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1
MÉMOI
DANS LA CAUSE
P O U R les Comtes d e M o n t j o u v e n t , D oyen ,
• M ' O N T M O R I L L O N , Chamarrier, & autres Comtes
L y o n , Appelants comme d’abus ;
C O N T R E M . DE M o NT A Z e t , Archevêque $
de Lyon, Primat de France , Intimé ;
Co j
E T encore contre les Comtes d ’ U z e l l e s , A rch id ia a
D E P o i x , Précenteur, d e C a s t e l a s , Chantre, d e C l u g
d e T h é m i s e y , Prévôt y d e M a u b o u r g y d e V i l l a i
de
B e l l e g a r d e , z>£ M a r n é s i a , d ’A p r e m o n t ,
Ch
aban n es
C o r d o n <§
,
de
de
P
Ca
st el la s
o l ig n y
d e
, tous Comtes
Nu zergu e , ,
de Lyon, a u jji Intin
En Présen ce du R OI 9 Fondateur du Chapitre primati
premier Chanoine de l’Egliie Comte de L y o n , & défenfi
fpécial des droits & des libertés du Chapitre primatial ;
E t encore en préfence des Chapitres de Saint-Juft, Saint-P
& Saint-Nizier,
�nta audivimus & cognovimus e a , & Patres noitri narraverunt n o b is n o n
nt occultata à filiis eorum...........M andavit Patribus noftris nota facere ea
iis fu is, ut cognofcat generatio altera.
Pfalm .
l x x v i i
.
9
tfäajct f >j xyctruvce : Ta 7TçsiQeict mÇeçrui t xiç EjiA«siatç. Antiqui Ecclefiarum
ores obtineant : ipfarum libertates ferventur. Condi. Niccen. Can. 6.
ccleíiafticis officiis inauditas prifcis temporibus traditiones nolite recipere :
er apoftolicæ do&rinæ publicam pergite ilratam , nec per diverticula cujusbet novitatis in dexteram vel finiftram à via regiâdeclinate. A
'piß- 6 9 , ad Fratres Lugdunenfes , apud Ducheihe.
lc u in
,
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T A B L E.
Page 7
ibid.
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A IT S .
Idée de l ’Eglife de Lyon»
Idée du Chapitre de Lyon.
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r e m ie r e
Seconde
É
po que
des
F a it s.
Époçaue,
12
46
M O YEN S.
64
D éfaut de Confentement du Chapitre
& du Clergé du Diocefe.
ibid.
§ . I. P r e m
§. II. D
ie r
A
e u x ie m e
bu s.
A
bu s.
Défaut de Lettres-patentes.
77
§. III. T R O I S I E M E A b u s . Inutilité des Livres liturgiques &
des dépenfes quils entraînent.
92
D E U X I E M E P a r t i e d e l a C a u s e . Abus dans les Concor
dats , Délibérations capitulaires des zz & z j Novembre 3 y
& 10 Décembre i j y 6 , qui les adoptent 3 & dans les au
tres Acles qui y font relatifs.
'
99
§. I. P R E M I E R A b u s . L e R o i n a pas confenti les change
ments dans les Statuts & le Régime du Chapitre , arrêtés par
le Concordat ou projet de Tranfaclion.
100
II. D E U X I E M E A b u s . Les changements arrêtés dans le Con
cordat portent une atteinte directe au ferment des ChanoinesComtes.
10 4
Les Délibérations capitulaires qui
adoptent le Concordat paffé entre M M . les Archevêques de
Lyon & d’Em brun, nont point été faites dans les formes
uftées de temps immémorial par le Chapitre, dans les affai
res importantes.
\o6
S - III- T R O I S I E M E A
§. I V . Q
u a t r iè m e
bu s.
A
bus.
Nullités & Abus particuliers dans
�On emprunte avec d’autant plus de confiance les propres
expreffions de M. l’avocat général Servin , portant la parole
en 1603 , dans la caufe du Chapitre de l’Eglife collégiale de
la Trinité d’Angers, qu’il ne s’agiiîoit alors que duBréviaire
d’une fimple Eglife collégiale. L a caufe que l’on foutient au
jourd’hui fe préfente d’une maniéré plus avantageufe ; c’eft
le Chapitre primatial de France ; c’eft une Eglife mere d’un
vafte & nombreux diocefe, qui défend une Liturgie qui lui
efl: chere, qui combat pour fes libertés & pour des ufages
antiques, qui ont toujours fait fa gloire & fon bonheur.
C e qui fervoit même en 1603 à faireconnoître toute l’im
portance de la caufe , n’annonce aujourd’hui qu’une partie
de l’afFaire fur laquelle le Parlement doit prononcer. II
n’eil pas feulement queilion d’un nouveau Bréviaire fubititué à l’ancien, d’un MiiTel nouveau ; c’eft de la Liturgie
entiere dont il s’agit. M. l’Archevêque de Lyon veut l’a
néantir ; il veut détruire le culte extérieur de la Religion
dans l’Eglife primatiale & dans toutes les Eglifes de fon
diocefe ; il prétend même avoir feul le droit de confommer
cette œ uvre, & de leur donner un culte nouveau, une L i
turgie nouvelle, de fa feule autorité, fans la permifiîondu
R o i , fans lettres - patentes enregiftrées , contre le vœ u
connu de tout le C lergé du diocefe, & nonobilant le refus
motivé du Chapitre primatial.
Cela eft abulïf. On fe propofe, dans ce M ém oire, de
démontrer les abus dont cette Liturgie nouvelle eil infeftée : on défendra en même tems l’ancienne Liturgie de
Eglife de L y o n , lesrits, les cérémonies & les ufages an
ciens du Chapitre primatial.
L ’Eglife de L yon a reçu fa Liturgie des mains de fes pre
1
miers apôtres S. Pothin & S. Irénée; jufqu’ici fa pofleflion
n’a pas été attaquée, ni interrompue.
�3
Il n’eft pas befoin de montrer d’autres titres de fes rits,
de Tes ufages, de Tes cérémonies, que la feule poffeilion ; il
ne faut pas même remonter à leur origine, ni chercher les
raifons qui les ont fait établir : il feroit difficile & même
impoiîible de les connoître toutes : ils font pailes en ufage,
ils font très-anciens, cela fuffit : ils fe font établis infenfiblem ent, & ils ont force de lo i( i) . Tout ce qui fe trouve ap
puyé fur une coutume ancienne , tout ce qui a été obfervé
pendant une longue fuite d’années, & reçu par un confentement tacite des parties intéreilees, oblige comme loi (2).
L ’exécution de la fondation du Chapitre primatial eft le
fécond objet de la caufe.
L ’état politique de ce Chapitre , fes droits, fes ufages,
fes libertés, dont la confervation lui a été promife dans les
aftes les plus auguftes & les plus folemnels, ne font pas com
promis feulement ; on veut les changer, les anéantir par de
prétendus concordats, de prétendues délibérations, à l’infçu
& fans l’autorité du R o i , qui en eft le fondateur.
Le Chapitre de Lyon ne s’eft p o in t, comme on s’eft plu
à le répandre , entêté mal-à-propos pour des ufages furannés & minutieux, pour des droits chimériques, pour des
privilèges fans fondement; il a défendu & il défend encore
aujourd’hui fes droits les plus légitimes , & fes belles
prérogatives qui le diftinguent de toutes les Eglifes de
France & de la Chrétienté; il plaide m êm e, en défendant
( 1 ) Invitera confuttudo pro lige non immeritb cujloditur. D ig . de
3
LeS- i , §• 1.
(2.) E t ta quœ. longd confuetudine comprobata f u n t , de per annos
plurimos obfervata , vcl ut tacita civium convcntio , non minus quam en
$U<t fcripta fu n t t ju ra fcrvantur, Ibid. leg. 35 & 36.
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4
fes droits, pour le maintien de nos précieufes libertés, aux
quelles on porte une atteinte dire& e, d’autant plus à redou
ter , qu’elle eft portée par M . l’Archevêque de Lyon luimême , qui paroît combattre fous les mêmes armes que les
François qui les défendent.
Chaque Eglife a fes droits, fes prérogatives, fes libertés,
fes rits, fes ufages, fes cérémonies particulières.
Les Conciles n’ont rien connu de plus important dans la
difeipline, que la confervation des coutumes anciennes Sc
des privilèges des églifes. Le grand concile de N ic é e , les
conciles généraux de Conilantinople & d ’Ephèfe ordonnent
que l’on refpefle ces coutumes anciennes & ces libertes,
qu’on les conferve } qu’on les maintienne aux Eglifes qui
les poifedent ( i) .
L ’Eglife de Lyon eit par rapport à l’Eglife de Fran ce,
ce que l’Eglife de France eft par rapport à l’Eglife univerLibertés Gal felle; & de même que nos libertés ne font point paffe-droits
learles, art. i ‘ lou privilèges exorbitants, mais plutôt franchifes naturelles ,
ingénuités ou droits communs , èfquels nos ancêtres fe font
très- conflamment maintenus , & defquels partant n e fl befoin
montrer autre titre que la retenue & naturelle jouiffance ; de
même les ufages, les droits, les prérogatives , les libertés
du Chapitre & de l’Eglife primatiale de L y o n , ne font que
des reftes de la difeipline ancienne que cette E glife, quee
nefùt novitates antiquitatis tenacijfima , a confervés avec
plus de foin qu’aucune autre.
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cilii Ephefini oecumcnici iij.
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Cette caufe eft très-importante & par la nature des objets
qu’elle embraife, & par les qualités des Parties. Mais plus les
objets font grands, plus les Parties font conftituées en dignité,
plusaufli on mettra dans ladéfenfe d’honnêteté & d’égards:
on fçaura diftinguer M. l’Archevêque de L yon de fes gens
d’affaire, & Tes principes de ceux qu’on a fait plaider pour lui à
l’Audience. C e n’eil pas dans des plaidoieries où, pour fervir
la ca u fe, on c 0 e des principes au befoin , c’eil dans les
ouvrages que le Prélata donnés à fon diocefe, c’eil dans fes
inilru&ions , dans fes lettres paftorales , qu’il faut prendre
fes véritables fentiments : c’eil-là que M . l’ Archevêque de
L yo n reconnoît fans détour la néceifité du concours, nonfeulement du Chapitre prim atial, mais de tous les Curés
de fon diocefe, pour réformer les abus, renouveller les loix
négligées, en un m ot, faire le bien.
« Si nous prenions fur nous feuls , difoit-il en 1 7 (30 ,
dans fa Lettre de convocation d’un iy n o d e, » les régle» ments , les avis que l’intérêt de l’ordre & de la difci» pline pourroit rendre néceffaires , peut-être feroit- on
» tenté de les attribuer à un efprit de domination , à un
» premier mouvement de zele , à des vues trop arbitraires.
» Et comment le cœur plieroit-il fous un joug que l’eiprit
» n’eilimeroit pas? Nous fçavons quun E v e q u e , félon la
» doftrine de S. Pierre, n’eil point un chef impérieux qui
» domine au gré de fes caprices : que fi Dieu nous a élevés à
» un plus haut degré de dignité & de puiffance, nous n’en
» fommes que plus obligés d'être au milieu de vous, comme
» L’un de vous s que la juilice , la fageffe & la douceur doi» vent régler toutes nos démarches, & que nous avons infiniment plus de bien à attendre de notre co n fian ce que
» de notre autorité. L a tenue des iynodes vous perfuadera
» de plus en plus que tels font nos véritables fentiments.
�6
» Chacun y fera adm is, invité à faire fes obfervations, à
» propofer fes doutes. La prudence & la connoiffance des
» loix y corrigeront ce que le zele auroit de trop v if, de
* moins régulier ; tout s'y traitera de concert. Et quels pré» textes pourroit-il refter à la défobéiifance, lorfcfue l’au» torité ne fe montrera que pour donner plus de force à
» ce que le vœu commun aura décidé? »
A ce langage on reconnoît un fucceffeur des Apôtres.
M . l’Archevêque de L yo n n’auroit pas parlé fans doute
avec moins d’exa&itude & de vérité s’il eût eu à traiter de
l’autorité du R o i , & du concours de cette autorité dans le
culte extérieur & dans la police des chofes de la religion.
Une Tranfa£Uon projettée détruit les droits du Chapitre,
qui avoient été réglés par des concordats, par des tranfactions folemnelles, dont l’exécution avoit été itipulée dans
un a£le qui fait partie du corps diplomatique de l’Europe ,
dans le Traité de ceffion de la fouveraineté de la ville de
L yon au R oi. Ces droits, le Chapitre primatial les tient
aujourd’hui du R o i lui-même qui eft devenu fon fondateur,
qui a promis de les maintenir, & déclaré qu’ils étoient tel
lement unis à ceux de fa Couronne , que rien ne pourroit
jamais les en féparer ( i) .
( i ) Capitulum prœdiclaquc Ecclejia ( Lugduncnfis ) , tant in capite ,
quant in membris, ac etiam jurifdicliones , pojfejjioncs & omnia alia
tona . . . . C apitu li, Jîn t in & de fa lva -g a rd iâ regia /p ed a li ad caufam
corona: Francia:, & ad diclarn caufam & in immediato rejforto regio :
eratque falva-gardia & rejjbrtum hujufrnodi taliter annexx juribu s diche
corona: , quod à domanio regio ullo modo dividi & feparari non debent
de 1 3 5 9 , donnée fur la demande de
adreiTée au bailli de Saint-Gengoux.
necpojfunt. D é c la r a tio n
Procureur
général,
&
M. le
L e R o i reprefente aujourdhui les anciens Rois de Bourgogne & de
P ro v en c e, les Dauphins V ien n o is, les Comtes de Forùs, de Nevcrs
�Z 't i
7
D es Délibérations capitulaires, telles régulières qu’oii les
fuppofe, qui adopteroient un projet de tranfa&ion qui détruit
ces droits, en tout ou en partie, à l’in fçu & fans le confentement du R o i , ne peuvent être qu’abuiives.
Expofons les faits de la caufe avec le plus de clarté &
de préciiion qu’il nous fera poffible.
^
F A I T S .
Pour mettre de l’ordre dans leur expofition, on croit de
voir les diftribuer en deux époques.
L a premiere renfermera ceux qui fe font paiTés depuis
l’avénement de M. de Montazet fur le fiege de L y o n , jufqu’au mois de Juillet 17 7 6 ,
L a fécondé contiendra ce qui eft arrivé depuis cette épo
que jufqu’à ce jour.
Idée de L’E glife de Lyon.
Rappelions d’abord , en raccourci, quelle eft TEglife de
L yon , ce que c’eft que le Chapitre primatial, & quelles font
les prérogatives qu’il défend avec tant de courage & de
fermeté.
L ’Eglife de L y o n , l’une des plus anciennes, & la plus
de P oitiers, qui tous avoient contribué à la fondation & dotation
du Chapitre de L y o n , & en étoient Chanoines d’honneur. Tous les
droits de ces différents fouverains font unis a la Couronne. D e p u is la
réunion duD auphiné fur-tout, le R o i a pris la qualité de Fondateur du
Chapitre p rim a tia l, & premier Chanoine de F E g life Comte de Lyon.
Toutes les bulles concernant la fondation nouvelle & laconftitution
du C h a p itre , Ton régime , fes ftatuts & la confervation de Tes ufnges,
ont ete demandées au pape par nos Rois en leur qualité de fonda
teurs . ils les ont enfuite revêtu es du iceau de leur a u t o r i t é , par des
Lettres-patentes enregiftrées.
�8
célébré de toutes celles des G au les, eit finguliérement recommandable par Ton attachement à fes rits, à fes antiques
ufages, à Tes cérémonies. Tandis que la Liturgie des Eglifes
de la Chrétienté a éprouvé différentes révolutions, tandis
qu’il s’eft introduit de nouveaux ufages dans le culte exté
rieur, l’Eglife de L y o n , toujours confiante dans fa difcipline & dans fa Liturgie , retrace encore aujourd’hui à nos
yeux le modele adm irable,& l’unique en France, de cette
augufte & refpe&able fimplicité qui cara&érifoit l’Eglife
naiffante. Son chant, fes rits, fes cérémonies, fes formules
de prieres, tout annonce le goût le plus pur de la vénérable
antiquité -, c’eft par-là q u e, depuis une longue fuite de fiec le s, elle a mérité les éloges & la vénération de tout ce qu’il
y a de plus célébré dans l’Eglife.
V eu t-on fe convaincre par foi-m êm e du fondement de
ces éloges, qu’on entre dans l’Eglife primatiale; qu’on y
affifte à la célébration du Service divin : il eft impoiiible de
n’y être pas pénétré de refpeft & d’admiration à la vue de
cette augufte & majeftueufe fimplicité qui regne & dans
les cérémonies & dans la récitation des prieres. L a gravité
du chant, la noble mais touchante fimplicité des oraifons,
l’ordre pompeux des cérémonies , l’habillement mêirçe des
M in iè re s, tout imprime le refpeét, tout annonce la majefté du Dieu qu’on y adore ; c’eft pour un Chrétien vrai
ment pieux le fpe&acle le plus beau & le plus touchant,
qui accroît la piété des Fideles de L yon qui l’ont en vé
nération, & celle des étrangers qui ne le voient jamais fans
être ravis d’admiration.
C ’eft cependant l’ordre de ce culte extérieur que M . l’Archevêque de L yo n entreprend de renverfer & de détruire,
pour lui en fubftituer un autre qui foit plus analogue à fon
goût & aux Liturgies modernes.
On
�9
Idée du Chapitre de Lyon.
On croit pouvoir aufii rappeller ici les principales pré
rogatives qui diftinguent le Chapitre prim atial, parce q u e ,
comme la Liturgie, elles font attaquées par M . l’Archevêque
de L y o n , non pas d’une maniéré direfte f comme e lle ,
mais par des a&es & des traités q u i, s’ils avoient lie u ,
anéantiroient fdn état politique, & le réduiroient à une con
dition inférieure à celle du très-grand nombre de chapitres
de fimples églifes collégiales.
L e Chapitre primatial poiTédoit, dès les premiers fiecles
de la monarchie, des droits éminents qui le diftinguoient de
toutes les autres églifes du Royaum e -, depuis il eft devenu
fouverain, & l’a été pendant près quatre cents ans : il n’a
ceifé de l’être que pour mettre fa fouveraineté entre les
mains du R o i , en fe réfervant par des claufes expreiTes dans
le traité de ceiTxon, la plupart des droits régaliens.
Les Rois de F ran ce, les anciens Rois de Bourgogne, &
plufieurs Souverains avoient contribué aux fondations du
Chapitre primatial ; ils en étoient en conféquence Chanoines
d’honneur. Le R o i, qui a r é u n i dans fa main les droits de ces
différents Souverains, eft devenu le veritable fondateur de
ce C hapitre, dont il eft aujourd’hui le premier Chanoine.
On pourroit dire, s’il étoit queftion de faire l’apologie de
ce Chapitre , que plufieurs enfants de fouverains ont été
élevés dans fon fein; qu’en 1 x 4 5 , c’eft-à-dire, l’année que
fut tenu le premier Concile général de L y o n , le Chapitre
étoit compofé de foixante-douze Chanoines, parmi lefquels
on comptoit un fils d’Em pereur, neuf fils de R o i, quatorze
fils de D ucs, & trente fils de Com tes; qu’il a donné à Eglife trois P a p e s, quatorze Cardinaux , & une foule de
B,
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10
Prélats auffi diftingués par leurs lumieres que par leur faintetéj que les membres qui le compofent, choiiîs parmi les
noms les plus illuftres, forment l’un des corps les plus refpe&ables de l’Eglife entiere.
Mais oublions toutes ces prérogatives.
Il en eft une qui a toujours iinguliérement cara&érifé
l’Eglife de L y o n ; c’eit fon attachement inébranlable à l’an
tiquité , qui jamais ne lui a permis , non de changer fon
culte extérieur, mais même de l’altérer. On ne la vit jam ais,
dit S. Bernard, fe prêter aux révolutions brufques dans la
célébration des faints offices, légéreté puérile, ajoute ce
faint D o & e u r, qui n’a jamais terni la gloire de cette Eglife :
auffi elle s’eft confervée jufqu’à nous dans toute fa fplendeur j elle a mérité qu’on lui donnât pour emblème ces
mots précieux qui cara&érifent l’efprit de fageffe dont elle
fut toujours rem plie, Antiquitatis tenacijjima. Tellement que,
félon M . l’avocat général Servin , il a été dit d’elle par titre
d’honneur : Ecclejîa Lugdunenjis nullas admittit novitates ;
ce que n ont pas fa it les autres J l foigneufement.
M. l’Archevêque de L yo n étoit lui-même pénétré de cette
v érité, lorfqu’il fut transféré d’Autun fur le fiege de L yo n
en 17585. il annonçoit alors le même goût pour l’antiquité,
dans le Mandement qu’il publia pour ordonner des prieres
publiques, à l’effet de demander à Dieu les grâces néceffaires pour bien conduire fon diocefe ; il s ecrioit dans un
tranfport de joie & d’admiration :
« Une Eglife qui joint à la gloire d’avoir enfanté les Prin» ces des Gaules à Jefu s-C h riit, celle d’avoir confervé juf>♦ qu’à nous le dépôt de la foi dans toute fon intégrité ; mere
» fainte & féconde , à qui nous pouvons dire avec juftice
>* ce que l’Apôtre difoit à la métropole de la Macédoine r
�2 rf
11
a C ’eft vous q u i, ayant reçu la parole parmi de grandes af» fliftions avec la joie du Saint-Efprit, avez fervi de modele
» à tous ceux qui ont embraffé la foi ; c e it par vous que
» la parole du Seigneur s’eft répandue avec éclat; & la foi
» que vous avez en Dieu eil devenue ix célébré , qu’il n’eft
» pas néceflaire que nous en parlions. Eglife heureufe tant
» qu’elle fe montrera digne du magnifique éloge qu’en fait
» S. Bern ard,
la diilinguant entre toutes celles des Gau» les, non-feulement par l’éminence dè fon iieg e, mais en» core par la célébrité de fon éco le, la vigueur de fa dif» cipline, la gravité des mœurs, la fagefle des réglem ens,
» & l’amour de l’antiquité ( i) .
» U n Chapitre, ajoutoit-il, d’où l’on a vu paffer fur les
» premiers iieges du monde Chrétien des hommes faints en
» œuvres & puiffants en paroles ; unique par fon attention
» à retracer dans fes ufages invariables ceux de l’Eglife pri-
( i ) V o ic i le paffage en entier de S. Bernard ; c’eft le commence
ment de fa Lettre aux Chanoines de L yo n .
Inttr Eccleßas Gallici conßat profeclò , Lugdunenfem haclenus p r x minuiffe ficut dignitate fed is , fic honeßis ß u diis & laudabilibus in ftitutis. U bi enim ccque yigtàt difciplintz cenfura, morurn g ra vitas, maturltas conciliorum , aucloritatis po n du s, antiquitatis inßgne ? Prtzfertìm in ojficiis eccleßaßicis haud fa c ili unquàm repentinis vifa eß novitatibus acquiefcere, nec f e aliquando ju v e n ili paffa eß decolorari levi- *
tate, eccleßa piena ju d ic ii. Undè miramur fa tis quid vifum fuer'u hoc
tempore quibufdarn veßrum voluiffe mutare colorem optimum, novam
inducendo celebritatem quam ritus eccleßa nefcit ; non probat ratio ; non
commendai antiqua traditio, numquid patribus doctiores aut dtvotiores
fumus > Pcriculosì prcefumimus quidquid ipforum in talibtis prudenti*
praterivit ; nec vero id tale eß ; quod n iß pmtereundum fu e rit, pAtrum
quiverit omninò diligentiam prccteriffe.
B ij
�Vx
12
» m itive ; trop diftingué par fa nobleffe pour en eftîmer
» d’autre que celle qui fe perpétue avec le zèle de la reli» gion & l’élévation des fentimens. »
Cependant, par une contradiction qui jufqu’ici n’a pas
d’exem ple, M . l’Archevêque de L yo n veut anéantir au
jourd’hui ces mêmes ufages qu’il reconnoît être invariables:
il a perfécuté & vexé le Chapitre prim atial, uniquement
parce q u e, perfiflant dans fon attachement à ces ufages, il
lui a oppofé une noble & ferme réfiftance.
P R E M IE R E ÉPO Q U E D ES F A IT S .
M . le Cardinal de Tencin avoit préparé un Bréviaire qu’il
fe propofoit de donner à fon diocèfe : il fut prévenu par la
mort. M . de M ontazet, fon fucceifeur imm édiat, s’appro
pria ce B réviaire, après avoir travaillé pendant deux ans à
y faire différents changements & des augmentations.
Plein de vénération pour ces ufages antiques qui de tout
tems diftinguerent la Liturgie L yon n oife, ce Prélat annonçoit à fes diocéfains que peut-être il pourroit manquer quel
que chofe pour porter le Bréviaire qu’il leur donnoit à
fa perfeélion : mais que l’ufage ancien qui s’obferve dans
l’Eglife primatiale de réciter les offices par cœur , s’oppofoit à des changements fréquents, incompatibles avec cette
difcipline : qu’au furplus, l’augufte majefté de nos m yftere s, ni la fo i, ni la p iété, ne recevoient aucun préjudice de
cette légere imperfettion ( i) .
( i ) Fatemur quidem in officiorum conttxtn dejiderari non n ih ïl ad
ptrftïïiontm p o jft , fe d crebras nimiriftn & perincommodaS mutationes
prohibuit ?
viget in Eccltjia prim atiali antiqua confuetudo horas ca
nónicas mtmoritcr ac J î n l códice ruitandi ; non prohibuit verb quominùs
�—
An
13
M . l’Archevêque de L yon avoit fait lui-même un choix
de canons, tel qu’on peut l’attendre de fon goût ( 1 ) . C e
Bréviaire fut enfin publié de l’avis & avec le confeptement
du Chapitre primatial : D e venerabilium Fratrum nojlrorum
Decani & Ecclejice nojlræ primatialis Canonicomm-Corràtum.
Lugduni, conjîlio & ajfenfu.
T elle étoit encore en 176 0 la façon de penfer de M . de
M ontazet, relativement au refpeft dû aux anciens ufages
de L y o n , & relativement au mérite de fon Bréviaire. Cette
Eglife avoit lieu de fe flatter qu’il n’y auroit plus de change
ment dans fes Livres liturgiques, au moins pendant que ce
Prélat occuperoit le fiege : le contraire eft arrivé.
En 1 7 6 6 , M . l’Archevêque de L y o n oublia tout-à-coup
ce refpeft religieux dont il avoit paru jufques-là fi vive
ment pénétré pour les rits anciens de fon Eglife.
Parmi les ufages de cette premiere Eglife des G aules, il
en eft un qui la cara&érife finguliérement ; ufage refpefté
par tous les Archevêques de L y o n , cité avec éloge par tous
les auteurs qui ont traité des cérémonies des différentes
Eglifes de la Chrétienté, notamment dans le fiecle dernier
par le célébré cardinal Bona : c’eft le chant par cœ u r, refte
précieux des anciennes pratiques des Eglifes d’Orient &
¿ ’O ccident; ufage qui tient à la conftitution même de cette
Eglife prim atiale, aux divers ordres de fon cle rg é , & à la
plûpart de fes ftatuts, de fes règlements.
M . l’Archevêque de Lyon tenta les moyens de le renverfu a myjlerlis m ajtjlas ,
rupta fervaretur.
religioni excellencia, inlegritas p ittali incor-
( i ) Facto a nobis diligcntiori canonum delectu, uridì veluti è ctT-,
tùjjïma & purijjimd fonte , morum ac difciplinae pracepca haurirctis.
�'m
fer : le Mémoire qu’il dreffa à cet effet annonçoît de vains
prétextes, qui furent bientôt détruits par le Chapitre , qui
répondit à ce Mémoire avec ferm eté, & fit voir la néceffité de conferver ces rits & ces ufages anciens.
M . l’Archevêque de Lyon vouloit-il, en détruifant l’ufage
du chant par cœ u r, fe procurer d’avance la facilité de faire
tels changements qu’il jugeroit à propos dans la Liturgie ;
ou n’a-t-il effayé depuis de changer la Litu rgie, que pour
faire tomber & pour rendre impraticable l’ufage du chant
par cœur ? C ’étoit un problème en mil fept cent foixante-
iix ; mais la conduite que ce Prélat a tenue depuis en a
donné la folution.
En 17 6 8 , il propofa au Chapitre un nouveau MiiTel, prêt
à être livré à l’im preffion, fans que la Compagnie en eût
été prévenue. C ’étoit-là une premiere entreprife fur le droit
du Chapitre prim atial, dont il n’y avoit point d’exemple.
Jam a is, en effet, les Archevêques de L y o n , les plus diftingués par leur p iété, leur fça v o ir, leur naiffance, leur di'gnité, n’avoient entrepris de donner une nouvelle édition,
ïbit du Bréviaire, foit du M iffel, ou de faire le moindre
changement dans les Livres liturgiques , fans en prévenir
le Chapitre , & fans lui demander d’y concourir & d’y
coopérer: ic i, au contraire, M . l’Archevêque commence
par compofer ou faire compofer fon nouveau MiiTel à l’infçu
du C hapitre, de maniéré que cette Compagnie n’en auroit
eu aucune connoiffance, s’il avoit pu être imprimé & pu
blié fans'fon confentement.
Cette nouvelle maniéré de procéder, inconnue aux Pré
lats les plus refpe& ables, les plus inftruits de la difcipline
des Eglifes de F ra n c e, & les plus attachés aux libertés gallicannes, dut furprendre le Chapitre j il diiïïmula néanmoins
�ce défaut de confiance. Perfonne, fans doute, ne lui fera
l’injure de croire que cela fût capable de le déterminer
dans le jugement qu’il porta fur cet o u v r a g e , quoiqu’on ait
cherché à l’iniinuer. L e Chapitre choifit des CommiiTaires
pour examiner ce MiiTel, & il réfulta de l’exam en, que ce
MiiTel n’étoit analogue ni au nouveau Breviaire publié en
17 6 0 , ni aux cérémonies uiïtées de temps immémorial dans
l’Eglife de Lyo\i ; qu’il introduifoit d’ailleurs des rits nou
veaux , incompatibles avec les ufages anciens.
En conféquence, il fut arrêté unaniment au Chapitre gé
néral du 13 Janvier 1769 , que M . l’Archevêque feroit fupplié de retirer fon nouveau MiiTel, attendu que la Compagnie
ne pouvoit l’adopter tel qu’il lui avoit été rem is, & d’être
néanmoins perfuadé de fon empreffement à concourir à la
correction qui pourra fe faire dans l’ancien MiiTel, fans
nuire à fes rits ni à fes ufages anciens.
M . l’Archevêque, mécontent de la réfiftance d’un Chapi
tre inviolablement attaché à fes ufages , e fla y a , non de
répondre aux raifons qui lui avoient été oppofées, mais de
faire diveriion par une très - longue lettre qu’il lui écri
v it, le 29 Juin fuivant : l’objet de cette lettre étoit la ré
forme de la difcipline du C hapitre, relativement à des ar
ticles qui font partie même de fa fondation, & qui conftituent fon état politique.
L e Chapitre attaché aux bonnes réglés, & plein de zele
pour le maintien de fes lo ix , crut pouvoir faire réponfe à
M . TArchevêque, que la Compagnie s’occupoit elle-même
du foin de recueillir tous les anciens -églements de difcipline^
& qu elle avoit chargé fes fy ndics de les raffembler,, pour en.
former un corps de ftatuts.
�16
Dans cette difcuflîon étrangère & nouvelle, le Miffel
fembloit être oublié; mais le projet de M. l’Archevêque
reparut à l’affemblée du Bureau diocéfain, du 14 Novembre
de la même année. Le Prélat y fit valoir la rareté des exem
plaires du Miffel : ce pouvoit être une raifon pour réimprimer
l’ ancien, mais lion pas d’en donner un nouveau ; il obferva
qu’il y avoit déjà deux ans que le Bureau avoit nommé des
CommiiTaires pour traiter avec un Imprimeur ; c’eft-à-dire,
que M . l’Archevêque avoit voulu faire imprimer fon Miffel
avant même d’avoir fait, à cet égard, la moindre proportion
au Chapitre : enfin il pria l’affemblée de délibérer fur les
moyens les plus convenables de pourvoir à l’impreffion de
ce Miffel, & deplufieurs autres Livres de liturgie également
néceffaires.
L e Comte de M ontjouvent, D o y e n , qui étoit préfent,
forma oppoiîtion à toutes délibérations prifesà cefu jet, qui
pourroient nuire aux droits & prérogatives de fon corps }
on lui donna a£le de fon oppofition , & il fe retira. Au mé
pris de l’oppofition, le Bureau nomma des 'CommiiTaires
pour traiter avec l’imprim eur, & arrêta, quatre jours après,
que les frais de l’impreffion du Miffel & du Graduel fe prendroient fur les fonds qui fe trouveroient dans la caiffe du
Clergé. Le Comte de Montjouvent réitéra fon oppofition au
nom du C hapitre, & il lui en fut donné afte ; le Mémoire du Syndic du Clergé nous apprend qu’après que le Comte de
Montjouvent fe fut retiré, la Chambre délibérant fur l’oppofition, arrêta : « que n’étant pas plus compétente pour juger
» du Miffel & des autres Livres liturgiques que M . l’Arche» vêque vouloit donner à fon diocèfe, que pour difcuter les
» prétentions de l’Eglife prim atiale} q u e , vu d’ailleurs la
» néceifité
�Z& )
I
17
» néceiïité urgente qu’il y avoit de faire imprimer unMiiTel,
» on n’auroit aucun égard à l’oppofition ( 1). »
L e 23 du même mois de Novembre il y eut un Chapitre
extraordinaire, dans lequel le Comte de Montjouvent ren
dit compte de ce qui s’étoit paifé dans les deux dernieres
aifemblées du Bureau diocéfain. L a Compagnie ratifia les
oppofitions formées par fon D o y e n , pour ce qui pouvoit
regarder l’impnpffion d’un Miifel nouveau & autres Livres
liturgiques : perfiftant dans fa réponfe à M. l’Archevêque ,
du 23 Janvier précédent, elle déclara qu’elle étoitoppofante
à l’impreifion d’un nouveau Miifel -, & qu’attendu l’intérêt
de l’Eglife primatiale à la confervation de la caiffe du Clergé,
elle s’oppofoit à ce que la'Cham bre diocéfaine délivrât au
cun mandat pour les frais d’impreiïion d’un nouveau MiiTel,
& autres nouveaux Livres liturgiques, à moins qu’il ne fût
queftion delà réimpreifion du Miifel aftuel. Ces oppofitions
furent fignifiées le lendemain à l’imprim eur, au Syndic du
C le rg é , & au Receveur des décimes.
^M. l’Archevêque , pour vaincre ces oppofitions, eut re
cours aux moyens dont il avoit déjà fait ufage : il étoit alors
à Paris ; & le 20 Janvier 17 7 0 , il écrivit au Chapitre une
nouvelle lettre pour la réforme de la difcipline , fans parler,
non plus que dans celle du 29 Juin précèdent, ni du M iifel,
ni d’autres Livres liturgiques. Il terminoit fa lettre en ces ter
mes : » Je crois même devoir vous prévenir que fi à mon
» retour, qui ell aifez prochain, vous ne me donnez pas fur
» cet objet la fatisfaflion que j’ai droit d’attendre de vous,
( 1 ) V o ilà , fans doute, une plaifante maniéré de reconnoître fou in
com pétence, de paiTer outre , fa n s avoir égard à une oppojîtion dont
1 on convient que l’on n’eft pas juge,
c
�\
18
» je ne pourrai me difpenfer d’y pourvoir par l’autorité que
'
» Jefus-Chrift a attachée à mon miniftere. »
L e Chapitre a fait voir dans un Mémoire imprimé ea
1 7 7 4 , que ces menaces du Prélat étoient d’autant plus in
ju res & déplacées, qu’il n’ignoroit pas que le Chapitre
travailloit alors à recueillir & à réunir en corps fes anciens
flatuts ; que par conféquent ce travail très-étendu ne pouvoit pas être fini à fon retour: mais le véritable objet du
Prélat étoit d’arrêter les fuites qu’il redoutoit de l’oppoiition
duChapitie à fa nouvelle Liturgie ; car, dans le vrai, voilà quel
étoit fon objet. C e Prélat a dit en effet, & répété bien des
fois que, pourvu que le Chapitre lui paifât la nouvelle L i
turgie , il n’iniîfteroit plus fur la réforme de fa difeipline: on
a vu avec furprife jufqu’où fon zele fur ce dernier article s’eit
porté.
Vers le même temps les Evêques de la province s’étant
aiTemblés à L y o n pour nommer des Députés à l’affemblée
générale du C lergé, voulurent bien fe rendre médiateurs ;
on convint que le Chapitre donneroit main-levée de fon oppofition, fous certaines conditions : en attendant que ces
conditions fuiTent réglées & convenues, on donna une main
levée pure & (impie en apparence j & l’on remit la trans
cription de ces aftes & des conditions qui en faifoient
partie fur les regiitres, aux Chapitres généraux de la SaintJean , pour y donner plus de folemnité. Dans l’une des dé
libérations de ces Chapitres généraux, le Chapitre s’engageoit à prendre le nouveau M ijfcl dès qu’il le pourroit, & fans
néanmoins qu'il pût nuire ni apporter aucun changement aux
anciens rits & cérémonies pratiquées dans l ’E glife de L y o n , ni à
fon chant par cœur, ainfi q u il a été convenu dans les ajfemblées
tenues au Palais Archiépifcopal, en préfence de M . l'A n h e v t-
�19
que de Lyon, & de M M . les Evêques d!Autun, Dijon t Mâcon.
& Châlons : ce font les expreffions de la délibération capitulaire du 28 Juin 17 7 0 .
C et a f t e , qui explique & détermine celui du 21 Février
précédent, auquel il fe rapporte , & dont on ne doit pas le
féparer, étoit moins, comme on voit, une véritable accepta
tion qu’un refus honnête : cependant M. l’Archevêque faifit
ce prétexte ; ilVe crut fuffifamment autorifé à publier fon
nouveau MiiTel, &: il le publia en effet en 17 7 0 : ce MiiTel
cependant n’a point encore été introduit dans l’Eglife pri
matiale , ni dans les autres Eglifes du diocèfe.
L a déférence motivée que le Chapitre primatial avoit
eue pour M. l’Archevêque de L yo n , relativement à fon nou
veau MiiTel, fut fans doute ce q u i, bientôt ap rès, porta ce
Prélat à propofer auifi un nouveau Bréviaire.
Le Bréviaire & le MiiTel font deux parties intégrantes de
la Liturgie: l’une doit être par conféquent analogue à l’autre;
le Chapitre avoit différé de refufer nettement le MiiTel, parce
qu’il n’a voit pas pu juger de l’enfemble de la Liturgie ; ils’étoit
cependant affez clairement énoncé pour déterminer M .l’Archevêque de Lyon à retirer fon nouveau MiiTel : au lieu de
cela il a pris fur lui de propofer le Bréviaire qui étoit analogue.
On auroit toute la peine imaginable à fe perluader de
cette nouvelle entreprife, fi les moyens employés pour la
faire réuiTir, & les effets funeftes qu’ont produits ces moyens,
étoient moins connus. Qui auroit pu cro ire, en effet, que
M . l’Archçvêque de L y o n , qui avoit donné à fon diocèfe un
Bréviaire en 176 0 , après avoir travaillé deux ans entiers à le
perfedionner, ait tenté en 17 7 2 de lui en donner un autre,&
la it réellement publié en 177 5 , de fa feule autorité, fans la
Cij
�io
permiiiïon du R o i, fans Lettres patentes, nonobftant le refus
fubfiftant & motivé du Chapitre primatial? Tout cela eft ce
pendant arrivé.
Au mois de Janvier 17 7 2 M . l’Archevêque de L yo n en
v o y a donc au Chapitre primatial ce Bréviaire nouveau tout
réd ig é, avec une lettre où il marquoit que le Chapitre en
connoiffoït déjà le Calendriery qu’il y avoit confervé les céré
monies & les rits de l’Eglife de Lyon ; qu’il n’y avoit pro
prement de nouveau que le choix des leçons & des prieres :
il attendoit, difoit-il, les obfervations du Chapitre ; & comme
il préfumoit qu’il n’y en auroit pas beaucoup à faire, il lui
demandoit de ne pas perdre de temps à fe mettre en état de
les lui donner.
Il eft inutile de remarquer que le choix des leçons & des
prieres, eft ce qui cara&érife principalement un nouveau
Bréviaire; que le Calendrier n’eft qu’une table ou Almanach
qui contient l’ordre des jours, des femaines, des mois & des
fêtes qui arrivent pendant l’année; & que le Calendrier d’un
Bréviaire étant perpétuel, il n’eft pas même ignoré des en
fants , car il n’eft perfonne à qui ces obfervations ne fe re■préfentent à l’efprit.
Il n’eft pas douteux que M. l’Archevêque de L yo n avoit
alors le projet arrêté de renverfer, de détruire le culte exté
rieur de la Religion dans l’Eglife primatiale & dans fon
diocèfe, pour lui en fubftituer un nouveau : ce projet étoit
même connu de plusieurs membres du Chapitre primatial &
du Clergé du diocèfe. Etoit-ce pour raifurer à cet égard les
efprits, & pour calmer les inquiétudes que cè projet de
deftruftion n’alloitpas manquer de faire naître, qu’il annonce
au Chapitre qu il connoifjoit dejale Calendrier defon nouveau
�\
21
Bréviaire? ou n’étoit-ce fimplement que pour écarter l’injurieufe application du proverbe ( i ) , que plusieurs perfonnes
de L yo n avoient ofé en faire ? Il n’en eft pas moins vrai que
cette annonce étoit une raillerie amère d’autant plus dépla
cée , que ce Prélat a réellement réformé le Calendrier en ce
qui concerne l’ordre , le nombre & la mobilité des fêtes.
Le Chapitre, étonné de l’entreprife , s’affembla pour en
délibérer. Il fe^ma les yeux fur tout ce que la lettre pouvoit
renfermer de répréhenfible, s’interdit toute efpece de plain
tes auxquelles un pareil procédé pouvoit donner lieu , &
nomma des commiffaires pour examiner le projet du nou
veau Bréviaire.
C e tr a v a il, qui embraffoit par fon étendue l’examen
de toute la nouvelle Liturgie , méritoit la plus fcrupuleufe
attention, & pour cela il falloit un temps aflez confidérable. Dès le mois de M ai le Prélat écrivit de nouveau , il
prella même pour avoir une réponfe définitive, & demanda
ou qu’on lui remît a&uellement fon Bréviaire , ou qu’on lui
mandât très-déterminément le temps auquel on pourroit le
lui rendre.
L e Chapitre répondit, que les commiffaires qu’il avoit
choifis s’étoient livrés avec la plus grande afliduite à l’exa
men du Bréviaire , mais qu’il feroit effentiel qu’ on leur
envoyât auffi les rubriques. Il remit à lui faire une réponfe
définitive aux Chapitres généraux de la S. Jean.
Il la fit en effet cette réponfe, le n Juillet fuivant. Les
commiffaires avoient rendu compte , dans les précédents
/
---——
----V' 1 1
' '
( i ) » On dit proverbialement réformer le Calendrier, pour Ce mo» quer de ceux qui veulent trouver à redire à ce qui eft bien fait. »
Abrégé du D u t. de Trévoux, au mot Calendrier.'
'
�I<i6.
i
..
2.2,
Chapitres généraux, du travail qui leur avoit été confié ;
& il fut arrêté ce jour-là unanimement, que le Bréviaire
propofé ne pouvoit être adopté. On reconnut qu’il étoit
contraire aux rits de l’Eglife primatiale. Il différoit de l’an
cien , par l’ordre, la diviiion & la médiante des pfeaumes ;
par des cantiques & hymnes pour chaque fête & chaque
férié , qui jufqu’ici ne font point en ufage dans l’Eglife de
L y o n ; par le retranchement d’offices de Saints , dont
quelques-uns étoient particuliers à cette Eglife ; par la di
minution des folemnitésde pluiieurs offices , par l’introduc
tion d’offices de Saints pour lefquels cette Eglife n’en avoit
point eu jufqu’ici de particuliers; par des changements dans
les rubriques; quêtant, en un m ot, abfolumentdifférent de
l’ancien pour la forme & le fonds, il néceffitoit l’abolition
du chant par cœ ur, & le renverfement total de l’ancienne
Liturgie.
T ei eft le précis des motifs du refus du Chapitre.
Il n’eft pas befoin d’obferver que 3 de toutes les Eglifes
de F ran ce, celle de L y o n doit être la plus difficile à laiifer
introduire de nouveaux livres liturgiques, à raifon du chant
par cœur qu’elle a toujours religieufement confervé. En
effet, il faudroit faire apprendre de mémoire ces nou
velles formules de prieres, & le chant qui les accom pagne,
à. cent cinquante eccléiîailiques qui font attachés à cette
Eglife. On ne prétend pas exagérer rien. Outre la diffi
culté de faire apprendre une nouvelle Liturgie à ces eccléfiaffiques, dont pluiieurs font très-âgés , & de former ainfi
en un moment tout le clergé de l’Eglife à de nouveaux rits,
une pareille entreprife tend à bouleverfer la conftitution
même de cette E g life , qui, comme le Chapitre prim atial,
eit de fondation ro y a le , compofée de divers ord res, en-
■
�Z<6>'l3
fants de chœ u r, clercs, prêtres habitués, perpétuels, che^*
valiers, cuftodes : tout ce clergé eft formé dans fon fein ,
élevé dans un féminaire com mun, entretenu de tout temps
par le Chapitre. De-là réfulte cette unité de principes, de
m axim es, de doctrine , qui s’eft toujours foutenue dans
l’E glife.de L yon . O r , introduire un nouveau Bréviaire,
ec feroit détruire néceifairement l’ufage du chant par cœ ur;
& a r on détruit cet ufage, le féminaire devient inutile
& fans objet. Auiïi M . l’Archevêque de L y o n , qui paroît
avoir formé le deifein de tout innover dans cette Eglife ,
va-t-il jufqu’à vouloir détruire le précieux établiifement de
ce fém inaire, que le pieux archevêque Leydrade avoit pris
foin de rétablir, félon l’ordre exprès qu’il en avoit reçu de
Charlem agne, après les ravages des Vifîgoths & des Van
dales dans le Lyonnois.
L a lettre du Chapitre , qui contenoit fa réponfe à M .
l’A rchevêque, & les motifs de fon refus d’admettre la nou
velle Liturgie , eft pleine de refpeft & de ménagements:
on y voit clairement que , placé entre le devoir & les
égards, le Chapitre prouvoit dans ce moment combien il
lui coûtoit de réiïfter aux vues d’un Prélat dont il croyoit
mériter l’eftim e, & dont il auroit voulu obtenir la con
fiance. Cette lettre, loin de déterminer M . l’Archevêque
de L yo n à retirer fa nouvelle Litu rgie, ne fervit au con
traire qu’à exciter fon courroux ; car elle a été le germe de
toutes les tribulations dont il n’a ceffé depuis d’affliger le
Chapitre.
On a déjà remarqué que M . l’Archevêque , qui ne perdoit pas de vue fon p ro je t, prenoit des moyens couverts
pour parvenir à le faire exécuter. L e Chapitre n’ig»010^
pas fes démarchés. Il arrêta en c.onféquence, par une deli-
�24
bcration du 3 1 Juillet fuivant, qu’il feroit fait une oppofition à toute délivrance de deniers au fieur de la Roche
pour l’impreiîion du Bréviaire. L ’oppofition fut fignifiée le
lendemain au Receveur des décimes & au Syndic du
Clergé.
Il faut fçavoir, pour mieux entendre ceci, que M . l’Archevêque, fans faire le moindre état des difficultés fondées
que le Chapitre oppofoit à la publication du nouveau Bré
viaire, a v o it,d è s le 1 6 Août mil fept cent foixante-onze,
c’eft-à-dire avant même d’annoncer fon projet, fait prendre
par le Bureau diocéiain,une délibération qui chargeoit des
commifTaires de faire avec de la Roche , imprim eur, les
conventions qui leur paroîtroient les plus avantageufes pour
l’impreffion de ce nouveau Bréviaire & de l’Anriphonaire.
Ces commifTaires , dans l’aifemblée du 19 M ai 1 7 7 2 ,
avoient préfenté le traité convenu avec l’imprimeur: le
Bureau l’approuva , le ratifia dans toutes fes parties, &
en ordonna l’exécution. C e fut pour arrêter les fuites d’une
entreprife aufli étrange, que le Chapitre fit fignifier l’oppofition dont on vient de parler. Peut-il en effet y avoir rien
de plus étrange que la conduite du Bureau diocéfain, qui
n’étant établi que pour des objets purement économiques,
s’in gere, fans pouvoirs, de faire imprimer aux frais du diocefe, contre l’oppofition du Chapitre primatial, qu i, étant
feul repréfentant né de tout le C le rg é , avoit refufé ce
Bréviaire au nom de ce même C lergé?
M. l’Archevêque de L yon ne pouvoit fe diffimuler
l’irrégularité de la conduite du Bureau diocéfain’, ni l’impoifibilité de vaincre i’oppofition du Chapitre , tant que les
chofes refteroient dans les termes où elles étoient. Alors il
renta de prévenir le feu R o i contre fa difcipline; & le Char
pitre
�25
pitre reçut une lettre au nom du R o i , par laquelle il
étoit annoncé qu’il avoit réfolu de prendre connoiffance par
lui-même de cette affaire , & que ion intention étoit que
la Compagnie envoyât des D éputés, avec toutes les inftruélions convenables, pour les premiers jours de Janvier
*
773*
L e C hapitre, qui ne vouloit point p laid er, fut ravi
de voir porter ^lire&ement au R o i , une affaire qui concernoit fa difcipline & fes ftatuts, lefquels ayant été autorifés par l’une & l’autre puiffance, étoient entrés dans le
titre même de fa fondation; il s’empreffa de montrer fa
fourmilion aux ordres du ; R oi. Il envoya quatre Dépu
tés , qui rendirent compte à M . de la Roche-Aym on des
motifs de la réiiftance du Chapitre contre le renverfement
de fa Liturgie, & diiîiperent les inculpations fecrettes que
M . l’Archevêque s’étoit permifes. M . le Cardinal an
nonça aux Députés que le R o i l’avoit nommé, avec M .
l’Archevêque de Touloufe, & M M . les Evêques d’Autun
& de M âco n , Commiffaires pour examiner s’il pouvoit y
avoir lieu à une conciliation entre les Parties. M . l’Archevêque de L yo n avoit préfenté aux Prélats un état conte
nant vingt-fix chefs de demandes contre le Chapitre ; il y
joignit des Mémoires particuliers, dont il ne fu tp asp o iïïble au Chapitre d’obtenir la communication : cela rendit
toute conciliation impoiTible.
Peu de temps après, le Chapitre apprit par M. Bertin,
que le R o i avoit chargé ce Miniftre de prendre connoiffance de l’affaire , pour lui en rendre compte. M . Bertin
demanda aux Parties des états refpe&ifs de leurs préten
tions, avec des mémoires, notamment fur l’article du Bré
viaire. Ces états furent remis de part 6c d’autre entre les
D
�26
mains du Miniftre ; le Prélat donna des mémoires fur l’ob
jet particulier du B réviaire, & le Chapitre fournit les réponfes.
L e Chapitre devoit s’attendre que, le R oi ne s’étant point
encore expliqué , toute démarche ultérieure feroit fufpendue
de la part de M . l’Archevêque , & conféquemment de la
part du Bureau diocéfain.
Cependant on ne craignit point d’agiter la queftion du
Bréviaire dans l’affemblée du Bureau du 13 Août 17 7 3 . M .
l’Archevêque y préfidoit: bien aiïuré de l’afcendant qu’il
avoit fur les membres de cette ailemblée , dont plufieurs
étoient Tes vicaires généraux, il mit lui-même la matiere en
délibération. Le Comte de Poix , Précenteur de l’Eglife
prim atiale, & Député du Chapitre, étoit le feul qui osât
lui réfifter. Dès-lors on fongea à l’écarter: ce fut M . l’A rchevêque lui-même qui en fit la propofition, fous prétexte y
dit-il, quiL ¿toit d ’ufage , pour la liberté des opinions , que les
Parties interejfées fe retirajjent. Il eft inutile d’obferver que
la vraie partie intéreiTée étoit M . l’Archevêque lui-même»
L e Comte de Poix foutint qu’il avoit droit d’affifter à la
délibération, & déclara que « le R o i s’étant réfervé la con» noiflance des difficultés élevées entre M. l’Archevêque &
» le Chapitre, & notamment de l’introduftion du nouveau
» B ré v ia ire , le Bureau ne pouvoit en connoître. » Ces
raifons ne furent point écoutées: c’étoit un parti pris. Il fut
obligé de céder ; m ais, en fe retirant, il renouvella les
oppoiitions du Chapitre , proteftant même de prendre à
partie qui il appartiendroit.
L e Bureau , docile à l’empire de fon Préiident, paffii
ou tre, nonobftant les oppofitions & proteftations. Il n’a
pas été poffible d avoir dans le temps une copie de la
�17
délibération qui fut prife : heureufement elle a été depuis
tranfcrite dans un Mémoire imprimé pour le Syndic du
Clergé. L ’intérêt de la caufe exige qu’on la faffe ici connoître, quelque peine qu’on ait à retenir ion indignation, à
la vue de cette étonnante piece.
« L a Chambre , délibérant tant fur l’oppofition du C ha
rt pitre que fur le dire de M. le Précenteur, s’eil fait repré» fenter l’afte dv 2 1 Février 1 7 7 0 , fîgnifié à la requête du 1
» Chapitre , & confidérant qu’il étoit im portant, pour le
» bien du diocefe, de faire rentrer dans la caiffe du Clergé
» les fonds considérables qu’il a déjà employés pour l’im» preiiion des nouveaux MiiTel & Graduel ; que d’ailleurs
» M. le Précenteur n’avoit juftifîé par aucun afte que le
» Roi-fe fût réfervé la connoiffance d’aucune conteftation
» entre M . l’Archevêque & fon Chapitre; AI. F Archevêque.
» ayant au contraire ajfuré la Chambre q u i l n y avoit aucune
» contejlation formée entre lui & fon Chapitre au J'ujet de Uim» prefjion du nouveau Bréviaire ( 1 ) , que par conféquent S a
» Majeflé n'en étoit ni ne pouvoit en être faifie. L a Chambre
« a ordonné que , nonobftant l’oppofition du_Chapitre , tk.
» celle que M . le Précenteur a réitérée , & fans s’y arrêter,
» la délibération du 19 M ai 17 7 * aura ion effet, & qu’il
» fera paiTé outre à l’exécution du traité fait le 21 Août
» 17 7 1 avec le fieur de la Roche , pour l’impreflion du
»> Bréviaire. »
( 1 ) Lettre de M . Bertin au C hapitre, du 20 Juin 17 7 3 .
« Je vous envoie , M eilleurs, un Mémoire que M. l’ Archevêque de
» L yo n m’a remis au fujet du nouveau Bréviaire qu’ il eft clans le deiTein
» de donner à fon diocefe : lorfque vous en aurez pris communication »
» je vous prie de me le ren vo yer, avec votre réponle. »
Dij
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On s’interdit toute efpece de réflexion. Il n’eft perfonne
qui ne voie que le Bureau diocéfain, qui, fuivant les réglés
les plus connues, auroit dû délibérer qu’il feroit furfis à
rimpreiîion du nouveau Bréviaire, jufqu’à ce qu’il eût été
iïatué fur l’oppofition du Chapitre par les Juges qui devoient en connoître, s’érigea en Juge de cette oppofition
pour la rendre fans effet.
A peine cette délibération eut-elle tranfpiré dans le
pu b lic, que le Chapitre fit lignifier au Syndic & au R eceJ
veur du Clergé , qu’il perfiftoit dans fon oppofition du I er
Août 1 7 7 2 , avec déclaration que dans le cas où, au pré
judice de cette oppofition, l’on voudroit faire exécuter la
délibération , le Chapitre s’en rendroit Appelant.
L e lendemain nouvelle affemblée en la chambre diocéfaine__L e Comte de Poix s’y préfenta comme Député du
Chapitre, & remit fon appel fur le bureau. Il falloit délibé
rer fur cet appel. M . l’Archevêque de L y o n , marchant
toujours fur la même ligne, propofa au Comte de Poix de
fe retirer, comme Partie intéreffée. Cette propofition dé
placée fut accueillie de nouveau ; le Comte de Poix fut
obligé de fe retirer, & de laifîer M. l’Archevêque Préfid e n t, après avoir fait toutes les réferves & proteftations.
Le i er Septembre , le Comte de Poix rendit compte
au Chapitre afïemblé des. procédés du Bureau ; il fut arrêté
à l’unanimité, qu’attendu que M . l’Archevêque étant dans
cette affaire la Partie adverfe du Chapitre, on n’avoit pu
exiger que Le député du Chapitre fe retirât fans demander
la même chofe au P rélat, on fignifieroit, tant au Syndic
qu’au Receveur du C le rg é , proteftation de nullité tant de
la délibération du 13 , que de celle du 17 A oû t, prifes en
préfence de M. l’Archevêque. Cette proteftation étoit ap~
�29
puyée fur deux motifs principaux; i ° fur la préfence &
préiidence de M . l’Archevêque de L yo n , qui auroit dû fe
retirer en même temps que le Député du Chapitre, dont
il ¿toit Partie adverfe ; 2° fur le défaut des pouvoirs du
Bureau diocéfain pour employer les deniers du Diocefe
à la dépenfe extraordinaire de l’impreifion du nouveau
Bréviaire.
L ’appel qu ^le Chapitre avait interjetté de la délibéra
tion du Bureau du i } A o û t, ne pouvoit pas être un appel
iim ple, puifque le Bureau n’avoit point agi comme tribunal,
mais comme Compagnie économique ; qu’il n’avoit point
ju g é , mais délibéré. D e femblables délibérations ne font
fufceptibles que d’appel comme d’abus. Mais il falloit néceifairement un certain nombre de jours pour obtenir des
lettres de chancellerie ; il falloit au moins le temps d’en
v o y e r à P aris, de confulter la question, & d’obtenir enfuite des lettres de relief. Quelque diligence qu’on y m ît,
elles ne furent expédiées que le 5 Septembre : ces délais
donnèrent lieu à de nouvelles entreprifes.
Dès le 21 Août le Syndic du C lerg é, comme s’il lui
eût été poifible de pénétrer les intentions du C hapitre,
prit fur lui de qualifier l’appel d’appel fimple , & fie anti
ciper le Chapitre en la Chambre fouveraine du C le rg é :
on verra bientôt quelle étoit l’intention des moteurs de
cette procédure abfurde. Nous difons abfurde: en effet, pour
fe convaincre de l’abfurdité, il fuffit de lire les lettres mêmesd’anticipation, délivrées par le fieur de la Goutte , GrandVicaire commenfal de M. l’Archevêque. On y voit énoncer
que le Chapitre ell appellant de la délibération prife par
le Bureau diocéfain, & l’on permet d’aifigner pour voir
dire , qu il a ¿te bien délibéré par ladite délibération.•
�30
.
Comme le Syndic & le Receveur du Clergé pourfuivoient vivement en la Chambre fouveraine fur ce prétendu
ap p el, on crut que pour arrêter cette faufle démarche, il
iuffiroit d’y faire attention. L e Chapitre fit donc fignifier
le 3 Décembre, à l’un & à l’autre, une proteftation de nul
lité de tout ce qui feroit fait en la Chambre fouveraine,
jufqu’à ce qu’il eût été ftatué-fur l’appel comme d’abus.
Le 7 , pareille proteftation fut réitérée. Cependant on avoit
pris dès le 3 Décembre un défaut faute de préfentation ; le
13 le Chapitre crut devoir, pour arrêter les fuites d’une méprife auffi groiîiere, conftituer Procureur qui renouvella ju
diciairement la même proteftation de nullité, & conclud
à ce qu’on eût égard au déclinatoire propofé.
D e tous les Membres qui compofoient alors la Chambre
fouveraine, M . l’Archevêque de L yo n n’en conferva que
trois j un iieur de BroiTe, Confeiiler laïc auConfeil fupérieur
d’alors, le fieur de la G outte, Grand-Vicaire commenfal &
l’homme de confiance du Prélat, & un fieur PoifTonneau,
Chanoine de la Collégiale de S. Nizier. A l’égard des fept
autres nommés ad hoc, il n’en étoit qu’un feul dont le choix
pût fembler exempt de reproches. Quant aux autres choifis
dans le moment même par M. l’Archevêque à qui ce choix
n’appartenoit p a s, ou qui devoit s’abftenir de le faire dans
une pareille circonftance, on ne conçoit pas comment ils
ont ofé fe préfenter pour juges fur un tel choix, dans une
affaire où tout fe faifoit pour le Prélat, & à fon iniligation.
Enfin, comme toutes les réglés étoient méprifées dans cette
affaire, il eft intervenu un jugement qui ne pouvoit être
que très-irrégulier. Il ne devoit prononcer que fur le dé
clinatoire; hé bien! il n’a rien dit à cet égard, & il aftatué
fur le fonds, fur lequel il étoit incompétent, &: confirmé
la délibération du Bureau diocéfain.
�A ^ )j
31
Sur l’appel comme d’abus, le Chapitre avoit demandé
des défenfes: il fut renvoyé à cet égard à l’audience à jour
indiqué, au 5 Janvier 17 7 4 . Le Syndic du C lergé, qui défendoit les intérêts de M . l’Archevêque plutôt que ceux du
Clergé qui improuvoit fa conduite, demanda la remife de
la caufe. L e défenfeur du Chapitre confentit quelle fut
accord ée, mais avec la clau fe, toutes chofes demeurant en
état, qui fut ai\fli accordée.
L es chofes font reitées en cet état. Il n’y a rien eu jufqu’ici de ftatué ni fur la demande provifoire, ni fur l’appel
comme d’abus dont la Cour eft toujours faifie : le Comte
de M on tjou ven tD oyen , & Conforts, n’ont point pris de
concluions dans la caufe fur cet appel comme d’abus >
ce n’eit qu’au Chapitre en corps qu’il appartient de le faire.
M . l’Archevêque de L yo n , qui n’ignoroit pas que l’appel
comme d’abus d’une délibération quelconque en fuipend
de droit l’effet & les fuites, ne vouloit pas cependant
perdre le fruit de celles qu’il avoit fait prendre, il eut re
cours aux moyens qu’il avoit annoncés, de faire repentir
le Chapitre de fa réfiftance. Il fit donc faire à cet effet, au
mois de N ovem bre, fous le nom de fon Prom oteur, une
dénonciation des prétendus abus de la difcipline du C ha
pitre ; la difficulté étoit de trouver un homme qui voulût
bien fe charger de l’odieux de cette démarché. Il étoit na
turel de la faire adopter au fieur N avarre, Promoteur ; mais
cet eccléfiaftique étoit incapable de fe prêter à un pareil
projet ; aufli il refufa fermement. Du même moment il fut
deftitué de fon office de Promoteur. M . l’Archevêque
nomma en fa p lace, Promoteur ad hoc, un fieur Merle de
Cailhillon , qui, dès le lendemain, docilement anime dun
faint zèle pour la réformation du C h a p i t r e primatial , pre-
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fenta un écrit qui avoit exigé plufieurs mois de travail.
C e Promoteur d’hier s’exprimoit ainfi en s’adreflant au
P rélat, en vertu de la qualité qu’il venoit de lui conférer.
» Un objet très-important au bien du Diocefe, excite au*
» jourd’hui la vigilance de votre Promoteur.
» L a difcipline de votre Eglife cathédrale eft défe&ueufe
» dans les points les plus eifentiels. Plufieurs de fes ufages
» ne fe concilient ni avec les faints D écrets, ni avec les
» Maximes reçues dans le Royaum e. Et tandis que le Cha» pitre d’une Eglife il vénérable donne l’exemple dangereux
» de l’inobfervation prefque totale des réglés canoniques, il
» oublie encore la jufte dépendance où il eft de votre au» torité, foit en s’attribuant des droits qui font réfervés à
» la Jurifdi&ion épifcopale, foit en affettant de ne point
» recourir à elle dans les cas où il a un befoin indifpen» fable de votre autorifation. »
Sur cette étonnante dénonciation, qualifiée mal-à-propos
de réquifitoire, puifqu’elle n’en a pas la form e, laquelle on
pourroit plutôt qualifier de libelle , puifque les termes inju
rieux en ont été fupprimés par la Commiiîion intermédiaire,
M . l’Archevêque rend une Ordonnance dont l’objet étoit
de décrier le C hapitre, & de le faire repentir de fa réfifftance : il la fit fignifier avec éclat, la fit im prim er, la
répandit avec profufion dans la ville de L y o n , & vint enfuite en faire autant dans la capitale.
Cette ordonnance contenoit un certain nombre d’arti
cles de réformation de la difcipline du Chapitre, dont plu
fieurs étoient entrés & font partie du titre même de fon
dation que le Chapitre tient du R o i, auxquels, par conféquent, il ne pouvoit être dérogé que par le R oi luijnêijie,
Le
�35
L e Chapitre prim atial, outre le recours dire£fc au R o i,1
avoit deux voies à prendre pour attaquer l’ordonnance,
au fonds & dans la forme. Au fonds, il avûit l’appel (impie ;
dans la fo rm e, l’appel comme d’abus. Ces voies de droit
font toutes deux autorifées par les loix civiles & cano
niques, & l’une ne nuit point à l’autre. En fuccombant
dans le premier appel, il pouvoit reprendre le fécond; il
pouvoit même ^es fuivre tous les deux en même tem ps,
d’autant mieux que ce n’étoient pas les mêmes Juges qui
devoient en connoître. Il eil confiant que l’appel fimple
a été interjetté. L e Pape a dû ou doit nommer des Commifïaires pour juger de cet appel en France : ainfi, à cet
ég ard , l’affaire eil encore pendante.
L ’appel comme d’abus, qui ne portoit que fur la forme
de l’Ordonnance, a été fuivi à laComm iffion intermédiaire.
M . PArchevêque avoit fait placer la caufe au rôle de la
S. Jean : le Chapitre fit les plus grands efforts pour l’en faire
retirer, mais il ne put jamais y réuflir;M . l’Archevêque avoit
fçu adroitement faifir l’inftaht où ce tribunal chancelant
alloit être anéanti, pour preffer le jugem ent, captiver le
fuffrage de Juges qui fe croyoient affurés p a r-là de toute
fa prote& ion, & enchaîner en quelque forte celui même
du miniftere public d’alors, au point de lui faire adopter
aveuglément dans toute leur étendue les conclufions abfurdes qu’il avoit ofé prendre. N o n , nous ne craignons pas
de traiter d’abfurdes des conclufions tendantes à faire dé
clarer abuiîves des Sentences arbitrales rendues entre des
Souverains, ( l’Archevêque & le C hapitre,) ou plutôt des
Traités de pacification fur leurs droits refpe&ifs dans l’éten
due de leur fouveraineté , dont les arbitres étoient S. Louis
E
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& le P ap e , & des Commiflaires nommés par eux. Mais
comment qualifier le jugement de ce tribunal, qui, adoptant
ces conclufions fans examen, déclare qu’il y a abus dans
ces traités de pacification? La poftérité qui l’apprendra fans
doute , & qui le verra de Tes y e u x , aura de la peine encore
à fe perfuader qu’il ait exifté un tribunal aflez aveuglément
complaifant pour cenfurer les aftions les plus juftes , pour
tenter d’infirmer des a&es auifi facrés, auifi foiemnels.
On infifte fur cet objet, parce que ces Sentences arbitra
le s, ces Traités de pacification, ou au moins plufieurs des
articles qu’ils contiennent, font une des parties intégrantes
de la caufe qui nous occupe aujourd’hui.
L e 2 Septembre 1 7 7 4 , M. l’Archevêque interjetta appel
comme d’abus de ces différentes fentences arbitrales. L e 5,
jour même du jugem ent, il refondit fes conclufions dans
une derniere R eq u ête, à laquelle on conçoit aifément que
le Chapitre n’a pas pu répondre, & qui eft devenue le mo
dèle du jugement. Un moment d’audience fut accordé ce
jour-là, non au Chapitre qui demandoit à être entendu
fur ces prétendus appels comme d’abus, mais à M . l’Arche
vêque lui-même.
Si la C o u r, lorfqu’elle a jugé en 17 7 5 la Requête civile
du Chapitre contre ce jugem ent, eût été inftruite de ces
faits , & d’une .multitude d’autres qui y font relatifs; iT
elle eût connu ces traités &: leur importance, &: les a&es
émanés de nos Rois qui les confirment ou y font relatifs;
fi le Magiftrat éloquent, M . l’ Avocat général Seguier, qui
porta la parole dans la caufe, Se défendit avec tant de zele
les droits du R oi en expofant ceux du Chapitre , d’après
le petit nombre de pieces qui lui furent remifes, avoit eu
�35
fous les yeux ces titres & ces a ile s , avec le développement
hiftorique qu’ils exigent , avec quelle force n’auroit-il pas
fait valoir la légitim ité, la validité de ces a ft e s , & les
droits du R o i qu’ils établirent auili authentiquement ? fi la
C our, difons-nous, avoit fu que les droits, les prérogati
ves particulières de l’Eglife &: du Chapitre primatial de
L y o n , font tellement unis & incorporés à ceux du R o i &
de la C ouronné, que rien ne peut jamais les en déta
cher ( i ) , elle ne fe feroit très-certainement pas détermi
née à rejetter la Requête civile du Chapitre.
Il faut que le public fâche que le Chapitre n’eft jamais
fuccombé dans aucunes conteftations que dans celles qu’il a
eues avec M . l’Archevêque de L yon , & qu’il n’y a fuccombé
que parce que les gens d’affaires de ce Prélat ont mis tant
d’adrefle & tant d’artifice, que jufqu’ici il a été impoiîible
au Chapitre de fe faire entendre valablement, & d’expofer
fes moyens de défenfes dans le jour dont ils font fufceptibles.
M. l’Archevêque de L yon a depuis pourfuivi vivement en
la Cour l’exécution de fon Ordonnance, quoiqu’il n’ignorât
point qu’elle fût attaquée par l’appel fim ple, & qu’elle étoit
une entreprife formelle fur les droits du R o i , en ce que les
( I ) Capitulum pradiclaque E c c h fia , tàm in. Capite quàm in membri* ,
ac edam juridicliones, poffcjjioncs & omnia alia bona . . . Capituli, fin i
in & de fa lv a gardia Regia fp e c ia li, ad caufam Corona Francia , & ad
diclam caufam in & immedialo rejforto R eg io , eracque fa lv a gardia & reffortum hujusrnodi taliter annexa juribus dieta Corona , quad à domatilo
Regio ullo modo dividi & feparari non debent nec pojjunt. Pcclaration
de
*359 } adreffée a u b aillif de Saint-Jean-G oux.
Eij
�ftatuts & la difcipline du Chapitre ont été confirmés par le
R o i, qu’ils font entrés dans le titre même de fa fondation que
le Chapitre tient du R oi ; M. ¡’Archevêque de L y o n veut
néanmoins changer ces ufages, donner un corps de nouveaux
ftatuts, & revêtir du fceau de fon autorité le petit nombre
d’articles des anciens qui feront confervés.
Le 1 5 Février 17 7 5 , il obtint un premier Arrêt par dé
faut : fur l’oppofition du C hapitre, formée à cet A rrê t, il en
obtint un fécond le 29 M ai fuivant, par lequel la Cour or
donna que, fans s’arrêter à l’oppofition du C hapitre, formée
au précédent A rrêt, il feroit exécuté : ce faifant, que dans
trois mois pour toutes préfixions & délai, le Chapitre feroit
tenu, fous peine d'être fa iji de fon temporel ( 1 ) , de rédiger le
le corps de fes fiat uts , & de les mettre en état d’être préfentés à
( 1 ) L a faifie du temporel du Chapitre prim atial, faite à la Requête
de M. l’Archevêque de L y o n , eft une atteinte à fon ferment ( 1 ) , au
Traité de cefïion de 13 0 7 , & aux déclarations de nos Rois concernant ce
traité, & obtenues en conféquence relativement à la faifie du temporel,
qui ne peut fe faire par qui que ce fo it, même pour faire exécuter les ar
rêts , fi ce n’eft pour des dettes claires & liquides, Nifiappofua fueritpro
dibitis liquidis. D u 19 Février 1 3 6 6 , du 7 Juillet 13 7 8 , 20 Juin 13 7 2 ,
6c 13 Juin 14 3 9 .
En 13 8 3 , Jean de Talaru , Archevêque de L yon , ayant fait appo
ser les fcellés & enfuite faifir les meubles d’un Chevalier de l’Eglife de
L y o n , le Chapitre s’adrefla au Parlem ent, par une R eq u ête, à l’effet
d’obliger le Prélat de donner main - levée de fa faifie, & de garder fon
ferment. Par Arrêt du 5 Septembre 13 8 3 , le Parlement prononça con
formément à la d e m a n d e du Chapitre. Voyez Mémoire du Chapitre ,
page 389 , l’Arrêt qui y eft rapporté en entier.
( 1 ) Voyez la formule de ce ferment, Mémoire du Chapitre, page 300.
�3oi
37
leur fupèrieur immédiat, pour être par lui approuves & confirmes f
J i faire fe doit ; être enfuite préfentés à la Cour & communiqués
à M . le Procureur général, pour être homologués : ordonné, en
outre , que pardevant le Lieutenant général de la Sénéchaujféc
de L y o n , il feroit dans deux mois procédé au partage des reve
nus de la menfe du Chapitre 3 pour être la moitiédefdits revenus,
les charges prélevées, affectée & employée aux diflribudons qui
feroient faites chaque jou r & par chaque office à ceux qui y au*•
roient ajfiflé y les états, titres, baux & renfeignements que le
Chapitre feroit tenu de repréfenter ; dans lequel partage feroient
compris les revenus des biens de campagne , terres & héritages
qui peuvent avoir été donnés & attribués aux prébendes , ou à
aucuns du Chapitre.
'
M . l’Archevcque de L y o n auroit pu fe contenter de cet
Arrêt qu’il avoit obtenu, fans donner au Chapitre le temps
de fe défendre valablem ent, vu la multiplicité des objets
qu’il avoit fait entrer dans fes conclufions ; mais ce Prélat
vouloit fe préparer d’avance des moyens d’en impofer à la
Cour & au Public, en difant de toutes les conteilations pen
dantes entre lui & le Chapitre: Ceflchofe jugée. Il a réuffi.
On répété fans cefîe aujourd’hui dans le public comme le
refrain d’une chanfon, C e fl chofeju g ée, toutes les fois qu’on
entend parler de l’affaire du Chapitre de Lyon . M. de Montazet cherchoit donc à obtenir arrêt fur arrêt fans néceflité ,
uniquement pour écrafer enfuite le Chapitre du poids de leur
autorité, & jetter dans l’eipritdesM agiftrats de la défaveur
contre ce Chapitre.
A ceteffet il obtint un troifieme Arrêt le i o Janvier 1 7 7 6 ,
par forclufion contre le C hapitre, qui ne cherchoit pas cer
tainement à éluder par là l’autorité du Parlement, comme on
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l ’a fait plaider, mais qui attendoit des circonftances plus
heureufes pour fe faire relever par les voies de droit.
La multitude prodigieufe des difpoiïtions de cet Arrêt met
le Chapitre dans l’impoffibilité morale de fatisfaire jamais à
la quatrième de fes difpoiïtions dans un moindre délai que
celui de dix ans, & avec des dépenfes énormes qu’il eft diffi
cile d’apprécier : on ne craintpas de trop avan cer, en difant
qu’elles excéderoient un demi-million ; & ce qui paroîtra
bien étonnant, c’eft que M. PArchevêque de L yo n brufquoit tellement ces délais, qu’il demandoitpar fes condu
irons qu’il n’en fût accordé que huit jours ( i ).
( i ) Notredite Cour ayant aucunement égard aux Requêtes dud. M alvin
de M ontazet, ordonne encore que dans deux m o is, à compter du jour
du préfent A r r ê t, lefdits du Chapitre de L yo n feront tenus de rédiger
le corps de leurs ilatuts, & de les mettre en état d’être préfentés à leur
fupérieur im m édiat, pour être par lui approuvés & confirm és, fi faire
fe doit ; être enfuite préfentés à notredite Cour & communiqués à notre
Procureur général, pour être homologués , fi faire fe doit ; finon & à
faute de ce faire dans ledit temps & icelui paffé , en vertu du préfent
a r r ê t, & fans qu’ il en foit befoin d’autre', ordonne que tous les revenus
dudit C hapitre, fans exception quelconque, feront faifis à la Requête
du Promoteur de l’Officialité de L y o n , que notredite Cour commet à
cet effet, comme aufli au partage des revenus de la menfe dudit Chapi
tre; en conféquence que dans un mois, à compter du jour du préfent A r
rêt, lefdits du Chapitre feront tenus de fournir & depréfenter pardevant
le Confeiller-Rapporteur, un nouvel état figné & certifié par eux vérita
ble , dans lequel feront détaillés , article par article, les différents reve
nus du Chapitre , tant ceux qui font communs auxdits du C hapitre, que
ceux qui font propres aux D ign itaires, & affeélés à aucuns defdits du
Chapitre par rapport à leurs prébendes, tels que loyers des maifons 6c
autres
revenus.
�3o £
39
M . l’Archevêque de L yon ne fit point mettre fur le champ
ces arrêts à exécution: c’étoit une arme deréferve qu’il avoit
Ordonne pareillement que dans ledit état, feront diftingués &c fpécifiés les différents produits des obéances &c m aniions, des dire&es affer
mées ou qui font régies par les Prépofés du C hapitre, des penfions,
rentes foncières, feigneuriales Si conftituées , des dîm es, des biens des
deux menfes de l’abbaye de PIfle-Barbe, des locations de maifons ou
boutiques , des péages, caitelages, couponages 5c autres droits de cette
nature, des droits cafuels ôt éventuels, tels que lods & ventes , mi-lods
& reliefs, & généra'-ament tout ce qui compofe les revenus dudit C ha
pitre , fans réferve ni exception.
Ordonne que lefdits du Chapitre porteront dans ledit état toutes les
charges, tant ordinaires qu’extraordinaires, qu’ ils ont à acquitter ; dé
tailleront &c diftingueront chaque efpece de charges, telles que les ré
parations , fournitures de liv re s, ornements Ô£ vafes facrés dans les
Eglifes dont ils font Décimateurs , l’entretien des trois Eglifes qui compofoient l’Eglife primatiale ; ce qu’il en coûteauxdits du Chapitre pour
les enfants de chœur & les maîtres prépofés à leur inftrutlion, pour les
c lercs, habitués 6c autres qui forment le Clergé inférieur de l’Eglife
prim atiale, la quotité des diftributions qu’ ils répartifient à leurs mem
bres pour l’aiTiilance au fervice divin ; les dettes du Chapitre , tant
viagères que perpétuelles, les arrérages qui peuvent en etre dus ; l’objet
de la conftitution de chaque dette, & généralement toutes autres charg e s , même celles qui font propres aux Dignitaires Si aux obéances 6c
inanfions.
Ordonne q u e lefdits du Chapitre feront tenus, dans le même délai ,
de repréfenter pardevant le Confeiller-Rapporteur, en originaux ou en
forme probante & non en fimples extraits, tous les titres, contrats,
tran fa& io n so b lig a tio n s, contre-lettres, baux à ferme ou à lo y e r , gé
néraux ou particuliers, les doubles des comptes généraux Si particuliers
qui leur .ont été rendus depuis dix ans par leurs R eceveu rs,
ou ^ é p o f é s ,
A g en ts
des extraits authentiques des comptes antérieurs juf-
�40
en Tes mains pour faire fléchir le Chapitre devant fes volon
tés, & dont il feroitufage au premier a& e de réiîftance
qu’il éprouveroit.
L ’occafionfe préfenta bientôt.
L ’affaire du nouveau Bréviaire & de la Liturgie paroiffoit
affoupie ; le Bréviaire avoit été refufé par le Chapitre en
connoiflance decaufe, le 1 1 Juillet 17 7 2 . On a vu que le feu
R o is’étoit même réfervé la connoiflance de toutes les conteftations qui depuis s’étoient élevées à ce fujet: cependantmalgré le refus du Chapitre, & nonobftant la réferve du feu R o i,
M . l’Archevêque de L y o n crut qu’il pouvoit rendre public
fon nouveau Bréviaire. l i a doncpris furluide le publier, fans
avoir préalablement demandé de Lettres patentes , pour
être enregiftrées à la Cour ; formalité indifpenfablement requife parles loix du royaume & p a r la jurifprudencedetous
ques à trente an s, pour ce qui concerne les droits cafuels, dépendans
de leur direfte 6c feigneurie, 8c généralement tous les renfeignements
néceflaires & propres à conftater le montant des revenus & charges,
tant du Chapitre que des dignités , ’obéances 6c m aniions; &c de fepur
ger par ferment, devant le Confeiller-Rapporteur, qu’ ils ne cachent Sc
ne retiennent directement ni indire&ement aucuns des titres 6c pieces qui
peuvent fervir à la fixation des revenus & charges de la menfe commune
du Chapitre 6c de celles des dignitaires ou prébendes particulières. O r
donne que lefdits états, b au x, titres, comptes 6c renfeignements feront
communiqués audit Antoine M alvin de M ontazet, pour par lui faire ,
dire Sc requérir ce qu’ il avifera bon titre. Ordonne que faute par lefdits
du Chapitre de L yo n de fatisfaire , dans le délai ci-deiïus fixé , aux difpofitions du préfent A rrô t, tous les revenus dudit C hapitre,
fans aucune
exception, feront pareillement faifis en vertu du préfent A rrê t, à la R e
quite du Promoteur de l’Officialité de Lyon.
les
�41
l^s tribunaux. L ’Ordonnance qu’il donna pour la publication
de ce Bréviaire cil datée de Paris , de Ton Palais abbatial de
Sain t-V i& or, le 2 Novembre 17 7 5 ; il enjoint au Clergé féculier & régulier de ion diocèfe de fe fervir exclufivement
de ce Bréviaire , à commencer du premier A vril, lors pro
chain.
L e Chapitre n’avoit point concouru à la confection du nou
veau B réviaire, lÿ confenti à fa publication; confentement
iiidifpenfablement néceifaire félon toutes les loix : mais rien
n’étoit capable d’arrêter M . l’Archevêque de Lyon. Il tente
d’établir un nouvel ufage dont jufqu’ici il n’y a point eu
d’exemple ; c’eft de regarderie concours & le confentement
du C hapitre, qui eft à cet égard le repréfentant né de tout le
Clergé du diocèfe, comme inutile; & comme une formalité
fuffifante, de prendre feulement fon avis fans être tenu de
le fuivre : Petito venerabilium fratrum nojlrorum Decani &
Ecclefioz nojlrce primatialis Canonicorum Çomitum Lugdun 'i
confdio.
Cette publication nécefïïta une démarche nouvelle du
Chapitre. L e 16 Janvier 1 7 7 6 , 1 e comte de M ontjouvent,
D o y e n , rendit compte à la Compagnie de tout ce qui s é toit paifé relativement au nouveau Bréviaire & à la Litur
gie. L a matiere mife en délibération, larrete du 1 1 Juillet
77
i
2 >portant refus du Bréviaire, fut confirm é, le nouveau
Bréviaire & Ja, Liturgie furent de nouveau rejettés unani
mement.
Alors M . lJArchevêque de L yo n crut qu’il étoit temps de
foire ufage de l’arme qu’il avoità la main pour répandre la
terreur & l’effroi parmi les Chanoines-Comtes, en ne laiifant entrevoir au Chapitre que fa ruine ou fa deftru£H°n »
F
�•
t
+
4
2
s’il periîftoit clans fa réiiftance : il fit donc exécuter les Ar
rêts de la Cour avec la dêrniere rigueur. On vit à fa re
q u ê t e , tous les revenus du Chapitre faifis à grands frais, par
une multitude d’H uiiîiers, dans tous les lieux où ces biens
étoient ixtués. Ces faiiies commencèrent le i er Avril : c’étoit le Lundi-Saint. Elles furent continuées pendant les
autres jours de la même femaine & ceux de la fuivante, à
l’exception du lundi.
C en ’eft pas tout; il falloitpourvoir au paiement desHabitués & des Serviteurs de l’Eglife de L yo n , & c . & indiquer aux
fermiers du Chapitre un féqueftre entre les mains duquel ils
puiTent p a y e r, & qui eût la confiance du Prélat j M . l’Ar
chevêque obtint à cet effet un quatrième Arrêt fur requête ,
par lequel il lui eft accordé tout ce qu’il lui a plu de de
mander : il nomme féqueftre le régilleur général du tem
porel de l’Archevêché , auquel il attribue les pouvoirs les
plus étendus touchant la régie & adminiflration des reve
nus du C hapitre, & ordonne qu’il fera payé annuellement <S"
par quartier de trois mois en trois m ois, à chacun defdits
du Chapitre y la fomme de cinq cents livres , pour leur nour
riture & entretien, moitié de laquelle fera à imputer fu r le gros y
& l ’autre moitié fu r les diflributions quotidiennes , pour l ’affiflance de l'Ojfice divin.
On obferve q u e, depuis François I , la connoiiîance des
conteftations fur les ftatuts , le régime & la difripline par
ticulière du Chapitre feulement, avoit été attribuée ¿1 un tri
bunal fouverain , la Cour reftant toujours faifie de toutes
les autres conteftations. Cette attribution eit entrée dans le
titre même de la nouvelle fondation du Chapitre , qui a
été autorifé par l’une & l’autre puiffance. La Bulle du pape
�43
Clément V II n’a. été donnée que fur la fupplique même de
François I , qui l’a revêtue enfuite de Lettres-patentes, dans
lefquelles il a réglé cette attribution, en les adreffant au
tribunal qui les a enregiftrées en 15 3 5 .
Le Chapitre, dans ces circonftances, a cru pouvoir s’adrefler à ce tribunal pour lui demander d’ordonner l’exécu
tion des traités, fentence arbitrale & ftatuts hom ologués,
& c . C e tribunal a^ordonné, fans avoir égard au Jugement
du 5 Septembre 17 7 4 , l’exécution des Lettres-patentes qu’il
avoit enregiftrées, & des Arrêts qu’il avoit rendus en conféquence. D e la contrariété de ces Arrêts & de ceux de la
C o u r, que M. l’Archevêque a obtenus fur requête , fur les
mêmes objets, s’eft formée une inftance a&uellement pen
dante au Confeil du Roi.
Le Chapitre primatial a cru qu’il ne devoit point perdre
l’efpérance tant qu’il lui reftoit des. moyens de réparer le
m al: on lui a fait appercevoir que la loi venoit à fon fecours, & lui préfentoit une reifource contre les Arrêts qui
le bleffent ; c’étoit d’en demander la caflation au Confeil
du R oi. Il l’a demandée. M . le Garde des Sceaux a même
répondu la requête, qui a , par ce m oyen , une date cer
taine
de forte que l’expiration des délais fixes pour les
demandes en caflation par les règlements du C o n feil, n’eft
plus à craindre.
Voilà quel a été l’état de cette grande affaire jufqu’au
mois de Juillet 1776 .
L e but de M . l’Archevêque de L yon e ft , comme on l’a
v u , de renverfer la Liturgie de l’Eglife primatiale. Remet
tons devant les y e u x , en racocurci,l’ordre des moyens qu’il
a em p loyés.,
...
F ij
-
�44
D ’abord M .Ï ’Archevêque de Lyon , ne pouvant vaincre*
h réfiitance du Chapitre, imagine de le chicaner fur fa dis
cipline intérieure : le Chapitre n’eft: pas ébranlé. On ufs
de menaces : ces menaces n’effrayent point une Com pagnie
peu faite pour en efïuyer de femblables. Que fait alors le
Prélat? H porte des plaintes au feu R o i : il le faiiit perfonnellement de la connoiffance de cette affaire ; & , tandis*
qu’il s’occupe à préfenter des mémoires fur l’objet du Bré
viaire, tandis que le Chapitre attend dans une refpeflueufe
inaftion la déciiion du fouverain, tandis qu’il eût regardé
comme un crime de donner la moindre fuite aux oppoiîtions qu’il a form ées, c’eft alors que M. l’Archevêque de
L yo n redouble d’efforts, oublie que le R o i eft faiii de l’a f
faire fur fes propres initances, va même jufqu’à nier quelle
fait foumife à fa décifiott, & fait arrêter par le Bureau diocéfain, qui n’eft qu’un infiniment qu’il tient en fa main ,
que le Bréviaire fera imprimé , qu’il le fera aux frais du
Clergé , tandis qu’il eft encore indécis aujourd’h u i, (au moisde Juillet 17 7 7 ) il ce Bréviaire doit jamais avoir lieu dans
l’Eglife de Lyon.
Un feul membre du Bureau' pouvoit contredire le Prélat
& ramener les efprits par la force de fes raifons : on l’écarte
comme partie j-& c’eft la vraie partie elle-m êm e, M . l’A rchevêque, qui l’oblige de fe retirer, pour refter maître pa*lù de la délibération. D es oppoiïtions fondées- & légitimes
dévoient fufpetidre au moins la délibération r on les mé4prife , on les outre-paiTe. Le refpeft pour l’autorité du R oi
pouvoit faire impreifion fur les efprits; & M. l’Archevêquc
de Lyon affure la Chambre qu’il n’y avoit point de contefÜations formées devant le R o i } relativement au nouveau
Bréviaire,
�45
L e Chapitre proteile de nullité contre tout ce qui fe fait
au Bureau diocéfain ; & ce Bureau, docile à fon Prefident,
pafle outre, & prononce définitivement. Le Chapitre ap
pelle comme d’abus de la délibération ; & M. l’Archevêque
fait anticiper fur cet a p p el, comme s’il eût été fimple , en
la Chambre fouveraine , q u f eft incompétente. L a Cham
bre fouveraine, telle quelle étoit, pouvoit rejetter la dé
libération :'M . l’Archevêque la décompofe , ne conferve
que trois des anciens membres qu’il connoît dévoués à
fes ordres, & en nomme fept autres ad hoc, qu’il choifit
dans le moment. Il ne pouvoit pas fe diffimuler l'irrégu
larité de toute cette conduite : pour la faire perdre de
vue , il veut réformer le Chapitre fur fa difcipline, & atta
quer fa jurifdiélion, puis le décrier par la publicité du réquifitoire & de fon Ordonnance. On plaide fur l’abus de
cette Ordonnance ; & il faifit avec empreifement cette occafion pour étendre même fes droits au préjudice de ceux
du Chapitre, &: enfuite fe prépare d’avance plufieurs Arrêts
pour l’écrafer fous le poids de leur autorité.
Il croit pouvoir alors publier fon nouveau Bréviaire ; mais
le Chapitre perfifte dans fon refus. Pour l’en punir,il faitfaifir
tous fes revenus, à grands frais, fe flattant peut-être qu’en lui
•coupant ainfi les vivres, & enréduifant chacun de fes mem
bres à une modique fomme de cinq cents livres par an, il le
forcera à fe départir de fa réfirtance ,
accepter enfin fa
nouvelle Liturgie; comme fi les Comtes de L y o n pouvoient
être capables d’abandonner lâchement leurs droits, & lk
gloire du Chapitre & de l’Eglife de L y o n , par d’auifi viles
confidérations ! Et il réfulte de toute cette conduite, que
le Chapitre qui aima toujours la* p a ix , ¿k qui * jufquà M.-
�4<S
FArchevêque de L y o n , n’a fuccombé dans aucun procès,
fe trouve chargé à la fois de deux appels comme d’abus au
Parlement ; au Confeil du R o i, d’une inftance en con
trariété d’Arrêts de différens tribunaux, d’une fécondé en
çaflation , & enfin d’un appel ad Apojlolos.
SECONDE
ÉPOQUE.
Il étoit difficile que les chofes reftaiTent long-temps dans
.«ne crife auili violente; les revenus du Chapitre n’étoient
faiiîs que parce qu’il perfiftoit dans fon refus d’admettre la
nouvelle Liturgie , & M. l’Archevêque de Lyon ne laiffoit
pas ignorer q u il donneroit la main-levée, fi fa Liturgie nou
velle étoit reçue.
Dans ces circonftances une voie de conciliation s’eft ou
verte au mois de Juin 17 7 6 : le Chapitre ne l’avoit nifufcitée
ni recherchée; il l’afaifie néanmoins avec empreiTement,fe
flattant qu’elle pouvoit opérer enfin une paix durable. Rien
certainement ne pouvoit la mieux cimenter qu’un accomodement; mais la difficulté , le point vraiment embarraflant,
étoit d’y amener les efprits, & de le faire confentir par tous
ceux qui y avoient intérêt. Malheureufement les moyens
employés pour y parvenir n’étoient ni convenables, ni régu
liers , ni même fuffifants.
M . FArchevêque d’Embrun crut pouvoir, de lui-même, fe
préfenter pour être médiateur entre M* Archevêque de
jLyon & le Chapitre primatial : dans fa lettre qu’il écrivit
au Chapitre , pour lui offrir fes bons offices à cet effet, il
lui marque que le hafard l'a conduit dans cette négociation ,
1
& qu’il y voit affuré un fuccès qu’il n’ofoit efpérer ; il
�OH
I
47
lui envoie en même temps un certain nombre d’arti
cles qui devoient form er, difoit-il, la tranfa&ion qu’il projettoit.
Ileftbo n d ’obfeverqueM . l’Archevêque d’Embrum n’étant
inftruit des conteftations que par M. l’Archevêque de L yo n ,
ne connoiffant pas d’ailleurs la conftitution politique ni les
droits du Chapitre primatial, puifqu’il ne craint pas de lui
marquer qu’i^ refteroit tel qu’il étoit auparavant, d’après le
projet de conciliation qu’il avoit conçu, tandis que d’après ce
même projet l’état du Chapitre eft réellement & véritable
ment changé , les articles du projet d’accommodement ne
peuvent avoir étédreifés que par M . l’Archevêque de L y o n
lui-même ; ils fo n t, en effet, entièrement à fon avantage.
M . l’Archevêque d’Em brun, dans fa lettre, difoit aux
membres du Chapitre : Aye^ la bonté, Meffieurs, de pefer &
d?examiner les articles qui ont été dreffés de concert ; fuppofe^
que vous les approuviez, comme je l’efpere, il nefera plus quef*
don que de dreffer une tranfaction, quon fera revêtir de Lettres
patentes, pour lui donner la fanclion de la loi.
M . l’Archevêque d’Embrun eft dans l’erreur; la formalité
des Lettres patentes ne fuifit pas : le Chapitre de L y o n étant
de fondation ro y a le , on ne peut en aucune maniéré traniîger fur fon état, ni procéder à fa réformation, ni modifier
fa conftitution politique, qu’en vertu d’une volonté expreffe
du R o i , & d’une autorifation fpéciale préalablement ac
cordée.
L on vous préfentera, ajoute-t-il , le modele dûune procura-'
tioti illimitée ; il efl décent quelle paroijfe telle aux yeux du
public : mais j ’y vais mettre des reflriciions qui dijftperont toute
efpece de crainte. . . ,
Il ajoute : J e donne ma parole d ’honneur que j e ne flgnerat
�’
48 "
rien qui ne foit absolum ent conforme aux articles que M M . vos
Députés vous mettront fous les y e u x , & que votre régime, re
lativement à la diflribution de vos revenus y ne refie tel qu il efl ;
j e confens même que la procuration foit nulle & de nul effet y
fuppofé que je ne remplijfe pas mes promejfes : tous mes pou
voirs fe réduiront donc à fîgner ce que vous aure^ approuvé, &
rien de plus.
L ’on fera bientôt informé qu^aucune de ces conditions
aucune de ces promeifes n’a été remplie.
Que n’eft-il permis de diiTimuler ici, de livrer à uji éter
nel oubli le germe & les fuites funeftes des divifions qui
déchirent maintenant le Chapitre primatial; divifions occafionnéesuniquement par cette fatale négociation? L ’intérêt
d£ la caufe ne le permet pas; il exige impérieufement qu’elles foient connues, puifque ce font ces mêmes divifions qui
y donnent lieu. Mais en les failant connoître, en faifant
valoir les moyens qui les détruifent, le Comte de Montjou• vent & les autres Appellants comme d’abus ont devant les
y e u x , & la franchife, & la loyauté , & lanobleiTe qui les
diilinguent : ils ne s’écarteront pas du cercle étroit que
l’honneur leur a tracé. Ils plaident contre des adverfaires eftimables qui font dans l’erreur : ils ont d’autant plus ménagé
les perfonnes, qu’ils ne cherchent qu’à dévoiler cette erreur
funeite , & à faire des efforts pour les amener à la recon
noitre & à l’abjurer efficacement. Le véritable honneur
confifte, lorfqu’on a fait une fauffe démarche , à la recon
noitre & à revenir fur fes pas.
L e Chapitre primatial defiroit fincérement la conciliation
projettée. Il efl; compofé de trente-deux membres ; mais de
ces membres, les uns vouloient y arriver de quelque ma
nière que ce fu i, les autres 11e vouloient employer que des
moyens
�49
moyens réguliers & dignes du Chapitre. L e germe de la
divifion paroît s’être formé à Paris : fix Chanoines-Comtes
partirent exprès de cette ville en pofte, pour former la plu
ralité , & parvenir à une conciliation quelconque. Deux
d’entr’eux , qui depuis ont reconnu l’imprudence de cette
démarche, ont cru devoir fe féparer, pour ne point influer
dans ce qui pourroit en réfulter : ils ne font point en caufe -,
ils n’ont pris, ain^x que pluiieurs Chanoines-Comtes , aucun
parti dans la conteftation préfente.
Le 10 Juillet 17 7 6 , le Chapitre aifemblé pour délibérer
fur la lettre de M . l’Archevêque d’Em brun, s’eft trouvé divifé fur l’étendue des pouvoirs demandés : de vingt capitu
lants , onze ont été d’avis de les donner illimités , avec une
procuration cum libéra ; les neuf autres ont protefté contre
cette étendue illimitée, appuyant leur proteftation fur les dé
libérations antérieures, dontiln’étoitplusaupouvoirdu Cha
pitre de fe départir , fans manquer à tout ce q u ily a pour lui
de plus cher & de plus refpeclable.
L a conclufion capitulaire, formée à la pluralité de deux
voix feulement, a été de prier le Prélat de vouloir bien agréer
les pouvoirs du Chapitre , à l ’effet de traiter & terminer, ainfi
q u il aviferoit bon être, avec M . üArchevêque de L y o n , toutes
les difficultés & conteflations nées & à naître entre leditfeigneur
Archevêque de Lyon & ledit Chapitre, tant fu r le fpiritucl, que
fu r le temporel, circonflanccs & dépendances, & fans aucune
exception ni réferve y promettant d ’avoir pour agréable tout cc
qui fera f a i t , arrêté & conclu par M . l ’Archevêque d ’Embrun i
de l approuver, ratifier & exécuter, comme s’il avoit été fa it ,
arrêté fi» conclu par ledit Chapitre, fans qu’il foit befoin d’autre
pouvoirfpécial} voulant que ces prêfentes en tiennent lieu.
Les neuf capitulants qui ont limité l’étendue des pouvoirs
G
�5°
donnés, ont excepté expreffément ceux qui concernoient
les nouveaux Livres liturgiques : Ils penfent, eft-il dit dans
cet avis , que le Chapitre ne peut en aucune maniéré les recevoiry
par les raifons expliquées dans fon acle capitulaire du i l Juillet
i j j z , ainji que dans fa lettre du même jour à M . l’Archevêque
de Lyon , & dans un fécond acte capitulaire du 1 6 Jahvier der
nier: ils ont lieu de croire que M . IArchevêque d’Embrun ayant
fous les y e u x ces trois pieces qui lui ferontpréfentées, jugera que
de toute façon il efl convenable que le Chapitre fe conforme à ce
qu’il a mûrement délibéré à deux différentes reprifes d’une voix
unanime, & ne s’écarte pas des devoirs impofés par la religion ;
il efl bien certain qu’avant ces. deux délibérations , le Chapitre
n aurait rien pu faire de m ie u x , s’il en eut été à même , que de
s ’en rapporter à la dêcifion de M . VArchevêque d’Embrun , fu r
les objets quiy font difeutés & arrêtés ; mais dans la circonflance
préfente i l ne peut revenir fu r fes pas} fans manquer cl tout ce
q u il a de plus cher, & ce qu’il y a pour lui deplus refpeSable.
Par délibération du même jour 10 Ju illet, le Chapitre
continua la députation des Comtes d’U zelles, grand-Archidiacre,& de Montmorillon,Chamarier, & les autorifa à iigner
les articles qui auroient été arrêtés entre M M . les A rchevê
ques de L yo n & d’Em brun, pour être enfuite envoyés au
Chapitre , à l’eiFet d’être approuvés & confentis.
L e Chapitre, qui vouloit fincérement la paix , avoit
eu l’attention de choifir ces deux Députés dans les deux
partis oppofés : ces Députes ont continué d’être chargés
jufqu’à ce jour des intérêts du Chapitre, qui les a tenus
l’un & l’autre pour préfents, comme iHpulant Tes droits
à Paris.
Par les délibérations du 10 Juillet 17 7 6 , le Chapitre pri
matial a donné à M . l’Archevêque d’Embrun des pouvoirs
�M
51
en apparence illim ités, m ais, dans le vrai, circonfcrits par
lui dans Ton acceptation & même par le Chapitre : ils fe
réduifent à iigner les articles du projet de tranfa&ion, qui
auroient été préalablement iîgnés des deux Députés du
Chapitre à P a ris, & enfuite approuvés & confonds par le
Chapitre.
Sans examiner ici la régularité & la validité de ces pou
voirs, il fuffira^d’obferver que M . l’Archevêque d’Embrun
les a outre-paffés de toute m aniéré, qu’il n’a pas même fuivi
la route qu’il avoit tracée, ni rempli les conditions qu’il y
avoit appofées lui-même; car il a traité feu l,fan sla partici
pation des Députés , avec M. PArchevêque de L y o n ; il a
iigné feul le projet & les articles de tranfaftion, fans que
les Députés y aient eu aucune part ; ils n’ont pas même été
informés de ce qui fe palfoit entre les deux Prélats.
Il paroît que le 26 Août fuivant, M . l’Archevêque de
L yon promit trois chofes dans un écrit figné de lui : il eil
important de le faire connoître.
J e promets , dit ce P rélat , 1 0 , de ne point m’oppofer à ce
que le Chapitre de Lyon obtienne au Parlement la conservation
de fes ufages fu r la maniéré de partager & dijlribuer fes gros
fruits; pareillement de ne point m’oppofer à ce que ledit Chapitre
obtienne du même Tribunal tous les adouciffements q u i l pourra
demanderpar rapport à l ’acquit de fes dettes , & même que j ’em
ploierai mes bons offices en fa faveur fu r l’un & l'autre objet.
z° D e folliciter auprès de S a M ajejlé pour tous les Chanoines-Comtes} la permijjion deporterune plaque affortie à leur cor
don, & de plus, l ’habit Ionien violet dans le lieu deleur rcfulence.
3 ° D e n i employer à l'effet de procurer au Chapitre des rej-
fourcespour la décoration de l’E glife primatiale.
On s abftient de faire aucune réflexion fur ces promeiTes
G ij
�5*
de M. PArchevêque de L yon ; perfonne n’ignore que des
promettes de cette efpece ne peuvent jamais être lamatiere
d’une tranfaéHon, ni un motif déterminantpour le Chapitre,
d’accepter une nouvelle Liturgie.
Il paroît encore que le même jour 26 Août les deux Pré
lats foufcrivirent en outre un projet de tranfa&ion, rédigé
en dix-fept articles j & ce qui eil bien fingulier, c’efl: que la
premiere des promeiTes de M. l’Archevêque de Lyon qu’on
vient de lire , eft entièrement contradi&oire avec le troiiieme de ces articles, qui p orte, Que dans le délai de trois
mois le Chapitre fera tenu de faire prononcer définitivement
par Arrêt du Parlement le partage des revenus dudit Chapitre,
pour la moitiéy toutes charges déduites, être affectée aux diftribudons quotidiennes & l ’autre moitié aux gros fruits : auquel
«ffet ledit Chapitre fournira inceffamment tous les tableaux &
états de fes biens & charges, ainji que les pieces & renfeignements néçeffaires pour parvenir audit partage.
Dans ce projet de tranfa&ion, M . l’Archevêque de L yo n
parle en m aître, qui veut être obéi : il y donne la loi au
Chapitre, il le force d’accéder à fes volontés, d’accepter
fes nouveaux livres liturgiques, & l’oblige à fixer déterminément dans une délibération le temps où il commencera
à en faire ufage. Il faut lire fur-tout l’article 4 qui contient
ces diipoiîtions : Que le Chapitre fera tenu de prendre les
nouveaux livres liturgiques publiés par M . VArchevêque de
L y o n , fçavoir} le M iffe l, le B révia ire, le Procefjionnal, 6*
y« en même temps il introduira pour l avenir Cufage des livres
de chant dans le chœur; que néanmoins3 avant Vexécution dudit
engagement, le Chapitre remettra à M . VArchevêque de Lyon
les obfervations qu 'il croira avoir à faire fu r le nouveau B ré
v ia ire, à la charge i ° que les obfervations dudit Chapitre
�3 //
53
feront remifes dans le courant d’un mois au plus tard, & ne
pourront tomber fu r rien de ce qui ejl tiré des Bréviaires de
Lyon & de Paris ; z° q u i l fera flatué irrévocablement fu r
lefdites obfervations par M M . les Archevêques de Lyon &
d ’Embrun ; 30 que les changements & retranchements qui
pourroient être convenus entre les deux Prélats n auront lieu
que dans une nouvelle édition du Bréviaire déjà pu blié, fa u j
audit Chapitreyz les inférer dès à préfent par des canons dans
les exemplaires de l'édition actuelle dont il fe fervira.
C et article, rapproché des articles 5 & 12 , fait voir que
ce n’eft qu’en recevant la Liturgie nouvelle que la main
levée de la faifie du revenu du Chapitre fera donnée.
Article 5. Que tout de fuite le Chapitre formera une déli
bération par laquelle, en acceptant les nouveaux livres litur
giques , il fixera F A vent de la préfente année pour commencer
à en faire ufage, & que ladite délibération ne contiendra que
les claufes & articles convenus entre les deux Prélats.
Article 12 . Que dès que le Chapitre aura nommé des Commiffaires pour la confection des flatuts, q u il aura produit les
états & pieces néceffaires pour procéder au partage de fes re
venus y ainfi qu i l a été dit ci-deffus, & qu il aura fa it remettreà M . VArchevêque copie de fa délibération pour l ’acceptation
des livres liturgiques, M . VArchevêque de Lyon confentira à
ce que main-levée de la faifie faite fu r les biens dudit Chapitre
lui foit accordée fu r la requête que ledit Chapitre préfentera à
cet effet au Parlem ent, en , par ledit Chapitre de fon côté,
faifant fignijier à M . l'Archevêque de Lyon fo n défiflement
de l oppofition par lui formée à l ’Arrêt du Confeil qui a caffé
l Arrêt du Grand-Confeil du g Février dernier.
Peribnne n’ignore qu’un afte fous fignature privée doit,
pour etre valable, être fait double} que chaque double doit
�$1»
54
être tellement conforme, que la moindre différence qu’on
y découvre vicie l’a £ le , le rend nul & fans effet. Or les
deux doubles de la prétendue tranfa&ion {ignée de M M . les
Archevêques de Lyon & d’Embrun, ne font point con
formes. Dans le double dépofé au fecrétariat du Chapitre
de L y o n , l’article deuxieme eft rayé d’un trait de plum e,
& en marge eft une difpofition toute différente du contenu
en cet article ; & il paroît que dans celui refté entre les
mains de M. l’Archevêque de L yo n il n’y a aucune radia
tion , ni aucune correftion marginale.
V o ici l’article deuxieme , avec la corre£Kon marginale
pris fur du procès-verbal de com pulfoire, fait en vertu d’un
Arrêt de la Cour du 25 Février dernier.
Sur l’article de la réfidence , il a
i ° . Que par l’un des articles defd. Statuts,
té convenu entre M. l’Archevêque
la réfidence fera fixée à neuf m ois, fuivant
e L yo n & M . PArchevêque d’Ein-
la jurifprudence canonique du royaume ; &
que , conformément aux anciens ufages du
C h apitre, les Chanoines-Comtes qui n’au
ront pas réfidé fix m ois, & dont la réfidence
n’aura pas été conftatëe par l’aififtance à un
grand office au moins par chacun jour defd.
ru n , que le Chapitre s’adreileroit
u fouverain Pontife ; qu’on le fuplieroit de confirmer par une Bulle,
l’exemple de fes prédécefleurs ,
ufage où le Chapitre a toujours été
.e réfider fix mois ; & que M. l’ArhevOque de L yo n concourra , de
out fon pouvoir , pour obtenir
:ette Bulle.
» A côté dudit article porté en marge,
pfe trouve un paraphe antérieur, & en1 fuite ces mots : J'jpprouve le changement
» ci à côté, t P. L. Arch. Prin. d’Embrun.
fix m oi$, feront la premiere année privés de
la moitié de leurs gros fruits, de la totalité
la fécondé année ; 8c qu’en cas de défaut de
réfidence une troifieme année, il fera libre
d’y procéder contre eux par les formes de
droit.
» On obferve que cet art. a eft barré dans toute fon éten» due d’un feul trait de plume ; & qu’en marge dudit arrêté ,
» vis-à-vis ledit art. 2 , fe trouve en petit carailere ce qui eft
» ci-deffus : Sur Varticle, &c. »
�55
On a vu que M . l’Archevêque ¿ ’Embrun n’avoit point
communiqué les articles du projet de tranfa8ion aux députes
du Chapitre à Paris, lefquels, par conféquent, n’avoient pu
les figner, ni les faire paiTer au Chapitre. On vouloit ce
pendant qu’il les approuvât, qu’il les acceptât ; mais la dif
ficulté étoit d’arriver jufques-là.
A ux Chapitres généraux de laTouiïaints 17 7 6 , M . l’Archevêque d’Ejnbrun étoit à L yon : il crut pouvoir, fans fe
com promettre, folliciter auprès de chacun des membres du
Chapitre pour les déterminer à approuver & à ratifier l'on
tra v a il, à leur tracer même (la route qu’ils devoient fuivre,
pour donner enfin à M. PArchevêque de Lyon toute la fatisfa&ion qu’il demandoit. On ne craint pas de dire que
les difcours de ce Prélat fervirent à déterminer plufieurs
Chanoines-Comtes qui, jufqu’à ce m om ent, avoient été
inébranlables dans leur attachement à l’ancienne Litu rgie,
aux Rits & ufages anciens de l’Eglife primatiale.
L e 12 N ovem bre, le Chapitre aiTemblé, fe trouva compofé de vingt-trois Capitulants : treize contre dix arrêtèrent
d’accepter les nouveaux livres liturgiques, ajoutant néan
moins à leur acceptation la condition de ne les introduire
dans l’Eglife primatiale que quand l’ancien regime du Cha
pitre, notamment fur la jurifdi&ion & l’inégale divifion des
revenus , fera rétablie & confirmée par des lettres-patentes
duement homologuées.
Il
n’eft perfonne qui ne voie que les treize ChanoinesComtes qui ont fait & arrêté cette délibération , n’ont eu
pour objet que leurs intérêts propres ; qu’ils ont délibéré ,
non comme Chapitre primatial repréfentant P u n i v e r f a l i t e
du Clergé du Diocefe & ilipulant fes droits, mais comme
iimples particuliers qui traitent des objets particuliers qui
ne concernent qu’eux feuls.
�5*
En effet, s’ils eufTent: agi comme Chapitre repréfentant l’univerfalité du Clergé du D iocefe de L y o n , ils auroient commencé par annoncer leur changement de volonté,
& les motifs de ce changement ; par déclarer en termes
exprès nulles & comme non avenues les délibérations des i 1
Juillet 17 7 2 & 1 6 Janvier 17 7 6 . C ar il étoit indifpenfablement
nécefTaire de juftifier leur conduite aux yeu x de tout le D io
cefe qui avoit été informé des refus multipliés du C hapitre,
& qui les avoit approuvés ; mais ils ne l’ont pas fa it, parce
q u e , dans le v ra i, ils n’ont pas prétendu repréfenter le Cha
pitre : auffi les délibérations antérieures fubfiflent dans tou
tes leur force ; elles ne font pas même attaquées'.
On fera peut-être étonné que, de ces treize ChanoinesComtes délibérants, d ix , dont quelques-uns avoient été
chargés par le Chapitre d’examiner la nouvelle Liturgie,
avoient opiné fortement, & en grande connoiflance de
cau fe, pour la rejetter, lors des délibérations des 1 1 Juillet
17 7 2 & 16 Janvier 17 7 6 . On ne peut fe diiTimuler que
c’efl la m ain-levée de la faifie des revenus du Chapitre ,
promife p a rM . l’Archevêque, q u ia été le véritable motif
déterminant, qui feul a opéré ce changement.
Mais qui pourra croire fur-tout que cette même délibé
ration du i i Novembre 17 7 6 , a été depuis tout autrement
conçue & infcrite fur le regiftre qu’elle ne l’avoit été à l’affemblée ? C ela eft cependant : en voici la preuve.
Plum itif.
Regiflre.
Les Seigneurs capitulants
ont délibéré & arrêté à la pluralité des v o ix , d’accepter les
Les Seigneurs capitulants,
pénétrés de reconnoiifance enversM .l’A rchevêque& Prince
nouveaux livres
d’Embrun, pour le fervice ira-
liturgiques
�?>Zl
57
propoféspar M . l’Archevêque portant qu’il a rendu à la Com
de L y o n , ainfi que les condi pagnie en fe portant média
tions du traité paffé entre ledit teur entre M. PArehevêque 8c
feigneur Archevêque & M. le Chapitre de Lyon ; con
l’Archevêque d’E m bru n , enfuite des pouvoirs accordés à
ce dernier par la Com pagnie;
fe réfervant néanmoins le Cha
pitre de n’introduire les livres
liturgiques dans fon Eglife que
quand fon ancien régim e, no
tamment fur la jurifdi&ion &
l’inégalé divifion des revenus,
fera rétabli & confirmé par
des lettres-patentes duement
homologuées au Parlement,
& que M . l’Archevêque de
L yo n aura obtenu, concur
remment avec le Chapitre, de
N . T . S. P. le P a p e , une bulle
confirmative du droit qu’ont
M M . les Comtes de ne réfider
que fix mois.
vaincus égalèment que M.
l’Archevêque de L yo n fera
jouir le plutôt qu’il fera poffible le Chapitre des préroga
tives qu’il lui aflure par les en
gagements qu’il a contra&és
par écrit avec M . l’Archevê
que d’Em brun, & que, con
formément à fes prom eifes, il
emploiera fes bons offices
pour lui obtenir les avantages
& privileges qui dépendent de
la bonté du R o i, comme auiîi
la confervation de fes ufages
fur le régime & le partage des
gros fruits, lefdits Seigneurs
acceptent les nouveaux livres
liturgiques publiés par M. l’Archevêque , & s’obligent à en
introduire l’ufage dans leurs
Eglifes dans fix mois à comp
ter du jour de la préfente D é
libération, & qu’expéditions
d’icelle feront remifes dans le
jo u r, tant à M. l’A rch e v ê q u e
d’Em brun, qu’à M. Arche
vêque de Lyon.
1
�5«
O n s’ abilient, pour ne pas interrompre le récit des faits,
de faire aucune réflexion, quoiqu’elles fe préfentent en
foule fur la form e, fur le fonds, & fur les motifs de cet
a£te étrange.
L e Comte deM onjouvent & le s autres Appellants comme
d’abus, étoient préfents à la prétendue délibération : ils fe
font oppofés à l’admiflion des livres liturgiques & au chan
gement des ufages du Chapitre. Ils ont tous demandé que
leur avis fût infcrit, félon l’u fage, fur les regiftres, à la fuite
de la délibération. Quelques inftances qu’ils aient faites,
cela leur a été opiniâtrément refufé. Ils ont fait fignifier
au Comte d’U zelles, & autres acceptants, leur délibéra
tion , & protefté contre le refus d’infcrire leur avis fur le
regiftre. L a iignification a été faite à chacun d’eu x; les
motifs de l’oppofition font les plus forts & les plus puifîants :
c ’étoit i ° , parce qu’on n’y a pas attendu ni requis le confentement du R o i , premier protecteur fpécial, & repréfentant les
fondateurs du Chapitre ; z° parce que la délibération déroge
ouvertement à des Arrêts rendus avec le Minijlere public, &
contenant règlement pour le Chapitre, & q u i l ne convenoit pas
¿'anéantir ces Arrêts par une délibération capitulaire, quoique'
le Chapitre afpere qu ils feront réformés ; 3 ° parce que la dé
libération contredit formellement les délibérations antérieures,
& fur-tout celles des 11 Juillet i j y ^ , & 1 6 Janvier dernier,
& autres fu r les objets y énoncés, & notamment les livres liturgiques y rits & ufages de l ’E glife de Lyon. Les Requérants
fe référoient à ces délibérations, fe réfervant de faire valoir
tous autres moyens, motifs & raifons de droit.
Le lendemain 13 N ovem bre, la délibération arrêtée par
les treize acceptants fut apportée h l’aflemblée. Il étoit na
turel qu’on la lu t, & que l’on prît de nouveau le fuiTragc
�323
59
de tous les membres du Chapitre préfents; mais on ne voulut
prendre que le fuffrage de ceux du confentement defquels
l’on étoit affuré, fans daigner même demander l’avis des
oppofants: A v i s , difent-ils dans leur proteftation, que la re
ligion , la fermeté dans les chofes faintes, & l’honneur étant un
ju jle & puijfant m otif, auroient diclé comme dans, la précédente
délibération, & qui auroit pu même ramener les acceptants,
ou pluiieurs d’entr’eux.
Cette délibération, outre pluiieurs faufletés qu’elle ren
ferm e, eft différemment conçue fur le Plumitif & fur le
Regiftre.
t
D é l ib é r â t ion
du
Novembre ¡y y G.
Plum itif.
Regiflre.
L e Chapitre approuve le
projet de délibération rap-
M M . lesCommiiTaires choifis pour rédiger la délibéra-
porté par M M . les Commiffaires relativement à l’acceptation des livres liturgiques &
tion arrêtée au précédent Chapitre, relativement à l’accep
tation des nouveaux livres li-
du traité paifé entre M . l’Archevêque de L yo n & celui
d’Em brun, lequel projet a été
vu par le confeil du Chapitre,
tu rgiq u es,& d u traite paifé entre M. Archevêque de L yo n
& M .l’Archevêque d’Embrun,
ont remis fur le Bureau le pro-
1
L a Compagnie a député jet de ladite délibération. Les
M . l’A rchidiacre, M . le Pré- Seigneurs capitulants, après
centeur, M M . les Comtes de en avoir pris le& ure, l’ont apMarnezia & de Chabanne , p r o u v é e , & ont ordonné aux
pour faire part à M . l’Arche- Secrétaires de renregi^rcr*La
vêque de Lyon & àM . d’Em- Compagnie a cnfuite député
brun de la délibération arrê- M M . les Archidiacre ,PrécenH ij
�6o
tée par le Chapitre, & agir
enfuite pour lui procurer Ton
entiere exécution, & faire ici
tout ce qui conviendra.
teur, & M M . les Comtes de
Marnezia & de Chabanne,
pour faire part à M . l’Archevêque de L yon & à celui
d’Embrun de ladite délibéra
tion , en leur en remettant à
chacun une expédition ; don
nant au furplus auxdits Sei-
•
r .
’
gneurs députés tous pouvoirs
requis & néceflaires pour fon
exécution. Enfuite des ré p u
tations faites à la Compagnie
fur le nombre & l’importance
des affaires que le Chapitre a
à Paris, & fur les démarches
& follicitations à faire dans
ces circonftances préfentes,
les Seigneurs capitulants ont
en conféquence choiii & nom
mé M. le Comte d’Uzelles, A r
chidiacre , pour leur député à
P a ris, lui donnant à cet effet
tous pouvoirs requis & néceffaires.
Cette délibération étoit d’abord conditionnelle } & dans
l’efpace de vingt-quatre heures elle eft devenue en quelque
forte pure & fimple. C e changement n’étoit pas connu des
Appellants, ont le leur a tenu fecret, ainfi que tout ce qui a
été fait depuis. Le Comte d’ Uzelles & Conforts acceptants
n’avoient point nommé de Commiflaires pour rédiger la
délibération, & néanmoins des Commiflaires fe difant choifxs
�6
1
à cet effet, rapportent le lendemain au Chapitre un projet
de délibération relativement à l’acceptation des livres litur
giques. Dans le Plum itif, les Comtes d’Uzelles & Conforts
n’acceptent pas ce projet, & néanmoins ils nomment des
députés pour agir &. faire à L yo n ce qui conviendra pour
lui procurer fon entiere exécution.
On ne fçait l’on doit s’en rapporter à fes yeu x en com
parant le regiftre au plum itif; fur l’un c’eft un projet de
délibération, fur l’autre c’eil une délibération arrêtée; &
cependant les objets du projet & de la délibération n’ont
été arrêtés qu’aux affemblées des 7 & ioD écem bre fuivant.
Quoi qu’il en foit, le Comte de Montjouvent & Conforts
ont formé oppoiîtion à la délibération du 1 3 , comme ils
l’avoient formée à celle du 1 2 , parce qu’elles font l’une
& l’autre également irrégulieres, également abufives ; &
toutes deux font attaquées par l’appel comme d’abus.
L e Comte d’Uzelles & C on forts, impatients fans doute
de confommer l’œuvre commencée, ont pris fur eux de con
voquer une affemblée extraordinaire le 7 Décembre fui
v an t, pour délibérer fur le projet de délibération , &: en
conféquence fur les nouveaux ftatuts. Cette convocation a
été faite fans la participation du D oyen qui étoit fur les
lieu x, & h qUi cependant le droit de la faire appartient
exclufivement, lorfqu’il eft préfent.
Il eft difficile de concevoir la furprife des Appellants
comme d’abus, lorfqu’ils ont vu approuver un corps de fta
tuts rédigés par des Commiffaires prétendus nommés à
cet eilet, & autorifer le Comte d’ U zelles, A r c h id ia c r e ,
pour les communiquer à M . l’Archevêque, & agir enfuité
pour les faire approuver. On lit dans le plumitif, quen ayant
pas le temps d'en jaire part aux m a l a d e s , & pour donner le
�6i
temps à un chacun, de faire fes réflexions, la Compagnie ci
délibéré & arrêté q u il y aurait affemblée demain pour cet objet.
Cette délibération eft portée fur le regiftre, avec une claufe
dont il n’eft point parlé fur le plumitif.
Cette aifemblée extraordinaire en avoit convoqué une
fécondé pour le i o du même mois ; on y remit de nou
veau en délibération l’affaire concernant les ftatuts préfentés
la furveille. L ’approbation qui y. avoit été donnée fut ra
tifiée.
,
On obferve qu’aux affemblées extraordinaires des 7 &:
10 D écem bre, il ne fe trouva que quinze ChanoinesC om tes, fur trentç-deux qui compofent le Chapitre : neuf
furent de l’avis de l’acceptation : on ne crut pas même
devoir prendre l’avis de fix des Appellants, qui étoit con
traire , & bien moins de l’infcrire fur le regiftre, félon l’ufage.
Il eft fur-tout à remarquer que dans les Statuts mêmes, à
l’article 8 du tit. des Affemblées capitulaires, il eft dit que
les délibérations feront formées par la pluralité des fuffrages,
11 ce n’eft lorfqu’il s’agira de quelque aliénation, auquel
cas les deux tiers des voix feront néceifaires.
Mais fi en pareil cas il faut les deux tiers des v o i x , à
plus forte raifon font-elles néceifaires dans le cas où il eft
queftion de prendre une nouvelle L itu rg ie, pour aban
donner celle que l’Eglife poffede de tout tem ps, & pour
faire ou accepter de nouveaux ftatuts. C e qui intérefle par
ticulièrement & eifentiellemcnt chacun des membres du
Chapitre n’exige-t-il pas un confentement unanime, ou au
moins les deux tiers des fuffrages pour toutes les affaires
majeures ? N ’eft-ce pas-là une loi nouvelle à laquelle chaque
intéreffé doit confentir ?
Si les Comtes d Uzelles & Conforts avoient fait atten
�*
SZ7
tion que le Chapitre de L y o n eil de fondation ro y a le , que
fes ftatuts, fes ufages & fon régime font entrés dans le titre
même de fa fondation, lequel a été revêtu de toutes les
formalités légales, ils ne fe feroient pas portés à dreffer &:
arrêter enfuite dans des affemblées illégales & précipitées
des ilatuts nouvéaux, à l’infçu & fans le concours de l’au
torité du R oi : ils auroient vu que la formalité de lettrespatentes enreglitrées n’eft pas fuffifante, lorfqu’il s’agit de
traiter des conditions de la loi d’un Chapitre de fondation
r o y a le , ou d’y déroger ; que le R o i doit être préalable
ment informé des changements à fa ire , & y confentir.
Toutes ces délibérations, tous les aftes & traités qui en
font l’objet, ou qui y font relatifs, font donc infë&és d’abus
de toutes efpeces; c’eft comme tels, que le Comte de Montjouvent & Conforts les ont déférés à la C o u r; mais leur
appel n’a pas feulement pour objet tous ces a6 le s, il embraife l’introduêlion de la nouvelle L itu rgie, & les Ordon
nances de M . l’Archevêque de L y o n pour la publier.
L a C o u r , en recevant l’appel comme d’abus, avoient
renvoyé les Parties à l’audience fur la demande provifoire.
Au jour indiqué, l’A vocat des Appellants s eil préfenté.
eft à obferver que chacun des treize Chanoines-Comtes
acceptants avoit été intimé féparément, & en fon nom
propre; & leur A vocat s’eft préfenté pour les D oyen, Cha
11
noines & Chapitre de l’E glife
Lyon. Il s’eft élevé une
conteftation fur les qualités : la caufe fur la demande provifoire a été renvoyée au premier jour, fans approbation
des qualités, fur lefquelles il a été dit qu’elles feroient réglées
par M M . les Gens du R oi.
C eil en cet état que la cauie fe préfente aujourdhui.
�-
64
M O Y E N
S.
Si l’on vouloit donner à cette défenfe une juile étendue
& tout le développement dont elle eft fufceptible, il faudroit un. volume entier ; les bornes qu’on s’eft prefcrites
ne le permettent pas.
Cette caufe a deux objets : la nouvelle Liturgie de M .
l’Archevêque de L y o n , & les délibérations prétendues ca
pitulares & autres ailes qui tendent à changer l’état po
litique du Chapitre primatial.
Trois abus principaux militent contre la nouvelle Litur
gie} i ° le défaut de confentement du C lergé du D iocefe ,
& du Chapitre primatial qui [le repréfente ; 20 le défaut de
Lettres-patentes ; 3 0 l’inutilité des dépenfes qu’elle occafionne.
§. I. P
r e m ie r
A
bu s
.
Défaut de confentement du Chapitre & du Clergé du Diocefe.
O n a p rou vé, dans les Mémoires & Confultations im
primés, par les Canons des Conciles, par les Bulles des
P a p e s, par les L o ix du R oyaum e, par la jurifprudence des
Tribunaux, & par des autorités de toute efpece, qu’il ne
pouvoir être fait aucun changement dans le culte extérieur
de la R eligio n , fans le confentement exprès du Chapitre
cathédral, qui repréfente l’univerfalité du C lergé du D io
cefe : on ne reviendra plus fur cet objet.
D e la part de M. l’Archevêque de L y o n , on a fait plaider
qu’il n’y avoit aucune loi qui imposât cette néce/ïïté, q u i.
en fît un devoir aux E vêq u es, que ii, dans les affaires im
portantes ,
�6S
portantes, le Chapitre cathédral étoit confulté, l’Evêque
n’étoit point obligé de fuivre Ton avis ; que ce n’étoit que
par une pure déférence d’honnêteté qu’il le lui demandoit,
mais qu’il n’en a aucun befoin : pu is, oppofant à ce principe
hétérodoxe une exception contradiftoire , on a dit que
l’avis du Chapitre n’étoit indifpenfablement requis que
dans les chofes où il pouvoit avoir intérêt.
Ecartons ces maximes étranges, qui font contraires aux
fentiments de\M. l’Archevêque de L y o n , pour faire reparoître , dans toute leur pureté, les véritables principes de
ce Prélat.
M . l’Archevêque de L yon fçait parfaitement que l’Eglife
eft une ; que toutes les Eglifes particulières font les mem
bres de ce corps m yftique, & forment le Royaum e fpirituel que Jefus-Chrift a établi fur la terre; que chacun
de ces membres s’intéreiTe à tout le corps, que tous con
courent à lui donner la vie, à contribuer chacun félon Ton
pouvoir au bien commun, dans la place qu’il occupe, à
écarter tout ce qui pourroit altérer la p aix , ou troubler
l’harmonie entr’eux; & que ces maximes font le fondement
de toute l’économie de l’adminiftration eccléiïailique, & la
bafe du gouvernement de l’Eglife en commun.
Dès l’origine, l’Eglife étoit gouvernée en commun par
l’Evêque & le s anciens, c’eft-à-dire, par les pretres qui compofoient le fénat de l’E glife, ce vénérable presbytere que
repréfentent aujourd’hui les Eglifes cathédrales : toutfe faifoit de concert par le corps entier de l’E g life , par l’Evêque
comme c h e f, & par les prêtres fes principaux membres.
Cette union étoit non-feulement fondée fur la doftrine
même de Jefus-Chrift; elle étoit encore, dit un auteur eftim é, autant l’effet de la m odeftie, du zele & de la charité
r
�66
des E vêq u ej, que des lumieres du C lergé, & de Ton em-
preiî'ement à c o n c o u r i r avec le chef au bien commun ( i ) .
Comme il eft de l’ordre qu’un Evêque confulte particu
lièrement le Clergé de fon E g life , il y a aufli dans chaque
églife des perfonnes qui font plus fpécialement deftinées
par leur état à lui donner confeil, & qui doivent princi
palement être écoutées.
L e presbytere de chaque Eglife a toujours formé un
même corps avec l’E vêq u e, & partagé avec lui les foins
& le gouvernement du D iocefe’, ou plutôt il l’a gouverné
avec lui fans diviiion & fans partage, avec une concorde
véritable entr’eux, & une autorité entiere fur les fidèles (2).
--D epuis les Apôtres jufqu’à ce jou r, ces principes d’adminiftration & de gouvernement eccléiiaftique forment
une tradition fuivie de fiécle en fiécle, une chaîne non in
terrompue, dont M. l’Archevêque de L yon tient en main
le dernier anneau. Il faut entendre ce Prélat parler luimême & de la néceffité du concours du C lergé de fon D io
cefe dans l’adminiftration des chofes de la R eligio n , & des
beaux effets que produifent ce concours & l’unanimité des
volontés, dans la Lettre qu’il écrivit au Clergé en 176 0
pour la convocation d’un Synode.
» Nous liions, dit-il, dans les Aétesdes Apôtres,que S.Paul
» afi’embla les anciens de l ’E glife pour leur confier les tranf” ports de fon zèle & les defleins de fon apoftolat. Nous
» ne vous dirons pas feulement avec lui : V nlle^ fu r votre
» conduite , veille^ fu r votre troupeau; gouverne^ avec f ageJfe
» des Eglifes qui [ont le p rix du fan g même d’un D ieu. Nous
( 1 ) Recueil de Jurifprudtnce canon, au mot Chap, fefr,
§• l i "°
3-
( 2 ) TiiOMASSIN ,
Dlfcip, eccléf
part. 1 , ch. 4 2 , n° 2.
art. I
�67
»‘ vous conjurons encore de feconder les vues du Pafteur
» commun, que ce Dieu a daigné mettre à. votre tête, &
» qui vous appelle à Ton fecours comme Tes coopérateurs
» & Tes enfants.
i
» Dans les plus beaux iiécles de I’E g life , on voyoit l’E » vêque entouré de fon presbytere, fuivre le détail des fonc» tions de chaque miniftre, partager les follicitudes de tous,
» travailler au milieu d’eux comme leur femblable, les di» riger comnîe leur ch ef, les confulter comme fes égaux.
» Cette heureufe intelligence faifoit la gloire de l’E g life ,
» & la rendit bientôt féconde en fruits précieux de fainteté.
» Elle ne ceffa point; on ne fit qu’en fentir davantage la
» néceiîité, à mefure que les églifes fe multiplièrent.
» L ’uniformité des principes & de conduite n’eft pas
» moins eifentielle au fuccès de notre miniftere, que l’union
» de nos cœurs. S’il étoit permis à chacun de fuivre fes idées
» particulières, d’être à foi-même fon guide dans l’exercice
» de fes fonftions, combien de bizarreries, de contradic» tions & de maux ne naîtroient pas de cette funefte H» berté ! L ’un renverferoit ce que l’autre auroit édifié ; la
» contrariété des opinions, la diveriité des pratiques, pro» duiroient le trouble & le fcandale : les fideles, au milieu
» de cette confufion, demeureroient fans réglés certaines;
» ils iuivroient peut être encore A p o llo , ou Céphas ; ils ne
» feroient plus à Jefus-Chrift. Il n’y a pas d’autre m o yen ,
»pour prévenir tous ces défordres, que de connoître &
» de fuivre fidellement les maximes invariables des laintes
» réglés de l’Eglife. A Dieu ne plaife que nous prétendions
” y ajouter, dans ces affemblées auxquelles nous vous in» vitons ; mais nous en rappellerons la mém oire, nous en
» reconnoitrons l’autorité; nous les comparerons avec notre
�68
» pratique préfente ; nous travaillerons à les rétablir ou à
—
» les conferver.
» Il eft difficile que dans un auffi vafte D iocefe il n’y
» ait des loix négligées, des abus à réformer , de grands
» biens à faire ou à renouveller. Si nous prenions fur nous
» feuls les règlements, les avis que l’intérêt de l’ordre &
» de la difcipline pourroient rendre néceifaires, peut-être
» feroit-on tenté de les attribuer à un efprit de domina» tion, à un premier mouvement de zele, à des vues trop
» arbitraires. Et comment le cœur plieroit-il fous un joug
» que l’efprit n’eftimeroit pas? Nous fçavons qu’un Evêque,
» félon la do&rine de S. P ierre, n’eft point un ch ef impé» rieux qui domine au gré de fes caprices ; que il Dieu nous
» a élevés à un plus haut degré de dignité & de puiifance,
» nous n’en fommes que plus obligés iïêtre au milieu de
» vous, comme l ’un de vous ; que la ju ftice, la fageife & la
» douceur doivent régler toutes nos démarches ; & que
» nous avons infiniment plus de bien à attendre de votre
» confiance que de notre autorité. L a tenue des Synodes
» vous perfuadera de plus en plus que tels font nos véri» tables fentiments : chacun y fera adm is, invité à faire fes
» obfervations, à propofer fes doutes : la prudence & la
» connoiifance des loix y corrigeront ce que le zele auroit
» de trop v if, de moins régulier : tout s’y traitera de con» cert. Et quels prétextes pourroit-il refter à la défobéiifance,
» lorfque l’autorité ne fe montrera que pour donner plus de
» force à ce que le vœ u commun aura décidé ? »
Les bons effets de la pratique de ces maximes feront bien
plus fenfibles par le contraire des effets produits par un
ufage contraire. Un auteur qui connoiffoit parfaitement
l’efprit du gouvernement de l’Eglife, & qui a travaillé pour
�^9
la défenfe des libertés gallicanes, après avoir établi’ que
chaque Evêque régloit tout avec fon Clergé , & les E vê
ques des grands ixéges avec | ceux de leurs provinces ou
de leur patriarchat, ajoute que leurs jugements étoient fort
refpe& és, parce que les Pafteurs qui avoient concouru à
les former avec tant de maturité, en atteftoient la fageife &
la juftice, & avoient foin de les faire exécuter. « Malheu» reufement, dit-il enfuite, l’efprit de domination & d’in» dépendance s^ il répandu prefque par-tout ; 'chaque
» Evêque fait des ftatuts & des mandements comme il
» l ’entend, fans fy n o d e , fans concile, fans confeil ; un;
» Grand-Vicaire réglé tout à fon gré dans l’exercice de la
» jurifdi&ion volontaire, un Official dans la contentieufe; ils
» décident feuls de ce qui devroit être porté à l’aiTemblée!
» du presbytere, ou au concile provincial. Qu’arrive-t-il,
de-là ? la divifion entre les E vêq u es, l’abus de l’autorité
» dans les fupérieurs, l’indocilité dans les inférieurs. L e
» C lergé murmure : les peuples apprennent à méprifer les
» ordonnances d’un Prélat qui méprife celles de fon pré*,
» déceifeur. »
t
Auffi rien n’eil mieux établi dans la difcipline eccléfiaf*
tique, que la néceffité impofée aux Evêques de prendre
l’avis de leur Clergé & le confentement du Chapitre de
leur cathédrale, dans le gouvernement de leur diocefe,dans
toutes les affaires importantes qui intéreifent fes membres.
C e feroit ici le lieu de répondre à l’aifertion étrange
avancée dans les plaidoiries pour M . l’Archevêque de Lyon,
avec un ton affirmatif & une iecurité qui tiennent vraiment
du prodige , q u il n 'y a aucune loi qui oblige les E v ê q u e s
de prendre le confentement ni l ’avis du Chapitre cathédrale
ni du Clergé de leur DioceJ'e. On ne s’arrêtera pas à y ré-
�7&
potidir'e ; il ne0faut que-des" y eu x, & vouloir lire , pour Ce
convaincre deTa fauffeté : les différentes collerion s des an
ciens Conciles en contiennent une multitude de preuves.
* Allons plus loin : quand même il n’y auroit aucune lo i,
quand ce ne feroit là qu’un lifagè^particulier au Chapitre de
L y o n , le mépris feul de cet ufage feroit un abus caraftérifé,
parce que depuis long-temps cet ufage auroit acquis force
de loi.
- En général les ufages anciens q u i, comme ceux du C ha
pitre de L y o n , ont leur fource dans l’eiTence des chofes, ou1
qui viennent des moeurs anciennes, étant devenus enfuite
des lo ix, empruntent leur force de l’autorité, laquelle dé
pend elle-même de la raifon, qui eft la premiere fource des
lôi-x.;iOn*-ne préfumera pas que les réglés fuivies depuis un
long tem ps, par des hommes doués d’intelligence , ne
fbient- pas raifonnables : iî elles s’écartoient de l’équité, le
Chapitre de L yon ne s’y feroit pas fournis; elles n’auroientpas
mérité les éloges d’une foule de grands hommes, dans le
cours des iiecles ; les Rois ne les auroient pas confirmées ,
ils n’auroient pas promis de les maintenir ; des Conciles gé
néraux & particuliers ne les auroient pas autorifées ; cent
vingt-huit Archevêques de L yon, M. de Montazet lui-même,
ne lesauroient pas-louées; & enfin, le Chapitre ne montre
ront pas un attachement auiii perfévérant.
L ’ufage qui défend aux Evêques de faire rien d’important
dans les affaires générales de leurs diocèfes, dans l’adminiftration du culte extérieur, fans le confentement du Chapitre
cathédrale, eft une de ces maximes qui ont été mifes au rang
des libertés gallicanes, dont le R o i eft le protecteur & le défenfeur. Ces maximes ont été maintenues, finguliéreinent en
matière de liturgie, par lesM agiftrats, dans les différents tri
�< **
71
bunaux du royaume : on connoît les Arrêts du Parlement
de P a ris, rendus en faveur des Chapitres de la Trinité
d’Angers, de Saint-M ême, de Chinon, de R o y e , de SaintQuentin , de Saint-Martin de T ou rs, & c . Les difpoiitions
de ces Arrêts forment bien nettement à cet égard la véritable
jurifprudence de ce tribunal.
L ’auteur du Traité des Droits des Chapitres,yêc?/e>/2 3 , enfeigne que quand il y a lieu de faire quelques changements
dans le fervice diVin, lorfqu’il s’agit de l’augmenter ou de le
réduire , l’Evêque n’y procédé qu’avéc le confentement du
Chapitre. Il ajoute qu’on peut réduire à deux chefs les chofes où l’Evêque eft obligé de confulter les Chanoines de Ton
■Eglife: dans les unes, l’Evêque n’eft tenu que de prendre l’a
vis du Chapitre: dans les autres, il eft obligé d’avoir fon
confentement pour y procéder, fur-tout en ce qui concerne
dire&ement la Cathédrale, l’ordre de l’office d ivin , l’ufage
des prieres & des cérémonies.
L ’auteur du Recueil de Jurifprudence Canonique, qui
a vécu de nos jours, dit auffi que, quoique fuivantl’ufage préfent du royaume les Chapitres des Eglifes cathédrales n’ont
prefque plus de part dans le gouvernement des diocèfes, les
Evêques font néanmoins tenus d’avoir leur confentement
pour ce qui regarde l’intérêt commun ou particulier de ces
Chapitres : par exemple, s’il s’agit de la difcipline de l’Eglife
cathédrale, comme de changer l’ordre de l’office ou le fervice divin, de réformer le Bréviaire, d’inftituer ou de fupprimer des fêtes, ou autres chofes qui ne peuvent, ajoute-til , s’exécuter qu’avec le concours & par le miniftere des
Chanoines.
ne rappellera pas ce qu’on a dit ailleurs, que c’ert la
difcipline & 1 ufage particulier de l’Eglife L y o n j q u e l e ^Cha-
�«£
U c
7*
-ipitt-e primatial a toujours concouru & coopéré dans tous les
temps, fous M. de Montazet lui-même en 17 6 0 , comme on
•le voit dans le Mandement pour la publication du Bréviaire,
aux corre& ion s, additions & retranchements dans la Litur
gie : refte précieux de cet efprit de concert & d’union dans
la police eccléfiaftique , établi par Jefu s-C h rift, recom
mandé par les A pôtres, & fu iv i dans toute laChrétienneté,
que le Chapitre a confervé plus foigneufement que toutes les
autres Eglifes.
A ces réglés pratiquées conftamment dans l’Eglife de
L y o n , il faut ajouter une réflexion bien propre à faire fentir
la néceflité de ne pas s’en écarter aujourd’hui: c’eft qu’elles
doivent être fuivies d’autant plus ftri& em ent, que l’Evêque
n’eft plus choifi, comme autrefois, dans le Clergé qu’il doit
gouverner ; qu’il n’a point fucé dès l’enfance l’attachement
aux rits de l’Eglife dont il devient le C h ef, & qu’il les ignore
m êm e, s’il ne réiîde pas ; q u e, prévenu par fon éducation en
faveur des rits d’une autre Eglife, il eft difpofé à les répandre,
à les introduire dans fon diocèfe : & voilà la porte ouverte
aux révolutions dans le culte ; de-là la néceflité qu’il y ait un
Corps chargé fpécialement de conferver les traditions cérémoniales. A jo u tez, que cet Evêque pris dans une autre
E g life , ne choifit pas communément dans l’Eglife dont il efl:
' E vêq u e, des Vicaires Généraux auxquels il donne fa con
fiance; il en appelle de différents diocèfes. Ces grandsVicaires font également imbus des ufages particuliers dans
lefquels ils ont été élevés. Si l’Evêque veut donner à fon
Eglife un nouveau Bréviaire , un nouveau M iffel, une nou
velle Liturgie, chacun des Coopérateurs du Prélat s’empreffera de lui faire admettre tels ou tels rits qui lui plairont le
plus. Si le rédafteur a d’ailleurs fes opinions particulières &
les
�73
fes préjugés, l’ouvrage en portera l’empreinte; il fera néceffairement informe & inadmiiïible.
V o ilà, à la lettre, cc qui eft arrivé à la nouvelle Liturgie
de M. l’Archevêque de L yo n : ce Prélat l’a envoyée de
Paris à deux différentes fois toute rédigée au Chapitre pri
matial , avec une lettre où il lui m arquoit, en Janvier 17 7 2 ,
quV/ en connoijfoit déjà le Calendrier. Le Chapitre nomma des
Commiffaires pour examiner ce projet nouveau: le travail
étoit d’une vaihe étendue; on s’y livra fans relâche : le Bré
viaire & la Liturgie furent donc examinés avec la plus fcrupuleufe attention. Les Commiffaires ayant achevé leur tra
vail , en mirent fur le bureau le réfultat, avec les obfervations
qu’ils crurent devoir y ajouter. Elles faifoient entrevoir que
l’entreprife de M. l’Archevêque de Lyon ne tendoit à rien
moins, en introduifant un Bréviaire & une Liturgie nouvelle,
qu’à bouleverfer la conftitution même de l’Eglife & du
Chapitre primatial. C ’eft d’après ces préalables, que le Cha
pitre,aux affemblées généralesdes 22 Janvier & 29 Ju in iy ô ^ ,
1 1 Juillet 17 7 2 & 16 Janvier 1 7 7 6 , arefufé , à l’unanimité
des fuffrages, de recevoir les nouveaux Livres liturgiques.
On n’a pas craint néanmoins de faire plaider pour M. l’Archevêque de L y o n , que le Chapitre avoit reçu la nouvelle
Liturgie en 176 9 ; voici quel a été le raifonnement qu’on a
propofé : la Liturgie eft compofée du Miffel & d’un Bré
v ia ire ; ces deux livres font tellement analogues, qu’on ne
peut recevoir l’un fans recevoir pareillement l’autre. O r, le
Chapitre a accepté le Miffel en 1769 ; il faut donc auiïï qu’il
accepte le nouveau B réviaire, çomme en effet il l’a accepté
au 12 Novembre 177(3.
Laiffons pour le moment à l’écart cette prétendue accep
tion du iz N ovem bre 17 7 6 , nous la difcuterons ailJcurs*
&
�74
a
On convient que le Miifel & le Bréviaire d’une Litur
gie font relatifs entr’eu x , & qu’ils embralTent des priè
res communes ; mais la Liturgie n’eil pas compofée du M ii
fel & du Bréviaire feulement : confidérée par rapport aux
prières qu’elle embrafle dans ion étendue, elle comprend i °
le MiiTeldonton fe lert à l’E g life; 20 le Livre des épîtres ik
évangiles qui fe chantent; 3 0 le Graduel, qui e ille livre noté
pour le chant des mefles; 40 le Proceiîionnal ou livre noté
pour chanter aux proceilions; 50 lePfeautier; 6° l’ Antiphonaire ; 7 0 le Livre des leçons; 8° le Rituel; 90 le Bréviaire,
qui eil le Manuel à l’ufage des Eccléiiaftiques qui le récitent
en particulier. Tous ces livres, qui font la partie d’un feùl
to u t, de la Liturgie., doivent être nécessairement analogues
entr’eux ; on ne peut faire ufage des uns fans en même temps
faire ufage des autres, autrement il réfulteroit une cacophonie,
un trouble, & d elà confufion dans le culte extérieur.
Le Chapitre qui en étoit perfuadé, ne pouvoit point re
cevoir la Liturgie nouvelle de M . l’Archevêque de L yon
par lambeaux ; il ne pouvoit juger de la compatibilité de
fes ufages anciens avec cette L itu rgie, qu’après en avoir
connu l’enfemble & examiné toutes les parties qui la compofent. Eit-ce la ce qu’a fait le Chapitre en 176 9 ? Non fans
doute. M. l’Archevêque de Lyon ne lui avoit préfenté que l’on
MifTel. Le Chapitre n’a examiné que le nouveau Miifel ; il
n’a parlé en 1769 que du nouveau M iifel, mais il ne l’a pas
accepté , parce qu’il lui étoit impoflible de l’accep ter, fans
un examen préalable de toute la Litu rgie, qu’il ne connoiffoit pas alors; il fuffit de lire la Délibérationcapitulaire pour
en etre convaincu : « Les feigneurs capitulants ont arrêté de
» prendre le nouveau Miifel dès qu’ils le pourront; fans néan» moins qu’il puiife nuire aux anciens rits & cérémonies pra-.
�7
?
» tiquées dans l’Eglife de L y o n , ni à fo'n chant par cœur. »
Une telle réferve fuppofe évidemment, d’une part, l’envie ’
que le Chapitreavoit denepas déplaire à M .l’Archevêque de
L y o n ; & de l'autre, la crainte de donner atteinte à Tes ufages
anciens : à chaque mot de la Délibération perce l’embarras
du Chapitre, & le deiir qu’il a de gagner du temps, enfaifant
efperer une acceptation fans la- donner: ils prendront le nou
veau Miffel dès qu ils le pourront ; ce qui fuppofe qu’ils'ne le
peuvent pas actuellement, faiis expliquer fi ces obftacles
viennent des défauts du Miffel ou d?ailleurs. On ne fait pas>
même s’il peut fympathifer avec les anciens rits, auxquels
ûn ne veut faire aucun changement ; & l’on fe réferve tou
jours la liberté de le refufer, s’il y eft contraire".
C et a£te, loin d’être une acceptation pure & fim ple, eft
au contraire, un véritable refus, qui s’explique par la con
duite poitérieure du Chapitre.
Eten effet, convaincu que la nouvelle Liturgie de M. l’A rchevêque de L yon eft inadmiffible, le Chapitre affemblé le
i i Juillet 17 7 2 , a rejetté unanimement le nouveau Bré
viaire : « Après avoir vu les obfervations, relevés & notes
» faits dans une Affemblée préparatoire indiquée à cet effet,
» & reconnu que ce Bréviaire étoit abfolument différent du
» Bréviaire a£tuel, par l’ordre & ladivifion des pfeaumes, par
» des cantiques & hymnes pour chaque fête &: chaque férié,
» qui n’étoient point jufqu’ici en u fage, par des retranche» ments d’office de Saints, dont quelques-uns étoient, pour
» ainfî dire,particuliers à cette E glife; parladiminution des
» folemnités de plufieurs offices ; par l’introduétion de l’office
» de Saints dont jufqu’ici on n’avoit point fait l’office;
” par des changements dans les rubriques, en un m o t, abfo» lument différent pour la forme & le fonds. »
K ij
�7<>
M . TArchevêque de L y o n ayant publié Ton Bréviaire le 2
Novembre 1 7 7 5 , néceflita une nouvelle démarche du C ha
pitre , d’autant plus que le Prélat avoit inféré dans fon Or
donnance une claufe infolite, qui tend à priver le Chapitre
d’un droit qui lui appartient, & qu’il avoit reconnu lui-même
lui appartenir, à l’Aflemblée générale du 1 6 Janvier 17 7 6 .
L e Chapitre rejetta, après un nouvel examen, la Liturgie
nouvelle, dans toute fon étendue.
Y o ilà donc cette Liturgie rejettée par le Chapitre en grande
connoiifance de caufe , dans la ferme perfuafion que l’hon
neur de l’Eglife primatiale , fon intérêt, l’intérêtj de tout le
C lergé du diocèfe & celui des gros-décimateurs, exigeoient
qu’il s’opposât à un Rangem ent de cette nature.
En refufant la Liturgie, le Chapitre n’a pas prononcé feu
lement comme partie intéreifée j il a prononcé comme repré*
fentantné, comme mandataire de tout le Clergé du diocèfe.
C ’eft pour cette raifon , & c’eft en cette qualité qu’il a or
donné que la Délibération du 1 6 Janvier 17 7 6 feroit com
muniquée aux Syndics des Collégiales ; elle a été connue &c
approuvée de tout le Clergé du diocèfe.
D ès ce moment les pouvoirs du Chapitre font confommés;
& le rejet de la Liturgie nouvelle , qui en eft l’effet, eft un
droit acquis à tous les membres du C le rg é , & même aux
gros-décimateurs. Il eft im poifible, après cela , qu’elle foie
fuivie dans les différentes Eglifes du diocèfe, en vertu de la
feule Ordonnance de M . l’Archevêque de L y o n , fans un
abus manifefte, contre lequel réclament toutes les Loix ca*
noniques & civiles : on l’a démontré.
�¿4«
77 <
§.
II.
D
e u x i e m e
A
Défaut de Lettres patentes.
b u s
.
»
Les loix concernant la Liturgie des Eglifes, les regles anr
ciennes de l’office divin & celles du chant de chaque Eglife,
doiyent être maintenues par l’autorité royale. On a vu que fi les
Evêques y mettent quelquefois la main, ils n’y peuvent faire
de changements* que du confentement du Chapitre cathéd ral, ou du Synode diocéfain, lequel ne peut être convo
qué fans la permiifion du R oi : ce, qui y a été arrêté par le
vœ u commun, ne peut même obliger les diocéfains qu’après
que le R o i a mis aux règlements le feeau de fon approbation,
par des Lettres patentes ènregiftrées.
Telles font les véritables ! regles,':.de la difeipline de
France.
;¡ • xPour nous convaincre de plus en plus de la vérité & du
fondement de ces regles, établirons quelques principes.
Perfonne n’ignore que l’Eglife en général eft Talîem blée
des fideles q u i, fous la conduite des pafteurs légitimes, font
un même corps dont eft J. C . le chef/O n confidere l’Eglife
comme corps politique & comme corps m yftique: comme
corps politique, c’eft une aiTemblée de peuples unis par les
mêmes- loix , fous la conduite du même C h ef temporel :
comme corps m yftique, c’eft une aiTemblée de fideles unis
par une même foi, fous un C h ef fpirituel, pour travailler
enfemble à la gloire de D ie u , & chacun à fonfalut particu
liers. Ainfi deux puiflances fouveraines font aiTociées au gou
vernement de l’Eglife : la tem porelle, qui eft la premiere
dans l’ordre naturel, car l’Eglife a été reçue dans l’Etatj &
la ipirituelle, qui eft la premiere dans l’ordre furnaturel.
�L ’autori,té propre & eiTentielle à l’Eglife , eft celle que
Jefus-Chrift lui a confiée; elle eft toute ipirituelle, & ne s’é
tend que fur les ames : les pouvoirs qu’il a donnés à fes
Miniftres fe bornent à inftruire les fideles, à adminiftrer les
facrements, à conferver la faine doètrine , & à régler les
mœurs : tout ce q u e l’Eglife a de plus vient de la conceffion des Princes.
En recevant l’Eglife dans leurs Etats, les Princes ont ajouté
des acceffoiïes h fon autorité, qu’il ne faut pas étendre au -
delà des bornes preferites ; ils ont concouru avec elle à faire
les règlements pour le maintien de fon culte extérieur ; ils
reftént chargés du foin de maintenir ces règlements & de
les faire exécuter.
D ieu ( i) a confié fon E glife aux Souverains, dit un concile
de Paris, aflemblé e i ^ ^ p a r le commandement des Empe
reurs Louis & L o th a ire, qui en ont confirmé & fait exécuter
les règlements : fi leur çele affermit la p a ix & la difcipline de
VEglife ; f i leur négligence les laiffe altérer, ils en rendront,
t-ompte à D ieu. C’ejlaux Princes, & à maintenir Vexécution
des règlements fages & légitimes de la difcipline eccléfiafiique ,
& à remettre dans l’ordre & üharmonie d’une paix véritable, es
qui y caufe du trouble. (2)
<
( 1 ) Sivè augçatur pax & difciplina Ecclefiæ per fideles principes,
fivè folvatur, ilie ab eis rationem exigit qui eorum poteftati fuam E c clefiam credidit. Sixièm e concìli dt P aris, liv . 2 , cap. 2 . CoNC, L a b b .
t.
y a . Col. 1&40.
( 2 ) Debes incunftanter advertere regiam poteftatem non folùm ad
mundi regimen , fed maximò ad præfidium effe collatam ut & q u æ beni
flint ftatuta deffendas, & veram pacenr iis quæ funt turbata reftituas.
S. Leo. Epifi-
ad Leon, Impera.
�Api
79
Ainiî le R o i eft le protefteur & le défetifeur de l’Eglife ;
en cette double qualité, il a le droit d’infpe&ion générale &:
de vigilance fur toutes les Eglifes de fon royaume. L ’Eglife
a fait les réglés ; elles ont été reçues dans l’Etat qui les a
approuvées ; le Prince régnant ne fait que les/uivre, foit en
défendant de les enfreindre, foit éh. ordonnant de s’y con
form er, foit en réprimant l’infra£tion qu’on en fait: tout cela
fuppofe néceiTairement fon droit & fa compétence. O r , dès
que la puiflancè royale eft compétente fjour faire exécuter
ces loix anciennes, elleeft compétente aufli pour l’exécution
d’un nouveau Règlem ent, loi arbitraire d’un E vêq u e, qui
pourroit occafionner des abus & caufer du trouble : cette
compétence ne peut lui être conteftée fans une efpece, d'dtîCÎXÎ-CLt*
i
|1
•
•. 1.
w J . •>ti,
•. . »«
. Nous avons pour maximes d’obferver les ftatuts fynodaux*
quand il n’y a point de difpofitions qui fuient contraires aux
loix générales de la difeipline eccléfiaftique, aux Libertés
de l’Eglife G allican e, aux Ordonnances de nos Rois & aux
ufages de l’ancien.droit, mais-lors feulemeht qu’ils ont été
revêtus de Lettres patentes; car rienri’eft confidéréên France
comme loi de l’Eglife^jquant à fa difeipline , s’il n’efb publié
de Tautorité du R oi.
.........— ...
En général tout règlement eccléfiaftique, pour.<être,mis
en vigueur, doit être adreffé aiiiR oi, qlui enjoint à fon Par
lement d’en prendre connoiflance. & d’en faire le rapport :
fi la loi de difeipline eft admife , alors le R o i yu donne fon
approbation ; Penregiftrement le rend autherïtique , & le
règlement eft confidéré comme une réglé de conduite dansle diocèfe : fans cette formalité cifentielleÿil ne faurOit avoir
fon exécution.
.
• Un rituel eccléfiaftique* par exemple > eft un code de la
�8o
difcipline diocéfaine. Un Evêque qui jugeroit néceflaire d’y“
inférer un nouveau règlement, feroitdans l’obligation, avant
de le notifier à fes diocéfains, & après en être convenu avec
fes coopérateurs dans le facré miniftere, témoins irréfraga
bles , fideles dépofitaires & légitimes interprètes de la doc
trine diocéfaine^ d’avoir'l’agrément du R o i, & d’obtenir l’enregiftrement dans le Parlement dont le diocèfe reifortiroit :
fans ces préliminaires indifpenfables, les fideles font cenfés
ignorer la nouvelle loi; le nouveau ftatut doit être rendu
public par un a;6le public, muni de Lettres patentes enregiftrées.
Dira-t-on que la Liturgie, qui eftun compofé de prieres,
n’a rien que de fpirituel ; qu’ainii, s’il y a quelque confeil ou
commandement à nous donner touchant le choix des termes
les plus propres à honorer Dieu & à lui demander fes grâces,
cela eft du reflort de la puiifance ipirituelle? Mais pourquoi
donc, répond à cela M . le V a ye r de Boutigny, parmi les
preuves des Libertés de l’Eglife Gallicane, y a-t-il un Chapitre
entier où il paroît que, félon notre ufage, les changements de
prieres, fa v ô ir, des Bréviaires & des MiiTels, ne fe peuvent
faire Oins la permiifion du R o i? Eft-ce une entreprife fur la
puiiïance fpirituelle ? Nullement : c’eft un des droits légitimes
de la prôte&ion que nos Rois donnent à l’Eglife ; parce qu e,
comme protefteurs de l’Eglife G allican e, ils font obligés de
maintenir la difcipline quand elle eft attaquée. O r , c’eft
l’attaquer que d'y voiiloirànnover; donc on ne peut changer
celle qui a été légitimement établie dans le royaume, fans les
ordres des Souverains : il eft vrai qu’ils ne doivent point la
refufer fans raiforr; mais ils en font juges, & il n’y a que D ieu
l’au-feul qui puifl’e leur en demander compte *.
' D iC '
On a été"é'tofinc'à l’audience d’entendre, de la part de
M*
�3 ^
Si
M . l’Archevêque de L yon , avancer, avec autant de
force que de témérité, qu’il n’y avoit aucune L o i, ni aucun
Arrêt de règlement qui exigeât le concours de l’autorité du
R o i pour la publication d’une Liturgie nouvelle, ou prefcrivît aux Evêques la formalité de Lettres patentes*, que par
conféquent la Liturgie de M. l’Archevêque de L y o n , qui
n’eft point revêtue de ces formalités, n’eft à cet égard, ni ne
peut être abuiive.
»
On répond\de deux maniérés à cette aifertion fcandaleuf e , digne même d’être flétrie par la cenfure publique.
i
° Il n’eft pas néceifaire de violer une loi reçue pour com
mettre un abus ; l’abus à une acception bien plus étendue :
tout ce qui eft contraire à nos mœurs eft abus.
Nous tenons pour maxime en général, qu’il y a même abus
dans tout ce qui tend à troubler l’ordre & la tranquillité du
royaume ou qui contrevient aux maximes & ufages reçus,
aux droits, libertés, & privilèges des Eglifes : c’eft-Ià furtout ce qui conftitue les Libertés de l’Eglife Gallicane, q u i,
comme l’on fait, ne font autre chofe que l’obfervation des
anciens canons , lefquels forment parmi nous le droit
commun.
« C e que nos peres ont appellé Libertés de l’Eglife G alli» cane , & dont ils ont été fi fort jaloux, ne font point paife» d roit, ou privilèges exhorbitants, mais plutôt franchifes
» naturelles & ingénuités ou droit commun: quibus (comme
» parlent les Prélats du grand concile d’Afrique, écrivant fur
» pareil fujet au Pape Céleftin ) nullâ patrum definitionc derc» gatum eJlEccleJîcc Gallicancc ; èfquels nos ancêtres fe font
» très-conftamment maintenus; & defquels partant, n’eft
» befoin montrer autre titre que la retenue & naturelle jouif» fance d’iceux. »
L
�W
'
8î
O rqu’y-a-trilde plus capable d’altérer la paix & de troubler
l’ordre & l’harmonie dans un vafte & nombreux diocèfe,que
derenverfer d’ un feul coup l’ancien culte extérieur de la R eli
gion que tous les iideles qui le pratiquent ont en vénération;
que de leur enlever une Liturgie qui leur eft chère, pour leur en
donner une nouvelle qui leur eft étrangère, qu’ils ne connoiffent même pas? Si le iimple changement de l’ufage de ce diocèfe dans la célébration d’une.fête ; il la tranilation de cette
fête,faite contre cet ufage,a été capable de caufer du trouble
& d’exciter du fcandale parmi le peuple, quelle précaution ne
doit-on pas prendre pour empêcher que le renverfement to
tal de la Liturgie ancienne n’excite auiïi des troubles & des
conteftations entre les fideles? Dira-t-on qu’il n’appartient
pas au R o i d’empêcher ces troubles , & de prévenir ces
conteftations ? Il faut pourtant aller jufques-là, û l’on veut
être conféquent de la part de M. l’Archevêque de Lyon.
On n’ofera pas nier qu’il ne peut fe faire d’aifemblée dansle royaume fans la permiiïïon du R o i, & que les règlements
qui y léroient faits n’obligent, on ne dit pas des tiers qui n’y
auroient eu aucune part, mais même ceux qui les auroient
arrêtés, qu’en vertu de l’autorité ro y a le, que par une autoriiation exprefte , légalement notifiée.
Si donc une aifemblée quelconque n’a pas le pouvoir de
rendre obligatoires les règlements qu’elle a faits, comment
fera-t-il poifible qu’un Evêque ait le droit de faire feul des
loix, & d’obliger, en vertu de fon autorité pontificale, tous
les fideles de fon diocèfe à les fuivre aveuglément?
On foutient avec confiance, qu’un Evêque ne peut pas, en;
vertu de fon autorité épifcopale feulement, faire obiervcr fcs
loix touchant le culte extérieur & la police des chofes de la.
R elig io n , Tans l’autorité du R oi l ce ne peut être qu’au. R o i
�w
83
& au R o i feul, qu’il appartient de les faire exécuter. Mais
comment feront-elles exécutées, ii le R oi ne les connoît pas,
ii elles n’ont pas été revêtues du fceau de fon autorité ? Car
le R o i a feul la force exécutrice dans fon royaume : c’eft à
lui feul de les faire recevoir, & aux Magiftrats qui le repréfentent d’en ordonner enfuite l’obfervation.
2° Il n’eft pas vrai qu’il n’y ait ni Loi ni Arrêt qui impofe
aux Evêques la néceifité de prendre l’autorifatinn du Roi. On
auroit au moii^s dû prévoir combien il eft facile de fermer là
deifus la bouche au défenfeur de M l’Archevêque de Lyon ;
il ne fa\it en effet pour cela qu’ouvrir les Capitulaires, & e n
parcourir les différents règlements : on y voit une foule de
loix touchant le culte extérieur & la célébration de l’office
divin ; & même fans fe donner cette peine, il fuffit de lire
le premier Appendice qui fe trouve à la fin du 4e livre dans
l’édition de P itou , ou Amplement le Plaidoyer de M. Servin
dans la caufe du Chapitre de la Trinité d’Angers.
On ne s’arrêtera pas à citer les Capitulaires ni les Loix &
Règlements de nos R o is, touchant la difcipline eccléfiaiKque
& le culte extérieur de la Religion , ni les Canons des
conciles, qui reconnoiffent à cet égard la compétence &
l’autorité du R o i pour la publication des règlements eccléfiaftiques dans les Eglifes de fon royaume ; cela nous meneroit trop loin : on les trouve dans les Capitulaires de l’édition
de Baluze, dans les Décrets de l’Eglife G allican e, recueillis
par Bochel, & dans les Preuves des Libertés. Ils form ent,
depuis le premier concile d’Orléans fous C lo vis, jufqu’à nos
jours, une fuite non interrompue & un corps complet de
loix émanées de la puiifance civ ile , fuivies par le C l e r g é ,
& de règlements eccléfiaftiques autorifés par nos Rois, pour
fctre enfuite exécutés dans le royauipe.
L ij
�84
T elle eit la do&rine de tous les tribunaux du royaume, &
la jurifprudence du Parlement de Paris en particulier. C e
tribunal a toujours fait exécuter les loix qui exigent le con
cours & l’autorité du R oi pour faire des changements dans
le culte extérieur, & la formalité des Lettres patentes dans
toutes les conteftations qui ont été portées devant lui pour
raifon^ de changement ou d’introdu&ion de Liturgie nou
velle. On a' regardé le célébré Arrêt du 27 Février 1603 ,
rendu en faveur du Chapitre de l’Eglife Collégiale &
paroiifiale de la Trinité d’Angers, comme devant fervir de
règlement dans toute l’étendue du reiTort. C e fut pour fe
conformer à cet A rrêt, que l’Evêque de Poitiers obtint
des Lettres patentes du R o i, pour confirmer les dédiions
du concile de Bordeaux , lefquelles ordonnoient l’ufage
du Bréviaire romain dans les diocèfes dépendants de l’Archevêque de Bordeaux. Ces Lettres patentes ont été enregiftrées le 27 Juillet 1706.
M . l’Avocat général Servin, portant la parole dans la caufe
du Chapitre de l’Eglife de Saint-Même de Chinon,en 1 6 1 1 ,
n’héfita point à prefenter à la Cour l’Arrêt du 27 Février
1603 , comme un règlement : la Cour ne le vit pas non
plus d’un autre œ il} c’étoit la dottrine générale.
M o rn ac, qui fréquentoit alors le barreau, & dont les ou
vrages ont été imprimés en 1624 par les foins dePinfon ,
écrit fur la L oi 2 , des Conflit. Que le Parlement avoit fait
défenfes aux Prélats de rien changer dans les rits & céré
monies de leurs E g life s, fans l’autorité du R o i, & fans en
avoir préalablement conféré avec le M étropolitain, &
avoir tout examiné & difeuté avec leur Clergé : Vetuijje
,
,
fenatum Pariflenfem Prœlatis mutare quidpiam liccre ritu formâque fucc Eccleficc dira autoritateni Régia ni & nifi re priùs
d'fceptatâ curn Metropolitano & Clericis
�>4*
85
Cette jurifprudence a été confirmée par les Arrêts rendus
en faveur des Chapitres de R o y e , de Saint-Quentin, de S.
Martin de Tours ; elle eft pareillement fuivie au Parlement
de Normandie, comme on le voit par les Arrêts des 9 Août
& 20 Décembre 16 30 , rapportés dans l’Apologie des juge•gements rendus contre le Schifme , tom. 3 , fécondé partie,
pag. 3 5 1 & fuivantes. C ’eft enfin la jurifprudence aétuelle
que le Parlement a toujours regardée comme faifant partie
des Libertés Gallicanes. L e chapitre 3 1 des Preuves n’a
pour objet que d’établir la néceffité du concours de l’auto
rité du R o i dans la publication des nouvelles Liturgies; il a
pour titre : Que le changement des Miffels & Bréviaires des
Eglifes particulières de France, ne fe peut faire fans ordre &
permijfioti du Roi.
On fait les difficultés qu’éprouva Pitou de la part du Clergé
de F ra n c e , lorfqu’il voulut donner au public fon Traité des
Libertés. L e Parlement prit cet o u vrage, dès qu’il le
connut, fous fa p rote& io n , & en permit l’impreffion par
fon Arrêt du 3 Septembre \ 594.
Un fécond Arrêt du 13 Mars 1609 en ordonna une nou
velle édition.
Pierre Dupuis fit un Commentaire fur ce Traité; il voulut
le faire imprimer vers 16 2 9 , avec un recueil de Preuves : il
fallut un nouvel Arrêt pour en autorifer l’impreffion. Le
Clergé s’avifa de vouloir condamner le Traité des Libertés
& les P reu ves, comme on le voit dans une lettre adreflee
aux Evêques de France, au mois de Février 1639 . Un nou
vel Arrêt du 23 Mars 1640 réprima cette entreprife. L a Cour
reçut par cet Arrêt M. le Procureur général appellant comme
d abus des cenfures, f i aucunes étoient intervenues contre le
livre des Libertés Gallicanes 3 & Preuves d ’icelles , caffa & rc'~
W
�86
voqua comme, attentat toutes cenfures faites par Eccléfîajliquef
fu r ce fujet.
Dupuis donna une nouvelle édition des Libertés & des
Preuves en 1 6 5 1 . Cette édition n’a été publiée qu’en vertu
de Lettres patentes adreffées à tous les Parlements, Prévôts,
Baillis, & à tous les autres officiers du royaume. Ces Let
tres patentes ont été enregiftrées à la requifîtion de M . le
Procureur général.
Q u’on ne dife pas que ce n’eit là qu’un privilège que
l'imprimeur a cru devoir, pour plus grande précaution, faire
enregiftrer au Parlement. C e n’eft pas un fimple privilège ;
ce font de véritables Lettres patentes , qui n’ont ni le ftyle,
ni la forme d’un privilège. D ’ailleurs, il y avoitun privilège
du R o i en la forme ord in aire , donné cette même année là
pour l’impreiTion du même ouvrage : ce qui prouve que le
jR o i, indépendamment de ce p rivilège, a voulu revêtir la
publication des Preuves des Libertés, du fceau defon autorité
dans les formes légales. Les différents Arrêts qu’on vient de
citer prouvent pareillement que la Cour a vu dans ces Preu>
ves fa véritable doftrine fur les droits du R o i dans les matieres
eccléfiaftiques; & d an s le chapitre 3 1 c la néceifité des Lettres
patentes pour la publication d’un nouveau Bréviaire , d’un
nouveau M iffel, & en un mot d’une nouvelle Liturgie.
On alléguera fans doute que l’Edit de 1695 a changé letat des choies ; que depuis cet Edit les Evêques peuvent faire
des Règlem ents, rendre des Ordonnances & les faire exé
cuter , notamment dans ce qui concerne le culte divin, fans
que ces Règlements foient revêtus du fceau de l’autorité
royale.
On répond premièrement que depuis 1695 on n’en a pas
moins regardé qu’auparavant, la néceiîité du concours de
�§7
l'autorité royale pour la publication d’une nouvelle Liturgie.
L ’Arrêt du 13 Avril 1709 , rendu en faveur du Chapitre de.
Saint-Martin de T ours, en eft la preuve ; & s’il n’y en a pas
eu depuis, c’eft qu’il ne s’eft point élevé de conteftations ju
ridiques fur l’introduélion des Liturgies nouvelles établies
dans quelques diocèfes.
O n répond en fécond lieu, fans vouloir entrer dans l’exa
men des conditions & des formalités qui manquent à cette
loi pour lui imprilper le cara&ere d’un E d it, ni dans la difcuiîïon des claufes infolites qu’elle renferm e, & qui la ran
gent dans la claife de iimples Lettres patentes, que ces Let
tres patentes n’ont pas dépouillé le R o i du droit de revêtir
de fon autorité les règlements eccléfiaftiques, pour obliger
efficacement les fideles de fon royaume. L e R o i ne s’eft pas
lié par cette loi jufqu’au point de ne pouvoir plus faire ufage
de fon autorité ; auroit-il voulu renoncer à un droit inhérent
à fa Couronne, qui fait partie de fon Domaine ro yal, lequel,,
félon tous les Jurifconfultes , eft inaliénable ? Non fans
doute.
Il y a p lu s, c’eft qu’il réfulte de l’article 28 des Lettres
patentes même, que les Ordonnances des Evêques touchant
le culte extérieur dans leur diocèfe, ne peuvent obliger les
fideles qu’après qu’elles ont été revêtues de Lettres patentes:
le R oi feul a la puiflance exécutrice dans fon royaume ; les
O rdonnances des Evêques ne peuvent dans nos mœurs conte
nir de fan ôion obligatoire, qu’elles ne foient revêtues dufceau
de l’autorité royale. Une Ordonnance épifcopale qui fuppnme un Liturgie, qui en introduit une nouvelle, ne renferme
& ne doit renfermer par elle-même aucune fan&ion; elle
n inflige aucune peine contre ceux qui ne voudront pas y
c eir. Or , comme un changement tel que celui d’une L i-
�88
'turgie nouvelle, fe fait rarement fans contradiction, quel
fera donc le moyen de forcer les refufants ? Il n’y en a au
cun : il faudra donc recourir à l’autorité du R oi ; & ce feroit
à commencer autant de fois qu’il fe trouvera des refufants
dans un diocèfe.
Nous difons donc, & l’on ne peut trop le répéter : le R o ifeu l
& ceux qui le repréfentent, ont l’autorité néceifaire pour faire
exécuter les loix dans fon royaume ; les Evêques n’ont rien
qui leur en tienne lieu. L ’autorité publique eftune en France;
elle eft impartageable,indivifible; elle réfidetoute entiere dans
la main du R o i, où l’on ne peut l’exercer partiellement qu’en
vertu d’une conceifion expreffe faite en forme légale ; conceffion dont il faut juilifier authentiquement à tousfèsfujets,
pour la leur faire reconnoître : jufqu’à ce qu’ils l’aient connue
légalement, on ne peut pas les obliger de s’y foumettre.
C e font là de ces maximes q u i, félon l’exprefïion de
M . T alo n , A vocat général,yè foutiennent ajje^par leur propre
poids , & qui nont pas befoin de mendier les fuffrages. S’il en
étoit befoin, ilfuffiroit d’ouvrir l’Hiftoire de l’Eglife & fes
C onciles, pour y voir ce droit reconnu dans les Empereurs
& dans les Rois par des Conciles pléniers, par les Papes euxmêmes, & par les plus grands D oiteurs de l’Eglife.
Dira-t-on que les Lettres patentes de 1695 concèdent aux
Evêques la portion d’autorité royale dont il s’agit? Non.
Ces Lettres patentes ont été accordées à la très - preifante
follicitation du Clergé : elles contiennent à la vérité une extenfion des droits accordés par nos Rois en différents temps au
Clergé ; mais comme cette extenfion n’a pu fe faire fans fe
départir en quelque forte des droits qui appartiennent effentieilcment à l’autorite royale : il faut la reflreindre dans les
limites qui lui font preferites de dans les cas énoncés. Car
enfin
�enfin ces Lettres patentes n’accordent qu’une efpece de pri
vilège , qui ne doit jamais être étendue au-delà des bornes
prelcrites.
On ne trouvera dans les Lettres-patentes de 1695 , ni
implicitement, ni explicitement, que le R oi ait permis aux
évêques de changer la Liturgie de leur diocefe , fans y être
autorifés par des Lettres-patentes. D ’ordinaire, les loix ne
défendent nommément que les chofes qui fe pratiquent lorfqu’on les établit^Les Lettres-patentes de 169 5 , par exem
ple , ont défendu aux évêques d’ajouter ou de fupprimer des
fêtes , fans y être autorifés par Lettres du R o i; & pour
quoi ce cas fe trouve-il fi difertement énoncé? C ’eil parce
qu’il y avoit alors des évêques qui s’étoîent avifés de fup
primer plufieurs fêtes chômées, & que d’autres avoient
tenté d’en établir, fans avoir préalablement pris l’autorifation du Roi.
Ces Evêques ne s’occupoient pas encore alors à don
ner chaque jour de nouvelles Liturgies; ils fe bornoient
à corriger, à perfectionner les anciennes. Comme ils n’établiifoient rien de nouveau dans le culte extérieur, il n’étoit
pas abfolument néceifaire que l’autorité royale autorisât ces
changements, ces corrections, qui d’ailleurs n’etoient pas
confidérables. C ’eil donc parce que les évêques ne faifoient
alors rien de nouveau , qu’ils ne prétendoient pas donner *
des Liturgies entièrement différentes des anciennes , que les
Lettres-patentes de 1695 n’ont pas exprimé ce cas: or, dès
qu’il n’y eil pas exprim é, il faut dire quk le R o i n’a point
voulu difpenfer les évêques de la néceifité de prendre fou
autorifation : c’eil faire injure au Légiilateur que de lui fup.pofer une intention qu’il n’a pas eue , parce qu’en effet il
n a pas dû l’avoir.
M
�9°
On a fait plaider qu’au moins ce n’eft plus l’ufage de de
mander au R o i des Lettres-patentes pour la publication
d’une nouvelle Liturgie; que le Bréviaire de P aris, que l’on
cite continuellement pour exem ple, n’a-pas été revêtu de
cette formalité : mais a-t-on fait attention, en propofant ce
principe étrange , aux conféquences funeftes qu’il entraîne?
Q u oi! parce que le R oi n’auroit pas fait u n e, deux, plufieurs fois ufage d’un droit qui lui appartient effentiellem ent, qui fait partie de fon domaine ro y a l, & qui eit ina
liénable , on prétend qu’il ne pourra jamais en faire ufage
en pareille circonftance, qu’on ne fera plus reçu à l’invo
quer! & c’eft au parlement de Paris, au dix-huitieme fiécle , en la Grand’-Chambre , en préfence de M M . les Gens
du R o i , que l’on ofe avancer ce paradoxe ultrainontain ,
qui méconnoît & défavoue ainii une portion de l’autorité
royale !
C e n’eft pas d’aujourd’hui que le Clergé cherche à
étendre fa puiifance au préjudice des droits du R o i; mais
les gens d’affaires de M. l’Archevêque de Lyon peuvent fe
glorifier d'avoir porté à cet égard les prétentions pontifi
cales, plus loin qu’aucun évêque de France ne les a jamais
portées. Jamais en effet, aucun évêque n’a fait plaider au
Parlement ( parce qu’il ne s’eft pas encore trouvé des défenfeurs aufli docilement complaifants) que les ordonnances
des évêques n’avoient pas befoin d’être revêtues du fceau de
l’autorité publique, pour obliger des fujets du R oi à les exé
cuter. Il y aura donc dans le Royaum e une puiffance publi
que, autre que celle du R o i, qui pourra impofer des loix
aux fujets du R o i, & les contraindre à les fuivre ? O u i, il y
en aura une , fi l’on en croit les gens d’affaires de M. l’Archevêque de L yon . C ’e fl- là ce qui fuit naturellement du
�9*
principe qu’ils ont fait avancer à l’Audience , Sz qui eft la
bafe de tout le fyftême des défenfeurs du Prélat.
Les Appellants comme d’abus fçavent quelles font à cet
égard les faines maximes du gouvernement François : ils
connoiffent les loix & les ufages fondamentaux du R oyau
m e ; & c’eft parce qu’ils les connoiffent, qu’ils redoublent
de courage & de zèle dans cette défenfe. C e n’eft pas leur
caufe feulement qu’ils foutiennent aujourd’hui; c’eft celle
du R o i, celle des Magiftrats qui le repréfentent, celle de
toute la nation.NS’il étoit poilible que le fyftême de M. l’Archevêque de L yon fût adopté, ce triomphe de l’autorité
pontificale dans fa perfonne produiroit à l’avenir les plus
funeftes effets. Un Arrêt qui rejetteroit les principes qu’on
vient d’établir, ( ils reçoivent tous leur application dans l’efpèce , puifqu’il s’agit d’une ordonnance eccléfiailique qui
doit obliger non-feulement les Chapitres, les C u ré s, les
Gros-Décim ateurs, mais encore tous les fideles d’un grand
& nombreux diocefe, ) & canoniferoit les principes con
traires , romproit vifiblement les barrieres que le R o i &
tous les Parlements ont oppofées jufqu’ici aux prétentions
pontificales ; ce feroit un prétexte pour le Clergé de re
prendre plus de terrein que le R o i & tous les Parlements
du Royaum e n’en ont recouvre depuis plus dun fiecle.
On recommence à meconnoitre aujourdhui parmi nous
les Libertés de l’Eglife Gallicane ; il faut donc les défendre
avec d’autant plus de foin & de vigilance, qu’elles ne font
plus attaquées feulement par une puiffance étrangère. D e
puis long-temps on leur porte, dans le fein même du royau• m e , des atteintes mortelles d’autant plus à redouter, qu’on
ne préfume pas que des François puiffent a v o i r d’autres
maximes que celles qu’elles contiennent.
M ij
�Nous ne craignons pas d’avancer que M . l’Archevêque de
L y o n eft le premier évêque de France qui ait porté à-la-fois
auffi loin les prétentions pontificales, au préjudice des droits
du R o i & de ceux du Clergé du fécond ordre. Quelques évê
ques ont bien donné à leur diocefe de nouveaux Bréviaires
qu’ils n’avoientpas fait revêtir deLettres-patentes, mais ils ne
conteftoientpasles droits du Roi. M. l’Archevêque de L yon
eil le premier évêque qui ait fait plaider, qu’il n’eft pas néceiTaire d’obtenir des Lettres-patentes pour la publication
d’une Liturgie nouvelle ; il eft le premier évêque qui foutient dans une défenfe juridique, q u e, pour changer le culte
extérieur de fon diocefe, il n’a pas befoin du confentement
du Chapitre cathédral, & qui ait configné dans une ordon
nance l’inutilité de ce confentement, par une claufe nou
velle &: infolite , petito conJîLio, au lieu de la formule or
dinaire & ufitée, de confenfu ou celle de conjilio & ajfenfu.
Cette formule au moins réclame en faveur du droit des
C hapitres, qui a été maintenu jufqu’ici par une jurifprudènce confiante & uniforme. Elle a déplu à M. l’Archevêque de L yon -, elle formoit une entrave aux prétentions
defpotiques qu’on lui fuggere. Il la retranche j il lui en
fubftitue une qui dépouille entièrement le Chapitre prima
tial de fon droit. Cela feul eft un abus cara&érifé.
§•
111.
T r o i s i è m e
A b u s.
Inutilité des Livres liturgiques & des dépenfes qu ils entraînent.
Répondons ici à une obje&ion qui a été faite aux Appellants: le développement d’une partie de cette réponfe
expofera le troifieme moyen d’abus.
�ysj
93
M. L ’Archevêque de L yon déclare dans Ton M ém oire;
page 3 5 , qu’il borne fa défenfe à cette feule réflexion : « Les
» Evêques chargés par état de veiller à la priere publique,
» font les juges des réformes & des changements que les
» circonitances& l’utilité du Diocefe exigent dans des Livres
» liturgiques. Et quand le C hapitre, qui forme le fénat &
» le confeil du Prélat, les agrée, & qu’il s’efl: fournis à les
» introduire dans l’Eglife cathédrale, des Chanoines parti» culiers ne font pas recevables à vouloir décliner cette
» double autorité. »
Tout ce qu’on fait dire de plus à M. ¡’Archevêque n’eil
que pour inflruire & défabufer les Adverfaires.
Cette réflexion a deux parties ; l’une concerne M. l’A rchevêque de L y o n , & l’autre le Chapitre. L a premiere
s’écarte d’un feul mot. M. l’Archevêque de L y o n reconnoît
qu’il n’efl: ju ge des réformes & des changements que lorfque
les circonflances & l futilité du Diocefe les exigent dans les
Livres liturgiques. O r aucune de ces conditions ne fe trouve
dans l’efpece; il n’y a point de réformes à faire dans les
Livres liturgiques, de l’aveu de M. l’Archevêque lui-même,
puifqu’il reconnoît qu’il n’en avoit point paru jufqu’ici de plus
parfaits : Nihiladhuc forte prodierat in hoc genere perfeclius. Il
n’y a aucune utilité de faire une telle dépenfe ; les Eglifes
du Diocefe font fournies de Livres liturgiques j l’édition du
Bréviaire de 17 6 0 , donnée par M. l’Archevêque de L yon
lui-m êm e, n’eft pas épuifée : d’ailleurs il 11e s’agit pas ici de
réformes & ¿c changements dans les Livres liturgiques, il
s’agit d’un renverfement total du culte extérieur dans les
Eglifes du Diocefe de L y o n , & de l’établiflement d’une L i
turgie entièrement nouvelle.
L a fécondé partie de la Réflexion fe détruit avec autant
�iîrf
VU
94
de facilité ; elle l’a même été d’avan ce, page y 3 & fu i-
y antes. On ne fe répétera pas.
On a entendu des voix s’élever, & dire: Pourquoi le
Chapitre s’oppofe-t-il à l’introduftion d’une Liturgie ? Que
lui importe que Dieu foit p rié , qu’on chante fes louanges
de cette maniere-ci ou de cette maniere-là, qu’on fe ferve
d’une ancienne Liturgie ou d’une nouvelle? L ’ancienne
étoit bonne, foit; mais la nouvelle l’eft auiïï.
Qu’il foit permis de rétorquer l’argument contre M. l’Ar
chevêque de L y o n , & de demander quelle raifou valable
il peut avoir de renverfer la conftitution d’une Eglife auiïi
admirable que celle de L yo n ? de lui enlever fon antique
& vénérable Litu rgie, qu’il tient des mains de fes pre
miers A pôtres, qui a été épurée & embellie par cent vingthuit A rchevêques, qui a mérité les éloges des faints les
plus célébrés & les plus illuftres, d’un S. Bernard, & d a n s
les derniers fiécles du Cardinal B o n a, de M . l’Avocat gé
néral Servin, qui diioit en 1603 ?
a ^ ^lt
l’Eglife
de L y o n , par titre d'honneur: Ecclejia Lugduncnfis nullas
admittit novitates, ce que n’ont pas fait les autres ii foigneufement ?
M . l’Archevêque de L yon auroit-il donc trouvé des dé
fauts eifentiels, des erreurs ? non. Il n’y a rien trouvé de
femblable ; elle eft m êm e, de fon aveu, la plus parfaite &
la plus épurée qui ait paru jufqu’ici, N ih il adhuc forte prodierat in hoc genere perjeclius. Il ne lui manquoit qu’une main
correctrice pour achever de perfe6lionner cette partie du
culte divin, afin que l’Eglife de Lyon n’eût rien à envier
aux autres : Emendatricem igitur in eo capite manum quafi
poflulare videbatur : ut nihil effet quoi celeberrima hœc E c *
clejîa aliis invidcrct} quas antiquitatç vincit & dignitate,
�95
II ne manquoit à la Liturgie de L y o n , félon M . de Monta zet, que l’élégance & le poli des Liturgies poitérieures.
Mais l’élégance & le poli ne font pas des qualités eifentiellès
à la priere , elles en énervent bien plutôt la noble {implicite
& en affoibliffent l’onélion. Pourquoi frapper d’un bras deftrufteur un ouvrage à qui il ne manque qu’un peu d’élé
g an ce, & qui étoit le plus parfait en fon genre en 1737?
époque où la Liturgie de Paris étoit déjà connue ? Elle
parut en 1736^ Quels phénomènes liturgiques ont donc
paru depuis ? L efprit de piété & le goût de la priere ont-ils
fait des progrès? Avons-nous plus de faints? ils font les vé
ritables maîtres dans l’art de prier, iî prier eit un art* C ’eil
donc le deixr du mieux qui détermine M . l’Archevêque à
publier une nouvelle Liturgie : m otif très-incertain, qui ne
peut être pefé que dans la balance du g o û t, & qui occaiionneroit des difputes auxquelles il ne convient pas de fe
livrer; motif toujours prêt à renaître, & qui ne permet
tra pas d’avoir jamais rien de fixe 8c de certain; m otif,
en un m ot, qui peut fervir de prétexte à des innovations
dangereufes, qui fe renouvellera à perpétuité, 8c qui, dé
pendant du caprice non moins que du goût,pourroitm êm e
opérer pluiieurs révolutions liturgiques fous un même Ar
chevêque. Et qui répondra que ce que M. l’Archevêque
de L yon a fait, chacun de, fes fucceiîeurs ne le fera p as?
Il a donné en dix ans deux Bréviaires à fon D iocefe , dif
férents de l’ancien, & le fécond abfolument différent du
premier. Voilà le premier pas fa it; la porte eft ouverte à
qui voudra déformais y entrer.
Il y a plus ; les Appellants comme d’abus foutiennent
que dans une matière comme celle-là où il eft défendu
d in n o v er, la loi s’oppofe à tous les changements quelle
ne permet pas.
�c>6
Il faudroit une loi bien précife pour autorifer un Evêque
à compofer un Bréviaire, un MiiTel, en un mot, une nouvelle
Liturgie : or les Appellants comme d’abus ne craignent pas
d’avancer qu’il n’en exiile aucune. L e pouvoir de M . l’Archevêque de L y o n , en ce genre comme en tous les autres,
eit limité par les Canons, par les Loix du R oyau m e, par
la Jurifprudence qui lui ordonne de corriger, &: rien de
plus : M. l’ Achevêque de L yon a outre-paffé toutes ces
Loix. Il ne veut pas corriger feulement la Liturgie de l’Eglife de L y o n , mais l’anéantir de fa feule autorité, contre
la volonté connue du Clergé de tout le D iocefe, malgré
la réfiftance du Chapitre primatial, contre fon refus d’y
confentir, & enfin fans la permiiîion & l’autorité du R oi.
Une autre confidération mérite encore attention ; ce font
les dépenfes qu’exigent néceiTairement les révolutions litur
giques : en voici le calcul fans exagération. Un nouveau
corps de Liturgie coûtera bien pour l’im preflion, frais de
reliure, d’entrepôt, & c . au moins cent cinquante mille
francs.
O r le Diocefe de L yon n’a pas befoin de cette dépenfe :
les anciens Livres exiftent, les frais en font faits. Il refte
pour environ 40000 livres de Graduels, Antiphonaires,
& autres Livres de chant ; le Diocefe en a fait les avances,
qui lui rentreront avec le temps. Sila révolution a lieu, voilà
40000 liv. de perte feche.
Il reite auffi un nombre affez confidérabie de Bréviaires.
L a derniere édition, donnée en 17 6 0 , ne peut être épuifée.
Depuis cette édition, les ordinations ont été moins nombreufes qu’auparavant ; il eit mort beaucoup d’ecclefiaftiques fujets à l’office : leurs Bréviaires n’ont pas été enfevelis avec., e u x , ils ont paiîe en d’autres mains. Ne reftât-il
que
�.
que trois cents exemplaires du Bréviaire de 17 6 0 , ceferoit
encore une perte d’environ 3000 liv. qu’il faudroit joindre
à la précédente.
Pour juger fi le Diocefe de L yon a befoin de dépenfer
150000 liv. en Livres liturgiques, il faut examiner ce qui
lui manque. Il a des Livres de chant & des Bréviaires pour
vingt ans au moins ; il n’a befoin que d’une nouvelle édi
tion du M iifel, qu’on pourroit faire pour 20000 livres. Le
Chapitre primatial a\offert d’en faire l’impreflion à fes frais.
L a nouvelle Liturgie coûtera quatre fois plus : voilà par
conféquent 80000 livres avancées mal-à-propos vingt ans
avant qu’on en eût befoin.
Mais cette fomm e, dira-t-on, étoit dans les coffres du
R eceveu r, & elle ne coûtera rien au Clergé qui n’a pas
fait d’emprun. Si cela e ft , voilà un abus énorme dans la
perception des deniers : cent cinquante mille francs dans
les coffres du Receveur, après la quote du Diocefe payée, ne
peuvent provenir que des furcharges impofées fur les con
tribuables. L a taxe du Diocefe pour les décimes anciennes
& nouvelles, don gratuit, frais de régie ou autres acceffoires,
n’eft-elle pas affez forte ? D e quel droit impofe-t-on fur les
bénéficiers plus qu’il ne faut pour acquitter les charges ?
C ’eft donc une taxe impofée fur le D iocefe, &: une vraie
vexation.
O r la Déclaration du 20 Janvier 1 5 9 0 , art. 10 , défend
aux Evêques d’impofer aucune taxe fur leur C le rg é , fous
quelque prétexte ou couleur que ce foit, fans la permiffion
du Roi. Un Arrêt du 6 Juillet 1 6 2 0 , rendu fur les conclu
rions de M . l’A vocat général Servin , a maintenu l’exé*
CUtion de cette difpofition.
A in fi, fous ce point-de-vue, voilà un nouvel abus dont
N
�98
la publication de la nouvelle Liturgie eft infe&ée ; c’eft un,
impôt que M . ¡’Archevêque de L yon établit fur Ton dioc e fe , fans permiiîion du Souverain, contre la difpofition
exprefte d’une loi.
Ces dépenfes font énormes. Comme les particuliers paye
ront tout’cela fous le nom de D ¿cim es, ils fendront moins le
dommage que la nouvelle Liturgie leur caufe ; mais ils n’en
feront pas quittes pour les furcharges que chacun A ppor
tera dans fa quote ; la révolution les aiTujettira tous en ou
tre à quelques dépenfes, au moins à celle d’un Bréviaire
nouveau, puifque l’ancien, qui pouvoit leur fervir toute la
v i e , fera profcrit : preiniere Capitation , que les plus pau
vres Apporteront comme les plus riches.
Cette dépenfe excédera trente mille francs pour le Chapi
tre primatial. Il eft tenu de fournir de livres près de cent
églifes. Ces églifes font fournies ; il en a fait acheter en
outre , il y a quelques années, pour les rem placer, pour
deu* mille écus. Ces livres feront inutiles -, il en faudra de
nouveaux. Ajoutez la dépenfe de tous ceux qu’il faudra
mettre dans l’Eglife primatiale , qui montera au moins à
dix-huit ou vingt mille francs.
Les autres Chapitres ont beaucoup de livres de chant
dans le choeur, & de Miflels dans la Sacriftie ; tous ces
livres fe trouveront donc hors d’ufage en un inftant : premiere perte réelle. Il coûtera des fommes coniidérables pour
fe fournir de nouveau, & autant que li la flamme eût tout
dévoré. Les paroiifes des villes & des campagnes feront
dans le même cas ; le fléau frappe du même coup fur toutes
ces églifes -, les fabriques, ordinairement trcs-pauvres, s’épuiferont ou s’endetteront pour acheter des livres , & b if
feront dépérir tout le refte. Les livres feront neufs, & les
�ornements en lambeaux. Où il n’y a point de fabriques, il
faudra s’en prendre aux D écim ateurs, quife plaignent déjà
d’être fort chargés : s’ils réiiftent, il y aura des procès &
des dépens : tels font les fruits les plus certains de la révo
lution.
Il en coûtera donc 150000 livres au Clergé de ce diocefe pour renoncer à une Liturgie vénérable , que l’ha
bitude a rendue familiere & d’une exécution fa c ile , pour
renoncer à la gloiraque fon immutabilité lui a procurée jufqu’à ce jou r, pour ie foumettre à un apprentiifage pénible,
pendant lequel la célébration diilraira ou fcandalifera les
fideles, au lieu de les édifier. C ’eft-là certainement un grand
abus : on l’a démontré.
I I e. P A R T I E
DE L A
CAUSE.
A b u s dan s les C o n co rd a ts, D é lib é r a tio n s c a p it u la ires d e s /Z & f j N o v e m b r e , y
&
10
D éc e m b re
i y y 6 , q u i les a d o p ten t, & dans les autres A c le s
q u i y f o n t re la tifs .
Les Délibérations des 10 Ju illet, 12 & 13 Novembre»
7 & 10 Décembre 1 7 7 6 , ne font pas feulement irregulier e s , elles font encore abuiives ; le Concordat ou projet de
Tranfa&ion foufcrit par M M . les Archevêques de L yon &
d’Em brun, qui a été adopté par les Délibérations des 12 &:
13 N ovem bre, 7 & 10 Décembre 1 7 7 6 , eft d’ailleurs nul
c abufif. On n’expofera pas tous les abus qui fe préfentent
dans ces différents A ftes ; la difcuffion nous conduirok
trop loin : on fe bornera à quelques-uns.
N ij
3
�■v V'/\
100
§. I.
P
r e m i e r
A
bus
.
L e R o i n a pas confenti les changements dans les Statuts &
le Régime du Chapitre 3 arrêtés par le Concordat ou projet
de Tranfaclion.
L e R o i devoit être informé des changements que M. l’Ar
chevêque prétend faire dans les Satuts & dans la difcipline particulière du Chapitre primatial de Lyon ; il devoit
coopérer au changement, ou au moins y confentir. Il effc
certain qu’on ne peut point changer la conftitution du Charpitre, fans le confentement exprès du R o i, pour deux raifons. La premiere, le R o i s’eft engagé dans un a& e folemnel,
dans le Traité de ceflion de la fouveraineté de l’ Eglife de
L y o n , en 1 3 0 7 , à maintenir le sU fa g e s, les Statuts, les
Droits & les Prérogatives particulières du Chapitre de Lyon ?
c’eft l’une des conditions de la cefîïon. La fécondé, le R oi
eft fondateur du Chapitre primatial. Développons ces deux
points.
L e Chapitre de Lyon poiTédoit la fouveraineté de la -ville
par indivis avec les Archevêques,, depuis la ceiïion d’une
portion de cette fouveraineté & du Comté de L y o n , faîte
au Chapitre en r 173 , par G u i , Comte de Forés. Cetteceifion. avoit été faite au Chapitre pour mettre fin à toutes
les conteftations qui s’étoient élevées entre les Archevêques
de Lyon & les Comtes de Forés. Depuis la ceifion, quoi
que la fouveraineté de la ville fût pofledée par indivis ,
les Droits & prérogatives particulières, fpirituelles & tem
porelles de l’Archevêque & du Chapitre, ont été réglées pat
un grand nombre de Jugements d’arbitres, de Concordats ,
de Tranfaftions, depuis 12,26 jufqu’à 1294.
�101
L e Chapitre avoit des droits communs avec M. l’Arche
vêque} il en avoit de particuliers : il avoit des ufages qui
lui étoient propres, des ftatuts qui contenoient ces ufages} il
avoit en outre des prérogatives & des libertés : tout cela
lui a été confirmé par plufieurs C onciles, & nommément
par celui tenu à Anfe en 1299.
L e Chapitre a ftipulé dans le Traité de ceifion de la
fouveraineté , la maintenue de ces droits, de ces u fages,
de ces privilege<\& de ces libertés : Philippe le Bel promit,
pour lui & fes fucceifeurs, non-feulement de les maintenir,
mais auffi de les défendre. Tous les Rois ont confirmé &
exécuté ce T raité, & toutes les claufes qui y font ftipulées.
11 eil inutile de rappeller ici les différentes confirmations
& ratifications que nos Rois ont faites de ce Traité : on l’a
fait ailleurs, il faut éviter les redites. Un fait bien certain
& bien prou vé, c’eit que les ftatuts anciens , les ufages ,
les privilèges & prérogatives du Chapitre, ont toujours été
maintenus jufqu’ici par l’autorité civile & eccléfiaftique.
Le R oi eft le fondateur du C hapitre} voici comment il
l’eft devenu. Les anciens Rois de Bourgogne, de Proven ce,
le Dauphin Viennois, les Comtes de Forés, avoient con
tribué à la fondation & à la dotation du Chapitre } ils en
étoient tous Chanoines. Le R oi a réuni à fa Couronne tous
les droits de ces différens Souverains} il s’eit en conféquence regardé comme feul Fondateur & premier C ha
noine du Chapitre primatial : toutes les Bulles concernant
les llatuts, la difcipline & les ufages particuliers du Cha
p itre, ont été demandées aux P apes, conjointement par
nos Rois, comme fondateurs & premiers Chanoines, & par
le Chapitre : en conféquence, nos R o is , & M M . les Pro
cureurs généraux, ont toujours depuis regardé les intérêts
�A
t
102
de ce C hapitre, fes droits, fes prérogatives, fes libertés ,
& c . comme étant tellement unis & incorporés aux droits
d e là Couronne, que rien ne peut ni ne doit jamais les en
féparer (i)On fçait le reipefl: cpie méritent les fondations royales ;
elles doivent être .obfervées avec toutes les conditions qu’il
a plu au fondateur d’y appofer. D e telles fondations, dé
crétées par le Pape & enfuite par l’Evêque diocéfain, ont
acquis la force & l’autorité d’un A6te fynallagmatique ;
elles font devenues des conventions proprement dites, con
tre lefquelles il n’eft plus permis de reven ir, puifque ce font
ces conventions qui donnent l’être aux bénéfices dont elles
deviennent la loi.
Toutes les fois qu’il s’agit de déroger à une fondation,’
l’on doit entendre auparavant tous ceux qui y ont intérêt j
il ne fuffit pas d’appeller les Patrons, on ne peut faire au
cun changement fans leur exprès confentement : l’Eglife
eft fi attachée à la confervation de leurs droirs, qu’elle ne
fouffre pas même que le Pape y puiiTe déroger dans les col
lations ordinaires : ainfi elle n’a garde d’y vouloir donner
atteinte quand il s’agit de les diminuer; fa reconnoiifance
lui fait regarder ces bénéfices comme faifant partie du pa
trimoine des Patrons laïques, ayant été dotés des biens de
- ( i ) Capitulum prædiftaque Ecclefia, tàin in capitequàm in membris, ac etiam jurifdiftiones, poiTefliones & omnia alia b o n a . . . . C a pituli, fint in 8c de falvâ-gardiâ fpeciali ad caufam Coronæ Franciæ,
& ad di&am caufam &£ immediato reflorto regio ; eratque falva-gardia Sc reflortum hujufmodi taliter annexæ juribus diftjc Coronæ , quùd
à dotnanio regio ullo modo dividi & feparari non debent nec poffünt. Déclaration de t^âc) , demandée pa r M , le Procureur général} <S‘
fidrejfée au B a illi de Saint-Gengoux.
�105
leur fam ille, ou de ceux qu’ils repréfentent. C ’eKl pourquoi
l’art, x x i i i de l’Ordonnance de Blois requiert exprefiement
J k fans équivoque , l’intervention de leur confentement,
comme une condition eifentielle, fans que le Pape lui-même
puiife y déroger; & l’on ne doit point , pour obtenir ce
confentement, impofer de loi nouvelle à l’Eglife.
r
Il en faut dire autant, à plus forte raifon, des bénéfices
de fondation ro y a le , auxquels il ne peut être dérogé fans
l’exprès confentement du R oi. Dans les bénéfices dont il
n’eft pas fondateur, il ne peut même y être fait aucun chan
gem ent, ni dans le régime extérieur, ni dans les conditions
de la fondation, fans fon autorifation , qui s’opere par la
formalité de Lettres-patentes enregiftrées. Mais cette for
malité ne fuffit pas lorfqu’il s’agit de traiter des conditions
de la loi d’un bénéfice de fondation royale , & d*y déroger.
L e R oi doit être préalablement informé des changements à
faire , 8c les confentir ; la feule formalité des Lettres-paten
tes enregiftrées n’eft pas alors fuffifante.
C ’eft l’u fage, lorfqu’il s’agit de vifiter un Chapitre de
fondation ro y a le, exempt ou non exempt-, de réformer
ou de faire des changements dans fes flatuts, quand même
on ne porteroit aucune atteinte aux conditions de la fondation,
que le R o i nomme un Commiifaire pour y procéder en fon
nom & de fon autorité. Un exemple récent confirme cet ufa ge.
L ’Eglife collégiale de Montbrifon, au diocefe de L y o n , eft
de fondation royale. M . de M ontazet, Archevêque diocéfain , n’a pas cru pouvoir vifiter ce Chapitre, & y faire les
changements qu’il defiroit, de fa feule autorité. Il s’eft fait
nommer h cet effet Commiifaire du R o i; & c’eft en vertu de
cette qualité, qu’il a procédé à la vifite de ce Chapitre.
Si donc cette qualité a paru indifpenfable à M. l’Archevê-
/
�thU
^
104
que de L yon pour vifiter un fimple églife collégiale de
fondation royale, il étoit fans doute plus indifpenfable que
le R oi fût informé des projets de réforme, & des concordats
qui reglent & qui modifient même la conftitution politique
& les ftatuts du Chapitre primatial ; il étoit fans doute
plus indifpenfable encore qu’il intervînt un CommiiTaire du
R o i dans les concordats ou tranfa&ions, puifqu’il ne s’agit
pas moins que de déroger à la loi de la fondation de ce Cha
pitre , qui la tient du R o i , le R o i réunifiant dans fa main ,
comme on l’a v u , tous les droits des anciens fondateurs.
C e mépris des droits du R o i eft un violement manifefte
des regies, & un abus manifefte, qui infefte non-feulement
le Concordat foufcrit le 2 9 A oût 1 7 7 6 par M M . les A rch e
vêques de L y o n & d’Em brun, mais encore les Délibérations
qui y ont donné lieu, & celles qui Font adopté,
§.
II.
D
e u x i e m e
A
b u s
.
Les changements arrêtés dans le Concordat portent une atteinte
directe au ferment des Chanoines-Comtes,
O n a vu que les ufages, les coutumes anciennes du Cha
pitre primatial, fes ftatuts & fes libertés, tiennent à l’état po
litique du Chapitre; qu’ils font entrés dans le titre même de
fa fondation qui, comme on vient de l’établir, ne peut être
changé ni modifié que par le R oi lui-meme.
Les Chanoines-Comtes font tenus d’entretenir ces ufages
anciens, ces libertés & les ftatuts du Chapitre, en vertu d’un
ferment exprès, par une obligation fpéciale qu’ils contrac
tent envers le R oi lors de leur inftallation ; ils font en conféquence attachés irrévocablement à leur exécution, Le R o i ,
qui
�I05
qui a intérêt à l’obfervation du ferment, fait affifter fes offi
ciers à la preftation, dont il eft dreffé procès-verbal, pour
s’aiïurer que les lo ix , les ufages & la difcipline du Chapitre
feront fidèlement obfervés. Ainfi chaque Chanoine-Comte
étant lié par fon ferment, auquel il n’a pas le pouvoir de déroger feul, comment feroit-il poffible que d’autres y portaC,
fent atteinte, & l’anéantîifent en quelque forte fans fon confentement & fans fa participation , fans le confentemcnt &
l’autorité du Roi,^qui en eft le dépofitaire ? Il faudroit dire
cependant que tout ce renverfement s’opéreroit, fi l’on vouloit foutenir les aéles & délibérations argués d’abus.
D ’ailleurs, on ne peut point changer le régime d’un Cha
pitre , fes ftatuts & fa difcipline, fans le confentement de
tous fes membres. Un changement de cette efpece ne peut
s’opérer que par des loix nouvelles ; & tous les Chanoines
intéreffés doivent concourir & coopérer à la confection de ces
lo ix : on ne peut pas forcer à les exécuter ceux qui ne les auroient pas confenties. C ’efl: à cet égard fur-tout, qu’une loi
nouvelle doit être l’engagement commun de tous ceux qui
compofent le Chapitre.
Aucune de ces conditions n’a été obfervée, puifqu’on n’a
pas pris l’avis de tous les membres du Chapitre pour les chan
gements dans les ftatuts & autres ufages de la difcipline du
Chapitre. Les concordats & délibérations, fous ce point
de v u e , font donc abufifs.
�10
III.
T
6
r o i s i è m e
A
b u s
.
• Les Délibérations capitulaires qui adoptent le Concordat paffé
entre M M . les Archevêques de Lyon & d‘Embrun , n’ont
point été faites dans les formes uftécs de temps immémorial
par le Chapitre , dans les affaires importantes.
ÎI fe tient tous les ans dans le Chapitre de Lyon trois affemblées générales, aux fêtes des R o is, de S. Jean-Baptifte
& de la Touifaints. Ces aflcinblées durent plufieurs jours j
on y traite les affaires ordinaires du Chapitre. S’agit-il de
traiter quelques affaires importantes où extraordinaires, c’eft
un ufage invariable de ne pas les arrêter fans l’avis & le confentement de tous les membres. V oici comme cela fe pra
tique.
Lorfque le Chapitre veut régler des points de difcipline,
& iîatuerfur une affaire quelconque, concernant foit le fervice divin, foit la difcipline particulière ou les ftatuts du
Chapitre, l’on arrête d’abord à une affemblée générale les
objets qui doivent être traités, & enfuite que les ChanoinesComtes abfents en feront inftruits & convoqués par lettres
aux Chapitres généraux prochains, ou autres indiqués. On
ne peut décider valablement la chofe propofée, qu’après
avoir reçu l’avis des abfents, ou prononcé contr’eux par dé
faut , & les avoir même contumacés. C e n’e ft , difonsnous, qu’après ces formalités, qu’on peut arrêter définitive
ment l’objet propofé.: c’eil là l’ufage confiant du Chapitre j
ufage autorifé par la jurifprudence.
Ilefl inutile de remonter plus haut que le quinzième fiécle;
Le 3 Février 1 422 , le Chapitre convoqua tous fes mem
bres abfents ; il fit inférer dans la lettre citatoire qui fut en-
�107
voyée à chacun d’eux, qu’ où ils manqueraient de comparoi-
tre dans la huitaine après le dimanche Judica m e, il feroit
procédé aux affaires qui fe rencontreraient, nonobftant leur
abfence.
L e 19 Janvier 15 43 le Chapitre arrêta de pareilles lettres
de citations, pour que les abfents euffent à fe trouver au
Chapitre du lendemain de Quajîmodo, à l’effet de ffatuer fur
ce qui feroit jugé convenable relativement au fervice divin,
dans lequel il s’étoit introduit quelque diminution ; pluiieurs Chanoines-Comtes ne comparurent point: la Com pa
gnie les déclara contumaces, s’ils ne comparoiffoient pas
jufqu’au lundi fuivant. N ’ayant point comparu, niperfonne
pour eux, elle les déclara de nouveau contumaces, en arrê
tant qu’ils feraient attendus jufqu’au mercredi, jour auquel,
après avoir prononcé un troifieme défaut, elle ordonna qu’il
feroit paffé outre, nonobftant leur abfence.
L e 9 Novem bre 1 5 5 5 le Chapitre fît pareillement c o n v o
quer tous fes Chanoines pour le 9 Décem bre fuivant, &
prononça défaut contre les abfents; il décerna de nouveau
des lettres citatoirespour le 15 Janvier. Ce jour-là un fondé
de procuration des fieurs Antoine d’Apchon & Jacques de
M ars, Chanoines-Comtes, comparut en leur nom , & offrit
de fe trouver à toutes les heures qu’on indiqueroit, pour
traiter, au nom de fes mandants, des affaires qui feraient propofées.
Le 6 Février de l’année fuivante 15 56, le Chapitre flatua fur
les objets qui l’avoient engagé à faire fa derniere convoca
tion; & o n dreffa le ilatut, qui eftcelui confirmé par les Bulles
de Paul IV & Pie IV , des années 15 5<3 & 1564. Plufieurs
Chanoines-Comtes y agirent tant en leur nom, que comme
O ij
�«è*-' •
i 08
fondés de pouvoirs d’autres Chanoines: o n y voit même que
Jean D em aifo, Chevalier de l’Eglife, y parut comme fondé
de procuration des fieurs d Apchon & de M ars, & quun
fieur M a n d a t, Chanoine de Fourviere, y comparut au nom
& comme fondé de pouvoirs de M . Marc de P a ifa c , alors
Chanoine-Com te.
On trouve de pareilles citations des 12 Janvier 1 5 6 4 , 1 1
Octobre 1 5 < < , 8 Novembre 1 5 6 9 , 1 2 O ftobre 1576.
Le 1 2 Novembre 1578- le Chapitre, fur les réquisitions de
fon Promoteur, ordonna une convocation defes Chanoines
abfens, pour le chapitre général de S. H ilaire5 & le 14 Jan
vier 1 5 7 9 , un fondé de pouvoirs du fieur Jean d’Amanzet
produifit de fa part des certificats de maladie , aifurant qu’il
auroit pour agréable tout ce qui feroit arrêté par le Chapi
tre. Un fondé de pouvoirs du fieur Jean de Rivoire promit
55
la même chofe.
On trouve de femblables citations dans les regiftres du
Chapitre, des 7 Juillet 15 8 7,20 Juillet 1 5 9 0 , 3 Juillet i 6 1 y>
6 Novembre 1 6 2 5 , 1 0 Juillet 1 6 5 8 , 24 Décembre 1 7 1 8 »
18 Janvier 1 7 2 6 , 1 0 Juillet 17 3
Le i cr Décembre 1 7 7 0 , le Comte de P o ix, Syndic, fut
autorifé à figner la lettre circulaire qui a été adreifée à tous
les Comtes abfents, pour fe trouver aux chapitres généraux '
d’après la fête de S. H ilaire; à l’effet de délibérer fur les
moyens à employer pour augmenter les revenus des jeunes
Chanoines-Comtes.
En 1 7 7 3 ,
R ° i ayant nommé des Commiifaires pour
terminer les conteftations entre M . l’Archevêque de L y o a
& le Chapitre , le Chapitre arrêta que tous les ChanoinesComtes en fer oient informés ; & qu’il feroit écrit enparticu-
�lier à M. le Cardinal Bernis, Chanoine-Comte , Minirtre
du R oi à R o m e , pour l’informer des objets dé conciliation,
6 avoir fon confentement.
Cet ufage cil confirmé par la jurifprudence de la Cour, Sc
finguliérementpar PArrêt du 20 Juillet 17 7 6 , furies conclufions de M. l’Avocat général Jo ly de Fleury. Il ne s’agifibit cependant dans l’efpece , que de fçavoir fi une maifon
étoit ou n’étoit pas canoniale , d’après deux délibérations
capitulaires, dont l’une avoit été arrêtée à l’unanimité des
fuffrages. Dans l’autre il y avoit eu deux opinions contraires:
mais l’une & l’autre Délibérations établiiToient la canonialité
de la maifon en queflion. Là Cour a ordonné la convoca
tion d’un chapitre général extraordinaire, appellé D e voca-*
iis vocandis,' à l’effet deftatuer définitivement fur la cano-1
nialité de la maifon.
D ’après ces exemples, qui forment un ufage confiant &
invariable , la Délibération du 10 Juillet 1 7 7 6 , par laquelle
le Chapitre fondoit de fes pouvoirs M. l’Archevêque d’Embrun , à l’effet de tranfiger fur toutes conteftations fubfiftantes avec M. l’Archevêque de L y o n , de changer &
de modifier fon état & fa conftitution politique, eft cet>
tainement abufive. Le Concordat foufcrit par M M . les A r
chevêques de L y on & d’Embrun, qui en eft la fuite , efl
également abufif. Les Délibérations des 12 & 13 Novembre,
7 & 1 0 D écem bre 1 7 7 3 , qui ont adopté ce C on cord at, font
infe&ées du même abus.
§.
IV .
Q
u
a
t
r
i
è
m
e
A
b u s
.
Nullités & abus dans le Concordat & dans toute la conduite de
M . l ’Archevêque d’Embrun.
Il réfulte de ce qui vient d’être établi dans les précédents
�WV
« il.
'
110
paragraphes, que la procuration paffée à M. l’Archevêque
d’Embrun cil nulle & abufive. Que contient en effet la déli
bération du io Juillet 1 7 7 6 ? Une procuration cumliberâpro
iejlate, quon ne reconnoît point en France ; & bien moins
e n c o r e , lorfqu’il s’agit de traniiger fur des chofes qui intéreffent l’état d’un Corps politique.
Il n’y a point eu d’obligation civile entre M. l’Archevêque d’Embrun & le Chapitre primatial : le corifcntement
de l’un & de l’autre porte bien fur la même chofe, qui eft
de terminer les conteftations entre le Chapitre & M. l’Archevêque de Lyon j mais ils ne la confentent point de la
même maniéré : l’un donne un pouvoir illimité & fans
bornes de traniiger fur toutes les conteftations nées & à
naître -, l’autre ne l’accepte qu’avec des tempéraments, des
modifications, & à des conditions qu’il s’impofe lui-même,
en donnant fa parole d'honneur de ne jamais rien fîgner qui
ne foit abfolument conforme à ces tempéraments & à ces
conditions. M. l’Archevêque d’Embrun confent que la procu
ration foit nulle & de nul effet , fuppofé qu il 11e rempliffe pas
exactement fes promeffes. Ainfi , en derniere analyfe , tous
fes pouvoirs fe réduifent à figner ce que le Chapitre aura ap
prouvé, & rien de plus.
Le Chapitre n’a point eu d’autre idée que celle-là fur
l’efpece d’engagement qu’il a contracté : il fournit lui-même
la preuve que, quoique la procuration fût illimitée en appa
rence , dans le vrai elle étoit très-circonfcrite. Par une dé
libération du même jour 10 Juillet 1776* il donne des pou
voirs aux Comtes d’U zelles, Archidiacre , & de Montmorillon, Chamarrier, à l’effet d’arrêter & de figner, conjoin
tement avec M. l’Archevêque d’Embrun , les articles du
projet de tranfa&ion, & de les renvoyer enfuite au Çha-
�3 /^
111
pitre pour être approuvés. Cette conduite prouve claire-i
ment que fon confentement & celui de M. PArchevêque
d’Embrun portent à la vérité fur les conteftations préfentes
& futures à terminer avec M . PArchevêque de L y o n , mais
qu’ils different fur le mode & fur la-maniéré de les.terminer.
Or, il étoit nécefïaire que leur confentement fût uniforme ,
non-feulement fur l’o b je t, mais encore fur le mode , pour
former une obligation légale & un engagement civil. En
fuppofant qu’il y eût une,véritable obligation, M . l’Archey
vêque d’Embrun n’a pu engager le Chdpifre qu’en rempliffant littéralement les conditions qu’il s’étoit lui-même im7
polees. C ’eft une des regies les plus étroites de ce contrat.
Diligenter igititr fines mandaù cujlodiendi funt : nam qui excejjit, ahud quid facere videtur *.
Quelle a été la conduite de M. PArchevêque d’Embrun?
il n’a point tenu la promeife qu’il avoit faite au Chapitre :
il lui avoit donné f a p a r o le d 'h o n n e u r de ne rien Conclure ,
de n’arrêter rien avec M , PArchevêque de L yon que dç
concert avec les Députés : il a même confenti que la pro
curation lut nulle & de nul effet, fuppofé qu’il ne remplît
pas fes promeffes. Tous mes pouvoirs, dit-il, fe réduiront à
figner ce que vous aurer approuvé, & rien de plus. O r M.
Archevêque d’Embrun n’a pas rempli cet engagem ent; il
a tout f ait, tout conclu , tout figné fans Papprobatioiî du
Chapitre , fans la participation de fes Députés à Paris. Le
concordat ou projet de tranfaftion qu’il a fouferit le 29 Août
1 7 7 6 , eil donc nul & fans effet, felon M. PArchevêque
d’Embrun lui-même.
1
On ne fera pas connoître les tortuoiités ni toutes les
manoeuvres que l’intrigue & la foupleffe ont fait jouer
pendant toute la négociation, pour lier réellement le Cha-
�w e
n i
pitre vis-à-vis M. l’Archevêque de L y o n , fans que celui-ci
fût obligé réciproquement envers lui ; pour que le Prélat
parût céder quelques objets, & que loin d’en céder aucun,
le C h a p itre fe départît même de plufieurs de fes propres
droits. On ne peut cependant s’empêcher d’expofer les faits,
ni de difcuter les aftes qui les conftatent.
M. l’Archevêque d’Embrun annonce dans fa lettre au
Chapitre, en fe propofant pour médiateur , qu’il lui envoie
des articles qui ont été dreffés de concert avec M . l’Archevêque de Lyon : Suppofé, d it-il, que vous les approuviez
comme je l ’efpere, •il ne fera plus quejlion que de drejfer une
tranfaclion , quon fera revêtir de lettres-patentes , pour lui
d o n n er la fa n c lio n de la lo i.
Il y avoit dans ces articles des projets d’engagements ré
ciproques de M . l’Archevêque de L yon envers le Chapi
tre , & du Chapitre envers le Prélat. On étoit fondé à croire
q u e , s’il étoit fait des changements dans ces articles, ils feroient à l’avantage du Chapitre. Le contraire eft arrivé ;
tout ce qu’a fait M. l’Archevêque d’Embrun a fervi à pré
cipiter de plus en plus le Chapitre dans l’abyme. Dans le
Concordat figné à Paris par les deux Archevêques, le 20
Août 1 7 7 6 , on ne trouve que des avantages ftipulés pour
M . l’Archevêque de L y o n , il n’y en a aucuns pour le Cha
pitre; les promettes d’engagements de la part de M. l’Archevêque de L y o n , qui avoient été rédigées dans le projet
envoyé au Chapitre , ne fe trouvent plus dans le Concor»dat fait double; elles font dans un autre écrit du même
jo u r, {igné par M. l’Archevêque de Lyon feulement. Et
pourquoi cette conduite ? parlons ouvertement : pourquoi
cette obliquité ? Si M . l’Archevêque d’Embrun eût voulu
véritablement ftipuler les intérêts du Chapitre , comme il
l’avoit
�” 3
I’avoit prom is, comme il en avoit donné fa parole d hon
neur, s’il n’eût point abufé de la confiance qu’il avoit deman
dée , s’il ne Te fût pas joué enfin de fa crédulité, fe feroitil prêté à féparer du Concordat les promeffes de M. Ar
chevêque de L y o n , ni à confentir qu’elles fuifent détachées
de la it e où naturellement elles devoient être, pour être
reportées dans un écrit par lequel M . l’Archevêque de
L yo n prétendra qu’il n’eft pas lié ? E ft-c e donc ainfi
qu’on abufe de la bonne foi dans les chofes les-plus impor
tantes , dans des chofes même facrées ? Si le Chapitre, par
égard pour M . l’Archevêque d’Embrun, ne lui a pas fait
ixgnifier légalement un défaveu; s’il ne l’a pas mis en caufe
pour y recevoir , par un Arrêt authentique , la peine
1
qu’il a encourue par l’abus énorme qu’il a fait de fes
pouvoirs & de fa confiance, c’eft qu’il n’a pas cru qu’il
fût lié parl e Concordat, c’eft qu’il s’eft repofé fur l’équité
des Magiftrats , qui 11e manqueront pas de profcrire un
monument aufli honteux que déshonorant, & pour le Cha
pitre, & pour ceux qui l’ont fouferit.
Quelque adreffe qu’aient employée les défenfeurs de ce
p a fte , il ne leur a pas été poifible de le difculper, & moins
encore dele juftifierdes reproches graves cjui lui ont été faits
à l’Audience. Quel m oyen , en effet, de ne pas voir dans un
a& e ce qui y eft réellement, & de voir ce qui n’y eft: pas ?
Tous les raisonnements du monde, toute l’éloquence poffible,
viendront toujours échouer à la iimple lefrure; il ne faut,
pour fe convaincre du v r a i, que vouloir faire ufage de fes
yeux. O r, qu’on life le Concordat, on verra que c’eft: un
véritable contrat D o ut des, une échange de chofes temporelles pour des fpirituelles. Un pareil a£te ne peut cer
tainement pasfubiifteri il eft proferit d’avance par toutes tes
Joix.
P
1
�114
M . l’Archevêque d’Embrun n’a pas abufé de la confiance
du Chapitre feulement vis-à-vis de M. l’Archevêque de
Lyon ; il a même abufé vifiblement de la bonne foi du
Chapitre. Le Concordat paroît avoir été fait double en
tre les Archevêques de Lyon & d’Embrun, qui l’ont fo uf
crit à Paris le 29 Août 1776 . Les deux doubles étoient
ou devoient entièrement être conformes: cependant dans le
double préfenté au Chapitre parM . l’Archevêque d’Embrun,
il y a un article effentiel qui n’eft point dans le double refté
entre les mains de M. l’Archevêquë de Lyon. M. l’Archevêque d’Embrun a préfenté au Chapitre fon double avec
les changements qui y ont été faits; ce n’eft qu’avec ces chan
gements que le Chapitre l’a reçu ; ce n’eft enfin que fur
cet a£te modifie par le changem ent, qu’il a délibéré. L e
Chapitre n’a donc connu le Concordat qu’avec la modifi
cation appofée par M . l’Archevêque d’Embrun ; c’eft fur cet
a6te ainfi modifié, qu’il a délibéré; c’eft enfin cet a& e mo
difié, que les treize Comtes acceptants ont cru pouvoir ac
cepter. O r, cette acceptation eft nulle, en fuppofant même
que les treize acceptants euifent compofé véritablement le
Chapitre.
De. quoi s’agiiToit-il, m effet, entre M. l’Archevêque de
L yon &: le Chapitre primatial ? d’une conciliation fur des
objets conteftés. M . l’Archevêque de Lyon propofe un
nombre d’articles ; le Chapitre, ou M. l’Archevêque d’Em
brun pour l u i , admet que l’on peut en confentir quelquesuns : il rejette les autres. Il eft dreffé deux aftes : l’un
fimple contient les promeffes de M. l’Archevêque de L yon ?
il n’eft fouferit que de ce Prélat ; l’autre eft fait double &
fouferit par les deux Archevêques.
Il eft à croire que d’abord les deux doubles étoient confor
�” 5
mes ; ils ne pouvoient pas être valables ni obligatoires fans
cela. M. l’Archevêque d’Embrun ajoute, on lefuppofe, à celui
qu’il a entre les mains, un article entièrement différent de celui
contenu dans le double refté entre les mains de M. l’Archevêque de Lyon, & le donne ainfi modifié au Chapitre. Le Chapi'
tre a tout lieu de croire que ce double eft le même que celui
refté entre les mains de M. PArchevêque de Lyon. Il confent,
on le iiippofe encore, d’adopter le Concordat tel qu’on le lui
préfente, & qu’on lui affure être double ; mais le confentement du Chapitre ne porte pas fur ces mêmes objets que le
confentement de M. l’Archevêque de Lyon ; ce Prélat a en
tendu une chofe, & le Chapitre une autre. Donc il n’y a point
là d’engagement; il nepeut même y en avoir jamais. Qu’eftc e , en effet, qu’une obligation contra&uelle ? c’eft l’union
& l’adhéfion de deux ou plufieurs volontés à une même
chofe : or ici M . PArchevêque de Lyon & le Chapitre
n’ont point voulu la même chofe ; ils n’ont point adhéré à
la même chofe , puifque M. PArchevêque de Lyon a voulu
une chofe & le Chapitre une autre. Donc il n’y a point
d’obligation entr’eux réfultante ni du C oncordat, ni même
des Délibérations qui Pont adopté.
§.
V. C
i n q u i è m e
A
b u s
.
Les délibérations des i z & 1 3 Novembre i j j 6 } ces Délibéra
tions prétendues capitulaires, indépendamment de tous les abus
qui viennent d’être expofés, font irrégulieres} & font même
hfeclees d abus particuliers,
C ’eft une réglé générale dans toutes les compagnies qui
font dans l’ufage d’avoir un regiftre & un plum itif, que le
4£giftre & le plumitif foient uniformes ; la feule différence
P ij
�qui peut s’y trouver, c’ eft que les arrêtés font rédigés plus
au long fur le regiftre que fur le plumitif. L e Chapitre de
L y o n eft dans cet ufage. Ses Délibérations font d’abord
■écrites fur le plumitif, & rédigées au net plus au long fur
-le regiftre.
. Cela pofé, voyons fi le regiftre & le plumitif du Cha
pitre font conformes.
D ’abord le plumitif porte bien,non que le Chapitre accepte
les Livres liturgiques , mais qu’il a arrêté de les accepter. O r ,
c’eft là, non un engagement pour le temps prefent ; mais un en
gagement pour le temps futur feulement, fi les conditions font
remplies. C e qui fuit en eft la preuve certaine r Se réfervant
néanmoins3 eft-il dit, de n introduire les Livres liturgiques dans
Jbn E g life , que quand fon ancien régime , notamment fu r la ju rifdiclion & r inégale divijîon des revenus,fera rétablie & confirmée
par des Lettres patentes duement homologuées au Parlement, &
que M . r Archevêque de Lyon aura obtenu, concurremment avec
le Chapitre y de N . T . S . P . le Pape-, une Bulle confirmativô
du droit quont M M . les Comtes de ne réfider que f i x mois*
L a premiere réflexion qui fe préfente à l’efprit après Ix
le&ure de cet a & e , c’eft que les Chanoines-Comtes délibé
rants ne fe conduifoientpas comme compofant le Chapitre
d’aucune maniéré, ni comme le repréfentant, ou comme lefondé de pouvoirs à cet égard de tout le Clergé du diocefe
de L y o n , ni même comme traitant les intérêts du Chapitre r
mais comme ftipulant en leurs noms leurs propres intérêts ,
ious le «om du Chapitre. Cet a£te annonce plutôt un projet
de tranfaftion entre les Chanoines - Comtes délibérants &
M- l’Archevêque de L y o n , qu’une acceptation de la Litur
g ie; tranfaftion par laquelle, fi elle avoit lieu, le Chapitre
facrifieroit fon ancienne Liturgie à des intérêts de corps pu
�1T7
rement tem porels, avec lefquels elle ne doit jamais entrer
en compenfation. Comme le Cierge du diocefe de Lyon, dont
le Chapitre entier eft le fondé de pouvoirs, n’a aucun intérêt
à cette compenfation , cet a & elu i eft totalement étranger ,
n’étant point d’ailleurs l’ouvrage de la Compagnie entiere
qui eft chargée de ftipuler fes droits.
Mais ce qui paroît fur - tout inconcevable, c’eft que cc
même a& e , porté d’abord fur le plumitif au moment même
où il a été arrêté, & qui eft véritablement l’a& e délibéré,
ne fe trouve plus tel fur les regiftres du Chapitre; c’en eft un
autre qu’on y lit, & qui contient une acceptation autrement
énoncée & des claufes abfolument différentes.
S u r le plumitif, ont lit que les Capitulants ont arrêté d’accep
ter les nouveaux Livres propoféspar M . l’Archevêque de Lyon;
ce qui veut dire, qu’ils les accepteront à l’avenir, lorfque les
conditions appofées auront été remplies. Sur le regiftre on lit
-autre chofe: les Comtes capitulants acceptent les nouveaux
Livres liturgiques, non pas lorfque les conditions feront rem
plies , mais s’obligent d'en introduire l’ufage dans leur Eglife
dans J ix mois, à compter du jour de la Délibération*
Auquel de ces deux a&es doit-on s’en rapporter ? C ’e $
au plumitif très - certainement ; c’eft - là l’afte véritable
ment délibéré, le feul qui peut être dit émané du Chapitre.
Il auroit même été régulier, ii les treize Comtes acceptants
ne s’étoient pas oppofés à ce que les dix oppofants fiffentinferer fur le regiftre leur avis & les motifs qui les déterminoient à refufer la Liturgie, comme c’eftl’ufage du Chapitre,,
& comme cela s’étoit pratiqué le 10 Juillet précédent, loFsdeS'
pouvoirs donnés à M. l’Archevêque d’Embrun* Auffi^ce refus,
détermina le D oyen &. les autres oppofants à lignifier ce
jour-là meme leur oppolmon à cette Délibération ; celle
�v'1 18
qui a été portée enfuitefur les regiilres fe trouvant différente,
n’eft d’aucune confidération: ce n’eft que l’ouvrage de quel
ques particuliers conseillés & dirigés par les gens d’affaires
de M. l’Archevêque de Lyon.
L ’aCte qui fe trouve fur le regiftre n’eft donc d’aucune va
leur ; il eft porté à la date du 1 2 N ovem bre, tandis qu’il n’a
été infcrit que le 1 3 par un a&e de pure complaifance pour
M. l’Archevêque de Lyon. Il y a été infcrit fans prendre
même l’avis du D oyen & des autres oppofants. Tout ce qui
a été fait depuis a pareillement été fait fans la participation
& fans prendre l’avis du D o y e n , ni celui d’aucuns des op
pofants. O r, on le demande, pouvoient-ils, dans une affaire
auiïi importante, agir ainfi, de leur propre autorité, fans
prendre l’avis de leurs confreres préfents ? Non , ils ne le
pouvoient pas fans un abus caraftérifé.
Veut-on une nouvelle preuve que l’aéte porté fur les regiftres à l’époque du 1 1 Novembre a été dreffé hors l’aiTemblée capitulaire? Elle fe trouve fur le plumitif, du mardi 13
Novembre j on y lit : L e Chapitre approuve le projet de Délibé
ration rapporté par M.M, les Commijffaires ; relativement à l'ac
ceptation des Livres liturgiques & du traité pajfé entre M l’A r.
chevêque de Lyon & celui d’Embrun.
Ainfi, il faut abfolument écarter l’afte prétendu capitulaire
qui fe trouve porté fur les regiftres du Chapitre, à l’époque
du 12 Novembre.
Ecartons pareillement les autres aétes pretendus capitulaires du même jour 13 j ils font la fuite de celui-là, & infec
tés des mêmes abus.
Par fuite d’une fingularité inconcevable , dont il n’y a
d’exemple que dans cette affaire, cette même Délibération
Te trouve furies regiftres différemment conçue quelle n’a été
�ll9
arrêtée au Chapitre, & qu’elle n’eft fur le plumitif, & renfer
mant plufieurs objets dont il n’eft même rien dit fur le plu
m itif; on voit feulement fur l’un & l?autre qu’il y a eu un
projet de délibération tout dreifé , & que ce projet renfermoit deux chefs, l’acceptation des Livres liturgiques, & la
ratification du traité paffé entre M M . les Archevêques de
L yo n & d’Embrun.
O r , lors de la délibération du 1 3 N ovem bre, relative
ment à l’acceptation du projet de délibération reporté fur le
regiftre à l’époque du 1 2 , il n’a été queftion que de la feule
acceptation des livres liturgiques , & nullement de l’ac
ceptation du traité paffé entre les deux Prélats; il n’en eft
pas fait mention dans cet afte fur le regiftre.
On a dit que tout ce qui s’eftfait aux aifembléesdes 12 &
13 Novembre , n’étoit point l’ouvrage du Chapitre ; qu’au
contraire il l’im prouvoit, ne le regardant que comme l’ou
vrage de quelques particuliers : la preuve en eft complette.
L e Chapitre avoit refufé à différentes fois la Liturgie
nouvelle, &: comme repréfentant l’univerfalité du Clergé
du diocefe, & comme y ayant un intérêt particulier. Unepouvoit plus l’accepter enfuite par des vues d’intérêt partiticulieres, fur des motifs qui ne font ni louables ni légitimes.
Donc , fous ce premier point de v u e , les délibérations des
12 & 13 Novembre ne font point l’ouvrage du Chapitre.
Il y a plus ; c’eft que les treizes Comtes acceptants ne
1 ont pas même regardé comme étant véritablement l’ou
vrage du Chapitre. Qu’on relife la délibération du 1 2 , 'foit
fur le plumitif, foit fur le regiftre, on y verra , non que le
Chapitre accepte les livres liturgiques, ce qu’il n’auroit pas
manqué de déclarer fi c’eût été véritablement fon inten
tion , fi la délibération eût été fon ouvrage, mais que les
�treize Capitulants, fur le plumitif arrêtent d’accepter; ce qui
n’eft pas une acceptatio n réelle, une acceptation préfente ;
& fur le regiftre qu’ils s’obligent à introduire l’ufage des livres
liturgiques dans leur Eglife. Donc les treize acceptants n’ont
pas cru que leur acceptation fût celle du Chapitre, puifque
leur engagement n'eft qu’une fimple promette de faire ac
cepter.
On en voit une autre preuve fur le regiftre; c’eft que,"
enfuite des repréfentations faites fur l’importance des affaires
„que le Chapitre alloit avoir à Paris, & fur les démarches
,& les follicitations à faire dans les circonftances préfentes,
les treize Acceptants choifîifent le Comte d’U zelles, & le
députent à cet effet à Paris. O r, ii l’acceptation des livres
liturgiques & du traité paffé entre M M . les Archevêques
de Lyon & d’Em brun, eût été l’ouvrage du Chapitre,
toutes ces grandes & importantes affaires du Chapitre
étoient terminées ; il n’eût été néceffaire de faire aucune
démarche, aucune follicitation à Paris, puifqu’elles auroient
été confommées : donc les Chanoines-Com tes acceptants
n’ont point regardé leur acceptation comme étant l’ouvrage
du Chapitre.
Aufli qu’eft-il arrivé ? C ’efl que le Chapitre a continué
de marcher fur la même route qu’il ayoit fuivie jufques-là.
Il faut obferver que le Chapitre étant compofé de trentedeux Chanoines-Comtes, l’intérêt & le vœu des neuf qui
n’ont point aflifté aux affemblées des 12 & 13 N ovem bre,
ni aux fuivantes des 7 & 10 D é c e m b re , doivent être cepen
dant de quelque confidération , d’autant plus qu’ils avoient
opiné pour le rejet des nouveaux Livres liturgiques, lors
des affemblées générales des 23 Janvier & 29 Juin 1 7 6 9 , 1 1
Juillet 1 7 7 2 , & 1 6 Janvier 1 7 7 6 5 Délibérations arrêtées,
comme
�$20 , h
Ï2.Î
comme on l’a vu, à l’unanimité des fuffrages. Lors de la D é
libération du 10 Juillet 1 7 7 6 , le Chapitre avoit choiii deux
députés dans les deux parties oppofées, à l’effet de traiter
avec M. l’Archevêque d’Embrun, le Comte d’Uzelles & le
Comte de Montmorillon : le premier a été choifi par les Ac
ceptants, & le fécond l’a été pareillement par les Oppofants,
qui lui ont donné tous pouvoirs pour défendre & leurs
droits & ceux du C hapitre, regardant leur défenfe comme
étant la défenfe même du Chapitre dans les différents ob
jets qu’elle embraffe : auiîi le Comte de Montmorillon n’at-il fait que fuivre la route prife par le Chapitre avant la divifion de fes membres, & manifcfté au nom du D oyen &
des autres Appellants les motifs du Chapitre pour refufer
la Liturgie nouvelle, & défendre fes droits fur cet autre ob
jet controverfé entre lui & M . l’Archevêque de Lyon.
L e Chapitre regarde même tellement le Comte de Mont
morillon comme chargé de fes droits à P aris, qu’on l’a tenu
& qu’on le tient encore préfent,pour participer aux droits
& émoluments des Chanoines-Com tes qui réfident & af
filient aux offices.
S- V IA b u s dans les Délibérations des y & 10 Décembre i j j 6 .
Les Délibérations arrêtées au Chapitre des 7 & 10 D é
cembre 1 7 7 6 , ne font, comme les précédentes , que l’ou
vrage des Comtes d’Uzelles & Conforts. Rien de plus irré
gulier que ces affemblées, rien de plus précipité ; & ce
pendant de quoi s’agit-il ? de l’état même du Chapitre, de
Q
�I.S-V .
11 1
fa conftitution politique ; de confentir, d’approuver un
corps de ftatuts, de loix nouvelles. Et comment s’y prendon ? On convoque extraordinairement le Chapitre pour
brufquer l’opération, fans même en prévenir le D o y e n , à
qui le droit de convoquer de pareilles affemblées appartient
èxcluiivem ent, lorfqu’il eft préfent.
Ces Délibérations brufques & clandeftines ne font l’ou'vrage que de neuf Chanoines - Comtes. Ces affemblées
étoient bien compoiees de quinze, mais iix ont été d’avis
contraire : o r , comment feroit-il poiîible que neuf Chanoi
nes-Com tes puffent feuls changer l’état & la coniUtution
politique du Chapitre de L y o n , qui eft compofé de trentedeux Chanoines, &c dreffer, dans l’efpace de trois jours ,
des ftatuts nouveaux qui obligeaffent à les fuivre les vingttrois autres qui font d’avis contraire, & dont plufieurs n'ont
pas même été confultés?
Bornons ici la défenfe des Appellants comme d’abus. On
a vu dans l’expofition des Faits, que M. l’Archevêque de
L yo n vouloit, à quelque prix que ce fût, renverfer le culte
extérieur de la Religion dans l’Eglife primatiale & les au
tres églifes de fon diocefe , enlever à cette Eglife fon an
cienne Liturgie ; mais il falloit le confentement du Chapi
tre primatial. M . l’Archevêque de L y o n , comme un gé
néral d’arm ée, qui veut attaquer une ville forte & la pren
dre d’affaut, n’a pas forcé d’abord le Chapitre d’accéder à
fes volontés, en acceptant la nouvelle Liturgie ; il a com
mencé par lui demander fon confentement pour le Miffel : le
Chapitre n’a promis de le donner qu’avec des conditions.
M . l’Archevêque fe faiiit de ce confentement, n’a aucun
égard aux conditions-, & prétend que , la Liturgie étant
�223
compofée de plufieurs parties analogues, dès que l’une de
ces parties eft acceptée , elles doivent l’être toutes : le Cha
pitre n’a pu confentir ou rejetter la Liturgie qu’après l’a
voir connue ; & c’eft parce qu’il l’a connue, qu’il a refufé de
la recevoir. M. l’Archevêque de Lyon veut , nonobftant ce
refus, l’introduire dans toutes les églifes de fon diocefe :
cela eft abufif ; elle 11’eft point d’ailleurs revêtue de Lettrespatentes $ il n’y a aucune utilité d’innover dans le culte
public du diocefe de Lyon.
Les Délibérations capitulaires, par lefquelles on pré
tend que la Liturgie a été admife , fo n t, de l’aveu de
M . l’Archevêque de L y o n , irrégulieres &: nulles : on a vu
qu’elles font même abufives de plufieurs maniérés. Elles
portent des atteintes formelles à l’autorité & aux droits du
R o i $ elles dérogent au titre de la fondation du C hapitre,
& changent fa conftitution politique ; elles ne peuvent donc
pas fubfifter : toutes les loix canoniques & civiles , tous les
principes, & la jurifprudence conftante du Parlement, s’y
oppofent.
Monjîeur S É G U I E R , Avocat général.
Me T R U C H O N ,
' D
e s é g u i r a n
A P A R I S , de l’imprimerie de V
Avocat.
,
Procureur.
incent
, i 777«
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Monjouvent. 1777]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Séguier
Truchon
Deséguiran
Subject
The topic of the resource
appel comme d'abus
libertés gallicanes
serment des chanoines-comtes
liturgie de l'Eglise de Lyon
Chapitres
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire dans la cause pour les Comtes de Montjouvent, doyen, Montmorillon, Chamarier, et autres comtes de Lyon, appelants comme d'abus ; Contre monsieur de Montazet, archevêque et co[?] de Lyon, primat de France, intimé ; Et encore contre les comtes d'Uzelles, archidiacre de Poix, précenteur, de Castelas, chantre, de Glug[?] de Thémisey, prévôt, de Maubourg, de Villar[?] de Bellegarde, de Marnésia, s'Apremont, Chabannes, de Castelas de Nuzergue, Cordon et Poligny, tous comtes de Lyon, aussi intimés ; En présence du Roi, fondateur du chapitre primati[?] premier chanoine de l’Église comte de Lyon, et défendeur spécial des droits et des libertés du chapitre primatial ; et encore en présence des chapitres de Saint-Just, Saint-P[?] et Saint-Nizier.
Annotations manuscrites
Table.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Vincent (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1777
1760-1777
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
123 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0806
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0807
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53055/BCU_Factums_G0806.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Lyon (69123)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
appel comme d'abus
Chapitres
libertés gallicanes
liturgie de l'Eglise de Lyon
serment des Chanoines-Comtes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/17/53976/BCU_Factums_V0101.pdf
4c62f3d31ff0495db28a979442546aeb
PDF Text
Text
P R Ë C I S
P O U R
M.
le Com te
de
L a i z e r , Appellant
&
Demandeur i
C O N T R E
Me B o ye r ,
c i - devant Procureur en la
"T / V
Sénéchauffée & au Confeil Supérieur de Clermonti Intimé &
&
E t contre M 1 D E L A U N E , Procureur en la Cour, appelle
-"t
en garantie par M , le Comte d e L a i z e r .
P o u r
défenfes
à une demande
~~
en entérinement
de
lettres de refcifio n , obtenues par M . le Com te de L a iz e r,
U
Û tu ^ . f^tXXLe^-
contre une vente faite à M e B o y e r ; ce dernier, faute de
moyens au fond en a employé un de form e, in v en té, ménagé & mis au jour par l’aftuce la plus criminelle.
Sous prétexte que les lettres de refcifion obtenues par M. A fts* *
le Com te de Laizer , adreff ees par erreur au Bailli de Montpenfier, renvoyées à M e D ela u n e, pour être réformées & /7
adreffées au Sénéchal de Clerm ont, n’ont été réformées que
fur l'expédition & non fur la minute j M r B o y e r , qu’on n a
jamais pu faire expliquer fur ces lettres de refcifio n , tant que
...
tQa
(Q jtü itZ i <jz.u
�M le Com te de Laizer a eu la faculté d’en obtenir d’autres;
immédiatement après l’expiration de dix années, a dit qu’il '
- f ivoit en faux contre celles qui lui avoient ete figmfiées.
S 1,1
IVJ r le Com te de L a izer, dont une pareille défenfe blefle
e fle n t ie lle m e n t
les intérêts, mais bien plus fenfiblement fa
A'V tefie , a cru devoir appeller en caufe M D elaune, par
l f ^ d u q u e l M e Boyer a eu occafion de former la coupable
6 cufation dont M . le Com te de Laizer a droit de fe plaindre.
a° M e Delaune a avoués les faits déjà prouvé par fes lettres;
p e n d a n t M* Boyer infifte dans fon
TL
prétendu moyen de
auquel il en a ajouté d’autres, qu’il ne fera pas plus
¿ V i l e de combattre que fon prétendu taux.
1 Voilà la jufte idée de la c a u fe , & voici les principales
•
nftances qui fuffiront pour démontrer à la Juftice & au
P btic l’innocence de M. le Com te de L a izer, à qui M e B o y e r ,
,
u feule vue de fe conferver un bien mal acquis, a ofé
dans 13
imput« u» Clime 6rave'
F
a i
t s
p
r
i
n
c
i
p
a
u
x
.
Oüoique riche en biens-fonds, M . le Com te de Laizer fe
fur la fin de 1769 & au commencement de 1 7 7 0 ,
•
befoin d’une fomme de 10000 liv.
av° ir,f£rant de vendre au défagrément d’emprunter &
,
r.
de
fvl. le Comte de Laizer propofa à M e B o y e r , depuis
?Vr° ir r’s années fon Procureur en la Sénéchauflée de C lerP'u
, vente d’un fief & domaine fitués dans le lieu de l’omont, la
cle M B oyer.
rigine opofition fut accep tée, & le prix de la vente conLa p 1
..
à 1 5 , i ° ° llv*
M c Boyer* tant comme parfaitement inftruit, foit par lui-
�3
m ê m e , foit par fa famille qui efl: fur les lie u x, de la nature,
fituation & contenance du bien qu’on lui vendoit, dont M .
le Comte de Lai^er navoit aucune efpece de connoijfance parti
culière 3 n étant pas au lieu de fa réfidence, & ne les ayant j a
mais fait valoir par lui-même, que parce qu il eft d uiage que
l’acquéreur réd ig e, ou fait rédiger ion contrat d acquiiition ,
M e B o y er, difons-nous, rédigea lui-même celui dont il s agit
€n la caufe.
É n o n c e r en détail la nature, qualité & mefure des biens
qui devoient entrer dans le contrat de vente que M. le C om te
de Laizer aüoit confentir à M e B o y e r, ç’eût été donner au
vendeur une idée de la jufte valeur des biens qu’il ven d o it,
par conféquent l’avertir qu’il devoit vendre à un prix beau
coup plus haut. Pour éviter cet inconvénient, M c Boyer ne
fit aucun détail de ce qu’il acquéroit, &
fe contenta de les
énoncer dans des termes généraux , avec déclaration fur chaque
article qu’il en avoit parfaite connoijfance.
« Le fief de Ribain , fitué audit lieu de Ribain , Paroiffe de
♦
> S o lig n a c , confiftant en un vieux Château entièrement dé» truit, dont il ne refte plus que les ruines en pierres & en
» terres qui font à l’entour defdites mazures, & qui y font
« attenantes, de la contenance d’environ quinze fepterées,
»> de tout quoi ledit fizur Boyer a déclaré avoir une parfaite
» connoijfance. = Le domaine dans les dépendances de Soli»> gnac confiftant en terres labourables ou vacants, en prés
*> ou p âcages, en quelque terroir dudit Solignac ou Paroifles
♦
> limitrophes que lefdits héritages foient iitués, tels qu ’en ont
»> joui ou dû jouir les Métayers ou Ferm iers, defquels ledit
h jîeur Boyer a 'déclaré être certain. =
Les vignes dépendantes
** dudit domaine de Solignac , tenues par différens particuA ij
�, tiers , dont ledit ftettr Boyer a. déclaré avoir connoiffance. =
„ Plufieurs parties de rentes foncières à lui dues par dtfférens
„ particuliers de S o l i g n a c , montantes enfemble à la Comme
» de 91 liv 4 C. 6 d. de tomes Ufyuelles rentes a u jfi vendues,
» ledit fleur Boyer reconnoit avoir reçu les contrats & connaître
» les débiteurs,
f .
S u i v a n t ce contrat qui a pour date le 11 Février 1 7 7 0 ,
Me
Boyer
c o n n o i f t o i t e x a& em e n t
tout
ce
qu il a a c h e t é ,
ainfi qu’il l’a déclaré fur chaque objet de Ton acquifition, &
il étoit impofiible que par ces vagues énonciations, M . le
Comte de Laizer pût même Te douter de ce qu’il vendoir.
C e pe nd a nt M e B o y e r avoit inféré une claufe de garantie la
plus étendue : » avec promeffe de garantir, fournir & faire va» loir envers & contre tous, à peine de tous de tous dépens ,
», dommages & intérêts,
M . le Com te de Laizer obferva qu’il- ne pouvoit fe foumettre à garantir la quantité, qualité, fituation, mefure &
confins d héritages dont il n avoit aucune efpece de connoijfance
que cet engagement étoit trop indéfini faute dénonciation
de chacune des parties des biens vendus, & M e Boyer jugea
plus à propos de biffer mettre des reftri&ions à la garantie
générale qu’il avoit d’abord ftipulée, que de faire un détail qui
eût o uv e r t les yeux au vendeur ; en conféquence, relative
ment à la garantie générale, il confentit aux exceptions qui
fuivent :
» Sans qu’il puifle être garant des héritages dudit domaine,:
•y dont les Métayers n’auroient pas joui, ni de ceux dont il
h auroit joui comme dépendans dudit dom aine, & q u i n’en
» font pas partie, non plus que des confins & contenues. =3
» Lequel ne fera pas garant d ’autre rente c o n ftitu é e , faifant
�5
» partie de la préfente vente , due par Catherîne C o u rb e y re ,
» veuve de Michel Simon, ni de la rente de 3 liv. due par
» le fieur Courbeyre & autres.»
Enfin M e Boyer fe faifanc fubroger aux droits de M. le
Comte de Laizer cjui, par le confeil de lui M e B o y e r , avoit
obtenu des lettres de refcilion contre quelques aliénations
de parties dudit domaine vendues par Ton aieul au prejudice
d’une fubÜitution, mais qu’il avoit ratifié, M. le Comte de
Laizer ne voulut confentir à cette fubrogation quà la charge,
par M e B oy er, de le garantir de tous événemens relatifs à ces
lettres de refcijion, qui ont eu
depuis leur effet, puifque
M e Boyer cil entré en poffeflion des biens aliénés.
Nous avons parlé de ces exceptions à la claufe générale
de garantie , parce que M* B oyer prétend en inférer que foa
contrat d’acquifition elt un contrat alléatoire, contre lequel
on n’eft pas recevable à fe pourvoir en lettres de refcifion.
Mais nous lui prouverons , dans un inilant, qu’il eft plus adroit
dans la rédaftion des aftes qu’il di&e à fon profit, que dans
la connoiffance du carailere & de la nature de ces mêmes
ailes.
M . le Com te de Laizer, inilruit dans la fuite de la vraie
valeur des biens qu’il avoit vendus, propofa à M c Boyer de
lui rendre volontairement juftice , foit en lui fourniflant la plus
v a lu e , foit en lui abandonnant ces biens, aux offres de le
rembourfer du prix de Ton acquiiiûon , & de tout ce qui lui
en avoit coûté avec les améliorations qu’il pouvoit y avoir
faites; M e Boyer s’y refufa.
Environ 11 mois avant que les 10 ans pendant Iefquels
les majeurs peuvent fe pourvoir contre les atles dans Iefquels
ils ont été furpris ou léfés, M. le Com te de Laizer fit obte
n i r , le 18 Janvier 1 7 7 9 * en la Chancellerie
du Palais*
�6
¿es lettres de refcifion contre le contrat de vente du n ‘
Février 1770.
Le rédaâeur de ces lettres les fît adreffer, par erreur, au
Bailliage de Montpenfier, au lieu de les adreffer au Sénéchal
de Clermont, Juge du domicile de M e B o y e r; & le Procu
reur chargé de faire donner
l’affignation en entérinement
de ces lettres de refciiîon , s’étant apperçu de l’erreur fur
l’adreffe, crut ne pouvoir afligner fans avoir préalablement fait
réformer cette erreur.
A
cet effet ce Procureur (M * de Saint-Horant, ami &
correfpondantde M e Delaune, à C lerm o n t),en vo ya à M e D e laune les lettres de refciiîon dont il s’agû pour les faire ré
f o r m e r , tant fur l’expédition q u i, fuivant I’u fa g e , avoient été
faite en fon étude, /que fur la minute dépofée à la Chan
cellerie.-, Mais le Clerc de M c D elaun e, qui a vcii fait cette
expédition , fe contenta de la réformer fans aller faire pareille
réformation fur la minute étant au Greffe de la Chancellerie.
M e D elaun e, en renvoyant les lettres à M e de SaintH o r a n t , Procureur de M. le Com te de L ah:;r, en la Sénéchauffée de C lerm o n t, lui dit : V o ic i, Monf.eur & cher ami ,
les lettres de refcifion de M . le Comte de Lai^er, corrigées ,• il
n’en a rien coûté pour cela.
Sur la foi de l’aflertion de M e D e k u n e , M e B oyer fut
aflîgné en la Sénéchauffée de C le rm o n i, pour voir pronon
cer l’entérinement de ces lettres de refciiîon; &
c’eil rela
tivement à cette affignation qu’il a d é v e l o p p é non les vrais
talents de fon é ta t, mais une de ces rufes, que ceux qui
exercent cette profeflion ne dsvroient connoître que pour eu
garantir le Public qui les honore de fa confiance.
M c B o y e r , aiïigtié à la huitaine, le 22 Mars
1 7 7 9 , en
entérinement des lettres de refcifion , dont il s’a g it , auroit du
�7
fe préfenter & défendre au plus tard avant l’expiration d’ A vril f u i v a n t corrféquemment plus de neuf mois avant la ré
volution des dix années pendant lefquelles M. le Com te de
Laizer pouvoit le pourvoir contre le contrat du 11
Février
177 0 : mais inftruit dès-lors (o n ne fait par quel événement)
que les lettres de refcifion, dont eft qucftion en la caufe ,
n’avoient été réformées que fur l’expédition & non fur
la
minute, il regarda cette omiiîlon comme un moyen infail
lible de faire annuller ces lettres de refciiîon.
Crainte que , par la feule proportion de fon prétendu
moyen , pour éviter un incident de procédures , on ne le fît
tomber en obtenant de nouvelles lettres , M e Boyer réfolut
de ne pas s'expliquer fur la demande coratre lui form ée, avant
le 11 Février 1780 , jour auquel expiroient les dix ans accor
dés aux majeurs par la loi , pour fe faire reihtuer contre
les contrats ou ils ont été furpris ou léfés ; en conféquence,
il laifla prendre contre l u i , d’abord, défaut faute de compa
roir , enfuite défaut faute de défendre, & ne s’expliqua en
effet fur la demande contre lui formée , que poitérieurement
au 11 Février 17S0.
Au lieu de propofer aucun moyen de défenfe contre la
demande en entérinement
des lettres de refci/ion , du i(>
Janvier 1779 » M e Boyer prit la voie de l’infcription en faux
incident contre ces lettres, fous prétexte qu’elles avoient été
réformées fur l’expédition fans l’avoir été fur la minute $ en
conféquence il fit faire , le 19 Février 178 0 , fommation à M»
le Com te de Laizer de déclarer , dans huitaine , s’il entendoit ou non fe icrvir de ces lettres de lefcifion.
Le 1 rocureur de M . le Com te de Laizer ne p o u v o it, fansnn pouvoir fpécial , répondre à cette fommation , & M . le
Comté de L a izer, pour lors ici , dans la Capitale , diilante de
�8
plus de cent lieues de ion domicile , ne répondit pas à cette
fommation ; en c o ns éq ue nc e M B oyer prit Sentence par
défaut faute de plaider , le 16 Mars de l’année dernierC, qu’il
fit fitrnifier le même jo u r , par laquelle il fut dit q u e , faute
par M. le C o m t e de Laizer d’avoir fatisfait à la iommation
dn 29 Fé vr ie r précédent, les lettres de refciiîon roaintenues
fa uf le s , leroient rejettées de la caufe , fauf au M i n i è r e public
à prendre telles conclufions qu’il aviferoit.
D ès que M. le Comte de L a iz e r, q u i , comnr. nous l’avons
dit , étoit lors en cette V ille , eut connoiflance, par l’envoi
qui lui fut fait de la copie de cette Sentence , qui bleffoit
g r iè ve m e nt tout-à-la-fois fa délicatelîe & les intérêts ; il en appella : fon appel eft du 19 Avril fuivant. Mais clans l’inrervalle de cette premiere Sentence & des lettres rl’a p p e l, M e
B oyer , qu’on n’ avoit pu o b lig e r , pendant plus de dix m o is,
à fournir feulement des exceptions contre la demande en enté
rin ement des lettres de refciiîon , qui font h matiere de la
caufe , obtint , le 4 Avril , nouvelle Sentence , toujours par
défaut , qui déclara M, le Com te de Laizer non-recevable
dans fa demande.
Jvlc B o y e r , qui voudroit bien que la Jufticc ne pût porter
fes regards pénétrans fur la conduite qu’il a tenue , tant lors
du contrat du 11 Février 1770 , que depuis que ce contrat a
été attaqué par la voie de refeifion , a foutenu, par une R e
quête du 5 Janvier dernier , M . le C o m t e de Laizer non-rece
vable dans fon a p p e l, fous prétexte qu’il n’avoit pas fait dans
le délai de l’O rdonnance, fa déclaration s’il entendoit, eu non ,
fe fervir des lettres de refeifion qu’il a l’impudence de toujours
jnajntenir faufles.
L ’ O rd on n an ce , fur le faux principal & in c id e n t, ne portant
point c ju e , faute par le défendeur en faux d’avoir déclaré dans
les
�les délais qu’ elle prefcrit, s’il entend ou non fe fervîr de la
pièce maintenue faufle , il ne fera plus recevable à faire cette
déclaration, M. le Com te de Laizer, par Requête du 10 Juin
dernier, après avoir incidemment appelle de la Sentence du
j4 A v ril 1780 , a conclu ,
i ° . A ce que , faifant droit fur Tes appels , il lui f o i t , en
tant que de befoin , donné afte de fa déclaration qu’il entend,
fefervirdes Lettres de refciiion obtenues fous fon nom le 1 5 Jan
vier 1779 , comme Lettres de refcifion contre le contrat de
de vente par lui confentie au profit de M e B o y e r , le 11 Fé
vrier 1770.
i ° . A ce qu’en infirmant les deux Sentences dont eft a p p e l,
& déclarant M e Boyer non recevable dans fa demande formée
en la SénéchaulTée de C le rm o n t, à fin de permiflion de s’infcrire en faux, o u , en tout cas l’en déboutant, les lettres de
refcifion, du 18 Janvier 1779» foient entérinéesj en conféquence les Parties remifes en l’état où elles étoient avant le
contrat de vente du 11 Février 1770.
3°. A ce que les termes de f a u x , & autres termes injutieux , répandus dans les Requêtes de M e B o y e r , tant en
Caufe principale qu’en la C o u r , foient fapprimés.
Com m e M e Delaune , en ne rempliflfant pas exa&ement la
fniflion dont il s’étoit chargée , de faire réformer les lettres de
refcifion du 18 Janvier 1 7 7 9 » a
donné prétexte à
M c Boyer d ha fa r d er , contre M. le Com te de L a i z e r , la
calomnieufe accufation de faux, à la faveur de
laquelle il
prétend conferver un bien acquis à vil prix. M. le C om te
de Laizer qui, dès le xi Janvier dernier, avoit dénoncé, à
M e D elaune, la Sentence du 16 Mars 1 7 8 0 , & l’appel qu’il
a interjetté, par cette même Requête du 20 Juin dernier,
^ ont nous par Ions, a conclu, fubfidiairement feulement, contre
B
�ledit M e D elaune, dans le cas où M e B oyer réuffiroit fur fotî
prétendu Faux , à ce que ledit M e Delaune foit tenu de le g a
rantir même de la perte qu il iouft'rïroit, fi , fous pretexte de
c e Faux
odieufement imagine , il etoit cicclare non-recevable
dans fa demande en entérinement de lettres de refcifion.
C o m m e n ç a n t à fe méfier du fuccès de la rufe qu’il avoit
criminellement employée pour em pêcher, par la fin de nonr e c e v o i r , que la Juftice examine fi le contrat du 11 Février
1 7 7 0 , contient, tout-à-la-fois, dol &
léfion, M c B o y e r ,
dans une volumineufe Requête , du 1 de ce m o is, défendant
à la demande en entérinement des lettres de refcifion,
&
voulant toujours éviter l’examen du contrat en queftion , a
i'outenu emr’autre chofes;
i ° . Q u ’il eft alleatoire , par conféquent non - fufceptible
d ’être attaqué par la voie de refcifion.
2°. Q u ’au tems de la vente à lui fa ite , ces biens vendus,
fuivant le bail lors exiftant, ne produifoient net que 770 liv. 9
& ayant acquis 25100 liv ., loin qu’il eût acquis à vil p r ix ,
il avoit, au contraire acquis bien au-deffus de la valeur réelle
de ces biens.
30. Q u ’il n’eft pas poflible d’eftimer aujourd’hui les biens
par lui acquis, y ayant fait des conftru&ions & des amélio
rations qui en ont changé la forme & le produit.
Quant à
M e D elaune, par Requête du 12 de ce mois*
il eft convenu qu’il avoit été chargé de les faire réformer,
qu’il ne les avoit fait réformer que fur l'expédition , & non
fur la minute, qu’il les avoit renvoyées en écrivant qu’elles
étoiet réformées ; que par conféquenr il eft l’auteur de la pro
cédure en faux, & cependant il a foutenu que M. le Comte
de Laizer étoit non-recevable dans fa demande en recou rs,,
en difani;
�D ’un côté que les lettres de refcifion ne font pas du miniftere du Procureur, qu’il a rendu un fervice purement gra
tuit ; qu’enfe chargeant de faire réformer celles dont il s agit,
fur l’expédition, il n’a pas contra£lé d’obligation de les faire
réformer fur la minute.
D e l’autre , que M. le Com te de Laizer devoit le mettre
en caufe, avant que M c B oyer eût fait ordonner le rejet des
lettres de refcifion.
Par une nouvelle Requête , M . le Com te de Laizer a de
mandé afte des aveux & déclarations faits par M e D elaun e,
relativement à la réformation des lettres de refcifion dont il
s’agit, &
a dem andé, fubfidiairement, contre M e B o y e r ,
q u e , dans le cas où la Cour feroit difficulté d’entériner, dès.
à-préfent, ces lettres de refcifion , il foit ordonné que les biens
vendus par le contrat du 11 Février
1 7 7 0 , feront vus &
eftimés, fuivant l’état où ils étoient au tems de la vente.
T e l eft l’ état dans lequel fe préfente cette caufe également
odieufe'par fon origine , & par la maniéré dont M e Boyer
l’a inftruite ; parcourons maintenant le plus fommairement
poflible les divers moyens qui viennent au fecouis de M . le
C o m te de Laizer contre les artifices de M c Boyer.
i ° . Il eft plus qu’évident, par le détail de cette affaire &
par la déclaration de M e D elaune, qu’il n’y a de crime que
de la part de M e B o y e r , pour a vo ir, à deffein de couvrir
la fraude & la léfion qui infefloit fon contrat, fuppofé un
lin crime où il n’en pouvoit exifter; car l’ adrefle des Lettres
de refcifion n’eil pas néceffaire pour leur validité ; & on
pourroit en obtenir vaguement adreflees aux Juges qui en
doivent connoître, ou aiîigner devant tout autre Juge cjue
celui auquel elles font adreflees, en déclarant que c’ell: par
erreur quelles ont été adreflees au Juge y dénommé; d’oil
B ij
1
�I l
il fuit qu’en réformant celles dont il s’agit (ur i expédition ,
fans les réformer fur la minute, on n a fait quune a£tion abfolumerit indifférente aux droits & à linteret de M B oyer ^
par conféquent, cette reformation n eil pas un faux , qui iuppofe néceffairement un crime commis pour nuire à un tiers,
& puifqu’elle n’étoit pas un faux, M e B oyer n’étoit pas recevable dans fa demande en infcription de faux , ni les Juges
ne po u v o ie nt pas ordonner que les Lettres de refcifion dont
il s’ a g i t , feroient, fur ce fondement, rejettées de la caufe.
Aux
termes de la Loi i , cod* de refcind» vend. & de
*Tàtt. 44 , de l’Ordonnance de Louis XII , de l’an
1510 ,
il fuffit d’une léfion d’outre moitié , même inférieure , lorfque
le contrat eil vicié de d o l , pour être reilitué contre ce
contrat ; & celui dont i 1 s’agit contient non-feulement d o ly.
mais même léjlon bien au-dejjus d'outre moitié, les biens compris
dans le contrat, produifant environ cinq cens feptiers de grains v
dou^e cens pots-de-vin, à quinze pintes le p o t, ce qui donne un
revenu annuel de ô o o o liv ., que M e Boyer s’eil procuré pour
une modique fomme de 25100 liv»
30. L’eflimation préalable des biens vendus, demandée par
M . le Com te de Laizer , ne fçauroit lui être refufée fans
bleffer l’ équité, en ce qu’en l’ordonnant on ne fera aucun pré
judice à M e B o y e r , qui demeurera en poffeflion des biens
psr lui acquis, s’il n’a pas abufé du défaut de connoiflance
de M. le Com te de Laizer des biens qu’il ven d o it, &
s’il
les a payés ce qu’ils valent j au lieu qu’on feroit un tort confidérable à M . le C o m t e de L a i z e r , fi, fans examiner s’il eil
léfé ou n o n , on le déboutoit de fa demande en entérinement
defdites Lettres de refciiion.
4°. M e B oyer n’a ufé de tant d’aftuce, &
ne fait tant
‘ d’éffortf ^our écarter, par les fins de nonrrecevoirj les Lettes
�1?
è t refcîiion de M . le Com te de Laizer ; que pour éviter l*e*
xamen du point de fait, fi M . le Com te de Laizer a été
Jéfé ou non d’outre moitié ; car s’il ne craignoit pas cet exa
m e n , il y confentiroit d’autant plus volontiers, qu’il eft bien
certain d’ être rembourfé de tous fes frais fi , par événem ent,
l’eftimation prouvoit qu’il eût tort de fe plaindre d avoir été
iéfé.
5°. La Loi Em ptor, au dig. liv.
18 , tit i cr. définit le
contrat alléatoire, non comme la vente d’un objet certain
& déterminé , mais comme la vente d’une fimple efpérance
qui peut ne rien produire. Emptio enim comrakitur etiamfi nihH
incident, quia fp e s, emptio ejî.
Par le contrat d’acquifition du i 1 Février 1770 , M e Boyer
n’ a pas feulement acquis une fimple efpérance ; il a acquis ,
& M , le Com te de Laizer lui a garanti formellement un fief,
un dom aine, des v ig n e s , des rentes, & les bornes qu’on a
mifes à cette garantie ne font relatives qu’à quelques modi
ques objets de plus ou de moins que les héritages vendus
pouvoient contenir. Les bornes mifes à la garantie générale
contra&ée par M . le Comte de Laizer, ne font autre chofe
que la condition qu’on met dans les adjudications judiciaires T
où un pourfuivant, ne voulant pas s’expofer à des recherches
pour le plus ou le moins que peuvent contenir les héritages
dont il pourfuit la vente (ans les connoître ; & M. le Com te
de Laizer étoit d’autant plus dans le cas d’ufer de cette pré
caution , qu’il n’avoit abfolument au cune connoifTance des
biens qu’il vendoit ; qu’il ne tenoit qu’à M c B oyer de lui faire
connoître, en les détaillant dans la vente. Alors il auroit eu
une garantie fans exception , d’où il fuit que fous prétexte
des exceptions à la garantie qu’il a lui-même néceffitée, il ne
peut pas faire regaider fon acquifition comme un contrat»!*
�14
léatoîre, puifque le contrat alléatoîre ne contient jamais de
garentie, & ne promet rien de pofitif, mais feulement une
{impie efpérrnce,
6°. Quoique fuivant le bail exiftant lors de la vente des
biens compris dans le contrat du n
Février 1 7 7 0 , ces
biens ne fuffent que d u n produit net de 770 livres , cela
ne p r o u v e pas que ces biens ne duflent produire beaucoup
plus , & que M. de Laizer n’ait été trompé par la vente qu’il
en a faite; toute l’indu&ion qu’on peut en tirer, c’efl: qu’il
qyoit été la vi&ime des Fermiers de ces biens, comme il l’a
été de celui qui les a acquis.
Nous ne penfons pas que M . de Laizer ait befoin de la
garantie à laquelle il a , en tout événem ent, conclu contre
M e Delaune ; mais fi elle lui étoit néceflaire, rien de tout
ce qu’il a dit ne fauroit l’en garantir, parce que s’étant chargé
de faire réformer les lettres de refcifion , les ayant renvoyées
en difant qu’elles étoient réformées, c’eft fur la foi de fon
aflertion qu’on a agi pour M. le Comte de L a iz e r , que fa
négligence , ou fi l’on veut l’obmiiîion de M e Delaune ont
expofé à un procès, où on a eu l’audace d’attaquer fon hon
neur pour le priver d’ une portion de fa fortune.
Q u e M* D e la u n e , en fe chargeant de faire réformer les
lettres de refcifion dont il s’a g it , ait rempli les fonftions de
fon miniftere, ou qu’il ait rendu un fervice purement gratuit,
dès qu’il s’étoit chargé de çette réformation, il devoit s’en
acquitter de maniéré à n’expofer M. le Comte de Laizer à
aucun événement ; & pour l’avoir expofé , il eft te n u , aux
termes de diverfes Loix , de tout ce qui peut en réfulter. Sicut
liberum eft, mandcitutn non fufcipere , ita fufccptitm confummarc
pgportet. — S i fufceptum non impleverit tenciur. — Qjiod mandatum fufccperit tentiur, & f i non geffijfeu
�ÏJ
Maïs nous traitons ici une hypothèfe qui ne fauroit avoir
lieu , & la Cour ne prendra jamais pour un faux un obmifiion abfolument indifférente aux interets de M . le Com te de
Laizer
&
à ceux de M e Boy e r , que l’on voit dans cette
caufe avoir abufé , dans un contrat de vente à fon profit, du
befoin où étoit fon C lien t; avoir rédigé ce contrat de vente
de maniéré à laiff er toujours ignorer au vendeur la valeur de
ce qu’il vendoit ; avoir acquis par le même contrat un droit
litigieux que les L oix ne lui permettoienr pas d’acquérir ; avoir
mis tout en œuvre pour empêcher que la Juftice examine
fon acquifition ; avoir ufe de la chicane la plus rafinée pour
eulever à fon vendeur le bénéfice que la loi accorde pour
fe faire reftituer contre un act e qui le dépouille , pour une
modique fomme de 25100 livres, d’un bien produifant aujourd hui plus de 5000 livres
& enfin s’ être p o r t é , pour fe
maintenir dans la propriété de ce bien mal acquis, jufques à
accufer d’un crime grave un homme de qualité , dont la naif-*
fance & la probité lui étoient également connues.
Monf ieur S Ê G U I E R , Avocat Général.
D o r l h a c , P ro c .
A P A R I S , chez P. G . S i m o n , Imprimeur du Parlement
rue Mignon Saint-André-des-Arcs, 1 7 8 1
\
�
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Laizer. 1781]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Séguier
Dorlhac
Subject
The topic of the resource
ventes
lettres de rescision
fiefs
vin
faux
estimation
Description
An account of the resource
Précis pour monsieur le Comte de Laizer, appellant et demandeur ; Contre maître Boyer, ci-devant procureur en la sénéchaussée et au Conseil supérieur de Clermont, intimé et défendeur ; Et contre maître Delaune, procureur en la Cour, appellé en garantie par monsieur le Comte De Laizer.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez P. G. Simon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1781
1769-1781
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0101
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Landos (43111)
Rights
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Domaine public
Relation
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Faux
fiefs
lettres de rescision
ventes
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PLAIDOYER
PO U R M.
d ’A b b a d i e
, Confeiller-H onoraire au Parlement
de Paris, Préfident à M ortier au Parlement de Navarre.
C O N T R E
Epoufe
M
L
Madame la P r éfidente D 'A B B A D I E
, fo n
.
e s s i e u r s
,
s Juges du Châtelet ont prononcé fur l’état de
M . le P ré fid e n t d’A b b a d i e , c o n fo r m é m e n t à l’avis d e fes
parens & amis aff em b lés au n o m b r e d e vin gt-fix , en l ’H ô tel
e
du fieur Lieutenant C iv il, à la vue de feize interrogatoires,
dont plufieurs ont été fubis dans des jours défignés com m e
des jours de f o lie , & dont un feul marque une agitation
paff agère, au milieu de laquelle la raifon a toujours furnagé,
à la vue d’un foule d’actes de comparution & de dire perfonnels de M l e Préfident d’A b b a d ie , à la v ue enfin du
A*
Parlement de
Paris.
Grami’Chambre*
�a
rapport de deux Médecins qui l’ont vifité pendant foixante*
huit jours confécutifs , iis ont décidé d une voix unanime
qu’il n’y avoit lieu à l’interdiôion de M . le Préfident
d’A b b a d ie , 6c ils l’ont maintenu dans l’adminiftration de
fa perfonne & de fes biens.
C e Tribunal auroit-il donc été aveugle fur l’état de M. le
Préfident d ’A bbadie, après l’inftruîtion la plus longue ôc
h plus complette ? N ’auroit-il fu reconnoître un infenfé dans
an examen de cinq m o is, & auroit-il pris le délire p ou r
le bon fens, les ténèbres pour la lum ière, les écarts de la;
folie pour la marche de la raifon ? Cela n eft pas croyable ,
& ce feroit une efpèce de phénomène dans l’adminiftration
d e la Juftice, fi les mêmes preuves ,, qui ont convaincu les;
Juges du Châtelet que M . le Préfident d’Abbadie eft dans
un état de raifon, pouvoient vous convaincre, Meilleurs r
qu’il eft dans un état de démence..
M . le Préfident d’Abbadie eft-il raifonnable ou infenfé,,
eft-il capable ou incapable dadminiftrer fa perfonne & fes
biens l V o ilà le vrai point de la caufe : elle eft fimple parelle-m £m e, & elle feroit bientôt développée, d’après la;
procédure , d’après l’expérience, fi l’envie d’attirer la déri~
iion publique fur M . le Préfident d’A b b a d ie, & des foupçons odieux fur ceux qui lui font d évo u és, ne l’avoit furchargée d’incidens faux, méchamment, amenés, fur lefquelsl e r e f p e â d û à la perfonne de ce Magiftrat, & au caractère*
dont il eft revêtu , & la défenfe qu’il doit à ceux qui ont eut
le bonheur de le férvir, ne nous permettent pas de-garder lefilence.
Trois adverfaires pourfuivoient dans le principeTinter*Ji£tion de «M.- le Préfident d’Abbadie j Le Marquis du
�5
C o u d r a i, Ton beau-frère , la Marquife du Coudrai, fa foeur,
& Madame la Préfidente d’Abbadie. La mort lui a enlevé
fa fœur^ la Sentence du Châtelet a défarmé fon beaufrère; il .lui refte pour adverfaire.celle qui n’auroit jamais dû.
l’être : fon époufe.
E lle vie n t, dans le .délire de la cupidité , dévouer fon
mari à.une efpèce de mort civile; elle vient flétrir fes enfans
dans la.perfonne de leur père , 6c les marquer, .pour ainfi
dire, du fceau de la réprobation.
E t c’eft au milieu de cette aftion effrayante dont les
ames honnêtes ont tant de peine à foutenir le fpe&acle , que
Madame la Préfidente d’Abbadie fe vante d’être digne
époufe ôc tendre mère !
A h ! l'amitié conjugale tâcheroit de détourner de deffus
Ja tête d’un mari le coup mortel de l’interdiction , & la
tendrefTe maternelle feroit des prodiges pour épargner à
des enians le préjugé que peut faire naître contr’eux la
profcription de leur père.
La digne époufe ( i ) eft celle q u i , au mois
d’A oût
dernier, défendoit fon mari accufé de démence dans ce
fan&uaire où Madame la Préfidente d’Abbadie s’efforce
d’immoler le £en.
L a tendre mère eft celle qui , combattant aux pieds de
l a C o u r pour fon é p o u x , déjà interdit au C h â t e l e t , le
c o u v r o i t de fa fille co m m e d’une
égide facrée , & recom •mandoit à la fenfibilité des Magiftrats la deftjnée de cette
enfant, l'unique efpérance de fa mai fon.
V o ilà le modèle que Madame la Préfidente d’Abbadie
devoit fuivre ; mais elle a d’autres principes & d’autre-s
La Marquife de CabrU.
A i;
�4
vues ; là fortune defon mari dont elle demande la curatelle*
eft l’idole à laquelle elle facrifie tout le refte.
i l ne s’a c co m p lira pas ce facrifice affreux. M . le Préfident d’Abbadie ne fera point vid im e de l’intrigue & de la
cupidicd : non , il ne le fera pas ; ce ferait en vain que le
c ré d it s’a rm e ro it contre lui : ce fecours décèle la foibleife
& la crainte du' plaideur qui l ’im p lore, & n’ajoute point a
fes droits. M . le Préfident d’Abbadie
fe préfente feul;
toute fa force eil en lui-même ; toute fa confiance eft dans
l.i Juftice qui s’eft déjà déclarée en fa faveur; elle ne 1 aban
donnera pas dans cette dernière attaque , & ellefaura mettre-,
un frein aux complots d’une femme qui a juré fa perte, & lu i
faire trouver enfin le repos après de longs ôcpénibles combats
dans le lieu même o ù il fe dévoua à fon faint miniftère.
L a défenfe de M* le Préfident d’Abbadie fera divifée en
deux parties.
L a première comprendra les faits antérieurs à la demanda
à fin d’interdiction de M. le Préfident d’A b b a d ie , dont la
plupart ont été dénaturés , ou font encore entièrement;
inconnus.
L a fécondé comprendra les procédures qui ont été faites
fur cette demande, dont Madame la Préfidente d’Abbadie
n a donné qu’une idée imparfaite & trompeufe.
Dans le tableau des faits on verra:,
D ’un c ô t é , Madame la Préfidente d’Abbadie méditantpendant quatre ans l’interdit\ioii de M . le Préfident d’Abba-?
d ie, fabriquant par le miniftère. d’un tiers des pièces infidieufes pour faire illufion fur fon état, & pour tromper
la Juftice , quittant fon mari pendant des années entières, ÔC
portant de temps en temps , à l’ombre dum yûère, une main
�?
ïndifcrètefur Tes reven u s, en attendant le moment où elle
doit s’aifurer de fa perfonne, & s’emparer de toute fa fortune.
E t d’un autre c ô t é , M . le Préfident d’Abbadie malheu
reux , mais toujours bon m ari, bon p è re , augmentant fes
biens par fes épargnes, ôc démontrant fans ceife par l'expé
rience qu’il eft bon adminiftrateur, tandis que la cupidité
crie autour de lui qu’il eft incapable de toute adminiftration.
Dans le tableau des procédures on verra la famille de
M . le Préfident d’À b b a d ie , fa m ère, fon oncle , fes paren s, fes amis, rendant tous juftice à fa capacité & à loti
adminiftration ; deux Médecins atteftant fous la foi du
ferm ent, après l’examen le plus long & le plus fcrupuleux,.
que fon état habituel eft un état de raifon entière ; M . le
Préfident d’Abbadie juftifïant, par des interrogatoires mul
tipliés, les témoignages qui s’élèvent de toutes parta en fa
faveur; enfin les Juges du Châtelet confacrant tous ces
fuifrages par une décifion folem nelle, applaudie du p u b lic,
refpe£tée par le Marquis du Coudrai lui-même, ôc dont
Madame la Préfidente d’Âbbadie feule affe&e de méconnoître la fageiTe & la juftice.
L e réfultat des faits & des procédure^ fera que M , le'
Préfident d’Abbadie ne doit pas être interdit, & que s’il'
a v o i t jamais le malheur de l’être , Madame la Préfixlente
d ’ A b b a d ie d e v ro it être exclue de fa curatelle comme fuf-
gefte & indigne.
F A I T S ;
f
M . le Préfident d’A bbadie, après avoir été pendant cinq;
ans C onfeillec en la C o u r , a été pourvu en 17.63 d W '
�6
Change de Préfident à Mortier au Parlement de Navarre,,
dont feu M . fon p è « avoit été titulaire.
Il a été marié en
1 7 7 ° à la demoifelle la Faurie de
M o n b a d o n , fille d’un Confeiller au Parlement de Bor
deaux. Il a v o it alors environ quarante mille livres de rente,
& de grandes efpérances que lui o.fFroit la fortune au iieur
de Borda fon o n cle , Fermier-Général.
A ces avantages fe joignoit dans la perfonne de vl. le
Prélîdent d’Abbadie., le titre de recoinmand».tion
plus
honorable.; le mérite d’avoir facrifié en 176^ for utat &
fa liberté, par zèle pour le fervice du R o i , & pour le
bien de la Patrie.
C ’eft ce Magiilrat que Madame fon Epoufe avoit d’abord
traité dans un M ém oire im primé, d'homme pufiUanime 9
en affe&ant de pafîer fous filence les évènemens mémo
rables de fa Magiürature : nous avons eu l’attention de les
lui rappeller; nous l’avons forcée à-s'enorgueillir de fon
époux , & à fe couvrir un inflant de la gloire de celui
qu’elle venoit avilir : elle a répété à cette audience l'hom
mage qiie nous avions rendu les premiers au zèle & au
courage de M . le Préfidenc d’Âbbadie. O n fait maintenant
par une bouche non fufpe&e., quel a été le dévouement
de ce M agiftrat, quelle fermeté modefte il a montrée
pendant dix.ans au milieu des révolutions publiques, à
la tête de fa C o m p a g n ie, à la fuite de la C o u r , dans les
prifons de la Baftille , & dans le lieu de fon exil. C ’eit
en la Cour qu’il avoit trouvé les modèles de ces vertus
fublimes qui l’ont diftingue dans la P ro v in c e , & c’eft vous,
MeiTieurs, qui lui en avez accordé le digne p rix , quand
vous l’avez reçu en 177 6 Confeiller H o n o r a ^ e , en con-
�7
jldèratlon de ta nature des fervices que lui avaient mfpires
depuis d ix ans f o x {èle & fort attachement au bien du fervice
du R o i
, & à £honneur de la Magijlrature.
M . le Préfident d’Abbadie en s'unifiant à la demoifelle
de M ;o nbadon avoit négligé entièrement l ’intérêt de fa
fo rtu n e, & n’avoit confulté que le penchant de ion cœur.
L e contrat de mariage ¿nonce une dot de 80,000 l i v , ,
& un p a iem e n t de 60,000 liv. à compte : mais dans la
réalité, fuivant une contre-leitre du même jo u r, la d o t
n a été que de 4^,000 l i v . , & il n’en a été payé que
25^,000 liv» ; les 20,000 liv. reliantes n’étoient exigibles
qu’après le décès de M . & de Madame de Monbadon , ôc
fans intérêt : cette fiûion a paru néceiTaire pour l’honneur1'
du co n trat, & pour afFoiblir aux yeux de la famille de
M . le Préfident d’Abbadie le facrifice qu’il faifoit de routes
fes prétentions. Il a ajouté à ce facrifice le don d’un douaire
de dix mille livres de rente, qu’il a conftitué à fon époufe.'
Il convient de- nommer ici le négociateur de ce mariage,,
qui va jouer un rôle inréreffant dans cette caufe : c ’eft le
fieur Louitau , A v o c a t , allié de M. le Préfident d’Abbadie,C e t A v o c a t , excité par un ami de M . de M o n b a d o n , a
propofé cette alliance à M . le Préfident d’A b b a d ie , qui'
féduit par des dehors flateurs n’a pas héiité l o n g - temps*
de l’accepter. L e fieur L o u ftà u eft intervenu dans le contratde mariage comme Procureur fondé de Madame la Préfidente d’Abbadie m è re , & y a fait en cette qualité une'
déclaration dont il importe de rappeller la teneur.» D éclarant ledit fieur L o u ft a u , au nom de ladite B a m e 3»
» en conioçm ité de ce qui eft porté par fa procuration ,.que-
�*
» bien qu’elle ait difpofé par le préfent contrat à titre de libé» ralité en faveur du fieur fon fils., de l h o t e l , ain.fi que de
» l’ameublement, comme d’effets à elle appartenans, ncan» moins, la vérité eft que l’acquifirion du local, ainfi que le
» bâtiment de i’iiôtel ont été faits par ladite dame., & par
» elle payés dis deniers propres & particuliers au fieur fon
» fih ; laquelle déclaration ladite dame s’eft crue obligée
:» de faire, pour lever tout doute à cet ég a rd , & rendre
juftice à la vérité
Si dès avant fon mariage M . le Préfident d’Abbadie
aba«donnoit en quelque forte à Madame fa mère une partie
de fa fortune , & fi cet abandon caraiâérife la confiance
filiale, le premier fenriment de la nature , faudra-t-il s’éton
ner de voir cette digne m£re aiTociée jufqu’à fa mort à
l’adminidration des affaires de fon fils; & iorfqu’elle inter
viendra avec lui dans une procuration relative à fon intérêt
p erfcn n el, ce foin infpiré par la tendreffe, accueilli par
le refpeft , autorifé par 1 habitude, devra-t-il être regardé
com m e un aveu tacite que la mère fera malgré elle de
la démence de fon fils ?
Continuons :
M . le Préfident d’Abbadie avoit cru former une union
heureufe : cette illufion n’a pas duré long-temps. Je ne me
permettrai point de rechercher la'caufe des diffenfions qui
ont régné entre les deux époux ; je me contenterai de lire
ce que M . le Préfident d’Abbadie en a dit lui-même le
27 Septembre 178 j en l’hôtel du fieur Lieutenant C ivil ^
en préfence de fes parens & a m is, & dans fon interro
gatoire du 18 Mai dernier. A P a u , & dans les Provinces
yoifmes où c is difleniions ont é c la té } perfonne n’aeufera
Mi
�9
M . le Préfident d’Abbadie d’avoir chargé le tableau.
« D e tout temps Madame la Présidente d’Abbadie a
Dire
du2f S‘f -
» témoigné la plus grande indiiiérence envers le compa- umbre I78*"
» raut, ¿k envers feue Madame la Préfidente d’Abbadie
» fa mère ; accoutumés à mener une vie tranquille ces
» derniers ont vu avec peine que Madame la Préfidente
» d’Abbadie ne vouloit pas s’aifujettir à leur genre de vie \
» elle portoit môme l’oubli des égards qu’elle leur devoit
» jufqu a refufer de manger avec e u x , & attendre que
» l’heure de leur repas fût paffée pour recevoir à fa table
» des convives qu’elle attiroit à leur infu : les chofes avoient
» été portées au point qu’une féparation volontaire avoit
» été arrêtée ; mais la promeife de Madame la Préfidente
» d’Abbadie d’avoir de meilleurs procédés a fuffi pour
» rétablir leur cohabitation prête à ceifer : ces faits font
» de notoriété publique dans la ville de Pau & dans toute
» la Province.
» Les promettes de Madame la Préfidente d’Abbadie
» font reftées far,9 effet : fon goût pour la diifipation n’a
» fait que s’accroître, & c. & c.
» A dit que nous fommes trop prévenus en faveur de interrogatoire du
jj
j»après
' la
i conduite
î • qu»elle
n a tenue a' 18 M J 1
» 1ladite
dame
; que d
» l’égard de lui répondant, tant à Pau qu’à Paris , & les
» chagrins d om eftiques qu’eJle lui a c a u f é s , il fe c ro it en
» droit de fe tenir éloigné d’elle ; que c’eft le feul moyen
» qu’il ait de rétablir parfaitement fa fanté , qui n’a été
» altérée que par les peines & les inquiétudes qu elle lui a
» caufées ».
Les parens &
amis qui ont été témoins des peines de
M . le Président d’A bbadie, ôc la Marquife du Coudrai fa
B
�10
fœur qui les a fi vivement fen ties, confirmeront bientôt
ce qu’il en a laifié tranfpirer.
L e chagrin a plongé M . le Préfident d Abbadie au bout
de dix années de m ariage, dans une efpèce de mélancolie
qui à ia naiifance portoit de loin en loin une confufion
paflagere dans Tes idées; mais ces legers nuages fe diffipoient promptement, & la raifon reprenoit auffi-tôt ià.
force & fa lucidité. C ’eft dans le premier de ces inftans
critiques que M . le Préfident d’Abbadie a écrit de Bourbonne-lès-Bains , le 18 Juillet 1781 , à Madame fon
époufe, une lettre dont la fin fe reffent de l’agitation dans
laquelle il étoit..
Entre ép oux, cette lettre devoit être jettée au feu, &
reiter à jamais dans le plus profond fecret. Madame la
Préfidented’Abbadi.e l?a gardée avec foin; elle y a vu labafe
de l'interdiction de fon mari dont elle a aufii-tôt conçu
le projet, &
des ce moment toutes fes' combinaifons,
toutes fes démarches ont eu pour but pendant quatre ans
cette aftion ftinefte..
O n a plaidé que dans le mois de Juillet 1781 M, le Préfi
xent d’A tbadie avoit cherché famèreàBourbonne-lès-Bains,
s-uoiqu’elle fût à Pau, & qu’il avoit dit, qu’il étoit indigne
de fe mettre à la table du (ieur de Borda fon o n cle , parce
qu’il avoit écrit au R o i , contre lui.
Mais 011 ne rapporte aucune preuve de ces faits.
Lt- quand ils leroient vrais, ils ne tireroient point à
conféquence pour l’état a£luel & habituel de M . le Préiîrient d’Abbadie..
A la réception de la lettre du 18 juillet 1 7 8 1 , Madame'
k P réfid en te d'Abbadie eft partie pour Paris x où elle eit arriv
�ii
vée le i ? août fuivant avec M e d’E tc h e g o rry , Procureur
au Parlement de Pau , logé gratuitement depuis p!us d*
vingt ans en l’hôtel de M. le Préfident d'Àbbadie. E lle
ne pouvoit pas arriver plus à propos pour intercepter une
lettre que ion mari a écrite le 16 a o û t, dans l’ardeur de
la. fièvre, à M . le Com te de M a u r e p a s ,& pour la joindre
à celle qui lui avoit été écrite à elle-même un mois au
paravant.
O n fent combien ces deux lettres font indifférentes au
bout de fix a n s , & peu propres à déterminer l’état a&ucl
de M . le Préfident d’A b b a d ie, qui eft conilatépar un rap
port de médecins & par fes interrogatoires.
L a maladie de M . le Préfident d’Abbadie pouvoit céder
facilem ent, dans le p rin cipe, à la vertu des remèdes : il
étoit naturel de confuiter des médecins 6c d’épuifer toutes
les relTburces que l’art pouvoit offrir dans cette Capitale,
■Mais quel foin Madame la Préfidente d’Abbadie a - t - e l l e
eu de fon mari dans le premier moment f E lle n’a rien fait
pour fon falu t, ôc elle a tout ramaifé pour fa profcripdon.
E lle étoit moins occupée de la fanté de M. le Préfident
d’Abbadie que de fa fortune, ficelle a preifé, au bout de
quinze jours, fon retour à P a u , impatiente de moiifonner
dans fa route les revenus de fon m ari, & de fe féparer
de lui dans la province.
E lle a fait éc fire , le * feptembre 1781 , par M c d’Etchegorry Procureur ^au Régiifeur de M. le Préfident d’A b
badie dans le P o ito u , la lettre fuivante.
» Il eft déterminé que nous partirons vendredi prochain,
» 7 , en pofte , nous prenons la route de P o itiers, nous
» comptons y arriver aux Troïs-Piiiiers} dimanche foir,
Bi j
�ta
» p Septembre. V ou s ne devez pas manquer dé vous rendre
» auifi pour le même jour , dimanche foir; mais n allez
» point loger aux Trois-Piîliers, allez à une autre Auberge.
» M adame
la
P r é sid e n t e
ne
veut
po in t
que
M.
le
» P r é s i d e n t v o u s v o y e , p a r c e q u ’e i l e c r a i n t q u e c e l a n e
» l ’i n q u i e t t e ,
to SORTES
»
que
d e forte
que
vous
devez
prendre
DE 'PRÉCAUTIONS POUR ÉVITER Q ü ’lL
vous
» Préfidente
êtes
A P o it ie r s.
en p a r t ic u l ie r
» l’o r , de l’argent
que
vous
:
toutes
NE SACHE
V o u s verrez Madame la
tâchez de vous procurer de
aurez a lui rem ettre
, foit
» de votre part, foit de la part de M . Delchamps . . .
» Faites attention à ma lettre.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Poitiers le p Sep
tem bre; ils foupent enfemble : M. le Président fe couche;
Madame la Préfidente & le Procureur paffert dans une
autre chambre, & y font introduire le Rdgiiïeur qui- apporte
vingt-mille livres ; celui-ci demande à parler à M. le Préiident ; Madame la Préfidente refufe; il infifte, elle lui
dit que fon mari ne peut plus entendre parler de fes terres
ni de fes revenus, fans entrer dans des accès de fureur,
& que pour menager fa foibleflfe, il falloit derober à fes
regards l’argent qu’on lui apportoit. L e
RégiiTeur n’eft
pas dupe de ce prétexte; mais il n’ofe point contrevenir
aux ddfenfes de Madame la Préfidente. Sur ces entrefaites
on entend du bruit dans la chambre de M . 1“ Préiident ;
on craint qu’il ne furvienne ; 011 fait cacher le RegiiTeur
dsns la ruelle : c’dtoit une fauflfe alarme.
Madame
la
Préfidente reçoit les facs fans compter les efpèces, tant
elle craint dé reveiller fon mari, & après avoir -conféré
avec le Régiileur fur le produit des terres du P o ito u }
�13
elle lui donne deux quittances, l’une de 12000 livres,
l’autre de 8coo livres, de la teneur fuivante (1).
» J’ai reçu de M . D efcham p s, notre receveur à Brefluire,
» laibm m ed e 12000 livres, à compte de larecette des reve» nus delà terre de Brefluire, dont je lui donne quittance pour
» mon m a ri, ne pouvant pas en donner lui-m im e, à caufe
» de maladie. A Poitiers, le 9 Septembre 1781.
S ig n é , M o n b a d o n d ’ A b b a d i e . (2)
Si M . le Préfident d’Abbadie étoit malade le
Septembre
1 7 8 1 , fa maladie n’étoit pas bien grave; elle ne lui ôtoit
ni Ja force de faire en porte un voyage de 200 lieues,
ni la faculté de reconnoître le tort que Madame fon époufe
lui faifoit, en recevant fes revenus, puisqu’elle n’a ofé les
recevoir qu’en fe derobeant à fes regards, & en fe cachant
à l’ombre du myftère.
M . & Madame d’Abbadie arrivent à Pau le 1 6 Septembre
1781,
fe fdparent au bout de quelques jours, & ne fe
réunifient jamais plus dans la Province. M . le Préfident
va paffer l’automne avec Madame fa m ère, dans fa terre
de B izanos, à un quart de lieue de Pau; Madame, la Préfidente ne juge pas à propos de le fuivre; elle, refte feule
dans fa maifon de V ille. C e procédé fixe l’attention publique,
& détermine la mère ôc le fils à prolonger leur féjour à
la Campagne. L e mari & la femme reftent feparés en
Eéarn , pendant dix-neuf mois, depuis le mois d’O ttobre
1781 , jufqu’au mois d’Avril
i —W T ---------"
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m a n i è r e d o n t la
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1785 , époque à laquelle
■
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1781
---------
s’eil pniTée
1
----
-|
1
à Poitiers,
;ittellé e p s r le R é g i i f e u r .
(3
L’aatre quittance Je 8000 livres, donnée an fieur Tonnet, Riigiileur de
terre ¿e S. Loup-
dans la même forme.
la
�i4
M . le Préfident d’Abbadie eft parti pour Paris, avec le
Frère LiiTonde, R e l i g i e u x C o rd e lie r, fon ancien a m i,
dévoué de tout temps à fa famille. Dans ce long intervalle,
Madame la Préfidente d’Abbadie n’a fait qti’une ou deux
vifites de cérémonie à fa belle-mère , & a délaiíTé fon
mari qu’ e lle avoit le foin de faire décrier dans la V i l l e ,
par des ames vénales qui fecondoient fes projets, & qui
partageoient fes efperances.
O n a cru vous perfuader, M eilleurs, que M . le Préfidenc d’Abbadie étoit heureux é p o u x , en vous faifant
le&ure des lettres qu’ il a écrites à Madame la Préfidente
d’A b b a d ie , de Paris 6c de Bourbonne-lès-Baias , dans les
prem iers mois de l’année 1781 ; mais ces lettres prouvent
fon honnêteté, 6c non pas fon bonheur; on n’y voit point
ces épanchemejis dé la confiance, ces élans de l’amitié,
ces effufions du cocur qui régnent dans la correfpondance
de deux époux éloignés depuis long-temps l’un de l’autre,
&
impatiens de fe réunir : les d;fienfions de M. & de
Madame d’Abbadie avoient éclate dès les premières années
de leur mariage; il l’appeîkût îa chère femm-». en 1781 ,
comme elle l’appelloic fon
:her mavi, ie divorce qu’ils
ont fait en Béarn en 1762 &
1 7 8 ? , pendant dix-neuf
mois, eft plus parlant que leur correfpondance antérieure,
& fait aiïez fentir quelle étoit la tendrefle de la fem m e,
& quel pouvoir être le bonheur du mari.
O n a plaidé que dans cec intervalle de dix - neuf mois,
& durant un court féjour qu’il a fait dans fa maifon de
Pau , M . le Préfident d’Abbadie fe dounoit journellement
en fpeclacle, faifoit courir les enfans après lu i, & devenoit
Ja fable de la Ville.
�Madame la Préfidente d’Abbadie eft bien imprudents,quand elle avance de pareils faits.
Q u o i! l’époufe d’un Magiftrat l’auroit vu devenir l’o bjit
de la dérifion publique ! elle auroit été témoin de cc-3
(cènes humiliantes, & elle lauroit ¿té plus d’une fois!
E t la mère de ce Magiftrat, cette mère tendre, cette
compagne fidelle de fon fils, auroit foufiert qu’il fe donnât
en fpe&acle, que les enfans s’attroupaifent autour de lui,
& qu’il fût leur jouet !
Peut-être des gens de la lie du peuple, ou des corn1plices fecrets de Madame la Préfidente d’Abbadie enten
dus dans l’enquête qu’elle a fait faire à Pau , auront-ils
dépofé tout ce qu’elle aura voulu; mais cette enquête a
été annullée au Confeil d’E ta t, ainfi que l’Arrêt qui l’avoit
ordonnée. O n ne l’a pas même jugée digue de refter au
Procès pour y fervir de M ém oire; elle doit être mife à
l’écart comme nulle, & c’eft abufer de la patience de la
Cour que d<^ lui. rendre compte des menfonges &
des.
abfurdités qu’elle renferme..
Quel garant Madame la Préfidente d’Abbadie a-t-elle
donc des faits qu’elle plaide, avec, tant d’aifurance ? elle.,
n’a que for» allégation.
Mais cette allég a tio n plus que fufpeéte, eft détruite p a r
deux exceptions.
La premiereeft la dénégation formelle.de M , le Préfident'
d’ Abbadie qui a été interrogé au Chntelet fur tous ces faits;
controuvés par Madame ion époufe & qui les a tous dé
mentis.
L a fécondé eft le. témoignage pofitif de feue Madame.’ la>.
Préfidente d A bbad ie fa m è re , configné dans une lettre':
qu’elle a écrite à fa bru le 1 p N ovem bre 1783 , &
qu’om
*
�16
voit à la page 2$ du M ém oire imprimé de Madame
d’Abbadie.
» Je ne me fuis jamais apperçue, dit-elle, que
mon
» fils Te foit donné en fpe&acle à Pau, ni n’en ai entendu
» parler ».
Q ui croirez v o u s , M M. ou de Madame la Préfidente
d’Abbadie qui allégué des faits fans a u cu n e p reu ve , ou de
M , le Préfident d’Abbadie qui les n ie , & qui a en fa faveur
le témoignage d’une mere refpe£table qui ne l a jamais
quitté ? V ous ne pouvez pas hcfiter entre l’allégation de
l ’une , ôc la dénégation de l’autre, 6c la parole d u ne mère qui
juftifie fon fils eft plus facrée à vos yeux que celle d’une
femme qui accufe fon mari 6c qui cherche à le perdre.
Ecartons donc de la caufe tous ces faits de démence
qui dans le Rom an de Madame la Préfidente d’Abbadie
rempliffènt l’efpace de temps que fon mari a paiTé en Bearn ,
depuis le mois de Septembre 1781 , jufques au mois d’A vril 17S3.
A cette dernière ép oque, M . le Préfident d’Abbadie
arrive à Paris avec le frère LiiTonde, ôc fe réunit au fieur
de Borda fon oncle qui lui avoit témoigné le defir de le
voir. Cette réunion les fîartoit également l’un & l’a u tre,
mais leur joie ne fut pas de longue durée.
A peine M. le Préfident d’Abbadie eft-il parti pour Paris,
que Madame fon époufe court après l u i , ôc vient le join*
dre dans la maifon du fieur de Borda.
Q u el eft donc cet e m p re fle m e n t fubit après un divorce
de dix neuf mois? L es tendres foins v o n t-ils fuccéder
tout-à-coup à l’indifférence la plus marquée, & celle qui
depuis
�17
depuis plufieurs années n’avoit que le vain titre d’ép o u fe,
vient-elle enfin en remplir les devoirs ?
C ’eft par 1’évencment que nous allons découvrir les
motifs de fon voyage.
L e 6 Mai 1783 , huit jours après l’arrivée de Madame la
Préfidente d’A bbadie à Paris , le fieur B o rie , fon M edecin
ordinaire, invite les fieurs Deiean & de Montabourg fes
confrères à fe rendre avec lui auprès de M . le Préfident
d ’A bbadie. Ils l’examinent pendant un demi quart d’heure,
après quoi , on leur fait figner un certificat rédigé par le
fieur B o r i e , dont la teneur feule démontre jufqu’à quel
point ce M edécin , fervilement dévoué à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , a abufé de leur confiance.
E n effet, i°. on leur fait attefter, à la première & unique
vifite qu’ils font à M .l e Préfident d’A bbadie, quiL fe livre
à une loquacité qui fans interruption dure nuit & jo u r, que le
fommeil cflperdu , qu'il en ejl de même de l’appétit , & que cet
état dure plufieurs jours.
Q uel talent que celui de voir dans l’état d’un inftant l’é
tat de plufieurs jours , & de reconnaître au premier coupd’œil qu’un homme a perdu le fommeil & l'appétit ! Q uelle
atteftation que celle qui eft fondée fur une pareille certitude!
V oilà les té m o ig n a g e s que Madamela Préfidente d’Abbadie
venoit chercher à Paris c o n tre fo n mari en 1783 : voilà les
preuves avec lefquelles elle fe préparoità l’accufer de dé
m en ce, lorfque fa fortune feroit parvenue à fon com ble,
par le décès de fa mère & de fon oncle.
Rendons néanmoins aux lieurs Dejeanôc de Montabourg
la juftice qui lem eft due : ils n’ont fait que prêter une
fignaturs de confiance au fieur Borie qui a rédigé cette
G
�18
atteftation témeraire : ils ont réparé leur erreur en 1785*,
après plufieurs examens de l’état de M. le Président d’Abbadie : le tort qu’ils ont eu en 1785 cil celui de la probité
confiante : ils ont ajouté foi aux aifertions d’un confrère
qu’ils ne croyoient point devoir fufpeûer..
20, O n répète' au nom des trois Medécins dans le cer
tificat du 6 Mai 1 7 8 5 , ce qu’ils ont appris, dit-on, de:
la fam ille, c’eft-à-dire de Madame la Préfidente d’Abbadie,,
fur la manière dont M . le Préfident d’Abbadie avait ve<^u
en Bearn pendant les dix-neuf mois qu’jl venoit d’y paifer j
Roman imaginé par Madame la Préfidente d’A b b a d ie , compofé de faits faux dont des medécins de Paris ne pouvoient
avoir aucune connoiifance perfonnelle, ôc auxquels leur
fignature ne donne par conféquent aucune autenticité»
O n ajoute qu’ils ont appris par le rapport d’un M oine
qui accompagne M . le Préfident d’A bbadie, i°. qu’il v e
noit de pafler dix-neuf mois à Pau , toujours dans le même
état de délire. 20. Q u ’il y étoit journellement en fpe&acle3°. Q u e depuis le mois d’A vril ( 1 7 8 3 , ) époque de fon
arrivée à Paris , il avoit été dans un délire plus ou moins
f o r t , mais conftanf.
E h b ie n , ce M o in e , le Frère LiiTonde Re&eur de l’Univeriicé de Pau , que le redafteur du certificat du 6 M a l
178 3 , cite comme garant des faits qu’il dit avoir appris defa b o u c h e , lui donne un démenti formel fur tous ces
faits par fon atteftaûon du i j Décem bre dernier.
3°. L es M edécins déclarent que d'après Pexpafc des faits
ils pcnfer.t que M . le Préfident d’Abbadie eft en démence.
Mais ils n’avoient point vérifié les faits qui fervoient de
bafe à leur opinion; ils n’avoient jamais vu M . le Pré 11*
�T9
dent d’Abbadie en Bearn où ils difoient eux-mêmes que
ces faits s’étoient paifés. Ils les avoient appris de la bouche
de Madame la Préfidente d’Abbadie : leur aflertion fe
réduit donc en dernière analyfe, à dire que fuivant le
récit de Madame laPréiidente d’Abbadie,j *Ton mari eft en
démence. Q u el témoignage que celui de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de fon mari !
4°. Les Medecins attribuent, par conjecture , la maladie
de M . le Préiident d’Abbadie qu’ils n’ont pas eu le loifir
d’o bferver,à une humeur érefipélateufe fixée d’abord à la
jambe, & répercutée enfuite par des topiques.
N ous ignorons quelle a pu être la caufe des accidens
que M . le Préfident d’Abbadie a éprouvés autrefois ; tout
ce que nous avons appris par lui-même, par la corres
pondance de la Marquife du Coudrai fa focur, & par l’avis
de fes parens & am is, c ’eft qu’il a eu de grandes peines
domeftiques. Eft-ce le chagrin, cil-ce la repereuffion d’une
humeur érefipélateufe, font-ce ces deux caufes réunies enfemble qui ont altéré fa fanté ? C ’efl un problème qui n’efl
point de notre compétence , & dont la folution eft indif
férente dans ce moment. Mais fi les fieurs Dejean & de
Montabourg avoient eu le loifir de réfléchir fur la caufe
conjecturale de la maladie , indiquée dans le certificat du
6 Mai 1783 , ils n’auroient pas manqué d’ordonner l’appli
cation d’un cautère, qui étoit le remede le plus convenable
dans le fyftême de la repereufiion d’une humeur ; le M edécin
ordinaire de Madame la Prefidente d’Abbadie a mieux aimé
ordonner les faignées du p ied , les purgatifs, l’hémétique
m ê m e , rem èd es pour lefquels M . le Préfident d’Abbadic
C ij
�«
20
avoît une répugnance connue, ôc dont 1 ufage devoit nécef"
fairement irriter fa fenfibilité.
Enfin, - c e M e d é c in finit par dire que f i M . lePréfident
d’Abbadie ne devient pas plus docile à l’ufage de ces
remèdes, il ne faut pas héiiter d’employer la force, foit
dans la maifon du fieur de Borda , foit dans quelqu’une
des maifons ou l’on reçoit ces fortes de malades ; fur quoi
il laiife l’option à Madame la Préfidente d’Abbadie.
Envoyer dans une maifon de force un Magiftrat du pre
mier ra n g , un père de famille dont la fortune permettait
de 1ui adminiftrer dans fa maiion tous les fecours r.éceflaires !
L ’envoyer dans une maifon de force ! & pourquoi ? Pour
le faigner , pour le purger, pour lui faire prendre des bains
& du petit lait, comme fi l’ufage de ces remèdes étoic
plus fa c ile , ou leur vertu plus efficace dans une maifon
de force !
L ’envoyer dans une maifon de force au mois de M a i
1783 ! Mais dans ce temps là m êm e, il alloit voir fes
a m is, & il les recevoit chez lui , fuivant l’atteftation du
R e& eu r d e l’univerfité de Pau , fon compagnon de voyage ;
il correfpondoit avec fes gens d’affaires : il rcgloit des in
térêts avec le fieur Olivier caillierdu fieur de Borda, comme
on le verra bientôt dans un compte rendu par ce caiiTier;
Madame le Préfident d’Abbadie elle-même craignoic fa v i
gilance , & prenoit des rnefures pour lui ca ch e r les prépa
ratifs d’une nouvelle fouftrattion qu’elle v o u lo i t lui faire
de fes revenus; (1) il agiffoit en homme raifonnable; il
(1) Ce fait eft établi par une lettre du fieur Olivier du deux Juin 17»}
¿ont on parlera dans un inftant.
*
�21
veilloit à fes intérêts en bon père de famille; & l’on fon*
geoit à le releguer parmi des infenfés : qu’auroit-on pu faire
de plus , fi on avoit voulu le rendre femblable a eux ?
C e confeii , a-t-’on d i t , n’a pas été fuivi : Madame la
Préfidente d’Abbadie n’auroit jamais livré à dts étrangers
U N E T Ê T E SI C HE RE.
C e confcil n’a pas été fuivi : Mais le moment de le fuivre n’étoit pas arrivé. La mère & l’oncle de M . le Pre'fident
d’Abbadie n’étoient pas encore morts ; celle qui a ofé tenir
fon mari en charte privée , après fon interdi£lion provif
ne lui auroit peut être pas épargné la reclufion dans
une maifon de fotee , il elle avoit pu obtenir fon interdic
tion déiinitive. L e M edécin
de Madame le Préfidente
d’Abbadie devoit bien connoître fes intentions, pufqu’il
ofoit lui mettre en main l’avis cruel de faire enfermer fon
mari. Mais fi cet avis n’étoit pas bon à fuivre dans le premier
moment , il étoit bon à garder; c’étoit une arme nouvelle
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , & un moyen d’obtenir
un jour fa récluficn.
Remarquez , M eilleu rs, que le fieur Borie ne laiffe
d’option dans fon certificat du 5 Mai 1783 , pour le traite
ment de M . le Préfident d’Abbadie qu’entre la maifon du
fieur de B o r d a , & une maifon de force. Il vouloit exclure
ce Magiilratde, fa p a tr ie , & l’enchaîn er à Paris : & pour
quoi? Parce que le féjour de Pau ne convenoit plus en
1783 à Madame la Préfidente d’A b b a d ie , qui craignoit
d’ailleurs les regards de fa belle-m ère, & qui ne vouloit
point perdre de vue cette tête f i chère , dont elle méditoit
la profeription. Son plaifir étoit de contempler fa victime,
& de continuer à fon aife les préparatifs du facrifice, &
�22
cette occupation ¿toit plus facile dans la maifon
d’un
oncle paralytique détenu dans fon lit, que dans celle d’une
mère dont la vigilance auroit éclairé les complots formés
contre fon fils, & les auroit fait avorter.
Cependant le traitement indiqué par la Confultation du
6 Mai 1783 étoitpeu propre à retenir M . le Préfident d’A bbadiedans la capitale : l ’ufage de lafaignée, de l’hémétique,
des bains 8c du petit lait eft aufli famillier à Pau qu’à Paris. O n
a eu recours à un remède extraordinaire , au traitement par
l’életlricité, qui n’eit pas commun dans la province. M .
le Préfident d’Abbadie eft allé chez le fleur Cornus pen
dant trois mois , au bout defquels il s’eft difpofé à retourner
en B ea rn , impatient de fe réunir à fa m è r e , qui defiroit
de fon côté la préfence de fon fils.
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait les plus grands
efforts dans cette circonflance pour empêcher la réunion
de la mère & du fils. Elle a fait écrire à fa belle-mère
par le fieur Borie fon M é d e c in , & par Madame la Ducheife
de C ivra c; elle lui a écrit elle-même plufieurs lettres pour
l ’engager à interpofer fon autorité , & à retenir M . le Préfi
dent d’Abbadie à Paris , où elle lui faifoit effuyer des
contradictions perpétuelles.
O n voit la correfpondance de la belle-mère & de la bru à
ce fujet, dans le Mémoire imprimé de Madame la Préfidente
d’Abbadie , depuis la page 20 jufqu’à la page 26.
Je ne rendrai point compte de cette correfpondance.
Mais je ne puis m’empêcher d’y remarquer un trait frap
pant qui décèle l’adreffe avec laquelle Madame la Préfidente
d’Abbadie cherchoità faire illufion à fa belle-mère , ôc à lui
faire approuver le féjour de M . le Préfident d’Abbadie
�23
dans cette capitale, fous prétexte d'un traitement qui n’avoit
point lieu.
En effe t, Madame la Préfidente d’Abbadie dit dans fou
M ém oire imprimé, page ï p , qu’après la Confultation du
6 Mai 1 7 8 3 , M . le Préfident d’Abbadie alla pendant trois
mois chez le fieur C o rnu s, & q u ii ne fu t plus pojjlbie enfuue
de lui adminiflrcr aucun remide : le traitement par l’é le ¿tri
c h é navoit donc plus lieu au mois de N ovem bre 1785.
Cependant par fa lettre du 4 N ovem bre 1783, Madame la
Préfidente d’Abbadie mandoit à fa belle-mère, que fon mari
continuoit toujours le remède de l’éleftricité, que le fieur
Borie étoit d’avis de le continuer par le miniilère du fieur
Cornus; & en aiïurant que les fieurs Borie & Cornus faifoient efpérer une guérifon totale, elle chargeoit l’honneur fie
la confcience de fa belle-mère de l’interruption d’un remède
qui avoit déjà ceffé long-temps auparavant.
« V ou s vous rendez , M adam e, lui diioit - elle par (a
» lettre du a f Octobre 1783 , refponfable de fa guérifon
» auprès de fa famille & du public ». ( Page 20 du M é
moire imprimé ).
Q uel grand intérêt Madame la .Préfidente d’Abbadie
avoit-elle donc à retenir fon mari dans la capitale , au mois
de N ovem bre 1783 , fous prétexte d’un traitement qu’il
n’y recevoit pas, 6c à quel deiTein fecret ce faux prétexte
pouvoit-il fervir de voile !
E lle quitte fon mari en Bearn pendant dix-neuf m ois;
& elle vole après lui lorfquil vient à Paris. E lle veut l’y
retenir malgré lu i, malgré fa m è re , quoiqu’il n’y reçoive
aucun fecours : créd it, prétextes, prières, m enaces, tout
eft mis en ufage pour- tromper la tendreiTe maternelle,,
�24
pour faire violence à l’amour filial, pour tenir éloignés
une mère & un fils impatiens de ie réunir, p ou r’enchaî
ner M . le Préfident d’Abtadie auprès d’une époufe q u i ,
jufques-là, s’étoit montrée plus jaloufe du foin de furprendre quelques inftants de foiblefle , que celui de les préve
nir. T a n t d’empreifement de la part de Madame la Préfidente d’Abbadie après douze années de diiTenfions, après
un divorce de dix-neuf m o is , pouvoit-il être infpiré par
l’amitié conjugale ?
Mais tandis que Madame la Préfideute d’Abbadie faifoit
certifier d’un côté par Ton M édecin que M . le Préfident
d’Abbadie étoit en démence, & qu’il ne falloit pas héfiter, s’il
étoit in d ocile, de l’envoyer dans une maifon de force , elle
prenoit d’un autre côté les plus grandes précautions pour
lui laiifer ignorer qu’elle s’immifçoit dans l’adminiftration
de fes biens. Elle s’étoit fait envoyer par les Régiiïeurs des
terres du Poitou des états annuels de recette & de dépenfe : bientôt elle voulut avoir tous les mois un état fuccinct de la fituation de leur caifle , & l’événement va faire
voir dans un inftant que fon defir n’étoit pas un defir de
pure curiofité. C e fu tle fie u r Olivier , Caiiïier du fieur de
B o r d a , dépofitaire depuis plufieurs années des revenus de
M . le
Préfident
Poitou , l’homme
d’Abbadie , provenans
de
confiance de
des terres du
Madame la Préli-
dente d’ A bbadie, ôc celui qu’elle défigne pour curateur
onéraire de fon mari, qui fut chargé de demander ces
états de caiiTe de chaque mois, üa lettre eit du 2 Juin
1783 : elle a fuivi de près la Confultation du *6 M a i , qui
conAituoit M. le Préiident d’Abbadie dans un état de dé
mence. Cependant Madame la Préfideute d'Abbadie craint
que
�a;
que ce prétendu îniènfé fie Toit inftruit de Ton entreprife, &
faic recommander le fecret à fon Régifleur.
« Vouà fentez , dit le iieur O liv ie r , qu’il n’eftpas nécef» faire que M . d’Abbadie vo ye cette lettre.
O n favoit donc que M . le Préfident d’Abbadie âuroit
improuvé l’entreprife de fon ép o u fe, & qu'il l’auroit répri
mée , s’il en avoit eu connoiflance.
E t c ’eft dans ces circonftances qu’elle le fait déclarer infenfé par fon M é d e c in , & qu’elle conçoit l’idée de ren
vo yer dans une maifon de force !
Mais à quoi tendoit la curiofité de Madame la Préfidente d’Abbadie fur l’état de la caifle des Régiffeurs ? A
faire vuider cette
caifle dans celle du fieur O l iv i e r , &
celle du fieur O livier dans fes mains.
En effet, le 4 N ovem bre 1783 , le fieur O livier a reçu
des Régiffeurs de M . le Préfident d’Abbadie une fomme
de 22,000 livres , q u i, jointe aux deniers qu’il avoit déjà
en m ain , a formé un total de 36,000 livres , & le 8 du
même mois il a livré clandeftinement cette fomme de
35,000 livres à Madame la Préfidente d’Abbadie.
C e fait eft établi par le compte que le fieur O livier a
rendu deux jours après à M . le Préfident d’A b b a d ie, qui
lui demandoit fes fonds pour les emporter en Bearn.
L e dernier article de dépenfe eft conçu en ces termes.
« Du
18 N o v e m b re , remis à Madame d'Abbadie ,
» 3j’,9pp livres <? fols.
A u moyen de q u o i , le fieur O livier fe trouvoit qu itte,
fi M . le Préfident d’ Abbadie avoit eu la bonté de fe payer
de cette monnoye. Mais il a eu le foin de faire affigner
le fieur O livier le lendemain 11 N ov em 6 re
1 7 8 3 , par
D
�il?
devant les Juge & Confuls à fin de reftitutïon de la fomme
de 36,ooo livres.
Obfervons en partant, que le compte du fieur O livier
prouve que depuis 1781 jufqu’en 1783 , JVL le Préfident
d’Abbadie a continué de correfpondre avec lui fur fes
affaires, & de s’occuper de l’adminiftration de fes biens.
E n effet, on y v o it , i° . la mention d’une lettre de
M . le Préfident d’A bbadie, du y A oû t 1 7 8 2 , par laquelle
il avoit confenti au profit du fieur O livier une dédu&ion
de 740 livres 1 p fols : 20. la mention d’un envoi fait par
le fieur O livier à M . le Préfident d’A b b a d ie, le 2p A oû t
1 7 8 2 , d’une fomme de 20,351 livres : 30. la mentiond’une conférence du mois de Mai 1783 , de ce
même
mois où Madame d’Abbadie avoit fait déclarer fon mari
infenfé par le
fieur Borie ,
conférence
dans laquelle
M . le Préfident d'Abbadie, en chargeant le fieur O livier du
foin de recevoir à l’H ô tel des Fermes les intérêts du cau
tionnement du fieur de Planterofe, fon a llié , lui avoit dit
fuivant le fieur O liv i e r , avoir touché par lui-même quinze mois
d'intérêts montant à 15 o livres, à compter du premier Octo
bre ¡ 7 8 0 , au premier Janvier 1782, C es faits concourent
à établir la continuité de ladminiflration de M . l e Préfi
dent d’Abbadieen 1782 & 178 3 . Je mettrai bientôt fous les
yeux de la Cour d’autres preuves de cette adminiftration
qui s’eft conftamment foutenue juîqu’au moment a£luel.
M . le Préfident d’Abbadie étoit trop impatient de fe
réunir à Madame fa m è r e , pour attendre l’éyénement de
la demande
qu’il avoit formée contre le
fieur Olivier.
Madame la Préfidente d’Abbadie lui a fait remettre par les
mains de ce dernier, une fomme de 6000 livres, & a eu
�27
le foin de s’en faire donner une quittance , quoiqu’en re
cevant 20,000 livres à fon inçfu en 1 7 8 1 , elle èût déclaré
qu’il étoit hors d’état de donner une quittance. I l eft parti
feul pour le Bearn vers le i f N ovem bre 178 5; Madame fon
époufe a mieux aimé relier à Paris que l’accompagner ; elle Ta
quitté de nouveau, & a v é cu loin de lui pendantquatorze mois.
A fon arrivée à P a u , par a£te du i cr. D écem bre 1785 ♦
M . le Préfident d’Abbadie & M adam e fa m ère ont envoyé
leurs pouvoirs à P aris, à l’effet de les repréfenter chacun
en ce qui les co n c e rn o it,
dans toutes les affaires qu’ils
pourroient avoir tant en juftice qu’autrement. M ais à qui
ces pouvoirs ont-ils été donnés ?
I c i paroît un C itoyen honnête que Madame d’Abbadie
a diffamé avec une licence inouie » qu’elle a peint com m e
un homme fans é ta t, com m e le c h e f d’une troupe d’intrigans qui obfèdent M . le Préfident d’Abbadie. Q u el eft donc
cet homme fi d é c rié , fi fufpe£t ? C ’eit un allié de M adam e
la Préfidente d’A b b a d ie, le coufin iflu de germain de fon
mari ; c ’eft le fieur d’Etchegaray.
Il n’étoit pas un intrigant
aux y e u x de M adam e la
Préfidente d’Abbadie m ère, dont le fuffrage valoit bien
celui de fa. b ru , ôc qui par une lettre du 21 Février
1-78 4, l’appelloit fo n cher neveu , & le rem ercioit des
marques qu’il ne ceffoit de lui donner de fon zèle & de
fon attachement.
Il n’étoit pas un intrigant aux yeux de M adame d’A b
badie elle-m êm e, lorfque par fa lettre du 17 Janvier 1 7 8 3 ,
elle le rem ercioit des témoignages £ intérêt & Rattachement
yu il lui donnoit dans toutes les occafions, ôc lui marquoit
D ij
�A*
le défir le plus v i f de lui donner des preuves de fa re<on-noijfance.
Il n ¿toit pas un intrigant lorfque par fa lettre du onze
avril 1785 9 poftérieure de deux jours au départ de M . le
Préfident d’Abbadie pour P a ris, elle chargeoit la foeur du
' fieur d’Etchegaray de lui faire mille complimens, & de lui
confier le deffein où elle ¿toit de fuivre de près fon mari.
C ’eft la procuration du premier décem bre 1783 , dont
l’objet principal ¿toit de forcer la reftitution des 35,000 L
enlevées par M adam e d’Abbadie , qui a transformé à fes
y e u x le fieur d’Etchegaray en homme fu fp e â , en intrigant,
ôc qui l’a rendu digne de toute fa haine.
Remarquons deux circonftance3 dans cette procuration*
L a prem ière, c’eft que M adame la Préfidente d’Abbadie
mère & M . fon fils y reconnoiffent expreifém ent le fieur
d’Etchegaray pour leur parent. L e fieur d’Etchegaray ne
doit donc pas être regardé ici com m e un intrus, com m e
un intrigant qui s’immifee dans les affaires d’une fam ille
étrangère.
L a fé c o n d é , c’eft que M . le Préfident d’A b b a d ie , en
donnant fes pouvoirs au fieur d’Etchegaray , ne fait que
fuivre l’exem ple de M adam e fa m ère, qui avoit déjà éprou
v é le zèle & la fidélité de fon neveu. C e tte marque de
confiance de M . le Préfident d’A bbadie pour le fieur
d’Etchegaray & celles qu’il lui a données depuis ne doivent
donc pas être regardées com m e des marques de démence*
L e fieur d’Etchegaray pourfuivit la demande à fin de
reftitution contre le fieur O liv ie r : celui-ci fut con dam n é,
par une Sentence confulaire du ip
décem bre 1783 , à
�2P
payer en cjeniers ou quittances valables la fomme de 3 6000
livres.
L e fieur O liv ie r, ou plutôt M a 4ame la Préfidente d’A b
badie fous fon nom , interjetta appel de cette Sentence
com m e de Juge incom pétent. M . le Préfident d’Abbadie
eut pour défenfeur M e Martineau : mais il ne perdit pas
moins fa caufe. L es parties furent renvoyées à fe pourvoir
p ard evant les Juges qui en devoient connoître.
L ’affaire fut portée au Châtelet où M . le Préfident d’A b
badie auroit infailliblement triomphé par le miniftère du
même défenfeur. Mais le fieur d’Etchegaray rallentiffoit les
pourfuites, par égard pour Madame laPréfidente d’Abbadie
qui ne paroiffoit pas difpofée à reftituer ce qu’elle avoit
pris. C e ménagement déplut à M . le Préfident d’Abbadie
& à Madame fa mère : ils s’en plaignirent au fieur d’E t
chegaray , ôc ils lui donnèrent ordre de preffer le jugem ent
par une lettre du 8 mars 1784.
L e s pourfuites recom m encèrent: M adame laPréfidente
d’Abbadie demanda à com pofer. M . le Préfident d’A b b a
die envoya au fieur d’Etchegaray , le 19 avril 1 7 8 4 , une
procuration à l’effet de tranfiger ; ce qui fut fait par un
a & e du 2 ju ille t fuivant.
Par cet a& e'M adam e la Préfidente d’A b b a d ie , fous le
nom du fieur O liv ie r , rend com pte des 36,000 liv. dont
elle s’étoit emparée.
E lle impute d’abord com m e de raifon les 6000 liv. don
nées à M . lePréfident d’Abbadie le 13 novem bre p récéd en t,
fuivant fa reconnoiffance du même jour , & les dépens
de l’appel d’incom pétence auxquels il avoit été condamné.
E lle remet enfuite x 6,800 livres au fieur d’Etchegaray;
�jo
qui les envoye aufli-tôt à M . le Préfident d’A b b a d ie, dont
il a la quittance.
E t elle retient à Ton profit 15,000 livres en fus de fa
penfion annuelle de 3000 liv re s , & d’un fupplément de
600 livres q u e lle s’étoit fait donner par le fieur O liv ie r,
quoiqu’elle n’eut aucune dépenfe à faire dans la maifon
du fieur de Borda.
T e l fu t, pourM adam è la préfidente d’ A bbad ie, le fruit
de fon fécond coup d’eiTai dans le maniment des revenu«
de fon mari.
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , dont la manie eft de
dire que fon mari eft fou , foutient qu’il l’a été à Pau
en 1 7 8 4 ; & pour preuve de fon allégation , elle cite des
lettres qu’elle a reçues de fes correfpondans, du fieur
L o u fta u , le négociateur de fon m ariage, & de la dame
d’E tchegorry fa co n fid en te, qui n’ont pas craint d’alarmer
fa tendreife pour fon mari , en lui écrivant fi fouvent &
fi inutilem ent, qu’il étoit malade- Mais des lettres mifiives
ne font point foi contre un tiers. Q u ’e it - c e que cet ama*
de lettres écrites avec tant de p rofufion , & gardées avec
tant de foin par une femme q u i, fi elles avoient été vé
ridiques, auroit dû les effacer de fes larm es, & que prou
vent-elles en ju ftic e , fi ce n’eft les mauvais defl'eins de
Madame la Préfidente d’Abbadie contre fon m a r i, & le
défir dont elle brûloit de le faire interdire.
C e n’eft pas tout : Madame la Préfidente d’Abbadie n’ayant
pu faire attefter par des M édecins de Pau que fon mari avoit
été fou à Pau en 1782 & 1783 , l’a fait attefter hardiment
par fon M édecin de Paris. E lle a fait plus : elle a fait at
tefter par ce M édecin que M . le Préfident d’Abbadie mourra
�5*
infailliblement dans la dém ence. V o ic i le certificat qu’elle
a obtenu de la complaifance du fieur B o r ie , le 6 f é v r i e r
1784..
» Je certifie que M . le Préfident d’A b b a d ie, que j’ai
» fuivi depuis le mois de mai de Tannée dernière jufqu’à
» fon départ, eft parti en novem bre 1783 dans le même
» état de démence dans lequel il étoit depuis deux a n s,
» lors de fon arrivée à P aris, & qu’il eft bien à craindre
» que fa maladie ne foit parvenue à l’incurabilité ; en foi
» de quoi j’ai figné la préfente déclaration. Borie.
Fixons un inftant nos regards* fur ce certifica t, q u i,
avec celui du 6 mai 1783 , a déterminé à Pau l’interdic
tion provifoire de M . le Préfident d’Abbadie. C ’eft une
des produ&ions les plus monitrueufes de l’intrigue & de
la mauvaife foi.
O n y diftingue trois articles.
L e p rem ier, c’eft qu’au mois d’avril 1 7 8 3 , lors de fon
arrivée à Paris , M r. le Préfident d’Abbadie étoit depuis
deux ans dans un état de dém ence.
L e fé c o n d , c’eft qu’au mois de novembre 1783 , lors
de fon départ pour le B é a rn , M . le Préfident d’Abbadie
étoit dans un état de dém ence.
L e troifièm e, c ’eft que la maladie de M . le Préfident
d’Abbadie eft probablement incurable.R eprenons
ces trois articles.
1°. A v ec quel courage le fieur B orie a - t - i l pu cer
tifier qu’au mois d’avril 1783 , lors de ibn arrivée à P a ris,
M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans dans un
état de démence ?
�3%
M. le Préfident d’Abbadie ¿toit refté en Béarn depuis
le mois de i'eptembre 1 7 81 iufques au mois d’avril 1783 }
le lieur Borie ne "l’avoit point vu dans cet intervalle.
2°. Com m ent a-t-il pu certifier qu’au mois de novembre
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie étoit dans un état de
démence ?
N ous avons des preuves littérales du contraire.
L e 8 novembre 1 7 8 3 , M . le Préfident d’A bbadie écrit
une lettre à fon régifleur qui vient de la lui envoyer pour
l’aider à confondre l’impoflure.
L e 10 novembre 1783 , le fieur O livier , l’homme de
confiance de Madame d’A b b a d ie , rend compte à M . le
Préfident d’Abbadie de fes revenus du P o ito u , dont il avoit
livré deux jours auparavant, à Madame -d’A b b a d ie , le reliquâ montant à 3 5,000 liv.
L e 11 novem bre 1783 , M . le Préfident d’Abbadie fait
aiïigner
le fieur O livier en reftitution de cette fomme.
ü
L e 1 3 novembre 1783 , veille du départ de M . le Préfident d’Abbadie pour Pau , Madame la Préfidente d’Abbadie
lui fait compter 6000 liv. & en retire fa reconnoiffance,
ainfi qu’il eft établi par la tranfa&ion du 2 Juillet 1784..
Ec c ’eft dans ces circoniïances que Madame la Préfïdente d’Abbadie fait certifier qu’au mois de novembre
1783 , lors de fon départ pour le B éarn , M ‘. le Préfident
d’Abbadie étoit dans un état de démence ! C o m m e n t peuton trahir la vérité avec auifi peu de pudeur!
30. Enfin par quel génie le fieur Borie étoit-il infpiré
quand il a prédit que M . le Préfident d’Abbadie mourra
vraifemblablement dans la démence ? O ù avoit-il puifé ce
préfage finiftre? L a nature lui avoit-elle révélé tous fes fecrets ?
�h
cfets? L ’art avoit-ü déployé à fes yeux toutes Tes rciTource«?
A veu gle qu'il étoit ! il né voyoit pas fétat préfent de M .
le Préfident d’Abbadie , 6t. il vouloit prévoir fon état
avenir !
Il certifie que la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
eft probablement incurable : mais Madame la Préfidente'
d’Abbadie mandoit à fa belle-m ère, par fa .lettre du 25
octobre 1785 , qui eft à la page 21 de fon mémoire im
primé , que le }leur Borie, lui faifoit efpérer la gtièrifon
totale de M'. le Préfident etAbbadie. Par quelle étrange con
tradiction ce m édecin, qui n’avoit plus vu M. le Préfident
d’Abbadie depuis le mois de novembre 1 7 8 5 , époque de
foii départ pour le Béarn , a-t-il donc certifié au mois de
février 1 7 8 4 , que fa maladie paroiiloit ótre parvenue à
l’incurabilité !
L ’événement a démenti fon aflertion à ce fujet : deux
médecins qui ontvifité , Tannés dernière, M. le Préfident
d’Abbadie depuis le 3 mars jufques au p m a i, ont déclaré
dans leut rapport que fa maladie eft curable, qu’elle a cédé
au temps ôt aux rem edes, fi elle a été jamais telle qu’on la
Jeura dépeinte, ôc qu’il eft dans un état habituel de raifon.
Mais ce qui doit le plus frapper les efprits à la vue du
certificat du 6 mai 1783 , ce n’eil point la foibleife que le
fieur Borie a eue de l’exp éd ier, c’eit le courage que
Madame la Préfidente d’Abbadie a eu de fe le faire déli
vrer. E lle ne va point demander à fon médecin des fecours .
pQur M . le Préfident d Abbadie; elle va chercher une arme
nouvelle contre lui. E lle n’eft pas en peine dè favoir com
ment on pourra le guérir; c ’eft: aflez qu’on lui certifie qu’il
ne guérira jamais.- E lle faific l’annonce de l’incurabilicé
E
�34
de M . le Préfident d’Abbadie comme une autre femme
faifiroit l’annonce de la guérifon prochaine de fon m a ri,
& elle garde pen d an t des années entières ce pronoftic
funefte & défefpérant avec le même foin que fi elle y
trouvoit l’alim en t de fes efpérances & une fource de confolations.
Je ne fais pourquoi ce certificat n’a été ni imprimé au
C hâtelet, ni lu à cette audience, à moins que Madame
la Préfidente d’Abbadie n’ait craint l’indignation que devoit
faire naître contr’elle une pièce auffi révoltante, & qui
la d ém afque il bien aux yeux du public. Mais il a exifté ce
certificat odieux : il a été annexé à la procédure de Pau,
où il a produit fon effet; il a été annexé à la procédure
du Châtelet, où il a été regardé avec horreur; nous en
avons une copie expédiée par le Greffier du Châtelet ; il
n’eft plus temps de le fupprimer, l’efprit qui l a difté efl
à découvert.
C e certificat efl digne de figurer à côté de celui du
6 Mai 178 3 , qui enhardit Madame la Préfidente d’Abbadie
à envoyer fon mari dans une maifon de force. Ils font
fortis de la même fabrique; ils avoient la même deftination : ce font deux monumens des machinations de Madame
la Préfidente d’Abbadie, contre fon mari, & de la com
plicité du M édecin qu’elle avoit aifocié à fes coupables
projets.
O n a plaidé qu’ en 1 7 8 4 , pendant fon féjour à Pau
M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter deux chèvres
qu’il vouloit atteler à fa v o itu re , ôc deux oyes à, qui il
youloit apprendre l’alphabet..
O n ne dit pas qu’il ait fait atteler des clièvres à fa
�5?
^
voiture , ni qu’ H ait prononcé l’alj h i l e t devant des oye.3,
pour le leur apprendre ; on dit feulement qu il a voulu
le faire. Mais par quels lignes certains cette intention
s’eft-elle manifeftée? ceft ce qu’on ne fait pas.
Au mois d’Avril de l’année dernière, M . le Prérident
d’Abbadie a touché, dit-on, du bout de Ton manchon dans
le jardia des Tuileries, la ftatue qui repréfente le Tibre.
Madame d’Abbadie a dit dans fon Mémoire imprimé, qu’il
avoit donné un coup a cette flàtue, pour la punir de ce
qu’elle ne lui parloit pas; on reconnoit à ce tra it, le génie
familier qui veille iur M . le Préfident d'A b b a d ie, qui
connoît fes peniees mieux que lui-m êm e,
qui devine
lorfqu'il fait acheter des chèvres, que c’eft pour les atteler
à la voiture, lorfqu’il fait acheter
des o y e s , que c’eft
pour leur apprendre l’alphabet. Mais fi M . le Préfident
d’Abbadie étoit infenfé, fes a£tions ne feroient-elles pas
allez parlantes par elles-mêmes , & auroit on befoin de
deviner fes intentions, pour le convaincre de démence?
Dans le fait, M . le Préfident d’Abbadie a fait acheter
deux chèvres en 1 7 8 4 , pour l’ufage auquel elles devoient
fervir naturellement, il les a envoyées dans fa terre de
B izanos, d’où on lui apporroit du lait tous les matins.
L ’oye eft un aliment qu’il aime ; il en a fait engraifler
deux en 1 7 8 4 , parmi des poulets, des canards, des
dindons & des volailles de toute efpèce, qui garniiToient
& qui garnilfent en core, fuivant l’ufage de la P ro v in ce ,
la bafTe-cour qu’il a dans fa maifon de Pau.
C eu x qui lui ont attribué l’intention fecrette de faire
atteler des chèvres à fa voitu re, & d’apprendre l’alphabet
à des o y e s , n’ont fait que lui appliquer l’hifioire d’un
E ij
�¿6
fameux fou du Béarn, nommé B erd u c, dont la tradition
tranfmet les folies depuis 40 ans, dans cette province.
L e nommé D o u c e r , qui étoit en 178 4 , le Cocher &
i’efpion de M . le Préfident d’A bbadie, & qui a paffé depuis
au fervice de Madame fon époufe, ne parle point dans
la déclaration qu’il a faite le premier O & obre 1 7 8 ; , en
l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , du prétendu projet de
faire atteler des chèvres à une voiture : c’eût été lui cepen
dant qui auroit été chargé, comme C o c h e r, de ce bizarre
attelage, fi M. le Préfident d’Abbadie en avoit conçu l’idée,
& il ne lui auroit certainement pas fait grâce de cet écart,
s’il avoit eu le plus léger prétexte pour le lui imputer.
A u furplus, & c’eft ici le mot décifif, fi des témoins
de Pau ont été auffi complaifans pour Madame la Préildente d A b b a d ie, que fon Médécin de Paris, & s’ils ont
eu la témérité de dénaturer les actions les plus raifônnables
de M . le Préfident d’A b b a d ie , par l’extravagance des
motifs qu’ils lui ont attribués, leurs dépofitions ne font
d ’aucun poids dans la caufe ; les enquêtes ont été annullées
par un Arrêt du C on feil; Madame la Préfidente d’Abbadie
n ’a à l’appui de ces faits que fa fimple allégation , qui eft
pleinement détruite par la dénégation formelle de M. le
Préfident d’Abbadie.
Il ne refie que les deux lettres des 18 Juillet & 16 A oû t
1781 : mais qu’importe que M . le Préfident d’Abbadie
ait eu , il y a iïx ans, deux mrtmens d’abfence , & quelle
connexité y a t-il entre ces nccidens anciens 8? psifagers,
& l’état a&uel & habituel de M . le Préfident d’Abbadie?
C ’eil fon -état préfent qu’il faut juger,
accidens paiTés-
&
non pas feà
�37
Ces accidens n’ont point troublé fa correfpondance,
ni interrompu le cours de fon adminiflratipn , qui s’eft
conftamment foutenue jufau’au moment actuel.
Ses parens, fes amis, fes g«ns d’affaires lui ont envoyé .
quelques-unes des lettres qu’il leur avoit écrites, & lui
ont accufé la réception de beaucoup d’autres; ces lettres
prouvent qu’il a entretenu fans ceife toutes fes relationsd’intérêt, de bienféanpe & d’amitié.
Il faut voir fur-tout fon administration depuis 1781 ,
«5poqueà laquelle on fait commencer fa prétendue démence:
c’eft la meillem-e défenfe qu’il puiOe fournir, c’t'ft le triomphede fa caufe.
Par Procès-verbal du 30 Juin 1781 , M . le Préfident
d’Àbbadie exerce le retrait féodal d’un bois , moyennant
la fomme de 3661 livres.
Par a£te du 2 Mars 1 7 8 2 , il fait le rachat d’une rente
foncière de 24.0 l i v . , moyennant une fomme de 4800 liv.
P a ra tìe du 18 Juillet 1782 , il acquiert pour la fomme
de 4788 liv. 17 fols 6 deniers, un bien-fonds dont Madame
fa mère a exercé
le retrait cenfuel comme dame de
Bizanos.
Par autre a£te du 25» du même m o is, il acquiert pour
la fomme de
livres, un autre bien -fon d s dont
Madame fa M ère a pareillement exeixé le retrait cenfuel.
Par afte du 3 Octobre 1783» il acquiert des droits
de féodalité &: de cen s, qui fe trouvent à fa bienféance.
Par afte du 22 O ttobre
1 7 8 4 , il çonfent un bail à
rente d’ un terrein qui ne lui étoit d’aucune utilité.
Par atle du 14 Mai 1785 } trois jours après un fécond '
�38
Arrêt du Parlement a s Pau j qui confirme fon inter
diction provifoire » M . le Piéfident dA bbad ic dans
1 ignorance de cet A.riêt , acquiert une portion de la
dîme de C re m ille, aux environs de fa terre de SaintLoup.
Depuis 17S1 jufqu’en 1785’ , M. le Préfident d’ Abbadie
a fait chaque année quelque acquifition, malgré les fouftnclions que Madame fon époufe lui avoit faites en 1781
& en 1785.
C ’eft principalement après le décès de Madame fa M ère ,
arrivé dnns le mois d’Août 178 4 , que M . le Préfident
d’Abbadie a donné des preuves figna’ ées de fon économie
&. de la fageife de fon adminiilration.
Il étoit feul héritier de Madame fa m ère, & fpécialement chargé du f jin d’erécuter fon teilament, qui contenoit des legs confidéra! les.
A entendre Madame la Préfidente d’Abbadie .dans fon
Mémoire imprimé, (pag. 1 1 1 ) , fon mari n'a pas encore
acquitté une teule difpofition du teftament de Madame
fà mère, ôc s’eft montré par le fait incapable du foin qu’elle
lui avoit confié.
1
Com m e le menfonge prend dans cette caufe le ton
d’affurance qui ne convient
qu’à la vérité! voici des
quittances d’environ 30000 livres, que M . le Préfident
d’Abbadie a payées dans les deux premiers mois qui ont
fuivi le décès de Madame fa mère, pour 1acquit dune
partie des legs- contenus dans fon teftament. Elle lui
avoit accordé quatre ans de terme, à la charge de payer les
intercts ; il a mieux aimé en bon Adminiftrateur éteindre
ces intérêts que garder des deniers oififs dans fa calife.
�39
E t d’où provenoient ces 30000 livres? des épargnes
q u eM . le Préfident d’Abbadie avoit faites fur 40000 liv. de
rente. T e l eft l’Adminiftrateur que Madame fon époufe
veut faire interdire comme incapable d’adaiiniftrer. Y eutil jamais de plus folle entreprife ?
A la vue d’une adminiflration auili f a g e , fi le concours
du Miniftère public n’étoit point néceffaire dans cette
caufe , vous vous lèv erie z, M eilleurs, emportés par le
fentiment de l’équité qui vous prefle ; vous vous hâteriez
de confirmer ¡a Sentence du Châtelet, 6c de mettre fin à
cette perfécution.
Q u e Madame la Préiident.e d’Abbadie faiTe dans l’inter
valle
de
1781
à
1785* ,
des
approvifionnemens
de
certificats & de lettres miilives fur l’état de fon mari-,
qu’elle le faffe décl-rer fou par les correfpondans, incurable
par fon M édecin, & digne d’être enfermé dans une Maifon
de F c r c e ; qu’elle s’exerce avec fus fi.;ppôts à imaginer
des traits de folie , pour ies lu-' attribuer , qu’elle s’amufe à le couvrir de ridicules, & à en faire aux yeux dit
public un objet de cérifion : ces jeux de l’intrigue & de
la malignité n’effaceront point les preuves de l’économie
de M. le Préfident d’ALbadie, &. n’exciteront pas fur fon
compte les alarmes d e là J u llic e , qui n’eft point en peine
de favoir quelles ont pu être quelquefois i'es idées fugitives,
& à qui il fuffit de voir quelle cil dans tous les temps fon
adminiftration.
L es années 17??, &
1784 que M. le Préfident d’Abba
die a paffées en Bearn n’ont cm de remarquable à fon égard
que la ceffation
de fes fondions ; fon zèle l’aj pelloit au
P a la is .. mais une indiferétion cruelle, lui en interdifoit l’eu-
�\
40
trée. Ses deux lettres de 1731 , dont Madame fon époufe
'
¿toit nantie, avaient été colportées dans la ville de Pau-,
& y avoient répandu contre lui les impreilîons les plus fa-
cheufés. Il redotftoit les regards du public prévenu; il
c ra ig n o it d’avoir à rougir dans le fanchnire de la Juftice :
fa modeftie ne lui permetcoit pas de fonger que la tache
\ des accidens qu’il avoit éprouvés y feroit effacée par la
gloire qu’il y avoit acquife : fa retraite comme Mngillrac
prouve l’excès de fa ienlibilité de de fa déiicateife ; mais
fon adminifiraticn comme père' de famille prouve qu’il
eft en é t a t . d’adminiilrer par lui-même , 6c c’efi: le père
de famille qu’il faut juger maintenant, & non pas le Magiiîrat.
Le décès de Madame fà mère a été fuivi dtj près de ce*
lyi ci..; (leur de Bordn fon oncle- C e Fermier-Général eil
déeé-;é le 3 Novembre 17S4. Tous deux avoient confié
à M. le Préiï lent d’Abbadie l’exécution de leurs teflamens.
Iis ne s’étoie-nt point aveuglés fur fon état; ils le connoffeient mieux que Madame fon époufe, qui ne vivolt
pas avec lu i, fit ils lui avoient continué l:ur confiance
la plus entière jufqu’à leur dernier moment.
Madame la Prélidente d’Abbadie attendoit depuis 178^,
dans la maifon du fieur de B o r d a , l’ouverture de fa
fucceffion , refolue de s’en emparer à quelque prix que
ce fût. Elle, avoit lniffé jufqu’alors à M . le Préfident
d’Abbadie la libre ad mi nift ration de fa perfonne ôt de
fes bi ens, quoiqu’elle feignit de croire qu’il etoit depuis
1781 dans.un état de démence, fic elle sxétoit contentée
de s’emparer deux fois d’une partie de fes revenus; mais
quand elle vit deux ou trois millions que la fuccefiion
du fieur de Borda offroit à foa mari, elle ne garda plus
de
�ft
de m efu re, c’étoit le moment où elle devoit recueillir le
fruit de fes intrigues & de fes machinations.
M e Bourgeon, Procureur au C h â te le t, avoit aififté à
i’appofition des fcellés dans la maifon du fieur de Borda,
■en vertu de la procuration qiie M . le Préfident d’Aèbadie
& Madame fa mère avoient envoyée le premier Décembre
1785 , au fieur D etchegaraî, chacun pour fon
intérêt
perfonnel; cette précaution déplut à Madame la Préfideite
d’A bbadie, & lui rendit Le fieur Detchegaraî encore plus
odieux.
Il fe forma d’abord deux partis dans la famille, dont
chacun vouloit adminiftrer au nom de M . le Préfident
d’A b b a d ie, s’il reftoit en Péarn , mais qui fe réunirent
pour le faire interdire, quand ils le virent arriver à Paris,
dans
le deifein d’adminiftrer par lui-même.
Ces partis étoient compofés, l’un du Marquis & d e la Marquifedu Coudrai,l’autre de Madame laPréfidente d’Abbadie,
6c des intrigans qu’elle avoit aiTocics a fes efpérances. Ces
deux partis s’adreifoient à M . le Préfident d’Abbadie luim êm e, pour obtenir fa procuration. Lamarquife du Coudrai
agiiïoit avec fa franchife naturelle ; Madame ü’Abbadie
plus adroite faifoit mouvoir en fi faveur les reiforts de
l’intrigue. C ’eft dans leur correfpondance avec M . le
Préfident d’A b b a d ie , & dans celle des partifans de M a
dame la Prélidente d’Abbadie que
nous allons voir les
divers mouvemens qu ils fe font donnés pour obtenir fa
confiance, refolus de le perdre s’ils ne pouvoient pas y
réufiii*.
L a Marquife du Coudrai a écrit cinq lettres à M . 1»
F.
�' 42
*
'
Préfident d 'A bbadie, 1e s * , 9 , \S , 23 6c 47. N ovem bre
1784.
. Dans celle du fix , elle lui accufe la réception de fa lettre
du a i O fto b re p récéd en t, qui lui a f a i t , dic-elle, grand
plaijîr, &
qui par cette raifon ne pacoh point dans, la
caufe. E lle lui mande que les affaires de la fuceeffion du
iieur de Borda font Amples.
/
» Il feroit donc déiirable, ajoute-t-elle, que vous vinflïex
» ic i, pour les diriger vous-même.
Dans celle du n e u f N o v e m b re , elle lui demande fa pro
c u ra tio n pour un homme en qui elle a de la confiance^
rnais que M . le Préfident d’Abbadie ne co n ço it pas.
Dans celle du 16 f elle lui indique un autre Procureur
fondé, & lui envoye un projet de procuration.
Dans celle du 23 , elle lui accufe la réception de fa
lettre du 11 du même mois , qui ne paroît pas dans la
C a u fe , parce qu’elle eft bonne , & elle le prefle d’envoyer
Ci procuration à l’homme qu’elle lui a défigné.
Dans celle du 2 7 ., elle lui accufe la réception de fa
lettre du 1 3 , qui ne paroît pas plus que les deux autres,
& elle lui dit: « T o u tes vos peines, au p aflé, au préfent
» & à l’a v e n ir, ont é t é , font &
feront toujours
les
» m ien n e s, par mon attachement pour ma fa m ille , &
» pour vous en particulier.
I c i , M eilleu rs, fe préfente 11ne réflexion bien naturelle.'
L a Marquife du Coudrai & fon mari dont elle étoit
évidem ment dans cette occafion l’interprète & l’organe,
engagent M . le Préfident d’A b b ad ie, dans le cas où il
ne viendroit point diriger lui-même fes affaires, d’envoyer
fr procuration à un homme qu’il* lui défignent. Ils preférent
1
�un étranger à Madame la Préfidente
d’A bbad ie, qu’ils
ConnoiiToient par eux-m êm es, avec qui ils écoient dans
la maifon -du fieûr de B orda, ÔC qu’ils voyoient à Paria
depuis vingt mois. Ils ne la jugent point digne de la
confiance de fon M a ri; ils perfiftent pendant plus d’un
mois dans le .parti qu’ils ont pris de l’exclure des fonftiona
de fimple mandataire; com m ent l’intrigue a-t-elle pu de*
puis leur fafciner les yeux , & leur faire envifàger M . le
Préfident d’Abbadie com m e digne d’interdi& ion, 6c M a
dame la Préfidente d’Abbadie comme digne de la Curatelle?,
D e fon c ô t é , Madame la Préfidente d'Abbadie a écrit
deux lettres à fon M a r i, dans le cours du mois de N o
vembre 1784.
- » Je fens, lui dit-elle, dans la première en date du 6 ,
» com bien la perte de votre oncle va vous affliger, &c
» ;e voudrois bien
être avec vous pour adoucir votre
»chagrin . . . Je vous envoye une expédition du tefp tament de votre o n c le , par laquelle vous verrez les
» preuves qu’il vous donne de l’attachement particulier
» q u 'il avoit pour vo u s, en vous nommant fon E xécuteur
» teftamentaire. L es fcellés ont été appofés ; vous appren» drez avec le plus grand étonnement que M . D etch e» garay, abufant d e là procuration que vous lui avez don
» n ée, conjointem ent avec feue M adame votre m ère, s’eft
» préfenté avec un Procureur au ChâteJet, pour aflifter à
» l’appofition des fcellés; cette démarche a caufé un vrai
» fcandale dans 1* maifon j il aurait dû fa v o irq u e , dans
» les circonftances où nous nous trouvons, il riy a que
v moi (¡ni
vous repréfenter, & porter à vos'intérêts
» & à ceux de nos enfans toute l’attention cu’ik mûrirent u.
■
�44
( le S r d’Etchegaray ne favoit pas cela ; il penfou à cet égard
comme le Marquis ôt la Marquife du Coudrai, comme toute
la famille, & comme M. le Préfident d Abbadie lui-même).
L es tentatives du Marquis & de la Matquife du C o u
drai, pour faire donner à un étranger la procuration de
M . le Préfident d’Abbadie, dans le cas où il ne viendroit
pas diriger lui même fes affaires, jettoient Madame la
Préfidente d’Abbadie dans un grand embarras. E lle n’ofoit
pas leur réfifter ouvertement
ni demander pour elle-même
la procuration de fon mari, dont elle ne pouvoit pas fe difiîmuler qu’elle avoit perdu la confiance. E lle prit le parti de
la faire folliciter par des tiers, & pour mieux ailurer fon fucc è s, elle invita M . le Préfident d'Abbadie à confuiter, fur le
choix de fon mandataire, des Avocats de Pau , qui, prévenus
par les agens de Madame la Préfidente d’A bbadie, devoient
naturellement lui donner la préférence; en tout événement,
elle fongea à attirer M . le Préfident d’Abbaçlie à Paris, dans
le foyer de la confpiration, pour avoir la facilité d’obtenir
fa confiance, ou de le perdre s’il la lui sefufoir.
» Il eft trop jufie, lui difoit-elle, par fa. lettre du &
» N ovem bre 1 7 8 4 , que fur des affaires ayifi importantes
» vous preniez un parti avec nos confeils & nos amis
» communs; le meilleur de tous, feroitr, mon cher mari,
» d e vous rendre ici; vous e n
sen tez
» vos a f f a i r e s
présence.
e x ig e n t
vo tre
la
n é c e s s ité ,
V ous fentez
» tout l’embarras qu’éprouveroient les affaires, fi nous ne
x pouvions les traiter que par correfpondance ; je ne puis
» vous le diifimuler, je ne laiife pas d’avoir bien des
» chofes à fouffrir, par les altercations fréquentes qui me
» font faites de la part de M . le Marquis & M adame la
�4Î
»M arquife du Cdudrai. Sans>douter que M . Huftafti: 'ner
» manquera pas de vous écrire pour vous faire part dç<
» Tes obfervatigns fur la conduite £i tenir.
M ?. H ü t t e a u .A v o c a t en la C o ur , étojt depuis dix ans
iam i de M . le Pfélident d’Abbadie , fon confeil & fon
défenfeur dans toutes fes caufes ; ce n’avoit été; que dans
celle,des 35,000 livres enlevées par Madame la Préfidente
d!Abbadie. qu’il avoit cédé à M u. Martineau le foin de le
défendre. Il écrivit à M. le Président d’Abbadie le 8 N o virnbre >784, uné longue lettre dans laquelle il fe plaint
d’.abord , de ce que le fieur d’Etche^aray.a.aififté aux fcellés
en vertu de fa procuration générale* ’( Madame la Préfi
dente d’Abbadie s’en plaignoit auflî ) & lui marque qu’il
ne peut fe difpenfer de défavouer ce qu’afait le Procureur
au Châtelet d’après cette procuration gén érale, dont il a ,
ajoute-t-il , (i indignement abufé. ( Q u e l grand abus pouvoiril donc y avoir dans la iimple ailiftance du Procureur de
M . le Préfident d’Abbadie à l’appoiition des fcellés ! )
« L e vrai mot de tout c e la , continue M e. Hutteau j eft
» l’avidité du Procureur au Châtelet qui, pour fon intérêt
» perfonnel, n’a pas craint de faire un aile injurieux à v o u s ,
» M . le Préfident, & à votre famille.
» C e premier point arrêté, qu’allez-vous faire aihielle» ment? Il y a les fcellés à le v e r, l’inventaire à faire; if
» faut prendre qualité
dans la fucceiTion, délivrer
les
» legs, & c . Pour toutes ces opérations fi férieufes, fi im» portantes , qui embraiTent des objets fi confidérables ,
» J e CROIS QUE VOTRE PRÉSENCE SEROIT ABSOLUMENT INDIS-
jd p e n s a b l e . ( Madame la Préfidente d’Abbadie le lui avoit
» marqué auiTi) au moins ne pourroit-on fuppléer à votre
�» abfence que par une procuration méditée & concertée
» pour que vos intérêts ne puiflent être compromis en
» rien; mais q u a n d il s’agit de procuration , il y a toujour*
» deux
ch o fes
eflentielles à confidérer , l e c h o i x
de la
» p e r f o n n e qui n o u s reprefente, & l’objet des pouvoirs
» q u ’ o n l u i donne.
M e. Hutteau a eu la difcretion de ne pas s’expliquer
ouvertement fur le choix de la perfonne; il favoit qu'il
n’étoit pas aifé de faire tomber ce choix fur Madame la
Prélidente d'Abbadie ; il a renvoyé à cet égard M . le
Préfident d’Abbadie à fes Confeils de Pau. (M adam e la
P ré fid e n te d’Abbadie l'y avoit renvoyé auiïi)
» O n doit vous laiiler le temps , difoit-il, de prendre
» votre parti avec les Confeils éclairés que vous avez à
» Pau ; peut-être aufTi defirerez vous avoir le temps de
» vous entendre, & de vous concerter avec moi.
11 entre enfuite dans une diflertation profonde fur les
qualités & les droits de M . le Préfident d’ A bbadie, dans
la fucceiïion de fon o n c l e , & il finit par lui dire:
i° V o i l à , M . le Préfident, mes obfervations; Je vous
i .es
soum ets
; que ce fuffrage eft précieux pour M . le
Préfident d’Abbadie ! c’eft un Jurifconfulte , fon ancien
C o n le il, le Confeil dciigné de la Curatelle, qui lui foumet
.les obfervations, au mois de N ovem b e 1 7 8 4 , à la veille
de la pourfuite de fon interdiction.
M e. Hutteau étoicTi éloigné de regarder M . le Préfi
dent d’Abbadie comme infenfé , qu’il lui a écrit dans le
courant du même m o is, trois autres lettres., dans l’une
‘ tlefqùelies, qui eft du 27 N o v e m b re , il lui recommande
fur-tout de ne donner fa procuration qu’à une perfonne
" ’il ço;;ncîi;.i panic^Hèrencnt & par Uti-mcmcy. cîe co:i-
�*7
fulter à P a u , fur fon c h o ix , & de né pas compromettre
fa fortu n e, par ¡es fa its de quelque, krangtr qu’il ne connût*
iroitpas.
C es derniers mots tendoient à i’excluficm du Procureur
/
fo n d é , défigné par le Marquis 6c la M arquife du C o u d rai,
qui écoit inconnu à M . le Préfident d’Abbadie ; exhorter
d'ailleurs c e Magiftrat à confulter fur le ch oix d’un man
dataire, à Pan où M adame la Préfidente d’Abbadie avoit
des
agens qui lui étoient aveuglém ent d évo u és, c’étoit
s*aiTurer qu’elle feroit défignée par préférence à tout
autre.
M . de C h e ra u te , Confeiller au Parlement de P a u ,
a prévenu l’avis des A vocats ; il fe flattoit apparemment
d’avoir aiTez de crédit auprès de M . le Préfident d’A b b a d ie,
pour déterminer fon choix en
faveur de M adame fon
époufe. I l lui a écrit à ce fujet, le 27 N ovem bre 1784.
» Sans doute, lui d it-il, que le foin de cette importante
» fucceflion vous d¿terminera d’aller à Paris , Ci votre
» fanté vous le permet ; 6c fi elle ne vous le perm ettoit
x> p a s, vous donnerez, votre confiance à quelqu’ un.
» C e foin regarde naturellement M adame la Préfidente
» d’A bbadic, . . . j’apprends avec le plus v i f chagrin qu’on
» travaille à voue déterminer à lui refuier votre confiance,
» 6c à la donner à d’autres . . .
S i vous ne com ptez
» pas fur fon exp érien ce, ôc fur le choix qu’elle feroit d’un
» bon C o n fe il,
qui vous e m p ê c h e , M o n fieu r, de lui
» en indiquer u n ,
de l’avis de
qui elle fe conduira,
» SUR LES INSTRUCTIONS QUE VOUS LEUR DONNEREZ ü ’iCI.
» J e penfe donc M onfieur, que la re lig io n , l’honnêteté
» & la décence vous impofent la loi d’accorder votre
�»"confiance à ¿elle qui unie à vous par les liens les plus
» facrés, partage-. . • votre tendrdfe pour vos enfans,
» & tous les biens 6c les maux qui vous arrivent, & c. & c .
R e m a r q u e z , Meilleurs, le iuffrage honorable qui réfulte
de te lettré de M . de Cheraute, en faveur de M . le Préiident
d’Abbâdie.
G ’eil un Magiftrat
du
Parlement de 'Pàu^
qui juge M . le Préfident d ’Abbadie capable de diriger
P a r ses i n s t r u c t i o n s
perfonnelles Madame la Préiidente
d’Abbadie ôc fon Confeil.
Devoit-on s’attendre à voir
ce Magiftrat ouvrir.peu de temps après, dans une aifemblée
domeftique, l’avis de l’interdi&ion
de M . le Préfident
d’Abbadie?
Q u o i qu’il en fo it, M . le Préfident d’Abbadie n’a pas
c r u , malgré fa déférence pour les lumières de M . de
C héraute, que la religion lui impofât la loi de confie^
à fou époufe le maniment de deux ou trois millions.^
& il ne fç fentoit pas naturellement difpofé à la charger
du fardeau d u n e adminiftration auifi importante. Cepen
dant comme M e H utteau, fon con feil, en qui il avoit mis
toute fa confiance, l’ exhortoit à confulter des Avocats
de P a u , fur le choix d’un Procureur f o n d é , dans le cas
fih il ne vi en droit pas à Paris, & qu’il* héiitoit de faird
ce voyage dans le mois de Décembre 1 7 8 4 , il a chargé
le fieur A bbé d’Erchegaray • fon coufin., fon am i, & fort
voiiin dans le pays de S o û le , où il étoît alors, d’ailer
prendre à Pau l’avis de ces Jtirifconfultes, fe refervant
de prendre enfuite par lui,- même tel -parti qu’il jùgeroit
convenable.
ta
quefiion a
été
propofée aux A vocats de P a u ,
dépouillée dçs circonflances particulières qui auroient pu
éclairer
�49
éclairer leur opinion. Us ont décidé que fi M . le PréiHent
d’Abbadie n’alloit point diriger lui-même fes affaires à
Paris, il devoit
envoÿer fa procuration à Madame fon
époufe. Mais M . le Préfident d’Abbadie s’eft déterminé
' à fe rendre dans cette C ap itale, malgré la rigueur de la
faifon, malgré l’accablement dans lequel l’avoit plongé la
mort de la mère & de fon oncle.
11 eft arrivé à Paris le 29 Décem bre 1784., avec l’Abbc
d’Etchegaray ; Ils fe font réunis dans l’hôtel du fieur de
Borda à Madame la Préfidente d’Abbadie , à íes enfans., au
Marquis & à la Marquife du Coudrai. Il n’étoit point de
la dignité de M. le Préfident d’A bbadie, d’aififter jour
nellement aux opérations préliminaires, telles que la levée
des fcellés & l’inventaire, 6c comme ces opérations étoieut
urgentes , &
que la Marquife
du
Coudrai
lui
avoit
mandé dans toutes fes lettres qu’il n’y avoit pas un inftant à
perdre, il a d o n n e le 30 Décem bre 1 7 8 4 , une procura
tion fous feing p rivé, en attendant que la fatigue du
voyage lui permît d’aller la donner pardevant 1Notaire ,
au fieur d’Etchegaray fon coufin , dont il avoit éprouvé
le zèle & la fidélité dans diverfes occafions, & fmgulièrement dans l’affaire des 3.6000 livres dont il lui avoit
fait reflituer m e partie. ■
» M a is , a-t-on d it, M . le Préfident d’Abbadie en don» nant au fieur d’Etchegaray le pouvoir
d’aflifter à la
» le v é e des fcellés, & à la confettion de l’inventaire,
» lui a d o n n é aufii le pouvoir de fe faire remettre le?
' j» titres & papiers de la fucceifion : il a livré une fortune
» immenfe à un homme fans état, &
qui avoit( deux
G
�»procès,
S °t
l’un en la C o u r , l’autre au C h â te le t, où il
» avoir été décrété d’ajournement perfonnel. Madame la
» Préfidente d’Abbadie n’a-t-elle pas dû s’alarmer en voyant
» la confiance de ion mari ii mal placée, & prendre les
» mefures les plus promptes pour en prévenir l’abus ?
N o n , Madame la Prélîdente d’Abbadie ne devoit nifuf*
peder le fieur d’Etchegaray à raifon de ces procès, ni
faire interdire ion mari , fous ce prétexte.
D ’abord, quel étoit le fujet des deu< procès que le
fieur d’Etchegaray avoit au commencement de l’année
178 j ? le voici.
i°. L e fieur d’Etchegaray avoit fait faifir une manufac
t u r e , fife à Paris, appartenante au fieur Texada Efpagnol,
fon débiteur d’une famine d’environ 20000 livres.
Le
fieur A rra g o n ,
autre Efpagnol j neveu du fieur
T e x a d a , avoit formé oppoiition à la iaiiïe, fous prétexte
que fon oncle lui avoit vendu peu de temps auparavant
cette manufadure.
L e fieur d’Etchegaray a foutenu que cette vente étoit
frauduleufe & n u lle , & l’a fait juger telle au Châtelet
avec dépens, dommages & intérêts.
Sur l’appel , le fieur Arragon a fait juger cette vente
fincère & valable.
L e tort du Sieur
d ’E tch ega ra y, dans ce p ro cès, a
donc été de n’avoir pas deviné avant de faifir la manufa& ure, que fon débiteur l’avoit vendue à fon neveu , &
d’avoir
cru
enfuite que
cette
vente
étoit
fimulée &
frauduleufe ; cette opinion que les Juges du Châtelet
avoient adoptée , ne le rendoit certainement pas indigne
tîc la confiance de M . le Préfident d’Abbadie.
�u
2*. L e procès pendant au Châtelet n’étoit pas plus grave*
L e Sieur A rra gon , débiteur d’une lettre de ch a n g e,
dont le fieur d’Etchegaray tftoit porteur, lui avoit mandé
en 1783 , qu’il ne la payeroit pas, & qu’il ne craignoit
point Tes pourfuites, parce qu’il s’étoit mis fous la pro•te&ipn. du
Confeil
de Caitille. L e fieur
d’Etchegaray
l ’avoit menacé de faire connoître fa mauvaife f o i , dans
les places de com m erce, s’il ne payoit pas. L e fieur
Arragon avoit reconnu fon to rt, & avoit payé.
Plus d’un an après, dans le mois de Janvier 1785',
dans ce môme mois où Madame la Préfidente d’Abbadie
envoyoit à Pau
le pouvoir de pourfuivre l'interdiction
de fon mari , J e fieur Arragon s’efl laiffé perfuader qu’il
falloit faire un procès
criminel au fieur d’ Etchegaray,
fur les prétendues injures qu’il lui avoit écrites en 1783.
Il a rendu plainte, ôt a furpris contre le fieur d’E tche
garay un décret d’ajournement perfonnel, qui eft intervenu
à propos pour accompagner à Pau la procuration tendante
à l’interditlion de M . le Préfident d’Abbadie.
M a is , qu’eil-il arrivé ? une Sentence du 24
Janvier
17 8 5 , a déclaré la plainte calomnieufe & vexatoire, a
déchargé le fieur d’Etchegaray de l’accufation , Ôc a
condamné le fieur Arragon aux dommages fit intérêts,
& aux dépens.
L e fieur Arragon a gardé le filence pendant près d’un
an: il vient d’interjetter appel de cette S e n ten ce, depuis
que la plaidoirie eit engagée en la C o u r , entre M . le
Préfident &
Madame la Préfidente d’A b b a d ie , comme
fi ces deux caufes étoient faites pour marcher enfemble,
G ij
�p
& ponr fe prêter un fecours mutuel. Mais quand le fieur
Arragon feroit juger que le fieur d’Etchegan.y a eu tort
de fe plaindre à lui-même & à d’autres, de la mauvaife
foi avec laquelle il lui-refufoit en 1 7 8 3 , le payement
d’une lettre de change, quand il feroit accueillir une
plainte en injures rendue après plus d’ un an de filetice,
ce
qui répugne aux principes , cet événement n’enta-
cheroit point l’honneur du fieur d’Etchegaray, & ne le
rendrait pas indigne de la confiance de M . le Préfident
d’A tb a d ie.
Madame la Préfidente d’ kbbadie a donc eu tort de
feindre des alarmes pour la fortune de fon m ari, à raifon
des deux procès que le fieur d’Etchegaray avoit en 1785",
ôc j h s grand tort encore de l’avoir peint récemment
fous ce prétexte, comme un homme fufpeft, connu dans
les rI ribunatJx, & indigne de toute confiance.
Si M. le'Préfident d’A b b a d ie, en donnantau fieur d’Etche
garay le pouvoir d’aififter à la levée des
fcellés & à
l ’inventaire , lui a donné en même temps le pouvoir de
fe faire remettre les titres & papiers, il ne l’a pas autorifé
par là à toucher les effets au porteur, ni les deniers de
la fucceifion : l’argent comptant & les effets au porteur
ne font point compris fous Ja dénomination vague de titres
& papiers : onpourroit comprendre tout au plus, fous cette
dénomination , les contrats , les obligations , h’ s billets
à ordre ; mais ces fortes de titres de créance n’auroient
jamais pu courir aucun rifque dans les mains du fieur d’Etche
garay , puifqu’il n’étoit pas autorifé à en toucher le montant,
& à en donner quittance. Si M. le Préfident d’Abbadie
lui avoit confond un pouvoir aufli étendu , le lien du
�ir
f a n g , l’exemple de Madame fa m ère, Ôcla fidélité éprouvée
du fieur d’Etchegaray auraient iuPiifié fa confiance. Madame
d’Abbadie deman Je que la curatelle onérairefoit déférée au S r
Olivier, homme fans ¿ ta t, fans confiftance, décrété à la R e
quête de M. le Préfident d’Abbadie , pour fouilra&ion de
papiers de la fuccelîion du fieur de Borda; elle veut confier
à cet étranger la fortune de l'on mari, & elle fait un crime à
fon mari d’avoir voulu confier à fon coufin des titres 6c pa-,
p iers, qu’il n’a d’ailleurs jamais eus, qu’il n’a jamais réclamés,
& dont il ne pouvoit pas toucher le montant; 6c elle fe
flatte de colorer fous ce prétexte une interdiction odieufe
dont elle faifoit les préparatifs fecrets depuis quatre ans,
& qu’elle a pourfuivie après que le fieur d’Etchegaray a eu
requis lui-même le dépôt des effets 6c des deniers comp
tant de la iuccefiion ?
Mais li c’eft la crainte que le fieur d’Etchegaray n’abusât
de la procuration de M. le Préfident d’A bbadie. qui a
déterminé les pourfuites de Madame d’A bbadie, pourquoi
les continue-t-elle depuis u nan que le fieur d’Etchegaray
s’eft défifté de cette procuration ?
La procuration donnée au fieur d’Etchegaray n’eit évi
demment que le prétexte des pourfuites de Madame d’A b
badie; fon vrai m otif a été le refus qu’elle a efluyé d’une
procuration, à l’effet d’admir.iftrcr. La procuration ou l’interdittion: c’étoit le dernier mot d e là cabale : je le trouve
dans la lettre de M e Lom bard, A vo ca t à P a u 3 à Madame
d’Abbadie, en date du 3 D écem bre 178 4 , (p a g e 58 de
fon Mémoire imprimé).
» S ’il a un moment heureux , il reconnoitra la fageife ,
�» lanéceilitéde l’avis, (lavis des Avocats de Pau concernant la
» procuration) il l’exécutera.
» S ’il ne le fait p a s, lavis fera votre premier titre pour
» les mefures que vos intérêts communs exigent ».
E t ces mefures étoient, comme l’événement l’a prouvé
bientôt après, l’interdi&ion de M . le Préfident d’Abbadie.
Il étoit donc décidé que M. le Préfident d'Abbadie fe
démettrait de fon adminillration dans les mains de Madame
fon époufe, ou qu’elle pourfuivroit fon interdi&ion.
Il a annoncé ouvertem ent à fon arrivée à Paris, l’in
tention dans laquelle il étoit d’aJlminiftrer par lui-même :
M adam e d’ A b b a d ie &
fes aifociés ont
aulïitôt travaillé
fourdement à le faire interdire.
L e 26 Janvier 1 7 8 ? , à h premiere vacation de levée
des fcellés, le fieur d’Etchegaray a confenti, de fon propre
mouvement, fans que pe.rfonnc l'eût requis, que les effets
au porteur, ôc les deniers comptans de la fucceifion fuifent
remis à M c Quatremere, N o ta ire , qui s’en chargerait,
comme dépofitaire judiciaire. Il en a été référé pardevant
le fieur L ieutenan t-C ivil, qui, par fon ordonnance du même
j o u r , a donné a¿le au fieur d’ Etchegaray
confentement , & a
ordonné qu’il feroit
de fes dire &
procédé à la
reconnoitlance & levée des fcellés, & à l’inventaire , à
la requête de M . le Préiideut d’ /Vbbadie; en conféquence,
lès deniers comptans Sc les effets de la fucceifion du fieur
de Borda paifoient dans les mains du Notaire Sequeftre , à
mefure qu’ils fortoient de deiTous les fcellés.
M . le Préfident d’Abbadie étoit avec fon époufe , ôc
ne fongeoit pas à s’éloigner d'elle , quoiquelle l’eut accou
tumé à vivre f e u j, par un long divorce. L a fucceilion
�¿toit en dépôt, & ne couroit aucun rifqu e, en attendant
le partage auquel M . le Préfident d’Abbadie vouloit aiïlilet
lui-même ,
mais qui n'étoit pas li prochain.
Il n’a voit
eu recours jufqu’alors qu’à M c Babille fon nouveau C o n f e il,
pour les ?. flaires de la fucceillon , & à M e Hutteau fon
Confeil ancien & habituel, comme il venoit de le ddclarer
à la vacation du a i Janvier 17 8 y : c ’eft dans ces circons
tances que , par a d e du 30 du même mois , Madame
d’A'bbadie a donné pouvoir à un Procureur au Parlement
de Pau ,
dt.‘ pourfuivre l'interdiction de fon mari , ôc
de demander la curatelle honoraire pour elle, h curatelle
onéraire pour le fieur O liv ie r , à la charge de lui rendre
compte tous les trois mois , ôc la nomination de M c Hutteau
pour confeil de la curatelle.
» Si mon mari avoit été à m oi, a-t-elie dit à cette audience,
» jamais je n’aurois fongé à le faire interdire ».
A qui étoit-il donc dans le mois de Janvier 178$’ ,
quand vous avez envoyé-à Pau le pouvoir de pourfuivre
fon interdittion ? A qui étoit-il dans le mois de F évrier,
quand vous l’avez pourfuivie ? N ’étoit-il pas à vous, & à
vous feule? N e demeuroit-il pas avec vous & avec vos
enfans ? Il étoit fans défiance au fein de fa famille, &
vous aviez profcrit fa tête ; il vous traitoit comme fon
époufe , ôc vous contempliez en lui votre victime ; il
vous auroit confacré fa vie , ôc dans l’attente de fa mort
civile que vous aviez demandée , vous comptiez le peu
de jours qui lui reftoient en core, impatiente de voir arriver
le^dernier : voilà donc le prix du facrifice qu’il avoit fait
de toutes fes prétentions, en vous donnant fa main ; voilà
la récompenfe de 1 amitié qu’il vous avoit v o u é e , & des
libéralités dont il vous avoit comblée par votre contrat de
�mariage. C e t o î t pour le faire interdire à P a u , à fon in rç u ,
que vous l’aviez invité à fe rendre à Paris : c étoit pour lui
porter des coups plus surs, que vous l’aviez attiré auprès
de vous : eft-ce ainfi qu’une époufe remplit le devoir que
la religion & l’honneur lui impofcnt ? eil-ce ainfi quelle
garde la foi jurée au pied des autels ?
P R O C É D U R E S .
L a requêteàfin d’interdidion d e M . le Préfident d’Abbadie
a été donnée au Parlement de Pau, le 18 Février 1787 ,
& répondue d’une Ordonnance portant que les parens
amis feroient aiTemblés pour donner leur avis.
L e 2 Mars fuivant, Madame d'Abbadie a fait convo
quer une aflemblée dans la ville de Pau. Aucun des proches
de M . le Préiident d'Abbadie , aucun de íes amis n’a été
appellé : l’afTemblée étoit compofée de M . de Cheraute, des
lieurs D a b e n fe , Darberats , laF orcade & Loufl.au , parens
& alliés à un dégré très-éloigné & preique tombé dans l’oubli.
A ces cinq parens & alliés fe font joints les fleurs Defpalungue & de Peyré , que M. le Préfident d’Abbadie n’avoit
jamais comptés au nombre de fes amis , & ls fieur de
Peborde que Madame d’Abbadie avoit admis d’autant plus
volontiers parmi les fiens, qu’il étoit le neveu de fon M éd e
cin, du fieur Borie qui lui avoit expédié fiofficieufementpour
fon mari en 1783 & en 1784 deux certificats de démence.
Ces parens éloignés , & ces fçjj - difans amis fc font
aiïembiés pardevanr M . de Sajus , R ap p orteu r, qui n’a
pas jugé à propos de leur faire prêter ferment.
On
a mis fous les yeux de l’aflemblée; i°. les deux
lettres de M . le Préfident d’Abbadie de
1 7 8 1 , qui ne
prouvoient rien pour fon état atluel en 178 ; ; 20. les deux
certificats
�n
certificats du fieur Borie des 6 Mai 1783 , & 6 Février
1 7 8 4 , fruits honteux d e l à furprife la plus inanifeile, ôc
d e là machination la plus odi<Mjfe; 30. la procuration donnée
au fieur d’E tchegaray, le 9 Janvier 1 7 8 ? , tendante à des
attesconfervatoires, & dont il n’avoit fait d’autre ufage que
d’affifter à la levée des fcellés ;4°. le Procès-verbal d e ie v é e
des fcellés du 26 du même m ois, par lequel il paroiifoit
que le fieur d’Etchegaray avoit requis lui-même , ôc fait
ordonner le dépôt des effets au porteur ôc des deniers comptans, qu’il n’avoit point d’ailleurs le pouvoir de toucher.
Il n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces une caufe
réelle des alarmts que Madame d’Abbadie feignoit d’avoir
pour la fortune de fon mari : cependant les parens & amis
de Pau ont apperçu , comme ils fo n t dit dans leur avis ,
un danger imminent de voir difparoître dans les mains du
fieur d’Etchegaray, un million ôc demi d’effets au porteur,
qui n’étoient point dans les mains du fieur d’E tchegaray,
ôc dont il avoit requis lui-même , ôc fait ordonner le dépôt
dans celles de M° Q uatrem ere/N otaire.
Il
n’étoit pas aifé de trouver dans ces pièces la preuve que
M . le Préfident d’Abbadie fût dans un état de démence: auffi
les parens ôcamis de Pau ont-ils atteflé dans leur avis la noto
riété publique; ce témoignage fi incertain par lui-même, que
chacun invoque à fon gré , qui n'efl: fouvent que le langage
de l’impofture répété par la crédulité, qui ne tient jamais
lieu de preuve au Tribunal de la L o i , ôc qui mérite com
munément fi peu de créance au Tribunal de la raifon.
Ils ont attefte aufîi leur connoiifance perfonnelle: mais il«
n’avoient point fait ferment de dire la vérité.
Ils ont été de l’avis de l'interdiction.
H
■ N
�*8
: C e t avis a été homologué par provifion, par un arrêt du
3 Mars 1787 , qui en interdifant M. le Préiident d’A bbadie,
ordonne que. Madame d’Abbadie fera fa curatrice hono
raire , aura foin de lui dans fa maifon , ôc lui fera adminiftre'r tous les fecours de M édecine & de Chirurgie néceffaires à fon état & à fa fituation ; que le Heur O livier fera
fon curateur onéraire, & M e Hutteau,Confeil delà curatelle,
& au principal, renvoyé les parties à l'audience.
C et arrêt doit paroître bien extraordinaire : M. le Prtifide'nt d’Abbadie eft jugé fou , par provifion, comme s’il
ne fai loi t pas juger par provifion qu’un homme eil dans
ion état naturel, qui eft un état de raifon. Un Magiftrat du
premier rang eft interdit au Parlement de Pau , avec la
même facilité qu’un citoyen, eft ail-igné devant les autres
Tribunaux, pour y défendre un mince intérêt. Fortune,liber
t é , magiftrature, exiftence civile, tout lui eft enlevé à la fois
fans aucune forme de procès : il eft écrafé par un arrêt fur
req u ête, comme par un coup de foudre: qui ne trembleroit
à la vue a ’un événement de ce genre! quel moyen l’homme le
plus fage auroit-il d e fe garant.r d’une pareille interdiction !
N e croyez point , M M . , que le Parlement de Pau
foit dans l’ufage d’interdire, pai provifion, (ans inftruction préalable , ceux qui font accufés de démence. O n
pou rroit, a-t-cn d it, citer cer.t arrêts qui confucrent cet
ufage , & on n’en cite pas un feul ; mais je vais en citer,
moi , qui établifl'ent un ufige contraire, & qui font d autant
plus frappans, qu’ils ont été rendus au Parlement de Pau ,
dans le temps même où finterdiclion provifoire de M. le
préfident d’Abbadie y a été prononcée.
L e Parlement de Pau étoit faiii au mois de Février
�170^ , de deux demandes à fui d’interdidion pour caufe de
démence , formées l’une contre M . le Préfident d’A bbadie,
l’autre contre, le fieur Cataîy , Huiilier de i’Univerlicé de Pau.
V ou s favez , Meilleurs , quelle marche a été .fume à
l ’égard de A4 , le Préfident d’Abbadie : le 2 M a rs, avis
d’une
poignée
de parens éloignes , &
de foi - difans
amis ; le lendemain Arrêt qui prononce l'interdiction pro
vifoire de ce Magîftrat : jamais procédure ne fut auili rapide
dans une nutière auili gruve.
La marche qu’011 a fuivie à l’égard du Bedeau de l’Univerfité a été plus lente fie plus folemnelle. La voici. D ’abord
avis de parens tendant à l’ipterdidion : mais point d'interdic
tion provifoire.'Arrêtdu 2 6 Février 178^ , rendu au rapport
de M. d’A u g e r o t , qui ordonne , avant faire droit, la vifice
du Bedeau par deux Médecins. L e premier Mars fuivant,
rapport des Pvlédecins qui déclarent que le fieur Cataly eft
dans un aifaiiTement qui le rend incapable de foutenir fes
idées. N ’ijiiporte, point d’interdi&ion provifoire : Arrêt
du 8 du même mois qui renvoye les Parties à l’audience.
L e ilippôtde l’Univerfité furvit à l’avis de fa famille & au
rapport des 7Æédecins, & le Magiftrat eil facriliéau premier
vœu formé pour fa perte.
N e dites donc pas que l’ufage du Parlement de Pau eil:
d’interdire par proviiïon fur un fimple avis de parens ceux
qui font accufés de démence ; fit à qui perfuaderez vous
qu’un Corps de Magiftrature fe foit formé une Jurifprudence auili étrange & auili dangereufe : à Pau comme à Pa
ris, l’état civil eil facré, 6c 11’eft point le jouet de l’opinio.!
ou du caprice d une pviignçe d’hommes privés qui peuvent
ailéiiient fe laifisr féduire & devenir, même fans le favoir,
H ij ‘
�6o
les inflrumens de l’intrigue & de la cupidité. L e citoyen
n’eft point l’efclave de fa famille, il eft l’enfanc de la l o i , &
la loi défend de l’interdire, fans la plus grande connoiiîance
de caufe. Obftrvarz prœtorem opportebit ne cui temcrè dira
caufœ coonitionemplenifjimam curatorem dct.
L e Parlement de Pau interdit quelquefois par provifion
ceux qui font accufés de prodigalité, ôcdont les diiïipations
font apparentes. Cette Jurifprudence eft fage ; le prodigue,
aliène valablement fes biens jufqu’au moment de ftfn interdiûion; il pourroit confommer fa ruine dans vingt-quatre
heures, & rendre, inutile la veille le fecours que la loi lui apporferoit le lendemain.-Mais l’interdidlion de l’infenfé a un
effet rétroa&if au jour où la démence a commencé ; elle eft
à la fois un préfervatif pour l’avenir, &: un remède efficace
pour le pafle. Rien n’exige donc qu'elle foit prononcée
par provifion comme l ’interdittion du prodigue. D'ailleurs
l’homme accufé de' prodigalité qui fe relève de fon inter
diction provifoire peut dire qu’il n’a rien perdu dans l’opi
nion publique; mais celui qui
eft interdit par provifion
pour caufe de démence, reçoit dans fa perfonne, & tranfmet à fes defeendans une tache
dont ils ont à rougir
pendant des fiècles. Plus cette tache eft difficile à effacer,
plus il faut héfiter de l’imprimer furja perfonne du cito yen ,
& principalement fur la perfonne du Magiftrat qui eft revêtu
d’un cara&ère facré,qui eft l’homme de la loi & delà patrie.
Nous pouvons le dire hardiment : l’interdi&ion pro
vifoire de M . le Préfident d’Abbadie n’a point d’exem
ple : c’eft un de ces évènemens extraordinaires qui frappent,
qui éto n n en t} & dont la caufe eft un myftère difficile à
découvrir.
�6i
Madame la Préfidente d’Abbadie vante l’Arrêt du Parle
ment de Pan du 3 Mars 178s" , quoique caflé, comme un
témoignage toujours fubfiflant de la démence de Ton mari :
mais cet Arrêt a été cailé principalement parce qu’il n’étoit
point fondé fur une~ preuve certaine de cette prétendue '
demence; c o m m e n t pourroit-il donc tenir lieu de preuve?
d’ailleurs le témoignage qu’on voudroit faire réfulter de
cet Arrêt ne paroitro.it pas bien impofant ii l’on remontoit
à fa four ce.
En e ffe t , l’Arrct du 3 Mars 1785’ , qui interdit par pro'
viiîon M. le Préfident d’Abbadie ne fait qu’homologiter
par provîfion l’avis des parens ôc amis de P a u , dont il
répète mot à mot les difpofitions.
C e t avis n’a d’autre bafe apparente que les certificats
des 6 Mai 1783 & 6 Février 1 7 8 4 , qui conftituent M. le
Préfident d’Abbadie depuis 1 7 8 1 ,
dans un état de de-
mence.
Ces certificats téméraires & faux font évidemment l’effet
de la collufion de Madame d’Abbadie avec fon M édecin
de Paris, qui y attefte le prétendu état de démence do
M . le Préfident d’Abbadie en Bearn , où il ne l’a jamais
v u , & qui l’attefte fur la parole de Madame la Préfidente
d’Abbadie.
En remontant à la fo u r c e , on voit que le témoignage
réfultant de l’interdifliion provifoire de M . le Préfident
d’Abbadie eft le témoignage de Madame la
Préfidente
d’Abbadie elle-même , tranfmis par elle à fon M édecin
de Paris , par fon M édecin de Paris , aux parens de Pau , 6c
par les parens de Pau au Parlement qui par provifion a
homologué leur avis.
M . le Préfident d’Abbadie continuoit de vivre avec fa«
�¿2
dpoufe ; il ne favoit pas qu il dtoit interdit. Il vo yo it.fa
curatrice, fou c u r a t e u r , le confeil de la curatelle, tous
les conjurés qui feig noi en t d ctre fes amis, 6c dont fa maifon dtoit le repaire. Aucun ne lui faifoit preiTentir l'on triils
fort ; toutes les bouches dtoient muettes en fa prdfence ,
tous les vifages dtoient fereins; la Marquife du Coudrai
feule pouifoit de temps en temps des foupirs en regardant
ion Acre , & ajloit cacher les larmes qui s’dchappoient dé
fes yeux, & que la cabale ne lui auroit point pardonne'es.
C e ft une lettre derite de Pau qui a appris à M . le Prdfident
d’A bbadie, à la fin du mois de Mars 178 ; , qu’il dtoit inter
dit comme fou depuis le commencement du même mois.
Q uel coup de foudre pour ce JvIagifLrac ! il eft heureux
qu'il ait fu fe moddrer dans le premier m om ent, & triom
pher de lui-meine. Il a imité le lilence qui régnoit autour de
lui ; il a didimulü, réfolu de fortir au plutôt d’une maifon
où il dtoit environné d’ennem is, ôc de fuir une époufe
qui dtoit à leur tête.
Son projet dtoit d’aller paifer les Fêtes de Pâques dans
fes terres du Poitou , où il vouloit régler les comptes.des
Régiffeurs. L e jour de fon départ dtoit lixé : c’dtoit le 25
Mars. L e nommé D o u c e t , fon Cocher , & fon efpion fami
lier , devoit être du voyage ; il en donna avis à Madame
d’Abbadie qui s’empara la veille des clefs de i’hôcel, ôc
tint fon mari, qui ne s’en doutoit pas, en chaitre-privde.
Un accident furvenu à M. le F ré fuient ci Abbadie dans
la nuit du 2j au 26 Mars fit découvrir cette entreprife. C e
Magiftrat fut atteint d’ une colique.violente. On voulut fortir
pour aller c h ei l’Apothicaire ; le Portier
rdpondit que
MaJame la Prcfidenie avoit les clefs. O n frappe à l’appar-
�tement de Madame la Préfidente, qui ne dormoit pas : point
d e rép o n fe; on dit à la femme-dechambre que M . d’A b badie foufïre des douleurs aiguës ; point de réponfe. L a
nuit s’écoule fans que
M. le Président d’Abbadie puifîe
faire venir les fecours dont il a befoin.
L e Poftillon qui devoit conduire M . le Préfident d’Abbadic, frappe à la porte le lendemain matin. C e Magifirat veut
partir; il s’apperçoit qu’il eft en prifon. Il ne va point
demander les clefs à Madame la Préfidente d’A bbadie; il
n’avoit jamais manqué d'égards pour fon époufe, il en
auroit peut-être manqué malgié lui pour fa geôlière; il prie
le fieur d’Olhaflarry , Chevalier de Saint Louis , fon eouiin, qui depuis quelques jours étoit avec lu i, d’aller inftriiire le Heur Lieutenant de Police de la violence qui lui
étoit faite dans fa maifon. C e Magifirat invite M. le Frciident d’ bbadie d’aller conférer avec lui : fa prifon lui eft
ouverte à onze heures du matin ; le iieur Lieutenant de
Police eiï frappé d’un étonnement qu’il ne peut diifimulér
en converfant svec M. le Préfident d’A b b a d ie , & l’engage
à aller voir M . le Garde des Sceaux , à qui Madame la
Préfidente d’Abbadie avoit infpiré la même prévention.
M . le Préfident d’ ALbadie va le même jour à Verfailles,
revient à Paris , où il paiTe deux jours, & part le 29
Mars avec l’Abbé Detchegarai pour fes terres du Poitou.
V ou s avez dû être frappés, Meilleurs, de la véhémence
avec laquelle le défenfeur de Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft récrié contre ce voyage de M . le
Préfident
d’ Abbr.die , qu’il a peint fous les couleurs d’ un rapt. M. le
Préfident
d’A b b a d ie, a-t-il dit, a été enlevé par les fieurs
d’Etchegarai à fa femme , u fes enfans, à la fociété. Il
�¿4
n’a pas dit que M . le Préfident d’Abbadie avoit été interdit
un mois auparavant à la requête de Madame Ton époufe;
il n’a pas dit qu’elle l’avoit dépouillé à ion infçu de fes
droits de m ari, de père & de c ito y e n , & voilà ce qu’il
falloit d i r e , pour donner une jufte idée du voyage que
M . le Préfident
d’Abbadie a fait en Poitou à la fin du
mois de Mars i j 8 f : il n’a pas été enlevé à fon époufe , il
a fui fon ennemie; il auroit pu l’expulfer 6c refter maître dans
fa maifon ; mais le reifentiment du mari a cédé en lui à la
modération du Magi'ftrat, & il a fu refpecter aifez fon carac
tère , pour remettre à la loi feule le foin de fa vengeance.
O n a fait un crim e-au fieur Detchegarai d’avoir té
m o i g n é fon reifentiment , lorfqu’il a appris que M . le
Préfident d’Abbadie étoit en chartre-privée ; falloit-il donc
qu’il applaudît à cette v io le n c e , qu’il trahît les droits du
fa n g , qu’il confpirât contre fon parent, & qu’il fe-rangeât
parmi fes oppreifeurs ?
L ’ À b b éD e tch e g a ra i, a-t-on d i t , a éclaté en reproches &
en menaces ; ilvou loit enfoncer les portes de l’hôtel. Mais
la loi le lui auroit pardonné ,'f i fes forces le lui avoient
permis ; il étoit le prifonnier de Madame la Préfidente
d’A bbadie; tout moyen de recouvrer la liberté eft licite,
v lorfqu’elle eft ravie par la force privée.
C e n’étoit pas la peine de tant déclamer à ce fujet con
tre lés fieurs Detchegarai ; en fe plaignant amèrement de
la chartre privée dans laquelle M . le Préfident d’Abbadie
iewr coufin étoit détenu a v e c l’un d’eux , ils n’ont fait que ce
que
tout homme honnête & fenfible auroit fait à leur place.
C ’eft à la fin du mois de Mars 178 ; , fur la première
nouvelle de fon interditHon, & au fortir de la chartre pri
vée t, eue
M . le Préfident d’Abbadie m’a encacé
â
O O à affilier
aux
�aux aflemblées qui fe tiendroient pour fa défenfe dans le
Cabinet de M e. Babille Ton Confeil. Il m’a appelld au dé
faut de M e Hutteau , qui avoit été nommé Confeil de fa cu
ratelle, & qui par conséquent ne pouvoit plus être fon
c o n feil, ni fon défenfeur contre ¡’interdiction.
Je ne devrois avoir à m’occuper que de la défenfe de
M.
le
Préfident
d’A bbadie,
& fa caufe
devroit être
entièrement indépendante des qualités de fes défenfeurs.
Mais tel eft l'acharnement avec lequel Madame la Prési
dente d’Abbadie pourfuit fon mari, que ne trouvant point
des motifs d’interdidion dans fa perfonne, elle cherche
des prétextes dans les relations qu’il a avec fes confeils.
E lle ne me pardonne pas le zèle avec lequel je défends
c e Magiftrat depuis deux ans, & elle tâch e, dit-on, de
me rendre fufpect , par des inculpations dont elle fait
bien qu’il me feroit facile de me juftifier, fi elles m’étoient
faites publiquem ent, mais qu’elle a l’adreife de
femer
dans le fecret des cabinets, comme par une forte de
ménagement qui eft le dernier raffinement de la haine &
de la vengeance. Q u e puis-je faire dans des circonftances
femblables? ma feule reifource eft de protefter contre ces
délations ténébreufes, & d’attendre que la calomnie m’at
taque ou vertem en t, pour 1î> repoufier, ôc pour la con
fondre.
C e qui m’a étonné le plus dans le cours de cette
plaidoirie, c’a été d’entendre déclamer contre des intrigans qui parlent pour M . le Préfident d’Abbadie.
C ’eft moi qui ai 1 honneur de parler pour ce Magiftrat.
Seroit-ce donc moi qu’on auroit voulu qualifier d’intrigant?
I
�66
il y a *24 ans que j’exerce la profeiïion d’Avocat ; un
intrigant ne fe foutient pas fi long-temps dans une carrière
où l'honneur fert de guide, du moins , lorfque fa con
duite eft foumife, comme la mienne l’a é t é , aux rigueurs
de la cenfure, ôc il ne commence pas fi tard fon métier.
C e feroit pour la première fois que j’efiuyerois une pareille
injure, fi elle s’adrefioit à moi. Il faut avoir la preuve
à la main pour faire une inculpation auifi grave. Celui
qui la feroit au hazard, à l’inftigation d’une partie irritée,
courroit le
rifque
d’être
regardé
comme
l’inftrument
aveugle des partions étrangères, 6c l’organe bannal du
menfonge ôc de la calomnie.
C e n’eft point à l’intrigue que je dois l’honneur de
défendre M . le Préfident d’Abbadie : des motifs particu
liers
ont
pu
m’attirer fa confiance , que je n’ai point
recherchée. J’ai commencé en 1762
à exercer la pro
feiïion d’A v o c a t au Parlement de P a u , dans le reiïbrt
duquel je fuis né;
j’ai été témoin
du dévouement de
M . le Préfident d’A bbadie; encouragé par fon exem ple,
j’ai fait le facrifice de mon état, ôc fouffert pour la caufe
com m un e, la perte de ma liberté. D evenu libre, mais
toujours en butte aux ennemis de la Magiftrature, je me
fuis réfugié en \ j 6 8 , dans l’ordre des Avocats de Paris,
qui ne m’ont admis parmi e u x , qu’après avoir examiné
ma conduite pafTée, 6c vérifié les faits qui fembloient
me donner quelque droit à cette adoption.
M- le Préfident d’Abbadie avoit befoin d’un défenfeur
qui eut le courage de lutter fans cefle contre les diffi
cultés, contre les dangers .même qu’une cabale accréditée
pouvoit faire
naître dans cette caufe : il ni’avoit vu à
�61
Pau
dans de plus grands périls; voilà le m otif de la
confiance dont il m’a honoré; il ne me reprochera jamais
de l’avoir trahie, ni d’avoir abandonné fon parti, pour
en embrafler un contraire.
Par une R equête du 8 A vril 1 7 8 ; , M . le Préfident
d’Abbadie a formé oppofidon à l’Arrêt du 3 Mars pré
céd en t, &
a demandé par provifion, pour ôter à fes
Adverfaires tout prétexte d’inquiétude, a&e de fes offres
de ne
pouvoir
aliéner ni hypothéquer fes biens
que
de l’avis de M* Babille, ancien Bâtonnier des A v o c a ts ,
qu’il choifilToit pour fon Coufeil. Je ne fais quel eft le
C lerc de Procureur qui a rédigé à Pau
cette requête
dont les conclufions feules étoient conformes au voeu
de M . le Préfidçnt d!A b b a d ie, & convenables à fa défenfe. O n y fait l’éloge de la tendrefle de Madame la
Préfidente d’Abbadie pour
fon mari , & de fon défin-
téreffement. M . le Préfident d’Abbadie n’envie point à
Madame fon époufe ces louanges dont
elle s’eft tant
enorgueillie à cette aud ien ce, en difant qu’on n’auroit
ofé tenir un autre langage fur fon compte à P a u , où
elle eft connue : mais les fentimens qu’elle a pour fon
m a ri, fe peignent mieux dans fes p rocéd és, que dans
les co mp li me nt s qu'un C l e r c de Pr o c u r eu r a jugé à propos
de lui faire dans une req u ête, & l’opinion que M . le
Préfident d’Abbadie en a , après feize années d’expérience,
fe manifefte dans fes interrogatoires, & dans un mémoire
imprimé, qu’il a envoyé à P a u , au mois de M ai 1 7 8 ; ,
ligné de l u i , & dans lequel il n’a pas craint de rendre
publiquement à Madame fon époufe une partie de 1*
I ij
�68
juftice qui lui étoit due, & que le Clerc de Ton Procureur
n’avoit pas fu lui rendre dans fa requête.
L ’envoi de ce mémoire fait paraître ici un jeune homme
honnête aux yeux de tout le monde , intrigant à ceux
de Madame la Préfidente d’Abbadie feule & de Ces affociés , également inconnu à la Police & aux Tribunaux
de cette C apitale,
depuis dix ans qu’il l’habite, ardent
à obliger, d’ un défintérefiement ex trê m e, qui n’a voulu
d’autre récompenfe des fe'rvices qu’il a rendus à M. le
Préfident d’A b b a d ie, que le plaifir de les lui rendre, &
dont le feul crime eft d’être mon frère.
Il eft parti de Paris le 20 Mai 178 j , & eft arrivé à Pau
le 24, excedé de fatigue, reipirant à peine, chargé d’un mé
moire imprimé, & d’une confultation figtiée de M es Babille
& A u b ri, &: de m o i, & des pièces néceifaires à la défënfe
de M . le Préfident d’Abbadie; mais il n’éroit plus temps;
on n’avoit point voulu attendre à Pau ce m ém oire, cette
confultation ,
ces
pièces qui y avoient
été annoncés
15 jours auparavant : ni le choix du confeil fage ôt éclairé
auquel M . le Préfident d’Abbadie s’étoit fournis par prov ifio n , ni le dépôt des deniers comptans & des effets au
porteur de la fuccefllon du lieur de Borda n’ont pu garantir
ce Magifirat d’une interdi&ion provifoire & deshonorante
que ces précautions rendoient fi inutile- Un fécond Arrêt
du 11 M ay 178J a ordonné l’exécution de celui du trois
M ars, la preuve des faits allégués par Madame la Préfi
dente d’A b b a d ie , & la vifite de Monfieur le Préfident
d’ Abbadie par quatre M édecins de P a u , en préfence de
Monfieur de -Sajus ,
le
Rapporteur ; à l’effet de quoi M .
Préfident d’A bbadie
comparaîtrait à Pau aux jour
�69
& heure qui lui ieroient indiqués, comme fi on n’avoit
pas pu lui épargner la fatigue ët les frais de ce vo yage,
en ordonnant
qu’il feroit vifité par des Médecins
de
Paris; il l’avoit demandé par une requête du 8 A v r il;
Madame la Préfidcnte
d’abbadie
l’avoit
demandé elle-
même par une requête du 25? Mars précédent, dans le
temps où elle tenoit fon mari fous fa puiifance , en vertu du
premier arrêt. Mais du moment qu’il s’eft éloigné d’e l l e ,
elle a changé de fyftême : elle a voulu le faire conduire
à P au , & donner dans un efpace de 200 lieues le fpeâacle
affligeant d’un Magiftrat du premier rang, traduit malgré lui
devant des Juges qui avoient commencé par le déclarer
fou , ôc qui vouloient voir enfuite s'il l’étoit réellement.
O n s’eft hâré de faire procéder à l’en qu ête, tant à Pau
qu’à Paris, niais avec cette précaution qu’à Pau les témoins
étoient fondés d’avance, 6c qu’on avoit le foin décarter tous
ceux qui paroiifoient difpofésà rende jufticeàM . le Préfident
d’Abbadie. C ’eft ainfi qu’on a négligé de faire entendre le
Curé de Pau, quoiqu’affigné à cet effet, comme il le mar
que par fa lettre du 18 A oût dernier, parce qu’il n’avoit
que du bien à dire de M. le Préfident d’Abbadie. C ’eft ainfi
qu’on à négligé de faire alïigner le fieur P o r t e , M edécin
de M- le Préfident d’ Abbadie à^Pau, quoique prévenu
qu’il le fe ro it, comme il le marque par fa lettre du 27
N ovem bre dernier , parce qu’il auroit d o n n é , d it-il, à
» l’incommodité de M . le Préfident d’Abbadie un caradère
» bien oppofé à celui avec lequel on l’avoit défignée.
L a no u ve lle de
l’arrêt du 11 M t í 178J eft arrivée à
Paris le famedi foir 21. ,1’en ai été inftruit le lendemain.
M . le Préfident d’Abbadie craignoit d’ être arrêté, & tra
�70
duit d’abord auprès de ion époufe, ôc enfuite à Pau en
exécution de cet arrêt. M on avis a été d’aller prendre celui
de M e. Babille qui étoit alors dans fa maifon de campagne
près Meulan. N ou s fommes partis à cet effet le 22 mai à
onze heures du foir M . le Préfident d’A b b a d i e l e ileur
d’Etchegarai ôc moi ; nous avons couché en route. L e len
demain nous avons appris que M e. Babille étoit chez M. le
Garde-des Sceaux où il devoit diner : je m’y fuis rendu ,
j’ai pris fon a v i s , ôc je fuis revenu à Paris le même jour.
M . le Préfident d’Abbadie a été abfent pendant cinq ou
fix jours , jufqu’à ce qu’il a fçu que fa requête en caiïation
des deux arrêts du Parlement de Pau avoit été prèfentée ,
6c qu’on avoit pris des mefures qui le mettoient à l’abri
de toute violence.
A la fin du mois de Mars 178 j , M . le Préfident d’A b
badie avoit fait appeller le iieur P h ilip , ancien D o y e n
de la Faculté de M é d e c in e , qui après avoir examiné fon
é t a t , lui donna le 14 M ai fuivant un Certificat favorable.
*
A fon retour du Poitou , M . le Préfident d’Abbadie fe fit
vifiter plufieurs fois par cinq M edécins , du nombre defquels étoient les fieurs Dejean 6c* de Montabourg dont le
fieur Borie avoit furpris la fignature au bas de fon Certifi
cat du 6 Mai 1783. T o u s lui ont rendu juftice par leurs
Certificats des f & 1 j Juillet 1787.
Indépendamment de ces vifites extraordinaires , le fieur
Philip avoit vifité chaque jour M . le Préfident d’Abbadie
depuis le 16 Mai 178? , 6c l’avoit trouvé conftamment
dans un état de raifo n , jufqu’au 14 Juillet fuivant, jour
où il en a donné fon Certificat.
T e l étoit l’état de M . le Préfident d’Abbadie lorfqu’il
�7»
pourfuivoit la caflationdes deux arrêts qui l’avoient interdit
par provifion, comme infenfé. Il n’eft point de moyens que
Madame d’Abbadie n’ait employés pour empêcher cette
caiïation. M é m o ire s, confultations lignées de M es. Doutremont, C o l l e t , T ro n c h e t, Target ôc autres Jurifconfultes, 6c
diflribuées aux Magiflrats du C o n fe il, crédit puiflant, follicitations preflantes, tout a été mis en ufage contre la de
m a n d e de M . le Préfident d’A bbadie, dans un temps où il
ne devoit pas avoir de contradicteur : Madame d’Abbadie
étoit partie fecrete , ôc par cela même plus dangereufe ; mais
fes efforts ont été vains : un arrêt du Confeil du premier
A oû t 1 7 8 y a caiTé les deux arrêts du Parlement de P a u ,
enfemble tout ce qui s’en étoit enfuivi , ôc a renvoyé les
parties au C h â te le t, fauf l’appel en la Cour.
M . L e Préfident d’Abbadie a provoqué le premier I’inftru£tionau Châtelet par une requête du 5 Septembre 178^.
Il a requis l’affemblée de fes parens ôc amis pour être enfuite procédé à fon interrogatoire , ôc à la vifite de fa perfonne par des Medecins nommés d’office, ôc il a demandé
de nouveau atte de la nomination qu’il avoit déjà faite au
Parlement de Pau ôc qu’il réiteroit, de la perfonne de M e.
Babille pour fon Confeil. C ette requête a été répondue
d’une ordonnance de foient les -parens &' amis ajjemblês.
Madame d’Abbadie ôc conforts ont demandé de leur cô té
par une requête du 12 du même mois l’aifemblée des
parens ôc amis de IVI. le Préfident d A b b a d ie , pour être en*
fuite procédé à fon interrogatoire , de deux jours l’u n , pen
dant deux m o is , ôc com m e Madame d’Abbadie vouloit
apparemment difpofer fon mari à fubir cette é p re u ve, elle
a demandé en même temps la permiflion de l’aller vifïter
�72
toutes les fois qu elle jugeroit à propos. Mais le fieur
Lieutenant-Civil a o r d o n n é feulementl’aiTemblee desparens
& amis. Il a cru que M . le Préfident d’Abbadie pourroit
fe paifer des vifites & des leçons de Madame fon époufe
durant le cours de l’inftru&ion.
A u x termes de ces deux ordonnances, les parens & amis
de M . le Préfident d’Abbadie étoient les feuls qui devoient
être aiïemblés ; mais Madame d’Abbadie & conforts ont
trouvé plus com m ode de convoquer leurs parens & leurs
amis intimes. L e feul parent de M . le Préfident d’Abbadie
qu’ils ayent fait appeller eft le fieur de Joantho payeur des
rentes, coufm germain de M . le Préfident d’Abbadie , qui
l’a fait appeller aufli de fon côté avec fes autres parens &
amis au nombre de vingt-fix.
Une circonftance remarquable , c’eft que Madame d’A b
badie a convoqué à cette afïemblée
ceux qu’elle avoit
fait entendre à Par.is dans l’enquête faite en exécution
de l’arrêt du Parlement de Pau : cette enquête avoit été
annullée par l’arrêt du Confeil du premier A oû t 1785 :
elle a été reffufcitée fous la forme d’un avis ; des témoins
qui avoient depofé contre M. le Préfident d’Abbadie âu
mois de Juin 178 ç*, tels par exemple que le fieur de SaintCriftau Fermier G én éra l, le Chevalier de Borda & autres
étrangers dévoués ouvertement à Madame d’Abbadie , fe
font transformés tout-à-coup au mois de Septembre fuivant
en amis de M . le Préfident d’A bbadic, & font allés figurer
en cette qualité en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil.
Il s’efl formé deux aiTemblées qui fe font trouvées en prdfence l’une de l’autre , & au milieu defquelles M. le Préfi
xent d’Abbadie a paru, Sa comparution a déplu à Madame
d’Abbadie
�Il
'd’Abbadie : elle â effayé de l’écarter en lui faifant dire en
face quelques injures; mais il a fu les méprifer 6c il a
continué de fe montrer jufqu’au jour où fes parens & amis
devoient donner leur avis : il a fait au commencement du
mois d’O & obre
178^ , un voyage de 20 jours dans la
Normandie ou il m’a prié de l’accom pagner: on a furpris
dans cet intervalle le fieur O livier enlevant des papiers de
- la fucceflion du fieur de Borda ; M . le Préfident d’A b
badie a rendu plainte contre l u i , & l’a fait décréter au
Châtelet : il eft allé en Bearn au mois de N ovem bre fuiv a n t , pour ôter ladminiitration de fes biens & de fa maiTon de Pau au fieur Louftau , qui contre fa c o n fc ie n c e,
comme il l’avouera bientôt lui-même, avoit vo té fon in
terdiction , & pour faire choix d’un autre adminifirateur.
A u défaut de l’A bbé d’Etchegaray qui fe difpofoit à par
tir pour T o u lo u fe , M . le Préfident d’Abbadie a pris pour
compagnon de voyage mon frère qui l’a quitté à leur arri
vée en B earn, pour fe retirer dans fa fam ille, & qui n’eit allé
le joindre à Pau que lavant veille de leur départ pour Paris.
C ’eft ce voyage , le feul que mon frère ait eu l’honneur
de faire avec M . le Préfident d’A b b a d ie , & quelques vifîtes
qu’il lui a faites de ma part relatives à fon p ro cè s, qui lui
ont valu les titres d’intrigant & d’obfeffeur, dont il a plu
à Madame la Préfidente d’Abbadie de le décorer en l’afr
fociant aux coufms de M . le Préfident d’Abbadie , aux
fleurs d’Etchegaray.
Mais voici des faits conftans que Madame d’Abbadie n’i
gnore pas & qui devroient mettre fin à fes déclamations*
L ’Abbé d’Etchegaray eft depuisplus d’ un an à T o ulo ufe ;
le fieur d’Etchegaray , pour faire ceifer tout prétexte de ca*
lomnie ? s’eft défifté par a£te du 20 Février 1 7 8 6 , de la
�74
procuration que M le Préfident d’Abbadie luTavoit donnée
à l ’effet d’aiïifter à l’inventairé , & il n’a eu l’honneur de
voir ce Magiftrat que deux ou trois fois depuis un an.
M o n frère eft depuis le.mois: de Septembre dernier dans
la P r o v i n c e de Bearn avec mon père & ma m è i e , ma
femme 6c mon enfant.
L es voilà ces intrigans, ces obfefTeurs actuels de M . le
Préfident d’Abbadie ; l’un eft à T o u lo u fe , l’autre en Bearn,
à 200 lieues de Paris , ôc celui qu’on leur donne pour chef
a la difcretion de ne pas même
faire à M . le Préiident
d?Abbadie des vifues que la bieniéance autoriie, & que
le lien du fang femble exiger.
C e lu i
qui a l’honneur de voir le plus fouvent M . le
Préfident d’Abbadie , c ’eft moi : vous m’ en faites un crim e,
je m’en fais un devoir facré. Charge' de fa défenfe > je
cherche la vérité , 6c je la trouve dans fa bouche : témoin
de fes pein es, je les adoucis autant qu’il eft en mon pou
voir : je mets du baume dans la playe que vous lui avez
faite. Je l’admirai de loin dans les beaux jours de fa M agis
trature
je ne m’approche maintenant de lui que pour le
fervir dans fon, malheur.
Q u e Madame d’Abbadie ne fe flatte donc plus de colorer
les pourfuites odjeufes qu’elle fait contre fon mari en pré
textant qu il eft obfedé d’intrigans qui veulent envahir ia
fortune.
Ses immeubles .ne peuvent être aliénés que de l’avis du
Çonfeil fage ôc éclairé qu'il s’ eft donné lui-même.
Les deniers de la fucceilion du fieur de Borda font en
d é p ô t , & il doit en être fait emploi, du confentement de
M . le Préfident d’Abbadie , en préfçnce de fon Confeil :
�7Î
comment des intrigans s y prendroient-ils donc pour envahir
fa fortune ?
Madame d’Abbadie ne connoiffoit pas ces prétendus intrigans obfeiTeurs de fon mari , lorfqu’elle interceptoit fes
lettres en 1781 , pour l’accufer un jour de démence.
E lle ne les connoiffoit pas en 1783 , lorfqu’elle faifoit
certifier par des Médecins qui le vo yo ie n tp o u r la premiere
fo is , qu’il parloit nuit & j o u r , qu’il étoit en d é m e n c e ,
&
qu’il falloit l’envoyer dans une M aifon de F orce.
E lle ne les connoiffoit pas en 1 7 8 4 , lorfqu’elle faifoit
certifier par fon M édecin de P a ris , que fon mari avoit
été fou pendant près de deux ans en B e a r n , où il ne l’avoit
jamais vu , & que fa maladie paroiffoit incurable.
E lle ne les connoiffoit pas au mois de Mars
1785* 9
lorfqu’elle faifoit interdire à Pau fon mari qui étoit avec
elle à P a r is , & qui vivoit fans défiance
au fein de fa
famille.
Com m ent ofe-t-elle donc imputer après coup à des
étrangers la prétendue néceffité d’une interdi&ion qu’elle
a préparée quatre ans d’avance , & qu’elle a fait prononcer
dans un temps où fon mari ne vo yo it qu’elle , & les
intrigans qui alloient jouir avec elle du plaifir de voir
leur v i& im e , & de l’efpoir de partager fa dépouille ? E t
dans ce m om ent, où abandonnée par le Marquis D ucoud ra i, qui a reconnu fon erreur , elle a le courage de
pourfuivre feule l’interdi&ion de fon mari, & de demander
la curatelle dun adminiftrateur plus fage q u e l l e , & q u i,
par un excès de précaution, s’eft fournis à un Confeil ,
croit-elle pouvoir tacheter la honte de fes pourfuites,
qui n’ont plus de p rétex te, par les injures qu’elle fait proK ij
�76
diguer à des citoyens honnêtes qui embraifent la caufe du
pere de famille perfécuté par fon ép o u fe, & qui n’ont
jamais eu ni la v o l o n t é ni le pouvoir d’envahir fa fortune?
C eu x qui font dévoués à M . le Préfident d’Abbadie
font traînés dans la boue , & ceux qui le trahiifcnt font
élevés jufqu’aux cieux. L e cocher D o u c e t , ce traitre dont
Madame la Préfidente d’Abbadie a fait imprimer la correfpondanceavec e lle , & qu’elle a pris à fon fervice depuis
qu’il.a été chaffé par M . l e Préfident d’A b b a d ie, a entendu
faire fon éloge à cette audience , & vanter la lâcheté qu’il
a eue de fe rendre l’efpion de fon M aître, & de fecon<Ier par fes impoftures la confpiration formée pour fa
perte ; fi. un domeftiqüe, traître envers fon M a ît r e , eft
digne de lo u a n g e , quelle sûreté aurons - nous avec des
¡gens attachés à nos perfonnes, qui pourront vendre nos
fecrets 8t leurs menfonges, fans compromettre leur honneur
par ce trafic infâme, & quelle fera la récompenfe du zèle
& de la fidélité, fi la perfidiç & la baifelfe méritent un
hommage public ?
M ’arrêterai-je au foupçon qu’on a ofé élever à cette
•audience, en plaidant que de prétendus intrigans avoient
fait tirer des coups de fufil dans la n u it, aux environs de
la maifon de M . le Préfident d’Abbadie à V itr y , & qu’il«
Tavoient fait attaquer nuitamment fur le grand chemin ,
pour lui infpirer, fous ce prétexte , des foupçons odieux
contre Madame fon époufe? Q uelle abfurde atrocité !
M . le Préfident d’ Abbadie n’a jamais été effrayé des coups
defufil qu’il a entendus à la campagne: il fçavoit en 178^, que
c’étoit le Jardinier de M e C alo n n e, A vocat en la C o ur, alors
fon voifin à V itry , qui les tiroit tous les foirs avant de fe cou«
�77 '
;h e r, fuivatït un ufage a fiez généralement obfervé aux envi
rons de Paris, pour avertir les malfaiteurs que famaifon étoit
g a rd é e, & en érat de défenfe. L’été dernier, que M. le Préfident d'Abbadie occupoit une autre maifon à Vitry , il fçavoit
que r/étoient les jardiniers du fieur A b b é de M o n d en o ix,
Chanoine de Notre-D am e , & du fieur Foreftier, Tréforier
du Régim ent des Suiffes, fes proches voifins, qui tiroient
tous les foirs par le même m otif, des coups de piftolet
ou de fufil ; ils tirent encore tout cet h iv e r , tandis que
M . le Préfident d’Abbadie eft à Paris, ainfi qu’il eft attefté
par le Procureur-Fifcal du lieu. Eft-ce donc pour effrayer
.M. le Préfident d’Abbadie à Paris , & pour lui donner
des foupçons contre fon é p o u fe , que des intrigans font
tirer des coups de fufil ou de piftolet à V itry ? M .
le
Préfident d’Abbadie ne s’eft jamais plaint d’une précau
tion qui fait fa sûreté en même temps que celle de fes
voifins : falloir-il donc imputer à crime à de prétendus
intrigans un fait innoncent qui leur eft étranger ?
On
n’a dénoncé qu’une attaque no&urne que M . le
Préfident d’Abbadie a effuyée fur le chemin de V i t r y ,
le 21 Janvier 1 7 8 6 , à dix heures du foir , en revenant
de l’H ôtel du fieur Lieutenant-Civil où il avoit été inter
ro gé; il n’a jamais foupçonné que Madame fon époufe
ait eu la moindre part à cette attaque ; à dieu ne platfc
qu’il foit en proie à l’horreur d’un tel foupçon. L es pré
tendus intrigans auroient-ils donc fait fur le grand chemin
le métier daifaJfins , au rifque de périr fur un échafaud,
pour avoir le prétexte de rendre Madame d’Abbadie fufpe&e a fon mari ? Sont-ce auili les prétendus intrigans
qui ont fait attaquer fur le chemin de V it r y , le 16 Janvier
�78
1 7 8 6 , à dix heures du fo îr , le nommé Chilindron, V ale t
de Chambre de M . lePréfident d’A b b a d ie, par trois quidams
qui ont été décrétés de prife de corps ? Eft-il donc néceifaire
de recourir à une manœuvre auiïi périlleufe , pour faire
perdre à Madame d’Abbadie la; confiance de fon mari?
N e l’a-t-elle pas perdue déjà depuis long-temps ? N e fe
fouvient-elle plus de leurs diflenfions domeftiques , des
peines
qu’elle lui a caufées, comme il le dit lui-même
dans fes interrogatoires , de la fouftra&ion de 20000 liv.
à
Poitiers
,
de la
fouftra&ion
de
36,000
livres
à
P a ris, du certificat de 1783 , qui l’autorife à envoyer
fon m a r i dans une Maifon de F o r c e , du certificat de 1 7 8 4 ,
qui lui donne laconfolante certitude qu’il ne guérira jamais,
de l’interdiftion provifoire dont elle l’a frappé en 178J ,
de la Chartre privée où elle a ofé le ten ir, du refus qu’elle
lui a fait de tout fecours, dans les douleurs d’une colique
vio le n te, de l’efpionage fcandaleux dont il eft le jo uet,
de l’acharnement avec lequel elle pourfuit depuis deux
ans fa profcription ôc fa perte ? Eft-il befoin de feindre,
pour la rendre fufpe£te à fon m ari, ôc après tous les torts
qu’elle a eusenvers lui, quel intérêt des étrangers pourroientils avoir à lui en prêter un nouveau au péril de leur vie ?
N ous avons purgé la caufe de ces certificats, de ces
lettres m iflives, monumens odieux des machinations de
Madame d’Abbadie contre fon mari , du préjugé des
;Arrêts du Parlement de Pau , qui ont été caiTés, des
.enquêtes faites à Pau ôc à Paris , qui ont été annullées,
de ces inculpations atroces qui ont été prodiguées à des
citoyens honnêtes , avec une licence effrenée , ôc qui
tombent par leur abfurdité. Il ne refte que la procédure
�19
qui confiftc dans l’avis des parens 8r amis, dans les inter
rogatoires, & dans le rapport des Médecins. C ’eft ici que
la caufe de M . le Préfident d’Abbadie reprend fa iimpJicité
naturelle : c’eft dans l’expofition de cette procédure que fa
défenfe va acquérir un nouveau dégré de força & de folidité.
A v is
des
p a r e n s
e t
a m is
,
N ous avons trois avis dans cette caufe , dont deux
formés à la requête de Madame d’Abbadie & du Marquis
du C o u d ra i, l’un au Parlement de P a u , l’autre au Châtelet
de Paris, tendent à l’interdidion de M . le Prélident d’A b
badie , & dont le troilièm e, formé au C h â te le t, à
la
requête de M . le Préfident d’ A b b a d ic , tend à lui laifler
la libre adminiftration ds fa perfonne & de fes biens.
L eq u el de ces avis mérite d’être écouté ? Cette queftion eft facile à réfoudre.
D ’abord , lavis formé à P a u ,
le a Mars 1785*, eft
eflentiellement vicieux.
D ’un c ô t é , les proches de M . le Préfident d’Abbadie
n’y ont point concouru. O n
n’a appellé à l’aiTemblée,
ni fes c oufins, ni fes amis perfonnels. C e font trois amis
de M a d a m e d’A b b a d ie qui fe font joints à cinq parens
& alliés éloignés de ion mari.
D ’un autre c ô t é , ceux qui ont concouru à cet avis
n’ont point prêté ferment. Q uelle foi peuvent-ils donc faire
en juftice?
Dailleurs, deux des principaux auteurs de l’avis du 2
Mars 1785* , font en contradiction avec eux-mêmes.
1®. M. de C h erau te, C h e f de cet avis, a v o i t , peu
«Hé temps auparavant, par fa lettre du 27 N ovem bre 1784- j
�8o
jugé M . le Préfident d’A bbadie capable de diriger par fes
inftru£tions perfonnelles Madame d’Abbadie & fon C on feil.
Son vœ u eft donc une contradiction avec lui - même
;
une i n c o n f é q u e n c e marquée.
.
a 0. L e fieur Louftau, autre délibérant, avoit entretenu
une correfpondance fuivie avec M . le Préfïdent d’Abbadie :
il lui avoit écrit le ip Février 178
le lendemain d e l à
demande à fin d’interdi&ion, une lettre par laquelle , en lui
accufant la réception de deux de fes lettres, des 4 & 8
du même m o is , il lui marquoit qu’il avoit exécuté fes
ordres relatifs à l’adminiftration de fa maifon & de fes
biens dont il lui rendoit le compte le plus circonftancié.
I l le jugeoit donc le ip Février *785 , capable de bien
adminiftrer : fon avis du 2 Mars
fuivant eft donc une
contradiction avec lui-même , une inconféquence marquée.
Mais ce qui décèle ouvertement l’eiprit d’intrigue qui a
préfidé à l’aflemblée tenue à Pau 3 le a. Mars 1 7 8 y , c’eft
la lettre que le fieur Louftau a écrite à ce fujet à M . le
Préfident d’Abbadie le 7 août dernier , vaincu par le
je m o r d s , & cédant à fon repentir,
*
M onsieur,
» Il y a vingt-deux ans que j’ofe me flater d’avoir mérité
» vos bontés & votre confiance ; il y a plus d’un an que
» j’ai eu le malheur de perdre l’une & l’autre: après avoir
5) témoigné à ma famille ôt à mon gendre , la pureté & la
» fincérité de mes intentions pour vo u s, f a i été pour ainfi
» dire, étouffé le dernier dan6 la circonftance la plus inté-
» reflante pour tous & pour m o i . . . . J’avoüe que je fus
forcé
�8i
» FORCÉ D’ OPINER D ’ UNE MANIÈRE OPPOSE^ A MA FAÇON DE
» penser.
D e là , que de regrets, que de reproches ouverts
» de ma famille ôc de mon gendre ? j ’ a i
»
encore
dévoré.
été
e t j en
su is
Quelque chofe qu’il en foit, JE NE
pu is
» M EMPECHER DE VOUS EN FAIRE MES AVEUX : quelque
» coupable & quelque ingrat que je paroifle à vos y e u x ,
» je le ferois aiTurément bien moins fi vous iaviez comme
» j’ai été féduit par des pièces que j’ai en main ».
Q uelle idée peut-on avoir à la vue de cette lettre, de
l ’aiTemblée tenue à Pau le 2 Mars
1 7 8 5 , & quel cas
doit-on faire d’un avis que le c h e f de cette aflemblée
a ouvert contre fon opinion confignée dans fa lettre da
27 N ovem bre précédent, que le fieur Louftau a été forcé
de fuivre contre le cri de fa c o n fcie n ce, & que les autre®
ont adopté fans favoir quel étoit l’état de M. le Préfident
d ’Abbadie avec qui ils n’avoient aucune relation ?
L ’avis donné au Châtelet par les parens & amis de
Madame d’Abbadie & du Marquis du Coudrai ne mérite
aucun d’égard.
D ’un c ô t é , les parens & amis de ceux qui pourfuivent
l’interdi&ion d’un citoyen , font auffi fufpeds que les pourfuivans eux-mêmes.
D ’un autre c ô t é , les O r d o n n a n c e s du Heur LieutenantC i v i l , des f & 12 Septembre 178? , en vertu defquelles
l’aiTêmblée a été tenue en fon H ô t e l, ne permettoient d’y
appeller que les parens ôc amis de M . le Préfident d’Abbadie.
Les parens & amis de Madame d’Abbadie & du Marquis
du Coudrai n’avoient donc pas droit d’y aiTiiler. Leur vœu
çil donc nul dans la caufe,
L
�84
L e même efprit d’intrigue qui avoit préfldé à lalTemblée
de P a u , à prefldé auffi à celle tenue en l’hôtel du fleur
L ie u t e n a n t - C iv il, à la requête de Madame d’Abbadie.
E lle a convoqué Ton frère , domicilié à Bordeaux , qui a
reconnu la démence de M . le Préfldent d’Abbadie avec
qui il n’a jamais vécu ni à P a u , ni ailleurs, à l’honnetété
que ce Magiftrat a eue
de ne pas
poufuivre par les
voies rigoureufes après le décès de M . de Montbadon , le
payement des 20,000 liv. reliantes de la dot de Madame
d’Abbadie, ou le partage de la fucceilion de fon beau-père,
fur lequ el, comme il le dit lui-mêmf*, dans fon interrogatoire
du 13 Janvier 1 7 8 5 , il avoit déclaré à Madame de M ont
badon fa belle-mère , qu’il s’en rapportoit entièrement à
elle & à fa famille; ôc c’eft cette déference de M . le
Préfldent d’A b b a d ie, pour Madame de Montbadon, que
les enfans même? de Madame de Montbadon dénoncent à
la juftice comme une preuve de démence ! Madame d'Abbadie à convoqué aulli trois ou quatre de fes alliés, qui
ne font ni parens ni alliés de M . le Préfldent d’Abbadie ,
& qui fans le connoître perfonnellement, ont reconnu fa
démence aux deux voyages qu’il a faits pendant les vacan
ces de l’année
178 j , l’un de 20 jours en Normandie
pour fon plaifir , l’autre de cinq
femaines en Bearn,
pour fes affaires, voyages qui fuivant eux ne font que
des courfes vagabondes , & des enlevemens de fa perfonne. Elle a appellé le Chevalier de B orda, fon commenf a l , à qui le fleur de Borda donnoit la table & le logement,
quoiqu’il lui fût
totalement étranger, & qui après le
décès de ce Ferm ier-G énéral, a continué de loger pen
dant deux ans en fon h ô t e l, avec Madame d’A bbadie, & yt
�«*'
feroît encore , s’il en étoit le maître , ôc fi M . le Préfident
d’Abbadie ne l’avoit prié enfin au mois d A oût dernier par
le miniftère d’un H u iiïier, d’aller loger ailleurs. E lle a ap<
pellé l’Abbé Lagrenée , Prieur de Saint V i& o r , fon convive
afiidu, qui a vu partir quelquefois M . le Préfident d’Abbadiepour fa maifon de campagne dans l’écé de 178J , qui l’a
entendu chanter, fans qu’il prononçât des fons articulés ,
& qui a oui-dire à fon portier dont il a bien voulu être
l ’organe , que le 8 Septembre 1 7 8 ? , M. le Préfident d’A b
badie , ( partant pour la campagne) avoit paru dans la cou r,
avec une. vefte blanche ( par deifus laquelle étoit un habit
gris ) qu’il s’étoit aifis
fur des
p ou tres, ( en attendant
l’Abbé d’Ethegaray qui devoit partir avec lui.) : il a déclaré
aufli, ce font fès termes, qu’il avoit vu quelquefois Madame
d’Abbadie qui ne réclamoit que l’heureufe félicité de rem
plir auprès de fon mari, ( en le faifant interdire) les devoirs
de la religion & de l’ordre f o c ia l, & qu’il penfoit que de*
foins di&és par fa tendreife, & préfentés par la droiture de fe s
intentions, étaient plus chers à l’humanité de fon ame. Madame
d’ '\bbadie aappellé enfin des témoins qui avoient depofé
dans l’enquête que le Confeil venoit d’annuller, tout ce
qu’elle a pu raifembler de gens dévoués à fes intérêts, juf.
qu’à trois elomeftiques dont deux font à fon fervice , & à
la tête defquels eft le C o ch er D o u c e t qui après avoir eu
l ’hon neur de correfpondre avec e l l e , a eu celui de figurer
dans l’aifemblée des foi-difans parens & amis de fon maître.
C e ne font pas là les parens & amis de M . le Préfident
d’Abbadie, les feuls que les ordonnances du fieur Lieute
nant Civil permettaient d’aifembler. C e font des étrangers,
des intrus dont le vœu ne doit pas être écouté.
M
�84
L e s parens & amis de M . le Préfident d’Abbadie ont été
convoqués à fa requête : ils font au nombre de 2 6 , dont
feize parens ôc dix amis. La plupart ont rappellé les chagrins
domeftiques auxquels il a été en p roye; tous ont reconnu
la capacité , la fageife de fon adminiftration , l’habitude où
il eft de faire des épargnes & des acquifitions : tous ont été
d’avis de rejetter fon interdi&ion comme une injuftice ôc
une cruauté.
Ajoutons à l’avis des parens ôc amis de M . le Préfident
d’A bbadie, le jugement que le fieur de Borda fon oncle , ôc
Madame la Préfidente d’Abbadie fa mère ont porté fur fon
é ta t, ôc dans lequel ils ont perfifté jufqu’à leur dernier m o
ment.
L e fieur de Borda par fon teftament du trois août 1778 en
nommant M . le Préfident d’Abbadie fon exécuteur teftamentaire , déclare qu’ il lui doit cette confiance qui ne peut
» être en meilleurs mains, qu’elle opere fa tranquillité , 6c
» qu’elle fera le bien de tous fes repréfentans.
Mais , a-ton dit, page 112 du M émoire imprimé de Ma
dame d’Abbadie, ôc c’eft fans doute ce qu’on fe propofe de
répéter à cette audience, le teftament du fieur de Borda
eft antérieur à la maladie de M . le Préfident d’Abbadie
qui eft arrivée en 1 7 8 1 ; le teftateur ne pouvoit plus fe
choifir un autre exécuteur teftamentaire : il avoic efiùyé
dès le mois de Juillet 1780 une violente attaque deparalyfie
qui lui avoit ôté l’ufage de la parole ôc de la main droite.
L e fieut de Borda, dites v o u s , avoit perdu depuis le
mois de Juillet 1780 l’ufage de la parole , ôc n’avoit pu par
conféquent fe choifir un autre exécuteur teftamentaire? Mais
nous avons trois preuves authentiques du contraire,
�8*
i°. L e fieur de Borda avoit conienti le 2 $ Janvier 1781 ,-erf
faveur de M . le Préfident d’Abbadie, une procuration à
l ’effet de régler pour lui une affaire de la plus grande im
portance, avec la compagnie
de la Guianne. L e fient*
de Borda n’avcit donc pas perdu depuis le mois de Juillet
1780 l’uiàge de la parole.
2°* L e fieur deBorda a difpofépar una£tedu 27 A vril 17^81
en faveur du fieur de Saint Criftau de fa charge de Con-’
trô leu r, & Mifeur des o&rois de la ville de Nantes ; il
lui en a laiffé la finance qui eft de 2 ; j.,000 liv. à titre de
conftitution. Il n’avoit donc pas perdu depuis le mois de
Juillet 1 7 8 0 , l’ufage de la parole.
3 °. L e fieur de Borda s’eft démis par un a S e du "2 Jan
vier 1 7 8 3 , en faveur du fieur de Saint Criftan, de fa place de
Ferm ier-G énéral, & lui en a laiffé les fonds d’avance à titre
de conftitution. Il n’avoit donc pas perdu l’ufage de la paroledepuis le mois de Juillet 1780, il auroit donc pu fe choU
fir un autre exécuteur teftamentaire en 1 7 8 3 , époque pof*
térieure de deux ans à la prétendue démence,; de M . le'
Préfident d’A bbadie; cependant il n’a pas fait un autre choix j
il a perfevéré jufqu’à fon décès arrivé au mois de N o v em
bre 1784., dans la confiance qu’il avoit accordée à M. le
Préfident d A b b a d ie , & dont il lui avoit donné par fort
teftament une marque fi honorable. Il l’a donc jugé jufqu’à
fon dernier moment capable de remplir les fondions qu’il
lui avoit confiées
en 1778 , &
plus de p o id s, q u en
ce jugement a d autant?
1 7 8 3 , M . le Préfident d’ Abbadie
avoit paffé neuf mois a Paris dans la Com pagnie de fori
©ncle, qui connoiffoit parfaitement fon état.
�96
Madame îa Préfidente d’Abbadie a également confié à
fon fils l’exécution de fon teftament en date du 10 Février
1783 , & elle a perfeveré jufqu’à fon décès arrivé au mois
d’ Août 178 4 , dans la confiance qu’elle lui avoît accordée.
Q u e le jugement de la mère eft impofant ! E lle avoit tou
jours v é c u avec fon fils ; c’eft dans fes bras qu’elle a rendu
le dernier foupir. Elle connoiifoit fon état mieux que tous
autre : on ne fe perfuadera jamais qu’elle l’eût chargé du
foin d’exécuter fes dernières v o lo n té s, s’il en avoit été incapable, & l’événement a prouvé combien ce fils étoit
digne de la confiance de fa m è re , puifqu’immédiatement
après f jn décès , il a acquitté environ 30,000 liv. de
charges de fa fucceifion , avec des épargnes qu’il avoit
faites fur 40,000 liv. de rente,
L ’argument tiré de l’exécution du teftament de la mère
confiée aux foins du fils , n'eft point de m oi, M M ; je no
dois pa?en dérober le mérite à fon A u teu r; il eft d’un
jurifconfulte qui a été confulté à ce fu je t, & qui voudra
bien me pardonner, (1 je le nomme , pour confolider par
fon fuffrage cette partie de la défenfe de M . le Préfidenç
d’Abbadie, C ’eft M e. Martineau. Il ne renverfera pas fan$
doute dans le choç de l’audience, un ouvrage qu’il a compofé dans le calme du Cabinet , & il laiiTera du moins
dans cette caufe à M . le Préfident d’Abbadie un moyeu
de défenfe qu’il lui à fourni lui-môme.
L ’oncle ôc la mère de M . le Préüdent d’Abbadie, fes parens & amis au nombre de 26 , ont prononcé en fa faveur.
Il n’ont pas pu fe méprendre tous fur fon état ; la famille
fi intéreilée à la confervation de la perfonne ôc de la for
tune Je ce Magiftrat, nauroit pas été d’avis de lui laifler
�-87
ladminiftration de l'une ôc de l’autre , s’il en avoit été inca
pable.
I N T E R R O G A T O I R E S ,
Nous arrivons à l’dpoque la
(i)
plus intéreflante de l’inf*
tru&ion , celle où M. le Préfident d’Abbadie tantôt furpris
dans fa maifon , tantôt invité à fe rendre à l’hôtel du M agiftrat, fetrouve feul devant l u i , ôc répond fur le champ',
durant le cours d’environ cinq mois, aux diverfes queftions
qui lui font propofées; c’eft moins une inftruction faite fur
fon état qu’une inquifition exercée fur fa perfonne par M a
dame fon E p o u fe, qui abufant de l’extrême délicateffe du
fieur Lieutenant-Civil, n’a ceifé d’alarmer fa religion, par
de faux rapports, par des réquifitions continuelles faites
quelquefois par é c rit, ôc plus fouvent de vive v o ix , ôc a
forcé en quelque lorte ce MagiQrat d’ufer envers M , le
Préfident dA'bbadie d’une rigueur inouie qui convenoit
fi peu à fon caractère naturel, ôc que fes fondions n’exigeoient pas.
Les Interrogatoires que M . le Préfident d’Abbadie a fubis
font au nombre de f e i z e , non compris une foule d’aètes
de comparution, ôc de dires perfonnels. Ils ont commencé
le 29 D écem bre 1 7 8 ; , ôc ont fini le 18 Mai 178 6. O n
trouve d’ailleurs dans cet intervalle les vifites de deux
Medécins continuées pendant foixante huit jours confécutifs, depuis le trois mars 1 7 8 6 , julques au 9 mai fuivant.
( 1 ) L e procis-verbal d'audition de M . le Préfident d'Abbadic fera imprime fcparM
»ent avec quelques obfervations y relatives.
�88'
Une tête qui a pu refifter a une pareille épreuve, eft peut-*
être plus forte que celle qui i’accufè de foibleffe.
O n n’a pas ofé iufpt&er ouvertement la foi du fieur
L i e u t e n a n t - C i v i l dans les interrogatoires’de M . le Préfidenc
d’Abbadie : mais on a dit qu’il les avoit rédigés prefquetous,
on a cité pour preuve de ce fait un interrogatoire où il
eft dit que M. le Préfident d’Abbadie à répondu, diclant
lui-même : ce qui n’eft point dit dans les autres.
A cet é g a rd , M M , je dois avoir l’honneur de vous
obferver que Madame d’Abbadie deconcertée par fix inter
rogatoires que M . le Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis
le 29 Décem bre 1785 jufques au 25 Janvier 1 7 8 5 , a eu
le courage de prier le fieur Lieutenant-Civil à la fin du
môme mois , de s’écarter de la manière de conftater les
réponfes qui eft en u fa g e , en pareil cas, au Châtelet, eit
la C o u r , & dans tous les tribunaux, & de faire écrire
pelles de M . le Préfident d’Abbadie fous fa di&ée immé
diate , fans les faire paffer par la bouche du Juge , en énon
çant qu’il les di&oit lui-même : elle fe flattoit de fairg
loupçonner par ce moyen que les réponfes contenues dans
les- lix premiers interrogatoires n’étoient pas les réponfes
fidelles de M . le Préfident d’Abbadie. L e fieur LieutenantCivil auroit du rejetter cette demande comme in d écen te,
comme injurieufe à fon caractère fie à fa perfonne « il a eu
néanmoins la complaifance de céder aux importunites de
Madame d’ Abbadie, & d’énoncer dans un interrogatoire que
M . le Préfident d’Abbadie avoit repondu , diclant lui-même
f a reponfe. Mais les reponfes qu’il n’a pas di&ées immédia
tement au Greffier dans les autres interrogatoires, il les a
adreiTées au iieur Lieutenant-Civil qui les a répétées au
Greffier,
�80
Greffier. C e font toujours le» xéponfes perfonnelles de
M . le Préiident d’A b b a d ie , & il faut neceifairement les
regarder comme te lle s, .jufqu’à ce quon s’infcrive en faux
contre les interrogatoires, & qu’on les faffe déclarer faux.
Dans l’état a£tuel des chofes, la foi eft due au caractère du
Juge , & à fon procès-verbal. Les réponfes que ce procèsverbal renferme font toutes aux yeux de la L o i les ré;ponfesiperfonnelIes de M . le Préfident d’A bbadie, la vraie
expreifion de fes penfées & l’image fidelle de la fituation
de fon efprit.
M . le Préfident d’Abbadie a fubi d’abord dans l’elpace
de cinq femaines neuf interrogatoires, fçavoir les 29 D é
cembre 1 7 8 ? ,
15,17, 2 t , & 2 f
J an vier, 1 , 6 , &
y Février 1786. A quoi il faut ajouter cinq aftes de corn-*
^parution perfonnelle des 3 , 4 , 8 , 1 4 , & 18 F é v r ie r , jours
ou il a Converfé avec le Magiftrat de manière à lui faire feu*
tir qu'il étoit inutile de l ’interroger.
L es interrogatoires des y & 17 Janvier ont été fubis
,à V itry dans la maifon de campagne de M. le Préfident
d’Abbadie , où le fieur Lieutenant - C ivil eft allé le furprendre , d’après deux requêtes de Madame d’Abbadie
contenant qu’il étoit aclu dans une démence complette.
Us ont duré quatre heures & demie chacun : iis ont roulé
fur les faits le plus propres à irriter la fenfibilité de M .
le Préfident d’Abbadie. E h ! pouvoit-il en être autrement*!
C ’ étoit fon époufe qui l’interrogeoit par l'organe du M a
giftrat, à qui elle adminiftroit tous ces faits. Mais fi M .
le Préfident d’Abbadie a été humilié par les queftions qu’o n
lui faifoit, Madame la Préfidente d’Abbadie a du être b ie *
M
�90
mortifiée de fes réponfes ; elles font toutes marquées an
coin du bon fens , & de la raifon,
L e s interrogatoires des 21 Janvier & premier Février
1 7 8 6 ont été fub:s fur l'invitation du fieur Lieutenant C ivil
à qui Madame la Préfidente d’Abbadie avoit infinué de vive
vo ix que fon mari étoit dans le délire. Ces deux interroga
toires & tous les autres font marqués au même coin. Il
n’y a qu’un fou qui foit capable d’y trouver le moindee;
fymptôme de folie»
Com m e M . le Préfident d’Abbadie foutenoit avec avan
tage l’épreuve des interrogatoires, on a imaginé d’y join
dre celle des vifites des Médecins. L e fieur Lieutenant‘C iv il à commis a cet effét, par une ordonnance du 20
F évrier 178£> , le fieur Philip ancien Doyen de la Faculté
de M é d e c in e , & le fi&ir la Clerc M édecin ordinaire du
R o i au Châtelet.
C ette Ordonnance a été fignifiée aux deux Médecins ,,
le 2 Mars
à la requête de M . le Préfident d ’Abba-
die ; il avoit provoqué l’avis des parens & amis & les
interrogatoires ; il a fallu qu’il provoquât auffi les vifites
Vies Médecins : c’eft peut-être pour la première fois qu’on
à vu un homme accufé dé démence prévenir fes adverfàïres dans toutes les parties de l’inftrucUon.
O n a plaidé que fi l’Ordonnance du 20 Février 1786
n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, ç a été parce que
M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès de folie à
îa fin du mois de Février , & qu’on ne vouloit pas que les
[Médecins débutàffent par le rrouver dans cet état.
; Mais fi M . le Préfident d’Abbadie devoit avoir un accès
«le folie à la fin du mois de F'évrier 1786 , pourquoi M a
llame ion ¿poufe ne i ’eil-elle pas empreffée de fignifier
�91
l’Ordonnance du 20 , aux deux M éd ecin s, & de faire furprendre fon mari à la fin du même mois dans ce prétendu'
accès de folie ? C ’eût été un fi beau début pour
nement fi propre à la confoler des
neuf
e lle ,
un évé
interrogatoires que
M . ie Préfident d’Abbadie avoit fubis depuis, le 29 D écem
bre 1785 jufques au n eu fF évrier
1785,
& du mauvais fuc-
cès des deux voyages que le fieur Lieutenant C ivil avoit faits
à V it r y , à fa réquifition, les 5 & 17 Janvier précédent.
M . le Préfident d’Abbadie étoit en démence à la fin
du mois de Février 1 7 8 6 , comme il y étoit les y 6c 1 7
J a n v ie r, comme il y a été tant d’autres fois qu’il a été
invité à fe rendre à l’hôtel du fieur Lieutenant C i v i l , fur
les réquifitions verbales de MaJame fon époufe , dont il a
confondu les aiTertions téméraires par fa préfence,
par fes réponfes.
ÔC
D ’ailleurs le fieur Philip attefte dans le rapport, que
depuis le 1 j Février 1785 jufqu’au 3 Mars fuivant, jour oit
les vifites juridiques ont commencé , il a vu journellement
A l. le Préfident d’Abbadie , & qu’il l’a
oujours trouvé
jouiifant de fa raifon. Il n'eft donc pas vrai que M . le
Préfident d’Abbadie ait eu un accès de folie à la fin du
mois de Février 1786.
Mais , a-t-on d i t , le fieur Philip ne pouvoit pas être
nommé Expert conjointement avec le fieur L eclerc : d’un
c ô t é , il étoit le M édecin ordinaire de M . le Préfident
d’Abbadie : d’un autre c ô t é , il s’étoit déjà expliqué fur fon
état par des certificats, & par le dire qu’il avoit fait au moi|
de Septembre 178J en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil.
L a réponfe à cette obje&ion éft prompte ôc facile.
D ’un coté
f aucun m otif ne
doit faire exclure le Méden
M j.
�cin ordinaire d’ùn homme , de la vifite juridique de fa per-*
ibnne. L a connoiffance qu’il a <fe fon état paffé le rend'
même plus propre à faifir toutes les nuances de fon étatr
préfent, & à donner à la juftice les lumières qu’elle deftre»
L e fieur Philip eft d’autant moins fufpe& qu’il n’a point fait
de rapport particulier, quoiqu’il fût autorifé à en faire un
par l’Ordonnance du fieur Lieutenant-Civil, & que le rap
port quia étéfait eft commun entreluiôc le fieur L e c le rc , qui
l’a r é d ig é , qui en a écrit la minute entière de fa main r
& qui n’eft point fufpeft à Madame la Préfidente d’Ab«
badie.
D ’un autre côté , fi le fieur Philip s’étoit expliqué fur
l ’état où M . le Préfident d’Abbadie étoit en 1 7 8 5 , il 11e
s'étoit pas expliqué fur l’état où il étoit en 1 7 8 6 , depuis
le 3 Mars jufques au 9 M ai, & c’ell ce dernier état qu’il a ét é
çhargé d’examiner conjointement avec le fieur Leclerc. If
ne s’étoit donc pas expliqué fur l’objet de fa miiTion*
il ne peut donc pas être fufpeûé fous ce prétexte,
R A P P O R T
D E S
M É D E C I N S .
L e rapport des Médecins dit « qu’ils ont d’abord trou» yé
l’état
phyfique de M .
le
Préfident d’Abhadie
» fa carnation, fon em bonpoint, fes m ouvem ens, l’exer» cice des fondions corporelles , tout fon enfemble
j> dans ; l’ordre naturel, excepté fon afpeft , qui annon9 çoit de la mélancolie; qu’il leur a dit qu’il étoit accablé
» de chagrins dont il n'a point articulé la caufe ; qu’il
» s’eft fort appéfanti
fur ces foucis ôc peines d efprit
» dont il a paru vivement a f f e f t é .... qu’ils ont engagé la
* cenverfation fur divers objets, & fur différentes matières,
�» qu*il a répondu à tout a ve c juftefte & de manière à n’anv noncer aucune léfion des fondions de l’a m e , ‘ que fa
» m ém oire n’a point paru affaiblie à en juger par quelques
» traits d’hiftoire déjà a n c ie n n e , qu’ il a cités avec exadi«
» tude . . . . . que fon jugem ent & fa manière de rpifonner
» n’ont paru fouffrir aucune altération , &
qu’il revient
» fréquemment à fes chagrins qu’il peint avec DES c o û
te l e u r s f o r t e s e t s o m b r e s ; que pour mieux connoître
» fon état phyfique & m o r a l, ils ont pris exprès des heu» res différentes , qu’ils ont a ffe d é chaque jour de ï’entre» tenir fu r des matières diverfes &
autres que celles qui
» avoient été agitées la v e ille ., &
qu’il leur a toujours
» parlé de
b on jcn s, & fans aucune apparence de déraifon-
» nement ».
Suivant le rapport, cet état s’eft foutenu jufqu’au 17
M a rs, fans que M . le Préfident d’Abbadie ait donné le.
moindre figne d’altération., n i , au phyfique, ni au moral;
Il a eu le 18 Mars un accès de fièv re; mais fuivant le
rapport, toutes fes paroles étoient d’un jugement fa in , &
riarmonçoient aucune efpèce de léfion dans les opérât ions de
/f*
l ’ame.
L e 1 9 , il eft allé fe promené^ à C.lamar-ipus-Meudon ,
OÙ eft une maifon de campagne dépendante de la fuccefiion de fon oncle.
r
.
L e 20 , au matin, il a été vifité fucceifivement par les
'¿eux Médecipa.
,
L e ûeur Philip, a^tefte
(¡vil riapas.laijjééchapperunmot
quinefut raifonnab\eque
quent & un peu élevé..,
cependant fon pouls ¿toit fré
^
L e fierfr L e c le r c a t te ft e q u il l ’a trouvé mangeant des hui~
�• 94 _
.
très , ayant le pouls plus v if & plus "élevé que de coutume
parlant avec acîion , mais cependant s a n s 'd é r a i s o n n e r .
L e 2 1 , il ne reftoit que quelques veftiges de l'agitation
de la v e ille; mais il étoit dans l’état de raifon, qui eft,1
fuivant le rapport , fo n état habituel , & cet état s’eft foutenu jufques au 1 2 Avril.
L ’accès de fièvre du mois de Mars n’a donc pas été un
accès de folie.
M . le Préfidçnt d’Abbadie a fubi le premier Avril 1786
un dixième interrogatoire àuiïi fain que ceux qui l’avoient
précédé.
c'
D ’après les interrogatoires & le rapport des M édecins,
nous trouvons trois mois ôc demi confécutifr que M. le
Préfident d’Abbadie a paiTés dans un état continuel de
raifon, favoir depuis le 29 Décem bre 1785 , jufques au 12
'Avril 178 ¿T.
*
Q uelle fituation que celle d’un homme délicat & fen-
fible ,
d’un Magiftrat de la première claiTe,
recherché
pendant trois mois & demi, tantôt interrogé par le J u g e ,
tantôt vifité par des Médecins qui le trouvant toujours raifonn^ble.,, attendent toujours qu’il devienne fo u , ôc cher
chent Tans cefle à furprendre dans fes difcours, dans fes
regards, dans fon maintien , quelque fymptôme de dé
mence. Il lui auroit été permis de fe fouftraire enfin à
cette inquifition , ôr d’aller refpirer en liberté dans fes
terres jufqu’à ce que la juftice prononçât fur fon état qui 9
'y
après un examen de.trois mois & dem i, devoit être' fuffifemment connu. Mais5il a eu la patierice de foutenir cette'
é p r ç u v ç , encore pendant cinq femaines ; il a été raflcfïié'
^hum iliations, il a àvûlé pendarit cinq mois le calice que
�9S
lu i préparoit fon époufe, & où elle fe plaifoit à verfer
chaque jour de nouvelles amertumes.
C e qui a le plus offenfé M . le Préfident d’Abbadie du
rant, le cours de cette inqui’fition, c’eft l’audace des efpions
que Madame la Préfidente d A bbad ie fe van te, dans fon
Mémoire imprimé, d’avoir à fes ordres, & qui lui vendent
les infultes qu’ils font à fon mari.
Toutes ces vexations entroient dans le plan de Madame
la Préfidente d’Abbadie comme propres à irriter fon m a ri,
& à ébranler fa tête ; mais elles n’ont pas produit l’effet
qu’on s’en étoit promis; la patience de M . le Préüdeut
dA bbad ie a furpafTé l’audace de fes perfécnteurs.
L e 12 A v r i l , M . lePréfident d’Abbadie a fait en l’hô
tel du fieur Lieutenant-Civil un dire très - l o n g , ôc qui
marque la préfence de fa raifon.
L e 1 3 , il a fubi un onzième interrogatoire qui fuivant
le rapport des Médecins qui y ont aiTiflé, a duré deux
heures, ôc où la dernière répo-nfe feule marque une diftra&ion momentanée ; il s’en eft apperçu lui-même, tant il
eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui dans cette
agitation éphémère , ôc le procès-verbal conftate qu’il a fiui
par dire au fieur Lieutenant-Civil, « qu’en bon père de
» famille, ( c’eft-à-dire , comme un bon Magiftrat qui eft:
» le père commun des citoyens ) s’il parloit à tort & à.
» travers, il devoitfuppléer à fon infuffifance. ».
Cette agitation eft tombée le même jo u r, fuivant le rap
port des Médecins qui ont viiité M . le Préfident d’Abbadie
le 13 Avril vers minuit pour la féconda fois t & qui ont
déclaré « qu il étoit excédé de fatigue Ôc d’envie de. dor
as m ir, mais que malgré cela 11 avoit répondu allez juile
�* *► aux queftionsqu’ilsiuîavoient faîtes,8c qu'flsluîen avoîenf
» fait aifez pour être fûrs que fa ficuation étoit changée en
» bien ».
Il ¿toit encore mieux le 14 A vril fuivanc le rapport.
S i dans la vifite qu’il a faite le 14 A vril au fieur Lieute*
tia n t-C iv il, H a laiifé au Portier, en fon abfence, un billet
dont le fens paroît obfcur, quelle conféquence peut-on eu
tirer ? Une idée mal conçue ou mal rendue par M . le Pré*.
' fident d’Abbadie cara&érife-t-elle un état de démence qui
néceiîite fon intercU&icm ? annonce-t-elle un danger
fi
imminent pour fà perfonne ôc pour fa fortune qu’il faille
lui en ôter Tadminiitration, & le rendre l’efçlave d’une
femme qui exerce une inquifition tyrannique fur fes expreflions, fur Tes m ouvem en t, fur toutç fon exiftence?
P epu is
fix ans que Madame
4a Préfidente d’Abbadie
garde avec tanr de foin deux lettres de fon m a ri, dont
l ’une 3 été écrite à elle-m êm e, dont elle a intercepté
Vautre, & qui marquent une diftraûion paflTagère, la per
fonne 6c la fortune de M , le Préfident d’Abbadie ont-elles
fouffert quelque atteinte ? N e jouit-il pas au contraire d’une
meilleure fànté, fuivant le rapport des Médecins qui ont
comparé fon état ancien tel qu’il leur a été d é p e in t, à
fon état préfent tel qu'ils l'ont obfervé eux-m êm es? n'at’il pas Fait chaque année des épargnes ôc des acqüifitions ?
L e billet du 14 A vril 1786 a-t-il été fuivi de quelque
accident funefte arrivé à fa perfonne, ou de quelque échec
furvenu à fa fortune? Q u ’importe donc qu’il ait fait une
ou deux réponfei dilfonantes dans fon interrogatoire du
13 A vril dernier, ôc qu’il ait écrit dans la matinée du 14
yn billet dont le fens foit enveloppé? Quelques idées obfcures
�*> - ■ 9 1
cures ôc incohérentes mêlées à des idées claires ôc juftes
pendant un ou deux jours feulement dans un efpace d’en
viron cinq mois ne forment pas un état de démence ; un
nuage qui paife n’efface point la clarté du jour ; une di£
tradion
momentanée
n’annonce
point l’éclipfe
de la
raifon.
Auifi les Médecins déclarent-ils dans leur rapport « que
» depuis le 14 A vril il n’y a eu aucun nuage, M . le Pré» fident d’Abbadie ayant toujours joui de toute fa raifon
» 6c de fon bon fens , qu’il s’eft foutenu dans un calme
» parfait, jufqu’au 9 M ai inclufivem ent, jour où ils ont
» terminé leurs vifites ; que le bon état dans lequel ils
» l’ont laiifé a continué fans interruption depuis le 14
» A v r i l , n’ayant apperçu aucun figne d’altération dans fa
» raifon , quoiqu’il eût paffé de plufieurs jours l’époque de
» fa prétendue crife, à laquelle ils avoient dû s’attendre,
» depuis le commencement du mois de M a i, d’après les
» renfeignemens qui leur avoient été communiqués».
Cinq interrogatoires que M. le Préfident d’Abbadie a
fubis depuis le 14 Avril jufqu’au 18 M a i, ôc divers dires
qu’il a faits en l’hôtel du fieur Lieutenant Civil confirment
à cet égard le rapport des Médecins.
C ’efl à la vue de cette procédure , la plus longue 8c la
plus .complette qui ait jamais éré faite en pareil c a s , que
la Chambre du C onfe;l du Châtelet a rendu le 27 Juil
let dernier, d’une voix unanime, une Sentence qui décide
qu’il n’y a lieu a 1 interdiction de M. le Préfident d’A bbadie,
& qui lui donne a&e de fes offres, de ne pouvoir faire
aucuns adçs tendans a 1 aliénation de fes biens, qu’en préfence 6c du contentement de M e B a b ille , ancien BatonN
�5>8
nier des Avocats qu’il a choifi pour fon C o n fe il, comme
aufïi de Tes offres de faire emploi en préfence du même
C o n f e il , des fommes provenantes de la lucceffion du fieur
de Borda , à l’exception des intérêts, fruits 6c revenus dont
il s’eft réfervé la libre difpofition.
L e Marquis du Coudrai a ceffé fes
p o u rfu ite s
à la vue
de cette Sentence; Madame la Préfidente d’Abbadie feule
en a interjetté appel. V o ic i le quatrième combat que M .
le Préfident d’Abbadie eft forcé de foutenir contr’e l l e , ôc
le terme heureux de cette attaque fcan.'aîeuie dont
i’é p G u f e
d’un Magiftrat n’auroit jamais dû donner l’exemple.
L e premier foin de M . le Préfident d'Abbadie, après la
Sentence du C h â te le t, a été de réclamer fes enfans âgés
l’un de dix ans, l’autre de f e p t , pour leur donner une
éducation convenable. Une Ordonnance du fieur Lieutenant
C ivil l’a aurorifé à fe les faire remettre. Il s’eft tranfporté'
lui-même à cet effet dans la rraifondu feu fieur de B orda,
accompagné de deux Notaires ôc d’un Procureur au C h â
telet-; mais fa démarche a été vaine ; Madame la Fréfidente
d’Abbadie a également méconnu l'autorité paternelle ÔC
l ’Ordonnance du Magiftrat.
Q uelle fcène, M eilleurs, que celle qui s’eft paifée danscette
occafion ! ces enfans ont jetté des cris d’effro i, ôc ont
pris la fuite à la vue de leur père. Q u e l ennemi commun
a donc étouffé dans ces jeunes cœurs les fentimens naiifans de la confiance ôc de l ’ a m o u r filial ! quel forffle impur
y a éteint le feu facré de la Nature ! malheureux père ! il
va chercher fes enfans , & il a la douleur de les voir fuir
devant lui : il tend la main à l’un', il le tient, il le carreffe, ôc un Laquais audacieux s’efforce de le lui enle
�pp
ver^(i). C e n'étoic pas encore là le dernier malheur qui
lui étoit réfervé. Reftés au pouvoir d’une mère qui facrifie tout à e lle -m ê m e , ces enfans font à la fois les inftrumens & les vi&imes de fa cupidité : on les conduit
chez les Magiftrats : ils follicitent par leur préfence l’interdi&ion de leur père : ils demandent fans le fçavoir, d’être
flétris 6t profcrits avec lui ; & c ’eft une mère qui eft leur
interprête & leur organe ! . . .
Mais fon vœu ne fera
pas rempli : la loi vient au fecours de ces êtres innocens,
& prend foin de leur deftinée, en protégeant l’état de leur
père ?
M
O
Y
E
N
S
.
L ’interdi&ion pour caufe de démence eft; une dégra
dation to ta le , une efpèce de mort civile. L e citoyen in
terdit comme infenfé eft déchu de toutes les prérogatives
qu'il tient de la nature & de la loi ; il n’a plus que l ’ap
parence de l’hcm m e; c’eft un objet de dérifion & de mé
pris, un être pailif alfervi a une volonté étrangère, & dont
l’unique droit eft de recevoir des alimens qui prolongent
fa miférable exiftence.
Plus les effets de l’interdi£Uon font funeftes, plus l’ac
tion qui tend à la faire prononcer, eft odieufe. Il eft dans
l’ordre que le père de famille jouifle de fon é t a t , de fa
liberté, de fes propriétés : lui ravir cettz jouiftance eft un
a£te violent qui répugne à la nature , & que la loi ne per-
(1} Ce Laquais eft le nommé Ticrcelln , dont la femme eft F -mnie-deChambre de Madame la Prélidenre d'Abbadie , & dont le Père vu «ians le
P o ito u , des bienfaits de M. le Pré ident d’ Abbadie
N ij
�IOO
met qu’à regret. - C ’eft moins un bien qu’ un mal quelque
fois néceifaire, pour en prévenir un plus grand.
La demande à fin d’interdi&ion du m a ri, pourfuivie par
la femme feule, contre le vœu do la famille, bleife l’hon
neur du mnriage, feandalife les m œ urs, & doit exciter la
défiance de la juftice. L a Marquife de Cabris n’auroit pas
la curatelle du Marquis de Cabris, fi elle avoit confpiré
contre l u i , & cherché des moyens de le faire interdire. L e
titre d’époufe fufRfoit à fon cœur : ce n’a été que la larme
à l’œil qu’elle s’eit vue chargée du titre de curatrice : c’efl
principalement par le zèle avec iequel e le a pris la défenfe
de fon mari qu’elle a mérité Tcftime des citoyens & la
confiance des Magiftrats.
Mais combien une pourfuite de ce genre n’eft-elle pas
odieufe de la part d’une femme qui de tout temps a fait
le malheur de fon mari, qui a employé quatre ans à s’ar
mer contre l u i , & à faire les préparatifs de fon interdic
tion , qui s’eft fait autoriier par un certificat de Médecins
à l’ envoyer dans une maifon de fo r c e , qui l’a fait décla
rer fou
incurable en fon abfence , par un autre certifi
cat d'un M édecin qui, fuivant elle-même, venoit d^ pro
mettre fa guérifon totale , qui a fait fes délices de ce cer
tificat, & d’une correfpondance collufoire par laquelle fes
confidens, fes fuppôts, un Coch er même l’entretenoient
fans ceffe de la prétendue maladie de fon mari; qui, pour
l ’accufer de dém ence, a attendu qu’il.eût perdu fa mère &
fon o n c l e , & que fa fortune fc fût accrue de plufieurs mil
lions , qui a reconnu d’abord fa capacité pour adminiflrer,
en lui demandant le pouvoir de toucher ces millions, &
a affecté de ta méconnoître au (fi tôt qu’elle a vu qu’il vou-
�ÏOI'
loit les toucher lui-même & en faire un emploi utile ; qui
l a attiré en trahifon de Pau à Paris, pour le pourfuivre
à Pau à fon infçu , ôr a réuili à force d’intrigues à le faire
interdire par provifion , fur le feul avis d’une poignée de
parens & alliés éloignés &
de foi-difans amis;
rigueur
inouie à laquelle un Bedeau de l’Univerfité de Pau échapp o it, contre le vœu de fa famille, dans le temps même
où un Magiftrat du premier rang en étoit la v id im e ; qui
a ofé le tenir en chartre privée pour l’empêcher de fe
défen dre, & l’a privé des fecours néceifaires contre une
colique violente dont il étoit atteint ; qui s’eft emparée
clandeftinement de fes revenu s, qui le rend depuis deux
ans le jouet de l’ efpionage le plus hardi ôc le plus fean*
daleux, exerce fes enfans à jouer le rôle de folliciteurs
contre leur père , contre eux-mêmes , fait coniifter fon
honneur à les déshonorer, & femble ne pouvoir plus être
heureufe que par la profeript'on de fa famille. ?
Madame la Préfidente d’Abbadie croit elle donc que la
curatelle de M . le Préfident d’Abbadie lui feroit-déférée,
après des procédés aufii odieux, s’il étoit polîible que ce
Magiftrat fin interdit? N o n : nos loix feront m éconnues,
nos mœurs entièrement relâchées , toute idée de juftice
effacée de nos efprits, tout fentiment d’honnêteté éteint
dans nos coeurs, avant qu’une telle femme puifie être nom
mée curatrice de fon mari.
Si la demande à fin d’interdi&ion de M . le Préfident
d Abbadie eft odieufe par les circonftances qui l’accompa»
gn en t, elle eft aufii injufte en elle-m êm e,
fort qu elle
&
digne du
eu devant les premiers Juges.
11 eft évident que M . le Préfident d’Abbadie jouit de ia
�i6 i
rail fon1, ¿a qu’il eíl capable d’adminifirer fes biens.
Son état de raifon eft démontré par l’avis de fa famille,
par íes interrogatoires & par le rapport des Médecins.
Sa capacité pour adminiftrcr eíl une fuite naturelle de fon
état de
ra ifo n
; elle eft démontrée d’ailleurs par fon ad-
miniftration m êm e, par fes épargnes, parles acquiiitions
qu’il a faites depuis 1781 , époque à laquelle on fait com
mencer fa prétendue démence. Il n’a jamais a lié n é, il a
toujours acquis : que pouvoit-il faire de plus ?
Rappeliez-vous , Meilleurs, c e ta & e d’adminiftration quia
fuivi immédiatement le décès de Madame la Préfidente
d’A bbadie, m ère, arrivé dans le mois d’A oû t 1784; M .
le Préfident d ’Abbadie avoit alors en réferve fon revenu
d’une année, environ 40,000 liv. Il a employé près de
trente mille livres à acquitter des legs portés par le tes
tament de fa mère, quoiqu’elle lui eût accordé un délai de
quatre ans, pour payer les fournies principales & les inté
rêts. Ces deniers étoient oififs dans fa caiife; ils ont fervi
fur-le-champ à éteindre des intérêts onéreux ; & fon projet
é t)it d’employer fucceíTivement fes revenus à l’acquit des
charges de la fucceffion de fa m è r e , fans aliéner aucuns
fonds..Si un tel Adminiftrateur pouvoir être interdit, quel
eft l’homme qui feroit digne d’être fou Curateur?.
En vain dit-on que des interrogatoires peuvent ne mar
quer qu’ une raifon apparente, & qu’ils ne font pas toujours,
quelque raifontiables qu’i!s paroiifent,
taines d’ un état de raifon.
des preuves cer
U n , d e u x , ou trois interrogatoires peuvent être fubis
dans des moments lucides &. marquer plutôt le fommeil
�103
'de la f o lie , que le réveil de la raifon. Mais feize interro
gatoires, dont neuf font fubis dans l’efpace de cinq femaines, depuis le 29 D écem bre 178) , jufques au neuf Février 1 7 8 5 , dont plufieurs font fubis dans des jours choins
par la partie qui cherche à découvrir la prétendue démence;
tant d’interrogatoires q u i , avec une foule de dires perfonnels embraifent un efpace d’environ cinq m o is , ne peu
vent pas être des fignes douteux de la raifon qu’ils an
noncent; la raifon qui fe foutient fi long tem ps, ôc qui
réfifte à une telle épreuve , doit être réelle ôc folide. D eu x
Médecins qu i, après avoir vifité M. le Préfident d’Abbadie
pendant foixante huit jours confécutifs, ont atteilé fous
la foi du ferment, que fon état habituel eft un état de raifon,
n’ont pas pris l’apparence pour la réalité ; ôc vous-mêmes,
Meilleurs, avec qui M. le Préfident d’Abbadie a eu l’honneur
de converièr en follicitant votre juftice , vous favez fi fa
raifon eft une lueur trompeufe, ôc fi elle ne reifemble pas
à celle des autres hommes.
Si fa conduite étoit infenfée, on auroit un prétexte
de dire, que la raifon qui règne dans fes interrogatoires,
n’eft qu’une raifon apparente : mais il agit mieux qu’il
ne parle, il adminiftre mieux qu’il ne raifonne , ôc des
hommes à qui la nature a prodigué fes dons, les plus
brillans, pourtoient prendre de lui des leçons de fageiTe
ôc d’écunomie.
Il
a eu des momens de trouble ôc d’agitation , cela,
eft vrai; mais ces momens dans lefquels fa raiion ne
s’eft pas éclipfée , ainfi qu’il eft démontré par fon dire
du 12 Avril ôc par fon interrogatoire du 1 3 , ets m om ens,
difons-nous, forment un
accident indifférent pour ion
�,04
. - adminiftration, & non pas un é ta t, & c’eft l’état que la
L o i confulte en matière d’interdi&ion, & non pas l’ac
cident.
L a démence eft une maladie perpétuelle de fa nature.
On
ne met. pas au rang des foux ceux qu’une fièvre
éphemère jette dans le délire, ni ceux dont la maladie
connue fous le nom de vapeurs, trouble de temps en
temps la mémoire & la raifon, ôc ce n’eft qu’à ceux en
qui la démence eft une maladie -habituelle & perpétuelle
de fa nature, que la L o i donne des Curateurs. M enti
captisi & mutïs & fu r dis
& qui perpetuo morbo laborant
,
Curatores dandi fu u t. C ’eft la difpofition des Inftitutes,
liv. 1 , tit. 23 , § 4.
E t comment feroit-il poflTible de regarder comme infenfé
un homrre
que des preuves confiantes &
multipliées
font voir dans un état habituel de raifon? l’accident du
moment où fa raifon fe trouble fans s’éclipfer, l’emporteroit-il donc fur l’état confiant & habituel où elle fe
montre fans aucun nuage , & quand la nature laiiïe un
fi grand intervalle entre un homme habituellement fou
qui a des momeos lucides, ôr un homme habituellement
calme
& raifonnable qui a quelques infians d’agitarion,
la Loi les confondra t-elle dans le jugement qu’elle portera
fur leur co m p te, & leur fera-t-elle fubir le même fort?
Q uelle feroit la condition de M. le Préiïdent d’ Abbadie,
s’il étoit interdit fous prétexte que dans un long efpace
de temps pleinement éclairé par fa raifon , il fe feroit
ren co n tré
un
ou
deux jours, pendant lefquels il auroit eu
quelques idées moins claires & moins ln.vnneufes! il fentiroit
toute l’horreur de fon éta t, il gémiroit fans cefle fous
le
�Tô*
le poids de fes chaînes, il feroît en proîe au défefpoir.
Peignez-vous, M eiïïeurs, le
fupplice d’un homme qui,
pour une légère indifpofition fe
verrôit enterrer tout
vivant: tel feroit le fupplice de M . le Préfident d’A bbadie, fi dans l’état où il eft il fe voyoit dégradé de
l ’efpèce humaine, & traité comme un vil automate qui
n*a en partage ni le fentiment ni la raifon.
E t pourquoi M . le Préfident d’Abbadie fubiroit-il cette
dégradation flétriffante ? feroit-ce parce que dans quelques
înitans fa raifon auroit eifuyé une agitation paifagère ?
mais la L o i voit d’un œil indifférent les variations de
Tefprit humain, lorfqu’elles ne portent aucune atteinte ni
à l'ordre Public, ni au bien des familles. Q u ’un homme
parle peu ou beaucoup ,
que ià parole foit lente
ou
rapide, que fes idées foient touiours claires & juftes, ou
quelquefois obfcures &
inconféquentes : peu importe,
pourvu qu’il fâche gérer fes affaires : c’eft tout ce que la
L o i exige pour le maintenir dans cette geftion. Si elle
donne un Curateur à un infenfé, c’eit uniquement parce
qu’il eft incapable d’adminiftrer fon bien : Mente captis
& qui perpetuo morbo laborant
, quia
, Curatores dandi Junt, C e
rebus fu is fuperejje
n’eft que rtlativeme: t
à i’adminiflratioti que la L o i examine les facultés ifitelle&uelles de l’homme. S ’il étoit un genre de folie com
non pofjunt
patible avec une bonne adminiftration, celui qui en feroic
atteint ne pourroit pas être interdit.
L ’inftruttion faite au Châtelet pendant près de cinq
m o is, depuis le
D écem bre 1 7 8 ) , jufques au 18 M ai
1786, fixe le dernier état de M . le Préfident d’A bbadie,
qui eit celui fur lequel la Cour a à prononcer. Q u e
O
�10 6
trouvons-nous dans ce long intervalle ? nous trouvons
deux jours du mois d A v r i l , le 12 & le 13 j pendant
lefquels fon efprit a été agité : mais dans ces jours là
mêmes fa raifon étoit dom inante, fuivant le rapport des
M é d e c in s, & comme il eft démontré par fon dire du 12 ,
&
par fon interrogatoire du
13. L a queftion à juger
dans cette caufe eft donc de favoir fi M . le Préfident
d’Abbadie doit être regardé comme incapable d’adminiftration, fous prétexte que fa raifon a efluyé une agitation
paflagère pendant un ou deux jours, dans un efpace d’en
viron cinq mois. La fjlution de cette queftion eft facile,
& la feroit également dans le cas même où cette agita
tion feroit plus fréquente , & fe renouvelleroit tous les
mois ,
hypothèfe qui eft pleinement démentie par la
procédure.
D ’abord la raifon de
M . le Préfident d’Abbadie ne
s’éclipfe point dans ces momens d’agitation. L e rapport
des Médécins le conftate ; le. dire du 12 Avril & l’inter
rogatoire du 13 le démontrent. Les foins domeftiques
pendant un ou deux jours
n’exigent pas des lumières
plus étendues que celles qui fe manifeftent dans ce dire
& dans cet interrogatoire. O n voit dans le rapport des
Médecins un fait décifif à cet égard , & digne de la
plus grande attention : » C ’eft que dans le fort d’une crife
» on a préfenté un mémoire d’ouvrier à M . le Préfident
» d’Abbadie, qui l’a lu attentivement, en a calculé le
» montant, & a répondu fur le cham p, que ce n’étoit
» pas là le réfultat de fes conventions, qu’il y avoit une
7> grande différence du prix convenu,
» term iner,
on
n avoit qu’à
donner à
mais que pour
l’ouvrier telle
�107
j*
fomme dont il devoit être content».M . le Préfident d’A b-
badie feroit donc capable de gérer fes affaires domeftiques
même dans le cas d’une maladie accidentelle femblable
à celle des 12 &
13 A vril dernier.
D ’ailleurs, les foins perfonneb du père de famille ne
font pas de tous les inftans, ni de tous les jours. Il n’en
efl aucun dans la clafïe où fe trouve M . le Préfident
d’Abbadie, ni même dans des clalTes inférieures, qui ne
paife plufieurs jours dans chaque m o is, fans s’occuper de
fes affaires domeftiques, & qui n’en confie le détail à
des fubalternes qui lui en rendent compte à des époques
marquées. M . le Préfident d’Abbadie feroit donc capable
d’une bonne adminiftration , quand on fuppoferoit que
tous les cinq m ois, tous les deux m ois, même
tous
les mois, il eifuyeroit pendant un , deux &c trois jours
une agitation femblable à celle qu’il a eifuyée les 12 &
15 Avril dernier. Une fuCpenfion momentanée de fes foins
perfonnels ne troubleroit point le cours de fon adminif
tration , qui feroit habituellement éclairée par fa raifon,
& n’en derangeroit point l’économie.
Q uel accident peut-on craindre pour la fortune de M .
le Préfident d’A b b a d ie, dans le cas où l’agiration des
12 & 13 A vril dernier viendroit à fe renouveller ?
Craint-on qu’il n’aliene fes fonds, ou
qu’il
ne les
engage par des obligations, des billets, ou des lettres
de change? mais outre qu’il n’a jamais aliéné,, qu’il eit
dans 1 habitude dacquérir, il fe foumet à un c o n fe il, fans
lequel il ne pourra, comme il efl porté par ia Sentence
du Chatelet, confentir aucuns a£tes tendans à l’aliénatioq
de fes biens.
O ij
�io8
Craint-on qu’il ne diflïpè l’argent comptant qu’il aura en
main? mais il n’a
l ’habitude de
réferve au
ja m a is
fa ire
r l.o is
dilfipé , il eft au contraire dans
des épargnes. Il avoit 40000 livres en
d’Aoû t 1 7 8 4 , & il en a employé la plus
grande partie à acquitter d’autant les charges de la fuccefiïon de fa mère. Un homme qui a été économe jufqu’à
l’âge de f o ans , ne devient pas tout-à-coup prodigue
& diifipateur. D ’ailleurs la crainte d’une diifipation future
ne doit pas produire une interdi&ion anticipée.
Craint-on enfin que l’argent comptant qu’il aura en
main ne lui foit volé ?
Mais le crime ne fe préfume pas, ôc perfonne n’ eft à
l ’abri du vol.
Si
dent
quelqu’un entreprenoit
d’Abbadie
de
voler
M . le
Préfi
en fa préfence , même en temps
de
m aladie, il s’en appercevroit, ôc il tâcheroit de prévenir
le vol. Il étoit malade le p Septembre 1781 , à fon paflage
à Poitiers, fuivant l’énoncé
des deux quittances de la
fomme de 20000 livres, que Madame la Préfidente d’A b
badie s’eft fait remettre par
le Regiffeur, A-t-elle ofé
toucher cette fomme en préfence de M . le Préfident
d’Abbadie ? N on : elle a donné un rendez-vous fecret au
R égifieur; elle l’a fait cacher dans la ru e lle , au premier
bruit qu’elle a entendu dans la chambre de fon mari;
elle a pris les facs fans compter les efpèces, de peur
que le fon des écus n’interrompît le fommeil de M . le
Préfident d'Abbadie, ôc ne l’attirât dans le lieu où elle
s’emparoit de fes revenus. M . le Préfident d’Abbadie ne
pourroit do n c pas être volé ‘en fa préfence, même e a
temps de maladie, fans qu’il s’en apperçût.
�*0ÿ
S ’il étoit volé en fon abfence , ce qui peut arriver à
tout le monde , il ne tarderoit pas à s’en appercevoir.
I l s’eft bien apperçu que Madame fon époufe lui avoit
fouftrait 35,000 livres le 8 N ovem bre 1 7 8 3 , lorfque le
fieur Olivier lui a porté cette fotnme en dépenfe dans
fon compte du 10 du même mois, comme remifeà Madame
d’Abbadie ; & dès le lendemain, il en a pourfuivi la reftitution contre le Pieur Olivier. Il mandoit de fon Château
d’Ithorots ,a u fieur Louftau , par fa lettre du 28 N ovem bre
1 7 8 4 .,aprèsdaux mois d’abfence de la V ille de Pau ; qui i
t>trouveront
dans un petit tiroir de fon fecrèt a ire , à gauche,
» du côté de la porte de la bibliothèque , un billet du fieur
» de Beaurégard , de la Jommc de 8000 liv. fou s une enve» loppe. N ’eft-il pas évident que fi ce billet lui avoit été
volé pendant fon abfence, il fe feroit apper^u du vo l ?
L es biens-fonds & l’argent comptant font donc en sûreté
dans les mains de M . le Préfident d’Abbadie , comme il»
le feroient dans celles de tout autre adminiftrateur : ce
Magiftrat feroit-il donc interdit fous prétexte de quelque
agitation pailagère qui ne feroit aucun préjudice à fon
adminiflration ? Mais le Juge qui interdit un citoyen pour
caufe de d é m e n ce, n’eft que l ’organe de la L oi qui a pro
noncé d avance cette interdiction , & la L o i n’interdit que
celui que la privation de la r.aifon rend incapable d’adminiftrer par lui-même : quia rcfîus fu is fupereffe non poffunt
iuratores dandi Jutit. O r , il eft démontré par les interro
g a t o i r e s ^ p a r le rapport des M éd ec in s, que M . le Pré
sident d’Abbadie eft dans un état habituel de raifon , &
par une longue expérience , qu'il eft capable d’adminiftrer
par lui-même» Il n eft donc pas poflible de l’interdire.
�La jurifprudence de la Cour confirme à cet égard la
difpofition de la L o i , & des exemples anciens & récens
font des garans certains que M . le Préfuient d’Abbadie
ne fera pas interdit.
L es gendres de la Dame de Saintot l’avoient fait interdire
par les premiers J u g e s , fous prétexte d’une m élancolie,
qui
depuis quelques années avoit troublé fon «fprit &
affoibli fa Mémoire , ce qui leur faifoit craindre qu’elle
ne difposât de fon bien à leur préjudice. Un arrêt du
12 Février 1548, rapporté par S o e f v e , Centurie 2 , ch. 64 f
infirma la Sentence d’interdiftion ; & pourquoi ? « Parce
» qu’on ne voyoit point , dit l’Arrêtifte, que la Dam e
» de Saintot eût encore fait aucune diffipation de fon bien,
» & qu’il n’étqit pas jufte que des enfans demandaiTent
» l’interdi£tion de leur mère fur la feule crainte qu’ils avoient
» que dans cette mélancolie elle ne vînt à difpofer de fes
» biens mal-à-propos ; une interdiction ne pouvant jamais
» être fondée fur ce qui peut arriver , mais fur ce qui efl
» arrivé auparavant qu’elle ait été demandée & pourfuivie
» en juilice.
L e fieur Fourneau DucaiTeul étoit plongé depuis plus
de trente ans dans une yvreife journalière qui troubloit
fa raifon : fes proches detnandoient fon interdi&ion fous
ce prétexte. Mais il n’avait pas di(fipé, & il a été main
tenu dans fon état par un arrêt du 1 1 Juillet 178 6.
Une habitude de trente ans eft une fécondé nature ; un
homme dont une liqueur étrangère rouble journellement la
raifon depuis plus de 30 ans eit moins capable d’adminiftrer
que ne le feroit un homme en qui une humeur naturelle pro
duiront de loin en loin pendant un ou deux jours feule
�L I1
ment
une révolution femblable à un
commencement
d’yvreife, & affimiler à cet état celui où M . le Préfident
d’Abbadie écoit les 12 &
13 Avril dernier, ce feroit le
juger avec plus de rigueur que ne le permettent le dire
du 1 2 , & l'interrogatoire du 13.
Si la C o ur a épargné en
1648 &
en 1786 le coup
de l’interdi&ion à des gens de la claiTe com m une, dont
la raifon étoit moins faine que celle de M . le Préfident
d’Abbadie , & dont la feule défenfe étoic de dire qu’ils
rfavoient point difl/pé , peut-on croire qu’elle interdira ce
Magiftrat qui a fait des épargnes & des acquifitions , ôc
qu’elle frappera fa perfonne d’une fiétrifiure en quelque
forte héréditaire, fans aucune néceflité.
Je dis , fans aucune tiécejjiiê , & c ’eft ici mon dernier
argument que je vous fu p p lie, M elïieurs, de faifir avec
toute l'attention que mérite l’importance de cette caufe.
L ’interdi&ion d’un citoyen ne doit être prononcée que
lorfqu'elle eft d’une nécefiité abfolue pour la confervation
de fa perfonne & de fes biens.
O r , il n’y a aucune néceiTité d’interdire M. le Préfident
d’A b b a d ie , ni pour la confervation de fa perfonn e, ni
pour la confervation de fes biens.
N ulle nécellitd d’interdire M . le Préfident d’A bbadie,
pour la confervation de fa perfonne : ce point eft établi
par l'aveu même de Madame d’A bbadie, & par une longue
expérience.
Madame d’ Abbadie déclare dans fon Mémoire imprimé
nu Chatelet, page 114., « que fi M. le Préfident d’Abbadie
» lui a voit envoyé fa procuration, à l’effet de le repréferxer
» p ar-tou t, on auroit eu tout ce qu’on pouvoit attendre
�» d’une interdiction, & que feulement on s’en feroit épar» gné les ddfagrdmens ».
O r , la p r o c u r a t i o n qui auroit rendu l’interdi&ion inutile
,
de l’aveu de Madame d’A b b a d ie , ne lui auroit donné
aucun
fident
p o u v o ir
fur la perfonne de fon mari ; M . le Pré-
d’Abbadie feroit refté en Béarn , maître de
fa
perfon ne, tandis que Madame d’Abbadie feroit reftde à
Paris maîtreife de
ià
fortune , en vertu de fa procuration
:
l’interdiction n’eft donc pas ndceiTaire, de l’aveu même
de Madame d’Abbadie , pour la confervation de la per
fonne de fon mari.
D ’ailleurs, une longue expdrience démontre que M. le
PrdftdentdÀ’bbadiefaitadminiftrerfa perfonne.Depuis 1781
qu’il a continud d’être maître de lui-même , il ne lui eft
en core
arrivd aucun accident fâ c h e u x , & depuis deux ans
qu’il a quittd une dpoufe devenue fa perfdcutrice , fa fantd
eft plus robutfe, & fa perfonne eft en meilleur dtat.
* N ulle ndceifitd d’interdire M . le Prdfident d’Abbadie
pour la confervation de tes biens.
Il fe fo u m e t, par une prdcaucion furabondante, d’un
c ô t e , à faire emploi de toutes les fommes mobilières
provenantes de la fucceifion du fieur de Borda, & d’un
autre côtd , à ne pouvoir paifer aucuns a£tes tendans à
l ’aliénation de fes biens que de l’avis d e M c Babille , ancien
Bâtonnier des Avocats qu’il a ch o ifi, & que la Sentence
du Châtelet lui a donnd pour confeil.
M ais, dit-on, que deviendront les revenus dans les mains
de M . le Prdfident d’Abbadie?
Je demande d’abord moi-même ce qu’ils deviendroîent
dan* les mains de Madame d’Abbadie,
Tout
�, . 1 1 ?
,
X o u t le mond.e.répo nd'^qu’ejle les. employ eroit largement
à fés beibins & à fes plalilrs% "¿c* periorme n’eft dupe de
l ’offre dérifoire .qu'elle vient de faire en la C o u r , d’employer
l ’excédent des revenus, de l’avis d e M e Hutteau fon confeil.
A coup sûr, ,M e Hutteàu auroit été confijlté plus fouvent
fur un emploi de ce g e n r e , s’il avoit continué d’être le
Confeil de M . le Préfident d’Abbadie.
M . le Préfident d'Abbadie fera de fes revenus ce qu’il
jugera à propos. Il pourvoira aux befoins de fon époufe ;
c ’eft tout ce qu’elle a droit d’exiger; il n’épargnera rien
pour l’éducation de fes enfans ; il eft bon m a r i, bon
père : 40000 liv. qu’il avoit en réferve en 178.4, lorfqu’il
ne jouiifoit que d’environ. 40,000 livres de rente , & les
acquifitions
qu’il a faites depuis
1781 , prouvent cju’il
fçait trouver de l’excédent dans fes revenus, & l ’employer
d’une manière utile. C e que Madame d'Abbadie promet
de faire , M . d. ’Abbadie l’a déjà fait.
E t quand il feroit certain qu’il dépenfera fon re v e n u ,
feroit-ce un m otif pour l’interdire? Les fruits ne font-ils pas
eonfacrés à la jouiifance du père de fam ille, & a - t - o n
jamais interdit un m ari, de peur qu’il ne donne à fon
revenu une deftination arbitraire & indépendante de.»
goûts & des caprices .de. fa femme ?
M . le Préfident d’Abba die jouit de fa raifoh : fes
interrogatoires & le rapport des Médecins le prouvent ■
:
il eft bon adminiftraceur, fes épargnes & fes acquifitions
le démontrent. Il a clioifi. d’ailleurs. M c Babille pour fon
C o n fe il; fon adminiftration aura pour g u i d e 'l ’expérience
la plus confom m ée, & la fpgefle fera déformais la com
pagne de fa raifon.
Répétons en finiiTant ce que nous diiions l’année dernière
au Châtelet.
P
�'r i4 '
Q u e Ta. deftinée de M . le Préfident d’Abbadie eft cruelle]
Sa vie n’eft depuis, fon mariage qu’une chaîne d’épreuves
affligeantes dont la dernière tend à le dégrader & à le
plonger dans-un abîme de misère.
Il eft attaqué par un parti qui a confpiré fa perte ; &
qui voit-il à la tête de cette confpiration ? Son époufe.
Une époufe*. dans le choix de laquelle il a facrifié les.
convenances
de. l’in térêt, pour fuivre aveuglément le
penchant de fon cœur.
Une é p o u fe , qu’il a comblée de libéralités dans fon
cortrat de mariage, & qu’il auroit rendue heureufé,, fi elle
avoit fçu l'être.
T u n’as, lui dit-elle, que les dehors de l'homme :I’inftih£t.
aveugle a pris dans ton ame la place de la raifôn.
N o tre condition eft changée : je ferai déformais maîtreiTè
de m oi-m êm e, & tu relieras fous ma puiifancei
Abandonne ces richeiTes que la fortune vient d’accu
muler dans tes mains : c’eft moi qui dois-en avoir la jouitfan ce, c’eft à moi à régler la mefure de tes befoins.
Defcends du rang que tu occupes parmi les Miniftres
de la loi : ta Magiftrature eft finie, le fanûuaire de la juftiee
ya fe fermer fous tes pas.
R en on ce à tes enfans : il craindront de t’appeller leur
p è r e , & ils rougiront de te devoir la naiflance.
T u n’es plus citoyen : la fociété te proferit & te rejette
de fon fein.
T u n’as qu’une exiftence paifive, & le reffe de ta vie ne
fera qu’une mort anticipée.
Il
entend ce langage : il frémit au fëul fouvenir de celle
qui- ofe l’outrager & le menacer ainfi. L e paiTé femble revivre
pour fon fupplice; les peines qui ont empoifonné le cours
de fa viÇ y fe raifetnblent maintenant danrt fon ame > & la
�11*
'déchirent foutes à la fois. Son courage ne l'a cependant pafc
abandonné : il a fubi pendant cinq mois l’épreuve humiliante
à laquelle il a été aflujetti : fouvent il a prévenu lui-même
le Magiftrat; il eft allé lui faire voir la iktiation de fon
efprit & lui découvrir fon am e, cette ame qu’aucun méfait
n’a jamais fouillée, & qui ne cotinoît p oin tée remords;
il penfe, il raifonne, il fentr, il exprime; quiconque l’en*tend partage la douleur dont il eft pénétré, &. fes perfécuceurs, pour avoir l’air de l’immoler i.ns .finrc, feignent dô
croire qu’il eft infenfible au mal qu’ils lui font.
Ihfôrtuné Magiftrat ! . . . que deviendroit-il, fi les loixpouvoient fouifrir cet affreux facrifice !
l i e Certificat-du 0. Mai 1783 , qui autorife fon épouie
à employer la force contre l u i , fort dans fa maifon, foit
dans une maifon publique, à fon choix ; le certificat du 6
Février 1784., par lequel elle l’a fait déclarer fou incu
rable, contre fa convi£tion intime, contre l’évidence même;
la chartre privée où elle l’a tenu , & l’abandon où elle
1-a làiifé une nuit entière au milieu des dbuleurs les plus
aiguës-, font le p ré fa g e effrayant du fort qui lui eft réfervé.
R elégu é dans une maifon de force', ou détenu dans la
fienne , il ne jouiroit plus à-fon gré ni du ciel qui l’écla ire,
ni de 1-air qu’il refpire , ni de la rerre qur s’offre fous fes
pas ; la nature entière difparoîtroit à fes yetrx : fe u l, faiiî
parens, fans, amis-, étranger à tout le monde &
charge
à lui-même, il chercheroit vainement autour de lui des
êtres fenfibles auxquels il pûft fe plaindre, ôt qui priifent
part a fe’s peines. Jamais la' voix confolante de l’humanité
n e frapperoit fon oreille & ne fufpendroit le cours de &
douleur. Il n entejidroit que les infultes ôc les menaces dea
tyrans mercenaires qui s’attacheroient à fa perfonne, ôcdonc»1 feroit le jouet. & la vi&ime. L a m o r t.......... la mort trop
�i
\6
lente pour fes befoins feroit fon unique _efpérance ; elle
feule pourroit brifer fes chaînes & mettre fin à fon mal
heur.
L ’idée de cette fituation, quelque affreufe qu'elle fo it5
n’eft pas c e qui l’affecte le plus dans ce moment : il eft pere :
fon cœur fe déchire au fouvenir de deux enfans dont la
deftinée eft attachée à l a fienne, & que le préjugé envelopperoit dans fa profc ription. i l fent redoubler fon courage
en fongeant au malheur dont ils font menacés : ce feroit
peu de leur laiff er une grande fortune, s’il leur laiffoit en
.même temps un nom flétri & déshonoré : il l ’a fignolé ce
nom par d’affez grands facrifi ces , pour qu’il doive être
jaloux de le conferver fans tache : les prifons de la baftille
dépofent de fon dévouement généreux au milieu des révo
lutions publiques.; les regiftres de la Cour confacrent les
,
efforts de fo n zele pour le bien du fervice du R o i & pour l'hon
neur de la Magift rature : c eft cet honneur qu’il veut fauver
comme le .patrimoine le plus précieux de fes enfans;; en
combattant pour lui-même contre fon époufe, il .combat
pour eux contre leur mere : il défend trois victimes qu’elle
s’efforce d’immoler à la fois; mais après qu’ils auront triom
phé de ce péril com m un, il leur apprendra à oublier les
erreurs de celle; qui leur donna le jo u r, & à lui rendre le
bien pour le mal qu’elle n’aura pas pu leur faire.
M onfieur S E G U I E R , Avocat Général.
Me B E R G E R A S , A vocat.
1
A Paris, chez K N A P E N
J u l h i a r d , Procureur.
;
& F ils , Lib.-Im pr. de la
C o u r des A i d e s , au bas du Pont S, M ic h e l, 1 7 87.
�
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Factums Vernet
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Plaidoyer pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
117 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0105
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0106
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui
-
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26faad0fe7621e18785ae1baded40915
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Text
REPLIQUE
P O U R
M .D
'
A
b b a d i e
,
Confeiller - Honoraire au
Parlement de Paris, Préfident à Mortier au Parlement
de Navarre.
C O N T R E
Madame
la
P r éfidente D ' A b b a d i e
fon
E poufe.
M
U
n
e s s i e u r s
,
Citoyen R om ain, qui avoit mené une vie paifible
voyant fon nom écrit fur les tables fatales qui annonçoient
les p r o f i t i o n s , s’écria avec douleur: « Malheureux que
» je fuis ! c’ef t ma belle maifon
» mourir ».
d’A lb e qui me fait
M . le Préfident d Abbadie s’écrie aujourd’hui dans une
A
Farlem ent de
P aris.
G rand’Chambre.
�2
iituation
non
moins affligeante : « M alheureux que
» fuis ! c’eft ma fortune
qui fait de
» enaem ie
qui
m o r t e lle ,
&
ma femme
l’excite à
demander
je
mon
ma
» profcription ».
L e s faits de la C aufe ne juftifient que trop cette exprcffion de fa peine , ce cri de fa douleur*
L e plan de M adam e la Préiidente d’À lb a d ie fe réduit
à ces deux points:
« Je fu is , d it-elle, exem pte de reproche.
» E t mon mari eft infenfé ».
L a défenfe de M . le Préfident d’A bbadie roule fur les
deux points contraires.
« M o n époufe , d it -il, eft grièvem ent coupable envers
» moi.
» E t je jouis de ma raifon ».
R é ta b liro n s ces deux p o in ts , & ramenons-y toute la
Caufe.
Il n’eft pas inutile de retracer les torts de M adam e la
Préfidente d’A bbadie envers fon mari : les uns ont dcd le
prélude & les préparatifs de fon a£tion ; les autres
en
décèlent les motifs ; tous c o n c o u r a ie n t à la faire exclure
de la curatelle de M . le Préfident d’A b b a d ie , fi ce M agiftrat avoit befoin d’un curateur.
I*r«mier tort.
premier
tort de M adam e d’A b b a d ie
eft
d’avoir
rendu dans tous les te-nps fon mari malheureux.
M . le Préfident d’A bbadie a fait entrevoir une partie de
fes malheurs d om eftiqu es, en l'hôtel du fieur Lieutenant
C i v i l , dans fon dire du 27 Septembre 1 7 8 ; .
�3
E n vain obje&e^t-on que ce dire étoit écrit d’une main
étrangère. Il avoir été écrit fous la di&ée de M . le Préfi
dent d’A bbadie ; & le procès-verbal conflate qu’il a réfuté
lui-même cette obje& ion , en déclarant Jeul & fans l’ajjîjtance, de fon Procureur, q u il p erfifoit dans fo u dire.
L e dire du 27 Septem bre 1 7 8 ; n’ efi. donc pas, com m e
o n l a plaidé , l’ouvrage d’une
l ’ouvrage de M . le Préfident
volon té étrangère ; il eft
d’A b b a d i e , &c une foible
expreflion de fes malheurs.
O u b li des égards qui lui étoient dus ainfi qulà fa m ère;
mépris de fa perfontie ; contradiftions perpétuelles ; nécefiité de vivre féparément : voilà d’après le dire du 27 S e p
tem bre 1 7 8 ^ , c e que M . le Préfident d’A b bad ie a trouvé
dans le mariage.
I l s’eft expliqué un peu plus ouvertem ent dans fes in
terrogatoires.
Il dit dans celui du. 29 D é c e m b re 178J : « Q u ’il eft
» bien aife de prouver à M adam e d’A b bad ie qu’il n’a pas
» befoin d’elle pour fe maintenir en bonne fanté ». D ans
celui du j Janvier 1 7 8 5 : « Q u e M adam e d’A bbadie eft la
» caufe dè tous fes chagrins ; qu’il confent à lui donner
» dix mille livres par année pour vivre clans un c o u v e n t» .
Dans celui du 13 Janvier : « Q u ’il ne croit pas Être o b ligé
» de faire de plus grands avantages à une fem m e qui le
» perd de réputation ; qu’il la difpenfe de fon attachem ent».
Dans celui du 1 7 , «qu’il lifoit (à l’arrivée du fieur Lieutenant
» C iv il à Vitry)le M ercure de F ra n ce dans lequel étoitjriiif» toire d u n e femme qui avoit empoifonné fon m ari, &
» qu à cette occafion il s’étoit livré à quelques réflexions chaA ij
�4*
» grines, fur les malheurs que les maris font fujetsà éprou» ver de la parc de leurs fe m m e s , & fur fa propre fitua» tion ». Dans c e lu i du 22 avril , il s’écrie : « C om m e n t
» ne pas tenir rigueur à uue fem m e qui deshonore fon
» m ari, qui lui fufeite une affaire dont l’éclat le met hors
d’état d’exercer aucune
fon& ion ! enfin dans celui du 18
M a i , il répond : « qu’il perfifte dans tout c e qu’il a déjà
» dit, ( concernant la peniion de Madame d’A b b a d ie , & fa
» retraite dans un c o u v e n t ) , que le iieur Lieutenant C iv il
» eft trop prévenu en faveur de ladite d a m e , que d’après
» la conduite qu’elle a tenue à l’égard de lui répondant
» tant à Pau qu’à P a ris, & les chagrins domeiUques qu’elle
» lui a ca u fé s, il fe croit en droit de fe tenir éloigné d’e lle ;
» que c’efl: le feul m oyen qu’il ait de rétablir parfaitement
» fa fanté, qui n’a été altérée que par les peines &
les
» inquiétudes qu’elle lui a caufées ».
C e s réponfesne font point l’ouvrage d’une volo n té étran
gère: M . le Préiident d’A b bad ie étoit feul a v e c le M agiftrat,
lorfqu’il les faifoit.
V ou le z-v o u s révoquer en doute ces plaintes modérées
qu’ une douleur profonde arrache au plus patient & au plus
d ou x des hommes ? E c o u te z du moins la M arquife du
C o u d r a i , fa focur, qui ne peut pas vous être fuipe&e.
« T o u t e s vos peines, lui dit-elle dans fa lettre du 27
» N o v e m b r e 1 7 8 4 , au paiTé
,
a u
p ré le n t
ôc a 1 a v e n ir , ont
» é t é , font ôc feront toujours les miennes par mon atta» chem ent pour: ma famille ,
et
pour
vous
en
p a r t i-
» CULIER » .
E c o u te z les parens & amis de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
notamment le fieur de Joantho , fon coufin germain , adi*
�s
gné par vous co m m e par l u i , & que vous n’avez fufpe&é
Il vainement à la dernière a u d ie n c e , que parce qu’il vous a
rendu juftice à l’un & à l ’autre. C es païens & amis parlent
dans leur avis des chagrins de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
& des peines domeftiques auxquelles il a été en proie.
V o u s précendez prouver fon bonheur , par les
lettres
qu’il vous a écrites de Paris en 1781 ? Il eft vrai qu’il les
com m ence toutes ,
en vous appellant f a chere fem m e,
com m e vous l’appeiliez votre, cher mari, & qu’il les finit en
vous aflurant d e ¿’attachement a v e c le q u e lil eft tantôt tout à
vo u s,
tantôt votre très-humble, ferviteur. U n mari bon par
caractère, & qui feroit heureux par fa fe m m e ,
n’auroitil
donc jamais d'autre nom à lui d o n n e r , d’autre fentiment
à lui offrir ?
E n fin , vous invoquez la naiiTance de vos deux enfans
com m e une preuve du bonheur de votre mari. C e tte nai£fance prouve bien que M . le Préfident d ’A b bad ie eft p ère;
mais elie ne prouve pss qu’il foit heureux époux.
Q u e lle circonftance choifiifez-vous pour vanter le b o n
heur paiTé de M . le Préfident d’A b b a d ie ? C e l l e où vous
travaillez à le rendre le plus miférable des hommes. A h !
la pourfuite de fon interdiction ne peut pas être le premier
tort que vous ayez eu envers lui. C e n’eft que par dégrés
qu’une femme bien née acquiert l’affreux courage d’atta
quer ouvertement l’état de fon m ari, & de b r a v e r ,
vous faites depuis deux ans , la^cenfure publique,
comme
L e fécond tort de M adam e la Préfidente d’A b bad ie eft
de s être emparée à P oitiers, le 9 Septem bre 1781 , d’ une
fom m e de 20,000 liv. qu’elle s’eft fait remettre clandefli-
Sccond torr.
�6
nem ent par le R égiffeu r de fon m a r i, qui fe retiroit avec
elle en B é a r n , fous prétexte qu’il étoit m alade, & hors
d’état de donner quittance de cette fomme.
Ajoutons 2 1 3 6 liv. que M adam e d’Abbadie avoit reçues
à Paris au m om ent de fon d é p a rt, co m m e elle le déclare
dans fon M ém oire imprimé au C h â t e le t , pag. 149.
E lle avoit donc fait au mois de Septem bre 1781 une
recette de 2 2 13 6 liv.
Jettons maintenant un c o u p - d ’œil fur la dépenfe.
M adam e d’Ab bad ie porte d’abord en dépenfe une fom me
d e j o o o liv. pour frais de voyage.
C e t article ne doit pas être alloué.
M adam e d’Ab bad ie eit partie de Pau au mois d’août
1 7 8 1 , pour venir joindre fon mari à Paris, & pour retourner
ave c lui en Béarn. Sa belle-mère qui a approuvé ce v o y a g e
lui a donné yo o o liv. pour l’aller & pour le retour. Si elle
nie la quotité de la fom m e qu’elle a reçue , elle eft forcée
de conven ir du moins qu’elle a reçu fom m e fuffifante pour
les frais du v o y a g e . C e fait n’a pas befoin de preuve ; il
eft dans l’ordre naturel des ch o fe s; il eft néceilaire ; on ne
v o y a g e pas à c r é d i t , & l’époufe d’un Magiftrat qui jouit
de plus de 40,000 liv. de
rente , n’entreprend pas une
route de deux cents lie u e s , fans avoir en main au m om ent
de fon départ les fonds dont elle peut avoir befoin.
Il n’y a donc aucune d éd u û ion à faire pour frais de
v o y a g e , fu r ie s 2 2 13 6 liv. que M adam e d’Abbadie a tou
chées au mois de Septem bre 17 8 1.
D e ion aveu , elle n’a dépofé à fon arrivée à Pau , dans
les mains du fieur d cB eau reg ard qu’une fomm e de i ; o o o l .
elfe retient donc à fon profit une fomm e de 7 1 3 6 liv.
�7
V o y o n s ce qu’ eft devenu le dépôt de i j o o o liv.
M adam e d’A b bad ie convient qu’elle a touché en 1782
3000 liv. pour la penfion que fon mari lui faifoit»
R e lie n t 12000 liv.
L e fieur Louftau , 1agent de M adam e d’A b b a d ie , & fort
correlpondant a reçu le 11 Septem bre 1 7 8 2 , du lieur de
Beauregard une fom m e de 3000 liv. favoir i j o o l i v . en
a r g e n t, & un billet du fieur de Beauregard de pareille
foïHme ; à qui a-t-il remis cette fom m e & ce billet? à Ma>
dame d'Abbadie. E lle ne peut pas nier ce fait. Madame la Préfidente d’Abbadie mère donnoit au iieur de Beauregard des
reçus des iommes qu’e lle t o u c h o it : elle lui a d o n n é en 1782
trois reçus montant à 9000 I. qui font dans les mains de M a
dame d’A b b a d ie ; elle auroit donné également un reçu des
5000 liv. touchées par le fieur Louftau le 11 Septem bre
1782 , fi le fieur Louftau les avoit reçues pour elle; il les
a donc reçues ponr le com pte de Madame d’A bbadie.
V o ilà donc 1 3 ,13 ^ liv. appliquées au profit de M adam e
d’A b b a d ie , dont la maifon étoit d’ailleurs défrayée à Pau
par fon m a r i, ainfi qu’il Je déclare dans fon interrogatoire
du j Janvier 1 7 8 6. C e n’eft donc pas un a£te d’adminiitration qu elle a fait en 1 7 8 1 , lorfqu’elle s’eft emparée clandeftinement à Poitiers des revenus de fon mari ; c ’eft une
entreprife in té reffée , qu’elle ne peut pas colorer par la
pureté de fes motifs.
L e troificme tort de M adam e d’A b b a d ie eft d’avoir quitté
fon mari en Béarn pendant d ix -n e u f m o i s , depuis le mois,
d efe p te m b re 1781 jufquesau mois ¿ ’avril 17 8 3 ,
Troifième tort*
�8
» Il n’y avoit pas , d it - e lle ,
de logement pour moi
» au château de Bizanos.
S ie d - il bien à une femme de dire qu’il n’y a pas de l o
gem ent pour elle , dans un Château habité par ion mari ?
Il y a au château de Bizanos un rez-de-chauifée, ôc un
premier étage : Je rez-dechauiTée étoit occupé par Madame
la Préfidente d’Abbadie mère ; le premier étage auroit fuffi
pour Madame d’A b b a d ie , fi elle avoit été jaloufe de vivre
avec fon mari ; mais elle aimoit mieux refter feule dans ia
maifon de Pau. V o ilà quel étoit fon attachement pour
fon mari ; voilà le foin qu’elle prenoit de cette téte fi chère.
M . le Préfident d’Abbadie arrive à Paris avec le Frère
L iflon d e , dans le mois d’avril 1783. Madame fon époufe
le fuit de près à fon infçu ; que vient-elle faire ? C ’eft
ici fon quatrième tort.
Quatrième tort.
E lle fait vifiter fon mari le 6 mai 178? , par le fieur
B orie fon M éd ecin ordinaire , & par les fieurs Dejean &
de M o n ta b o u rg , & elle fait fabriquer le même jour par le
fieur Borie un certificat ,
dans lequel ces M édecins at-
t e f t e n t , après un demi-quart-d’heure d’exam en;
i°. que
M . le Préfident d’Abbadie parle nuit & jour , qu’il a perdu
le fommeil & l’appétit, & que cet état dure plufieurs jours ;
2°. qu’il a été fou à Pau , depuis le mois de feptembre
1781 , jufques au mois d’avril 1783 , & à Paris , depuis cette
dernière époque , jufqu’au 6 mai , jour de leur vifite ; ce
qu’ils ont appris , difent-ils, du Frère L i (fonde fon compa
gnon de v o y a g e , ( qui leur donne à ce fujet un démenti
f o r m e l; ) 30. qu’ il ne faut pas héfiter d’employer la force
contre M . le Préfident d’A b b a d ie , foit dans la maifon du
fieur
�9
Heur de Borda , foit dans une maifon publique ; c e qu’ils
Jaiiïsnt au ch oix de Madame Ton époufe.
C ’eft , a-t on dit à cette au d ien ce, Madame la Préfidente
d’A bbadie mère qui avoit conçu le projet de faire enfer
mer fon fils : elle avoit fait confier c e projet par le F rè re
L iifo n d e à M . de Cheraute , qui l ’en avoit détournée ;
M . de Cheraute l’a déclaré , & le Frère Liifonde ne l a
pas nié.
M . de Cheraute l a déclaré ! O ù efl donc cette décla
ration? Je l’ai cherchée avec la plus grande attention parmi
les pièces de Madame laPréfid en te d’A bbadie , ôc je ne l ’y
ai pas trouvée.
'
Si elle e x ift o it, elle ne prévaudroit pas fur les preuves
réelles que M adam e la Préfidente d’ Abbadie mère a don
nées de fa tendreife pour fon f i ls , avec qui elle a toujours
v é c u , & dont elle a été la com pagne fidelle jufqu’à fou
dernier moment.
L e Frère L iifon d e ne l’a pas nié! M ais il n’a pas été
interpellé fur ce fait ; fon filence n’en fournit donc pas
la preuve.
N o n ; le defir de faire enfermer M . le Préfident d’A b
badie n’a jamais fouillé le cœ ur de fa mère : c’eft fon époufe
qui s’eft fait autorifer à exercer cette violence. Q uand on
eft capable de demander à un M é d e c in une ordonnance de
ce g e n r e , on efl aiTûrément capable de l’exécuter.
L e cinquième tort de M adam e d’A bbadie eft de s’être
fait remettre claiideftinement par le fieur O liv ie r ,
cinquième ton
le 8
novem bre 1783 , une fomm e de 36000 liv. appartenante
à fon m ari, ainfi qu’il eft établi par le co m p te que le iieur
B
\
�ÎO
O liv ie r a rendu à M . le Préfident
d’A bbadie le 10 du
m êm e mois.
» M a i s , dit M adam e d’A b b a d ic , j’ai mandé le 11 no» vem bre 1783 , à ma belle-mère , que fur ces 36000 l i v . ,
» j’avois déjà remis 6000 liv. à mon mari ,
que j’avois
» wardé 5000 liv. pour ma dépenfe ; que j’avois converti
» les 2$ 000 liv. reftantes en billets des fermes , pour ne
» pas laiiTer l’argent o i f i f , & que j’étois prête à envoyer
» des fonds à ma belle-mère auffnôt qu’elle voudroit.
C ’eft là , en effet , la teneur d’une copie de lettre de
M adam e la Préfidente d’Abbadie, à fa belle-mère , en date
du 11
novem bre 1 7 8 3 ; copie dont rien ne garantit la
c o n fo r m ité avec l’o rig in a l, s’il a jamais exiilé , ô t que fa
teneur même rend plus que fufpefre.
D ’un côté ,
M adam e d’Abbadie n’a pas^pu mander à
fa belle-m ère le 11 novembre
1783 , qu’elle avoit déjà
remis 6000 liv. à fon m a ri, puifqu’elle ne lui a remis cette
fomme que le 13 du même m ois, fuivant la tranfa&ion du
2 juillet 178 4 .
D ’un autre côté , elle n’a pas mandé à fa belle-mère par
fa lettre du 11 novembre 1783 , qu’elle étoit prête à lui
remettre ces fonds , puifque fa belle-mère 11e lui dit rien
qui ait trait à une pareille offre , dans fa réponfe du 19 du
même mois
, & q u e lle & fon fils ont au contraire , par
leurs lettres du 8 mars 1 7 8 4 , preffé le fieur d’Etehegaray
de pourluivre en Juitice la reftitution des fomines iixrées
a Madame d’Abbadie par le fieur O liv ier ; ce qu’ils n’auroient point f a i t , l i , dès le îx novembre p récéd en t,
Ma
dame d’Abbi-die avx)it offert de les leur rendre.
Enfin , il a fallu compofer avec Madame d’Abbadie fur
�11
,
cette reftitution, & lui abandonner , par la tranfa&ion' du
2 juillet 1 7 8 4 , une fomme de 13000 liv . en fus de celle
de 3600 liv. qu’elle avoit reçue pour fa psnfion en 1783 ,
c e qui fait une fomme de 16600 liv. qu’elle a touchée
en 1785 , quoiqu’elle n’eût aucune dépenfe à faire dans la
maiion du fieur de Borda.
13000 liv. en 17 8 1 , 13000 liv. en 1783 ; voilà quels
ont été pour M adam e d’ Abbadie les fruits de cette adminiftration officieufe qu’elle exerçoit pour fon m a r i , à fon
infçu , & contre fon gré.
L e fixième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
eft d’avoir quitté fon mari pour la fécondé fo is , depuis
le mois de N o v e m b re
1785 jufques à la fin du mois
de D é ce m b re 1 7 8 4 , qu’il eft venu la joindre à Paris,
& d’être reftée dans cette C a p ita le, tandis qu’il étoit en
Béarn.
E lle a cherché une premiere excufe dans la lettre de
fa b elle mère du 19 N o v e m b re 1783 , par laquelle elle
la remercie de ce qu’elle veu t bien refter auprès
fieur
de Borda.
Mais elle n’a pu recevoir cette lettre de Pau que le 26
N o v e m b r e , & elle avoit laiiTé partir fon mari dè& le 1 4 ,
avec le F rère L iflon d e qui lui a mandé qu’ils étoient arrivés
à Pau le 2 j , avant qu’elle ait reçu la lettre de fa belle mère.
C ’eil donc de fon propre m ouvem ent qu’elle s’eft déter
minée à refter feule à P a ris, & non d’après la lettre de
fa belle m è r e , qui d’ailleurs ne l’en prioit pas.
E lle a cherché une fécondé excufe dans une lettre que M .
le Préiident d’Abbadie lui a écrite de Paris le 1 9 M ai 1 7 8 1 ,
pour lui annoncer le projet qu’il avoit de l’attirer incefB ij
Sixième tort.
�\2
famment dans cette C a p itale, où elle pourroit paffer q u el
que temps.
M ais il n’y a aucune liaifon entre ce projet manqué en
17 8 1 , & le féjour que Madame d’Abbadie a fait à Paris
pendant quatorze mois en 1783 & en 17 8 4 5 en l’abfence
de fon mari, qu’elle a quitté volontairement ôc fans aucune
néceiïité.
septième tort.
L e feptieme tort de Madame la Préfidente d’Abbadie
lui a paru enfin à elle-même fi o d ie u x , fi ré vo ltan t, qu elle
n’a pas même eflayé de le c o lo r e r , &
q u e lle l a laiifé
dans toute fa noirceur. Je veu x parler du certificat q u e lle
a fait fabriquer le 5 F év rie r
1 7 8 4 , par le fieur B orie
qui y attefte : i°. Q u ’au mois d’avril 1 7 8 5 , à fon arrivée
à Paris, M . le Préfident d’Abbadie étoit depuis deux ans
dans un état de dém en ce, (quoique ce Magiftrat eût vécu en
Béarn,.à 200 lieues du'fieurBorie , depuis le mois de S eptem
bre 178 1 jufques au mois d’avril i 7 8 3 .) 2 ° Q u ’aumois d e N c vem bre 1 7 8 3 , lors de fon départ pour P a u , c ’eft-à-dire le 14
N o v e m b re jour de fon départ, M . lePréfidentJd’Abbadie étoit
dans un état de d é m e n c e , aifertiondontla fauiTeté eft démon
trée par la lettre que M . le Préfident d’Abbadie a écrite à
fon R égifleu r le 8 N o v em b re 1783 , p arle compte que le
fteur O liv ie r lui a rendu le 1 0 , par l’aiïignation qu’il a
fait donner au fieur O liv ier le 11 , & par la reconnoiffance qu’il a donnée le 1 3 , veille de fon départ , de la
fem m e de 6000 livres que M adam e la Prcfidente d’Abbadie
lui a fait -remettre. 3P. Enfin que la maladie de M . le
Préfident d’Abbadie paroît être parvenue à l’incurabilité.
Quel
trait de lumière
environne
dans
ce
m om ent
�\
n
M adam e la Préiidente d’A b b a d ie , & perce le vo ile donc
elle fe pare aux yeu x du public?
E lle fait déclarer fon mari in cu ra b le, à P a r is , trois
mois après fon départ pour Pau.
E lle le fait déclarer incurable par un M é d é c in , qui,,
fuivant la lettre qu’elle a écrite à fa belle-mere , le 2 $
O & obre
1 7 8 3 , quinze jours avant le départ de M . le
Préiident d’A bbadie pour P a u , avoit promis fa guérifon
' totale.
V o t r e mari fou incurable! Q u e l befoin aviez-vous de
cette
atteftation , le
6 F évrier 1 7 8 4 , un an avant que
vous a y e z . pourfuivi fon in te rd id io n ? Q u o i ! votre fang
ne s’eft point glacé à la vu e de ce préfage finiftre ; vous
n’avez pasrepouÎTé la main qui v o u s l ’offroit ; vous le gardez
depuis trois ans; vous le faites circuler d anstouslesTribunaux
où vous traduifez votre m a ri, & quand deux M édécins qui
l ’ont vifité récemment pendant foixante-huit jo u r s , atteftent
à la juftice fous la foi du fe r m e n t, [que fon état habi
tuel eft un état de ra ifo n , tel qu’il fe manifefte dans fes
interrogatoires, vous les a c c u f e z , l’un de com plaifance,
l’autre d’impofture; vous rejettez avec horreur une vérité
co n fo la n te, pour vous repaître d’une illufion qui devroic
vous défefpérer ; tous ce u x qui vo y en t votre inari ,
étrangers , parens , amis , M agiftrats, tous le trouvent
raifonnable 5 &
vous qui ne l ’avez pas vu depuis deux
ans, vous fon époufe , vous vous obftinez
à dire qu’il
eft infenfé ; vous démentez la notoriété p u b liq u e , vous
m éconnoiifez l’évidence m êm e ! A h ! ne cherchez plus
d e x e u fe à votre a v e u g le m e n t;
ne fuit ainfi la lumière ,
g u id e.1
jamais l ’efprit humain
que quand il a le cœ ur pour
•
�14
Huitième
tort.
L e huitième tort de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
^ d>avoir attifé fon mari dans cette C a p ita le, au mois
de D écem bre 17 8 4 , fo u s prétexte, com m e elle le lui difoit
dans fa lettre du 8 N o v e m b re p ré céd en t, que fes affaires'
e x ig e o ie n t fa p ré fe n c e , pour le faire interdire à P a u , fans
qu’il pût fe défen d re; de l’avoir tenu en chartre privée
depuis le
Mars 1 7 8 j
au fo ir ,
jufqu’au lendemain
onze heures du m atin, pour l ’empêcher de fe pourvoir
contre l’interdi&ion provifoire dont il avoit été frappé
le 3 du même m o is, & de l’avoir privé des fecours néceifaires contre une colique violente , dont il a été atteint
la nuit du 25 au 2 6 Mars.
M adam e la Préfidente d’A bbadie convient qu’elle s’eil
emparée des clefs de l’h ô t e l , le 2$ Mars au f o i r ,
pour
la première
tenu
fois ,
&
q u e lle
a
par
conféquent
• fon mari en chartre privée , pour l’empêcher de partir
le lendemain pour fes terres de Poitou : mais elle nie
qu’il ait eu la colique dans la nuit du 25 au 2 6 Mars
& elle a pour garant de fa dénégation le C o ch e r D o u c et.
C e C o ch er peut bien attefter qu’il n’a eu lui-même
aucun mal la nuit du 2 j au 26 Mars 1785* , 6c que s’il
avoit fouffert com m e fon m aître, il auroit reçu tous les
fecours qui lui auroient été néceffaires; mais fon témoi
gnage purement négatif ne détruit point le fait pofitif &
prouvé que M . le Préfident d’Abbadie s’eft plaint d’une
colique violente la nuit du z<; au 2.6 Mars 178J , fans
qu il ait pu recevoir les fecours du dehors qu’il demandoit;
&
fi c’eft une trahifon de la part de fon é p o u fe , de
l ’avoir attiré de Pau à Paris, pour le faire interdire à
- Pau à fon infçu, fans aucune inftrudion, c’eft un attentat
�de l’avoir tenu en charte p riv é e , dans une
circonftance
où il avoit tant de befoin d’être libre pour fe d éfen d re,
& une cruauté de lui avoir refufé au milieu des douleurs
les plus aigu ës, des fecours que la pitié prodigueroit en
pareil cas au dernier des hommes.
Enfin , le neuvième tort de
M adam e la
Préfidente
d’A b b a d ie , eft d a v o ir laiifé infpirer à fes enfans la crainte
& le mépris de leur p è r e , 6c de les avoir rendus témoins
des follicitations
qu’ elle
fait
pour
fon. interdi£Hon.
V o u s vous rappeliez, M e ille u rs , cette fcène qui s'eft
paifée dans la maifon du fieur de B o r d a , lorfque M . le
Préfident d’A bbadie
eft allé en perfonne réclamer
fes
enfans, accom pagné de deux N o ta ire s, de M e.B o u rg e o n
fon Procureur au C h â te le t, & du C hevalier de Saiutray.
I l a trouvé fes enfans dans le fallon ; à peine
lui ont-ils
laiifé le loifir de leur donner un premier figne d’amitié.
L e nommé
Tiercclin, laquais de
M adam e la Préfidente
'd’A b b a d ie , eft venu lui arracher l’un qui s’eft enfui dans le
jardin ; l ’autre s’eû réfugié dans les bras du C hevalier de
Saintray qu’il ne connoiifoit | a s , & à qui il ne ceifoit de
dire d’une v o ix tremblante : » M . le C hevalier e m p ê c h e z ,
» je vous p rie, que papa ne nous amene ; papa n’eft
» point
le maître ,
c ’eft maman qui eft
maîtreife de
» tout ».
; M è re aveugle ! vous fouffrez |que vos enfans n’ayent de
la confiance
qu’en vous
autorité que la v o tre !
leçons ,
avouer.
&
ne
donnez leur
ôc infpirez-leur
L ite s-le u r
,
connoiiisnt
donc
d’autre
de meilleures
des fentimens qu’ils
puiflent
qu’ils dépendent principalement de leur
N euvièm e tort.
�\6
» p i r e , que vous d é p e n d e z vous-même de votre m a ri, &
« quevous avez tous trois le même maître».
D ites leur que vous devez à votre mariage l’aifance
dont vous jo u iffe z , que toutes leurs efpérances font du
cô té de leur p è r e , & qu’ils ont droit de tout attendre
de fa tendreffe & de fa bonté.
L ife z leur l'interrogatoire du 13 Janvier 1 7 8 6 , où il
dit : « que vous devez être perfuadée qu’il n’a pas moins
» d’attachement que vous pour vos enfans ».
L ifez leur l’interrogatoire du 17 du même m o is, ou il
dit : « qu’il facrifieroit fa fortune & mêfne fa vie , s’il le
» falloir, p o u r les perfonnes qui lui appartiennent ».
L ife z leur l’interrogatoire du 22 A v ril fu ivant, où il
d i t , « qu’en follicitant la caifation des arrêts du Parlement
» de P a u , il avoit annoncé aux Magiilrats du C o n f c i l, que
» fon intention é to itd e faire emploi des fommes inobiliaires
» provenantes de la fucceffion du fieur de B o r d a , qu’il
’ perfifte dans cette réfolution , pour le bien de [es enfans f
& qu’il demande atle de fes offres de faire cet emploi.
N ’affe&ez plus d’aifocier vos enfans à vos follicitations,
com m e
s’ils
étoient intéreifés à
demander avec vous
l’interdi&ion de leur père.
Conduifez-les plutôt aux portes de la Baftille, & dites
leur: mes enfans, v o ici la prifon où votre père fut e n ferm é,
martyr de
fon zèle pour les L o ix dont il eft le Miniftre.
Souvenez-vous ,
lorfque vous ferez
élevés à
ce faint
M iniftere, de le prendre pour votre m o d è le , & de fervir
com m e lui le R o i & la Patrie.
Montrez-leur 1arrêt du 21 Juin 1 7 7 6 , & dites-leur : rrres
enfans ? voici le titre le plus précieux pour votre p è r e , la
récompenfe
�IJ
■'
récompenfe honorable de fes longs facrifices, l’arrêt de la
C o u r des Pairs qui l’a reçu parmi fes m em bres, en confidération de la nature des fervices que lui avoienu infpirês
depuis
d ix ans fo n
^èle & fon attachement .au bien du
fervice du R o i f & à l'honneur de la Magïjlrature '.
CeiTez de les entretenir des prétendues folies de leur
père ; entretenez-les de fes vertus & de ion amour pour
eux ; diiïipez une prévention funeite qui aveugle
leurs
e fp rits, & qui flétrit leurs cœurs : dites-leur la vérité , &
laiflez agir la nature.
V ou s connoiiTez , M eilleurs, les torts de M adam e d’Abbadie ; ils font g r a v e s , ils font multipliés ; permettez que
je vous le demande maintenant ; ne trembleriez-vous pas
d e la nommer curatrice de fon mari, s’il pouvoit être in
te rd it, & vous repoferiez-vous du foin de la perfonne &
dg la io r tu n e de M . le Préfident d’A b bad ie, fur une femme
qui n’a fçu refpe£ter jufqu’au préfent ni l’u n e , ni l’autre ?
M ais M . le Préfident d’Abbadie n’a pas à craindre
un
événem ent auili m alheureux, puifqu’il jouit de fa raifon.
C ’eft le fe co n d i point de la c a u fe , le point le plus eifent i e l, & qui demande le plus d’attention.
L e s parties pofent ici deux propofitions contraires.
M adame la Préfidente d’A bbadie foutient & entreprend
de prouver que fon mari e f t , depuis 1 7 8 1 , dans un état
de démence.
M.
le Préfident d’A bbadie foutient &
prouve qu’il
eft dans un état de raifon.
Ecartons d’abord les preuves de l’état de démence.
N o u s retracerons enfuité fous un point de vu e trèsfimple les preuves de l’état a&uel & habituel de raifon.
C
�18
M adame d’A lb a d ie invoque trois preuves, pour établir
que fon rr.ari a été infenfé en 1 7 81 .
,
L a première coniifte dans les deux lettres qu’il a écrites
les 18 Juillet &
16 A o û t 1781.
Mai? ces deux lettres ne prouvent que deux momens
d’abfence qu’il a e u s , lorfqu’il les a écrites. E lle s ne font
point concluantes pour fon état Habituel, même en 1781»
elles le font encore bien moins
pour fon état actue.1 &
habituel qui eft l’état fur lequel la C o u r doit prononcer.
a
L a fécondé preuve eft la lettre que le fieur dOlhaiTarry
écrite à M adam e d’ A b b a d ie , le 30 Juillet 1 7 81 .
M ais cette lettre ne parle que de mélancolie & de dïjlrac-
tïons. ]Un état de mélancolie n’eft pas un état de d é m e n ce ,
& des diftra£lions ne font point l’éclipfe de la raiion.
-La troifième preuve eft le ce rtifica t où le fieur T o n n e t ,
RégiiTeur des Terres du P o ito u , répète ce que Madame
d’Abbadie lui a dit à Poitiers, le 9 Septembre 1 7 8 1 , de
l’état de fon mari, pour colorer à fes yeux la précaution
qu’elle prenoit de le voir en fe cre t, de le faire cacher
dans la ruelle, de peur que M . d’Abbadie ne fu r v în t, 8c
de toucher vingt mille livres à fon infçu ; mais le fieur
T o n n e t n’eft dans cette partie de fon certificat que, l’écho
de Madame d’Abbadie , qui eft fans contredit le témoin
le plus fufpe£t & le moins digne de foi fur l’état de fon
mari.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pour l’année 1 7 8 1 ,
que deux momens d’abfence qui ne forment pas un état
habituel ; & la preuve que M . le Préfident d’ Abbadie
n é to it pas en démence en 1 781 , c’eft fa correfpondance
de 178 1 avec fon épo ufe, & la précaution q u e lle a prife
�'19
,c
à Poitiers de fe dérober à fes regard s, quoiqu’il fût ma
la d e , pour percevoir fes revenus.
E lle invoque trois preuves, pour établir que fon mari a
été infenfé en 1782.
L a première eft une lettre que le (leur de Montbadon»
fon frère , a reçue de M adam e la Préfidente d’A b b a d ie ,
m è r e , en date du 30 D é ce m b re 1782.
M ais la mère dit feulement dans cette lettre que fon
fils diftrait par d’autres objets, n’a pas répondu à la de
mande que le fieur de M ontbadon lui faifoit de fa pro
curation pour procéder à un nouveau partage des biens de
la fucceffion de feu M . de M o n tb a d o n , père. E lle ne dit
pas que fon fils étoit en dém ence , le 30 D é ce m b re 17 8 2 ;
& fi M .
le Préfident d’Abbadie a refufé fa procuration
pour procéder à un nouveau partage, c ’eil parce qu’il ne
vou loit point plaider contre fa b e lle -m è r e , & qu’il lui
avoit déjà déclaré à elle-m êm e, com m e il l e d i t dans fon
interrogatoire du 13 Janvier
1 7 8 5 , qu’il
s’en rapporte-
roit aux arrangemens qu’elle feroit dans fa famille : E xem p le
d’honnêteté & de confiance refpetlueufe que les enfans
de M adam e de M ontbadon auroient dû imiter.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M *
d’Abbadie en 1782 ,
eft le certificat que M adam e
badie a fait fabriquer à P a ris,
M ai
par le fieur B o r ie ,
d’Ab~
le 6
1783.
M ais fi ce certificat porte que les M édecins ont appris
du Frère Liffonde que M . le Préfident d’Abbadie a été en
démence à P a u , en 1 7 8 2 , 1 e F rère Liffonde leur donne
lui-même à ce fujet un démenti formel.
L a troifième preuve eft l’enquête faite à Pau en 178$.
C ij
�Je la
connois
20
enfin cette enquête : on l’a citée comm e
contenant la preuve de deux faits principaux qui font ;
i°. que M . le Préfident d’Abbadie avoit fait acheter des
o i e s , pour leur apprendre l’alphabet. u°. Q u il avoit fait
acheter des chevres, pour les atteller a fa voiture.
Eh
b i e n , de 58 témoins qui ont été entendus a P a u , aucun
ne dépofe de ces faits controuvés , com me témoin o cu
laire. Les domeftiques de M . le Préfident d’ Abbadie , qui
feuls auraient été à portée d’en avoir connoiifance , n en
difent pas un feul mot. T r o is ou quatre étrangers qui en
parlent, n’en parlent que com m e témoins d’oui-dire, &
ne nomment pas le témoin principal dont ils font l’échç.
Q u e l eft donc ce témoin invifible qui a parlé par l’organe
des témoins d’oui-dire ? Faut-il le demander? C ’eft celle
qui les avoit fait aiïigner ; c’eft Madame d’Abbadie.
L ’enquête de Pau n’eft point concluante par elle-même.
E lle a été d’ailleurs annu llée, & ne peut par çonféquent
faire foi en Juftice.
Madame d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mâri
ait été en démence en 1782 ; & la preuve qu’il n’y étoit
p as, c’eft fa correfpondance
en 1 7 8 2 , avec fes paretis ,
fes amis & fes gens d’affaires.
E lle invoque trois preuves , pour établir que fon mari
a été en dém ence en 1783.
L a première eft le
année.
certificat du 6 M ai de la même
M ais ce certificat ne prouve même pas que M . le Pré
fident d’Abbadie ait effuyé dans la journée du
6 M ai
1 7 8 3 , un accident critique. Il eft démontré faux dans la
p artie, où le certificateur dit qu’il parle d’après le F rère
�LiiTonde : il eil donc plus que fufpett dans la partie où
le cercificateur dit d’après lui-même que M . le Préfident
d’Abbadie ¿toit le 6 M a i 1783 dans un état de démence.
Si le fieur Borie en a im p o fé, quand il a dit que le F rère
LiiTonde lui avoit attedé la prétendue démence de M .
le Préfident d’Abbadie à Pau en 1 7 8 2 , qui peut s’aiïurer
qu’il n’en impofe pas égalem ent, quand il attefte fa prétendue-démence dans la journée du 6 M ai 1783 ? D ’ail
leurs ce n’eft pas l’accident du 6 ?vïai 1783 ,
q U’iI faut
juger , c ’eft l’état aftuel ôc habituel de M . le Préfident
d’Abbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1783 ,
eft la lettre de M adame
la Préfiden te d’Abbadie , m è r e , à fa bru, en date du ip N o
vem bre d e là même année, par laquelle elle promet de faire
continuer à fon fils, lorfqu’il fera à P a u ,
le traitement par
l ’éle£tricité.
Mais ce traitement convient aux maladies nerveufes ,
bien plus qu’à la démence. Madame d’Abbadie , m ère, n’a
donc pas reconnu la prétendue démence de fon fils, quand
elle a annoncé à à fa b ru , qu’elle luiferoit continuer c e
remède. E lle ne l’a pas reconnue non plus dans d’autres
lettres qu’elle a écrites à fa bru. E t com m ent pourroit-on
foupçonner qu’elle regardoit fon fils comme infenfé en
i
7 8 3 î qi,and on vo it que par fon teftament du 10 F év rie r
de la même année, elle le charge de foins qui ne convien
nent qu a un homme raifonnable.
L a troifième preuve eft la lettre du frère LiiTonde à
M adame d’A b b a d ie , du mois de N o v e m b re
1783,
où
il lui rend com pte du vo y a g e de fon mari , qui é t o i t ,
�22
dit i l , diftrait & g a i, & qui chantoit fans être prié; mais
on peut être diftrait & gai fans être en dém ence; &
M.
fi
le Préfident d’A bbadie chantoit fans en être p r i é , c ’eft
qu’il ne chante que pour fon plaifir, ôc qu’il n’eft pas un
de ces hommes qu’ on prie de chanter pour le plaifir des
autres.
M adam e d A ’bbad’te ne prouve donc pas que fon mari
ait été en démence en 1783.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s, c’eft fa correfpcndance
de 1783 , c ’eil la précaution que M adam e d’Abbadie a
prife de recommander le fecret pour lu i, au R é g ifle u r, quand
elle lui a fait demander l’état de fa ca ifle , par une lettre
du fieur O liv ier , du 2 Juin 1783 ; c ’eil le com pte que
le fieur O livier lui a rendu le 10 N o v em b re 1783 ; c’eft
le refus qu’il a fait d’allouer en dépenfe 36,000 liv. que
ce caiffier avoit
livrées à Madame d’A b b a d ie , le 8 du
même mois ; c’eft enfin le foin qu’elle a eu elle-même de
retirer une reconnoiflance de l u i ,
du léger à - com pte
qu’elle lui a remis, le 13 N o v e m b re 1 7 8 3 , la veille de
fon départ pour Pau , ainfi qu’il eit dit dans la tranfa&ion
du 2 Juillet 1784.
Madame
d’Abbadie invoque deux fortes de p r e u v e s ,
pour établir que fon mari a été infenfé à Pau en 1784.
L a première eft une colle£tion immenfe de lettres qu’elle
a reçues en 1784 , principalement du fieur L ou ftau , fon
agen t, &
de la dame D etchegorry , fa confidente , la
femme dd ce Procureur de Pau qui avoit aiTifté à Poitiers
en 1781 , à la recette myftérieufe de 20,000 l i v . , & que
M.
le Préfident d’Abbadie loge gratuitement dans
h ô t e l, depuis plus de vingt ans.
fon
�*3
Mais plus ces lettres font m ultipliées,
plus elles font
Îufpe&es. O n n’accable pas une femme pendant une année
en tière, de nouvelles facheufes fur l’état de fon mari, qu’autant* qu’elle le veut bien, & qu’elle le demande elle-même.
D ’ailleurs des lettres niiilives ne font point foi contre un
tiers; c’eft une maxime fa c r é e , & qui ne fera point mé
connue pour la première fo is , en matière d’état, au pré
judice de M . le Préfident d’A bbadie.
L a fécondé preuve de la prétendue dém ence de M . le
Préfident d’Abbadie en 1 7 8 4 , eft l’enquête faite à Pau en
1787.
M ais cette enquête où les témoins ne dépofent que d’ouidires fur les faits p rin cip a u x, a été annullée d’ailleurs par
le même jugem ent auquel M . le Préfident d’A bbadie d o it ,
Meilleurs , le bonheur de vous avoir pour Juges , & une
enquête nulle ne fauroit opérer la moindre convi& ion ;
quod nullum efl nullum producit effeclum.
M adam e d’Abbadie ne prouve donc pas que fon mari
ait été en dém ence en 1784.
E t la preuve qu’il n’y étoit p a s , c ’eft fa correfpondance
de 1 7 8 4 , ave c fon époufe, fa foeu r, M e H utteau, alors
fon confeil & fon a m i; M . de C h e rau te, le fieur L ou ftau ,
a v e c tous ceu x qui
faifoient les
préparatifs fecrets de
fon interdi&ion.
M adam e d’Abbadie invoque fix preuves pour établir que
fon mari étoit en détrtence en 1785.
L a première eft la procuration fous feîng-privé donnée
par M . le Préfident d’A bbadie au fieur d’E tch é g a rai, le
30 D é ce m b re
1784 ,
que Madame d’Abbadie
com m e une preuve que fon
regarde
mari étoit dans un état de
�24
démence qui ne lui permettent pas de la donner pardevant
Notaire.
Mais qui fouferit une procuration donnée fous feing-privé
peut en foufcrire une donnée pardevant Notaire. C e n eft
p a s
l a
prétendue dém ence de M . le Préfident d’A b b a d ie ,
c ’eft la fatigue de
fon
voyage qui l’a empêché de
tranfporter chez un N otaire le 30 D écem bre
fe
1784 , le
lendemain de fon arrivée à Paris.
_La fécondé preuve de fa prétendue démence en 1785' >
eft le dire de fon Procureur à la vacation du 26 Janvier de
la môme année.
• L e Procureur de M . le Préfident d’Abbadie , a bien dit
â cette vacation , q u il étoit malade dans fon lit; mais il n’a
pas dit qu’il étoit en démence.
L a troifième preuve eft la requête donnée au Parlement
de P a u , par M . le Préfident d’Abbadie le 8 avril
178; ^
à fin d’oppofition à l ’arrêt du 3 Mars précédent qui l’avoit
interdit par provifion com m e infenfé.
J 1 feroit bien étrange qu’une requête dont le but étoit de
faire juger en 178 j que M . le Préfident d’A bbadie n’étoit
pas in fen fé , contint l’aveu qu’il étoit infenié. A u di n’y
trouve-t-on pas un pareil aveu. O n y dit bien que M . le
Préfident d’Abbadie a éprouvé autrefois des crifes fâcheufes;
mais on n’y dit pas que ces crifes étoient des accès de folie.
La
quatrième preuve
d’Abbadie , dans
fon
eft l’aveu de M .
interrogatoire
17 8 ;.
C e Magiftrat a avoué dans
a v o ite u en
du
29
le Préfident
D écem bre
cet interrogatoire ,
qu’il
1 7 8 ; , pendant fon féjour dans la niaifon de
g a in t-V i& o r P deux accès d'une maladie de nerfs, dont il avoit
tu
�eu précédemment quelques attaques , & qui avoient duré deux
ou trois jours chacun ; mais loin qu’il ait reconnu que
c ’étoient des accès de folie , il dit
au contraire dans le
m êm e interrogatoire , « qu’il a cru jouir dans ces
accès
» de fa préfence d ’efprit, que quand les accès fe font paf»
» fés, il s’efi: rappel’ é
ce qu’il avoit, dit ôc fait pendant
» ces a c c è s , & qu’il a jugé raifonnable tout ce qu’il s’eit
» rappellé, com m e il en avoit jugd pendant l’accès m êm e;
» mais que ce qui le raiTure le p lu s , c’efl; le tém oignage de
» fon M é d e c in , qui lui a dit que pendant les accès m ê m e s ,
» il lui avoit répondu exactement à toutes les' queftion*
qu’il lui avoit faites ».
L ’aveu de M . le Préfident d’A bbadie efi: indivifible , &
puifqu’on veu t le convaincre par lui-même qu’il a eu deux
accès pendant cinq mois qu’il a paifés dans la maifon de
S aint-V ictor, il faut qu’on convienne avec lui que c ’éroient
deux accès d'une maladie de nerfs qui avoient duré deux ou
trois jo u r s , & qui ne lui avoient point fait perdre l’ufage
de la raifon.
L a cinquième preuve eft le. dire que le fieur P h ilip ,
M é d e c in , a fait en l’hôtel du fieur Lieutenant-Civil , le
ap Septem bre 178^.
Mais[ le fieur Philip a déclaré formellement dans ce dire
que ce qu’on appelle accès de dém ence dans la perfonne
d e M . l e Préfident d’Abbodie, n’eft qu’une maladie n e rv e u fe ,
curable de fa nature, déjà diminuée par l’ufagè des re m è
des qu’il lui a indiqués , &: qui ne lui fait point perdre la
raifon.
Enfin la fixième preuve d e là prétendue dém ence d e M .
l e Préfident d’A b bad ie, en 1 7 8 ^ , eft la correfpondance du
D,
�2
6
C o ch er P o u c e t avec M adam e la P r é s e n t e d’Abbadie. _
O n voit en effet dix-fept lettres du C o c h e r D o u c e t , qui
accufe la réception de celles que M adam e la P r u d e n t e
d’Abbadie lui a fait l’honneur de lui écrire , qui lui confe ille ,
dans une datée du
22
avril 178s1 , d’enfermer
l’A b b é d’Etchegarai dans une chambre, s’il va dans la maifon du
fieur de B o r d a , qui lui rend com pte dans
une
autre , d’un M ém oire imprimé qu’il a vu chez m o i , Jorfqu’il y a accompagné fon maître, & q ui, dans la plupart,
lui donne des nouvelles telles qu’elle les d efiro it, fur l'état
de ;M . le Préfident d’Abbadie.
Mais la correfpondance de M adam e la Préfidente d’A b
badie avec le C o ch er D o u c e t , ce faux délateur de fon
maître , chatte par lu i, &: indécemment accueilli par elle
ne prouve que les machinations de l’une & la lâche perfi
die de l’autre. L a bienféance,
l’honnêteté, la confiance
néceffaire des maîtres pour ceux, qui les fe r v e n t, le repos
des fam ^ les, la fureté du Magiltrat com m e celle du fimple
C it o y e n , dans l’azyle facré qu’ils habitent, tout crie v e n
geance contre cette correfpondance fcandaleufe , 6c la
d évo u e à la haine publiqus.
M adam e d’Abbadie ne prouve pas que fon mari ait été
en démence en 1785’ , & la preuve qu’il n’y étoit p a s , ce
font les deux certificats
des fieurs D e j e a n , de M onta-
b o u r g , D a r c e t , Philip ôc M athey* M é d e c in s ,
les j & i ç
donnés
Juillet 1785;,- après plufieurs vifites ; ce font
les deux certificats du fieur P h ilip , des 14 mai &
juillet 1 7 8 ; ; ce font les démarches continuelles
le Préfident d’Abbadie a faites
des Magiftrats du C o n f e i l ,
en
14
que M .
1 7 8 5 , tantôt auprès
pour folliciter la caifation
des
�27
arrêts du Parlement de Pau; tantôt auprès du fîeur L ie u te .
nant C i v i l , pour faire co m m encer la procédure que le C o n feil lui avoit r e n v o y é e , en calTant tout ce qui avoit été fait
à Pau ; tantôt auprès de fes Confeils pour régler avec eux
la marche de cette- procédure.
A joutons à toutes ces preuves de l'état de raifon de
M . le Président d A b b a d ie dans les années antérieures 'à
cette conteftation, le fuffrage de fa mère & de fon oncle
qui jufqu a leur décès arrivé vers la fin de l’année 1 7 8 4 ,
ont perfévéré dans la confiance qu'ils lui avoient a cco rd é e,
en le chargeant de l’exécution de leurs teftamens , 6c le
tém oignage de vingt-fix parens & amis q u i , au mois de
feptembre
178)*, ont rendu juftice dans leur a v i s , à fa
fageife & à fa bonne adminiftration. C e t avis eft plus jufte &
plus légal que celui donné à Pau le 2 mars 1 7 8 ^ , par
trois amis de Madame d’A b b a d ie , ôc par cinq parens &
alliés éloignés de fon mari , dont deux font en contradic
tion avec e u x -m ê m e s , & dont un demande pardon à M . le
Préfient d’ Abbadie de la foiblefie qu’il a eue de fe laiiTer
fé d u ire ,& d e
voter fon interdiction contre le cri de fa
confcience. Il eft plus jufte & plus légal que celui donné
au Cliâteletpar des parens , des alliés 8c des amis de M adame
d ’Abbadie , que leur qualité rendoit fu fp e & s , que les O r
donnances du fieur L ie u ten an t-C ivil ne permettoient pas
d’appeller, & plus digne de foi que la déclaration du C o
cher D o u c e t , q u i a eu l’audace d’ aller figurer avec deux
autres va lets, dont un aux gages de M adam e d’A b b a d ie
dans
raiTemblée des foi - difans parens
&
amis de fon
maître.
L e défenfeur de M adame d’A bbadie invoque fans ceiïe
D ij
�a8
ïa rrê td u Parlement d e P a u , du 3 mars 1 7 8 ? , qui prononce:
rinterdiûion
provifoire de M . le Préiident d A b b a d ie ,,
com m e un témoignage de fa demence.
Si je dis que cet arrêt a été c a f l é , il s’efforce
de le
juftifier, & il dit qu’il l’a rétabli.
Si je dis que le Parlement de Pau n’a jamais interdit
par p ro v ifio n ,. fur un iimple avis de parens , un hom m e
accufé de démence , il dit que la Jurifprudenca de cette
C o u r eft d’interdire ainfi pour caufe de dém ence , & il cite
dix-fept arrêts qui ont interdit par provifion des pères de
famille accufés non de d ém en ce, mais de p rod igalité, dont
les. diiTipations devoient Être nécefTairement établies par
des a £ t e s d o n t la ruinei auroit pu être confom m ée dans
vingt-quatre h e u re s , & dont l’interdi&ion provifoire n’a
pas été par conféquent prononcée com m e celle de M . le
Préfident d’A b b a d ie , fans connoiifance de c a u fe , & fans
une nécefïlté apparente.
Si je dis qu’un Bédeau de l’Univerfité de P a u , nommé
C a ta ly,, accufé de démence en 1 7 8 j , a échappé à Tinterdittion provifoire, malgré l’avis de fes parens, qui porte v
que fon état d’infirmité ne lui permet pas d’adminiftrer
fes b ien s, & que l ’adminiflration doit en être déférée au
fieur Cataly C u r é , il répond que Cataly n’avoit aucuns,
b ie n s , & que fa famille ne. s’o ccu poit que des moyens,
de pourvoir à fa fubfiftance.
Si je dis que les M édécins qui ont vifité C a ta ly en
exécution d’un arrêt du Parlement, de P a u , ont rapporté,
» qu’il étoit dans un état d’afïaiffement qui prodtiifoit une. '
» diminution & une difficulté de jugement qui le rendoit
» impropre à foutenir fes- id ées, » il perfifte à dire qu’il
�29
ne s’agiiToit point de l’état moral de C a ta ly , & qu’il s’agiffoit'uniquem ent de lui donner du pain.
A u refte, la procédure relative à ce Bedeau d e l’ Univerfité
eft fous les yeu x de M . l ’A vocat-G énéral. C e Magiilrat verra
ii j’ai bien ou mal lu, & aura la bonté de le dire.
Je me fuis plaint contre M adam e d’A b b a d ie de Tinterdi&ion provifoire de Ton mari ; c’étoit le droit ôc le devoir
de mon rriiniftère : maïs en parlant de l’arrêt du Parlement
de Pau , qui l a p r o n o n c é e , je n’ai pointbleiTd le refpeft du
à cette C o u r , com m e on a voulu le faire entendre. J ’ai
l’honneur d’être connu des anciens Magiftrats du Parlement
de Pau , fous les yeux defquels j’ai c o m m e n c é , il y a
vingt-quatre ans , l’exercice de ma profeflion. Ils fçavent
fi je leur fus dévoué ôc fidèle , & je crois leur prouver que
je le fuis encore , en défendant un de leurs chefs , celui
qui dans des temps orageux fe montra à leur tête , &
fçut faire a ve c eux le facrifice de fon état ôc de fa libertéN o u s voici arrivés à l’année 17 8 6 , fans que nous ayons
trouvé dans le cours des années antérieures des preuves de
la prétendue dém ence de M . le Préfident d’Abbadie. N o u s
y avons trouvé , au contraire, des preuves multipliées de
fon état deraifon. L es cinq premiers mois de l’année 1 7 8 6 ,
eoniacrés à l’examen de fa perfonne , von t fournir le co m
plément de ces preuves 3 £c mettre le dernier fceau à fon
état.
C e tte procédure a été affez longue pour fixer l’état habi
tuel de M . le Préfident d’A b b a d ie , & affez rigoureufe pour
qu’aucun fymptôme de fon état n’ait échappé aux regards
,de la Juftice.
Madame 4’Abbadie a fait diverfes defcriptions de l’état
�de fon mari : vo ici com m ent elle s’exprimoit nu Parlement
de P a u , dans fa R e q u ê te du i8 février 1 7 8 ; , qui eft la
R e q u ê te introduclive de linftance.
3) L a maladie de' M . le Préfident d’Abbadie , difoit-elle ,
» conlifte dans uns privation totale des facultés intellec» tuelles , qui. femble être atïujettie à un cours périodique
» pendant des accès qui durent huit à dix jours : . . . à ces
» accès fuccede une efpèce de cslm e a p p arent, qui fubfifte
» à-peu-près pendant le même tem ps,& dans.ce calme même
» l’efprit ne reprend qu’imparfaitement une efpèce d’ailiette
» qui ne lui b iffe que la faculté de réunir quelques idées.
» L a vie de. M . le Prélident d’Abbadie eft partagée,
» ajou toit-o n , entre celle d’un homme en dém ence, & celle
» d’ un hom m e qui conferve à peine les lumières de l’en» fan ce ».
C e langage étoit bon à Pau , où
vouloit faire interdire
Madame d’Abbadie
fon mari a b f e n t, fans inftruûion
préalable, fans connoiiiance de caufe.
Mais à P a r is , depuis que la procédure du C hâtelet a
fixé le véritable état de M . le Préfident d’Abbadie , il
n’étoit plus poiTible de divifer fa vie en deux révolutions
de huit à dix jours chacune , dont l’une le plonge dans
les ténèbres de la f o l i e , & dont l’autre lui rend à peine
les lumières de l’enfance. O n a imaginé un nouveau fyftême , auquel on a cru pouvoir donner un peu plus de
v.raifemblance : on a plaidé que tous les i£ , 18 & 20
jo u rs , M . le Préfident d’Abbadie eft fujet à des accès de
folie qui durent 4 , 8 , 10 & 12 jours.
J e n’ai befoin., pour renverfer ce fyflême , que de fuivre
rapidement l’ordre chronologique des aôes qui compofent
�J'
t
$
la procédure du C h â te ie t; je démontrerai, par ce m o y e n /
r°. que M . le Préfident d’Abbadie n’eft point malade tous
les i y , iS & 20 jo u rs ; a 0. qu’il n’eit point malade pen
dant 4 , 3 , i o &
i2 jours'; 3°. que fa maladie n’eft point
là démence.
Pour mettre plus de clarté dans l’ôr'dre chronologique
de cette p ro c é d u re , je la diviferai en deux époques; l’une
depuis le 29 D é ce m b re 178J , jour du premier interroga
to ire , jufques ali 3 Mars 1786 , jour de la première viiite des
M édecins ; l ’autre depuis le 3 Mars jufqu’au 18 M a i , jour
du dernier interrogatoire.
L e 29 D é ce m b re 17%$', premier interrogatoire o ù M . le Première époque.
Préfident d’ A bbadie développe la raifon la plus faine ôc
la plus entière.
( L e f Janvier 1 7 8 5 , deuxième interrogatoire exem pt
de critique , quoique , d’après une R e q u ê te de M adam e
d’A bbadie du 2 du même m o i s , fon mari dut être le j
dans un accès de folie.
L e s i? 6c / 2 du m ême m o i s , M . le Préfident d’A b b a d ie
comparoît en l ’hôtel du M a g i ü r a t , & demande à être
interrogé.
O
Il eft interrogé l e 13 pour la troifième fois;, & répond
avec la plus grande jufteiTe.
L e 1 7 , jour défigné com m e un jour de dém ence , il
donne dans un quatrième interrogatoire des preuves fen*
fibles de fa raifon.
L e 2 1 , jour indiqué par le M a g iftra t, cinquième- inter~
rogatoire auiïi fain que les précédens.
2 S > fixième interrogatoire également b o n , dans
�32
lequel le fieur Lieutenant - C iv il fait contracter a M . le
Préfident d’Abbadie l’engagem ent de comparoure le i
.
Février fu iv a n t, pour être entendu.
D u 2 y Janvier au premier F é v r i e r , il y a un intervalle
de fix jours; mais nous avons la preuve la plus, convain
cante que cet intervalle n’a pas été marqué par un accès
de folie : c’eft l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , qui
dans fa note 2 , fur le rapport des M éd ecins , dit que M . l e
Préfident d’Abbadie avoit eu un accès dans les premiers
jours du mois de F évrier. E lle reconnoît donc qu’il n’a pas
eu d’accès dans les iix derniers jours du mois de J an vier;
car elle convient que les accès font divifés entr’eux par
des intervalles de i j , 18 ôc 20 jours. V o ilà le mois de
Janvier révolu fans accès, d’après l’aveu même de Madame
d’Abbadie. N ou s n’avons donc befoin que de prouver qu’il
n’y apaseu d’accès dans les premiers jours du mois d eF év rierj
& cette preuve eft confignée dans la procédure.
L e premier F év rie r , feptième interrogatoire, où l’éner
gie du fentiment fe joint à la lumière de la raifon.
L es 3 ôc 4 du même m o i s , M . le Préfident d’Abbadie
comparoît fie demande à être interrogé.
L e 6 il eft interrogé pour la huitième fo is , & répond
avec jufteiTe.
L e 8 , il comparoît de n o u v e a u , ôc demande à être
interrogé.
L e 9 , il fubit le neuvième interrogatoire, qui n’a eifuyé
aucune critique.
L e s 14 & 18 il co m p a ro ît, ôc demande à être interrogé.
Le
�33
L e 2 0 , le (leur L ieu tenan t-C ivil ordonne la vifite de«
M édecins.
Arrêtons - nous un inftant.
Du
2p D écem bre 1 7 8 j au 18 F évrier
1786 inclufi-
v e m e n t , il y a un intervalle de cinquante - deux jours
marqués par des a£tes perfonnels à M . le Préfident d’A b b a d ie , ôc fi voifins les uns des au tres, qu’ils ne laiflent
point de place à un accès de folie de 12 , 1 0 , 8 , 6 , ni
m êm e quatre jours. ( 1) Il eft donc faux que Al. le Préfident
d’A bbadie foit fujet à des accès tous les 15-, 18 & 20
jo u r s , & que ces accès durent 6 y 8 , 10 & 12 jours.
Continuons.
L ’O rdonnance du 20 F é v r i e r , qui a fufpendu le cours
des interrogatoires pour faire place aux vifites des M é J e - ,
c i n s , n’a été fignifiée que le 2 Mars fu iv a n t, à la requête
de M . le Préfident d’A b bad ie, qui attendoic que M adam e
fon époufe la fie fignifier Ôc exécuter ; ce qu’elle n’a pas
ju gé à propos de faire. E lle trouve par ce moyen un vuide
de dix jours ; fa v o ir , depuis le 20 F évrier jufques au 2
Mars , ôc com m e
elle
a befoin de tirer parti de to u t ,
elle p la c e , après-coup, dans ce vuide un accès de folie.
(1 ) I l n’y a d a n sc e t efpace de yz jourj , qu’ un feul intervalle où Madame
d ’ Abbadie puifle placer un a c c è s , qui eit l'intervalle du *9 Décembre au
y Janvier ; ( car elle convient qu’ il n’y a pas eu d’accès à la fin du mois
de Janvier ) ; mais outre que les interrogatoires fubis dans ces deux jours
excluent l’ idée d’ un accès de folie intermédiaire, dont Madame d’Abbadie
n’a , ni ne peut avoir aucune preuve , la persévérance de l'état d« raifon
dans ce court interva'le eit d’ ailleurs certifiée par le Chirurgien de V i t r y ,
qui vo yo it tous les jours M. le Préfident d’ Abbadie.
E
�34
Mais fi elle avoit cru furprendre fon mari en démence
dans les derniers jours du mois de F é v r i e r , eUe nauroit
pas manqué de le faire vifiter par les M é d e c in s , en exé
cution de l’O rd onnance du 20 du môme mois. D ’ ailleurs,
le fieur Philip attefte , dans le rapport, qu’il a vifité jour
nellement M . le Prëfident d’Abbadie depuis la première
quinzaine du mois de F évrier jufques au 3 M a r s , jour où
v les vifites juridiques ont c o m m e n c é , & qu’il l’a toujours
trouvé jouiflant de fa raifon.
M.
le Préfident d’Abbadie n’a donc pas eu d’accès dans
les derniers jours du mois de 1* évrier 1786.
N o u s avons parcouru la première époque , qui comprend
l’intervalle du 29 D écem b re »785 au 3 Mars 1 7 8 6 , c’eftà-dire foixante - quatre
jours ,
fans
que
nous
ayons
trouvé un feul accès de folie ; parcourons maintenant la
fécondé é p o q u e , qui eit du 3 Mars au 18 M ai.
L e s vifites des M édecins commencent le 3 Mars : ils
Deuxième
époque.
vo y en t M . le Préfident d’Abbadie pendant foixante-huit
jours confécutifs; l’un tous les jo u r s , l’autre tous les deux
jours. L eu r rapport conftate qu’il n’y a qu’un jour dans
le mois de M a r s , qui efl le ip , & deux jours dans le mois
d’A v r i l , qui font le 10 & le 11 , où ils ne l’ayent point
trouvé chez lui ( parce qu’il étoit forti ) ; mais il a été
vu le 11 Avril par le fieur L ie u te n a n t-C iv il, enforte qu’il
n y a qu’un feul jour dans le mois de M a r s , & un feul
jour dans le mois d’A v r i l , où M . le Préfident d’Abbadie
n’ait pas été fous les yeux de la Juftice.
D epuis le
3 Mars jufques au
î7
in clu fivem e n t, les
�M éd ecins le trouvent toujours en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
L e 18 , il a un accès de fièvre ; maïs fes p a roles, dit
le fieur Philip , étoient d’un jugem ent fain , & n’annonçoient aucune efpèce de lézion dans les opérations de *
la m e .
L e ip , il va fe promener à Clamart-fous-Meudon.
L e 2 0 , il eft vifité fu c c e lliv e m e n t, dans la matinée ;
par les deux M édecins , qui s’accordent à dire qu’il étoit
a g i t é , mais qu’il ne déraifonnoit pas.
L e 21 , les deux M édecins le trouvent dans l’état de
r a ifo n , qui e f t , fuivant leur ra p p ort, fon état habituel.
L es 2 2 , 23 , 2 4 ,
& jours fu iv a n s , jufques au p A v ril
in clu fivem en t, ils le trouvent en bon é t a t , fuivant leur
rapport.
Le
11 A vril il comparoît en l’hôtel du M a g iftr a t, &
confère avec lui d’une manière raifonnable. C e fait eft
conftaté par le procès-verbal du 12 , qui fait mention de
la comparution du 11 .
L e 1 2 , il fait un dire lon g & raifonné en l’hôtel du
fieur L ieu tenan t-C ivil.
L e 1.3 , il fubit dans fa maifon l’onzièm e interrogatoire,
où fes réponfes marquent de l'agitation , ôf non pas la
dém ence. O n y trouve feulement deux ou trois idées dont
il reconnoît lu i-m êm e à l’inftant le peu de ju ftefle, tant
il eft vrai que la raifon dominoit toujours en lui au milieu
de cette agitation paiTagère, ainfi qu’il eft conftaté par le
rapport des M édecins , qui déclarent d’ailleurs que le même
jour 13 A v r i l , vers m in u it, il a répondu jufte aux diverfes
E
ij
�56
queftions qu’ils lui ont faites r & qu ils lui en ont fait aflez
pour s’afifurer que fa fituation étoit changée en bien.
Il étoit encore mieux le 14 A v r i l , fuivanc leur rapport.
D epuis le
14 A v ril jufques au p M a i , jour de leur
• dernière vilite , c’e f t - à - d i r e pendant vingt-fix jo u rs , les
M éd ecin s continuent de vifiter aiTidumetit M . le Préfident
d’A b b a d ie , le trouvent toujours dans un calme parfait,
dans la plénitude du bon fe n s , & le laiifent en cet é ta t;
c e qui fe trouve confirmé par cinq interrogatoires qu il
a
fubis, & par fix dires qu’il a faits perfonnellement en l’hôtel
du fieur L ie u te n a n t- C iv il, depuis le 14 A vril jufques au
18 M a i, jour du dernier interrogatoire.
Dans la fécondé époque , qui s’étend du 5- Mars au 18
M a i , ôc qui comprend foixante-dix-fept l'ours, nous trou
vons deux révolutions dans la fanté de M . le Préfident
d’Abbadie.
Suivant Je r a p p o rt, ces révolutions n’ont été que de
trois jours chacune.
Suivant le ra p p o rt, M . le Préfident d’Abbadie n’a point
déraifonné dans la première.
Suivant le rapport, ôc d’après le dire du 12 A vril , &
l’interrogatoire du 13 , la raifon de M . le Piéfident d’A bbadîe ne s’eft point éclipfée dans la fécondé , & n’a eifuyé
qu’une agitation p a iïa g ère, au milieu de laquelle elle a
toujours dominé : c’eft l’expreflion du rapport ; c’eft le
réfultat du procès-verbal d’audition.
Réfumons.
D epuis le 2p D écem bre
17 8 5 ,
c ’eft-à-dire dans
1 7 8 ; jufques
l’efpace
de
cent
au
18 M a i
quarante-un
jours que M . le Préfident d’Abbadie a paifés fous les yeux
de la J u f lic e , on n e n trouve que deux ou trois couverts
�37
d’ un léger nuâgc qui n’a point fait éclipfer fa raifon.
P e r m e tte z , M e ille u rs , que je remette fous vos yeux le
dire que M . le Préfident .d’A bbadie a fait en l’hôtel du
fieui; L ie u te n a n t-C iv il le 12 A v r i l , qui étoit un jour d’agi
tation. V o u s allez voir qu’un jour d’agitation n’eft point
pour M . le Préfident d’A b bad ie un jour de démence.
« L eq u el nous a dit qu’en rentrant hier ch ez l u i , fur
» les onze heures du f o i r , il a appris que nous avions pris
» la peine de venir le voir ; qu’il lui a été remis un billet
» que nous lui avions é c r i t , par lequel nous lui marquions
» de vouloir bien fe rendre en notre hôtel dans la fo ir é e ,
» ou aujourd’hui dans i après-midi.; que cédant à l’empref» fement de fe rendre à notre invitation., il s’eft tranfporté
» hier au foir çn notre hôtel entre onze.heures & m in u it,
» pour nous demander a£te de fa comparution ; que n’ayant
>3
point notre G r e f f i e r , nous n’avons pu faire mention fur
» notre procès-verbal de fa com parution, & nous l ’avons
» remis à c e jo u rd ’hui ; qu’il camparoît en c o n fé q u e n c e , &
» nous fupplie de lui donner a£le de fa comparution , tant
» du jour d’hier que d’aujourd’hui, & de fes offres de répondre
» aux queftions que nous voudrons lui fa ire, & a figné ».
V o ilà le langage que M . le Préfident d’A bbadie a tenu
le 12 A vril , le jour le plus critique qu’il ait eu dans l’eipace
d’environ çjnq mois. C e n’eft pas là le langage de la dé
mence.
L a procédure du C h â te le t, continuée pendant cinq mois
moins douze jo u r s , prouve i°. que M . le Préfident d’A b badie n’eft point malade tous les
ij,
18 &
20 jo u rs ;
2 0. qu’il n’eft point malade pendant 5 , 6 , 8 , 10 & 12
jours ; 30. q ue çz maladie n’eft point la démence.
�M. le Préfident
eft un état de
38
d’A b bad ie p rou ve que
fon
état habituel
raifon faine & en tiere, & que fon état
accidentel & paffager n’efl pas
un
état
de
folie.
Par quel m o tif ie r o it il donc interdit ?
L a dame de Saintot n’a pas été interdite, par l’arrêt
12
F é v rie r
du
1 6 4 8 , quoiqu’elle fût fujette à des accès de
m é la n c o lie , qui affoiblifloient de temps en temps fa mémoire
& fa raifon: & pourquoi ?
Parce
ment dans un état de ra ifo n , &
qu’elle étoit habituelle
qu’elle n’avoit pas
mal
adminiftré.
L e C o m te de Sauveterre avoit été interdit au C h â te let
en 1 7 8 2 , & M e Babille avoit été nommé d’office confeil
de fa curatelle. L a C o u r a infirmé la fentence d’interdic
tion
en lui confervant le même confeil : &
pourquoi ?
parce que le C o m te de Sauveterre n’étoit pas imbecille
quoiqu’il eût l’efprit fo ib le , & qu’il n’avoit pas encore fait
de grandes diflipations.
L e (leur Profit n’a pas été interdit pas l’arrêt du 7 Mars
préfent mois , quoiqu’il eût efluyé plufieurs crifes violentes
marquées les unes par la d é m e n c e , les autres par la fureur :
& pourquoi ? parce qu’il étoit habituellement dans un état
de raifon , & qu’il n’avoit pas mal adminiftré.
C es arrêts font conformes à la difpofition de la L o i ,
qui ne donne des curateurs qu’à ceux que leur état habituel
rend abfolument incapables de bien adminiftrer par euxmêmes. M.-'ntz captis....& qui perpetuo morbo lalorant, quia
rebus fu is fuperejje non poffunt, curatores dandi funt.
M . le Prélidcnt d’Abbadie eft en état de li e n adminiftrer
par lui-même. Sa capacité eft démontrée par la preuve la plus
co n va in ca n te , qui eft l ’expérience. D epuis 1 7 8 1 , époque
�!v
.
.
39
depuis laquelle fon époufe fe plaît à dire qu’il eft incapable
de toute adminiftration, il a fait chaque année des épargnes
!
qui ont fe rv ià augmenter íes biens ; il a em ployé en 1784,,
30000 liv. d’épargnes à acquitter d’autant les legs portés
par le teftanient de fa mere. L es a&es d’acquifition & les
quittances des legs font joints à la procédure qui conftate
I9 fituation de fon êfprit ; il fait v o ir en m êm e temps qu’M
eft dans l’habitude de raifonner, & dans l’habitude de bien
adminiftrer.
M adame d’Abbadie op p ofe deux arrêts d’interdi£tion
rendus l’ un contre M . le Préfident de P a n n e s , l’autre contre
la dame de la Garde.
L a C o u r fait par quels motifs elle s’eft principalement
déterminée à prononcer ces deux interdi&ions. E lle fait
aufii que de pareils motifs ne fe rencontrent point dans cette
caufe.
D ’a illeu rs, M . le Préfident de Pannes étoit en démence
pendant des mois entiers j des crifes auilï longues pouvoient
donner de grandes alarmes fur fon com pte; & le défenfeurde
M adam e d’Abbadie foutenoit que la dame de la Garde étoit
conftamment infenfée , fi non dans fes difcours
du moins
dans fes attio n s, c e qu’il ne peut pas dire de M . le P r é
fident d’A b bad ie, fans fe jouer de la notoriété publique.
Madame d A b b a d i e , accablée de la raifon de fon m ari,
qui s’eft foutenue fi longtemps dans fes interrogatoires,
voudroit faire entendre que
ce
de fa fagefíe, & invoque à l’appui de ce
'
preuves
paradoxe, ce que
ne font pas là des
M . d’Aguefteau dit dans la caufe du teftament.de M . l’A b b é
d Orldans.
Mais pour faire fentir la mauvaife application qu’elle
l
�4-0
fait de l’autorité de M . d’A g u e ife a u , il me fuffit d*obferver
que ce Magiftrat avoit déjà rendu com pte d une infinité de
faits qui
ca ra & e rifo ie n t
la dém ence com pletteôc continuelle
de M . l ’A b b é d’O r lé a n s , & dont la preuve étoit acquife par
l’enquête de M . le Prince de C o n t i , lorfqu’il s’eft exprimé
en ces termes :
« Suppofons qu’avec une enquête p a re ille , l’on vienne
v vous demander la confirmation d’une fentence d’interdic» tion : croira-t-on que l’on pût y trouver la matière d’une
» difficulté férieufe & véritable ? Q uand même les interroga» toires que l’on feroit fubir en ce cas à M . l’A b b é d’Orléans
» feroient fages & pleins d’une raifon apparente, pour» roient-îls jamais effacer
cette multitude prodigieufe
de
» f û t s , qui forment une image fi v iv e du cara&ere d e fo n
» efprit- ».
V o k - o n dans cette ca u fe ,
com m e dans celle de M .
l’ Abbé d’O rlé a n s , une multitude prodigieufe de faits de
dém ence ? A -t-o n feulement la preuve d’tin feul fait grave
qui annonce quelque danger imminent pour la perfonne
ou pour la fortune de M . le Préfident d’A bbad ie? O n n’a
que des témoins d’oui-dire des deux faits principaux, ou
plutôt de l’intention qu’on dit que M . le Préfident d’A b
badie a eue , d’atteler à fa voiture des chevres qu’il n’y a
point a tte lé e s , & d’enfeigner à des oyes l’alphabet
qu’il
n’a jamais prononcé devant elles , & /enquête qui
ren
ferme ces abfurditésa été annullée. Q u e lle différence entre
la caufe de M . l’A b bé d’Orléans & celle de M . le Préfident
d’A b b a d ie ! Dans la prem iere, c’étoit une multitude p ro
digieufe de faits de dém ence qui n’étoient contrebalancés
par aucun interrogatoire : dans la f é c o n d é , c’eft une m ul
titude
�41
titude d’interrogatoires pleins de raifon qui ne font contre
balancés par aucuns faits
qui cara&erifent un état
de
démence.
V o u le z-v o u s iavoir ce que penfoit de la preuve réfultante des interrogatoires,
l’illuflre Magiflrat dont vous
invoquez le fuffrage ? E c o u te z ce qu’il dit à ce fujet dans
la m ême caiife.
« Diftinguons deux efpèces d attes très-différens.
» L e s adtes de la premiere efpèce font tellem ent per» fo n n e ls , fi attachés , fi inhérens à la volon té de celui
» qui les p a if e , ils portent; un cara&ere fi évident de fon
» a & io n , de fon efprit, de fon ju gem ent, qu’ils ne peuvent
» prefque jamais être confidérés com m e l’ouvrage d’une
» main étrangère.
» T e ls font les interrogatoires de ceux qiù font accufés
» d’un c r im e , ou foupçonnés de d é m e n c e , & qui paroiifent
» en la préfence de leur J u g e , dénués de tout fe co u rs,
» fe u ls , fans autre appui que celui de leur in n ocen ce, ou
» de leur fageiTe, dans la main de leur propre confeil ,
» com m e parle TEcriture ».
J u g e z , d’après c e l a , ce qu’auroit dit M . d’AgueiTeau à
la vue de cette multitude d’interrogatoires & de dires perfonnels de AI. le Préfident d’A b b a d ie , foutenus par un rap
port de M é d e c in s , & par divers a£tes qui marquent une
bonne adminiftration , & une fage économ ie. Jugez ce que
dira le Magiftrat qui o ccu p e fa p lace, & qui y fait revivre
ion éloquence & fon zele.
A i-je befoin de combattre la demande fubfriiaire de
M adam e d’A b b a d ie , tendante à ce que fon mari foit inter
rogé de nouveau , pendant deux m o i s , de deux jours l’un?
C e tte demande inouie eft une vraie dérifion à juftice.
F,
�42
Q u o i ! n e u f interrogatoires fubis dans l’efpace de fix
femaines, depuis le 29 D é c e m b r e 1 7 8 y jufqu’au 9 F év rier
1 7 8 6 j deux interrogatoires fubis dans la premiere quinzaine
du mois d’a v r i l, cinq interrogatoires fubis & fix dires perfonnels faits depuis le ip avril jufques au 18 M ai , une
foule d’a&es de comparution & de dires p e r fo n n e ls , mêlés
pendant près de cinq mois à tous ces interrogatoires, &
des vifites de M é d e c in s , continuées fans interruption pen
dant foixante-huit jours confécutifs , tant d’a&es qui e x
cèdent fi prodigieufem ent la mefure de l’inftru&ion ordi
naire , ne fuififent pas à M adam e d’A bbadie ! Jufqu a quand
abufera-t-elle donc de la patience de fon m a ri, & quel fera
le terme de cette perfécution ?
E lle veu t que M . le Préfident d’A bbadie fubiffe encore
trente interrogatoires de deux jours l’u n , dans l’efpace de
deux mois ; mais elle avoit formé la même demande au
C hâtelet par fa R e q u ê te du 12 Septem bre 1 7 8 ; , & elle a
acquiefcé à l’Ordonnance qui l’a rejettée, puifqu’elle a requis
elle-même l’exécution de cette ordonnance par fes requêtes
des 2 &
17 Janvier 1786. C ’eft donc ch ofe jugée ave c
elle que fon mari ne doit pas fubir une pareille épreuve.
D ’ailleurs, M . le Préfident d’A bbadie n’a-t-il pas été
interrogé par le fieur Lieutenant C iv il dans des jours q u e lle
a choifts elle-même com m e des jours de folie ? N ’a-t-il pas
été vifité & entendu par deux M édecins pendant plus de
deux mois? N ’eft-il pas entendu plufieurs fois par femaine
depuis quatre mois qu’il a l’honneur de v o ir les M agiftrats,
& de folliciter leur juftice? Chaque conférence qu’il a a v e c
eux ne vaut-elle pas un interrogatoire ? Q u e l eft donc le
but de M adame la Préfidente d’A b b a d ie , & que cherche-
�43
t-elle après un com bat de deux ans foutenu devant quatre
T rib u n a u x , fi ce n’eft à juftifier fes pourfuites par leur
excès m ê m e , & à faire naître tôt ou tard, s’il eft p oflib le,
dans l’organifation fenfible de fon m a r i, une révolution qui
lui ferve d’e x c u fe , & qui allure le fuccès de fon a&ion.
L e iieur Profit, dont l ’efprit étoit agité par intervalles,
& dont l’adminiftration n’étoit pas aufii fage que ce lle d e
M . le Préfident d’A b b a d ie , n’avoit été interrogé qu’une
feule fois au C h â t e l e t , & ne l’a pas été en la C o u r. L a
dame Profit, prefque auiïi acharnée que M adam e d’A b b a d i e ,
à la pourfuite de l’interdiftion de fon m a r i , a demandé
fubfidiairement fur le barreau , qu’il fût furfis pendant fix
mois au Jugem ent de fon a p p e l , pendant lequel temps
fon mari feroit interrogé par un CommiiTaire de la C o u r ;
mais fa demande a été rejettée. M adam e d’A bbadie a-t-elle
donc pu croire que la fienne feroit a cc u e illie , & que la
C o u r , inftruite de l’état de M . le Préfident d’A b b a d ie , par
une longue p rocéd u re, ôc par l’infpeûion journalière de
fa p erfonne, laffujettiroit à de nouvelles é p r e u v e s , qui
dégénereroient en une forte d’inquifition ?
M adam e d’Abbadie propofe un fécond c h e f de demande
fubfidiaire , qui tend à ce qu’elle foit admife à p r o u v e r ,
11®, que le 12 A v ril i~j%6s M . le Préfident d’Abbadie a
paru à fon b a l c o n , un rafoir à la m ain , &
qu’il a fallu
qu’un voifin accourût de fa maïfon pour le défarmer ; 20. que
le m êm e jour ( 12 A v r i l ) M . le Préfident
d ’A bbadie a
fait toutes les folies poifibles à l’H ô t e l- d e - V ille , aux T u i
leries , ôc en l’H ô te l du fieur Lieutenant-Civil ; 30. que
toutes les fois qu’il a eu des a c c è s , il a fallu aller chercher
y n étranger pour le contenir par des menaces.
FÜ
�C es faits imaginés en défefpoir de caufe font faciles a .
écarter.
D ’abord le fait du rafoir demande une explication après
laquelle il doit paroîcre évidemment indifférent ou faux.
Prétendez-vous que M . le Préfident d’Abbadie avoit un
rafoir à la main le 1 2 A vril 178 6 , fans aucun mauvais deffein,
fans qu’il ait faic aucun m ouvement tendant au fuicide?
D ans c e cas, le fait eft indifférent^Il n’eft point d’h o m m e ;
parmi ceux qui fçavent fe rafer eux-mêm es, ( & M . le
Préfident d’Abbadie eft de ce nombre ) à qui il n’arrive
quelquefois de fe montrer à une fenêtre ou à un balcon ,
un rafoir à la main ; & la preuve d’un fait indifférent ne
doit pas être ordonnée ; frujlra enini admittitur ad probandum quod probatum non relevât.
Prétendez-vous que M . le Préfident d'Abbadie avoit le
12 A vril un rafoir à la m ain, dans le deffein de fe couper
la g o r g e , ou de fe m utiler, deffein qui n’a pu être décou
vert que par quelque m ouvem ent de fa p a r t , tendant au
fuicide ? dans ce cas, le fait eft déjà démontré faux de trois
manières; i°. par l’événem ent; 20. par le rapport de M éd e
cins ; 30. par votre aveu formel.
i°.
C e faic eft démontré faux par l’événement ; en
e f f e t , fi M . le Préfident d’Abbadie avoit eu un rafoir à
la main , &
s’il
avoit voulu fe couper la g o r g e ,
oh
fe
m utiler, il auroit eu amplement le loifir'de le faire avant
que le voifui eût eu le temps de fortir de fa maifon , de
monter dans celle de M . le Préfident d’A b bad ie, & d’arrivec
à fon balcon. S ’il ne l’a point fa it, c’eft qu’il n’avoit pas plus
la volon té que le m oyen de le faire.
2°, C e fait eft démontré faux par le rapport des M é
�4?
decins; en e f f e t , le rapport conflate que le 12 ôc le 13 avril
1 7 8 6 , M . le
Préiident d’Abbadie étoit Jans la' moindre
apparence- de fureur ni de violence,
5 0* Enfin , ce fait eft démontré faux par l’aveu formel de
Madam e d’Abbadie. C e t aveu eft configné dans fon C o m
mentaire fur le rapport des M é d e c in s , note 4.0, conçue
en ces termes.
»Jamais perfonne n’a dit que M . le Préfident d’A bbadie
» montrât de la fureur & d e là v io le n c e » .
C ’eft dans le mois de Juillet 1 7 8 6 , trois mois après la
journée du 12 avril, que M adam e d’A bbadie rendoit cette
Juitice à fon mari ; elle a donné trois ouvrages imprimés
au C hâtelet dans les mois de Juin &
de Juillet 17 8 5 ;
elle ne parle du fait du rafoir dans aucun ; &
c ’eft au
mois de Mars 17 S 7 , qu’elle imagine de dire pour la p re
mière fois , que fon mari étoit armé d’un rafoir lé 12 avril
I 7 8 5 , ôc agité par la fureur du fuicide ! Q u ’elle tâche donc
de s’accorder fur ce fait avec l’é v é n e m e n t, avec le rapport
des M é d e c in s , & avec elle-même.
L e fécond fait n’eft pas plus admifïible que le premier,
fi l’on peut appeller fait une allégation.vague qui n’a aucun
objet fixe ôc déterminé.
Q u ’eil-ce qu’on
a
voulu d ire , quand on a die que M .
le Préiident d’Abbadie a fait, le 12 avril 1 7 8 5 , toutes
les folies p o ifib le s , & com m ent concilier cette allégation
avec le dire raifonné qu’il a fait le m ême jour en l'H ô t* !
du (leur Lieutenant-Civil ?
L article premier du titre 20 de l’O rdonnance de 1 6 6 7 ,
veut que les faits qui giflent en preuve foient articulés?
�^6
c eft le feul moyen de diftinguer les faits indifférens dont
la preuve doit être refufée
d’avec les faits ielevans dont
la preuve peut être ordonnée. Tout a Us folies poffibles ne
font pas des faits articulés ; il n eft donc pas poifible d’en
ordonner la preuve.
L e troifième fait concernant l ’appel d’un étra n g er, pour
contenir M . le Préfident d’Abbadie par des m e n a c e s , n’eft
ni plus e x a d ni plus admiiTible que les deux autres ; en
effet , quel befoin peut-cn a v o i r , de contenir par des
menaces un h o m m e , q u i , fuivant le rapport des M éd ecin s,
& de l’aveu même de M adame d’A b b a d ie , n’a jamais donné
la moindre marque de fureur ni de vio le n ce ?
L a dame Profit articuloit des faits de fureur de fon mari,
poftérieurs à la Sentence du C hâtelet dont elle étoit appel
lante, C es faits ont été rejettés, & la S entence a été con
firmée. Madame d’A bbadie donne aux faits qu’elle articule,
une date antérieure de plus de trois mois à la Sen ten ce
du Châtelet où elle ne les a pas articulés. C e s faits font la
dernière refTource de la chicane qui
cherche à retarder
le jugement de la caufe la plus fimple & la plus jufte.
D e quoi s’agit-il dans cette caufe ?
S ’agit-il de pourvoir à la confervation de la peçfonne
de M . le Préfident d’A bbadie ?
Mais Madame d’A b b a d ie convient elle-même dans fon
M ém oire imprimé au C h â te le t , page 1 14., qu’elle lui auroit
laiffé l’adminiftration de fa perfonne , s’il avoit voulu lui
lailfer l’adminiftration de fa fortu ne, & l’expérience prouve
depuis plufieurs années , que M . le Préfident d’A b bad ie
fçait adminiftrer & conferver fa perfonne.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des deniers de la
fucceflion
du
fieur de
Borda?
�47
Mais M . le Préfident d'A bbadie offre d’en faire e m p l o i ,
& de les convertir en immeubles.
S ’agit-il de pourvoir à la confervation des immeubles ?
M ais M . le Préfident d’Abadie fe foum et à un C on feil
fans lequel il ne pourra ni les aliéner, ni les e n g a g e r,
& plus de deux millions de fes biens font grévés de fubftitution au profit de fes enfans.
Q u e refte-t-il donc ? le revenu : voilà le feul intérêt
de la caufe : M adame d’A bbadie veu t jouir du revenu de
M . le Préfident d’A bbadie ; & pour fe ménager cette jouiffa n c e , elle brûle du delir de facrifier fon état, fa lib e rté ,
tous fes droits c i v i l s , & de com prom ettre la deilinée de
fes enfans ; c’eft ainfi qu’elle prouve qu’elle eft digne époufe
& tendre mère.
Mais pourquoi M . le Préfident d’Abbadie ne continueroit-il
pas de jouir de fon revenu ?
I l ne l’a jamais diflîpé; il eft au contraire dans l’habitude
de faire des épargnes & des acquisitions ; & s’il le dépenfoit
en e n tie r , il ne feroit que lui donner fa deftination naturelle.
S o p h o cle accufé de d é m e n c e , fous prétexte qu’il négligeoit fes affaires domëftiques pour com pofer des T r a g é d ie s ,
parut devant fes Juges , tenant fon CEdipe à colonne à
la main. E co u te z , leur d it-il, ce D ram e que j’ai co m p ofé
r é c e m m e n t, & jugés fi c ’eft-là l’ouvrage d’un infenfé :
il l u t , & il fut abfous.
M . le Préfident d’A b bad ie, chargé d’une femblable accufa tio n , n’a point de production du génie à offrir pour fa
défenfe. L a nature, en le douant d’un efprit fage & judicieux
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verfa fes plus beaux dons dans fon c œ u r ; mais s’il n’a
pas le talent d’écrire com m e S o p h o c le , il joint à une raifon
faine le mérite de mieux adminiftrer.
V o y e z , dit-il aux M agiftrats, le Procès-verbal de mon
audition : les réponfes que j’ai faites durant le cours d’en
viro n
cinq mois font-elles d’un homm e en démence ?
Voyez
les acquifitions que j’ai faites annuellement de
puis 1781 : un infenfé en auroit-il fait autant?
V o y e z les épargnes que j’avois en main en 1 7 8 4 , & les
quittances de 30,000 livres de legs faits par ma m ère,
que je me fuis empreffé de payer de mes revenus. L ’homme
le plus fage auroit-il pu mieux faire ?
Je parle com m e un hom m e raifonnable, j’agis com m e
un bon père de famille ; je ne fuis ni fou ni diffipateur ;
en quelle qualité ferois-je donc interdit ?
Monjleur
S E G U IE R ,
A vocat Général,
M e B E R G E R A S , A v o c a t.
J
A
u l h i a r d
,
Procureur.
P A R I S , chez K N A P E N , Imprimeur de la Cour des A id e s , au
bas du Pont S. Michel, 1 7 8 7 ,
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Vernet
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_V0102_0001.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. D'Abbadie. 1787]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Seguier
Bergeras
Julhiard
Subject
The topic of the resource
démence
curatelle
traitement par électricité
psychiatrie
divorces
maison de force
successions
conseils de famille
abus de faiblesse
violences sur autrui
certificat médical
témoins
experts
Description
An account of the resource
Réplique pour monsieur d'Abbadie, conseiller-honoraire au Parlement de Paris, président à Mortier au Parlement de Navarre. Contre madame la présidente d'Abbadie, son épouse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Knapen et Fils (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1787
1781-1787
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0106
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_V0105
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/17/53981/BCU_Factums_V0106.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Pau (64445)
Bizanos (château de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
certificat médical
conseils de famille
curatelle
démence
divorces
experts
maison de force
psychiatrie
Successions
témoins
traitement par électricité
violences sur autrui