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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/27/24704/BCU_Les_parcours_de_formation_des_enseignants_debutants_140787313.pdf
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��LES PARCOURS DE FORMATION
DES ENSEIGNANTS DÉBUTANTS
�~
V
Presses Universitaires Blaise Pascal ©
Maison des Science de l 'Homme
4, rue Ledru - 63057 Clerm ont-Ferrand Cedex 1
Tel. 04 733468 09 - Fax 04 733468 12
Publ i .Le ttres@ univ-bpclermonL fr
www.pubp .fr
Diffusion en libra iri e: CiD - en li gne: www .lcdpu .fr
Publié par le PAEDI (Proces us d ' AcLi on des Ense ignants: Détermin ant
el Impact ), laboratoire de l' JUFM d 'Auvergne, C lermonl-Ferrand
IIIu stralion de couverlure :
Alvimann , Puzzle pi eces n06, adaptée par Auréli e B ucheret
ISBN 978-2-845 16-401 -7
ISSN : en cours
Dépôt légal : quatrième trimestre 2009
���RÉSUMÉS .. .................... ......... ........................... .... .... .... ................ ..... .. ................. 13
INTRODUC"f.ION
Roland GOIGOUX, Luc RIA et Marie-Christine TOCZEK-CAPELLE
Mieux connaître les parcours de formation des enseignants débutants
pour mieux les former .. .. .... ........... .... ....... ..... ...... ... .................... .... ....... .. ... ...... ...... 25
Richard WITTORSKI et Sophie BRIQUET-DUHAZE
Dynamique de professionnalisation / développement professionnel
d'enseignants: étude comparative entre les premier et second degrés .... .. .. ....... 45
Olivier MAULINI
Devenir enseignant: invariants et évolution des débuts dans la profession ......... 61
�Sommaire
LES PROFESSEURS DU PRIMAIRE
Denis BUTLEN, Monique CHARLES-PEZARD et Pascale MASSELOT
De l'analyse de pratiques à des scénarios de formation:
accompagnement de professeurs des écoles enseignant les mathématiques,
affectés en première nomination dans des établissements de ZEP ....... ............. 81
Marc DACUZON
De la prescription à la redéfinition de la tâche d'enseignement
(étude longitudinale) ........................................... .. .......................... ..................... 101
Hélène MARQUIÉ-DUBIÉ
Trajectoires de professeurs des écoles:
de l'année de préparation au concours à l'année de « stagiarisation ",
la construction des problématiques professionnelles ........... ... ........... .... ..... ..... ... 121
Nicolas SEM BEL, Franck LÉONARD,
Boris TERUEL et Benjamin CESSON
L'entrée dans la carrière d'une cohorte de professeurs des écoles en Gironde:
la construction de l'identité au travail entre adaptation et autonomie ..... ... .. ... ..... 135
Christophe HOFF
Parcours de formation et autoconstruction professionnelle
des enseignants débutants du premier degré ................. .... ..................... ... .. ...... 149
Laurent LESCOUARCH
Conséquences de la conception de la difficulté scolaire
des enseignants spécialisés débutants «maîtres E "
et de leur approche de la différenciation sur leur développement professionnel ..... . 169
�Sommaire
LES PROFESSEURS DU SECONDAIRE
Marie-Laure ELALOUF
De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire :
Diversités des parcours de PLC2 Lettres et points de résistance .. .. .. ......... ... ..... 189
Brigitte GRUGEON-ALL YS
Développement des pratiques des professeurs débutants
pendant les premières années d'exercice ...... ...... .... .. ................................ .. .. .. ... 205
Christine DOLLO
Quelle est l'incidence d'un dispositif de
«didactique et analyse des pratiques professionnelles »
sur les évolutions du rapport au métier et des pratiques
des prof esseurs stagiaires
..
de sCiences
'
,
.
' 1es ?................... . 225
economlques
et socla
Marilisa BIRELLO, Delphine PLUVINET et Corinne ROYER
Les journaux de réflexion des futurs enseignants de FLE
public en Catalogne .................. .. .. .. .. ................ .. .. ............ . 239
dans l'ensig~mt
Luc RIA et Marie-Estelle ROUVE
Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires
en collèges«Ambition Réussite » : trajectoires, activités et identités ...... .. .. ............ . 255
Thérèse PEREZ-ROUX
Parcours d'enseignants-stagiaires et passage dans le monde
des néo-titulaires: constructions et déconstructions .... .......... ........ ............ .. ...... . 271
Guillaume SERRES
Les trajectoires de formation des enseignants débutants :
un objet de recherche à l'articulation entre recherche et formation .. ...... ............ 285
�Somm aire
Denis LOIZON et les formateurs du groupe EPS
DE L'IUFM DE BOURGOGNE (YVES BIRON, ARNAUD DEMON FAUCON,
CATHY FOUROT, DOMINIQUE, GIVORD-BOUVET, Valérie LOUVRIER,
Philippe PIERON et Martine PUGET)
Le « savoir analyser» sa pratique professionnelle
des enseignants débutants .......... ...... ..... .... ... ... .... ... ...... ... ... ... ......... .. ............ ...... 303
CONCLUSION
Luc RIA
Des pistes prometteuses pour la conception de dispositifs
de formation des enseignants débutants .. ... ..... ..... ... ..... ..... .. .... ...... .. ... ..... .. ..... .... 325
BIBLIOGRAPHIE .................... ................... ... ... .. ......... ..... .. .................................. 33 7
LES AUTEURS ............... .............. ....... ............. ...... .. ... .... .. .. ........... ... ....... .... ....... 371
���Résumés
Roland COICOUX, Luc RIA
et Marie-Christine TOCZEK-CAPELLE
Mieux connaÎtre les parcours de formation des enseignants débutants
pour mieux les former
Pourrait-on améliorer la formation initiale des enseignants si l'on connaissait mieux les caractéristiques du développement professionnel des débutants, les dynamiques de leurs apprentissages et de leurs transformations
identitaires ? Gageant que oui, les auteurs apportent des réponses à cinq
questions : doit-on transmettre ou faire construire des savoirs professionnels ? Comment articuler théorie et pratique? À quelles conditions réussir
l'alternance? Quels sont les régularités et les invariants du déVeloppement
professionnel des enseignants débutants ? Comment repenser les liens
entre chercheurs et formateurs?
Mots clés : Formation des enseignants - Développement professionnel
- Professeurs des écoles - Professeurs des lycées et collèges - IUFM - Didactique professionnelle .
Richard WITTORSKI et Sophie BRIQUET-DUHAZE
Dynamique de professionnalisation/
développement professionnel d'enseignants:
étude comparative entre les premier et second degrés
Comment s'articule le projet de professionnalisation que porte l'institution
Éducation Nationale et les dynamiques de développement professionnel
des enseignants au fil de leur formation et de leur expérience de terrain?
Analysant l'évolution des significations que les individus donnent à leur
propre activité, grâce à des entretiens individuels et des échanges collectifs dans le cadre de la formation , les auteurs explorent dans ce chapitre les
dynamiques de développement professionnel des enseignants des premier
et second degrés. Ils recensent les tendances communes et les différences
entre ces deux ordres d'enseignement.
Mots clés: Professionnalisation des enseignants - Professeurs des écoles
- Professeurs de lycées et collèges - Dynamique de transformation identitaire - Formation initiale.
�Résumés
Olivier MAULINI
Devenir enseignant: invariants et évolution
des débuts dans la profession
Le jeune enseignant passe plus ou moins brutalement « de l'autre côté du
miroir " . Que savons-nous de ce moment initiatique, des épreuves qu'il
implique et de leur évolution? La présentation d'une recherche en cours et
la synthèse des recherches déjà publiées permettent à l'auteur de dégager
dix-huit invariants de la phase d'insertion professionnelle. Trois questions
sont ensuite abordées . 1. Compte tenu de la récurrence des difficultés
exprimées, comment faire la part des améliorations possib les et celle incompressible? - d'un sentiment d'impréparation rituellement déploré?
2. Au-delà de leurs lacunes hypothétiques, que savons-nous de la manière
dont les débutants font tenir et/ou se sortent activement des situations?
3. Sur cette base, que faut-il penser des dispositifs d'« introduction à la profession " : a-t-on intérêt à accompagner un par un les nouveaux arrivants
ou plutôt à soutenir les établissements scolaires qui les accueillent?
Mots clés: Ense ign ement - In se rtion professionnelle - Épreuves - Professionn ali sation - Formation .
Denis BUTLEN, Monique CHARLES-PEZARD
et Pascale MASSELOT
De l'analyse de pratiques à des scénarios de formation:
accompagnement de professeurs des écoles enseignant
les mathématiques, affectés en première nomination
dans des établissements de ZEP
Quatre exemples de parcours de professeurs des écoles débutants enseignant les mathématiques dans des classes de ZEP ayant bénéficié d'un
accompagnement à la prise de fonction sont présentés dans ce chapitre.
L'analyse des pratiques de ces quatre professeurs fait apparaître différents
modes de dépassement de la contradiction « fondamenta le" entre socialisation et apprentissage . Ceux-ci sont déclinés en cinq niveaux correspondant à des étapes d'enrichissement des pratiques observées et traduisant
la manière dont les professeurs s'approprient le discours dispensé en formation initiale.
Mots clés : Professe urs des écol es débutants - ZEP - Math ématiques Accompag nement - Contradiction fond amentale - Niveaux de dépassement.
�Résumés
Marc DAGUZON,
De la prescription à la redéfinition de la tâche d 'enseignement
(étude longitudinale)
Les résultats d'une étude qui vise à mieux comprendre comment les
professeurs des écoles débutants (PE2) apprennent à faire classe durant leur
deuxième année de formation initiale à l'IUFM sont présentés dans ce chapitre .
En s'appuyant sur la notion de tâche redéfinie , l'auteur s'efforce de cerner les
buts que les enseignants débutants se donnent à eux-mêmes pour faire classe .
Sa méthodologie repose sur le suivi d'une cohorte de quinze professeurs
stagiaires qui font état de ce qu'ils comprennent et retiennent des prescriptions
qui leur sont adressées. À partir des enregistrements vidéo de 'Ieur activité
d'enseignement durant leurs stages en responsabilité, les débutants explicitent
aussi ce qu 'ils retiennent des conseils de leurs tuteurs.
Mots clés: Formati on des ense igna nts - Professeurs des écoles - Tâche
redéfini e - Prescriptio n - Apprentissages profess ionne ls.
Hélène MARQUIÉ-DUBIÉ
Trajectoires de professeurs des écoles:
de l'année de préparation au concours à l'année de stagiarisation,
la constructk;m des problématiques professionnelles
Ce chapitre présente les résultats d'une étude portant sur une cohorte de
sujets se destinant au métier de professeur des écoles. Les sujets ont été
suivis durant trois années consécutives et les données recueillies par entretiens semi-directifs . Dans un premier temps ce sont les déterminants du
choix du métier qui ont été recherchés. Dans un second temps les données recueillies ont permis d'analyser quelles répercussions avaient ces
déterminants sur l'investissement de la formation et sur l'activité réelle en
classe. Pour ce dernier volet les entretiens ont été éclairés par des observations vidéo des séances menées et des entretiens d'auto-confrontation . Ont ainsi pu être mis au jour les conflits qui résultent de la mise en
tension de forces issues de différents champs ainsi que les modalités par
lesquelles les sujets peuvent s'en dégager.
Mots clés: Formation des en se ignants - École élémentai re - Analy se de
l'activité - Choix du méti er - Sociali sation .
�Résumés
Nicolas SEMBEL, Franck LÉONARD,
Boris TERUEL et Benjamin GESSON
L'entrée dans la carrière d'une cohorte
de professeurs des écoles en Gironde:
la construction de l'identité au travail entre adaptation et autonomie
L'analyse de l'entrée dans le métier et du rapport à la formation en IUFM de
la vingtaine de professeurs des écoles de notre cohorte (1998-2005) permet
de dégager deux types principaux de débuts de carrière: des enseignants
(une majorité) se situant dans une logique d'adaptation, ayant une conception utilitariste de leur formation et « centrés» sur eux pour se protéger; et
des enseignants dans une logique d'autonomie, distanciés par rapport à leur
formation et « sortant» d'eux-mêmes. Le travail des premiers a moins de
sens, celui des seconds moins de confort.
Mots clés: Professionnalisation - Adaptation - Autonomie - Distanciation Formation .
Christophe HOFF
Parcours de formation et autoconstruction professionnelle
des enseignants débutants du premier degré
Ce chapitre rend compte d'une recherche sur le développement professionnel des professeurs des écoles débutants durant leurs deux premières
années d'enseignement. Privilégiant une démarche compréhensive, nous
avons suivi huit maîtres d'école pendant trois ans, depuis leur prise de
fonction jusqu'à la fin de leur seconde année d'enseignement. En confrontant l'objet d'étude à la théorie tripolaire de l'autoformation, nous avons
essayé de rendre intelligibles les voies par lesquelles la professionnalité
des jeunes enseignants se construit et se consolide progressivement.
Mots clés: Professeur des écoles - Développement professionnel Apprentissage expérientiel - Autoformation - Accompagnement.
Laurent LESCOUARCH
Conséquences de la conception de la difficulté scolaire
des enseignants spécialisés débutants « maÎtres E »
et de leur approche de la différenciation
sur leur développement professionnel
Ce chapitre porte sur le développement professionnel d'une catégorie particulière d'enseignants, les professeurs spécialisés débutants du primaire
�Résumés
appelés usuellement « maîtres E ". L'auteur étudie l'évolution de leurs
compétences professionnelles et de leurs conceptions pédagogiques . Il
explicite leurs différentes conceptions de la difficu lté scolaire et de la différenciation pédagogique en les mettant en relation avec la possibilité d'investissement d'une nouvelle identité professionnelle distincte de celle d'un
enseignant généraliste .
Mots clés: Aides spécialisées - Développement professionne l - Différenci ati on pédagogi qu e - Difficul té sco laire
Marie-Laure ELALOUF
De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire'.
Diversités des parcours de PLC2 Lettres et points de résistance
La formation des enseignants de français se caractérise par un primat de
la littérature sur l'étude de la langue , devant laquelle les jeunes professeurs se disent souvent démunis. Le suivi longitudinal de huit étudiants
de la Licence à l'entrée dans le métier met en évidence les obstacles à la
recomposition de leurs savoirs sur la langue. Les évolutions contrastées ,
observées dans les premières années d'exercice , peuvent s'expliquer par
la possibilité offerte ou non de travailler conjointement plusieurs composantes du métier, notamment cognitive , médiative et institutionnelle.
Mots clés: Ense igneme nt du frança is - Conn aissances grammaticale s Form ati on profession nell e - Débutant.
Brigitte GRUGEON-ALL YS
Développement des pratiques des professeurs débutants
pendant les premières années d'exercice
Ce chapitre est consacré au développement des pratiques des professeurs
débutants de mathématiques pendant leurs premières années d'exercice,
en lien avec divers déterminants dont le système de formation . Après avoir
présenté son cadre théorique , l'auteur expose sa méthodologie en termes
de multi dimensionnalité et de grains d'analyse (microscopique et macroscopique) . Il présente ensuite le système de formation avant d'exposer ses
principaux résultats à partir d'études de cas : régularités dans les pratiques
transitoires en formation , évolutions locales dans les stabilités à l'œuvre et
variabilités. Il termine par la présentation de ses nouvelles perspectives de
recherche .
Mots clés : Pratiqu es des enseig nants débutants - Formation - An alyse
multid imensio nne ll e - Didactiq ue des math ématiq ues - Ergo nom ie.
�Résum és
Christine DOllO
Quelle est l'incidence d 'un dispositif de « didactique et analyse des
pratiques professionnelles" sur les évolutions du rapport au métier et
des pratiques des professeurs stagiaires de sciences économiques et
sociales?
Dans ce chapitre , l'auteur analyse l'impact d'un dispositif de formation sur
l'évolution de la pratique de professeurs stagiaires. La démarche consistant à prendre au sérieux les savoirs savants , à confronter les élèves à des
énigmes et à favoriser les interactions verbales pour progresser sembl e
extrêmement féconde pour leur apprentissage . Pour les professeurs stagiaires, une conviction forte se dégage : l'initiation des élèves à la démarche
scientifique est essentielle , et notamment la distinction entre jugement de
fait et jugement de valeur. L'efficacité de la formation se confirme pendant
l'année lorsque les professeurs stagiaires affirment tenir compte des re marques formulées pour modifier leurs propres pratiques d'enseignement .
Mots cl és : Didactique des sciences écono miques et soc iales - Analyse
des pratiq ues professionne ll es - Démarche scie ntifiq ue - App rentissage
des élèves.
Marilisa BIREllO, Delphine PlUVINET et Corinne ROYER
Les journaux de réflexion des futurs enseignants de FLE
dans l'enseignement public en Catalogne
Le Certificat d'Aptitud pedagàgica (CAP) qui permet d'accéder à l'enseignement public en Catalogne (Espagne) attire des étudiants fraîchement
sorti s de l'université comme des personnes qui enseignent depuis parfois
longtemps dan s le secteur privé . Face à la diversité des personnes inscrite s, la formatrice a proposé la rédaction d'un journal de réflexion dans
lequel ch acun pouvait confronter sa propre expérience , ses croyances, représe ntations et savoirs avec les apports de la formation du CAP. L'analyse
des journaux de réflexion suggère comm ent ce travail d'écriture peut être
à la fois procès et li eu d'apprentissag e et de développement d'une identité
professionnelle.
Mots cl és: Croyances - Représen tatio ns et sa voirs - Journ al de réflexion
- Constructio n d'une identité d 'enseignant de Français Langue Étran gère .
�Résumés
Luc RIA et Marie Estelle ROUVE
Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires
en collèges « Ambition Réussite » : trajectoires, activités et identités
Ce chapitre décrit le développement professionnel des enseignants du second degré en début de carrière à partir de deux volets distincts : a) la
description du flux annuel de l'activité en classe et hors classe d'une néotitulaire en éducation physique et sportive montrant l'évolution de ses préoccupations professionnelles et b) la modélisation des débuts de cours ,
activité pendant laquelle l'identité professionnelle de la majorité des néotitulaires est mise à l'épreuve . Ces corpus de recherche mettent en lumière
la complexité et la dynamique de transformation du travail enseignant en
zone d'éducation prioritaire.
Mots clés: Enseig nants débu tants - Dévelo ppement professionnel - Éd ucation prio ritai re - Évolu tion de la professi onnalité enseig nan te.
Thérèse PEREZ-ROUX
Parcours d 'enseignants-stagiaires et passage dans le monde
des néo-titulaires: constructions et déconstructions
L'étude s'intéresse aux processus de professionnalisation et aux dynamiques identitaires vécues par les enseignants débutants. Au-delà des exigences institutionnelles qui balisent le parcours, les trois cas présentés,
suivis sur deux années (PLC2 et T1) , permettent de comprendre les nombreuses négociations à opérer avec soi-même et avec autrui en fonction
des contextes de travail. À travers les obstacles rencontrés, les ressources
et compétences mobilisées pour trouver une place se jouent au quotidien
des questions de légitimité et de reconnaissance qui (ré)orientent le rapport au métier.
Mots clés: Profess ionnalisation - Identité professionnelle - Insertion - Rapport au méti er.
�Résum és
Guillaume SERRES
Les trajectoires de formation des enseignants débutants:
un objet de recherche à l'articulation entre recherche et formation
Dans ce chapitre l'auteur décrit et analyse les trajectoires typiques des professeurs stagiaires du second degré tout au long de leur deuxième année
de formation en IUFM. Les descriptions mettent en évidence des périodes
de stabilité et d'instabilité, des évènements clefs et des bifurcations ayant
un caractère typique. Les analyses portent sur la façon dont l'activité des
formés se transforme au gré des multiples contextes de formation. Au final
est envisagée la possibilité de s'appuyer sur les descriptions des trajectoires de formation pour prendre la mesure des écarts possibles entre la
formation proposée par les concepteurs et la formation telle qu'el le se réalise du point de vue des formés .
Mots clés : Trajectoi re de formatio n - App rentissage - Analyse longi tu dinale - Ense ignement secondai re.
Denis LOIZON et les formateurs
du groupe EPS de l'IUFM de Bourgogne:
Le cc savoir analyser » sa pratique professionnelle des enseignants
débutants
Savoir analyser sa pratique professionnelle est une compétence qui s'avère
nécessaire pour affronter les évolutions du métier d'enseignant . Cette com pétence est développée en IUFM lors de l'année de professionnalisation.
Mais quelle peut être la structure de cette compétence qui ne s'exprime
qu 'au travers du discours? Comment évolue-t-elle au fil de cette deuxième
année en IUFM ? Voici les deux questions auxquelles l'auteur répond en
prenant comme objet d'analyse les bilans réalisés par des enseignants débutants au début des entretiens lors des visites de formation .
Mots clés: An alyse de pratiqu es - Profess ionn alisati on - IUFM - Tutorat Compéte nces professionn elles.
�Résumés
Luc RIA
Des pistes prometteuses pour la conception
de dispositifs de formation des enseignants débutants
La question de la conception de dispositifs de formation prenant en compte
les résultats de la recherche sur les parcours de formation des enseignants
débutants est apparue en filigrane de l'ensemble des communications et
des débats de ce colloque. Les chercheurs sont-ils en mesure d'offrir des
connaissances sur lesquelles les formateurs d'enseignants peuvent s'appuyer ? Trois pistes sont proposées dans la conclusion de cet ouvrage pour
alimenter le débat sur la formation dont les enjeux sont déterminants du
devenir de l'école française.
Mots-clefs: Parcours de formation - Dispositifs de formation - Apprentissages professionnels - Formateurs
�·J
�CTION
��INTRODUCT ION
AÎTRE l::ES PARCOURS
MIEUX CO
DE FORMATION DES ENSEIGNANTS
DÉBUTANTS POUR MIEUX LES FORMER
Roland GOIGOUX, Luc RIA
et Marie-Christine TOCZEI<-CAPELLE
« S'il était aussi facile de faire que de savoir ce qu'il faut faire,
les chapelles seraient des ég lises et les chaumières des palais. "
Wil li am Shakespeare
(Le marchand de Venise)
.. . et les IUFM des Sorbonn e
DES RECHERCHES SUR LES ENSEIGNANTS EN FORMATION
L'ouvrage Les parcours de formation des enseignants débutants fait
suite au colloque éponyme organisé par le laboratoire PAEDI (Processus d'action des enseignants: déterminants et impacts) à l'IUFM d'Auvergne en décembre 2008 1 . À un moment de profonde mutation du
système éducatif, cet ouvrage vise à mieux faire connaître les publics
auxquels sont adressées les formations professionnelles. Il part d'une
1. Colloque international réalisé en col laboration avec les IUFM d'Aquitaine, d'Aix-Marseille,
d'Amiens, d'Auvergne, de Bretagne, de Créteil, de Lyon, de Montpellier, de Nantes, du Nord
Pas-de-Calais, de Toulouse et de Versailles et les universités de Genève et de Louvain.
�Rol and Goigoux, Luc Ri a et Marie- Christine Toczek-Capelle
interrogation simple: pourrait-on améliorer la formation initiale des enseignants si l'on connaissait mieux les caractéristiques du déve loppement professionnel des débutants, les dynamiques de leurs apprentissages et de leurs transformations identitaires ?
Cet ouvrage prolonge une réflexion collective menée lors d'un premier colloque à l'IUFM de Versailles en mars 2006 2 . Basé sur les descriptions de scénarios de formation, celui-ci avait été l'occasion de
mettre en commun et de confronter des analyses de pratiques de formation. Le colloque de 2008 diffère sensiblement du précédent car il
part de résultats de recherches et non de témoignages de formateurs.
En réponse à un appel à contributions, cinquante-neuf propositions ont
été adressées au comité scientifique 3 qui en a retenu seize, publiées
ici, dont huit ont été présentées oralement à l'ensemble des participants au colloque.
Les seize études présentent des analyses de trajectoires d'apprentis
professeurs: elles décrivent le développement de leurs compétences
professionnelles, la modification de leurs conceptions ou de leurs savoir-faire ainsi que leurs changements identitaires envisagés comme
des transformations des «conceptions de soi au travail» (Dubar, 1994) .
Après notre introduction, l'ouvrage s'ouvre sur deux contributions
traitant de l'ensemble des formations, de la maternelle au lycée: la première, ce lle de Richard Wittorski et Sophie Briquet-Duhazé, propose
une étude comparative entre les premier et second degrés, la seconde,
réalisée par Olivier Maulini , est une synthèse des invariants repérés à
l'entrée dans le métier de professeur. Toutes les autres contributions
sont spécifiques à l'un ou l'autre de ces degrés, c'est pourquoi nous
les avons regroupées en deux ensembles distincts: l'un consacré aux
professeurs de l'enseignement primaire (maternelle et élémentaire),
l'autre à ceux de l'enseignement secondaire (collège et lycée).
2. Actes en ligne à : http://www.versailles.iufm.fr/colloques/scenarios/
3. Conseil scientifique composé de 28 enseignants-cherch eurs: Amigues René, Baques
Marie-Christine, Bernie Jean-Paul, Blanchard Maha, Bucheton Dominique, Butlen Denis, Capelle-Toczek Marle-Christine, Cebe Sylvie, Cope Sylvie, Daunay, Bertrand, Dufays
Jean-Lo uis, Elalouf Marie-Laure, Garcia-Debanc Claudine, Goigoux Roland, Grugeon Brigitte, Hugonie Gérard, Leblanc Serg e, Merini Corinne, Paries Monique, Pezard Monique,
Ria Luc, Robert Aline, Rodittl Eric, Saujat Frédéric, Schneuwly Bernard, Sensevy Gérard,
Terrisse André, Tupin Frédéric.
�Mieux connaître les parcours de formation des enseignants débutants pour mieux les former
Toutes ces contributions ont été présentées à la centaine de chercheurs et de formateurs qui ont participé au colloque. Si les échanges
qu'elles ont suscités lors de quatre ateliers et d'une table ronde n'ont
pas donné lieu à des comptes rendus écrits, ils ont largement contribué
à nourrir notre propre réflexion, exposée ici en commentant cinq débats
qui ont traversé le colloque .
TRANSMETTRE OU CONSTRUIRE
DES SAVOIRS PROFESSIONNELS?
Le premier débat porte sur la manière dont les débutants acquièrent
leurs savoirs professionnels. Ce débat fait écho aux controverses entre
stagiaires et formateurs, par exemple sur l'importance à accorder aux
échanges entre stagiaires et à la mutualisation de leurs expériences.
Carole, une jeune professeur de Lettres dont les propos ont été retranscrits par Marie-Laure Elalouf (chapitre 7 de ce volume) , manifeste
son désaccord: « Ce qui m'a beaucoup gênée à l'IUFM / c'est cette
conception de l'enseignement qu'on met en commun avec autrui toutes
ses difficultés / on essaie de faire émerger des solutions / moi / je me
sens beaucoup plus en confiance si j'ai un maître qui me dit moi je fais
comme ça. »
Cet avis, même s'il n'est pas partagé par tous les néo-titulaires, fait
écho à plusieurs questions que didacticiens, pédagogues et sociologues abordent dans notre ouvrage :
- Les connaissances professionnelles sont-elles véritablement plus
solides si elles sont élaborées au terme d'échanges entre novices plutôt
que transmises par des professeurs expérimentés? Quelle part doit-on
accorder à la construction ou à la transmission de connaissance en formation professionnelle? Et pourquoi le débat sur « ce qui se transmet »
et « ce qui se construit», vif dans le champ de l'enseignement, est-il
absent dans le champ de la formation?
- Quelles sont les formes pédagogiques les plus appropriées à la
formation d'adultes déjà longuement scolarisés et formés à l'université ? Pour mieux faire comprendre leurs propositions, les formateurs
ont parfois recours avec leurs étudiants à des formes pédagogiques
analogues à celles qu 'ils voudraient que ceux-ci utilisent avec leurs
�Rol and Goigou x, Luc Ria et Marie - Chri stine Toczek - Capelle
jeunes élèves : cette quête d'isomorphisme ne produit-elle pas un effet
préjudiciable aux apprentissages professionnels?
- Qu'est-ce qui justifie le refus de certains formateurs de présenter
des réponses concrètes aux questions que les jeunes professeurs leur
posent? La dénonciation de ce qui est présenté comme une demande
de « recettes » n'est-elle pas le signe d'un manque de confiance dans
leurs capacités de distanciation?
Précisons avant d'aller plus loin que nous ne sacralisons pas la parole des acteurs, formés ou formateurs: le travail des chercheurs en
sciences humaines et sociales consiste précisément à analyser cette
parole dans son contexte en fonction des cadres théoriques mobilisés.
Les exemples proposés ici ne servent qu'à illustrer notre raisonnement
et ils trouvent leur légitimité dans la rigueur des travaux de recherches
qui les contextualisent et en proposent une interprétation . Nous savons
aussi que les jugements des étudiants sur les formations sont contrastés et qu 'ils diffèrent selon leur expérience et leur histoire personnelle
et scolaire (cf. les contributions de Daguzon, d'Elalouf, de MarquiéDubié , de Perez-Roux, de Sembel et al. ou encore de Serres dans ce
volume) . Nous pensons cependant que cette parole doit être entendue
dans sa diversité et sa complexité pour contribuer à l'élaboration d'un
bilan critique des formations réalisées depuis une quinzaine d'années;
c'est, selon nous, l'une des conditions de leur amélioration .
Les débats organisés lors du colloque ont montré par exemple que
les désaccords entre stagiaires et formateurs s'accentuent lorsque les
premiers revendiquent l'accès à une autonomie la plus rapide possible
alors que les seconds s'inquiètent de savoir si cette autonomie ne s'acquerra pas au prix d'une soumission aux habitudes et aux normes jugées les plus contestables de la profession enseignante .
Les stagiaires demandent qu 'on les aide à réussir leurs premiers pas
dans le métier et, sur ce point, les recherches semblent indiquer qu'ils
ont raison : la réussite initiale apparaît comme un facteur de motivation
et de progrès, démultipliée lorsqu 'elle est accompagnée d'une théori sation de l'action réussie .
La pertinence d'une formation en alternance semble donc résider
dans l'association progressive de trois composantes : l 'action professionnelle (c 'est pourquoi les stages sont indi spen sables très tôt dans
�Mieux conn aître les parcours de formation des enseignants débutants pour mieux les form er
le parcours de formation), la réussite de l'action (c'est pourquoi ces
stages doivent être fortement encadrés par des tuteurs) , la compréhension de l'action et des conditions de sa réussite (c 'est pourquoi
l'institut de formation doit donner aux stagiaires les moyens de redé crire leurs expériences hors de l'urgence de l'action quotidienne) (Goigoux et al. , 2005). La formation ne peut faire l'économie d'aucune de
ces trois composantes, même si une majorité de débutants valorise
les deux premières. À l'inverse , les formateurs qui consacrent trop de
temps, trop tôt et trop vite , à l'analyse de pratiques insuffisamment
maîtrisées prennent le risque d'être moins efficaces et d'être vivement
critiqués par leurs étudiants. Tout comme devraient l'être les administrateurs de l'Éducation nationale lorsqu 'ils placent prématurément et
sans aide conséquente les jeunes lauréats aux concours de recrutement en pleine responsabilité d'une classe difficile (cf. le chapitre de
Ria et Rouve dans ce volume) . D'une part, parce que les débutants ne
sont pas assez protégés d'échecs ou de souffrances lourds de conséquences pour leur devenir professionnel . D'autre part, parce que ceuxci engagent toutes leurs ressources physiques, intellectuelles et émotionnelles dans la gestion de la classe: pris par l'urgence de la situation
et absorbés par les exigences des préparations et des réalisations quotidiennes, ils ne peuvent pas trouver le temps de suspension qui permet le recul nécessaire . Ils ne parviennent pas à « penser la classe »,
justement parce qu'ils la font trop . Dans ce cas , les stagiaires n'attendent plus de la formation que des conseils immédiatement utilisables,
délaissant les nécessaires détours requis par des apprentissages professionnels plus complexes , plus structurés et plus fondamentaux . La
satisfaction de leurs besoins immédiats peut asphyxier leur réflexion
et les priver des ressources qui leur permettraient d'évoluer favorablement et durablement.
Les controverses virent au conflit lorsque les stagiaires pensent que
les formateurs n'assument pas leur première mission qui est de leur
transmettre les fondements des pratiques ordinaires de leurs aînés
expérimentés. Certains formateurs , en effet, semblent hésiter à présenter aux débutants des pratiques pédagogiques de référence (des
« modèles » disait Laurent Quintard lors de la table ronde) et à mettre
à leur portée des savoir-faire efficients et rôdés ou à valoriser les ou -
�Rol and Go igou x , Luc Ri a et Marie- Ch ris tine Toc zek - Capell e
tils professionnels existants : manuels, logiciels, guides didactiques,
etc. Or, éluder tout cela sous prétexte de complexité et de diversité
des situations d'enseignement ou, pire, railler les demandes de «recettes » formulées par les stagiaires conduit invariablement à l'effet inverse de celui recherché: les novices imitent leurs aînés sans aucune
distance critique . Les débats menés lors du colloque révèlent que trop
de formations, surtout dans le premier degré, ont survalorisé l'innovation pédagogique et l'inventivité des débutants. Les missions confiées
aux écoles normales d'instituteurs dans les années 1970/1980, par
exemple , impliquaient de leur part une forte contribution à la rénovation
pédagogique impulsée par l'institut national de la recherche pédagogique (INRP) : les débutants étaient alors considérés comme les fers
de lance de la transformation de l'école. Ils étaient chargés de mettre
en œuvre des techniques que les enseignants chevronnés ne maîtrisaient pas et ils devaient concevoir des scénarios originaux avant de
s'être appropriés les gestes de base de leur métier.
C'est pour éviter de renouveler ces erreurs que la recherche en édu cation doit, selon nous, non seulement jouer un rôle d'observatoire des
pratiques enseignantes mais aussi assurer une mission de conservatoire de celles-ci afin de constituer des ressources pour l'action des
formateurs. Ces derniers , lorsqu'ils ignorent ou dévalorisent les outils
utilisés « sur le terrain », se coupent d'une partie de leur public car,
en disqualifiant les pratiques ordinaires, ils perturbent le processus de
socialisation professionnelle des débutants. Leur intention cependant
est parfois louable : considérant les difficultés non résolues dans la
lutte contre l'échec scolaire , ils souhaitent faire avancer l'innovation au
service de la démocratisation du système scolaire. Mais les débutants
se demandent s'il est bien raisonnable de les investir d'une mission
d'avant-garde pédagogique sans leur transmettre les savoir-faire effi ci ents et rôd és de leurs aînés, ni leurs outils professionnels . Bref, s'il
convient d'innover pour améliorer l'efficacité de l'école , ne faut-il pas
compter d'abord sur les en seignants chevronn és?
�Mieux connaître les parcours de formation des enseignants débutants pour mieux les former
DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE PÉDAGOGIQUE:
L'ABÎME QUI SÉPARE UNE IDÉE DE SA RÉALISATION
Le second débat porte sur l'écart, déploré par bon nombre d'étudiants et de stagiaires, qui sépare « la théorie" de « la pratique " même
si tous n'attribuent pas le même sens à ces deux mots.
Le premier problème soulevé est celui d'apports jugés trop théoriques parce qu'ils ne constituent pas des ressources pour l'action professionnelle ou qu 'ils exigent de trop longues et trop complexes transpositions personnelles. Selon les recherches et selon les publics de
débutants examinés, cette critique porte sur la durée , le calendrier, la
précision, la pertinence ou l'opérationnalité des savoirs hétérogènes
qui leur sont proposés :
- les savoirs disciplinaires académiques: savoirs savants (en mathématiques, littérature , linguistique , sciences , etc.) ;
- les savoirs disciplinaires scolaires: savoirs à enseigner, objectifs
et contenus d'enseignement, prescription officielle (programme , évaluation) , etc. ;
- les savoirs sur les élèves et leurs apprentissages: caractéristiques
sociales, fonctionnement et développement cognitifs ou langagiers des
élèves , etc . ;
- les savoirs sur l'institution scolaire et les missions de l'enseignant :
réglementation, éthique, valeurs, etc;
- les savoirs professionnels sur: les gestes professionnels, les outils
et les tâches d'enseignement, qu 'ils soient spécifiques à un contenu
disciplinaire (connaissances didactiques : conception, planification ,
réalisation et régulation des tâches) ou transversaux (communs à différents contenus ou indépendants des contenus: démarches pédagogiques, gestion de la classe , relation, communication , autorité , etc.).
Même si le dernier ensemble, celui des savoirs professionnels,
semble a priori le moins suspect, il fait l'objet d'autant de critiques
que les autres. Dans ce cas, l'adjectif « théorique " ne s'oppose plus
à « pratique ", il est synonyme d'utopique ou de peu probable, c'està-dire quelque chose que le débutant a peu de chance de réaliser. Ici
la « théorie » est donc, paradoxalement, une pratique jugée peu réaliste lorsqu'elle doit être mise en œuvre par un débutant. D'abord en
�Roland Goigoux, Luc Ria et Marie-Christine Toczek-Capelle
raison de sa complexité: ce qui était faisable en formation, dans des
conditions privilégiées, ne l'est plus au quotidien, sur le terrain scolaire
ordinaire. Alors qu'en formation par exemple, un stagiaire disposait de
beaucoup de temps pour préparer une seule séquence didactique, qu'il
pouvait en discuter avec ses collègues et ses formateurs, qu'il disposait de ressources documentaires, il est démuni lorsqu'il se retrouve
seul, pris par l'urgence et confronté à une multiplicité de tâches.
La seconde raison du manque de réalisme ressenti découle du choix
des formateurs qui proposent aux débutants des scénarios innovants
et, par conséquent, rares: seuls quelques professeurs très expérimentés, associés à des associations de spécialistes, à des mouvements
pédagogiques ou à des centres de formation, les mettent en œuvre
sur le terrain. Du coup, les débutants ont peu de chance de trouver un
collègue, dans une classe voisine de la leur, avec lequel partager leur
expérience. Les recherches montrent que, dès qu'ils quittent le centre
de formation, la plupart d'entre eux abandonnent ces pratiques s'ils ne
sont pas solidement épaulés (cf. les travaux de l'équipe de Butlen et
Pelletier) même s'ils en reconnaissent souvent le bien-fondé. Ils les jugent prématurées et pensent que les propositions qui leur sont faites relèvent plus de la formation continue que de la formation initiale. L'écart
« théorie / pratique» est, dans ce cas, un écart temporel: ce que vous
nous proposez est intéressant, disent les néo-titulaires à leurs formateurs, mais cela n'arrive pas au bon moment, c'est trop tôt dans notre
carrière, nous avons d'autres problèmes à régler (cf. les recherches de
Birello et al., de Daguzon, de Butlen et al., de Perez-Roux, de Sembel
et a/. ou encore de Serres dans ce volume). Une fois encore se pose la
question de l'adéquation des scénarios de formation aux compétences
des stagiaires et néo-titulaires: les formateurs connaissent-ils assez
bien la « zone proximale de développement professionnel» des débutants pour y intervenir efficacement? Sont-ils en mesure de différencier
leurs interventions à la hauteur de l'hétérogénéité de leur public?
D'autres raisons encore sont invoquées pour juger que certaines recommandations des centres de formation sont inadéquates. Certains
débutants déplorent qu'elles émanent d'enseignants (maîtres formateurs, par exemple, pour le premier degré) exerçant dans des conditions privilégiées par comparaison à celles des débuts de carrière:
classes bourgeoises des centres-villes versus quartiers populaires,
�Mieux connaître les parcours de formation des enseignants débutants pour mieux les former
équipes pédagogiques versus isolement, etc. Ils disent aussi parfois
qu'elles sont formulées par des formateurs trop éloignés du terrain,
c'est-à-dire, selon eux, trop ignorants des réalités et des contraintes
qui pèsent sur les enseignants. C'est le cas, par exemple, quand des
formateurs en didactique survalorisent une dimension de l'activité d'enseignement au détriment des autres et considèrent que les décisions
des maîtres devraient exclusivement découler de l'examen rationnel
des notions à enseigner. Or les débutants savent qu'ils prennent quotidiennement de multiples décisions dans bien d'autres buts que de favoriser les apprentissages des élèves: pour obtenir le calme en classe,
pour capter l'attention des élèves (<< Pourvu qu'ils m'écoutent!»: Davisse et al., 1997), pour préserver l'affection que ceux-ci leur portent,
pour entretenir leur propre motivation ou pour économiser leurs forces .
À la recherche de solutions fonctionnelles, voire de stratégies de
survie, ils recourent à des pratiques jugées régressives par l'orthodoxie
didactique ou pédagogique. Insatisfaits, ils contestent les reproches
qui leur sont adressés: «c'est une énorme erreur de l'IUFM de nous
culpabiliser» (cf. l'article de Sembel et al. , chapitre 4 de ce volume).
Autrement dit, ils ne remettent pas en cause toute théorisation mais
dénoncent une formation culpabilisante n'offrant pas suffisamment de
traductions concrètes des théories enseignées. Ils rejoignent en cela
ceux qui, moins démunis cependant, vantent la «richesse théorique»
de la formation en IUFM, «quelque chose vers quoi il faut tendre» et
qui sert de base à leur action pédagogique (idem 4 ).
Les recherches publiées ici montrent que les débutants s'efforcent
de trouver en classe un bien-être suffisant pour «tenir» chaque jour ou
«durer» plusieurs années. Ils sont en quête d'un équilibre entre deux
logiques de planification et de régulation de leur activité: la logique des
Savoirs enseignés (la logique didactique stricto sensu) et la logique de
la conduite de la classe (celle de la régulation sociale des échanges et
des comportements). Ils découvrent vite que la seconde logique peut
prendre le pas sur la première lorsque les conditions d'exercice se dé4. Selon Sem bel et al., les stagiaires qui sont le plus satisfaits de la formation
reçue sont ceux qui ont renoncé à «tout apprendre» à l'IUFM et qui recherchent
l'association «application pratique et réflexion pédagogique ». Ils considèrent
qu 'une formation initiale participe à la construction du sens et des enjeux du
métier et que ce questionnement fait partie de l'identité professionnelle.
�Roland Goigou x, Luc Ria et Mari e-Christine Toc zek- Capell e
gradent : plus les difficultés des élèves sont grandes et plus leurs décisions visent avant tout à maintenir « la classe en vie», c'est-à-dire en
ordre et en activité, choix qui se fait parfois au détriment de la qualité
des apprentissages . Ils aimeraient que les formateurs les aident à trouver comment réduire les tensions entre ces logiques souvent divergentes, bref à analyser et à comprendre les compromis qui pourraient
assurer la cohérence de leur pratique.
Or, loin de tout compromis, certains formateurs proposent un idéal
qui, s'il sert de boussole aux uns (cf. l'étude de Daguzon) , désespèrent les autres qui retournent leur colère , née d'un sentiment d'impuissance, vers l'institut de formation. Ceux-là refusent d'opérer un double
déplacement, pourtant indispensable: des savoirs disciplinaires universitaires (cursus de licence ou de master) vers les savoirs enseignés à l'école, d'une part et vers les processus d'appropriation ou
de construction de ces savoirs par les élèves, d'autre part. Ils savent
pourtant que bien connaître une discipline ne suffit pas pour que tous
les élèves acquièrent les compétences attendues. Ne disposer parfois
que de leurs propres souvenirs scolaires les place dans une situation
d'insécurité plus préjudiciable encore aux apprentissages. Découvrant
que la simple accumulation des savoirs académiques est inopérante
(de même qu'est illusoire la stricte application des savoirs issus de la
recherche dans le domaine de l'enseignement), ils exigent de leurs
formateurs une double compétence académique et professionnelle afin
de réaliser un travail de transposition et de recomposition de ces savoirs . Mais ce travail, difficile , n'est pas toujours réalisé avec succès.
L'ultime raison invoquée pour contester la « théorie » proposée en
formation est le contenu de certaines orientations pédagogiques défendues par quelques formateurs . Par exemple lorsqu'une vulgate
socioconstructiviste mal digérée les conduit à affirmer que les élèves
apprennent d'autant mieux que les professeurs enseignent moins 1
Confondant la nécessaire mise en activité intellectuelle des élèves
avec l'effacement du professeur, ces formateurs, dont nous contestons
nous-mêmes les positions, caricaturent les méthodes actives et prêtent
le flanc aux critiques les plus acerbes de ceux qui pourfendent le « pédagogisme ».
�Mieux connaître les parcours de formation des enseignants débutants pour mieux les former
RELIER THÉORIE ET PRATIQUE: L'ALTERNANCE
Le troisième débat porte sur les pistes à privilégier pour dépasser les
difficultés que nous venons d'évoquer. Deux pistes principales ont été
discutées par les participants au colloque, formateurs et chercheurs:
une meilleure utilisation des ressources de l'alternance et la stratégie
consistant à partir des préoccupations et/ou de l'action des débutants.
La pratique d'enseignement convoque en effet simultanément tous
les registres objectifs et subjectifs de l'activité professionnelle : toujours en partie opaque, cette activité repose sur des valeurs et des
savoirs nombreux et hétérogènes relatifs aux contenus disciplinaires
enseignés, aux scénarios didactiques, aux processus d'apprentissage
des élèves, à la psychologie des enfants et des adolescents, au fonctionnement des groupes sociaux, etc. Comme nous venons de le montrer, elle est orientée simultanément vers plusieurs directions: vers les
élèves et leurs apprentissages, individuels et collectifs, dans différents
registres cognitifs et sociaux (instruire et éduquer) ; vers les autres
acteurs de la scène scolaire (hiérarchie, collègues, parents d'élèves
et co-éducateurs) ; vers le professeur lui-même qui doit maîtriser sa
fatigue et son stress, construire des motifs de satisfaction et de reconnaissance , trouver un bien-être suffisant pour « tenir» jour après jour
et « durer» toute une carrière. C'est pourquoi les débutants souffrent
s'ils ne parviennent pas assez rapidement à asseoir leur autorité, à favoriser les apprentissages de leurs élèves, à s'intégrer dans leur milieu
professionnel et à devenir fiers de leur travail.
Former des enseignants en alternance, c'est donc nécessairement
être confronté à la globalité et la complexité du métier de professeur.
Pour y faire face, les formateurs opèrent des choix très divers, partiellement explicités dans les scénarios rédigés pour le colloque de 2006 :
les uns tentent de s'approcher de la globalité de l'acte d'enseignement,
les autres revendiquent le caractère nécessairement analytique de la
formation . Les uns valorisent une formation au plus près du terrain, celui-c i étant vu comme un moyen privilégié pour favoriser l'appréhension
simu ltanée de toutes les composantes du métier puisque, par définition, la pratique effective les convoque toutes. Les autres revendiquent
une approche plus fragmentaire et plus réductrice que seul un institut
�Rolan d Goigo ux, Luc Ria et Marie-Chri st in e Toc ze k- Capell e
de formation, préservé momentanément des urgences de l'action, peut
envisager.
Aucun scénario de formation n'échappe à la mutilation d'une partie
de l'activité professionnelle, du fait même de sa conceptualisation dans
le cadre de la formation extérieur au contexte de l'action: les débats
en atelier ont montré qu 'il ne s'agissait pas d'une mutilation subie mais
bien d'un choix délibéré qui consistait à réduire la complexité de l'activité d'enseignement pour en faciliter l'apprentissage . Si chacun essaye de prendre en compte la globalité et la complexité de l'action, les
moyens pour y parvenir sont différents, tant sur le plan des dimensions
de l'activité enseignante qui sont isolées , que sur le plan de la recomposition et la recontextualisation de ces dimensions .
Mais il faut bien reconnaître qu'une partie des stagiaires en formation
initiale ne comprend pas ou ne partage pas les choix effectués, plus
ou moins explicitement, par leurs formateurs, notamment lorsque les
scénarios ne sont pas assez interactifs, c'est-à-dire lorsqu'ils ne com binent pas suffisamment les dynamiques 5 de formation ascendantes (à
partir de l'action) et descendantes (à partir des savoirs) .
Les débats lors du colloque ont mis en évidence la multiplication
récente de scénarios à dominante ascendante, très prisés par les stagiaires surtout lorsqu 'ils articulent dimensions didactiques et pédagogiques (cf. aussi le s articles de Butlen et al., Elalouf, 00110 , Grugeon -AIlys ou Loizon dans ce volume) . Sur le plan théorique, ceux-ci prennent
appui sur des recherches qui analysent l'activité des professeurs, en
interaction avec celle de leurs él èves , à propos d'apprentissages disciplinaires spécifiques , en transposant dans le champ de la didactique
certain s des concepts et des méthodes élaborés en psycho logie ergonomique , à la suite de Robert et Rogalski en mathématiques (2002) ou
de Goigoux en français (1997 , 2007) . Ce sont ces scenarios qui sont
les plu s directement menacés par la réforme de la formation des enseignants en France.
5. Dynamiques qu'Al ine Robert qualifiait, lors de la table ronde, «d' inductives» et de «déductives » (Robert, 2008).
�Connaissances
disciplinaires
scolaires
Connaissances sur les
élèves et leurs
apprentissages
Connaissances sur
l'institution et les
missions de l'enseignant
Tableau 1. Les scé narios de formation
Scénarios à dominante descendante :
- ils visent à modifier le pOlNoir d'agir des
débutants en modifiant leurs connaissances;
- ils partent des connaissances et des
représentations des étudiants et visent à les
transformer afin d'en déduire des principes
d'action,
Connaissances
professionnelles
(gestes, tâches et outils)
Les connaissances des débutants
Scénarios à dominante ascendante :
- ils visent à modifier les connaissances des
débutants en modifiant leur pOlNoir d'agir;
- ils privilégient l'accompagnement de l'action
qu'ils contribuent à préparer et à analyser,
Connaissances
disciplinaires
académiques
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�Roland Goigoux, Luc Ria et Marie-Christine Tocz ek-Capelle
RÉGULARITÉS ET INVARIANTS
DU DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL
Le quatrième débat porte sur les régularités observées dans le développement professionnel des nouveaux enseignants et la possibilité
d'en tirer des conséquences pour améliorer la formation .
Si le concept de professionnalisation indique une intention sociale ,
celle de l'institution scolaire 6 (cf. l'article et Wittorski et Briquet-Duhazé),
celui de développement professionnel évoque plutôt une dynamique
personnelle (cf. les chapitres de Birello et al., de Hoff et Lescouarch,
de Perez-Roux ou encore Ria et Rouve dans ce volume), alimentée par
les situations de formation et d'enseignement que les professeurs des
écoles rencontrent. Selon la majorité des auteurs, ce développement
résulte d'un débat entre trois composantes: soi, l'institution scolaire et
les pairs (les collègues du débutant) . Lorsque les normes et modèles
de l'institution sont en décalage avec ceux véhiculés par les enseignants en exercice, les débutants sont placés devant des dilemmes,
surtout s'ils jugent qu'un professionnel est, par définition, « quelqu 'un
qui respecte dans sa pratique les procédures et les normes établies
par la profession» (Bourdoncle , 1991) . Ainsi par exemple , dans l'étude
de Daguzon , les professeurs des écoles stagiaires (PE2) distinguent
une prescription maximale et exigeante, un idéal qu 'ils évoquent en
parlant de «ce qu'il faut faire en théorie » et une prescription minimale,
moins exigeante mais plus réaliste qui représente le seuil d'e ntrée
dans le professionnalisme. C'est pourquoi les stages en responsabilité
apparaissent comme l'élément essentiel de leur formation initiale : ils
confrontent la prescription secondaire, celle de l'institut de formation,
à la réalité du métier. Le passage de l'une à l'autre s'effectue à travers le filtre des actes convenus que l'histoire de leur métier a retenus
et que leurs collègues expérimentés incarnent. Cet intercalaire social,
qu'Yves Clot (1999) nomme le genre professionnel, les aide à trier, à
6 . Les attentes de l'institution sont portées par l'employeur (la hiérarchie de l'Édu-
cation nationale en France) et par le centre de formation (IUFM ou université).
Pour notre part, nous appelons prescription primaire celle qui émane de la ligne
hiérarchique et prescription secondaire cell e qui engage les formateurs indiquant
aux stagiaires et aux débutants ce qu'il est bon de faire.
�Mieux connaître les parcours de formation des'enseignants débutants pour mieux les former
opérationnaliser et à réorganiser les éléments des multiples prescriptions primaires et secondaires qui leur sont adressées, en un mot à
redéfinir les tâches qu'ils se donnent à eux-mêmes (Goigoux, 2007).
Plusieurs recherches indiquent que les professeurs des écoles débutants partagent progressivement non seulement les conceptions
mais aussi les interrogations et les préoccupations de leurs collégues
en exercice, ce qui fonde leur sentiment d'appartenance au collectif.
Partager des questions, même sans leur apporter des réponses identiques, contribue à faciliter leur construction identitaire . Ces questions
ou problémes professionnels, ainsi que les principes élaborés. par les
débutants pour les résoudre, sont inventoriés dans les chapitres de
ce volume consacrés à l'enseignement primaire. En voici une brève
synthèse.
Le premier problème, mis en évidence par toutes les recherches,
est la nécessité de « tenir sa classe» et de « faire autorité» . La reconnaissance qui en découle provient à la fois des élèves, des collègues
et des parents (Dubet et Martuccelli, 1996) : elle fonde le sentiment de
professionnalisme qui se forge à l'occasion des premières expériences
de responsabilité de classe. Contrairement aux professeurs de lycée
et collège dont la réussite au concours enclenche la reconnaissance
institutionnelle, le professeur des écoles n'obtient avec le concours
que le droit d'entrer en formation. La reconnaissance professionnelle
viendra ensuite et sera déterminée par sa capacité à « faire classe», à
la différence des enseignants-stagiaires du second degré dont le sentiment de devenir un professionnel passe par la confirmation, donnée
par la réussite au concours, d'être un spécialiste de sa discipline . Ceci
explique la profonde différence d'ancrage temporel de la professionnalisation entre second et premier degré (cf. Wittorski et Briquet-Duhazé). Et cela permet d'anticiper les difficultés que pourrait générer, en
France, la réforme de la formation des enseignants si elle retardait les
premières expériences en pleine responsabilité: un étudiant parviendra-t-il à adopter en stage la posture d'un professionnel et à réaliser
les apprentissages qui en découlent s'il est privé de la part de légitimité
que lui confère aujourd'hui la réussite au concours de recrutement?
Le second problème commun aux professeurs des écoles débutants
est celui du règlement des tensions, voire des contradictions, dans la
conduite de la classe entre les logiques d'apprentissage d'une part et
�Roland Goigou x , Luc Ria et Marie-Christine Toczek - Capelle
les logiques de socialisation d'autre part. Lorsqu'ils enseignent dans
des conditions difficiles, les débutants sont avant tout préoccupés par
l'installation d'une paix scolaire que Butlen et al. décrivent comme
un couple réunissant « paix sociale" et « adhésion au projet d'enseignement du professeur ". Il s'agit d'établir et de faire accepter par les
élèves des règles de fonctionnement permettant d'obtenir le calme, le
contrôle des prises de parole et un climat de sécurité, tout en parvenant à un enrôlement rapide et sans trop de résistance dans les tâches
scolaires. Le plus souvent, cette paix sociale est obtenue grâce au
respect rigoureux d'une certaine « discipline ", sans être pour autant
accompagnée d'une adhésion des élèves au projet d'enseignement.
Les débutants apprennent alors à anticiper la lassitude des élèves en
réduisant leurs exigences ou en raccourcissant les temps d'activité.
Plus rares sont ceux qui obtiennent l'adhésion des élèves à leur projet d'enseignement. Dans leur contribution, Butlen et al. décrivent les
principaux gestes professionnels utilisés par les débutants pour obtenir
la paix scolaire: maintenir constamment la « pression" sur les élèves,
maintenir un rythme de travail soutenu, maintenir l'adhésion des élèves
en ménageant une place à chacun, garder le contact avec les élèves
en restant très proche de leurs formulations, etc.
Les débutants, notamment ceux qui exercent dans des situations
moins difficiles, s'efforcent progressivement de satisfaire d'autres exigences et d'affronter d'autres problèmes (cf. les chapitres de Daguzon,
de Marquié-Dubié ou encore de Maulini). Il s'agit d'avancer dans le programme et d'enchaîner les séquences didactiques en se basant sur ce
que la majorité des élèves semble capable de « suivre ". Il s'agit aussi
de mettre les élèves au travail et, si possible, « en activité ", c'est-à-dire
de dépasser la simple occupation pour atteindre une activité constructive du point de vue des apprentissages. Un des critères retenus pour
évaluer la réussite de cette entreprise est leur participation , leur attention et l'intensité et de leurs prises de parole . Le critère ultime étant de
parvenir à une autonomie des élèves dans le travail dont les débutants
découvriront qu'elle est plus un but qu'une modalité pédagogique.
Ce n'est que plus tard , lorsqu 'ils auront réglé les principaux problèmes de conduite de classe, que les débutants parviendront à véri fier si l'enseignement dispensé débouche bien sur les apprentissages
visés , voire à différencier leur enseignement. Ils découvriront alors de
�Mieux connaître les parcours de formation des enseignants débutants pour mieux les former
nouvelles interrogations telles que: Comment concilier l'avancée du
temps didactique avec le respect de la parole enfantine? Comment
motiver les élèves sans les détourner des enjeux des apprentissages?
Comment conduire la classe sans se fixer sur un niveau moyen qui
exclut les plus faibles? Comment favoriser l'activité des élèves sans
dénaturer les objets de savoir?
Une question que le colloque n'a pas élucidée porte sur les invariants
de ce développement professionnel. Peut-on vraiment parler d'ordre
entre des étapes développementales ? Tous les débutants vont-ils progressivement d'une maîtrise de la conduite de leur groupe-classe vers
la prise en compte des différences interindividuelles dans les apprentissages en passant par la maîtrise progressive de leur planification
didactique et l'acquisition des gestes professionnels de régulation du
déroulement de la tâche et de l'activité des élèves? Si c'était le cas,
cela remettrait en question les scénarios de formation qui commencent
par la fin, c'est-à-dire qui ont des exigences trop précoces, ceux qui
demandent aux débutants de s'intéresser au traitement des erreurs de
leurs élèves avant de leur apprendre à réguler l'attention de ceux-ci
lors des phases d'enseignement. Même les enseignants chevronnés
ne régulent que rarement leur activité en prenant des informations sur
les procédures utilisées par leurs élèves: le plus souvent ils ne traitent
que des indices comportementaux (indices attentionnels) et se basent
Sur la proportion des réussites aux questions posées (cf. par exemple
Maurice, 1996).
En d'autres termes, une part des critiques adressées aux formateurs
semble relever d'un excès d'ambition: si l'on attend trop et trop tôt d'un
débutant, ne prend-on pas le risque de le renvoyer à une impuissance
démobilisatrice?
Cette question est d'autant plus vive que toutes les recherches in~iquent
que l'expérience de la responsabilité d'une classe est ressentie Comme une épreuve , au double sens de rite initiatique et de souffrance engendrée, accompagnée d'une angoisse de la validation. Cette
expérience est suffisamment douloureuse pour expliquer une part de
l'agressivité à l'égard de ceux qui l'incarnent, les formateurs des IUFM.
D'~utan
que les stagiaires déplorent de ne pas connaître les critères
qUI organisent le jugement porté sur leur activité, voire leur personne,
par leurs tuteurs, leurs formateurs ou leurs supérieurs hiérarchiques
�Rol and Goigou x, Luc Ri a et Marie- Christin e Toc zek-Capell e
et qu 'ils ont parfois le sentiment de devoir répondre à des attentes
contradictoires. L'épreuve de la prise de responsabilité ou de poste
s'accompagne du sentiment de «ne pas être prêt», de «ne pas savoir
faire» , qui est aisément attribué à formation jugée insuffisante. Elle ne
peut contribuer à un développement professionnel harmonieux que si
elle est franchie avec succès.
Ceci implique que les conseils apportés lors des stages soient adaptés et que les enseignements délivrés à l'institut soient ajustés aux compétences présentes des stagiaires. Faute de quoi ces enseignements
peuvent être jugés passionnants par les uns et inutiles par les autres .
En d'autres termes, les mêmes formations produisent des effets très
différents sur les enseignants débutants selon leur niveau initial (cf. les
chapitres de Daguzon, de 00110, de Marquié-Dubié et de Loizon dans
ce volume). Certains rejettent fortement les prescriptions secondaires
et renoncent à l'idéal pédagogique promu par l'institut de formation .
D'autres, refusant les compromis qu'implique la pratique, en restent à
l'idéal et ajournent leur passage à l'acte pédagogique: ils tergiversent
et ne s'engagent pas vraiment dans le travail. D'autres encore , fort
heureusement les plus nombreux , s'engagent dans une redéfinition de
leur tâche sans perdre de vue un idéal à long terme . Celui-ci constitue
alors un repère qui les aide à prendre des risques , à s'engager sur le
chemin de l'élaboration de leur propre pratique .
La solution , une fois encore, consiste à chercher à définir, pour
chaque public en formation, où se situe le potentiel de développement
de chacun. Tâche extrêmement difficile qui pourrait être facilitée par
la lecture des résultats des recherches qui portent sur les préoccupation s des débutants dont nous avons dit qu 'elles étaient simultanément
ori entées dans trois directions :
- vers eux-mêmes (d 'une part leur posture, leur identité , leur estime
de soi , leur bien -être et, d'autre part leurs scénarios, le déroulement
des tâche s prévues) ;
- vers les élèves (le groupe , l'enrôlement dans les tâches , le maintien
de l'attention et de l'action , la réu ssite aux tâches, les procédures et
erreurs des élève s) ;
- vers les autres professionnels (le con seiller, l'in specteur, les collè gu es, les parents, etc .).
�Mieux connaître les parcours de formation des enseignants débutants pour mieux les former
Ces recherches (cf. les contributions de Ria et Rouve ou encore
de Serres) peuvent être une source précieuse d'information pour les
formateurs à condition que ceux-ci ne cherchent pas à s'ajuster trop
étroitement aux compétences des débutants. Ce serait alors un défaut
d'ambition qui leur serait fort justement reproché.
LES LIENS ENTRE CHERCHEURS ET FORMATEURS
Le sixième et ultime débat, sur les liens entre chercheurs et formateurs, apparaît en filigrane dans l'ensemble des communications et
échanges du colloque. Les chercheurs sont-ils en mesure d'offrir des
Connaissances utiles aux formateurs d'enseignants ? Ou doivent-ils
s'en abstenir comme le pensait Jean Piaget lorsqu'il affirmait, en 1967,
que l'action éducative ne pouvait pas s'appuyer sur les recherches en
éducation comme la médecine le faisait, à juste titre, sur la biologie.
Ce débat porte sur les mêmes points que ceux identifiés par Hadji et
Baillé en 1998 : si les auteurs des contributions réunies dans le présent
volume s'accordent sur la nécessité d'examiner la pertinence sociale
de leurs travaux .et si tous ont le souci de questionner et d'examiner le
sens de ce qu'ils élaborent, aucun n'affirme pour autant que la science
domine la pratique. Les résultats de leurs recherches n'ont pas l'ambition, ni le pouvoir, d'imposer des pratiques de formation . Tous savent
que les modèles de la pratique qu'ils construisent ne peuvent devenir
sans risques (pointés à plusieurs reprises au cours des débats du colloque?) des modèles pour la pratique.
Hadji et Baillé prédisaient une nouvelle alliance entre chercheurs
et praticiens: dix ans plus tard, l'ensemble des communications préSentées dans notre colloque leur donne raison et témoigne de l'éta7. Notons, par exemple, l'ampleur de la référence au socioconstructivisme. Il
semble que l'emploi de cette conception scientifique, qui s'est imposée au fil
?u t . ~mp
comme une idéologie majoritaire, soit saturé dans les descriptions, les
Justifications ou les analyses de pratique. Or, il y aurait un intérêt, de notre point
~ vue, à ce que les chercheurs et les formateurs examinent précisément les
elements qui caractérisent telle ou telle situation permettant de la qualifier ou non
de socioconstructiviste. La conséquence d'un tel examen restaurerait l'emploi de
cette conception.
�Roland Goigoux, Luc Ria et Marie - Christine Toczek - Capelle
blissement de nouveaux liens entre chercheurs et formateurs . Les
connaissances produites par la recherche nourrissent la pratique des
formateurs ou contribuent à évaluer la validité de leurs convictions et
de leurs modèles d'action (cf. le chapitre conciusif de Ria). Même si les
apports de la recherche n'ont pas de valeur prescriptive pour le formateur et même si le formateur ne peut jamais être sûr de la pertinence
de sa pratique, il n'en demeure pas moins que les connaissances produites par le chercheur éclairent la pratique du formateur. Les modèles
d'action de ces derniers continuent d'être composés , combinés et modifiés à la lumière de leur mise en œuvre effective et des nouvelles
connaissances produites par la recherche .
�INTRODUCTION
DYNAMIQU DE PR9FESSIONNALISATION /
DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL D'ENSEIGNANTS:
ÉTUDE COMPA ATIVE
ENTRUES REMIER ET SECOND DEGRÉS
Le groupe de recherche « Professionnalisation des enseignants» l,
étudie depuis 2003 les processus de professionnalisation et de développement professionnel des enseignants 2 au travers de la formation
et tout au long des différentes situations de travail qu'ils vivent, notamment lors de la première année de titularisation.
Ce texte se propose de présenter d'abord l'orientation des travaux
théoriques et empiriques de notre groupe de recherche puis d'expliciter
les principaux rés'ultats concernant à la fois les tendances communes
(aux premier et second degrés tant en formation initiale que lors des
premières expériences de titulaires sur le terrain) et les ruptures liées
aux singularités des sujets, des situations, des environnements, bien
que les prescriptions institutionnelles et le lieu de formation soient des
déterminants initiaux communs . Nous avons, pour ce faire, travaillé
1: L'équipe de recherche
cc
Professionnalisation des enseignants" de l'IUFM de l'univer-
S lt ~ de Rouen est composée de Maryse Avice, formatrice PLP ; Sophie Briquet-Duhazé,
maltre de conférences; Eric Buhot, maître de conférences; Laurent Cosnefroy, maître de
Conférences; Martine Janner-Raimondi, maître de conférences; Patricia Tavignot, maître
et Richard Wittorski, professeur des universités (coordonnateur). Cette
de ~onférecs
équIpe est rattachée au laboratoire CIVIlC (Centre Interdisciplinaire sur les Valeurs, les
Idées, les Identités et les Compétences) de l'université de Rouen .
2. Nous faisons la différence suivante entre les deux termes (elle sera discutée plus loin
dans le texte) :
-la professionnalisatlon relève de l'intention d'une institution de cc mise en mouvement" de
ses personnels. Pour cela, elle propose des dispositifs de travail et de formation particuliers;
-le développement professionnel relève de la dynamique de développement que met en
œuvre un Individu au fil des situations de travail et de formation qu'il rencontre.
�Rich ard Wittorski et Soph ie Briqu et - Duhazé
à partir des résultats de recherche obtenus par chaque membre de
l'équipe.
L'INTÉRÊT POUR LA PROFESSIONNALISATION
ET LA FILIATION DES TRAVAUX ENGAGÉS
Le thème de la professionnalisation rencontre aujourd'hui un intérêt
certain dans les milieux de l'éducation et de la formation. Les raisons
de cet intérêt sont probablement multiples: évolution des formes de
travail et appel à de « nouvelles» compétences, enjeux de définition
des contours de nouvelles activités et/ou de redéfinition des contours
d'activités existantes, développement de nouvelles formes de formation plus articulées avec les situations de travail , apparition de discours institutionnels différents. Ces raisons ont conduit notre groupe
de recherche à constater que la professionnalisation relève avant tout
d 'une intention sociale, d'une intention d'adaptation plus rap ide des
individus aux évolutions du travai l et, par conséquent, d'une demande
d'efficacité plus grande de l'effet formation. Nous avons alors engagé
des travaux théoriques et empiriques qui ont donné lieu à la publication
de deux ouvrages collectifs .
Notre premier ouvrage collectif3 a été l'occasion de proposer une
premi ère « conception de travail » du mot professionnalisation , articul ée
aux pratiques d'éducation et de formation , considérant que la professionnali sation des individus (ici des enseignants) relève d'une intention
soci ale (émanant de l'institution) de transmission -construction -développement-évolution du « système d'expertise » (compétences, capacités, savoirs et connaissances) caractérisant la profession concernée,
et, dans le même temps, de développement de l'identité professionnelle des personnes .
En cela, nous nou s somm es positionnés par rapport aux courants
anglo-saxon s (sociologi e des professions fonctionnali ste ou interactionni ste) et européens (notamm ent les travaux de synth èse de Dubar
3. Wlttorskl, R. (coord., 2005). Formation, travail et professionnalisation. Paris: L'Harmattan , collection " Action et Savoir ».
�Dynamique de professionnalisation / développement professionnel d'enseignants
et Tripier (1998) et de Bourdoncle (2000)). Nos premiers travaux ont eu
pour objectif de présenter une diversité de dispositifs de profession nalisation et de lister les questions que cette dernière pose aujourd'hui,
notamment mais non exclusivement, dans le cadre de la formation des
enseignants.
Notre second ouvrage collectif 4 s'appuie sur des travaux empiriques
permettant de comprendre comment les enseignants se professionnalisent (PE 5, PLC 6, PLp7). Ces travaux s'intéressent aux processus de
prOfessionnalisation et de développement professionnel en début de
carrière et à l'analyse de ces dynamiques engagées par la formation
et le travail.
LES PROPOSITIONS THÉORIQUES
ET LES CHOIX MÉTHODOLOGIQUES
DU GROUPE DE RECHERCHE
L'objet commun de nos recherches vise à comprendre comment
s'articule le projet de professionnalisation que porte l'institution Éducation nationale en direction de ses enseignants avec les modalités
singulières de « transformation » des individus au contact des activités de formation et de travail (ce que nous appelons « développement
prOfessionnel»). Le développement professionnel de ces derniers est
à chaque fois une dynamique spécifique du fait de leur insertion dans
des environnements humains singuliers (type d'établissement, type
d'élèves, .. . ). Cette recherche collective postule que la construction
professionnelle s'inscrit dans des apprentissages réalisés « au fil » de
l'action reposant sur une transaction sujet-environnement (entre « développement professionnel » et « professionnalisation »). Cette tranSaction nous semble être de nature identitaire .
4. Wittorski, R. et Briquet- Duhazé, S. (coord., 2008). Comment les enseignants apprennent-ils leur métier? Paris: L'Harmattan, collection "Action et Savoir ".
~ . Professeurs des écoles .
. PrOfesseurs de lycées et collèges.
7. PrOfesseurs de lycées professionnels.
�Richard Wittorski et Sophie Briquet- Duhaz é
Nous considérons que l'identité caractérise le « jeu» (au sens stratégique et dynamique du terme) existant entre, d'une part, les affects
et les représentations du sujet portant sur sa place et celle de son action dans l'environnement (positions passées, actuelles et à venir), et,
d'autre part, la reconnaissance sociale du sujet par cet environnement.
Ce jeu réside, du côté du sujet, dans la mise en place d'une stratégie
de mise en reconnaissance de soi et, du côté social, d'un ensemble
de situations permettant l'attribution, par exemple, de compétences à
des « façons de faire» donnant lieu à réussite (c'est là un des outils
majeurs de reconnaissance identitaire aujourd'hui dans les systèmes
de travail [Wittorski, 2007]).
Mais l'identité ne relève pas uniquement de la négociation sociale,
elle se structure aussi au cœur et au cours de l'action. Professionnalisation et développement professionnel sont donc à la fois et dans
le même temps action et dynamique identitaire (les deux paraissant
inséparables) .
Au fur et à mesure de ses travaux , notre équipe a ainsi bâti, à partir
de réflexions théoriques, une conception provisoire qu'elle a voulue
double:
- d'une part, une intention sociale de professionnalisation émanant
d'une institution ou d'une organisation; soit l'injonction faite aux individus en formation, d'engager un processus de construction-transformation de leurs activités au service d'une efficacité et d'une lisibilité plus
grandes du travail,
- d'autre part, une dynamique de développement professionnel, du
point de vue de l'individu , soit un mouvement conjoint de développement des compétences et des savoirs, de développement de stratégies
et dynamiques identitaires caractérisant la construction-transformation
d'une professionnalité .
Dès lors, la réflexion théorique première du groupe a permis l'élaboration d'une problématique commune énoncée comme suit: « le processus de construction des professionnalités enseignantes s'effectue
dans les espaces de la formation formelle (en IUFM) , de la transition
formation -travail (alternance IUFM et établissement scolaire) et du travail investi (en établissement scolaire). Il correspond à trois dynamiques:
- une dynamique de transformation/production de connaissances et
de compétences ;
�Dynamique de professionnalisation / développement professionnel d'enseignants
- une dynamique de transaction individuelle entre une offre institutionnelle de professionnalisation, un mode de contrôle des professionnalités et des modalités effectives de construction de celles-ci comme
enseignant stagiaire puis titulaire;
- une dynamique de transaction individuelle entre l'identité héritée et
l'identité vécue ou en construction/transformation».
En lien avec cette problématique, les travaux de terrain conduits s'intéressent donc d'abord au point de vue que les individus développent
à propos de leur vécu dans les espaces de la formation et du travail et
comment celui-ci évolue dans le temps, particulièrement en début de
carrière.
" s'agit alors de caractériser ce qui est de l'ordre d'un « mouvement»
en regardant moins l'activité réalisée par les sujets que la façon dont ils
la vivent et la ressentent.
L'un des enjeux du travail conduit par notre équipe consiste donc
à comprendre, dans sa complexité, une dynamique de transformation
identitaire, celle que vit et ressent un enseignant en formation et débutant l'exercice de son métier. Celle-ci nous paraît être au cœur du processus de professionnalisation à l'activité enseignante. La perspective
est par conséquent, clairement longitudinale.
De façon liée, notre paradigme méthodologique ne relève pas tant
de l'analyse de l'activité (ce qui supposerait une préférence pour le
recueil de traces de l'activité) mais relève plutôt de l'analyse de l'évolution des significations que les individus donnent à leur propre activité.
Nos options méthodologiques, s'agissant du recueil puis du traitement des informations, sont les suivantes:
- l'utilisation de petits échantillons choisis comme illustratifs (plus
~ue
représentatifs) de la réalité analysée, autorisant une étude qualitatIve approfondie des représentations, vécus et ressentis (échantillons
de 8 entretiens PLP (M. Avice et R. Wittorski), 9 entretiens avec 3 PE
(S. Briquet-Duhazé) , 4 entretiens PE (E. Buhot) ... ;
- la réalisation d'entretiens semi-directifs permettant d'accéder au
d!sc.ours tenu par les enseignants à propos des apprentissages qu'ils
reallsent. " s'est agi, en conformité avec notre objet, non pas de reCueillir des « actes » mais des « représentations )' , des significations
�Richard Wittorsk i et Sophie Briqu et - Duhazé
traduisant le vécu des sujets à propos de leur développement professionnel, dans le but de caractériser les dynamiques identitaires en jeu;
- deux d'entre nous ont également utilisé l'observation de séances
de formation (notamment les séances d'analyse de pratiques proposées en formation dans les IUFM), permettant ainsi de recueillir des
informations sur les échanges collectifs entre les stagiaires à propos
de leurs vécus professionnels (observation de 35 séances d'analyse
de pratiques [P. Tavignot] et de 16 groupes d'analyse de pratiques
[L . Cosnefroy]).
Il s'agit donc, en dominante, d'un corpus discursif comprenant deux
modalités principales : des entretiens (au total 21) et des recueils
d'échanges collectifs dans le cadre de la formation (51 séances d'analyse de pratiques).
Le plus souvent, le recueil des données a été réalisé à plusieurs
moments du parcours de formation et/ou de travail de manière à caractériser des « dynamiques ».
Ces investigations empiriques privilégient des « entrées » contrastées mais susceptibles d'illustrer ce qui est en jeu dans les dynamiques
de développement professionnel des enseignants des premier et second degrés et explorent ainsi à chaque fois une dimension singulière
du développement professionnel :
- en formation (IUFM) et/ou au travail (établissements scolaires)
- comme professeur des écoles ou professeur des lycées et collèges.
Dans la suite de ce texte , nous allons insister sur les principaux résultats de ces travaux , notamment en ce qui concerne les tendances
communes mais aussi les différences qui nous semblent caractériser le
développement professionnel des enseignants.
�Dynamique de professionnalisation / développement professionnel d'enseignants
DES TENDANCES COMMUNES PREMIER ET SECOND DEGRÉS
EN CE QUI CONCERNE LES MODALITÉS
DE PROFESSIONNALISATION ET DE DÉVELOPPEMENT
PROFESSIONNEL DES ENSEIGNANTS
Commençons par discuter de ce qui nous semble constituer des
tendances communes de la professionnalisation et du développement
prOfessionnel des enseignants. Celles-ci concernent d'abord l'idée que
la professionnalisation est bien de l'ordre d'un « débat» entre soi et le
modèle prôné par l'institution et/ou les pairs. Ensuite, elle passe par
l'élaboration de « problèmes professionnels » communs qui se construisent et s'instruisent avec les pairs en formation. Enfin , le développement professionnel est souvent vécu comme une épreuve qui suppose
une prise de distance .
La professionnalisation est une transaction identitaire
entre offre de formation et vécu sur le terrain
Tout se passe .comme si l'enseignant-stagiaire était placé dans la
situation de devoir se positionner à l'égard de deux discours divergents
en fonction de son vécu de stage.
La présence d'un discours institutionnel marqué (IUFM) concernant
la professionnalisation des enseignants, traduisant le projet qu'a l'institution à l'égard de la professionnalité attendue des enseignants (être
capable de s'adapter aux élèves, savoir travailler en équipe, savoir innover ... ). Ce discours traduit ce que nous appelons une offre de professionnalisation qui relève d'une injonction adressée aux néo-enseignants via la formation proposée (elle est largement influencée par le
référentiel des 10 compétences de l'enseignant proposé dans le cahier
des charges de décembre 2006) .
. En simultané, la présence d'un discours tenu par les pairs dans les
etablissements scolaires qui est souvent en rupture avec le discours
tenu par l'institution ( << la vraie vie, elle n 'est pas à l'IUFM mais dans
les classes ", ... ). Il s'agit là, d'une certaine façon , du poids du « genre»
(Yves Clot) qui constitue également une offre de professionnalisation
venant du terrain.
�Richard Wittorski et Sophie Briquet- Duhazé
Enfin, l'enseignant-stagiaire est amené, au fil de ses expériences de
terrain, à développer une activité qui s'accompagne de significations,
de « ressentis ", mais aussi d 'apprentissages. Cette dynamique relève
de ce que nous appelons le développement professionnel. Elle conduit
l' « impétrant" à mettre en relation son vécu de terrain avec les discours
tenus par l'i nstitution de formation et les pairs et à se sentir ainsi en
congruence ou non avec l'une des deux offres de professionnalisation.
L' « arbitrage" ou la « transaction " que l'enseignant-stagiaire doit
réaliser ici intervient pour beaucoup dans les apprentissages qu'il développe sur le terrain et à l'IUFM. La tension occasionnée a des effets
directs sur le choix/la construction de ses pratiques mais surtout sur la
construction et l'évolution de son identité professionnelle.
Elle passe également par l'élaboration de problèmes
professionnels communs qui se construisent
et s'instruisent avec les pairs en formation
L'un d'entre nous (L. Cosnefroy) a cherché à comprendre dans
quelle mesure le développement professionnel des enseignants
passe par l'identification et l'instruction (toujours provisoire et remise
en chantier) de problèmes qui constituent des questions clés structurant la pratique professionnelle. Il a ainsi particulièrement analysé les
thèmes abordés lors des séminaires d'analyse de pratiques par les
enseignants-stagiaires du second degré . Cette étude le conduit à repérer quatre catégories de problèmes en débat. Il s'agit 8 de « problèmes
ouverts auxquels on peut répondre de diverses façons en fonction du
positionnement personnel adopté . Tout enseignant, parce qu'il sera
confronté inévitablement à ces problèmes professionnels, est tenu de
se construire une « doctrine ", même provisoire , qui guidera son action
et lui permettra de répondre de façon cohérente et crédible aux yeux
des élèves )' (Cosnefroy, 2008, p. 104) :
- la même règle pour tous est-elle équitable?
- que signifie bien se tenir en classe?
8. Cosnefroy, L. (2008). "La professlonnalisation des PLC2, entre problèmes communs
ouverts et spécificités disciplinaires». In R. Wittorski et S. Briquet-Duhazé (éds.). Comment les enseignants apprennent-ils leur métier 7. Paris: L'Harmattan, 101 -112.
�Dynamique de professionnalisation / développement professionnel d'enseignants
- quelles modalités d'évaluation choisir et selon quel équilibre?
- connaître le passé de l'élève est-ce un avantage?
Ces problèmes semblent être communs aux enseignants des premier et second degrés. Leur apparition mais surtout les positions prises
par chacun à leur égard sont largement influencées par les pairs en
formation . Les groupes de formation dits «disciplinaires» ou «transversaux» participent ainsi de la constitution de ces « doctrines» provisoires et essentielles pour essayer des pratiques sur le terrain. Ces
prOblèmes professionnels ont tendance à constituer des éléments de
la culture professionnelle.
le développement professionnel
est finalement vécu comme une «épreuve»
Il semble bien que l'année de stage qui suit le concours de recrutement est vécue globalement comme une épreuve , que l'on soit stagiaire PE ou PLC/PLP. Les raisons en sont multiples: les formateurs de
l'IUFM viennent à plusieurs reprises observer la pratique du stagiaire
dans la classe, la relation avec le pair-tuteur n'est pas toujours très
simple, les discours tenus respectivement par le tuteur et les formateurs ne sont pas toujours congruents (des désaccords ne sont pas
rares), l'accueil par les pairs dans l'établissement n'est pas touje 'Jrs
vécu comme chaleureux, ...
Se joue là aussi l'enjeu du jugement venant du regard d'autrui, sans
que le stagiaire ne sache toujours quels sont les critères qui organi~ent
ce jugement (cette situation augmente le sentiment de vivre une
epreuve). De ce point de vue, la construction professionnelle passe
aussi, et peut-être avant tout, par un sentiment de reconnaissance,
probablement à un double niveau interdépendant: l'image que chacun
a de soi en tant que néo-professionnel, l'image que renvoient les autres
(les pairs, les tuteurs, les formateurs, les supérieurs hiérarchiques) .. .
Les tendances communes présentées ici nous semblent étroitement
liées. Au fond, elles ont à voir avec une certaine distanciation par rapPort aux discours formatif et hiérarchique; elles relèvent d'une adap-
�Richard Wittorski et Sophie Briquet-Duhazé
tabilité certaine aux caractéristiques du terrain, d'un souhait de progresser par soi-même , d'une motivation qui va bien au-delà du « faire
prescriptif". Le développement professionnel serait alors le produit
d'une distance acceptée vis-à-vis des discours institutionnels dans le
strict respect des devoirs, et obligations du fonctionnaire enseignant.
L'affectif y jouerait un rôle prépondérant permettant d'assurer le maintien de cet équilibre . Le développement professionnel consisterait alors
à accepter cette tension permanente qui serait vécue non pas comme
une contradiction mais comme un défi continuellement en mouvance
(on ne peut pas apprendre définitivement le métier d'enseignant).
CES TENDANCES COMMUNES MASQUENT CEPENDANT
DES SINGULARITÉS FORTES
ENTRE PREMIER ET SECOND DEGRÉS
Pour autant, il semble bien que les logiques de développement professionnel des enseignants se différencient sur quelques dimensions :
des environnements d'apprentissage distincts, l'élaboration de problèmes professionnels différents, un développement professionnel par
« ritualisation " dans le primaire, en lien avec le sentiment d'avoir sa
classe, contre un développement professionnel par affirmation d'une
« conscience disciplinaire", dans le second degré .
Des environnements d'apprentissage distincts
Bien sûr, pour tous les enseignants-stagiaires, la nature et le rôle de
l'environnement professionnel (humain et organisationnel: type d'établissement scolaire [centre-ville, campagne], classes, tuteurs, pairs)
différencient les modalités de développement professionnel des enseignants.
Nous pourrions parler, à cet endroit, d'une socialisation profession nelle plus co ll ective par les échanges entre pai rs dans le primaire et
d'une sociali sation professionnelle plus so litaire par et dans l'action
dans le secondaire.
�Dynamique de professionnalisation / développement professionnel d'enseignants
Dans le 1er degré , en effet, l'établissement à taille « plus humaine »,
composé essentiellement de « pairs» exerçant exactement les mêmes
activités, offre une possibilité plus grande d'affinités professionnelles,
utiles pour un développement professionnel par les pairs.
Dans le 2nd degré , au contraire, les établissements peuvent être de
plus grande taille. Quoi qu'il en soit, ils sont composés de pairs « différents» (dans la mesure où ils sont spécialistes de disciplines différentes) et donc n'offrent pas les mêmes possibilités de développement
d'affinités professionnelles (on se comprend mieux entre pairs de la
même discipline) . Du moins, c'est l'avis majoritairement partagé par les
enseignants au regard de ce qui fait leur spécificité. Pour autant dès
lors qu 'ils abordent certains problèmes qui leur paraissent individuellement vécus, lors des séances d'analyse de pratiques par exemple, ils
constatent que l'entrée « élèves» révèle des points communs que les
disciplines ne laissaient pas sous-entendre (P. Tavignot) .
. Bref, on note l'importance plus grande d'un soutien collectif dans les
etablissements du premier degré que dans ceux du second degré.
Le développement professionnel passe par l'élaboration
de problèmes professionnels différents (PE/PLC) :
«tenir sa classe» contre «transmettre sa discipline » ...
. Nous le disions plus haut, s'agissant des tendances communes, le
developpement professionnel se réalise par et dans l'élaboration de
prOblèmes professionnels vis-à-vis desquels chacun doit se situer. Un
C~rtain
nombre d'entre eux apparaissent communs, d'autres différencient très nettement l'exercice du métier d'enseignant dans le primaire
et dans le secondaire.
Ainsi, dans le premier degré , les problèmes professionnels dominants sont cc faire autorité» (auprès des élèves et des parents: être reconnu comme un interlocuteur valable) , cc tenir sa classe», cc s'intégrer
à l'équipe ».
Dans le second degré, les probl èmes professionn els relevés concernent davantage cc comment parler de sa discipline ? », cc comment la
transmettre? ».
�Richard Wittorski et Sophie Briquet- Duhazé
Pour expliquer ces différences, nous faisons plusieurs hypothèses:
- les PE connaissent plus rapidement leurs élèves car ils sont plus
longtemps avec les mêmes élèves alors que les PLC interviennent auprès de plusieurs classes (petit nombre d'heures à chaque fois), ce qui
nécessite la construction plus complexe de repères différenciés concernant la dynamique des différents groupes, les besoins des élèves, la
façon différentielle d'ajuster la « présentation de sa discipline» aux différentes classes ... Par ailleurs, un PE développe le sentiment d'être un
professionnel dès lors qu'il réussit à « tenir sa classe », et ainsi à être
reconnu par ses collègues (en lien avec la place importante des pairs
dans le premier degré, comme nous le disions dans le paragraphe précédent) mais aussi par les parents;
- au contraire des PE , les PLC sont d'abord spécialistes, dans l'exercice de leur métier, d'une discipline. L'enjeu pour eux consiste à « faire
passer» cette discipline vis-à-vis de laquelle chacun entretient souvent
un rapport assez étroit et positif (un passé scolaire marqué par une
réussite dans l'étude de cette discipline, l'envie de faire partager son
goût pour « sa » discipline, ... ).
L'un d'entre nous a essayé de repérer, s'agissant des enseignantsstagiaires du second degré , des spécificités disciplinaires (Cosnefroy,
2008,p.110):
Anglais/Espagnol
Mathématiques
La participation individuelle
Les exercices écrits
1 Choisir des documents
qui ouvrent la parole
2 Donner sens au silence
d'un élève
3 Mémoriser
les interventions orales
4 Intégrer la note d'oral
à la note globale
1 Identifier les élèves
qui ont besoin d'aide
2 Répartir l'aide entre tous
ceux qui en ont besoin
3 Choisir une modalité
de correction
4 Envoyer un élève
au tableau
Tableau 1. De s problemes spécifiques aux disciplines
�Dynamique de professionnalisation / développement professionnel d'enseignants
Ainsi, certains problèmes « relèvent plus spécifiquement d'une discipline. L'enseignant des langues se focalise, par exemple, sur la participation orale des élèves. Autour de ce point de mire s'agrège tout
un questionnement sur les motifs de son éventuel silence, sur le choix
de documents capables de susciter l'intérêt. Alors que l'enseignant de
mathématiques se centre davantage sur les exercices écrits: comment
répartir son aide? » (Cosnefroy, 2008, p. 110).
Entre «ritualisation» et «conscience disciplinaire»
Dans notre groupe de recherche, les travaux de E. Buhot et de S. Briquet-Duhazé, notamment, montrent l'importance de l'expérience d'une
responsabilité de classe dans le processus de développement professionnel des enseignants-stagiaires du premier degré. De ce point de
vue, tout se passe comme si l'on devenait enseignant à part entière
dès lors que l'on avait sa classe (( G'est la réalité, c'est parti, j'ai ma
classe à moi», «j'ai eu un 100% avec la responsabilité de ma classe.
Je dois tout gérer donc je me suis sentie plus professionnelle»).
Cela peut correspondre, comme l'écrit M. Janner-Raimondi (2008,
P: 186) à « un rituel initiatique d 'appartenance groupale, dont l'enjeu se
situerait au niveau d'une reconnaissance par les autres de sa propre
compétence [ ... J. Lors de l'entrée dans le métier d'enseignant, ce sont
les qualités humaines des collègues titulaires, telles que: l'accueil, la
C?nfiance et l'écoute, qui importent plus que leur compétence professionnelle. Ce constat nous invite à comprendre l'expérience du premier
Poste COmme un rituel dont l'enjeu est la reconnaissance par les autres
de sa propre appartenance au corps des enseignants. Les enseignants
stagiaires évoluent dans leur relation à leurs pairs [ ... J. Faire autorité,
t~nir . sa classe , organiser les tâches et faire travailler les élèves ... sont
ainsI autant d'attendus normés spécifiques à un enseignant. Ces rituels mis en place par le débutant ont plusieurs destinataires: ceux du
groupe (COllègues de l'école et autres représentants institutionnels) ,
ceux extérieurs au groupe (élèves , parents) mais aussi eux-mêmes».
Se professionnalise r, c'est donc surtout se voir confier une et une
seUle classe en T1 (titulaire première année) afin d'avoir la possibilité
�Richard Wittorski et Sophie Briqu et- Duhaz é
de démontrer que l'on est un professionnel aux parents, aux collègues,
à l'institution. Cela représente une prise de risques acceptée car désirée par les pairs. Elle permet, en outre, de donner une réponse à une
autre angoisse commune et dominante, savoir gérer sa classe.
Pour les enseignants-stagiaires du second degré , le sentiment de devenir un enseignant professionnel ne passe pas par le fait d' « avoir sa
classe» mais par la confirmation (donnée par la réussite au concours)
d'être un spécialiste de sa discipline, l'enjeu devenant ensuite d'être
capable de la transmettre aux élèves ou, du moins, d'en transmettre
le goût.
Comme le cite M. Janner-Raimondi (2008, p. 190) : « la réussite aux
concours d'enseignement du second degré viendrait confirmer un enracinement, un lignage qui se situerait à deux niveaux: l'un, au niveau de
la représentation de son rôle par rapport au savoir; l'autre, au niveau
de ce que nous appellerons avec Y. Reuter (2003) une conscience disciplinaire. Bien que, pour cet auteur, celle-ci soit principalement étudiée
au niveau des élèves, il nous apparaît important de la transposer dans
le cadre des enseignants stagiaires dans la mesure où eux-mêmes furent d'anciens élèves et étudiants d'une discipline donnée».
La donnée importante de ce constat nous semble concerner l'ancrage temporel de la professionnalisation : après le concours soit au
début de la formation pour le second degré; en début de carrière soit
en fin de formation initiale voire plus tard pour le premier degré . Pour
les enseignants du secondaire , la reconnaissance institutionnelle est
en effet enclenchée dès le résultat au concours . Leur posture de stagiaire n'est donc pas identique à celle des stagiaires du premier degré
dans la mesure où la réussite au CRPE9 ne valide que le droit d'entreprendre une formation , « d'être élus» en quelque sorte pour assurer
cette mission . Cependant, les séances d'analyse de pratiques (P. Tavignot et L. Cosnefroy) montrent bien qu'être reconnu comme un spécialiste de sa discipline ne va pas se révéler un paramètre identitaire
suffisamment fort pour ancrer un développement identitaire croissant,
régulier et confortable au sens d'affective ment supportable pour le stagiaire. Nous pouvons alors supposer que , dès l'accès au concours du
9. CRPE : Concours de Recrutement des Professeurs des Écoles.
�Dynamique de professionnalisation / développement professionnel d'enseignants
premier degré, les stagiaires sont conscients, du fait de la nécessité
de devoir enseigner toutes les disciplines , qu 'ils ne peuvent maîtriser
complètement celles-ci et que l'apprentissage du métier ne réside pas
dans un continuum de savoirs disciplinaires acquis pour soi. Il y a donc
bien prise de conscience de cette réalité pour les stagiaires du premier
et du second degré mais à un moment différent et l'institut de formation
joue un rôle important puisqu 'il est au centre de ce décalage qui de
temporel devient également spatial.
Ainsi, cet écart spatio-temporel pourrait expliquer le déplacement des
prOblèmes professionnels que se posent les stagiaires lors de la' transition concours-formation-entrée dans le métier: de l'enseignement de
~ discipline à l'hétérogénéité des élèves dans le second degré; des
eleves à ses élèves comme autant d'intégration dans une école dans
le premier degré. Cette tendance semble confirmée par les stagiaires
PLP où l'expérience professionnelle antérieure (auprès d'enfants notamment) gomme l'effet disciplinaire contrairement à leurs collègues
fraichement issus d'un cursus universitaire (R. Wittorski) .
Au total, ces résultats montrent une image plus nuancée qu 'on ne
~Ouvait
l'imaginer. au premier abord. D'aucuns auraient eu tendance
a. Considérer soit que les enseignants du primaire et du secondaire
realisent le même métier soit qu'ils exercent deux métiers différents .
La réalité semble être « entre les deux » notamment si l'on en croit ici
et de développement
l'analyse des modalités de profesin~lat
professionnel selon que l'on est enseignant-stagiaire du premier ou du
second degré.
Le plus intéressant nous semble être la mise au jour de points d'ancrages (de la professionnalisation et du développement professionnel)
particuliers au champ de pratiques de l'enseignement : parmi ceux-ci ,
rappelons la présence d'une offre de professionnalisation spécifique
(arti?Ulée autour de l'image que l'institution a de l'enseignant professiOnnel) , l'élaboration de problèmes professionnels à la fois communs et spécifiques, la place importante du « rituel d'appartenance au
groupe » dans le premier degré et de la discipline dans le second ...
Alors même que la création des IUFM (1991) a permis de réunir, pour
la première fois, dans un même lieu de formation, les stagiaires du
Premier et second degrés, il semble toutefois , que leur développement
�Richard Wittorski et Sophie Briquet- Duhazé
professionnel est temporellement décalé du fait de leur propre regard
sur leur discipline (second degré) ou leur classe (premier degré) . Les
élèves , les pairs, l'environnement de l'école ... venant infléchir plus ou
moins fortement les problèmes professionnels que tout enseignant débutant se pose et, plus généralement, le développement professionnel
de chacun .
�INTRODUCTION
DEVENIR E
EIG :ANT:
INVARIANTS ET ÉVOLUTION
DES DÉBUTS DANS LA PROFESSION
Je commençai à enseigner comme enseignaient mes maÎtres,
mais au fil des jours, j'apportai un peu de ma personnalité. [ .. .]
Ainsi se ferma le livre de mon adolescence
et j'entrouvris les portes de la vie .
Édouard Bled, 1921
Débuter dans l'enseignement est une expérience forcément variable
S~ivant
le lieu de travail, le contexte social , l'âge des élèves, la discipline au programme, les conditions d'encadrement, la formation suivie
en amont. Le même mot « début» cache en fait une gamme étendue
et Contrastée de situations : du stage ou du remplacement probatoire
~ntam
brutalement une formation, à la titularisation progressive de
Jeunes diplômés l ayant suivi en amont quatre ou cinq années de prépa~.tion
pratique et théorique en alternance . Entre un agrégé de lettres
preclpité du jour au lendemain dans un collège de banlieue et une insti:utrice qualifiée assistant la titulaire d'une classe unique dans les Alpes ,
e Sentiment subjectif et l'ampleur objective des défis à relever peuvent
-----~~
de~
Le masculin utilisé dans ce texte est purement grammatical. " renvoie à des collectifs
~OSés
aussi bien d 'enseig nan ts que d 'enseignantes, de diplômés que de diplômées,
butants que de débutantes.
�Olivier Maulini
a priori mal se comparer. À moins justement que les écarts n'aident à
situer ce qui change et la part d'invariant dans chacun des processus
de socialisation singuliers (Zeichner et Gore, 1990 ; Dubar, 1996).
Car ce qui peut différer en intensité montre en creux quels sont les facteurs, les critères, en somme les variables à chaque fois impliqués. Peu
importe l'ordre d'enseignement, les contraintes locales, la façon dont
les professeurs débutants sont accompagnés dans leur découverte du
métier: ils doivent tous passer de l'autre côté du miroir, quitter quinze
ou vingt années de condition d'élève pour jouer désormais - vite ou
progressivement - le rôle à la fois si connu et si déroutant d'enseignant
(Moskowitz et Stephens, 1996). Cette transformation est bien de l'ordre
de la révolution, puisqu'elle renverse les positions, plaçant la classe
face à soi et le tableau noir dans le dos. Les recherches parlent partout d'un moment de basculement (Hétu, Lavoie et Baillauquès, 1999),
d'envol (Angelle, 2002 a,b), d'ébranlement (McCann et Johannessen,
2004 ; Worthy, 2005), de douloureuse initiation (Louvet et Baillauquès,
1991 ; Featherstone, 1998 ; Hammerness, 2003 ; Moreau, 2004). Elles
montrent un bouleversement identitaire (Lacey, 1977 ; Nault, 1990 ;
Larcher Klee, 2002, 2005 ; Blanchard-Laville, 2003) autant qu'une mise
à l'épreuve des compétences en construction (Mahony, 1996 ; Perrenoud, 1999, 2001 ; Mellouki et Gauthier, 2005) . Une revue exhaustive
de la littérature sur les enseignants débutants reste sans doute à établir
(Serpell, 2000 ; Martineau et Portelance, 2005), mais une lecture transversale fait déjà émerger des constantes, des constats, des régularités.
Elle montre quelles règles gouvernent l'entrée dans le métier, donc
aussi comment varient et évoluent les modalités . Il ne s'agit pas de nier
les différences - parfois considérables - de pratiques, de dispositifs,
de politiques, mais de situer leur impact dans un processus universel
que chaque particularisme local peut contrarier ou au contraire faciliter.
Je vais m'appuyer sur une recherche en cours auprès d'une soixantaine d'e nseignant-e-s primaires en période probatoire 2 et sur le cor2. L'étude porte sur l'expérience professionnelle de deux volées d'instituteurs et institutrices genevois, interrogés par leurs futurs collègues troi s ans après une prise de
fonction elle-même consécutive à quatre années de formation en alternance à l'université (Lussi et Maullni, 2007 ; Maullni, 2008 ; Allal, 2001). La phase d'Insertion professionnelle et de titularisation est prise en charge par l'employeur, dans un dispositif
d'accompagnement comparab le à ceux qui se développent en ce moment dans la
plupart des cantons suisses (COIP, 1996 ; CSHEP, 2004, 2007a,b ; Akkarl et Tardif,
�Devenir enseignant
pus documentaire qu i lui sert d'arrière-fond pour dresser brièvement
un double inventaire:
1. celui de ce que nous savons de l'entrèe dans le métier et de l'expérience que vivent les débutants (Dubet, 1994) ;
2. celui de ce que nous espérons de cette phase d'initiation, et demanderait donc de nouvelles investigations.
ENTRER DANS LE MÉTIER: DIX-HUIT INVARIANTS
Comment débute-t-on dans l'enseignement? Quelles expériences
vit-on, quelles épreuves rencontre -t-on , quelles ressources mobiliset-on pour survivre , persister, s'engager durablement dans la profession? Ces questions préoccupent les employeurs un peu partout dans
le monde , parce que le métier d'instruire est de plus en plus complexe
(Lortie , 1975 ; Perrenoud, 1996, 2001 ; Tardif et Lessard , 1999 ; Lessard et Tardif, 2001) , qu'il demande de plus en plus de qualifications,
mais que les enseignants ont en même temps tendance à abandonner
leur poste aussi souvent que les élèves décrochent de la scolarité de
leur côté . Recruter, former mais aussi retenir des enseignants de qualité (CDIP, 2003 ; OCDE , 2004 ; Johnson, Berg et Donaldson , 2005) requièrent de connaître les raisons qu 'ils ont de fuir l'école ou d'y rester.
Prenons un jeune entre 20 et 30 ans, entrant plus ou moins vite et
avec une vocation plus ou moins établie dans l'habit d'enseignant. Il
était élève , le voilà professeur. Il devait écouter, le voilà orateur. Il était
à son compte , il est désormais employé d'une institution, responsable
d'un cours, chargé de respecter et de faire respecter les règles permettant l'enseignement. Pour Édouard Bled , l'instituteur fringuant ouvre
les portes de la vie et referme celles de l'adolescence . Il pénètre à la
fois dans le monde du travail , une classe , un établissement, un sys2005 ; Akkari , Sol ar-Pelletier et Heer, 2007 ; GRSIE, 2008 ; Wentzel, Akkari et Chang kakot, 2008 ; DEP, 2004 ; All iata, Benninghoff, Mabillard et Pecorini , 20 07). Trois axes
d'analyse ont été distin gués:
1. le sentiment des jeunes enseignants de réussi r ou de rencontrer des difficultés;
2. leur façon d'attri buer ces faits à eux-mê mes ou à des facteurs extern es, indépendants de leurs co mpétences et/ou de leur vo lonté;
3. leurs stratégies d' insertion et l'effet de ces dern ières sur les sentiments éprouvés et
les attributi ons effectuées (Maulini , 2006).
�Olivier Maulini
tème scolaire, une profession. Cela fait beaucoup de découvertes en
même temps: une traversée toujours singulière, mais dont il n'est pas
impossible d'extraire des invariants.
Une intense sollicitation
Quels que soient le contexte et les conditions de travail, la prise de
fonction est vécue par les nouveaux enseignants comme une rupture
et une source d'intense sollicitation. Programmes, élèves, milieu, climat, règles de conduite, initiatives attendues ou tolérées localement:
le novice découvre un peu tout simultanément. Il se « jette à l'eau", il
« patauge", il « rame", il émerge du « grand bain» progressivement.
« Sink or swim» semble la règle d'or (Varah, Theune et Parker, 1986).
La métaphore est nautique mais aussi batailleuse: il faut « faire front »,
assumer le « baptême» ou 1'« épreuve du feu» (Baillauquès et Breuse,
1993). Tout est chaud ou tout est froid, il n'y a pas de juste milieu. On
s'en sort ou on ne s'en sort pas: on « fait ses preuves» en passant une
à une les épreuves (Barrère ; 2002 ; Moreau, 2004), en alliant prise de
risque et marge de sécurité, stratégies gagnantes et courage de commencer (Rochex, 1997 ; Eveleigh et Villatte , 2003 ; Ticon, 2005).
Un turn - over permanent
Les débuts sont d'autant plus éprouvants que les jeunes enseignants
sont souvent affectés aux classes et aux établissements que délaissent
leurs aînés. Le turn-overest rapide dans certains quartiers, puisque les
nouveaux arrivés font dès que possible valoir leur propre désir d'être
réaffectés. Cette spirale d'instabilité a plusieurs effets qui peuvent se
combiner: précarité de la structure d'accueil, isolement des néophytes,
stratégies de fuite ou de réajustement des ambitions, nouvelle fragilisation du milieu, surplus de dissuasion (van Zanten et Grospiron, 2001 ;
van Zanten, 2001 ; Careil, 2001). Des programmes incitatifs cherchent
à attirer et fidéliser les maîtres par des suppléments de salaire, des
grades académiques, des franchises ou des ressources matérielleS
et humaines réservés aux « zones d'éducation prioritaires », mais tout
cela ne remplace pas la gratification du travailleur par le travail lui-
�Devenir enseignant
même , le plaisir et surtout le sens qu 'il trouve dans l'enseignement qu 'il
parvient ou non à donner. La culture de l'établissement, sa direction ,
la nature des collaborations , la centration sur les apprentissages des
élèves , sur leur capacité de penser, leur besoin de règles partagées et
explicitées, leur mobilisation dans et par les activités sont, de ce point
de vue , les catalyseurs du développement pédagogique , du cercle vertueux entre la formation des élèves et celle de ceux qui s'efforcent de
les faire progresser (Papart, 2003 ; Gather Thurler et Maulini , 2007) .
Un mélange de joie et d'anxiété
Il n'y a donc pas de fatalité : le moment du début peut être source
de problème mais aussi d'accomplissement, d'anxiété comme de joie ,
voire d'exaltation (Snow, 1992 ; Antigny, 1994 ; Riel , 1999 ; Larcher
Klee , 2000 ; Burger-Roussenac , 2003). Il n'est pas rare , au demeurant , que le novice éprouve la palette de ces émotions ; qu'il les sente
intimement mêlées ou alterne au contraire les moments d'abattement
et de fierté . Le passage de la formation à la pratique autonome - du
statut d'étudiant à celui d'enseignant - a le goût des premières promenades au volant , sans le regard surplombant de la « conduite accompagnée ». Certains gestes peuvent être hésitants, mais les délices de
la découverte et de la liberté ne se monnaient pas volontiers contre
de la sécurité: les jeunes enseignants souffrent parfois, mais il n'est
pas sûr que tous échangeraient leur place contre celle - citations - de
certains « vieux de la vieille » ou « dinosaures » jugés trop sûrs d'eux
ou désenchantés .
Des deuils plus ou moins prononcés
C'est au niveau médian 3 que « l'envers du décor » est le plus décevant. À l'école primaire , les jeunes maîtres se trouvent - enfin! - dans
leur él ément : « avoir une classe » est pour la plupart un aboutissement
(Cattani , 2002 ; Louvet, 1988, 1993 ; Louvet et Baillauquès, 1992 ;
Esqui eu et Perrier, 2001 ; Esquieu , Lopes et Cytermann , 2001) . Au
3. Le collège en France [NDLR).
�Olivier Maulini
secondaire supérieur, le métier relève plus souvent d'une nécessité,
mais l'âge et le profil des élèves permettent de partager avec eux un
peu de sa propre passion pour la discipline enseignée. C'est au secondaire inférieur que les deuils sont les plus prononcés, lorsqu'il faut,
par exemple, revenir aux rudiments de la grammaire ou de la réduction
des fractions après une licence en lettres ou un doctorat en physique
des matériaux. Les ajustements sont parfois pénibles et peuvent faire
entrer dans la profession, à reculons (Nault, 1993 ; Dubet et Martuccelli, 1996 ; Esquieu, 1996, 1999 ; Raymond, 2001 ; Garant et Vranckx,
2002 ; Meirieu, 2005) .
Une charge de travail démultipliée
Les bonnes intentions et l'inexpérience peuvent quoi qu'il en soit
faire alliance pour rendre la première année - les trois premiers mois
en particulier - fatigante au premier degré: le stress peut venir du rapport subjectif à l'activité, des attentes que le néophyte s'est lui-même
fixées, mais il relève aussi de la charge de travail objectivement assumée, de la quantité de choses à faire, à préparer, à produire, à corriger;
des heures de sommeil , de repos et de loisir sacrifiées à la conception
des leçons, la fabrication du matériel, les allers-retours au centre de
documentation, la rédaction des livrets scolaires, les rencontres avec
les parents, etc. Le volume de l'activité est bien sûr lié à ce que chacun juge nécessaire ou légitime de réaliser, mais cette variable ne doit
pas occulter la part de surtravail que génère forcément - à ambition
constante - le manque de ressources et d'automatismes du débutant,
les contraintes prosaïques mais déconcertantes du travail administratif, sans parler de l'écart entre la vie de travailleur et celle, si récente,
d'étudiant... (Nadot, 2001, 2003 ; Williams, 2003 ; Ubaldi, 2006) . Si un
accompagnement ou un complément de formation est institué , il peut
très vite apparaître comme un surcroît d'occupation , parfois utile pour
échanger des impressions et réguler l'action , mais toujours mangeur
de temps, parfois trop (Maulini , 2004) .
�Deven ir enseigna nt
Des énigmes persistantes
Les problèmes évoqués sont d'abord de l'ordre de la connaissance
des programmes, de la planification de l'enseignement, de la gestion
des différences, de l'autorité , des interactions et de l'atmosphère de
travail dans la classe. Ils sont exprimés de façon générale et somme
toute assez proche des questions posées en amont de la formation :
comment « organiser » - sur un an - les séquences d'enseignement?
Au primaire , comment coordonner les disciplines, les combiner éventuellement ? Comment « motiver » les élèves, rendre « intéressantes »
les leçons? Comment « obtenir » l'ordre et l'attention d'où viendra la
relation , d'où viendra le dialogue qui mènera vers l'enseignement?
Comment «tenir compte » des différences , « avancer » dans le programme ni trop vite ni trop lentement? (Hétu , Lavoie et Baillauquès,
1999 ; Davisse , 1999 ; Ramé , 1999 ; Heer et Akkari , 2004) . Il faut dire
que ces catégories sont souvent proposées par les recherches ellesmêmes, surtout si elles se basent sur des questionnaires nécessairement standardisés . Le sentiment de réussir ou d'être incompétent
est proportionné aux ambitions (Martineau et Corriveau , 2000 ; Martineau et Presseau, 2003a,b ; Eldar, Nabel , Schechter, Talmor et Mazin ,
2003), mais on ne sait pas encore très bien - si nous le savions , où
serait d'ailleurs la phase de transition? - quelles ressources sont précisément sollicitées et/ou prises en défaut dans le courant ordinaire de
l'activité (Durand 2007 ; Ria et Chaliès, 2003 ; Ria, 2001, 2004 ; Félix
et Saujat, 2007).
Trois stades de préoccupation
Cela n'empêche pas d'identifier quelques passages obligés, chaque
néophyte traversant plus ou moins vite trois stades de préoccupation:
1. mettre les élèves au travail , faire en sorte que la classe « tienne »,
« tourne », qu 'elle « fonctionne », que les élèves écoutent et se consacrent à ce qui leur est demandé (stade de la production de l'activité) ;
2. avancer dans le programm e, enchaîner les leçons , les séquences ,
les situation s en se basant sur ce que l'essentiel de la classe semble
capable de « suivre » et d'assimiler (stade du premier contrôle : par le
savoir à en se igner) ;
�Olivi er Maul ini
3. vérifier si l'enseignement dispensé débouche bien sur les apprentissages visés, réguler voire différencier si certains élèves ont des besoins particuliers (stade du double contrôle : par le savoir enseigné
et appris, l'activité produite et le produit de l'activité) (Maulini, 2005).
« Pourvu qu'ils m'écoutent ... » laisse peu à peu place à « Pourvu qu'ils
apprennent .. . » (Davisse et Rochex, 1997, 1998). Si la spirale ne s'enclenche pas d'emblée, le maître peut chercher longtemps à « créer
les conditions» de la transmission, au lieu de provoquer l'intérêt et de
nouer l'alliance avec les élèves en les plaçant sans attendre devant
des savoirs et des questions dignes d'attention .
le regard des parents
Les parents représentent , au début comme plus tard, une charge
incidente pour le travail enseignant. Il faut les rassurer, leur donner des
gages d'ouverture et de fiabilité , ce qui demande du temps et de l'habileté . Certains sont inquiets mais d'autres enthousiastes à l'idée qu'un
jeune maître soit en charge de leur enfant : l'inexpérience importe peu
si elle rime avec flamme , dynamisme et fraîcheur des compétences. Le
problème , c'est qu 'un rien peut faire ou défaire une réputation, et qu'il
est difficile de remonter la pente si l'on se sent accusé de « laxisme »
ou de « rigidité » à son corps défendant (Sciurpi , 2005) . L'attitude et le
jugement de certaines familles peuvent donc être de puissants facteurs
de déstabilisation , mais aussi de prise de confiance si l'on a la chance
(ou l'art) de recevoir des encouragements, voire des félicitations en
réponse aux premiers efforts déployés . « Se mettre les parents dans
la poche» n'est peut-être pas un but en soi , mais peut simplifier la
vi e, économi ser de l'é nergie et laisser une marge de manœuvre pour
le re ste des activités. Il est donc possible de jouer sur l'attrait de la
nouveauté, mais aussi sur celui de la tradition en accompagnant par
exemple l'écriture coll ective d'un journal en ligne d'une série réguli ère
de devoirs et de récitation s (M aulini et Wandfluh , 2007) .
�Devenir enseignant
DES STRATÉGIES DE SURVIE
Dans tous les domaines, les normes du terrain et l'urgence du travail
quotidien peuvent entraîner la recherche de solutions fonctionnelles,
voire de stratégies de survie et de pratiques jugées « régressives» par
l'orthodoxie didactique (Marti et Huberman, 1989 ; Huberman, 1991 ;
MUller, 2004) . C'est l'un des leitmotiv de l'étude et de l'encadrement de
l'entrée dans le métier: laissé à lui-même , le maître frais émoulu pare '
~u
plus pressé, évite de se distinguer, s'en tient aux méthodes qu'il
Juge à la fois endossables par lui-même et acceptables par l'autorité.
Il en prend l'habitude et finit bientôt par les revendiquer, au nom du
fait qu 'il y a un écart, et parfois un monde, entre les pratiques idéales
- voire idéalisées - et le verdict de la « vraie vie », du travail ordinaire
et du prosaïsme des faits (Rottenberg et Berliner, 1990). Les présupposés de la recherche peuvent ici aussi orienter ses conclusions: certains travaux regrettent le décalage observé et militent pour plus de
«réalisme» dans la formation' d'autres veulent plutôt préserver la tension et se demandent comme'nt escorter la relève pour qu'elle ne se
I~ise
pas trop influenéer par le terrain et contribue au contraire à la
diffusion des nouvelles idées (Garant, Lavoie, Hensler et Beauchesne,
1990 ; Oison, 1991 ; Weiss et Weiss, 1999 ; Weva, 1999 ; Lévesque et
Gervais, 2000 ; Feinman-Nemser, 2001, 2003 ; Gelin , 2003 ; Vallerand
et Martineau, 2006 ; Portelance, Mukamurera, Martineau et Gervais,
2008).
Une hiérarchie des priorités
.Le sens des priorités peut aussi consister à mettre l'accent sur certaines disciplines et/ou domaines d'activités. Que faut-il faire quand
o~ a le sentiment d'être en retard sur le programme? L'enseignant
d~butan
tranche dans le vif et opère des choix draconiens . S'il est
genéraliste, il fait plus de français que de musique , moins de dessin
~e
de mathématiques. Peut-être même qu'il supprime - surtout si les
el~s
ne sont pas sages - une promenade en ville ou une leçon d'éduCation physique. Dans chaque matière elle-même , il fait une hiérarchie
- Consciente ou non - entre ce qui lui paraît incontournable, accessoire
�Olivier Maulini
ou susceptible d'attendre un moment (Maulini, 2004). Sa direction, ses
formateurs ou ses collègues ne sont pas forcés de partager ses options,
mais sa façon de trancher a au moins le mérite de rappeler que le sens
pratique ou l'intelligence au travail ont leur logique, et qu 'il vaut mieux
la comprendre avant d'en dénoncer le conservatisme. Sous le règne
de PISA et de la rationalisation des pratiques (best practices, evidence
based Éducation, etc .), quel est le jeune maître le plus compétent:
celui qui ajoute des heures de lecture aux élèves en difficulté ; celui
qui pense que la leçon de peinture leur offrira plutôt une parenthèse
méritée ; ou celui qui cherche à chaque problème une solution adaptée,
par exemple en combinant image et texte dans l'analyse et l'écriture de
bandes dessinées? C'est parce que les boucles de régulation sont parfois longues et les critères de jugement fragiles qu 'il est difficile d'établir la pratique pédagogique - et celle de formation des pédagogues
- cc évidemment » bien orientée (Van Haver et Yeager, 2004 ; OarlingHammond et Bransford , 2005 ; Oarling-Hammond , Berry, Haselkorn et
Fideler, 1999 ; Oarling-Hammond , 2006) .
Trois ans pour ne plus débuter
Le jeune lui -même a ses propres références, que ses premières expériences contribuent à enrichir et déplacer. La première année est
celle de l'urgence et de la précarité des décisions (Bullough, 1989 ;
Weiss, 1991 ; Bullough et Baughmann , 1997 ; Nohara, 1996 ; Lang ,
1999 ; Andrews et Quinn, 2004 ; Lamarre , 2004) . C'est au bout de trois
ans qu 'émerge le sentiment de ne plus être débutant, de maîtriser des
routines et une organisation du travail évitant de sans cesse tout réinventer (Katz, 1972 ; Vonk et Schras , 1987 ; Martin, Chiodo et Chang ,
2001) . Commence alors une phase de sérénité et de développement
contrôlé, ce que la métaphore nautique appellerait le cc rythme de croisière », le langage martial un état psychique cc apaisé». Ce délai peut
être réduit ou allongé en fonction des personnes, de leur histoire personnelle et de la formation qu 'elles ont derrière elles . Il est important
parce qu 'il fait transition entre une première phase de tâtonnement que
tout le monde traverse et une deuxième phase de stabilisation décisive
pour l'employeur puisqu 'elle peut bifurquer vers un engagement professionnel durable ou alors un retrait à court terme (Huberman , 1989).
�Devenir enseignant
C'est certainement plus après cinq ans qu'après cinq mois que se mesure en profondeur l'impact de la phase prèliminaire de formation.
Une formation critiquée
Celle-ci est toujours jugée, au moins en partie, défaillante. On
manque de « matière", de « matériel", de « concret". Certains séminaires ont fourni des « pistes ", quelques stages des « idées», mais
le tout est trop théorique et/ou disparate pour engendrer ipso facto
l'action quotidienne dans la durée (Baillauquès, 1990 ; Esquieu, 2001,
2006). La plainte est universelle, ressemble à un passage obligé, mais
elle se nuance sur au moins trois plans:
1. certains cours, certains formateurs ont laissé leur empreinte, le
sentiment de se reconnaître dans le travail préconisé, l'impression surtout de savoir un peu comment procéder;
2. le jugement s'arrondit et se complexifie avec le temps, les occasions de plus en plus fréquentes de se distancer de sa pratique, de
l'analyser, de la corriger, de revenir à des démarches laissées de côté
ou de réfléchir - seul ou à plusieurs - à leur faisabilité;
3. les recherches ont là aussi encore leurs biais: on demande souvent aux jeunes enseignants ce qu'ils pensent rétrospectivement de
leur formation, ce qui induit d'abord le repérage des manques et les récriminations. " est toujours plus difficile, pour le formé, de faire la liste
des situations qu'il sait affronter que de celles qui le mettent en échec:
c'est lorsqu 'il se sent pratiquement contrarié qu'il prend conscience de
ce qu'on aurait pu et dû lui expliquer (Veenman, 1984 ; Vonk, 1988 ;
Valli, 1992). Le reste du temps, il ne s'inquiète pas du passé, même
et surtout s'il a été bien préparé. La pratique autonome, les stages
accompagnés, les séminaires de méthode, les cours théoriques et le
mémoire de fin d'études sont régulièrement classés dans cet ordre décroissant d'utilité (Allal, 2001 ; Akkari, Solar-Pelletier et Heer, 2007 ;
GRSIE, 2008).
�Ol ivier Maulin i
Assurance et modestie, deux gages de fiabilité
Le rapport aux études est d'autant plus difficile à gérer que les maîtres
en place peuvent (im)poser aux novices une question impossible à
trancher: « Qui est en cause: toi ou ta formation ?» L'interpellation est
parfois directe, parfois implicite , nichée dans des regards ou des allusions. Comment réagir pour assurer son insertion? Le débutant peut
humer l'air de l'établissement et confirmer le sentiment dominant; ou
choisir de s'affirmer en disant ce qu 'il pense, librement. Cela ne résout
pas complètement la question des lacunes ou des mérites qu'il peut
ou non s'attribuer à lui-même. Que répondre, par exemple, lorsqu'on
est interpellé nommément (<< Tu parles bien devant les parents! ») :
que l'on n'y est pour rien , que le rapport aux familles et les modes de
communication sont davantage travaillés en formation initiale que par
le passé? Ou que l'on est flatté , et qu 'on l'est d'autant plus que noS
formateurs nous ont mal préparés? (Cifali, 1998). Le risque serait de
passer pour un courtisan ou un prétentieux, trop ravi de ses études ou
trop prompt à les dénoncer pour donner le sentiment d'une personne
réfléchie à qui se fier. Mieux vaut trouver - pour maximiser ses chances
d'intégration - le juste milieu entre distance et solidarité, assurance et
modestie , hétéro- et auto-attribution des ressources et des difficultés
(Maulini , 2006).
Une (grande) part d'incontrôlable
Il est malaisé de faire toujours le lien entre les savoirs théoriques et
les impératifs, les soucis, l'expérience ordinaires. Les jeunes enseignants mettent d'abord en cause des qualités personnelles ou les traits
de ce qu 'ils appellent leur « caractère» (fermeté ou souplesse, solidité
ou fragilité , ordre ou désordre , etc.), plus faciles à incriminer mais plus
difficiles à modifier que des compétences professionnelles ou des variables didactiques bien délimitées (Petignat, 2009). Ne s'en prendre
qu 'au dehors ou aux profondeurs de l'habitus sont deux façons de ne
pas se mettre trop directement en question : dans un cas, les problèmes viennent de loin (des élèves, des parents, de la société, de la
formation) ; dans l'autre, ils habitent depuis longtemps le fond de notre
âme - notre personnalité dit Bled - un « tempérament » que l'on ne
�Devenir ense ignant
« refait pas », mais dont on subit malgré soi l'emprise et les réactions.
La pratique réflexive et le développement professionnel présupposent
que le sentiment de faire partie du problème participe de sa solution :
il n'est pas exclu que la référence à des facteurs peu contrôlables soit
en creux une manœuvre de protection .
Un rapport ambigu à l'encadrement
Le rapport à la hiérarchie est nécessairement ambigu. Le nouvel
employé apprécie d'être soutenu , conseillé , voire guidé. Mais il aime
surtout les contrôles de la période probatoire quand ils sont positifs et!
ou l'aident à progresser (Repond-Sapin et Robatel Nuoffer, 1999). On
cherche dans beaucoup de pays la meilleure façon de distinguer la
relation d'aide et celle d'inspection, le surcroît de formation et la procédure administrative qui doit mener à la stabilisation du nouvel employé
ou à sa nomination . L'encadrement, l'accompagnement, le suivi, la supervision, le mentorat sont des fonctions a priori non hiérarchiques en
plein développement dans le milieu scolaire, parfois au niveau des personnes, parfois en direction des équipes ou des établissements. Elles
sont de plus en plus sollicitées dans une phase de prise de fonction
qui monopolise par endroits l'attention (Fuller et Brown, 1975 ; Gold,
1996 ; Inostroza, Dugas, Legault et Ragusich, 1996 ; Heck et Wolcott,
1997 ; Clerc, 1998 ; Brossard, 1999 ; Gervais, 1999 ; Allen , 2000 ; AFT,
2001 ; DESCO, 2002 ; OEO, 2003 ; Nault, 2003, 2004 ; COFPE, 2004 ;
Kardos, 2004 ; Kelley, 2004 ; Gelin, Rayou et Ria, 2007), mais qui a un
statut bien différent suivant qu'elle prolonge une formation ou en tient
lieu comme dans le projet français de masterisation (Meirieu, 2008).
Un rapport pragmatique aux grandes causes
Face à la précarité contemporaine, les nouveaux travailleurs s'occupent d'abord de leur trajectoire personnelle (Mukamurera, 1998,
1999a,b, 2004) et se détournent des grandes organisations (Vincens,
1997 ; Rose, 1998 ; Nicole-Drancourt, 2002 ; OFS, 2005). Les jeunes
enseignants ne sont pas différents et choisissent de manière pragmatique, voire opportuniste, de doser leurs engagements (Geay, 1999 ;
�Olivier Maulini
Rayou et van Zanten , 2004). L'activité syndicale, les réformes, leS
mouvements pédagogiques ne relèvent pas forcément de leurs priorités, surtout devant la charge de travail des premières années. Cela
déçoit souvent les vieux militants, mais on peut être jeune et conservateur, ou alors progressiste mais soucieux de ne pas se lier à un groupe
ou d'y cotiser. Si l'école compte souvent sur la relève pour progressivement renouveler ses manières d'enseigner, celle-ci n'adhère pas
sans autre aux réformes qu'elle est supposée incarner (Moskowitz et
Kennedy, 1996 ; Perrier, 2001 ; Marchand, 2003 ; Martineau , PresseaU
et Portelance , 2005) .
Le soutien des pairs
L'accueil et le soutien des collègues sont jugés de plus en plus importants, mais ils doivent être utiles et bienveillants, ni paternalistes,
ni envahissants. Les nouveaux arrivants apprécient de travailler aveC
un voisin expérimenté ou, à défaut, un camarade d'études enseignant
dans une autre école mais au même degré. « Bien s'entendre» est
une condition de collaboration qui transcende les générations. « Autant
être seul que mal accompagné » reste l'adage dominant, même si les
enquêtes démontrent une propension grandissante à juger le travail
d'équipe, non comme une façon subsidiaire de s'épau ler, mais comme
la condition nécessaire d'une pédagogie cohérente et d'un suivi des
élèves coordonné (Rayou et van Zanten, 2004) . Les nouveaux venuS
sont parfois sommés d'arbitrer de vieilles querelles : la plupart se gardent de prendre parti, pour ne s'aliéner personne, mais aussi parce
que le dialogue et la compétence collective leur semblent des vertus à
cultiver (Jobin , 2003 ; Maulini et Progin , accepté).
Un questionnement à double tranchant
La recherche active de coopération peut d'ailleurs créer, entre anciens et nouveaux enseignants, une série de quiproquos. Le jeune
maître évoque ses problèmes, s'interroge à haute voix , demande des
conseils , témoigne de ses doutes et de ses imperfections: c'est ce qu'on
lui demandait dans sa formation, lorsqu'il devait faire ses gammes,
�Devenir enseig nant
oser se tromper, parler de ses erreurs, apprendre et se perfectionner
en cherchant à se mettre en difficulté; c'est aussi ce qui peut étonner
sur le terrain , quand il faut désormais donner des gages d'assurance
et de savoir-faire , pas seulement de désir de comprendre et de s'autoquestionner. Le rapport aux obstacles est différent en situation de pratique - même réflexive - ou de formation : on n'a pas, aux deux endroits, le même temps disponible pour faire des essais et les mettre en
discussion (Delbos et Jorion, 1984). Cela peut sembler évident, mais
rien ne dit que c'est automatique dans l'esprit d'un débutant. La période d'intégration commence donc aussi en amont, dans une formation initiale qui peut plus ou moins préparer au changement de contrat
et d'identité . Dans d'autres domaines d'activités - les sciences , le droit,
l'économie - les hautes écoles instaurent des modules de transition
entre l'université et l'emploi. Elles sont en face d'un marché ouvert qui
fait de la connaissance du terrain , de la présentation de soi ou de l'en tretien d'embauche de vrais enjeux de sélection , donc de formation :
cela ne signifie pas que ces aspects sont absents dans l'instruction
publique, ni que les étudiants qui font spontanément les bonnes démarches ne sont pas mieux jugés quand ils frappent à l'entrée . Deux
paradoxes peuvent ainsi brouiller le diagnostic:
1. le sentiment de compétence est d'autant plus faible que la compétence est elle-même élevée;
2. le débutant ne le sait pas et peut se rendre inquiétant s'il se questionne trop fort et trop souvent à haute voix.
FACILITER L'ENTRÉE? TROIS QUESTIONS
Dix-huit invariants ... La formule doit bien sûr se nuancer, d'abord
parce que la liste peut s'allonger, ensuite parce que toute règle suppose ses exceptions. Si ce repérage des constantes est utile, c'est
moins pour rendre exactement compte du processus d'insertion que
pour aider peut-être à le questionner et à fournir - à supposer que ce
soit le but - de quoi le faciliter.
Si les études qui précèdent le premier emploi sont conséquentes
(comme à Genève pour les instituteurs), comment doivent-elles concevoir et anticiper la transition du métier d'étudiant vers la prise de fonc-
�Olivier Maulini
tion ? Si la formation professionnelle coïncide au contraire avec le
recrutement (comme la France en a le projet), peut-elle éviter l'affrontement de jeunes enseignants démunis avec la part de leurs élèves qui
aurait justement besoin de les sentir préparés, sereins, avertis (Dubet,
2008 ; Lantheaume et Hélou, 2008) ? Les deux enjeux n'ont pas la
même charge dramatique, mais leur différence aide peut-être à repérer
le grain fin et grossier d'un même questionnement: comment évoluent
ou pourraient le faire les manières d'entrer dans le métier?
- Du point de vue des difficultés exprimées : les plaintes semblent
partout les mêmes, quels que soit l'ampleur, le niveau ou la qualité
de la formation. Cela signifie-t-il que les enseignants sont grincheuX
par vocation, que rien ne saurait les former à satisfaction, que leurs
formateurs sont partout incompétents, que le bain de pratique est la
seule solution? Pas si la plainte a une autre fonction, qu'elle fait partie
du rite de passage (Van Gennep, 1909/1992), qu'elle met en mots le
nécessaire double mouvement de rejet de l'ancien monde (les études,
la jeunesse, les spéculations) et d'agrégation au nouveau (le terrain ,
la sagesse, l'action), par adoption de son langage, de ses coutumes
et de ses répudiations (Lévi-Strauss, 1952). Il reste à mener les recherches qui montreraient quelle part des problèmes déclarés est incompressible parce qu'il serait impossible de s'affilier au groupe sanS
devoir les déplorer. Les jeunes enseignants décrient tout ou partie de
leur formation : est-ce parce qu'elle est radicalement insuffisante oU
parce qu'elle thématise trop peu la tension entre pratiques ordinaires
et idéalité des intentions?
- Du point de vue des savoirs et des compétences objectivement sollicités: peut-être faut-il déplacer le questionnement de ce qui manque
vers ce que mobilisent les débutants pour survivre à leurs débuts . À ne
lire l'expérience des sujets que sous l'angle de ce qui les défait, leur
fait défaut, serait souhaitable a priori, on prend le risque d'expliquer le
monde par ses carences, donc de ne pas voir «ce qui se passe » effectivement, quelles ressources sont mises en œuvre , quel sens prend
le travail , quelles relations noue l'enseignant aux élèves et au reste de
son environnement (Charlot, 1997). Si l'activité empêchée , contrariée,
inaboutie est partie intégrante de l'activité (Clot, 1999), reste à voir plus
finement comment les débutants font tenir ou se sortent des situations,
et quel rôle joue le dispositif de formation dans la résolution et la formu-
�Devenir enseignant
lation des problèmes évoqués. Ce n'est pas parce que le débat public
lui demande tantôt de prescrire les pratiques, tantôt de laisser faire les
praticiens, que la recherche ne doit pas s'interroger sur les questions
qui appellent une réponse pragmatique et celles que le savoir critique
peut soulever au demeurant. Il serait intéressant - pour sortir des généralités - d'étudier la manière dont les novices pensent, travaillent et
parlent de leur travail dans des domaines particuliers de compétence:
la planification de l'enseignement, la conduite des leçons, la correction
des devoirs, les interactions entre élèves ou le dialogue avec les parents. Quand ils cherchent par exemple des « repères" où fixer leurs
attentes - savoir par savoir, degré par degré - que nous disent-ils du
grand écart entre leur besoin de normes et les valeurs décalées de
zone proximale ou de pédagogie différenciée?
- Du point de vue du soutien disponible ou de celui qui serait à instaurer : l'accompagnement des novices n'a pas le même impact sur
le développement de la profession dans son ensemble suivant qu'il
est conçu comme une prérogative du lieu de travail ou un dispositif
de consultation déchargeant les écoles du souci d'insertion. Le plus
tentant, vu d'en haut, est de prolonger la formation en offrant un appui
direct aux jeunes diplômés ou en train de se former. Mais on peut se
demander- comme pour les élèves à besoins particuliers - si le soutien
durable ne passe pas par l'appui aux équipes d'enseignants plutôt qu'à
des novices isolés, par la visée de diffuser, de pérenniser et d'inscrire
dans le travail ordinaire la compétence de conseiller et de valoriser la
relève. On a vu combien il est important mais aussi difficile d'éviter le
double piège du regard de sens commun sur ce qu'on nomme professional induction ou introduction à la profession: constater sans surprise
que les débuts sont difficiles, dédouaner la formation de penser les
rapports entre amont et aval de la qualification. Sans ces deux précautions, on prend le risque d'instaurer des dispositifs d'» encadrement»,
d'» accompagnement», de « suivi", de « coaching», de « tutorat" à foison, ce qui peut à terme entériner deux formes de déqualifications:
celle des jeunes enseignants, diplômés, mais jugés incompétents ;
celle de leurs collègues plus expérimentés, estimés incapables de leur
fournir un accueil approprié dans un milieu de travail collectivement
organisé à cette fin.
�Olivie r Maulini
Voilà trois questions qui gomment moins qu 'elles ne marquent leS
écarts entre une socialisation en deux temps (formation initiale , puiS
insertion) ou d 'un seul tenant (travail et formation simultanément) . La
recherche et l'expérience des enseignants montrent que les débuts
dans la profession sont en fait paradoxaux : plus la formation initiale
est élaborée , plus la prise de fonction devrait être facilitée ; mais
plus aussi elle peut devenir source d'inquiétude, de questionnement,
voire de frustrations , directement proportionnels à la conscience des
responsabilités et au niveau des aspirations . La formation « sur le
tas» a ceci comme avantage qu 'elle semble combiner le possible et
le souhaitable de manière immédiatement fonctionnelle, donc très vite
déniaisée et apte à soutenir le débutant dans l'urgence et l'incertitude
de ses tâtonnements. Comment promouvoir une formation initiale
progressive et axée sur la pratique réflexive si les critères cachés de
qualité sont l'insouciance du novice et sa faculté de méconnaître ou de
cacher ses difficultés?
On voit quels enjeux politiques cache le paradoxe de la professionnalisation du métier et de la réflexivité de sa formation. Mais on peut
aussi se demander si la formation elle-même - y compris lorsqu 'elle se
passe en alternance - prépare les jeunes enseignants à vivre lucidement les écarts entre le travail réel et le travail imaginé . Il y a là pius
qu 'un point aveugle ou un lieu commun dont s'accommoder en privé :
peut-être bien l'espace de développement, de recherche , de débat et
de coopération nécessaire aux (jeunes) enseignants pour revendiquer
leur expertise et en viser tout de même l'amélioration .
�LES
SEURS
IMAIRE
��CHAPITRE l
DE L' NALYSE D PRATIQUES
À DES StÉNARIO DE FORMATION:
ACCOMPAGNEMENT DE PROFESSEURS DES ÉCOLES
ENSEIGNANT L S MATHÉMATIQUES,
AFFECTÉS EN PREMIÈRE NOMINATION
DANS DES ETABLISSEMENTS DE lEP
IDenis BUTLEN, Monique CHARLES-PEZARD
e Pascale MASSELOT
Nous présentons dans cette communication quatre exemples de parCours de formation de professeurs des écoles enseignant les mathématiques dans des classes de ZEP et ayant bénéficié d'un dispositif
d'accompagnement à la prise de fonction à l'issue de la formation initiale.
Après avoir exposé notre problématique et notre cadre théorique et
après avoir rapidement décrit le dispositif de formation, nous présentons quatre modalités de dépassement d'une contradiction que nous
considérons comme déterminante des pratiques des enseignants du
premier degré en ZEP.
PROBLÉMATIQUE ET CADRE THÉORIQUE
Partant de l'identification de manques dans la formation initiale des
professeurs des écoles pour enseigner en ZEP, nous avons construit,
expérimenté et évalué un scénario de formation. Il s'agit d'accompagner durant leurs premières années d'exercice des professeurs volontaires, affectés en première nomination en ZEP. Notre but est d'agir
sur les pratiques des professeurs afin d'améliorer les apprentissages
des élèves de milieux socialement défavorisés mais aussi d'accroître
l'efficacité des enseignants concernés et d'améliorer leurs conditions
d'exercice du métier au quotidien.
�Denis Butlen, Moniqu e Charles- Pezard et Pasca le Masse lot
Cette recherche permet également d'approfondir et d'affiner le travail précédent de catégorisation des pratiques (Butlen, Peltier et pézard 2002) . Elle doit notamment amener à mieux comprendre cornment se construisent la cohérence et la cohésion des pratiques des
enseignants débutants, quels sont les déterminants qui conduisent leS
professeurs des écoles à s'inscrire dans un genre de pratique, cela en
mesurant les effets d'une formation ciblée sur la prise de fonction en
milieu difficile. De même, elle doit permettre de préciser comment leS
différentes contraintes et contradictions auxquelles sont soumis ces
enseignants pèsent sur leur pratique au quotidien. Ces différents éléments nous permettent de cerner des parcours de formation prenant
en compte la formation initiale, un accompagnement durant les deUx
premières années d'exercice et les spécificités d'un enseignement en
milieu très défavorisé .
Notre recherche s'inscrit dans le cadre théorique de la double approche (Robert et Rogalski, 2002) . Elle intègre des éléments de didactique des mathématiques, notamment de la théorie des situations
didactiques (Brousseau, 1987 ; Margolinas, 1998) et des éléments
d'ergonomie cognitive et de didactique professionnelle (Leplat, 1983,
1997 ; Clot' 1999 ; Pastré, 1995, 1996).
Nous nous appuyons également sur des résultats de recherche de
didactique des mathématiques concernant les pratiques enseignanteS
et leur formation . Nous admettons que les pratiques sont complexeS,
stables et cohésives (Robert, 2001 ; Blanchard-Laville et Nadot, 2000 ;
Goigoux, 1997). Pour rendre compte de cette complexité, nous reprenons , en l'adaptant à notre problématique, la méthodologie d'analyse
en cinq composantes (cognitive, médiative, personnelle, institutionnelle
et sociale) définie par Robert (2000).
Nous prenons en compte des résultats de nos recherches antérieures
(Butlen, Peltier et Pézard, 2002) qui ont montré que les professeurs
des écoles enseignant les mathématiques en milieux difficiles (ZEP)
sont soumis à cinq contradictions, dont la première est considérée
comme fondamentale : contradiction entre une logique d'apprentissage
d'une part et une logique de socialisation, une logique de la réussite
immédiate, une logique de projet d'autre part; entre individuel, public
et collectif, et enfin entre les différents temps d'apprentissage . Ces tra1. auquel nous empruntons la notion de genre.
�De l'analyse de pratiques à des scé nari os de formation
vaux ont également permis d'établir une premiére catégorisation des
pratiques effectives, catégorisation prenant en compte la double mission d'enseignement et d'éducation du professeur des écoles en distin guant les i(instruction)-genres des e(éducation) -genres ; trois i-genres
ont ainsi été définis .
L'un de ces i-genres, majoritaire , se caractérise par des scénarios
d'enseignement faisant une part importante à la présentation collective
des activités, par des phases de recherche individuelle très courtes ,
vo ire inexistantes , par une individuali sation très forte des parcours cognitifs et des aides apportées par le professeur. Cette individualisation systématique des activités proposées comme du traitement des
comportements s'accompagne au quotidien d 'un abaissement des exigences de la part du maître . Les phases de synthèse , de bilan et d'institutionnalisation sont quasi inexistantes . Un deuxième genr'e , proche
du majoritaire , s'en distingue notamment par la part accord ée aux présentations collectives des activités qui sont quasi absentes.
Un troisième genre , très minoritaire (un professeur) , se distingue des
deux autres par des scénarios basés sur des problèmes engageant les
élèves dans une recherche et comportant quasi systématiquement des
phases de synthèse, de bilan et des institutionnalisations locales ou
plus générales. Les apprentissages comme les comportements sont
traités collectivement.
Nous retenons aussi les résultats relatifs à l'organisation des pratiques notamment ceux concernant les gestes et routines professionnelles (Butle"n, 2004) et ceux concernant les stratégies de formation
des professeurs des écoles (Houdement et Kuzniak, 1996).
L'INGÉNIERIE DE FORMATION
Tout d 'abord , nous pensons qu 'il est indispensable d'avoir accès et de
prendre en compte la logique des pratiques effectives de chaque enseignant pour pouvoir intervenir sur ces pratiques (Masselot, 2000 ;Portugais, 1998 ; Vergnes , 2000). En particulier, nous retenons l'idée que
pour avoir un effet, une formation doit rencontrer la logique de fonctionnement du professeur formé. Ainsi , nous avons construit des situations
de form ation qui permettent d'entrer en résonance , même de man ière
�Denis Butl en, Moniq ue Ch arl es- Peza rd et Pas cale Masse lot
limitée, avec les représentations des formés sur les mathématiques,
leur enseignement et le public auquel ils s'adressent. Nous nous plaçons toutefois dans une démarche « holistique » (Robert, 2005).
Nous nous proposons d'intervenir sur les pratiques en cours de stabilisation des nouveaux professeurs dans le but de les enrichir. Il s'agit
pour nous d'élargir le champ des possibles pour l'enseignant.
L'ingénierie de formation s'organise autour de quatre dialectiques
portant respectivement sur : les deux stratégies de formation principa'
lement mises en œuvre (démarche de compagnonnage et démarche
réflexive) ; les modalités de formation individuelles/collectives; les relations entre expériences personnelles et expérience relevant d'un collectif enseignant; les deux niveaux (local ou global) d'intervention sur
les pratiques.
Nous distinguons trois types de situations de formation: la situation
d'information et de questionnement, la situation de compagnonnage et
la situation d'échange et de mutualisation des pratiques.
L'ingénierie de formation a concerné pendant leurs deux premières
années d'exercice dix professeurs des écoles volontaires enseignant
dans des ZEP scolarisant un public socialement très défavorisé .
Le corpus de données concernant les professeurs des écoles est
analysé à l'aide d'une grille construite à partir d'indicateurs prenant en
compte la double approche théorique détaillée ci -dessus. Plus précisément, ces indicateurs permettent d'une part de caractériser les mathématiques proposées à la fréquentation des élèves et d'autre part, de
préciser certains déterminants de ces pratiques .
PREMIERS RÉSULTATS
Nous exposons ici les premiers résultats qui portent sur l'analyse
des pratiques de quatre des dix professeurs observés: Aurélie , Christine , Vanessa et Valentin . Nous avons mis en évidence quatre parcours qui correspondent d'une part, à un élargissement des marges de
manœuvre de ces enseignants et, d'autre part, à des modalités différentes de dépassement de la contradiction fondamentale entre logique
des apprentissages et logique de socialisation .
�De l'analyse de pratiqu es à des scénarios de formation
Un effet de l'accompagnement sur les pratiques
de quatre professeurs des écoles:
une extension des marges de manœuvre
Un prem ier effet concern e l'extension des marges de manœuvre du
professeur débutant: celui-ci acquiert une certaine liberté par rapport à
l'utilisation des ressources existantes et aux contraintes liées au fonctionnement de l'équipe pédagogique.
Nos diverses observations nous amènent à dire que les professeurs
débutants peuvent avoir, au départ, différentes attitudes par rapport au
fichier officiellement utilisé en classe de mathématiques en fonction de
ses caractéristiques et de la place qu 'ils accordent à l'utilisation de resSources de ce type. Certains considèrent, à juste titre, le fichier comme
un carcan (non adapté , trop formel .. .), mais ils ont du mal à s'eh libérer
car il est aussi utilisé par les autres collègues de l'école. Dans ce cas ,
notre ingénierie semble avoir contribué à faire disparaître leurs hésitations puisque des débutants observés ont finalement totalement aban donné le fichier « officiel » et déclarent bâtir eux-mêmes leurs leçons, à
partir de divers documents et de leur inspiration personnelle. Les documents que nous avons fournis et les réponses à leurs demandes ont
sans doute facilité ce choix . Notons que cette émancipation peut aussi
avoir ses revers si le professeur débutant n'est pas assez « armé » pour
construire lui-même ses progressions. Le fichier constituait un cadre
qui , même imparfait, avait le mérite d'exister. D'autres, lorsque le fichier est plus « ouvert », l'utilisent relativement fidèlement , en suivant
de près la progression, s 'appropriant plus ou moins les intentions des
auteurs, tout en s'autorisant quelquefois à sauter certaines situations
jugées trop complexes .
Ces deux attitudes face aux ressources présentes dans la classe
sont confortées grâce aux échanges suscités dans notre ingénierie (si tuations de type SEM.) . Notre accompagnement permet à certaines
ressources d'être reconnues comme riches et d'être utilisées dans ces
classes. Il contribue à étendre les marges de manœuvre du professeur
et donc à élargir le champ des possibles dans le domaine du choix des
situations.
�Deni s Butl en, Monique Charl es - Pezard et Pas cale Masse lot
Des facteurs «déterminants»
dans la formation des pratiques
De façon générale, il y a nécessité de prendre en compte plusieurs
facteurs: les ressources pédagogiques, la maîtrise par le professeur des
contenus mathématiques mais surtout l'existence d'une attitude que noUs
qualifions de «vigilance scientifique » par rapport à cette discipline et à son
enseignement, le niveau scolaire de la première classe dans laquelle on
enseigne et enfin le contexte social et institutionnel de l'école.
• L'impact des ressources uti lisées
Il semble que les manuels utilisés en mathématiques lors des deuX
premières années d'exercice aient un rôle important dans la construCtion des pratiques des débutants . Ces documents peuvent induire un
certain type de pratique, en partie à l'insu du professeur.
En effet, dans le cas d'au moins deux professeurs (Christine et Valentin) , nous observons qu 'un fichier qui donne une grande place à la
résolution de problèmes, qui propose un certain nombre d'é léments
aidant à l'analyse a priori et qui décrit dans le détai l les phases dU
déroulement des séances peut contribuer à rapp rocher un professeur
débutant du i-genre 3. Notons toutefois que l'activité du maître n'y est
souvent évoquée que sommairement et reste assez implicite. À l'inverse, un fichier qui laisse peu d'initiative à l'élève , où celui-ci n'a qu'à
reproduire, avec quelques variantes , l'exemple de départ rapproche le
professeur débutant du i-genre majoritaire. Il y aurait ainsi une sorte
de « formatage » des pratiques à partir du fichier. Mais, bien sûr, cela
ne suffit pas. Une séance de mathématiques, dont tous les moments
sont précisément décrits (dévolution, recherche des élèves, mise en
commun , institutionnalisation) peut être détournée de ses objectifs initiaux et devenir une leçon où l'élève n'a plus qu'à appliquer ce que dit
le maître . Mais si le type d'activités proposées par le fich ier correspond
aux préoccupations et aux choix du professeur et si ce dernier suit
assez fidèlement les indications, sa pratique est en que lque sorte « induite » par le fichier.
En revanche , dans le cas d'un autre professeur (Vanessa), nous observons que la mise à distance du fichier utilisé officiellement dans la classe
s'est accompagnée d'une imprécision et d'une improvisation mal contrôlée.
�De l'analyse de pratiques à des scénarios de form ation
• Le poids de la « vigilance scientifique »
Nos analyses nous ont permis de préciser le rôle joué par la maÎtrise des contenus mathématiques à enseigner dans les grands choix
effectués par les professeurs . La maîtrise des contenus , bien qu 'indispensable , n'assure pas à elle seule la compétence à transmettre
ces contenus, le professeur pouvant rester soit dans un rapport au
savoir de type éléve , soit dans un rapport de type expert. Nous avons
souligné l'importance d'une certaine « vigilance scientifique » de la part
du professeur alliant une maîtrise des contenus mathématiques ensei gnés à une prise de recul par rapport à ces contenus et aussi à une
perception des enjeux d'apprentissage y compris en terme d'organisation des savoirs en jeu . Cette dernière légitime les itinéraires cognitifs
proposés aux él èves.
• L'importance du nive au de la première classe
Le niveau scolaire des classes (cycle 2 ou cycle 3) dans lesquelles
le professeur est affecté en première nomination peut être un déterminant important pour la construction des pratiques. Les moments de
synthèse et d'institutionnalisation semblent particulièrement concernés . En effet, leur qualité et même parfo is leur existence dépendent
à la fois des savoirs mathématiques en jeu dans les situations et des
activités effectives des élèves . Au cycle 2 et plus particulièrement au
cours préparatoire , les savoirs sont assez vite naturalisés, ce qui peut
conduire les enseignants à sous-estimer les enjeux des moments collectifs d'institutionnalisation . Cette dernière pouvant souvent être menée sur un mode individuel ou public, c'est-à-dire sous forme d'une
correction classique . Cet effet imputable à la nature des savoirs est
renforcé par d'autres facteurs liés aux difficultés des très jeunes élèves
à entrer dans des activités collectives (centration plus importante sur
soi-même , difficultés d'écoute et de formulation).
En revanche, au cycle 3, et plus particulièrement au cours moyen , la
naturalisation de beaucoup de savoirs mathématiques enseignés peut
nécessiter plusieurs années voire , pour certains individus, n'être jamais réalisée. Celle -ci se faisant progressivement lors de différentes
institutionnalisations, le caractère collectif de ces moments est non
seulement justifié mais peut s'avérer indispensable.
�Denis Butlen, Monique Charles-Pezard et Pascale Masselot
• Le poids du contexte institutionnel
L'équipe locale des enseignants et en particulier la direction de
l'école joue sans doute un rôle non négligeable dans l'impulsion de tel
ou tel type de pratique et donc dans la formation et la stabilisation des
pratiques.
Dans le cas de deux des professeurs accompagnés (Christine et Valentin), leur participation dès le début de l'année au travail de l'équipe
de l'école, impulsé d 'une manière volontariste par la directrice, a été
difficile. Ce travail était ciblé la première année sur la mise en œuvre
d 'une « démarche d'i nvestigation» en sciences et sur l'uti lisation en
mathématiques d'un manue l imposé aux classes de cycle 2 (CaP
maths 2 ). La seconde année, l'utilisation systématique et pour touteS
les classes de Ermel 3 a été décidée par l'équipe sur proposition argUmentée de la directrice pour qui ce manuel constitue une « référence )'
en mathématiques. Christine et Valentin , surtout la première année,
ont dû fournir un travail important pour réussir à s'intégrer. Ils reconnaissent maintenant que l'équipe les a aidés et se déclarent finalement
satisfaits de cet investissement et de la réflexion qui l'a accompagné.
On peut penser que seuls, ils auraient sans doute construit un autre
type de pratique laissant en particulier moins de place à la résolution
de problèmes consistants par les élèves.
Les cinq niveaux
et les modalités de dépassement observées
Pour identifier et mesurer les évolutions dans les pratiques, noUs
avons été amenés à définir, en référence au i-genre 3 minoritaire, cinq
niveaux de dépassement de la contradiction fondamentale qui, s'i ls
sont atteints, devraient garantir les apprentissages mathématiqueS
des élèves. Il s'agit d'une référence et non d'un modèle, référence qui
nous paraît indispensable pour « situer» les pratiques observées et leS
comparer. Ce choix se justifie par plusieurs éléments. D'une part, un
enseignant dont la pratique relève de cet i-genre propose à la fréquentation de ses élèves des mathématiques potentiellement plus riches et
2. Collection Cap Maths, Roland Charnay et al., Hatier.
3. Collection ERMEL Apprentissages numériques et résolution de problèmes, INRP, Hatie r.
�De l'analyse de pratiqu es à des scénarios de formation
donc davantage vecteurs d'apprentissage. D'autre part, ces pratiques
existent; elles sont donc viables , même dans des ZEP très difficiles où
des compromis avec les élèves et les institutions restent possibles. De
plus, en tant que formateurs , les enjeux liés à cet i-genre nous sem blent accessibles. Notons que la théorie des situations continue à nous
servir, en tant que chercheurs , de grille de lecture de l'existant.
Nous avons désigné ces cinq niveaux par des expressions caractéristiques de chacun: installation d'une paix scolaire, proposition de
problèmes consistants et aménagement de temps de recherche , explicitation des procédures, hiérarchisation des procédures et synthèse ,
institutionnalisation .
• Premier niveau: installation d'une paix scolaire
Le premier niveau correspond à l'obtention d'une certaine « paix scolaire ». Nous définissons la « paix scolaire » comme le couple paix sociale et adhésion au projet d'enseignement du professeur. Le premier
élément du couple peut notamment se caractériser par l'établissement
de règles de fonctionnement de la classe acceptées par les élèves et
indispensables à la relation didactique: calme dans la classe , absence
de violence entre les élèves, respect et écoute des personnes, prises
de paroles contrôlées , climat de sécurité, etc. L'adhésion des élèves
au projet d'enseignement du professeur se manifeste par un climat de
confiance, voire de complicité, entre les élèves et le professeur, par
un enrôlement rapide et sans trop de résistance des élèves dans les
tâches .
L'installation de la paix scolaire n'affecte pas seulement le processus
de dévolution mais l'ensemble de l'acte d'enseignement. Le second
élément du couple est particulièrement important dans les classes
considérées dans la mesure où il résulte d'une négociation « cachée»
entre élèves et professeur et définit pour une part le topos de chacun.
Ce premier niveau doit être en partie obtenu pour atteindre et dépasser les autres niveaux. Les indicateurs d'installation de la paix scolaire
sont ainsi à inclure dans ceux des autres niveaux mais réciproquement
les modalités de dépassement d'un niveau donné contribuent à la paix
scolaire. La question du lien entre apprentissages des élèves et confort
de l'enseignant est ainsi déclinée de manière plus fine. Il en est de
même des relations entre pédagogique et didactique .
�Denis Butl en, Mon iqu e Ch arl es - Peza rd et Pas cale Masse lot
Nous avions repéré , dans nos recherches précédentes, au moins
de ux modalités d'essai de dépassement partie l de ce premier ni veaU.
Un professeur, débutant, du i-genre minoritaire , sans avoir complètement installé la paix sociale obtient l'adhésion des élèves à son projet
d'enseignement. Toutefois, son manque d'expérience et le défaut de
reconnaissance institutionnelle qui l'accompagne rendent souvent fragiles les équilibres installés . La négociation se poursuit avec les élèves
tout au long de la première année d'enseignement.
À l'inverse, une seconde modalité liée au i-genre majoritaire se caractérise par une paix sociale obtenue grâce au respect rigoureux d'u ne
certaine « discipline» sans être pour autant accompagné d'une adhésion des élèves au projet d'enseignement. Si apparemment le maître
semble maîtriser l'avancée du temps didactique , c'est parce qu 'il anticipe sur la lassitude des élèves en réduisant ses exigences ou en
raccourcissant le temps d'activité.
Notre recherche met en évidence des routines auxquelles sont assOciés des gestes professionnels susceptibles d'installer des conditions
pour l'obtention de la paix scolaire. Notons que l'équilibre est difficile à
trouver et qu 'en contrepartie, certaines de ces routines comportent deS
risques re latifs à l'avancée des apprentissages et nourrissent les deux
premières contradictions mises en évidence en ZEP.
Maintenir un rythme de travail soutenu: dans nos recherches précédentes , nous avons montré que les moments de changement de
tâche, souvent liés à des changements de statut de la connaissance
sont ceux au cours desquels les élèves résistent le plus . Une façon de
contrer cette résistance est de garder un rythme de travail soutenu de
manière à ne pas laisser « d'espace » aux élèves.
Maintenir constamment la « pression » sur les élèves en reprenant
très vite la main quand cela s'avère nécessaire , en réorientant pour une
part le travail des élèves, tout en essayant de conserver une certaine
« ouverture » de la tâche prescrite. Notons que les décisions à prendre
dans ce cadre par l'enseignant sont assez délicates puisqu'elles tendent à faire perdre une certaine part d'adidacticité aux situations.
Maintenir l'adhésion des élèves en ménageant une place à chacun,
par exemple en les soll icitant tous , mais ce la peut se faire au détriment
�De l'analyse de pratiques à des scénarios de formation
de l'avancée du temps didactique et de la mise en texte des savoirs . En
effet, le souci de valoriser tous les élèves, même les plus faibles , nourrit la seconde contradiction mise en évidence en ZEP entre réussite à
court terme et apprentissage . Le professeur est amené à considérer
avec la même attention toutes les productions des élèves, à les mettre
au même niveau aux yeux des élèves sans les hiérarchiser. Or cette
hiérarchisation qui peut aller jusqu 'à la non-prise en compte de certaines propositions est indispensable à l'avancée des apprentissages.
De même , dans le souci de dédramatiser l'erreur, le professeur peut
être amené à consacrer beaucoup de temps au traitement de certaines
erreurs individuelles.
Garder le contact avec les élèves en restant très proche de leurs
formulations, mais cela peut se faire au détriment de la formalisation
des savoirs : en effet, le professeur, en se limitant aux formulations
des élèves, voire en se situant en deçà de certaines, risque de limiter
les apprentissages et de réguler l'avancée du temps didactique sur les
élèves les plus faibles .
De plus, le professeur peut prendre appui sur certaines activités
comme celles qui relèvent du calcul mental: en effet, de par leur caractère rituel et les exigences de rapidité dans leur enchaînement, ces
dernières peuvent contribuer à enrôler les élèves et à les installer dans
une posture de travail. D'autres domaines des mathématiques comme
la géométrie peuvent aussi , de par la spécificité des tâches proposées,
jouer ce rôle et contribuer à l'adhésion de l'élève au projet d'enseignement du professeur.
Parmi les quatre professeurs accompagnés, un seul (Valentin) ne
réussit pas complètement à installer la paix scolaire. Une certaine tension perdure dans sa classe due en particulier à des exigences de
discipline peut-être trop grandes qui le contraignent à de nombreux
rappels à l'ordre qui ne nous apparaissent pas toujours « justifiés » ou
arrivant à bon escient. Notons que ces exigences sont peut-être pour
lui une façon de garantir sa légitimité . Aurélie installe la paix scolaire
grâce à des rappels à l'ordre (très nombreux en début d'année mais
qui diminuent avec le temps), beaucoup de rigueur mais surtout un
environnement mathématique de grande qualité. Il en est de même
pour Christine qui s'appuie par ailleurs sur un climat de confiance et de
communication dans la classe (communication entre elle et les élèves
�Deni s But len, Moniqu e Cha rles- Peza rd et Pas cale Masse lot
mais aussi entre élèves). Quant à Vanessa il faudrait plutôt parler de
complicité, de qualité de communication davantage liées à une valorisation importante des élèves, à des rituels, à une volonté de rester
proches d'eux (notamment du point de vue des formulations) qu 'à la
richesse de l'environnement mathématique proposé.
Les autres niveaux concernent en particulier la place laissée à des
moments adidactiques, à des moments qui renvoient à des actions, à
des formulations , à des validations et à des institutionnalisations. Tou'
tefois , ils ne peuvent s'identifier à ces divers moments.
• Deuxième niveau : proposition de problèmes consistants et aménagement de temps de recherche
Le deuxième niveau se caractérise par l'installation d'un climat de
travail mathématique et éventuellement de communication dans la
classe . Le professeur propose aux élèves fréquemment, voire systématiquement, des problèmes mathématiques consistants, les engageant dans une recherche effective. Il peut adapter des situations iSsues de manuels mais sans remettre en cause les enjeux en termes de
savoir et d'apprentissage (objectifs relatifs au contenu mathématique
visé et procédures susceptibles d'être mises en œuvre). Un autre indicateur lié au précédent concerne la gestion du temps de recherche deS
élèves: d'une part ce dernier est relativement significatif, d'autre part
les aides éventuelles apportées ne s'accompagnent pas d'une réduc'
tion des exigences .
Sur les quatre professeurs accompagnés, trois dépassent ce second
niveau. Notons que pour l'un d'entre eux (Valentin) , nous constatonS
une évolution importante entre la première et la seconde année due,
en particulier, à l'influence des ressources utilisées. La quatrième (Va'
nessa) a une pratique très diversifiée, relevant d'une certaine impro'
visation . Elle ne dépasse pas toujours ce second niveau, seulement
lorsque les élèves sont en recherche autonome ce qui se produit asseZ
souvent car la classe est constituée d'un double niveau .
• Troisième niveau: explicitation des procédures
Le troisi ème niveau concerne la place laissée aux élèves dans leS
moments de mise en commun des réponses , de validation de celles'
ci et d'explicitation des procédures (menant ou non à la réussite) . Le
�De l'analyse de pratiques à des scénarios de formation
professeur atteint ce niveau lorsqu 'il permet aux éléves d'exposer leurs
procédures au cours d'une phase collective. Ce travail d'explicitation
se fait d'autant plus facilement que le professeur a instauré un climat
de communication dans la classe. Les élèves ont l'habitude d'expliquer
leur démarche, de questionner l'enseignant ou leurs pairs sur le travail
à produire ou produit, de s'exprimer par rapport aux erreurs rencontrées, etc.
Ce troisième niveau est atteint par deux des quatre professeurs :
Aurélie et Christine. Notons que l'existence de tels moments est liée
à la nature des tâches proposées aux élèves. Selon « l'ouverture » du
problème, il y aura lieu d'envisager ou non un retour sur les procédures
plus ou moins variées ayant conduit au résultat et de revenir sur des réponses incorrectes mais « attendues » pour faire avancer les apprentissages. Pour Vanessa , il n'y a pas toujours explicitation des procédures,
cela dépend de la forme de travail (recherche autonome ou cours dialogué) et de son niveau de vigilance scientifique . Valentin évolue nettement dans ce sens entre la première et la seconde année. Au cours
des premières séances observées, il propose des « exercices» assez
« fermés» et qui donnent lieu à des moments de correction sans beaucoup de retour sur les réponses effectives et sur les erreurs qui ont pu
être produites par les élèves. Progressivement, comme les situations
qu'il propose sont plus « riches» mais aussi comme il fait davantage
confiance aux situations et aux élèves, ces phases de mise en commun
évoluent. CelJendant, il fait le choix de revenir sur toutes les productions et ne s'autorise pas à « guider» les élèves dans leur exploration,
laissant le tri et le classement des réponses proposées à la charge des
élèves, ce qui rend très difficile la gestion de cette phase et le travail de
synthèse qu'il doit effectuer.
• Quatrième niveau: hiérarchisation des procédures et synthèse
Le quatrième niveau est dépassé lorsque le professeur procède à
la hiérarchisation des productions des élèves et ménage des phases
de synthèse contextualisées. Notons que cette hiérarchisation peut
prendre en compte, selon la situation proposée, différents facteurs :
l'efficacité et la validité de la procédure, son économie en terme de
temps de résolution, la nature et le degré d'expertise des savoirs mobilisés.
�Denis Butl en, Moniqu e Ch arles- Peza rd et Pas cale Masse lot
Les dépassements des niveaux quatre et cinq sont nettement piUS
problématiques. Seule Aurélie atteint pleinement ce quatrième niveaU.
Christine ne hiérarchise pas les productions des élèves : celles qui sont
validées sont toutes mises au même niveau. Par exemple, les procédures qui recourent au matériel ou à la représentation sont mises sur le
même plan que celles faisant intervenir les nombres et les opérations.
Parmi ces dernières , les procédures expertes ne sont pas privilégiéeS
par rapport à des procédures plus primitives. La synthèse semble donc
le plus souvent improvisée, portée par l'action immédiate .
À partir des productions, le plus souvent affichées au tableau 4 , Valentin incite les élèves à formuler, expliciter, comparer. Il essaie ainsi
de s'appuyer sur les productions effectives mais rencontre des difficultés à analyser celles-ci d'un point de vue mathématique , à prendre dU
recul , à reconnaître leur pertinences. Son souci d'impliquer le maximurTl
d'élèves (voire tous) , de prendre en compte toutes les productions, ne
s'autorisant pas à en écarter certaines sans l'assentiment des élèves,
le conduit à perdre de la richesse lors de la mise en commun . En guise
de synthèse , Valentin se contente d'énoncer la réponse, sans revenir
sur la ou les manières d'y arriver, en la replaçant dans le contexte de la
situation . Il effectue donc une sorte de « vérification » (se référant souvent au respect des contraintes de la consigne) pour convaincre de la
validité de cette réponse, mais l'essentiel reste à la charge des élèves.
Vanessa enseigne dans un double niveau. Quand elle travaille avec
un niveau , les autres élèves résolvent des problèmes en autonomie.
Dans le premier cas , Vanessa fait de rares synthèses, pas toujours en
lien avec l'explicitation des procédures. La plupart du temps, elle se
contente d'énoncer un corrigé type .
Nous pouvons donner des éléments d'explication à ces difficultés , pour une part liés à la composante sociale . Tout d'abord, comme
nous l'avons vu , les enseignants de ZEP sont soumis à une seconde
contradiction entre réussite immédiate et apprentissage qui incite à une
confusion entre hiérarchisation des procédures et hiérarchisation deS
élèves. En effet, la nécessité de prendre en compte toutes les produc4. Même si Valentin est conscient des problèmes liés à la lisibilité des écrits produits et à
la disposition des élèves devant le tableau, Il persiste dans ce mode de gestion.
5. Valenti n est souvent .. déçu " , voire déconcerté par les productions de ses élèves alors
qu'elles semblent tout à fait conform es au niveau attendu (CE1).
�De l'analyse de pratiques à des scénarios de formation
tions des élèves, de n'en laisser aucun de côté, de les valoriser tous
ne favorise pas la hiérarchisation des procédures puisque aucun élève
ne doit se sentir rejeté. De plus, le manque de « vigilance scientifique»
souvent observé, lié à une mauvaise perception des enjeux de savoir,
ne favorise pas l'identification des variables didactiques en jeu et leur
incidence sur le déroulement de la séance. L'analyse a priori des situations qui permet d'anticiper les procédures des élèves et de fixer les
variables en fonction de ce que l'on souhaite faire apparaître ou mettre
en défaut reste donc très superficielle. Ce défaut de « vigilance scientifique» peut sans doute expliquer la faiblesse des institutionnalisations
dans la mesure où l'enseignant manque de « ligne directrice» dans la
conduite des situations.
Enfin il ne faut pas nier la difficulté intrinsèque, même pour un expert, à établir une synthèse « en actes» à partir des productions effectives des élèves qui débouche logiquement sur une institutionnalisation claire. En effet, les productions ne sont jamais complètement
prévisibles, il n'y a pas forcément d'ordre linéaire permettant de les
hiérarchiser. De plus, les formulations utilisées pour institutionnaliser
méritent souvent réflexion de la part du professeur et cela d'autant plus
que les élèves sont jeunes.
• Cinquième niveau: institutionnalisation
Le cinquième niveau est atteint lorsqu'une institutionnalisation des
savoirs ou méthodes en jeu dans la situation, une décontextualisation
et dépersonnalisation mais aussi une réorganisation des savoirs visités
(notamment en terme d'ancrage du nouveau dans l'ancien) sont prévues et effectivement réalisées.
Seule Aurélie atteint pleinement ce cinquième niveau. Christine fait
quelques institutionnalisations que l'on peut qualifier de « molles» : elle
ne reformule pas vraiment ce qui est important à retenir et qui vient
d'être élaboré, parfois difficilement avec les élèves. Elle ne pointe pas
clairement le savoir mathématique en jeu dans l'activité. Vanessa propose plutôt des corrigés types. Nous avons vu que Valentin se contentait d'énoncer la réponse sans aucune décontextualisation. Notons cependant que tous ont le souci de rappeler des savoirs anciens pour
mieux ancrer les nouveaux.
�Deni s Butlen, Monique Charl es - Pezard et Pascale Masse lot
Nous avons caractérisé la pratique d'Aurélie comme relevant du igenre minoritaire. La pratique de Christine s'en rapproche beaucoup,
mais elle n'atteint pleinement que les trois premiers niveaux. Nous pouvons dire que Christine illustre une certaine dérive du socio-constructivisme caractérisée par une explicitation des procédures mais sans
hiérarchisation , suivie ou non d'une synthèse puis d'une institutionnalisation faible , voire inexistante, ne permettant pas aux élèves d'identifier clairement les savoirs mathématiques en jeu .
Les critères qui permettent d'identifier ces différents niveaux ainsi
que leur dépassement ne sont pas de même nature du pOint de vue du
chercheur. Alors qu'il est relativement aisé de repérer des indicateurs
relatifs aux trois premiers, les deux autres sont davantage marqués
par la nature des problèmes proposés, par l'histoire de la classe, notamment par l'avancée du temps didactique , voire par des contraintes
institutionnelles. L'analyse a posteriori ne peut suffire , c'est en fait la
comparaison entre les choix contextualisés de l'enseignant et le choix
qu'aurait fait le chercheur sur la base d'une analyse a priori et prenant
en compte a posteriori le contexte global (situation proposée et productions effectives des élèves) qui permet de trancher.
Nous utilisons le terme de niveau sans pour autant vouloir construire
un modèle totalement hiérarchisé. En effet, l'analyse des pratiques observées nous montre que certaines caractéristiques d'un niveau peuvent être présentes sans que le niveau précédent soit totalement dépassé .
CONCLUSION
À cette étape de notre recherche, nous pouvons dire que, grâce
au dispositif d'accompagnement, les professeurs ont acquis certains
« mots pour le dire» pour parler de leurs pratiques et les analyser. Nos
premiers résultats confirment certaines de nos hypothèses, notamment
la nécessité d'identifier la logique de chaque enseignant pour intervenir
au plus près de celle-ci en tentant d'évaluer la « prise de risque» que
l'enseignant est prêt à consentir sans trop le déstabiliser. Par ailleurs,
ils montrent qu'un accompagnement durant les deux premières années
�De l'analyse de pratiqu es à des scénari os de formation
d'exercice permet d'élargir les marges de manœuvre des enseignants ,
de les aider à prendre confiance, et donc d'enrichir leurs pratiques.
Penser la formation en termes d'adaptation
Nos recherches sur les pratiques enseignantes nous amënent à
penser la formation initiale et continue davantage en terme d'adaptation pour prendre en compte les différentes contraintes , notamment
sociales en ZEP, tout en préservant les apprentissages des élèves . Devant des publics difficiles, les professeurs sont contraints de s'adapter
pour dépasser la contradiction fondamentale. Ces adaptations peuvent
concerner plusieurs domaines: la paix scolaire, la compréhension des
enjeux liés à l'enseignement des contenus mathématiques, la prise en
compte des élèves mais aussi les situations à proposer aux élèves,
l'organisation de la classe et la structure des déroulements , la place de
la formulation , I~ place de l'écrit, etc .
Nous avons vu que la paix scolaire, initialisée par un minimum de
paix sociale , conditionne et est conditionnée par les autres niveaux .
Elle est en particulier liée à la prise de risque mathématique que s'au torise l'enseignant dans sa classe à différents moments de son enseignement. En effet, on peut penser que si ce premier niveau est atteint,
le professeur aura davantage confiance dans la consistance de la si tuation qu'il propose , dans sa capacité à la gérer, mais aussi dans le
travail des· élèves, dans ce qu 'ils sont capables de produire pour faire
avancer les apprentissages. Si on considère l'incertitude générale que
l'enseignant doit gérer quand il fait classe , on peut penser que la ré duction de celle -ci concernant les comportements des élèves va lui
permettre, par une sorte de compensation d'en accepter davantage
du point de vue mathématique et donc de prendre plus de risque dans
ce domaine. Il pourra alors proposer à ses élèves des problèmes non
triviaux liés à une gestion de classe plus complexe , les laisser chercher
sans réduire ses exigences , s'appuyer sur leurs différentes productions
pour tenter une synthèse.
Notre accompagnement a permis par ailleurs de dégager plusieurs
idées pour adapter des situations « riches » issues de ERMEL ou
d'autres ressources à des élèves de ZEP en jouant notamment sur
le choix des variables didactiques permettant « d'alléger » la situation
�Deni s Butl en, Mon iqu e Ch arles- Peza rd et Pas cale Masse lot
sans en perdre le sens (choix des nombres, des supports, du matériel. ..) mais aussi sur le nombre et l'ordre des situations constituant une
progression sur un thème donné .
Concernant la place de la formulation , le professeur en ZEP est
amené à étayer à l'oral les formulations souvent pauvres des élèves,
à les reprendre , à les compléter. Cela explique d'ailleurs en partie la
difficulté à conduire des phases collectives . La place de l'écrit, souvent
importante dans les ressources , doit être minorée pour tenir compte
de la spécificité du contexte ZEP : par exemple, le professeur peut
se contenter d'une explicitation orale plutôt qu'écrite des procédures ,
d'échanges oraux entre les élèves plutôt que s'appuyant sur un écrit.
Rappelons aussi l'importance , notamment avec des élèves en difficulté , de l'ancrage des connaissances nouvelles dans les connaissances
anciennes . Les quatre enseignants observés se révèlent d'ailleurs très
vigilants dans ce domaine.
Les processus de régulation
et surtout d'institutionnalisation restent difficiles
Nous avons vu que les effets de l'accompagnement concernent
davantage le processus de dévolution que celui de régulation et surtout celui d'institutionnalisation. En effet, les enseignants débutants
proposent à leurs élèves des problèmes plutôt consistants, assurent
un certain enrôlement. En revanche , ils ne sont pas forcément aptes
à reconnaître et à hiérarchiser les variables didactiques en jeu dans
les problèmes . Ceci apparaît par exemple dans le fait qu 'ils peuvent
en fixer la valeur de façon maladroite. De plus, même s'ils prennent
en compte (parfois de façon caricaturale) les productions effectives
des élèves, les professeurs débutants sont partiCUlièrement démunis
dans les phases de synthèse et d'institutionnalisation. Il semble que
les seules ressources, même celles destinées aux professeurs (livres
du maître) ne suffisent pas à accompagner les professeurs débutants
dans ces moments particulièrement délicats de leur activité.
En mettant nos résultats en perspective avec la formation initiale
nous voyons que s'il est possible de « gagner » sur le processus d~
dévolution , cela est beaucoup plus difficile pour les processus de ré gulation et surtout d'institutionnalisation pour lesquels beaucoup de
�De l'analyse de pratiques à des scénarios de form ation
résistances subsistent. Cela doit nous alerter en tant que formateurs
car ne pas prendre en compte en formation ces difficultés justifie par
avance des attaques contre le constructivisme et les méthodes d'enseignement qui s'en inspirent.
��CHAPITRE 2
DE LA PRESCRIPTION À LA REDÉFINITION
DE LA TÂCHE D'ENSEIGNEMENT
(ÉTUDE LON ITUDINALE)
PROBLÉMATIQUE
Dans notre thèse de doctorat, nous tentons de mieux comprendre
comment les professeurs des écoles débutants (PE2) apprennent à
faire classe durant leur deuxième année de formation à l'IUFM . Nous
cherchons à identifier :
- ce qu'ils s'efforcent de faire lorsqu'ils sont en situation d'enseignement (stages en responsabilité) ,
- ce qui les préoccupe pendant la planification ou la réalisation d'une
tâche d'en$eignement,
- comment évoluent leurs conceptions pédagogiques, qui ellesmêmes sous-tendent leurs pratiques de classe , au cours de cette année de formation professionnelle,
- ce qui influence cette évolution .
À la suite de Roland Goigoux qui articule psychologie ergonomique
et didactique (2007) , nous efforçons de cerner les buts que les enseignants débutants se donnent à eux-mêmes, ce que Jacques Leplat
décrit comme « l'élaboration par le sujet de sa propre tâche» (1997,
p.16) et que les ergonomes appellent la tâche redéfinie. Bien que celleci puisse être inférée à partir d'éléments observables de l'activité, nous
avons privilégié ici l'étude de la parole des enseignants débutants.
Nous voulions comprendre le passage du travail prescrit au travail
réel. Pour cela nous avons étudié comment les PE2 traduisent les pres-
�Marc Dagu zon
criptions qui leur sont adressées en intentions d'action et comment ils
poursuivent leurs propres fins en même temps que celles assignées
par la tâche prescrite. Autrement dit, nous avons suivi l'évolution de
leurs conceptions de la tâche d'enseignement.
Pour analyser cette évolution, nous avons procédé à une étude longitudinale. Nous considérons que, durant l'année de PE2, leurs conceptions de la tâche d'enseignement s'actualisent, s'opérationnalisent et
se diversifient, se transformant en des représentations fonctionnelles
« assurant la planification et le guidage de l'action» durant les stages
(Leplat, 1985, p.109) . La notion de redéfinition de la tâche traduit ce
processus d'actualisation de leurs conceptions . C'est à travers le recueil de leurs différentes préoccupations, tout au long de l'année, que
nous pouvons l'inférer.
Pour identifier les sources de la prescription nous avons distingué la
prescription primaire du travail, constituée par tout ce que l'institution
scolaire définit et communique au professeur pour l'aider à concevoir,
à organiser et à réaliser son travail et la prescription secondaire, émanant de l'IUFM. Cette dernière est élaborée et diffusée par les formateurs qui, non seulement reformulent, interprètent ou concrétisent les
injonctions hiérarchiques mais développent aussi un ensemble de recommandations autonomes (Goigoux, 2002).
C'est par le rappel de l'origine des prescriptions les plus fréquemment entendues ou perçues durant leur deuxième année de formation
post-concours que nous avons pu identifier les sources qui influencent
les conceptions pédagogiques des PE2.
LA MÉTHODE: L'OPÉRATION MOLESKINE
Pour connaître l'évolution des conceptions des stagiaires, nous
avons conduit une investigation longitudinale portant sur quinze PE2 à
l'IUFM d'Auvergne entre septembre 2005 et juin 2006, période où les
PE2 bénéficiaient de trois stages en responsabilité de trois semaines
chacun mais pas de stage filé (une journée hebdomadaire en classe).
Nous avons réitéré régulièrement des entretiens que nous avons enregistrés puis retranscrits et dont nous avons analysé le contenu. Ces
entretiens étaient de trois types (entretien individuel semi-directif , en-
�De la prescription à la redéfinition de la tâche d'enseignement (étude longitudinale)
tretien collectif et autoconfrontation individuelle à partir d'enregistrements vidéo de leur activité d'enseignement) afin que leurs recoupements rendent plus fiable l'interprétation des données.
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ès.
E : entretien individuel semi-directif
AC : entretien individuel en autoconfrontation simple
Co : entretien collectif
Tableau 1.
Planning des différents entretiens
pr type: huit entretiens individuels semi-directifs (E)
par sta_giaire
Chacun des huit premiers stagiaires rapportait, en une trentaine de
minutes, les prescriptions qui lui avaient été adressées depuis l'entretien précédent. Il était invité à indiquer celles qu'il jugeait pertinentes et
qu'i l reprenait à son compte pour l'avenir. Entre deux entretiens, il avait
noté dans un carnet de moleskine ce qu'on lui montrait ou ce qu 'on lui
disait qu'i l était « bon de faire». Cette prise de notes facilitait le rappel
des contextes de formation dans lesquels les prescriptions avaient été
transmises. Pour chaque proposition, le chercheur incitait le stagiaire à
indiquer la portée de la prescription et son domaine de validité (spécifiques à un contenu disciplinaire ou commun à plusieurs, propres à une
classe d'âge ou valide de la maternelle au CM2) . Il questionnait enfin
�Marc Dagu zon
le stagiaire sur les raisons de ses jugements (degrés d'accord avec la
prescription) et sur leur évolution au fil de l'année .
2 ème type: trois entretiens individuels
en autoconfrontation simple (AC) par stagiaire
Pour chaque PE2, chaque période de stage en responsabilité était
suivie par une autoconfrontation simple au cours de laquelle le PE2
commentait à l'intention des chercheurs sa propre activité d'enseignement filmée en stage lors d'une visite d'un de ses tuteurs .
Au-delà de sa part observable, il dévoilait ce qu'il s'efforçait de faire
pendant la séance . Mais aussi ce qu'il s'efforçait de faire sans y parvenir, ce qu'il se refusait à faire , ce qu'il avait renoncé à faire, etc. (Clot,
1999).
3 ème type: quatre entretiens collectifs (Co)
Un second groupe de 7 PE2 a été réuni à quatre reprises, à chaque
retour de stage , durant trois heures chaque fois . Ces stagiaires avaient
exactement les mêmes consignes de collecte des prescriptions et disposaient du même carnet de Moleskine . Chacun prenait appui sur son
expérience de stage pour commenter les prescriptions qui lui semblaient déterminantes. Le groupe réagissait alors pour indiquer s'il partageait ou non l'analyse amorcée par chacun à tour de rôle.
LE TRAITEMENT DES DONNÉES
Le corpus ainsi recueilli a été analysé selon une double perspective.
Une perspective diachronique
Il s'agissait de reconstituer l'évolution chronologique de l'élaboration
et du traitement des préoccupations des PE2. Savoir si ces dernières
se référaient à une période de planification (en absence d'élèves) ou à
�De la prescription à la redéfinition de la tâche d'enseignement (étude longitudinale)
une période de réalisation (en présence d'élèves). Les contenus abordés, lors des entretiens, n'épousaient pas forcément l'ordre chronologique, puisque les PE2 pouvaient aussi bien évoquer des éléments
d'un passé récent (ce qu'ils comptaient faire , pendant le stage qui venait de se terminer) qu 'un passé plus lointain (ce qu 'ils pensaient qu 'il
était bon de faire en début d'année) .
Une perspective synchronique
À la suite de François Dubet (2002) et de bien d'autres, nous consi dérons que la tâche d'enseignement est multidimensionnel le et multi finalisée : les enseignants sont donc susceptibles d'être préoccupés
par les différentes dimensions de cette tâche. Nous avons utilisé le
modèle de l 'analyse de l 'activité de l'enseignant de Goigoux (2007) ,
dérivé de celui de Leplat (1997) . Conformément à ce modèle, nous
avons retenu q[Jatre orientations possibles pour catégoriser les préoccupations de PE2 :
- des préoccupations tournées vers la gestion de la classe: il s'agit
de s'assurer que la journée de classe se déroule convenablement, que
les comportements des élèves respectent les règles sociales actualisées par l'autorité de l'enseignant, que les prises de paroles sont ré gulées, etc. ;
- des préoccupations liées à la gestion des apprentissages scolaires : s'assurer que les élèves apprennent, qu 'ils acquièrent les com pétences visées , qu'ils sont en activité sur les objets prévus ... ;
- des préoccupations liées à sa propre personne et à la construction d'une identité professionnelle : l'enseignant construit une image
de son action conforme à ce qu 'il pense que doit être et doit faire un
enseignant, tout en prenant en compte sa propre fatigue et son propre
confort car il doit aussi savoir se ménager pour durer dans son métier.
- des préoccupations liées aux autres acteurs du système scolaire :
s'assurer que l'activité d'enseignement déployée est lisible et acceptable, bref, reconnue par la hiérarchie , les collègues , les parents .. .
�Marc Dagu zon
PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
Les analyses réalisées révèlent que la redéfinition de la tâche du
PE2 est le fruit de la confrontation de ses conceptions de début d'année et de l'événement que constitue son expérience du stage en responsabilité .
En début d'année, la conception de la tâche d'enseignement dépend
essentiellement de ce que le PE2 a retenu de la prescription secondaire, c'est-à-dire celle qui est exposée dans les cours dispensés à
l'IUFM ou lors des stages durant l'année de PE1 et le début d'année
de PE2.
La préoccupation du stage en responsabilité est présente, de manière variable, selon les PE2 et suivant les périodes de l'année. Très
présente, pour certains, dès le premier entretien, elle n'apparaît explicitement, pour d'autres, qu 'une fois le premier stage en responsabilité
passé .
Durant la phase préalable au premier stage en responsabilité, les
PE2 adoptent des stratégies différentes. Certains ne l'évoquent pas
et considèrent qu'ils apprennent gratuitement: ils diffèrent le moment
où ils devront se confronter aux élèves. D'autres, à l'inverse, sont à
la recherche de tous les conseils qui pourraient les aider à prendre
en charge leur classe à venir. D'autres, encore, s'intéressent plus à
souligner les contradictions entre ce qu'ils ont retenus de la « théorie»
et ce qu'ils voient réellement en œuvre dans les classes. Néanmoins,
l'anticipation de la responsabilité de la classe les conduit tous, a minima, à distinguer une prescription maximale et exigeante (ce qu'il est
bon de faire), qu'ils évoquent en parlant de « ce qu'il faut faire en théorie», et une prescription minimale, (ce qu'il faut au moins faire), moins
exigeante et plus réaliste, qu'ils évoquent en parlant de « la pratique».
Cette distinction, floue en début d'année, préserve l'avenir et permet
d'avoir un cadre de justification pour expliquer les éventuelles difficultés de leur pratique en stage.
Les parcours des PE2 révèlent donc un développement professionnel
influencé par la prescription secondaire, généré par le choc produit par
les premières confrontations à la situation autonome de travail, sous l'influence de l'histoire personnelle et professionnelle de chacun. En d'autres
termes, l'évolution de la tâche redéfinie n'est pas seulement réalisée sous
�De la prescription à la redéfinition de la tâche d'ense ign ement (étude longitudinale)
l'influence de la prescription , elle dépend aussi de l'expérience des PE2,
expérience qui s'amplifie à chaque stage en responsabilité.
Le stage en responsabilité apparaît alors comme l'élément essentiel
du processus de redéfinition de la tâche . Les PE2 y font l'expérience de
l'insuffisance de leur représentation initiale de la tâche d'enseignement,
expérience qui amplifie leur vision des écarts entre la « théorie ", qui n'est
plus la prescription maximale mais uniquement ce qui est prescrit, et la
« pratique " qui n'est plus la prescription minimale mais ce qu 'ils parviennent à faire.
Première période, avant l'expérience
de la responsabilité de la classe
• Une conception de la tâche centrée sur les apprentissages scolaires
Au mois de n.ovembre, avant l'expérience de la responsabilité de la
classe, les PE2 ont des conceptions de la tâche d'enseignement assez similaires . Celles-ci sont essentiellement orientées vers la prise en
compte des apprentissages des élèves.
Les PE2 ont compris que l'activité de l'enseignant consistait essen tiellement à faire apprendre quelque chose aux élèves. Ils décrivent
ainsi plus facilement l'activité des élèves que leur propre activité d'enseignement. Cette dernière, la plupart du temps , est inférée à partir de
l'activité de l'élève qu 'ils doivent promouvoir. Tout se passe comme si
les connaissances acquises sur les processus d'apprentissages des
élèves tenaient lieu de viatique pour pouvoir enseigner.
Ce viatique se constitue essentiellement sous l'influence de trois in jonctions conformes au modèle socioconstructiviste dominant dans le
centre de formation.
• L'activité
« Il faut que les élèves soient actifs " est le premier commandement,
celui qui revient le plus régulièrement. L'activité recherchée est observable, les élèves doivent être visiblement engagés dans une tâche
qui suscite de l'intérêt et dans laquelle ils s'investissent. Les PE2 sont
sensibles aux marques de motivation et aux marques d'ennui qui sont
des indicateurs de la pertinence de la tâche choisie. La question de la
�Marc Daguzon
motivation des élèves est d'ailleurs une de leurs préoccupations essentielles dans les phases de préparation de la classe. Ils ont retenu qu 'il
est nécessaire «d'habiller» les tâches proposées pour créer un intérêt
auquel les élèves peuvent adhérer.
• La confrontation verbale
«II faut que les élèves parlent» est le deuxième commandement
que les PE2 restituent dans les entretiens. Ils ont aussi retenu qu'il est
nécessaire de prendre en compte la parole de chaque élève singulier
et que celui-ci doit pouvoir exprimer l'état de ses interrogations pour
deux raisons:
- d'une part parce qu 'il révèle ainsi ses représentations sur les objets de savoir dont l'émergence est une étape essentielle du processus
d'apprentissage dans le cadre socioconstructiviste ,
- et d'autre part parce que la confrontation interindividuelle est une
formalisation, adaptée à la classe, du conflit sociocognitif qui leur
semble être à l'origine de toute nouvelle connaissance.
• L'autonomie
« Il faut développer l'autonomie de l'élève» est le troisième commandement. L'autonomie de l'élève est systématiquement convoquée pour
préciser les modalités d'organisation de la tâche scolaire qui favorisent
son activité. Pour s'assurer de l'engagement et de la motivation de
chaque élève, les PE2 pensent que les tâches doivent être ajustées
au mieux à sa capacité cognitive, l'indicateur de cet ajustement est
alors l'autonomie dont l'élève pourra faire preuve dans la réalisation
des tâches proposées.
Identité et posture professionnelle
À partir de cette conception de la tâche orientée vers les apprentissages des élèves, les PE2 infèrent une représentation de l'identité
de l'enseignant. Ils construisent un modèle du «bon» enseignant en
référence aux pratiques des maîtres formateurs qu'ils ont souvent observées lors des stages de pratique accompagnée ou lors de visites de
classe dans le cadre de modules de formation.
�De la prescription à la redéfini tion de la tâche d'enseignemen t (étude longitudin ale)
Dans ce modèle, l'enseignant est avant tout un concepteur. Il doit
construire ses progressions et ses répartitions , élaborer les différents
types de leçons qui rythment les séquences d'enseignements, s'assurer d'un découpage en séances équilibrées, et il doit également concevoir les différents exercices et évaluations qui lui permettront d'analyser
la pertinence de son travail. Les PE2 se repré sentent donc l'enseignant
comme un planificateur en l'absence des élèves.
En classe , ils imaginent un enseignant en retrait, posture propre à un
accompagnateur qui soutient l'activité autonome des élèves engagés
dans des tâches qui les conduisent à construire leurs apprentissages.
L'un d'entre eux illustre cette posture : « ... En fait je me dis que dans
l'idéal par rapport à ce que je pourrais connaître de ce que l'on m'a dit
à l'IUFM / si un enfant ne répond pas à ce qu e je pouvais attendre / je
me dirais idéalement il devrait y avoir un enfant qui serait capable de le
contredire et de lui montrer avec ses mots / de le ramener dans le bon
chemin ... »
La gestion de la classe
La gestion de la classe est la grande absente de la représentation
initiale des PE2 . En raison de leur conception orientée vers les apprentissages des élèves. Ils pensent que l'organisation temporelle , spatiale
et matérielle doit être la mise en application de ce qui a été décidé au
niveau de la préparation et que le déroulement de la journée est la ré su ltante de cette organisation. Ils pensent que si le travail d'anticipation
a été bien mené alors il n'y aura pas ou très peu d'écarts entre le prévu
et le réalisé .
La re lation d'autorité n'est pas problématisée . Aucune prescription
explicite sur la gestion des relations entre les élèves n'apparaît dans
les premiers entretiens. Les PE2 refusent les postures directives qui ne
leur semblent pas adaptées au type de relation qui découle de la mise
en activité des élèves. Pour autant, ils se doutent bien de l'importance
de ces questions et sont très attentifs à tous les conseils (( recettes »
ou « gestes professionn els ») entendus lors du stage de rentrée qu 'ils
effectuent en observateurs dans les classes des maîtres formateurs .
Mais ils considèrent que pour l'essentiel la logique des apprentissages
�Marc Dag uzo n
scolaires peut structurer la relation pédagogique. Pour eux, ce sont les
didactiques des disciplines qui disciplinent.
Les sources d'influence de cette conception initiale
de la tâche d'enseignement
Trois sources ont pu influencer cette conception initiale .
• L'année de PE1
L'année de PE1 a généré l'essentiel. Les cours et les stages de
pratique accompagnée ont promu une vision cohérente de la tâche
d'enseignement.
Les PE2 semblent avoir trouvé dans les stages de leur année de
PE1 l'illustration de ce que les professeurs de l'IUFM avaient exposé
en cours . À tel point, que certains, en cours d'année de PE2 , affirmeront y avoir plus appris que pendant l'année de PE2 .
• Les conceptions des formateurs
Les PE2 comprennent que leurs formateurs, et en particulier leurs
formateurs des didactiques disciplinaires, ne veulent leur apprendre ni
« recettes » ni « tours de main».
Lorsque les formateurs font référence aux manuels, pour en faire des
analyses critiques du point de vue didactique, les PE2 comprennent
qu'ils devront éviter d'utiliser ces manuels et qu'il leur faudra concevoir par eux-mêmes les tâches d'enseignement. Au mieux, ils pensent
pouvoir compiler des séances issues de différents manuels, car les
formateurs leur ont cependant montré l'intérêt didactique de certaines
propositions qu'ils contiennent.
Aux yeux des PE2, les formateurs agissent comme si la gestion de
classe relevait d'un « bon sens» qui découle d'une préparation didactique bien structurée, à tel point que le collectif de PE2, lors de la première rencontre, pense qu'il est nécessaire de faire autant de fiches de
préparation que de moments de classe: ils conçoivent une journée de
classe comme une simple suite de séances didactiques.
�De la prescription à la redéfin ition de la tâche d'e nseig nement (étude longitudinale)
• Les formes des cours dispensés à l'IUFM en PE2
Les PE2 sont sensibles aux mises en œuvre proposées par le dispositif de formation. Ils ont tendance à les intégrer dans leur représentation , comme , par exemple , le travail de groupe très fréquent dans leur
propre formation . Comme ils ont aussi l'occasion , dans leur formation ,
d'être mis en situation de simulation de séances d'enseignement où
certains jouent le rôle des élèves pour ensuite analyser leur propre
ressenti: ils sont ainsi conduits à élaborer une règle d'action qui peut
se formaliser de la manière suivante: « ce qui est bon pour moi est bon
pour eux" . Les PE2 préparent alors leurs séances en se référant à leur
expérience d'élève, en situation semblable au cours de leur propre scolarité, ou de faux élèves, en situation de simulation de séance durant
la formation, c'est-à-dire le plus souvent en situation de résolution de
problème .
Deuxième période, la genèse
du développement professionnel
Au mois de décembre, lorsque les PE2 rentrent de leur premier stage
en responsabi lité , ils donnent deux explications aux imprévus rencontrés au cours de leur pratique .
D'une part ils soulignent les écarts constatés entre ce qu'ils pensaient faire et ce qu 'ils arrivaient à faire durant leur stage . Ces écarts
se traduisent par un sentiment permanent de manque de temps. Ils
expliquent cette impression par le fait qu'ils surévaluaient les capacités des élèves. Ils les imaginaient plus autonomes qu'ils ne le sont en
réalité ; ils devaient, en particulier, passer plus de temps que prévu
pour leur faire comprendre les consignes et les investir dans les tâches
qu 'ils proposent.
D'autre part, ils prennent conscience de dilemmes. Il n'est pas possible de tout faire conformément à la représentation qu'ils en avaient.
La réalité de la pratique de la classe télescope leur représentation initiale :
- l'action convoque toutes les dimensions de la tâche d'enseignement, notamment celles qui n'ont pas envisagées ;
- leur représentation initiale est trop exclusivement orientée vers la
gestion des apprentissages scolaires.
�Marc Dag uzon
Bref, ils ne se sentent pas préparés à assumer l'action dans sa complexité. Faire la classe ne va pas de soi, et les oblige à des détours
ou des adaptations qu'ils n'avaient pas anticipés et auxquels ils ne se
sentent pas prêts.
Le sentiment de manquer de temps nous semble alors être le symptôme qui révèle le malaise ressenti face à la responsabilité de la classe .
La posture de retrait qu 'ils imaginaient n'est pas possible et ils font l'expérience de la nécessité d'un engagement qui les expose, d'un face à
face et d'une relation auxquels ils ne sont pas préparés et qu'ils ont du
mal à nommer. Invoquer le manque de temps nous paraît être la première formulation d'un début de prise de conscience de la complexité
de la tâche d'enseignement.
Commence, alors, une nouvelle période qui s'étend jusqu'à la fin de
l'année de PE2 et qui se poursuit sans doute l'année suivante. Les PE2
vont se débattre entre travail prescrit et travail réel. Leurs conceptions
initiales, qui étaient proches, se diversifient.
Cependant, ils ont tous maintenant la possibilité d'expliciter leur
conception initiale puisqu'elle se révèle en tension avec l'expérience
de la responsabilité de la classe. Dans leurs propos, apparaît la notion
d'idéal. Ce qu'ils avaient retenu de la prescription de l'IUFM devient un
idéal. Cet idéal vient modifier l'idée qu'ils se font de la théorie . La théorie de l'IUFM était maximale et exigeante, elle est maintenant jugée
utopique par rapport à une pratique qui, elle, est réaliste, quotidienne
et fatigante.
À partir du premier stage en responsabilité , les préoccupations des
PE2 présentent des similitudes, dans leurs tentatives, plus ou moins
réussies, de faire « bouger» leur conception initiale .
• Première similitude, concevoir la notion de gestion de la classe
Les PE2 cherchent à élaborer une conception fonctionnelle de la
gestion de la classe, ce qui n'est pas étonnant tant cette notion était
absente de leur représentation initiale. Pour cela, ils traitent les écarts
entre ce qu'ils pensaient faire et ce qu 'ils arrivent à faire. Au cours de
l'année, les PE2 appréhendent progressivement le déroulement de la
journée scolaire comme un temps de vie partagé avec un groupe d'enfants qui n'est pas homogène , qui n'est pas d'humeur égale toute la
journée, qui n'est pas forcement intéressé par les activités scolaires et
�De la prescription à la redéfinition de la tâche d'e nseig nement (étude longitudinale)
qu'il faut savoir « occuper ». Ils font de plus en plus référence à la notion de vie quotidienne du groupe classe, envisagé comme une entité
dont ils doivent prendre soin.
Cette prise de conscience va modifier l'orientation de leurs préoccupations. Ils deviennent plus pragmatiques et évaluent la validité des
conseils qu'ils reçoivent en fonction de leur nouvelle priorité q\.1i est la
classe. Ils intègrent alors la temporalité réelle du déroulement de la
classe qui a son propre rythme et qui n'est plus uniquement dû à la
succession des activités prévues. Ils sentent la nécessité d'aménager
des « petits moments » qu'il faut parfois savoir improviser pour varier
le rythme de la journée et les actions des élèves . En fin d'année, tout
en ayant bien conscience que l'improvisation n'est pas conforme à la
tâche prescrite , ils se sentent plus disponibles aux élèves. Cela se traduit dans leurs propos par l'opérationnalisation du cahier journal: celui-ci apparaît comme un outil pour faire classe , alors qu 'en début d'année , seules les fiches de préparation semblaient avoir ce rôle . Cette
disponibilité s'élabore au gré des situations rencontrées , souvent de
manière peu consciente. En effet, la plupart du temps les PE2 trouvent
des réponses dans l'action et n'expriment plus , lors des entretiens qui
suivent les stages , les préoccupations qui pourtant paraissaient importantes dans les entretiens qui précédaient les stages.
• Deuxième similitude : leur conception des apprentissages scolaires évolue par le traitement des dilemmes
Une partie des écarts à la prescription retenue pose de véritables dilemmes aux PE2 . En effet, ce qu'ils voudraient faire est souvent incompatible avec la gestion de la classe . Pour faire face, ils opérationnalisent les trois commandements de leur représentation initiale tournée
vers les apprentissages des élèves.
« Il faut que les élèves soient actifs », un commandement à réinterroger.
L'idée qu'ils se faisaient de l'autonomie des élèves est mise à mal.
Cette idée persiste tant qu'ils ne prennent pas en compte la situation
d'enseignement telle qu 'elle se présente à leurs yeux. En effet, lors de
leurs premières expériences de classe, ils ont tendance à s'en tenir à
la représentation initiale qu'ils ont de l'activité des élèves. Ils doivent
�Marc Dag uzo n
ensuite apprendre à faire confiance à leurs propres perceptions des
situations dans lesquelles ils se débattent pour envisager des planifications plus adéquates. Une PE2, par exemple, explique que, pendant
le déroulement de sa séance, elle se rend compte qu'elle a préparé en
postulant une autonomie des élèves et sans prendre en compte son
expérience des premiers jours de classe. Elle prend alors conscience
qu 'elle fait une séance irréaliste et que surtout elle aurait pu se douter
avant de commencer que cette séance ne fonctionnerait pas. À trop
vouloir rendre ses élèves actifs, elle n'a pas su les occuper.
Il faut que les élèves parlent », un commandement à relativiser.
Les PE2 prennent rapidement conscience qu'ils ne pourront pas traiter toutes les prises de parole des élèves. En fait, ils mesurent qu'ils
ne peuvent prendre en compte que les interactions qui les intéressent,
celles qui alimentent le déroulement de leur séance et qui vont donc
dans le sens de la poursuite de leur objectif. La maîtrise de la gestion
de la classe est à ce prix. Ils mesurent « qu'ils doivent avancer malgré
tout ». Ils éprouvent alors un sentiment de malaise. Ils ont l'impression
de manipuler les élèves pour les amener à exprimer les remarques
attendues sans pouvoir, comme ils le croyaient, prendre réellement en
compte la diversité de leurs interrogations.
À ce malaise, s'ajoute la crainte de paraître directif et d'inhiber la
parole des élèves. La gestion des interactions leur parait alors être un
exercice d'équilibriste entre des postures d'ouverture qui permettent
l'expression de chacun et des postures de fermeture qui ne retiennent
que les remarques qui vont dans le sens de la séance : «il faut que
l'élève parle, oui, mais pour faire avancer la leçon».
«
« Il faut développer l'autonomie des élèves», un commandement qui
ne va pas de soi.
Les PE2 mesurent que l'autonomie , souvent prônée , n'est pas une
ressource pour faire classe . Ils découvrent que les élèves sont peu
autonomes et qu 'ils ne le deviennent pas naturellement sous prétexte
que la situation proposée attend d'eux qu'ils le soient. Ils prennent
conscience qu 'ils doivent énormément encadrer l'activité des élèves
pour que ces derniers puissent finir et réussir les tâches scolaires proposées.
�De la prescription à la redéfin ition de la tâche d'ense ignement (étude longitudin ale)
• Troisième similitude : tenter d'assumer la fonction enseignante
en étant exigeant sur le maintien des ressources attentionnelles des
élèves .
Les PE2 ont du mal à assumer une fonction enseignante qui n'est
pas isomorphe de leur personnalité et de leur propre rapport à l'au torité. Certains prennent toutefois conscience de l'importance d'agir
sur les postures des élèves. Ils comprennent que le maintien des ressources attentionnelles de ces derniers ne passe pas uniquement par
l'élaboration de scénarios didactiques, mais aussi par une posture
« encadrante » propre à l'enseignant qui régule les comportements .
• Quatrième similitude : le recours au genre professionnel
Les PE2 de notre corpus découvrent une ressource précieuse: les
autres enseignants qui , s'ils sont suffisamment semblables à eux ou
attentifs à leur désarroi , peuvent potentiellement répondre à leurs in terrogations. Ceux-ci , souvent, reconnaissent leurs préoccupations et
leur conseillent des pratiques alternatives qui se caractérisent par une
prise en compte du réel quitte là aussi à modifier, voire à rejeter, la
prescription secondaire. Cet ensemble de gestes partagés et de connivences sur ce qu 'il est convenu de faire , désigné sous le terme de
genre professionnel (Clot et Faïta, 2001), apparaît à leurs yeux comme
une référence stable et commune qui peut leur assurer une protection
et un soutien face à la solitude des décisions qu 'ils ont à prendre pour
faire classe : Les PE2 s'en emparent pour assumer la tension née des
écarts et des dilemmes auxquels ils sont confrontés lors des stages. Ils
expliquent qu 'ils ont dû en partie renoncer à la prescription du centre
de formation pour faire classe mais qu'ils doivent faire en sorte que ce
choix ne se remarque pas les jours de visite de leurs conseillers évaluateurs .
Ces similitudes dans le processus de redéfinition de la tâche ne seront pas appréhendées de la même manière par tous les PE2. D'autant
plus que des conditions du dispositif de formation peuvent les influencer et avoir un rôle déterminant sur l'évolution de leur parcours.
�Marc Dagu zo n
Les déterminants de ce processus
• Première condition: préserver un sentiment de réussite lors des
stages .
Lorsqu 'on demande par exemple à une PE2 qui prend le risque d'affronter les situations d'enseignement ce qui lui donne le droit, à ses
yeux , de rejeter, de modifier ou d'adapter une prescription , elle évoque
le sentiment d'avoir suffisamment confiance en son propre travail de
préparation et lorsqu 'on lui demande d'où naît cette confiance, elle
fait référence aux entretiens avec son équipe de tutorat qui a pris en
compte l'état de sa réflexion.
D'une manière plus générale, les PE2 plébiscitent certaines caractéristiques des entretiens qui favorisent , à leurs yeux , une mise en
confiance. Ils évoquent les conseils des formateurs qui cherchent à
comprendre leurs raisons d'agir et qui s'appuient sur leurs difficultés
à faire la classe pour émettre des conseils au lieu d'insister sur le respect des normes quant aux modalités d'apprentissage des élèves . Par
exemple, les PE2 privilégient, parmi les entretiens avec leurs tuteurs,
les reconstructions de séances qui démarrent par une clarification des
intentions qu'ils avaient lors du temps de préparation. Ils préfèrent
ces tuteurs à ceux qui proposent des séances alternatives plus performantes mais qui ne prennent pas en compte l'état initial de leurs
préoccupations .
En fait, les PE2 se sentent en réussite lorsqu 'ils se sentent en mesure de distinguer ce qu'ils savent faire de ce qu 'ils ne savent pas encore faire et surtout de pouvoir refaire seuls ce qu'on leur a conseillé
de faire .
Maintenir sa capacité d'agir semble donc nécessaire pour s'engager
sur la voie de la conception de sa propre tâche, face au risque destructeur du sentiment d'échec général qui se traduit par l'impression d'être
submergé et de ne plus pouvoir faire face à rien .
• Deuxième condition : permettre au PE2 de conserver suffisamment d'estime de soi pour construire une identité professionnelle.
L'exposition aux regards des autres rend les PE2 très sensibles aux
remarques qui touchent leurs attitudes face aux élèves. Ils réagissent
vivement par exemple à la manière dont un formateur les reprend sur
�De la prescription à la red éfinition de la tâche d'enseignement (étude longitudinale)
une erreur de langage ou une erreur d'orthographe laissée au tableau.
Ils redoutent les interpellations brutales. Ils se sentent atteints dans
leur estime d'eux-mêmes et semblent déstabilisés dans leur engagement à prendre en charge la classe. Les remarques qui portent sur
leur manière d'être ou de parler sont souvent jugées agressives et ont
tendance à les déstabiliser. Par ailleurs, les conseils les invitant à théâtraliser leur comportement sont également mal perçus, tant ils font référence à un jeu qui révèle une intention masquée, voire une volonté
de tromper. Cette interprétation les conduit à rejeter des conseils qu'ils
entendent comme des invitations à duper les élèves d'autant plus que
leur intention initiale d'enseignement est entièrement basée sur la sincérité de leur motivation.
Les interpellations mal perçues sur leur comportement fragilisent la
construction d'une identité professionnelle et peut les conduire à inhiber leur engagement pour adopter une posture plus attentiste ou à
refuser la formation par une attitude revendicative voire provocatrice.
Par exemple, Ul1e stagiaire fragilisée par des remarques mal perçues
peut revendiquer le modèle de sa mère enseignante comme alternative
aux conseils donnés par ses formateurs .
• Troisième condition: présenter des outils qui aident à faire classe
et à faire apprendre .
Les PE2 évoquent des outils didactiques comme les tableaux de
numération ou des outils organisationnels comme les organigrammes
dont l'expérimentation, lors des stages, les ont aidé à se sentir plus en
situation de réussite . Ils font alors référence aux présentations qui leur
ont été faites en cours . La logique d'action qui prime, lors de ces présentations, rend plus facile l'expérimentation lors des stages . Les manuels sont rarement présentés dans cette optique . Le plus souvent, les
formateurs disciplinaires les présentent dans le but d'identifier et d'analyser les choix didactiques qui président aux contenus. Cette finalité de
traitement ne permet pas aux PE2 d'identifier les manuels comme des
outils pour faire la classe au quotidien. Bien au contraire, les critiques
émises lors des analyses les conduisent à être très circonspects sur
leur usage.
�Marc Daguzon
Des profils d'évolution des PE2
Les PE2 réagissent différemment aux situations d'apprentissages
qu'ils rencontrent durant l'année. Toutefois, Les régularités que nous
avons repérées suite à l'analyse de notre corpus nous permettent de
construire trois profils pour catégoriser les descriptions des évolutions
singulières de leur représentation initiale .
• Premier profil (rare) : l'abandon plus ou moins complet de la représentation initiale, le renoncement à l'idéal du centre de formation.
Dans ce cas, c'est souvent la remise en cause de la formation qui
domine dans les propos des PE2. La coupure entre ce qu'ils appellent
« la théorie» et « la pratique» est nette. Ils pensent que « la théorie»
est une utopie et que la formation n'arrivera pas à régler les problèmes
qu'ils rencontrent en classe. Pour eux, cet idéal est une vue de l'esprit
non pertinente. Dans le meilleur des cas, ils se tournent vers leurs collègues pour rechercher des solutions qui, à leurs yeux, sont plus pragmatiques. Ce premier profil correspond à des stagiaires qui pourraient
dire que l'IUFM est à côté de la réalité et que, s'ils veu lent apprendre
leur métier, il vaut mieux qu'ils s'adressent à leurs collègues, dans les
écoles .
• Deuxième profil (rare) : le maintien de la représentation initiale,
l'affirmation d'un idéal
Cette posture montre un attachement aux conceptions véhiculées
par la prescription secondaire. Les PE2 vivent l'expérience de la classe
comme un appel au renoncement d'un idéal qui les a portés pendant
tout le temps des épreuves du concours (PE1). Ils refusent les compromis que nécessite la prise en compte des situations d'enseignement
dans lesquelles ils se débattent. Ils ajournent leur volonté de réussite
pédagogique et considèrent qu'ils n'ont pas les moyens durant les
stages de réaliser une pratique de classe conforme à leur représentation de la tâche d'enseignement. Ce deuxième profil correspond plus
à des stagiaires qui explicitent très clairement les ajustements qu'ils
devraient faire, mais n'arrivent pas à s'engager dans l'action. Ils ne se
sentent pas prêts car ils trouvent qu'ils manquent de connaissances
didactiques pour garder leur idéal intact.
�De la prescription à la redéfi nition de la tâche d'enseig nement (étude longitudin ale)
• Troisième profil (très majoritaire) : l'engagement dans un processus de redéfinition de la tâche , un idéal instrumenté.
Cette posture se caractérise par une préoccupation nouvelle pour
la réussite du stage . Celui-ci devient le principal catalyseur de la formation. Les PE2 engagés dans cette voie sélectionnent les conseils
qu 'ils retiennent en fonction de l'aide qu 'ils peuvent en attendre durant
les stages. La pratique devient le but et le moyen de leur formation . Ils
prennent progressivement conscience qu 'ils ne peuvent se contenter
de tenter d'appliquer ce qu 'ils ont compris de la prescription et qu 'ils
doivent transposer ce qu 'ils apprennent pour en faire des règles d'action susceptibles de les aider à tenir toutes les orientations de leur
activité d'enseignement. Le modèle idéal de l'IUFM devient alors un
repère qui les aide à prendre des risques , à s'engager sur le chemin de
l'élaboration de leur propre pratique . Le PE2, prototype de ce troisième
profil , proteste souvent car il a le sentiment qu 'on ne lui dit pas tout.
Il comprend qu 'il va falloir qu 'il s'en sorte par lui-même . Il apprend à
trouver des ressources et des soutiens dans le dispositif de formation ,
suivant l'actualité de ses préoccupations professionnelles.
EN GUISE DE CONCLUSION PROVISOIRE:
PRENDRE EN COMPTE LA GENÈSE
D'UN DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL
DANS UN DISPOSITIF DE FORMATION
Cette étude nous permet de mieux cerner le processus de redéfinition de la tâche chez les PE2. L'alternance , mise en œuvre au sein du
dispositif de formation , permet de nourrir ce processus par les confron tations entre les conceptions des PE2 et les situations de stage. Ce
dernier est à l'origine du développement professionnel qui s'articule ,
plus ou moins, suivant les parcours, avec les intentions du dispositif de
formation .
Si la finalité du projet de formation vise à maintenir et à amplifier le
processus de redéfinition de la tâche par un accompagnement plus effectif, les propositions suivantes pourraient être des pistes de réflexion
pour nourrir les débats sur la conception et l'organisation de dispositifs
de formation dans la perspective d'une mastérisation :
�Marc Dag uzon
- l'expérience de la responsabilité de la classe comme passage obligé dans le dispositif de formation, voir comme élément structurant d'un
parcours de 2 ans,
- l'articulation, dès le début de la formation, des enseignements didactiques et pédagogiques,
- la mise en œuvre de dispositifs d'accompagnement de l'expérience
de responsabilité pour favoriser le sentiment de réussite et renforcer la
prise d'initiatives du stagiaire ,
- le recours aux outils professionnels pour initier à la pratique de la
classe.
Ces quatre points révèlent l'importance d'une formation en alternance qui ne doit pas se réduire à la simple juxtaposition de diverses
formes de travail (cours théoriques, stages, analyses de pratiques)
ou de contenus d'enseignement (disciplinaires, didactiques, pédagogiques). L'alternance nécessite une étroite collaboration entre tous les
acteurs de la formation et une organisation souple comprenant des
temps de co-intervention associant formateurs permanents et formateurs de terrain. Elle exige des temps de construction et de régulation
d'un projet commun dont l'objectif est de permettre aux formés d'intégrer les différents savoirs pour optimiser leur développement professionnel.
�CHAPITRE 3
PROFESSEURS DES ÉCOLES:
DE L'ANNÉE DE PRÉPARA'110N AU CONCOURS
À L'ANNÉE DE «SJ"AGIARISATION»,
LA CONSTRUCTI N DES PROBLÉMATIQUES PROFESSIONNELLES
L'étude dont il est question ici se fonde sur une série d'entretiens
semi-directifs menés auprès de PE1 puis PE2 (pour les plus heureux)
en 2005 / 20~
/2007. C'est une cohorte de 16 sujets qui a été suivie
lors de ces trois années. L'objectif était de mettre au jour les problématiques présidant au choix du métier (identifications ou contre identifications aux modèles familiaux ou aux modèles enseignants) puis
de voir quelles répercussions ces problématiques avaient sur le vécu
et l'investissement dans la formation (que ce soit en PE1 ou en PE2
- au travers par exemple de l'investissement dans le travail de groupe,
des modes de socialisation ... ), et enfin sur l'activité en classe. Afin de
recueillir des données sur ce dernier volet, des observations ont été
menées auprès des PE2 volontaires lors de leurs stages en responsabilité selon la méthode de l'auto-confrontation (Theureau , 1992 ; Clot,
1999) : enregistrements vidéo de séances, auto-confrontations simples
et croisées.
Tous les entretiens obtenus ont été traités grâce au Logiciel Alceste
(Reinert, 1994) qui permet une analyse automatique des mondes lexicaux. En permettant une comparaison des différents corpus, ce procédé
d'analyse permet de repérer les principaux éléments de réponse que
les sujets élaborent alors qu'ils sont pris parfois en tenaille entre des
logiques contradictoires, au carrefour de contraintes fortes émanant des
institutions et des ressources quelquefois incertaines dont ils disposent.
L'activité des sujets dans la classe est alors conçue comme la résul-
�Hélène Marq ui é- Dubi é
tante de ces différents champs de force et sources de prescriptivité, ressources individuelles et/ou bricolages personnels (Durand , 1996).
HYPOTHÈSES DE TRAVAIL
AUX DIFFÉRENTS TEMPS DE L'ÉTUDE
L'identité peut être définie comme l'instance qui guide les choix en
cas de conflit entre les attentes et la réalité de la situation , ce qui va permettre au sujet de rétablir une certaine continuité dans son sentiment
d'être lui-même, de trouver un certain équ ilibre entre les ressources
dont il dispose et les contraintes auxquelles il a à faire face. C'est un
processus dynamique qui puise dans l'expérience du sujet, des modalités d'ajustement à la réalité . Elle « s 'inscrit dans le temps, dans des
espaces et des situations, s'affirme dans une confrontation et une négociation renouvelée entre réalité et idéal dont les résultats se donnent
à voir en termes de choix, d'investissements, de projets ou de renoncements» (Giuste-Desprairies, 2005) . Une situation de crise peut être
définie, du point de vue identitaire, comme une situation dans laquelle
les repères sont bouleversés, les choix remis en question, l'écart entre
l'idéal projeté et la réalité devenant trop important pour que l'individu
puisse maintenir un sentiment de cohérence. Les situations de bouleversement professionnel paraissent donc particulièrement sensibles de
ce point de vue et les publics des IUFM sont amenés de fait à traverser
plusieurs périodes de transition et remaniements identitaires : étudiant
préparant le concours, stagiaires recrutés par l'Éducation nationale ou
étudiants ayant échoué, titulaires lors de leur premières années d'exercice ...
À chaque temps va correspondre, pour le sujet, des remaniements
identitaires particuliers, lesquels ne peuvent être compris, au travers
des conflits internes que va traverser le sujet qu'en référence à la
construction identitaire précédente qui était opérante dans un contexte
différent. Ces modalités identitaires, nous avons choisi de tenter de les
saisir à partir d'éléments biographiques des individus au travers d'entretiens semi-directifs. Nous pourrons ainsi rendre compte à différentes
phases, des éléments saillants qui permettent d'expliquer les modalités
de réaction à la situation traversée .
�Trajectoires de professeurs des écol es
En T1 (PE1), nous avons axé notre recherche sur les modalités de
la construction identitaire des enseignants à partir des déterminants du
choix du métier, des stratégies d'intégration au monde professionnel.
Les modes et processus de socialisation (antérieurs et actuels) ont été
particulièrement ciblés parce qu 'ils sont, à nos yeux, le produit des expériences du sujet et de son insertion dans l'univers enseignant.. Ils sont
la part sociale, donc en partie observable , des processus de construction identitaire qui s'effectuent toujours au prix d'efforts constants d'unification/intégration permettant de dépasser les conflits internes (miroir
des différentes appartenances du sujet), mais également de différenciation et d'affirmation de soi en tant qu'individu (personnalisation) tout
en construisant ses nécessaires appartenances et affiliations (repères
identificatoires : Marquié et Asdih , 2006). C'est donc un système dynamique où tentent de s'équilibrer différents processus conflictuels avec
une majoration du déséquilibre lorsque les appartenances ou affiliation
sont modifiées (par le changement de statut comme dans le cas de la
réuss ite au CRPE).
Le temps T2 se situe après la période de passation du concours .. .
qu'il y ait échec ou réussite. À ce temps , nous avons tenté de saisir
quelles étaient les ré-équilibrations nécessaires au système identitaire :
dans le cas d'un échec au CRPE et d'un redoublement (comparaison
avec les pairs, difficulté d'affiliation au nouveau groupe des PE1 entrants et au groupe des PE2 ayant réussi. .. ) aussi bien que dans le cas
d'une réussite (nouveaux groupes d'appartenances, nouveau statut.. .).
En T3, après que les PE2 aient eu le temps de s'installer dans leur
nouveau statut, dans leur nouveau groupe d'appartenance (non sans difficultés), nous avons renouvelé la série d'entretiens afin de mettre au jour
quelles conséquences l'entrée effective dans le métier (par le biais des
stages) avait sur les constructions identitaires des sujets. Les groupes
de référence identitaires ont ici changé, le groupe professionnel ayant
pris la place des groupes de pairs immédiats (PE1 , PE2 en début d'année), les modes de fonctionnement, les objectifs, les valeurs en sont par
là même modifiés. Dans ce contexte, s'élabore le geste professionnel ,
en tant que modalité et expression du genre professionnel (C lot, 1999).
�Hélène Marquié-Dubié
L'année suivante, nous avons pu compléter notre étude grâce à un
nouveau groupe de sujets auprès duquel nous avons pu observer les
pratiques de classe (méthode d'autoconfrontation croisée avec des
entretiens semi-directifs afin de contrôler la validité des variables précédemment retenues) tout en continuant à recueillir des éléments sur
leurs problématiques identificatoires. Cette partie de l'étude se situe,
comme pour le groupe précédent, au temps 3. Elle nous a paru riche
d'enseignements sur les répercussions en termes d'activité réelle des
problématiques identitaires.
LES SUJETS
Recrutés sur la base du volontariat nos 16 sujets se présentaient
selon la répartition suivante (en T1) :
Prénom
Âge
Situation familiale
Études initiales
Sophie
35 ans
Mariée, deux enfants
Sociologie
Christelle
26 ans
Célibataire
Géographie
Amélie
31ans
1 enfant
Histoire
Léa
26 ans
Célibataire
Biologie
Caroline
22 ans
Célibataire
22 ans
Célibataire
Langues
Annie
22 ans
Célibataire
Psychologie
Lucie
24 ans
Célibataire
Biologie
Marie
22 ans
Célibataire
Sciences de
l'Éducation
Elia
30 ans
Mariée, deux enfants
Sociologie
Magali
24 ans
Célibataire
Sociologie
f-.
1-
.....
----- -
Catherine
Histoire
-
1-------- - -----
i-
--
-~
�Trajectoires de professeurs des écoles
-r-
Émilie
23 ans
Célibataire
Histoire
Jeanna
22 ans
Célibataire
Langues
Frédéric
21 ans
Célibataire
STAPS
Alice
21 ans
Concubinage
Communlcation
Roberte
25 ans
Célibataire
Droit
-
'-
Étaient ainsi représentés aussi bien les étudiants issus de filières
scientifiques que littéraires, ceux ayant déjà effectué un parcours professionnel (marqué par la précarité des emplois assurés) , ceux pour
lesquels l'IUFM s'inscrivait dans la droite ligne de leur parcours universitaire .
En T3, en raison de la dispersion de l'échantillon initial , c'est à un
nouveau groupe de PE2 que nous nous sommes adressée . Six volontaires ont aécepté de participer à cette expérimentation : en ce qui
concerne les filières d'origine, il y avait 2 sujets issus des filières scientifiques, 3 des filières littéraires et un de la filière STAPS. Deux des sujets avaient une expérience préalable professionnelle dans le domaine
de l'enfance (animation ou contrat « Jeunes»).
Chacun d'eux a été filmé dans sa classe , s'est prêté ensuite au jeu
de l'auto-confrontation simple, puis une séance a réuni tous les participants pour une auto-confrontation croisée. Afin de nous assurer de la
comparabilité des résultats , les sujets ont été interrogés lors d'entretiens préalables conduits sur la même base que ceux des temps 1 et
2. Il a ainsi été possible de repérer pour chacun d'eux l'appartenance à
l'un ou l'autre des groupes définis lors des premières enquêtes.
�Hélène Marqu ié-Dubié
PRINCIPAUX RÉSULTATS
En T1 , en nous fondant sur l'analyse des entretiens menée grâce au
logiciel ALCESTE, nous avons pu repérer deux modalités principales
en ce qui concerne les motivations pour accéder au métier.
Soit un projet ancien (( j'ai toujours voulu être enseignante») qui
s'est construit sur la base d'identifications familiales et/ou scolaires
avec comme modalités :
- des identifications positives (un ou une enseignant(e) qui a particu lièrement marqué le sujet et auquel il rêve de ressembler) ; ce premier
groupe a été codé VP+ soit Vocation Précoce avec identifications positives .
« Il y a eu notamment deux professeurs de français, un professeur
de philo ... j'aimais bien la façon dont ils enseignaient, ils parlaient de
choses qui m 'intéressaient, enfin comment dire, ils parlaient de notre
vécu, on se reconnaissait dans ce qu 'ils disaient et du coup ça faisait
passer le reste ... » (Sophie)
« Ce qui me plaisait c 'était... La façon d 'être de l 'institutrice avec les
élèves, cette relation qu'elle a, cette relation de groupe qui fait que la
classe forme un tout, la façon d 'être surtout... J'ai pas de souvenirs
de la classe, je vois l 'institutrice, mais je vois pas la classe, je vois le
groupe, mais je vois pas le lieu ... I'attention, le fait qu 'elle soit disponible
pour tous, c 'est comme une seconde maman, c 'est un tout ... » (Christelle).
- ou au contraire des identifications négatives (le sujet semble engagé dans un processus de réparation: profondément marqué par des
enseignants décevants, démobilisant ou autre, ils se sont promis de
« faire mieux» ; ce groupe a été codé VP- soit Vocation Précoce avec
identifications négatives.
« Je me souviens d 'un jour où j'ai été punie en CP parce que j'avais
interverti des cases pour reconstruire une histoire, un aussi, je crois
que c'était le plus humiliant, c'était un instituteur qui faisait un classement tous les mois et en fonction des résultats les moins bons étaient
placés au premier rang et une fois je me suis retrouvée au premier
rang, mais humiliée ... c 'était horrible ... »(Amélie)
�Trajectoires de professeurs des écoles
« En fait, je crois que ce qui m'a donné le plus envie de faire ce
métier c 'est par rapport aux points négatifs que j'ai pu vivre, c 'est pas
forcément des enseignants qui m'ont donné envie par imitation, par
modèle ... plutôt je me disais, ah ben non je ferais pas comme ça ... je
me disais que c 'était dommage. » (Jeanne)
Soit un projet construit plus récemment:
- par ré-orientation: l'accession au métier est déterminé par la passion pour une discipline mais enseigner dans un collège paraît trop difficile, qui plus est, passer le CAPES implique un déménagement dans
une région différente.
cc À l 'origine, je voulais être enseignant d'EPS et après au travers des
stages, ça a été vers les plus jeunes .. . ils sont différents, un peu plus
calmes, c 'est un autre comportement. Au collège des fois c 'est plus une
corvée que de l'envie, au primaire, ils ont encore de l'envie, après ... »
(Frédéric)
- ou bien de manière raisonnée parce qu '« être fonctionnaire est une
sécurité », idée appuyée par le contexte famil ial et social ( << ma mère
trouve ça très bien», «tous mes amis passent des concours de fonctionnaires ») .. .
Ce groupe a été codé groupe «ALT » pour choix alternatif. ..
«Petite, je voulais être égyptologue, jusqu 'à ce que j'ai appris qu 'il
y avait pas beaucoup de débouchés ... alors j'ai élargi à archéologue
mais non plus et après mais c 'était vraiment petite et après il y a eu
un long moment où je savais pas quoi faire, donc ça désespérait mes
parents et mes professeurs, du coup ça me stressait et puis je sais pas
comment c 'est arrivé, d 'un coup j'ai décidé l 'enseignement primaire ...
mais je pensais pas être enseignante .. . » (Émilie).
Ces modalités de motivation pour accéder au métier sont corrélées
avec des modes de socialisation par rapport aux groupes de pairs:
- les sujets du groupe VP+ (Vocation précoce avec identifications
Positives) sont fortement investis dans le groupe de PE1 : ils initient un
travail de groupe, préparent collectivement les épreuves, s'entraident,
�Hélène Marqui é- Dubié
niant par là même la situation de concours (tous ne pourront réussir,
mais l'illusion est entretenue ... ) ;
- les sujets du groupe VP- (Vocation précoce avec identifications
négatives) sont, au contraire, peu investis dans leurs groupes de pairs,
ressentent de maniére aiguë la concurrence et les tensions associées
à «l'esprit de concours ». De fait, et de manière tout à fait cohérente, ils
privilégient les stratégies individuelles de préparation;
- pour ce qui est du groupe ALT (choix alternatif ou raisonné), les
choix sont avant tout fonctionnels ( << travailler en groupe, ça fait une
émulation, et donc ça donne envie de travailler, plus que d'être tout
seul»). L'esprit de compétition est bien ressenti , mais il est accepté en
tant que composante naturelle de la situation .
Le rapport au groupe de pairs, lors de l'année de préparation au
concours , est orienté en fonction du projet construit préalablement
par le sujet. On voit déjà comment des stratégies de travail (collectives, individuelles, fonctionnelles), ici dans l'optique de la réussite au
concours, s'élaborent en cohérence complète avec les constructions
identitaires préalables de l'individu. Lorsque les enseignants ont été
perçus de manière positive au cours de la scolarité (jusqu'à susciter
ou étayer des vocations), le groupe des pairs (première approche du
groupe des futurs collègues) est ressenti comme un facteur favorable à
la réussite. Lorsque la vocation s'appuie sur la volonté de « réparer» un
système utilisant des enseignants «défaillants », les autres individus
sont perçus comme des concurrents directs. Le groupe de pair ne peut
alors être une ressource pour la réussite et le travail de groupe en est
empêché.
Les variables liées à la situation familiale, à l'âge, à la filière initialement suivie ne présentent pas de corrélation avec les groupes ainsi
identifiés. Aussi pour la suite de l'étude c'est la classification par modalités de motivation qui a été retenue comme critère discriminant (les
autres variables ont cependant été introduites systématiquement, mais
sans plus de succès).
Au temps 2, quel que soit le groupe considéré (VP+, VP- ou ALT),
l'échec est vécu de manière cuisante, certains ayant beaucoup de mal
�Trajectoires de professeurs des écoles
(et ce d'autant plus qu'ils sont fortement investis dans des groupes
amicaux ou familiaux d'enseignants) à dépasser cette épreuve. Ils pensent alors à se réorienter (une seule sur les cinq qui se retrouvent en
situation d'échec le fera, les autres redoubleront) .
Pour les redoublants, le début d'année est difficile, l'intégration dans
les nouveaux groupes de PE1 est d'autant moins recherchée que les
groupes d'appartenance initiaux se retrouvent en partie en PE2 : les
nouveaux PE1 (nouveaux pairs) sont dénigrés du fait de leur faible
niveau de connaissances, ils sont jugés «trop jeunes» et peu «intéressants». La seule solution consiste alors à se retrouver entre redoublants. Le maintien des liens avec ceux qui sont passés en PE2 est
décrit comme difficile, la blessure narcissique , la désillusion étant trop
importantes pour être tout de suite dépassées.
Pour ceux qui ont réussi , le sentiment général est celui du soulagement qui va très vite céder la place à l'angoisse de la validation de cette
année de formation. Ce sentiment est plus prégnant chez les VP+ (<< si
t'es pas validé ça veut dire que t'es pas un bon enseignant»... « si je
suis pas validée, ça va être terrible » ... " parce qu'on peut travailler et
que ça se passe pas bien ... ») pour lesquels l'identification au groupe
des enseignants est forte. Ils vivent ce début d'année sous une grande
pression: malgré l'obtention du concours , il leur manque encore d'être
reconnus comme de «vrais» enseignants et non comme des enseignants en formation. De ce fait, toutes les angoisses se cristallisent
sur la validation et ses différentes modalités (mémoire professionnel,
stages ... ). L'institution est vécue, au travers des formateurs, comme
potentiellement persécutrice, les aléas de la validation sont sans cesse
interrogés.
Dans ce groupe, la nostalgie des groupes de PE1 a également son
importance et rend difficile l'élaboration de nouveaux liens de socialisation avec les pairs (des rivalités issues de l'année précédente peuvent ressurgir). Et ce d'autant plus que tout le monde n'a pas réussi au
concours, ce qui pose question à la grande majorité et semble fragiliser
leur confiance en eux (( y avait des gens dans mon groupe qui méritaient et je trouve hallucinant... enfin, la réaction au début ça a été, ils
les ont oubliées et puis après mais non ... »). Le groupe de pairs est dès
�Hélène Marquié- Dubi é
lors, vécu sur un mode très négatif, les conflits sont nombreux. La situation est en partie aggravée par la demande explicite des formateurs
qui souhaitent de la part des PE2 un investissement dans le travail de
groupe .
L'intégration en PE2 marque également, pour les sujets du groupe
VP+, l'entrée reconnue dans le groupe des pairs-enseignants, ce qui
a pour effet de rendre plus proches les formateurs (premiers représentants de ce groupe). Pour les deux autres groupes de sujets, la
distance est maintenue .
En T3 (deuxième trimestre de l'année de PE2), apparaissent, au
plan des entretiens, toutes les difficultés et tensions vécues dans la
formation:
Pour ce qui est du groupe ALT, la principale difficulté réside dans
l'intégration , l'identification à un groupe . Les sujets de ce groupe relèvent qu'ils sont mis en contact avec d'autres visions du métier (via
les collègues ou les enseignants-experts que sont les IMF) , ce qui ne
manque pas de leur poser problème et de générer des tensions importantes dans la formation. Ces tensions , déjà présentes au temps 2,
sont reportées sur les formateurs: «je lève le doigt et elle est passée
à quelqu 'un d 'autre! comme si elle voulait pas me voir j'ai appelé trois
fois, elle m 'a pas répondu»). Ne pouvant ni s'identifier au groupe des
pairs, ni s'affilier complètement au groupe des experts, les stagiaires
de ce groupe pointent de manière négative les moments où ces différents groupes sont en confrontation : les cours sont particulièrement
dénigrés (contenu, attitude des formateurs), mais c'est le cas égaIement des visites de stages (formation ou évaluation).
Le groupe VP+, quant à lui , reste dans l'angoisse de la validation,
dans le stress des contraintes générées par la rédaction du mémoire ,
les visites évaluatives de stage ... un refus de validation équivaudrait à
un rejet du groupe d'appartenance initial et la tension est à son maximum (<< on a la pression .. " on nous prévient de notre stage une semaine avant en gros, quatre jours après on rentre en classe, donc on
a pas le temps de préparer", on peut pas exiger que ça soit au top
s'ils nous préviennent la veille», « on est dans les soutenances de mé-
�Trajectoires de professeurs des écoles
moires, je me demande quand est-ce que ça s 'arrête »). L'échéance de
la fin d'année et des jurys de validation (même pour ceux qui présen tent toutes les garanties de succès) renforce la pression .
Pour le groupe VP-, la difficulté réside dans le choix d'un modèle de
fonctionnement : les sujets de ce groupe relèvent la co-existence de
différents modèles d'enseignement au sein même de la formation et
en dehors (stages de pratique accompagnée) . N'ayant pas élaboré un
modèle stable de référence , ils oscillent sans savoir comment se situer
entre ces modèles . De fait, ils reprochent à la formation d'être bien
trop axée sur la préparation de fiches, de séances et de séquences et
de ne pas leur permettre de travailler sur les tenants et aboutissants
de ces modèles pédagogiques (( au-delà de tes fiches de prép ' c 'est
peut-être une vision de l 'enseignement d 'aujourd'hui où on réfléchit sur
des choses comme ça, les pratiques enseignantes. Ça manque énormément, ça manque au sein des PE2 »).
À ce moment de l'année , les PE2 , quel que soit leur modèle identificatoire, sont tous , sur différents registres dans la contestation , la critique de la formation . Chacun des registres contestés (relation avec les
pairs/conflits dans les groupes, relations avec les experts ... ) renvoie à
une problématique particulière qui trouve son origine dans l'histoire du
sujet, dans les modalités de construction de sa personnalité sociale .
TRAJECTOIRES ET PRATIQUES EFFECTIVES
En 2007, comme précisé plus haut, nous avons reconduit l'expérimentation avec un nouveau groupe de volontaires . Ceux-ci , au nombre
de six, ont accepté d'être filmés dans leurs classes respectives (stages
filés en écoles maternelles). Ce groupe était constitué de cinq sujets
féminins et un sujet masculin , deux d'entre eux étaient issus des filières
scientifiques, trois des filières littéraires et économiques, un de la filière
sportive . Aucun d'entre eux n'était marié, ni n'avait d'enfants.
Les mêmes variables que celles recensées comme pertinentes aux
temps précédents de l'étude ont été introduites et testées grâce à des
entretiens (âge, sexe, situation familiale , filières d'origine d'une part et
�Hélène Marquié - Dubié
celles relatives aux trajectoires identitaires comme décrites ci-dessus
d'autre part).
Pour ce groupe, nous avons pu utiliser différents corpus de données:
- entretiens semi-directifs menés sur le principe des temps 1, 2 et
3 (enregistrés et retranscrits verbatim afin de permettre une analyse
soutenue par le logiciel Alceste),
- données enregistrées des séances (temps standard d'enregistrement: une heure en début de matinée filmée au troisième trimestre
dans les classes de stage filé) ;
- données d'auto-confrontation simple : les participants ont été
confrontés aux enregistrements effectués. Il leur était demandé de
décrire leurs intentions lors de l'élaboration du dispositif proposé aux
élèves, l'évaluation qu'ils faisaient spontanément de leurs actions,
les difficultés qu'ils pensaient avoir rencontrées et les moyens qu'ils
avaient mobilisés pour les dépasser. Les données ainsi recueillies ont
été enregistrées, puis retranscrites verbatim afin d'être traitées par le
logiciel Alceste. Le traitement des corpus de discours par le logiciel
a permis de repérer les situations prototypiques analysées lors de la
phase suivante;
- données d'auto-confrontation croisée: à la suite des entretiens réalisés , les volontaires ont été réunis pour une séance d'auto-confrontation croisée (Clot, 1999). Des extraits des séances enregistrées précédemment et sélectionnées grâce au traitement par le logiciel Alceste ont
été projetés. Les participants étaient incités à commenter leur propre
action mais également à intervenir à propos de celles des autres. Les
données ainsi obtenues ont été enregistrées et retranscrites.
Le traitement des données recueillies au cours des entretiens d'autoconfrontation simple montre que les sujets se différencient selon deux
modalités en ce qui concerne les difficultés rencontrées dans les pratiques de classe:
- les difficultés liées à « l'ambiance» de classe (gestion des enfants
à besoins spécifiques, gestion des activités dites « à la marge» : collation, passages aux toilettes, gestion des émotions et de la relation aux
élèves ... ) ;
�Trajectoires de professeurs des écoles
- les difficultés liées directement aux apprentissages, à leur contenu ,
au sens identifié par l'enseignant et présentées aux élèves .
Cette dichotomie s'accompagne d'une corrélation avec les variables
relatives aux trajectoires identitaires : toujours associé à un projet d'entrée dans le métier fondé sur une vocation précoce , le rapport valorisé
et effectif au groupe de travail est corrélé avec les problématiques portant sur les contenus des apprentissages. A contrario, lorsque les difficultés évoquées sont de l'ordre de l'affectif, de l'émotion , de la relation ,
on note une corrélation avec un fonctionnement isolé des sujets.
Autrement dit, plus le sujet fonctionne de manière isolée, ce qui,
dans son histoire, peut être relié à ses modalités de construction identitaire , plus ses questionnements, ses difficultés se cristallisent sur les
aspects émotionnels, relationnels , etc .. .
Une explication qui peut être avancée est que, du fait de son parCours spécifique , l'individu traduit dans sa pratique de classes ses problématiques personnelles. Si cette pratique peut être étayée , discutée ,
confrontée avec celles de ses pairs, il peut dépasser sa problématique
personnelle en la transformant en problématique professionnelle (quels
contenus pour cet apprentissage ?). Le travail en groupe facilite donc
la professionnalisation des problématiques.
Cette hypothèse est confirmée par l'analyse de la séance d'autoconfrontation croisée au cours de laquelle n'apparaissent plus, dans
les échanges, que des problématiques professionnelles, ou présentées
comme telles . En effet, on peut supposer que l'échange en groupe
n'est pas favorable à l'exposé de problématiques individuelles. Mais il
n'en reste pas moins que si dans un premier temps (auto-confrontation
Simple) les difficultés évoquées par une partie des sujets étaient, par
eux, présentées comme difficilement surmontables en raison de leur
résonance avec le vécu personnel, dans le temps de l'auto-confrontation croisée ces mêmes difficultés trouvent des possibilités d'élaboration dans le registre professionnel. On assiste à un élargissement du
champ des possibles par appui sur les ressources professionnelles.
�Hélène Marq ui é- Dubi é
CONCLUSION
Les trajectoires étudiées mettent en relief l'importance de la construction du projet professionnel , dès l'enfance pour certains , dans les relations qui sont établies par la suite avec les différents groupes de
référence . In fine , cette construction , de laquelle découlent des problématiques spécifiques , contient le germe des insatisfactions ressenties
vis-à-vis de la formation lors de l'année de PE2, explique la résistance
qu 'opposent les stagiaires au travail en groupe qui leur est souvent demandé et peut même laisser supposer les difficultés à faire travailler en
équipe par la suite les professeurs des écoles. Connaître l'origine de
ces résistances doit pouvoir permettre d'y trouver des remédiations, de
trouver les leviers susceptibles de dépasser les résistances.
Par ailleurs, la corrélation entre « trajectoires » et pratiques effectives
redouble l'intérêt de ce type de connaissances. Permettre aux professeurs novices d'intégrer plus sereinement des groupes de travail leur
permet de déplacer leurs problématiques personnelles vers des problématiques professionnelles. Ce « pas de côté » permet de se dégager de
difficultés auxquelles la formation ne peut, par essence, proposer de
solutions et de réinvestir celle-ci comme le lieu qui pourra permettre de
dépasser ces difficultés spécifiques. Ce à quoi , formateurs et form és
ont tout à gagner .. .
�CHAPITRE 4
L'ENTRÉ DANS LA CARRIÈRE D'UNE COHORTE
DE PROFESSEURS DES ÉCOLES EN GIRONDE:
LA CONSTRUCTION DE L'IDENTITÉ AU TRAVAIL
ENTRE ADAPTATION ET AUTONOMIE
icolas SEM BEL, Franck LÉONARD,
8 ris L RUEL et Benjamin CESSON
L'objectif de cette communication est de comprendre pourquoi le décalage entre formation initiale en IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres) et entrée dans la carrière professionnelle (Hughes,
1996) est quasiment toujours perçu de façon négative, comme une
contrainte et un manque à combler, et rarement comme une ressource
et un facteur d'autonomie, au sens de « développement professionnel»
(van Zanten et Grospiron, 2001 ; Wittorski, 2007) .
PROBLÉMATIQUE
Des premiers éléments de réponse sont fournis par la formulation de
deux paradoxes, qui questionnent les notions de professionnalisation
et d'adaptation .
Premier paradoxe: la professionnalisation contre l'IUFM
et les enseignants débutants?
La perception négative du décalage entre la formation et le « terrain»
a notamment pour origine l'approche de la professionnalisation, très répandue dans les IUFM, qui suppose la « rationalisation des savoirs mis
en œuvre dans l'exercice de la profession», la « plus grande maîtrise»
et la « plus grande efficacité individuelle et collective « ; « quelqu'un qui
�Nicol as Sem bel, Franc k LÉonard, Bo ri s Teru el et Benj amin Cesson
fait preuve de professionnalisme , c'est quelqu'un qui respecte dans
sa pratique les procédures et les normes établies par la profession»
(Bourdoncle, 1991, 1993). La professionnalisation impose des normes,
des critères et un modèle professionnels, mesure des écarts avec les
pratiques, et propose de réduire le décalage par « adaptation » (définie
comme l'ajustement aux conditions d'un contexte , en l'occurrence de
travail) (van Zanten et Grospiron , 2001) , « réflexivité» (Schbn, 1994)
et/ou « bricolage » (Barrère, 2002 ; Dubet, 1991 ; Dubet et Martuccelli ,
1996).
La formation par la professionnalisation rejoint les points de vue des
enseignants débutants et des acteurs du « terrain » autour d'un constat
central : le décalage avec la pratique comme problème , et l'adaptation
comme solution , avec deux variantes: l'adaptation « faible » par imitation du « maître formateur » ou du collègue dans le compagnonnage,
et par accumulation de techniques et de conseils pour les enseignants,
débutants ou non ; et l'adaptation « forte » par théorisation en IUFM .
Dans le meilleur des trois cas, l'adaptation par imitation peut produire
le dépassement du maître par l'élève , qui en « s'inventant soi », acquiert une autonomie , limitée par la socialisation professionnelle du
« terrain » ; l'adaptation par accumulation produit une maîtrise et une
forme d'autonomie, limitée , voire trompeuse , car intrinsèquement assujettie au contexte scolaire professionnel ; l'adaptation par théorisation peut produire une réflexivité autonome, mais peu ou pas critique ,
car liée à la normativité institutionnelle officiellement dominante de la
profession . Dans les trois cas , le professionnel débutant acquiert, au
mieux , une autonomie « faible ».
Le paradoxe est que la professionnalisation et l'adaptation légitiment
la critique adressée en retour par les enseignants débutants et le « terrain » à l'IUFM. Celui-ci est pris au piège de la valorisation de la professionnalisation et de l'adaptation ; il doit permettre l'adaptation , apparemment sans fin et vers toujours plus d'efficacité , des débutants, tout
en faisant l'objet d'une critique également sans fin , dotée d'une forte
dimension anti-intellectualiste : mission difficile et critique récurrente
qui ne sont pas sans conséqu ences sur les enseignants débutants euxmêmes.
�La construction de l'identité au travail entre adaptation et autonomie
Second paradoxe: l'autonomie
contre la professionnalisation et l'adaptation?
La sociologie du travail et des organisations classique (Friedmann ,
1946) et interactionniste (Hughes, 1996 ; Becker, 2006 ; Freidson,
1984) montre clairement que l'autonomie « forte" se construit contre la
professionnalisation et l'adaptation . Celles-ci s'inscrivent toujours peu
ou prou, du fait de leurs limites intrinsèques (dont la « logique centri pète", « tournée vers l'organisation " , de Friedmann) et de leur lien
originel avec le processus de taylorisation, dans la perspective de la
normativité institutionnelle officiellement dominante de la profession .
Cette normativité évacue la plupart des questions que lui pose l'autonomie au travail de l'enseignant débutant : les liens entre normativité
et conflictualité (Sembel , 2000) ; la définition et la construction d'une
normativité professionnelle critique , « alternative ,, ; 1'« effectuation
d'un projet intérieurement normé " (formule de Canguilhem commentant Friedmann) ; le développement d'une logique de subjectivation
« faible " (Dubet, 1994) ou « forte " (Charlot, 1997) ; la définition et la
construction d'une autonomie « forte " .
Alors qu'un professionnel adapté reste dépendant du contexte (qu'il
subit), un professionnel autonome s'en distancie, et le transcende (van
Zanten et Grospiron, 2001) par son activité subjective (Clot, 1995). Une
formation à la structuration progressive d'une identité professionnelle
et d'une carrière « par le bas", par distanciation théorique, travail formateur et accompagnement professionnel , et tendant vers l'autonomie ,
devient possible ; elle met provisoirement de côté (démarche interactionniste) le décalage « formation -terrain " et la critique de la formation comme problèmes; enfin , elle est bien distincte d'une formation à
la construction normative, « par le haut ", par adaptation, profession nalisation « formelle " et compagnonnage .
RÉSULTATS
Après avoir rappelé , en les revisitant avec notre problématique, certains aspects de la difficile entrée dans la carrière en première année ,
�Nicolas Se m bel, Franck LÉon ard, Bori s Teru el et Benja min Gess on
nous nous intéresserons aux conséquences de ces premiers pas sur le
rapport à la formation professionnelle.
L'entrée dans la carrière
Cette entrée, déstabilisante et difficile à vivre, fait apparaître les limites de la formation initiale, parfois les limites de l'adaptation et le
début d'une distanciation .
• La « prise » de poste: la nécessité de l'adaptation, et ses limites.
Le « métier» d'enseignant débutant reste à définir dans l'interaction
avec les élèves, les savoirs, les collègues, l'institution, les parents
d'élèves, quand bien même a été reconnue la capacité « statutaire»
d'enseigner (Dubet, 1991). C'est une véritable épreuve (Dubet et Martuccelli, 1996), avec de multiples tâtonnements: «Je m'en suis sortie
tant bien que mal au début, je ne suis pas tout à fait satisfaite de ce que
j'ai fait ... Surtout à propos de la gestion de classe au début. Tant qu 'on
n 'arrive pas à gérer sa classe, c'est impossible de faire quoi que ce
soit. Ça a été extrêmement dur » (Christelle). Le travail se construit sur
des bases fragiles : « Je me suis rendue compte que je finissais mes
journées, j'étais crevée, je n'en pouvais plus 1 [ .. .] Après, je travaillais
comme une malade le soir, et puis en un quart d 'heure [le lendemain ,
Ndlr], je voyais que tout ce que j'avais préparé ça allait tomber à l'eau
�La construction de l'identité au travail entre adaptation et autonomie
parce que ce n'était pas adapté, que les gamins n 'étaient pas réceptifs.
Enfin, bon, c 'était la cata ! » (Christine F.).
Cette épreuve a des conséquences sur la vie privée: « Je ne m 'attendais pas à ce que ce soit si violent. [ ...] Et j'avais cette impression
de faire que ça et d 'être un peu seule au monde. D 'avoir une vie professionnel/e, point ... » (Sandrine). Le sentiment majoritaire est de ne
pas savoir faire à cause d'une formation jugée insuffisante , e't de devoir agir en répondant simultanément à des attentes contradictoires . La
première inspection , aujourd 'hui repoussée en deuxième année , marquait la fin de l'épreuve et une première mise à distance: « L'inspection
est passée, ça m 'a enlevé un poids. Je me dis que maintenant, je vais
vraiment pouvoir faire du bon boulot. C 'est paradoxal, mais tous les
petits bidules qui prennent du temps et qui pourrissent un peu le truc
tous les soirs, ça tu peux les laisser un peu de côté et te consacrer pleinement à quelque chose pour construire un truc solide dont tu pourras
te servir » (Virginie) .
• La stabilisation: premières alternatives entre l'adaptation et l'au tonomie .
À la fin de la première année deux identités professionnelles différentes se stabilisent. Parfois l'enseignant a comblé les manques du
début et construit un cadre stable , « à sa main », notamment adapté
aux élèves : « Et c 'était le contrat, d 'accord, je baissais le nombre de
mots, mais tu le faisais. Il y a des enfants, ça a marché comme ça, en
discutant. Et puis, ben voilà, c 'est parti. Il faut tout le temps discuter
et faire des petits contrats comme ça pour avancer petit à petit. [ ... ]
Je n'ai pas l 'impression de céder. [ ... ] On les prend au niveau où ils
sont. De toute façon, ils ne peuvent pas faire plus, c 'est ça ou rien »
(Christine V.). Face aux situations qui s'imposent à lui, qu 'il subit, il
adopte une conduite « concrète ", dans l'immédiateté , basée sur des
prinCipes éprouvés : « Pour moi, pour l'instant, le besoin c 'est comment
ça marche dans une classe, quelles sont les idées ... J 'ai déjà mis plein
de choses en place, mais qu 'est-ce que je pourrais encore plus mettre
en place? Les trucs théoriques, non. Là, vraiment, je ne vois pas à quoi
ça pourrait nous servir. Non, du tout » (Christine F.) . Il s'adapte grâce
aux routines, moyens efficaces de réduire la quantité de travail fourni:
« La préparation de classe, j'ai mis beaucoup de routine. Je vais plus
�Nicol as Se mbel, Franck LÉonard, Bori s Te ruel et Benjamin Cess on
vite qu 'avant parce que je fais presque toujours ... enfin c'est très ritualisé mon emploi du temps, donc ça va plus vite pour moi I l (Christelle).
Dans le deuxième cas l'enseignant se distancie de son travail :
« Donc il faut avoir le courage de se dire, bon, il n'a pas compris, c 'est
pas parce qu'il ne sait pas, c 'est parce que j'ai mal expliqué. Donc il
faut reformuler, beaucoup. C'est sans arrêt un travail sur... beaucoup
de réflexions sur ce qu 'on dit, sur ce qu'on fait, comment on le dit, comment on le fait» (Valérie). Il produit alors une réflexion plus distanciée
de son rôle : « Petit à petit, essayer de créer ma propre vision de ce
que doit être l'enseignement et la relation enseignant-élève. Le chemin
va être très long, et c'est pour ça que j'essaie de me documenter beaucoup, j'ai l'impression qu 'en accumulant des manuels, des spécimens,
des bouquins, j'ai l'impression que j'ai des bases sûres » (Stéphane). Il
cherche moins à routiniser son travail qu'à se l'approprier: « Mais bon,
on ne fait pas ce métier pour réinvestir, enfin, pour prendre la recette,
enfin prendre des fiches et les .. . ça serait une recette, et il n 'y a pas
de recette. On nous le disait en sciences de la formation [à l'IUFM,
Ndlr], il yen a qui se mettaient un peu en colère parce qu'ils voulaient
des choses concrètes. Mais les choses concrètes c'est à nous de les
construire. Si ce n'est pas à nous, ça ne peut pas marcher je pense»
(Valérie) .
• Le travail d'équipe comme dimension relationnelle de l'adaptation.
Pour plus des trois quarts des professeurs interrogés en 2005, le
travail d'équipe , bien que très variable selon les écoles, va combler un
vide : « On se retrouve tout seul le bec dans l'eau en se demandant
comment on va pouvoir faire, et heureusement qu'il y a les collègues,
le vécu de chacun, l'expérience de chacun qui après est distillée dans
nos veines et après on se fait notre propre expérience I l (Frédéric). Les
collègues apportent des réponses pour «bien agir » individuellement:
« J 'ai eu la chance de rencontrer quatre directeurs [avec quatre quarts
de décharge de direction , chaque jour dans une école différente, Ndlr],
donc quatre hommes ce qui est assez rare dans la profession. J 'avais
quatre niveaux différents. [ ... ] Mais à chaque fois c'était génial, quatre
fois plus d 'expériences, de matériel, de façons de faire. Ou coup on
capte énormément. En plus je remplaçais un gars qui avait la trentaine
et ça allait jusqu'au gars qui était dans sa dernière année avant la re-
�La construction de l'identité au travail entre adaptation et autonomie
traite. [ ... ] Ca me permettait parfois de me remettre de mes échecs et
de rebondir sur ce qui était fait par mes collègues. [ ...] Vraiment une
formation sur le tas, complètement. Parce qu 'en deux ans j'ai du rencontrer 50 collègues » (Frédéric) . De même , cette enseignante pour la
première fois en cours préparatoire après sept années de pratique :
« Y'a quelqu 'un qui m 'apprend et toutes les semaines on se dit ce qu 'on
va faire. On se dit tout. On est trois CP. y 'en a une qui sait. Celle qui
sait, elle a elle-même appris de celle qui est partie à la retraite l 'an dernier. Donc l'année dernière, celle qui nous apprend aujourd'hui, elle savait rien . Elle devait tout apprendre toute l 'année toutes les semaines
et elle transmet parce que la vieille, elle, est partie à la retraite. Donc
cette année elle nous apprend. Alors elle nous a vraiment appris un
mois et puis maintenant on dit juste ce qu 'on fait et puis c 'est bon » (Caroline) . La relation aux collègues supplante la relation à l'IUFM : « On
avait un échange avec ma collègue : qu 'est-ce qui nous sert le plus au
quotidien ? L 'IUFM ou les échanges avec les collègues? Je crois que
c 'est les échanges avec les collègues. Le côté pratique concret : moi
j'ai fait ça, ça marche, tient. On a chacune nos différences. Y'a des
choses qui marchent plus dans une classe que dans l'autre, c'est vraiment formateur au quotidien. Donc l 'IUFM ouais, je sais pas ça me
paraÎt loin maintenant » (Christine F).
Le travail d'équipe peut se faire aussi avec d'anciens « collègues» de
formation ou des « connaissances » de la profession; il facilite l'adaptation , mais les enjeux du « pourquoi » et le retour sur la formation sont
encore repoussés . Seul un travail d'équipe ayant une cohésion pédagogique générale autour de l'enfant et devenant un cadre collectif dans
lequel il est possible de confronter ses valeurs , sa façon de travailler,
de questionner ses pratiques professionnelles, d'agir ensemble autour
d'un projet éducatif commun , peut précéder les réponses concrètes et
rompre avec la logique de l'adaptation stricte.
LE RETOUR SUR LA FORMATION EN IUFM
Plus des trois quarts des professeurs interrogés en 2005 ne sont
pas satisfaits de leur formation initiale. Deux tendances se dégagent:
�Nicolas Se mbel, Franc k LÉon ard, Bori s Te ru el et Benj amin Cesson
l'utilitarisme et l'adaptation, liés à l'insatisfaction ; la distanciation et
l'autonomie, liées à la fois à l'insatisfaction et à la satisfaction .
La recherche du «comment»:
une conception utilitariste de la formation
Sans surprise car la critique est bien connue, c'est le manque de
« concret » qui revient majoritairement dans les entretiens : cc Moi j'avais
des questions qui restaient toujours sans réponse, enfin j'attendais des
choses concrètes et j'ai pas eu de choses concrètes. J 'attendais des
recettes toutes faites, j'ai pas eu de recettes toutes faites » (Christelle) .
Certains vont plus loin : « De l 'IUFM, il ne reste rien. [ ...] Déçu par une
formation beaucoup trop large et trop éloignée des choses concrètes,
donc finalement à mon sens après six ou sept ans [de métier, Ndlr],
j'ai rien appris cette année là. [ ... ] C'est vraiment dommage, parce que
la formation est vraiment à des années-lumière de ce qui se passe
concrètement. La théorie est en décalage complet. Et ça reste magistral
avec une distillation de savoirs théoriques alors que les futurs enseignants qui sont là ne demandent qu'à poser des questions concrètes,
à abolir des angoisses grâce à la formation. [ ... ] Comment répondre à
un enfant violent, à un enfant qui n'a pas envie d'apprendre la lecture?
Ce genre de chose. Comment gérer la classe ? Et tout ça les théories
de Freud, Nietzsche et les autres ne servent pas à répondre. Ça c 'est
certain. Donc c 'est plus une sorte de masturbation intellectuelle que
de réelles réponses concrètes à des problèmes qui se posent après »
(Frédéric) . Quand la majorité des enseignants débutants se concentre
sur la recherche du « comment », la formation en IUFM s'axe selon eux
inutilement sur le « pourquoi». Ils attendent qu'elle leur apprenne les
ficelles du métier et soit efficace. L'efficacité domine le sens, associé
au superflu, devant la nécessité pressante de l'adaptation par le savoirfaire .
Il existe deux types d'utilitaristes. Les premiers ont choisi leur métier
comme « allant de soi ». Leur engagement professionnel ne mérite pas,
selon eux, d 'autre questionnement; le sens étant donné de fait, la réflexion globale sur les missions éducatives de l'enseignant, axe fort de
la formation IUFM, vient en opposition avec leurs besoins et remet en
question des représentations appropriées de longue date. Les seconds
�La construction de l'identité au travail entre adaptation et autonom ie
ont un engagement bien plus tardif et pragmatique qui n'a pas permis
la construction de sens en amont. Ils ont peu de temps pour découvrir
le monde scolaire et pour acquérir très vite , dès le premier stage, les
qualités professionnelles requises . Ils exigent une formation efficace ,
« taylorisée», application de techniques « à la chaîne » sans recul critique. Insatisfaits, ils se formeront « sur le tas » avec leurs pairs .
Enfin, un cas à part d'utilitarisme est constitué par les satisfaits de
la première année en IUFM (cas de la moitié de l'échantillon) , « bachotage » qui « prépare bien » au concours, et pour certains mieux au
métier que la deuxième année; une personne estime même avoir plus
appris d'une autre formation: « Finalement, je dois avouer que pour
la gestion de la classe, c 'est plus ma formation de Sup de Co qui m'a
servi que l'IUFM >> (Fabienne H.) .
La recherche du «pourquoi» :
une conception distanciée de la formation
• Insatisfaction, manque de « concret» et de temps, et richesse
théorique.
La « richesse théorique» de la formation en IUFM, reconnue par le
tiers des enseignants de notre cohorte, est « quelque chose vers quoi il
faut tendre » et sert de base à la réflexion pédagogique . cc Franchement
les cours, je les ai toujours mais je les ai jamais ré-ouverts. Je pense
qu'il me reste une culture générale malgré tout. Il paraÎt que la culture
générale c'est ce qui reste quand on a tout oublié. Donc peut-être ça.
C'est-à-dire que quand je fais une séance, je me dis ça, ça irait bien
à l'IUFM, là l 'IUFM ils seraient contents. Je sais pas, là on a eu des
stagiaires l'année dernière et y'a deux ans. y'a certains trucs que je
faisais dans la classe, je savais que c 'était bien. Je leur disais: ça, je
pense que tu peux t'en servir, je te file mes prépas, mes trucs, je pense
que c 'est comme ça qu'il faut penser » (Christine F.) .
Ces insatisfaits ne remettent pas en cause la théorisation mais dénoncent une formation culpabilisante n'offrant pas de réponses pratiques à l'application des théories enseignées : cc C 'est une énorme
erreur de l'IUFM de nous culpabiliser. Il faut qu 'ils aient conscience
un peu qu'on ne construit pas notre métier la première année, on le
construit au fur et à mesure. Alors exiger un esprit critique c 'est très
�Nicol as Sembel, Franck LÉonard , Boris Teru el et Benja min Gess on
bien parce que là par contre ça permet de former, mais nous culpabiliser à nous ... y'a énormément d'amertume qui se greffe là-dessus. J'ai
mis énormément d 'années à me déculpabiliser de ça . [ .. .] Si on m'avait
donné quelques trucs concrets au début, j'aurais pas été dégoûtée et je
me dis aussi qu 'il y a peut-être des gens qui sont définitivement dégoûtés. Parce qu 'ils ont tellement été paumés par l'application des théories
IUFM qu 'ils ne savent plus rien faire donc ils reviennent à ce qu 'ils ont
vu quand ils étaient petits. Et finalement, l'IUFM échoue complètement
dans son rôle parce qu 'au lieu d 'enseigner de nouvelles techniques,
par l'échec, ils font perdurer des techniques anciennes. Donc ça c'est
vraiment regrettable . Moi j'étais revenue vraiment à du frontal parce
que je ne savais pas faire autre chose, et finalement, on ne m 'avait pas
appris à faire autre chose » (Nathalie F.).
Le thème du manque de moyens caractérise aussi la critique d'une
formation trop courte , n'offrant pas assez de temps et de stages pour
apprendre le métier: Je pense qu 'il faudrait plus de temps pour faire
cette formation . Un an, enfin neuf mois, c'est trop rapide. Enfin je sais
que ça a un petit peu changé, j'ai entendu vaguement, au niveau des
.. . On oblige les gens à aller dans chaque cycle, ce que j'ai pas forcément fait. Donc par exemple, je connais très peu la maternelle, ça ne
m 'attire pas du tout, mais je pense que c'est plus par crainte, par peur,
par méconnaissance que pour autre chose. Si j'avais eu la possibilité
de la découvrir plus à l'IUFM peut-être que je m'orienterais plus vers la
maternelle aujourd'hui, je ne sais pas» (Christine V.) .
Ces insatisfaits s'adaptent presque à contre-cœur, « sur le tas »,
faute de mieux, et questionnent peu leurs acquis théoriques. Mais pour
la plupart, l'IUFM a permis de construire du sens, que le terrain prolonge par la confrontation entre convictions pédagogiques, applications
concrètes et contextes d'actions, débouchant sur la construction d'une
identité professionnelle autonome.
(C
• Satisfaction et construction du sens .
Le quart des professeurs des écoles sont satisfaits de l'adéquation
entre leurs attentes et leur formation : L 'IUFM j'ai encore quelques
cours. J 'en garde de très bons souvenirs, peut-être aussi parce que
j'avais une certaine maturité en rentrant à l'IUFM. C'est vrai qu'il y a
toujours des gens avec un discours un peu désabusé, en général, on
(C
�La constru ction de l'identité au travail entre adaptation et autonomie
doit l 'entendre encore j'imagine. L 'IUFM c 'est beaucoup de plaintes.
(... ] Aujourd'hui je pense que je m 'appuie encore sur beaucoup de
choses que j'ai apprises là -bas parce qu 'on a quand même plus autant
le temps de se former, de lire. [ ...] Pour moi, si c 'était à refaire ce serait
une étape qui serait nécessaire. Bon après c 'est vrai que l'on n 'a pas
tout appris là -bas. Moi j'ai démarré en maternelle et j'y suis encore
donc c 'est vrai que pour se former sur tout sur tous les niveaux: .. ça demande du temps. Il faut se prendre en main aussi, je pense qu 'on a une
part de responsabilité. Et l'IUFM n'apporte pas tout. Je trouve ça normal, je ne suis pas choquée par ça non plus. Pour moi c 'est un bon outil
qui m'a permis de démarrer et même après qui m 'a donné une façon de
travailler qui permet de savoir à peu près faire des recherches » (Fabienne B.). Le questionnement fait partie de l'identité professionnelle :
« Il y a des questions que je me suis posée pendant la formation et que
je me pose à l 'heure actuelle, et c 'est un peu grâce à la formation que
je me les pose, parce que savoir pourquoi ça, ça marche ou pas, j'en
aurai été incapable si je n 'avais pas eu la formation » (Sandrine). La
formation satisfait les objectifs personnels de construction professionnelle, non pas la recherche de « prêt-à-l'emploi ", mais plutôt un point
d'ancrage pour une réflexion pédagogique. En ce sens, l'IUFM ne doit
pas « tout apprendre " mais permettre d'associer application pratique
et réflexion pédagogique. Il participe donc à la construction de sens et
permet aux individus d'être acteurs de leur formation en confrontant
leurs représentations, l'apprentissage institutionnel et la pratique de
terrain durant les stages: « Je sais que quand on était à l'IUFM, y 'en a
plein qui sortaient en disant: de toute façon on n 'a rien appris en étant
à l'IUFM, on a appris que de la théorie ... Mais moi, personnellement,
la théorie ça m 'a aidé énormément. J 'ai besoin d 'avoir à un moment
donné intellectualisé les choses, d'être arrivé à une vraie contextualisation pour arriver à quelque chose qui ensuite a pour moi du sens
Sur le terrain . [ ... ] Et pour ça la formation IUFM, elle a été impeccable
pour moi. Et donc j'ai appris le sens, ce vers quoi il fallait aller [ .. .]
Maintenant je conçois qu 'il y ait des personnes qui n 'ont pas envie de
réfléchir, que ça soit pas vraiment leur truc, et qu 'ils aient préféré qu 'on
leur file des billes, franchement des polycops tout faits, je peux concevoir » (Samia) .
�Nicolas Sembel, Franck LÉonard, Boris Teruel et Benjamin Gesson
Le concret ne manque pas car il n'est pas l'unique objet de formation
convoité dans l'apprentissage d'un métier dont il faut dans un premier
temps cerner les enjeux pour mieux agir par la suite. L'IUFM représente une étape indispensable au préalable afin de permettre aux individus de s'émanciper par la suite des cadres théoriques pour accéder à
l'autonomie dans la construction de leur pratique professionnelle.
DISCUSSION
Deux logiques d'entrée dans la carrière se dégagent, combinant les
dimensions subjectives, relationnelles et dynamiques de l'identité au
travail (Sainsaulieu, 1985) : une «centration sur soi» individualiste,
concernant au départ tous les enseignants débutants, et ensuite certains seulement, qui stabilisent leur carrière dans une forme d'utilitarisme ; une «sortie de soi» où d'autres développent une carrière dynamique, faite d'ajustements et de stabilisations (Dubar, 1995).
La «centration sur soi» : une construction identitaire
individualiste en vue d'une «protection» de soi
Tous les enseignants interrogés sont pris dans l'urgence de la
construction instable de la dimension individuelle de leur carrière
naissante. Ils considèrent comme extérieurs à leur «subjectivité immédiate» les aspects quotidiens du métier, perçus comme de fortes
contraintes: savoirs, élèves, parents, formation en IUFM ... Leurs principales ressources professionnelles sont des collègues, débutants
ou expérimentés. Ils consacrent beaucoup de temps au «bricolage»
entre la classe et le travail à domicile, au détriment de leur vie privée. Ils oscillent entre professionnalisation et «art», dans une logique
d'adaptation inévitable, et mettent en place, selon leurs moyens, les
« meilleures» séquences pédagogiques et didactiques possibles.
Certains stabilisent un système de représentations professionnelles
et rationalisent leur entrée dans la carrière dans une logique globale et
durable d'adaptation, soit par « automatisation» de leur enseignement
dans la même logique que la situation d'urgence du tout début, avec
�ie
La construction de l'identité au travail entre adaptation et autonom
plus de maîtri se; soit par
service (Wittorski, 2007).
«
divisio n" de leur travail, par échanges de
la «sort ie de soi»: une const ructio n ident itaire
dyna miqu e en vue d'un «déve loppe ment profe ssion nel»
disD'autres enseignants « sortent d'eux -mêm es", en trouvant une
nnement
tance, plus qu'une adaptation, avec leur travail et leur enviro
nissan t"
professionnel. Ils se stabilisent (Wittorski, 2007), soit « redéfi
en romleur travail, par distan ciatio n; soit en « innovant» (Alter, 2003),
la forpant avec leur précédente façon de travailler. Leur « retour " sur
et
travail
le
par
tion
mation en IUFM se fait en interaction avec la forma
ropriapar le questionnement, l'autoformation intellectuelle, et la réapp
tion distanciée des savoirs professionnels.
CONC LUSI ON: REPENSER L'AGIR PROFESSIONNEL
dans
L'identité enseignante au travail se construit jour après jour et,
urs,
d'aille
s,
Parfoi
ce processus, le rôle de la formation est complexe.
ent!
personne ne s'y retrouve vraiment, entre des débutants qui réclam
sées)
théori
croient vouloir l'adaptation « faible " (techniques peu ou pas
rapideque leur offre le « terrain », mais qui perçoivent plus ou moins
ent,
ment les limites de cette socialisation professionnelle, et s'y résign
ner
faute de mieux ; et un IUFM souvent critiqué et qui essaie de combi
mais ne
formation à l'adaptation « forte" et à l'autonomie « faible»,
ant s'indébut
forme parfois ni à l'une ni à l'autre. Du coup, l'enseignant
libertés.
vente souvent des contraintes et ne s'autorise pas certaines
s'adapte
Parfois il devient un « professionnel peu professionnalisé " : il
que
plus ou moins au contexte de la classe et de l'école, mais sans
limitée,
cette adaptation ne soit une fin en soi. Au contraire, elle reste
maîbien
plus ou moins volontairement, au rang de « moye n" assez
2002) au
trisé sur la durée ; et elle combine divers « styles» (Barrère,
tive,
service d'une autonomie « forte" , professionnelle et surtout subjec
ire
contra
le
ts,
aspec
dont la distanciation (qui constitue, sous bien des
de l'adaptation) est la principale caractéristique.
��CHAPITRE 5
PARCOURS DE FORMATION
ET AUT OCO NST RUC TION PROFESSIONNEllE
DES ENSEIGN NTS DÉBUTANTS DU PREMIER DEGRÉ
l'inDepuis quelques années maintenant, les réflexions portant sur
la nésertion professionnelle des professeurs novices font apparaître
qui
nnes
perso
cessité de porter une attention toute particulière aux
ère
débutent dans le métier d'enseignant. Fort de ce constat, le minist
ire
circula
de l'Éducation nationale publiait, en septembre 2001, une
lise,
(Bulletin Officiel de l'Éducation nationale, 2001) qui institutionna
d'enen France, un plan d'accompagnement de l'entrée dans le métier
tion des
seignant. Plus récemment, le « Cahier des charges de la forma
ce le
maîtres» (Bulletin Officiel de l'Éducation nationale, 2007) renfor
lement
dispositif d'aide à la prise de fonction en augmentant très sensib
ants
le temps de formation accordé aux professeurs des écoles début
nnéo-e
e
pendant les deux premières années d'enseignement. Chaqu
seseignant bénéficie d'une formation collective équivalente à quatre
nes
maines au cours de la première année d'exercice, et à deux semai
s
maître
les
,
stages
durant la seconde année. En complément de ces
sous la
débutants font aussi l'objet d'un accompagnement individuel
s
ogique
forme de visites de classe effectuées par les conseillers pédag
et les inspecteurs de circonscription.
déveMais qu'en est-il des effets de ces actions de formation sur le
inune
r
décele
n
loppement professionnel des jeunes maître s? Peut-o
pratique
fluence formative de ces situations d'accompagnement sur la
de classe des enseignants début ants?
�Christophe Hoff
HYPOTHÈSES DE RECHERCHE, RÉFÉRENCES THÉORIQUES
ET JUSTIFICATIONS MÉTHODOLOGIQUES
Depuis environ vingt ans, le métier de professeur des écoles a beaucoup évolué et semble plus difficile à exercer (des exigences adressées à l'École toujours plus importantes, une hétérogénéité grandissante des apprenants, des injonctions institutionnelles à travailler en
équipe, etc.). Parallèlement, sont apparues dans le champ scientifique
des questions devenues plus cruciales en raison de la demande sociale et institutionnelle de professionnalisme:
- Quelles sont les compétences essentielles requises pour être enseignant aujourd'hui?
- Comment ces compétences se construisent-elles?
- Comment former les enseignants à ces compétences, et les accompagner après leur formation?
Une perspective cognitiviste considère qu'il existe une pratique professionnelle de référence que les débutants doivent le plus rapidement
possible s'approprier. Ces recherches visent à décrypter le «savoir
enseignant », essentiellement dans un souci de transposition vers
la formation des maîtres. L'expérience enseignante est considérée
dans sa rationalité et son exemplarité. Mais l'activité novice n'est-elle
qu'une version inférieure ou insuffisante de l'activité experte considérée comme une norme, ou bien possède-t-elle une organisation et une
signification propres qu'il est nécessaire de rendre intelligibles?
La transformation des pratiques et des représentations est un processus développemental complexe où la construction des compétences et
l'élaboration identitaire se renforcent mutuellement, à partir d'un socle
de premières expériences, de réflexions, du rapport à la formation et des
relations avec les pairs. Tout cela constitue des points d'appui pour un
véritable développement professionnel qui, selon Blin, est 1'« ensemble
des transformations individuelles et collectives de compétences et de
composantes identitaires mobilisées ou susceptibles d'être mobilisées
dans des situations professionnelles» (1997, p. 211).
Pour comprendre comment la professionnalité des maîtres se constitue et évolue, nous avons d'abord sollicité le paradigme réflexif issu
des travaux d'Argyris et Schbn (1974), repris et approfondi par Per-
�enseignants débutants du premier degré
Parcours de formation et autoconstruction professionnelle des
ion de
renoud (2001). C'est un premier cadre possible de compréhens
ches
recher
l'agir et du développement professionnel des novices. Les
d'enSur l'éducation conduisent à reconnaître la complexité du métier
les
seignant et l'impossibilité, pour le maître, de se prépa rer à toutes
resituations possibles par l'apprentissage de recettes ou le simple
sion
cours à des références théoriques. L'enseignement est une profes
'garantie
«impo ssible ", selon les mots de Freud, la réussite n'y est pas
de la part
et son projet peut rencontrer des résistances, voire des refus
d'enseius
conten
les
des élèves. Dans l'acte d'ense igner interviennent
différents
gnement, les relations interpersonnelles, les motivations des
minunce
acteurs. Comme tout enseignant l'a vécue, même une séque
u dès
tieusement préparée peut prendre un tour surprenant et imprév
puissant
que l'action pédagogique est lancée. La réflexion est un outil
pour tenter de saisir et de gérer cette complexité.
réféNous avons également ouvert la problématique à une autre
une
tuer
consti
rence émanant de la formation des adultes, qui pouvait
maître s:
seconde clé de lecture des parcours de formation des jeune s
ssus
l'autoformation expérientielle (Pineau, 1989). " s'agit d'un proce
autres et
de formation qui repose sur les transactions entre soi, les
, Moisan
les choses. Le «je" est alors le « foyer organ isateu r" (Carré
par soi
et Poisson, 1997) des transactions entre la formation de soi
de soi
(auto-), la formation de soi par les autres (co-), et la formation
par les choses (éco-).
�Christop he Hoff
SOI
JE
LES AUTRES
LES CHOSES
Figure 1. Le «je » et les trois transa ctions
(d'aprè s Carré, Moisan , Poisso n, 1997, p. 213)
La conjonction des concepts de réflexivité et d'autoformation
nous a
amené à utiliser le concept d'autoconstruction professionnelle
qui pose
les différentes influences à l'œuvre, étudie leur jeu, et permet de
rendre
compte de la construction des complémentarités entre les différe
ntes
ressources de formation disponibles.
Durant la formation initiale à l'IUFM, les sources d'infor matio
n des
futurs maîtres proviennent principalement des enseignements
dispensés et d'éventuelles lectures d'ouvrages pédagogiques. Ils appre
nnent
des contenus disciplinaires, des concepts et démarches didact
iques,
reçoivent des apports relatifs à la psychologie de l'enfant, aux
théories
de l'apprentissage . Seule une petite partie de ces informations
prend
ses racines dans la pratique professionnelle effective, concrè
te, et ce
à l'occasion des stages effectués dans les écoles. Si, depuis la rentré
e
scolaire 2006/07, le temps d'apprentissage passé sur le « terrain
» a
augmenté puisque les personnes en seconde année de forma
tion initiale enseignent dorénavant une journée hebdomadaire en respo
nsabilité dans une classe, il n'en demeure pas moins que les compé
tence s
professionnelles se construisent essentiellement sous l'influe
nce de
forces exogènes au sujet, lesquelles proviennent essen tiellem
ent des
professeurs de l'Institut et des formateurs de terrain. Comme le
montre
Alava (1995) , le passage de la formation instituée à l'entrée
dans le
�enseignants débutants du premier degré
Parcours de formation et autoconstruction professionnelle des
d'informétier marque une rupture en termes de prise et de traitement
pdévelo
mations, car si les années passées à l'IUFM encouragent et
alement
pent des informations professionnelles appréhendées princip
concrète,
Sur le mode de la transmission de connaissances, la pratique
le métier
la confrontation avec le réel qui caractérisent l'entrée dans
lles
d'ense ignan t modifient la situation. Les informations professionne
ons
situati
des
t
extrai
sont alors principalement celles que le débutant
sont
qu'il vit et découvre dans son établissement d'exer cice et elles
est
venu
au
nouve
indissociables des significations qu'il leur donne. Le
à de nouvelles situations,
« au charbon ", inlass ablem ent confronté
ence et
SOuvent complexes, auxquelles il tente de faire face avec pertin
le pasefficacité . Alava ajoute que les jeunes maîtres doivent effectuer
ments
sage d'une attitude défensive ancrée dans le présent des événe
de
centre
au
est
«
qui
vécus, à une véritable stratégie professionnelle,
à autola constitution, chez le sujet, d'un pouvoir à s'auto -inform er et
construire son métie r" (1995, p. 85).
n des
La recherche qui visait la description, c'est-à-dire l'identificatio
de l'obdifférentes dimensions d'un phénomène, et la compréhension
les comjet étudié, c'est-à-dire la reconnaissance des relations que
rompent,
posantes d'un phénomène développent, entretiennent ou
nt, nous
mome
s'insc rit dans le courant phénoménologique. À aucun
pas plus
ne cherchions à établir une relation unique de cause à effet,
blement
préala
qu'il ne s'agissait pour nous de falsifier des hypothèses
manière
définies. Nous voulions surtout apporter un éclairage sur la
ppent
dont les jeune s maîtres vivent le métier d'ense ignan t et dévelo
années
leurs savoirs, leurs compétences durant les deux premières
lles
professionnelles : ce sont les hypothèses orientatives sur lesque
elle s'appuie.
LA DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
et de
Pour identifier et comprendre la dynamique d'appr entiss age
t sur
portan
changement, il nous a semblé que l'entretien biographique
était l'oul'entrée dans le métier, avec certains moments d'explicitation,
s dontil le plus pertinent pour accéder au sens que les jeune s maître
débunaient à leur expérience. Nous avons rencontré huit enseignants
�Christop he Hoff
tants 1 et conduit, avec chacun, deux ou trois entretiens selon
les cas.
Le premier s'est déroulé durant la première année d'exercice (avrilmai
2005), le second un an plus tard (mai-juin 2006) et le troisième
au mois
de juin 2007. Au total , dix-neuf entretiens ont constitué notre corpu
s de
recherche.
Nous souhaitions d'abord savoir quels étaient, pour les perso
nnes
interrogées, les enjeux de l'entrée dans le métier de profes
seur des
écoles. Notre investigation portait également sur le dévelo
ppem ent
professionnel à l'œuvre durant cette période. Comment la profes
sionnalité naissante des maîtres se consolide-t-elle et quelles sont
les ressources que mobilisent les jeunes praticiens pour enrichir leurs
gestes
profes sionn els?
Les matériaux dont nous disposions à l'issue du recueil des donné
es
nous ont permis de mener une analyse longitudinale visant à
dégag er
le sens que chacun des sujets attribuait à son parcours de forma
tion,
et à identifier le mouvement d'autoconstruction professionnelle
propre
à chaque individu. Dans le même temps, nous avons conduit
une analyse comparative inter-entretiens, transversale, à travers laquel
le nous
avons essayé de repérer des similitudes, des récurrences, mais
égaIement de souligner certaines singularités dans la configuration
des traits
de cette autoconstruction.
Le choix des participants à la recherche a été établi selon des
critères de significativité, c'est-à-dire en prenant garde à ce que
nos interlocuteurs soient suffisamment diversifiés pour que l'on puisse
accéder à un spectre suffisamment large d'expériences et de situati
ons.
Nous avons donc sélectionné des personnes exerçant leurs fonctio
ns à
des niveaux d'ense ignem ent différents (écoles maternelles et
élémentaires), dans des lieux présentant des profils culturels et sociau
x variés
(écoles semi-rurales et urbaines, certaines situées en zone
sensible,
en Zone d'Éducation Prioritaire ou dans le Réseau Ambition Réuss
ite).
1. Un tableau récapitulant les caractéristiques des huit enseign
ants, leur niveau d'enseignement, le profil de l'école ainsi qu'un code permettant de référen
cer les données figure
en fin d'article.
�enseignants débutants du premier degré
Parcour s de formation et autocon struction professionnelle des
UNE PROFESSIONNALlTÉ EN MOU VEME NT
ment
Les premières semaines d'enseignement sont particulière
,
euses
nombr
sont
éprouvantes pour les débutants. Les tâches à mener
le sentiles difficultés quasi quotidiennes, et certains praticiens ont
se à
s'impo
qui
ment d'être submergés par la réalité professionnelle
la façon
eux. Chacun essaye, avec son énergie , son envie de réussir,
dont il s'investit, de trouve r un premier équilibre.
de
Plusieurs auteurs soulignent le caractère souve nt dramatique
Hétu
»,
cette période. Huberman (1989) parle de « choc de la réalité
de la
uve
d'épre
«
(1999) « d'expérience critique " , Baillauquès (1991)
affirmasouffrance ». Or les discours recueillis semblent atténuer ces
e did'ordr
tions . La prise de fonction entraîne certes des difficultés
pour les
dactique, pédagogique , identitaire , mais les termes utilisés
caractériser apparaissent, sauf cas extrême, exagé rés:
nce entre ce qu 'on ap« Pour moi, /1 y a eu une très grand e différe
. Mais je
prend à l'IUFM et ce qui se passe effectivement sur le terrain
ude
l'habit
déjà
ne dirais pas que c 'est un choc parce que moi, j'avais
social.
de travai ller avec les enfants avec les scouts , dans un centre
là. Je
déjà
J 'avais une expérience du travail avec les enfants qui était
Un grand
m 'occup e aussi un peu du club de baske t à B. Le choc non.
il n'y a
fossé entre l'IUFM et le terrain oui, c 'est indéniable. Pour moi,
pas eu de choc » (E18) .
nnes
Tout au long des deux années d'enseignement, toutes les perso
sionprofes
ue
pratiq
interrogées ont su identifier des éléments de leur
cela que
nelle qu'elles ont vu se développer et s'affiner. C'est bien en
et s'ennous évoqu ons une professionnalité en mouve ment , qui évolue
vécue s.
richit essentiellement à partir de la pratique et des expériences
ers mois
Trois éléments apparaissent de manière récurrente. Les premi
doute
de
ent
d'enseignement se caractérisent notamment par un sentim
maîtres
et surtout d'insécurité qui habite presque en permanence les
. Vers
débutants dans tout ce qu'ils mettent en œuvre avec les élèves
tir dala fin de la première année , les enseignants affirment déjà ressen
professionvantag e d'assurance quant à la pertinence de leur pratique
seconde
t
nelle, et ce processus s'amplifie considérablement duran la
année :
�Christophe Hoff
«J'ai pris de l'assurance en me disant que l'année dernière ça s'était
bien passé, donc que je pouvais faire classe, que j'arrivais à tenir un
programme, une classe. [ ... ] J'ai moins peur de faire la classe» (E15).
Plus sûrs de la qualité de leurs gestes professionnels, les praticiens
ont acquis une sérénité et une certaine assurance qui sont autant de
signes d'une réelle confortation du soi professionnel. Après maintes
incertitudes et remises en question, les maîtres ont su (se) confirmer
leurs capacités à enseigner.
L'enrichissement professionnel se manifeste également par un mouvement de décentration dans la mise en œuvre des contenus d'enseignement, mouvement qui avait, là aussi, déjà commencé au courant de
l'année initiale. Lors de ses premiers pas professionnels, le praticien
débutant guide son action en se référant essentiellement aux deux éléments du triangle pédagogique que constituent le savoir à enseigner et
l'enseignant à travers ses préparations de classe:
«Au départ, on est dans notre fiche de prép qu'on a préparée avec
beaucoup de soin, on veut pas trop en sortir. On se rend compte que
quand on en sort, ça nous perturbe. [ ... ] On est vraiment beaucoup sur
ce qu'on a préparé, sur les programmes» (E19).
Responsables de l'avancée des apprentissages, les maîtres ressentent assez fortement la «pression» des programmes scolaires et tous
se fixent comme objectif de «terminer le programme ». Ainsi, le rythme
d'apprentissage imposé aux apprenants s'avère bien souvent trop rapide, avec pour conséquence de mettre en difficulté un certain nombre
d'entre eux, les plus fragiles, pour qui le temps d'étude et de structuration des notions s'avère trop bref pour qu'ils puissent se les approprier
pleinement. En outre, dans les situations d'enseignement qu'ils mettent
en œuvre, les maîtres novices occupent souvent la place de l'acteur
principal:
«Au début, on veut plus cadrer les choses. On a peur de ne pas
avoir tout prévu» (E19).
Ils donnent les consignes, posent les questions, expliquent les
problèmes. Progressivement, les maîtres débutants en prennent
conscience, ce qui entraîne dans leurs pratiques, une prise en compte
accrue du troisième sommet du triangle que constituent les élèves. Se
détachant des programmations qu'ils ont établies, diversifiant leurs actions didactiques en atténuant la seule fonction transmissive, les pra-
�enseignants débutants du premier degré
Parcours de formation et autoconstruction professionnelle des
sujets
ticiens ne consid èrent plus seulement les enfants comme des
dans
èpistémiques, mais ils les prennent en compte tels qu'ils sont,
déà
s
sance
insuffi
des
leur diversité, avec des savoirs déjà acquis et
passe r :
où on a envie de bien
« Toujours par rappo rt à cette premi ère année
fait tout
faire, on a notre préparation et on veut à tout prix la suivre. On
raprépa
notre
pour que ça avance. Du coup, on fait plus attention à
qu'ils
tion qu'au x élèves. Est-ce qu'ils comprennent réelle ment? Est-ce
plus
en
suiven t réelle ment? Après, avec les années, on prend de plus
moins le
en compt e le facteu r humain, l'élève, par l'observation. On est
ration
nez dans le guidon, on a plus tendance à se détach er de sa prépa
pour être plus attent if aux élèves» (E18).
de la
Cette plus grand e attention portée aux élèves et à la réalité
ne
entraî
Elle
classe modifie sensib lemen t leur pratique professionnelle.
effectives
un enseig neme nt plus fin et mieux adapté aux compétences
leur scodes élèves, telles qu'elle s se manifestent à ce moment-là de
larité.
ien du
Les propo s recueillis soulignent aussi que l'exercice quotid
l de
menta
gue
métier alimente une mémoire des pratiques, un catalo
sionsituations, de procédures, de schémas d'actions, de gestes profes
enseileur
ire
nels, qui serven t de référence aux maîtres pour condu
isition
gnem ent et l'adapter, l'ajuster, si la situation le nécessite. L'acqu
paralysie
de ces « routin es» n'est pas synonyme d'enfe rmem ent ou de
de l'acde la pratique. Elles entraînent une certaine automatisation
ations
tion profes sionne lle, tout en permettant aux maîtres des adapt
si
puis
Et
«
:
on
mineu res ou plus importantes en fonction de la situati
on sait
jamai s quelq ue chose ne va pas aussi bien que c'était prévu,
(E18).
s»
maint enant comm ent se retourner pour amélio rer les chose
meille ure
L'expé rience acquise perme t une plus grande diversité et une
uent en
souple sse des schèm es d'action que les jeunes maîtres appliq
fonction des caract éristiq ues identifiées de la situation.
L'AU TOCO NSTR UCTI ON PROFESSIONNELLE
de
Les huit perso nnes interrogées évoquent la pratique quotid ienne
n
lidatio
classe comm e source essentielle de construction et de conso
�Christophe Hoff
de leur professionnalité naissante. Puisqu'il apparaît que cet apprentissage par l'expérience constitue un processus essentiel d'apprentissage du métier pour les praticiens débutants, il nous faut poser la
question du passage, de la transition, entre la pratique quotidienne et
l'expérience féconde. Comment ces pratiques non instituées de formation peuvent-elles produire de la formation?
Il existe aujourd'hui une certaine convergence d'opinions pour affirmer que l'autonomie et la construction de l'expertise ne vont pas sans
la forte capacité qu'à l'individu de réfléchir dans et sur son action professionnelle (Altet, 1996 ; Perrenoud, 2001). Les entretiens ont mis en
lumière différents moments d'exercice de cette réflexion. La réflexion
prospective des maîtres concernant la conception et l'élaboration des
séquences d'enseignement est particulièrement importante. Tous passent beaucoup de temps à imaginer, structurer et formaliser des situations didactiques afin de favoriser les progrès des élèves. Concernant la réflexion dans l'action, il semble que, durant les premiers mois
d'enseignement, l'ensemble considérable de tâches à conduire simultanément et la complexité du métier d'enseignant que découvrent les
praticiens novices restreignent d'abord les modalités de l'adaptation à
la situation de classe. Donner les consignes, questionner les élèves
et solliciter leur attention, organiser les différentes phases d'apprentissage, constituent autant de tâches à coordonner, et cette situation
entraîne une importante charge cognitive: « Au début, on est submergée par beaucoup de choses» (E19). La régulation intellectuelle, dans
l'action pédagogique engagée, s'avère assez difficile pour les enseignants novices. Mais, progressivement, par une plus grande maîtrise
des phases d'enseignement, les maîtres parviennent plus facilement à
se distancier des situations, et leurs capacités de régulation, de réajustement par rapport à ce qu'ils observent dans la classe, s'en trouvent
renforcées:
« L'année dernière quand ça ne marchait pas, je voyais pas du tout
comment faire différemment. Alors que cette année, déjà dans la situation, j'arrive à voir que les choses ne vont pas comme ça devrait et à
réajuster directement» (E16).
Réflexion dans l'action et réflexion sur l'action s'intègrent mieux dans
le déroulement même des activités mises en place .
�enseignants débutants du premier degré
Parcours de formation et autoconstruction professionnelle des
proLes praticiens débutants peuvent aussi développer leurs gestes
es.
fessionnels par une réflexion rétrospective sur les actions passé
Sitôt la
Celle-ci n'est pas systématique, ni véritablement organisée .
dans
journée d'ense ignem ent achevée, les maîtres se projettent déjà
cycles
des
selon
la suivante. Le temps scolaire est planifié, organisé
, constirépétitifs. L'emploi du temps, les progressions, les programmes
t les
mmen
tuent autant d'élém ents contraignants qui poussent consta
maîtres à aller de l'avan t:
indéniable. On avance
« On est aspiré par l'avant, ça s'est sûr, c'est
de retoujours. [ ... ] On n'a pas le temps, on ne se prend pas le temps
garde r en arrière sur ce qu'on a fait, de faire un bilan» (E18).
perLe temps professionnel de l'enseignant est «forcé ", et cette
re son
pétuelle fuite en avant lui rend difficile de se poser, de prend
r. La
temps afin de réfléchir à ses initiatives passées, de les évalue
ssus
réflexion sur l'action apparaît pourtant fondamentale dans le proce
ion de
de dévelo ppem ent des compétences. Elle permet la transformat
mieux le
la pratique en expérience formative, car nous comprenons
que
vécu après-coup, lorsqu'il est transformé en histoire, c'est-à-dire
relaune
à
l'on passe d'une relation de succession des événements
du
tion d'ench aînem ent (Ricœur, 1986), ce qui facilite la construction
ers
premi
les
sens. Pour sept des huit maîtres débutants interrogés,
sion
mois d'ense ignem ent s'inscrivent essentiellement dans une dimen
nt-là,
épisodique, car les personnes ne rencontrent pas, à ce mome
urer
des conditions et des situations qui leur permettraient de config
vants,
l'ensemble des épisodes souvent mouvementés, parfois éprou
déseurs
profes
qui consti tuent l'exercice du métier d'enseignant. Les
. L'anabutants reconnaissent agir souvent trop tard, à contretemps
r les
lyse menée après l'action peut constituer l'occasion de reconfigure
par
épisodes, de donne r un sens à ce qui s'est passé, et d'identifier,
on ne
exemple, les raisons qui peuvent expliquer pourquoi telle situati
s'est pas déroulée comme l'enseignant l'avait imaginé.
ice
La loi d'orie ntatio n sur l'Éducation de 1989 a introduit dans l'exerc
pas, ou
du métier une dimension sociale et collaborative qui n'existait
ions,
peu, jusque-là. Ce mouvement a aussi donné lieu à des incitat
oratives
voire des injonctions, visant à entraîner des pratiques collab
Notre
re.
entre pairs au cours des différents conseils de l'école primai
comme
étUde montre que ces situations collectives ne sont pas vécues
�Christop he Hoff
partic ulière ment aidant es par les maîtres débutants. Par rappo
rt à ces
temps de conce rtation instituée, les praticiens privilégient les
relations
interin dividu elles non forma lisées se dérou lant en dehor s
du temps
d'ense ignem ent. Tous nous ont fait part de l'aide et du soutie
n dont ils
ont bénéficié à traver s les collab oratio ns et les dialog ues qui
se sont
établis avec certai ns de leurs pairs:
« J'ai une collèg ue de petite sectio n de
l'école maternelle H. qui m'a
donné un énorme coup de main. [ ... ] Vraiment c'était une grand
e aide
de sa part» (E2).
Les jeune s maître s consid èrent ces relations comm e particu
lièrement utiles pour et dans l'exerc ice de leur métier. Les pratic iens
débutants ont, la plupar t du temps, l'initia tive des échanges, et ils
sollicitent,
en priorité, un collèg ue exerça nt dans le même cycle, voire
dans le
même niveau de classe lorsque la taille et les caract éristiq ues
de l'établisse ment le perme ttent. Ils se nourri ssent essen tiellem ent
des idées
et des conse ils qui leur sont proposés, et le terme de «collè
gues- formateu rs» (Marcel, 2005) sembl e approprié pour soulig ner le
caract ère
formatif de ces relatio ns qui se dérou lent presque exclus iveme
nt sur un
mode binair e:
« J'ai eu une collèg ue qui m'a appris énorm
ément de choses sur la
manière de travailler. C'étai t vraiment une tutrice pour moi. [ ...
] Parce
que c'est du long terme. C'est du tous les jours. [ ... ] C'est quelq
u'un
qu'on a à côté de soi» (E16).
Les jeune s maître s ont une consid ératio n toute particulière pour
l'expérience profes sionne lle acquis e par leurs interlocuteurs, qu'ils
valorisent fortement. L'ense ignan t chevro nné dispose auprè s des
novice s
d'un statut symbo lique, il est celui qui peut les aider à acqué
rir une
certai ne maîtrise profes sionn elle:
« C'est beauc oup en discut ant notam ment
avec une collègue qui a
pas mal d'expérience [ ... J. C'est beaucoup de discussions
avec des
gens qui ont plus d'expé rience » (E8).
L'anal yse montr e que les appre ntissa ges effectués dans
ces démarch es coform atives ne consis tent pas en une simple opéra
tion technique de « copier -coller », mais ces savoirs nouve aux sont
le résultat
d'une transf ormat ion, d'une appro priatio n par les jeune s maître
s de ce
qui leur est dit, montré, ou de ce qu'ils ont obser vé:
�enseignants débutants du premier degré
Parcours de form ation et autocon struction profess ionnelle des
que
Perso nnelle ment, je n'arrive pas à reprendre quelque chose
des
s
quelqu 'un a fait. Souve nt on m'a donné des projets, je prend
e, il
idées, mais j'arriv e pas à y rentre r complètement. Mon projet Afriqu
pas l 'im _
y a quinze millions de perso nnes qui en ont fait, mais je peux
projet,
prime r sur intern et et basta . J 'arrive pas. Il faut que je fasse mon
que je l'écrive » (E17) .
coLa théorie de la vicariance souligne un processus de « mode·lage
ion que
gnitif» (Bandura, 1977) à partir de l'imitation d'un pair, à condit
chacun
que
celle-ci soit active et transformatrice . Cet auteur a montré
et en repeut apprendre des autres en les écoutant, en les observant,
se pas
produisant leurs gestes professionnels pour peu qu 'il ne s'agis
priation
d'une simple reproduction mécanique , mais bien d'une appro
tif de ce
personnelle . Les entretiens soulignent nettement l'apport forma
exité
compl
la
processus de coformation qui permet à la fois de réduire
tant que
et d'élar gir le champ des possibles. Il semble vraiment impor
n.
tous les maîtres débutants puissent vivre une telle collaboratio
de
Nous percevons aussi combien le dispositif d'accompagnement
fors de
l'entrée dans le métier peut être utile , si les différentes action
n de
chacu
à
ttent
mation s'en réclamant créent les conditions qui perme
ces
nOuvelles transformations. Les enseignants nous ont dit les bénéfi
qu 'ils ont pu ou su tirer de certaines de ces action s:
nt. Des exemples de sé« Beauc oup de chose s pratiq ues, vraime
la terre,
quenc es et de séanc es, [ ... ) on a fait une petite progression sur
rtements
pratiq ue. Et vivre ensemble, [ .. .) on a vu des cas de compo
des rèqu 'on a étudiés, les intégr er dans une pratique de classe avec
C'étai t
bien.
c'était
fait,
gleme nts, des cas concrets, que du concret en
Ce qu'on attend ait en fait, je pense aussi» (E 1).
d'éléLes propos soulignent leur quête praxéologique et l'attente
chacun
ments concrets liés à la situation professionnelle spécifique de
e dans
est extrêm emen t forte . Les stages d'accompagnement de l'entré
sent
élargis
qui
es
le métier sont vécus comme des expériences fécond
d'autres
la palette des pratiques professionnelles par la découverte
us
stratégies pédagogiques ou de supports d'apprentissage inconn
jusque -là.
ue qui
Nous avons évoqué précédemment la réflexion sur la pratiq
endes
l
sionne
Constitue un élément moteur du développement profes
le métier
seignants, et ce plus encore dans la période de l'entrée dans
«
�Christophe Hoff
où la construction des savoirs professionnels est la plus dense. Mais
les discours montrent que l'entraînement à cette compétence professionnelle essentielle ne correspond pas, dans cette période, aux attentes des maîtres:
« 1/ y a des moments où on est fatigué, où on aurait plutôt tendance
à vouloir souffler, à rester sur ses positions parce que c'est quelque
chose qu'on connaÎt, qu'on maÎtrise. Même qu'on maÎtrise pas trop
bien, mais au moins on connaÎt. C'est vrai que c'est fatigant de chaque
fois remettre en cause ce qui a été fait. De modifier à chaque fois, ça
c'est fatigant. Mais si on est totalement statique, il ne fallait pas choisir
ce métier-là, il fallait travailler à la chaÎne» (E18) .
Les praticiens débutants se situent dans une phase professionnelle
où l'installation de routines et la réduction pragmatique de la complexité sont importantes pour trouver un premier équilibre, et l'analyse de la
pratique, avec ce qu'elle peut comporter d'interrogations personnelles,
de remises en question, d'incertitudes, n'est souvent pas perçue, par
eux, comme une activité pouvant les aider à enrichir leurs compétences. Le processus de formation de l'individu se nourrit de déplacements , mais chacun ressent, à certains moments de sa vie ' l'envie , le
besoin d'en rester à ce qu'il sait, de répéter ce qu'il maîtrise enfin. Ces
moments d'immobilisme apparent peuvent être nécessaires à la consolidation des compétences, mais ils peuvent également constituer une
force de résistance au développement professionnel. Il semble pourtant important que la formation professionnelle s'attache à favoriser un
habitus réflexif des maîtres débutants afin que la pratique quotidienne
puisse se muer plus efficacement en expérience formative. Si le travail
d'initiation et d'accompagnement à ce modèle professionnel n'est pas
initié dès l'entrée dans le métier, quand le sera-t-il?
La recherche montre que les entretiens consécutifs aux visites de
classe effectuées par les conseillers pédagogiques participent à la
consolidation des savoirs professionnels:
« La première visite de la conseillère pédagogique m'a beaucoup aidée, elle m'a aidée à organiser ces documents, le cahier-journal, les
fiches de préparation, pour que ça m'aide le plus possible. [ ... ] C'est vrai
que après ça a roulé vraiment bien» (E1).
Les discours recueillis montrent que les professeurs débutants apprécient l'attitude de « décision» (Porter, 1973) du formateur. Dans cette
�enseignants débutants du premier degré
Parcours de formation et autoconstruction professionnelle des
, les
relation où le conseiller est considéré comme un enseignant expert
ils, de
maîtres souhaitent d'abord un discours prescriptif nourri de conse
leurs
ir
pistes de travail, de «solut ions» susceptibles de les aider à enrich
les ripratiques et à dépas ser certaines difficu ltés: «Elle m'a dit que
l'enfant,
tuels n'allai ent pas et elle m'a montré, elle m'a dit: vous faites
fallait vivre
je fais la maÎtre sse pour me montr er réellement comm ent il
l'intérêt
les rituels» (E6). Les enseignants débutants voient assez peu'
'ils
puisqu
isite
post-v
de l'analyse réflexive dans le cadre des entretiens
n'est pas
privilégient d'abord le court terme. Dans ce type d'exercices, il
ant du
attend
rare d'assister à un jeu d'attentes croisées, le formateur
et ce
professeur qu'il mène une réflexion sur les séquences observées,
Si,
trés.
dernier sollicitant des réponses concrètes aux problèmes rencon
sachent
comme nous l'avons dit, il semble essentiel que les praticiens
de pouranalyser la manière dont ils pratiquent leur enseignement afin
ir les
pouvo
t
suivre leur évolution professionnelle, les formateurs doiven
aider à conduire ce travail.
r des
L'anal yse révèle des différences notables dans la teneu
lisé avec
échanges, selon qu'ils se dérou lent dans le cadre institutionna
avons vu
un forma teur ou de manière informelle avec un pair. Nous
ive du
que le proce ssus collab oratif se développe très souvent à l'initiat
dernie r
jeune maître qui sollicite un aîné. L'expérience acquise par ce
sont
ils
s,
cuteur
n'entr aîne pas un rapport d'inégalité entre les interlo
pas un
et deme urent collègues, et de cette coformation ne découle
que la
sentim ent d'infér iorité de celui qui «appr end». Il apparaît aussi
des
nature des échan ges ne déstabilise pas le novice. On lui donne
sur un
inform ations sur une procé dure administrative, des précisions
batterie
élève, des pistes pédagogiques, des outils de travail, toute une
activité
d'élém ents qui lui sont inconnus et qui vont l'aider dans son
ogique
quotidienne. La situation d'entr etien avec le conseiller pédag
lle et les
est différente. Elle se dérou le au sein d'une démarche officie
la foncdeux perso nnes ne se situen t pas sur le même plan, tant par
tuent
consti
isite
tion exercé e que par le «statu t». Les entretiens post-v
ent, les
parfois une forme d'anal yse de la pratique où le questionnem
sont pas
divergences de point de vue, les confrontations d'idées ne
quence
absents. Cette déma rche critique peut aussi avoir pour consé
déjà, à
d'insé curise r encor e davantage le profes seur novice, qui est
aux inet
Ce mome nt de l'insertion professionnelle, en proie au doute
�Christophe Hoff
certitudes, mais nous savons aussi que ces remises en question, ces
déséquilibres, constituent des leviers de changement qui sont parfois
nécessaires pour accompagner une évolution des pratiques, à la condition qu'ils soient eux-mêmes" accompagnés ».
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Une des originalités de la recherche est d'avoir suivi des enseignants
débutants depuis leur prise de fonction jusqu'à l'issue de la seconde
année, voire de la troisième année d'exercice pour certains. Elle révèle
ce que l'entrée dans le métier peut comporter d'" épreuve initiatique»
avec ses effets d'assurance et de confortation identitaires et la dynamique d'une professionnalité en mouvement signifiée par une diversité
et une souplesse accrue des schèmes d'action. Contrairement à ce
qu'indique Berliner (1986), les maîtres débutants ne font pas qu'appliquer des procédures. La réflexion accompagne la pratique professionnelle dès la première année où s'installe progressivement une décentration en direction des élèves qui ne fait que s'amplifier durant la
seconde année. Pour consolider et enrichir leur professionnalité, les
professeurs s'appuient essentiellement sur leur expérience naissante,
demandent des conseils auprès de leurs pairs et investissent les actions institutionnelles de formation pour progresser. L'analyse des entretiens montre combien il apparaît important de développer, dès la formation initiale et durant la formation continue, le savoir-analyser (Altet,
1996), afin d'armer le regard, l'observation des praticiens débutants, et
d'outiller la réflexion sur les pratiques professionnelles.
Cependant, il apparaît que le savoir-apprendre ne constitue pas une
condition suffisante pour se former à partir de ses expériences. La pratique réflexive est une démarche qui s'inscrit dans la prise en charge
de son développement personnel par la personne elle-même. Il s'agit
aussi, et peut-être d'abord, de vouloir apprendre, c'est-à-dire de disposer d'une force endogène, d'une" motivation autodéterminée» (Carré,
2006, p. 26) qui donne au sujet l'envie ou le besoin de progresser. Et
il semble bien que le parcours d'autoconstruction professionnelle des
maîtres soit étroitement lié à ce que ce chercheur nomme une cc posture d'apprenance» (2006, p. 23), définie comme" un ensemble stable
�Parcours de formation et autoconstruction professionnelle des enseignants débutants du premier degré
de dispositions affectives, cognitives et conatives favorables à l'acte
d'apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou
fortuite» (2006, p. 23).
Dans le contexte souvent difficile de l'insertion professionnelle où les
jeunes enseignants ont parfois le sentiment d'être submergés par la
multitude et la complexité des tâches à accomplir, il apparaît ég'alement
essentiel de donner aux novices les possibilités de pouvoir apprendre.
Se pose ici la question de l'environnement professionnel, des collègues, des opportunités, ou des expériences d'apprentissage que l'écoformation propose afin de favoriser le déploiement de l'autoconstruction
professionnelle. Ceci souligne l'intérêt qu'il y a à poursuivre la réflexion
afin d'optimiser la complémentarité entre les différentes ressources de
l'autoconstruction professionnelle que sont l'apprentissage expérientiel, la transmission professionnelle entre pairs, et les expériences de
formation mises en œuvre dans le cadre de l'accompagnement de l'entrée dans le métier.
�, '"
Fredenque
J' erome
esslca
1
ans
33 ans,
1 enfant
24
ans
Carmen
25
50 ans,
3 enfants
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24 ans,
1 enfant
Manue Ila
1
à 3 classes
e
Fonction de
maître E
Licence en
histoire
~e4ml;rua
a
c asses
CE1/2 ' 1
. , eco e
Grande sectian-CP, école
semi-rurale
à 4 classes,
fonction de
directrice
CM1 , école
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. ur aine
a 8 classes
1 CM1/2, école
CM2, école
Licence plurien zone
en zone sendisciplinaire
sensible
sible
à 7 classes 1 à 7 classes
1
SI
tian, école en
zon~bsl
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Grande sec-
Grande sect'
. 1
Ion, eco e
urbaine
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L Icence p unZEP
disciplinaire
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1 a 10 classes
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Licence en
rt 1
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Moyennegrande sect'
. 1
Ion, e.co e
urbaine
à 2 classes
E5
13/5/2005
15/4/2005
E4
E3
1/4/2005
E2
14/3/2005
E1
6/3/2005
E13
11/5/2006
E11
16/5/2006
E10
30/5/2006
E9
6/6/2006
1
E19
19/6/2007
E18
11 /6/2007
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4/6/2006
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\ Fonction de
seml-urbame
maître E
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à 8 classes
Licence
pluridisciplinaire
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histoire médiévale
24 ans
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grande sec- \
Titulaire
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30/5/2005
en zone
sensible
à 5 classes
Licence en
sciences
physiques
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E14
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��CHAPITRE 6
CONSÉQUENCES DE LA CON CEP TION
DIFF ICUL TÉ SCOLAIRE DES ENSEIGNANTS
DE L~
SPÉCIALISÉS DÉB UTA NTS «MA ÎTRE S E»
ET DE LEUR J\PPROCHE DE LA DIFF ÉRE NCIA TION
SUR LEUR DÉV ELO PPEM ENT PROFESSIONNEL
INTR ODUC TION
RéLes «maît re E » sont des enseignants spécialisés exerçants en
l'école
à
D)
(RASE
lté
seau d'Aides Spécialisées aux Élèves en Difficu
regrou primaire . Ils interviennent généralement sur plusieurs écoles en
Leur
re.
scolai
lté
pant temporairement des enfants en grande difficu
spéciamission est définie dans un texte de 2002 organisant les aides
d 'acnes
lisées à dominante pédagogique : « En référence aux domai
l'école
tivités de l'école maternelle ou aux domaines disciplinaires de
techélémentaire, les actions visent à la maÎtrise des méthodes et des
ra niques de travail, à la stabilisation des acquisitions et à leur transfé
isent à
bilité, à la prise de conscience des manières de faire qui condu
la réussite. »
être à
Considérer ces enseignants comme des débutants pourrait
nneté
première vue surprenant car ils ont déjà pour la plupart de l'ancie
consti mais débutent cependant dans une nouvelle fonction. Celle-ci
imodal
les
,
tue de notre point de vue un métier nouveau car la mission
et font
tés de fonctionnement, les référents théoriques sont spécifiques
conduite
appel à des registres de compétences différents de ceux de la
ue re pratiq
leur
de
de classe . C'est pourquoi nous pensons que l'étude
même
lève bien d'un parcours de formation des enseignants débutants
si ceux-ci ont déjà eu une vie pédagogique antérieure .
�Laure nt Les couarch
De plus, il pourrait paraître paradoxal d'étudier la représentation de
la différenciation pédagogique de ces enseignants car, par définition,
leurs actions se situent dans un champ distinct, celui des aides spécialisées. Toutefois, nous pensons que cette notion de différenciation
pédagogique peut être organisatrice des pratiques en identification ou
en opposition et nous postulons que connaître les représentations des
« maîtres E» à ce sujet permet de mieux comprendre leur positionnement professionnel.
En effet, selon les textes institutionnels, leurs actions doivent être
pensées en complément de la différenciation pédagogique mise en
œuvre dans la classe par l'enseignant généraliste. La conception qu'ils
ont des différentes formes d'aides va, par conséquent, avoir une in fluence sur leur espace de pratiques et sur la répartition du travail dans
l'aide aux élèves entre l'enseignant généraliste et l'enseignant spécialisé.
De plus, nous avons pu constater que de nombreux « maîtres E» débutants mettaient en œuvre des pratiques à dimension substitutive de
fait par rapport aux aides que l'enseignant généraliste est censé mettre
en place dans sa classe (Lescouarch, 2006) . Alors que la différenciation ne fait pas partie de leur mission centrale, ces « maîtres E» débutants mettent donc souvent en place des actions proches du soutien
scolaire et nous nous demandons si la conception qu'ils se font de la
difficulté scolaire et des moyens d'y remédier ne serait pas un élément
d'explication de cette situation .
Après avoir présenté notre méthodologie, nous expliciterons donc
les différentes conceptions de la difficulté et de la différenciation pédagogique de ces enseignants en cherchant à les mettre en relation avec
la possibilité de construction de compétences particulières et d'investissement d'une nouvelle identité dans le cadre de leur développement
professionnel.
�ants spécialisés débutants « maîtres e »
Conséquences de la conception de la difficu lté scolaire des enseign
MÉTH ODOL OGIE
Cadre d'ana lyse
sionne l
Notre angle d 'étude est celui de leur dévelo ppem ent profes
ppeen référence à la distinction entre profes sionna lisatio n et dévelo
(2008) :
ment profes sionne l exprimée par Wittorski et Brique t-Duha zé
sionNous faisons ainsi la différence entre ce qui relève de la profes
tion
nalisation (c 'est-à-dire l'intention sociale et institutionnelle de forma
ce
et
itif)
dispos
des perso nnes qui se traduit par la proposition d 'un
dont les
qui relève du développement profes sionne l (à savoir la façon
individus apprennent) >> (p . 17).
C(
définiComm e le précis ent Brode ur, Deaudelin et Bru (2005), les
sées .
stabili
peu
tions du dévelo ppem ent professionnel sont multiples et
en forConce rnant l'étude de l'apprentissage du métier d'ense ignant
l'apmation initiale ou contin ue , nous l'abordons pour notre part selon
ppem ent
proch e de Wittorski (2007) comme une « dynamique de dévelo
conjoi nt
profes sionne l, du point de vue de l'individu, soit un mouve ment
ppem ent
de dévelo ppem ent des compétences et des savoirs, de dévelo
uctionde stratégies et dynamiques identitaires caractérisant la constr
transformation d 'une professionna/ité ».
lles
Les enseig nants « E » début ants ont donc à constr uire de nouve
consis pratiq ues et sont en situation d 'investir une fonction particu lière
public hétant à ne plus travail ler dans un contexte de classe avec un
en petits
térogè ne mais à se centre r sur l'aide aux élèves en difficulté
e impor group es. Cela consti tue poten tiellem ent un éléme nt de ruptur
fois des
la
tant dans leur dévelo ppem ent professionnel metta nt en jeu à
nouve lles.
proce ssus identit aires et des compé tences profes sionne lles
pour
Nous avons pu consta ter une difficulté de ces enseig nants
des
situer leurs interve ntions et leur identité en distinc tion de celles
avec
e
enseig nants génér alistes . Ces remarques sont en conco rdanc
ité des
les travau x de Gaude t-Barq (2004) sur la théma tique de l'ident
nt sur
« maître s E » identif iant plusieurs profils distinc ts, l'un se centra
sur
l'autre
et
re
de la reméd iation pédag ogique dans le champ scolai
�Laurent Lescouarch
de la remédiation cognitive . Pour cet auteur, ces différences de profil
seraient liées au type de formation suivie, à l'ancienneté, et seraient
relatives à la représentation de l'objet du travail et des missions.
De ce point de vue, le rapport à la différenciation pédagogique et la
place qu'ils lui accordent dans la définition de la spécificité de leur travail
est pour nous une première dimension explicative des difficultés rencontrées par ces enseignants dans leur prise de fonction. L'ensemble
de ces éléments nous conduit donc à développer comme hypothèse
de travail l'idée que leur conception de la différenciation pédagogique
serait un élément fondamental de leur construction professionnelle.
Données empiriques
Notre analyse s'appuie sur les données d'une recherche de thèse
portant sur les pratiques pédagogiques d'aide aux élèves en difficulté construite dans une optique qualitative auprès de 26 enseignants
« maître E» exerçant dans l'académie de Haute-Normandie dont 20
ayant moins de 4 ans d'ancienneté sur ce type de postes (Lescouarch,
2006). Ce sont sur ces derniers que portent nos remarques dans ce
texte.
Nous avons conduit des observations et des entretiens, auprès de
ce panel, complétés par un questionnaire concernant les supports utilisés par les personnes. Ces données ont été analysées en prenant en
compte les différents niveaux constitutifs des modélisations pédagogiques définis par Meirieu (1994) : le pôle axiologique, le pôle scientifique et le pôle praxéologique . Ces données initiales sont enrichies par
un travail de recherche-action en cours avec des enseignantes spécialisées d'une circonscription de Haute-Normandie.
Dans le cadre du questionnement sur leur développement professionnel, nous avons donc mené une analyse de contenu thématique
des entretiens sur trois axes: la conception de la difficulté scolaire,
l'approche de la différenciation et la dynamique de développement professionnel en relation à la motivation à exercer la fonction et les modalités de formation exprimées.
�ants spécialisés débutants
de la difficulté scolaire des enseign
Conséquences de la conception
GIQUE:
LA DIFFÉRENCIATION PÉDAGO
CTIONS
DISTINCTIONS DE FORMES D'A
noceptions, nous envisageons la
Pou r ana lys er les différentes con
lob ant
gique au sens large, comme eng
tion de différenciation pédago
difféles
ttant de prendre en compte
l'en sem ble des actions perme
tique de
spective universaliste dans l'op
rences des élèves dans une per
s et les
e" c'e st organiser les interaction
Per ren oud (1992) : cc différenci
très
ve soi t constamment ou du moins
activités de sorte que chaque élè
r
pou
es
ns didactiques les plus fécond
sou ven t confronté aux situatio
es
c par différentes formes de pra tiqu
lui »( p.49). Elle se caractérise don
Pédagogiques.
Le sou tie n
sous fréquemment évoquée est le
La première forme d'aide la plu
il relève
ployé de façon générique mais
tien . Ce terme est sou ven t em
deau
rau
gulière comme le suggère Per
POur nou s d'u ne approche sin
particuation pour une forme de travail
(1994) en rés erv ant cette désign
ire,
rendre à par tir d'un con sta t lacuna
lière : cc Le travail se résume à rep
certes
, certes à un rythme plu s lent,
la difficulté rencontrée . La reprise
eure
aut our d'un contenu simplifié dem
tes
cer
uit,
réd
ctif
effe
un
c
ave
hec»
ntique de ce qui a engendré l'éc
Pourtant une reproduction à l'ide
(p. 99).
tinc plusieurs mo des selon une dis
Ce soutien peu t être décliné sur
l'effica(2002), dans une recherche sur
on
ard
Ch
et
llé
Bai
par
e
fait
tion
compte
des de lecture. Ainsi, pre nan t en
cité du soutien selon les métho
ent et
distinguent le soutien ren forc em
la mé tho dol ogi e des maîtres, ils
thodololes séances reprennent leu r mé
le soutien con tra sté : «[ ... ] soi t
nou s
icalement. Dans le pre mie r cas,
gie, soi t elles s'e n distinguent rad
tien
s le second, nous aurons un sou
aurons un soutien "renforcé", dan
"Contrasté"» (p. 83).
lee d'aide s'a ppl iqu era it don c seu
Le term e de soutien comme form
propos lesquelles des activités son t
ment à cer tain es situations dan
«
maîtres e »
�Laurent Lescouarch
sées pour combler un manque constaté dans un domaine de connaissances scolaires. Il n'y aurait donc soutien que lorsqu'on retravaille
une compétence, une connaissance non acquise indépendamment de
la forme de l'activité.
Guidance et compensation
En complément, Perraudeau (1994) définit également d'autres
formes d'aides, distinctes du soutien de son point de vue. La première
est la « guidance» consistant à «favoriser l'évocation en utilisant tous
les supports possibles" (p. 100). C'est une conception de la réponse
à la difficulté distincte de la simple reprise dont les objectifs ne relèvent pas du strict domaine des connaissances scolaires. Cette forme
d'aide inspirée d'une entrée pédagogique comme la gestion mentale
de La Garanderie consiste à aider l'élève à construire des méthodes
permettant de mieux apprendre et d'être guidé dans son cheminement
par l'intervention d'un tiers médiateur.
Par ailleurs, il dissocie également du soutien une autre forme de
réponse aux difficultés scolaires appelée « pédagogie de la compensation» (Perraudeau, 1994). Cette conception de l'aide s'appuie sur
l'idée de faire réussir dans un autre champ, sportif ou artistique, afin de
transférer ensuite cette réussite dans le domaine instrumental. Elle implique un « détour» dans le cadre d'aides permettant à l'élève de vivre
une situation de réussite transférable ensuite dans la sphère scolaire.
Pour analyser les pratiques de différenciation pédagogique, nous
nous appuierons sur ces différentes formes pédagogiques résumées
dans le schéma suivant:
�ants spécialisés débutants
de la difficulté scolaire des enseign
Con séq uen ces de la conception
Différenciation
pédagogique
Soutien .
Soutien renforcement
Guidance
.
Compensation
Soutien contrasté
ago giq ues en diff ére
Fig ure 1. For mes d'ai des péd
sco lair e
en rép ons e à une diff icu lté
nci atio n
être
mentaires et devraient pouvoir
Ces formes d'aides sont complé
nant
ent des apprentissages concer
Coordonnées pou r un aménagem
quo
au
seulement ceux en difficulté)
l'ensemble des élèves (et pas
t à
en milieu scolaire correspondan
tidien dans leur prise en charge
,
oud
e» (Perren
« différenciation inté gré
ce que Perrenoud appelle une
s dentes logiques d'aides identifiée
1991). En principe, ces différe
sses.
nants au quotidien dans les cla
eig
ens
les
s
tou
ner
cer
con
t
ien
vra
érenperspective d'une pédagogie diff
Nous sommes donc ici dans la
5).
seignant généraliste (Meirieu, 198
ciée relevant de la mission de l'en
gnant
relève donc de l'action de l'ensei
La différenciation pédagogique
que les
tionnels précisent explicitement
titu
ins
tes
tex
les
et
e
list
éra
gén
eise substituer aux actions des ens
aides spécialisées ne doivent pas
nants
uent, si les actions des enseig
gnants généralistes. Par conséq
rs de
dans une démarche de « parcou
SPécialisés s'inscrivent de fait
d'u ne
sens général, la mise en œuvre
différenciation pou r l'él ève » au
travail
rait pas constituer un objectif de
Pédagogie différenciée ne dev
la for,
les
préconisations institutionnel
Central pour eux. Au regard des
comme
utants « E» devrait donc avoir
mation de ces enseignants déb
gie
e en œuvre directe d'une pédago
Objectif de les éloigner de la mis
«
maîtres e "
�Laurent Lescouarch
différenciée classique pour leur permettre d'investir de nouvelles missions.
En effet, si ces enseignants spécialisés doivent penser leurs actions
en articulation avec celles des enseignants généralistes, ils devraient
être en mesure de concevoir une mission d'aide particulière sans intervenir directement dans le cadre de la pédagogie différenciée de soutien. Les représentations de la source des difficultés scolaires et de la
différenciation dans leurs pratiques déclarées peuvent alors avoir de
ce fait une importance fondamentale dans leur développement professionnel.
CONCEPTION DES DIFFICULTÉS
ET DE LA DIFFÉRENCIATION DES ENSEIGNANTS
SPÉCIALISÉS «E» DÉBUTANTS DANS LA FONCTION
L'analyse de la difficulté et de sa source varie considérablement selon les acteurs. Si une définition consensuelle du public concerné par
les aides spécialisées « E" correspondant à un enfant ayant le désir
et les capacités d'apprendre (mais étant cependant en difficulté scolaire après avoir été aidé par l'enseignant généraliste dans sa classe)
est repérable, l'analyse de contenu des propos et pratiques de ces
« maîtres E" met en évidence une hétérogénéité des pratiques et des
représentations.
Difficultés perçues comme relevant de l'Aide Spécialisée
à Dominante Pédagogique
Le public concerné par les aides « E" est présenté comme relevant
de la grande difficulté scolaire à l'exclusion des problèmes de comportement et des difficultés relationnelles (ou liées à la personne de l'enfant) qui dépendent pour eux d'une autre forme d'aide spécialisée, la
rééducation (Lescouarch, 2006). Le critère unique pour décider d'une
aide est bien souvent le retard scolaire sans véritable distinction de
profil avec, pour une grande partie des acteurs, un discours sur le pu-
�Conséquences de la conception de la difficulté scol aire des enseignants spécialisés débutants
blic très proche de ce que l'on appelait précédemment dans la perspective de l'enfance inadaptée , le « handicap socioculturel». De ce fait,
tout enfant en difficulté scolaire est susceptible d'être aidé quelle que
soit la nature de sa difficulté et cela entretient chez les acteurs une
confusion importante sur leur rôle dans les parcours de différenciation
pour les élèves .
Pourtant, de notre point de vue, une distinction entre ce qui relèverait
des difficultés dans l'apprentissage d 'une notion nécessitant la mise en
œuvre d'une entrée différenciée et des difficultés de l'apprentissage
relevant d'aides spécialisées pourrait être utile pour situer les pratiques
d'un enseignant spécialisé . Ce type de catégorisation permettrait de
spécifier les actions d'enseignants spécialisés. Cependant, chez les
enseignants du panel, une distinction de ce genre est rarement clairement exprimée.
Un problème essentiel rencontré par ces enseignants est relatif à la
définition de caractéristiques de profils de difficultés ou de formes de
travail spécifiques car ils sont confrontés au quotidien à une question
pratique de délimitation de leur champ d'intervention . La nécessité de
la définition d'une répartition théorique des attributions de chaque acteur dans le projet de différenciation au service des élèves est mise en
avant dans les discours. Cependant, les critères de distinction ne sont
pas explicites bien qu'une démarcation de ce type soit identifiable dans
les prescriptions. Par exemple, l'association nationale des « maîtres
E» situe clairement les aides spécialisées « E» sur une dimension
Psychopédagogique métacognitive en relation à des difficultés spécifiques (FNAME, 2006) en distinction du soutien scolaire relevant des
enseignants généralistes. pourtant, nos données mettent plutôt en évidence que c'est en fait la notion de différenciation et de soutien qui est
organisatrice des représentations et des pratiques.
«
maîtres e »
�Laurent Lescouarch
Perce ption de la différ ence
entre aides des ensei gnan ts géné ralist es
et aides spéci al isées
La construction identitaire s'appuie sur un discours de distinc
tion
entre les pratiques de soutien scolaire et celles d'aides spécia
lisées .
L'analyse de contenu des discours illustre , ainsi que la différe
nciation
pédagogique est fréque mmen t assimilée par ces acteurs à une
seule
de ses modalités, le soutien scolaire renforcement par individualisa
tion
des supports. De ce fait les enseignants spécialisés perçoivent
comme
spécifiques des actions qui relèvent pourtant dans les textes
des missions des enseig nants généralistes (soutien contrasté, aides métho
dologiques, pédagogie du projet) .
Trois conce ptions distinctes de la spécificité de l'aide spécialisée
en
distinction de la différenciation dans la classe sont identi fiable
s: le degré de reprise, la forme et les conditions de travail, les objectifs.
Le premier profil est celui d'une aide spécialisée se caractérisan
t par
une reprise des difficultés en amont opposée à une reprise à l'ident
ique
qui serait l'apan age de l'enseignant généraliste comme le montr
e ces
déclarations d'une enseignante : C'est là où tu as plusieurs
façons
de faire . Ou tu vas lui en coller et lui expliquer bêtement ou tu
vas décomp oser la dizaine, l'addition, pourq uoi on y arrive et pourq
uoi il y a
une retenue ... Tu repars de quelque chose de beaucoup plus
basique,
tu vas aller manipuler, tu vas .. . [ .. .] C 'est essayer de casse r
quelque
chose de mal ancré . C'est reconstruire quelque chose quoi. C'est
pas
du rabâchage de ce qui a été fait en classe . »
C(
Le degré de reprise serait la particularité de l'enseignant « E»
dans
cette optique. Si la reprise correspond aux notions construites
actuellement en classe, les pratiques sont qualifiées de soutien. Mais par
contre,
une reprise en amon t des contenus étudiés dans la classe (faire
du CP
pour des élèves de CE1) relèverait d'une action d'adaptation
comme
l'exprime une autre perso nne: « Donc, je ne fais pas direct
ement de
reprise. Par exemple, si j'ai des CE1 qui sont en train de travai
ller ... on
imagine parce que ce groupe-là c'est des CE2 en mathématiqu
es. Ce
que je fais en CE2 en mathématiques, c 'est vrai un peu plus proch
e du
�ants spécialisés débutants
Conséquences de la conception de la difficulté scolaire des enseign
décalage
scolaire mais c 'est en même temps là on est quand même en
. Donc
parce que ce sont des notion s qui ne sont pas installées de CEt
chose
même
la
faisais
là, je suis dans mon rôle de "maÎtre E". Mais si je
ordre-là
sur des enfan ts qui ont des difficultés de construction de cet
Sur des CEt , je serais maÎtresse de soutien » .
o-PéCette modalité proche de l'ancienne entrée Rééducation Psych
tion car
dagogique (RPP) est facile à investir par les acteurs en forma
néceselle se situe dans le cadre d'un aménagement didactique et ne
site pas de compétences radicalement nouvelles.
. Une
Une deuxième distinction serait relative à la forme de travail
n en
identité particulière peut se structurer alors par rapport au soutie
ou
nts
valorisant des actions se caractérisant par des supports différe
comme
par le recours au détour. Cette entrée peut être alors perçue
l'activité
fondatrice d'une identité et de pratiques singulières même si
scoisition
d'acqu
reste dans une logique de reprise avec des objectifs
r autre
laire comme nous l'indique ces propos : « J 'essaye de trouve
r de
utilise
pas
chose que ce que l 'on fait en classe alors j'essa ie de ne
els de
métho des ... par exemp le des méthodes de lecture ou des manu
pédade
mathé matiq ues ... J 'essaie de faire par une autre .. . une sorte
. J 'essaie
gogie du détou r en fait ... comm ent est-ce que je peux faire ..
puisde trouve r des outils autres que ceux utilisés en classe pour qu'ils
sent surmo nter leur difficulté ».
luCela passe par l'utilisation en priorité d'activités à connotation
à l'idendique ou de projets d'activités. Dans cette définition, la reprise
champ
tique du type « soutien renforcement» serait donc exclue du
tation
des pratiques de l'enseignant spécialisé, mais par contre l'orien
comparaison des actions
« Soutien contra sté » serait discriminante en
les perdes enseignants non spécialisés. " est relativement facile pour
compésonnes d'inve stir cette optique du travail car elle mobilise des
tences professionnelles issues de la formation initiale .
forPar contre , d'autres enseignants élaborent une distinction plus
difla
à
melle en décrivant le travail du soutien comme une reprise
us ne
férence des actions de « maîtres E » pour lesquels les conten
«
maîtres e "
�Laurent Lescouarch
seraient pas des objectifs premiers comme l'illustre l'extrait d'entretien
suivant: «Une différence essentielle, c'est qu'en tant que "maÎtre E", je
n'ai jamais l'impression de reprendre des notions qui se font en classe
ou des contenus qui se font en classe, je suis rarement, je ne vais jamais aborder un contenu en tant que tel, éventuellement, il va m'arriver
en passant derrière un enfant de signaler quelque chose mais mon but
premier n'est pas de reprendre les contenus qui ne sont pas passés,
entre guillemets, qui ne seraient pas bien passés auprès de l'enfant
en classe et de les resservir ici en regroupement d'adaptation, simplement, je peux parfois faire allusion à une erreur faite mais ce n'est pas
ce qui guide mes actions auprès d'eux. »
Selon les profils, des champs différents d'objectifs peuvent être investis. Les distinctions les plus fréquentes dans le registre du discours
sont des objectifs spécifiques relatifs à la méthodologie, aux stratégies métacognitives et aux procédures de travail sans que ces notions
ne puissent cependant être clairement explicitées par les acteurs. Ces
objectifs servent d'horizon identitaire mais, dans les pratiques observées, ces intentions ne se traduisent pas par des activités réellement
spécifiques. Elles se limitent à la recherche d'une systématisation de
moments d'explicitation verbale de leurs démarches par les enfants
sans technicité particulière.
L'ambiguïté est donc importante dans le rapport au soutien, même
lorsque les aspects de méthodologie et de métacognition sont présentés comme discriminants par les acteurs. Nous pensons que cette situation s'explique par la définition implicite du soutien comme relevant
d'actions courtes sur des difficultés ponctuelles. Toute action portant
sur des difficultés persistantes, quelle que soit sa nature, est alors perçue comme une aide spécialisée.
Chaque conception a ainsi une cohérence interne construite sur
une définition personnelle des attributions respectives des acteurs.
Cette définition permet aux sujets de se positionner individuellement
en distinction du soutien dans une perspective non substitutive. Nous
pouvons synthétiser comme suit ces différentes représentations des
�ants spécialisés débutants
de la difficulté scolaire des enseign
Con séquences de la conception
d~stinco
glq ue:
es à Dominante Pédagoentre soutien et Aides Spécialisé
Définition de la
différenciation par
les enseignants
généralistes
Définition des
activités de «maître
E"
Profil 1
Profil 2
Profil 3
Rep rise à l'identique
Reprise à l'identique
Rep rise scolaire
Reprise en amont
Reprise sous une
forme différente
Objectifs différen] s
(Méthodologie,
métacognition,
appétence)
ASDP
dis tinc tion s ent re sou tien et
Tab lea u 1. Rep rés ent atio ns des
s ont
tes sont donc identifiées et elle
Des représentations très distinc
dans
ture identitaire des « maîtres E»
un impact important sur la pos
sont
initiale . Les deux premiers profils
leur construction professionnelle
al relè ve
car leur appui théorique princip
dominants chez les débutants
riture.
mathématiques et de la lecture-éc
du champ des didactiques des
s en comns pu obs erv er ont donc tou
avo
s
nou
que
ts
nan
eig
ens
Les
Vincent
c la forme scolaire au sens de
mun de ne pas avo ir rompu ave
ment
tion qui tend à s'im pos er notam
(1994) comme une « forme de rela
éact
car
ettre " et d "'apprendre ", forme
à toutes les manières de "transm
, la progression, etc. » (p. 225).
risée par l'exercice, la répétition
n'y a
dans des formes act ive s mais il
Les approches relè ven t parfois
itionture ave c les formes scolaires trad
Pas dans une pédagogie de rup
sionfes
amique de dév elo ppe me nt pro
nel/es . Nous pensons que la dyn
ation.
nel permet d'e xpl iqu er cette situ
ENT PROFESSIONNEL
LA DY NA MIQ UE DE DÉVELOPPEM
t
d'entrée dans cet te fonction son
Selon les personnes , les motifs
ment
explicitement d 'inv est ir spécifique
Var iab les . D'aucuns ont choisi
d'une
contré par hasard à l'occasion
ren
t
l'on
s
utre
d'a
,
n
sio
mis
te
cet
cc
maîtres e »
�Laurent Lescou arch
évolution de leur poste . Par ailleurs, certains enseignants sont dans
une position de reconversion après avoir occupé un autre type de
poste d'enseignant spécialisé (Classe de perfectionnement, CLIS ... )
ou après une carrière en classe généraliste. Par contre, d'autres enseignants sortis de formation initiale récemment sont plutôt dans la
logique d'un investissement précoce d'une autre mission que l'enseignement en classe .
La motivation à exercer cette fonction correspond généralement à
une volonté d'aller plus loin que la différenciation dans la classe pour
trouver un cadre permettant de construire des réponses pertinentes à
la difficulté scolaire vécue comme insoluble dans le cadre de la classe
« ordinaire». La démarche des personnes se caractérise donc souvent
par un projet personnel particulier de réponse à une difficulté récurrente de leur vie professionnelle antérieure comme l'indiquent les propos su ivants : « Alors, qu'est-ce qui m'a motivé, en fait, c'est le fait
d'avoir, d 'être confronté à des enfants qui souvent ont des grosses
difficultés et de ne pas savoir comment y remédier, de ne pas avoir les
outils, de ne pas savoir comment faire avec ces enfants-là, voilà, c'est
essentiellement le but de ma décision, enfin ma motivation. »
De plus, nous ne sommes pas dans une dynamique descendante
dans laquelle une identité définie permettrait de construire des pratiques
appliquées mais dans une dynamique de construction individuelle sur
la base des interprétations de chacun . Un projet de travail émancipateur autour des capacités de l'élève est identifiable et se traduit pédagogiquement par une optique constructiviste dans les apprentissages
et une attitude respectant la parole de l'enfant commune à tous les
« maîtres E» . Les pratiques sont donc conçues sur la base de projets
individualisés et chaque enfant fait l'objet d'une étude par le RASED
de ses besoins personnels. Cependant, cette unité apparente de la
présentation des pratiques est à relativiser fortement car la sémantique
commune masque des divergences de pratiques importantes.
Chaque praticien auto-qualifie et auto-définit ses outils à partir du
vocabulaire de la formation, en maintenant ainsi une unité de façade
autour d'une terminologie commune : projet, jeux, métacognition ,
�ants spéciali sés débutants " maîtres e »
Conséquences de la conception de la difficulté scolaire des enseign
re ces
démarches, stratégies) constructivisme , etc. Pourtant, derrié
t restermes , des pratiques très distinctes sont observables et la plupar
soupar
ogique
tent inscrites dans une logique de différenciation pédag
tien contrasté .
e inSi la formation théorique a de l'influence , elle est vécue cQmm
forte
suffisante par rapport à la réalité des besoins, ce qui induit une
: « La
démarche d'autoformation comme l'exprime cette enseignante
seraitformation a quand même beaucoup transformé les pratiques, ne
reprendre une
Ce que simple ment ce que je dirais, c 'est que si je devais
ormées,
classe ordina ire, de toute façon, mes pratiques seraient transf
je dirais
ça c 'est certain , cela dit, il a quand même fallu beaucoup faire,
'a pas eu
de l 'auto formation, notam ment au niveau de la lecture , on n
et même
énorm émen t de conten us au niveau de la formation théorique
, mainbesoin
aussi
a
enfin c 'était un peu léger, mais je pense qu 'il y
petit peu
tenant, d 'une pratiq ue de terrain pour que tout ça mûrisse un
quand même ».
de
Nous avons pu identifier les tendances fortes des modalités
ants.
construction des pratiques de ces enseignants spécialisés début
par
Si l'appui sur une formation théorique spécialisée est mentionnée
rvaceux ayant auparavant exercé en CLIS , l'autoformation et l'obse
contre ,
tion-réappropriation de pratiques de pairs sont dominantes. Par
citée et
la formation théorique spécialisée RASED est plus rarement
comme
certains enseignants mentionnent plutôt leur formation initiale
re toute
Point d'appui principal. La spécificité des pratiques est alors
lative .
n'ont
Ce phénomène d'autoformation est d'autant plus fort que tous
des
Pas reçu une formation spécifique à la fonction mais réarticulent
aliste ou
cOmpétences antérieures construites dans leur classe génér
travail.
Par exemple pour la CLIS dans une nouvelle configuration de
stan Ces différentes logiques identifiées rendent très aléatoires la
, la
dardisation des pratiques car la définition du champ de travail
tielconstruction des pratiques pédagogiques sont dépendantes essen
es
d'autr
s
classe
de
lement des rencontre s et des occasions de visite
�Laurent Lescouarch
enseignants plus que d'une logique rationalisée de formation comme
le formule une enseignante: « Ça s'appuie sur les temps qu'on a eus ...
Pas sur toutes les interventions qu'on a eu pendant la formation mais
je pense sur les temps d'autoformation, d'échange avec les autres, sur
le temps qu 'on a pu avoir pour lire et pour essayer de prendre du recul
par rapport à la pratique de classe. »
De ce fait, la rupture avec les pratiques de différenciation pédagogique des enseignants généralistes est donc limitée. La plupart des
« maîtres E» débutants rencontrés perçoivent dans leurs pratiques
une différence importante avec le scolaire traditionnel, par le recours
à des exercices à connotation ludique et des projets d'activités fonctionnelles , donnant une légitimité à leurs actions. Le développement
professionnel des sujets se construit donc par opposition à partir de
leur représentation de « ce que leur travail ne devrait pas être », soit du
soutien scolaire tel qu'ils le perçoivent. Toutefois, il est bien question
ici d'un degré d'appréciation car, dans l'absolu, cette rupture de forme
n'est pas suffisante pour conclure à une spécificité professionnelle.
De plus, l'absence de références théoriques spécifiques explicites
dans la définition des actions a potentiellement pour conséquence de
limiter l'accès à de nouvelles pratiques professionnelles relevant de
formes d'aides distinctes du soutien scolaire reprise (Aides métacognitives, travail sur le rapport au savoir) .
Par ailleurs, pour ceux ayant suivi une formation spécifique pour le
RASED, nous sommes conduits à nous interroger sur la formation de
ces personnels spécialisés en nous demandant si les contenus qui leur
sont proposés (en didactique des disciplines ou sur les questions de
différenciation notamment) sont réellement spécialisés et différents
de la formation initiale. Ce questionnement sera à approfondir dans le
cadre des recherches sur le développement professionnel des enseignants spécialisés « maîtres E ».
�ants spécialisés débutants
Conséquences de la conception de la difficulté scolaire des enseign
CONCLUSION
nants
La conception de la différenciation pédagogique des enseig
sur
mis
lier
particu
t
un accen
« maître s E» début ants se caract érise par
différenla dimension reprise de connaissances et une approche de la
dans
fait,
ce
De
rts.
Ciation limitée à l'idée d'individualisation des suppo
distincte
leur dévelo ppem ent professionnel, ils perçoivent toute action
dans
axe
cet
du soutien reprise comme étant spécifique et investissent
repréla première phase de la construction de leurs actions. L'état des
des
ation
Sentations dans ce domaine ne permet donc pas une clarific
notions organisatrices du travail.
par la
En perspective, nous nous interrogeons sur le discours porté
et sur
formation initiale et continue sur les modalités d'aides aux élèves
n
entatio
le rôle de cette formation dans la construction de cette représ
dans leur parcours professionnel initial.
étude
Ce questi onnem ent est à mettre en relation avec une autre
es. Nous
que nous avons menée sur les textes préconisant des pratiqu
explicitetravail
avons pu consta ter que, en l'absence d'un champ de
fonction
ment défini, différents acteurs institutionnels projettent sur la
2004
depuis
leur représentation de l'aide. La réforme de la formation
pilotage
(diminution de la part théorique) et le développement dans le
nisations
des RASED par de nombreux IEN depuis 2002 de préco
la posd'aides dans une perspective de pédagogie de maîtrise réduit
soutien
sibilité d'inve stisse ment de dimensions d'aides distinctes du
uction
constr
la
scolaire. Ces éléments constituent autant d'obstacles à
d'une identité professionnelle spécifique.
«
maîtres e »
��DU SECONDAIRE
��CHAPITRE 7
DE LA GRA MMA IRE ENSEIGNÉE
À L'EN SEIG NEM ENT DE LA GRA MMA IRE:
DIVER SITÉS DES PARC OURS DE PLC2 LETT RES
ET POIN TS DE RÉSIS TANC E
moCe qui peut étonner aujourd 'hui , c'est que la licence de lettres
sans
dernes se soit construite aussi fortement autour de la littérature,
qui
ce
mble,
l'ense
que l'étude de la langue ait jamais pu rééquilibrer
] Or, la
apparaît encore massivement au CAPES et à l'agrégation . [ ...
rne la
conce
pertinence de ces contenus peut être interrogée en ce qui
regard à
formation initiale des professeurs de français des lycées, en
e au
encor
l'hétérogénéité socioculturelle des nouveaux publics. Plus
apprenregard de la fonction des collèges , où doivent se poursuivre les
ntissage
tissages de la lecture et de l'écriture, et où la place de l'appre
rver
de la langue est primordiale, même si la littérature doit y conse
rve
une place importante. » Ce constat de Françoise Ropé (1994) conse
uf,
(Elalo
ieure
son actualité quinze ans plus tard. Une enquête postér
et
Benoît et Tomassone , 1996) a mis en évidence le caractère éclaté
de
es
discontinu de la formation linguistique dispensée dans les licenc
une
par
étée
compl
lettres de cinquante et une universités. Elle a été
de trois
enquête d'opinion auprès des professeurs stagiaires (PLC2)
au proIUFM et par une enquête de terrain sur leurs pratiques. Venus
lauréats
fessorat par goût de la littérature, ils se découvrent, une fois
démunis
du concours, professeurs de français et se disent souvent
dans
qui
ce
,
POur faire accéder leurs élèves à la maîtrise de la langue
peu de
la pratique de la classe se traduit par des démarches laissant
la réet
place à des observations et des manipulations, à la parole
flexion des élèves .
«
�Marie- Laure Elalouf
À l'issue de ces enquêtes, il est apparu que la solution aux
difficultés consta tées ne résidait pas seulement dans des chang
emen ts
institu tionne ls, pourtant nécessaires, mais que, compte tenu
des résistances tant du milieu universitaire que des étudiants eux-m
êmes,
il impor tait de mieux comprendre comment chaque étudiant,
singulièrement , recom posait dans la perspective de son enseignemen
t, ses
conna issanc es et conceptions sur la langue. Recomposition
d'auta nt
plus délicate qu'il s'agit d'un ensemble hétérogène où se côtoie
nt des
souve nirs de l'école primaire et du collège, des observations
issues de
la pratique du français oral et écrit, des apports universitaires
relevant
de cadre s théori ques divers , mais aussi des croyances et souve
nt des
convic tions à fort investissement identitaire. Un suivi longitudinal,
commencé avec une promotion d'étud iants en seconde année de
DEUG
en 1997-98, se poursuit actuellement après de ces mêmes
étudiants
deven us professeurs. Il a donné lieu à plusieurs recueils de
corpus
écrits, audio et vidéo.
Nous prése nteron s dans un premier temps la méthodologi
e rete nue. Puis nous expos erons les résultats issus des analyses de
corpus
d'écrit s univer sitaire s et professionnels, de la seconde année
de DEUG
(L2) à l'anné e de stage (PLC2). Enfin, nous étudierons deux
corpu s
d'entr etiens complémentaires, qui montrent, pour deux étudia
ntes aux
profils univer sitaire s différents, des évolutions contrastées entre
la Licence et la seannée d'exercice .
MÉTHODOLOGIE
Cadre théor ique: les reche rches sur l'écri t unive rsitai
re
Le cadre théorique retenu pour l'étude des corpus écrits (Elalo
uf,
2007) est celui des recherches sur les écrits universitaires
(Dabène
et Reuter, 1998 ; Laborde-Milaa, Boch et Reuter, 2004) . Le
dévelo ppeme nt de ces travaux est contemporain de ce qu 'il est conve
nu d'appeler la massification de l'enseignement. Le besoin s'en est
imposé à
mesur e que des réponses strictement pédagogiques montraient
leurs
limites , qu 'elles visent le développement d'habilités linguistiques
iso-
�De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire
dans
lées, en orthographe, vocabulaire, syntaxe, qu'elles s'inscrivent
des
à
hent
le cadre des techniques d'expression ou qu'elles s'attac
ndamcompétences transversales, d'ordre méthodologique, indépe
sifs
ment d'un champ disciplinaire, d'une question et d'un genre discur
donnés (Defays, Marechal et Melon, 2000).
Une «biog raphi e méta langa gière »
de quelq ues futur s profe sseur s
ent
Le rapport à la langue des étudiants qui se destinent à l'enseignem
page
du français n'évolue pas dans la même temporalité que le décou
,
dinaux
longitu
en semestres universitaires. En constituant des corpus
méthoil devenait possible de cerner ces évolutions. Pour des raisons
s,
mique
dologiques, le choix a été fait de recueillir des corpus acadé
tion du
en collectant les travaux universitaires effectués jusqu'à l'obten
validaConcours et les écrits professionnels pris en compte dans la
tences
tion de la formation. Il s'agissait de s'interroger sur les compé
indépenmanifestées par les travaux ayant conduit à la certification,
-ci,
celles
sur
damment du discours que les étudiants pouvaient tenir
début et
discours qui n'a été sollicité, sur la base du volontariat, qu'en
en fin de parcours.
Les hypothèses de départ étaient les suivan tes:
n des
1) Il Y a une évolution des représentations et une recompositio
e que
Connaissances sur le langage, la langue et les discours à mesur
la perspective de l'enseignement se rapproche.
uns à
2) Mais il y a des points de résistance dont certains sont comm
ularitous les futurs enseignants de français et d'autres liés aux partic
tés de leur itinéraire.
la cons titutio n des corpu s
et
Pour une étudiante, que nous appellerons Chloé', un corpus compl
ture et
a pu être recueilli, comprenant la totalité des devoirs de littéra
-
prénoms modifiés pour
1. Pour maintenir l'anonymat, je ne donne que des initiales ou des
s.
parcour
le
er
les trois étudiantes dont j'ai choisi de présent
�Marie- Laure Elalouf
de linguistique depui s la première année de DEUG, les devoir
s faits
dans le cadre de la préparation au CAPES (deux tentatives
en 1998
et 1999) et les différents mémoires (maîtrise, DESS, mémoires
professionnels PE2, puis PLC2 après obtention du CAPES interne),
au total
87 docum ents auxquels s'ajoutent maintenant un enregistrem
ent vidéo
et différents docum ents pédagogiques.
L'étude de ce corpus a été une étape indispensable pour compr
endre
la complexité d'un itinéraire et aborder des corpus moins exhau
stifs,
qui, sur la base de ressemblances significatives, ont été regrou
pés en
trois ensem bles: les parcours directs après la maîtrise (Carol
e, A***),
les parcou rs indirects après la maîtrise (G***, B***), les parco
urs indirect s après la licence (Sandrine, An***, M***). Ce classement
n'est
intervenu qu'apr ès l'analyse complète. Je pensais au départ prése
nter
les corpus en fonction de la plus ou moins grande facilité à
réussir le
concours. Or, il est apparu qu'ils se distinguaient assez nettem
ent selon que l'étudi ant avait fait ou non une maîtrise.
L'ana lyse des corpu s
L'analyse des corpus s'est appliquée à renseigner quatre quest
ions:
- comm ent évolue nt les représentations sur le langage, la langu
e?
les compé tence s langagières en récep tion? en produ ction?
;
- quels obstac les et quelles dynamiques sont repérables dans
le développ emen t des compétences métal inguis tiques ?
Chaque corpus a été soumis à une analyse de discours qualita
tive,
centrée sur le repérage et l'interprétation des récurrences, ce
qui permettait de tenir compte de sa spécificité tant du point de vue de
sa taille
que de sa chronologie. Puis les différents corpus ont été confro
ntés
pour mettre en évidence des régularités. En effet, il n'y a pas
lieu de
rapprocher un contresens en lecture fait par A*** en prépa
ration au
CAPES, dans une épreuve en temps limité, et une série de
contresens faits par B*** dans son mémoire de maîtri se; il est plus
pertinent
d'iden tifier sur quels genres de texte A*** fait des contresens
dans des
conditions d'éval uation contraintes ou à partir de quel moment,
au milieu de sa seconde année de préparation du CAPES, B***
cesse de
faire de contre sens dans la lecture de textes littéraires, même
s'il est
très difficile d'en démê ler les causes.
�De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire
ANALYSE DES CORPUS D'ÉCRITS UNIVERSITAIRES
ET PROFESSIONNELS (L2-PLC2)
Trois étapes majeures
Les données ne permettent pas de montrer que les évolutions observées sont en rapport explicite avec la perspective de l'enseignement.
Ce sont plutôt les caractéristiques de chaque étape du cursus qui peuvent rendre compte de certaines transformations: trois moments clés
se dégagent: le premier écrit long pour les étudiants ayant fait une
maîtrise, la préparation au concours et le premier écrit professionnel.
Le mémoire de maîtrise est une expérience d'écriture majeure, où
les étudiants affrontent, dans un écrit long reposant sur des lectures
conséquentes, des difficultés langagières qu'ils ont pu contourner dans
des travaux antérieurs. Nous voyons B*** aux prises avec la compréhension des poèmes de Verlaine, procéder par simples associations
d'idées, avant d'adopter des stratégies plus adaptées lors de la préparation au CAPES. Nous mesurons, chez G***, les limites d'une lecture
des romans de George Sand fondée sur la seule fonction référentielle
du langage. Or, ces mêmes difficultés, observées chez des étudiantes
n'ayant pas eu l'expérience de la maîtrise, Sandrine et A ***, se rencontrent encore dans le mémoire professionnel. Tout se passe comme si
le premier écrit long était un passage obligé pour qui doit enseigner la
langue.
La préparation à l'épreuve de français moderne (grammaire et stylistique) apparaît comme un moment d'intense réorganisation, plombé
par la durée et le coefficient dérisoires de l'épreuve (2h30, coefficient
1 sur 12).
Le mémoire professionnel assume une fonction réflexive spécifique:
moyen d'analyser un contexte (Carole), une pratique qu'ils n'ont pas
Connue en tant qu'élève (Choé, B***, Sandra, A***, G***), de convoquer
d'autres éléments de leur formation (Chloé et B***).
Seion son histoire et sa personnalité, chaque étudiant investit différemment les étapes de son cursus. On peut faire l'hypothèse d'expériences cruciales, non prédictibles, qui accélèrent la recomposition des
Connaissances linguistiques:
�Marie- Laure Elalouf
- expérience de lecture chez Chloé , chez qui la rencontre du texte
dramatique modifie en profondeur ses représentations de la langue et
des discours ;
- expérience d'écriture chez Carole , pour qui le mémoire de maîtrise
permet une véritable appropriation des connaissances universitaires
sur le texte et les discours ;
- expérience métalinguistique chez Sandrine qui prend conscience
des problèmes de formulation de ses propres consignes à travers les
difficultés de ses élèves .
Les savoirs, entre déstabilisation
et réorganisation partielle
Si les connaissances grammaticales acquises au collège sont ébran lées par les apports universitaires, leur réorganisation reste à la charge
des étudiants. Il en résulte une juxtaposition de l'ancien et du nouveau
qui prend diverses formes :
- la coexistence des savoirs anciens et nouveaux : par exemple , re courir à l'énonciation pour analyser les pronoms, mais continuer à définir les modes sans référence à l'énonciation ;
- le mélange : proposer des classements hétérogènes en confondant
différents niveaux d'analyse , par exemple opposer les pronoms sujet
(morphosyntaxe) et les pronoms de reprise (sémantique et linguistique
textuelle) ;.
- le renversement: convoquer des étiquettes anciennes au service
d'analyses intuitivement fines mais mal outillées.
Cette étude fait apparaître en creux les manques de la formation
linguistique dispensée aux futurs enseignants de français . Font défaut une réflexion sur les relations entre grammaire et linguistique , une
étude de la variation et de la norme , une connaissance du système
graphique , une étude des processus d'interprétation et de la genèse
des textes , toutes choses requises pour concevoir un enseignement de
la langue adapté aux besoins des élèves . Toutefois, des dynamiques
structurantes se font jour, quand les étudiants se mettent à écrire longuement sur un fait de langue , à justifier leurs choix terminologiques ,
à mettre en relation différents niveaux d'analyse . Encore faut-il que
l'occasion leur en soit donnée .
�De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire
Les freins à la recomposition des savoirs
Parmi les obstacles identifiés, le plus résistant est la persistance
des premières représentations métalinguistiques, déjà étudiée en didactique des langues étrangères (Trévise, 2001). Des descriptions
de la langue, présentées à l'école primaire et rarement reprises dans
la formation ultérieure, font écran, comme la définition du mot, de la
phrase. Ainsi, pour faire correspondre des actes de parole à des structures syntaxiques, la prise d'indices se limite souvent à la ponctuation.
Cela peut conduire à une erreur d'interprétation, comme à propos de
cet extrait de La peau de chagrin: « il leva la tête, vit un squelette à
peine éclairé qui pencha dubitativement son crâne de droite à gauche,
comme pour lui dire: les morts ne veulent pas de toi!». En dépit de
l'adverbe « comme», un étudiant y voit non pas un fantasme mais un
véritable dialogue, au seul motif qu'il y a dans son édition un tiret.
Autre obstacle récurrent, une confiance exagérée dans la terminologie, qui donnerait accès, de façon transparente à l'analyse grammaticale : le conditionnel exprimerait la condition « comme son nom l'indique», même si dans l'énoncé de cette pseudo-règle, il a une autre
valeur. Enfin, les manipulations auxquelles a recours l'analyse linguistique depuis le distributionnalisme sont fréquemment assimilées aux
moyens mnémotechniques introduits en début de scolarité pour l'analyse grammaticale, comme les questions qui est-ce qui? quoi? Il en
résulte des malentendus sur le raisonnement à mener.
À l'issue de leur formation, les jeunes enseignants entrent dans le
métier avec une conscience plus ou moins aiguë de leurs acquis et
des adaptations qui leur restent à faire. Dans les premières années
d'exercice, les pratiques se stabilisent. Une prise d'information ultérieure s'avérait donc nécessaire.
ANALYSE DE DEUX CORPUS COMPLÉMENTAIRES (L2- TS)
Deux cursus universitaires contrastés
J'ai retenu deux jeunes professeurs au profil universitaire différent,
mais ayant toutes deux suivi le module de préprofessionnalisation en
�Marie-L aure Elalo uf
2e année de DEUG. Sandrine a préparé le CAPES après la licenc
e et
l'a obtenu à la troisième tentative sur liste complémentaire . Elle
a fait
son stage dans un IUFM de province, avant d'être nommée dans
une
ZEP de la région parisienne où elle fait sa cinquième rentrée.
Carole
a préparé une maîtrise , a obtenu le CAPES l'année suivante
et a fait
son stage après une année de report pour préparer l'agrégation
qu 'elle
retentera deux ans plus tard. Elle est nommée titulaire sur
zone de
remplacement , d'abord en lycée , puis en collège .
Toutes deux ont fait leur stage en responsabilité en lycée.
Or les
enquêtes ont montré que l'adaptation à un premier poste en
collège
est plus difficile pour ces débutants , qui en PLC2 ne sont pas
toujours
en mesure d'entendre ce qui concerne le niveau où ils n'exercent
pas.
Trois dates ont été retenues pour le recueil d'informations compl
émen taires : la fin du module de préprofessionnalisation , la fin de l'anné
e de
stage et la cinquième année d'exercice .
De la prépr ofess ionna lisati on à la titula risati on
À la fin de la 26 année de DEUG , un questionnaire écrit, reprenant
les
questions posées dans l'enquête de 1996, a été proposé aux étudia
nts.
En voici un extrait :
Pour vous , qu 'est-ce qu 'enseigner la langu e?
Sandrine : « c'est apprendre à maîtriser le frança is: savoir le
lire, le
comprendre et parler correctement ".
Carol e: « enseigner la langue consiste à apporter une maîtri
se de
la grammaire , de l'orthographe . Ensuite lorsqu 'une base solide
paraît
acquise , il est nécessaire de présenter la langue comme une
matière
vivante . Les mots ont un sens par rapport à d'autres, sont inscrit
s dans
un environnement donné , la langue a un pouvoir ludique ".
La définition de Sandrine est caractéristique d'une élève dont le
fran çais n'est pas la langue maternelle et qui a conscience de
devoir à
l'école de maîtriser la langue . Dans la réponse de Carole en revanc
he ,
les apprentissages fondamentaux ne sont qu 'un préalable au
plaisir
de la langue. Dans son expérience personnelle , cela corres
pond au
passage du collège au lycée . Elle dit avoir découvert en secon
de que
la langue n'était pas un simple instrument de communication
à traver s
le commentaire littéraire et la rhétorique .
�De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire
Lorsqu'on lui demande si sa formation linguistique pourrait influencer
son enseignement, Sandrine est catégorique: « L'élève ne s'intéresse
pas à l'évolution de la langue et à tous les problèmes linguistiques» .
Carole, quant à elle, affirme ne plus consulter de la même façon les
dictionnaires et les grammaires et s'enthousiasme pour la découverte
qu'elle vient de faire de la linguistique du texte et du discours.
À la fin de l'année de stage, je propose à chacune d'entre elles de
donner à leurs élèves un exercice de justification métalinguistique (Elalouf, 2005) pour observer la capacité du jeune professeur à analyser
les procédures de ses élèves. Sandrine décline l'offre, se disant déstabilisée par sa nomination en collège . L'entretien avec Carole montre
qu'elle a appris à observer ses élèves au travail , à reconstituer des
raisonnements elliptiques ou avortés, qu'elle est ouverte à leurs innovations terminologiques.
Du stagiaire au professeur débutant
À la fin de l'année scolaire 2007-08, je retrouve Carole et Sandrine
pour un entretien non directif. Il s'agit de faire revenir les jeunes professeurs sur leur formation à partir de leur pratique actuelle . C'est
pourquoi je leur ai suggéré d'apporter des séquences qu'elles avaient
conçues ou des travaux d'élèves. C'est alors Sandrine qui apporte des
séquences qu 'elle a mises en œuvre et les commente de façon suivie,
tandis que j'interviens peu . On note dans son discours des récurrences
significatives:
- les verbes préfixés en -re, dont la glose serait je refais avec mes
élèves, avec la double idée de répétition et de progression pas à pas
(<< je reviens sur les mots qui leur posaient problème») ;
- les verbes exprimant un effort suivi, dirigé vers un but (( quand on
donne un sujet on essaie de l'expliquer, de le réexpliquer»).
Carole en revanche n'apporte pas de documents et parle plus volontiers de ses études que du présent. Ses propos traduisent une acceptation tardive , dont la glose pourrait être j'ai fait mon deuil des études
(<< dans mon travail j'ai un épanouissement qui passe sur le plan humain [ ... ] mais il n'y a plus d'enrichissement et d'évolution sur le plan
intellectuel») . Pour autant, son exigence intellectuelle se manifestent
dans des choix pédagogiques traduisant une prise de risque dont la
�Marie-Laure Elalouf
glose pourrait être je tente (( ça marche, ça marche pas»). Chacune
investit différemment le rôle du professeur: pour Sandrine, il s'agit de
faire faire et de faire observer la norme (scolaire, langagière), pour Carole de rassurer et de transmettre une culture .
• Les résultats de l'analyse de discours
La comparaison des deux entretiens sur le plan de l'énonciation met
en évidence des différences significatives. J'ai classé les énoncés en
fonction de leur sujet grammatical, en distinguant les énoncés à la première personne et les énoncés à la 3 8 personne (( on») qui autorisent
une gamme de glissements sémantiques. J'ai croisé cette distinction
avec une autre, sémantique et pragmatique: la répartition entre énoncés positifs (à la forme affirmative) et énoncés négatifs (à la forme
négative ou comportant une négation sémantique)2. Carole privilégie
une énonciation en « je» et emploie surtout le « on» comme équivalent
de « je» tant dans des énoncés positifs que négatifs. Dans ses justifications, elle a recours à des énoncés génériques avec des « il» impersonnels - elle répète trois fois « il faut faire des cours de grammaire
magistraux» - sans référer à une autorité, institutionnelle ou sociale.
Elle s'inscrit d'ailleurs en faux contre une inspectrice qui lui préconise
une progression en spirale qu'elle juge impraticable.
L'équipe pédagogique, l'institution, les élèves sont au contraire très
présents dans le discours de Sandrine 3 . Les énoncés qui réfèrent à
des collectifs d'adultes sont positifs. On y trouve des formes de renforcement, comme à propos de l'apprentissage par cœur, non exigé
dans l'école primaire avec laquelle travaille son collège ZEP : « nous
on demande à nos élèves d'apprendre par cœur [ ... ] nous on trouve
ça assez important». En revanche, les énoncés négatifs sont à égalité
avec les positifs pour parler des élèves : « la justification est très très
difficile c'est très très difficile ils ont ils ont du mal + bah dès qu'il s'agit
[ ... ] d'expliquer, d'argumenter un petit peu, non, il y en a certains pour
lesquels c'est très mécanique»
2. Les pourcentages nettement plus élevés chez Carole que chez Sandrine sont sur fond gris.
3. Les pourcentages nettement plus élevés chez elle que chez Carole sont en caractères gras.
�De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire
Ënoncés positifs
Sandrine
«je»
«On» pour «je »
26,5 %
10,5 %
4-
Carole
Sandrine
Carole
36,3 %
4,3%
7,2 %
7,9 %
0,4 %
2,5 %
«On»: «je»
inclus dans les
étudiants,
stagiaires,
débutants
4%
7,9 %
0
1,4 %
Nous )), non 1):
je » Inclus dans
une équipe
pédagogique
18,75 %
0,3%
0
0
«On»: «je»
inclus dans la
prOfession
1,2 %
0,3%
1,2 %
0
«On»: «je» +
mes élèves
7%
4,6 %
0
0
«On» de grande
généralité
1,56 %
1%
0
0,7 %
« Ils»:
11 ,7 %
7,9 %
10,1 %
2,1 %
4, 3%
7,9%
0
0,3 %
«
«
« Il>>
élèves
impersonnel
Tableau 1. Répartition des énoncés selon l'énonciation
Si l'on s'intéresse à la répartition sémantique des verbes, on observe
aussi des répartitions contrastées. Sandrine se met en scène avec des
verbes d'action et de parole, qu'elle parle en son nom ou au nom d'un
groupe dont elle est partie prenante. Carole privilégie les verbes d'état
intérieur (pensées, opinions, sentiments) et modalise beaucoup son
propos. En revanche, lorsqu'il s'agit de parler des élèves, les proportions s'inversent: les verbes d'état intérieur sont plus nombreux chez
Sandrine qui fait des hypothèses sur ce que les élèves comprennent
ou ne comprennent pas.
�Mari e- Laure El alou f
Verbes d 'action
Sandrine
Carole
Verbes d'état
intérieur
Sandrine
Carole
Verbes de parole
Sandrine
Carole
79 %
51,2 %
8.5 %
33,9 %
6%
8,4%
" On " : " je "
inclus dans
les étudiants,
stagiaires,
débutants
60%
26,6%
20 %
41,2 %
20 %
11,5%
" Nous",
" on »:» je »
inclus dans
une équipe
pédagogique
43,6%
«je »
r--
-
autres
Sandrine
Carole
3%
19,2 %
. -t-18 %
18 %
20 %
1-
" Ils » : élèves
35,9%
42,8 %
48,4 %
21.2 %
1,5 %
23,5 %
14 %
Tableau 2. Répartition sémantique des verbes selon l'é nonciation
• Points de divergence sur des sujets identiques
J'ai recensé ensuite des énoncés qui comportaient un même élément
de contenu, parfois formulé de façon identique (en caractère gras) ,
mais présentaient des prises de position radicalement opposées :
- Sandrine: chance de travailler en équipe (( on arrive professionnellement à s'entendre + se soumettre des problèmes + trouver des
solutions») ;
- Carole: chance de s'enrichir quand même en enseignant (( j'ai lu
de la littérature pour la jeunesse que je n'avais jamais lue ») ;
- Sandrine : mise en commun des difficultés au sein d'une équipe ;
- Carole: « ce qui m'a beaucoup gênée à l'IUFM + c'est cette conception de l'enseignement qu'on met en commun avec autrui toutes ses
difficultés + on essaie de faire émerger des solutions + moi + je me
sens beaucoup plus en confiance si j'ai un maître qui me dit moi je fais
comme ça » ;
�De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire
- Sandrine: préparation collective, matériel pédagogique du collège
- Carole: revendication d'une conception individuelle, matériel pédagogique personnel;
- Sandrine : « ce sont des fiches qu'on peut distribuer aux élèves
et auxquelles ils reviennent quand ils retrouvent les faits de langue
[ ... ] je demande qu'ils gardent quelques pages en fin de cahier dans
lesquelles ils mettent toutes leurs fiches outils de façon à pouvoir s'y
référer » ;
- Carole: « je pense qu'il faut faire des cours de grammaire magistraux + ça a un caractère un peu indigeste + mais après ce sera dans
la façon de le présenter» ;
- Sandrine : partir d'exercices d'écriture pour affiner la lecture du
texte littéraire en collège (ex. Madame Bovary) ;
- Carole: partir de textes littéraires difficiles à aborder en se (Baudelaire) ou 4e (Balzac en œuvre intégrale) et faire un pari.
Ces oppositions traduisent des tendances déjà perceptibles dans le
mémoire de PLC2 - l'importance de la composante personnelle chez
Carole - mais sont aussi des rationalisations à mettre en rapport avec
leur situation actuelle : Sandrine reste 5 ans dans le même établissement ZEP ; Carole change d'affectation chaque année, voire en cours
d'année, et change de secteur de remplacement.
• Points de convergence apparente
Les points de convergence concernent la formation à l'IUFM, convergence apparente seulement:
- Sandrine: « quand je suis arrivée au collège + j'ai quand même
essayé de relire mes cours d'IUFM et j'ai pas réellement compris ce
qu'était une réelle séquence parce que bien souvent on étudiait que
des séances ponctuelles qui sont déjà insérées + donc on nous donne
le contexte + on voit pas la progression» ;
- Carole: « moi sur le stock de documents de l'IUFM + je me sers de
rien + tout ce qui était textes+ tout ce qui était des pseudo séquences
+ il Y a de documents que je trouve extrêmement puérils [ ... ] c'est peutêtre aussi moi qui dans mes choix et dans mes goûts ai tendance à
exiger d'eux beaucoup ».
�Marie-L aure Elalouf
Ce qui handicape Sandrine, lorsqu'elle est nommée au collège,
c'est
que sa formation antérieure étaient conçue pour la pratique accom
pagnée : préparation de séances s'insérant dans une séquence
déjà là.
Le rejet de Carole se manifeste dès l'lU FM pour tout ce qui n'est
pas
texte littéraire. Alors que Sandrine se trouvait dans une postur
e d'application en PLC2, Carole revendiquait l'improvisation et la
prise de
risque :
- Sandr ine: » quand j'étais à l'IUFM j'étais en lycée donc tout
ce qui
s'y faisait [à propos du collège] ne me parlait pas parce que je
n'avais
pas du tout à l'appli quer» ;
- Carole : « c'est illusoire de faire croire qu'on peut préparer
des
cours à l'IUFM comme ça + ça ne marche pas comme ça [ ...
] ce sont
ceux qui marchent le moins + il faut attendre de voir ses élèves
+ et il
y a quelque chose un peu de l'ordre de la vocation + on sait ce
qui va
passer avec eux ou pas».
Si elle reprend des séquences élaborées collectivement, Sandr
ine
n'est pas dans la répétition, elle cherche chaque année les variat
ions
les plus pertinentes pour ses élèves. Carole a une approche plus
individuelle de l'enseignement, mais le travail collectif qu'elle récuse
, elle
le met pourtant en œuvre par la médiation de son analyse critiqu
e des
manuels .
• Bilan
Les conditions d'exercice du métier dans les cinq premières année
s
d'exercice ont eu des effets notables sur les parcours. J'essa
ierai de
l'analyser dans le cadre de la double approche didactique et
ergonomique développée par Aline Robert et Janine Rogalski (2002)
pour les
mathématiques. Sandrine parle en professionnelle dont la
pratique
s'est stabilisée dans un collectif d'enseignants de français :
c'est le
développement de la composante institutionnelle/sociale qui lui
permet
de s'affirmer après les doutes qui ont marqué son cursus univer
sitaire.
Mais l'autorité acquise dans son statut de professeur de collège
difficile
a pour contrepartie un certain manque de recul critique. Quant
à Carole, elle maintient sa motivation dans une tension permanente
entre
une composante personnelle très affirmée dès le début et une
composante institutionnelle/sociale avec laquelle elle compose. Son
discou rs
est fortement réflexif et des besoins de formation y sont formu
lés. Je
�De la grammaire enseignée à l'enseignement de la grammaire
souhaiterais pouvoir filmer l'une et l'autre pour étudier comment les
composantes cognitives et médiatives s'articulent dans le déroulement
d'une séance.
On peut faire l'hypothèse que l'évolution de Sandrine est liée à la
possibilité qu'elle a eue, dans l'équipe pédagogique qui l'a accueillie,
de travailler à la fois la composante institutionnelle/sociale et la composante médiative, hypothèse qu'il faudrait vérifier par des analyses de
vidéo. Pour Carole qui a été suivie en PLC2 par un professeur associé
qui prenait appui sur sa composante personnelle pour travailler l'articulation du cognitif et du médiatif, les aléas du statut de TZR ne semblent
pas lui avoir permis de poursuivre ce travail.
L'articulation entre la composante cognitive et la composante médiative, essentielle dans l'acte d'enseignement, n'est pas traitée suffisamment tôt dans les cursus alors que des pratiques comme le retour réflexif des étudiants sur leurs propres productions dans le cadre
d'une élucidation collective permettraient de développer à la fois des
compétences métalinguistiques et des compétences dans le domaine
de la gestion des interactions langagières. On constate également
que la composante sociale/institutionnelle est souvent travaillée en
fin de formation, indépendamment de la composante cognitive alors
que leur négociation est indispensable pour identifier des marges de
manœuvre. Ces conclusions plaident en faveur d'un cursus intégrant
beaucoup plus étroitement les savoirs et savoir-faire à enseigner et la
pratique professionnelle.
��CHAPITRE 8
DÉVELOPPEMENT DES PRATIQUES
DES PROFESS URS DÉBUTANTS
PENDANT LES PREMIÈRES ANNÉES D'EXERCICE
Brigitte GRUGEON-ALLYS
INTRODUCTION ET QUESTIONS INITIALES
Nos travaux de recherche concernent, en partie, l'étude de la genèse
et du développement des pratiques des professeurs débutants en lien
avec divers déterminants, le système de formation étant l'un d'eux.
Au sein de l'équipe de recherche du laboratoire 0101 REM sur les pratiques enseignantes du second degré (Robert, 2008) et d'une équipe
de formateurs de i'IUFM d'Amiens , nous avons engagé un projet de
recherche sur la professionnalité enseignante pour étudier des effets
de la formation sur les pratiques. Ayant la responsabilité de la formation des PLC2 de mathématiques, nous nous sommes interrogés sur
les potentialités des situations de formation en termes de construction
des différents aspects des pratiques enseignantes. Nous avons étudié le développement de leurs pratiques, c'est-à-dire l'évolution des
connaissances complexes développées sur l'enseignement des mathématiques et le métier d'enseignant et l'évolution de leur pratique
hors la classe , en particulier la préparation des séances, et dans la
classe . Leur développement professionnel peut être la résultante de la
Confrontation de plusieurs variables : la formation suivie en PLC2, voire
en T1 , leur profil personnel (représentations sur l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques), des déterminants des pratiques de
Plusieurs types: les contraintes internes ou externes du métier comme
�Brigitte Grugeo n - Allys
les programmes, les contraintes d'exercice des établissemen
ts dans
lesquels ils sont nommés et le public d'élèves concerné .
Des quest ions
Quels éléments du dévelo ppem ent professionnel des profes
seurs
début ants ont pu évoluer au cours de la formation, puis des premi
ères
années d'exer cice? Quelles divers ités? Quelles éventuelles
régularités voire stabilités en germe ? Quelles variab ilités?
Quelles relations entre ces évolutions et régularités et les activit
és
organisées en formation à l'IUFM d'Amiens dans la filière mathé
matiques ? Comm ent les carac térise r?
Quelles hypothèses faire sur les déterminants des pratiques
en lien
avec le profil du professeur, les apports de la formation initiale
et continue, des contraintes externes ou internes qui pèsent sur les pratiq
ues?
Dans la première partie, nous présentons les éléments théoriques
et
méthodologiques retenus pour étudier le développement des
pratiques
des professeurs débutants de mathématiques pendant les premi
ères
années d'exercice. Dans la seconde partie, nous listons les princip
aux
résultats et les exemplifions. Pour conclure, nous revenons
sur les
questions initiales .
FORM ATIO N INITIALE
ET DÉVELOPPEMENT DES PRATIQUES:
APPROCHE MULTIDIMENSIONNELLE
Des trava ux précu rseur s
Des recherches dans le champ de la didactique des mathé matiqu
es
étudie nt des conditions pour l'apprentissage et l'ense ignem ent
mises
en place par les professeurs débutants. Elles mettent en éviden
ce localem ent plusieurs types de difficultés récurr ents:
- la sélection de contenus mathématiques à enseigner et la prise
de
conscience que les mathématiques à enseigner se révèlent problé
matiques (Cirade, 2008) ;
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
- la priorité donnée à un projet local qui ne s'inscrit pas toujours en
cohérence dans un projet global (Margolinas et Rivière, 2005 ; Bloch
2005) ;
- le manque de repères pour organiser l'enseignement des notions et
la construction de leur sens (Bloch, 2005) ;
- la naturalisation de notions mathématiques et l'oubli des difficultés
d'apprentissage qui les conduisent trop rapidement à donner et exiger
des expressions très abouties (Bloch, 2005) ;
- l'aménagement d'un milieu pertinent pour favoriser l'activité et l'apprentissage des élèves (Assude, Mercier et Sensevy, 2007 ; Coulange,
2007).
Robert et Rogalski renvoient à d'autres types de difficultés. Les professeurs débutants éprouvent des difficultés à gérer des tensions et
des dilemmes auxquels ils sont confrontés mais aussi à mobiliser des
connaissances professionnelles dans le contexte dans lequel ils enseignent (Robert 2001). Cet autre point de vue s'appuie sur les travaux issus à la fois de l'approche ergonomique et de la didactique,
la double approche de Robert et Rogalski (2002). Ce changement de
Point de vue nous amène à questionner à la fois le développement
des pratiques, complexes, rapidement stables, liées à la fois aux apprentissages des élèves et à l'exercice du métier, et les dispositifs
de formation existants, en particulier les modalités de formation pour
« prendre en compte les pratiques réelles des professeurs et respecter
leur complexité» (Robert, Roditi et Grugeon, 2008). Des modalités de
formation liées à l'alternance formation/terrain/formation permettraient
d'aborder les contraintes et les marges de manœuvre de l'enseignant
en classe, de favoriser des dynamiques entre situations de classe,
prise de conscience et apport de connaissances sur le temps long, à
Partir de modalités de travail adaptées.
Des éléments théoriques
Comment repérer et interpréter les connaissances construites en interaction avec la formation? En fin de formation, après un ou deux ans
d'exercice? Comment décrire et interpréter les pratiques hors et dans
la classe et leur développement? Comment les recomposer?
�Brigitte Grugeon-Allys
Dans le champ de la didactique des mathématiques, la description
des connaissances qui outillent la professionnalité, celle des pratiques,
sont liées au choix des approches théoriques et des outils privilégiés
pour analyser les apprentissages visés par les choix de l'enseignant.
Les nouvelles questions sur les pratiques enseignantes ont amené
les chercheurs à étendre les cadres théoriques déjà développés. En
France, plusieurs enrichissements ont vu le jour: l'extension de la notion de milieu dans le cadre de la théorie des situations pour mieux
comprendre le rôle du professeur dans les classes ordinaires (Margolinas, 1995, 2002), l'extension de la transposition didactique pour
décrire l'organisation de l'étude (Chevallard, 1999), la combinaison
de ces deux théories pour définir un modèle de l'action didactique du
professeur (Sensevy, Mercier et Schubauer-Leoni, 2000), l'approche
didactique et ergonomique pour mieux prendre en compte la complexité des pratiques enseignantes (Robert et Rogalski, 2002). Ces approches théoriques éclairent chacune de façon différente les pratiques
enseignantes, mettent certaines dimensions en lumière et en laissent
d'autres dans l'ombre.
Deux cadres d'interprétation du développement
des pratiques enseignantes
Nous présentons deux cadres théoriques pour structurer une analyse multidimensionnelle du développement des pratiques des professeurs débutants, selon l'étape: en fin de formation, au cours de deux
années d'exercice du métier.
• Le point de vue de la double approche (Robert et Rogalski, 2002)
Ce point de vue prend en compte la complexité des pratiques, en
lien avec les apprentissages des élèves et des déterminants du métier,
pour dégager des logiques d'action. Il permet une interprétation diachronique et globale du développement des pratiques, pour un enseignant donné, à partir de leur description via cinq composantes des pratiques, cognitive et médiative, personnelle, institutionnelle et sociale.
La composante cognitive traduit ce qui correspond aux choix de l'enseignant concernant l'élaboration et la réalisation des séquences et
séances sur, les contenus, les tâches, leur organisation, leur quantité,
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
leur ordre, leur insertion au sein de la séquence, et les prévisions de
gestion pour les séances. Elle renseigne donc sur l'itinéraire cognitif
choisi par l'enseignant.
Les choix correspondant aux déroulements réels, les improvisations,
les discours, l'enrôlement des élèves, la dévolution des consignes,
l'accompagnement des élèves dans la réalisation des tâches, les validations, les expositions de connaissances, incrémentent la composante médiative. Elle renseigne sur les cheminements organisés lors
du déroulement en classe pour les différents élèves en classe.
Les composantes personnelle, institutionnelle et sociale permettent
d'étudier des contraintes qui pèsent sur les pratiques:
- via les singularités de l'enseignant (conceptions sur l'enseignement
et l'apprentissage, sur le savoir mathématique, ... ) ;
- via la prise en compte des contraintes, de déterminants, liés à
l'exercice du métier, d'ordre institutionnel (programmes, ... ) ou social
(type d'établissement, milieu des élèves ... ).
Les analyses réalisées ont surtout porté sur les pratiques de professeurs expérimentés ou non, dans des classes ordinaires, dans différents contextes (Vandebrouck, 2008). Mais, ce point de vue ne permet
Pas facilement une analyse du développement des pratiques en regard
de la formation suivie par les professeurs débutants.
• Une approche multidimensionnelle articulant développement des
pratiques et formation (Grugeon-Allys, 2008)
Pour mettre en perspective développement des pratiques et formation, nous avons défini a priori quatre dimensions des pratiques à développer, prenant en compte leur complexité, dimensions non indépendantes voire étroitement imbriquées, à diverses échelles d'activités.
POur ceci, nous avons croisé les différentes approches théoriques sur
les pratiques enseignantes. Nous avons construit des outils pour étudier à la fois le développement des pratiques des professeurs débutants et celles développées en formation.
Des dimensions d'analyse hors de la classe et dans la classe
La dimension organisation praxéologique concerne l'activité de l'enseignant à problématiser, les mathématiques à enseigner, et à mettre
en œuvre son enseignement. Elle concerne aussi le choix des tâches
selon les niveaux d'adaptation des connaissances à mettre en jeu.
�Brig itt e Grugeon - Ally s
La dimension gestion didactique concerne l'activité de l'ense
ignant
en classe, d'une part l'organisation du milieu d'apprentiss
age des
savoirs visés, d'autre part, la manière dont les apprentissages
sont
enclenchés en classe par des activités choisies par les profes
seurs.
Celle-ci dépend des contraintes qu'impose le métier ou la compo
sante
personnelle.
La dimension régulation didactique concerne la flexibilité de l'ense
ignant dans sa capacité à prendre des décisions pour réguler
son activité, hors de la classe et dans la classe. Cette flexibilité s'appu
ie sur
la capacité de l'enseignant à articuler des connaissances , des
gestes
professionnels, de sa position de constructeur à sa position d'obse
rvateur en classe .
La dimension négociation de la coutume didactique (Balac
heff,
1988) concerne la gestion des règles du contrat didactique liées
aux
situations d'apprentissage mais soumises aussi à des règles implic
ites
liées aux contraintes institutionnelles, du métier ou d'ordre person
nel.
Pour chaque dimension , nous avons défini a priori des indicateurs
,à
différents grains de finesse d'analyse , pour caractériser les modes
de
développement des pratiques présentés en annexe 1.
Une méth odolo gie d'ana lyse
Nous articulons deux niveaux d'analyse .
• Les niveaux microscopique et macroscopique
Analyse au niveau microscopique
Pour étudier le développement professionnel , nous analysons
les
activités des professeurs débutants et celles des élèves à trois
niveaux
d'organisation (Robert, 2008) pour appréhender diverses tempo
ralités
et échelles d'activités, à différentes étapes de l'exercice du métier
(trois
fois par an sur trois ans) . Pour chaque contenu étudié , nous
nous appuyons sur des données variées :
- au niveau macro, des manuels et publications spécialisées
, des
préparations , des tâches , qui concernent les projets d'ordre
global et
local (séquences et séances) ;
- au niveau de la classe au quotidien , des déroulements en classe
,à
partir des transcriptions de séances filmées ;
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
- au niveau micro, des échanges entre professeurs et élèves, des
usages du tableau ...
Dans les analyses nous mobilisons, selon les dimensions et le niveau d'échelle d'analyse, les outils développés en TAO et en TSD ou
ceux développés dans la double approche, en construisant les observables nécessaires pour établir les valeurs des indicateurs (GrugeonAllys, 2008) .
• Analyse au niveau macroscopique
Pour décrire les régularités et les variabilités des développements
professionnels, nous organisons une analyse transversale des différentes analyses selon les différentes dimensions. Pour ceci, nous
prenons en compte les échelles de développement construites selon
chaque dimension pour évaluer le développement professionnel et définir des leviers pour l'action didactique en formation (Grugeon-Allys,
2008) .
• Deux types d'analyse
Nous avons coordonné deux types d'analyse selon les objectifs
visés:
- l'étude du développement professionnel en regard de la formation
En fin d'année de formation des PLC2, nous interrogeons les modes
de développement des pratiques des professeurs débutants sur les
quatre dimensions d'analyse en perspective des éléments de pratiques
travaillées en formation;
- l'étude du développement professionnel en regard des contraintes
professionnelles.
Au cours des trois années, nous interrogeons le développement des
pratiques en regard de l'influence de la composante personnelle et des
Contraintes professionnelles qui pèsent sur les pratiques des jeunes
professeurs. Pour ceci, nous nous plaçons dans la perspective de
double approche. Nous interprétons comment se réorganisent les pratiques selon les deux composantes cognitive et médiative en rapport
avec les autres composantes, personnelle, institutionnelle et sociale.
�Brigitte Grugeon - Allys
RÉSULTATS
Nous présentons d'abord le dispositif de formation initiale des PLC2
de mathématiques développé à l'IUFM d'Amiens depuis 2002-2003 à
partir du modèle multidimensionnel de développement des pratiques.
Caractéristiques du dispositif de formation initiale
Il s'appuie sur trois types de situations de formation organisées de
façon articulée et chronologique: des situations d'apports de savoirs
professionnels sur l'enseignement des mathématiques et de questionnement, des situations d'échange d'expériences et d'analyse de
pratique disciplinaire, des situations de compagnonnage entre pairs et
formateurs. Le schéma ci-dessous, illustrant le dispositif de formation,
met bien en évidence des modules imbriqués articulant les activités en
formation à l'IUFM en appui sur les pratiques effectives réalisées pendant les séances en classe dans les stages de terrain, stage en responsabilité ou de pratique accompagnée. Le scénario de formation est
évolutif. Nous présentons un résumé synthétique des deux premiers
types de situations. Il a déjà été décrit dans Grugeon (2006) .
• Situations d'apports et de questionnement
Ces situations visent deux objectifs:
- d'une part, faire acquérir aux PLC2 des repères sur les enjeux de
l'enseignement des mathématiques au collège et au lycée, les stratégies d'enseignement, les classes de difficultés des élèves et leur faire
travailler des choix de progression et de situations d'apprentissage sur
des thèmes donnés ;
- d'autre part, faire découvrir et utiliser aux PLC2 des questionnements et des « outils» de conception, d'analyse et d'observation, transposés d'analyses didactiques, utilisés sans formalisation, et leur faire
travailler des choix de déroulement.
C'est principalement la dimension organisation praxéologique qui
est travaillée en articulation avec les autres dimensions. En particulier,
nous attribuons dès la préparation une place importante au sémiotique
et au rôle du professeur pendant le déroulement des séances et auX
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
Conséquences des décisions prises par l'enseignant sur l'activité des
élèves .
Séances pour le Dispositif 1
Stage en
Responsabilité
r _ _ _--..
1'1_
r---O-p-é r-a-t io- n- S
- e-· q-u-e-nc
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Expérimentation mémoire
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i i.
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Modules disciplinaires
A : Premières bases
Situations d'apprentissage
1 B : Erreurs, Evaluation
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Rega!.9s sur 1
: Tice
1 D:Contlnult6 d.. apprentl•••
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9p
outils
E : Projet en établissement
Mémoire
Ana lyse de Pratiques
~ 1.
sur le Dispot
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..J
Figure 1. Schéma présentant la formation (Grugeon, 2006)
• Situations d'échange d'expériences et d'analyse de pratique disciplinaire
Ces situations visent à organiser des dynamiques entre les pratiques
Vécues en classe et leur analyse (vidéo) , avec comme but de les faire
éVOluer à travers l'étude de marges de manœuvre et la recherche d'al ternatives.
Les situations d'échange d'expériences organisent l'échange d'exPériences vécues entre professeurs stagiaires, leurs difficultés ou leurs
réussites , la mutualisation de pistes possibles pour gérer des difficultés
rencontrées en classe , en lien avec les contraintes du métier et les
213
�Brigitte Grugeon - Allys
marges de manœuvre possibles : c'est principalement la dimen
sion
négociation de la coutume didactique qui est travaillée.
Les situations d'analyse de pratique disciplinaire visent à étudie
r,
pour un contenu donné , des décalages entre les prévisions de
déroulement et les réalisations effectives en classe. Elles ont pour
objectif
de favoriser des dialectiques entre des pratiques effectives en
classe
et l'analyse de leur déroulement, en visant l'interaction entre plusie
urs
niveaux du projet d'enseignement. Ce sont les dimensions gestio
n didactique et régulation didactique qui sont travaillées.
Des éléme nts sur la recherche mené e
Nous avons opérationnalisé l'analyse multidimensionnelle sur
un
corpus varié de données recueillies de 2005 à 2008 pour deux
promotions de professeurs stagiaires. Les études de cas ont porté
sur
quatre professeurs, Corinne, Joël , Mirène (PLC2 en 2005-2006)
et
Bernard (PLC2 en 2006-2007) qui ont accepté d'être « suivis »
sur un ,
deux ans ou trois ans. L'observation de Corinne n'a duré qu
'un an ,
Corinne ayant été nommée dans une autre académie . Chaque
année ,
nous avons filmé ces professeurs trois à cinq heures dans leur
classe .
Les professeurs ont fourni tous les documents relatifs aux séque
nces
correspondantes. Chaque déroulement de séance a été suivi
d'un entretien . L'étude a permis de couvrir une certaine diversité de condit
ions
d'enseignement liées au statut d'établissement (collège/lycé
e) , à la
situation de l'établissement (ville/campagne , centre/banlieue)
, au niveau scolaire , au public d'élèves , aux thèmes mathématiques abord
és,
aux moments de l'enseignement dans la séquence , aux moda
lités de
travail. Les analyses sont proposées dans Grugeon (2008) et Gruge
onAllys (2008) .
Étude du dével oppe ment profe ssion nel
des profe sseur s débu tants en persp ective de la forma tion
214
• Des éléments du développement professionnel de Mirène
Mirène a fait son stage en responsabilité au sein d'un collèg
e d'un
gros « bourg » où l'équipe enseignante pratiquait peu ou pas
le travail
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
d'équipe. Pendant sa première année d 'exercice, elle a découvert l'enseignement dans un collège de ZEP, ambition réussite, de grande ville
et a pu échanger et être soutenue par des collègues et l'équipe de direction . Elle est nommée sur son poste « définitif» dans un collège de
gros « bourg» et travaille en collaboration avec un collègue. Mirène a
développé ses pratiques professionnelles sur trois dimensions comme
l'illustre le tableau ci-dessous (Grugeon-Allys, 2008, p. 111-115).
Fin formation
Organisation praxéologique
Situations peu problématisées
Institutionnalisation
reliée
aux situations d'introduction
OM (Organisation Mathématique) incomplètes avec savoir privilégié/savoir-faire
Application directe (tâche
découpée)
Situations plus problématisées mais pouvant être enrichies
Présence des différents moments
OM plus complètes en appui
sur les manuels, plus d'équilibre entre savoir et savoirfaire/savoir
Gestion didactique
1ère rencontre: Milieu d'apprentissage peu structuré
Responsabilité du côté du
professeur
Gestion collective et guidage
important par question/réponse
1ère rencontre : Milieu plus
construit
Phases de rappel et de validation davantage à la charge
des élèves (séances d'exercices)
Peu d'aides constructives
Centrage sur projet local
Analyse a priori / a postériori
peu développée
Scenario descriptif et peu
d'anticipation
Pas de prise de distance/ incidents.
Plus de flexibilité local/global
Mobilisation d'outils
d'analyse en articulation
forte avec l'usage des
manuels
Analyse réflexive en cours
d'élaboration
--1---
Régulation didactique
Négociation de la coutume Règles de fonctionnement Idem
didactique
Adaptation par rapport aux
très strictes
-sanctions en lien avec éta- établissements d'exercice
(rappel)
blissement
Place importante donnée à
la mémorisation, travail personnel
Tableau 2. Développement professionnel de Mirène
�Brigitte Grugeo n-Allys
• Des régularités dans le développement des pratiques transit
oires
en fin de formation
Au-delà d'une grande variété de pratiques, nous avons mis en
évidence des évolutions analogues sur les trois premières dimen
sions
dans le développement professionnel des professeurs débutants,
chez
Corinne, Joël (Grugeon-Allys, 2008).
- Organisation praxéologique
Les projets locaux sont davantage articulés au projet global
, la
conception et mise en place des séquences d'ense ignem ent prenn
ent
globalement en compte les différents moments de l'étude.
Les situations d'introduction visent davantage à problématise
r les
contenus enseignés même si, au niveau épistémologique, elles
restent
encore assez pauvres. Les listes d'exercices mobilisent de façon
plus
équilibrée des connaissances en jeu à différents niveaux d'adap
tation.
- Gestion didactique
Les professeurs appuient davantage les phases d'institutionnalisa
tion su r les recherches et validations réalisées dans les mome
nts de
première rencontre et de construction des techniques.
On constate une évolution du contrat didactique principalement
dans
les moments d'application ou d'évaluation. Les professeurs réussi
ssent
à mieux gérer les interactions dans la classe (erreurs, procé
dures),
la validation des réponses en anticipant des possibles, à prend
re des
décisions plus adaptées pour gérer des incidents didactiques
ou des
décalages entre prévisions et déroulement effectif, en lien
avec les
marges de manœuvre possible, même si cela reste encore malad
roit.
- Régulation didactique
Les professeurs s'appuient davantage sur l'analyse a priori des
situations et des potentialités des énoncés.
En interprètant des écarts, ils prennent des décisions plus
adaptées aux contextes donnés en fonction des possibles et des
marges
de manœuvre, à différentes échelles d'activité, et développent
des processuS d'analyse réflexive pour faire évoluer leurs choix.
Les évolutions mises en évidence dans les pratiques des profes
seurs débutants, diverses en fonction des composantes perso
nnelle
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
et sociale de chacun, peuvent être mises en relation avec les activités
COordonnées de formation. Le travail engagé dans les situations «d'apport et de questionnement», en particulier l'usage des savoirs professionnels (éléments de programmation, problèmes pour motiver l'introduction de notions, classes d'erreurs, etc.) et d'outils proposés, leur
ont permis certainement d'installer un questionnement pour concevoir
globalement une séquence, puis des séances articulées aux différents
moments de l'étude, d'enrichir l'analyse a priori lors des préparations,
voire des phénomènes qu'ils ne pouvaient pas voir préalablement. Ils
Ont ainsi pu effectuer les tâches professorales dans une démarche
d'anticipation plus aiguisée (Grugeon-Allys, 2008, p 120).
Les commentaires des professeurs dans des questionnaires l'illustrent :
« La formation a permis de nous poser de bonnes questions
pour nous amener à une analyse plus fine de notre cours, de
notre façon d'enseigner. »
L'accent mis sur les analyses a priori me semble important,
il est en effet nécessaire de se mettre à la place des élèves de
façon à cerner les difficultés et à concevoir notre séquence le
mieux possible. »
«
Mais ils indiquent aussi dès la fin du premier trimestre:
«Les "regards sur" permettent une analyse de ses pratiques
prOfessionnelles qui m'a beaucoup apporté pour me remettre en
question et trouver des solutions aux questions que je me posais.
Cela m'a aussi permis de voir les pratiques des autres stagiaires
en formation. »
«Groupes de parole, regards sur et avec l'analyse a priori,
comparaison d'activités. »
«Ces moments sont concrets, ils nous permettent réellement
de trouver des solutions à nos problèmes pédagogiques ou didactiques. »
�Brigitte Grugeon - Allys
Nous faisons l'hypothèse qu'un levier de l'évolution des pratiques
correspond à la coordination des différents types de situation de formation articulant travail réel et travail souhaité: les situations d'échange
et d'analyse réflexive de pratiques disciplinaires ont, semble-t-il, permis d'enclencher une dynamique entre situations de classe vécues,
prise de conscience et apport de connaissances, à partir de l'analyse
verbalisée d'incidents didactiques ou de décalages entre prévisions et
déroulement effectif, dans un collectif de travail. Ils ont aussi permis de
puiser dans les ressources, les connaissances professionnelles et les
outils à mobiliser face à tel type de difficultés en contextualisant leur
usage. Les professeurs débutants ont pu apprendre à choisir des décisions plus adaptées aux contextes donnés en fonction des possibles et
des marges de manœuvre .
Des stabilités en germe
dans le développement professionnel
des professeurs débutants
au cours des deux premières années d'exercice
• Des évolutions locales dans les stabilités à l'œuvre
En étudiant successivement les recompositions des pratiques d'enseignants débutants selon les cinq composantes (Robert et Rogalski ,
2002), nous avons constaté des évolutions locales dans leurs pratiques
qui se sont stabilisées dans les deux premières années d'exercice (T1
et T2) . Ces évolutions portent sur des dimensions des pratiques déjà
travaillées.
• Mirène : stabilités à l'œuvre et tensions
Mirène conserve globalement sa logique d'action dans les séquences
enseignées les années précédentes. Elle conserve aussi une place
importante au manuel utilisé pour la conception des séquences . Elle
organise un déroulement en classe guidé par un leitmotiv : « la classe
doit tourner et la gestion nécessite un enrôlement fort des élèves »
après « l'apprentissage devient possible ». Cependant elle a supprimé
les phases de rappel (récitation du cours) en fin de T1 . Elle transfère
l'évolution du contrat didactique dans les phases de validation pendant
les situations d'introduction
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
Nous constatons le poids des composantes personnelle, médiative
et sociale, liées à ses conceptions avant la formation. Sa logique d'action s'appuie en partie sur conception «scolaire» de l'apprentissage
des mathématiques:
« On fait des exos avec rigueur et le cours sous les yeux.
On relit la leçon puis on refait les exos sans la leçon jusqu'à
ce qu'on sache les faire sans problème». Pour elle, les mathématiques sont avant tout «des notions et des propriétés à appliquer ».
Un «bon élève» est un élève régulier dans son travail et qui
a une bonne participation en cours. »
Un «bon professeur» va s'attarder quand un élève ne comprend pas» et va essayer de « faire apprécier les mathématiques
à un élève a priori réticent».
Pour qu'un élève réussisse, « il faut un professeur qui [ ... ] fasse
aimer les maths et il faut une bonne méthode de travail» quitte à
aider beaucoup en classe.
C(
C(
• La composante médiative contribue fortement à attribuer une place
importante à son discours: il en est de même pour Corinne et Joël.
Les contraintes du métier liées au premier poste et aux pratiques
de négociation de la coutume didactique en place semblent initier de
façon durable des gestes professionnels, même si elles sont modulées
pendant son année d'exercice en ZEP. Mirène met en œuvre les gestes
professionnels installés lors de son premier poste en T1 et T2 : (1) une
période pour isoler les élèves chahuteurs, gérer les conflits avec exclusion fréquente, enrôler les élèves moteurs pour faire avancer le cours,
gérer un niveau de bruit acceptable; (2) gérer les apprentissages en
mettant en place un contrat didactique équilibré et en valorisation les
élèves. Les pratiques de Mirène révèlent des tensions exacerbées
liées aux oppositions entre ses conceptions de l'apprentissage, le rôle
attribué au discours du professeur (médiatif) et les contraintes du métier dans les établissements d'exercice.
�Brig itte Grugeon - Allys
• Des variabilités dans « les stabilités en germe» : Corinne et Joël
La composante sociale joue un rôle moins déterminant pour ces
deux professeurs, sans doute en liaison avec un premier établissement
d'exercice plus facile et un accompagnement plus réflexif du conseiller
pédagogique.
Les composantes personnelle et médiative semblent jouer un rôle
clef comme déclencheur de gestes professionnels: pour ces deux en seignants, une vision première du rôle de la résolution de problèmes,
des interactions, pour apprendre, semble déterminante pour permettre
l'installation plus rapide de phases de dévolution, de recherche et de
validation, avec une responsabilité plus partagée entre élèves et professeur.
RETOUR SUR LES QUESTIONS
Impact de la formation sur le développement
professionnel des professeurs débutants
Nous avons pointé des régularités dans le développement professionnel des enseignants débutants. Sur quelles variables du dispositif
de formation agir, à travers les modalités de formation et le travail sur
les pratiques réelles, pour que la formation joue un rôle initiateur plus
« efficace» dans la structuration des pratiques, à différentes échelles
d'activités et de temporalités? Comment l'étudier sur un grand échan tillon?
Impact des autres déterminants
sur les éléments stabilisés ou variables des pratiques
Nous avons constaté que l'évolution des pratiques est variable d'un
enseignant à un autre. Y a-t-il des « hiérarchies » à envisager dans
le travail sur les composantes des pratiques? Quelles composantes
peuvent jouer des rôles plus ou moins prépondérants au fil du développement des pratiques? La composante médiative ? La composante
personnelle? Quelles conséquences sur le dispositif de formation?
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
ANN EXES
Degré 1
Organisation binaire
OM poncutelles juxtapo- Tâches visant l'applicasées; praxis (savoir-faire) tion
immédiate
des
ou logos (savoir)
connaissances
Degré 2
00 ternaire, des moments de l'étude absents, des situations
d'introduction
peu
adaptées
OM locales non com- 1
piètes; praxis/logos non Tâches visant l'usage de
équilibré ; des connais- connaissances
mobilisan ces nouvelles et an- sables
ciennes peu articulées
Degré 3
00 ternaire, présence
des différents moments, situations d'introduction plus adaptées mais à enrichir
d'un point de vue épistémologique
OM locales assez compiètes, articulant connaissances anciennes et
nouvelles, praxis/logos
plus équilibré.
Degré 4
00 ternaire, équilibre
et articulations entre
les
différents moments, situations d'introduction
adaptées
d'un point de vue épistémologique
Dynamique entre OM
ponctuelles, locales et
globales, analyse épistémologique du savoir
praxis/ logos équilibré
Tâches visant la mobilisation
des
connaissances
avec
niveau
d'adaptation variées
Tâches
visant
aussil'usage de connaissances disponibles sur
différents thèmes.
Tableau 3. Organisation praxéologique
�Brigitte Grugeon-Allys
Gestion du déroulement
Mode 1
Le professeur fait cours; peu de prise en compte des élèves: pas de dévolution. milieu sans potentiel a-didactique, responsabilité du côté du professeur.
Mode 2
Gestion essentiellement collective avec prise en compte des élèves mais guidage important; Processus de dévolution ou d 'institutionnalisation peu développé. recherche peu présente. milieu avec un faible potentiel a-didactique et
guidage important ; contact didactique : responsabilité essentiellement du
côté du professeur.
Mode 3
Organisation de différentes phases (recherche .... . synthèse) mais pas toujours
équilibrées en temps et productives; Processus de dévolution et d'institutionnalisation ; milieu avec davantage de potentiel a-didactique ; contrat didactique: davantage de validation à la charge des élèves; prise en compte d 'erreurs par le professeur; développement d'aides méthodologiques.
Mode 4
Gestion équilibrée des différentes phases (temps pour dévoluer des tâche aux
élèves. les laisser chercher. organiser formulation et validation des réponses
dans des exercices à des moments différents organiser institutionnalisation en
lien avec mémoire didactique) ; milieu adapté avec des aides méthodologiques ; contrat didactique équilibré.
---
Tableau 4. Ge stion didactiqu e
�Développement des pratiques des professeurs débutants pendant les premières années d'exercice
t'~{Y·
;·.L-~
..../J;::T
des aspects local et global du projet d'enseignement
pynamique
J \,
':
l
~J.L'
Mode 1
Peu ou pas d'analyse; mobilisation d'outils didactiques quasi absente
Mode 2
Faible mobilisation d'outils didactiques; centrage sur le projet local; analyse
principalement descriptive; analyse a posteriori peu outillée et pauvre
Mode 3
Mobilisation d'outils didactiques (analyse a priori projet global et local) ; plusieurs aspects envisagés (potentialités des énoncés choisis et de variables
didactiques de la situation de la situation d'apprentissage; alternatives prévues en lien avec des procédures et erreurs envisageables)
Dynamique visible entre différents niveaux d'analyse lors de l'analyse a posteriori encore peu développée.
Mode 4
Mobilisation d 'outils didactiques: analyse a priori riche montrant une analyse
sur les OM en jeu, le rôle du milieu, des connaissances épistémologiques, ...
Dynamique entre les différents niveaux d'analyse lors de l'analyse a posteriori,
outillée par les connaissances didactiques.
Tableau 5. Régulation didactique
��CHAPITRE 9
QUELI:E ST L'INOIDENCE D'UN DISPOSITIF
DE «DIDACTIQUE ET ANALYSE DES PRATIQUES
PROFESSIONNELLES» SUR LES ÉVOLUTIONS
DU RAPPOR AU MÉTIER ET DES PRATIQUES
DES PROF:ESSEURS STAGIAIRES
DE SCIEN ES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES?
Œhristine DOllO
INTRODUCTION: lES PROFESSEURS STAGIAIRES
ET lE MÉTIER EN DÉBUT D'ANNÉE SCOLAIRE
La filière de sciences économiques et sociales (SES) de l'IUFM
d'Aix-Marseille a mis en œuvre, à partir de la rentrée 2006-2007, un
dispositif original de formation, intitulé « Didactique et analyse des pratiques professionnelles».
Cette contribution se propose de présenter, du point de vue des professeurs stagiaires, l'impact d'un tel dispositif sur l'évolution de leur
pratique d'enseignant débutant.
L'analyse mettra notamment en évidence les points forts d'un dispositif visant à initier les élèves à la démarche scientifique, mais aussi
les difficultés et contraintes rencontrées par les jeunes professeurs:
ce type de dispositif est en effet peu « confortable» pour l'enseignant
qui ne sait pas toujours à quelles interventions d'élèves il va se trouver
confronté.
Notre hypothèse de travail concerne le fait que la démarche consistant à prendre au sérieux les savoirs savants, à confronter les élèves
à des énigmes et à favoriser les interactions verbales pour progresSer vers la résolution de l'énigme est extrêmement féconde pour leur
apprentissage. C'est cette démarche que les jeunes enseignants tentent de s'approprier en formation. Par l'intermédiaire de ce texte, trois
�Christine 00110
jeunes enseignants analysent le dispositif de formation suivi et en tirent
quelques enseignements sur leur pratique professionnelle.
Lorsqu'on demande aux professeurs stagiaires quelles représentations du métier d'enseignant ils avaient avant d'entrer dans la profession, ils commencent par justifier leur choix de ce métier.
Pour Émilie, c'était une évidence. Partant de son rapport à l'école,
elle indique qu'elle « n'a jamais eu mal au ventre" en y allant. Non issue d'un milieu enseignant et n'étant pas une « élève brillantissime",
elle a cependant toujours aimé l'école, et elle a donc toujours voulu
être enseignante.
Dorothée, de la même façon, « est tombée dedans depuis toute petite». Mais ce sont des professeurs, et notamment un professeur de
sciences économiques et sociales qui lui ont donné envie d'entrer dans
le métier. Elle se voyait à leur place. Pour Charles enfin, cette « vocation» n'est pas née au lycée. Il n'avait pas du tout « accroché" aux
SES en classe de seconde, avait suivi une section scientifique, avec un
baccalauréat obtenu de justesse. Il s'est ensuite ouvert à la « culture»
économique et sociale en faculté de sciences économiques. Il a alors
eu envie d'enseigner, notamment sous l'influence de certains professeurs de la faculté.
Pendant l'année de préparation au concours, les jeunes futurs enseignants sont trop pris par la préparation des épreuves, et ils n'ont pas le
temps, selon Émilie, de penser à leur futur métier.
La préparation de l'épreuve orale sur dossier ouvre un peu sur les
perspectives futures car on y travaille les programmes, les instructions
officielles, etc. Mais « on a encore peu d'idées de ce qu'on fera dans
la classe» ... En outre, on « ingurgite» tant de connaissances durant
la préparation qu'on pense généralement que cela suffit: « on a des
tonnes de savoir à déverser dans des bouteilles vides» (Charles). Pour
Dorothée aussi, il suffit d'être au point avec les connaissances et ça se
passera bien.
Durant l'été suivant la réussite au concours, il faut tout de même
commencer à imaginer ce que sera la prochaine rentrée, synonyme
également d'entrée dans un nouveau métier. Charles s'est replongé
dans ses « classiques». Il pensait qu'il fallait vraiment être au point
avec les connaissances. Dorothée a beaucoup pensé à la prise en
mains de la classe : comment je vais organiser les choses avec les
�Quelle est l'incidence d'un dispositif de
«
didactique et analyse des pratiques professionnelles»
élèves? Quel contrat pédagogique? Émilie pensait qu'il était difficile
de travailler des programmes tant qu'on ne connaît pas le niveau que
l'on aura en charge . Donc plutôt des réflexions elle aussi sur comment
prendre en mains la classe à la rentrée.
L'arrivée à l'IUFM à la fin du mois d'août constitue cependant pour
ses jeunes « néo-enseignants» un « véritable choc». Les deux journées de formation mises en place à ce moment-là ont principalement
deux objectifs: la prise en mains de la classe et l'élaboration du cours
introductif. Les formateurs commencent ainsi par présenter l'année de
formation aux professeurs stagiaires et leur donnent quelques conseils
de prise en mains de la classe. Ensuite, durant trois demi-journées,
les professeurs stagiaires, assistés de leurs formateurs, préparent leur
«premier» cours.
Charles explique ainsi: « On s'est tous jetés sur les manuels, on a vu
l'exemple de la chaussure Nike, pour avoir la dimension économie, la
dimension sociologie, la dimension politique, tout ça donc, le cinéma,
la chaussure Nike, des petits exemples comme ça ... Donc on avait
tous au début fait, 1. Dimension économique, II. Dimension sociologique, III. Dimension politique ». Ensuite vient la discussion avec les
formateurs: «ils nous ont parlé de l'importance de profiter de l'introduction pour présenter la démarche des SES au sens propre du terme
avec donc d'un côté le caractère scientifique et c'est vrai que ça personne n'y avait trop pensé en tous cas pas moi ... Et au départ on était
un peu sceptiques, on l'a presque fait ... je dirais pas pour leur faire
plaisir mais en tous cas on leur a fait confiance, on a dit, bon s'ils nous
le disent certainement que ça va être important pour la suite. Mais moi
je sais que je me suis dit ça va être super compliqué pour les élèves,
leur parler de réfutation d'hypothèses, etc. ».
Dans le développement de ce texte, nous présenterons en premier
lieu la conception épistémologique de la discipline défendue par les
formateurs de sciences économiques et sociales de l'IUFM d'AixMarseille et le dispositif de formation qui en résulte. Dans un second
temps, nous verrons en quoi ce dispositif suscite des interrogations
chez les professeurs stagiaires quant à l'évolution de leurs pratiques
prOfessionnelles.
�Christine 00110
UNE CERTAINE CONCEPTION ÉPISTÉMOLOGIQUE
DE LA DISCIPLINE ET UN DISPOSITIF DE FORMATION
Une épistémologie de la discipline scolaire
fondée sur la rupture avec le sens commun ...
La formation conçue dans la filière SES de l'IUFM d'Aix-Marseille
cherche à rompre, tant avec une certaine épistémologie de la discipline
scolaire, longtemps centrée autour de la démarche inductive qu'avec
une autre approche émanant du corps de l'Inspection, et tendant à promouvoir un certain recentrage sur les « fondamentaux» , définis comme
ce qui, dans une des disciplines de référence des SES (l'économie ou
la sociologie) fait l'objet d'un consensus entre les universitaires.
On est donc en présence, d'une part, d'une conception inductiviste
à visée « critique» héritée du « projet fondateur» des SES et, d'autre
part, d'une conception qui conduit à éliminer les interrogations théoriques et le débat scientifique dans la classe au profit d'une transmission des «fondamentaux».
La conception défendue ici, au contraire, est fondée sur la nécessité
d'initier les élèves à la démarche scientifique des disciplines de référence et repose sur des démarches d'apprentissage impliquant une
véritable activité intellectuelle des élèves.
À la suite notamment de Pierre Bourdieu, notre hypothèse est en
effet que:
« Les sciences sociales sont soumises aux règles qui valent pour
les autres sciences.' il s'agit de produire des systèmes explicatifs cohérents, des hypothèses ou des propositions organisées en modèles
parcimonieux capables de rendre compte d 'un vaste nombre de faits
observables empiriquement et susceptibles d'être réfutés par des modèles plus puissants, obéissant aux mêmes conditions de cohérence
logique, de systématicité et de réfutabilité empirique [ ... ] Une journée
typique de sociologue, avec ses tâtonnements expérimentaux, ses
analyses statistiques, ses lectures d'articles spécialisés et ses discussions avec des collègues, ressemble tout à fait à celle d 'un savant
ordinaire.» (Bourdieu , 1992, p. 159).
Il n'y a donc pas, dans cette perspective , de dualisme épistémologique qui conduirait à considérer que les sciences sociales relèvent de
�Quelle est l'incidence d'un dispositif de
«
didactique et analyse des pratiques professionnelles"
normes épistémologiques radicalement différentes de celles qui valent
pour les sciences de la nature.
Ainsi, nous pensons également que le concept de rupture avec le
sens commun, emprunté notamment à l'épistémologie de Gaston Bachelard (1938/1983), s'applique aux sciences sociales. La connaissance scientifique se construit donc contre l'évidence.
Pierre Bourdieu rappelle cette exigence de construction de l'objet
scientifique:
« Construire un objet scientifique, c'est, d'abord et avant tout, rompre
avec le sens commun, c'est-à-dire avec des représentations partagées
par tous, qu'il s'agisse des simples lieux communs de l'existence ordinaire ou des représentations officielles, souvent inscrites dans des institutions, donc à la fois dans l'objectivité des représentations sociales
et dans les cerveaux. Le préconstruit est partout». (Bourdieu, 1992,
P.207)
Cette approche épistémologique est donc en rupture avec la conception empiriste selon laquelle il faudrait «partir des faits».
On considère, au contraire, que ce sont les concepts qui sont premiers, car seuls ils permettent de découper le réel en objets d'investigation et seuls ils permettent de poser des questions pertinentes susceptibles de guider à la fois l'investigation du chercheur et la structuration
des connaissances produites par la recherche. Comme le soulignait
M. Fichant (1969, p. 100), « une science ne naÎt pas de la définition
d'un objet, ni de la rencontre d'un objet, ni de l'imposition d'une méthode. Elle naÎt de la constitution d'un corps de concepts, avec leurs
règles de production. De ce fait, le développement d'une science c'est
la formation des concepts et des théories de cette science» .
'" qui conduit à une nécessité
de «faire de l'épistémologie» avec les élèves
Cette conception épistémologique de la discipline conduit à penser
que la notion clé est celle de problème. Celui-ci apparaît alors en effet comme le moteur de la progression scientifique: « La "logique de
la découverte" consiste alors en ceci d'avoir à délimiter strictement le
problème, de présenter des hypothèses les plus réfutables possible sur
le plan empirique. » (Johsua et Dupin, 2003, p. 60).
�Christine Dollo
De la même façon , pour Christian Orange (2003a), accéder à un
savoir scientifique, ce n'est pas uniquement accéder à une « bonne»
solution au regard des savoirs savants. C'est également passer d'une
opinion à un savoir problématisé.
Dans cette perspective, il semble important de mettre en place dans
la classe une logique d'investigation - structuration qui passe notamment par l'instauration d'un « débat scientifique dans la classe », sur la
base de la formulation d'un problème et d'hypothèses susceptibles de
le résoudre. Le professeur est le concepteur d'une situation didactique
qui vise à simuler les conditions du débat scientifique . Il s'agit de faire
pratiquer par les élèves les règles du champ scientifique telles qu 'elles
sont décrites par Pierre Bourdieu (2001). Cette posture est alors de
nature à montrer le rôle essentiel des controverses scientifiques dans
la construction de la vérité.
Nous avons pu montrer (00110, 2001,2002; Beitone et al., 2004), que
les représentations sociales des élèves, ces connaissances « spontanées» ou « naturelles» forment le plus souvent une véritable construction opérée par l'élève en interaction active avec son environnement :
les connaissances ne s'empilent pas les unes sur les autres , mais sont
structurées. Certes, cet ensemble de connaissances est le plus souvent
éloigné, voire opposé à la connaissance scientifique. Mais pourtant,
ces modèles construits par les élèves semblent efficaces et pertinents
au regard de la vie courante. C'est d'ailleurs cela qui en fait parfois de
véritables obstacles à l'apprentissage . Dès lors, tout dispositif d'apprentissage qui ne prend pas en compte les représentations peut manquer son objectif. Les apprentissages scolaires risquent d'acquérir (et
de façon souvent éphémère) un caractère de savoir décoratif. L'élève
sait quelle est la bonne réponse à fournir pour satisfaire le maître , mais
ses représentations ne sont pas modifiées pour autant.
Cependant, la simple « prise en compte» des conceptions des élèves
ne suffit pas . On peut en effet traiter les conceptions de manière « inductiviste», comme si, par exemple, la présentation d'un « fait» contraire
pouvait suffire à induire la nécessité d'un « changement conceptuel ».
Une amélioration de cette attitude pourrait être de tenir compte de
l'existence de plusieurs conceptions parmi les élèves , de les faire se
confronter entre elles, de manière à favoriser l'émergence d'un conflit
sociocognitif. Mais il semble difficile de produire un tel changement au
�Quelle est l'incidence d'un dispositif de
«
didactique et analyse des pratiques professionnelles »
Cours de conflits brefs (parfois une seule séquence d'une heure) .. . Il
est alors nécessaire de penser des dispositifs didactiques permettant
non seulement l'émergence de conflits sociocognitifs, mais aussi la formulation et la réfutation d'hypothèses par les élèves eux-mêmes.
On ne fait pas construire « naturellement» un modèle « correct» de
compréhension de la réalité sociale. Le professeur doit alors élaborer
un dispositif permettant de conduire à plusieurs hypothèses explicatives contradictoires, dont certaines seront éliminées en utilisant le débat entre pairs, par des arguments « logiques» (c'est-à-dire considérés
comme tels par les élèves). Pour trancher entre celles qui subsistent,
le professeur pourra avoir recours à des connaissances nouvelles (par
le biais de textes scientifiques notamment).
Le « débat» proposé par le professeur n'est donc en rien naturel.
Il ne peut être que la conséquence d'une construction artificielle, minutieuse et contraignante qui crée un cadre où la discussion apparaît
- fictivement - comme libérée. En outre, le professeur dispose dans
la discussion d'une autorité différente de celle des élèves (asymétries
des positions). Cependant , la mise en place d'un tel dispositif dans la
classe crée une aire de « liberté» qui favorise une interaction sociale
apte à aider l'apprentissage.
Dans la mise en œuvre d'une logique d'investigation - structuration
dans la classe, et pour reprendre une expression de C. Orange, « ce
qui se joue n'est pas simplement une aide au changement de conceptions, mais il s'y construit une part fondamentale des savoirs scientifiques visés» (Orange, 2003b) .
Ainsi, le « débat scientifique dans la classe», même s'il peut être
mis en œuvre dans le cadre de situations de classes dites ordinaires,
ne peut s'improviser. Il nécessite une bonne maîtrise scientifique du
thème étudié, une connaissance a priori des conceptions des élèves et
une programmation minutieuse . Par ailleurs, l'enseignant joue un rôle
essentiel dans la conduite du débat.
Finalement (00110,2005), il nous semble aujourd 'hui que la discipline
Scolaire SES ne peut plus se justifier par ses méthodes (pédagogies
actives, travail sur documents, etc.) largement utilisées dans le système scolaire, mais qu 'e lle doit le faire , comme toutes les disciplines
Scolaires, à partir des savoirs qu'elle se propose de transmettre aux
�Christin e 0 0110
élèves. Ces savoirs ont cependant des particularités, ils renvoient à
des débats de société (chômage, mondialisation , exclusion , etc.) et
il importe de bien situer la spécificité d'une approche scolaire de ces
questions, ce qui suppose que les élèves réalisent des apprentissages
et que l'on ne confonde pas l'étude scientifique de ces questions et le
débat médiatique ou politique relatif à ces mêmes questions . Il semble
alors important d'initier les élèves à la démarche scientifique de manière à leur faire prendre la mesure des différences qui peuvent exister
entre ces différents types de débats .
La question qui se pose alors est celle de savoir comment «importer" cette conception épistémologique de la discipline dans le cadre de
la formation des professeurs stagiaires?
Un dispositif de «didactique et analyse
des pratiques professionnelles»
Les jeunes stagiaires bénéficient d'une quinzaine de séances de formation, d'une durée de 3 heures chacune , intitulées « didactique et
analyses des pratiques" (DAP), parallèlement à des séances de renforcement disciplinaire.
Les premières séances de DAP concernent la présentation, par des
formateurs impliqués dans la recherche en didactique des SES, des
principaux concepts de la didactique utilisés dans cette discipline scolaire, des résultats des recherches dans ce domaine et de leur possible
application dans les classes (Transposition didactique , représentation
sociales, débat scientifique dans la classe pour les principaux) . Lors de
chaque séance, des thèmes des programmes (et principalement celui
de la classe de seconde, la plus souvent prise en charge par les pro fesseurs stagiaires) sont utilisés pour appuyer la réflexion didactique
sur ces concepts.
Deux séances sont ensuite consacrées à la présentation , par les
formateurs encore , de séquences vidéo , tournées dans des classes à
l'occasion de la mise en place d'ingénieries didactiques dans le cadre
de la recherche ou de travail avec des professeurs stagiaires des promotions précédentes .
�Quelle est l'incidence d'un dispositif de
«
didactique et analyse des pratiques professionnelles»
Dans un second temps, les stagiaires sont filmés un à un dans leurs
classes qu'ils ont en responsabilité (classes de seconde et de première
ES). Pour cela, Sur chacun des thèmes du programme, un binôme ou
un trinôme de professeurs stagiaires prépare une OPAE (Objectifs problématique - apprentissages - évaluation). Leur séquence de cours
est déposée sur une plateforme collaborative (ESPAR) et travaillée en
groupe de formation professionnelle (G FP) avec les autres jeunes collègues et leurs tuteurs. Auparavant les stagiaires ont bénéficié d'une
séance de renforcement des connaissances disciplinaires concernant
le thème du programme étudié. Ce sont ces séances travaillées collectivement qui sont ensuite expérimentées dans les classes et filmées.
Les séquences filmées sont enfin analysées en séance rassemblant
l'ensemble des professeurs stagiaires, selon cinq temps bien définis:
- le stagiaire présente la séance filmée et ses choix didactiques sur le
thème choisi avant le visionnage d'extraits par l'ensemble du groupe;
- le montage est projeté avec la consigne selon laquelle le stagiaire
et/ou le formateur animateur de la séance peuvent à tout moment demander l'interruption de la projection;
- à chacune de ces interruptions, le stagiaire filmé est incité à proposer une première analyse: la séquence mise en œuvre a-t-elle permis
que les élèves « apprennent» ? ;
- les autres stagiaires sont incités à réagir également, du point de
vue didactique, aux extraits visionnés;
- le formateur animant la séance livre enfin sa propre analyse didactique.
QUELS RÉSULTATS DU DISPOSITIF
DU POINT DE VUE DES PROFESSEURS STAGIAIRES?
L'importance du cours introductif
Au départ, les professeurs font preuve d'un peu de scepticisme :
Comment présenter la démarche scientifique à des élèves de seconde?
À l'arrivée, ils sont convaincus.
Charles indique ainsi: «je pense que ce que les élèves ont apprécié,
c'est que je leur dise ce qu'était une discipline scolaire, ce qu'était une
�Chri stine 00110
discipline scientifique, la différence entre les deux, parce qu'en fait je
pense qu'ils réfléchissent jamais sur ce qu'on leur apprend, pourquoi
on leur apprend ça ...
En fait, pour certains élèves, c'est le prof qui invente, ... alors que
là moi j'ai vraiment insisté sur le fait que ce je que leur apprenais, ça
venait pas de moi, ça venait de la science économique, de la sociologie, de la science politique, et que tout ça s'était regroupé dans une
matière qu'on appelle discipline scolaire que sont les SES [ ... ]. Donc
cette réflexion , je pense que pour eux ça a été peut-être un peu trop
épistémologique, peut-être un peu trop une dimension qui leur est inconnue mais j'ai l'impression en tous cas que c'est pertinent de le faire,
de les interroger ... »
De la même façon , Émilie s'est posée beaucoup de questions lorsqu'il
s'est agit de remettre en question la première esquisse de son cours
introductif : « c'est vrai que moi je me suis dit oh mon dieu ... ou quand
on a dû faire la démarche scientifique , avec cette idée de réfutation , ne
pas dire validé mais réfuté ... Oh là là on s'est un peu pris la tête entre
guillemets, mais je crois que j'avais pas mesuré ... c'est-à-dire j'ai fait
le cours introductif bon .. . Mais je crois que j'avais pas mesuré toute
l'importance que ça pouvait avoir en fait sur la suite heu ... de l'année
en fait. .. Enfin surtout sur la démarche scientifique, effectivement la différence entre jugement de fait , jugement de valeur, je crois que j'avais
pas, j'avais pas oui mesuré toute l'importance que ça avait. .. »
Ce cours introductif a donc, pour les professeurs stagiaires, des
conséquences sur le travail en classe durant l'ensemble de l'année .
En outre , il permet de montrer aux élèves que les discours présentés
en sciences économiques et sociales ne sont pas de simples arguments d'opinions mais bien des discours scientifiques. Émilie , notam ment, insistait sur le fait qu 'elle ne disait pas aux élèves : « je pense
que » mais leur proposait de se mettre à la place de l'économiste: « je
leur disais un peu apprenti économistes . En même temps ça les faisait
rire , mais en même temps c'était un peu ça, ils ont pas un statut de .. '
[ ... ] c'était pour dire on fait pas n'importe quoi, on est rigoureux ... » Dorothée confirme cela : « moi à la fin de l'année , sur les petits commen taires que j'ai eu là, ils écrivent, les SES , on m'avait dit que ça serait de
la rigolade et tout , mais en fait c'est plus difficile que ce que je pensais ,
c'est plus rigoureux ... »
�Quel le est l'i ncidence d'un dispositif de
«
didactique et analyse des pratiques professionnelles »
L'j ntérêt des séances «DAP»
du point de vue du professeur stagiaire filmé
Charles a « essuyé les plâtres" sur le chapitre de la production .
Pour lui , ce chapitre s'est révélé plein de pièges et de difficultés. L'entreprise , l'association, l'administration , le marchand, le non-marchand ,
autant de notions encore parfois mal maîtrisées par les professeurs
stagiaires, même après la réussite au concours. Les séances de renforcement disciplinaire permettent de pallier certains de ces manques:
« néanmoins, je me suis aperçu quand j'ai visionné ma prestation , que
j'avais fait une grosse erreur au niveau d'un exemple en fait qui était
complètement troublant pour les élèves ... En fait j'avais pris l'exemple
d'un repas à emporter et d'un repas au restaurant ... " . Charles prend
ainsi conscience, en se voyant lui-même en exercice, de l'importance
du choix des exemples choisis pour illustrer certains concepts. De la
même façon , Émilie souligne que le fait de se voir permet de découvrir des difficultés des élèves qui n'avaient pas été perçues durant la
séance. E"e prend ainsi conscience qu'à l'occasion d'une question posée sur un document (relatif à la sociologie de la famille) , elle induit
une réponse erronée de la part des élèves: « donc bien sûr la réponse
c'était non mais ... Je les induisais ... Alors il se trouve que moi je ne
m'en suis pas du tout rendue compte en classe. [ ... J Mais justement
c'est complètement rentré dans leur système de représentations , donc
là pour le coup je ne les aide pas du tout. Donc moi j'ai compris au moment où effectivement on a visionné la cassette. Et c'est très utile pour
la remédiation . Parce qu 'au moins je sais ce que j'ai à faire pour l'an
prochain et je me suis vraiment posée des questions ".
Dorothée met également en évidence le fait que cette projection permet d'identifier le moment où la classe « décroche » : « C'est vrai que
quand on est dans le feu de l'action , ben ... on sait pas d'où ça vient. ..
Soit c'est parce que un tel discute ... Et qu 'il met un peu le cours en l'air
[... J. Alors qu 'en fait pas du tout, ça vient de nous quoi. .. [ .. .] Et quand
on peut se voir, effectivement. .. ». E"e se souvient alors qu 'elle était
mise en difficulté par la question d'une élève . E"e s'était alors repliée
Vers le tableau pour réfléchir à cette question tout en essayant de trou Ver les arguments pertinents pour y répondre . Certains élève s « profi tent » en effet de cette hésitation pour entamer quelques bavardages .
�Christine 00110
L'intérêt de «voir» les autres
Les professeurs stagiaires soulignent enfin l'importance de ce dispositif même lorsque ce sont les autres qu'ils voient. Revenant sur
l'exemple précédent, Charles souligne en effet : « y'a des cas et ça
c'est vraiment visible sur les cassettes qu'on a visionnées où c'est vraiment le professeur qui, par son doute à lui finalement, sème le doute
chez les élèves, et ce doute se transforme en chahut... ».
Émilie se souvient bien également des cassettes des uns et des
autres, et de ce qui a été « discuté» durant les séances: « Je me souviens notamment Charles, de tu sais quand tu disais, oui moi je pense
que vous avez raison ... Donc que voilà là on incitait finalement les
élèves à penser que le savoir il dépendait de nous et pas des économistes ... Voilà je me souviens de dire attention voilà c'est l'économiste ou le sociologue qui parle ... Donc après nous c'était aussi un bon
moyen de remédier à ce problème et dire l'économiste considère, etc. »
Dorothée a également appris dans toutes les séances. Elle souligne:
« Finalement on se rend compte que bon les difficultés qu'on a un peu
les uns et les autres, ... C'est un peu les mêmes difficultés ... [ ... ] Voilà
quoi, c'est la difficulté de l'enseignant par définition quoi .... »
Elle revient sur les difficultés de discipline liées à un problème didactique: « je me rappelle notamment la cassette d'Élodie, sur les classes
sociales, où on voit que le flou dans la classe ça vient en fait d'un
problème ... De la manière dont la question est posée ... Donc là c'est
pareil ... Et elle a l'air aussi de vraiment progresser en voyant sa cassette ... ». Émilie confirme cela: « sur Élodie on s'était posé finalement
la question du choix du document, bon là ça allait pas avec ce qu'elle
voulait traiter, donc là on avait effectivement la preuve que ça ne fonctionnait pas trop parce que les élèves ils étaient un peu perdus ... »
CONCLUSION: AU - DELÀ DU DIDACTIQUE, LA DIFFICULTÉ
DE RESPECTER LE «CONTRAT PÉDAGOGIQUE»
Pour les professeurs stagiaires, au final, une conviction forte se dégage: l'initiation des élèves à la démarche scientifique dès l'introduction est essentielle, et notamment la distinction entre jugement de fait
�Quelle est l'incidence d'un dispositif de
«
didactique et analyse des pratiques professionnelles"
et jugement de valeur. Les connaissances introduites dès ce début de
classe de seconde sont ensuite remobilisées tout au long de l'année.
Le dispositif permet de prendre conscience du fait qu'il ne suffit pas
de se contenter d'appliquer des recettes ou des propositions des formateurs (par exemple, initier les élèves à la démarche scientifique). Il
s'agit ensuite, grâce aux séances sur les films, d'avoir un véritable recul
Sur sa propre pratique et celle de ses pairs. Cette efficacité se confirme
pendant l'année, lorsque les professeurs stagiaires affirment avoir tenu
compte des remarques évoquées lors de telle ou telle séance pour modifier leur propre pratique d'enseignement.
Il n'en reste pas moins qu'au-delà de la didactique, une grande préoccupation des professeurs stagiaires par rapport à leurs élèves reste
la difficulté de « tenir» le contrat pédagogique ... Ces séances-là les
confortent en effet dans l'idée qu'il faut réussir à établir des règles précises et rigoureuses dans la gestion de classe car cela aussi est une
condition d'apprentissage des élèves. Charles explique notamment
qu'il avait partois du mal à tenir certaines règles, comme celles d'avoir
sa calculatrice à chaque TD. Il avait du mal à « sévir» et à respecter
les sanctions évoquées en début d'année. Émilie souligne également
que les élèves « grignotent» tout le temps, mais qu'ils sont attachants
et qu'on ne peut pas toujours être trop sévère. Dorothée conclut l'entretien concernant ces aspects de leur enseignement en disant qu'à la
fin de ces séances elle savait ce qu'elle allait changer dans son contrat
Pédagogique.
��CHAPITRE 10
LES JOURNAUX DE RÉFLEXION
DES FUTURS ENSEIGNANTS DE FLE
DANS L'ENSE GNEMENT PUBLIC EN CATALOGNE
arilisa BIRELLO, Delphine PLUVINET
et Corinne ROYER
INTRODUCTION
Cet article apporte, dans la première partie, une brève description
du programme de formation dans lequel sont engagés les futurs enseignants de FLE (Français Langue Étrangère) en Catalogne (Espagne)
et les orientations pédagogiques de la formatrice chargée du cours de
didactique du FLE.
La deuxième partie présente les questions de recherche que nous
avons formulées pour analyser les journaux de réflexion produits par
les étudiants inscrits à cette formation. La troisième partie retrace les
biographies langagières de deux étudiantes choisies pour leur grande
différence de profil et la quatrième partie offre une analyse des journaux que ces deux étudiantes ont rédigés . Notre analyse cherchera
à illustrer en quoi la rédaction d'un journal de réflexion peut être à la
fOis procès et lieu d'apprentissage et de développement d'une identité professionnelle à condition que la personne en formation mette en
relation ses trois sphères d'expérience (personnelle, universitaire et
professionnelle) afin de développer son identité et ses compétences
prOfessionnelles.
�Marili sa Birello, Delphin e Pluvi net et Corinne Royer
LE CADRE DE L'ÉTUDE
Le Certificat d'Aptitud Pedàgogica
Pour se présenter aux concours d'accès à l'enseignement public en
Catalogne (Espagne), les futurs enseignants de FLE doivent obtenir
le Certificat d'Aptitud Pedagàgica (CAP) de français qui se prépare en
une année académique après l'obtention d'une maîtrise.
Le CAP est actuellement organisé par les Instituts de Ciències de
l'Educaci6 (ICE) des universités publiques de Catalogne. Au cours de
cette formation, les étudiants suivent, le samedi matin, des cours théoriques essentiellement distribués entre la psychopédagogie d'une durée de 20 heures et la didactique du FLE d'une durée de 36 heures.
D'autre part, les étudiants effectuent un stage pratique tout au long de
l'année académique au sein d'un collège public où ils sont orientés et
guidés par un enseignant de français de l'établissement.
Cette formation attire des étudiants sans aucune expérience de l'enseignement qui viennent de finir leurs études de philologie française
comme des personnes dont le français peut être la langue maternelle
et qui enseignent le FLE depuis parfois longtemps en entreprises ou
bien dans des écoles et universités privées . Le CAP fait donc fonction
de formation initiale pour certains étudiants et de formation continue
pour d'autres.
Une perspective socioconstructiviste
La diversité des biographies langagières et des cheminements professionnels génère des attentes et des besoins de formation différents.
L'hétérogénéité des personnes inscrites au CAP et la brièveté de la
formation 1 ont mis en évidence l'inadéquation d'un cours magistral de
didactique qui s'adresserait à un public homogène d'étudiants « sans
expérience» de l'enseignement. La prise en compte , au contraire , du
bagage de chacun s'est imposée comme une nécessité afin de mieux
1. Le Certificat d'Aptitud Pedagogica devrait bientôt disparaître au profit d'une format ion
plus solide intégrée dans les cursus universitai res des étudiants qui choisissent les métiers de l'enseignement.
�Les journaux de réflexion des futurs enseignants de FLE dans l'enseignement public en Catalogne
répondre aux demandes des personnes en formation. Pour ces raisons,
la démarche en classe de la formatrice comme le système d'évaluation
ont été redéfinis dans une perspective socioconstructiviste qui part du
vécu personnel (apprentissage des langues, formation académique
et/ou expérience de l'enseignement) et tend à intégrer le système de
croyances, représentations et savoirs (Cambra et al, 2000 ; Vanhulle,
2005) de chacun. C'est par la mise en relation des expériences personnelles, universitaires et professionnelles que le futur enseignant réussit
à mieux intégrer ses savoirs pratiques et théoriques nécessaires au
développement d'une identité professionnelle (Riopel et Gervais, 2008)
et à la construction d'un répertoire didactique (Causa et Cadet, 2006 ;
Causa, 2007), c'est-à-dire, d'une compétence à enseigner. Nous assumons que la formation d'enseignants doit favoriser l'émergence et la
remise en cause des systèmes de croyances, représentations et savoirs de manière à évoluer vers une nouvelle compétence professionnelle (Cambra, Birello et Royer, 2008). Dans ce but, la formatrice, qui
fait partie du groupe de recherche PLURAL 2, a proposé aux étudiants la
rédaction d'un journal de réflexion (Guichon, 2007) dans lequel chacun
Pouvait confronter son expérience personnelle qui regroupe le vécu
passé et présent à l'extérieur du programme formel de formation (Riopel et Gervais, 2008) avec les apports de la formation du CAP.
LES JOURNAUX DE RÉFLEXION COMME INSTRUMENTS
D'APPRENTISSAGE ET LIEUX DE DÉVELOPPEMENT
D'UNE IDENTITÉ PROFESSIONNELLE
~-
Les activités introspectives et autobiographiques jouant un rôle reCOnnu dans les processus de professionnalisation (Bertaux, 2005), on
espérait déclencher la réflexivité en proposant aux futurs enseignants la
tenue d'un journal qui permettrait d'approfondir les notions et concepts
théoriques présentés et discutés en classe. La formatrice a expliqué
que le journal était un espace de réflexion où chacun pouvait mettre en
relation son expérience vécue de l'enseignement/apprentissage des
2. Le groupe de recherche PLURAL (P/uri/ingüismes esco/ars i Aprenentatge de Llengües)
étUdie les systèmes de croyances, représentations et savoirs (CRS) des enseignants et leurs
Conditions de transformation en dépit des résistences liées à la permanence des modèles.
�Marili sa Birello , Delphine Pluvin et et Corinne Royer
langues avec les apports théoriques et pratiques du CAP. Ce journal,
non obligatoire , pouvait néanmoins être présenté comme travail de didactique pour le mémoire 3 . Six étudiants de la promotion 2006-2007
ont choisi de rédiger un journal et l'ont remis sur support électronique à
la fin de leur formation. Les étudiants n'avaient reçu aucune consigne
formelle sur la manière d'écrire et d'organiser le journal et chacun a
choisi librement les thèmes à traiter. D'autre part, le calendrier de cette
formation (36 heures en 9 samedis matins) n'a pas permis un suivi régulier des journaux et un retour de la part de la formatrice . C'est donc
avec très peu de guidage que les enseignants en formation ont conçu
leurs journaux et, bien que la formatrice ait demandé une rédaction au
fur et à mesure de la formation, quelques journaux ont sans doute été
écrits tardivement, peu de temps avant le délai fixé pour rendre le mémoire, comme le suggèrent certains indices énonciatifs.
Dans cet article, nous avons centré notre analyse sur les journaux de
deux étudiantes (Isabel et Anne) que nous avons choisis en fonction de
la grande différence de profils de leurs auteures.
QUESTIONS DE RECHERCHE
Notre équipe, constituée de formateurs et chercheurs en didactique
des langues et des cultures 4 , a formulé les questions de recherche
suivantes:
Quelle(s) représentation(s) les auteures ont-elles du journal de réflexion et depuis quel(s) rôle(s) ou identité (étudiante, enseignante, future enseignante) l'ont-elles rédigé?
Dans quelle mesure la rédaction d'un journal de réflexion aide-t-elle
son auteur/e à (re)construire une identité et des compétences professionnelles ?
Quelles marques textuelles présentes dans les journaux de réflexion
laissent voir ce travail de (re)construction d'une identité professionnelle?
3. Au mois de mai, chaque étud iant doit remettre à la coordinatrice du CAP un mémoi re
où sont rassemblés les différents travaux réalisés dans le cadre de la form ation du CAP.
4. Équipe de recherche PLURAL.
�Les journaux de réflexion des futurs enseignants de FLE dans
l'ense ignement public en Catalogne
Dans quelle mesure les habitudes d'apprentissage des futurs profes
seurs de FLE et leur système de croyances , représentations et
savoirs
préalables à la formation du CAP pouvaient constituer un blocag
e ou
une ouverture au développement (ou réagencement) de leur répert
oire
didactique.
Les formateurs doivent-ils guider la rédaction des journaux afin
de
provoquer un travail d'analyse plus poussée et une réflexion plus
pointue et, si c'est le cas, de quelle maniè re?
BIOG RAPH IES LANG AGIÈR ES
À la demande de la formatrice, chaque étudiant inscrit au CAP
a
rédigé sa biographie langagière et résumé ses souvenirs de
l'apprentissage des langues en milieu institutionnel. Cet écrit, fait en
classe,
Prolongeait une activité d'échanges d'expériences de l'appre
ntissage
des langues le premi er jour de la formation . Nous avons essay
é de respecter dans les deux résumés suivants la manière dont Isabel
et Anne
se sont racontées, ce qui explique le manque de parallélisme
entre les
deux textes.
Biogr aphie langa gière d'Isab el
Isabel est catala ne; elle est née à Barcelone et y a toujours
vécu .
COmme elle l'énum ère dans sa biographie langagière, elle a
un répertOire linguistique très large : le catalan comme Langue 1 et le
castillan
comme Langue 2, l'italien et le français comme langues 3 et 4
et, finalement, l'anglais et l'allemand comme langues 5 et 6. Elle a
appris le
français à l'école dès l'âge de cinq ans. Isabel se souvient que,
dans la
première étape de son apprentissage, l'enseignement se faisait
à travers les jeux, les chans ons et les poèmes. C'est bien plus tard,
une fois
acquis un bagage lexical, qu'elle a commencé à étudier la gramm
aire
de la langue, en suivant un modèle qu'elle qualifie de « traditi onnel
» et
dont l'objectif principal est d'« atteindre une compétence linguis
tique
suffisante pour permettre la lecture de textes de presse et littéra
ires».
Durant tout son processus d'apprentissage, il semblerait qu 'Isabe
l ait
assisté à des classe s magistrales caractérisées par des « relatio
ns pro-
�Marili sa Birel lo , Delph ine Pluvinet et Corinne Royer
fesseur-élèves très distantes» . Quant aux cours, elle les décrit comme
« moins participatifs qu'aujourd'hui». Au moment de suivre la formation
du CAP, Isabel n'avait eu aucune expérience de l'enseignement des
langues .
Biographie langagière d'Anne
Avant d'être professeur de français, Anne a été , durant plusieurs années, enseignante de sciences et mathématiques dans son pays d'origine, la Belgique .
Par choix personnel, elle a un jour décidé de partir pour Salamanque ,
en Espagne, afin d'étudier le castillan . C'est pendant ce séjour qu 'elle
prend la décision de donner une nouvelle orientation à sa vie professionnelle. Elle souhaite alors suivre une maîtrise en phonologie espagnole . Comme ces études ne s'offraient pas dans son pays d'origine ,
Anne décide donc de s'informer à la fois en France et en Espagne , où
elle passe les examens d'entrée à l'université. Finalement, les résultats positifs des examens lui permettent de choisir entre les deux pays.
Son intérêt pour la culture , la langue espagnole et la possibilité de
mieux connaître l'Espagne la décident finalement à s'inscrire en maÎtrise d'histoire de l'art à Barcelone ; parallèlement elle entreprend des
études de portugais et de catalan .
Au moment du CAP, Anne travaille comme professeur de FLE en
entreprise .
ANALYSE DES JOURNAUX
Dans un premier temps nous avons centré notre analyse sur l'usage
des pronoms personnels et sur l'identité qu 'ils véhiculaient. Nous
avons observé tout particulièrement les mouvements et déplacements
de rôles qui s'exprimaient à travers l'analyse des occurrences du pronom je. Nous retrouvons dans les discours d'Isabel et Anne , mais dans
des proportions différentes, les mêmes catégories et des mouvements
constants entre ces différentes catégories , que nous représ entons par
le schéma suivant :
�Les journ aux de réflexion des futurs enseignants de FLE dans l'enseignement publ ic en Catalogne
Je-personne
Expériences personnelles,
étud es, âge et origines
..--f-.
Je-étudiante de langue
Propres expériences comme
étudiante de langue
Je-futur professeur
Je-professeur en
formation
Réfl exions relatives au
cours de formation
À partir de ce que chaque
étud,ante a écouté et lu pendant
la format,on, comment
l'expliquer3lt-elle dans la classe,
, elle l'appliquait, et pourquo,
LE JOURNAL DE RÉFLEXION D'ISABEL
Isabel part de son expérience d'apprenante de langues et construit
son journal sur une comparaison explicite et méthodique entre ses
croyances, représentations et savoirs préalables au CAP et les apports
conceptuels de la formation . Son journal est organisé en trois parties :
l'introduction, le corps du texte et la conclusion . L'ossature est donc
typique d'un écrit académique , cependant les choix graphiques et disCursifs d'Isabel sont originaux en ce sens qu'ils correspondent très peu
à des conventions établies. Consciente de ce fait , Isabel apporte dans
l'introduction les clefs de lecture de son texte et annonce que son journal montre cc la transformation de [sa] conception de la didactique pour
enseigner une langue étrangère.»
Le corps du texte est divisé en sous-thèmes , lesquels sont repris
Plus ou moins textuellement du programme de didactique . Pour chaque
thème ou concept , Isabel synthétise le contenu développé en classe
puis, dans une taille de lettre plus petite , fait part de ses réflexions
Personnelles. Ainsi , elle reformule les propos de la formatrice et fait
référence à ce qu 'elle a lu en verdana 12 tandi s qu 'elle développe en
�Maril isa Birello, Delphine Pluvinet et Corinne Royer
verdana 9 ses propres commentaires. Elle emploie également d'autres
ressources graphiques pour mettre en valeur ce qu'elle considère important: certains fragments sont soulignés et certains termes sont en
caractères gras.
Dans l'exemple suivant nous pouvons apprécier la structure graphique du journal d'Isabel:
L'espace d'apprentissage entre notre L 1 et la nouvelle L2 est très
instable: on va l'appeler interlangue. Il s'agit d'un substrat, et dès le
début ce terme pose des problèmes à définir. Ce n'est pas une langue
cc entre", mais une langue en progrès qui a des règles de formation
propres. Dû justement l'instabilité de cette interlangue, le rôle de l'enseignant est très important. Il va accepter une langue imparfaite, qui
va servir justement de procès d'apprentissage, et il comprend qu'il faut
respecter les étapes de ce procès sans trop interrompre.
Le concept d'interlangue m'a semblé très innovateur, surtout la définition de» langue en progrès avec des règles de formation propres» .
J'avais toujours aperçu le procès d 'apprentissage comme un stade
cc entre» qui devait aboutir à une cc maÎtrise» de codes linguistiques.
Les thèmes qu'Isabel considère importants et autour desquels elle
développe une réflexion en employant ces mêmes ressources graphiques sont, dans les termes de l'étudiante, les suivants: langue maternelle/langue étrangère versus langue 1/langue 2 ; interlangue vue
comme une langue en progrès; la correction des erreurs ; l'idée que
les langues naissent du besoin de se communiquer; la langue n'étant
pas comprise seulement comme un ensemble de règles grammaticales mais comme la capacité d'agir par son emploi ; les facteurs qui
contribuent à l'apprentissage d'une L2 : la confiance en soi, l'intérêt
intrinsèque dans certaines activités d 'apprentissage et les facteurs affectifs ; la première chose à apprendre est apprendre à s'exprimer, et
finalement l'usage des documents authentiques en classe de langue .
Il Y a donc dans le journal d'Isabel deux types de discours: un discours emprunté aux « experts» (la formatrice, les articles) qui est le
plus abondant et un discours personnel où Isabel s'exprime en son
nom propre.
�Les journaux de réflexion des futurs enseignants de FLE dans l'enseignement publ ic en Catalogne
Ces deux types de discours se côtoient car ils traitent des mêmes
thèmes mais ne se mélangent pas et Isabel respecte scrupuleusement
les oppositions suivantes:
Palice d'écriture: Verdana 12
Caractères gras
1 Fragments soulignés
Nombreuses occurrences du pronom on
L
Police d'écriture: Verdana 9
/
/
Usage prédominant du pronom je
Dans le discours emprunté, Isabel emploie le pronom on qui lui permet aussi de s'inclure dans cette communauté professionnelle mais
d'une manière réservée en quelque sorte.
Nous allons examiner à présent depuis quelle(s) identité(s) s'exprime
Isabel dans son discours personnel à travers quelques extraits choisis
au début, au milieu et à la fin de son journal. Nous verrons comment
« la transformation » annoncée dans l'introduction se révèle dans son
texte et si l'on voit des indices de la construction d'une identité d'enseignante et d'un répertoire professionnel.
C'est effectivement en mettant bout à bout les fragments qui correspondent au discours personnel d 'Isabel qu 'on voit se dessiner progressivement cette transformation , notamment à travers l'emploi de métaphores comme « ouvrir les yeux » et de mots comme « bouleverser »,
peu attendus dans un écrit académique qui se doit de rester neutre .
Dès la première page de son journal , Isabel prend note de change ments qui ont eu lieu en didactique des langues . C'est le je -étudiante
de didactique qui s'exprime ici :
Ce changement de perspective en ce qui concerne la dénomination
«langue maternelle» et « langue étrangère » employées jusqu 'à maintenant, m 'a beaucoup fait penser. Il y a beaucoup de circonstances,
effectivement, qui font que « maternelle » et « étrangère » perdent leur
valeur dans un procès d 'apprentissage d 'une nouvelle langue.
C'est à travers la mise en perspective de son expérienc e d'appre nante de langu es et les apports conceptu els de la fo rmation qu ' lsa-
�Marilisa Birello , Delphine Pluvinet et Corinne Royer
bel parvient à définir ce qu'elle ignorait et à remettre en question ses
croyances, représentations et savoirs préalables:
La correction des erreurs était quelque chose de normal à mon
époque, et il est vrai que le procès d'expression de la L2 était beaucoup
contraint au remplacement des formules correctes.
[ ... ]
On a souvent forcé les étudiants à s 'exprimer dès le début du procès d'apprentissage . Les enseignants ont besoin d'évaluer, et doivent
connaÎtre le niveau des élèves, mais il est certain que forcer ne vaut
pas la peine, tout au contraire, ce fait peut même « bloquer» certains
individus, timides, qui ont peur de se tromper, ou simplement qui n 'aiment pas se démontrer devant le reste du groupe
Puis, les « changements» perçus dans un premier temps comme
externes à elle-même deviennent progressivement des changements
intériorisés exprimés par des métaphores comme « ouvrir les yeux» :
C'est avec cette affirmation que j'ai ouvert les yeux à la signification
de « langue ». Les facteurs qui la rendent utile sont le but, l'intention et
la capacité de communiquer. Les structures, la grammaire et l'orthographe ne sont que le squelette. C'est un des messages qui vaut la
peine de transmettre aux apprenants.
Ce processus d'intériorisation se complète par une remise en cause
et un abandon définitif de ses représentations initiales sur l'enseignement/apprentissage d'une langue étrangère :
Avec les nouvelles tendances, les plus récentes méthodes et les
énormes possibilités de trouver du matériel, je suis certaine que dans le
procès d'apprentissage d'une nouvelle langue tous les vieux concepts
de grammaire ennuyeuse, vocabulaire difficile, prononciation impossible ont disparu complètement de l'horizon.
Et Isabel conclut avec force:
Je peux affirmer positivement qu 'ils ont complètement bouleversé
ma conception d 'enseignement d'une L2.
Le je initial d'Isabel-étudiante de langues et Isabel-enseignante en
formation , devient clairement, à la fin de son travail de réflexion , un je-
�Les journaux de réflexion des futurs enseignants de FLE dans l'enseignement public en Catalogne
future enseignante et l'on a pu voir, à travers l'écriture, comment Isabel
transforme progressivement son répertoire didactique.
LE JOURNAL DE RÉFLEXION D'ANNE
À la différence d'Isabel qui tarde à s'exprimer en tant que future enseignante de FLE, Anne pose dès la première ligne son statut de professeur de français en entreprise, et entre immédiatement, pour ne
plus l'abandonner, dans le récit de ses expériences d'enseignante:
Mon expérience en tant que professeur de français consiste principalement à donner des cours de français à des adultes dans des entreprises ou autres institutions. La plupart du temps, c'est moi qui me
rends sur place [ ... ] Jusqu 'à présent, je n'ai pourtant jamais utilisé une
méthode spécifique pour le monde de l'entreprise, même pas pour les
débutants.
Le texte d'Anne est un va-et-vient constant entre le récit de son vécu
d'enseignante de FLE qu'elle relate en s'appuyant sur des exemples
détaillés de ses propres classes et des souvenirs de son parcours
d'étudiante de langues:
J 'ai commencé à faire acheter une revue à mes élèves et à la travail/er avec eux tout simplement parce que c'est ce que j'aurais aimé
qu'on fasse avec moi quand j'ai commencé à étudier le portugais.
Le discours d'Anne est fortement marqué par la valeur du je-personne, qui supplante souvent le je-enseignante et le je-étudiante de
langues:
Je me souviens du cours particulier que j'ai eu avec P, directrice
d'une entreprise de prothèses capillaires. C'était formidable parce que
moi, je ne connaissais pas du tout ce secteur. J'arrivais et je voyais une
superbe chevelure, là, sur le bureau. Je m'extasiais, le plus naturellement du monde, évidemment, parce que j'adore les cheveux.
Par contre, dans son discours, le je-enseignante en formation apParaît rarement même si on observe des allusions à des discussions
qui se sont développées en cours de didactique. C'est ce qui se passe
�Marilisa Birello, Delphine Pluvinet et Corinne Royer
parfois lorsqu'elle introduit ses propos par des marqueurs comme c'est
vrai, sans doute:
C'est vrai que je parle beaucoup, peut-être trop, surtout au début, et
je pose toujours plein de questions sur tout ce qui me passe par la tête.
Comme tous les profs de français, j'ai sans doute la manie d'utiliser
des documents authentiques, et ce, dès le début [ ... ]
Dans ce dernier passage, Anne fait référence à un débat où la formatrice s'interrogeait sur l'introduction et la manipulation des documents
authentiques en classe de FLE.
Mais ces évocations du cours de didactique débouchent normalement sur une valorisation et justification de ses propres démarches
d'enseignante. Ainsi quand Anne reconnaît l'intérêt probable de certaines approches et méthodes d'enseignement/apprentissage des langues c'est pour réaffirmer les siennes:
La méthode axée sur la compréhension me semble très intéressante
et je voudrais en savoir plus. Mais, j'utilise aussi d'autres méthodes
plus structurées, plus axées sur les compétences linguistiques. Tout
dépend du moment.
C'est ici le seul moment où Anne emploie un ton et un style plus académique directement lié aux contenus du cours de didactique. En fait,
contrairement à Isabel, Anne ne développe pas un texte académique
et son discours est traversé d'affects comme lorsqu'elle explique ce qui
l'a poussée à se réorienter professionnellement:
Et moi, avec ma licence en histoire de l'art, je n'étais rien, je ne valais rien, ou très peu. Il a fallu que je m'oriente vers la traduction.
Maintenant, en tant que professeur de français, je suis toujours mal
considérée, à cause de mes choix, je me sens parfois complexée, je
n'ai toujours pas terminé la traduction, il me manque un cours, mais je
suis très marquée par ma trajectoire.
Anne ne semble pas se considérer comme une enseignante en formation à même de développer encore son répertoire didactique mais
décrit dans un style vivant, littéraire, son action de professeur de FLE
et le déroulement de ses classes. Elle réitère constamment dans son
�Les journaux de réflexion des futurs enseignants de FLE dans l'enseignement publ ic en Catalogne
discours sa situation actuelle mettant en avant ses pratiques et les expériences vécues en classe comme dans cet extrait:
J'ai peut-être dû l 'aider avec le verbe « marcher ». Finalement, je
comprends qu 'elle voulait me dire que j'allais marcher puisque l'entreprise déménage et que je devrai en effet marcher pendant au moins
20 minutes en comptant l 'aller et le retour. Je n 'y pensais plus. Je ne
voulais pas y penser.
Et Cristina réagit :
- La proxime semaine, c'est ici!
Et moi, je réponds: « la semaine prochaine, oui » .
Au moment de conclure son texte, Anne ne se projette pas dans
l'avenir, elle ne dit rien sur la manière dont elle agira ou pourrait dorénavant agir en tant qu 'enseignante et développe, au contraire , une
réflexion négative sur le futur de la langue française face au monopole
de la langue anglaise:
Je suis de plus en plus pessimiste quant à l'avenir du français en
Catalogne et dans le monde. À Barcelone, dans le secteur culturel, rien
n'est fait pour développer le multilinguisme. Les grands musées comme
la Caixa forum, le CCCB, le MNAC, ces institutions, qui ont de l'argent
à dépenser, ne font aucun effort pour présenter leurs expositions dans
des langues différentes du castillan, du catalan ou de l 'anglais (. . .) Barcelone représente l 'image du futur, c'est-à-dire la disparition de l 'intérêt
pour l'étude des langues romanes .
DISCUSSION
Jusqu 'à présent, nous remarquons qu 'Anne et Isabel font toutes deux
référence à leur vécu d'étudiantes de langues . Mais, tandis qu 'Isabel
cherche dans son expérience d'apprenante de langues une base pour
comprendre la formation qu 'elle suit, Anne évoque ses désirs et frustrations d'étudiante en langues pour justifier sa démarche d'enseignante
et ses choix didactiques actuels.
On a pu observer comment Isabel passait progressivement d'un je étUdiante, humble et réservé (les lettres de petite taille) , à un je -future
enseignante de FLE. À mesure qu 'elle faisait le point sur ce qui avait
Changé dans l'enseignement/apprentissage des langues depuis son
�Marilisa Birello, Delphine Pluvinet et Corinne Royer
époque d'étudiante, elle devenait de plus en plus convaincue de son
rôle de future enseignante dont elle définissait avec assurance le répertoire didactique:
Les concepts et quelques principes fondamentaux de didactique
(malheureusement trop peu) qu'au long de ce cours (malheureusement
trop court) nous avons eu l'occasion d'apprendre - soit par la lecture du
manuel, par l'assistance aux cours théoriques de notre professeur et
par la discussion en groupes -, je peux affirmer positivement qu'ils ont
complètement bouleversé ma conception d'enseignement d'une L2.
Avec les nouvelles tendances, les plus récentes méthodes et les
énormes possibilités de trouver du matériel, je suis certaine que dans le
procès d'apprentissage d'une nouvelle langue tous les vieux concepts
de grammaire ennuyeuse, vocabulaire difficile, prononciation impossible ont disparu complètement de l'horizon.
Dans son journal, Anne trace son portrait d'enseignante autodidacte
qui a su développer un savoir-faire professionnel en réaction à ses
mauvaises expériences comme apprenante de langues et son journal
prend le ton d'un bilan plus personnel que professionnel. On ne trouve
pratiquement pas dans sa narration de mise en perspective de ses représentations, savoirs et croyances préalables avec les apports théoriques et pratiques du CAP et les rares allusions à la formation du CAP
sont davantage des marques d'adresse à la formatrice, destinataire
du journal, que l'occasion d'une remise en question de ses pratiques
didactiques. On n'observe pas à travers l'écriture d'Anne des indices
de développement ou simplement de modification de son répertoire didactique. Anne traverse, sans changer, le dispositif de formation. Fautil trouver dans cet échec de formation/apprentissage une explication à
la conclusion négative d'Anne qui, après avoir décrit et défendu avec
enthousiasme son savoir-faire professionnel, change brusquement de
ton et termine par une remise en question de son avenir comme enseignante ?
Isabel comme Anne ont toutes deux compris le journal comme un
moyen de réfléchir leurs expériences mais il y a une différence notable
entre les deux auteures : Isabel conçoit le journal dans une perspective
d'apprentissage; elle écrit un texte en partie académique dans lequel
�Les journaux de réflexion des futurs enseignants de FLE dans l'enseignement public en Catalogne
elle montre ce qu'elle a appris. C'est pour cette raison qu'elle recourt à
une structure si graphique qui lui permet de rendre compte d'une part,
des thèmes vus en classe et d'autre part, de les commenter en fonction
de son vécu pour se positionner en tant que future enseignante. Anne,
pour sa part, pense son texte davantage comme un journal intime, un
espace personnel où elle décrit son vécu et sa pratique d'enseignante.
La réflexion qui apparaît dans les deux journaux naît des relations
que les auteures établissent entre différentes sphères d'expérience.
Ces relations sont observables à travers les identités que le pronom
«je» recouvre et qui peuvent évoluer tout au long du texte. On constate
cependant que chacune a privilégié une identité: chez Isabel, le Jeenseignante en formation est plus présent que dans le discours d'Anne, où le je-personne prédomine. Dans son journal, Isabel annonce le
changement de sa perception de la didactique dès l'introduction. Tout
au long de son discours, elle réfléchit comment la classe de didactique
a permis de lui faire prendre conscience de ses croyances, représentations et savoirs préalables pour les modifier. À la fin de son journal, elle
énonce clairement et positivement que le cours a «bouleversé» son
point de vue sur le métier d'enseignante de langue.
Pour sa part, Anne utilise le journal comme un journal intime, et ses
Conclusions n'ont pas pour objectif d'évaluer les apports de la formation dans sa pratique professionnelle. Son évaluation se centre logiquement sur son propre savoir-faire longuement décrit mais sans qu'il
Y ait indices de remises en question.
Le journal permet à l'une comme à l'autre d'accéder à une étape
d'introspection et de refléter leur parcours personnel et leur futur professionnel en intégrant leur propre trajectoire d'étudiante en langues,
mais c'est dans le texte d'Isabel que l'on observe vraiment le fait que
la formation influence et modifie ses croyances, représentations et savoirs.
EN GUISE DE CONCLUSION
À la lumière des textes examinés nous constatons que la rédaction
d'un journal de réflexion est un processus dynamique qui en fait un
lieu potentiel d'apprentissage et de construction d'une identité et d'un
�Marilisa Birello, Delphine Pluvinet et Corinne Royer
répertoire professionnels à condition que la personne en formation
contraste et mette en relation ses trois sphères d'expériences personnelle, universitaire et professionnelle et qui sont observables à travers
l'analyse des rôles véhiculés par le pronom je.
La liberté et la sincérité avec lesquelles Isabel comme Anne ont organisé et rédigé leur journal montrent l'intérêt de ne pas trop formater
l'exercice du journal de réflexion au risque de le transformer en un pur
exercice normé où le sujet n'aurait plus d'espace pour poser sa voix.
Mais d'un autre côté, un guidage semble nécessaire pour entraîner
l'enseignant en formation dans une réflexion constructive qui favorise
l'intégration des trois sphères de l'expérience et lui permette de développer son répertoire didactique quel que soit son bagage de départ.
�CHAPITRE 11
OBSERVATOIRE DU DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL
DES NÉO-TIT LAIRES
EN COLLÈGES «AMBITION RÉUSSSITE» :
TRAJECTOI ES, ACTIVITÉS ET IDENTITÉS
L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES NÉO-TITULAIRES:
UNE QUESTION DE CHANCE?
Le Livre vert sur l'évolution du métier d'enseignant (Pochard, 2008)
pointe comme carence essentielle de la gestion des personnels de
l'Éducation nationale la prise de fonction des enseignants du second
degré. En effet, 40 % des titulaires nouvellement affectés en établissements difficiles sont des néo-titulaires. Leur affectation sans autre expérience que celle acquise lors des stages de formation initiale repose
sur la conviction que ces jeunes enseignants seraient cc plein d'ardeur
et d 'énergie et beaucoup plus tournés vers le travail en équipe que les
anciens [partant massivement à la retraite] et qu 'il suffirait de les acCompagner et de les décharger d'une partie de leurs services pour régler le problème» (p. 85). Ce constat alimente au plan international les
débats et prospectives sur la question de la redéfinition de l'insertion
prOfessionnelle des jeunes enseignants à la suite des critiques toujours
vives portées à l'égard des plans de formation initiale. Trop souvent
encore, l'apprentissage du métier s'effectue directement à partir des
pratiques, des cultures et des normes du contexte scolaire. Dans cette
version informelle , l'insertion est une question de chance , susceptible
de produire des résultats positifs, mais aussi des résultats négatifs , en
Ce qui concerne l'acquisition du niveau souhaité d'expertise des enseignants (Schwille et Dembélé , 2007) .
�Luc Ri a et Marie- Est ell e Rou ve
Dans les 249 Réseaux Ambition Réussite du plan de relance de
l'éducation prioritaire (2006) , des moyens humains et financiers supplémentaires ont été octroyés pour accompagner les élèves en difficulté et réduire les inégalités scolaires. C'est ainsi qu'apparaissent
de nouvelles formes de travail comme la co-intervention en classe ou
le travail en équipe sur de multiples projets transdisciplinaires (Gelin ,
Rayou et Ria, 2007) . Cependant, force est de constater que la surprescription des orientations institutionnelles pour répondre aux mutations de ces publics scolaires défavorisés n'a d'égale que la sousprescription des moyens concrets pour y parvenir (Félix et Saujat, 2008).
C'est dans ce contexte de renouvellement des conditions d'exercice et
des finalités mêmes du métier d'enseignant qu'a été créé un observatoire de recherche ' sur le développement professionnel des néo-titulaires
dans des établissements Ambition Réussite de l'Académie de Créteil ,
pour comprendre leur travail quotidien , leur adaptation à l'ensemble des
nouvelles prescriptions devant des publics réputés difficiles (Ria, 2009 ;
Rouve et Ria , 2008) . Il s'agit de savoir si ces « nouveaux enseignants »
vont transformer (ou non) la professionnalité enseignante , au sens où ils
se forment au métier, intègrent une profession et assument leur enseignement de manière différente comparativement à leurs aînés (Rayou et
van Zanten, 2004). L'objectif in fine de notre programme de recherche
est de produire des connaissances sur le travail réel des néo-titulaires en
milieu difficile pour préparer le plus favorablement possible à ce métier
en re -normalisant une partie des prescriptions de la formation initiale
(Ria, Leblanc, Serres et Durand, 2006) .
1. En collaboration avec Patrick Rayou, sociologue de l'éducation depuis 2005 et avec le
Centre de Ressources Alain-Savary de l'I NRP depuis 2007.
�Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires en collèges « ambition réusssite »
OBSERVATOIRE DU DÉVELOPPEMENT
PROFESSIONNEL EN MILIEU DIFFICILE 2
Cadre théorique
Notre programme de recherche en ergonomie cognitive s'inscrit
dans le courant de « l'action ou la cognition située ». Il s'attache à décrire l'organisation intrinsèque du « cours d'action» (Theureau, 2004) ,
c'est-à-dire la dynamique de construction de signification des acteurs
dans le cours de leur activité. Il s'appuie sur le postulat principal que
l'homme pense et agit par signes. Il prend et spécifie l'activité humaine
comme objet théorique, d'étude et de conception . La définition de cet
objet est tenue par une quête de pertinence écologique et scientifique
(Durand, 2008).
Quatre présupposés essentiels le caractérisent.
Premièrement, l'activité est indissociable de la situation dans laquelle
elle prend forme (Varela, 1989) et l'acteur participe à la construction
de cette situation. L'activité se caractérise par une succession d'états
transitoires d'équilibre et de déséquilibre . Son étude revient à analyser
l'histo ire des couplages acteur/situation en repérant les éléments stabilisateurs ou déstabilisateurs.
Deuxièmement, l'activité s'accompagne d'une conscience préréflexive (Theureau, 2004), dont l'acteur peut rendre compte, au moins
en partie moyennant des conditions favorables de collaboration . Cette
Conscience préréflexive n'est pas ajoutée à, mais constitutive de son
activité . L'accès contrôlé et raisonné à l'expérience permet de mettre à
jour les ressources cachées de l'action.
Troisièmement, l'activité donne lieu à la construction de connaissances sur la base d'inférences validant ou invalidant des connaissances antérieures ou en construisant de nouvelles en relation avec
l'efficacité pragmatique des actions réalisées dans la situation préSente. Ces inférences s'appuient sur des processus de typicalisation
2. Depuis le plan de relance de l'éducation prioritaire (2006), les col lèges Ambition Réussite accueillent les publics les plus en difficulté sur les plans sodo-économiques et scolaires, mais iis ne sont pas pour autant les seu ls établissements à présenter des conditions
d'enseignement difficiles.
�Luc Ria et Marie - Est ell e Rouve
par lesquels les acteurs catégorisent des situations, événements ou
actions sur la base de jugements de typicalité. Ils s'appuient sur l'identification d'un faisceau de ressemblances ou de différences entre expériences successives pour juger de cette similarité.
Quatrièmement, l'activité exprime à la fois une singularité et une appartenance à une communauté (Lave et Wenger, 1991). Bien que ressentie comme singulière et subjective , elle se déploie sur la base d'un
héritage culturel qu'elle se ré-approprie et dont elle porte l'empreinte
par le biais de processus de sémiotisation de l'expérience.
Décrire et analyser le cours d'action implique de mettre à jour les
processus de construction de signification incorporée dans l'action. La
déconstruction puis la reconstruction de la dynamique de signification
de l'activité permet d'identifier les mondes propres des enseignants
débutants dont l'identité n'est pas définitive et permanente mais fluctuante selon leurs interactions avec leurs environnements de travail.
L'ensemble de leurs activités en classe et hors classe définissent des
micro-identités transitoires en fonction des événements et des micromondes changeants. Notre observatoire de recherche contribue alors
à modéliser ces processus de transformation de l'activité professionnelle ainsi que les trajectoires identitaires de ces jeunes enseignants
au travail.
Méthode
À ce jour une vingtaine de néo-titulaires de l'Académie de Créteil ont été filmés en classe et ont participé à des entretiens d'autoconfrontation . Six d'entre eux de cinq disciplines d'enseignement ont
été suivis dans leur travail , du 1er septembre 2007 au 30 juin 2008, au
sein d'un collège Ambition Réussite de Saint-Denis (93) . Leur activité
en classe a été filmée à six périodes différentes de l'année scolaire
à l'aide d'une caméra numérique et d'un micro HF. Ce corpus vidéo
d'environ 75 heures a été complété par des entretiens d'autoconfron tation visant l'expression par les enseignants de leur activité significative . Ceux -ci ont par ailleurs consigné quotidiennement sur un journal
de bord (JdB) des traces de leur activité en classe et/ou hors classe ,
notamment les événements le s plus saillants, de leur point de vue ,
vécus au cours de leurs journées dans l'établissement scolaire . Des
�Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires en coll èges
entretiens de remise en situation (ERS) ont consisté à présenter aux
enseignants des extraits de leurs journaux de bord en leur demandant
de décrire ce qu'ils pensaient, ce qu'ils prenaient en compte pour agir,
ce qu'ils percevaient ou ressentaient.
La mise en correspondance des données relatives à la description
extrinsèque de l'activité (observations et notes ethnographiques du
chercheur, traces de l'activité) avec les données de verbalisation relatives à sa description intrinsèque (entretiens d'autoconfrontation ou
de remise en situation) a permis de décrire la nature des significations
émergeant lors du travail des néo-titulaires (émotions, attentes, préoccupations, connaissances). Dans cette perspective, le développement
professionnel est appréhendé en repérant conjointement l'évolution
des composantes de leur activité et ses effets sur celle des élèves.
Leurs façons de vivre le métier ou « d'être enseignant» au fil des expériences, d'y éprouver concrètement et de manière plus ou moins intense du confort ou de l'inconfort, participent à la modélisation de leurs
trajectoires identitaires sur des empans temporels longs .
Résultats
Le développement professionnel des enseignants du second degré
en début de carrière est étudié pour ce texte selon des empans tem porels longs à partir de deux focales distinctes , l'une singulière, l'autre
typique:
a) la description du flux annuel de l'activité en classe et hors classe
d'une néo-titulaire en éducation physique et sportive permettant de
mettre en évidence l'évolution de ses préoccupations professionnelles
et
b) la modélisation d'une activité vécue de manière critique par la majorité des néo -titulaires, quelle que soit leur discipline d'enseignement:
les débuts de cours pendant lesquels leurs efficacité et identité sont
mises à l'épreuve quotidiennement.
«
ambition réusssite»
�Luc Ria et Marie - Estelle Rouve
FLUX ANNUEL DE L'ACTIVITÉ EN CLASSE
ET HORS CLASSE D'UNE NÉO-TITULAIRE
Le suivi longitudinal 3 de l'activité professionnelle de Lise, néo-titulaire deuxième année en éducation physique et sportive dans un collège Ambition Réussite de Seine Saint-Denis (93), a permis de repérer
quatre thèmes saillants (ou préoccupations) durant son année scolaire:
a) l'agitation des élèves,
b) l'implication dans de multiples projets transdisciplinaires,
c) l'intégration au sein du collectif enseignant et de la communauté
scolaire,
d) le désagrément persistant d'une installation personnelle précaire.
Nouvelle dans l'établissement, Lise évoque dès les premières
heures d'enseignement ses difficultés à contenir l'agitation des élèves,
notamment en début de cours pour les mettre rapidement au travail.
Déployant « beaucoup d'énergie pour obtenir le calme et l'attention»,
elle s'estime « physiquement vidée» (JdB, 13 sept.). Lise compense
son manque d'efficacité en « animant les cours à 200 % », mais sans
pour autant pouvoir supprimer le « risque permanent de dérapage»
(JdB, 15 oct.). Elle enseigne avec le sentiment récurrent d'être « sur
le qui-vive », à la merci des actions imprévisibles de ses élèves: «Je
suis dans une sorte "d 'insécurité pédagogique" au sens où rien n'est
acquis, rien n'est sûr... » (JdB, 18 janv.). Lise ressent très vite le besoin
de « souffler un peu, de profiter d'un moment de répit» dans la salle
des professeurs et de s'isoler dès sa sortie du collège: « Une fois dans
le bus, je mets mes boules Quiès : je n 'ai rien trouvé de mieux pour
me couper un temps des bruits quotidiens et me recentrer un peu sur
moi-même.» (JdB, 11 oct.) . Dès les premiers mois d'enseignement,
Lise procède à des formes de renoncement nécessaires selon elle pour
supporter ces conditions d'enseignement: « Je pense que dans ce collège, si on ne veut pas trop souffrir il faut apprendre à laisser "passer",
si l'on veut survivre ... » (ERS, 27 nov.).
Lise a accepté en début d'année scolaire plusieurs fonctions au sein
de l'équipe éducative: professeure principale , membre du conseil d'ad3. Corpus de la thèse en cours en sciences de l'éducation de Marle-Estelle Rouve, soutenue par le centre Alain-Savary.
�Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires en collèges
ministration, secrétaire de l'association sportive ... Elle participe aussi à
plusieurs projets: école ouverte, aide aux devoirs, aide au travail personnel et projets interdisciplinaires. Lise reconnaît les bénéfices qu'elle
en tire en termes d'apprentissages professionnels : « Ce collège est
pour moi un véritable laboratoire d'expériences qui me permet d'accéder aux compétences de plus en plus variées que ce métier exige
dorénavant» (JdB, 21 janv.). Cependant cette forte implication dans
ces projets éducatifs a tendance à fragiliser les repères construits avec
ses propres élèves: « La dernière séance de ce cycle date d'un mois et
demi, car plusieurs occupations annexes ont à chaque fois fait sauter le
cours [ ... J. La reprise en main est difficile. » (JdB, 16 avril). Elle mesure
la difficulté de répondre aux besoins de chacune de ses fonctions tout
en maintenant un niveau élevé d'exigence avec ses classes et réinterroge la place de sa propre discipline d'enseignement au sein de son
métier: « Plus que jamais je m 'aperçois que mon rôle de prof d'EPS
n'est que la face visible de l'iceberg. Difficile parfois de gérer les interactions avec les pairs, les supérieurs, l 'administration et de se sentir
considérée comme un maillon impersonnel de ce système » (JdB, 25
janv.).
L'épreuve quotidienne d'interactions problématiques avec des
élèves récalcitrants ou tout simplement agités favorise le développement d'échanges entre enseignants du collège. Lise fait de ce soutien collectif l'une dés clefs de sa propre intégration professionnelle:
« Dans un collège comme ça, la réussite d'un enseignant ou son intégration ou son bien-être dans un établissement dépend de la façon
dont il est dans une équipe» (ERS , 27 nov.). Cependant, des tensions
vives peuvent apparaître partois, comme lorsqu'elle est interpellée en
salle des professeurs par une collègue : « Particulièrement énervée,
elle commence à me crier dessus, à s'acharner sur moi, se disant "à
bout de nerfs" à cause de trois élèves de cette classe-là. Selon elle,
cela fait longtemps qu 'elle signale ces problèmes, mais les professeurs
principaux ne font pas leur travail. Désarmée, je ne sais que répondre.
Ces paroles publiques ultra agressives m 'ont extrêmement déstabilisée et faite culpabiliser quant à ma capacité à assurer la fonction de
prof principal. » (ERS , 29 janv.). Les relations conflictuelles entre col lègues lui apparaissent plus déstabilisatrices encore que celles l'opPosant aux élèves : « Il est déjà assez compliqué à mon sens de gé-
«
ambition réusssite,.
�Lu c Ria et Ma ri e- Est ell e Rouve
rer les élèves, s'il faut désormais gérer les profs, alors là, la mission
devient impossible !l!» (JdB, 15 janv.). C'est parfois le regard passif
de collègues provenant d'établissements a priori moins difficiles, lors
d'une rencontre entre associations sportives , qui provoque chez Lise
des doutes identitaires profonds:
« À ce moment-là, j'ai vraiment eu honte de mes èlèves, j'avais non
seulement l'impression qu 'il était alors plus raisonnable de ne pas les
montrer, les sortir, pour ne pas faire de vagues, mais aussi et surtout
l'impression de ne pas être capable de les tenir, comme n 'importe quel
enseignant d 'EPS pourrait le faire » (JdB, 20 fév.) .
La fatigue professionnelle après plusieurs mois de surinvestissement
en classe et dans les différents projets éducatifs devient un thème récurrent dans le journal de bord de Lise:
« Le rythme soutenu de la semaine a été lourd à suivre. Cela m 'inquiète un peu car il reste encore six semaines avant les vacances de
février et j'ai tout intérêt à ne pas griller mes batteries trop vite sous
peine de devenir de moins en moins efficace et de plus en plus aigrie.»
(JdB , 11 janv.).
Elle recherche alors à s'économiser: « J 'avoue que je n 'ai pas la
hargne nécessaire pour mener 6 heures de cours comme il faudrait,
avec présence, implication, sourire ... [ ... ] . Aujourd'hui, vue ma fatigue,
j'essaie de ne pas trop faire de vagues.' proposer aux élèves un grand
volume de jeu, matchs à thèmes et interclasses si possible, de façon
à ce que je puisse les observer en retrait et n 'intervenir seulement si
nécessaire » (JdB, 22 fév.) . Cette sensation de fatigue devient omniprésente en fin d'année : « La fatigue me donne l'impression que toutes
les situations deviennent pénibles » (JdB , 22 mai) et la conduit à recon sidérer sa propre image en tant qu 'enseignante: « Je crois que lentement je réussis à faire le deuil de "la super prof", celle qui enchante tout
le monde, ce défi que tout jeune prof se lance, pensant par sa simple
bonne volonté réus sir à changer le monde. » (JdB, 23 mai) .
Mais au-delà des contraintes mêmes de son métier et des résignation s identitaires qu 'elles imposent, c'est son environn ement de vi e
personnelle qui apparaît au fil des moi s de plu s en plus un motif de désagrément : « Incontestablement, la vie du collège me hante, m 'épuise.
Mais ce qui me pèse par-dessus tout, c'est le contexte dans lequel j e
me trouve .' loin de ma famille, dans une ville de banlieue parisienne
�Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires en collèges
où tout se vit dans l'urgence et l'immédiateté, où l'on perd la majorité
du temps à courir après le temps, et où les moindres déplacements
prennent trois quarts d'heure fff Les élèves, ça va ... , c 'est tout ce qu'il
ya autour que je trouve de plus en plus lourd à porter» (JdB , 28 mars).
Paradoxalement, Lise porte a posteriori un regard positif sur son année scolaire : « Malgré le fait que j'ai trouvé cette année longue et
éprouvante, j'ai un pincement au cœur à l'idée de ne plus avoir à remettre les pieds au collège cet été» (JdB, 1er juil.). Ceci s'explique
par sa capacité à avoir su surmonter ses propres difficultés en classe
et s'imposer aux yeux de la communauté scolaire comme une enseignante dynamique, efficace et très collaborative . Elle insiste même sur
le potentiel extrêmement fécond d'une telle entrée dans le métier: .
« Nous nous accordons tous [les néo-titulaires] pour dire que ces
quelques années au collège resteront une superbe aventure professionnelle et humaine, et que les enseignants ayant obtenu leur mutation se sentent prêts à enseigner dans n 'importe quel établissement
désormais» (JdB, 1er juil.) .
MÉTAMORPHOSES DES FAÇONS DE PENSER
ET D'AGIR EN DÉBUT DE COURS
Si les jeunes enseignants du second degré s'estiment très attachés
à la discipline universitaire par et pour laquelle ils ont été recrutés,
ils constatent dès les premières interactions avec les publics hétérogènes que l'exercice de leur métier nécessite bien davantage que de
l'expertise scientifique . La multiplicité des incivilités, mineures la plupart du temps, ronge la vie des classes et requière la réinstallation à
chaque heure de conditions scolaires acceptables. Ce qui exige une
Part déterminante de pédagogie, considérée par certains comme le
« sale boulot », dont le rayon d'action s'étend bien au-delà de la classe.
L'installation des conditions nécessaires mais non suffisantes au travail scolaire devient parfois l'objectif unique face à des élèves récalcitrants. Presque la moitié des enseignants affirment éprouver encore
des difficultés importantes après cinq années d'expé rience pour mettre
les élèves au travail en début de cours (Guibert, Lazuech et Rimbert ,
2008). Lors de ces « passage s à risque» entre plusieurs activités, plu -
«
ambition réusssite»
�Luc Ri a et Mari e- Est ell e Rouve
sieurs temporalités et des territoires antagonistes, ils mobilisent beaucoup d'émotions et d'énergie (Ria et Rayou, 2008).
L'étude systématique sur plusieurs années scolaires des entrées en
classe d'une vingtaine de néo-titulaires exerçant en milieu difficile a
permis de repérer plusieurs activités typiques en début de cours hiérarchisées les unes aux autres, mais aussi des transformations typiques
au fur et à mesure des expériences en classe quelle que soit la discipline enseignée. Ces transformations typiques peuvent être décrites
schématiquement à partir de trois principaux critères:
a) l'évolution de leur engagement corporel et intentionnel lors de
l'accueil des élèves,
b) la mobilisation de plus en plus précoce des savoirs scolaires, notamment de l'écrit, pour enrôler le plus rapidement possible les élèves,
c) la construction empirique de différentes formes de configurations
collectives stables et régulières structurant l'activité des élèves et offrant de nouvelles opportunités pour leur propre action .
Ces transformations typiques ne constituent pas des passages invariants quelles que soient les conditions d'enseignement, la personnalité
de l'enseignant ou l'expérience professionnelle ; des variations peuvent
être observées pour un enseignant au cours d'une même journée avec
des classes différentes ou selon les périodes scolaires plus ou moins
favorables au travail scolaire. D'autres formes d'activité sont égaIement possibles. Néanmoins , celles décrites ci-dessous constituent des
modalités récurrentes dans la façon de percevoir, d'interpréter et d'agir
en classe en début de cours pour un même enseignant et plus largement pour une communauté de débutants .
Lors de leurs premiers face à face avec des publics difficiles, beau coup de débutants s'estiment démunis de solutions efficaces pour
amorcer leur travail rapidement . Ils attendent souvent de manière statique, en retrait derrière leur bureau, les conditions favorables pour
cette mise au travail. Les élèves, experts de ces situations d'attente ,
multiplient les activités parallèles pour la retarder. Cette situation professionnelle très inconfortable donne lieu à d'incessantes négociations :
« J 'essaye de ne pas rentrer en conflit avec ces élèves . Le dialogue est
nécessaire pour ne pas les braquer... ». Les débutants ont tendance à
mettre à l'écart leur discipline d'enseignement tant qu 'il s n'ont pas établi l'ordre en classe . Ce qui repose sur la conviction qu 'il est nécessaire
�Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires en collèges
d'attendre l'i nstallation d'un climat de classe suffisamment propice à la
délivrance des consignes pour garantir l'efficacité du travail scolaire.
En réaction à ces premières expériences douloureuses, les enseignants n'attendent plus les élèves; ils vont à leur devant en créant un
sas d'accueil près de la porte, les yeux dans les yeux , pour signifier
ostensiblement le changement de territoire, le rappel des règles en
vigueur. Ils les enrôlent ensuite à peine entrés dans la classe sur des
tâches écrites souvent de bas niveau d'exigence scolaire (recopiage
ou textes à trous) : «Au bout de deux mois, après avoir essayé plein de
trucs, j'ai réussi à reprendre la main en les faisant écrire systématiquement en début de cours [de mathématiques] ... » . Leurs interventions
sont parfois cinglantes, traduisant chez certains d'entre eux la p'eur
d'être encore chahutés: « En fait, j'ai toujours peur que ça parte en
vrille [chahut], toujours ... ». Cette façon d'agir repose cette fois sur la
conviction que le travail écrit individuel avec des consignes minimales
peut contribuer de manière efficace à la diminution du bruit et à la prise
en main progressive de la classe dans son ensemble.
Des configurations d'entrée en classe apparaissent ensuite avec
des exigences plus structurées : choix d'exercices attractifs avec une
graduation progressive du niveau de difficulté, modalités d'évaluation
du travail écrit, répartition des élèves leaders dans différents groupes,
délégation de rôles spécifiques, etc. Ces configurations collectives ritualisées neutralisent l'agitation réelle ou potentielle tout en offrant des
possibilités d'actions aux enseignants dans d'autres registres (supervision à distance, anticipation de la suite de la leçon, etc.). Les enseignants reconnaissent l'intérêt personnel qu'ils portent à ces modalités
d'entrée en cours: « Là, c 'es t calme, c 'est ce que je recherche, moi ça
me permet de me re-poser [se poser de nouveau] et de penser à plein
de choses ... ». Ces configurations sont vécues comme « les îlots» d'un
Confort d'enseignement enfin retrouvé. Les exercices scolaires y sont
en quelque sorte détournés de leur fonction première, instrumentalisés
à des fins de protection de soi: la recherche pragmatique d'une stabilité de l'activité en classe, d'un plus grand confort d'e nseignement est
première , la pertinence didactique seconde.
La prise de recul produite par ces rituels d'entrée par l'écriture permet
aux enseignants d'e n interroger la pertinence , non plus du point de vue
de leur propre confort au travail mais de celui du travail scolaire propo-
cc
ambition réusssite"
�Lu c Ria et Ma ri e- Es t ell e Rouve
sé aux élèves. Certains commencent alors à employer ces procédures
de mise au travail de manière plus circonstanciée: "Je ne me sépare
pas totalement de l'écrit en début d'heure, mais ce n 'est plus systématique. Je ne l'utilise plus seulement pour avoir la paix. Cela me permet
d 'adapter le déroulement du cours aux moments de la journée ou de
la semaine, en fonction du profil des classes » . D'autres les abandonnent, les jugeant finalement trop infantilisantes ou trop éloignées des
prescriptions institutionnelles . Avec plus d'expérience , ils parviennent
non sans énergie à canaliser l'agitation collective en début de cours
et à percevoir le point de bascule favorable à l'amorce des premières
questions disciplinaires : ,,1/ faut que je capte ce début de silence pour
prendre la main ... 1/ faut qu 'avec une question de maths, toutes les
conversations tournent enfin autour des maths et de ce que l'on a fait
au cours précédent ... » . L'enrôlement des élèves dépend alors de leur
capacité à susciter l'intérêt, la curiosité, les confrontations interindividuelles. Ils s'estiment « être dans l 'arène », s'épuisant à contenir l'ardeur des réponses bruyantes et souvent décalées par rapport à leurs
attentes . L'adhésion des élèves provient de leur très forte imp lication ,
d'un rapport presque passionnel avec la matière qu 'ils enseignent. Ils
ne cessent de légitimer leur propre activité en arguant des bénéfices
tirés d'un travail assidu dans leur matière. À cette nouvelle étape, ce
qui est gagné en pertinence didactique se perd de nouveau - toutes
proportions gardées - en confort personnel d'enseignement. Il faudra à
ces débutants déjà efficaces encore de l'expérience pour tenir à la fois
un haut niveau d'exigence disciplinaire et un engagement personnel
plus efficient (au sens d'une grande économie de soi).
�Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires en collèges
DISCUSSION GÉNÉRALE
Normes institutionnelle
versus normes de viabilité personnelle
Que l'activité des néo-titulaires soit étudiée selon des temporalités
longues (trajectoires à l'année) ou dans des espaces/temps plus circonstanciés (débuts de cours), elle montre comment ceux-ci s'adaptent
au quotidien dans ces établissements réputés difficiles. Les premières
données décrivent le genre d'épreuves que les débutants rencontrent au
gré des interactions avec des collectifs hétérogènes (classes, équipes
disciplinaires, personnels administratifs, parents d'élèves, etc.) et l'impact positif ou négatif que ces derniers génèrent sur la construction de
leur identité au travail. Les secondes montrent comment des situations
professionnelles critiques mettent également en jeu leur identité et légitimité . Les enjeux de l'entrée dans le métier des néo-titulaires dépassent ainsi largement ceux liés à la transmission des savoirs scolaires.
Tout se passe comme si l'activité professionnelle en classe ou hors
classe se construisait selon des phases alternatives de confort/inconfort, de stabilité/d 'instabilité, d'économie de soi et de recherche d'une
plus grande pertinence dans l'exercice du métier.
Pour se protéger 1es débutants fabriquent des mondes viables dont
les normes successives se transforment. Ces normes constituent des
critères subjectifs provisoires, produits de la dynamique sans cesse
renouvelée de leurs conditions de travail. Les débutants privilégient
en classe les actions efficaces, de leur propre point de vue , quelles
qu'elles soient, en rejetant (provisoirement) les critères institutionnels
qui mettent en jeu leur identité. Ils ont tendance à choisir les exercices
scolaires selon leur capacité à occuper les élèves, selon le bruit qu 'ils
génèrent, le confort qu'ils procurent. Ils recherchent des espaces de travail stables et prévisibles et rejettent ceux qui peuvent potentiellement
les surexposer. Leurs mondes de viabilité intègrent ainsi des critères
personnels significatifs: confort/inconfort, seuil acceptable de décibels,
degré acceptable d'émotion devant les élèves, degré de mise en péril
de leur statut et de leur identité, etc. D'autres critères plus formels ne
Sont pas forcément des éléments discriminants (tout au moins dans un
premier temps) de leur activité: critères d'apprentissage des élèves,
«
ambition réusssite"
�Luc Ri a et Mari e- Es t ell e Rou ve
degré de pertinence et de maîtrise des tâches scolaires proposées
aux élèves. Ce qui fait que pour que leur monde soit viable, certains
enseignants détournent les critères de viabilité formels proposés par
l'institution et intégrés en formation initiale. La question de l'efficacité
au travail prend alors un double sens: celui lié aux apprentissages de
leurs élèves mais aussi et surtout celui lié à leur propre capacité à inscrire leur investissement dans la durée d'au moins une année scolaire.
L'usage des modélisations de l'activité novice
en formation initiale
Ces modélisations synthétiques et dynamiques des trajectoires et
des activités typiques peuvent devenir des artefacts pour la formation
des futurs enseignants (Leblanc, Ria, Dieumegard, Serres et Durand ,
2008). S'il est nécessaire de les prévenir et de les préparer à un métier
sans en masquer les difficultés, il semble tout aussi important de ne
pas verser dans des analyses misérabilistes ou des perspectives totalement pessimistes. Il s'agit en formation d'insister sur la dynamique de
transformation de l'activité professionnelle pour en comprendre les fondements et le développement potentiel, plutôt que de s'attacher à mettre
l'accent sur des situations problématiques dont l'analyse n'apporterait
aucune piste féconde pour les interpréter et les résoudre . Cette perspective requiert de la part des formateurs une bonne connaissance des
conditions réelles d'exercice professionnel mais aussi des étapes du
développement de l'activité des novices . Sur ce point, les artefacts de
formation doivent pouvoir perturber les dispositions à agir des apprenants , sans totalement les déstabiliser, pour les enrichir de nouvelles
potentialités dans la façon de percevoir, d'interpréter les situations de
classe mais aussi celles se déployant en dehors de la classe (plus rarement étudiées et analysées en formation initiale) .
Ce qui nécessite d'analyser en formation l'activité débutante de manière prudente sans la stigm atiser ni la réifier, en la positionnant au
contraire de manière dynamiqu e parmi un ensemble de modélisations
de traj ectoires typiques , de continuum s développementaux caractéri stiques des novices, pour rep érer les marg es de progrès potenti els, les
chang ements ou bifurcation s possibles en term es de répertoires d'action s (Ria, 2009) . L'activité est alors appréhendée comm e:
�Observatoire du développement professionnel des néo-titulaires en coll èges «ambition réusssite »
a) une forme provisoire d'adaptation dont l'étude des autres activités
typiques en amont et en aval donne des clefs pour la comprendre et la
transformer,
b) comme un élément de compréhension plus large du développement des débutants pour montrer les aspects génériques d'une communauté enseignante débutante , et non les difficultés inhérentes à des
enseignants en particulier.
Pour autant, le danger d'une telle conception serait d'aboutir à une
euphémisation des prescriptions adressées aux novices en formation ,
à un relativisme bienveillant mais peu productif. Pour éviter cette dérive , il est nécessaire de baliser les contours des trajectoires probables
de l'activité des débutants en proscrivant des limites déontologiquement
ou didactiquement non acceptables sans pour autant prescrire de manière dogmatique la « bonne pratique ». Ce qui a en général peu d'effet.
1/ s'agira plutôt d'encourager certaines actions en acceptant les marges
de manœuvres personnelles, les improvisations ou les décalages.
��CHAPITRE 12
PARCOURS D'ENSEIGNANTS-STAGIAIRES
ET PASSAGE [JANS LE MONDE DES NÉO-TITULAIRES:
CONSTRUCTI NS ET DÉCONSTRUCTIONS
ENTRÉE DANS LE MÉTIER D'ENSEIGNANT
ET QUESTIONS IDENTITAIRES
Notre recherche s'intéresse aux processus de professionnalisation
des enseignants débutants à partir de leur deuxième année à l'IUFM,
durant laquelle ils sont professeurs-stagiaires de l'enseignement seCondaire (PLC2) . Elle tente de repérer les points d'appui mobilisés, les
tensions et adaptations conduisant à la construction progressive de
compétences professionnelles. Il s'agit plus particulièrement de saisir
les dynamiques en jeu, entre demandes institutionnelles et contextes
de travail que ces enseignants sont amenés à traverser durant l'année
de formation et après, lorsqu'ils sont néo-titulaires (T1) (Perez-Roux,
2006). Cette contribution tente d'appréhender les registres de sens investis à différents moments du parcours, le rapport à la formation qu'ils
éclairent et les questions identitaires qu'ils dévoilent.
Dans l'étude, l'identité professionnelle est envisagée dans une double
transaction biographique et relationnelle (Dubar, 1992). Ces transactions renvoient à des actions qui traversent la situation individuelle et
nécessitent délibérations, ajustements et compromis. Or, à l'échelle du
parcours, le moment crucial de « l'entrée dans le métier» implique des
changements auxquels l'enseignant est tenu de s'adapter. Comment
préserve-t-il le sentiment de rester le même tout en se transformant
Pour faire face à la complexité du métier ou pour s'adapter à de nou-
�Thé rès e Pe rez - Ro ux
veaux contextes? Comment négocie-t-ill 'expérience passée (PLC2) et
présente (T1) ? Comment se projette-t-il dans l'avenir professionnel?
Quelles relations repère-t-il entre ce qui a été construit et validé en formation et la prise de conscience des (im)possibles à venir?
Par ailleurs, chacun élabore une « image de soi» en relation - accord, tension, contradiction - avec celles que, selon lui, les autres lui
attribuent. Comment le stagiaire puis le néo-titulaire prennent-ils en
compte l'ensemble des regards croisés sur leurs pratiques? Quels rapports aux pairs devenus des professionnels à part entière avec leurs
coutumes , leurs implicites, leur résistances, leur potentiel aussi? Com ment s'insèrent-ils progressivement dans le groupe professionnel ?
Dans quelle mesure cela les aide-t-il à se définir eux-mêmes comme
professionnels?
Enfin, comment est revisitée la diversité des expériences, les multiples ressources mobilisées dans une relation au travail singulière?
Comment les néo-titulaires peuvent-ils revendiquer une forme de cohérence de leur action, et choisir des modes d'implication professionnels
et/ou personnels qui les aident à faire face à la réalité professionnelle
(Perez-Roux , 2003) ? En effet, la construction identitaire se révèle dans
des formes d'implication définissant, au moins en partie, le rapport au
métier (Mias , 1998) .
De ce point de vue , les contextes institutionnels et humains offerts
aux « entrants » leur permettent-ils ou pas de construire une professionnalité adaptée, reconnue par les autres et acceptable pour euxmêmes?
Pour répondre à ces questions , une méthodologie à la fois quantitative et qualitative a été envisagée dans une perspective longitudinale.
Après une enquête par questionnaire proposée aux 343 enseignantsstagiaires du second degré des Pays de la Loire en novembre 2004,
vingt d'entre eux, choisis sur des critère s contrastés du point de vue
des réponse s au questionnaire , ont été suivis sur la base de trois en tretien s semi -directifs (décembre 2004, mars et juin 2005). Ces 60 entretiens ont été traités avec le logiciel d'analyse des données lexicales
Alceste 4.8 (Perez-Roux , 2008a) . Les résultats intègrent aussi une ap proche plu s qualitative portant sur des étude s de cas (Perez-Roux et
Briaud , 2007 ; Perez-Roux , 2007a, 2008b) . Une analyse structurale
du discours a permi s de sai sir le s oppo sitions, les relations les plus
�Parcours d'enseignants-stagiaires et passage dans le monde des néo-titulaires
structurantes et de comprendre la logique des acteurs confrontés à des
contextes professionnels auxquels ils doivent s'adapter.
Durant l'année 2005-2006, dix de ces stagiaires ont été suivis alors
qu'ils étaient néo-titulaires: deux échanges (septembre et janvier) par
voie électronique sur la base d'un protocole clairement défini ont été
complétés par un entretien semi-directif réalisé entre avril et juillet
2006. Nous avons choisi de présenter trois enseignantes de Lettres,
affectées en collège sur les deux années: PLC2 et T1.
POSITIONNEMENTS DES STAGIAIRES
ET CONSTRUCTION PROGRESSIVE D'UN RAPPORT AU MÉTIER
Nelly et Myriam, 24 ans, n'ont pas d'expérience professionnelle préalable, ni de connaissance particulière des publics jeunes lorsqu'elles
entrent en PLC2. Toutes deux abordent la formation avec beaucoup de
dynamisme et s'investissent pleinement dans l'établissement, y compris dans des projets relativement lourds à impulser et à gérer: face à
des élèves jugés peu motivés pour le travai l scolaire, toutes deux s'informent et se saisissent d'opportunités dans l'environnement culturel
de l'établissement d'affectation: pour Nelly, un festival de la sciencefiction ; pour Myriam, une programmation théâtrale dans une petite
structure culturelle. Ces projets sont l'occasion de rencontrer nombre
d'interlocuteurs dans l'établissement et au dehors, de penser l'organisation, l'accompagnement et la sécurité des élèves, en même temps
que se réfléchissent les contenus spécifiques, en amont et en aval de
l'évènement. L'une et l'autre ont des rapports jugés très constructifs
avec leur tutrice. Progressant rapidement sur des problèmes de gestion de classe, elles questionnent volontiers dans le groupe de formation les aspects didactiques et pédagogiques liés tant à l'enseignement
du français qu'à la prise en compte des caractéristiques des élèves
(niveau d'acquisition, centres d'intérêt, sens des apprentissages, etc.)
Une seule chose les différencie, le rapport au mémoire. Nelly a eu
des difficultés à entrer dans le travail: privilégiant le récit d'un projet
de classe, riche en péripéties, au détriment des analyses plus fines sur
les processus enseigner/apprendre, elle n'a pas tout à fait répondu aux
attentes de la formation en termes de réflexivité . Myriam, en question-
�Thérèse Perez- Roux
nant les logiques d'apprentissage des élèves, a nourri sa réflexion de
nombreuses lectures et mis en œuvre des dispositifs relativement innovants permettant de donner du sens aux apprentissages et d'engager
davantage certains élèves dans le travail.
Fatia, 28 ans, a déjà une expérience d'enseignante. Arrivée en
France à l'âge de cinq ans, elle a construit un rapport particulier à la
langue française qu'elle qualifie de « technique et pragmatique». Après
des études en Français Langue Etrangère (FLE), elle enseigne auprès de publics adultes non francophones , puis en tant que remplaçante dans plusieurs lycées. Son choix professionnel initial la conduit à
passer trois fois le concours d'éducatrice pour la Protection Judiciaire
de la Jeunesse (PJJ) : reçue aux écrits, elle est recalée à l'oral. Sa
réussite au CAPES interne de Lettres, alors qu'elle n'a bénéficié d'aucune formation préalable, lui ouvre la possibilité d'intégrer l'IUFM, ce
qu 'e lle choisit pour le faible nombre d'heures d'enseignement, sans
attentes particulières envers la formation , voire avec quelques réticences . Une orientation par défaut vers l'enseignement l'amène à garder une certaine distance vis-à-vis des autres stagiaires, des contenus
de formation et des formateurs. Relativement critique envers sa tutrice,
elle revendique une forme d'indépendance. Pourtant, l'enseignement
en classe de sixième lui pose quelques problèmes, en raison du cadrage pédagogique et didactique dont ces élèves ont besoin. Progressivement, elle assure un accompagnement plus méthodologique des
apprentissages. En relative difficulté face au mémoire, elle choisit un
thème très technique (et peu habituel) sur l'apprentissage de la langue,
ce qui limite les formes de mutualisation entre pairs. Bousculée lors de
la soutenance, elle termine l'année satisfaite à l'idée de se retrouver
enfin titulaire. Perplexe sur l'intérêt du métier, elle pense se réorienter
assez rapidement ou du moins partir dès que possible enseigner le
français dans son pays d'origine: le Maroc.
DEVENIR NÉO-TITULAIRE:
UNE AVENTURE À RISQUES DANS UN PAYSAGE INCERTAIN
L'année suivante renverse en partie les représentations sur la discipline, les contenus, les élèves, les collègues, le méti er, repérables en
�Parcours d'enseignants-stagiaires et passage dans le monde des néo-titulaires
fin de PLC2. Les trois enseignantes se retrouvent Titulaires en Zone de
Remplacement (TZR) sans l'avoir demandé .
Nelly est nommée dans l'Oise et effectue peu de remplacements,
excepté ceux d'une collègue faisant une formation pour l'accueil de
pUblics ASH et dont les pratiques sont aux antipodes de ce que la jeune
enseignante souhaite mettre en place au plan pédagogique et didactique . La collègue titulaire du poste insiste fortement sur la nécessaire
continuité des contenus et méthodes d'enseignement, préparant tout à
l'avance pour Nelly, qui se doit de suivre les consignes. Celle-ci vit très
mal ces périodes de remplacement, durant lesquelles le rapport aux
élèves reste relativement tendu, et où elle estime n'avoir aucune marge
de manœuvre (contrairement à l'année de PLC2) . Par ailleurs, hors
période de remplacement, sa présence quotidienne au collège l'amène
à proposer ses services aux collègues (dédoublement, soutien , miniprojets, etc.), sans succès. Les uns ou les autres lui signifient, implicitement, soit qu'ils n'ont pas besoin d'elle , soit qu 'ils ne tiennent pas à
vivre des formes d'intrusion dans leur cours . Cherchant des interstices
à investir dans le collège , elle trouve une solution pour gérer les temps
d'inactivité entre deux périodes de remplacement: un « vrai projet »,
interdisciplinaire , lui permet de trouver de nouveaux repères. Avec une
documentaliste néo-titulaire, elle crée un journal du collège, investit
l'espace de l'établissement et les temps libérés des élèves pour les
enrôler dans cette aventure , mobilise quelques enseignants, cherche
des financements à l'interne pour valoriser le travail, etc. Une véritable
dynamique se met en place autour de cette publication bimestrielle ,
amenant l'enseignante à élargir considérablement son espace d'action
et son réseau relationnel. Progressivement aussi , elle s'autonomise
par rapport à l'enseignante qu'elle remplace , essayant avec les élèves
d'autres manières de fonctionner, davantage en cohérence avec les
valeurs qu 'elle défend .
Myriam est nommée à La Réunion dans un établissement classé
Zone d'Éducation Prioritaire , avec une équipe de direction en partie
renouvelée et qui semble dépassée par l'état de violence régnant dans
ce collège , où les taux de réussite au Brevet sont des plus bas de
France . L'ann ée s'avère catastrophique : condition s matérielles difficiles (longs trajets , probl èmes financiers du s à l'installation , etc .), peu
de moyen s pédagogiqu es (photocopies, ouvrages en nombre très li -
�Thérèse Perez- Roux
mité, etc.), des élèves ayant de nombreuses lacunes en français, certains refusant même de le parler. Cumulant tous les handicaps: « je
suis une femme venant de métropole, je suis jeune et débutante et, en
plus, prof de français alors qu'ils revendiquent la langue créole !», elle
est confrontée en permanence à la violence verbale et physique dans
une « classe de l'échec» que personne ne voulait prendre en charge,
tant les élèves posent problème. Elle compte sur la fin de son remplacement prévu en décembre et espère un autre contexte, moins tendu.
Contre toute attente, son remplacement est reconduit jusqu'à la fin de
l'année alors qu'elle a plus ou moins laissé dériver la classe. Sans
marge de manœuvre, sans accompagnement de ses collègues, face à
des passe-droits inacceptables tolérés par le chef d'établissement, loin
de ses repères familiaux et culturels , elle fait face, difficilement. Lors de
l'entretien de fin d'année, elle évoque sa possible démission si l'année
de T2 ressemble à la précédente . La jeune collègue enthousiaste de
fin de PLC2 s'est métamorphosée: vivre le métier dans la peur n'est
pas tenable. Elle a le sentiment d'avoir perdu, dans ce contexte, des
compétences professionnelles repérées quelques mois avant et toute
forme de confiance en elle. Elle ne se reconnaît pas dans sa nouvelle
posture d'enseignante, intransigeante et fermée: « là, je blinde pour
tenir ... j'aimerais retrouver ma passion pour le français ... travailler à
travers certains auteurs sur le lien francophonie-créolité par exemple».
Fatia est nommée à Rouen sur un poste Français Langue Seconde
(FLS). Cet évènement inattendu lui permet de renouer avec l'enseignement du FLE et de suivre des élèves dont le parcours ressemble
en partie au sien. Ce poste à profil, inespéré en termes d'activation des
compétences construites au fil du parcours, l'amène à se définir davantage comme « une prof de langues qui fait du soutien scolaire dans
toutes les disciplines», ce qui ne constitue pas pour elle un problème,
au contraire. Plutôt en retrait lors de l'année de PLC2, elle s'investit
dans son travail pour favoriser l'insertion des élèves, souvent en situation illégale, et s'engage dans des réseaux sociaux de protection de
l'enfance, de soutien aux familles, retrouvant ainsi une action proche
de ses motivations initiales comme éducatrice PJJ . Le sentiment de
« travailler toujours sur le fil » tant la fragilité des situations singulières
de ces jeunes est grande, donne sens à son action au quotidien; si elle
en mesure les risques et les enjeux, elle en perçoit aussi l'utilité . En
�Parcours d'enseignants-stagiaires et passage dans le monde des néo-titulaires
revanche, la prise en charge de cette spécificité FLS l'isole dans l'établissement. Reconnue par un principal satisfait de son engagement,
elle est mal intégrée dans l'équipe des professeurs de français, inscrits
dans d'autres logiques d'enseignement et peu concernés par les problèmes qu'elle soulève. « Sans cadre de travail précis», elle construit
Son enseignement en tâtonnant et ne trouve pas, dans la formation
continue spécifique qui lui est offerte, une réponse à ses attentes ou à
ses demandes. Consciente des difficultés, de l'usure engendrée par les
mobilisations hors cadre scolaire liées à ce type de poste, elle redoute
malgré tout une possible réaffectation dans des classes « ordinaires»
à la rentrée suivante . Elle se démène donc pour faire reconnaître ses
compétences (liées au parcours antérieur) et conserver ce poste, d~ns
lequel elle s'est pleinement réalisée. Le projet de retour au Maroc est
différé.
DEVENIR ENSEIGNANT:
CONSTRUIRE, DÉCONSTRUIRE, RECONSTRUIRE
Poids des contextes et jeu des acteurs
Les analyses montrent bien l'importance du contexte au moment de
la phase d'insertion dans le monde professionnel. Au-delà de la qualité de l'accueil, de l'accompagnement des entrants, des repères qui
leur sont donnés ou qu 'ils ont à construire par eux-mêmes, on saisit le
jeu des acteurs et l'engagement dont ils sont capables. Par exemple
Nelly, mal acceptée par le collectif, décide d'être présente dans l'établissement quasi quotidiennement pour chercher des espaces à investir. Elle va trouver des alliances partielles sur la base de projets collaboratifs, notamment avec la documentaliste et avec une enseignante
d'EPS nouvellement nommée, intéressée par un projet danse-poésie.
Elle s'appuie donc sur le « hors temps scolaire» pour activer des comPétences et se construire professionnellement. L'énergie déployée en
PLC2 autour du festival de science-fiction est à nouveau mobilisée
dans un espace laissé ouvert et dans lequel elle peut se permettre
d'innover, y compris dans les formes de travail proposées aux élèves.
Négocier les sujets, amener les participants à réfléchir au style rédac-
�Thérè se Perez- Rou x
tionnel, mettre en place des débats, constituent pour elle des objets
didactiques qu'elle peut travailler « hors champ» et auxquels elle peut
réfléchir pour transposer ailleurs, plus tard, différemment.
Fatia va aller au-delà de ce qui lui est demandé dans l'enseignement
du FLS, en s'investissant au plan social, en élargissant son espace
d'action en dehors du collège : éducateurs, assistants sociaux, policiers deviennent des « partenaires» incontournables. Cet engagement
donne sens à son action en lien avec sa propre histoire, ses projets professionnels initiaux et lui ouvre des réseaux relationnels lui permettant
de rompre avec un relatif isolement au sein du collège . Si le contexte
lui a été favorable d'un certain point de vue, il lui a fallu déployer une
énergie considérable pour être à la hauteur de ses idéaux.
Ainsi lorsque le contexte offre des espaces à investir, encore fautil que les néo-titulaires TZR s'en saisissent, y compris lorsqu'ils sont
contraints de dépasser le seul horizon de la classe .
Cet ensemble d'éléments renvoie à la transaction biographique qui
« consiste à projeter des avenirs possibles en continuité ou en rupture
avec un passé reconstitué [une trajectoire] » (Dubar, 1992, p. 520). Elle
se situe donc entre identité revendiquée et identité visée ; elle renvoie à ce sur quoi on peut s'engager pour l'avenir, compte tenu de ce
qu'on a acquis. Dans les faits, elle amène souvent les acteurs à des
ajustements constants et problématiques entre prétentions initiales et
opportunités offertes.
Espaces-temps de la formation à renégocier
dans le monde professionnel
Durant la formation initiale, le travail est essentiellement organisé
entre le stagiaire, la classe et le tuteur, partenaire privilégié (PerezRoux, 2007b). Bien que les registres se diversifient en cours d'année
(conseil de classe, rencontres parents, etc.), chacun dans l'établissement sait que le stagiaire est en droit d'apprendre, qu 'il lui faut du
temps, un encadrement, et qu'il ne pourra pas investir trop d'espaces
à la fois . Il est donc implicitement déchargé d'un certain nombre de
contraintes (notamment horaires) que les professionnels en poste doivent gérer. D'autre part, affecté pour une année seulement, il est consi déré comme « de passage». Dans le meilleur des cas, on regrettera
�Parcours d'enseignants-stagiaires et passage dans le monde des néo-titulaires
Son dynamisme, son optimisme; le plus souvent ses collègues le jugeront un peu utopiste, trop influencé par les problématiques développées à l'IUFM , loin du terrain et des pratiques ordinaires.
Lorsque l'on est néo-titulaire, le registre des valeurs mobilisées en
PLC2 se trouve parfois chahuté. Il s'agit à présent de faire rapidement
ses preuves et de tenir son rôle, en partageant les organisations propres
à l'établissement, en se situant par rapport aux autres (tensions, affinités) et en intégrant les repères tacites du groupe professionnel. Les
TZR sont pris en étau entre ces exigences et la réalité de leur statut : « de passage», eux aussi, ils se doivent de « faire profil bas » car
trop infléchir les orientations, questionner le contenu des cours et les
méthodes de travail, c'est exposer le collectif à des déstabilisations
inutiles. Par ailleurs , comme le souligne 8arrère (2002), le travail en
équipe étant essentiellement fondé sur des collaborations affinitaires
anticipées, les T1 seront peu sollicités ou alors dans des projets dont
ils ont du mal à comprendre les enjeux.
Les entretiens font état de ce qui s'apprend dans le nouvel environnement professionnel, à l'échel le des classes, des équipes disciplinaires et de l'établissement. Les T1 reviennent sur les compétences
qui se perdent faute d'être activées, sur ce qui se transforme, notamment dans le rapport à la discipline, au métier, aux autres et à soimême. L'évocation de la formation devient alors un passé revisité sans
illusion (elle était trop décalée avec la réalité) ou avec nostalgie (lieu
d'échange de pratiques, d'analyse de l'activité, de mise en place de
projets, etc.). Ainsi, les formes de mutualisation ou de collaborations
prônées en formation, souvent vécues par le s stagiaires comme une
manière de dédramatiser, de se questionner, de s'enrichir, s'avèrent
décalées avec la réalité . L'histoire du groupe professionnel (relations),
les rapports des collègues avec la direction , leur perception des textes
officiels, le sentiment de surcharge de travail viennent freiner les énergies qu 'il semble pourtant important de déployer pour faire face aux
difficultés du métier. Les néo-titulaires n'échappent pas au sentiment
d'être submergés par les multiples tâches auxquelles il leur faut désormais faire face , seuls.
Cette analyse renvoie à la transaction relationnelle qui « vise à faire
reconnaître ou non par les partenaires la légitimité de ses prétentions,
compte tenu des objectifs et des moyens (politique) de l'institution »
�Th érèse Perez- Rou x
(Dubar, 1992, p. 521). Cette transaction s'appuie sur les interactions
verbales ou non verbales, réelles ou fantasmées. Le rapport entre
« image de soi» et « regard d'autrui» génère un sentiment de reconnaissance ou de non-reconnaissance qui s'avère essentiel dans la
construction identitaire. Mais si l'identité se fonde sur des actes d'attribution des autres , elle s'appuie aussi sur des revendications d'appartenances et de qualités, pour et par soi-même. Ces auto-définitions
s'incarnent dans des rôles mais intègrent aussi paroles et attitudes des
autres. On saisit ici la position en tension de Myriam , contrainte par
ses collègues d'accepter un statut de « nouvel/e, sans droit particulier,
excepté celui de se taire».
Conditions et limites d'un engagement dans le métier
Enfin, se pose la question de l'implication professionnelle telle que
l'aborde Mias (1998) à travers le triptyque sens-repères-contrôle.
Chacun est porteur de valeurs qui orientent ses choix, donnent sens à
son action. Ses valeurs semblent parfois en tension, voire en contradiction, avec celles perçues dans le groupe professionnel. Il faudra donc
du temps pour analyser plus finement les premières impressions, pour
tenter de possibles alliances sur des bases partagées, pour construire
de nouveaux repères dans un monde inconnu et qui ne se laisse pas
décrypter facilement. Le micro-monde de l'établissement est porteur
de tensions multiples qu'il faut comprendre pour se positionner comme
professionnel, au clair avec ses choix .
Bousculés dans leurs premiers ancrages professionnels, les néotitulaires sont aussi très sensibles aux marges d'action réelles ou supposées qu'on leur donne et qu'ils se donnent. Le « contrôle de l'action»
c'est-à-dire le sentiment de pouvoir infléchir celle-ci dans la classe,
hors de la classe , dans les interactions avec les autres, participe d'un
équilibre , favorisant des formes d'investissement particulières; cellesci contribuent à dessiner les contours d'une identité professionnelle
mieux assumée et mieux reconnue .
Sur ce point, la position des néo-titulaires qui ont le statut de TZR
reste particulièrement délicate . Ceux pour lesquels le rapport au métier passe par cette dimension impliquée, doivent trouver des espaces
à investir, ce qui suppose une capacité de décryptage des situations
�Parcours d'e nseignants-stagiaires et passage dans le monde des néo-titulaires
complexes mais aussi de réelles compétences relationnelles , sur lesquelles la formation semble n'avoir que peu de prises.
Entre formation initiale et continue:
quelles continuités, quelles perspectives?
En formation initiale, le travail de co-élaboration à la fois disciplinaire
et interdisciplinaire sur la professionnalité enseignante semble donner
des appuis non négligeables. Sans doute faudrait-il pourtant, comme le
proposent Ria et Rouve (2008) dépasser les pratiques idéalisées pour
se centrer sur les conduites typiques des enseignants en début de carrière, sur les résistances du terrain et des acteurs (élèves mais aussi
enseignants, équipes de direction), sur les stratégies pour y faire face
et sur les évolutions repérées. Pour les auteurs, il existe un réel problème de diffusion de ces modèles de formation qui sembleraient pourtant mieux préparer les enseignants à entrer dans le métier, notamment
lorsqu'ils sont affectés en zones difficiles (Gelin, Rayou et Ria, 2007).
On peut aussi imaginer que les capacités à dire ses difficultés, à
écouter l'autre dans ses différences, à analyser les tensions qui traversent les situations professionnelles restent un moyen de comprendre
et d'agir dans le monde enseignant (Perez-Roux, 2008c) . Dans ce cas,
l'analyse des pratiques professionnelles semble réellement un enjeu
de formation, dans la mesure où des démarches expérimentées dans
ces dispositifs deviennent de possibles appuis lorsque l'on se retrouve
seul sur le terrain. Par ailleurs, le travail sur soi en tant que professionnel permet de mieux comprendre ce qui se joue dans l'ordinaire
du métier et de se distancier des premières impressions, engageant
fortement la sphère émotionnelle.
Au -delà des hypothèses concernant les effets de la formation initiale,
il serait essentiel de se pencher sur ce que met en œuvre l'institution
en termes d'accompagnement des T1 du second degré. Les diverses
propositions, au regard des retours que peuvent en faire les néo-titulaires, ne sont pas toujours bien reçues. En effet, ces derniers sont
dans une demande parfois contradictoire : être accueillis mais pas enfermés , avoir des échanges avec les collègues mais seulement s'ils le
souhaitent, en un mot être reconnus comme enseignants à part entière
mais pas abandonnés à eux-mêmes si le contexte est problématique.
�Thé rè se Perez - Rou x
D'autres mobilisations existent, plus fréquentes dans les établissements difficiles, comme cette proposition d'une équipe de collège en direction des nouveaux collègues (Leveillé, 2006), ou encore ce numéro
spécial d'une revue professionnelle, élaboré à partir de textes écrits
par des enseignants travaillant dans des établissements à fort turnover, dans lesquels se retrouvent majoritairement les entrants dans le
métier (Davisse, 1996).
À ce niveau, se pose la question de la mobilisation des équipes. Les
travaux de Barrère (2002) montrent les réticences des enseignants visà-vis du travail en équipe. Il semblerait que les habitudes collaboratives
impulsées jusqu'ici en formation initiale pourraient participer, à terme,
d'un changement de mentalités et favoriser une prise de conscience de
l'intérêt à collaborer sur des questions à la fois pédagogiques et éducatives. Les «nouveaux enseignants» (Rayou et van Zanten , 2004) ,
plus pragmatiques, semblent plus enclins à le faire ou, du moins, à le
tenter. Faisant de la prise en compte de l'hétérogénéité une dimension
du métier à part entière, conscients de la nécessité de travailler avec
d'autres enseignants pour mieux y parvenir, ils se heurtent parfois aux
résistances du corps professionnel.
Dans ce moment particulier où la formation des maîtres se «masterise », où les pratiques professionnelles et leur approche réflexive
risquent de disparaître des formations , on est en droit de se demander
si les étudiants trouveront un intérêt à s'essayer à des formes collaboratives, visant à la fois la construction de nouveaux savoirs et une plus
grande efficacité auprès des élèves. Quel sens cela va-t-il prendre s'ils
ne vivent plus de stage en responsabilité? Comment va s'opérer l'entrée dans le métier? Les néo-titulaires seront-ils plus seuls encore?
Un enjeu de taille pèse désormais sur la formation continue: accom pagnement des acteurs sur le terrain , analyses, régulations, relations
théorie-pratique .. . Quels processus de construction d'une identité professionnelle acceptable et assumée pour les entrants dans le métier?
CONCLUSION
Au fil de l'année chacun trouve peu à peu des ancrages , des moyens
de faire face, plus vite, avec une conscience du chemin à parcourir, des
�Parcours d'enseignants-stagiaires et passage dans le monde des néo-titulaires
transactions à opérer, des choix à assumer. Au quotidien , les pratiques
s'améliorent, organisées le plus souvent autour de quelques valeurs
qui ont résisté à la tourmente des premiers mois .
Pour les trois enseignantes de français que nous avons suivies, l'évolution est réelle, liée autant à des facteurs personnels qu 'à des effets
de contexte . À la rentrée suivante, Nelly est affectée en T2 sur un poste
de titulaire dans un petit collège de campagne ; elle y déploie de nombreuses activités, dans et hors de ses classes, pour tenter d'enrôler les
élèves dans les apprentissages scolaires et les aider à se construire
comme adolescents. Myriam est sollicitée l'année de T2 (TZR) pour assurer la liaison CM2-sixième dans une zone géographique de La Réunion plus proche de son domicile . Face à des élèves avec lesquels le
travail redevient possible, elle revisite des séquences de français élaborées puis adaptées l'année précédente avec sa classe de sixième.
Par ailleurs, la rencontre de partenaires stimulants, notamment dans le
premier degré, constitue un ancrage fort dans un métier qu 'elle redéCouvre . Il s'agit pour elle d'une opportunité impensable quelques mois
auparavant, et inespérée en termes de perspectives et de reconnaissance. Nous n'avons pas eu d'éléments concernant Fatia, inquiète en
fin d'année de T1 mais certaine, alors, que quelque chose s'était ouvert
pour elle dans le monde enseignant.
Ainsi, ces trois parcours renvoient à une question de place, de légitimité et de reconnaissance , intimement reliée au sens que les acteurs
donnent à leur travail. De fait , ils rendent compte d'un certain rapport
au métier, c'est-à-dire du « processus de construction et de reconnaissance d 'une définition de soi qui soit à la fois satisfaisante pour le sujet
lui-même et validée par les institutions qui l'encadrent » (Demazière et
Dubar, 1997, p.304) .
��CHAPITRE 13
LES ffRAJECTOIREIS DE FORMATION
DES ENSEIGNANTS DÉBUTANTS:
UN OBJET DE R CHERCHE À L'ARTICULATION
ENTRE RECHERCHE ET FORMATION
PROBLÉMATIQUE
À l'heure de penser les réformes de la formation des enseignants,
les connaissances relatives à la façon dont les formés apprennent à
enseigner revêtent une importance de premier plan . Rarement produites au sein de programmes de recherches poursuivant conjointement une visée de production de connaissances et d'aide à l'action des
formateurs ou de conception de dispositifs de formation leur utilisation
reste limitée. L'élaboration de dispositifs de formation à destination des
enseignants débutants est fondée davantage sur des croyances que
Sur des programmes de recherche articulant analyse de l'activité professionnelle et conception de dispositifs visant le développement de
cette même activité. Cette contribution s'inscrit dans un programme
de recherche poursuivant conjointement les objectifs de production de
connaissances, d'aide aux acteurs de la formation et de développement technologique (Durand , 2008 ; Leblanc, Ria, Dieumegard, Serres,
Durand , 2008) . Elle prend pour objet les trajectoires de formation des
enseignants du secondaire en France . La délimitation de cet objet re Pose sur l'hypothèse que les connaissances produites peuvent être
utiles pour penser l'aide aux acteurs de la formation 1 : conseillers péda1. Pour les consei llers pédagogiques, il s'agit de les aider à penser leur action sur le
terrain professionnel comme une succession d'interventions ponctuelles, ceci en
mettant par exemple à leur disposition des connaissances sur les trajectoires ty-
�Guillaum e Serres
gogiques, formateurs IUFM, responsables des formations disciplinaire
et générale assurant des tâches de conception en formation. Au-delà
de cette aide aux acteurs les connaissances produites peuvent égaIement servir de support pour concevoir des dispositifs de formation à
part entière.
À ce jour les préconisations en termes de formation tendent à s'inscrire dans une démarche de réduction des écarts constatés entre les
savoirs des experts et ceux des novices. L'hypothèse sous-jacente est
que les savoirs identifiés au cours de l'analyse de l'activité experte
sont directement utilisables pour former les novices. À ce titre, l'activité
enseignante la plus étudiée à ce jour est celle des experts ou chevronnés . Celle des débutants est le plus souvent définie dans la littérature scientifique en creux par rapport à celle des experts. Laot et Oiry
(2004) soulignent cette tendance, au sein de l'histoire des recherches
en éducation et formation des adultes, à mettre l'accent sur l'état d'un
capital de savoirs des acteurs sans rendre compte des processus par
lesquels ils parviennent à constituer ce capital. Nous proposons dans
cette contribution d'analyser ce processus à partir d'une approche centrée sur l'activité des enseignants et sa construction en formation. Ceci
suppose plusieurs déplacements dont les principaux sont les suivants:
- Le premier déplacement consiste à dépasser le postulat selon lequel les savoirs construits dans les diverses situations de formation
sont incompatibles a priori. Nous proposons de nous intéresser à la
temporalité de la formation et à la diversité des situations. Ceci suppose le passage d'une approche figée de la formation à une approche
piques des formés afin qu'ils puissent cib ler leurs interventions ou encore en les informant sur les spécifi cités de la formation au plus prêt du terrain professionnel.
Pour les formateurs des départements disciplinaires de l'IU FM, il s'agit d'enrichir leur regard, orienté vers la didactique disciplinaire, en les informant sur les processus de formation susceptibles de faire obstacle à la mise en œuvre des outils didactiques. Les résultats produits peuvent également les aider à penser leur
action face à un collectif en centre comme une Intervention ponctuelle dans une trajectoire de formation, la description des aspects typIques pouvant servir de support à
leur distinctIon des aspects plus sing uliers et faciliter ainsi l'adressage au coll ectif.
Pour les responsables de formation, il s'agit de les aider à concevoir leur planification
à l'échell e d'une année de formation en mettant à leur disposItion des connaissances
relatives aux préoccupations des formés à différents moments de la formation et plus
largement des connaissances leur permettant d'apprécier les écarts entre le scénario de
formation envisagé et les parcours effectifs des formés.
�Les trajectoires de formation des enseignants débutants
située et développementale prenant en compte la diversité des situations et le temps de sa construction en formation.
- Le second déplacement consiste à dépasser le postulat selon lequella connaissance des processus d'acquisition et de mise en œuvre
de savoirs sous la forme de compétences est suffisante pour comprendre le processus de formation. Nous postulons un gain interprétatif
par l'élargissement des descriptions à l'activité des formés déployée
dans et hors la classe de façon à renseigner la dimension de participation et d'intégration à une communauté professionnelle.
- Le troisième déplacement consiste à dépasser le postulat selon
lequel l'activité des enseignants reconnus par leurs pairs pour leur expertise constitue à elle seule l'unique référence pour la formation. Nous
discuterons dans quelles conditions les trajectoires de formation des
novices peuvent constituer des références complémentaires pour la
formation.
À partir de ces déplacements nous proposons de décrire l'activité
des formés longitudinalement sur une année de formation dans et hors
la classe sous la forme de trajectoires de formation.
CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
Le cadre d'analyse mobilisé est celui du cours d'action (Theureau,
2006). Analyser le cours d'action des formés revient à décrire la part de
l'activité des formés qui est montrable, racontable et commentable par
l'acteur. La définition du cours d'action est fondée sur le postulat que ce
niveau de l'activité permet une « description symbolique acceptable»
(Varela, 1989, p. 184) du couplage d'un acteur avec son environnement. C'est-à-dire une description de l'activité et des caractéristiques
de la situation effectuée du point de vue de la dynamique interne de
l'acteur considéré. En référence à ce cadre, analyser les trajectoires
de formation revient à documenter l'histoire des couplages d'un acteur
avec son environnement en se focalisant sur les processus de typicalisation en formation .
Le cadre d'analyse du cours d'action inclut des entretiens d'auto Confrontation lors desquels l'acteur, confronté à l'enregistrement de
son activité, la décrit, la commente et l'explicite. Un questionnement
�Guillaume Serres
spécifique permet par la suite de documenter les préoccupations des
acteurs, leurs attentes, ce qu'ils considèrent et interprètent en situation, leurs émotions, les types ou éléments de connaissances qu'ils
mobilisent et construisent, ceux qu'ils tendent à valider ou invalider.
Restituer le cours d'action d'un acteur consiste à identifier pas à pas
l'ensemble de ces composantes de façon à rendre compte des processus de typicalisation se déployant au cours des diverses situations de
formation.
Dix professeurs stagiaires de l'enseignement secondaire en mathématiques, lettres, histoire-géographie et éducation physique et sportive ont participé à cette étude. Âgés de 23 ans à 25 ans au moment
de l'étude, ils avaient la responsabilité de classes de collège et lycée.
Chacun a été suivi tout au long de leur deuxième année de formation à
l'IUFM : en classe , lors d'entretien de conseil pédagogique, en formation en centre. Au final trente à quarante recueils ont été réalisés pour
chaque participant.
Deux catégories de données ont été recueillies:
a) des données d'enregistrement de l'activité des professeurs stagiaires au cours des moments de classe et de formation,
b) des données de verbalisation lors d'entretiens d'autoconfrontation
a posteriori permettant de saisir le sens de l'activité pour l'acteur (ses
préoccupations, ses attentes, ce qui a fait sens pour lui, ce qu'il a ressenti et appris dans la situation vécue) . Les données d'enregistrement
des leçons ont été recueillies à l'aide d'une caméra sur pied et d'un micro
cravate. Ce dispositif a permis d'enregistrer les actions et communications des professeurs stagiaires dans les divers contextes de formation .
Les données de verbalisation ont été recueillies au cours d'entretiens
d'autoconfrontation réalisés avec chacun des professeurs stagiaires. Le
chercheur invitait les professeurs stagiaires à décrire et à commenter
leur activité. Les relances du chercheur visaient à aider les professeurs
stagiaires à décrire leur action et à s'assurer d'une compréhension mutuelle de cette dernière par une demande de précisions. Ces entretiens
se sont déroulés en confrontant les professeurs stagiaires aux traces de
leur activité issues de leçons (via les vidéos réalisées) , des préparations
de leçon (via les inscriptions reportées su r leurs feuilles de préparation) ,
de formation à l'IUFM (via les notes prises en situation), etc. Le traitement des données a consisté à documenter les préoccupations des
�Les trajectoires de formation des enseignants débutants
professeurs stagiaires et plus largement les connaissances mobilisées
et construites dans les diverses situations de formation tout au long de
l'année de formation.
RÉSULTATS
Les principaux éléments caractéristiques de l'activité des professeurs stagiaires à l'échelle de leur deuxième année de formation entre
terrain de stage et IUFM sont décrits sous la forme d'une trajectoire
typique de formation. Le caractère typique a été apprécié dans un premier temps au regard des dix trajectoires individuelles étudiées sur une
année complète. Il a été précisé dans un second temps en confrontant
les descriptions des trajectoires typiques à des témoignages ponctuels
de professeurs stagiaires. Cette trajectoire est décrite à partir de périodes de stabilité et d'instabilité ou de rupture, à partir d'un repérage
d'évènements clefs et de bifurcations. Elle est également décrite en
s'attachant à l'histoire des interactions des formés avec les divers acteurs de la formation traduisant leur participation à des collectifs. Au
final ont été repérés de façon chronologique:
a) les premières semaines de formation,
b) la première visite du superviseur,
c) un début d'année entre convergences et décalages,
d) l'apparition d'un double réseau de formation,
e) la simultanéité des stages: entre densité, instabilité et ouverture,
f) l'annonce des affectations: de possibles bifurcations,
g) une fin d'année marquée par un changement de focale.
Les premières semaines de formation
Lors des premières semaines de cette année de formation professionnelle, l'appréhension des premiers face à face avec les élèves
est importante, l'indétermination est grande notamment pour ceux qui
n'ont pas bénéficié au cours de leur cursus universitaire de stages de
pré-professionnalisation. La façon de vivre ces premières semaines de
Stage en Responsabilité présente de fortes similarités pour les profes-
�Guillaume Serres
seurs stagiaires des diverses disciplines. Leurs principales préoccupations sont:
a) de s'extraire du devant de la scène,
b) de mettre les élèves au travail,
c) d'établir une relation de confiance avec le conseiller pédagogique,
d) d'établir un réseau de communication avec les membres de l'établissement scolaire,
e) etc.
Simultanément, la Formation Disciplinaire organise «l'aide au démarrage ,,2. Au cours de ces premières semaines, la Formation Disciplinaire et le Stage en Responsabilité sont quasi exclusivement les
seuls contextes 3 de formation proposés aux formés. Cette «aide au
démarrage» en Formation Disciplinaire favorise les échanges sur les
premières heures de cours . Les analyses mettent en évidence le rôle
de «rassurance» de ces interactions entre pairs, chacun pouvant exprimer en petits groupes ses difficultés et constater qu'elles sont partagées. Au-delà de ce partage d'expériences, des séquences sont proposées sur les « rituels»4 (par exemple pour les professeurs stagiaires
en histoire-géographie: l'entrée en classe, l'appel, le rappel du dernier
cours, l'étude de document, la constitution de la trace écrite, etc.). Elles
sont pour les professeurs stagiaires un moyen de se familiariser avec
la culture des élèves et de ne pas découvrir seuls leurs habitudes de
fonctionnement. Cette focalisation sur la classe, sur les moyens d'intervenir efficacement pour mettre les élèves au travail fait que les autres
temps de formation, telles les premières journées de Formation Générale, provoquent une réaction vive de la part des professeurs stagiaires
lorsqu 'e lles sont décalées de l'urgence du terrain qui est la leur. Pris
par les temps de préparation de leçons, ces enseignements sont déniés et constituent pour eux une perte de temps.
2. Les trois premières demi-journées de Formation Disciplinaire sont consacrées à l'" aide
au démarrage». Sont abordés les préparations de leçon, le rôle du conseiller pédagogique, les rituels, le contenu de la première heure, les obligations statutaires, etc. Cette
aide au démarrage se prolonge par des échanges entre professeurs stagiaires sur leurs
premières heures de stage.
3. Une distinction est faite entre contexte et situation. Le contexte se réfère aux caractéristiques de l'environnement telles qu'elles peuvent être décrites par un observateur. La situation
correspond aux caractéristiques de l'environnement significatives pour l'acteur considéré.
4. Les éléments entre crochets et en italique renvoient aux verbalisations des acteurs lors
des entretiens en autoconfrontation.
�Les trajectoires de formation des enseignants débutants
Si l'on porte notre attention sur les relations des professeurs stagiaires avec les divers acteurs de la formation à cette période de l'année, nous constatons qu 'ils cherchent à établir des relations avec de
multiples acteurs notamment ceux de l'établissement scolaire dans lequel ils exercent. Les premières interactions avec les superviseurs de
terrain sont le plus souvent distantes. Les relations avec les formateurs
se durcissent dès que les professeurs stagiaires estiment les enseignements éloignés de leurs préoccupations quotidiennes et qu 'ils ne
peuvent en tirer profit. Quant aux relations entre pairs à l'IUFM, elles
s'établissent rapidement lors des intercours et en fonction des niveaux
scolaires d'enseignement et sont orientées vers la réduction de l'indé.
termination relative à la situation de classe .
La première visite du superviseur de terrain
La première observation du conseiller pédagogique est un événement appréhendé par les professeurs stagiaires. Il s'agit de la première
mise à jour de leur travail jusque-là resté confidentiel. Lors de ce premier contact avec le conseiller pédagogique, ils font pour la première
fois l'expérience ambivalente d'être à la fois enseignant responsable
de plusieurs classes et stagiaire en formation. Ces premières interactions avec le conserller pédagogique sont l'occasion d'apprécier la plus
ou moins grande liberté qui va leur être laissée au cours de cette année. Pour la majorité des professeurs stagiaires, la crainte est de se retrouver devant une situation de prescription. Ce que Céline, professeur
stagiaire en mathématiques, illustre lors d'un entretien quelques semaines après la rentrée : « La première fois que j'ai vu ma conseillère
pédagogique elle m'a donné une feuille et elle m'a dit : 'Tu n 'auras
qu 'à faire ça la première heure " en me donnant un feuille, et là je l'ai
regardée, moi ma première heure je savais depuis plusieurs semaines
ce que je voulais faire, et là elle a continué sa phrase en me disant :
"Ou plutôt on va attendre que tu aies des questions et j'essayerai d 'y
répondre ", et là je lui ai dit : "D'accord". En fait on a d 'entrée de jeu cadré notre relation ». Tous expriment la volonté de construire leur propre
façon d'enseigner en fai sant du con seiller pédagogique un « allié », une
res source . Leur volonté est de garder la main sur leur activité. Au cours
des leçon s observées par le con seill er pédagogiqu e, les professeurs
�Guillaume Serres
stagiaires cherchent pour la plupart à masquer leurs difficultés. À ce
titre, l'enjeu de la titularisation s'inscrit d'emblée en rupture avec l'enjeu de formation dans la mesure où il s'oppose à l'expression par les
professeurs stagiaires de leurs difficultés. L'efficience de l'interaction
de conseil pédagogique nécessite au préalable la mise en place d'une
relation de confiance au sein de cette dyade. Nos observations montrent que les professeurs stagiaires organisent leurs enseignements de
façon à aborder en présence du conseiller pédagogique les contenus
sur lesquels ils sont le plus à l'aise.
Un début d'année entre convergences et décalages
Les recueils effectués pour trois départements disciplinaires montrent que les temps de formation (Formation Disciplinaire et Conseil
Pédagogique) correspondent globalement aux attentes des professeurs stagiaires liées à leurs premières expériences d'enseignement en
classe. Les quelques décalages observés au cours de ces premières
semaines de formation entre la formation telle qu'elle est proposée et le
vécu des formés semblent relever d'une question de temporalité. À la
suite des premières séquences d'" aide au démarrage », les contenus
de formation mis à disposition des stagiaires en Formation Disciplinaire
renvoient en partie à des temporalités plus conséquentes que l'heure
de classe (trimestre, année). Par exemple, les professeurs stagiaires
en histoire-géographie travaillent sur la constitution de séquences de
cours, sur la programmation des enseignements sur l'année (répartition du temps disponible en fonction du programme à aborder), sur la
méthode d'analyse de documents . Un possible décalage peut naître
de cette différence de temporalité entre les préoccupations à très court
terme des professeurs stagiaires et les contenus de formation relatifs
à une temporalité plus large de l'activité . Ceci permet de mieux comprendre pourquoi certains enseignements n'ont pas lieu d'être dispensés du point de vue des stagiaires. Leurs préoccupations sont liées aU
quotidien à l'interaction en classe à venir. Ce qui revient à dire que ce
qui est significatif pour ces derniers est lié à la réalisation de leur prochaine leçon et que les contenus de formation (tels que la programmation sur l'année) relatifs à une temporalité plus large (trimestre , année)
ne constituent pas des offres pertinentes pour eux à cet instant de l'an-
�Les trajectoires de formation des enseignants débutants
née. Ils semblent avoir besoin de repères supplémentaires pour saisir
les offres de formation relatives au long terme. En effet, ils n'ont que
très peu de repères pour programmer leur enseignement sur l'année
et cette dernière n'a pas d'incidence directe sur l'interaction en classe
au quotidien. Lors des premières leçons, il s'agit pour eux d'identifier
ce qu'il est possible d'aborder à l'échelle de l'heure de cours, puis progressivement de prévoir à l'échelle de plusieurs semaines. Il leur faut
par exemple attendre la fin du premier trimestre pour pouvoir apprécier
leur état d'avancement par rapport au programme. Ainsi, leur activité
au cours des premières semaines de l'année est fortement liée aux
préoccupations en situation de classe et aux éléments ayant des répercussions directes sur la classe selon un horizon temporel réduit. .
L'apparition d'un double réseau de formation
La congruence observée entre la formation et les préoccupations
des professeurs stagiaires lors des premières semaines s'amoindrit
par la suite. Le rapport à la Formation Disciplinaire reste étroitement lié
à la portée pratique des contenus de formation et plus largement des
ressources mises à disposition des formés (fiches relatives à la façon
de construire une séquence de cours, astuces pour gérer des situations conflictuelles, etc.). Ils éprouvent variablement des sentiments de
satisfaction et de perte de temps . Ils s'attachent à ce qui présente une
utilité immédiate et « laissent glisser» les contenus de formation autres.
Ce qui se traduit par une sorte de « butinage» perçu le plus souvent par
les formateurs qui, s'ils repèrent d'une année sur l'autre les éléments
présentant un intérêt partagé pour les professeurs stagiaires, restent
perplexes quant aux raisons de cette activité inconsistante et ont le
sentiment de perdre de vue les stagiaires avec l'avancement dans l'année.
De plus , les investigations de terrain révèlent l'é mergence de pratiques informelles se déroulant en marge de la formation, au cours des
journées où les professeurs stagiaires sont regroupés dans le centre
formateur. Finalement deux réseaux de formation tendent à se développer simultanément, ce qui se traduit par un engagement à deux ni Veaux. Un engagement relatif au réseau formel (programmé en début
d'année sous la forme d'un plan de formation) pour lequel l'activité des
�Guillaume Serres
professeurs stagiaires est sélective, relativement à leurs préoccupations précisées plus tôt, et un engagement relatif au réseau informel
(réseau émergent entre pairs) pour lequel l'activité des professeurs
stagiaires repose sur des échanges d'outils et plus largement sur des
discussions autour de situations de classe qu'ils ont vécues. Le premier
est celui proposé par les formateurs, le second, tacite, se déploie de
façon « clandestine» dans les interstices laissés par la formation. Ce
dernier se déroule lors des intercours dans les couloirs, au cours des
repas pris collectivement sur le coin d'une table et le plus souvent dans
la précipitation. Ces moments sont l'occasion de procéder à de nombreux échanges, la plupart du temps extrêmement féconds du point de
vue des stagiaires. Les regroupements se font par centres d'intérêts et
prennent la forme de petites communautés mobilisées autour de ces
derniers. Ces collectifs se distinguent par leurs besoins immédiats et
spécifiques en vue d'optimiser leur enseignement. Les interactions au
sein de ces collectifs spontanés concernent des séquences de cours
déjà réalisées, des ouvrages pédagogiques, des documents pouvant
servir de support à l'enseignement, la façon dont ils utilisent des outils
particuliers comme les TICE ou encore des adresses de sites Internet
proposant des ressources documentaires ou des séquences de cours
types. Quelle que soit la nature des échanges, ceux-ci sont référés à
une efficacité éprouvée à l'usage et s'inscrivent dans un horizon temporel réduit.
La simu Itanéité des stages:
entre densité, instabilité et ouverture
La période remarquable suivante du point de vue de l'expérience
des professeurs stagiaires est celle au cours de laquelle ils sont simultanément en Stage en Responsabilité et en Stage de Pratique Accompagnée. Elle s'étend en général de novembre à février. Cette période
est marquée par l'abondance des conseils adressés aux professeurs
stagiaires (ceux du conseiller pédagogique en Stage en Responsabilité
et ceux du tuteur en Stage de Pratique Accompagnée) . Pour certains
cette abondance fait qu'ils ne distinguent plus les conseils prioritaires,
cruciaux pour accroître leur efficacité en classe, des conseils plus secondaires . Vécue comme une périOde dense, elle impose un change-
�Les trajectoires de formation des enseignants débutants
ment de rythme de travail et suppose la construction de nouveaux repères (nouvel établissement, nouveaux élèves, nouveau référent). La
confrontation simultanée à deux publics scolaires (collège et lycée) fait
que l'activité en Stage en Responsabilité est réinterrogée à l'aune du
Stage de Pratique Accompagnée. Les gestes professionnels construits
et validés jusque-là sont réinterrogés et spécifiés au regard de leur efficacité dans un nouveau contexte d'enseignement.
Parallèlement, un nouveau rapport s'instaure avec le tuteur, cela
suppose de montrer à un nouvel acteur son enseignement mais aussi
de découvrir une nouvelle façon d'enseigner. Un extrait d'entretien réalisé avec Samuel, professeur stagiaire en histoire-géographie, illustre
l'ouverture procurée par ce nouveau stage et la façon dont il se reconnaît dans la pratique de sa tutrice : « Ma tutrice, c 'es t quelqu 'un qui a
su me mettre en confiance et qui avait une manière d 'enseigner assez
proche de la mienne, ce qui m'a rassuré, parce que comme elle a un
peu d 'ancienneté, je me suis dit ce n'est pas tout nouveau, il y a des
gens qui voient l'éducation avec un espoir dans leur façon d'enseigner et d'être avec les élèves et ça, ça m'a conforté». Ces rencontres
et leur diversité apparaissent essentielles dans le processus de formation, notamment dans la mesure où elles jouent sur le sentiment
d'appartenance, de reconnaissance des professeurs stagiaires comme
membres de la communauté enseignante . Pour Samuel, la rencontre
avec sa tutrice a ma"rqué le passage d'un sentiment de marginalité forte
dans sa façon de concevoir l'enseignement, vis-à-vis de sa conseillère
pédagogique et des autres enseignants de l'établissement , à un sentiment de reconnaissance dans les valeurs et conceptions de sa tutrice . Cette période au cours de laquelle les professeurs stagiaires sont
simultanément en Stage en Responsabilité et en Stage de Pratique
Accompagnée est ainsi propice à une ouverture de l'horizon des possibles. Les professeurs stagiaires légitiment leur activité en fonction
des dissemblances et ressemblances à l'égard des façons d'enseigner
contrastées de leurs référents .
�Guillaume Serres
L'annonce des affectations: de possibles bifurcations
À la mi-mars, l'annonce des affectations pour l'année à venir ouvre
un nouvel horizon. En amont de cette annonce, il s'agit pour les formés de procéder à de nombreux calculs sur la façon d'engranger un
capital de points. En aval, la plupart se projettent d'emblée dans leur
futur métier le plus souvent en région parisienne; ce qui donne un tout
autre sens à leur année de formation. Le sentiment de décalage entre
leur contexte actuel d'enseignement et les établissements de la région
parisienne tendent à prendre le pas sur les enjeux de formation. Suite
à cette annonce, trois types de réactions se dessinent. Pour une part
des professeurs stagiaires, les six mois qui suivent l'annonce de l'affectation sont considérés comme un répit dont il faut profiter, ceux-là
estiment qu 'il n'est pas possible de se préparer aujourd'hui aux conditions qu'ils rencontreront demain. Pour une autre part, il s'agit de six
mois d'appréhension qui révèle le plus souvent une méconnaissance
des conditions d'enseignement en région parisienne et la mobilisation
par les professeurs stagiaires de nombreux stéréotypes peu nuancés
en formation. Enfin, les autres professeurs stagiaires tendent à se projeter dans la perspective de la région parisienne. Dès lors , ils tentent
de travailler pour plus tard, font des recherches sur les dispositifs de
formation proposés aux néo-titulaires par leur future académie et vivent la formation en fonction de cette nouvelle perspective . Ces transformations des attentes liées à l'annonce des affectations semblent
rester opaques aux acteurs de la formation. Tout se passe comme si
la formation se poursuivait indépendamment des transformations que
l'annonce des affectations génère du point de vue des professeurs
stagiaires. Finalement, à cette période de l'année la formation semble
fortement décalée vis-à-vis des préoccupations des professeurs stagiaires ; orientée vers la validation de l'activité passée (production de
rapports , soutenance du Mémoire Professionnel) elle « tourne le dos »
aux professeurs stagiaires focalisés pour la plupart sur leur nouvel horizon professionnel.
�Les trajectoires de formation des enseignants débutants
Une fin d'année marquée par un changement de focale
La fin d'année se caractérise par un retour au Stage en Responsabilité et la finalisation de la rédaction du Mémoire Professionnel. Le
retour à un emploi du temps moins conséquent favorise pour une part
des professeurs stagiaires l'adoption d'une activité réflexive sur leur
enseignement. Cette réflexivité est également liée pour la majorité des
professeurs stagiaires au travail sur le Mémoire Professionnel. Les observations mettent en évidence d'importantes disparités sur l'apport
de ce travail sans qu'il soit possible d'appréhender dans les détails
ses effets . Ceux qui parviennent à prendre leur activité comme o~jet
de réflexion cherchent à identifier par eux-mêmes les points les plus
critiques de leur activité. Percevant cette période comme un moment
propice pour mener une activité réflexive , ils tentent de circonscrire
des problèmes à travailler. Une autre part des professeurs stagiaires,
estimée plus conséquente au regard de nos observations, vivent les dernières semaines de formation en « roue libre». Or, ce moment de l'année
est une période à part au cours de laquelle les temps de formation se font
plus rares . Tout se passe comme si la proximité de la titularisation stoppait le processus de formation . Les conseillers pédagogiques estiment
eux-mêmes ne plus avoir à intervenir au cours des dernières semaines.
Les recueils laissent pourtant penser que cette période pourrait être un
moment important de leur formation dans la mesure où les professeurs
stagiaires peuvent pour la première fois se détacher de l'urgence quotidienne de la classe pour considérer leur activité à l'échelle de l'année.
Ce changement de focale est à l'origine de multiples réorganisations.
Des moments de formation jusque-là restés à l'état de « bourgeons d'expérience » deviennent alors significatifs à leurs yeux et les amènent à
réinterroger leur travail à l'échelle de l'année scolaire.
�Guil la ume Serres
DISCUSSION
Cette description longitudinale de l'activité de formation des professeurs stagiaires nous permet d'aborder les points de discussion suivants.
Caractéristiques des transformations de l'activité
Au fil des premières « immersions» en classe les situations de classe
deviennent de plus en plus familières aux stagiaires. Si l'indétermination est grande lors des premières heures de classe, la formation
participe rapidement à sa réduction . Ainsi nos analyses montrent qu'à
chaque instant les professeurs stagiaires se trouvent dans des situations nouvelles de classe tout en reconnaissant progressivement des
traits de régularité. Ce processus de typicalisation de l'activité contribue à la construction de dispositions à agir (Varela, 2004) qui se transforment selon diverses modalités au gré des situations de formation en
centre et sur les terrains de stage (Serres, Ria et Adé , 2004). L'analyse longitudinale révèle un décalage entre les dispositions à agir des
formés et l'activité effective en classe. Ce décalage semble ternir aux
difficultés des novices à repérer en classe les situations opportunes à
la mobilisation des dispositions construites en amont des situations de
classe. Ces transformations lentes sont également prudentes dans le
sens où les habitudes de fonctionnement construites avec les élèves
constituent des îlots de stabilité associés à un sentiment d'efficacité
pour les formés . Le dépassement de ces îlots suppose une « prise de
risque » peu appréhendée et par conséquent peu accompagnée par les
formateurs. Ces transformations se développent selon trois ordres de
validation:
- Le premier est celui où l'efficacité concrète et immédiate sert de
référence à la validation de l'activité déployée. Ce type de validation
participe à la généralisation de l'activité située en rapport à son efficacité éprouvée .
- Le deuxième type de validation concerne les situations où la perti nence est envisag ée en rapport avec la cohérence d'un rai sonnement
en situation. Cette validation perm et la généralisation de ce qui est
estimé pertin ent par le prof esse ur stagi aire relativement à son activité
�Les trajectoires de formation des enseignants débutants
passée. Par exemple, au cours des préparations de leçons les professeurs stagiaires ont créé de nouvelles formes d'interaction avec les
élèves sur la base de formes d'interactions testées précédemment.
- Le troisième type de validation relève d'une appréciation de son activité en référence aux normes, codes et valeurs portés par le collectif.
La généralisation de l'activité tient alors à l'adhérence aux convictions
partagées au sein de ces collectifs.
Ces trois ordres de validation, distingués à l'analyse, sont simultanément à l'œuvre en formation . Ils témoignent de l'indissociabilité des
processus de construction de compétences et de participation à une
activité collective.
L'apprentissage en formation professionnelle:
indissociabilité des processus d'acquisition de gestes
et de participation à une communauté professionnelle
Le suivi longitudinal de l'activité des formés révèle que le sentiment
des professeurs stagiaires oscille entre une identité d'enseignant et
une identité de stagiaire. La participation à de multiples contextes de
formation s'accompagne de tensions et de contradictions. Les enseignants occupent une position d'entre-deux:
a) entre le statut de titulaire d'un concours initial de recrutement de
l'Éducation nationale et celui de stagiaire lors de cette deuxième année
de formation professionnelle ,
b) entre le statut d'enseignant et d'apprenant: ils enseignent aux
élèves des établissements du second degré en même temps qu'ils étudient à l'IUFM . Ces dynamiques conflictuelles de construction identitaire (Dubar, 1991 ; Huberman, 1989 ; Tardif et Lessard, 1999) traduisent le fait qu 'ils ne se sentent plus tout à fait des étudiants mais pas
encore des enseignants. Elles génèrent de l'anxiété, des doutes par
rapport à leurs capacités à enseigner, notamment lors des premières
expériences en classe . Ils doivent en effet assurer la responsabilité
d'un enseignement disciplinaire auprès d'élèves tout en développant
simultanément leur activité professionnelle . De plus cette position fait
qu 'i ls apprennent à enseigner tout en cherchant à le dissimuler.
La formation implique de passe r successivement d'un espace à
un autre en un instant et se lon divers engagements. Les professeurs
�Guillaume Serres
stagiaires sont successivement: seuls face à un élève, seuls face à
la classe , en présence du conseiller pédagogique face à la classe ,
face aux autres professeurs stagiaires, face aux autres enseignants
dans la salle des professeurs, face aux formateurs de l'IUFM, face
au chef d'établissement, face aux parents d'élèves, etc. La formation
fait qu'au cours d'une même journée les professeurs stagiaires sont
confrontés à une pluralité d'engagements et adoptent d'un instant à
l'autre de multiples façons d'être (Thévenot, 2006). En début d'année
les professeurs stagiaires, seuls face aux élèves, façonnent leur activité, leur rapport aux élèves, en s'ajustant selon des repères qui leur
sont propres . Le plus souvent ces repères semblent hérités de leurs
propres expériences d'élève (Rayou et van Zanten , 2004). Après plusieurs semaines d'enseignement solitaire, les conseillers, les tuteurs
et formateurs par leurs actions de supervision apprécient l'activité des
professeurs stagiaires, sa conformité aux attentes définies au plan national sous la forme d'un référentiel de compétences. La description
de ces phénomènes nous amène à envisager l'apprentissage en formation comme acquisition de connaissances et de gestes professionnels indissociables d'une participation à un processus social (Lave et
Wenger, 1991) . Ces auteurs ont décrit finement via la formule de participation périphérique légitimée à la fois la façon dont les nouveaux
s'inscrivent dans la pratique des anciens, l'évolution de la position de
l'acteur dans la communauté et l'acceptation du néophyte dans la communauté. Nos analyses montrent que la façon dont les professeurs stagiaires se forment est indissociable de répertoires collectifs en grande
partie référés aux enseignants chevronnés. Ces répertoires constituent
un ensemble d'outils, de pratiques dont la modification s'opère très
lentement. Néanmoins, s'ils constituent pour les professeurs stagiaires
des ressources , ces derniers participent en retour à leur évolution. Nos
analyses montrent par exemple que les formateurs de terrain « profitent» de leur contact avec les professeurs stagiaires pour les solliciter
sur des points particuliers sur lesquels ils estiment être moins bien formés que les stagiaires: l'utilisation en cours d'un artefact multimédia ;
les difficultés de compréhension des élèves; la mise en place d'un site
internet pour l'animation d'un club lycéen , etc. Ainsi ces répertoires collectifs se transforment ponctuellement et lentement. Cette dynamique
semble témoigner d'une « ouverture de l'espace des apprentissages»
�Les trajectoires de formation des enseignants débutants
(De Munck, 1999) et repose la question du renouvellement de la culture
professionnelle. Notons que l'analyse de l'activité des enseignants experts tend à figer ces répertoires collectifs lorsque les pratiques des
experts sont caractérisées comme de « bonnes pratiques». L'analyse
de l'activité des professeurs débutants tend à mettre en évidence des
pratiques innovantes, construites le plus souvent dans les contextes
d'enseignement difficiles. La description de ces dernières nous semble
favorable à l'évolution des pratiques professionnelles dans la mesure
où elle rend possible leur confrontation.
Les trajectoires de formation des enseignants débutants:
un point d'appui pour la formation
L'étude des trajectoires des formés met en exergue la complexité
de l'apprentissage professionnel dès lors que l'on appréhende simultanément les processus d'acquisition de gestes professionnels et de
participation à une communauté de pratique. L'activité des formés est
souvent limitée à la dynamique d'acquisition et de construction de compétences, les dynamiques de participation et d'intégration d'une communauté de pratique sont peu prises en compte . En effet l'acquisition
d'une pratique professionnelle est trop souvent dissociée des processus de participation ; d'intégration dans une communauté de pratique
(Lave et Wenger, 1991). La mise à disposition de ces résultats aux
acteurs de la formation est susceptible de réinterroger leur activité .
L'étude des trajectoires de formation permet de confronter la dynamique de formation, telle quelle est envisagée par les concepteurs, et
les dynamiques de formation telles quelles se déploient pour les formés. À ce titre, le rapport au temps apparaît comme un élément de premier plan pour comprendre l'activité des formés dans les dispositifs en
alternance. Les descriptions effectuées, mises à disposition des formateurs, peuvent constituer une aide pour concevoir et mettre en œuvre
leurs plans de formation à l'échelle de l'année de formation. Il est en
effet possible d'envisager des plans et des dispositifs de formation pour
lesquels les contenus de formation seraient hiérarchisés, pensés dans
une logique de progression, et issus de l'analyse de l'activité des professeurs stagiaires sans que cela ne se traduise par un rabattement
des exigences finales de la formation. Cette démarche reconnaît que le
�Gui llaume Serres
métier se construit dans le temps et que les analyses produites sur ce
processus peuvent servir de support pour accompagner sa construction en formation.
Plus largement, l'analyse des trajectoires de formation renseigne les
conditions dans lesquelles la formation se fait et celles dans lesquelles
elle est en difficulté de se faire . Elle permet également de porter un
regard nouveau sur les effets contradictoires de dispositifs envisagés a
priori complémentaires (Serres et Ria , 2007) .
�CHAPITRE 14
LE «SAVOI R ANAr: SER»
SA PRATIQUE PROFESSIONNELLE
DES ENSIG~T
DÉBUTANTS
Ce chapitre rend compte d'une recherche menée auprès d'enseignants stagiaires, professeurs des écoles (PE) et professeurs de lycées et de collèges (PLC), et d'enseignants débutants titulaires en
première année (T1), pour identifier ce qui peut être constitutif de la
compétence à « analyser sa pratique professionnelle ». Après avoir
proposé une définition opérationnelle de cette compétence, le groupe
de recherche composé de formateurs et de chercheurs a construit une
grille d'analyse du discours de ces jeunes collègues. Nous proposons
donc au lecteur une.description de cette compétence singulière « entre
savoirs, schèmes d'action et adaptation, /e savoir ana/yser» (Altet,
1998) telle que les formateurs en IUFM peuvent l'identifier et l'évaluer
au cours des visites de formation. L'analyse des enregistrements audio
nous a permis de mettre en évidence les éléments qui structurent ce
savoir analyser chez les enseignants débutants sous forme de grandes
tendances à partir de résultats empiriques issus d'un échantillon de
trente-cinq enseignants débutants. Nous illustrerons le contenu de ce
savoir et son évolution à partir de grandes tendances.
• et les formateurs du groupe EPS de l'IUFM de Bourgogne (Yves Biron, Arnaud
Demonfaucon, Cathy Fourot, Dominique Glvord- Bouvet, Valérie Louvrier, Philippe Pieron et
Martine Puget) .
�Denis Loizon
INTRODUCTION
Une question de formateur, puis de chercheur
Depuis mon entrée à l'lU FM de Bourgogne comme formateur associé en 1993, une question revient sans cesse: comment permettre
aux professeurs stagiaires d'analyser leur pratique professionnelle ?
Successivement, j'ai construit des éléments de réponse au travers du
mémoire professionnel qui constituait un temps long de réflexion et de
mise en mots de sa pratique par le stagiaire. Dans le même temps, les
entretiens de visite auprès des PLC2 EPS m'ont permis d'y voir un peu
plus clair, mais j'avais toujours cette impression d'une très grande subjectivité dans l'évaluation de cette compétence alors que le paradigme
du praticien réflexif devenait de plus en plus important dans les textes
officiels. Le texte définissant la mission des professeurs enseignant en
lycée et collège (BOEN, 1997)2 précise: « il est nécessaire que le professeur possède en fin de formation initiale l'aptitude à analyser sa pratique professionnelle et le contexte dans lequel il exerce». Au jou rd'h u i,
c'est le cahier des charges de la formation des maîtres 3 qui constitue
le référentiel du métier d'enseignant avec les dix compétences; dans
la dixième compétence (se former et innover), on peut lire: « il est capable de faire une analyse critique de son travail et de modifier, le cas
échéant, ses pratiques d 'enseignement».
Les visites succèdent aux visites auprès des professeurs stagiaires
(PE2 ou PLC2) , mais cette impression de flou face à ce « savoir analyser» est toujours là. Après de nombreuses discussions informelles
avec mes collègues formateurs en EPS, nous avons eu envie d'aller
plus loin en menant une recherche exploratoire sur ce «savoir analyser» sa pratique professionnelle tel qu'il est produit par les enseignants
débutants . Ce continent a déjà été longuement exploré par les chercheurs , surtout au niveau du travail réalisé par les groupes d'analyse
des pratiques (Blanchard-Laville et Fablet, 1999, 2000, 2001 ; Fumat,
Vincens et Étienne , 2003 ; Loizon, 2006), mais il reste relativement
2. Cette mission est définie dans la circu laire n° 97 -123 du 23 mai 1997, parue au BOEN
nO22 du 29 mai 1997.
3. Arrêté du 19 décembre 2006.
�Le «savoir analyser" sa pratique professionnelle des enseignants débutants
vierge du point de vue du sujet enseignant débutant: que dit-il quand
il analyse sa pratique? Quelles évolutions peut-on constater au cours
d'une année de formation?
Le cadre de la recherche
Cette recherche 4 inscrite au plan de formation des formateurs de
notre IUFM poursuivait deux buts; il s'agissait en premier lieu de former les formateurs par la recherche sur deux années sous la direction
d'un enseignant chercheur. Ce groupe composé de huit formateurs en
éducation physique et sportive (EPS) du premier et du second degré
s'était fixé comme objectif de mieux comprendre le développement des
compétences professionnelles. Cette recherche nous donnait ainsi les
moyens d'atteindre ce but tout en clarifiant l'objet d'étude et en utilisant
une méthodologie qu 'il restait à définir. Après un temps de réflexion,
le choix du groupe s'est alors porté sur ce qu'Altet (1994) nomme une
méta compétence: analyser sa pratique professionnelle. C'est ainsi
que s'est clarifié le second but de notre travail: produire des connaissances sur le « savoir analyser» des enseignants débutants.
Compte tenu de la fonction de chacun des membres du groupe,
chaque formateur pouvait y opérer une double analyse: d'abord une
analyse de sa propre pratique de formateur quand il « visite» un professeur stagiaire ou un enseignant novice (T1), ensuite, une analyse
du contenu du discours de ces jeunes enseignants sur leur propre pratique professionnelle.
Pour Altet (1994) , l'analyse des pratiques professionnelles est une
compétence fondamentale requise pour exercer le métier d'ensei gnant. Barbier (2005) décrit cette compétence singulière comme une
compétence de rhétorique de l'action à la différence des compétences
d'a ction et de gestion de "action. Ce savoir-faire discursif est évalué
lors des visites par tous les formateurs de notre IUFM à l'occasion des
visites de formation auprès des enseignants stagiaires. Pour dépasser
4. Ce travail de recherche s'est étendu sur deux années avec le groupe des formateurs
EPS (2005-2006 et 2006-2007) ; il se prolonge aujourd'hui avec des recherches menées
dans le cadre des masters à l'UFR STAPS de DIJon.
�Den is Loizo n
les représentations des uns et des autres face à ce savoir analyser,
nous avons donc cherché à définir le contenu de cette compétence à
partir d'une double entrée. D'abord une entrée pratique du côté des
formateurs : comment définit-il cette compétence? À partir de quels
indicateurs chaque formateur évalue-t-il cette compétence? Ensuite,
une entrée plus théorique à partir de la recherche d'une définition de
ce savoir analyser chez des auteurs issus du champ des sciences de
l'éducation ou de l'EPS : comment ces auteurs définissent-ils cette
compétence? Peut-on y trouver des informations sur la structure de
cette compétence?
Le paradigme de la didactique professionnelle (Pastré, Mayen et
Vergnaud , 2006) s'avérait alors tout à fait pertinent pour notre travail
de recherche dans la mesure ou celui-ci a pour but d'analyser le travail
en vue de la formation des compétences professionnelles . Notre étude
a donc porté sur une ANAL YSE de l'analyse du travail enseignant. La
conceptualisation de son action par l'enseignant débutant constituait
alors l'enjeu principal de cette recherche. Nous avons ainsi avancé la
thèse suivante: le « savoir analyser» 5 de l'enseignant correspond à un
schème professionnel dans la mesure où il rend compte d'une activité
professionnelle.
La notion de schème (Vergnaud, 1996) renvoie ici à une structure
particulière organisée en invariants opératoires avec ce que nous
avons appelé des éléments structuraux fondamentaux, et en concepts
pragmatiques avec des éléments essentiels 6 . Ce schème particulier
correspond à plusieurs niveaux de conceptualisation permettant de
rendre compte de la réalité perçue par le sujet enseignant. Notre intérêt
en tant que chercheur s'est donc porté sur la forme opératoire de cette
connaissance particulière: qu'est-ce que le sujet enseignant débutant
prélève comme information(s) dans le réel de la situation d'e nseignement pour s'adapter à cette situation ? Quelles décisions prend -il ?
Quelles actions réalise-t-il ? La réponse à ces différentes questions
peut se retrouver dans l'analyse de son action a posteriori lors des
5. Comme il s'agit d'une compétence professionnelle, nous avons choisi de la nommer
entre guillemets.
6. Les éléments structuraux fondamentaux ainsi que les éléments essentiels seront développés plus loin dans le texte.
�Le
«
savoir analyser » sa pratique professionnelle des enseignants débutants
entretiens avec les formateurs. C'est en analysant le contenu des différentes analyses de pratiques d'un certain nombre de stagiaires que
nous avons réussi à mettre en évidence la structure de ce schème singulier car il ne participe pas directement à l'action; il intervient dans la
réflexion sur l'action (Sch6n, 1994).
Lorsque l'enseignant débutant analyse sa pratique professionnelle,
il identifie dans la situation d'enseignement des objets particuliers ou
spécifiques (un ou plusieurs élèves 7) ; il clarifie les propriétés de ces
objets (leurs actions, leurs états ... ), ainsi que la mise en évidence des
relations entre ces objets et ces propriétés (les actions d'un élève qui
font suite à une demande du professeur ou non) ; cela permet au sujet
enseignant de les constituer en un savoir sur l'action. Ce travail d'analyse de pratique se situe donc sur le registre épistémique de l'action
qui a pour but de comprendre l'action (Pastré, Mayen et Vergnaud ,
2006). En nous appuyant sur ce constat des chercheurs en didactique
professionnelle, nous avons décliné notre question de recherche selon
trois niveaux :
- Que perçoit le professeur stagiaire en situation d'enseignement?
- Quelles sont les propriétés des objets qu 'il perçoit?
- Quelles relations fait-il entre ces objets perçus et leurs propriétés?
Progressivement, le groupe des formateurs a reformulé ces différentes questions dé recherche selon une temporalité en deux étapes
tout en constituant une première phase de recueil des données. La
première étape du questionnement visait à caractériser ce « savoir
analyser » : de quoi parle-t-on? Comment le définir? De quoi est-il
constitué? Quels sont les indicateurs de cette compétence lorsqu'elle
se développe? Sur quoi portent les évolutions?
Après avoir posé quelques éléments de description re latifs à ce savoir, nous avons tenté de comprendre dans une deuxième étape, com ment il était utilisé par les enseignants débutants: qu'est-ce qui est
analysé par ces enseignants? Notre travail s'inscrivait alors dans les
recommandations d'Altet (1998, p. 38) : « les savoirs pour lire la pratique ne peuvent être construits que par des praticiens ou des chercheurs connaissant la pratique professionnelle».
7. Nous indiquons entre parenthèses un exemple possible.
�Denis Loizon
Le cadre de cette recherche, tel que nous le proposons aujourd'hui,
est un cadre reconstruit dans l'après-coup dans la mesure où le paradigme de la didactique professionnelle ne s'est pas imposé d'emblée
au groupe des formateurs qui était davantage centré sur la méthodologie et l'analyse des entretiens. C'est en reprenant les comptes rendus
de nos différentes réunions que nous avons pu retrouver et réorganiser
ces questions de recherche .
UNE MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE EN DEUX PHASES
Cette recherche s'est déroulée en deux phases. Dans la première
phase que nous présentons succinctement, nous avons tenté de caractériser ce « savoir analyser» si spécifique, à partir de la littérature en
Sciences de l'ÉducationSet en EPS d'une part, et d'autre part, à partir
des définitions proposées par les formateurs du groupe. Cette première
phase nous a permis de proposer une définition du savoir analyser,
puis d'élaborer une première grille d'analyse des données. Ensuite,
dans une deuxième phase, nous avons tenté d'identifier les éléments
constitutifs de ce savoir dans les discours des enseignants débutants
lors du début d'entretien dans les visites.
La première phase:
vers une définition du «savoir analyser»
Le savoir d'action des formateurs recueilli sous forme de questionnaire et d'entretiens semi-directifs a ainsi été confronté aux savoirs
théoriques (Barbier, 1996). Le groupe a ainsi pu définir ce savoir analyser de la manière suivante: « savoir analyser sa pratique professionnelle, c 'est, à travers une catégorisation, décrire et expliquer, les éléments essentiels constitutifs de sa pratique, ainsi que leurs mises en
relation afin d'apporter des remédiations permettant de modifier ultérieurement ses futures interventions ».
8. Parmi les auteurs sur lesquels nous avons travaillé, nous n'en citerons que quelquesuns: Altet, 1994 ; Legault, 2004 ; Lamotte et Nérin, 2003 ; Méard et Bruno, 2004 ; Perrenoud, 2001 ; Perrenoud, Altet, Charlier et Paquay, 1998 ; Petrynka, 2003 ; Vacher, 2005.
�Le "savoir analyser» sa pratique professionnelle des enseignants débutants
À partir des documents, des définitions et des savoirs d'expérience
livrés par les formateurs (Gacon, 2008 9), nous avons identifié deux niveaux qui structurent ce « savoir analyser». Tout d'abord, le niveau
macro composé de trois éléments que nous avons appelé les éléments
structuraux fondamentaux (ESF) en référence aux travaux de Sensevy (2001). Pour chacun de ces éléments, nous avons proposé une
définition:
- Décrire : « énoncer, dire des faits, des états, des comportements,
des événements de natures diverses en référence à des éléments essentiels (EE)) ;
- Expliquer: «repérer une catégorie de problèmes; mettre en relation des éléments essentiels (EE)) ;
- Remédier: «proposer des actions que le professeur fera après la
séance observée, pourra faire ou aurait pu faire ».
Ensuite, nous avons distingué dans un niveau intermédiaire ou niveau méso, ce que nous avons nommé les éléments essentiels (EE)
qui composent chacun des ESF. Ainsi, lorsque l'enseignant décrit ce
qui s'est déroulé dans son cours, il peut faire référence à ses actions,
aux actions de ses élèves, au savoir en jeu dans le cours et au contexte
dans lequel celui-ci se déroule. Lorsqu'il explique ce qui s'est passé, il
peut évoquer des problèmes rencontrés ou perçus et tenter des mises
en relation entre plusieurs éléments évoqués plus haut: son activité,
celle des élèves et le savoir en jeu. Enfin, lorsque l'enseignant essaie
de proposer des remédiations , celles-ci peuvent porter sur son activité,
sur celle des élèves ou sur le savoir qui constitue l'enjeu des situations
d'apprentissage.
En poursuivant nos investigations en Sciences de l'Éducation, nous
nous sommes aperçus que notre définition se rapprochait énormément
de celle proposée par Gomez (2004) dans la revue Recherche et Formation : «analyser une pratique consiste à en repérer certains éléments constitutifs et à les rapprocher dans le temps ou l'espace pour
en fournir une construction signifiante, et l'enrichir d'a utres possibles.
Elle comprend ainsi, à partir d'une situation permettant l'émergence
9. Deux analyses des questionnaires et entretiens ont été réalisées en fait: une première
par l'ensemble des membres du groupes lors de la deuxième journée de recherche en
2005, puis une seconde analyse par une étudiante en master (Gacon, 2008).
�Deni s Loizon
d'un épisode professionnel, le repérage d'éléments pertinents (ce sont
les composantes significatives de l'épisode analysé) la clarification de
l'agir (il s'agit d'obtenir des précisions sur ce qui a été dit, fait et sur le
contexte), son interprétation (recueillir les explications du témoin) et
son enrichissement par la proposition et l'examen d'actions supplétives
(des propositions substitutives à ce qui a été observé, ou narré)) (Gomez, 2004, p. 114). Nous y avons retrouvé la notion d'éléments, ainsi
que nos trois ESF : le repérage des éléments pertinents, son interprétation et son enrichissement.
C'est donc « armés» de cette première grille d'analyse que nous
nous sommes engagés dans la seconde phase du recueil des données
auprès des enseignants débutants.
La seconde phase:
le «savoir analyser» des enseignants débutants
Dans la deuxième phase de cette recherche, nous avons tenté
d'identifier les éléments constitutifs de ce savoir dans les discours des
enseignants débutants lors du début d'entretien dans les visites.
En effet, le groupe des formateurs a décidé de focaliser son analyse
uniquement sur la première phase de l'entretien de visite , lorsque le
formateur demande au stagiaire de faire son bilan de séance. Nous
avions repéré cette phase comme une phase utilisée traditionnellement
par tous les formateurs dans une autre recherche (Loizon, 2007, 2008).
Celle-ci précède toujours l'échange au cours duquel les conseils vont
être délivrés sous différentes formes . L'analyse de l'intégralité des entretiens nous a montré qu'il était difficile d'identifier ce qui relevait du
savoir analyser des enseignants débutants car les questions posées
par les formateurs étaient souvent inductrices de réponses . Cette première phase semblait donc la plus pertinente dans la mesure où le
formateur n'intervenait pas .
Comme le recueil des données devait avoir lieu pendant les visites,
nous nous sommes tous mis d'accord pour construire un protocole de
début d'e ntretien pour justifier de l'e nregistrement du discours sur un
magnétophone: « je suis dans un groupe de formateurs qui travaillent
sur les bilans de séances, et si tu en es d'accord, je vais enregistrer
�Le
<c
savoir analyser» sa pratique professionnelle des enseignants débutants
le début de notre entretien, une dizaine de minutes maximum. Les retranscriptions seront anonymées". Après cette rapide présentation de
la part du formateur, tous ces jeunes collègues ont répondu à la même
question afin de pouvoir comparer les réponses ; celle-ci a été présentée sous cette forme: « Peux-tu analyser ta séance (cours, leçon) ?».
Les données ont été recueillies à partir d'enregistrements sur magnétophone lors des deux visites des formateurs auprès des enseignants stagiaires, ainsi que des visites de conseillers pédagogiques
du premier degré auprès de T1 . Ce recueil a donc été réalisé en deux
temps (octobre et mars) pour tous ces enseignants débutants car nous
souhaitions pouvoir observer une évolution entre les deux visites. Pour
ce qui concerne les professeurs stagiaires, il s'agissait bien de vis'ites
« réelles", c'est-à-dire des visites qui faisaient partie du protocole de
validation du jeune collègue. Ces débuts d'entretien ont été ensuite
retranscrits sous forme de verbatim. L'analyse du contenu de ces discours sous forme de catégories (Bardin, 1998) a d'abord été réalisée
par le formateur qui avait effectué l'enregistrement, puis par un autre
formateur à partir d'une grille d'analyse construite par le groupe. Seuls
les éléments communs aux deux analyses ont été retenus.
Nous avons recherché dans le discours de l'enseignant au cours de
cette première phase de bilan, tous les éléments qu'il avait énoncés. La
répétition des éléments a, elle aussi, été prise en compte car elle nous
a semblé révélatrice d'une certaine focalisation en termes de prises
d'informations. Grâce à ce décompte d'é léments au travers des catégories de notre grille d'analyse, nous avons pu obtenir des résultats
à la fois quantitatifs (le nombre d'éléments) et qualitatifs (la nature de
l'é lément) . En nous référant aux travaux de Bru (1991) sur la variabi lité des enseignants, nous avons pu comparer les stagiaires entre eux
(variabilité interindividuelle) , mais aussi d'apprécier les évolutions chez
le même stagiaire au cours de l'année (variabilité intra-individuelle) à
partir des deux bilans .
Trois groupes inégaux d'enseignants débutants composent cette population étudiée: quinze professeurs des écoles stagiaires (PE2), trois
professeurs des écoles titulaires pour la premi ère année et dix-sept
professeurs d'E PS stagiaires (PLC2) . L'analyse que nous présentons
s'est étalée sur trois années universitaires (2005-2006 et 2006-2007
�Den is Lo izo n
avec le groupe des formateurs EPS) et 2007-2008 avec des travaux de
recherche en master (Pinchar, 2008 ; Rozan, 2008) .
Compte tenu du petit nombre d'enseignants débutants (35), nous ne
présenterons que des tendances et pas de véritables statistiques sur
un échantillon aussi faible.
LA CARACTÉRISATION DU «SAVOIR ANALYSER»:
LA GRILLE D'ANALYSE"
Suite à la première phase, notre grille d'analyse se trouvait
donc composée au niveau macro de ce que nous avons appelé
les éléments structuraux fondamentaux (ESF), puis au niveau
intermédiaire des éléments essentiels (EE) :
- DÉCRIRE: les actions du professeur, les actions des élèves, le
savoir en jeu et le contexte (tout ce qui est hors de la classe: l'établissement, les parents ... ).
- EXPLIQUER: les problèmes rencontrés et les mises en relation
entre les éléments (professeur, élèves, savoir, contexte).
- REMÉDIER: modifier l'activité du professeur, modifier l'activité des
élèves, modifier le savoir.
À partir des premières analyses réalisées sur un corpus de cinq débuts d'entretiens retranscrits, nous avons aussi identifié un troisième
niveau, le niveau micro. La précision du discours de ces enseignants
débutants nous a conduit à distinguer ce que nous avons appelé des
éléments fins (EF) pour apprécier la finesse des descriptions et des explications. Ainsi dans la description de l'action, le professeur évoquait
pour ce qui le concernait, trois catégories d'éléments:
Description de :
- ses états en relation avec les émotions vécues ,
ses intentions très spécifiques (objectifs des séances) ou plus générales (didactiques ou pédagogiques),
10. Pour la présentation de cette grille d'analyse, nous n'avons retenu que la définition
des deux premiers niveaux (macro et méso) qui nous semblen t les plu s pertinents dans le
cadre de cet article.
�Le "savoi r analyser » sa pratique professio nnelle des enseignants débutants
ses actions avec les élèves de sa classe, depuis la prise en main
dans la cour de l'école ou du collège, jusqu'à celles liées à la conduite
de la classe.
De même , lorsqu'il tenait un discours sur la classe, celui-ci portait sur
les états de ses élèves, sur leurs actions ou sur leurs apprentissages.
Il a semblé important pour le groupe de distinguer trois nouvelles souscatégories à propos des élèves; en effet, la perception des élèves, peut
se faire dans trois directions : au niveau général, celui de la classe, ou
bien à des niveaux plus subtils comme les groupes ou les cas très
particuliers de certains élèves. Le savoir d'expérience des formateurs
fut convoqué car tous savent qu'un enseignant repère très vite certains
types d'élèves: les plus agités comme les plus efficaces; par con'tre ,
le repérage des actions des élèves dans les groupes demande une
grande décentration . Enfin, lorsque l'enseignant parlait du contexte,
il pouvait faire référence à l'établissement (contexte géographique et
socioculturel), au lieu de pratique (extérieur, salle, gymnase,,,.) et/ou
à la dimension temporelle (période de l'année, séance dans le cycle) .
Tout ce qui se rapportait à la classe renvoyait systématiquement à la
rubrique élèves
Dans le cadre des explications qui étaient avancées, nous avons
aussi distingué plusieurs éléments fins dans chacune des deux catégories : les problèmés et les mises en relation . Nous avons rapidement
identifié deux types de problèmes: ceux qui concernaient la gestion
de la classe et ceux qui se rapportaient à l'enseignement (choix des
contenus) et à l'apprentissage des élèves. Dans la deuxième catégorie
(Expliquer) à propos des mises en relation, nous avons déterminé six
relations possibles (professeur-élèves, professeur-savoir, professeurcontexte , élèves-savoir, élèves-contexte et contexte-savoir).
Pour le troisième ESF (Remédier) , au-delà des éléments essentiels
annoncés plus haut, nous n'avons pas identifié d'éléments fins qui auraient pu nous renseigner davantage sur son contenu. Nous sommes
donc restés sur une seule catégorie .
�Denis Loizon
ESF
Éléments Fins
Etats P ét
Professeur P
ActionsPa
Intentions 1
Etats classe E.etc
Etats groupe E etg
Élèves E
Etats élève E eté
Actions classe Eac
Actions
Eag
Actions élève Eaé
Contenu /
apprentissage
CAP
Contexte
C
Pb Classe Pb cl
Problèmes
Pb apprentissage
Pb ap
Mr P-E
Mr P-S
Mises en relation
Mr
Mr P-C
Mr E-S
Mr E-C
MrS-C
R
T ableau 1. La g rill e d 'a n a lyse
Total
�Le
«
savoir analyser» sa pratique professionnelle des enseignants débutants
Après avoir présenté la méthodologie utilisée pour recueillir les données, ainsi que notre grille d'analyse (tableau 1), nous allons tenter de
dessiner quelques grandes tendances observées chez les enseignants
débutants sans différencier leur statut, puis nous essaierons de relever
quelques différences entre les deux populations.
RÉSULTATS
Fort de cette analyse portant sur soixante-dix analyses de contenu
(deux par enseignant débutant), nous présentons quelques données
sous forme de diagrammes qui sont illustrées à partir d'extraits des
verbatim des enseignants débutants. Les pourcentages proposés sont
établis à partir du nombre d'éléments fins identifiés pour chaque analyse
de contenu . À titre d'exemple, nous proposons dans le diagramme 1, le
nombre d'éléments fins énoncés par sept professeurs stagiaires en EPS
lors de la seconde visite en 2006.
Nbre EF par stagiaire EPS (2006)
N
b
r
e
É
OU " "1 .'.' .•••.•.•.•.•••.•.•••••••••••.•••••.•.•.•. •••••.•.•••. ••• ' •.•••.•• • .•.•.•••••••.•.••
Série 1
70 ......................................................... ",.,.,.,.,.,.,.,.,.,.",.,.,.,.,.,
60 ..........................................................................................
1
é
m
e
n
t
s
i
n
s
A
B
c
D
E
F
G
Diagramme 1. Le élém ents fins pour chaque stag iaire EPS
1
�Denis Loizon
Pour ce qui concerne les éléments structuraux fondamentaux (diagramme 2), c'est la description qui est majoritaire (65 % du discours),
puis les explications (31 %), et enfin les remédiations (4 %).
Pourcentage des EF par ESF
%
Série 1
80
É
1
1
é
m
e
n
t
s
i
n
s
0
DÉC
Diagramme 2~
EXP
REMÉ
La répartition des ESF
Dans la description (diagramme 3), ce sont les éléments se rapportant au professeur qui sont les plus cités (68 %) avant la description de
l'activité des élèves (25 %). Les éléments du contexte n'apparaissent
presque pas dans le discours des enseignants (7 %) contrairement à
nos attentes; l'e nseignant débutant reste très centré sur son activité et
sur celle de ses élèves. Lorsqu'il parle de lui , c'est surtout pour évoquer
en majorité ses actions Ue me suis déplacé ... ), puis ses intentions Ue
voulais leur faire apprendre ... }, et enfin ses états Ue suis content de ma
séance) . Lorsqu 'i l décrit l'activité des élèves, c'est surtout la classe qui
lui sert de référence et quelques élèves très particuliers (élèves perturbateurs : j'ai surveillé Kevin qui faisait.. . , ou élèves pass ifs : lui, il ne
fait jamais rien ... ).
�Le
«
savoir analyser» sa pra tique professionnelle des enseignants débutants
Pourcentage EF DÉCRIRE
%
Série 1
É
1
1
é
m
e
n
t
s
i
n
s
Professeur
Élèves
Contexte
Diagramme 3. La description globa le
Dans la catégorie «explications» (diagramme 4), le nombre de
problèmes énoncés arrivent bien avant les véritables explications ou
mises en relation. L~s
problèmes liés à l'apprentissage des élèves sont
un peu plus nombreux que les problèmes relevant de la gestion de
classe; ce constat varie en fonction du moment de l'année pour les
PLC2. Les mises en relation concernent surtout deux domaines: la
relation élèves-savoir (c'était trop dur pour les élèves) et la re lation
professeur-élèves Ue le prends avec moi pour lui faire apprendre ... ) ;
quelques remarques portent sur la relation professeur-savoir Ue ne
connais pas assez l'activité enseignée).
�Denis Loizon
Moyenne des Éléments Fins
N
b
Série 1
r
e
É
1
é
m
e
n
t
s
F
i
n
s
10
. , . . . . . . . . . . . . . '51
1
.1. 1 .. la . . . . . .
Io",5. •••• ' ..... . 'IIU . . . .. . . II.IIL I .. . .. . .. '
, ... . . , . . . . . . .. . . . . ' .. 1 ......
1
1
...... ' "' .. . . . . . . . . . . . .. .
8
6
4
2
0
Pb CI
Pb A
P-E
P-SI
P-C
E-S
E-C
S-C
Éléments fins de l'EXPLICATION
Diagramme 4. Moyenne des éléments fins dans l'explication
Dans le cas des « remédiations », nous n'avons trouvé que des éléments portant sur le professeur Ue devrais m 'y prendre autrement pour
les engager dans l'activité) ou sur le savoir (il faudrait que je revoie
l'activité, que je bosse dessus).
Les différences observées entre PE et PLC2 EPS
Il faut noter quelques différences entre les PE et les PLC2 EPS .
D'une manière générale, les temps de parole en début d'entretien sont
plus longs chez les PLC2, ce qui se traduit par un nombre d'éléments
fins plus importants. Au niveau des ESF, nous constatons que les descriptions sont plus nombreuses chez les PLC2 alors qu 'il n'y a pratiquement pas de différences ll au niveau de l'explication ou des remé11 . Nous ne parlons pas de différences significatives car nous n'avons pas d'échantillon
suffisamment large ; ce sont là encore des tendances.
�Le
«
savoir analyser » sa pratique professionnelle des enseignants débutants
diations ; le nombre d'éléments fins est supérieur pour les PLC2, à la
fois pour le professeur et pour ses élèves. Toutefois, nous observons
une connaissance plus fine des élèves chez les PE, car ceux-ci identifient très vite des élèves particuliers dans la mesure où ils travaillent
des journées entières avec leurs élèves, alors que les PLC2 ne voient
leurs élèves que sur des séquences d'une heure ou deux heures. Nous
notons aussi que les PLC2 évoquent plus facilement « leurs ressentis,
leurs impressions leurs états, leur position au sein de la classe, leurs
états d 'âmes que les PE2" (Pinchar, 2008). Toujours dans la description, tout ce qui relève des savoirs (catégorie: contenu/apprentissage)
apparaît moins souvent chez les PE que chez les PLC2 EPS. Quand
nous comparons les explications, les mises en relations sont, là ·encore, plus nombreuses chez les PLC2.
Après avoir brossé un tableau général relatif à la structure et au
contenu du « savoir analyser", nous allons essayer d'identifier quelques
axes d'évolutions pour notre groupe d'enseignants débutants.
L'ÉVOLUTION DU SAVOIR ANALYSER
CHEZ LES ENSEIGNANTS DÉBUTANTS
Pour caractériser cette évolution entre les deux visites, nous nous
appuyons sur les analyses réalisées par les membres du groupe des
formateurs EPS, mais aussi sur les travaux de Pinchar (2008) et Rozan
(2008) qui ont travaillé sur des petits groupes de stagiaires. Leurs observations s'inscrivent pleinement dans les tendances déjà observées
par les formateurs. L'évolution constatée est réalisée sur une période
de cinq à six mois aussi bien chez les PE que chez les PLC2 EPS.
l'évolution des PlC2 EPS
Lorsque nous comparons les moyennes obtenues à partir du nombre
d'éléments fins , nous constatons une augmentation du nombre de descriptions tandis que le nombre d'explications et de remédiations restent
pratiquement identique entre les deux bilans. Au niveau de la descrip-
�Denis Loizon
tion, nous observons une finesse plus importante dans la description
des actions de l'enseignant au profit de celle des élèves. La centration
sur les états du professeur est moins importante, alors que les intentions didactiques et pédagogiques sont davantage précisées dans le
second bilan.
Pour chaque PLC2, le nombre des explications n'augmente pas en
volume, mais se déplace vers les mises en relation au détriment de
l'identification des problèmes. Dans ces mises en relation, nous constatons que les relations Professeur-savoir et Élèves-savoir prennent plus
d'importance.
Pour terminer la présentation de cette évolution chez les PLC2, il
faut toujours noter la grande variabilité interindividuelle qui dépend,
comme nous l'avons déjà souligné, de l'activité physique enseignée.
L'évolution des PE
Elle ressemble étrangement à celle des PLC2 EPS dans la mesure
où ce qui évolue le plus se trouve au niveau de la description qui s'affine entre les deux bilans. Le professeur des écoles détaille davantage
ses actions que ses états, mais surtout, il précise de manière plus importante ce qu'il vise, ses intentions didactiques, alors que ses intentions étaient plus pédagogiques dans le premier bilan, surtout centrées
sur la gestion de la classe et le maintien de l'ordre. La description reste
toujours majoritaire au niveau du professeur même si l'on constate une
petite évolution de la description de l'activité de certains élèves et des
groupes. Au niveau des explications, le déplacement des problèmes
de gestion de classe vers des problèmes liés à l'apprentissage des
élèves, semble être l'évolution majeure chez les PE.
Pour ces deux groupes, nous retenons plus particulièrement une
évolution liée à des observations plus fines au niveau de l'activité des
élèves et une prise en compte plus importante du savoirs à enseigner
(les intentions didactiques) et des savoirs enseignés (versant contenus) et appris (versant apprentissage) . Les émotions se font moins
présentes même si elles restent toujours présentes sous la forme d'une
appréciation positive (cela s 'est bien passé, .. .je suis content) ou sur
�Le
«
savoir analyser " sa pratique professionnelle des enseignants débutants
des sentiments plus mitigés Ue ne suis pas satisfait), voire très négatifs
Ue ne suis pas content de l'attitude de tel élève).
Face à ces différents constats , bon nombre de nos a priori sont
tombés en étudiant au plus près les bilans de ces enseignants débutants qui révèlent une véritable compétence en matière de « savoir
analyser». Nous avons identifié de réelles tendances à l'évolution qui
viennent confirmer les impressions des formateurs. Au-delà du véritable travail de formation par la recherche, chaque formateur peut aujourd'hui dépasser ses simples « sensations» pour mettre en mots ce
qu'il présentait de manière intuitive quand il disait ou écrivait en début
de cette recherche: « j'ai senti qu'il analysait bien sa pratique».
PERSPECTIVES
Ce cadre de description du « savoir analyser» proposé à travers
notre grille et ses différents éléments, nous conduit aujourd'hui vers
plusieurs pistes de travail en formation ou en recherche . La première
concerne la nature même de la question de départ posée par le formateur lorsqu'il débute l'entretien de visite; en effet, cette question sous
forme de lanceur, permettrait d'engager plus ou moins l'enseignant débutant vers une véritable analyse de sa pratique en début d'entretien .
La formulation de la demande exprimée en termes de bilan de séance
ou d'analyse de sa pratique pour une séance donnée ne produirait pas
les mêmes effets en matière de discours réflexifs (Loizon, 2008) ; cette
hypothèse mériterait d'être vérifiée sur un nombre important d'enseignants débutants.
La seconde piste s'oriente vers des propositions de formation qui
correspondraient davantage aux besoins des enseignants débutants;
selon les niveaux de compétences développés par les enseignants débutants à certains moments de l'année de formation , il nous semble
nécessaire d'établir une certaine progressivité pour répondre aux différents besoins : apprendre à observer, apprendre à décrire, à proposer
des explications de natures différentes, ou concevoir des propositions
de remédiations . Cette seconde piste peut également faire l'objet d'un
travail important de formation de formateurs (formateurs de centre et/
�Denis Loizon
ou formateurs de terrain). Ces axes de développement des compétences professionnelles seraient à mettre en relation avec les écrits
professionnels ou les modules de formation qui existent dans les plans
de formation des IUFM.
À l'heure où se profile dans tous les IUFM la masterisation des parcours de formation des enseignants, la formation d'un praticien réflexif
(Perrenoud, 2001) sera-t-elle encore une priorité? Qu 'adviendra-t-il
du développement de ce « savoir analyser » ? Pourrons-nous continuer
à le développer en formation initiale (master) au travers de pratiques
professionnelles sans réelles responsabilités?
�C@NC
SION
��CONCLUSION
DES PISTE
RO FFrEUSES
POUR LA CONCEPTION DE DISPOSITIFS
DE FORMATI N DES ENSEIGNANTS DÉBUTANTS
La question de la conception de dispositifs de formation prenant en
compte les résultats de la recherche sur les parcours de formation des
enseignants débutants est apparue en filigrane de l'ensemble des commun ications et des débats de ce colloque. Les chercheurs sont-ils en
mesure d'offrir des connaissances sur lesquelles les formateurs d'enseignants peuvent s'appuyer? Comment et à quelles conditions concevoir des dispositifs de formation qui puissent partir de ce que sont et
font les débutants pour leur permettre d'atteindre de hauts niveaux
d'exigence professionnelle? Comment faire en sorte que ces dispositifs participent de manière significative (et non spéculative) à leur développement professionnel? Nous proposons ici trois pistes ' qui méritent
à nos yeux d'être développées, discutées et évaluées concrètement
dans un contexte politique qui fait de la formation des enseignants un
des sujets d'actualité des plus sensibles et déterminants du devenir de
l'école française .
1. Ces pistes émanent en grande partie de plusieurs programmes de recherche en ergonomie cognitive prenant et spécifiant l'activité humaine comme objet théorique, d'étude
et de conception. La définition de cet objet est ten ue par une quête de pertinence écologique et scientifique (Durand, 2008 ; Leblanc, Ria, Dieumegard, Serres et Durand, 2008 ;
Ria, Leblanc, Serres et Durand, 2006 : Ria, 2009).
�Luc Ria
PISTE 1: CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT
EN FORMATION DE L'ACTIVITÉ DES DÉBUTANTS
PAR UN JEU DE STABILISATION/DÉSTABILISATION
L'activité débutante peut être caractérisée selon plusieurs points de
vue. Ce qui peut apparaître du point de vue des formateurs comme de
l'inconstance, du manque de consistance dans les gestes professionnels des novices, est vécu d'un point de vue expérientiel par les débutants comme autant d'émotions fortes, d'hésitations, de réajustements
incessants, d'équilibres précaires face à des situations professionnelles
non familières. La recherche montre quant à elle que des régularités se
dessinent dans l'usage, même si celles-ci peuvent être des apparences
liées à la durée ou la cyclicité de l'observation. Il s'agit plutôt d'états
transitoires se succédant se lon des vitesses et des empans temporels différents. Il y a chez les débutants des transformations lentes, à
peine perceptibles tout en laissant des traces dans l'activité présente,
comme par exemple l'ouverture d'un nouveau possible pour l'action
sans concrétisation immédiate. Le possible ne s'impose pas forcément
dans l'action suivante, mais c'est l'action qui peut l'imposer ailleurs et
plus tard. Il y a aussi des transformations plus marquées, telles que
les débutants ne sont plus comme avant dans leur façon de percevoir
et d'agir. Des épreuves, des passages critiques peuvent précipiter leur
développement professionnel, c'est-à-dire la transformation durable de
leur activité. Ce qui était tenu pour vrai dans leur organisation pour une
même classe de situations professionnelles ne l'est plus lors de l'état
suivant; les perceptions, interprétations des indices prélevés en classe
et des façons d'agir sont de nature différente.
L'activité des débutants est orientée en premier lieu par la recherche
de situations professionnelles « confortables», celles qui ne mettent
pas en péril leur identité au travail. Les exercices scolaires sont parfois détournés de leur fonction première, instrumentalisés à des fins de
protection de soi: la recherche pragmatique d'une stabilité de l'activité
en classe prenant le pas sur les questions de pertinence didactique
des exercices scolaires. Dans ce sens, les débutants fabriquent des
mondes viables dont les normes successives se transforment. Ils privilégient en classe les actions efficaces, de leur propre point de vue, en
�Des pistes prometteuses pour la conception de dispositifs de formation des enseignants débutants
se protégeant des épreuves potentielles, et en rejetant parfois les prescriptions institutionnelles qui les mettent en danger (voir Ria et Rouve
dans cet ouvrage ou Ria, 2009) . Certains se contentent de ces « îlots
de relative stabilité professionnelle» et s'y cantonnent durablement si
un dispositif de formation ne les accompagne pas . Dans l'entrée dans
le métier, notamment du second degré , l'une des conséquences est le
rabattement possible des exigences curriculaires et l'adoption collective de conduites d'évitement, de repli liées à des résignations chroniques. Ceci plaide en faveur du prolongement d'actions de formation
lors des premiéres années d'apprentissage de leur métier pour interroger la pertinence de leur registre d'intervention sans les déstabiliser
totalement et en leur donnant des pistes tangibles pour agir avec plus
d'efficacité.
Cette première description de l'activité novice permet de mieux
comprendre les tensions qui peuvent émerger dans les situations de
conseil pédagogique entre des débutants plutôt enclins au conservatisme et des formateurs plutôt enclins à l'innovation ; ces derniers
poussant parfois les premiers à déconstruire ce qu 'ils viennent à peine
d'échafauder. Comment alors créer en formation un impact significatif
sur le développement professionnel des novices sans pour autant trop
les perturber? Une des voies possibles consiste à mobiliser en formation des matériaux de recherche pour faire découvrir aux stagiaires
les parcours typiques , les points névralgiques ou situations critiques
typiquement rencontrées par les débutants et à écarter celles a priori
moins cruciales pour leur développement professionnel. Il semble en
effet inutile de laisser les débutants arpenter seu ls la sphère de leur
activité professionnelle et de les laisser ainsi buter sur l'ensemble des
obstacles déjà pointés par la formation et/ou la recherche. La recherche
peut permettre une recension, voire même une hiérarchisation , des
points noirs récurrents pour les débutants, comme par exemple la mise
au travail des élèves en début de cours qui reste pour plus de la moitié
des enseignants du second degré une des difficultés professionnelles
ordinaires.
Ces re ssources mobili sées en formation peuvent permettre aux novice s de comprendre la dynamique typique de transformation de l'acti -
�Luc Ria
vité débutante et de saisir, chemin faisant et selon leurs propres dispositions, de nouvelles solutions pragmatiques pour agir de manière plus
efficace dans une même classe de situations professionnelles. La formation peut selon les étapes de développement des débutants, favoriser la stabilisation de leur action quand celle-ci est vécue de manière
précaire voire critique, ou au contraire générer des formes prudentes
de déstabilisation de celle-ci lorsqu'elle se sédimente, se cristallise
sans pour autant être jugée satisfaisante du point de vue des acteurs
et/ou des formateurs.
Finalement, les formateurs ont à composer avec les caractéristiques
du développement professionnel des débutants pour favoriser des
formes d'innovation lorsque ces derniers sont enclins au conservatisme
(pour que leur activité ne se rigidifie pas durablement) et des formes
de conservatisme lorsque les débutants acceptent d'innover en ouvrant
leur horizon potentiel (pour qu'ils ne perdent pas totalement pied le
lendemain matin en classe). Cette approche du développement professionnel en formation suppose de prendre en compte la dynamique temporelle de sa construction en classe et en formation, la diversité des situations professionnelles, mais aussi l'adoption d'une posture réflexive
de la part des stagiaires entre doute et certitude. Cette perspective
requiert aussi une recension plus systématique des situations professionnelles favorisant à la fois la stabilisation de l'activité des débutants
et l'apprentissage des élèves, mais aussi celles plus pertinentes d'un
point de vue des contenus disciplinaires enseignées mais plus « coûteuses» en termes d'enseignement.
PISTE 2 : APPRÉHENDER DE MANIÈRE CONSUBSTANTIELLE
LA GESTION DE LA CLASSE ET LA TRANSMISSION
DES SAVOIRS AU SEIN D'UNE MÊME FORMATION
Les débats lors de ce colloque ont régulièrement pointé la difficulté
pour les enseignants débutants à tenir la classe, et à considérer que
cette première visée était la condition nécessaire au déploiement de
visées supérieures relatives à la participation, au travail et à l'apprentissage des élèves . Cette conception hiérarchique des préoccupations
�Des pistes prometteuses pour la conception de dispositifs de formation des enseignants débutants
professionnelles serait définie par une relation d'inclusion : la mobilisation de préoccupations d'un niveau supérieur implique la maîtrise
de celles des niveaux inférieurs. Concrètement, les enseignants débutants ne peuvent dans cette acception se consacrer au travail qualitatif
de leurs élèves qu'à partir du moment où ils ont surmonté les difficultés
inhérentes au maintien de l'ordre en classe . À ce titre les débutants
du second degré constatent dès les premières interactions avec les
pub lics hétérogènes des établissements des académies d'accueil que
l'exercice de leur métier nécessite bien davantage que de l'expertise
scientifique . La multiplicité des incivilités , mineures la plupart du temps,
ronge la vie des classes et req uiert la réinstallation à chaque heure de
l'ordre en classe . D'aucuns s'offusquent d'avoir à effectuer cette « s·ale
besogne» pour laquelle ils n'ont pas été formés , d'autres adoptent de
nouvelles formes individuelles ou collectives d'intervention, de nouvelles normes de viabilité au travail . Et ce d'autant plus que la formation leur a proposé (encore trop souvent) des modules sur l'intervention
en classe détachés des enjeux de la discipline enseignée. Comme si
l'on pouvait tenir la classe sans se soucier de la spécificité des apprentissages . L'observation de l'activité des enseignants dans ces établissements difficiles montre au contraire la limite d'une telle partition des
registres d'intervention : la priorité de ces derniers est de mettre les
élèves au travail concrètement le plus tôt possible , dès leur entrée en
classe , pour que l'implication individuelle de chacun dans des tâches
attractives et graduées puisse limiter progressivement l'agitation collective. Ainsi, contrairement à une idée reçue , l'ordre en classe peut
être la résultante du travail et non son préalable .
L'étude de ces nouvelles formes de professionnalité enseignante
permet d'interroger la pertinence de fonder la formation initiale sur
une telle partition des registres d'intervention et d'articulation entre les
savoirs scolaires et les compétence s plus générales (transversales)
nécessaires pour faire face à des situations d'enseignem ent de plus
en plus comp lexes. La discipline d'enseignem ent et la capacité des
jeunes enseignants à la prodiguer sont san s nul doute les meilleures
arme s pour traiter, sans pour autant les régler définitivement , les questions de l'ordre scolaire et non l'inverse. Ce qu i conduit à envi sager la
conception de dispositifs croi sés au se in desqu els les enjeux de l'ac-
�Luc Ria
tivité professionnelle débutante soient étudiés au même titre que les
enjeux didactiques des savoirs scolaires proposés aux élèves. Cette
démarche, directement associée à des travaux de recherche, permet
de dépasser le dilemme entre des formations centrées sur l'activité
réelle sans contenus structurés et celles présentant des curriculums
de contenus structurés mais sans prise en compte de l'activité réelle
et d'articuler de manière plus complémentaire une réflexion sur la nature des savoirs à enseigner et des savoirs pour enseigner dans une
classe de situations professionnelles . Il s'agit d'envisager de manière
consubstantielle en formation la double valence ergonomique et didactique des contenus d'enseignement, pour répondre aux attentes et
préoccupations typiques des enseignants débutants sans pour autant
s'affranchir des orientations ministérielles.
PISTE 3 : FORMER LES FORMATEURS AUX ACTIVITÉS
ET TRAJECTOIRES TYPIQUES DES DÉBUTANTS
ET À L'USAGE CIRCONSTANCIÉ DE L'ACTIVITÉ EXPERTE
POUR LEUR FORMATION
Force est de constater la mobilisation généralisée en formation de
l'activité experte comme référence pour analyser celle des novices;
ce qui génère une efficacité toute relative (Ria, 2009). D'une part, les
conseils prodigués par des enseignants chevronnés s'ils mobilisent
leur propre vécu semblent peu contribuer à transformer l'activité des
novices qui s'estiment souvent être très éloignés des préoccupations et
dispositions à agir de leurs aînés . D'autre part, l'utilisation en formation
d'extraits vidéo de l'activité expérimentée est moins prisée par les débutants que la mobilisation d'extraits vidéo relatifs à l'activité de pairs
(avec différents gradients d'efficacité) au travers desquels ils se reconnaissent et se projettent bien davantage . Ces constats s'expliquent en
partie par le fait que les novices et les plus chevronnés ne perçoivent
pas les situations d'enseignement de la même façon : les premiers
tentent de s'adapter en permanence à des situations nouvelles impré visibles en masquant leurs surprises et leurs émotions ; les seconds
agissent dans un environnement familier en repérant les indices typique s de situations déjà vécues et en mobilisant à tout instant des
�Des pistes prometteuses pour la conception de dispositifs de formation des enseignants débutants
connaissances construites antérieurement . L'activité débutante analysée et interprétée à l'aune de celle des plus expérimentés conduit davantage à une caractérisation en creux de ce que le débutant n'est pas
qu 'à une réelle investigation de ce qu'il est, ce qu'il ressent et interprète
en situation professionnelle. Ce qui limite les possibilités de l'inscrire
dans un projet de transformation réaliste à court terme.
Ce constat montre la nécessité de former les formateurs aux activités et trajectoires typiques des débutants et à l'usage circonstancié de
l'activité experte pour leur formation. En effet, il s'agit pour eux d'accepter que cette référence ne soit pas mobilisée comme une ressource
exclusive mais plutôt ponctuelle, compte tenu de sa pertinence, de sa
compatibilité vis-à-vis d'un registre particulier de situations scolaires et
des dispositions à agir des néo-titulaires.
L'usage pour les formateurs des matériaux de la recherche sur les
enseignants débutants devraient remplir plusieurs fonctions non dogmatiques au service du collectif apprenant:
a) mettre à jour les processus implicites de l'intervention en classe ,
rendre publiques les activités trop souvent confinées au registre de
l'intime et du familier;
b) contribuer à dépasser le sens commun, lié à une orthodoxie professionnelle fortemént ancrée, pour montrer l'émergence de nouvelles
normes, de nouvelles modalités d'intervention (comme l'usage de l'écrit
ou de configurations collectives en début de cours) ;
c) favoriser la mise en perspective , l'analyse critique, le débat, la
conception collective de procédures consensuelles et l'évaluation pratique des situations professionnelles critiques.
�Luc Ria
Orientations pour la formation des formateurs au développement professionnel des novices
Actions typiques des
débutants
•
•
•
•
•
Recherche de régu larités •
dans l'activité professionnelle
Valorisation des exer- •
cices scolaires "viables»
de leur point de vue, sécurisant et stabilisant leur •
action et celle des élèves
Mobilisation de savoir
faire ad hoc selon leur efficacité pratique
Tendance au conservatisme
de
qui
« ce
marche" et qui favorise
une protection de soi
Difficulté à remettre en
cause "ce qui marche"
Projets d'action des
formateurs
Objets de formation
Activité d'un point de vue •
ergonomique et didactique
Réussite de l'activité •
(côté enseignant et côté
élèves)
Conditions de réussite
de l'activité
•
•
•
Reconnaître l'activité typique des enseignants
débutants
Identifier les conditions
de réalisation de leurs
activités et questionner
leur efficacité concrète
Indentifier la zone de développement
potentiel
de l'activité interprétée
comme " forme provisoire»
Favoriser
l'ouverture
d'autres possibles de
l'activité
compatibles
avec les dispositions à
agir des novices
Susciter l'innovation prudente, accepter la résistance, l'inertie ...
Avant toute amorce de tels dispositifs de formation , plusieurs prérequis semblent nécessaires pour l'accompagnement des enseignants
débutants:
a) avoir une bonne connaissance des étapes du développement de
l'activité des novices ;
b) concevoir l'analyse de l'activité des débutants dans une perspective dynamique, c'est-à-dire en l'appréhendant comme une forme
provisoire, partiellement stabilisée , partiellement satisfaisante , et dont
la modélisation des autres activités typiques en amont et en aval de
celle-ci donne des clefs pour la comprendre et la tran sformer, notamment en identifiant les zones de développement potentiel de l'activité
concern ée ;
c) in sister en corollaire , pour que l'analyse de l'activité professionnelle montre les aspects les plus génériques d'une commun auté débutante en cours de développement, et non les difficultés inhérentes à
des en seignants en particuli er ;
�Des pistes prometteuses pour la conception de dispositifs de formation des enseignants débutants
d) accepter, malgré tout, que le développement de l'activité des débutants, bien qu'accompagné, donne lieu à des transformations prévisibles et/ou imprévisibles, lentes et/ou rapides, singulières et/ou typiques, etc.
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�EURS
��LES AUTEURS
Marilisa BIRELLO , Université de Barcelone.
Yves BIRON , IUFM de Bourgogn e, Université de Bourgogne.
Sophie BRIQUET-DUHAZE, IUFM de l'Université de Rouen.
Denis BUTLEN , IU FM des Pays de la Loire, Université de Nantes .
Monique CHARLES-PEZARD , IUFM de Créteil, Université Paris 12.
Marc DAGUZON , IUFM d'Auverg ne, Université Blaise Pascal.
Arnaud DEMON FAUCON , IU FM de Bourgogne, Université de Bourgogne.
Christine DOLLO, IU FM d'Ai x-Marse ille, Université de Provence .
Marie-Laure ELALOUF, IUFM de l'académie de Versai lles, Université de CergyPontoise.
Cathy FOUROT, IUFM de Bou rgog ne, Université de Bourgogne.
Benjamin GESSON , IUFM Aqu itai ne, Université Bordeaux 4, Université Bordeaux 2.
Dominique GIVORD-BOUVET, IU FM de Bourgogne, Université de Bourgogne.
Roland GOIGOUX , IU FM d'Auverg ne, Université Blaise Pascal.
Brigitte GRUGEON-ALLYS , Université Paris Diderot, IUFM d'Amiens, Université
Jules Vern e Amiens.
Christophe HOFF, Universi té Nancy 2.
Franck LÉONARD , IU FM Aqui taine, Université Bordeaux 4, Université Bordeaux 2.
Laurent LESCOUARCH , Université de Rouen.
�Les auteurs
Denis LOIZON , IUFM de Bourgogne , Université de Bourgogne.
Valérie LOUVRIER, IUFM de Bourgog ne, Université de Bourgogne.
Hélène MARQUIÉ-DUBIÉ, IUFM de l'Académie de Montpe llier.
Pascale MASSELOT, IU FM de Versai lles, Université Cergy-Pontoise.
Olivier MAULlNI , Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, Université
de Genève .
Thérèse PEREZ-ROUX , IUFM des Pays de la Loi re, Université de Nantes.
Philippe PIERON , IUFM de Bourgogne, Université de Bourgogne.
Delphine PLUVINET, Université de Barcelone.
Martine PUGET, IUFM de Bourgogne, Université de Bou rgog ne.
Luc RIA , IUFM d'Auvergne , Université Blaise Pascal.
Marie-Estelle ROUVE, IUFM d'Auvergne , Université Blaise Pascal.
Corinne ROYER , Université de Barcelone .
Guillaume SERRES, IUFM d'Auvergne, Université Blaise Pascal.
Nicolas SEMBEL, IUFM Aquitai ne, Université Bordeaux 4, Universi té Bordeaux 2.
Boris TERUEL, IUFM Aquitaine, Universi té Bordeaux 4,
U nive
r sit
~
Bordeaux 2.
Marie-Christine TOCZEK-CAPELLE, IUFM d'Au vergne, Université Blaise Pascal.
Rich a rd WITTORSKI , IUFM de l'Université de Rouen.
�Imprimé par DIAZO 1
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OctObre 2010
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Les parcours de formation des enseignants débutants
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Presses universitaires Blaise Pascal (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
2010
Format
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372 pages
24 cm
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Description
An account of the resource
Bibliographie p. [337]-368. Notes bibliographiques. Filmographie p. 368
Ouvrage issu du colloque international éponyme organisé par le laboratoire PAEDI à l'IUFM d'Auvergne en décembre 2008
Subject
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Enseignants débutants – Formation – Actes de congrès
Enseignants – Formation – Actes de congrès
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Goigoux, Roland (1958-....)
Ria, Luc
Toczek-Capelle, Marie-Christine
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Enseignants – Formation – Actes de congrès
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