal,
où les puînés doivent trouver leur légitime, « qui est préférée au
» droit d’aînesse comme plus ancienne, et ayant son fondement
V dans la nature, dont les lois ne peuvent être abolies parles dis» positions du droit civil: »
En examinant quelle doit être la quotité de la légitime, et s’il
�( 53 )
faut prendre pour règle générale le droit romain ou la Coutume
de Paris, Ferrière dit bien, sur l’article 298, que la légitime doit
se régler suivant les coutumes des lieux où les biens sont situés;
mais cela n’est autre chose que l ’image de ce qu’il dit sur le re
tranchement des fiefs, c ’est-à-dire, que, dans chaque situation,
ces biens ne peuvent être effectivement retranchés pour la légi
time que jusqu’à concurrence de la quotité réglée par les lois de
leur situation; mais cette décision n’cmpêche pas que là, comme
dans le cas du préciput légal, il n’y ait qu’une seule légitime , prise
ou supportée sur la niasse de tous les biens, desquels, cependant,
le précipué ne peut être dépossédé que jusqu’à concurrence de
ce que prescrit la loi de chaque situation, sauf récompense envers
les autres. La raison en est qu’il ne peut y avoir qu’une seule suc
cession, qu’un àeul domicile du défunt, et qu’un seul lieu d’ou
verture tic cette succession; qu’enfin, avant de répartir la légi
time sur les diverses natures de biens, il faut la composer sur
une masse unique qui se forme de toutes lès propriétés du défunt,
sans exception.
Nous persistons donc dans la .résolution que nous avons prise
dans la précédente consultation. Ce que nous y avions exprimé
comme principe reçoit sa sanction de la plus pure doctrine des
auteurs. Nous ne répéterons pas ce que nous y avons déjà dit.
Mais, en vérité, on s’étonne de voir élever cette question dans
les circonstances où elle se présente. M. Onslow, fût-il Anglais,
n’était pas moins marié et domicilié en France depuis près de
cinquante ans. Sa succession y est ouverte; elle doit se partager
suivant le Code civil qui règle la réserve des enfans, et auquel
aucun d. eux ne peut se soustraire. Cela ne peut être effacé ni par
les lois anglaises, ni par un acte de donation passé en France sous
1 empire du Code civil; car il faut bien rem arquer que c est d une
donation qu’il s’agit, et non d’un préciput, d’un droit exclusif qui
serait accordé par les lois anglaises, sur une terre non vendue
au moment de 1& mort du père.
5
�( 34)
C ’est ici que les fails particuliers nous amènent à résumer la
question clans les termes les plus simples.
Le père, il est vrai, avait donné celte terre à son fils aîné,
par son contrat de mariage; mais, indépendamment de la question
de savoir s’il pouvait le faire d’une manière absolue, et sans au
cune condition de légitime envers ses autres enfans, il s’était ré
servé de le réduire par des dispositions à un revenu do vingt mille
francs de France, ou 4 oo,ooo fr. de capital. O r, qu’a-t-il fait? Il
a vendu la terre, il en a reçu le prix, et l ’a transporté en France,
où il fait partie de sa fortune mobilière; les lois anglaises demeu
rent donc sans force et sans application sur ses biens. Nous n’avons
pas à examiner si la donation assurée restait pour 4oo,ooo francs
en immeubles, ou seulement en argent. La terre une fois vendue,
il ne s’agit plus que du prix. O r, dès que le père ne s’était défini
t i v e m e n t l i é que pour une valeur de 400,000 fr., nous regardons
comme incontestable qu’en dénaturant sa fortune, et en achevant
de la transporter en France, il l ’a volontairement soumise aux
lois françaises, en telle sorte que le fils aîné, soit directement
comme donataire , soit indirectement par un principe de garantie,
ne peut rien prétendre au delà des 400,000 fr ., ou de sa portion
héréditaire, joint le quart en préciput. La garantie, en effet, ne
produirait que des dommages-intérêts, et ils ne peuvent consister
que dans la perle qu’éprouve le fils. O r, sa perte provenant d’un
fait du père qui s’était réservé de Je réduire à une valeur de
20,000 francs de rente, ne peut produire de dommages-intérêts
que pour le capital de ces 20,000 fr., c ’est-à-dire ¿{00,000 fr. La
garantie ne peut aller plus loin que ce à quoi le père était défini
tivement oblige.
Ne doutons pas, d’ailleurs, d’après les dispositions manifestées
par M. Onslow, dans tous les actes de famille qu’il a faits pendant
les dernières années de sa vîc, que quelques motifs particuliers,
qu’on dissimule, et qui pouvaient naître, soit de la législation an
�(55)
glaise, soit de sa situation personnelle ou de celle de son fils,
comme Français et catholique, à l’égard du roi d’Angleterre, n aient
forcé la vente de Lillingslonn. Il nous est fort permis de penser
que si M. Georges Onslow eût été apte à en profiter en Angle
terre, sans réduction de la légitime , le père l ’eût laissée en nature
dans sa succession. Il a donc vu qu’il n’y parviendrait pas au moyen
de#la législation anglaise; mais il s’est abusé, s'il a cru obtenir ce
résultat en aliénant la terre. Domicilié en France, et marié depuis
1783, naturalisé par la loi d e '1790, devenu tout à fait étranger
à 1 Angleterre, mort en France avec des immeubles situés dans ce
pays et une succession d’ailleurs toute mobilière, il l’a laissée
nécessairement soumise au Code civil qui la régit sans la moindre
exception. Telle est, en définitif, la ferme opinion des soussignés.
Cela posé, il n’y a pas le moindre doute que les enfans puînés,
avec des droits aussi certains, et dont la quotité seule est contes
tée, ne soient fondés à demander une provision, et ne doivent
1 obtenir sans difficulté contre le fils aîné, qui jouit de tous les
biens, et qui a dans les mains la disposition de capitaux consi
dérables appartenant à la succession.
D
élibéré
à R io m , le 27 juillet i 83o.
D e V i s s à c , G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i à n d .
J adopte entièrement la consultation ci-dessus.
G a r n ier.
L ’avocat soussigné, qui a été appelé à prendre part aux délibé
rations qui ont préparé la consultation ci-dessus, en adopte entiè
rement toutes les solutions.
Fait à Clermont, le i 3 août i 83o.
H . C o n c i i o n , avocat.
J adhéré aux résolutions qui précèdent.
Paris, c e 1 6 d é c e m b r e i 83o.
B e r r y e r fils.
�( 5G )
, y
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a revu sa consultation du
i g janvier dernier, lu le contrat de mariage de M . Georges Onslow
et le partage de famille qu’il n’avait pas lors de son premier travail,
après avoir obtenu sur les faits des renseignemens différons de ceux
contenus dans une note précédente , et médité la consultation du
16 février dernier, délibérée par MM. Allemand, Godemel , de
Vissac et Tailhand,
Partage, à une légère différence près, l ’opinion de ces juriscon
sultes , et son sentiment produira un résultat identique avec le leur.
C ’est désormais un point hors de doute que M. Onslow père a
cté natural/sé Français par l'effet de la loi du 2 mai 1790, et qu’iL
est mort en possession de ce titre.
^ Mais cela n’empêchait q u e, d’après les lois anglaises, M. Onslow
11c fût toujours Anglais , en Angleterre. Blacks.tonc, dans son Com^
mentairc sur la législation de la Grande-Bretagne, dit qu’un Anglais
d’origine ne peut, lors même qu’il le voudrait (à l’exception d’un
cas qui ne se rencontre pas), cesser de l'être, ni se dégager de l’o
béissance et des devoirs envers son souverain. Ainsi, il peut être
tout à la fois Anglais et Français : cela tient à la différence des lé
gislations, à l’indcpendance des nations, d’après laquelle chacune
règle la condition des personnes qui habitent son territoire, suivant
scs besoins et sa politique, sans s’occuper de ce qu’il plaît à la na
tion voisine de statuer , et sans pouvoir , d’ailleurs , l ’on empêcher.
Cela conduit à reconnaître qu’en obtenant de S. M. Britannique
la déclaration qu’il était resté Anglais, M. Onslow n’a rien ajouté
à scs droits , ni changé sa position; il n’a fait que faire déclarer ce
que les lois anglaises disaient positivement. C ’est un surcroît de
précaution assc* inutile.
Blackstone dit aussi que le fils d ’un Anglais d’origine est Anglais,
quoique né en pays étranger, à moins que ce fils n’ait embrassé la
religion, catholique. On peut yoir.sur cela le Coxle diploniatiqua
�(57)
des aubaines, par M. Gaschon, et l ’ouvrage de M. .Daligny , par
lui cité.
M. Georges a été élevé dans la religion catholique; par consé
quent il est Français, non-sculemert par les lois françaises , mais
encore suivant celles de la Grande-Bretagne.
O r, Blackstone dit encore que les étrangers ne pouvaient ac
quérir en Angleterre aucun immeuble, qu’ils ne pouvaient deve
nir propriétaires que de choses mobilières, et cela, par des raisons
politiques qu’il expliquc.Donc,ladonationdelaterredeLillingslonn,
contenue dans le contrat de mariage , était nulle. Si M . Onslow
le père l ’eût encore possédée à l’époque de sa m ort, ni M. Geor
ges , ni ses frères n’auraient pu la recueillir; elle eût été dévolue
aux autres parens anglais, ou au fisc d’Angleterre.
Vainement objecterait-on que la terre ayant été vendue , le prix
a dû en appartenir à M . Georges , en vertu du principe que nous
venons de rappeler, qui permet aux étrangers d’acquérir des ob
jets mobiliers; car la donation de 1808 étant nulle, le prix de la
vente était, comme la chose même , la propriété de M . Onslow
père. Pour que son père pût faire paraître sa prétention spécieuse ,
il faudrait au moins que son fils lui eût fait, avant de transporter
le prix en France, une nouvelle donation spéciale de ce prix, ce
qui n’a pas eu lieu.
Nous ne partageons pas l’opinion émise dans la consultation, que
le père n’a donné à M . Georges , en le mariant, que 20,000 fr. de
rente : il lui a donné la terre toute entière. C ’est la disposition
principale. Accessoirement, il s’est réservé de disposer de l ’excé
dant de 20,000 fr. de rente sur cette même terre, mais en déclarant
que ce dont il n’aurait pas disposé appartiendrait à soù fils. Si donc
la terre valait 85o,ooo fr ., et qu’il n’eût disposé que de i 5o,ooo f. ,
le fils aîné tiendrait 700,000 fr. de la stipulation du contrat de
mariage. Cela est conforme A l ’article 1086 du Code civil, qui dé*
krogc à la règle générale de l’article g/fG.
�(58)
Mais il ne s'agit pas d’interprcter les clauses du contrat de ma
riage; il s’agit seulement d’en examiner la validité et l ’effet in
trinsèque.
O r , nous croyons avoir démontré que la donation d’immeubles
situés en Angleterre, faite à un particulier qui, d’après les lois
anglaises elles-mêmes, n’a jamais été Anglais, est frappé d’une
nullité radicale.
Supposons néanmoins le contraire.
Les immeubles ont été vendus du vivant du père, parle fils aîné,
comme son mandataire.
Peut-on dire que, par une sorte de remplacement, de subroga
tion , le prix provenant des immeubles d’Angleterre s’est trouvé
substitué à ces immeubles, à participer de la même nature ?
Mais , pour qu’il y eût lieu à l ’examen de celte objection , il fau
drait au moins que le fait matériel fût certain, et que l ’identité en
tre le prix touché en Angleterre et les sommes ou créances dépen
dantes de la succession fussent bien constatées, comme si dans les
actes de prêt ou de placement il était dit qu’elles provenaient de la
vente des propriétés; et il se peut qu’elles aient été dissipées.
Mais rien de semblable ne paraît exister. Peut-être les actes de
placement portent-ils que M . Onslow père est usufruitier, et
M. Georges un propriétaire; mais, encore une fois, celle énon
ciation nctablirail point l’identité. On pourrait tout au plus admet
tre que le père a fait au fils une donation avec réserve d’usufruit,
q u i , d’après l’article 918 du Code c iv il, se réduit <\ la portion disEnfin, lors même que l ’identité serait bien clairement établie
(ce qui paraît au conseil soussigné être impossible), cela ne
servirait en rien. Eu effet, l’acte de partage énonce qu’indépen
damment du prix de la terre de Lillingslonn , M. Onslow père a
touché 20,000 liv» sterling, ou 5oo,ooo f. argent de France, qui lui
avaient été constitués en dot, et qui devaient être au moins en par-
�( 39 )
lie employés en acquisition d’immeubles en France. Ces 5oo,ooo fr.
ayant toujours été mobiliers dans les mains de M . Onslow pere ,
doivent être incontestablement régis par la loi française. Il en doit
être de même de la terre de Chalendrat et de la maison de Clermont. Ainsi, sur i , i 55,ooo fr. dont se compose la succession, il
y en a 700,000 qui évidemment sont soumis à notre législation. O r ,
de deux choses l’une : ou M. Georges renoncera purement et sim
plement Ji la succession, et alors les 700,000 fr. appartiendront cl
ses trois frères; ou il viendra à parlage, et alors, comme au mo
ment de l’ouverture de la succession la valeur représentative des
objets donnés se trouvait en France , il faudrait nécessairement
qu’il se contentât de l’avantage du quart et rapportât le surplus, aux
termes de l ’article 918. On peut dire en outre que lors même que
les immeubles donnés seraient encore la propriété de la famille
Onslow, le frère aîné serait oblige, s’il voulait prendre part aux
biens de France, de rapporter fictivement ce qui des biens d’A n
gleterre excéderait le quarl. Nous croyons que c’est là une consé
quence fort juste de l’article 2 de la loi du i/j juillet 1819.
Il est évident que les testamens ni le partage fait en famille ne
peuvent apporter le moindre obstacle à l’application de ces princi
pes ; la loi 11e permettait pas au père qui avait quatre enfans de don
ner plus du quart de sa fortune à l ’un d’eux. Quelle que soit la
voie qu’il ait prise , ou l’acte qu’il ait imaginé pour obtenir un ré
sultat contraire, il n’a pu éluder la disposition légale à l’exccution
de laquelle tous ces actes doivent être ramenés.
Nous partageons encore l’opinion de M M . les jurisconsultes de
Riorn sur la manière dont le douaire de la mère doit être acquitte:
le mari pouvait donner à celle-ci le quart do sa fortune en pleine
propriété, et un autre quart en usufruit. Il a pu r e p a r t i r cette
portion disponible entre elle et son fils. Comme le douaire est la
première donation, s’il formait la moitié du revenu de la succes
sion , le fils aurait un quart en nue propriété. S ’il ne fortne que le
�C 4o >
quart, il ne le supportera pas comme donataire , mais seulement
comme héritier, c’est-à-dire , qu’il commencera par prendre son
quart en pleine propriété , et que le douaire sera assis sur les trois
autres quarts ; chacun des enfans payera 3,ooo fr.
D
élibéré
à Paris, ce iomars i 83o.
S ig n é
G a iin ie r .
SOUSSIGNÉ , qui a pris lecture, i°. des consultations déli
bérées à Riom les 16 février et 27 juillet 1800 , dans l’intérêt des
trois fils puînés de M. Edouard Onslow; 2°. des consultations
délibérées à Paris le 17 avril de la même année, et à Riom le
1" août i 85 i , dans l'intérêt de M. Georges Onslow, leur frère
L
e
aîné ;
Consulté spécialement sur la question de savoir par quelles lois
estrégie la succession mobilière de M . Edouard Onslow , père com
mun des parties, décédé à Clcrmont-Ferrand, département du Puyde-Dôme, en 1829,
E s t d ’ a v i s que cette succession est régie par les lois françaises,
et ne peut être régie que par elles; sauf à examiner ensuite (ce
qu’il ne peut faire quant à présent, faute des pièces qui lui seraient
nécessaires à cet effet) si, dans la masse des objets mobiliers dont
elle se compose, il s’en trouve ou non qui doivent, respective
ment aux parties, être considérées fictivement comme des immeu
bles régis parles lois anglaises.
Les faits, non contestés ou non susceptibles de contradiction ,
sur lesquels repose cet avis , sont simples et faciles à saisir.
M. Edouard Onslow, 11c en Angleterre, et fils puîné d’un pèro
protestant de ce royaume, avait, jeune encore et d’accord avec sa
famille , quitté son pays natal pour s’établir en France.
Il y épousa, en 1780, la D u‘ dc Bourdeillc, Française; et le con-
�(4 0
trat de mariage qui précéda la cérémonie nuplialc constate trois faits
importans : Je premier, qu’il demeurait dès lois a Clermont en
Auvergne ; le second , qu’il avait tellement abdiqué tout esprit de
retour en Angleterre , et que ses père et mère , en adhérant à celte
détermination, la regardaient comme tellement constante,que ceuxci , en lui constituant à titre d’apport une somme de 20,000 livres
sterling, s’obligèrent solidairement de réaliser la moitié de ce ca
pital en achat de terres ou autres immeubles en France, dans deux
années , à compter du jour de la célébration du mariage ; le troi
sième, que les parens de son épouse et son épouse elle-même
comptaient tellement sur cette même détermination, qu’ils stipulè
rent expressément que les biens par elle apportés en dot ne pour
raient être aliénés par elle , même du consentement de son mari,
que moyennant remploi en fonds certains situés en France.
Effectivement , M. Edouard Onlow ne remit plus le pied en
Angleterre; et non-seulement il continua jusqu’à sa mort, arrivée
en 1829, d’habiter le département du Puy-de-Dôme avec sa femme
et ses enfans; non-seulement il y fit des acquisitions en immeu
bles , sans en faire aucune ailleurs; non-seulement ce fut en France
qu’il employa la légitime qui lui était advenue par la mort de ses
père et m ère, à l’exception d’une somme qu’il employa en Angle
terre sur le trois pour cent consolidé; mais dès l’aurore de la révo
lution qui avait éclaté l’année précédente, il s’était empressé de
prendre rang dans la garde nationale qui s’était spontanément for
mée à Clermont-Ferrand, et de se dévouer par serment, comme le
constate un procès verbal de la mairie de cette ville , du 27 décem
bre 1789, à la défense de la constitution dont l ’assemblée consti
tuante venait de poser les bases essentielles ; et s’il n’est pas encore
prouvé qu'il eût exercé des droits politiques en France im m éd iate
ment après la publication de la loi du 3o avril-2 mai 1790 1 ^ Ie
sera du moins, en cas de dénégation, qu’il avait été appelé, en 1an 5,
aux fonctions d’électeur, et qu’il les avait remplies ; il l ’est même
6
�( 42 )
déjà, par des pièces mises sous les yeux du soussigné, qu’il avait
été compris, en fructidor an i 3 , dans la liste des cinq cent qua
rante p l u s imposés du département du Fuy-de-Dôme, qui devaient,
d’après l’article 25 du Senatus-consulte du 16 thermidor an 1 1 , for
mer le collège électoral de ce département.
Cependant il lui était échu en Angleterre, depuis son mariage,
une succession collatérale composée des terres de Lillingstonn et
de Cbarlestown ; et en mariant son fils aîné , le 18 juillet 1808, il
lui avait donné par préciput la nue propriété de ces terres, en s’en
réservant l’usufruit, et sous la condition qu’il resterait maître d’en
disposer jusqu’à concurrence de ce qui excéderait la somme
de 20,000 fr. de revenu évalué au denier vingt.
Mais depuis, et par un acte passé à Londres, le 21 juin 1824,
que ses fils puînés n’ont encore pu se faire représenter, et dont ils
ne connaissent que le résultat matériel, il avait vendu ces mêmes
terres moyennant la somme de 840,000 fr., qu’il avait placée à Paris
tant en rentes sur l’état qu’en obligations de particuliers.
D e tous ces faits non contestés ou à l’abri de toute contestation
sérieuse, naissent deux questions : l’une principale, si c’est par les
lois françaises qu’est régie la succession mobilière de M . Edouard
Onslow, ou si elle l ’est par les lois anglaises ; l’autre, subsidiaire,
si du moins les lois anglaises ne doivent pas seules régir ceux des
biens mobiliers de la succession de M. Edouard Onslow qui pro
viennent du prix de la vente des terres de Lillingstonn et de Charlestown.
L e soussigné ne peut, comme il l’a déjà dit, s’expliquer ici sur
laseconde de ces questions, parce qu’il ignore quelle parta prise à
la vente qui l’a fait naître le sieur Onslow, sans le consentement
et le concours duquel il est évident qu’elle n’a pu avoir lieu ; mais
il n’hésite pas à se prononcer sur la première , et à dire qu’en gé
néral la succession mobilière de M. Edouard Onslow n’est et ne
peut être régie que par les lois françaises.
�( 43 )
M. Georges Onslow convient lui-même que les lois françaises
doivent seules régir la succession du père commun des parties,
quant aux immeubles qui s’y trouvent en nature; et pourquoi?
parce que c’est en France que ces immeubles existent, et qu ils
ne peuvent y exister que sous l’empire des lois françaises.
Mais n’est-ce pas aussi sous l’empire des lois françaises qu exis
taient, à sa mort, les biens meubles qui dépendent de celte suc
cession ! Non-seulement c’était enFrancu qu ils existaient tous ou
presque tous de fa it à cette époque , niais il était impossible, si le
défunt avait son domicile en France, quils existassent ailleurs de
droit ; car c’est un principe généralement reconnu que les proprié
tés mobilières suivent la personne et sont censées n’avoir pas d au
tre situation que celle de sou domicile. O r, c était bien certaine
ment en France que M . Edouard Onslow était domicilié lors de
son décès, puisque c’était à Clermont-Ferrand, ville française,
qu’il avait son -principal établissement, puisque c était dans cette
ville qu’il avait fixé le siège de toutes scs affaires; en un mot, puis
que sa demeure dans celte ville réunissait toutes les circonstances
au concours desquelles la loi 7, C. de incolis, attache le caractère de
domicile proprement dit : in eo loco (ce sont les termes de cette loi)
singulos haberedomiciliumnon ambigitur, ubi quislarem rerumque
ac Jortunarum summam constituit ; undh rursiis non sit discessurus , si nihil avocet ; undh cùm profectus est peregrinari videtur ;
quo si rediit, peregrinari jam destitit. Donc , nul doute que toutes
les propriétés mobilières de M . Edouard Onslow ne dussent être
considérées comme ayant élé situées en France au moment de son
décès ; donc, nul doute qu’elles n’aient été régies en ce moment
par les lois françaises.
M. Georges Onslow ne peut méconnaître ces deux c o n s é q u e n c e s
(sur lesquelles, d’ailleurs, nous reviendronsci-apres), qu en niant
lu n e des bases sur lesquelles elles reposent; q u en niant que
son père est mort domicilié en F rance ; et c’est précisément ce
6*
�( 44 )
qu’il fait ; mais comment justifie-t-il sa de'ne'gation l Le voici :
Mon pore, dit-il, était né Anglais, et il est décédé sujet du roi'
d’Angleterre. Il n a donc pu résider en France que comme étran
ger; o r , un étranger peut-il, à son gré et par son seul fa it, par sa
seule volonté , imprimer au séjour plus ou moins prolongé qu’il lui
plaît de faire en France le caractère d’un véritable domicile l Non,
il ne le peut, d’après l’article i 3 du Code c iv il, qu’avec l’autorisa- j
tion du gouvernement français
et cette autorisation , jamais
M. Edouard Onslow ne l’a obtenue, ni même sollicitée. M. Edouard
Onslow a donc conservé en France son domicile d’origine; c ’est
donc en Angleterre que sont censées'avoir existe , au moment de
sa mort, les propriétés mobilières qu’il a laissées en France; c ’est
donc parles lois anglaises que ses propriétés doivent être régies.
Mais toute cette argumentation va s’évanouir devant la doublepreuve que M. Edouard Onslow est mort Français , et que, quand
même il eût conservé jusqu’à son décès sa qualité originaire d’Anglais, il n’en aurait pas moins acquis en France un véritable domicile,
sans que l’art. i 5 du Code civil y eût apporté le moindre obstaclePREMIERE PROPOSITION.
il/. Edouard Onslow, quoique né sujet du roi d'Angleterre , était
devenu Français long-temps avant sa mort, et il n’ en a jamais
perdu la qualité.
Il
y avait déjà beaucoup plus de cinq ans que M. Edoua/d
Onslow était établi en France et y avait contracté avec une Fran
çaise un mariage dont il était né plusieurs enfans, lorsqu’est sur
venue la loi du 3o avril-2 mai 1790, par laquelle ont été déclarésFrançais tous les étrangers qui, ayant alors cinq années de domi
cile continu en France, avaient épousé une Française, ou y avaient,
soit acquis des immeubles, soit formé un établissement de corn-
�( 45 )
merce. M . Edouard Onslow était donc, de plein droit, devenu
Français par l'effet de cette loi ; il en a donc conservé la qualité jus
qu'à sa mort, à moins qu’on ne prouve, ce qui, dans le fait, est
impossible , qu’il l ’eût perdue par l’une des causes que determine
1article 17 du Code civil, lequel n’est à cet égard que lécho de
l’article 6 du litre 2 de la constitution du 3 septembre 1791 , de
I article 7 de la constitution du 5 fructidor an 5 , et de l ’article 4
de la constitution du 22 frimaire an 8 , c ’est-à-dire, soit par la
naturalisation acquise en pays étranger , soit par l'acceptation non
autorisée par le gouvernement étranger, de fonctions publiques
conférées par le gouvernement français , soit enfin par un établis*
sentent fa it en pays étranger , sans esprit de retour.
On oppose à cela plusieurs objections ; mais il n’en est aucune
qui puisse soutenir le choc d’une discussion sérieuse.
Première objection. La naturalisation est un contrat entre le gou
vernement qui adopte, et l ’étranger adopté. Ce contrat, comme
tous les autres, exige un consentement réciproque, et ce consen
tement ne peut résulter que d’actes positifs. O r , on ne peut citer
aucun acte par lequel M . Edouard Onslow ait réclamé et accepté
le bénéfice de naturalisation qui lui était accordé par la loi de 1790.
II n'est donc pas devenu Français par l’effet de cette loi.
D eu x réponses.
i°. L a naturalisation peut sans doute s’élablir par un contrat
positif, résultant de la demande que fait l’étranger de cette faveur,
et de la concession que lui en fait le souverain. Mais elle peut aussi
s’établir par la seule puissance de la loi, et sans l’assentiment ex
près de l’étranger. Le souverain, par cela seul qu’il est souverain,
peut dire : J e v e u x q u e t o u s c e u x q u i h a b i t e n t m e s é t a t s s o i e n t
c i t o y e n s ; et une fois qu’il l ’a dit, nul n’a le droit de lui répondre :
J e n e v e u x p a s ê t r e c i t o y e n , q u o iq u e ] h a b i t e v o s é t a t s . C est ainsi
que , par un édit rapporté dans la loi 17 , D . d e s t a t u h o m i n u m ,
l ’empereur Anlonin accorda aux habitans de toutes les parties de
�( 46 )
son vaste empire la qualité de citoyens romains , qui jusqu’alors
avait été réservée aux habitans de l'Italie, et plus anciennement
à ceux de Rome ; et que la loi du 5 .ventôse an 5 (dérogeant à l’ar
ticle 5 de celle du 9 vendemiaire an 4 > par laquelle la qualité
de citoyen français était restreinte , dans la Belgique , aux habitans
des communes qui avaient voté, en 1793, leur réunion à la France),
déclara citoyens français indistinctement, et sans qu’ils l ’eussent
demandé, sans s’enquérir de leur acceptation, tous les habitans
des communes de la Belgique dont la souveraineté n’était dévolue
à la France que par droit de conquête.
Il aurait donc été bien au pouvoir de l’assemblée constituante
de dire, le 5o avril 1790 : « Je déclare Français tous les étrangers
» qui sont actuellement domiciliés en France , n’importe qu’ils
» ne le soient que depuis peu, ou qu’ils le soient depuis plusieurs
» années. Je les laisse libres de se faire ou de ne se faire pas ad» mettre à l ’exercice des droits politiques attachés à cette qualité,
» en prêtant le serment requis à cet effet; mais qu’ils s’y fassent
•> admettre ou non, qu’ils prêtent le serment requis à cet effet,
» ou qu’ils ne le prêtentpas, ils n’en seront pas moins Français,
» comme le sont tous ceux qui, nés en France, ne prêtent pas cé
» serment; comme le sont tous ceux qui, nés en France, se trou» vent, par l’effet de la non-prestation de ce serment, exclus de
» l ’exercice de droits de citoyens actifs. »
Sans doute, si en disposant de la sorte, si en déclarant ainsi
règnicoles de plein droit, tous les étrangers sans distinction qui
résidaient alors en France , la loi de 1790 les eût mis dans l’impuis
sance d’en refuser la qualité, elle aurait fait un grand abus du po\ivoir législatif; elle se serait souillée, à leur égard, d’un vice de
rétroactivité inexcusable; elle les eût privés, malgré eux, des droits
qui leur étaient acquis à la qualité de citoyens ou sujets de leur
pays; et il y a évidemment rétroactivité, selon les principes de
tous les temps Ct de tous les lieux, renouvelés par l’arl. 2 du
�( 47 )
Code civil, là où des droits précédemment acquis sont violes; il
n’y en a même à proprement parler que là (1).
Mais elle ne serait pas sortie de la sphère légitime du pouvoir
législatif; elle n’aurait pas rétroagi dans le sens de 1 article 2 du
Code civil, si, en leur conférant la qualité de règnicoles , sans
qu’ils l'eussent demandée, elle ne leur eût pas ôté la faculte
de répudier celte qualité , en sortant du territoire français ; elle
n’aurait fait, en les plaçant dans l’alternative de sortir immédiate
ment du territoire français, ou d’accepter la naturalisation qu elle
leur conférait, que s en remettre à leur volonté sur le choix entre
l ’acceptation de la nouvelle qualité dont elle eût voulu les investir,
et la conservation de celle de citoyen ou sujet de leur pays natal;
et de là même il résulte qu’ils auraient nécessairement été censés
opter pour la première, et renoncer à la seconde, par cela seul
qu’ils auraient continué leur domicile en France. C ’est la consé
quence irrésistible de. la combinaison de deux principes également
incontestables : l’u n , que le souverain d’un pays, par cela seul qu’il
en est souverain, a le droit d’empêcher qu’un étranger ne s’y éta
blisse, comme celui d’en faire sortir ceux qui y sont déjà établis,
et par suite de régler les conditions sous lesquelles il lui convient
de leur permettre, soit d’y former, soit d’y continuer des établissemens (2); l’autre, qu’en fixant ou continuant leur domicile
dans un pays qui n’est pas le leur, les étrangers acceptent virtuel
lement les conditions sous lesquelles la loi de ce pays les autorise
à l ’y fixer ou continuer.
A insi, dans l’hypothèse à la discussion de laquelle nous nous li-
( 1 ) Voyez le Répertoire de jurisprudence, aux mots Effet rétroactif , sect. 3 ,
§ 1 " , n° 3.
(a) Voyez le Droit des gens de Vatel, § 3ao; et le Répertoire de jurispru-,
dcnce, aux mots Effet rétroactif \section 3, § 3, art. 3.
�( 43)
vrons ici surabondamment, quand môme M. Edouard Onslow n’eût
été, lors de la publication de la loi de 1790, domicilié en Franco
que depuis peu de temps, il aurait suffi qu’à la suite immédiate
de cette publication, il ne fût pas sorti du territoire, ou du moins
n’eût pas manifesté authentiquement le dessein d’en sortir le plus
tôt possible, pour qu’il devînt Français de plein droit.
2°. Nous sommes fort loin de cette hypothèse; il ne s’agit pas
ici d’une naturalisation imposée, plutôt qu’accordée à des indivi
dus qui, non-seulement ne l’eussent pas demandée expressément,
mais même n’eussent rien fait qui permît de leur en supposer
l ’envie. La loi de 1790 n’a pas naturalisé indistinctement tous les
étrangers q u i, au moment de sa publication, avaient en France un
domicile quelconque ; elle n'a accordé ce bienfait qu’à ceux d’entr’eux dont le domicile en France comptait déjà au moins cinq
années révolues, et qui ayaient, en outre, ou épousé une Française,
ou acquis des immeubles, ou formé des établissemens de comu
merce, ou obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville ;
et pourquoi le leur a-t-elle accordé? parce qu’elle a trouvé dans
les faits matériels et positifs que signalait la position dans laquelle
ils s’étaient eux-mêmes placés en France, des signes non équivo
ques d’une intention bien marquée de s’associer aux destinées de
la nation française; parce qu’elle a présumé, d’après ces faits, qu’iis
aspiraient à devenir Français’; parce qu’elle a considéré ces faits
comme équipollens à une demande tacite en naturalisation. Elle n’a
donc fait, en déclarant qu’ils étaient réputés Français , qu’adhérer
à un vœu qu’elle présumait elle-même être au fond de leur cœur.
Mais dès là , il est clair que leur naturalisation s’est trouvée com
plète, du moment où a été promulguée la loi qui la leur conférait
sur leur demande présumée par elle, et qu’ils n’ont pas eu besoin
de l ’accepter expressément pour lui donner tout son effet à leur
égard, comme il n’est pas besoin pour la perfection d’un contrat
formé par le concours des volontés des deux parties contractantes,
�( 49 )
qu’après l ’adhésion donnée par l ’une à la proposition mise en avant
par l’autre, celle ci accepte l’adhésion qu’y a donnée celle-là.
Sans doute, si M. Edouard Onslow, à la vue de la loi qui le natu
ralisait sur la-seule présomption formée par elle , d'après la position
dans laquelle il s’était placé en France depuis plus de cinq ans, de
sa volonté de devenir Français, eût trouvé qu’elle avait mal inter
prété ses intentions, et s’il eût voulu conserver, à l’égard de la France,
sa qualité d'Anglais, il aurait pu le faire ; car il est de principe que
les présomptions admises par la loi, doivent céder à des preuves
contraires, à moins que la loi elle-même n’en dispose autrement.
Mais comment aurait-il dû s’y prendre pour cela? de deux manières
seulement.il aurait fallu, ou qu’immédiatement après la publication
de la loi, il eût protesté devant la municipalité de son domicile,
qu’il n’avait pas entendu, par l ’établissement qu’il avait forme en
France, et par le mariage qu’il y avait contracté, abdiquer sa
qualité d’Anglais, ou qu’il eût fait sur-le-champ ses dispositions
pour retourner en Angleterre, et qu’il eût quitté la France sans
esprit de retour. C ’étaient là les seuls moyens qu’il eût de faire
cesser la présomption q u i, dans l’esprit de la l o i , le faisait réputer Français; car il est de principe, comme le dit textuellement
un arrêt de la cour de cassation , du 5 janvier 1810 , sections réu
nies, que, si une présomption de droit peut être détruite par la
preuve positive d'un fa it contraire à celui qu elle suppose, elle ne
peut du moins pas l'être par des présomptions non autorisées par
la loi et purement arbitraires (1).
Or, M . Edouard Onslow n’a employé ni l ’un ni l ’autre de ces
moyens pour conserver en France sa qualité d’Anglais. Il a donc
reconnu que la loi de 1790 avait fait une juste interprétation de
( 1 ) Questions de dro it, au mot Douanes, § 1 2 . Voyez aussi M. Touiller, t. 1 0 ,
pag. 89 .
7,
�( 5o )
la volonté qu’il avail cue en s’établissant dans le royaume , et en
y épousant une Française, de devenir Français.
Et dans le fait, il n’aurait pas pu agir autrement; il n’aurait pas
pu surtout transporter sa femme en Angleterre, et la rendre An
glaise, sans manquer aux engagemens qu’il avait implicitement
pris envers elle et ses parens, par son contrat de mariage.
C ’est trop peu dire : il n’aurait pas pu prendre ce parti, sans*se
mettre en contradiction avec lui-même; car il n’avait pas attendu
que la loi de 1790 le réputât Français pour se regarder et agir
comme tel. Déjà, et dès le 27 décembre 178g, il avait, comme
nous l’avons annoncé plus haut, prété individuellement et en qua
lité de garde national,* entre les mains des officiers municipaux de’
Clermont-Ferrand, le serment de soutenir la constitution et les
décrets de l'assemblée nationale.
Du reste, c ’est bien inutilement qu’au texte de la loi de *790,
et à la preuve irréfragable du fait que M. Edouard Onslow a cons
tamment reconnu jusqu’à sa mort qu’elle lui était applicable} on
vient objecter q u e , d’après la jurisprudence de son pays natal r
1 allégeance, c ’est-à-dire, la fidélité qu’il devait à son souverain na
turel, le niellait dans l’impuissance de se faire naturaliser en pays;
étranger, sans la permission de celui-ci.
La jurisprudence anglaise n'offre, à cet égard, rien de particu
lier; elle n’est que le corollaire d’un principe de tous les temps,
et commun à tous les pays, comme le disait Louis X IV , dans le
préambule de son édit du mois d’août 1GG9, relatif à Immigration,
que « les liens de la naissance qui attachent les sujets naturels à
» leur souverain et à leur patrie, sont les plus étroits et les plus
» indissolubles de la société civile; que l’obligation du service
» que chacun leur doit, est profondément gravée dans le cœur
» des nations les moins policées , et qu’elle est universellement
» reconnue comme le premier et le plus indispensable des devoina
,y de l’homme. »
�( 5i )
A insi, il y a , pour la naturalisation d un Français en Angleterre,
le même obstacle que pour la naturalisation d un Anglais en France ,
il n’est pas plus permis à un Frarçais d’obtenir 1une sans 1autori
sation de son gouvernement, qu’il ne l’est à un Anglais d obtenir
l’autre sans l ’autorisation du gouvernement britanniqueMais tout ce qui résulte d e là , c’est que si, au mépris des lois
politiques de leur patrie respective, un Français et un Anglais se
font naturaliser, l’un en Angleterre, sans l’autorisation du roi des
Français, l’autre en France, sans l’autorisation du roi d'Angle
terre, ils s’exposent tous deux, en cas qu’ils reparaissent chacun
dans sa patrie originaire, à y être poursuivis comme coupables
de félonie; et c’est h quoi a pourvu, pour ce qui concerne la
France, le décret impérial du 2G août 1811.
Faire un pas de plus et aller jusqu’à dire que la naturalisation
de l’un et de l’autre sera nulle et comme non avenue par rapport
au pays^dont le gouvernement l ’aura accordée, en sorte que le
Français, quoique naturalisé en Angleterre, y soit toujours con
sidéré comme Français, et que l’Anglais, quoique naturalisé en
France, y soit toujours considéré comme Anglais , ce serait subal- .
terner la souveraineté française à la souveraineté britannique, et
la souveraineté britannique à la souveraineté française ; ce serait
méconnaître les premiers principes du droit des gens.
Aussi est il de notoriété universelle qu’une foule d’Anglais na
turalisés en France sans l’autorisation du gouvernement britanni
que , y ont constamment été et y sont encore traités en tous points
comme Français, et que c’est notamment par la loi française que
sont régies leurs successions mobilières.
Deuxième objection. La loi du 3o avril-2 mai 1790, n’accorde
la naturalisation aux étrangers dont elle s’occupe, que sous la
condition de prêter le serinent civique. O r, il n’existe aucune
preuve qu’Edouard Onslow ait jamais prêté le s e r m e n t civique en
France. II n’est donc, pas devenu Français par 1 effet de cette loi.
7*
�( 5a )
Encore deux réponses,
i°. En f a i t , comment peut-on dire que M . Edouard Onslow
n’a jamais- prélé le serment civique en France? Non-seulement il
l ’avait prêté même avant la publication de la loi dont il s’agit,
comme le constate le procès verbal déjà cité de la mairie de
Clennont-Ferrand, du 27 décembre J789; mais ce qui prouve,
ou qu’il avait réitéré ce serment immédiatement après la publica
tion de celte loi, ou que la réitération en avait été jugée inutile
pour le faire admettre à l’exercice des droits de citoyen actif, c ’est
qu’en l’an 5 , il a été appelé aux fonctions d’électeur, et qu’il les a
remplies.
2°. En droit, il suffit de lire la loi en entier, pour voir celle
objection s’évanouir d’elle-même.
« L ’Assemblée nationale (y est-il dit), voulant prévenir les dif» ficullés qui s’élèvent au sujet des conditions requises pour de» venir Français , décrète ce qui suit:
» Ceux qui, nés hors du royaume de parens étrangers, sont
» établis en France, sont réputés Français, et admis, en prêtant
» le serment civique, à l’exercica des droits de citoyens actifs ,
»
»
y
»
»
»
»
après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils ont, en
outre ou acquis des immeubles, ou épousé une Française, ou formé
un établissement de commerce, ou reçu dans quelque ville des
lettres de bourgeoisie..., nonobstant toits règlemens contraires
auxquels il est dérogé, 'sans néanmoins qu’on puisse induire du
présent décret, qu’aucune élection faite doive'être recommencée’. »
Voilà le texte intégral de la loi d’après laquelle on prétend que
M . Edouard Onslow n’aurait pu devenir Français, qu’en prêtant
le serment civique; et cette prétention serait évidemment fondée,
si, comme le disait le soussigné, le 22 mars 1806, à l’audience
(le la Cour de cassation, chambres réunies, dans l'affaire MacMahon, les expressions conditionnelles, en prêtant le serment ci-
�( 53 )
vique, étaient placées ou immédiatement après les mots réputés
Français, ou immédiatement après les mots, et admis a l exercice
des droits de citoyens actifs; et si, en conséquence, la loi disait :
Sont réputés Français en prêtant le serment civique, ou sont ré
putés Français, et admis à l'exercice des droits de citoyens actifs,
en prêtant le serment civique. Dans le premier cas, la condition ,
en prêtant le serment civique, se rapporterait au seul membre de
phrase, sont réputés Français; dans le second, elle se rapporte
rait tout à la fois à ce premier membre de phrase et au suivant,
admis à Vexercice des droits de citoyens actifs ; et le sens de la
phrase entière serait que, tant pour cire réputés Français, que
pour être admis à l’exercice des droits de citoyens actifs, les étran
gers établis en France sont tenus de prêter le serment civique. —
Mais ce n’est nî de l’une ni de l’autre de ces deux manières que
s’énonce la loi : Sont réputés Français, dit-elle, et admis, en prê
tant le serment civique, à l ’exercice des droits de citoyens actifs.
Ce n est donc que pour l’admission à l’exercice des droits de ci
toyen actif, que la loi exige la prestation du serment civique. Cette
condition n est donc pas imposée à la disposition résultant des
mots, sont réputés Français ; la loi laisse donc cette disposition
dans son sens pur et simple ; elle présente donc cette disposition
comme absolue.
Et il ne faut pas s’étonner que la loi ainsi entendue , comme elle
doit l’être d’après les premières règles de la syntaxe, exige, pour
l’admission des étrangers établis dans le territoire français à l’exer
cice des droits de citoyens actifs, une condition qu’elle ne prescrit
pas pour leur naturalisation.
Elle ne fait, îicet égard , pour les personnes nées hors de France,
que ce qu elle f a i t pour les personnes nées en France même. Les
petsonnès nées en France norit Françaises de plein droit; elles ne
sont pourtant pas admises de plein droit aux avantages attachés à la
qualitédecitoyen actif; elles n ’y s o n t a d m i s e s , aux termes de l’art. 3
�( 54 )
da la première section delà loi du 22 décembre 1789, que sous deux
conditions : l’une de se munir d’une inscription civique; l’autre de
prêter, à l’âge de vingt-cinq ans, le serment de maintenir de tout son
pouvoir la constitution du royaume , d’ étrefidèle à la nation , à la
loi et au roi, et de remplir avec zèle et courage lesfonctions civiles
et politiques qui leur seront confiées.
Veut'On une autre preuve que c ’est uniquement à l ’admission
des. étrangers aux droits de citoyens actifs que la loi du 5o avril
1790 attache la condition de prêter le serment civique, et qu’elle
ne l ’attache pas à leur naturalisation ? Nous la trouverons dans la
loi du 9 décembre de la même année, concernant les biens des
religionnaires fugitifs : « Toutes personnes ( y est-il dit, art. 20 ) ,
» qui, nées en pays étranger , descendent, en quelque degré que
» ce soit , d’un Français ou d ’ u n e F r a n ç a i s e expatriés pour cause
» de religion, s o n t déclarés naturels Français , et j o u i r o n t des
» droits attachés àcette qualité , s’ils reviennent en France, y fixent
» leur domicile , et y prêtent le serment civique. » — On voit que ,
dans cette disposition, comme dans la loi du 5o avril précédent,
la naturalisation est accordée en termes qui ont un effet actuel, ab
solu et indépendant de toute condition, sont déclarés naturels Fran
çais ; et qu elle est accordée , non-seulement aux descendans de
Français expatriés pour cause de religion, mais encore aux descend a n s d e Françaises expatriées pour lamêmecause, et par conséquent
nés étrangers comme leurs ascendans. On voit aussi que, dans cette
même disposition, la loi s’exprime au futur, jouiront, et n’exige
entre autres la condition du serment civique, que relativement
h la jouissance des droits attachés à celte qualité. Ce n’est donc
,point par inattention , c’est par suite d’un système combiné et ré
fléchi, c’est pour raccorder cntr’cllcs toutes les parties de la légis
lation sur celte matière, que la loi du 5*0 avril 1790 fait rapporter
la condition , en prêtant le serment civique , aux seuls mots, et ad
mis à l'exercice des droits de citoyens actifs ; et qu’en la faisant
�( 55 )
rapporter à ces seuls mots , elle en affranchit la premiere et prin
cipale disposition , sont réputés Français.
'troisième objection. Pour que la loi (lu So avril-2 mai 179° cut
pu cire censée ne rapporter les mots en prêtant le serment civique
qu’à l’admission des étrangers dont elle s’occupait, à 1 exercice des
droits de citoyens actifs ; pour qu’elle eût pu être censée ne pas les
rapporter également a la naturalisation de ces étrangers , il faudrait
supposer , comme le faisait M . Merlin dans l’affaire Mac-Mahon,
qu elle avait deux objets différons , celui de déterminer les condi
tions imposées à l’étranger pour devenir Français, et celui de fixer
les conditions requises de l’étranger pour être admis à l ’exercice
des droits de citoyen actif; or, cette supposition est inadmissible.
En effet, si l’un des objets de la loi eût été de fixer les conditions
requises de l’étranger pour être admis à l ’exercice des droits de ci
toyen actif, elle ne se serait pas bornée , dans celle de ses dispo
sitions qui s’y serait référée , à énoncer seulement la prestation du
serment civique ; elle eût rappelé toutes les autres conditions pres
crites pour l’exercice des droits politiques. L e serment civique n’é
tait pas la seule condition, ainsi que le supposait M. M erlin; les
lois en vigueur à cette époque , et notamment le décret relatif aux
assemblées primaires et administratives, prescrivaient des condi
tions au nombre de cinq. Les Français n’étaient certainement pas
soumis à un plus grand nombre deconditionS que ne l’aurait été l’é
tranger naturalisé. L a loi de 1790 ne renfermait donc pas, comme
le soutenait M. M erlin, les conditions nécessaires pour devenir
citoyen actif, mais seulement pour être réputé citoyen français ;
son objet était d’ailleurs déterminé par son titre ( c ’est sans doute
son préambule qu’on a voulu dire),ainsi conçu : « L ’assemblée na» tionale voulant prévenir les difficultés qui s’élèvent au s u je t des
» conditions requises pour devenir Français. »
Réponse. Oui, l’objet principal, e t, à proprement parler, lobjet unique de la loi, était, comme elle le disait elle^même dans son
�( 56)
préambule, de prévenir les difficultés qui s'élèvent au sujet des con
ditions requises pour devenir Français ; mais c ’est de là même qu’est
parti le soussigné dans ses conclusions du 28 mars 180G, pour, éta
blir qu’elle né rapportait les mois en prêtant le serment civique ,
qu’à l'admission des étrangers naturalisés par les moyens qu’elle in
diquait à l ’exercice des droits de citoyens actifs; et, pour se con^
vaincre delà justesse de la conséquence qu’il tirait de là , en même
temps que pour voir disparaître la prétendue absurdité qu’il y au
rait h ne rapporter la condition exprimée par les mots en prêtant
le serment civique , qu’à l ’admissibilité des étrangers naturalisés
par les moyens qu’indiquait la lo i, à l’exercice des droits de ci
toyens actifs, il ne faut que se rappeler, i°. où s’étaient élevées les
difficultés que rassemblée nationale déclarait vouloir |prévenir au
sujet des conditions requises pour devenir Français ; 20. à quelle
occasion elles s’étaient élevées; 3°. quelle question elles présen
taient à résoudre.
Ces difficultés s’étaient élevées d"ans les assemblées primaires
q u i, à celte époque, étaient convoquées de toutes paris pour pro
céder aux élections des administrateurs de districts et de départemens; et c’est à quoi font évidemment allusion les derniers termes
de la loi elle-même : sans néanmoins qu'on puisse induire du pré
sent décret qu'aucune élection fa ite doive être recommencée.
Elles s’étaient élevées à l’occasion du grand nombre d’étrangers
non naturalisés dans l’ancienne forme, mais qui étant domiciliée en
France depuis plus ou moins de temps, se présentaient aux as
semblées primaires pour y voter, comme réunissant les cinq qua-,
lités quede décret du 22 décembre 1789, sanctionné par lettrespatentes du mois de janvier 1790, avait déclarées nécessaires pour
être citoyen a c tif, savoir, i°. d ’ê t r e F r a n ç a i s o u d e v e n u F r a n
ç a i s ; 2°. dêtre majeur de vingt-cinq ans accomplis', 3 e. d'être do
micilié d é fa it dans le canton, au moins depuis un an; l\. de payer
une contribution directe de la valeur locale de trois journées de
�( $7 )
travail; 5°. de n être point dans l ’état de domesticité, c'est-à-dire,
de serviteur à gages.
Enfin, ces difficultés se réduisaient à Une seule question, à
celle de savoir ce qu’avait entendu le décret du 22 décembre 1789»
par les mots ou devenu français ; c’est-à-dire, si l’on devait s’en tenir
strictement à l’ancienne maxime, qui, à quelques exceptions près,
n’admettait les étrangers à la condition de règnicoles, qu’autantqu’ils
représentaient des lettres-patentes de naturalisation , enregistrées
dans les cours supérieures, ou si, par dérogation à celte ancienne
maxime , ils’ devaient être considérés comme naturalisés de plein
droit, soit par cela seul qu’ils demeuraient depuis plus ou moins
de temps en France, sans esprit de retour dans leur pairie origi
naire, soit au moins parce qu’en outre ils s’y étaient mariés avec
des Françaises, ou qu’ils y avaient acquis des propriétés mobilières,
ou qu’ils y avaient formé des établissemens de commerce, on
qu’ils avaient obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville
du royaume. C ’était entre ces deux thèses que gisait toute la con
troverse; car on était généralement d’accord que s i, quoique
dépourvus de lettres de naturalisation, ces étrangers avaient
droit d’êlrc considérés comme devenus Français, ils devaient,
par une suite nécessaire, être admis à l’exercice des droits de ci
toyens actifs, en rapportant la preuve qu’ils réunissaient à cette
première qualité, les quatre autres requises par l'article 5 de la
loi citée; et il est à remarquer que celte preuve, d’après le mode
qu’en avait fixé l’article 4 de la même loi, devait nécessairement
emporter celle de la prestation du serment civique ; car voici com
ment était conçu cet article ; « Les assemblées primaires forme» ront un tableau des citoyens de chaque canton, et y inscriront
» chaque année, dans un jour marqué, tous ceux qui auront at» teint 1 âge de vingt-un ans, après leur avoir fa it prêter le ser» nient de fidélité à la constitution, aux lois de l ’ état et au roi;
» nul ne pourra être électeur, et ne sera éligible dans les assem-
8
�(
53
■
)
» blées primaires, lorsqu’il aura accompli sa vingt-cinquième an* née , s’il n’a été inscrit sur ce tableau civique. »
Ainsi, les étrangers qui, domiciliés en France depuis cinq ans,
ou s'v étaient mariés avec des Françaises, ou y avaient acquis des
immeubles, ou y avaient formé des établissemens de commerce,
ou y avaient obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville,
devaient-ils être réputés Français, quoiqu’ils n’eussent pas obtenu
de lettres de naturalisation? C ’était là le seul point qui fit diffi
culté ; et s’il était résolu en leur faveur, il ne pouvait pas rester
le moindre doute sur leur admissibilité à l’exercice des droits de
citoyens actifs, en prêtant le serment civique.
Co fut ainsi, en effet, que la question fut présentée à l ’assem
blée nationale par son comité de constitution ; et la preuve que ce
fut ainsi qu’elle l ’envisagea elle-même, c ’est qu’elle déclara ex
pressément que la solution en était nécessaire, non pour régler
le mode d’admission des étrangers devenus Français à l’exercice
des droits de citoyens actifs, objet sur lequel la loi du 22 dé
cembre 1789 avait déjà tout réglé, mais pour prévenir les diffi
cultés élevées au sujet des conditions requises pour devenir Fran
çais, qualité qui, bien certainement, était indépendante de celle
de citoyen actif, et pouvait exister sans elle.
Que conclure de tout cela? une chose fort simple, mais déci
sive : c’est qu’à la vérité la loi du 5o avril-2 mai 1790 a déclaré que
les étrangers devenus Français ne seraient admis à l’exercice der»
droits de citoyens actifs, qu’en prêtant le serment civique; mais que
ce 11’était là qu’un accessoire de son objet direct; que son objfet
direct était de décider si les étrangers pouvaient devenir Français. •
Sans lettres de naturalisation, et à quelles conditions ils pouvaient
le devenir; qu’elle a rempli cet objet en voulant, par sa disposi
tion principale, que l’on réputât Français les étrangers q u i, ayant
en France un domicile continu de cinq années, auraient épousé
des Françaises, etc.; et que, dès lors, il serait aussi contraire' à
�C 5g )
son esprit qu’au sens grammatical de son texte, de faire rapporter
a sa disposition principale, les moLs en prêtant le serment civique,
qui ne figurent que dans sa disposition accessoire.
Quatrième objection. Les efforts que l ’on fait ici pour établir
que la loi du oo avril-2 mai 1790 a naturalisé de plein droit et
sans prestation de serment civique, tout étranger qui était alors
domicilié depuis cinq ans en France et avait épousé U n e Fran
çaise , on les a faits inutilement dans l'affaire Mac-Mahon, devant
la Cour d'appel de Paris, devant la chambre civile de la Cour de
cassation , devant la Cour d'appel d’Orléans, devant les chambres
réunies de la Cour de cassation, et devant la Cour d’appel de Dijon.
liéponse. La question de savoir si le sieur Mac-Mahon avait
etc naturalisé de plein droit par la loi dont il s’agit, n’a pas même
été soulevée devant la Cour d’appel de Paris.
- C'est devant la chambre civile de la Cour de cassation qu’elle a
été agitée pour la première fois; et l’arrêt de celte Cour, du 3o plu
viôse an i 5 , 1 a certainement laissée entière, puisque, la regardant
comme surabondante dans l’espèce, il n’en a pas dit un mot.
II est vrai que 1 arrêt de la Cour d’Orléans, du 11 thermidor de
la même annee, l a jugée pour la négative, et qu’en cassant cet
arrêt, le 22 mars i8o6,les chambres réunies de laCour de cassation
11e se sont pas plus expliquées que ne l’avait fait précédemment la
chambre civile, sur la prétendue cxlranéité du sieur Mac-Mahon ,
et qu elles se sont bornées à dire que le sieur Mac-Mahon ne pou
vait pas se soustraire à ïapplication de la loi du 26 germinal
M u i sous le prétexte qu'il était étranger, non soumis à la législation française.
Mais 1 arrtitdo lacour d’appel de Dijon , du 27 août 1806, n’est
pas resté muet sur ce point important : il a expressément déclaré
q u e , « soit comme Français naturalisé en exécution de la loi du
» 3o avril-2 mai 1790 , soit même comme étranger domicilié en
» France, marié sous 1-empire des lois françaises , et ayant même
8*
�( 6o )
» reconnu solennellement ces lois comme devant régir le pacte
» nuptial, le sieur Mac-Mahon était indispensablement tenu de
» l’exécution de la loi du 20 septembre 1792 , de celle du 26
» germinal an 11 , et du décret du 18 prairial an 12. >> Il a donc
décidé nettement que le sieur Marc-Mahon eût dû succomber,
quand même sa ci-devant épouse n’aurait eu à lui opposer que sa
qualité de Français naturalisé par l'effet de la loi de 1790.
Au surplus, ce qui prouve bien clairement qu’en s’abstenant de
se prononcer dans l’affaire Mac-Mahon, sur la doctrine professée
parle soussigné à ses audiences des 3o pluviôse an i 3 et 22 mars
1806, la Çour de cassation n’avait pas entendu la condamner, mais
seulement en ajourner l’examen jusqu’à ce qu’il se présentât une
espèce où il deviendrait nécessaire d’y statuer; c’est qu’elle l’a adop
tée formellement par l’arrêt qu’elle a rendu le 27 avril 1819, au
rapport de M. Favart de Langlade, et sous la présidence de M.Henrion de Pansey , au sujet du testament du prince d Hénin. .
Et c ’est bien vainement que l’on s'efforce de trouver des diffé
rences entre l’espèce sur laquelle cet arrêt a été rendu, et celle
dont il est ici question.
L e prince d’Hénin était né étranger comme M. Edouard Onslow,
e t , comme lui, il avait épousé une Française ; mais il n’avait pas
plus que lu i, avant la loi du 3 o avril-2 mai 1790, obtenu des let
tres de naturalisation.
Il est vrai qu’en 177/* il avait été fait capitaine des gardes du
comte d’Artois ; qu’il avait dû , en cette qualité , prêter le serment
de fidélité au roi. Mais ni l’acceptation de cette place, dont il avait
exercé les fonctions purement militaires jusqu’en 1789, ni la pres
tation de ce serment, n’avaient pu équivaloir pour lui à des let
tres de naturalisation; elles n’auraient pu le rendre Français , aux
termes de la déclaration du roi du 5 o novembre 17 15 , qu’autant
qu’il eût déclaré au greffe du présidial dans le ressort duquel il
était domicilié, c ’est-à-dire, du Châtelet de Paris, qu’il entendait
�( 61 )
Rétablir , vivre et mourir dans le royaume (1) , formalité qu’il n avait jamais remplie.
A u ssiM M .d e Caraman,qui soutenaient qu’il était décédé Fran
çais, ne s’appuyaient-ils que faiblement sur la déclaration du 3o no
vembre 17 16 , et tiraient-ils leur principal moyen de la loi du
5o avril-2 mai 1790.
Par arrêt du 25 avril 1818 , la Cour royale de Paris jugea que le
prince d’Hénin était mort Français, mais sans s’expliquer spécia
lement sur le point de savoir si c’était par l ’effet de cette dernière
loi qu’il était devenu tel, et en se bornant à dire que ce fa it résul
tait de tous les actes de sa vie , tant privée que publique.
L e comte d’Alsace , dont cet arrêt rejetait les prétentions à la
succession mobilière du prince d’Hénin, l’a attaqué devant la Cour
de cassation, et a soutenu :
i°>. Qu'il violait les anciennes ordonnances du royaume , lesquel
les n’admettaient pour les étrangers d’autres moyens pour devenir
Français que d’obtenir du roi des lettres de naturalisation dûment
enregistrées;
20. Qu’il violait également la déclaration du 3o novembre 1 7 15,
qui subordonnait le bénéfice de naturalisation qu’elle accordait
aux étrangers ayant dix années de service militaire en France, à
une formalité que le prince d’Hénin n’avait pas remplie ;
3°. Qu’il ne violait pas moins la loi du 3o avril-2 mai 179 0, en
ce qu elle ne naturalisait les étrangers mariés à des Françaises, que
sous la condition de prêter le serment civique, condition à laquelle
le prince d’Hénin ne s’était jamais soumis avant sa mort, et que
1 on ne pouvait pas sérieusement prétendre avoir été accomplie A
1 avance par la prestation qu’il avait faite, en 1774» d’un serment
de fidélité au roi, qui ne pouvait pas é v id e m m e n t équivaloir auser-
(*) Voyez le Urperloire de Jurisprudence, au m ot Aulaine , n° 6-4*
�(6a )
ment d'être fidèle à la nation et au roi, et de maintenir une cons
titution dont l’objet principal était de diminuer les attributs de l’au
torité royale ;
.
.
t.
4°. Qu’en tout cas, il en faisait une application fausse et rétroac
tive, parce que le domicile continu de cinq ans ne »pouvait être cal
culé qu’à partir de la promulgation de la lo i, et qu’il ne s’était pas
écoulé cinq ans entre la promulgation de la loi et la mort du prince
d'Hénin.
•
De ces quatre moyens de cassation , les deux premiers rentraient
évidemment dans le troisième, et le quatrième était insoutenable
en présence de ces termes de la loi du 5o avril-2 mai 1790, sam
néanmoins qu’on puisse induire du présent décret qu aucune élec
tion fa ite doive être recommencée ; car il en résultait manifeste-*
ment que celte loi avait en vue, non les étrangers qui demeure-*
raient à l’avenir pendant cinq ans en France, mais les étrangers
qui jusqu’alors y avaient demeuré sans interruption pendant cinq
années.
?
Il ne restait donc que le troisième moyen ; et là se présentait,
dans toute sa simplicité, la question de savoir si la naturalisation
des étrangers domiciliés en France depuis cinq ans, et mariés à des
Françaises, était subordonnée à la condition de prêter le serment
civique.
O r , celte question , l’arrêt de la Cour de cassation, du 27 avril
1819, l’a décidée textuellement pour la négative;
« Attendu que la loi du 2 mai 1790 distingue entre les étrangers
» qui doivent être réputés Français et ceux qui veulent être admis
» à l’exercice des droits de citoyens actifs ; qu’elle impose aux pre» iniers deux conditions : i°. d’avoir dans le royaume un domicile
*> continu de cinq années; 2°. d’avoir, ou acquis des immeubles
» en France, ou épousé une Française, ou formé un établissement
» de commerce, ou reçu dans quelque ville des lettres de bour» jgeoisie; q u e , pour les seconds, elle exige les mêmes condû
�( 63 )
» tîons , et, en outre , la prestation du serment civique; que cette
» distinction , qui résulte de la construction grammaticale de la loi,
» est justifiée par la différence des droits civils attachés à la qua
rt lité de Français, et des droits politiques inhérens nu titre de ci» toyens actifs; qu’il suit de là que, d’après la loi du 2 mai 1790,
» le serment civique exigé de l’étranger qui voulait exercer en
» France les droits politiques de citoyen actif, ne l’était pas de
» celui qui voulait seulement être réputé Français ;
» Attendu qu’il résulte des faits déclarés constans par l'arrêt
» attaqué , que le prince d’Hénin , né à Bruxelles en 1744, a été
» peu de temps après sa naissance , amené en France par sa mère,
» Française d’origine; qu’il y a résidé jusqu’à sa mort, arrivée en
» 1794.; qu’en 1758 , il obtint du roi de France des lettres de bé» néfice d’âge , qui furent entérinées au Châtelet de Paris; qu’en
* 1766 il a épousé en France une Française, et que, dans leur
)> contrat de mariage, les époux déclarèrent qu’ils se soumettaient
» aux dispositions de la Coutume de Paris; qu’en 17741 il fut
7> nommé capitaine des gardes de Monseigneur le comte d'Artois,
» et qu’en celte qualité il prêta serment de fidélité au roi ;
« Attendu que, des diverses circonstances ci-dessus énoncéesr
» il suffit que le prince d’Hénin ait résidé plus de cinq années en
» France, et qu’il y ait épousé une Française, pour être réputé
» Français , aux termes de la loi de 1790 ; que dès lors il importe
» peu qu’il ait rempli ou non les formalités voulues par les lois
» antérieures et postérieures à celles de 1790, sous l'empire de
J» laquelle la qualité de Français lui a été irrévocablement acquise;
» Attendu que, ces faits une fois reconnusr la Cour royale de
» Paris n a fait qu’une juste application des principes de la ma» tièro , en déclarant que le prince d’IIénin est mort Français. »•
Un arrêt aussi bien motivé et aussi positif 11c laisse pas la moin
dre prise au plus léger doute; et encore ne forme-t-il ici pour
M M . Onslowpuînés qu’une autorité surabondante, puisque, tomme
�( 64 )
on l ’a déjà observé , non-sculemeut leur père avait prêté, dès le
37 décembre 1789, entre les mains de la municipalité de£lermont,
le serment de soutenir la constitution décrétée par ï assemblée nationale (serment qui embrassait essentiellement toutes les parties du
système constitutionnel, et par conséquent équipollait évidemment
au serment civique) , et que d’ailleurs sa nomination aux fonctions
d électeur en l’an 5 fait nécessairement présumer que s’il eut dû
prêter, pour être admis à l’exercice des droits politiques, un nou
veau serment civique après la publication de la loi do 1790, il l’a
vait effectivement prêté.
Cinquième objection. La disposition principale de la loi du 3o
avril-2 mai 1790, c’est-à-dire , celle qui prononçait la naturalisa
tion des étrangers domiciliés en France depuis cinq ans, et y ayant
en outre , ou épousé une Française , ou acquis des immeubles , ou
formé un établissement de commerce, ou obtenu des lettres de
bourgeoisie dans quelque ville, a été reproduite dans l’article 3 du
titre 2 de la constitution du 5 septembre 1791 ; et voici comment
cet article a été rédigé : « Ceux qui , nés hors du royaume, de pa» rens étrangers, résident en France, deviennent citoyens fran» çais après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils y
» ont en outre acquis des immeubles, ou épousé une Française,
» ou formé un établissement d’agriculture ou de commerce , et
)> s’ils ont prêté le serment civique. »
Réponse, Que prétend-on conclure de là ? Veut-on dire que la
constitution de 1791 n’a pas établi un droit nouveau par rapport
aux conditions sous lesquelles les étrangers pouvaient devenir Franr
çais, indépendamment de leur admission à l’exercice des droits de
pitoyens actifs ; qu’elle n’a , à cet égard, dérogé en rien à la dis
position principale de la loi de 1790, et qu’elle n’a fait qu’expli
quer le sens dans lequel cette disposition avait toujours dû êtreenlendue 1 ou bien voudrait-on insinuer que la constitution de 1791
implicitement déclaré comme non avenue la disposition princi*
�( 65 )
pale delà loi de 1790, ou, en d’autres termes, qu’elle l’a abrogée
avec effet rétroactif? Ni l’un ni l’autre système ne serait soutenable.
i°. La preuve que l ’article 5 du titre 2 de la constitution de
i 791 n’était pas simplement explicatif du sens dans lequel l’assem
blée constituante avait adopté la disposition principale de son dé
cret du 3o avril 1790 , et que son objet était, en statuant par droit
nouveau, de déroger aux règles établies depuis seize mois sur le
mode de naturalisation des étrangers, c‘est qu’il ne parlait plus de
ceux q u i, quoique dbmiciliés en France depuis cinq ans, n’y avaient,
ni épousé des Françaises, ni acquis des immeubles, ni formé des
établissemens de commerce, mais seulement obtenu des lettre^ de
bourgeoisie dans quelque ville ; c ’est par conséquent qu’il faisait
cesser, en ce qui les concernait, l ’empire de ces règles. Mais si
l ’on est forcé de reconnaître qu’il était, sous ce rapport, introductif d’un droit nouveau, il est impossible de ne pas lui attribuer le
même caractère , par rapport à la condition qu’il impose aux étran
gers de prêter le serment civique pour devenir Français, indé
pendamment de leur admission ù l’exercice des droits de citoyens
actifs.
20. Non-seulement l ’acte constitutionnel de 1791 n’rt pas déclaré
comme non avenue la disposition principale de la loi de 1790, en
tant qu elle naturalisait, de plein droit et sans prestation de ser
ment civique , les étrangers domiciliés en France depuis cinq ans
et maries à des Françaises, pas plus qu’il ne l a déclarée comme
non avenue, en tant qu’il étendait la même faveur aux étrangers
qui à la preuve d’un domicile en France ne joignaient que celle
de 1 obtention de lettres de bourgeoisie dans quelque ville du
royaume; non-seulement il ne contient pas un seul mot qui per
mette de lui en supposer l’intention , mais il n’aurait pas pu le faire
sans violer le grand principe qui limite à l ’avenir le p o u v o ir du
législateur, et le met dans l’impuissance de d é r o g e r aux droits ac
quis. J.1 en a donc été nécessairement il cet égard de la constitu9 *
�(66 >
tion de 1791, comme de toutes les lois : elle dérogeait aux lois qui
l ’avaient précédée, mais pour l’avenir seulement. Elle ne détrui
sait pas, en dérogeant aux lois antérieures, les effets qu’elles avaient
produits avant sa publication; elle respectait donc les droits que
les lois antérieures avaient conférés aux étrangers ; et de même
qu’elle ne privait pas les étrangers de la naturalisation qu’ils avaient
obtenue, avant 1789, par lettres patentes du roi, de même aussi
elle ne dépouillait pas ceux d’entr’eux q u i , domiciliés en France
depuis cinq ans, avaient épousé des Françaises', de celle que leur
avait purement et simplement attribuée la loi de 1790.
Ce qui d’ailleurs tranche là-dessus toute difficulté, c ’est que la
question a été ainsi jugée, de la manière la plus positive, par l ’arrêt
de la Cour de cassation du 27 avril 1819.
Sixième objection. M . Edouard Onslow était si peu regardé en
France comme naturalisé, qu’en 1797 il fut, comme sujet du roi
d’Angleterre, expulsé du territoire Français par un arrêté du direc
toire exécutif ; et il se regardait si peu lui-même comme Français ,
que lorsqu’il rentra en France, l’année suivante , il se trouvait por
teur d’un diplôme du roi Georges III, qui l’autorisait à y résider.
Réponse. Nous ne connaissons ni le prétendu arrêté du direc
toire exécutif, ni le prétendu diplôme du roi Georges I I I , sur les
quels repose celte objection ; mais en supposant que ces deux pièces
existent, elles ne peuvent être ici d’aucune influence.
Et d’abord , sur le prétendu arrêté du directoire exécutif, quatre
observations :
i*. En même temps que l ’on affirme, dans la consultation déli
bérée à Paris , le 17 avril i 85o , que cet arrêté existe, qu’il a expplsé M. Edouard Onslow du territoire français, et qu’il l’en a ex
pulsé à raison de sa qualité de sujet du roi d’Angleterre, on convient
que M. Edouard Onslow est rentré en France dès l’année suivante.
Mais comment y est-il entré? furtivement? Cela eût été impossible.
Il n’a donc pu y rentrer qu’en vertu d’un acte émané de la même.
�( 6? )
autorité qui l ’en avait naguère expulsé. Or , est-il concevaLle que
si le Directoire exécutif eût, en 1797, expulsé M. Edouard Onslovr
à raison de sa prétendue qualité de sujet du roi d Angleterre, il
eût pris sur lu i, en le reconnaissant toujours comme t e l , de le rap
peler en 1798, époque où (comme l’atteste hautement la loi du
G nivôse an 6, relative à un emprunt national pour une descente
en Angleterre), l’animosité contre la n a tio n britannique , bien loin
d être attiédie en France, et surtout dans les chambres législati
ves , n’avait fait que prendre une nouvelle intensité; et tout ne
poi lc-t-il pas à croire que si c’est comme Anglais que M. Edouard
Onslow a été expulsé en 1797, d’après de faux renseignemens ,
c’est comme Français qu’il a été rappelé en 1798?
2°. Pourquoi, au lieu de descendre jusqu’à l’année 1797 pour
rechercher de quel œil M . Edouard Onslow était alors regardé en
France, ne remonte-t-on pas jusqu’aux premières années qui ont
suivi la loi du 3 o avril 1790 l Pourquoi notamment ne rappellet-on pas ici quel fut à son égard l'effet de la loi du 9 octobre 179»
(19 vendeiniaire an 2 ) , laquelle ordonnait, article 1 " , le séques
tre de tous les biens meubles et immeubles appartenant en France
à des Anglais, et article 4 , l’arrestation de leurs personnes , avec
apposition des scellés sur leurs papiers ? Ah 1 sans doute, s’il eût
subi alors les rigueurs de cette lo i, 011 en trouverait les preuves
sans beaucoup de.peine , et on ne manquerait pas de les produire.
Cependant on se tait absolument là-dessus; on avoue donc impli
citement que cette loi ne fut pas appliquée à M . Edouard Onslow,
parce qu’il était généralement reconnu pour Français.
3°. Qu importerait, au surplus , qu’au milieu des désordres in
séparables de la guerre impie que tous les rois de l’Europe faisaient
alors u la nation française , il se fût" glissé dans q u e lq u e s actes
administratifs des erreurs sur l ’état qui alors appartenait en France
a M , Edouard Onslow! De pareilles erreurs sont toujours sans
conséquence, et jamais elles ne passent en force de chose jugée,
9*
�( 68 )
* 4°. Ce qui prouve qu’en effet l’erreur qui avait, en 1797 , motive
la prétendue expulsion de M. Edouard Onslow du territoire Fran
çais , a été reconnue par le gouvernement qui a succédé au direc
toire exécutif, c ’est qu’il est notoire, et qu’il serait facile de prouver,
en cas de dénégation, que, pendant tout le temps qu’a subsisté,
après le traité d’Amiens, l’ordre qui enjoignait à tous les sujets du
roi d’Angleterre de se retirer à Verdun (et l’on sait avec quelle
sévérité et quelle constance- cet ordre a reçu son exécution) ,
M . Edouard Onslow a continué d’habiter paisiblement son domi
cile dans le département du Puy-de-Dôme ; c’est surtout qu’à cette
époque même, et pendant que les Anglais non naturalisés en France
étaient tous relégués à Verdun et traités en ennemis, il était tellement considéré comme devenu Français par naturalisation, que la
municipalité de Clermont-Ferrand, le préfet du département dont
cette ville est le chef-lieu, et le ministre des finances, le compre
naient dans la liste des plus forts contribuables que le sénatus-consulte du iG thermidor an 10 appelait à former le collège électoral de
ce département.
Quant au prétendu diplôme du roi d’Angleterre , qui, en 1798,
aurait autorisé M . Edouard Onslow à résider .en France, dans quel
esprit ct-à quelle fin M . Edouard Onslow se le serait-il procuré ?
Les auteurs de la consultation du i er août x83 1 nous l’indiquent
eux-mêmes. Un acte du parlement d’Anglcterrc«venait de prendre
de sévères mesures pour empêcher plus efficacement pendant la
guerre tout individu sujet de Sa M ajesté, qui n’en aurait pas ob
tenu d’elle l’autorisation expresse, de se transporter volontaire
ment ou: de résider en France, ou dans tout autre pays ou lieu
allié de la France , ou occupé par les armées françaises, et à pré
venir toute correspondance avec les susdits individus et avec les
ennemis de Sa Majesté.
Quelles étaient ces mesures ? On ne nous le dit pas ; mais il est
évident qn’cllcs devaient tendre pour le moins à punir par de f o r t C 3
�( $9 )
amendes, et pîus probablement par le séquestre de leurs proprié
tés, les Anglais qui, sans la permission de leur gouvernement ,
se transporteraient ou continueraient de résider en France. O r , à
cette époque , M. Edouard Onslow était à la fois créancier de sou
frère aîné , à raison de sa légitime tant paternelle que maternelle ,
et possesseur des terres de Lillingstùnn et de Charlestown ; et U
était naturel qu’à la vue de cette loi il cherchât à prévenir 1 appli
cation qu’il eût été du devoir des agens du fisc britannique de
lui en faire, s’il eût gardé le silence. Mais comment devait-il s y
prendre?
Déclarer franchement qu’il était devenu Français par naturalisa
tion , et soutenir en conséquence que cette loi ne lui était pas ap’ plicable, c’eût été le pire des moyens qu’il eût pu employer. En
effet, quoique sa naturalisation en France ne fût pas un mystère
dans le département du Puy-de-Dôme , quoiqu’il eût manifesté bien
hautement, dès le 27 décembre 1789, le désir ardent qu’il avait (le
l’obtenir; quoiqu’il eût accepté bien clairement la concession que
lui en avait faite la loi de 1790 ; quoiqu’elle eût été reconnue , en
1795, par toutes les autorités locales, en s’abstenant de lui appli
quer la loif qui à cette époque avait ordonné l ’arrestation des A n
glais; quoique ses concitoyens du canton de Clermont-Ferrand
en eussent avec éclat réitéré Ja reconnaissance, en le nommant
électeur en l ’an 5 , il avait néanmoins tout lien de croire qu elle
n’était même pas soupçonnée en Angleterre , parce que si la loi de
1790 n’y était pas entièrement ignorée, les’circonstances qui l’a
vaient rendue applicable à sa personne devaient l’être, suivant tou
tes les probabilités. C ’eût donc été de sa part une grande impru
dence que d’aller dire aux agens du fisc britannique , par l’organe
d un mandataire quelconque :Je suis Français ; l'acte du parleyient en vertu duquel vous me poursuivez ne me regarde donc point ;
et les agens du fisc britannique n’auraient pas manque de repondre
^ son mandataire ; A h ! sir Edouard Onslow est naturalisé en
/
�( 7° )
France, et il l'est sans la permission du gouvernement. I l est donc
coupable de félonie ; e t , dès lors , ce n’est pas une simple amende ,
ce n'est pas un simple séquestre qu’il a à subir ; c’est la confisca
tion de tout ce qui lui est du et de tout ce qu’il possède dans la
Grande-Bretagne.
Quel expédient lui restait-il d’après cela, pour échapper aux
' peines dont le menaçait l ’acte du parlement d’Angleterre, et pour
soustraire aux investigations des agens du fisc britannique, les
créances et les propriétés qu’il avait dans ce royaume? point
d’autre que de se conduire comme il l’a fait, de se taire sur sa na
turalisation; d’agir comme si, toujours sujet du roi d ’Angleterre,
à raison de ses propriétés, il l’eût encore été à raison de sa per
sonne, et de solliciter de ce monarque la permission de résider en
France. ’
,
Mais comment pourrait-on sérieusement partir de là, pour dire
qu’en obtenant cette permission, il a effacé, anéanti et rendu inopérans tous les actes, tous les faits antérieurs des dix années précé
dentes de sa vie , et qu’il a renoncé à la naturalisation dont il était
redevable à la loi de 1790?
Q u e, dans le cas où M. Edouard Onslow aurait, avant sa mort,
quitté la France sans esprit de retour, aurait repris en Angle
terre son domicile d’origine , et y serait décédé, on raisonnât
ainsi devant les tribunaux anglais,* pour faire juger que ce n’est
pas la loi française qui doit régir sa succession mobilière, rien de
mieux. Mais il est impossible de raisonner de même devant un
tribunal français, alors que c ’est le cas absolument inverse qui est
arrivé; alors qu’au lieu de retourner en Angleterre, pour s’y fixer
irrévocablement, après avoir, à la suite du diplôme de 1798, ajouté
quelques nouvelles années de séjour en France aux dix-sept an
nées qu’il y avait précédemment passées, M. Edouard Onslow a
continue d’y demeurer sans interruption pendant les trente-une
fjnnces suivantes qui ont comploté la carrière de sa vie ; —- alors
�( 71 )
qu’en se faisant inscrire, à la suite du sénatus - consulte du
16 thermidor an 1 1 , dans le tableau des plus forts contribuables
du département du P u y -d e -D ô m e , il a manifeste 1intention
formelle de s’associer à l’exercice des droits politiques conférés au
collège électoral de ce département; — alors surtout qu il n a pas
laissé un seul pouce de terre dans la Grande-Bretagne; qu il a
vendu tous les biens qu’il y possédait, et que c’est en France qu il
en a placé le prix; — alors par conséquent que tout concourt à
démontrer qu’il n’y avait eu rien de sérieux dans les démarches
qu’il avait fait faire en 1798 auprès du gouvernement britannique,
pour obtenir une permission de résider en France, et que ces demarches n’étaient qu’un jeu imaginé par lui pour masquer sa po
sition en France aux yeux de l’Angleterre.
DEUXIEME PROPOSITION.
Quand même AT. Edouard Onslow aurait conservé jusqu'à son dé
cès , sa qualité originaire d'Anglais, il n'en aurait pas moins
acquis en France un véritable domicile, sans que la rt. i 3 du
Code civil y eût apporté le moindre obstacle ; et par suite sa
succession mobilière n'en serait pas moins régie par les lois
françaises.
Que l ’on puisse être domicilié dans un pays, quoique l’on soit
citoyen ou sujet d’un autre, c’est une vérité qui a été reconnue
dans tous les temps; et les législateurs romains l ’avaient expressé
ment consacrée, en disant dans la loi 7, C. de incolis, que le droit
de cité s’acquiert par la naissance ou la naturalisation, mais que
le domicile ne s’acquiert que par l ’incolat : Cives quidem origo,
allectio vel adoptio, inculas ve,rb domicilium facit. C ’est nieme
pour prévenir l’abus de la faculté qui, de droit naturel, appartient
à tout citoyen ou sujet d’un pays, de t r a n s f é r e r . son domicile daua
�( 72 )
un autre, que l'art. 7 du Code civil punit de la privation de la
qualité de Français tout établissement fa it par un Français en pays
étranger, sans esprit de retour.
Q u e, dans le fait, M. Edouard Onslow ait forme en France , dès
l’année i 783 , un établissement à perpétuelle demeure , cl qu’il l’ait
conservé jusqu’à sa mort, c ’est-à-dire, pendant quarante-six ans,
c ’est ce que l ’on ne nie pas et que l'on n'oserait pas nier.
Il ne nous reste donc plus qu’à nous fixer sur le point de droit.
Il présente deux questions : l ’une, s i, avant le Code c ivil, un étran
ger pouvait, par son seul fait, par sa seule volonté, el sans l’auto
risation expresse du gouvernement français, se constituer en France,
p a r rétablissement qu’il y faisait à perpétuelle demeure, du siège
de ses affaires: 1autre, si l ’article i 5 du Code civil a introduit à
cet égard un droit nouveau.
Sur la première question, il est à remarquer que l’on ne peut
citer, en faveur de la négative , qu’un auteur du commencement
du 17' .siècle (Boërius), qui, dans sa 1 ô* décision, n° 18, s’expri
mait ainsi, au sujet des étrangers : Et ta ies, inregno Franciœ ve
ulent es moratum , non possunt domicilium sibi (quocumque tempore
manserint) constituere, nec bénéficia in eodem obtinere, nec pariter
de acquisitis dispenere, etiam in proprios liberos aut alios propinquos ; sed rex capit et occupât jure albinagii.
Alais d’abord, sur quoi fondait-il l ’assimilation qu’il faisait ainsi
de la prétendue incapacité de l’étranger, d’acquérir un domicile en
France, à son incapacité bien reconnue d’y posséder des bénéfices
ecclésiastiques, et de transmettre sa succession à scs héritiers na
turels, au préjudice du droit d’aubaine! 11 n’en donnait aucune
raison.
Eu second lieu, Lefèvre de la Planche, qui, en sa qualité d ’avor
cat du Iloi au bureau des finances de Paris, avait fait une étude
approfondie de cette matière, n’hésitait pas, dans son Traité du
_dpiriaine, tome
page i/jo, à coudamner cette doctrine, comme
�( ?5 )
incompatible avec nos maximes sur ce qu'on appelle domicile.
« En effet (continuait-il), pour établir son domicile, il faut que
» deux choses concourent, concilium et factum ; et comme 1 etran♦
> ger peut faire concourir ces deux circonstances , en arrivant en
France , il s’ensuit qu’il peut y établir son domicile.
» Il est vrai que, par des lettres de 1617 et de 1G20, l ’étranger
» qui veut s’habituer en une ville du royaume, est obligé de le
» déclarer à l ’hôtel commun de la ville, sous peine den être
» hors, comme indigne; mais ces lettres mêmes fon t connaître
» que nos lois n'interdisent point à l'étranger un établissement en
» France. »
Il
y a plus/, voici ce qu’ajoutait, dans une note sur ce texte , le
savant et judicieux inspecteur-général des domaines , Lorry : « Et
« ces lettres sont tombées en désuétude ; la différence du domicile
» au droit de cité est assez sensible pour que l’exclusion de l’un
» ne soit pas l ’exclusion de l ’autre. L e domicile, uniquement re» latif à l’intention de l’homme, et ne lui donnant point un nouvel
» ctat, se change par sa volonté. L e droit de cité, comme faisant
»> partie de l’état des hommes, appartient à l’homme public, et ne
». se change que par la force des lois. »
De là, l’accord unanime de tous les auteurs qui ont écrit dans
les deux derniers siècles, à parler du droit de domicile des étran
gers en France , comme d’une vérité constante et universellement
reconnue.
Renusson, dans son Traité du douaire, chapitre 2,n* 10, suppose
un homme et une femme, étrangers d'origine, qui viennent, depuis
leur mariage, s'habituer en France ; et cette démarche par laquelle
ils viennent s’habituer en France, il l’appelle translation de do
micile.
Pothier, dans son Traité de la communauté, n° 21 , s occupe
du cas ou des étrangers , non naturalisés, m a i s d o m i c l l i e s e n
F r a n c e , s’y marient sans contrat de mariage, sous une coutume
10
�qui admet la communauté de biens sans qu’il soit besoin de la
stipuler; et il n’hésite pas à décider que la communauté légale a
lieu entre ces personnes. « Il est vrai (dit-il) que ces personnes ne
» sont pas capables du droit civil qui n’a été établi que pour les
» citoyens, tels que le ‘droit des testamens, des successions, de
» retrait lignager; mais elles sont capables de ce qui appartient
» au droit des gens, telles que sont toutes les conventions; or, la
» communauté légale n’est fondée que sur une convention que les» personnes qui contractent mariage sont présumées avoir eue
» d’établir entre elles une communauté, telle que la loi de leur
» domicile l’établit. »
Les auteurs du Nouveau Denisart, au mot Aubaine
1 , n° 5 ,
disent que « l'étranger qui décède en France dans le cours d’un
» voyage, est sujet à l'aubaine, ainsi que celui qui y décède après
» y avoir fix é son domicile. »
Les mêmes auteurs nous offrent, à l’article Droit des gens, § 2 ,
n'» 4, un arrêt du parlement de Paris, du 3o août 1742, qui, sur
les conclusions de M. l'avocat-général d’Ormesson, décide que,
lorsqu'il s'agit, de la succession d'un étranger qui a été domicilié
en France, le curateur créé en pays étranger à sa succession va
cante , ne peut pas exercer en France les actions appartenant h
celte succession; et ils y ajoutent, au mot Etranger, 5 5 , n° 4,.
un arrêt de la même C ou r, du 8 mai 1779, par lequel il fut jugé,
sur les conclusions de M . l’avocat-général Joly de Fleury, que le
sieur Junkcr, né sujet du landgrave de Hesse-Cassel, mais domi
cilié à Paris depuis 1GG1, n’avail pas pu , à raison de cette circons
tance, êlre contraint par corps au payement d’une somme de
680 livres qu’il devait à un tapissier.
A c e s autorités, qu’il serait aussi facile que superflu de multi
plier, se joignent des lois expresses qui, avant le Code civil, qua
lifiaient de domicile rétablissement que tout étranger faisait en
France du siège de scs affaires, notamment ;
�( 75 )
ï° . L a loi du 20 messidor an 3 , qui après avoir enjoint à tous les
'étrangers nés dans les pays arec lesquels la France était alors en
guerre, de sortir du territoire français dans un délai déterminé,
ajoutait, article 6: «Pourront rester en France, i°. les étrangers
» nés dans les pays 'avec lesquels la république française est
» en guerre, venus en France depuis le Ier janvier 1792, et y ayant
» un domicile connu ; »
20. La loi du 3o avril, a mai 1790, par laquelle étaient naturalisés
de plein droit tousies étrangers qui’avaient alors en France un
domicile continu depuis cinq ans, pourvu qu’ils eussent en outre,
ou épousé une Française, ou acquis des immôubles, etc.; et l’ar
ticle 3 du titre 2 de la constitution du 3 septembre 179 1, qui,
réglant pour l’avenir le mode de naturalisation de l’étranger, les
déclarait citoyens français , après cinq ans de domicile continu
dans le royaume, lorsqu’ils auraient rempli toutes les autres con
ditions qu’il leur prescrivait.
Aussi la Cour de cassation ayant à statuer par règlement de
‘juges, le 8 thermidor an 1 1 , au rapport de M . Cassaigne, sur
la question de savoir si le comte de Walsh-Serrant, en le suppo
sant Irlandais, devait être considéré comme ayant acquis un do
micile proprement dit à Paris avant sa sortie deFrance en 1789,
«t comme l'ayant repris en 1802 à sa rentrée dans le territoire
français, n a-t-elle pas hésité h annuler un jugement du tribunal
civil d Angers, qui avait embrassé la négative , par le motif qu'un
é:ranger ne peut avoir en France d'autre domicile que celui de
sa résidence actuelle, et à l’annuler, attendu quaucune loi ne
s oppose a ce que les étrangers aient un domicile réel en France,
et qu ils demeurent conséquemment sous la disposition générale de
la loi commune, qui n'exige, pour l'établissement du domicile,
que le fa it de l'habitation réelle, joint à l'intention de l'établir
( 0 Répertoire d t jurisprudence , au mot D om icile, § i 3.
■
10*
t
�(7 6 )
E t vainement a-t-on depuis, dans l’espcce qui sera retrace'e
ci-après, entrepris de faire prévaloir l ’opinion contraire , au sujet
d’un étranger qui, sans la permission expresse du gouvernement,
avait, avant le Code civil, fixé le siège de ses affaires en France,
et y avait acquis tous les droits, comme il y avait subi toutes les
charges de l’incolat; vainement a-t-on prétendu qu’il ne s’y était
pas, pour cela, constitué un domicile proprement dit : ce système
a été successivement repoussé par un arrêt de la Cour impériale
de Paris, du 12 janvier 18x2, et par un arrêt contradictoire de la
Cour de cassation, du 3o novembre i 8 i 4 Ainsi, nul doute que M. Edouard Onslow, en le supposant
non naturalisé par la loi du 3o avril-2 mai 1790, n’eût, avant le
Code civil, acquis un véritable domicile en France, par cela seul
que, de son propre mouvement, et sans une autorisation expresse
et solennelle du gouvernement français, il y avait fixé sa résidence,
et qu’il avait manifesté de toutes les manières possibles son inten
tion de l ’y fixer à perpétuelle demeure.
Voyons maintenant, et c ’est notre seconde question, si ce que
M. Edouard Onslow avait fait avant la publication de l’article r 3
du Code civil, il aurait pu le faire après, c'est-à-dire, s i , arrivant
en France pour la première fois, non en 1783, mais en 1804, il
aurait pu, sans qu’un acte exprès du gouvernement l’y eût auto
risé , y acquérir un véritable domicile par le seul effet de l’éta
blissement qu’il y eût fait, à perpétuelle demeure, du siège prin
cipal de ses affaires.
La négative ne serait pas douteuse, si l’article i 3 du Code civil
disait: Nul étranger ne peut établir son domicile en France, s ’il
n'y a été autorisé par le gouvernement.
jYIais ce n’est là ni l’objet ni le sens de cet article.
Ce n’en est point l’objet; et ce qui le prouve d’une manière sans
réplique, c’est qu’il est placé non sous le titre de domicile, mais
sous celui de la jouissance et de la privation des droits civils.
�' ( 77 )
Ce n’en est point non plus le sens; car il dit, et rien de plus,
que « l ’étranger qui aura été admis par le gouvernement à établir
» son domicile en France, y jouira de tous les droits civils, tant
» q u il continuera d'y résider. »
Sans doute, il résulte clairement de cet article que l’étranger
qui a fixé le siège de ses affaires en France sans l’autorisation du
gouvernement, n’y jouit pas de tous les droits civils, c ’est-à-dire,
non-seulement des droits civils q u i, ayant leur racine dans le droit
des gens, tels que celui d’acquérir hypothèque, d’ester en juge
ment, etc., mais encore des droits civils qui sont de pures créations
de la loi civile, tels que celui de toister, de succéder, d’être té
moin dans les actes publics, etc.; mais il n’en résulte certaine' ment pas qu’à défaut d’autorisation du gouvernement , l'étranger
qui a fixé en France le siège de ses affaires, n’y est pas vérita
blement domicilié; et tirer de cet article une pareille conséquence,
ce serait ajouter à son texte, lui faire dire ce qu’il ne dit pas, et
supposer qu’il abroge, par son seul silence sur les étrangers domi
ciliés en France «ans l ’autorisation du gouvernement, la maxime
de 1‘ ancien droit qui, jusqu’alors, les avait fait considérer comme
ayant en France un domicile proprement dit.
On oppose à cela, dans la consultation délibérée à Paris, le
17 avril i 83 i , ce qu’a écrit le soussigné, en 1807, dans le § i 3
de 1 article domicile, de la 5e édition du Répertoire de jurispru
dence; mais on ne fait pas attention à ce que le soussigné luimême a substitué à ce paragraphe, en 1827, dans la 5e édition de
ce recueil.
L e fait est que, trompé sur le sens de l’article i 5 , par une lec
ture tr o p peu réfléchie de quelques phrases du discours p ro n o 'n c é
par 1 orateur du tribunat à la séance du corps législatif du 17 ven
démiaire an 1 1 , le soussigné s’était laissé aller à l ’opinion q u il
était dans 1 esprit de cet article d’ôter aux étrangers la faculté
dont ils jouissaient sous l’ancien droit, d’établir leur domicile en
�C 780
France sans la permission du gouvernement • mais qu’il n’a pas
tardé à reconnaître son -erreur, et qu’il a fait, pour la réfuter,
une dissertation qu’il se proposait d’insérer dans le supplément
aux 3 e et 4e éditions . publié en 1824 , mais qui, y ayant été oublie1
par l’effet d’une indisposition grave qui menaçait alors ses jours,
n ’a pu entrer que dans le volume publié en 1827 de la-5e édi
tion.
Cette dissertation remplit-elle l’objet pour lequel le soussigné
ij’a composée? Démontre-t-ello complètement que l ’article i 3 du
Code civil, en attribuant un grand privilège aux étrangers admis
par le gouvernement à établir leur domicile en France , laisse les
étrangers qui n’y sont domiciliés que par le seul effet de leur vo
lonté , dans le même état où ils se trouvaient sous‘l’ancien droit?
C ’est aux magistrats qui voudront bien la lire et la méditer, à en
juger. Quant à lui, il en a l’intime et profonde conviction (1).
Sa doctrine est, il est vrai, critiquée par l’auteur de la juris
prudence du 19e siècle, au mot Dom icile, sect. 1 , n° i 5 . Mais
sur quoi fonde-t-il la critique qu’il en fait? Ce n’est point sur Je
texte de l’article î 3 du Code civil ; il convient, au contraire, et ce
sont ses propres termes , que les expressions littérales de îa rt. i 5
du Code civil ne peuvent être invoquées avec succès contre ce qu’ il
appelle le système de M . M erlin; et, en effet, encore une fois,
cet article ne fait qu’indiquer aux étrangers qui veulent établir
leur domicile en France, le moyen qu’ils doivent employer pour
s’y procurer, par cet établissement, la jouissance des droits civils
réservés aux Français. 11 est donc bien loin de sa pensée de vou
loir que, faute d’employer ce moyen, l’étranger n’acquerra pas un
domicile en France par le seul effet de l’établissement qu’il y fera
à perpétuelle demeure, et de déroger par là à l’ancienne juris
prudence.
«*■■■...1
,1 ----• ' In
( j) V oir le § i3 de,l’article domicile de la 5e édition.]
�V 79 )
M . Dalloz ne se fonde pas non plus sur la faculté qu’a toujours1
le gouvernement d’expulser du territoire français les étrangers
dont il a sujet de croire que la présence y serait dangereuse ou
nuisible; car cette faculté, le gouvernement ne l’a pas seulement
a l ’égard des étrangers qui se sont établis en France sans sa per
mission expresse , il l’a également à l ’égard des étrangers dont il a
lui-même autorisé l’établissement en France; et c ’est, comme on
le verra dans un instant^ ce que reconnaît formellement un avis
du Conseil d’état, du 18 prairial an 1 1 , approuvé le 20 du
même mois. O r, cette faculté n’empêche certainement pas que
1 étranger à qui le gouvernement a permis d’établir son domicile
en France, n’y soit véritablement domicilié, tant que le gouver
nement ne révoque pas l ’autorisation expresse qu’il lui en a don
née, et les termes mêmes de l’article i 3 du Code civil le prouvent
d’une manière sans réplique. Elle ne peut donc pas non plus em
pêcher q u e , tant que le gouvernement no fait pas cesser, par une
injonction de sortir du territoire français, la résidence qu’un étran
ger y a prise spontanément à perpétuelle demeure, cette résidence
n ait le caractère et tous les effets d’un véritable domicile.
M . Dalloz ne se fonde que sur l’art. 100 du Code civil, sur lavisdu Conseil d’état dont nous venons de parler, sur le discours déjà
cité de 1 orateur du Iribunat à la séance du corps législatif, du 17
vendémiaire précédent’, et sur un arrêt de la Cour d’appel de
Paris, du 16 août 18x1.
Mais, i°. de ce qu’il est dit dans l’article 100 du Code civil que
« le domicile de tout Français, quant à l’exercice de scs droits
» civils, est le lieu où il a son principal établissement ; » de ce que
cet article ne définit pas le domicile par rapport aux étrangers ,
s ensuit-il que, suivant l’expression de l’auteur cité, il déclare im
plicitement les étrangers incapables du droit de domicile? Il serait
absurde de le penser; car, d’un côté , il en r é s u lte r a it , entre autres
�( 8o )
inconvéniens auxquels il serait impossible d’échapper, qu’un étran
ger établi en France à perpétuelle demeure , et qui y aurait réuni
toute sa fortune, ne pourrait pas y être actionné devant un tribunal
français, en payement des dettes qu’il aurait contractées envers
d’autres étrangers, puisque nul ne peut, sauf quelques cas d’ex
ceptions, être cité par action personnelle, que devant le juge de
son domicile; qu’il pourrait ainsi braver impunément toutes les
poursuites de ses créanciers non Français', et que la loi ellemême se rendrait complice de sa mauvaise foi, en la protégeant.
D ’un autre côté, si régler le domicile par rapport aux Français
c’est implicitement reconnaître que le droit de domicile est un
droit civil, ce n’est certainement pas dire que ce droit est exclu
sivement réservé aux Français; car si c’est un droit civil, il a du
moins sa racine dans le droit des gens, qui laisse à tout homme la
faculté de s’établir où il lui plaît, d’y demeurer tant que l’autorité
locale n’y met pas obstacle; et c’est une vérité incontestable, re
connue par M. Dalloz lui-même à l ’endroit cité, et que le sous
signé se flatte d’avoir porté au plus haut degré de démonstration (i),
que l’art. i 3 du Code civil ne réserve aux Français que les droits
civils créés par la loi civile. Pourquoi donc l’article 100 ne parlet-il que des Français dans la définition qu’il donne du domicile l
Par une raison très-simple, et qui se sent d’elle-même à la lecture
du procès verbal de la séance du Conseil d’état, du 16 fructidor
an g : c’est que son unique objet a été de résoudre une question
vivement controversée entre les membres du conseil, et qui, sans
objet pour les étrangers, ne pouvait concerner que les Français,
c'est-à-dire, la question de savoir si le domicile civil serait néces
sairement là où serait le domicile politique, et si les règles de
( i ) V oyez les Questions de droit , aux m ois Propriété littéraire , § 2 , et R em ploi ,
§ 4 , 4 * éd itio n , ou S u p p lé m e n t à la 3 '.
�(80
fixation et de translation de domicile seraient communes à 1 un et
à l ’autre.
2°. Il est vrai qu’un avis du Conseil d’état, du î S prairial an 1 1 ,
approuvé le 20 du même mois, déclare que, dans tous les cas ou
un étranger veut [s’établir en France, il est tenu d'obtenir la per
mission du gouvernement ; mais à propos de quoi le déclare-t-il! On
en jugera par la manière dont il est conçu :
« L e Conseil d’état, après avoir entendu la section de législation
» sur le renvoi qui lui a été fait du rapport du grand-juge ministre
» de la justice, qui présente la question de savoir si l ’étranger q u i}
» aux termes de la constitution, veut devenir citoyen français,
» est assujetti'à la disposition du Code civil (liv. i*r, art. i 5 ), qui
» ne donne à l’étranger des droits civils en France r tant qu’il con« tinuera d’y résider, que lorsqu’il aura été admis par le gouver» nement à y établir son domicile;
» Est d’avis que , dans tous les cas où un étranger veut s’éta» blir en France, il est tenu d’obtenir la permission du gouverne» ment, et que les admissions pouvant être, suivant les circons» tances, sujettes à des modifications, à des restrictions , et même
» à des révocations, ne sauraient être déterminées par des règles
» ou des formules générales. »
Cet avis se réfère, comme l’on voit, au mode de naturalisation
qu avait introduit, à l ’exemple de la constitution du 5 fructidôr
an 5 , l’article 3 de cello du 22 frimaire an 8.
L ’article 10 de la première portait que « l'étranger devient
» citoyen français, lorsqu’après avoir atteint l’âge de vingt-un ans
» accomplis, et avoir déclaré l’intention de se fixer en France, il
» y a résidé pendant sept années consécutives, pourvu qu’il y paye
» une contribution directe, et qu’en outre il y possède une pro» priété foncière, ou un établissement d’agriculture ou de com» merce, ou qu il y ait épousé une Française. » A cette disposi
tion, 1article 3 de la constitution du 22 frimaire an 8 , sous l’emît
�(
82
)
pire de laquelle a été rédigé le Code civil, substituait celle-ci :
« Un étranger devient citoyen français, lorsqu’après avoir Rtteint
» l’âge de vingt-un ans accomplis, et avoir déclaré l’intention de
» se fixer en France, il y a résidé pendant dix années consécu» tives. »
Ainsi, d’après la lettre de l’article 3 de la constitution de l ’an
8, comme d’après celle de la constitution de l’an 3 , un étranger
aurait p u , sans le concours de l ’autorité du gouvernement et
par l’effet de sa seule volonté manifestée par une déclaration suivie
de sept ou dix années de domicile continu en France , et non ex
pressément contredite par le gouvernement qui pouvait l ’ignorer,
acquérir la qualité de citoyen français, avec tous les droits civils et
politiques qui y étaient attachés. Mais , en disposant ainsi, la cons
titution de l ’an 8 n’avait pas plus que celle de l ’an 3 ôté au lé
gislateur le pouvoir d’organiser sa disposition de manière à ce
qu'elle ne fut applicable qu’aux étrangers qui seraient jugés par le
gouvernement dignes du bienfait de la naturalisation ; elle le lui
avait donc virtuellement réservé ; et c’est ce pouvoir qu’a exercé
l ’article i 3 du Code civil, non pas directement et en termes ex
près, mais indirectement et d’une manière implicite, et qui ne
laisse pas d’exclure toute équivoque, en disant que les étrangers
domiciliés en France n’y jouiraient de tous les droits civils qu’au
tant qu’ils auraient obtenu du gouvernement la permission expresse
de s’y établir; car, dire que la permission du gouvernement est
nécessaire à un étranger pour jouir des droits civils , c’est nécessai
rement dire qu’elle l ’est aussi et à plus forte raison pour l’acquisi
tion des droits politiques. C ’est la conséquence du principe q u e ,
quoiqu’on puisse jouir des droits civils sans jouir en même temps
des droits politiques, on ne peut cependant jamais jouir des droits
politiques si l’on ne jouit en même temps des droits civils.
La question de savoir s i , par rapport à la nécessité de l ’autori
sation du gouvernement, on doit assimiler le cas où l’étranger
�( 83 )
qui veut s’établir en France aspire à la jouissance des droits poli
tiques , en devenant citoyen français par une résidence continue de
dix années, au cas où il n’ambitionne pour le moment que la jouis- sance immédiate de tous les droits civils , ne présentait donc au
cune difficulté sérieuse. Aussi le conseil d’état n’a*t-il pas hésite a
la résoudre pour l’affirmative.
Mais est-il vrai, comme le prétend l’auteur dont il s’ag it, qu il
ne s’est pas borné à la solution de la question qui lui était ren
voyée par le premier consul , et qu’il en a, en même temps,
tranché une autre sur laquelle le premier consul n’avait pas
appelé son examen? est-il vrai qu’il a décidé que l’étranger qui
n’aspirait en France , ni à la jouissance immédiate de tous les
droits civils, ni à la jouissance des droits politiques après dix an
nées de résidence, ne pouvait établir son domicile en France qu’a^
vec l’autorisation expresse et solennelle du gouvernement? com
ment cela se pourrait-il? L e conseil d’état du consulat et de l’empire
n’était pas une académie où chacun pût élever à volonté et propo
ser de résoudre officiellement telles ou telles questions. 11 était,
et c’est une vérité que le soussigné ne craint pas d'affirmer person
nellement pour l’avoir yu constamment pratiquer pendant les huit
années et plus qu’il y a siégé , rigoureusement astreint à ne s’oc
cuper que des questions qui lui étaient spécialement soumises par
le chef du gouvernement. O r, quelle était la question que le pre
mier consul lui avait soumise en lui renvoyant le rapport du mi
nistre de la justice? C e n’était certainement pas celle de savoir si
un étranger avait besoin d’une autorisation expresse du gouverne
ment pour établir son domicile en France, sans autre vue que celle
-•de s y fixer à.perpétuelle demeure; c ’était uniquement celle de sa
voir si, en y établissant son domicile de son propre mouvement ,
il lui suffisait d en faire la déclaration à la municipalité du lieu où
il entendait se fixer , pour devenir citoyen français par le seul effet
4 une résidence continue de dix années. II n’avait donc ii répondre
11 *
�( 84 )
qu'à cette question; il ne pouvait donc pas, en s’expliquant sur
cette question , en résoudre une autre; et ce qu’il ne pouvait pas
faire , le bon sens veut qu’on ne présume pas qu’il l’ait fait. Qu’im
porte , d’après ce la , qu’il ait dit q u e, dans tous les cas où un
étranger veut s'établir en France , il est tenu d’ obtenir la permis
sion du gouvernement? Ces mots, dans tous les cas, quelque gé
néraux qu’ils soient littéralement, n’en doivent pas moins être res
treints à l’objet de l ’avis dans lequel ils sont insérés. O r , encore
une fois , cet avis ne porte que sur la question de savoir s’il en est
du cas où l ’étranger veut s’établir en France à l’efFet de devenir ci
toyen français après dix années de résidence, comme du cas où il
cherche , en s’y établissant, à jouir de suite des droits civils. 11 ne
fait donc virtuellement qu’assimiler le premier de ces deux cas au
second; et en disant dans tous les cas , c'est évidemment dans l ’un
et Vautre cas qu’il veut dire.
A qui persuadera-t-on, d’ailleurs, que s’il eût été dans son inten
tion comme dans son pouvoir d’aller plus loin , et de décider que ,
même hors ces deux cas, nul ne pouvait établir son domicile en
France sans la permission du gouvernement, le .premier consul
eût négligé , en approuvant sa décision, d’en ordonner l’insertion
au Bulletin des lois , pour la faire connaître aux milliers d’indivi
dus qu’elle aurait intéressés?
5°. Comment l’auleur de la Jurisprudence du 19e sic le , tout en
convenant, comme 011 l’a déjà vu , que les expressions littérales de
l ’article i 5 du Code civil no peuvent être invoquées avec succès
contre la doctrine du soussigné, peut-il prétendre qu’elle n’en doit
pas céder à la manière dont cet article a été entendu par l'orateur
qui portait la parole au nom du tribunal, lors de la discussion à
laquelle cet article a donné lieu ?
D ’une part, de ce que l’orateur du tribunat, en s’expliquant sur
cet article, en aurait outre-passé et par conséquent méconnu le
sens textuel, s'ensuivrait-il que les magistrats dussent sur sa parole
�( 85 )
supposer à cet article l’intention de dire ce qu il ne dit pas ; et ne
devraient-ils pas plutôt, en rejetant sa prétendue assertion, s en
tenir au texte de la loi ? Assurément les orateurs du gouvernement
étaient bien plus à portée que ceux du Tribunat de connaître 1es
prit dans lequel avait été rédigé l’article i 3 . Eh bien ! que l ’on con
sulte les deux exposés des motifs du titre du Code civil dont
l’article io fait partie, et l’on*y verra les deux orateurs suc
cessifs du gouvernement, M . Boulay (de la Meurthe) et M . Treilhard, s’accordera dire sur cet article, que son objet n’est pas
d’empêcher que des étrangers n’établissent leur domicile en France
sans la permission expresse et solennelle du gouvernement, mais
seulement de restreindre ceux qui auront obtenu cette autorisa
tion, soit à la jouissance de tous les droits civils qu’il leur accorde
immédiatement, soit à la jouissance des droits politiques que la
constitution leur accorde après dix années de residence.
«A ux termes de la constitution (disait le premier orateur, à la
« séance ducorps législatif du 1 i frimaire an 10), l’étranger ne peut
« devenir citoyen français qu’en remplissant trois conditions :
» i°. être âgé de vingt-un ans accomplis; 2°. avoir déclaré l’inten» tion de se fixer en France; 5°. y avoir résidé pendant dix an» nées consécutives. — Mais l’étranger a-t-il le droit absolu , en
» remplissant ces conditions, de devenir citoyen français? Si un
» étranger couvert de crimes, échappé au châtiment qui l’alien» dait dans son pays, mettant le pied sur le territoire français,
» disait au gouvernement : Je veux non-seulement résider en
» France, mais y devenir citoyen; c'est un droit que m'accorde
» votre constitution, et dont vous ne pouvez pas nie priver;
» croit-on de bonne foi que le gouvernement fût lié par une
» telle prétention? Non , sans doute; la constitution française n’a
» pas entendu stipuler contre les Français en faveur des étrangers;
» elle n a pas voulu verser sur nous la lie des autres peuples : son
» but n’a pu être, en adoptant les étrangers. "»'•
1
�( 86)
» F r a n c e de nouveaux sujets utiles et respectables. Cette adoption
» d ’a ille u r s doit être un engagement réciproque, et la nation ne
» peut pas être plus forcée de recevoir au nombre de ses citoyens
» un étranger qui lui déplairait, que cet étranger ne pourrait être
» contraint à devenir, malgré lui, citoyen français. II est donc
» dans l’intérêt national, et dans le véritable sens de la constitu» tion ; il est dans la nature des’ ehoses, qu'un étranger ne puisse
» devenir citoyen français que quand il est admis par le gouver» nement à le devenir, et qu’on a par conséquent l’assurance,
j> ou au moins l’espoir qu’on fera dans sa personnè une acquisition
» précieuse (i). »
« La loi politique (disait le second orateur, à la séance du 6 ventôse
» an 11) a sagement prescrit une résidence de dix années pour
» l’acquisition des droits politiques; la loi civile attache avec la
» même sagesse le simple exercice des droits civils à l ’établissement
» en France. — Mais le caractère personnel de l ’étranger qui se
» présente, sa moralité plus ou moins grande, le moment où il veut
» se placer dans nos rangs, la position respective des deux peuples,
» et une foule d’autres circonstances, peuvent rendre son admission
)> plus ou moins désirable; et pour s’assurer qu’une faveur ne tour» nera pas contre le peuple qui l ’accorde, la loi n’a dû faire par» ticiper aux droits civils que l’étranger admis par le gouverne» ment (2).
Il
n’y a, comme l’on voit, dans l ’un et l ’autre exposé des motifs,
rien qui puisse faire supposer que l’autorisation du gouvernement
soit nécessaire à l ’étranger qui n'a en vue , dans cette détermina
(1) Exposé /¡es m otifs du projet de lo i re la tif à la jouissance et à la privation des
, présenté à la séance du corps législatif du 11 frimaire an 10, p. iG
de l’édition de l ’im prim erie nationale.
(a) Procès verbal de la discussion du projet du Code civil au conseil d ’é ta t, tome t ,
page £ 4 3 , de l ’édition officielle.
droits c'vits
�}
tion, ni l ’acquisition des droits civils, ni l’acquisition des droits
politiques; rien, au contraire, qui ne décèle, de la part du légis
lateur , Tintention de restreindre la nécessité de cette autorisation
a 1étranger qui se propose, en établissant son domicile en France,
de $’y procurer d’abord la jouissance des droits civils, et, avec le
temps, la qualité de citoyen français.
D ’un autre côté, la preuve que l’orateur du tribunat lui-même,
en disant : « Il n’y a aucune objection contre la disposition de
» l ’article i 3 , qui veut que l ’étranger ne puisse établir son
» domicile en France s’il n'y est admis par le gouvernement, » n’a
eu en vue que l ’étranger, q ui, en établissant son domicile en
France, se propose d’y jouir des droits civils immédiatement, et
des droits politiques après une résidence de dix années , c’est qu’il
ajoute aussitôt : « C ’est une mesure de police et de sûreté, autant
» qu’une disposition législative. L e gouvernement s’en servira
» pour repousser le vice, et pour accueillir exclusivement les» hommes vertueux et utiles, ceux qui offriront des garanties à
» leur famille adoptive, » termes qui, bien évidemment, ne peu
vent s'appliquer qu’aux étrangers qui veulent associer leurs des
tinées à celle de la nation française, et partager d’abord avec tous
les Français la jouissance des droits civils , en attendant qu’ils
puissent jouir comme eux des droits politiques.
4°* Quant à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris , du 16 août 1811 ,
il n’est que trop vrai qu’en adhérant à l ’opinion hasardée par le
soussigné dans la 3 « édition du Répertoire de jurisprudence, sur
le sens de l’article i 3 du Code civil, il a jugé qu’un étranger do~
micilié en France sans l’autorisation du gouvernement, pouvait
y être condamné par corps au payement d’une dette purement
civile, en vertu de l’article i5 de la loi du 10 septembre 1807,
portant que « tout jugement de condamnation qui in te r v ie n d r a au
« profit d un Français contre un étranger non domicilié en France*
» emportera la contrainte par corps.»
(
8
7
�( 88 )
Mais il est Lien difficile de croire que les magistrats qui ont
rendu cet arrêt, n’eussent pas jugé tout autrement, s’ils avaient
fait attention à la manière dont M. Treilhard, l’un des princi
p a u x rédacteurs de la loi du xo septembre 1807, en avait défini
les expressions non domicilié en France, dans le discours par
lequel il avait, au nom du gouvernement, exposé les motifs de
ceite loi à la séance du corps législatif du 3 i août de la même an
née. Ecoutons-le lui-même : « Vous avez remarqué que la loi n’est
» faite que contre l’étranger non domicilié en France, c'est-à-dire,
» contre létranger qui, d'un moment à l'autre, peut disparaître
» sans laisser après lui aucune trace de son passage ou de son
» séjour. » Assurément, cette définition ne peut pas s’adapter à
l’étranger qui, ayant transporté en France la totalité ou une grande
partie de sa fortune, y a fixé son principal établissement, et en
a fait le siège de ses affaires. Il serait donc souverainement dérai
sonnable de supposer à M . Treilhard la pensée que I ’ o q pût, dans
l’application de la loi qu’il proposait, considérer des étrangers de
cette catégorie comme non domiciliés en France, et les traiter,
relativement à la contrainte par corps , avec la même rigueur que
ceux qui, ne faisant que passer en France, ou y séjourner mo
mentanément, n’offrent à leurs créanciers français trop confians,
aucune espèce de garantie. Eh! comment aurait-il pu seulement
en concevoir l’idée, lui qui, en s’expliquant comme orateur du
gouvernement sur l’article i 5 du Code civil, avait énoncé si clai
rement que ce n’était qu’à l ’effet d’acquérir tous les droits civils,
que l’étranger était astreint à obtenir l ’autorisation du gouverne
ment pour établir son domicile en France?
A u ssi, l’un des plus célèbres professeurs qui honorent nos
écoles de droit, M. Proudhon, 11’a-t-il pas hésité, deux ans après
la publication de la loi du 10 septembre 1807, à enseigner, dans
son Cours de droit français, tome i er, chapitre 12, une doctrine
diamétralement contraire à la décision de l ’arrêt cité. Voici ses
termes, pages 90, 91 et 90.
�( 89 )
*> Il existe en France des milliers d’individus étrangers de
» naissance, qui y viennent de toutes les parties de l ’Europe,
» pour se perfectionner dans leurs arts ou métiers, et finissent
» par s’y établir à perpétuelle demeure, sans autorisation du gou» vernement : il en existe des milliers que le sort de la guerre y
a amenés, comme prisonniers ou autrement, que la douceur du
» climat y fixe, et qui s’y établissent sans esprit de retour, mais
» sans l ’autorisation spéciale de l ’empereur; quel est leur état per» sonnel.....?
« Dans le fait, on peut trouver plus ou moins de doute sur la
» question de savoir si un homme qui a quitté un pays étranger
» pour venir s’établir en France , a réellement acquis, dans l'em» pire , un véritable domicile à perpétuelle demeure, ou s’il n’y a
» pris qu’une résidence momentanée ; mais à supposer qu’il soit
» constant qu’il ait abdiqué pour toujours sa patrie natale, et qu’il
» se soit établi en France, sans conserver aucun esprit de retour
» pour son pays d’origine, il n’est plus possible, dans le d ro it,
» de l’assimiler entièrement à l ’étranger qui n’existe qu’accidentel» lement et comme voyageur dans l’empire...
» Il n’est donc plus étrangerproprement dit, et dans toute l’étcn» due de 1 expression ;.... aussi la loi ne le rend plus passible de
» contrainte par corps comme les étrangers ordinaires. (Voyez la
» loi du 10 septembre 1807.') »
Au surplus , et ceci paraîtra sans doute plus que suffisant pour
-contre-balancer le préjugé résultant de l ’arrêt de la Cour d’appel
de Paris, du 16 août 1 8 1 1 , il existe deux arrêts de la Cour de cas
sation , qui décident formellement q u e , pour qu’un étranger soit
considéré comme domicilié en France, il i^’est pas nécessaire que
Je gouvernement 1 ait autorisé à y établir son domicile.
Voici l espèce du premier :
L e 17 brumaire an
, jugement du tribunal de commerce
,du département de la Soine, qui, avant faire droit sur les contes12
�C 9° )
tâtions élevées entre les sieurs Church et Gargill, relativement à
l’expédition du navire la llannac, portant pavillon américain, et
capturé par les Anglais, ordonne la mise en cause du sieur Burlouw,
citoyen des Etats-Unis d’Amérique , qui a été employé par les par
ties dans celte expédition, et peut, par conséquent, donner des
éclaircissemens utiles sur les points litigieux, mais qui se trouve
en ce moment à Londres.
Pour satisfaire à ce jugement, le sieur Gargill le fait signifier
au sieur Burlouw, dans une maison dont celui-ci avait été proprié
taire à Paris, et dans laquelle, après l’avoir vendue, il occupait
encore un appartement au moment de son départ pour l ’Angleterre.
L e sieur Burlouw ne comparaît pas , et de là , un incident sur le
mérite de la signification qui lui a été faite.
Le sieur Church , grandement intéressé à ce qu’il comparaisse
et donne les explications pour lesquelles sa comparution a été or
donnée, demande la nullité de cette signification, et soutient, à
l’appui de sa demande, que le sieur BurlouAv n’ayant pas été auto
risé par le gouvernement à établir son domicile en France, la maisoti
où la signification a été faite ne peut pas être considérée comme
le lieu de son domicile; qu’ainsi, il n’a pu , aux termes de l’art. 7
du titre 2 de l ’ordonnance de 1G67, encore en pleine vigueur à
cette époque , être assigné, comme étranger étant hors le royaume,
qu’au parquet du ministère public.
Le 18 avril 1809, jugement q u i , d’après l’art. 8 du même titre
delà même ordonnance, portant que les absens pour voyage de long
cours ou hors du royaume, seront assignés à leur dernier domicile,
déclare que le sieur Burlouw a été valablement assigné à son der
nier domicile connu en France, rt que, par suite, il a été pleine
ment satisfait par le sieur Gargill à l’interlocutoire qui ordonnait
sa mise en cause.
Appel de ce jugement, de la part du sieur Clm rch, à la Cour
de Paris.
Le 2 février 1810, arrêt confirmait".
�( 91 )
Le sieur Church se pourvoit en cassation, et dit qu en mécon
naissant l’arlicle i 5 du Code civil, aux termes duquel, suivant
l u i , le sieur Burlouw ne pouvait pas , sans la permission du gou
vernement, acquérir un domicile en France, la Cour d appel a
viole , par une fausse application de l’article 8 du titre 2 de 1 or
donnance de 1667 , la disposition de la même loi, qui voulait que
les étrangers ne pussent être assignés qu’au parquet du ministère
public.
Mais par arrêt du ao août 1811 , au rapport de M. LefessierGrandprey, et conformément aux conclusions de M . l’avocat-général Daniels ;
« Attendu qu’en droit, le domicile attributif des droits politiques
» et civils qu’un étranger ne peut acquérir qu’en remplissant les
» conditions prescrites par la loi , est essentiellement distinct du
» domicile de fait auquel peut être assigné tout individu résidant
» en France;
» Attendu qu’en fait, d’après les circonstances du procès , les
» juges ont reconnu que le sieur Burlouw demeurait à Paris, où
» il payait ses impositions....;
>* La Cour ( section des requêtes) rejette le pourvoi (1).... »
Le second arrêt est d’autant plus remarquable, qu’il décide tout
à la fois , et qu’avant le Code civil, un étranger n’avait pas besoin
de l’autorisalion du gouvernement pour se constituer en France un
domicile proprement d it, et que le Code civil n’a ni abrogé, ni
modifié à cet égard l’ancienne jurisprudence.
Dans le fait, le sieur Parker, citoyen des Etats-Unis d’Améri
q ue, avait transporté son domicile en France long-temps avant la
publication de l’article i 3 du Code civil; il y avait acquis divers
immeubles , et c’était à Paris , lieu de son principal établissement,
(1) Recueil de Sirey , année 1811 , partie 1" , page 3G2. Journal des au
diences de la Cour de cassation , même année , page
12
*
�( 92 )
qu’il payait ses 'contributions personnelle et mobilière ; mais il
n’avait pour cela fait à l ’autorité locale aucune déclaration de
laquelle on pût induire de sa part l ’intentioii de passer en France
le reste de ses jours, ni obtenu du gouvernement aucune espèce
d’autorisation.
Le 4 juillet 1808, il est assigné , à la requête des sieurs Swan
et Schweizer, Américains comme l u i , devant le tribunal de com
merce de Paris, en payement d’obligations commerciales qu’il a
contractées envers eux en France, mais qui, d’après leur objet et
leur nature , ne pourraient, aux termes de l ’article 420 du Code
de procédure civile, le rendre justiciable de ce tribunal qu’autant
qu’il fût domicilié à Paris.
Il
comparait et demande son renvoi devantles juges de son pays
natal.
Le 12 janvier 1808, jugement qui, vu les articles i 3 et 14 du
Code civil, accueille le déclinatoire ,
« Attendu que le sieur Parker n’a , non plus que les sieurs Swan
» et Schweizer, obtenu la permission de l’empereur d établir son
» domicile en France ; et que , quoique le sieur Parker ait des pro» priétés en France et qu’il y ait résidé long-temps , néanmoins il
» n’y a point acquis de domicile légal ; d’où il suit qu’il continue
» d’être toujours Américain , ainsi que cela est prouvé par le cer» tificat portant permis de séjour, à lui délivré le 5o du mois de
» mars dernier, par le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis
» d’Amérique près de Sa Majesté l’empereur, dans lequel certifi» cat le ministre, en le qualifiant de propriétaire demeurant à
>> Paris , certifie qu’il est citoyen des Etats-Unis, et demande pour
» lui protection et hospitalité;
» Attendu qu’aux termes de l’art. 14 du Code civil, l’étranger ne
» peut être cité devant les tribunaux français que pour l’exécution
h des obligations par lui contractées en France avec un Français,
» et non pas avec un étranger'; qu’ainsi ledit sieur Parker ne peut
�( 93 )
»
»
»
»
»
être traduit devant les tribunaux de France pour des obligations qu’il aurait contractées en France avec la maison Swan et
Schweizcr, puisque cette maison, ainsi que lui, sont et contitinuent tous deux d’être Américains, et qu’ils n’ont pas acquis
un domicile légal en Franoe. »
Appel de la part des sieurs Swan et Schweizer, qui le fondent
sur deux propositions : la première, que l ’article i 3 du Code civil
n’a ni dérogé aux anciens principes qui laissaient l’étranger maître
d’établir son domicile en France par l'effet de sa seule volonté,
jointe à une habitation réelle et continue dans ce royaume, ni
par conséquent subordonné à l’autorisation du gouvernement l ’effet
de cet établissement; la seconde, que si l ’on pouvait, par une in
terprétation extensive, supposer à cet article l’intention de déroger
aux anciens principes , on ne pourrait du moins pas lui donner un
effet rétroactif, ni par conséquent en argumenter, pour priver
soit le sieur Parker, soit ses ayans-cause, du domicile qu’il avait
acquis en France long-temps avant le Code civil.
De ces deux propositions, la Cour d’appel de Paris laisse de
coté la première; mais elle adopte la seconde; et, par arrêt du
i x juin 1812, elle réforme le jugement du tribunal de commerce :
« Attendu que Parker, domicilié enFrance depuis longues années,
» et y possédant plusieurs immeubles, bien avant la promulgation
» du Code civil, a été régulièrement assigné derant les tribunaux
» français (1). »
L e sieur Parker se pourvoit- en cassation, et persistant à sou
tenir que lart. 10 du Code civil doit être entendu dans le sens
que lui a attribué le jugement du tribunal de commerce, il en
conclut que la cour d’appel l’a formellement violé par le refus
qu elle a fait de le lui appliquer. En effet, dit-il, les lois qui m’au-
(1) Recueil de Sircy, année iS ia , partie 2% page 398.
�( 9^ )
raient autrefois donné un domicile légal en France, qui m’au
raient ainsi rendu justiciable des tribunaux français, m’auraient
évidemment conféré une qualité que je n’aurais pu tenir que de
leur autorité ; elles ne pourraient donc être considérées que comme
des lois personnelles. O r, on sait que les lois de cette nature per
dent tout leur empire du moment qu’elles sont remplacées par
d’autres, et que leur effet ne survit jamais à celles-ci. C ’est ainsi que
le Normand qui, ayant atteint sa vingtième année révolue, la veille
de la publication de la loi du 20 septembre 1792 , était par là devenu
complètement majeur, aux termes de l’art. 2S des Placités de Nor
mandie de 16GG, est rentré dans l’état de minorité par l’effet de la
disposition de cette loi qui déclarait la majorité acquise à vingt-un
ans accomplis (1). C ’est ainsi que, comme l’enseigne M.Proudhon,
dans son Cours de droit français, chap. 4 >sect. i re, n° 6, «les mi» neurs des pays de droit écrit, qui étaient âgés de moins de quinze
» ans révolus, et qui étaient su iju ris, sont, après la publication
» du Code civil, retombés sous la tutelle de leur mère, pour tous
» actes postérieurs à cette publication, mais sans porter atteinte
» aux négociations antérieurement consommées. »
Les sieurs Swan et Schweizer répondent qu’un domicile de fait,
indépendant de la jouissance des droits civils, suffisait autrefois
et doit suffire encore pour rendre un étranger justiciable des tri
bunaux français; qu’aucun texte formel du Code civil ne contrarie
celte proposition, et que les raisons les plus puissantes la justi
fient.
« D ’abord (ajoutent-ils), l’art. 10 du Code civil est bien loin de
» se prêter à la conséquence que l ’on veut en tirer. Cet article
» règle uniquemenl les conditions que l ’étranger doit remplir pour
§
( 1) Yoyez le Rrpcrtoirr.
2 , art. fj, n° 2.
de jurisprudente , aux inots liffr t rétroactif. sect. 3 ,
�( 95 )
acquérir la jouissance des droits civils. Il exige, pour que le
domicile de l’étranger en France lui procure ces droits, que ce
domicile soit établi sous l ’autorisation du gouvernement; mais il
ne dit point que, sans cette autorisation, sans les droits qu elle
confère, le domicile de l’étranger soit moins légal, moins attributif de juridiction.......
» Maintenant, si nous envisageons tous les inconvéniens atta» chés au système du demandeur, bien loin d’être tenté, pour
» l'admettre, de suppléer au silence de la l o i , on cherchera dans
» tous les textes les moyens de le rejeter. En effet, quelle déplo» rable législation serait la nôtre, si un débiteur de mauvaise
» foi pouvait, en s’abstenant'toute sa vie d’acquérir la jouissance
» des droits civils, parvenir à échapper aux poursuites de tous
» ses créanciers étrangers ! Suivant ce système, nos lois qui sont
» établies pour contraindre chacun à l’exécution de scs promesses ,
» serviraient à soustraire l ’étranger à ses engagemens les plus sa» crés, et la France serait un asile ouvert à l’improbité de tous
» les cosmopolites.
» Reconnaissons donc, au contraire , que l’abstention volontaire
» du droit que l ’art. i 3 offre à l ’étranger ne doit jamais favoriser.
» sa mauvaise foi, et que toutes les fois q ae, par son séjour, sou
» existence, ses relations civiles o u ‘commerciales , cet étranger
» aura acquis un domicile de fait en France , il pourra être soumis
» à la juridiction des tribunaux français pour les obligations qu’il
» a contractées même avec des étrangers.
»
»
»
»
»
»
» Telle était la jurisprudence que l ’on suivait autrefois........
» De cette jurisprudence il résulte deux choses : la première ,
» qu elle doit servir, dans le silence de nos lois nouvelles, à établir
» les mêmes principes qui étaient suivis autrefois; la seconde , que ,
» dans le cas même ou le Code civil consacrerait le système du
» sieur Parker, ce système ne pourrait pas être admis dans 1 es» pccc particulière de la cause, parce que c est avant la publica-
�( 9g )
» lion de ce Code, que le sieur Parker a fixé sa résidence en
« France i et qu’il a acquis alors un domicile qu’il conserve enx core aujourd'hui; car c’est à tort que l ’on a prétendu que le do» micile du sieur Parker avait cessé avec les lois qui le lui avaient
» conféré. C ’est là une erreur qu’il est facile de reconnaître : les
» lois qui attribuaient un domicile à l’étranger étaient, à la vérité,
» personnelles; mais les droits qu’une loi personnelle confère ne
» sont pas toujours révocables. Ils sont révocables, quand l’indi»> vidu qui en jouit ne les lient que de la loi, et non pas de l’ac» complissement de certaine formalité que lui impose celte loi
» pour les acquérir. Ainsi, un majeur est remis en tutelle , quand ,
»> par un changement de législation, la majorité est reportée à un
» âge plus avancé, parce que c’était de la seule existence de la loi
» qu’il tenait les droits dont il jouissait. Mais, au contraire, celui
>> à qui la loi permet d’acquérir une certaine qualité en remplissant
» quelques conditions auxquelles il s’est soumis, ne peut pas per» dre cette qualité, parce qu’une loi postérieure ne l’accorde qu’à
» d’autres conditions. C ’est ainsi que l ’étranger qui aura acquis la
» qualité de citoyen français, en remplissant les formalités voulues
» par la constitution de l’an 3 , c’est-à-dire, par sept années de
•» résidence, ne perdra pas celle qualité , parce qu’au moment où
» la constitution de l'a n 8 aura été publiée, il ne comptera pas les
»> dix années de résidence qu’exige cette constitution pour accor» der la même qualité à un étranger.
» De même celui à qui les lois anciennes permettaient d’acqué» rir un domicile légal en France , sous la seule condition qu’il y
» établirait un domicile de fa it, £t qui a rempli celte condition y
■
» ne peut pas perdre les droits que ce domicile lui a donnés,parce
» qu’une loi postérieure impose de nouvelles conditions pour l’ac» quisilion de ces mêmes droits. »
Tels étaient, dans cette grande affaire, les moyens respectifs des
deux parties , et quel a été le résultat du rapport qu’en a fait, à
�( 97 )
la chambre civile le savant et judicieux magistrat que son mérite
«minent a depuis peu fait élever à la dignité de président de la
chambre des requêtes (M . Zangiacomi) ? La Cour de cassation a
rejeté le pourvoi du sieur Parker, et a par conséquent décidé que
celui-ci avait en France un véritable domicile par l ’effet duquel il
était pleinement assujetti à la juridiction des tribunaux français ;
mais comment a-t-elle motivé cette décision! Elle s’est bien gar
dée de supposer, avec l’arrêt de la Cour d’appel de Paris , que
l’article i 3 du Code civil e û t, pour l’avenir, fait dépendre de 1au
torisation du gouvernement la légalité du domicile qu un étranger
voudrait se constituer en France par une résidence effective jointe
à l ’intention de s’y fixer pour toujours ; elle a déclaré, au contraire,
«n termes exprès, que cet article était absolument muet sur la ques
tion de savoir si un étranger qui n’aspirait point à la jouissance
des droits civils réservés aux Français, aurait besoin de l’autorisa
tion du gouvernement pour établir son domicile.cn France; et con
cluant de là que le Code civil avait laissé les choses à cet égard
sur le même pied qu’elles étaient sous l’ancienne législation, elle
en a tiré la conséquence ultérieure q u e , puisqu’on ne pouvait citer
aucun acte de l’ancienne législation qui subordonnât à l ’autorisa
tion du gouvernement l’efficacité de l’établissement qu’un étranger
faisait de son domicile en France , il fallait sur ce point, et tant
pour le passé que pour l’avenir, s’en tenir aux principes généraux
de la matière, suivant lesquels , comme elle l’avait déjà dit par son
arrêt du 8 thermidor an 11 , les étrangers demeurent sous la dis
position générale de la loi commune, qui ri exige , pour Vétablisse
ment du domicile , que le fa it de l'habitation réelle , jointe à l'in
tention de £ établir.
« Considérant (a-t-elle dit d’après cela) que l’article i 5 du
j> Code civil a pour objet unique d’indiquer comment un étranger
» peut acquérir la jouissance des droits civils; que, ne statuant
» rien sur la compétence des tribunaux , il est sans application a
» l’espèce;
îô
�( 98 )
» Que l’article i 4 ne dispose que relativement aux contes» tâtions élevées entre Français et étrangers ; que l ’on ne peut
» rien en conclure à l’égard de celles existantes entre étrangers,
>» ainsi que cela a été expliqué , lors de la discussion de cet arti» cle, au Conseil d’état;
» Enfin , que le demandeur ne peut citer aucune loi qui inter» dise à un étranger de traduire devant les tribunaux français un
» autre étranger domicilié et propriétaire d’immeubles en France,
» long-tçmps avant la publication du Code civil.
» La Cour rejette le pourvoi (i). »
Quelle différence y avait-il, à l’époque du décès d eM . Edouard
Onslow, entre la position dans laquelle il se trouvait par rapport
à la France, et celle où se trouvait, par rapport au même pays,
l ’Américain Parker , au moment où il avait été assigné devant le
tribunal de commerce de Paris, à la requête des deux autres Amé
ricains ? Aucune : il avait, comme lui, fixé en France le siège
de toutes ses affaires avant le Code c iv il, et il l ’y avait conservé ,
comme l u i , depuis la publication de ce Code; comme lui, il y avait
acquis des -immeubles ; il avait même fait plus que lui, il y avait
épousé une Française , et il avait transporté en France le prix des
immeubles qu’il possédait dans son pays natal. Il était donc bien
évidemment, et à bien plus forte raison, comme lui, domicilié en
France , quoique , comme l u i , il s’y fût établi sans l’autorisation du
gouvernement. .
Mais si le sieur Parker , tout dénué qu’il était de l’autorisation
du gouvernement pour s’établir en France à perpétuelle demeure,
n’en a pas moins été jugé y avoir acquis un domicile qui le rendait
justiciable des tiibunaux français, à raison des obligations qu’il avait
contractées envers d’autres étrangers, comment serait-il possible de
(i) Jo u rn a l des audiences de la Cour de cassation , année iS i/(, page 144-
�( 99 )
juger que M. Edouard Onslow n’avait point acquis en France un
domicile qui assujettissait tous les biens meubles qu il y possédait,
à la loi française ?
Dira-t-on qu’il n’en est point de la question de savoir si la suc
cession mobilière d’un étranger domicilié en France est régie par
la loi française, comme de la question de savoir si un étranger do
micilié en France peut être assigné, par actions personnelles, de
vant un tribunal français ? Ce ne serait là qu’un vain et puéril sub
terfuge.
Pourquoi l’étranger domicilié en France peut-il, en matière per
sonnelle , et lorsqu’il est défendeur, être cité, même par d’autres
étrangers qui ont conservé leur domicile d’origine, devant le tribu
nal français dans l ’arrondissement duquel il est établi à perpétuelle
demeure ? Parce que c’est là qu’existe sa personne , sinon toujours
physiquement, du moins toujours moralement ; parce que, dès lors,
il est nécessairement soumis à la disposition de l ’article 59 du Code
de procédure civ ile , qui veut qu'en matière personnelle le défen
deur soit assigné devant le tribunal de son domicile. JEh bien ! où
existent les eiFets mobiliers d’un étranger domicilié en France?
Nous l ’avons déjà dit, ils n’existent, soit réellement, soit pry: l’efTct
d’une fiction universellement admise, que dans le domicile de la
personne à laquelle ils appartiennent. Ils sont donc nécessairement
soumis à la loi de ce domicile. 11 n’y a donc que la loi de ce do
micile qui puisse, lorsque la personne vient à mourir , en opérer
la transmission à scs successeurs. Or , comment pourrait-on sérieu
sement contester à la loi qui opère une transmission de biens meu
bles , le pouvoir de la régir ? Comment pourrait-on sérieusement,
tout en profitant de la loi qui transmet une succession mobilière ,
faire dépendre cette succession d’une autre loi ?
Objectera-t-on que l’article 3 du Code civil ne soumet à la loi,
française, en ce qui coïicerne les étrangers, que les im m e u b le s qu ils
i3*
�(
100
)
y possèdent, et chercliera-t-on à conclure de là qu’elle n’a aucun'
empire sur les propriétés mobilières qu’ils ont en France?
Pour bien saisir le sens de cet article , il faut le lire en entier, et
le rapprocher de l ’ exposé des motifs qu’en a donnés l'orateur du
gouvernement ( M . Portalis^ à la séance da corps législatif, du
4 ventôse an 1 1.
Cet article est divisé en trois paragraphes. 11 établit, parle pre
mier, que les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui ha
bitent le territoire ; par le second , que les immeubles, même ceux
possédés par des étrangers , sont régis par la loi française; par le
troisième, que les lois concernant l'état et la capacité des per
s o n n e s régissent les Français , même résidant en pays étranger.
Dans l'exposé des motifs de ces trois dispositions, M. Portalis a
d’abord justifié la première par des considérations étrangères à l’ob
jet qui nous occupe ici; ensuite, passant à la seconde et à la troi
sième , voici comment il s’est expliqué :
« On a. toujours distingué les lois qui sont relatives à l ’état et à
» la capacité des personnes, d’avec celles qui règlent la disposition
» des biens. Les premières sont appelées personnelles , et les secon» des réelles.
» Les lois personnelles suivent la personne partout... 11 suffit
» d'’être Français , pour être régi par la loi française , dans tout ce
» qui concerne l’état de sa personne. Un Français ne peut faire
» fraude aux lois de son pays, pour aller contracter mariage en pays
» étranger, sans le consentement de ses père et mère, avant l’âge
» de vingt-cinq ans. Nous citons cet exemple entjrc mille autres
» pareils, pour donner une idée de l’étendue et de la force des
» lois personnelles....
» Les lois qui régissent la disposition des biens sont appelées
m r é e l l e s ; ces lois régissent les immeubles, lors même qu’ils sont
* possédés par des étrangers.... Aucune partie du territoire ne peut
�•
(
101\
» être soustraite a l'administration du souverain1,‘ córame aucune*
» personne habitant le 'territoire’ he^peut être soustraite a sa sur» veillance ni à son autorité. La souveraineté e s t 'indivisible : elle
» cesserait de l ’être, si les portions d’un même territoire pouvaient
» être régies par des lois qui n’émaneraient pas du m ê m e souve>> rain. 11 est donc de l ’essence même des choses, que les irameuv bles dont l’ensemble forme le territoire publicd'un peuple, soient
» exclusivement régis par les lois de ce peuple, quoiqu’une partie
» de ces immeubles puisse être possédée par des étrangers. »
A in si, l’orateur du gouvernement qualifie de lois réelles , et par
conséquent de lois obligatoires pour tous, soit nationaux, soit étran
gers , toutes celles qui régissent la disposition des biens ; et cepen
dant, à l ’exemple du texte dont l’explication l’occupe, il ne parle
que des immeubles; il se borne, comme ce texte, à dire que les
immeubles, n’importe qu’ils soient possédés par des étrangers ou
par des Français, sont régis par la loi française. D ’où vient et que
signifie ce silence sur les biens meubles ?
Personne assurément n’en inférera que la loi française ne ré^it
pas les meubles possédés en France par des Français; une pareille
conséquence serait trop absurde. On ne peut donc pas non plus en
inférer que la loi française est sans autorité sur les biens meubles
possédés en France par des étrangers; car il est impossible d’ad
mettre, h l’égard des étrangers, une manière de raisonner que le
bon sens repousse à l’égard des Français.
11 faut donc nécessairement reconnaître que l’article 3 du Gode
civil se réfère , pour les meubles possédés en France par des Fran
çais , comme pour les meubles qu’y possèdent les étrangers, au
principe général que les propriétés mobilières suivent la personne
et sont censées n’avoir pas d’autre situation que celle de son do
micile.
Mais de là même il résulte de toute nécessité que les meubles.
�( 102 )
possédés en France par u n étranger q u i y a son dom icile , ne p e u
vent , lorsqu’il y meurt-sans avoir^manifesté aucun esprit de retour
dans son pays n atal, être régis dans ^ s u c c e s s io n que par la loi
française.
u u ’lr-.Uoi: ;*hj
D é lib é r é à Paris,. le 5
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Factums Godemel
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Title
A name given to the resource
[Factum. Onslow. 1832?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Godemel
Allemand
Tailhand
Garnier
H. Conchon
Berryer fils
Merlin
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour MM. Onslow puînés, contre M. Georges Onslow, appelant.
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1832
1783-1832
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
102 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2701
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G2702
BCU_Factums_G2703
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2705
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
BCU_Factums_G2708
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Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
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douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
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094a58f0221d70fbf3dfec89e46cbf00
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MEMOIRE
A CONSULTER
POUR
le
sie u r
V I N D R I N E T , P ro p rié ta ire
et Maire
de la Co m m u ne de V a li g n y - le - Monial , C a n t o n
de
Cer illy ,
Département
de
l ’A l l i e r ,
Prévenu
et Appelant
CONTRE
M o n s ie u r
l e
PROCUREUR D U RO I, Plaignant
et intimé.
A
'J i exercé les fonctions de maire pendant plusieurs années ; je suis
propriétaire d ’ u n e f o r t u n e assez considérable ; ma réputation d’homme
d'honneur est intacte : toutes les autorités civiles et religieuses, ainsi
que les notaires du canton où j ’habite se sont plu à attester ma mora
lité , ma fidélité et ma délicatesse dans tous les actes de ma vie civile et
politique ; et cependant une poursuite en escroquerie, dirigée et sou
tenue contre moi par l e ministère p u b l i c , poursuite dont toutefois j e
�ne conçois ni le m otif ni le b u t, est venue compromettre à-la-fois ma
fo rtu n e , ma tranquillité et mon honneur.
Ma position est singulière. U n acte de ven te, consenti par moi à
un tiers, vente dont je demandais l’exécution, et dont la validité no
m ’a point encore été contestée par celui avec lequel j ’ai contracté, a
servi de prétexte aux poursuites du ministère p u b lic ; et la convention
la plus ordinaire et la plus commune de la vie a été regardée comme
une escroquerie pratiquée de ma pari contre mon acquéreur. Je sais que
la bonne foi de l’ une des parties ne suffît pas pour garantir l ’exécution
d ’ un contrat; e t , quoique la vente dont il s’agit ait été acceptée libre
ment par mon acquéreur, et qu ’elle lui soit avantageuse, je n’aurais
rien trouvé d ’extraordinaire à ce qu ’ il eût essayé de la faire annuler
par les voies civiles. Mais ce que je ne conçois pas, c’est qu ’en respectant
1 acte qui le lie envers m o i, il ait trouvé le moyen de me le faire imputer
a délit, et que la vindicte p u b l i q u e m ’ a i t frappé comme escroc, quand
ma vente existe toujours, et que môme rien n’ a été fait pour parvenir
à l ’anéantir.
Il me serait impossible de concilier des choses et des idées aussi dis
parates : je crois avoir été plpcé hors des règles ordinaires, et mis dans
une exception créée exprès pour moi ; je crois également, en ne con
sultant que ma raison , que je suis victime d ’ u n e e r r e u r judiciaire qui
me serait Lien funeste , si elle ne pouvait ôtre réparée. Mais comme
mon ignorance des lois et mon intérêt personnel peuvent également
m ’éloigner de la vérité, je viens la demander à des jurisconsultes aux
quels je vais faire connaître les faits dans toute leur exactitude.
Comme je l’ai d i t , j’étais maire de la commune de V a lig n y , où
j ’habite. L e sieur Moingcard est percepteur de la môme commune , et
demeure à A in a y , petite ville peu éloignée du bourg de Valigny.
J’étais propriétaire de deux maisons situées dans le bourg de Valigny.
L ’ une d’e lles, remarquable, dans le canton, par sa beauté, son agré
ment et ses aisances , devait ôtre vendue pour me libérer d ’une somme
de 8000 fra n cs, que je devais au sieur P c titje a n , de C erilly , mon
unique créancier : il était important pour moi de faire ce rembourse
ment. En conséquence, à la fin de novembre, ou au commencement do
décembre 1821 , j’annonçai, par des afliches, la vente de cette maison
et de quelques autres propriétés.
Je connaissais ppu le sieur Moingcard ; mais les contribuables sc
plaignaient journellement de sa perception ; il* me remettaient chaque.
�jour des quittances qui paraissaient prouver qu’ ils avaient payé des
sommes en sus de leur cote. Je crus qu ’il ¿tait de mon devoir d’en
prévenir le sieur M oingeard, et de l’ inviter à faire cesser cet abus.
Mes remontrances ne produisirent aucun effet. De nouvelles plaintes
et de nouvelles remises de quittances fixèrent bientôt mon attention , et
je crus qu’ il était de mon devoir d’instruire l ’autorité.
M . T u r r a u l t , contrôleur des contributions, vint à cette époque à
V a lig n y ,
pour y faire l ’état des mutations. Je lui fis connaître les
plaintes que plus de soixante contribuables avaient portées contre le
percepteur; je lui remis les quittances qui m’ avaient été rapportées.
L e sieur Moingeard fut appelé ; sept quittances furent vérifiées en sa
présence, et prouvèrent que ce percepteur avait reçu 57 fr. 93 c. de
plus que ce q ui était exigé par son rôle.
M. le contrôleur des contributions ne voulut point continuer cette
vérification; il en donna pour raison qu ’ il devait préalablement instruire
M. le d irecteu r, et se r e tir a , en promettant q u ’ i l r e v i e n d r a i t trèsprochainement.
Ceux des contribuables dont les quittances avaient été vérifiées ne
manquèrent pas de faire connaître les résultats auxquels M . le contrôleur
était arrivé. Cette opération , devenue p u b l iq u e , dut causer une grande
rumeur dans tout le bourg de V aligny. Les exactions du percepteur
paraissaient demontrees ; on s expliquait sur son compte sans aucune
espece de ménagement ; m oi-mèm e, pressé par la foule des contribuables
de faire la vérification de leurs q uittances, comme me le prescrivait
la lo i, j ’ai pu faire connaître ma pensée sur la conduite du percepteur.
Je mis cependant la plus grande circonspection dans mes démarches.
J’étais obligé de céder à la volonté des.contribuables, q u i , en deman
dant à être vérifiés, ne faisaient qu ’ user de leurs droits; mais, d 'u n
autre côté, je craignais que mon peu d ’expérience de la comptabilité
ne nie fît commettre quelques erreurs. E n conséquence, pour concilier
les devoirs de mes fonctions et les ménagemens que je voulais avoir pour
le percepteur, j ’écrivis, le 4 mars 18 2 2 , à M. le receveur particulier;
je lui G» connaître les plaintes des contribuables , lui parlai des résultats
de la vérification commencée par M. T u r r a u l t , contrôleur , et lu i
demandai un commissaire ad h o c ,
opération.
pour faire ou continuer cette
Cependant, depuis quelque le m s , le sieur Moingeard paraissait so
dégoûter de sa perceptiou ; il avait môme trai ti de çct cm plo; aycc
�4 J
le sieur Fressanges fils , habitant à Teneuil ; il annonçait qu’ il voulait
vendre sa maison d’A in a y , et se retirera la campagne, où il pourrait
plus utilement et plus commodément reprendre le négoce du Lois qu’ il
avait q u itté, et dont il s’occupait avant sa nomination à la place de
percepteur. L e bourg de Valigny lui parut propre à ses spéculations;
il résolut d ’y fixer son dom icile, et désira devenir acquéreur de ma
m aison, dont la vente avait été annoncée par affiches des la fin de
l ’année 1821.
Les projets du sieur Moingeard étaient connus; déjà il avait visité
plusieurs fois ma maison; il savait que j ’en étais propriétaire à titre
d ’échange, et qu ’elle me revenait à plus de ■jGoo f r . , prix d’acquisition.
Je lui avais prouvé que j ’y avais fait des constructions et des réparations
qui en avaient considérablement augmenté la valeur; il savait que
le prix du loyer était insignifiant pour le prix de v e n te , parce que cette
maison avait appartenu à u n propriétaire que le mauvais état de scs
affaires avait porté à consentir des beaux simules, de la m o i t i é de la
valeur au moins des objets affermés; de manière qu ’en se présentant
p our acquérir, le sieur Moingeard traitait avec moi en grande connais
sance de cause ; et il sait bien qu ’à notre première et à notre seconde
e n tre v u e , nous fûmes loin d ’être d’accord sur le prix de cette maison,
et que je lui en demandais alors une somme bien plus considérable que
celle pour laquelle je la lui ai ensuite abandonnée.
Pendant ces négociations, quelques personnes demandaient à M. le
sous-préfet la place de percepteur du sieur Moingeard ; ce fonctionnaire
répondait que ce percepteur ne voulait pas vendre ; mais comme ceux
qui voulaient succéder ail sieur Moingeard disaient que les plaintes
nombreuses qui avaient été portées contre lu i, et les malversations qu ’ il
s’ était permises, le mettaient hors d ’état d’exercer désormais ses fonc
tions , M. le sous-préfet m ’ayant fait a p p e le r, je crus remplir un devoir
et rendre hommage à la vérité , en attestant ce que les plaintes des
contribuables, le rapport de leurs quittances, et la vérification de
M . le contrôleur des contributions m'avaient appris.
Il avait enfin été arrêté que la position du sieur Moingeard vis-àvis les contribuables serait examinée. L a vérification devait être faite
par M. le receveur particulier, et avoir lieu à la mairie de V a lig n y , où
se réuniraient les personnes qui avaient porté des plaintes conlrc le
percepteur. Mais bientôt I\l. le sous-préfet ayant dé>iré être présent à
cette opération, la fit renvoyer de huitaine , c ’cst-à-dirca u 21 mars ,
�époque a laquelle il devait s’ occuper du recru tem en t, et décida qu’elle
serait faite à C e r i l l y , chef-lieu de canton dont dépend la commune
de Valigny. J ’e x p l i q u e r a i bientôt l’ influence que ce retard et ce chan
gement de lieu ont pu avoir sur cette vérification.
Je ne pouvais apprécier ni connaître les motifs d’inquiétude et de
terreur qui agitaient le sieur M oingeard, et qui lui faisaient redouter
une v é r i f i c a t i o n que tout comptable exact et délicat doit plutôt désirer
que craindre. Quant à m oi, j ’avais des devoirs à remplir, et je croyais
y avoir satisfait en prévenant l ’autorité, et en la mettant à même d’ agir.
Sans intérêt personnel dans cette vérification , je n’avais aucune affection
ni aucune liaine ù satisfaire. Délivré de toute responsabilité, comme
maire, par l ’avis que j ’avais donné à M. le receveur, le sieur Moingeard
ne pouvait rien espérer ni rien craindre de moi ; et comment ma pro
tection lui aurait-elle servi ou mon inimitié lui aurait-elle n u i, si sa
perception était en r è g le , et s i, dans l ’exercice de ses fo n c tio n s , i l
s’était constamment conformé aux devoirs simples et i m m u a b l e s qui lui
étaient prescrits , soit envers le G o u v e r n e m e n t , soit envers les contribuab les? L e sieur Moingeard ne savait-il pas d’ ailleurs q u e , de mon
clief et personnellement, je n’avais jamais voulu faire aucune vérifi
cation, quoique mes fonctions, non seulement me le permissent, mais
m ’en imposassent même le devoir ?
Q uoi qu’ il en s o i t , le sieur Moingeard était parfaitement instruit de
tout ce qui pouvait l’interesser relativement à la perception ; je lui avais
fait connaître les plaintes des contribuables, et les démarches que j’avais
cru devoir faire auprès de l ’autorité ; il savait que sa place était de
mandée par plusieurs compétiteurs; que la vérification de sa position
avec les contribuables devait être faite, le 21 mars, par M M . le receveur
et le sous-préfet réunis; il était donc bien instruit q u ’il ne pouvait rien
attendre de moi ; et s’ il continuait les négociations relativement à l’acquisition qu ’ il voulait faire do ma maison , c ’était en vue des avantages
particuliers qu’ il y trouvait , et non dans l’espérance de se faire un
protecteur ou de désarmer uu ennemi exigeant.
De mon c ô té , je no voyais ni ne pouvais voir aucun empêchement
légal ou moral à ce que je fisse avec le sieur Moingeard un contrat
tel qu un acte de vente. J’avais rempli mes devoirs comme maire ;
comme particulier, il ne pouvait m’être défendu de vendre à celui
même que j ’aurais poursuivi avec le plus de ligueur. Aussi le sieur
Moingeard m’ayant fait de nouvelles instances , uous nous mîmes
�(
6
)
d ’accord sur le prix et les conditions; le 20 mars 1822 , la vente fut
arrêtée et rédigée sous seing privé.
L e prix fut fixé h une somme de 10,600 francs en principal , et
2'î.o francs d ’épingles. Cette somme devait être mise à ma disposition
par deux billets à o r d r e , au moyen desquels la vente porterait q uit
tance. Mais comme Moingeard promettait de payer les 84 o francs à un
terme très-rapproché, il fut convenu que l’acte de vente ne mentionne
rait que 10,000 fr.
Mes intérêts me parurent exiger une autre précaution. J’ai dit que
j ’étais débiteur d u sieur Petitjean , de Cerilly , d’ une
sommo de
8000 francs : j ’ avais l ’intention de lui faire compter une partie du prix
de la vente de ma maison , voulant finir de me libérer envers lui avec
d’autres ressources ; et comme le sieur R ic lie t, mon beau-frère , ha
bitant à C e r i l l y , était chargé de payer le sieur P e titjea n , je désirai
que 1 un des effets f i t p a s s é à son ordre : ce qui fut accepté par lo
sieur Moingeard.
E n conséquence, le 20 mars 1822, le sieür Moingeard rédigea et
écrivit lui-mêine tous les actes dont nous étions convenus ; et s’il a
donné aux billets à ordre la date du lendem ain, 21 , ou c ’est par suite
d’ une erreur dont je ne m’aperçus p a s , ou par d’autres motifs que je
ne pouvais alors connaître.
L a vente est d’une maison , cave au-dessous, hangard , grange ,
étable , cour, jardin à la suite, clos de mur. L e prix est de 10,000 f r . ,
dit reçus comptant. Il est convenu que le fermier jouira jusqu'au
11
novembre 1825 ; enfin il est dit que l ’acte sera passé par-devant notaire j
h la première réquisition de l’une des parties.
Les deux billets s o n t, l ’un de 584 o francs, valeur reçue co m p ta n t,
à l ’ordre du sieur R icliet, payable le 3 o courant. Plus tard, le sieur
Ricliet m’a passé l’ordre de cet effet; l’autre, qui fut directement fait
à mon o r d r e , par le sieur Moingeard , est de 5ooo francs, valeur pour
solde d ’ une maison, et à échéance le 11 novembre suivant.
J ’ai dit plus haut que la vérification de la position du percepteur
envers les contribuables devait d’abord avoir lieu à V alig n y , et être faite
par M. le receveur particulier; qu ’ il avait été ensuite arrêté que cette
opération serait retardée de h uita in e, et qu ’elle serait faite à C e r illy ,
en présence de M. le sous-préfet, qui devait se rendre au chef-lieu
pour le recrutement. N e m'attendant pas à ce c h a n g e m e n t , j ’avais
convoqué les con trib u a b le s U la mairie de V a li g n y , pour le jour qui
�(
7
)
avait été détermine par M. le receveur particulier. Ils s’y étaient rendus;
mais lorsque que je leur fis connaître le changement de volonté des
deux fonctionnaires dont la vérification
dépendait , ils montrèrent
beaucoup d'humeur et de mécontentement, et dirent qu’ ils aimaient
mieux supporter une perte que d’aller demander justice à deux lieues
de leur domicile. Tous refusèrent de se rendre à Cerilly , et la plupart
d’entr’eux retirèrent même leurs quittances.
I l était facile de prévoir que ce changement de volonté de la part
des contribuables serait avantageux au sieur Moingeard. Je me rendis
toutefois a C erilly ; je remis entre les mains de M . le receveur les
quittances dont j ’étais porteur, ayant le plus grand soin de les déposer
dans l ’ordre et telles qu’elles m ’avaient été données. Interpellé par
M. le sous-préfet, je répondis q u e , personnellement, je n’avais aucun
reproche à faire au sieur Moingeard , et que la vérification seule pouvait
apprendre si ce percepteur avait des torts envers les contribuables, ou
s i , au contraire , les plaintes de ces derniers é t a i e n t m a l fondées et
injurieuses. M . le receveur s’occupa immédiatement de cette opération1,
en présence du sieur Moingeard. Il reçut ses explications, reconnut
que ce comptable avait perçu plus que ce qui était dû ; mais en même
tems il crut devoir considérer ces excès de perceplion comme des erreurs
excusables. M. le receveur ordonna toutefois la restitution de différentes
sommes dont je devais être dépositaire ; et comme je croyais avoir
rempli mes devoirs envers mes administrés, et que d’ailleurs je devais
penser qu ’il avait été satisfait à tout ce que la justice pouvait exiger,
je signai le procès-verbal qui fut dressé de ces opérations, sans me
permettre aucune autre réflexion , et me retirai.
K ’ayant plus à m’occuper de celte affaire, je laissai aux autorités qui
m’étaient supérieures, et qui en avaient le p ouvoir, le soin de fixer le
sort du percepteur.
L e sieur M o ingeard, qui avait assisté à la vérification, qui en con
naissait les résultats, qui savait parfaitement que l ’opinion de M. le
receveur particulier ainsi que celle de M. le sous-préfet lui étaient
favorables, et qui conséquemment ne pouvait avoir aucune crainte,
me p a ya , le 28 mars, une somme de 7G0 fr. 75 c. , à cumple sur le
prix de ma maison, en ine disant que c’était tout l ’argent qu ’il avait
à sa disposition pour le moment ; et j’émargeai ce paiement sur le billet
qui m’avait été fait sous le nom de mon beau-frère.
Jo ne puis pénétrer reflet que put produire sur l’esprit du sicu c
�( 8)
Moingeard l'heureuse issue de son affaire. Ne voulait-il d'abord quitter
la perception que parce qu ’il craignait d ’être destitué? Cette crainte
ayant cessé, désirait-il la conserver, et ajouter les bénéfices certains
q u ’elle lui p ro cu rait, aux revenus de capitaux qui ne sont point entre
scs mains une matière inerte? Je ne sais rien de ses projets; mais tout
ce que je puis attester, c’est que le premier effet étant venu à échéance,
le sieur Moingeard me demanda des délais , et me fit pressentir qu ’il
désirait reculer l’époque de scs paiemens, chose que je ne pouvais ni ne
voulais lui accorder.
Les choses étaient dans cette position, et je pressais le sieur M oin
gcard pour obtenir le paiement du premier b ille t, échu le 3 o mars,
lorsque, le 12 avril 18 22 , je reçus une lettre de M. le receveur par
ticulier, qui m’annonçait que M. le préfet avait reconnu que les résultats
de la vérification étaient en faveur du sieur Moingeard ; que les erreurs
reconnues notaient qu’ involontaires, cl que rien n ’annonçait que ce
comptable eût voulu les faire tourner à son profit. M . le receveur
m ’ invitait en conséquence à remettre de suite aux divers contribuables
les quittances que j ’avais entre mains à l’époque des vérifications, en
leur comptant en même teins le montant des petites erreurs, que le
percepteur me r e m it, et provenant des frais faits , et que le percepteur
n’ avait point mentionnés sur ces quittances.
J'acquiesçai à cette invitation. Je remis aux contribuables leurs quit
tances. Mais comme le sieur Moingeard s’était retenu le montant des
petites erreurs, je le chargeai d ’en faire lui-même la distribution; e t, si
l ’opinion publique ne m ’a pas tro m p é , je dois dire que non seulement
il a été exact dans ces restitutions, mais encore qu ’ il en a fait bon
nombre d’autres plus considérables, qui devaient faire cesser d’anciennes
plaintes ou en éviter de nouvelles.
Cependant j ’ insistais pour obtenir du sieur Moingeard le paiement de
mon premier billet à ordre. Je 111e lassais d ’accorder des délais, et allais
le
poursuivre, lorsque je reçus u n e lettre de M. le procureur du Roi
près le tribunal de M ontluçon, qui me disait que j'avais dénoncé M oin
geard comme concussionnaire ; que la vérification des registres de ce
comptable avait prouvé que ma dénonciation était sans fondement, et
qu’elle était le fruit de la légèreté et de la haine. « Mais, c o n t i n u e
« M. le procureur du R o i, ce qui me parait un crime excessivement
«
répréhensible, c ’est t/il'on ni’ a dit (pie, p r o f i t a n t t i c la terreur que vos
« menaces ont inspirée au sieur M oingeard, vous lui avez fait souscrire
�( o )
« deux effets (le 5ooo francs chacun , dont le premier a pour cause la
«
vente d ’une maison , et le second , un prêt prétendu fa it par vous ou
« M . R ic h e t,
v o ir e
beau-frère. M. Richet déclare n ’avoir jamais rien
« prêté au sieur Moingeard : tout le monde sait que vous n’ êtes p a s à
« même de le faire. Ce second billet n’ est donc de votre p a rt, si les
« r a p p o r t s ;qui me sont faits sont vrais, qu'une honteuse et criminelle
k
e s c r o q u e r ie .............
Vous avez c h e rc h é , dit-on , a effrayer ce percep-
« teur par la perspective des peines auxquelles vous lui disiez qu ’ il allait
« être condamné; et vous avez profité d’ un moment de trouble pour lui
« faire souscrire un effet qui n’a d ’autre cause que votre effroyable
« cupidité. Je vous engage, Monsieur, à me faire connaître, le plus tôt
« possible , quelles raisons vous prétendez opposer à la dénonciation qui
« est faite contre vous; et si elle est fondée, comme je le crains, je
« vous invite à remettre sur-le-cliamp , au souscripteur, le billet dont il
« s’agit.
« Je serai à Montluçon jeudi prochain ; mais je n’y serai que ce jour« là de toute la semaine. »
Cette lettre, qui est du 3 mai, ne m ’est parvenue que le 16 du même
mois; de manière que je ne pus me rendre auprès de M. le procureur
du Roi au jour qu’il avait bien voulu m’ indiquer.
Il était évident que M. le procureur du Roi avait été trompé. Je
n ’ayais point dénoncé le sieur Moingeard. Comme maire, j ’avais dit faire
connaître a l ’autorité les plaintes des contribuables : je l ’avais fait sans
légèreté et sans haine. L a vérification du 2 février, et celle du 12 avril
1822 , prouvent que ces plaintes 11’ étaient pas sans fondem ent ; et il
n ’appartenait pas à un maire aussi peu exercé que je le suis en matière
de comptabilité, de décider que des sommes indûment payées par les
contribuables , à quelque titre que ce f û t , et encaissées par le percep
teur, qui ensuite a été obligé de les restituer, n ’étaient que de petites
erreurs involontaires, lorsque mes administrés persistaient à qualifier ce
fait à.'exaction.
Mais ce qu ’il y avait de plus odieux dans les on dit auxquels M . le
procureur du lloi avait cru devoir accorder confiance, c’était de pré
tendre que l’ un des effets n ’ a v a i t d ’autre cause que la terreur que j ’avais
inspirée à Moingeard ; que le premier seul représentait le prix de la
vente de ma maison. E t quel pouvait être l ’auteur de ces on d it, si ce
n’est le sieur Moingeard lu i-m ê m e , q u i , calculant sur la crainte que
peut faire n a ître , dans le cœur d’ un honnête horam o , la menace d ’une
�poursuite en escroquerie, me faisait inviter à lui remettre un de ses
b ille ts , ce qui le rendait propriétaire de ma maison pour la moitié du
prix convenu ?
J ’avais bien des clioses à répondre. D ’abord la plainte d’un comptable
de petite c o m m u n e, qui craint tellement une vérification, que , pour
l ’éviter ou se la rendre favorable, il s’impose de suite un sacrifice de
584 o francs envers un maire qui ne peut ni lui n u i r e , ni lui être utile,
était assez singulière. IN’est-il pas évident que M. le procureur du R oi
aurait pu sentir la nécessité d’ob tenir, par des moyens plus dou x,
e t , ce sem b le, plus convenables , envers un fonctionnaire bonoré ,
comme l u i , de la confiance du G o uvern em en t, des explications qui
auraient pu fixer ses idées et éclairer sa religion? D ’un autre c ô té , la
vente du 20 mars prouvait que le prix réel de ma maison était de
10,000 francs; et comme Moingeard 11e disait pas qu ’il me l ’eût p ayé,
il était évident que les effets consentis le jour m ôm e, ou le lendemain ,
ne faisant que représenter ce prix, ne pouvaient être attaqués, j u s q u ’a u
moment où la vente elle-même aurait été annulée. Je savais encore que
la demande en rescision pour cause de lésion ayant été introduite uni
quement dans les intérêts du ven deur, et ne pouvant être invoquée par
l'acheteur, le sieur Moingeard ne p o u v a it, sous aucun rapport, se faire
un moyen , contre sa convention , de la s o m m e à laquelle cette maison
aurait été portée , quelqu’exagéré que pût en être le prix ; mais comme
mon honneur était compromis, et que je prétendais à une justification
et à une réparation complettes, je répondis, le 17 m ai, à 31. le pro
cureur du R o i , et lui dis que je me rendrais auprès de lui le jour qu'il
voudrait bien indiquer; que je désirais que mon calomniateur assistât
à cette entrevue pour le confondre ; j ’ajoutais : « Q uant a la vente dont
« il est question dans votre le ttre , je vous prio de cesser de croire
n qu’elle soit un crime............. Il est absolument faux que j aie profité
« de la terreur où se trouvait Moingeard pour lui vendre ma maison....
(t Ces billets ne sont que le prix de l ’objet que je lui ai vendu ; e t ,
n pour vous prouver que je n’ ai point bénéficié sur cet o b j e t ,
«
S O UM ET S
A EN
FAIRE
FAIRE
^ E STIM ATIO N
je
me
PAR EXPERTS. »
Je dus alors m’arrêter à l ’idée de faire régulariser ma venie, et de ne
demander le paiement des deux billets , que comme représentant le p n x
de cette même vente; mais avant to u t, je désirais éclairer M. le pro
cureur du Roi. Depuis long-tcms j'attendais sa r é p o n s o avec la plus vive
impatience, lorsq u e, le 2S juin 18 2 a , M. le substitut du procureur
�( II )
du Roi m’ccrivit qu'à son retour d’ un voyage de six semaines, il a ^ i t
trouvé daus les papiers du païquet ma lettre du 17 mai ; qu il lui
paraissait que cette lettre ne me justifiait point des faits graves que l ’on
me reprochait ; qu’ il importait d’entendre les parties pour éclaircir cetlo
afiaire. E n conséquence, il m’ invitait à me rendre à M ontluçon,
le 8 juillet , et a me trouver chez lu i à onze heures du mptin ,
me prévenant qu’ un même avertissement avait été donné au sieur
Moingeard.
Je fus exact à un rendez-vous si vivement désiré. Je vins clioz M. le
substitut du procureur du R o i , qui me présenta chez M. le sous-préfet,
ou je trouvai M. le receveur particulier et le sieur Moingeard. L ’cxplicalion eut des détails, et mes reproches au sieur Moingeard furent
amers. M. le sous-préfet me proposait d’annuler la vente moyennant
indemnité ; en cas de re fu s, il me menaçait même de destitution ; mais
rien ne pouvait me faire accéder à un arrangement que je regardais
comme déshonorant pour m o i , et q u i a u r a i t été la preuve de la
manœuvre qu ’on m ’imputait. De son côté , M. le substitut du procureur
du Roi s’étant r e m i s sous l e s y e u x ma lettre du 17 m ai, me demanda
si je persistais dans mon offre de faire estimer la maison. Sur ma îéponse
affirmative, Moingeard dit qu ’il ne voulait pas de la m aison , parce
qu ’ il n’avait pas le moyen de la p ayer; et m o i, indigné de tant de
mauvaise f o i , d’audace et de p erfid ie , je m’écriai alors que s’ il était
question de prêter de l ’argent à intérêts usuraires, les fonds ne man
queraient pas au sieur M oingeard; qu ’au reste les choses demeureraient
en l’état où elles étaient. Les esprits ne pouvant plus que s’échauffer
et s’aigrir, je pensai que la prudence et le respect que je devais aux
personnes chez qui nous étions reçus et qui nous écou ta ie n t, in’ imposaient le devoir de terminer cette explication , et je me rôtirai de suite.
J’ai rapporté avec exactitude et fidélité ce qui s’est pasté dans cctlc
entrevue; elle est-la seule qui ait eu lieu devant les fonctionnaires que
je viens de nommer ; et je ne crains pas qu’ aucun d ’eux , et plus particu
lièrement M. le receveur particulier, puisse attester qu ’avant ou après
cette entrevue, je les aie e n t r e t e n u s de cette affaire.
Je donnai quelque tems de réflexion au sieur Moingeard
Enfin
lassé (le scs délais, je lui fis faire , le 9 octobre 1822 , une sommation à
se trouver lo 12 , chez un notaire , pour passer acte public de la vente
du ao mars.
Cet acte mettait le sieur Moingeard parfaitement à l ’aise. S ’il avait
�des moyens à faire valoir contre la verçte du 20 m ars, il pouvait les
employer; les tribunaux civils devaient les apprécier; mais le sieur
Moingeard se rendait justice à lui-même. U ne lutte corps à corps ne lui
convenait pas; et il préférait, en se mettant à l’ccart, se servir d’ une
main étrangère pour me frapper.
L e 11 octobre, deux jours après ma sommation , et la veille de celui
fixé pour comparaître devant le no taire, le sieur Moingeard porta
plainte au procureur du R.oi. Je parle ici de cette p ièce, pour 11e pas
intervertir l ’ordre des dates ; c a r , quelques efforts que j’aie pu faire , il
m ’a été impossible de connaître cette plainte, et d’en avoir communi
cation avant le jugement par défaut qui m’a condamné.
L e sieur M oingeard, sans se porter partie civile, prétend q u ’ayant
refusé de me prêter de l ’a rg e n t, il est devenu l’objet de mes calomnies,
de mes vexations et de mes menaces ; qu’à mon instigation , les contri
buables ont cessé leurs paiemeus , ce qui l’avait mis en arrière de 7.^00 fr.
sur l ’exercice 1821. Ce qui l ’avait spécialement efl'rayé, c’était, disait-il,
ma correspondance où je lui parlais du mécontentement des contri
buables, de leurs dénonciations, en le menaçant de le faire vérifier;
que celte mesure de vérification solennelle, ordonnée par M. le receveur
particulier, conjointement avec M. le sous-préfet, avait inspiré une
telle terreur à l u i , Moingeard, et à toute sa famille, que cédant aux
instances de sa femme , tjui séchait de dou leu r, il accéda à la proposition
souvent renouvelée par moi et rejetée par l u i , et devint acquéreur de
ma maison, moyennant io,84o fr. , quoique le prix du bail à loyer ne
fut que de 120 fr. ; mais q u ’au moyen de cette vente, je lui promis
d’éviter la vérification , et de le sauver du déshonneur et des fers. Il
reconnaît, au reste, que les deux billets, sur l’ un desquels est un reçu
de 7 6 1 f r . , ne sont autre chose que le prix de la ven te, et termine
en ajoutant que je pris peu de part à la vérification ; que j ’attestai
môme que Moingeard était un honnête hom m e, etc..........f ce qui jeta
M M . les vérificateurs dans le plus grand étonnement. •
E n conséquence, Moingeard porte plainte en escroquerie contre m o i ,
et indique à M. le procureur du Roi onze témoins. Je ne sais si tous
ont été entendus dans une instruction secrète, mais quatre d’entr’eux
seulement ont été présentés à l’audience ; et l’instruction fera voir avec
quelle peine Moingeard
autres.
est
parvenu à
y
en
adjoindre
quelques
Ignorant entièrement l ’existence de cette p la in te , le 12 Octobre,
�"O r
(
jo u r in d iq u é par m a so m m a tio n ,
*3
)
je m e présen tai ch ez le n o ta ir e ,
et
obtins un p rocès-verbal d e n on c o m p a ru tio n co n tre M o in g c a rd .
L e i 4 , je fis présenter requête à M. le président du tribunal civil de
Montlucon , et obtins une ordonnance conform e, permettant d’assigner
le sieur Moingcard à b ref délai, et au provisoire , pour être condamné
à passer acte public et authentique de la vente du 20 mars.
Cette assignation fut donnée le 19 ; et le même jour , le sieur M oin
gcard me fit notifier des conclusions où il dit que la vdntc du 20 mars
est un fantôm e, produit de la terreur et des fausses espérances que je lui
ai inspirées ; que j ’ai usé envers lui de violence et profité de son déses
poir , pour lui arraclier cette vente et commettre une escroquerie ; qu’ il
a remis au procureur du Roi une plainte où il a exposé tous ces faits ;
que ce magistrat est nanti de toutes les pièces nécessaires à sa défense ;
que déjà il a été donné suite à sa plainte ; que même une procédure
criminelle s’instruit, et que les témoins entendus la justifient complète
ment. E n conséquence, en vertu de l ’ a r t i c l c 3 du Code d instruction
criminelle, il demande qu ’ il soit sursis au jugement de l ’affaire c ivile,
jusqu’à ce qu’il ait été prononcé sur l ’action publique.
L e 23 janvier 18 23 , 011 en vient à l ’audience. L e sieur Moingeard
prend ses conclusions; le procureur du R oi demande d’office qu ’il soit
sursis à statuer sur ma demande , jusqu’à ce q u ’il ait été prononcé sur
l ’action publique, et le tribunal prononce le sursis.
Ces différentes conclusions, fondées sur une pièce que je ne connais
sais pas, devaient me faire supposer que le sieur Moingeard , en rendant
plainte, s’était porté partie c iv ile; q u ’il avait cru devoir a ttaqu er, par
les voies extraordinaires, la vente que je lui avais consentie. J’attendais
avec impatience son assignation, espérant bien l ’avoir pour adversaire,
ct ne pouvant imaginer qu’ il pût être question , tout en conservant à la
vente du 20 mars ses effets civils, de la faire considérer, dans l ’intérêt
de la vindicte publique , comme l ’ œuvre du critnc , et de m’appliquer
leS Pe*nes que la loi prononce contre l ’auteur d ’une escroquerie.
J attendais vainement. Rien des raisons me font penser que le sieur
Moingcard voulait lasser ma patience , et qu’ il espérait que , dégoûté et
harasse par un genre de guerre où je ne pouvais ni connaître ni compter
mes ennemis, et o ù , incertain sur les moyens d ’attaque, il m’ était
impossible de calculer mes moyens de défense, je finirais par Abandonner
mon droit, et consentirais à résilier la vente.
Mais le sieur M oingeard s’abusait. J ’ai assez de courage et de cons-
�( H
)
tance pour résister à ce que je crois injuste; et lorsque je vis qu«
plusieurs mois s’étaient écoulés sans que mon adversaire eût fait aucune
dém arche, les 16 et 17 a vril, je le sommai, ainsi que M. le procureur
du R o i , de donner suite à la p la in te , et de la faire juger dans q uin
zaine , leur déclarant que , ce délai e x p ir é , je prendrais jugement.
J’eus encore bien du tems à attendre : ce ne fut que le 11 juillet,,
que je reçus une assignation à la requête de M. le procureur du R o i ,
qui me citait à'cotnparaitre à l ’audience de police correctionnelle, du
1 9 , pour répondre à la plainte en escroquerie et en ca lo m n ie, portée
contre moi p a r l e sieur Moingeard , et de laquelle, est-il d i t , il me
serait donné plus ample connaissance à l’audience.
Je ils tous mes efforts pour connaître cette p la in te , ainsi que la
procédure, le réquisitoire du
ministère p u b lic , et l ’ordonnance de
règlement qui avait dû le suivre ; mais lien ne me fut communiqué.
Toutefois, pensant plus fortement que jamais que j ’aurais au m o in s,
comme partie c iv ile , le sieur Moingeard pour adversaire, j ’ obéis à la
citation , et me présentai à l’audience.
Quels témoins y trouvai-je? A l’exception de M. le sous-préfet, qui
expliqua très-au long tous les détails relatifs aux plaintes qui avaient
été provoquées par les malversations de Moingeard ; qui parla des
différentes vérifications qui ont eu lieu ; de ce qu’ il avait appris du
sieur Moingeard lui-môme relativement à la vente du 20 mars, et qui
finit par dire qu ’ il m’avait proposé de rendre les deux effets, et d ’an
nuler la vente, sous la condition que 3Ioingeard abandonnerait 8/j.o fr. ,
genre d ’accommodement que je ne voulus pas a gré e r, je ne vis parmi
ces témoins , que des hommes de jo u r n é e , des gens dont la conduite et
la moralité pouvaient être justement reprochées, ou des débiteurs de
M oin g eard , q u i , sous son influence, venaient débiter des propos de
cabaret, et avaient pour refreiu c o m m u n de leurs dépositions , que
j ’avais dit que le sieur Moingeard n ’avait qu ’ un moyeu d ’éviter les
condamnations qui l’attendaient,
celui d ’accepter la proposition que
je lui avais faite ou «levais lui faire , d ’acheter ma maison pour la somme
de 10,000 fr.
Je me retirai de l'audience le cœur navré de douleur. Je 11e pouvais
comprendre que l ’honneur des citoyens et le soit des transaction» les
plus respectables pussent dépendre du résultat do dépositions Ielles
que celles que je venais d ’entendre : encore si l’on m’avait présenté des
témoins irréprochubles, des propriétaires estimés dans lu contrée , des
�( i5 ;
hommes avec lesquels je pusse avoir des rapports de société; si même on
avait fait assigner les témoins qui avaient d’ abord été indiqués par
Moingeard lors de sa plainte , mais qu’ il a ensuite fallu mettre à l ’é c a r t,
j ’aurais pu a ss is te r avec sécurité à ces débats, et faire valoir mes moyens;
m ais q u e p o u va is-je
espérer ou attendre?............. Je résolus d e ne plus
paraître.
M. le procureur du Roi pensa toutefois que l ’instruction n’était pas
com p lette
: la cause fut renvoyée au 9 août. U n témoin avait été assigné
pour celle audience : c’était M . le receveur particulier. Ce témoin ex
plique les plaintes que j ’avais portées au nom des contribuables, les
vérifications qui avaient eu lieu , et leurs résultats ; il raconte ensuite ,
en ces termes, ce que lui disait le sieur Moingeard : « Q ue quelques
« instans avant la vérification, Vindrinet lui dit que l ’instant était arrivé
« où il pouvait le perdre ; qu ’il avait toutes les pièces pour cela..........;
« qu’alors épouvanté il souscrivit deux effots, l’ un , de 584 » fr. , pour
« p r ê t, à l’ordre de Ricbet ; et l’autre, «le 5ooo f r . , pour vente d ’ une
« maison». Ainsi Moingeard, dans scs conversations, faisait regarder
l ’un de ces effets comme arraché par la crainte, et l ’autre comme le
prix réel de ma maison; tandis que dans la réalité du fait, et comme
cela est prouvé par la vente sous seing p r iv é , du 20 m a rs , et par les
aveux même de M oingeard, consignés dans sa plainte , ces deux effets
n’étaient autre chose que la représentation du prix convenu de cet
immeuble. A u reste, M. le receveur atteste q u e , dans l ’entrevue qui
eut lieu chez M . le sous-préfet, ayant été pris au mot sur le consen
tement que je donnais à ce que la maison fût estimée, jo me retirai,
en disant que ce qui était fait resterait fait : c ’est une erreur. M. le
sous-préfet, qui était présent à cette entrevue, la seule que j ’aie eue
avec M. le receveur particulier, ne dépose pas comme lui : ce témoin
est unique sur ce p o in t; il s’est trompé; et je suis persuadé que s’il
devenait nécessaire de l ’entendre d<*. nouveau, mes observations lui
rappelant les faits dans toute leur exactitude , il se ferait un devoir de
rectifier sa déposition.
L e jugement ne fut pas prononcé , l ’audience ayant été renvoyée au
a 3 a o û t . Deux témoins furent assignés; l e premier, le sieur G u i l l e t e a u ,
propriétaire, parle d’ un marché que je lui dis avoir fait avec Moingeard :
ce qui était très-vrai; le second, ouvrier sabotier, et entièrement livré
à l'influence du percepteur, se réunit à ceux do ses camarades qui
avaient été entendus à la première audience.
^ 0*5
4 CU
�i'U.r
(
16 )
E n fin , le même jo u r , 23 août 1823, fut rendu le ju g e m e n t, q u i ,
considérant,
i° qu ’ il y avait eu de ma part diffamation et menaces
contre le sieur Moingeard; 20 que mes plaintes contre ce percepteur
avaient nécessité une vérification dont les résultats avaient prouve que
ce fonctionnaire était sans reproches ; 3° que cependant, avant que
ces résultats pussent être connus, mes diffamations et mes menaces
avaient produit leur effet ; que Moingeard , effrayé, avait accédé à la
proposition que je lui avais faite d’acheter ma maison 10,000 francs ,
q uoiqu’elle ne fût affermée que 120 francs; qu ’à cet effet il m’avait
souscrit deux billets représentant le prix de la vente; 4° qu’ayant été
sommé de faire estimer la maison, je m ’y étais refusé, après avoir paru
y consentir ,
Me déclare atteint et convaincu du délit d ’escroquerie, comme ayant
employé des manœuvres frauduleuses pour persuader l ’existence de
fausses entreprises et f a i r e n a î t r e la c r a i n t e d’ un événement chimérique,
et
OBLIGÉ,
BIEN
PAR
AU -D ESSUS
CES M O Y E N S , L E S I E U R M O I N G E A R D
D E SA V A L E U R
d’ A C H E T E R
U N E MAISON
REELLE ;
Me condamne en conséquence , conformément à l’article 4°7
Code p é n a l, combiné avec l ’article 194 du Code d’instruction crimi
n e lle , à un an d’emprisonnement, à une amende de 5o francs, et aux
dépens.
C e jugem ent, qui a été prononéé par défaut, m’a été signifié le i 5
septembre, et j ’en ai interjeté appel par acte mis au greffe, le 22 du
même mois.
Ce jugement explique nettement le fait dont je suis prévenu : c’est
d’avoir obligé Moingeard à acheter une maison bien au-dessus de sa
valeur réelle. Donc si la maison n’a été vendue qu’à sa v a le u r, il n’y a
plus de d élit; et c’est précisément ce fait que je voulais prouver par
une estimation.
L e jugement dit qu’ayant été sommé de faire estimer celte maison,
j ’ai refusé. O ù est cette sommation? Dans quel acte se trouve-t-elle?
Comment ai-je refusé? Ma lettre a M. le procureur du Roi ne prouvet-elle pas ail contraire q u e , dès le premier instant, j ’ai proposé cctto
mesure? E t , dans tous les cas, si le tribunal de Montluçon c r o y a i t
pouvoir me j u g e r , ne devait-il pas, avant de me condamner, s’assurer
au moins de l'existence du corps de d é lit, et ordonner d’oflîcc l'estima
tion de cette maison, lors même que j ’aurais résisté à cette mesure?
J ’ai seuti la nécessité d ’éçlairer mes conseils sur ce point important,
�(
17
)
J ’ai fait en c o n s é q u e n c e estimer la maison vendue, par trois experts
désintéressés, que je connais a p e in e , qui demeurent loin de mon
dom icile, et que leur capacité et leur moralité m ’ont seules décidé à
appeler. L e u r opération, qui est faite avec scrupule et avec les plus
grands détails, donne pour résultat la somme de 1 3 , 49 ^
4^ c . , qu ’ils
estiment être le prix réel de la maison que j ’ai vendue io,84o francs au
sieur Moingcard.
De p lu s , voulant avoir recours à des conseils qui ne peuvent me
connaître personnellement, et persuadé que dans ces sortes d’affaires
la moralité du client peut servir à l ’interprétation et à l ’appréciation
des faits, je me présente avec treize certificats, émanés et revêtus des
signatures de tous les fonctionnaires et de toutes les personnes influentes
de mon can ton, qui me recommandent comme un liomme dont la
probité et l ’lionnéteté ne sont ni suspectes ni douteuses.
C ’est avec ces différens élémens, que je prie mes conseils d ’examiner
ma position, et de tracer la marche cjue je dois suivre, et les moyens
que je dois employer.
VINDRINET.
3
�CERTIFICATS
DÉLIVRÉS
J e
AU
SIEUR
YINDRINET.
soussigné, Louis-Dominique M a z cra t, juge île paix du canton
de C e r i l ly , arrondissement de M o n tlu ç o n , département de l ’A llie r ,
certifie à tous qu ’ il appartiendra, que le sieur Vindrinct (Jacques),
propriétaire et maire, demeurant en la commune de Valigny-le-M onial,
s’est toujours comporté en homme d ’honneur et de p robité; q u e , par
sa conduite morale et politique ; par son attention soutenue à remplir
ses devoirs envers la société ; e n ü n , par la pratique des moyens qui
rendent un maire cher à ses administrés , il s’est concilié l’estiine géné
rale , et la nôtre en particulier. E n foi de quoi nous lui avons délivré
le présent certificat, que nous avons signé, a v e c n o t r e g r e f f i e r , e t auquel
a été apposé le sceau de cette justice de paix.
A C e r illy , ce d ix-h u it septembre mil huit cent vingt-trois.
L . - D . M A Z E R A T , ju g e de p a ix .
L H O T T E , greffier.
Nous , soussignés, Antoine B u ffa u lt, père ; Edme-Gaspard B u ffa u lt,
fils; Jean-Baptiste-Alexandre Mazerat, Vincent B ujon , Joseph Anîelm e,
T hibault-Beauregard, et François-Paul P etit-Jean, tous les six notaires
du canton de C e r i l l y , arrondissement de M o n tlu çon , département d e
l ’Allier ,
Certifions à tous q u ’il appartiendra, que M. Vindrinet (Jacques),
propriétaire et maire, demeurant en la commune de V a lig n y -le - M o n ia l,
Cst un homme probe et d’honneur , et qu il n toujours fait preuve de
délicatesse dans les différentes-affaires qu ’il a traitées devant nous; que
sa conduite d’homme privé et de fonctionnaire public lui a mérité
l ’estime et la confiance dont il jouit dans la société. E n conséquence ,
c ’est avec plaisir que nous lui avons délivré le présent certificat.
Fait à Ainay-le-Chûleau , le vingt-sept septembre mil huit cent vingttrois.
B U F F A U L T père, B U F F A U L T f i l s , M A Z E R A T ,
B U J O N , T H I B A U L T - B E A U U E G A U D , I’ E T I T - J E A N .
�( *9 )
N ou s, soussignés, maire et adjoint de l a ville d ’A inay-le-Cliâtrau ,
arrondissement de M o n t l u c o n , département de l ’A l l i e r , certifions à
tous qu ’il a p p a r t i e n d r a , que M . Jacques V in d rin e t, propriétaire, et
maire de la c o m m u n e de V a lig n y -le -M o n ial, canton de Cerilly , arron
dissement de M ontlucon, département de l ’Allier, a toujours t e n u une
co n d u ite
régulière et irréprochable, et qu ’il est hors de notie connais
sance q u ’ il
ait manqué à l ’honneur et à la prohité ; et qu ’il a , depuis
la r e n t r é e de Sa Majesté Louis X V I I I , toujours rempli scs fonctions
avec le plus grand zèle, et manifesté son attachement à la famille royale.
E n foi de quoi nous avons signé le présent.
E n mairie, à A in ay-le-C h âte au , le vingt-sept septembre mil huit
cent vingt-trois.
B U JO N , maire ; T U E U R A L T , adjoint.
N ous, soussignés, maire et adjoint de la
ville et commune de
Cerilly , arrondissement de Montlucon , département de l ’A ll i e v , cer
tifions à tous qu’il appartiendra,
pour homme
que nous avons toujours reconnu
d’honneur et de probité le sieur Jacques Vindrinet ,
propriétaire, domicilié à V a li g n y , et que dans les affaires que nous
avons eues à traiter avec l u i , il a mis la plus grande délicatesse;
attestons en outre que ledit sieur V in d r in e t, nommé maire de ladite
commune de V aligny depuis la rentrée de l ’illustre famille qui nous
gouverne, a rempli cette fonction avec le plus grand zèle. En foi de
quoi nous avons délivré le présent pour servir et valoir ce que-de droit.
E n muirie, à C e r illy , le vingt-cinq septembre m il huit cent vingttrois.
J. B O N N E T , m aire; T H I B A U L T - B E A U R E G A R D , adjoint.
N ous, soussigné, maire de la commune de Theneuille , ancien
capitaine de cavalerie , chevalier de l ’Ordre royal et militaire de SaintL o u is, certifions à tous ceux qu ’ il appartiendra, que depuis l’annce mil
huit cent treize, q Ue nous exerçons nos fonctions à Theneuille
canton
de C e rilly , arrondissement de M ontlucon, nous connaissons’le sieur
Jacques V in d r in e t, maire h V a lig n y ; c t pouvons affinncr qu’ il jouit
<lc lu considération duo à l ’homme p ro b e , h o n n ê te ,
c l voué à la
�légitimité. En foi de quoi nous avons délivré le présent pour servir
et valoir ce que de droit.
E n mairie, à ï h e n c u i l l e , le trente septembre mil huit cent vingt-trois.
L e chevalier
de
IîO D INAT , maire.
N ous, soussigné, adjoint, faisant provisoirement les fonctions de
maire de la commune de V a lig n y , arrondissement de Montluçon ,
département de l’A llie r, certifions, d ’après la notoriété publique, que
M. Jacques Vindrinet, maire de cette commune, e t , d’après notre
connaissance particulière, n’a cessé, depuis la restauration, de remplir
ses fonctions d ’ une manière loyale , probe, honnête et irréprochable;
qu ’ il n’a jamais cessé de mériter l ’approbation et la confiance de ses
concitoyens; qu’ il s’est acquitté de ses fonctions avec un zèle et un
desinteresseincnt peu ordinaires; qu’ il ne s’est, dans aucune circons
tance, attiré les reproches ni des administrés, ni des autorités supé
rieures; que son dévouement au Roi et à son gouvernement n’est point
équivoque; et que sa condu ite, dans tous les tems et en tout g enre, a
été à couvert du blâme et de la critique. E n témoignage de quoi nous
avons délivré le présent certificat pour servir ce que de droit.
Fait en mairie, à Valigny , le vingt-huit septembre inil huit cent
vingt-trois.
L I B A U L T , adjoint.
N ous, soussignés, maire et adjoint de la commune de V itray , canton
de C e r i l ly , arrondissement de M ontluçon , département de l'A llie r ,
certifions à tous ceux qu’ il appartiendra, que nous avons reconnu dans
la personne du sieur Jacques V in d rin e t, p r o p r i é t a i r e , et maire de la
commune de V a ligny-le-M o nial, un homme d ’ une conduite régulière
et irréprochable, et qu’ il est hors de notre connaissance qu’il ait manqué
à l ’honneur et à la probité ; et qu ’ il a , depuis la rentrée de Sa Majesté
Louis X V I I I , manifeste son attachement a la famille royale et au
Gouvernement. E u foi de quoi nous lui avons délivré le présent pour
lui servir et valoir en cas de besoin.
Vilray , le vingt-huit septembre mil huit cent vingt-trois.
B E R T J I O M I E I l - L A V I L L E T T E , m aire;
�(
21
)
N o u s, soussignés, maire et adjoint de la commune d’U r ç a y , canton
de Cerilly ( A l l i e r ) , attestons à tous ceux qu’ il appartiendra, que le
sieur Jacques V in d r in e t, propriétaire , demeurant en la commune de
V aligny-le-M onial, a toujours montré une délicatesse et une prohité
à toute épreuve ; qu’ il a constamment mérité l ’ estime de tous ceux qui
le c o n n a i s s e n t , et qu’ il n’est pas à notre connaissance qu’ il ait rien fait
jusqu’à ce jour qui ait pu lui faire perdre la moindre partie de celte
estime générale. Certifions en outre qu’ il est entièrement dévoué au
Gouvernement de Sa Majesté Louis X V I I I , et q u ’il s’est toujours
acquitté des fonctions de maire de ladite commune de Valigny , dont il
avait ete revêtu par Sa M a je s té , avec un z.èle et une activité dignes
d’éloges , et qui doivent lui mériter la reconnaissance de ses administrés.
E n m airie, à U rçay, ce vingt-neuf septembre m il liuit cent vingt-trois.
B U F F A U L T , m aire; V A L L A K C I I O N , adjoint.
J e , soussigné, Cliarles-François B e ra u d , maire de la commune de
Saint-Bénin , y demeurant,
certifie à tous qu’ il appartiendra, que
M . Vindrinet ( J a c q u e s ) , propriétaire-cultivateur, et maire de la com
mune de V a lig n y , s’est toujours comporté en homme d’honneur et de
probité; qu’il ne m’est jamais rien parvenu qui puisse atténuer l ’ opinion
q u ’on a generalement de sa délicatesse dans les affaires ; q u e , par son.
dévouement au Gouvernement paternel des B o u rb o n s, et par son atten
tion soutenue à remplir tous ses devoirs envers la socié té , il est envi
ronné de l ’estime publique. E n foi de quoi j ’ai signé le présent certificat,
auquel j ’ai apposé le sceau de cette c o m m u n e , ce \ingt-sc pt septembre
mil huit cent vingt-trois.
B E R A U D D E V O U G O N , maire.
i soussigné, maire des communes de Saint-Bonnet et de B rèze,
certifie qu’ il ne m ’est jamais revenu que le sieur Jacques V in d r in e t ,
habitant la commune de V a lig n y , avait exercé aucun acte contraire à
ceux imposés à un honnête citoyen , et que je n’ai aucune connaissance
qu’ il se soit conduit d’ une manière contraire aux lois rt arrêtés du
Gouvernement.
A Saint-Bonnet, en la maison commune , le Ircnlc septembre mil
huit cent vingt-trois.
HAMBOURG ,
maire.
�(
22
)
Nous, soussigné, maire de la commune de Bardais, canton de Cerilly,
arrondissement de M ontluçon, département de l ’A llicr, certifions à tous
ceux qu ’il appartiendra , que nous avons toujours reconnu pour liomme
d’honneur et de probité , le sienr Jacques Vindrinet-, maire de la com
m une de V aligny. Tant par sa conduite morale et politique, que par
son attention à remplir ses devoirs envers la société, il s’ est concilié
l ’estime générale, et en particulier la nôtre. E n foi de quoi nous lui
avons délivré le présent certificat que nous avons signé , et auquel a été
apposé le sceau de cette mairie.
F ait en m a ir ie , le vingt-sept septembre mil huit cent vingt-trois.
D U V E R N E T , maire.
N o u s , soussigné, maire de la commune de M e a u ln e , canton de
C e r i l l y , arrondissement communal d e M o n t l u ç o n , d é p a r t e m e n t de
l ’A llie r , certifions que M . Vindrinet (Jacq u es), propriétaire, e t maire
de la commune de Valigny-le-Monial, s’est toujours comporté en homme
d ’honneur et de probité. En foi de quoi j ’ai signé le présent certificat.
Meaulne , trente septembre mil huit cent vingt-trois.
L U Y L I E R , maire.
Mairie d ’Isles-sur-Marmande , canton de Cerilly , arrondissement de
Montluçon , département de l ’A llie r.— jNous, soussigné, Jean Guiltaux,
maire de la commune d’Lles-fur-Marmande, certifions que M. Jacques
V in d r in e t , maire de la commune de V a lig n y , dans tous les rapports que
j ’ai eus avec l u i , m ’a toujours donné des preuves de la plus sincère
probité;
q u e , dans toutes les circonstances,
il a toujours tenu la
conduite d’ un homme d’honneur. E n foi de cjuoi nous lni avons délivré
le p ré se n t, pour lui servir et valoir ce que de droit.
E u M a ir ie , à Isles, le trente septembre dix-huit cent vingt-trois.
G U ILTA U X ,
maire.
�CONSULTATION
T |F . C O N SEIL SO U SSIG N É,
V r le Mémoire à consulter du sieur V in d rin c t, et après lecture
attentive de ce Mémoire et des pièces qui y sont annexées ,
E st im e
q ue, s’agissant, entre le sieur Moingeard et le sieur Y in d rin e t,
de l'effet que doit avoir un acte de vente qui pouvait être attaqué par
l ’acquereur, sur le motif que son consentement aurait été extorqué
par la violence ou surpris par le dol et la fraude du vendeur, la validité
de cet acte ne pouvait être jugée que sur la demande de l’acquéreur,
et contradictoirement avec lui ;
Q ue cette ve n te , qui est synallagmatique, formant un lien civil
entre le sieur Moingeard et le sieur Vindrinet, n’élant point directement
attaquée par le sieur M oingeard, ne pouvait l ’être directement par le
ministère p u b lic , et que le tribunal de M ontluçon , en jugeant en
police correctionnelle que le sieur V indrinet, ven deur, était coupable
d ’escroquerie , a tout à-la-fois méconnu les règles de sa co m p é ten ce, et
annulé indirectement une vente qui n’était point soumise à son examen,
nullité dont Moingeard ne pouvait même profiter, puisqu’ il ne l ’avait
point demandee , et n’était point partie au jugement qui l ’ a prononcée;
Q u ’ainsi le sieur Vindrinet doit, sur son a p p e l, se borner à faire
valoir les moyens d’incompétence qui se présentent contre ce jugem en t,
et demander à être renvoyé à fins civiles.
Les développemens de celle opinion ressortent de la saine application
des principes aux faits.
Il existe une vente , sous la date du 20 mars 18 2 2 , consentie par le
sieur Vindrinet à Moingeard; il est reconnu que le prix de cette vente
a ete payé par la remise de deux billets à ordre.
L e vendeur a demandé l ’exécution de sa ven te, en exigeant qu ’elle
reçût une forme publique et authentique.
L acquéreur a soutenu , dans une plainte où il ne s’est point porté
partie civ ile , et dans des conclusions d’audience, ayant pour objet de
faire surseoir au jugement de l’action civile , introduite par le vendeur,
jusqu’à ce qu’ il eût été prononcé sur l ’action p ubliqu e , que cette
v vente lui avait etc arrachée par la violence et la terreur que lui avaient
�inspirées les calomnies, les vexations el les menaces du sieur V in d rin e t,
et par les fausses espérances qu'il lui donnait de le soustraire, par sou
c réd it, aux dangers el aux maux don t il le menaçait.
A in s i, suivant le sieur M oingeard, cette vente serait donc n u lle ,
parce que son consentement lui aurait été extorqu é par v io le n c e , ou
surpris par dol.
L a cause ainsi réduite à son vrai point de v u e , on se demande
par q u i , par quels m oyens, et par quelles voies cette vente pouvait
ôtre attaquée ?
L e Code civil (article i582 ) définit la vente une convention par
laquelle l ’ un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. A insi,
la vente est un acte synallagm atique, ou un contrat par lequel les
parties s’obligent réciproquement l’une envers l ’autre; et comme, sui
vant l ’articlc n 3 4 , les conventions légalement formées tiennent lieu
de loi a ceux qui les ont faites, et qu’elles ne peuvent être révoquées
que de leur consentenient m u t u e l , ou pour les causes que la loi au
torise , il est évident que le lien civil qui résulte de toute espèce de
contrat doit être respectée jusqu’au moment où ceux qui ont intérêt
à le rompre viennent demander son anéantissement et développer les
causes qui justifient leurs prétentions.
C ’était donc au sieur Moingeard à se pourvoir directement et person
nellement contre la vente du 20 mars ; à lui seul appartenait d’en
demander la nullité ; elle ne pouvait être prononcée que sur ses conclu
sions; et toute attaque contre cet a cte , par autre personne que le sieur
Moingeard lui-même ; tout jugement qui aurait çu pour but de détruire
la force de cette vente , hors la présence des deux parties, qu’il pouvait
et devait uniquement intéresser, était vicieux, par cela même qu’il
devenait inutile; et que ne pouvant profitera celui dans l ’intérêt duquel
il aurait été re n d u , puisque ce seul intéressé n ’y était point partie, ce
jugement laissait respectivement à lui la convention dans toute sa force,
tout en paraissant l’anéantir.
L a plainte que Moingeard avait portée a M. le procureur du R o i ,
ne pouvait donner à ce magistrat le droit de citer le sieur Vindrinct
en police correctionnelle.
Il est vrai q u e , sous la loi du 3 brumaire a n 4 > tout délit donnait
nécessairement lieu à une action publique. L ’articlc 4 l*c cellc loi
exprimait ce principe en termes absolus, mais lo Code d’ instruction
criminelle u ’a point renouvelé cctto disposition si expresse ; il a youIij.
�Lorner et restreindre l ’aclion du ministère puLlic ; et l ’article i " dispose
seulement que
qu’aux
l ’a c t i o n ,
fonctionnaires
pour l ’application des peines, n’appartient
auxquels elle est confiée par la loi. Aussi tous les
criminalistes reconnaissent-ils que si autrefois la loi imposait au ministère
public le
et délits,
devoir
de poursuivre indistinctement toute espèce de crimes
a u j o u r d ’h u i
il peut y avoir deux espèces d’actions : celle du
ministère public , qui agit seul lorsque les faits présentent le caractère
du crim e, ou lorsque les délits ou contraventions blessent l ’ intérêt de
l ’E t a t , troublent la tranquillité ou la morale publique , et qu’ il est
question de réprimer ou contenir des habitudes dangereuses ; mais si
les délits sont légers, s’ ils ne présentent que des circonstances peu
importantes ou personnelles au délinquant ou lésé, alors il ne doit point
y avoir de poursuite d’office ; la partie qui se prétend lésée doit seule
agir t et le ministère public n’intervient que pour requérir l ’application
des peines.
Cette doctrine, qui peut être si f é c o n d e e n c o n s é q u e n c e s , reçoit ici
une application nécessaire et absolue. O n conçoit bien que le délit qui
résulte d’un fait peut donner lieu à la poursuite du ministère p u b lic ,
quoique la partie lésée garde le silence ; mais si le délit résulte d’ une
convention , il est évident qu ’il ne peut être jugé qu’ en même tems que
la convention elle-même, ou après qu ’elle aura été détruite par un
jugement antérieur; que cela est indispensable , sur-tout lorsque l’exis
tence de l’acte n’est point contestée, que les moyens que l ’on a à opposer
contre sa validité sont personnels aux deux parties, et qu’il ne peut
être anéanti que par voie de nullité.
Dans l ’espèce, une vente existe. Moingeard, acquéreur, dit qu’elle
est le fruit de la violence et du dol ; mais il devait se pourvoir contre
le consentement qu’ il a v a i t donné, et faire prononcer la nullité de son
cngagemcnt. Partie dans l ’acte, il fallait nécessairement qu ’ il l ’attaquât
pour le faire anéantir ; c’est lui qui devait agir personnellement; et en
supposant qu’ il pût se pourvoir par voie extraordinaire pour causo
d escroquerie, il est évident qu ’il devait assigner directement le sieur
Vindrinct en police correctionnelle, conclure à la nullité de la vente
pour cause d’escroquerie ; et le ministère public ne pouvait avoir d’autre
action que de requérir l ’application des peines ; ou si le sieur Moingeard
portait plainte à M. le procureur du R o i , il fallait au moins , pour que
ce magistrat eût le droit de poursuivre, que le plaignant se rendit partie
c iv i le , qu’ il conclût à la nullité de la v e n te , cl que le même jugement
4
�(26 )
pût prononcer d'abord sur la nullité de la convention, requise par l ’une
des parties, et appliquer par s u i l e , contre l ’autre, les peines du délit
qui aurait clé la cause de la convention.
E n agissant autrement,
la Justice
s’exposait à des inconvéniens
graves, et tombait dans des contradictions manifestes.
E n effet, contre qui le sieur Vindrinet avait-il à se défendre? Q uel
avantage pouvait-il retirer de sa défense ? Quelle était la capacité de
la partie qui l ’attaquait? E t quel que fût le résultat de l ’action à
laquelle il avait à répondre , que devait devenir l ’acle qui était l’objet
du procès ?
Il est évident que si le sieur Vindrinet parvenait à repousser la
poursuite du ministère p ub lic, il ne faisait rien pour la validité de sa
ven te; que le sieur Moingeard , n ’étant pas partie au procès, pouvait
encore 1 attaquer par lis voies civiles , et présenter comme moyens de
vio len ce, de fraude et de d o l , ceux <jue le ministère public avait qua
lifiés d’escroquerie, et dem a n dera les prouver ; que s i, au contraire,
le sieur Vindrinet succombait en police correctionnelle, la question de
la validité de la vente était encore intacte ; qu’ il pouvait la soutenir
civilement contre le sieur M oingeard, qui n ’avait point été partie dans
l ’instance criminelle ; et comme le moyen tranchant de ce procès ,
quelle que soit la juiidiction qui le ju g e , est l’c.slimation du prix réel
de la maison , offerte par le sieur V in d r in e t, offre d’estimation dans
laquelle il persiste, il est par trop certain qu ’ il ne pouvait consentir à
cette estimation envers M. le procureur du R o i , qui n’avait aucune
capacité pour stipuler les intérêts civils du sieur Moingeard ; et qu’en
supposant cette opération faite contradictoirement avec le ministère
p u b l ic , elle n ’aurait pas empêché que le sieur Moingeard,
seule et
véritable partie intéressée à la nullité de l ’acte du 20 mars, n'eu requît
ensuite une nouvelle.
Enfin, c’est un principe immuable en matière criminelle, que le
corps de délit doit être établi ; il 11c peut y avoir ni coupable ni appli
cation de peine sans cela. Dans l ’espèce, comment le corps de délit
pouvait-il être prouvé , si cc n’est par l’annulation de la convention ?
Pouvait-il y avoir des artifices punissables pendant l'existence de l’acte ?
E t peut-on concevoir que le
sieur
Vindrinet soit convaincu d’escroquerie
et puni comme tel, pour avoir obligé le sieur M oingeard à acheter
une maison bien au-dessus do sa valeur ré e lle , tandis que cette vente
existe toujours, et qu’elle doit avoir tout son effet jusqu’au moment où
�0 7
)
W f
le sieur Moingeard en aura fait prononcer la nullité par les tribunaux
civils, devant lesquels seulement il pourra être question de la valeur
réelle de cette maison.
Mais q u e l l e s s o n t les imputations adressées au sieur V in d r in e t, qui
ont servi à l ’ a c c u s e r d’escroquerie , et à l ’attirer à la police correction
nelle p o u r le fait de la vente du 20 mars ?
D ’a b o r d , on l’accuse de calomnie et de diffamation envers le sieur
Moingeard; o r , la loi du 17 mai 1819 d it, dans son article i 3 , que la
diffamation résulte de toute allégation ou imputation d’ un fait qui porte
atteinte à l'honneur ou à la considération ; et l’article i er de celle du
26 du même mois apprend que la poursuite du délit de diffamation
entre tout particulier
p a r t ie
ne
veut
a vo ir
lie u
que sur la
pla in t e
de la
qui se prétendra lésée.
L e ministère public n’avait donc aucune qualité pour poursuivre le
sieur Yindrinet comme auteur de diffamation ou de calomnie? C ’était
un moyen qu’ il lui était interdit d’employer jusqu’au moment ou le
sieur Moingeard viendrait le présenter et le soutenir lui-même ; la dif
famation n’étant point indiquée par la loi comme un des caractères de
l ’escroquerie , et formant un délit distinct et prévu par le législateur ,
ne pouvait être poursuivie principalement ou accessoirement qu ’à la re
quête de la partie qui se prétendait lésée.
Il est vrai que le ministère public n ’ a pris aucune conclusion sur ce
prétendu d é lit, et que le tribunal n ’ en a pas convaincu le sieur V i n drinct. Mais comme dans les motifs du réquisitoire de 51. le procureur
du R o i , ainsi que dans ceux du ju g em en t, on trouve la diffamation
invoquée comme circonstance servant à prouver l ’escroquerie, il est
évident quo ce motif doit être effacé, puisque, d ’une p a rt, il contient
l ’imputation d’ un délit qu’il n’appartenait pas au ministère public de
poursuivre ; et q ue, de l’autre, les circonstances qui constituent le délit
d ’escroquerie devant être clairement énoncées et spécifiées, il n’était
point permis d’en indiquer qui lui fussent aussi étrangères.
L e sieur Vindrinet était encore prévenu d’avoir employé des moyens
de terreur et épouvanté son acquéreur par scs menaces; de lui avoir fait
ensuite espérer qu’il lui éviterait le mal dont il le m enaçait, s’ il ache
tait sa maison moyennant 10,000 francs ; d’où il faut conclure que le
consentement du sieur Moingeard à la vento aurait, suivant l u i , étc
extorqué par la violence ou surpris par le dol du sieur Yindrinet.
L e Code civil <1 un titre tout espres pour apprendre quelles sont les
�conditions essentielles pour la validité des conventions. L a première est
que le consentement soit lib re; q u ’il ne soit pas donné par erreur,
surpris par d o l , ou extorqué par violence ( A rticle i iog.).
L a violence exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une
cause de nullité (Art. 1 1 1 1 . ) . Il y a violence , lorsqu’elle est de nature
à faire impression sur une personne raisonnable, et qu ’elle peut lui ins
pirer la crainte d ’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considé
rable et présent. On a égard, en cette matière, à l’ àge, au sexe, et à
la condition des personnes (A rt. 11 1 2 .) . U n contrat ne peut plus être
attaqué pour cause de violence , s i , depuis que la violence a cessé , ce
c o n tr a ts été approuvé, soit expressément, soit tacitement {A rt. 1 1 15.).
Enfin , la convention contractée par violence n’est point nulle de plein
droit ; elle donne seulement liev à une action en nullité ou en rescision.
L a reunion de ces principes fait jaillir des vérités bien importantes :
i° la violence est une cause de nullité ; m a i s l’acte n’est point nul de
plein droit : il y a seulement l i e u à u n e a c t i o n . E l i ! q u i p e u t la former,
cette action , si ce n’e s t , et exclusivement et à tous autres, la personne
qui a contracté, ou ses représentais? Devant quel tribunal doit-elle
être portée, si ce n’est devant les juges que la loi a établis pour connaître
de la validité des engagemens civils ?
20 To u te violence ne peut point entraîner la nullité d ’ un acte; il
faut qu ’elle ait les caractères prévus par l ’article 1 112. O r , par qui et
avec qui ces caractères seront-ils appréciés, si ce n’est encore par les
tribunaux auxquels la connaissance des affaires civiles est réservée, et
sur la demande et les moyens, justement appréciés, de l’ une des parties
contractantes ?
3 ° Enfin la violence a pu cesser, e t, depuis, le contrat être approuvé.
Q uel autre tribunal que le tribunal civil pourrait encore connaître de
cette fin de non recevoir; et comment pourrait-il la prononcer hors la
présence de celui auquel ello pourrait ¿tro upposic ?
L e dol est une cause de la nullité de la convention ( article 111G) ;
mais il faut que les manœuvres pratiquées par l ’une des parties soient
telles, q u ’ il soit évident que , sans ces manœuvres , l ’autre partie n ’au
rait pas contracté.— Il ne sc présume pas, et doit être prouvé ( ihid.).
L a convention contractée par dol n’est point nulle de plein droit : elle
donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision ( A r
t ic le
1 1 1 7 .) .
A in si, il faut donc encore une demande en nu llité; il faut que les
�29 )
■.
'
manœuvres soient a p p r é c i é e s , q u e le d o l soit prou vé , p o u r que la
n u llité de l ’ acte s o i t p r o n o n c é e . E t , encore u n e fois , q u i p e u t former
cette d e m a n d e , faire cette p r e u v e , si ce n'est la personne q u i a intérêt
à l ’ a n é a n t i s s e m e n t de l ’a cte? Q u i p e u t ju g e r de l ’ influence q u ’ ont eue
les m a n œ u v r e s sur l a volonté de la partie c o n t r a c t a n t e , si ce n ’ est le
tribunal a u q u e l la loi a remis le soin de faire respecter ou d ’ anéantir les
c o n v e n t i o n s des citoyens ?
S 'il est ‘des règles qui doivent être religieusement observées, ce sont
spécialement celles qui distinguent les lois et les pouvoirs. Appliquer à
un acte quelconque une législation qui lui est étrangère ; créer des
assimilations pour attirer un citoyen à une juridiction à laquelle il ne
peut être soumis, c’ est s’ exposer à faire violence à là J u s t ic e , en com
promettant les biens les plus précieux de l’homme , l ’honneur et la
liberté.
L o r sq u e naguère nous vivions sous u n e législation transitoire ; que
nos lois n ’ étaient pas recueillies en corps de d octrine , et que les idees
q u i unissent les principes en tr’ eu x étaient encore in ce rta in es, u n article
de loi parut confondre le dol et V e s cr o q u e ric , et d on na naissance à u ne
jurispru dence d on t on tro u ve les exem ples dans M .
M erlin ( V c r lo
DOL et ESCROQUERIE.).
L ’ article
35 d u titre 2 de la loi d u 22 ju ille t 1 7 g ! , qualifiait ainsi
l ’escroquerie : « C e u x q u i , par d o l , ou à l'a id e de faux n o m s , ou de
« fausses entreprises, ou d ’u n crédit im a g in a ire , ou d ’ espérances et de
« craintes c h i m é r iq u e s , auro nt abusé de la créd u lité de q u elq u e per« sonne , et escroqué la totalité ou partie de l e u r fo r tu n e ....... ». C e
n ’ était pas assez que cet article , en se servant du m o t de d o l , co m prît
dans sa généralité tous les artifices que les jurisconsultes romains dési
gnent par les expressions ovinern calliditatcm, Jallaciam , m achiuationcm ,
° d circum veniciidum , fa lle n d u m , decipicndum altetum adhibitam ;
pour augm enter la contu sion, la loi ne désignait ni la n a t u r e , ni l ’ espèce
acte que ces dispositions pouvaient embrasser; et son ailencc put faire
supposer q u ’elle s’appliquait également aux actes synallagmatiques et
unilatéraux, aux contrats commutatifs ou à titre onéreux, comme aux
contrats de bienfaisance.
Aussi les tribu n au x de police co rrectionnelle cu ren t bien tô t à jug er
u n grand no m bre d ’aflaires de d o l et de f r a u d e , q u e la partie m é c o n
tente attaquait pour cause d ’escroquerie. L ’ examen des conventions leu r
f u t alors soumis ; et pou r éviter qu e , sous le prétexte de faire réprim er
�^
•
( 3o )
un d é l i t , on introduisit un genre de preuve prohibé par l ’ordonnance
de 1GG7 , il fallut établir comme principe, i° qu ’ un acte ne pouvait
être jugé en police correctionnelle,
que dans le cas où il serait le
résultat de faits qui constitueraient un délit caractérisé par la l o i , faits
qui auraient été la cause productive de l ’acte que l ’on présenterait
comme l’ouvrage du dol môme ; 20 que ces faits devaient attaquer la
substance de l’a cte, et prouver qu ’ il n’était pas l ’ouvrage de la volonté
libre et entière de celui qui l’avait souscrit ; enfin 011 distinguait, avec
le plus grand soin , le dol simple de l ’escroquerie ; et alors naquit la
maxime qu’ il n’existait point d ’escroquerie sans d o l , mais que le dol ou
l ’abus de confiance peuvent exister sans escroquerie.
L a confusion et l’ incertitude des idées qui régnaient alors pouvaient
avoir de graves inconvéniens ; mais au moins on évita celui de faire
naître un délit d ’une convention existante et non attaquée ; le ministère
public se borna à requérir l’application des p e in es, lorsque l ’acte devait
être annulé , sur la plainte et la demande de la partie intéressée.
A u jo u rd ’hui les principes sont fixes. U n Code civil a établi les règles
des conventions, et fait connaître les vices qui peuvent les faire annuler.
L e Code de procédure nous indique la forme des actions et les tribunaux
qui doivent en connaître.
L e Code p é n a l , qui a pour objet exclusif la répression des crimes et
délits, n’a pu avoir en vue ce qui intéressait la bonne foi, <jui doit
présider aux conventions. Le législateur n’a dû prévoir dans en Code que
les faits et gestes q u i , en portant le trouble dans la société, compro
mettent la fortune des citoyens, et donnent naissance à des obligations
qui n’ont d ’autre origine et d’autre cause que le crime même qu ’ il a
voulu réprimer et punir ; mais jamais il n ’a pu entrer dans sa pensée
qu ’ une convention synallagmatique , un contrat coinmutatif ou à titre
onéreux ; qu ’ un acte de vente d ’objets déterminés et de choses qui sont
dans le commerce , pût il*»
« l'c»«™ «» <lca tribunaux correc
tionnels, lorsqun l ’existence de cet acte est réelle, qu ’elle n’est pas
contestée, et que cette convention 11c peut être attaquée que par des
moyens de nullité , prévus par la loi civile.
Aussi l’article 4 o 5 du Code pénal ne classe-t-il p o i n t , comme la loi
du 22 juillet 1 7 9 1 , le dol parmi les manœuvres pouvant donner liou à
une poursuite en escroquerie. Il définit avec^soin et en termes restrictifs
les faits punissables : u C ’est l’usage de faux noms et de fausses qualités 5
k c ’cst l’emploi de manœuvres frauduleuses t>our persuader l ’cxistçuçijf
�<t de fausses entreprises, d’un pouvoir ou d’ un crédit imaginaire, ou
« pour faire naître l ’espérance ou la crainte d’ un succès, d’un a cciden t,
« ou de tout autre événement chimériques ». Encore dans quel cas ces
manœuvres sont-elles punissables? C ’est lorsque, par un de ces moyens,
leur auteur a escroqué ou tenté d’escroqucr la totalité ou partie de la
fortune d’ a u t r u i , « en se faisant remettre ou délivrer des fonds, des
« m eubles, ou des obligations, dispositions, billets, promesses, quit« tances ou décharges. »
Ce texte est fort clair; il fait à-la-fois connaître , et les manœuvres qui
sont les moyens d’escroquerie , et l ’escroquerie elle-m ôm e, qui n’existe
que quand on enlève à autrui la totalité ou partie de sa fortune mobi
lière ou imm obilière, sans rien donner en échange , et sans contracter
envers lui aucune obligation. Mais une convention qui porte sur un
objet réel et déterminé, ne peut jamais donner lieu à une action en
escroquerie. L e contrat a alors une cause permise et certaine ; il est
toutefois possible que le dol ou la violence aient concouru à le former;
mais comme il est évident que ces moyens blâmables ne sont point la
seule cause du contrat, et qu’ il est certain qu’ il a eu pour cause
principale un objet réel qui doit le rendre respectable , c’est aux tribu
naux civils, seuls juges de la validité des conventions, à apprécier
l ’influence que l ’un de ces vices ou tous les deux réunis ont pu avoir sur
la liberté du consentement de l ’ une des parties contractantes, et si ces
manœuvres ont été ou non la cause déterminante du contrat.
L e Conseil ne croit pas devoir examiner les moyens du fond , mais
il doit dire que l ’offre faite par le sieur Vindrinet de faire estimer,
par experts, la valeur réelle de la maison vendue au sieur Moingeard,
et les élémens qu’ il rapporte à cc sujet, ne laissent rien à désirer sur la
preuve de sa bonne foi.
Il
est également vrai q u e , dans le cas où le tribunal croirait devoir
statuer sur le fo n d , il 11e le pourrait, qu’en ordonnant une nouvelle
audition de témoins , q u i , dans la circonstance , est de d r o i t , puisque
le sieur V in d r in e t, faisant défaut, n’a pu ni récuser, ni faire expliques
les témoins à charge, ni produire des témoins justificatifs. Dans ce cas,
le sieur Vindrinet aurait à faire valoir les moyens indiques dans sou
Mémoire à consulter , qui paraissent de la plus grande force , si l’exposé
des faits est exact.
Mais dans le m om ent a c tu e l, ou il ne saurait être question que de 1&
�p!
.
(3 2 )
competence du trib u n a l, et de l ’action qui pouvait être intentée contre
lu consultant, le Conseil, après la plus mûre réflexion, ne peut que
persister dans les résolutions qu’il a prises en commençant.
Délibéré par les anciens avocats, soussignés, à Riom, le 16 octobre
1823.
T
B
n
J AILHAND.
Jacques G O D E M E L .
BAYLE
e
C
n
J
aîné.
R IOM , I M P R I M E R I E D E S A L L E S , P R ÈS L E P A L A I S D E J U S T I C E .
�
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Title
A name given to the resource
[Factum. Vindrinet. 1823?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tailhand
Godemel
Bayle
Subject
The topic of the resource
ventes
escroqueries
opinion publique
fisc
malversations
dénonciation
abus de pouvoir
diffamation
témoins
certificats de probité
dol
fonctionnaires
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter pour le sieur Vindrinet, propriétaire et Maire de la commune de Valigny-Le-Monial, Canton de Cérilly, département de l'Allier, prévenu et appelant ; contre Monsieur le procureur du Roi, plaignant et intimé. [suivi de] Consultation.
annotation manuscrites : « Le jugement a été confirmé à Moulins ».
Table Godemel : Escroquerie - pratiquée dans un acte de vente.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1823
1821-1823
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2610
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Valigny (03296)
Ainay-le-Château (03003)
Cérilly (03048)
Saint-Bonnet-de-Troncay (03221)
Meaulne (03168)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53525/BCU_Factums_G2610.jpg
abus de pouvoir
certificats de probité
dénonciation
diffamation
dol
escroqueries
fisc
fonctionnaires
malversations
opinion publique
témoins
ventes