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CON SU LTA TI ON S.
L E C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a pris lecture, 1°. du.
contrat de mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette
avec Marie-Léonarde Cornudet, du 14 mai 1778 2° du
contrat de mariage de Marie-Joseph Maignol avec Gilberte
Ducourthial, du 2 avril 178 3 30. d’un mémoire à con
sulter
E st d ’ a v i s q u e , d'après les anciennes et les nouvelles
lo is, le prem ier enfant mâle , issu du second mariage de
Gilbert Ducourthial avec Marie-Léonarde Cornudet, doit
avoir, en préciput, le tiers des biens de la succession de
son p è re , et un quart dans les deux tiers restans.
Gilbert Ducourthial fut marié deux fois. En premières
n oces, il avoit épousé Marie - Gabrielle de Villette. D e
ce premier mariage issut Gilberte D ucourthial, actuelle
ment épouse du citoyen Maignol.
A
�CM
E n 1 7 7 8 , Gilbert Ducourthial épousa, en secondes
n o c e s , M arie-Léonarde Cornudet.
Par une clause expresse de ce contrat de mariage , il
est dit que Gilbert D ucourthial, futur époux, instituehéritier du tiers de tous ses biens présens et à venir, l’un
des enfans qui naîtra du présent m ariage, et ce par préciput et avantage ; laquelle institution est faite en faveur
de celui ou celle que les futurs choisiront conjointement,,
par quelques actes que ce soit, ou qui sera choisi par le
survivant des deux futurs, auquel le droit en appartiendra
par clause expresse, aussi par quelques actes que ce soit;
et en cas que le choix rien ait pas été ¿fait, ladite ins
titution sera au projit de Vaine des m âles, s'il y a des
m â les, et s'il riy a point de m âles, au profit de îa în ée
des Jilies.
D e ce mariage sont issus trois enfans maies. Gilbert
Ducourthial est décédé depuis le mois de juillet 1793.
Marie-Léonarde Cornudet, sa seconde fem m e, étoit dé
cédée plusieurs années auparavant \ ni l’un ni l’autre n’ont
fait d’élection. Dans cette circonstance, lie fils aîné demande
s’il doit profiter des avantages qui lui paroissent assurés,
par le contrat dé mariage de ses père et mère.
L ’édit des secondes noces, de i 56o, qui ne permet pas
à ceux qui sé remarient, et qui ont des enfans d’un premier
lit, de se donner réciproquement au delà de la portion de
l’enfant le moins prenant, avoit lait naître des doutes à cet
égard: on craignoit sur-tout en droit écrit, qu’en faisant
de pareilles institutions, ce ne fût un moyen de frauder la
loi ; mais la dernière jurisprudence, fixée par difl'érens ar
rêts, dontl’un du 29 avril 1719 , et l’autre du 11 août 1 7 4 ^
�(
3
)
.............................................................
rapportes par Lacombe, est que de pareilles dispositions
sont valables. C’étoit aussi la jurisprudence de la ci-devant
sénéchaussée d’Auvergne. L e dernier commentateur de la
coutume, tome II, titre X I V , art. X X V I , page 3^4 >raP" *
porte une sentence du mois de juin 1773 , qui confirme uni?
institution d’héritier, en faveur des eufans à naître d’un
second mariage. A in si, en ne consultant que l’ancienne
jurisprudence, il est sans difficulté que l’exposant doit avoir
en préciput, le tiers des biens qui lui a été donné par le
contrat de mariage de ses père et mère : on dit en préciput,
parce qu’il est de principe qu’un don fait de cette riianière,
n’est pas sujet à rapport, même en ligne directe.
Les lois nouvelles ne font pas non plus obstacle à la récla«
snation des exposans: on peut même dire qu’elles décident
la question en sa faveur.
,
Il est vrai que d’après les dispositions des art. X X III et
X V II des lois du 17 nivôse et 22 ventôse de l’an 2, l’élection
laissée au choix de l’un des époux étoit nulle, si elle n’avoit
été faite que le 14 juillet 1789 et depuis, et que tous les héri
tiers présomptifs venoient alors par égalité ù la succession
de ci/jus.
Mais il ne peut plus être question de ces lois, non plus
que de celle du 5 b ru m a ire précédent, puisqu’elles ont été
annullées, quant à leur effet rétroactif, soit par la loi du
3 vendémiaire de l’an 4 , soit par la nouvelle constitution.
Il faut donc se référer au moment du décès de Gilbert
Ducourthial, à l’effet de savoir si h cette époque, il existoit
quelque loi qui put empêcher l’effet de la disposition faite
en faveuj* de l’exposant, par le contrat de m ¡r age de scs
père et mère : or, il n y avoit pas alors de loi qui eût prosA 2
�(
4
)
erit de semblables dispositions, et annuité des conventions
contractuelles, faute par l’un des conjoints d'avoir exercé
la facu lté d'élire, stipulée dans un contrat de mariage ; et il
n’y en a pas depuis, attendu l’abolition de FeiFet rétroactif
L a loi du 7 mars 1793, antérieure au décès de Gilbert
Ducourthial, abolit, à la vérité, la faculté de disposer de
ses biens, soit à cause de m o rt, soit entre-vifs, soit par
donation contractuelle en ligne directe; mais cette loi, dont
la défense n’est relative qu’aux dispositions futures, n’a
néantit pas les dispositions qui étoient déjà faites, etn ’o bligeoit point les père et mère à les révoquer : o r , ce n’est
point en vertu d’une disposition faite postérieurement à la
loi du 7 mars 1793, que l’exposant réclame le tiers des
biens dé son père, comme un don qui lui a été fait en préciput; il le réclame en vertu d’une disposition bien anté
rieure à la loi, en vertu drune disposition respectée et con
firmée même par les lois postérieures.
E n e ffe t, l’article p re m ie r de la lo i du 18 p lu viô se d e r
n ie r , p o r te : « L e s a va n ta g e s, p ré lè v e m e n s , p ré c ip u ts, d o -
* nations entre-vifs, institutions contractuelles, et autres:
«dispositions irrévocables de leur nature, légitimement
* stipulées en ligne directe avant la publication de la loi du
« 7 mars 1793 ? et en ligne collatérale ou entre individus
« non parenS', antérieurement à la publication de la loi du
* 5 brumaire a'n 2, auront leur plein et entier effet, con
ic formément aux anciennes lo is, tant sur les successions
* ouvertes jusqruà ce jour que sur celles qui s’ouvriroient à
« l’avenir
L ’avantage ou le préciput dont il s’agit, a été stipulé
dans un contrat de mariage, passé antérieurement à la loi
�du 7 mars 1793 ; à défaut d’élection de la part des père et
m ère, ces avantages étoient destinés au premier enfant qui
naîtroitdu mariage : il n’y a pas eu d’élection*, les père et
mère sont décédés avant les lois des 5 brumaire et 17 nivôse
de l’an 2 ; par leur décès, l’avantage s’est fixé et est devenu
irrévocable sur la tête du premier enfant mâle; il doit par
conséquent en profiter.
Le père ne pouvoit, dira-t-on, faire un choix postérieu
rement à la loi du 7 mars 1793, puisque cette loi prescrivoit l’égalité entre tous les enfans, dans l’ordre de succéder
à leurs ascendans, et on pourroit en conclure que la dis
position n’étant pas irrévocable de sa nature, ne peut sub
sister : mais cette objection n’est pas fondée, si Ton fait
attention que la loi de 1793 n’interdit que les dispositions
qui pourroient être faites à l’avenir ; qu’elle n’anéantit pas
celles qui existoient alors ; qu’elle valide, au contraire, ce
qu’elle n’annulle pas. ( A rt. X X V I de la loi du 22 ventôse ).
O r,l’avantage dont il s’agit, est assuré à l’exposant, non par
une disposition postérieure à la promulgation de la loi du
7 mars 1793; mais par une disposition bien antérieure, puis
qu’elle remonte au 14 mai 1778 : cette disposition n’ayant
été annullée ni par les père et mère, ni parla lo i, doit donc
avoir son effet, puisqu’elle est devenue irrévocable par les
décès des père et mère avant la promulgation des lois des
5 brumaire et 17 nivôse de l’an 2.
Cette résolution doit éprouver d’autant moins de diffi
culté , qu’elle a pour principe et pour fondement la dispo
sition de l’article 7 de la m êm e loi du 18 pluviôse dernier.
Cetarticle est ainsi conçu :
« Les élections d’héritier ou de légataire, et les ventes à
�(
6
)
« fonds perdu, qui ont été annullées par les art. XXlI et
« X X V d e la loi du 17 nivôse, à compter du 14 juillet 1789,
« sont rétablies dans leur effet p rim itif, si elles ont été
« faites par acte ayant date certaine avant la publication de
« ladite loi du £7 nivôse ».
Des termes de cette lo i, il résulte évidemment que les
élections d’héritier qui ont été faites antérieurement à la loi
du 17 nivôse, et non à celle du 7 mars 17 9 3 , doivent être
maintenues: ainsi, l’exposant étant saisi de l'effet de l’insti
tution par le décès de son p è re , arrivé avant la publication
de la loi du 17 nivôse, on ne sauroit lui contester légitime
ment l’avantage qu’il réclame.
D é l i b é r é à R iom le 14 germinal an
française une et indivisible.
5 de la république
T O U T T É E , T O U T T É E , GASCHON.
f
LE SOUSSIGNE qui a yu la consultation ci-dessus et
des autres parts ;
, que s’il n’est pas impossible de tirer des lois nou
velles , quelques inductions favorables aux enfans du pre
m ier lit de G ilbert D ucourthial, les raisons déduites dans la
E stim e
consultation ci-devant transcrite, doivent contribuer beau
coup à faire incliner en faveur de l’exposant. On pput même
ajouter aux raisonnemens delà consultation. En effet, en
supposant que par 1<; défaut d’élection, fait antérieurement
�(
7
)
à la loi du 7 mars 1793, la disposition ne se fût pas déterminément fixée sur la tête de l’aîné des mâles du second
lit, il est au moins une chose incontestable; c’est que le
contrat de 1778 lia irrévocablement les mains de l’insti
tuant respectivement aux enfans du premier lit. Par ce
contrat, il prescrit irrévocablement que les enfans du se
cond lit ou l’un d’e u x , emporteroient dans sa succession un
tiers des biens, par préciput et avantage sur les enfans du
premier lit. C est sous la foi de cette promesse irrévocable
de sa nature, que le second mariage fut accompli ; par
conséquent les enfans du premier lit, n’ont point le droit
d examiner et de critiquer la prétention de l’exposant.
L a loi du 18 pluviôse dernier, n’a attribué à tous les
enfans du même p è re , en se référant à celle du 7 mars
1793 j Que ce dont le- père n’étoit pas dessaisi déjà. Les lois
nouvelles n’ont pas p u , n'ont pas même entendu faire ,
plus que ne le pouvoit le père ; or ic i, de même que
Ducourtliial père ne pouvoit pas remettre l’égalité entre
tous ses enfans du premier et du second l it , de même les
lois nouvelles ne sauraient la rem ettre, sans avoir un effet
rétroactif.
D é l i b é r é ùR îom , le 14 germ inal an
française, une et indivisible.
5 de la république-
DE VAL.
�m ém o ir e a c o n su l t e r
ET C O N S U L T A T I O N .
J_ E citoyen Titus s'est marié deux fois ; il a eu de son
premier m ariage, avec dame Marie Laurette , une fille
nommée G ilberte, et de son second, avec Suzanne D ailly,
trois en fan s, Pierre , Jean et Jacques.
Par ce contrat de mariage , Titus a institué pour son
héritier du tiers de tous ses biens présens et à v e n ir, l’un
des enfans qui naîtroit dudit mariage , et ce, en préciput
et avantage ; laquelle institution étoit faite en faveur de
celui ou de celle que les futurs choisiroient conjointement,
par quelques actes que ce lu t, ou qui le seroit par le sur
vivant des deux futurs époux, auquel le droit en appartiendroit par clause expresse , aussi par quelqu’acte que ce
fû t; et dans le cas où le choix n’en ait pas été fait, ladite
institution profiterait à Tainê des mâles ; et s’il n y a pas
de maies , à l’aînée des filles. Telle est la clause portée par
ledit contrat qui est du 14 mai 1778.
L e père commun a marié sa fille unique du premier lit,
et par son contrat de mariage antérieur à la révolution,
il lui a constitué en dot une somme de 1 5,000 liv- 3payable
en cinq termes de 3,000 liv. chacun, de deux en deux
ons , sans intérêts qu’à défaut de payement terme par
terme î
�( 9 -V
.
^epne i;-et moyennant cette ¿constitution, il fut stipulé
q u ’elle demeureraitforclose dè.;lôütes succcssionsidirectes
et collatérales de l’estoc paternel, sous la réserve quil fit
de la rappeler <auxdites successions par quelquacte que ce
fû t : cet acte est de 1.783................. , a
.
;p
t - T itu s, père com m ua, est mort le 27. juillet 17 9 3 , l*
mère e$t morte avant, sans avoir fait de cliqix de l’un, des
eniàns, Il s’agit maintenant de'savoir , i° . :si -cette'Jinsti*
tuti( -, contractuelle.est valable en faveur des enfansldii
second lit,
ir î,> t *1_
• î\ j
-, •.juuiü .j.. i.j
a 0.' Si yen le supposant,n’y ayant paseu d’élection delà
part des père et m ère, 1c’est 1l’aîné mâle qui doit en pro
fiter; .
.. i •
• •;
. ... l'j'-- c . . [
30. Quels sont les droits delà fille du premier lit dans
la succession du père commun ? la forclusion prononcée
contre elle doit-elle avoir son effet ?
... Enfin , y ayant des enfanfc mineurs, quelle doit être la
forme du partage ? -.¿j
•;
• • > Jnu ù
.
.
CO N SULTATION.
L e C O N S E I L S OU S SI G NÉ',’qui a lu les deux
contrats de mariage dont il s’a g it,
E
stim e
1
, sur les questions proposées,
1°. Que l’inst;itution contractuelle, faite par un père dans
son second contrat de mariage au profit des enians à naître
d’icelui, est valable et doit avoir sou exécution.
B
�( IO }
Dans le principe, cette question a partagé les auteurs,
>et il paro ît qu’elle a été diversement jugée par les tribu
naux. ' '
r
"
*
v C e u x qui ont soutenu qu’elle étoit nulle, se sont fondés
sur ce que les enfans du second ,lit,, n’étaut encore Sus
ceptibles de la part de leur père et m ère, ni d’am our,
jiî de haine’, les dispositions que l’un des conjoints fait
«n leur)faveur., ne sont censées faites qu’en contemplation
de l’autrejcorijoint; on présume que, ne pouvant lui donner
directement au delà d’une portion d’enfant, l’on a voulu
éluderda loi par une disposition'indirecte, èt que d'après
l ’/*dit'Adüscáecorides, inoces ,'Ujon me p ou voit donner aux
pères, mères et enfans du second mari ou autres personnes
•parod0l etj fraude .'intérpaiés. :J‘ •»
i„„» •’
Une femme, dit Chabrol, qui ne peut pas profiter de
ces libéralités pour elle-même, n’a pas moins d’empressexnentûài’les procurer, à ¿es; enfans à naître; s’ils lui survi
ven t, ils ont ce que leur mère n’auroit désiré avoir que
p o u r e u x j et s’ils lui pr<5décèdent, elle peut retrouver
souvent', dans leur succession, les biens qu’elle leur a
-r
-- s
r ««
» f - **
procure?.^
Les partisans de cette opinion citent à son appui plu
sieurs arrêts: le prem ier, du mois de novembre i 588 ,
rapporté par Mo^tluolon., ,,
*
L e sècoàd qu’on trouve dans Soefve, du 18 juillet 1.645.
Un troisième recueilli par Brodeau sur L o u e t, L. Nsomm. 3 , du .3 août 1647.
.
1
quatrième ,!;qu’on ¡trouve au journal 'du .Balais ,
du 7 spptombre a 673.
1
Enfin ,1 cèlui connu saus :1e nom de Laparra, du 18
�mai 1736.,j rapporta .par l’Epine de GrainV[ille. Tous ,•
dit- on , ont an nulle des dispositions faites^en faveui- des
enfans à naître d’un second mariage.>
Mais si l’on se donne la peine d’entrer ten connaissance,
de cause de ces jugemens:, on s’aperçoit bientôt qu’iisi
sont rendus sur des circonstances particulières, et n’ont
aucune application à l’espèce qui se présente ici.
D ’abord celui de Montholon , d’après. Rousseau de
la C om be, n’a pas jugé la' question. « Il s’est trouve ,>
« dit-il, verbo Noces, qu’il,s’agissoit d?une donation faite.
« non à des enfans? d?un. second l i t , mais à des colla-?
ce .téraux. »
Celui de 1645 paroît avoir jugé qu’une mère remariée,
n’avoitpu donner aux enfans du second mariage ses meubles
et acquêts, et le quint de ses propres, au préjudice des enfans
du premier lit, dont la légitime n’avoji; cependant pasiété
blessée; mais indépendamment de l’injustice évidente qui,
paroît en résulter, il est rendu pour une coutume diffé
rente de celle-ci, où les pères et mères ne peuvent succéder
aux propres de leurs enfans.
Celui de 1647 se trouve dans-tous les recueils^ il fut rendu
consulhs classibus ,• il annulla une donation contractuelle,
faite au profit d’enfans à naître , par une femme qui se
remarioit \ m a is B ro d e a u , qui le premier l’a recueilli, dit
que cette donation étoit tout-à-fait extraordinaire, injuste
et barbare, étant faite à l’exclusion perpétuelle des enfans
du premier lit , au point qu’à défaut denians du second
lit, les collatéraux étoient appelés.
Il n’est pas étonnant qu’une pareille disposition ait été
«mnuUée ; i° . elle, étoit faite ab irato> et 20. comme l’obB 2
�serve Chabrol > il est évident que le lllari aVoit été le seul
objet de cette libéralité ; et cela est si v r a i, que la donation
c o n tra ctu e lle en contenoit une clause particulière, puis
qu’il y étoit d it, suivant Brodeau, qui le rapporte et qui
le connoissoit bien, puisque l’arrêt fut rendu sur le rapport
d e son gendre, « et au cas qu’il riy ait pas d’enfans y lesdits
* biens appartiendront audit sieur de Saint-M artin seul r
* qui étoit le futur époux , et au x sien s, sans que les enfans
« du premier m ariage, n i les héritiers de ladite fu tu r e y
a puissent rien prétendre n i demander, sinon que ladite
« G uilbou, si elle survit, auquel cas elle jouira desdites
« acquisitions sa vie durant seulem ent, et après retour« neront aux héritiers dudit sieur de Saint-M artin. »
L ’arrêt de 1673, a bien aussi annulléune donation faite
aux enfans à naître d'un second mariage; mais elle avoit
pour principal objet la fèmme ; c’est ce que soutenoit les
défenseurs des enfans du premier lit: « au f a i t particulier y
« disoient-ils, ainsi qu’on le lit dans les auteurs du Journal
« du palais , il est certain que la donation dont il s’agit, est
« moins faite aux enfans qu’à leur mère ; c’est le fruit de ses
« charmes et de ses caresses : la passion extrême qu’avoit
te pour elle le sieur de Tersam , a été colorée d’une affection
« apparente pour une postérité qu’il ne connoissoit pas, et
* qu’il ne pouvoit encore aimer. »
Cela est si vrai que Rousseau de la Com be, qui rapporte
aussi cet arrêt, verbo Noces, s’en fait un moyen pour prou
ver que les enfans communs, nés ou à naître, ne sont point
compris dans la prohibition, pourvu qii ils n aient servi
de prétexte pour donner au second conjoint.
E nfin, l’arrêt do 1738 de Laparra, a été rendu en pays
�..........................
( *3 )
cle droit écrit, où la mère succède à son enfant*, en sorte
que l'on pouvoit dire que la disposition ¿toit faite en fa
veur de la femme, puisqu’elle pouvoit en profiter.
Mais l’espèce qui nous divise est bien différente ; les
pai'ties et leurs biens étoient régis par une coutume qui
exclut les ascendans de la succession des descendans, et qui
donne la préférence aux collatéraux du centième degré
sur eux; ils ne peuvent succéder que quand il n’y a aucun
parent de la ligne. Cette coutume est même si contraire
aux ascendans sur le droit de successibilité ; qu’elle.rend
propre, pour l’empêcher, ce que toutes les autres coutumes
declarent acquêts, et ce que celle-ci rend acquêt pour tout
autre parent que les ascendans; ainsi il faut faire une grande
différence en matière d’institution contractuelle, en faveur
des enfans à naître d’un second mariage, entre le pays de
droit é crit, et celui de coutume.
Dans le prem ier, la seconde femme peut être l’objet de
la lib éralité d’un mari ; mais jamais elle ne peut le deve
nir dans le second, puisqu’elle ne peut succéder aux enfans
dudit mariage, ni aux descendans d’eu x, à moins qu’il n’y
ait aucun parent de la ligne ; et dès lors la p ro h ib itio n ne
peut plus exister , puisqu’il n’y 'a plus d’intéressd.
M ais ce n’est pas seulem ent avec des raisonn em en s tranchans qu’ on v e u t écarter les p ré ju g és que l’on vient de
discuter; la jurisprudence, en faveur de la validité de pa
reilles institutions, est irrévocablement form ée, soit par
les anciens arrêts qui ont jugé la question in termini's, soit
par les nouveaux; et la presqu’universalité des auteurs,
n’hésitent pas de la consacrer par leur opinion bien pro
noncée.
�c h .y
L e premier-arrêt qui ait admis l’institution d’héritier en
faveur des.en-fans a naître d un second mariage, est rapporté,
par C h opin , liv. 3., ehap. i ei‘. lit. 1er. sur ja coutume d'An
jou , en date du 7 septembre 1675.
L e second, du 19 juillet i 65g.} rapporté par Ricard
T r a it é des Donations, partie.3 , n°. 1243, et par l’au
teur du Journal du Palais, a confirmé une donation faite,
à des enfans à naître, par un troisième contrat de mariage:
c’est l’arrêt des Lagrange. On demandoit la réduction da
la donation, conformément à l'édit des secondes noces. La.
disposision fut confirmée pour le tout.
L e troisième,j ..se trouve au Journal des audiences,y sous
la date du 29 avril 1719 ; il fut imprimé-dans le temps. Il
a déclaré valable une institution contractuelle, faite en fa
veur des enfans à naître, par un second contrat de mariage,
par Jean Chaussard de Felletin, en Marche.
L e quatrième est intervenu le 11 août 1740, au rapport
de M. Bochard de Sarron. Il est rapporté par la Com be,
verbo Noces. Dans l’espèce de cet arrèt, Jacques de Gagnou
de. Vilène , lieutenant général des armées , âgé de soixantequinze ans , qui avoit un fils du premier litco n v o la n t en
secondes noces avec daine Claude-Antoinette Dassé, avoit
donné aux enfans de ce futur mariage tout ce que la coutume
du Maine lui pennettoit de donner à ses enfans- puînés. L a
donation a été confirmée eu faveur des enfans du second
mariage , quoique la dame Dassé eût la gajxle-/toble de
jîes cîïfans.
Rousseau de la Combe annonce en thèse générale, que
celui qui sq remarie, peut donner à ses en fans du second lit;
et qu’il faut tenir pour constant que les enfans communs,
�( * 5' )
nés ou à naître, ne sont p a s compris dans la prohibition
pourvu qu’ils n’aient pas servi de prétexte pour donner
au second conjoint; mais que quand c’est la femme qui
sè remarie en pays de droit écrit ,1a donation est suspecte,
à cause de la puissance paternelle.
En effet, les lois romaines, ni l’édit des secondes noces,
n’ont pas défendu les donations des pères et mères, en
laveur de leurs enfans communs ; et comme c’est une loi
pénale, on ne peut pas l’étendre d’un cas ù un autre ; il
faut au contraire la restreindre, sur-tout quand elle est
■une exception au droit commun. T o u t le monde eonnoît
•les motifs qui donnèrent lieu dans le temps à rendre l’édit
des secondes noces. C’étoit une dame d’Âlègre , qui avoit
sept enfans de son premier m ariage, et q u i, en se rema
riant , avoit donné presque tous ses biens à son second
mari. Cette loi prohibitive est donc une exception au droit
commun qui permet de faire la condition d’un enfarft
meilleure que celle de l’autre ; elle a été introduite par dès
considérations d'honnêteté publique, qui ne peuventavoir
pour objet les enfans communs des deux époux.
« Il seroit étrange, » disoit l’auteur du J o u r n a l dù palais,
daus la cause jugée par l’arrêt de 1673, «que les législa'« teurs q u i se sont p a rticu lièrem en t attachés à former des
« obstacles au x secondes noces , n’eussent point parlé des
•«enfans, s’ils eussent prétendu les comprendre dans la
« prohibition ; mais ils n’avoient garde de penser à eux ; il
« y en a deux raisons sans répliqué. »
«La première est, que ce sont des sujets innocens que la
«loi doit protéger, puisque, autorisant les secondes noces,
« elle laisse par une conséquence nécessaire, les enfans qui
.
�( i6 )
« en naissent, clans la possession du droit commun ; c'est-àa d ire , q u e comme ces enfans né sont pas encore au monde,
« et n éanm oin s-y doivent venir par une voie légitime > la
« loi ne peut pas avoir pour eux de l’indignation, qu’elle ne
r fonde jamais que sur un démérite naturel ou moral.
« La seconde raison est, que l’ordonnance ne peut com
te prendre les enfans communs dans la .prohibition, que par
ce les mêmes motifs quiy ont donné lieu, savoir, en faveur
« de l’honnêteté publique, et par la crainte de la suggestion ;
et mais il ne se rencontre rien de tout cela dans la qualité
a innocente des enfans, et sur-tout dans des enfans à naître,
* qui n’ont que le suffrage de la nature qui parle pour eux.
« Il ajoute que presque tous les docteurs avoient décidé,
« que la loi hcic ed icta ti , et l’édit des secondes noces, ne
« concernent point les enfans communs.
« Car d’opposer que les enfans à naître ne peuvent avoir
« excité la libéralité des pères et mères, par leur mérite, par
* leur sexe, ou par quelques autres qualités; c’est ignorer
« que les enfans étant la fin du mariage, il est assez naturel
ce que leurs pères et mères pensent ¿\ eux avant leur nais« sance , et qu’ils se les représentent, comme s’ils étoient
« effectivement nés; de là vient que dans les clauses des
ce contrats de m ariage, les enfans ù naître ont ordinaire"
et ment la meilleure part, »
Brodcau sur L ouet, lettre N , somm. 3 , n°. 12 , a traité
également cette question: et Aucuns de nos docteurs fran
ç a i s , dit-il, tiennent que la prohibition de l’édit des
« seconds noces a lieu , non seulement ù l’égard des con« joints, mari ou femme , mais encore des enfans du
« prem ier ou du second m ariage........Mais néanmoins il
« est
�« est indubitable , que cela ne doit avoir lieu qu a Tegard
¡k des enfa n s du prem ier lit de l’un des conjoints, qui
«sont censés et réputés une seule et m ê m e personne avec
« leurs père et mère , el qui est dans la prohibition de l'edit
« et non des enfans communs issus de leur m ariage, qui
« sont capables de recevoir toutes sortes à!avantages,
« s a lifia légitime aux enfans An premier l i t , si la coû
te tnme ne dispose du contraire; la présomption naturelle
« étant que la m ère faisant la donation , est plutôt portée
« par l’affection de ses enfans que de son mari ; ou si elle
« le considère, c’est comme père, et non comme mari.
Cujas sur la loi hâc edictati, inprincipio cod. de secundis
jiuptiis, q u e B ro d e a u r a p p o r te , d écid e cette q u estion dans
les term es les plus form els : «
■potest vidua dare, non p?'o« vigno sedfdio cornmujii, nato ex secundis nuptiis : licet
« sit eadem ratio , non tamen idem ju s , q u ia jilio com« muni ut donet mater naturalis affectio f a c i t provigno
« ut donet noverca, maritalis ajfectus f a c i t , non certè
« novercalis,* provignum non semper accipiam pro percc sona supposita, sed excogitatamfraudent edicto inspi« cabor in provigno , non in f li o communi. »
B ro d e au cite les d eu x arrêts de i 5ç)5 et de 1 6 2 6 , q u i
o n t co n firm é de pareilles donations.
L e b r u n , traité des successions , liv. 2 , ch ap . 6 , sect.
distinction 2, est du même avis: « L e second conjoint, dit« i l , est la première personne prohibée , et nulle autre ne
« fest qu’à cause de lu i......... O n demande si les enfans du
« second mariage sont compris dans cette prohibition et il
« semble qu’ils n’y sont pas compris: car, si d'un côté on les
« considère comme les enfans du second con join t, de l’au»
G
�C 18 )
« tre, on les peut regarder comme leS enfans de celui qui a
« passé en secondes noces, et comme des objets légitimes
« de ses libéralités ».
« Si les enfans decelui à quiil est défendu de donner, sont
« dans la prohibition ; aussi rien n’est plus légitime que de
« donner h ses propres enfans......... Il faut prendre en
« toutes choses, autant qu’il est possible, l’interprétation;
« la plus favorable; o r , il est bien plus favorable de dire
cc que ces donations se font par la charité du sang, que
« de dire que c’est par l’effet des suggestions.. . . Aussi nos
cf docteurs, entr’autres M . Cujas, sur la loi hâc edictati,
« cod.deseciind. nupt. ayant agité la question, ont été d’avis
« que ce cas n'étoit pas compris dans l’édit ; ce que j’estime
« devoir avoir lieu, pourvu que les enfans n’aient pas
« servi de prétexte pour donner au second conjoint. S i
« color non jfuerit quœ situs, comme dit la loi item s i y r
uff. de sénat. Mace.d. et particulièrement pour l’espèce
• la loi suspitius 4 9 , j f . de donat. item s i color v eî
« titulus, ut sic dixerim , sic donationi quœsitus , n ih il
« valebit traditio ,* id e s t, si hoc exigit uxor, ut aliquid
« ex ea re intérim commodisentiret m antus ».
Lebrun dit ensuite que la donation faite par une femme
qui se remarie en pays de droit écrit est suspecte, parce
qu’en donnant aux enfans de son second mariage, elle
donne à son second mari, à cause de la puissance pater
nelle; mais que hors ce cas particulier, les donations
fa ite s aux enfans com m uns, ne sont pas réputées com
prises dans fédit.
E nfin, le dernier commentateur de la coutume d’A u ver
gn e, traite aussi cette question dans le plus grand détail,,
�( 19 )
et après avoir rapporté les arrêts pour et contre que nous
avons cités, il dit que la dernière jurisprudence -parait
décisive pour la validité de ces dispositions.
« Les arrêts, dit-il, de 1719 et de 1740 j on*:
jUl^s*
te prudence, et celui des Laparra de 1736 ne la détruitpas,
» puisqu’il est dû à la circonstance particulière du choix
« laissé à la seconde femme ; elle est sur-tout favorable
« dans cette coutume où les père et mère ne peuvent
« pas succéder à leurs en fa n s, même dans le mobilier
« venu des successions et donations en ligne directe, et
« oùles dispositions en faveur d’enfans à naître sont assez
« fréquentes ; l’édit des secondes noces, en déclarant les en« fanspersonnes prohibées, ne s’entend que des enfans déjà
« nés des conjoints , avec qui le mariage se contracte , et il
« suffit que la disposition puisse s'appliquer à d’autres causes
« que riinpression du conjoint, pour qu’elle doive avoir
« tout son effet. On doit plutôt rapporter la disposition à
« des motifs purs qu’à des causes illégitimes, quand ils se
« combattent. Il est difficile d’ailleurs de concevoir, com« ment un second mari pouvant profiter directement au
«moins d’une portion d’enfant, selon l’édit, ses enfans
«a naître seroient dans une plus grande prohibition que
« lui. Il nous semble donc que la règle générale est pour
« la validité de la disposition , saiif les exceptions légitimes
« dans des cas où il est visible que le donateur n’a eu d’autre
« motif que l'impression et la suggestion du nouveau con
te joint ou la volonté de l’avantager lui-même.»
Ainsi donc , il faut tenir pour constant que la disposition
du tiers de leur fortune, faite par les père et mère du
consultant dans le second contrat de mariage du premier
C 2
�(20)
en faveur de l’aîné des mâles à défaut de choix, est inat
taquable. Ce n’est pas la mère qui se remarioit, c’est le
père. La mère ne pouvoit profiter directement ni indirec
tement delà disposition, puisqu’en cette coutume, ni l’un
ni l’autre ne pouvoîent succéder à leurs enfans au préjudice
de la ligne collatérale : la puissance paternelle n’étoit ici
pour rien, puisque la femme n’avoit pas d’autres enfans,
et que par conséquent elle ne disposoit pas à leur préju
dice. Enfin il ne se rencontre dans l’espèce aucun prétexte
pour annuller une disposition permise dans tous les temps 5
les enfans du second lit n’ont pas servi de canal pour avan
tager l’un des conjoints, puisque dans aucun cas, ni l’un ni
l ’autre ne pouvoit leur succéder. Il ne s’agit pas ici d’ailleurs
d’une disposition universelle; mais seulement du tiers de
la succession au profit du mâle et au préjudice seulement
d’une fille du premier lit, avantage habituel que toutes
les familles faisoient au profit des mâles , à l’exclusion des
filles que la loi déclaroit forcloses, quand elles étoient
mariées par père et mère»
T o u t concourt d o n c , on le répète, à rendre cette dispo
sition inattaquable. Le droit d’é lire, accordé au survivant,
dans le cas où il n'auroit pas été exercé du vivant du prédé
cédé, ne changcrien a cette décision, parce qu’il n’en résultoit au profit de la femme aucun avantage, puisque d’ailleurs
elle pouvoit mourir la première, ce qui est réellement
arrivé , et que sa survie ne l’auroit pas rendue plus parti
cipante de la disposition du mari.
I» y a même plus, c’est que , sans les nouvelles lois, le
consultant n’eri auroit pas moins exclu sa sœur du premier
lit, parce qu’elle éloit forclose, moyennant la dot à elle
�( M \
constituée, et qu’elle ne pouvoit venir à la succession de
son père sans y être rappelée \ et si les nouvelles lois ont
produit cet effet, l’on ne peut rien conclure de cet événe
ment qui ne peut être rétroactif, contre la disposition anté
cédente qui a transmis a l’aîné mâle du second l it , une
Buccession qu’il auroit eue dans les anciens principes, sans
le secours de la disposition.
S e c o n d e
Q u e s t i o n .
N y ayant pas eu d!élection, tous les enfans du premier
et du second l i t , doivent-ils profiter de la disposition f
ou appartient-elle à Taîné mâle ?
Cette question peut avoir été controversée dans les temps
voisins de la loi du 17 nivôse an 2 , dont l’effet rétroactif
avoit tourné les têtes ; mais elle ne peut pas en faire une
aujourd’hui.
L art. X X III dit bien que dans le cas où un époux dé
cédé , (f avant ou depuis le 14 juillet 1 7 8 9 , auroit conféré
»au conjoint survivant, la faculté d’élire un ou plusieurs
« h éritiers dans ses b ie n s , l’ é le c tio n , si elle n’a eu lieu que
« le 14 ju ille t 178 9 o u d e p u is , d em eu re n u lle et de nul
« effet; et tous les h éritiers p ré so m p tifs, au préjudice dés
ir quels elle auroit été faite,sont, nonobstant toute exclu« sion, appelés à partager la succession de la même manière
* et par les mêmes règles que celles ouvertes depuis et
« compris le 14 juillet 1789. » .
L ’article suivant,porte : « Tous actes portant institution
« nominative d’un héritier, néanmoins subordonnéaau cas
�« où un tiers ne disposeroit pas autrement des biens com
te pris en la même institution , sont nuls et de nul e iïe t, à
«dater du 14 jui^ct *789, si à cette époque le droit dé
« l'institué n étoit pas devenu irrevocable, soit par le décès
« du tiers, soit par transaction authentique passée avec lui. »
Mais, i° . cette loi ne peut avoir d’effet rétroactif; les
lois des 9 fructidor an 3 , 3 vendémiaire an 4 , et 18 plu
viôse an 5 , ont confirmé toutes les dispositions irrévocables
de leur nature, faites avant la publication de la loi du 7 mars
*793>^u^a défendu toute espèce d’avantage en ligne directe,
ainsi que les élections faites avant la publication de la loi du
17 nivôse an 2.
L ’article V II de la loi du 18 pluviôse an 5 , porte :
« Les élections d’héritier ou de légataire, qui ont été
« annullées par l’article X X III de la loi du 17 nivôse
« an 2 , à compter du 14 juillet 1789, sont rétablies dans
« leur effet prim itif, si elles ont été faites par actes ayant
« date certaine avant la publication de ladite loi du
« 17 nivôse, »
Ainsi a disparu l’effet rétroactif et désastreux de cette
dernière loi.
Dans l’espèce particulière, la succession s’est ouverte
avant cette loi. La mère est morte avant la r é v o lu tio n ,
.et le père, le 27 juillet 1793 * la loi du 17 nivôse n’a
donc pu avoir aucune influence sur cette succession ; il
faut juger l’institution dont il s’agit, par les anciennes
lois qui la donnent à l’aîné mâle.
L ’on n’a pas oublié qu’à défaut d’élection , c’étoit lui
qui étoit appelé à la recueillir; et la mort du père, sans
l’avoir faite, équivaut ù un acte qui la coiitiendroit.
�( 23 )
• Ces principes anciens n’ont point été altères par les
nouvelles lois, parce que la succession s est ouverte avant
et dans un temps utile ; et on peut d’autant moins les
révoquer en doute, qu’ils sont attestés par tous les auteurs,
et sur-tout par Ricard, traité des donations , partie i re*>
chap. 3 , section 12, n°. 672 et suivans. Cet auteur traite
la question de savoir si les legs laissés à la volonté d’un
tiers, sont valables, et il distingue entre ceux qui dé
pendent absolument de la volonté de ce tiers pour les
faire subsister ou les annuller, et ceux dont le choix du
légataire dépend seulement de ce tiers,comme dans l’espèce.
« Le premier exem ple, d it - il, est au cas que l’électiorr.
c< qui est laissée à un tiers par le testateur, ne regarde
« pas la substance du legs qui est certain et fait au profit
« de quelqu u n , mais seulement le ch o ix de la personne
« entre un certain nom bre, ou de la chose léguée entre
« plusieurs choses qui sont désignées, ou du temps ; et
« pour lors le legs est valable. N ec enim in arbitrio
« ejus qui rogatus e s t, positum est om n ino, an velit
« restituere , sed qui potiùs restituât. »
En conformité de cette opinion, il a été jugé à l’au
dience de la grand’chambre , par arrêt du 18 mai 1687,
que ce n’est pas laisser à l’arbitrage d’a u tru i , quand le
testateur, après avoir fait un legs constant et déterminé y
laisse à la volonté de son héritier de choisir entre les
personnes désignées : cet arrêt est rapporté dans le journal
des audiences.
« Ricard ajoute que l’expérience a fait connoître que
« ces sortes d’institutions étoient d’un usage fort fréquent
« au marnent où il écrivoit, particulièrement dans le-
�( h )
pays de droit écrit, où les maris et femmes ont coutunie de se déférer entreux cet honneur, de laisser
au survwant la liberté} de choisir un héritier universel entre leurs enfans j ce qu'ils pratiquent par le
principe d'une sage p olitiqu e, cl afin de transmettre
toute la puissance entre les mains de celui q u i survit,
tt lu i conserver, par ce m oyen, le respect de ses
enfans. »
L on volt donc que les principes anciens valident l’instilution dont il s’agit.
Les mêmes principes veulent que si l’auteur de la dis
position avoit prévu le cas où le tiers, chargé d’élire,
ne feroit pas de ch o ix , et s’il avoit nommé lui - même
éventuellement un des éligibles pour recueillir sa dis
position , i\ défaut d'autre ch o ix , sa nomination condi
tionnelle et éventuelle devenoit pure et simple par l’ex
tinction du droit d'élire, ou par la mort du chargé de
cette élection, sans l’avoir faite. .
>
E nfin, les nouvelles lo is, au lieu de contrarier les1
anciennes sur ce point , ne font que les confirmer ; la loi
du 17 nivôse avoit bien annullé toutes les dispositions de
ce genre, antérieures au 14 juillet 1789; mais l’on a vu
que l’article V II de celle du 18 pluviôse an 5 , avoit
rétabli toutes celles faites par actes ayant une date certaine
avant la publication de la loi du T7 nivôse : ainsi l’élection
auroit pu valablement être faite ju sq u e -là , et par la
même raison, l’aîné maie avant été désigné pour la
recueillir, à défaut d'élection d’un autre , doit en profiter,
comme s i, avant sa m ort, le père l’eût choisi de nouveau.
Nous trouvons encore cette question décidée dans un
rapport
«
«
«
«
ce
«
»
»
�f 25 5 . .
- ,
■
■'nppott fait au nom d'une commission, pat* le citoyen
•Bergier, le 13 ventôse an 7 ; un article du projet de
•résolution par lui présenté, porte.que si-l’auteur de la
•disposition avoit prévu le cas de non-élection de la part
du tiers qu’il en avoit chargé, et s’il avoit nommé un
héritier ou légataire pour recueillir à défaut d'autre choix,
sa nomination , conditionnelle dans le principe , est de
venue pure et simple par l’extinction du droit d’élire ,
et l’ héritier ou légataire spécialement nommé pour le cas
p ré v u , a recueilli seul h bénéfice de la disposition.
En dernière analise, on ne voit pas pourquoi la fille
du premier lit viendroit contester au consultant ce foible
avantage; car quand le défaut d’élection le lui auroit
enlevé, ce qui n'est pas même proposable, elle n’en seroit
pas plus avancée, parce quelle n’en profiteroit pas, mais
bien les enfans du second l i t , parce qu’étant seuls ins
titués et seuls éligibles, le défaut d’élection ne profiteroit
qu’à e u x , et non à la fille du premier lit qui n’étoit pas
dans cette classe.
ST r o i s i è m e
III.
Q u e s t i o n .
Quels sont les droits de la jille du premier lit ?
Cette fille a été forclose par son contrat de mariage*
mais la loi l’a relevée de cette forclusion. Le père n'est
mort qu'en juillet 1793; à cette époque, la loi du
8 avril 1791 et celle du 4 janvier 1793, avoient frappé,
«t elle est appelée à recueillir, en rapportant ce qu’elle
D
�à reçu , sa portion des deux tiers de la succession ah
‘in testa t, qui seront divisés entre tous les enfans par
égale portion : cela ne peut pas faire de difficulté. Elle
rapportera aussi la moitié de son trousseau ; mais ce qu’elle
prendra dans la succession sera dotal, parce qu’une clause
qu’on trouve à la fin de son contrat, porte que tout ce
qui lui échoira' sera dotal j si elle ne peut pas les rap
porter , elle prendra m oins, et lès autres héritiers feront
les prélèvemens de d ro it, de manière que l’aîné maie ait
la moitié de toute la succession paternelle, et les trois
autres, par égalité, l'autre moitié : chaque lit prélèvera
aussi, avant partage, la dot de la m ère, et chacun sup
portera, au prorata de son1émolument , lés autres dettes
de la succession. Exemple : supposons la succession du
père de -230,000
y compris le rapport des i 5,ooo
la portion de l’aîné maie sera de 1 1 5,000
parce que
le tiers de 230,000 & est de 76,666 ^ 13 ^ 4
et que
le quart, dans le surplus, est de 38,333 ^*6^8
en sortô
que la fille du premier lit, conservant les i 5 ,ooo
argent,
n’aura plu s, en b ien s-fon d s, que 22,333
8
Comme les deux enfans puînés du second lit sont mineurs,,
le partage doit être fait en justice, et provoqué par un
majeur ; il ne pourrait avoir lieu sans cela.
DÉLIBÉRÉ à Clermont-Ferrand , le 19 nivôse an 9.
;
B O Y R O T , D A R T I S - M A R C IL L A T ■Je suis du même avis, et-par les mêmes raisonsP I C O T -L A C O M R K
�( v j.y L e soussigné, qui a lu la consultation cl "dessus, est
du même avis *, les motifs qui lui servent de fondement
sont trop anvpleroent discutés dans oetteconsultation, pour
qu’il soit nécessaire d’y rien ajouter. Ce qui est décisif
en faveur du consultant, c’est que sa mère avoit prédécéde
son père, et que celui-ci est décédé le 28 juillet 1793>
et qu’ainsi son droit à l’ institution étoit acquis avant la
loi du 17 nivôse an 2,(
D é l i b é r é à R io m , le 12 pluviôse, an 9 de la ré -i
publique.
TO U TTÉE.
L e soussigné est du même avis sur tous les points, et
par les mêmes motifs.
D é l i b é r é à R io m , ,1e 2 ventôse, an 9 de la répu
blique.
PAGÈS.
L e soussigné est du même avis, par les mêmes m otifs,
en ajoutant que cette question ne peut être décidée que
par les principes de l’ancienne législation , encore ca
vigueur à l’époque de l’ouverture de la succession.
L e zz ventôse an 9 .
M A U GUE.
�Q U E S T I O N S PROPOSÉES.
G i l b e r t D U C O U R T H IA L , veufde Marie de Vîllette,.
contracta un second mariage le 14 mai 1778; il avoit'
une fille unique d’un premier mariage.
T ro is enfans sont issus du second.
Gilbert Ducourthial est décédé le 27 juillet 1793 ; sa
seconde femme étoit morte avant lui.
Les quatre enfans des deux lits ont survécu et vivent
encore.
Il s'agit de régler leurs droits respectifs sur la succes
sion de leur père commun.
Jean-Baptiste-Gilbert Ducourthial de Lassuchette, fils
aîné du second l i t , croit avoir droit de prendre, dans
cette succession, un fiers en préciput et avantage sur ses
co-héritiers, et de partager avec eux les autres deux tiers
par égalité ; ce qui lui attribueroit la moitié de la suc
cession entière ; il fonde sa prétention sur la clause du
contrat de mariage en secondes noces, de G ilbert, son
p è re , du 14 mai 17 78 , dont la teneur suit :
<r Ledit............futur ép o u x , en faveur du présent
« m ariage, a institué et institue héritier du tiers de tous
« ses biens présens et à ven ir, Tun des enj'ans qui naîtra
« du présent mariage , et ce par préciput et avantage *
« laquelle institution est faite en faveur de celui ou celle
k que les futurs époux choisiront conjointement, par
�2
9
)
« quelques actes que ce so it, ou qui sera choisi par ie
« survivant des deux futurs, auquel le droit en appar«• tiendra, par clause expresse, aussi par quelques actes
k que ce soit ; et en cas que le choix rüen ait pas étéf a i t ,
« ladite institution sera au profit de Vainé des m âles,
« s’il y a des mâles , et s’il n’y a point de m âle, au profit
« de l’aînée des filles. »
Gilbert D ucourthial et sa seconde épouse sont décédés
l’un et l’autre, sans avoir fait d’autre choix entre leurs
enfans com m uns, pour recueillir l’effet de l’institution
portée par cette clause, que le choix conditionnel qui
y est contenu enfaveur de Vainé des m âles, en cas qu’il
n’en fut pas fait d'autres.
En cet état, le citoyen Lassuchette, fils aîn é, e st-il
fondé à soutenir,
i° . Que Gilbert D ucourthial, son p è re , a pu vala
blement avantager, par son contrat de mariage en secondes
noces, Vini des enfans à naître de son second mariage,
du tiers de ses biens en préciput?
2°. Que Xindétermination de l’institué, à élire entre
tous les enfans à naître du second mariage, ne vicioit pas
la disposition ?
3°. Qu’elle n’ëtoit pas viciée non plus par la circonstance
que la seconde fem m e devoit concourir au choix de cet
héritier, dans le cas où il seroit fait du vivant des deus
époux, et même de l’élire seule, si elle avoit survécu ?
40. Que l’élection de l’aîné des mâles, faite dans l’acte
même qui contient l’institution , pour recueillir éven
tuellement, et dans le cas, qui est arrivé, où il n y auroit
pas d’autre choix , étoit également une disposition valable
�( 3° )
dans le p r in c ip e , ci; quelle aoit produire son plein et
entier effet, nonobstant la révocation des dispositions de
ce g e n r e , prononcée par les articles X X III et X X I V
de la loi du 17 nivose an 2 , postérieure de cinq mois
au décès de Gilbert Ducourthial ?
5°. E n fin , que le décret du 7 mars 1793 , qui avoit
interdit tous avantages en ligne directe, quelques mois
avant le décès de Gilbert Ducourthial, n’est pas un obs
tacle non plus à ce que le citoyen Ducourthial fils aîné
profite d une disposition en préciput, qui a sa source dan9
un contrat de mariage antérieur de plus de quatorze ans
à ce décret.
Opi?iions du Conseil sur les questions proposées.
L a première observation à fa ir e , pour résoudre les
questions proposées avec justesse et précision, est qu’il
ne s’agit point de régler le partage d'une succession
ouverte depuis la loi du 17 nivôse an 2 ; mais d’une
succession ouverte près de six mois avant cette loi, dès
le 27 juillet 1793.
Seconde observation. L a rétroactivité de la loi du
17 nivôse, qui remontoit en arrière pour régler des
successions et des dispositions ouvertes depuis le 14 juillet
1789, fut rapportée par les lois des 9 fructidor an 3 ,
trois vendémiaire an 4, 18 pluviôse an 5 ; elle ne doit
plus en conséquence avoir d’application qu’aux successions
ouvertes depuis sa publication. Les droits acquis avant
celte époque, sont maintenus, consacrés, inviolables.
Troisième observation. Le sort de l'élection faile par
�( 3 0 #
le contrat de mariage du 14 mai 1778 , du cit. Ducourr
thial - Lassuchette, fils aîn é, pour recueillir le tiers de
la succession de son père en préciput, dans le cas ou
aucun autre des éligibles ne seroit choisi par ses père et
m ère, ou par le survivant des deux, avoit été invaria
blement fixé ayant la loi du 17 nivôse, par la mort de
ses père et mère ,* car le décès du survivant avoit éteint
sans retour la faculté qu’ils avoient pendant leur v ie , de
le déchoir da cet avantage.
De ces trois observations préliminaires, résulte la con
séquence , que ce n’est point par la loi du 17 nivôse,
que doivent se décider les questions proposées ; mais
■uniquement par les lois antérieures.
Raisonnons maintenant d’après ce point de départ:
i ° . L ’aveuglement seul pourroit révoquer en doute la
valid ité, sous le régim e ancien, des donations de biens
présens et à v e n ir, des institutions contractuelles, et de
toutes autres dispositions éventuelles faites par contrat
de m ariage, en fa v e u r des erfans à naître du mariage y
tant elle étoit disertement prononcée par les ordonnances
de 1 7 31 , art. X V I I et X V I I I , et de 174 7, art. X II.
On ne sauroit non plus m é c o n n o ître la cap acité des
enfans d’ un second m a r ia g e , p o u r r e c e v o ir de pûreillcs
dispositions et en p r o fit e r , en avantage sur les enfans du
premier lit, dans les pays où le statut permettoit en général
au père de famille d’avantager un ou plusieurs de ses
enfans, sur les autres, sans distinguer les lits ( comme en
Auvei’gne, où étoient situés les biens de G ilb e rt Ducourth ial,)et sans accorder de privilège aux enfans du premier
mariage,, sur ceux du second.
�. ( 3a' ) .
La seconde fem m e, il est v r a i, n’auroit pu être vala
blem ent instituée par son m ari, que pour succéder à une
' p a r t (Tarifant \ mais son incapacité,relative et limitée ne se
communiquoit point à ses enfans à naître ; et leur aptitude
personnelle à recevoir de leur père tous les avantages
permis entre enfans en gén éral, ne fut jamais mise eu
question; on avoit seulement prétendu autrefois que les
avantages faits dans un contrat de mariage en secondes
noces , aux enfans qui naîtroient du m ariage, étolent
prohibés, lorsqu'ils étoient excessifs, comme ceux qui
seroient faits h la seconde femme elle-même , parce qu’ils
étoient inspirés par la même séduction.
Mais ce système ombrageux a perdu tous ses partisans,
depuis que les arrêts du parlement de Paris, des 19 avril
1719 et i l août 1740 (1 ), ont ramené à la raison et aux
principes sur cette question. On ne voit plus, dans les
avantages faits par contrat de mariage eu secondes noces,
aux enfans à naître du mariage, que çe qui y est véri
tablement; je veux dire un acte de prévoyance trèsnaturel, très-favorable et très-sage des familles, qui, ne
voulant pas abandonner aux hasards de l'avenir le sort
des enfans à naître du mariage, s’occupent de l'assurer A
l’avance, et en font une des conditions du mariage. La
société est intéressée au maintien de stipulations si rai
sonnables, sous la foi desquelles les mariages se contracleut,
pt sans lesquelles ils ne se seroient pas contractés. Ne soyons
(1) Ils sont rapportés dans le recueil des arrêts notables do
la C o m b e .
donc
�donc pas surpris si tous les suffrages ?e sont reunis, depuis
soixante an s, pour en proclamer la validité.
D ’un autre cô té, il ne faut pas perdre de vue la mo
dération avec laquelle Gilbert Ducour thial use de la
faculté d'avantager l’un de ses enfans à naître du second
lit ; il ne lui destina que le tiers de sa succession en préciput; c’est-à-dire, deux quinzièmes seulement de plus que
la part d’enfant dont la seconde femme auroit pu être
gratifiée elle-même par l’événement.
Cette modération est la preuve de la sagesse qui inspira
le don. La passion est prodigue sans mesure, parce qu’elle
est un délire. Des dispositions modérées ne sauraient donc
en être le fruit.
Concluons que les considérations particulières se joi
gnent ici aux principes généraux, pour ne laisser voir
dans l’institution faite par Gilbert Ducourlhial en faveur
d un des enfans à naître de son second mariage, qu’une
disposition dont le principe fût légitime et pur. Nouveau
motif pour les tribunaux d'en ordonner l’exécution sans
hésiter.
a°. Mais on semble prétendre que l’institution dont il
s agit étoit vicieuse dans sa forme , en ce que rinstitué
etoit indéterminé , et que sa désignation avoit été subor
donnée à un choix futur.
Ce moyen pourrait être de quelque considération, s’il
s’agissoit d’une disposition postérieure à la loi du 17 nivôse
an 2, qui a aboli pour l’ avenir les dispositions dont l’ap
plication seroit laissée au choix d’un tiers.— Mais il s’agit
ici d’une disposition faite en 1778. O r , à cette épo
que, loin que les donations et institutions électives fussent
E
�( 34 )
•prohibées, la validité en étoit expressément consacrée par
les articles L X I I , L X III, I jX IV , L X V e tL X V I de l’or
donnance de 1735, sur les testamens, et par celle du mois
d’aout 1747 sur les substitutions, art. XII.
Enfin, les articles X X IIIe t X X I V de la loi du 17 nivôse
an 2 , rapprochés de l’art. V II de celle du 18 pluviôse
an 5 , lèvent tous les doutes; car le résultat du rappro
chement est la confirmation des institutions subordonnées
à une élection, lorsque le droit de l’institué élu étoit
devenu irrévocable par le décès de la personne qui avoit
droit d’en élire une autre, avant la publication de la loi
du 17 nivôse an 2 : o r, l’institution dont le citoyen D ucourthial-Lassuchette réclame l'exécution, est dans ce casr
puisque son père et sa m ère, qui auroient pu révoquer
le choix qu’ils avoient fait de leur fils aîné pour recueillir
le tiers des biens de Gilbert D ucourthial, l’un d’e u x , et
choisir un autre de leurs enfans pour recueillir à sa placer
ctoient décédés l’un et l’autre bien avant la loi du 17
nivôse an 2.
30. Mais on insiste et l’on dit : A la bonne heure l’insti
tution conditionnelle et subordonnée à un choix éventuel,,
dont le citoyen Ducourtliial-Lassuchette veut tirer avan
tage, n’étoit pas vicieuse dans son essence ; mais elle l’étoit
par la circonstance que le disposant avoit conféré à sa
seconde épouse le droit de choisir entre ses enfans, celui
qui recueille! oit le tiers assuré en avantageau second lit. Ce
droit d’élire lui offroit une perspective éventuelle, qui
pouvoit lui ouvrir des chances pour faire tourner le-don
à son p ro fit, quoique personne prohibée; et Ton cite en
faveur de cette subtilité systématique, l’exemple de ce qui
�(35)
■
r-
r
fut jugé par l’ arrêt rendu entre la veuve et les enlans
Laparra, le 18 mai 173^*
La réponse est facile et tranchante. L ’arret de Laparra
fut un arrêt de circonstances. L ’institution élective q u iï
annulla , étoit universelle , et réduisoit les enfans du pre
mier lit à leurs simples légitimes de rigueur.
La succession Laparra étoit ouverte en pays de droit
écrit, où la mòre succédoit à Ses enfans, au préjudice de
leurs frères et sœurs consanguins.
Cette mère qui avoit survécu à son mari, avoit spolié
scandaleusement la succession, consistant principalement
en mobilier; et elle avoit d’ailleurs pratiqué toutes sortes
de fraudes du vivant de son mari, pour réduire à peu
près à rien les légitimes des enfans du premier lit. L ’in
dignation plaidoit la cause de ces victimes délaissées, et
l’on peut en conséquence appeler l’arrêt qui an n u lla
1 institution contractuelle faite à leur préjudice, un arrêt
ab irato.
O r , qu’a de commun cet étrange préjugé avec l’insti
tution dont il s’agit ici?
L institution de L a p a r ra é to it u n iverselle ; cellc-ci n'est
q u e d u tiers.
La seconde femme de Laparfa avoit survécu à son m a ri,
ets’étoit emparée de toute la succession , pour en détourner
la meilleure part à son profit. Ici la seconde femme de
Gilbert Ducourthial est mortelong-temps avant son mari,
et n’a profité, ni pu profiter de rien dans sa succession.
La femme Laparra avoit la perspective de succéder à
scs enfans, et elle pouvoit abuser du droit d’élire qui lui
avoit été confié, soit pour jou ir, eu retardant son ch o ix ,
E a
�( 36)
soit pour y mettre un prix et des conditions à son avantage.
La secon d e femme de Gilbert Ducourthial n’avoit pas
la même perspective, quand elle auroit survécu à son
mari ; la coutume qui régissoit les biens destinés à ses
enfans, l’auroit exclue de l’espoir d’y succéder: elle n’auroit pas mieux réussi à s’approprier par des voies détour
nées, une portion conséquente du patrimoine de son
m ari, sur-tout une portion équivalente à la part d’en
fant , dont il lui étoit permis de la gratifier ostensible
ment *, la médiocrité de la disposition dont l’application
lui avoit été confiée, y auroit mis un obstacle invincibleIl n y a donc aucun parallèle à faire entre deux espèces
si différentes. Tout étoit fraude dans l’affaire deLaparra,
tout est loyauté dans celle-ci j la fraude et la loyauté au
ront-elles jamais le même sort ?
Voilà encore la troisième objection des adversaires
du citoyen Ducourthial a în é , qui s’évanouit.
4°. La quatrième question ne peut pas faire la ma
tière d’un doute. La même législation autorisoit en effet,
les élections conditionnelles et révocables, faites par con
trat de m ariage, en faveur d’un enfant à naître indivi
duellement, pour recueillir à défaut d’autre ch o ix , et
l'héritier ainsi désigné éventuellement, recueilloit sans
difficulté le bénéfice delà disposition, toutes les fois qu’il
n’en étoit pas déchu, par un choix contraire.
L ’article X X I V de la loi du 17 nivôse, abrogea ces
règles pour Tavenir ; mais il en consacra les effets pour
le passé y en faveur des héritiers éventuels, dont le droit
seroit devenu irrévocable par le décès de la personne
ayant droit de révoquer. ,
�C 37 )
.
.
, . ..
L ’article vouloit que le décès qui avoit rendu la dis
position irrévocable, fût antérieur au 14 juillet 1789mais cette rétroactivité est rapportée. Il suffit en con
séquence , que le décès de la personne ayant pouvoir de
révoquer , soit antérieur à la publication de la loi du
17 nivôse an 2. Dans le fait particulier, le décès de
Gilbert Ducourthial est antérieur, et de beauconp, à la
publication de la loi du 17 nivôse an 2: concluons donc,
que la disposition conditionnelle qu’il avoit faite en fa
veur de son fils aîné du second lit, est conifirmée par
la loi même dont ses frères et sœurs voudroient se pré
valoir pour l'attaquer.
5°. Il reste la principale difficulté à éclaircir; elle est
tirée de la loi du 7 mars 1793, par laquelle il fut dé
crété en principe, que « la faculté de disposer de ses
« biens, soit à cause de m ort, soit entre-vifs, soit par do« nation contractuelle, en ligne directe, était abolie, et
« qu en conséquence, tous les descendans auroient un
« droit égal sur le partage des biens de leurs ascendans.
, Appuyés sur ce texte, les adversaires du citoyen
Ducourthial-Lassuchette , lui diront sans doute, « si vous
«échappez à l’article X X I V de la loi du 17 nivôse,
« parce que le décès de n o tre père est antérieur, au
«moins n’échapperez - vous pas au décret du 7 mars1
«17935 car notre P^re n’est m ort qu’après ce décret1,
« et conséquemment dans un temps où la loi assuroit à
« tous ses enfans un droit égal au partage de sa succes« sion , et prohiboit l’avantage du tiers en préciput que
« vous revendiquez. » *.
L a réponse est dans les articles I et V II de la loi du
�( 38 )
18 pluviôse an 5 , qui détei-minent sans équivoque le sens
dans lequel il faut entendre et appliquer le décret du 7 mars
L793 , en ces termes:
t
çt Les avantages , prélèvemens , précïputs , donations
«entre-vifs, institutions contractuelles, et autres disposi« tions irrévocables de leur nature, légitimement stipuo lées en ligne directe avant la publication du décret du
« 7 mars 1793 ,,auront leur plein et entier effet, confor« mément aux anciennes lois , tant sur les successions
« ouvertes jusqu’à ce jo u r, que sur celles qui s’ouvriront
« à l’avenir. » ( Article I.er )
« Les élections d’héritiers ou de légataires.... qui ont
« été annullées par les articles........ de la loi du 17 nivôse,
«à compter du 14 juillet 1789, sont rétablies dans leur
« effet prim itif, si elles ont été faites par acte ayant, date
«certaine avant la publication de la loi du 17 nivôse. *
( Article V il. )
L e contrat de mariage du 1 4 mai 1778 , contenoit deux
dispositions très-di$tincles ; sa vo ir , une disposition princi-»
pale, qui étoit une institution du tiers des biens de Gilbert
Ducourthial en faveur de l’un des enfans à naître de son
second mariage, par préciput et avantage, et une disposi
tion secondaire, qui étoit la désignation particulière de
l’aîné des mâles pour recueillit’ ce tiers de.biens , dans lc>
cas où il ne seroit pas fait choix d’un autre enfant du second
lit, pour en profiter préférablement à lui.
L a disposition principale étoit pure , sans c o n d i t i o n ,
et irrévocable de, sa nature ,• eUe a,uro.it profité à tous les:
enfans du second l i t collectivem ent, à défaut de- choixvalable d’un seul d’entre eux,, pour recueillir exclusive-
�Trient ; la disposition secondaire , qui appliquent l a vantage du tiers à l’aîné des mâles particulièrement ,
étoit conditionnelle , et pou voit être ré v o q u ée , par 1 élection. d’un autre enfant.
' Toutes deux sont également confirmées par les deux
articles de la loi du 18 pluviôse an 5 , qui viennent
d’être rapportés.
L ’article Ier. confirme en effet la disposition princi
p ale; car elle se range incontestablement dans la classe
des dispositions contractuelles, irrévocables de leur na
ture , et antérieures à la publication du décret du 7 mars
1793, que cet article a maintenues pour être exécutées
coivformément aux anciennes lois , puisqu'elle est con
tenue dans un contrat de mariage de 1778.
, Quant à la disposition secondaire , elle est maintenue
par l’article Y I I ; car cet article rétablit dans leur effet
prim itif, non pas seulement les élections d’héritiers ou
de légataires faites en ligne directe par acte ayant date
certaine avant la loi du 7 mars 1793, mais indéfiniment
les élections faites avant la publication de la loi du ijn iç ô s e
o-n 2. ; de sorte qu’une élection qui auroit été faite an
térieurement à la publication de la loi du 17 nivôse, seroit
confirmée par cet article : ce qui décide bien nettement
ce point de droit, que la prohibition de disposer en ligne
directe, prononcée parle décret du 7 mars 179 3 , n’enïportoit pas la prohibition de choisir un d’entre plusieurs
éligiblds, pour recueillir l’effet d’une disposition contrac
tuelle , irrévocable de sa nature , qui auroit été faite anté
rieurement au décret de 1793. Dans Tèspèce, non seule
ment l’élection du citoyen D ucourthial, fils aîn é, étoit
�. C 4° ) . A
antérieure, soit À la loi du 17 nivôse an 2 , soit au décret
du 7 mars 1793 ? puisqu’elle étoit contenue dans le contrat
même de 17 7 8 . Mais elle étoit d’ailleurs devenue irré
vocable plusieurs mois avant l^;loi du ly nivôse , par le
décès de celui qui seul auroit pu la révoquer par un choix
contraire.
Ainsi la validité, sous tous les rapports, se trouve proüoiiçée sans équiyoque, par les deux textes précités.
O
b
j
e
c
t
i
o
n
.
L a validité de la disposition principale, au profit des
enfans du second lit collectivement, ne peut pas être mise
pu problème, à la bonne heure; mais la validité de l’élection.
conditionnelle deil’aîné de ces enfans, pour recueillir seul,
k l’exclusion des autres, est loin d’être aussi certaine. Cette
élection étoit révocable par le changement de volonté de
son auteur;, qui pouvoit jüsqu’à son dernier soupir, en
enlever le bénéfice au citoyen Ducourthial aîn é, par le
choix d'un de ses frères, pour recueillir à sa place: or,
jl est de principe que de pareilles dispositions, qui restent
mobiles pendant toute la vie du disposant, et ne devien
nent immuables que par son décès, doivent être consi
dérées comme si elles n’avoient été faites que le jour de sa
mort. Mais si l’on considère l’élection dont le citoyen D u
courthial aîné prétend se prévaloir, comme si elle eut été
faite le 27 juillet 1793 seulement , jour du décès de Gilbert
Pucourthial père, il en résultera qu’elle sera réputée faite
dans un temps où elle n’étoit plus permise , puisque toute
disposition étoit prohibée alors depuis plusieurs mois, en
ligne
�ligne directe ; donc il faudra la regarder comme nulle et
*
•
non avenue.
’
R é p o n s e .
Ce raisonnement repose sur des bases évidemment
erronnées.
i°. C’est une première erreur de prétendre que Gilbert
Ducourthial n’auroit pas pu faire le 27 juillet 1793 , jour
de son décès, l’élection qu’il avoit faite en 1778, sous le
prétexte que le décret du 7 mars 17935 lui en avoit inter
dit la faculté. L ’art. V II d elà loi du 18 pluviôse an 5 ,
déjà rapporté plus haut, décide bien positivement le con
traire ; car il déclare valables les élections d’héritiers, faites
dans l'intervalle de la loi du 7 mars 1793, à celle du 17
nivôse an 2 ; il maintient l’effet primitif de toutes celles
qui avoient précédé la publication de la loi du 17 nivôse,
indéfiniment sans exception, sans distinction entre celles
qui étoient postérieures à la loi du 7 mars 1793, et celles
qui etoient antérieures. Cette décision positive de la lo i,
au surplus , n’est que l’application d’un principe reconnu
de tous les tem p s; car dans tous les te m p s , on a v o it pensé
que celui qui clvoisissoit tin de plusieurs éligibles pour
recueillir une disposition p r é e x ista n te , ne faisoit point une
disposition nouvelle ; et conséquemment qu’il ne contrevenoit point aux lois prohibitives des nouvelles dispo
sitions.
Après cela , qu’importeroit donc que l’élection faite
en faveur du citoyen Ducourthial aîn é, en 1778 , dût
n’être considérée que comme faite le jour du décès de
son père? elle n’en seroit pas moins valable. Il ne seroit
F
�( 4 0
pas moins vrai de dire qu’elle est‘textuellement main
tenue par l’article V II de la loi du 18 pluviôse, qui
e n co re une fois maintient indistinctem ent , toutes les
élections antérieures a la loi du 17 nivôse..
20. Les citoyens Ducourthial p u în é s n e se font pas
moins illusion, lorsqu’ils invoquent à l’appui de leurs
prétentions le principe d’égalité des partages établi par
les lois de 1793 ^ et de l’an 2. Us ne veulent pas voir
que ces lois n’ont pas été faites pour régler les intérêts des
donataires entre eux, mais seulement pour régler les in—térêts des héritiers légitimes, mis en opposition avecceux des donataires. G’est cependant ce qui est bien tex
tuellement et bien énergiquement exprimé dans l’articleL V II de la loi même du 17 nivôse, qui porte :
tr Le droit de réclamer le bénéfice de la lo i, quant aux
a dispositions qu’elle anmille, n’appartient qu’aux héritiers.
« naturels..»
Il est reconnu que la disposition, du tiers des biens de
G ilbert D u co u rth ial, qui est l’objet du litige , loin d’êtreannullée,. est au contraire maintenue par rapport aux
héritiers de G ilbert D u cou rth ial, en général; que le con
trat de 1778 , qui la contient , doit avoir sa pleine et en
tière exécu tio n , en faveur des enfans du second lit, consi
dérés comme donataires en préciput , au préjudice de la
fille du prem ier lit, qui n’a pour elle que le seul titre
d’héritier. Ce titre seul ne donne pas aux citoyens D u cour
thial p u în és, de plus grands droits qu’à leur sœur ; consé»
quennnent, dès qu’il n’attribue aucune part à cette fille
unique du premier lit, il n’en attribue aucune non plu$
à, ses frère s, sur le tiers des biens en litige.
�C 43 3
Cela posé, ce ne peut ôtre qu’en se présentant comme
^donataires concurremment avec leur frère aîné, en vertu
du contrat de mariage de 1778, qu’ils peuvent élever des
prétentions sur le tiers des biens , et en demander partage ; ce ne peut être qu’en faisant le raisonnement que
voici :
« L ’avantage du tiers en préciput fait par Gilbert D u«courthial en 1778, h celui des enfans à naître de son
« second mariage qu’il choisiroit, est bon en so i, et doit
* profiter aux trois enfans éligibles par égalité, s’il n’y a
« eu de choix valablement fait en faveur d’aucun des trois.
« O r , il n y a point eu de choix valable, puisque le seul
«■qui ait été fait, celui qui étoit contenu dans le contrat
« merae de mariage , du 14 mai 1778 , a été annullé par
« le décret du 7 mars 1793. »
Hé bien! ce raisonnement, quand il ne seroit pas ren
versé par l’art. V II delà loi du 18 pluviôse, s'écarterait
victorieusement par l’article L V II de la loi du 17 nivôse,
qui vient d’être rappelé. Il établit en effet, pour règle généiale, que le bénéfice des nouvelles lois relatives à la
pi ohibition de disposer, ne peut être réclamé que par les
héiitiers naturels en leur qualité d’héritiers seulem ent , et
non Par des donataires contre d’autres donataires. En
un m o t, les nouvelles lois prohibitives des dispositions ,
ne sont qu’en faveur des héritiers ; aucune n’a prononcé
de nullités qui aient pour objet de faire passer les choses
données d’un donataire à l’autre.
Concluons que les frères puînés du citoyen D ucourthialLassuchette sont sans action et sans droit, pour disputer à
leur frère aîné un préciput dont le père com m un l’a avan-
'
r 2
�C4 4 )
tagé par l'acte le plus favorable de la société , par un contrat
de mariage : d’un préciput qu’il pouvoit lui ôter, mais
qu’il a voulu lui conserver. En vain ils feront des efforts,
pour se l’évolter contre la volonté paternelle , ils n’en;
feront que d’impuissans.
Paris par le jurisconsulte ancien sous-signé, le 8 germinal an g..
B E R G 1E R ,
D
é l i b é r é
à
L e C O N SE IL SOU SSIGN É qui a vu le mémoire à.
consulter et les diverses consultations au bas rapportées,
pour le fils aîné du second lit. de feu Gilbert Ducourthial.
de Lassucliette
des résolutions contenues d&ns ces consul-' tâtions. Trois questions y ont été traitées..
i° . Si l’institution contractuelle d’un tiers des biens
faite en faveur des enfans du second lit, est valable?
2°. Si cette institution profite à tous les enfans} ou*
¡»u fils aîné exclusivement?
3°. Quels sont lés droits de la fille du premier lit?
L a première et la troisième question ne présentent
point de difficulté sérieuse..
Lors du contrat de m ariage, l’inégalité dé succession,
entre les enfans n’étoit pas prohibée; ils pouvoient être
" avantagés les uns sur les auti’es : on avoit éclairci et con
damné le doute , si des enfans du second lit pouvoient
être mieux traités que ceux du premier. Le contrat du,
E s t d ’a v is
�second mariage assura donc irrévocablement aux enfans*
du second lit ua avantage alors licite.
20. Par les lois existantes, lorsque le père maria sa
fille du premier l i t , il avoit le droit en la dotant, de
la forclore de toute succession de son estoc ; il en usa ,
sauf de la rappeler. Mais la loi du 8 avi'il 1791 rendit
ee rappel inutile; elle le fit clle-mcme en> prononçant
l'abrogation des coutumes qui excluoient ou qui permet
taient d’exclure les filles. La fille du premier lit est donc
héritière comme >les autres enfans , sauf le rapport.de ce
qu’elle a reçu;
3 • Mais à qui appartiendra le tiers réservé dans' le1
contrat de mariage aux enfans à naître du second lit
et donné par ce contrat a celui d’eux qui seroit choisi ,
et à. défaut, à lam é?, G est la seule question véritable-'
ment litigieuse..
Bans l’ancien d ro it, elle ne souffriroit aucun doute. Les
lois nouvelles y ont-elles apporté quelque changement ?
On peut dire contre le fils aîné, que le contrat du
second mariage assura sans doute irrévocablement au se
cond lit j le tiers des biens , mais en même temps il ne
donna ii aucun des enfans à en. naître la.certitude de re
cueillir ce tiers. Uni seul y. étoit appelé, d’après le choix
que se réservoit le donateur ou instituant. Il est vrai
qu’à défaut de ch oix, l’aîné étoit appelé : il est vrai encore
que la loi du 18 pluviôse an 5 , a confirmé , art. 1er. ]es
institutions contractuelles stipulées en ligne directe avant
la publication de la loi du 7 mars 1793 , et que par l’ar
ticle V II, elle a rétabli dans leur effet aboli par la loi du 17
nivôse an 2 , les élections d’héritier, qui auroient été fa i-
�( 4M
tes par acte ayant diue certaine avant la publication de
la loi du 17 nivôse.Mais, dira-t-on, l’article V II n’est pas
a p p lic a b le , puisquil n y avoit pas d’acte d’élection, lors
que le père est mort : et 1 article Iei*. n’est pas applicable
non plus , parce qu il n y avoit point en faveur de l’aîné ,
de disposition irrévocable. L ’irrévocabilité n’est résultée
que de la mort du père, qui perdit avec la v ie , la puis
sance physique de choisir. Mais de son vivant, la loi du
■
7 mars 1793 , lui avoit ôté la faculté du ch oix, en dé
clarant que tous les descendans auraient un droit égal
sur le partage des biens de leurs ascendans; d’où il suit
que tous les enfans du second lit ont e u , par la loi du
7 mars, un droit égal à ce préeiput qu’il avoit destiné
en se mariant, à l’un d’e u x , mais dont il ne lui a plus
été permis depuis le 7 mars 1793-, de disposer en faveur
de l’un, au préjudice des autres.
Voilà les objections dans toute leur force. Les réponses
à donner nous paroissent satisfaisantes.
Il doit être convenu d’abord que l'institution étoit
irrévocable, puisqu’elle étoit faite par contrat de ma
riage; elle étoit une des conditions promises à la future
épouse et à ses parens.
Il n’y avoit d’incertain que le choix entre les insti
tués, et si ce choix n’avoit pas été fait, l’institution auroit appartenu à tous.
Mais le choix fut placé-dans l’institution même ; l’ins
tituant en se le réservant déclara que s’il n’usoit pas de
cette réserve, elle s’appliquoit dès lors à son premier
né. L ’aîné eut donc, par une des clauses de l’institution,
le droit de la recueillir,'si son père ne disposoit pas au-
�C 47 7
trement. H avoit donc sur ses frères qui n’étoient qu e ligibles, l’avantage d’être élu conditionnellement', c està-d:re, si le père ne térrioignoit pas une autre volonté.
La condition qui Tauroit dépouillé n’étant pas arri
vée , son droit remonte au titre qui lui fut donne par
le contrat, titre irrévocable de sa n a t u r e ; conditionnel
par une réserve dont l’exercice négligé a laissé subsister
^institution en faveur de l’aîné dans toute sa force-.
Cela est d'autant plus vrai que dans l’intention du com
mun des testateurs, l’aîné étoit l’objet dés choix et des
préférences; et si l’on se réservoit de p o u v o i r appeler
un de ses frères, c’étoit bien plus pour le contenir dans
le devoir que pour lui donner- des co-partageans. C’est
dans la même intention qu’afin que la réserve derchoisir
ne lui nuisît pas,, on déclaroit qu’à défaut d’élection il
seroit héritier.
L e défaut d’élection n’est donc que la ratification de
*|V •
linstitution de l’aîné, si un autre n’est appelé : o r, la ra
tification se porte à l’acte. C’est donc du contrat de ma
riage de son père que l’aîné tire son droit, et ce con-,
trat à. la date 1778 , est régi par les lois de ce temps,
et nullement par la loi du 7 mars 1793^
Il
n’est pas même vi'ai que - cette loi eût ôté au père
le droit de choisir; car ne lui inhibant d’avantager un
de ses enfans qu’à l’avenir , elle ne détruisoit pas
l’avantage déjà fait à celui des enfans qu’il éliroit, encore
moins annulloit-elle l’avantage déjà fait à l’aîné , en
cas de non élection.
Le but de la loi du 7 mars fut d’abolir pour l’avenir,
toutes dispositions qui n’avoient pas encore donné un titre
.
�( 43)
irrévocable, elle ne pouvoil embrasser l’hypotlièse dont
il s’agit; car, ou elle empechoit le père d'élire, ou elle
lui en laissoil la faculté. Si elle lui en laissoit la faculté, il
pouvoil donc dans cette espece particulière avantager un
de ses enians : si elle empêchoit l’élection, elle auroit donc
détruit une disposition contractuelle et par conséquent
irrévocable, ce qui est absurde; elle auroit eu eiTet ré
troactif. Le père avoit donné. (U n e institution contrac
tuelle est une donation ). Le père avoit donné à un seul
parmi les enfans qu’il avoit d’un second lit, et l’on prétendroit qu’il a donné à tous!
On a tort de dire que quand le père est m ort, il 11 y
avoit pas d’élection-, il y en avoit une bien expresse dans
le contrat : le père ne l’ayant pas révoquée, pour lui en
substituer une autre, elle doit avoir son effet.
Trois lois sont à considérer : celle du 7 mars qui abolit
pour l’avenir la faculté de disposer en ligne directe ; elle
ne touche pas aux dispositions antérieures .et irrévocables.
La loi du 17 nivôse fut plus hardie', elle annulla ré
troactivement tous les avantagas faits aux enfans depuis
]e f4 juillet 1789; elle ne détruisit pas les droits du con
sultant, qui remontent à 1778 : l'effet rétroactif de la loi
du 17 nivôse an 2, fut lui-même d’ailleurs rapporté par
la loi jdu 9 fructidor an 3. Le donateur ou instituant,
décédé le 27 juillet 1793 , est donc mort sous l’empire
de la loi du 7 mars précédent, qui ne touchoit pas aux
dispositions irrévocables qu’il avoit faites.
Enfin la loi du 18 pluviôse an 5 maintient expressé
ment , par l’article I.cr. les dispositions irrévocables de leur
nature, stipulées en ligne directe avaut la publication do
la
�( 49)
la loi du 7 mars 1793 ; et par l'article V I I , elle maintient
les élections ayant date certaine et antérieure à la publi
cation de la loi du 17 nivôse.
O r , la disposition de 1778 est antérieure au 7 mars
* 793Elle est irrévocable de sa nature ; car elle est comprise
dans un co n trat de mariage.
Quand on dit qu’elle pouvoit être révoquée au préjudice
de l’aîn é, on argumente d’une faculté qui n’a pas été
exercée, et q u i, quoique son exercice eût appelé un autre
héritier, ne changeoit pas la nature de la disposition, n’empêchoit pas qu’un seul parmi plusieurs ne fût irrévocable
ment favorisé. L a réserve du choix dans une institution
contractuelle n’en altère pas l’essence, et ne fait pas que
l’institution en soi ne soit irrévocable: elle donne droit, et
titre irrévocable à celui qui sera appelé. L ’appel seul est
contingent et facultatif ; la donation ne l’est pas : tous les
appelés ont l’espérance d’être donataires.
Celui en faveur de qui l’espérance se réalise, prend son
droit de la donation qui lui est appliquée.
L article V II de la loi du 18 pluviôse est décisif j il main
tient les élections faites avant la publication de la loi du
17 nivôse. O r il y a ici une élection de l’aîné dans le contrat
même de mariage en 1778.
L ’article V II de la loi du 18 pluviôse juge deux choses •
1 °, que l’élection antérieure au 17 niyôse est bonne, et à
plus forte raison celle qui date de 1778 ; 20. qye la loi du
7 mars 1793 n’avoit pas prohibé les élections qui n’étoient
que l’exécution d’actes irrévocables de leur nature, tels
que les donations, ou devenus tels par les événemcns, tels
G
�( 5o ')'
que les testamens après le décès de leurs auteurs ; que les
élections ne furent supprimées que par la loi du 17 nivô>e,
et que les corrections faites ù.cette loi les out rétablie^ pour
le passé.
> 7^1
. '
-’ .
O r , il s’agit ici d’une donation faite un entre plusieurs:
donation irrévocable et permise en 1778.
Il
s’agit de l’élection de ce donataire , faite dans la dona
tion même, si le donateur n’eu appeloit pas un autre.
Avant son décès arrivé en juillet 1793 , ou il eût pu en
appeler un autre , ou il ne l'auroit pas pu. A u premier cas,
il 11e l'a pas voulu ; sa volonté , que rien, ne génoit alors,
est encore exécutoire aujourd’hui. A u second cas, l’élec
tion qu’il avoit faite, s’il ne disposoit pas, doit être exé
cutée. Les lois nouvelles ont éteint les élections à faire, ou
qui n’avoient pas donné un droit : elles respectent les autres.
O r , l’aîné a droit par le contrat de mariage. Le dépouil
ler , ce seroit rétroagir ; ce seroit tomber dans cette absur
dité de le dépouiller , parce que la condition sous laquelle
le testateur l’avoit appelé ( le défaut d’autre ch o ix ), est
arrivée.
D É L IB É R É i\
Paris, le
2
germinal an 9.
SIM É O N . P O R T A L IS . M U R A I R E , président
au tribunal de cassation. F A V A R D .
L E C O N SE IL SO U SSIGN É , qui a lu une consultation
délibérée à Paris, le 2 germinal an 9 , et plusieurs autres,
données ¿1 Riom et à Clermont-Ferrand \
E s t n u m ê m e AVIS sur les trois questions traitées dans
çcs co n su lta tio n s, d o n t les résolutions sont uniformes,
�( Si )
Sur ïa première question, il est sans difficulté qu en 1778,
époque du mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette
et de Marie-Léonarde Cornudet, sa seconde femme, le
père pouvoit avantager, par son contrat de mariage ou
autrement, un de ses enfans plus que l’autre; que de plus,
un conjoint qui se rem arioit, ayant un enfant du premier
l i t , pouvoit donner à ses enfans à naître du second lit, et
qu’en conséquence, ceux-ci n’étoient point compris dans
la prohibition de l’édit des secondes noces.
La jurisprudence sur la faculté du conjoint, qui contractoit un nouveau mariage, ayant des enfans du premier,
de faire des avantages aux enfans à naître de sa nouvelle
union, après avoir v a rié , avoit été irrévocablement fixée
par l’arrêt du parlement de Paris, du it août 1740 , qui
est rapporté en forme avec les moyens des parties dans le
recueil des arrêts notables de Rousseau de la Com be, chap.
79. On trouve au même en droit, à la suite de l’arrêt du 11
août 1740 , un autre arrêt semblable, du 29 avril 1719 ,
qui fut levé au greffe, et dont l’espèce est également rap
portée par la Combe.
L institution d’héritier, contenue au contrat de mariage
de 1778 , étoit donc valable dans son principe.
Sur la d eu x ièm e q u e s tio n , cette lib é ra lité du père subsistoit dans toute sa force, au 27 juillet 1793, jour qu’il
est décédé, et le fils aîné du second mariage est le seul
qui en doive profiter.
La loi du 17 mars 1793 défendit aux pères et mères
d’avantager, par quelque acte que ce fû t, un enfant plus
que l’autre, et voulut que les successions en ligne directe
fussent partagées entre les enfans, par portions égales:
G 2
�.
c
S
z
5
mais cette loi ne régloit que l’avenir, et non le passé.
L ’effet rétroactif attribué depuis aux lois des 5 b ru
maire et 17 nivose an 2 , en rétrogradant jusqu’au 14
juillet 1789, a été aboli, et par conséquent l’institution
d’héritier, qui avoit été détruite, est redevenue en pleine
Vigueur.
Quant au droit du fils aîné du second lit , les autres
enfans ne peuvent le lui contester.
L e contrat de mariage de X778 ,. contient deux disposi
tions :1a première est une institution d’héritier pour untiers,
au profit de celui des enfans à naître que les père et mère
ou le survivant d’eux voudront choisir ; la seconde est
une vocation éventuelle exprimée dès-lors formellement
au profit du fils aîn é, au défaut de nomination de l’un
des enfans par les père et mère ou par le survivant.
N ’y ayant point eu de choix ni par les père et mère,
conjointement, ni par le citoyen Ducourthial qui a sur
vécu , le fils aîné s'est donc trouve seul donataire, non,
pas par une disposition nouvelle, mais par la disposition
que le contrat de mariage renferme.
La loi du 7 mars 1793 n’a point défendu les élections
d’héritier ou de donataire à faire en vertu d’anciennes
dispositions. Une élection d’héritier ou de donataire n’est
point une donation proprement dite. Ce n’est que l'exé
cution d’une disposition déjà existante. Les prohibitions
sont de. droit étroit. Celle contenue dans la loi du 7 mars
1793 doit donc être restreinte dans le cas des.donations
postérieures à sa publication.
* I>’aillcurs; le fils aîné n’avoit pas besoin detre élu. Il
�(
6
3
)
•
•
.
tStoit institué éventuellement par le contrat de mariage
m êm e, dans lc'Càs où üri'aüttû que lui ne seroit pas
nommé.
i
v
r k afn i Vàrticle V II de ta loi du ià pluviôse an 5 , donnée
en explication du rapport de l'cfîet rétroactif, porte : « T^S
« élections d’héritier ou de légataire , et les ventes à fonds
«perdu q u io n t été annullées par les articles X X III et
« X X V I de la loi du 17 nivôse, à compter du 14 juillet
« 1789 , sont rétablies dans leur effet prim itif, s i elles ont
« étéfa ites par acte ayant date certaine avant la publi« cation de ladite loi du 17 nivôse. »
D e pareilles élections pouvoient donc s’effectuer jusqu’à
la publication de la loi du 17 nivôse an 2 , nonobstant la
loi du 7 mars 1793. O r , dans l’espèce proposée, le citoyen
Ducourthial étant décédé le 17 juillet 1793, quand on
considéreroit le défaut de choix de sa part comme une élec
tion du fils aîné du second l it , cette élection seroit valable.
Mais ce dernier a de plus en sa faveur une nomination
écrite dans le contrat de mariage de 1778 , pour le cas où
les pèi*e et m ère, ou le survivant d'eux, n’éliroient pas:
ce qui met son droit hors de tout doute.
Il est m êm e o b se rv e r, q u e l’article V I I de la loi du 18
pluviôse ne parle point du cas où le donateur prévoyant
le défaut d'élection, a désigné éventuellement, comme
ic i, celui des éligibles, par lequel il entendoit que la dona
tion fut recueillie.
Sur la troisième question, la fille du premier lit étant
exclue par la coutume, sa renonciation à la succession
future de son père n*a pas plus d’effet que lu forclusion
�( 54 )
légale. A in s i, elle a le droit de succéder avec ses frères, en
vertu des lois des 8 avril 1791 et 4 janvier 1793.
D é lib é r é
à Paris i par le citoyen F e r e y ancien
jurisconsulte, le 8 germinal an 9.
F E R E Y,
** I
A R io m , de l'imprimerie de L a n d r io t , imprimeur du tribunal
d ’app
e l
An 9
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Ducourthial, Gilbert. An 9]
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Touttée
Touttée jeune
Gaschon
Deval
Boyrot
Dartis-Marcillat
Picot-Lacombe
Pagès
Maugue
Bergier
Siméon
Portalis
Muraire
Favard
Ferey
Subject
The topic of the resource
partage
successions
secondes noces
conflit de lois
droit d'aînesse
Description
An account of the resource
Consultations [contrat de mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette avec Marie-Léonarde Cornudet et contrat de mariage de Marie-Joseph Maignol avec Gilberte Ducourthial, du 2 avril 1783]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1778-An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0710
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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Relation
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BCU_Factums_M0527
BCU_Factums_M0127
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droit d'aînesse
partage
secondes noces
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CONSULTATIONS.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris lecture, i°. du
contrat de mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette
avec Marie-Léonarde Cornudet, du 14 mai 1778 ; 2°. du
contrat de mariage de Marie-JosephMaignoI avec Gilberte
Ducourthial, du 2, avril 1783; 30. d 'un mémoire à con
sulter ;
E s t D AVIS q u e , d'après les anciennes et les nouvelles
lois, le premier enfant m âle, issu du second mariage de
Gilbert Ducourthial avec M arie-Léonarde Cornudet, doit
avoir, en préciput, le tiers des biens de la succession de
son p e re , et un quart dans les deux tiers restans.
Gilbert Ducourthial fut marié deux fois. En premières
noces, il avoit épousé Marie-Gabrielle de Villette. D e
ce premier mariage issut Gilberte D ucourthial, actuelle
ment épouse du citoyen Maignol.
A
�C* )
En 17 7 8 , Gilbert Ducourthial épousa, en secondes
noces, Marie-Léonarde Cornudet.
Par une clause expresse de ce contrat de mariage , il
est dit que Gilbert Ducourthial r futur époux, institue
héritier du tiers de tous ses biens présens et à venir, l’un,
des enfans qui naîtra du présent mariage , et ce par préçiput et avantage ; laquelle institution est faite en faveur
de celui ou celle que les futurs choisiront conjointement,
par quelques actes que ce soit, ou qui sera Ghoisi par le
survivant des deux futurs, auquel le droit en appartiendra
par clause expresse, aussi par quelques actes que ce soit ;
et en cas que le choix ríen ait pas été fia it, ladite ins
titution sera au profit de Taîné des m âles, s’ il y a des
m â les, et s'il 71y a, point de mâles, au profit de Taînée
des filles.
D e ce mariage sont issus trois enfans mâles; G ilbert
Ducourthial est décédé depuis le mois de juillet 1793*
Marie-Léonarde Cornudet, sa seconde fem m e, étoit dé
cédée plusieurs années auparavant ; ni l’un ni l’autre n'ont
fait d’élection. Dans cette circonstance, le fils aîné demande
s’il doit profiter des avantages qui lui paroissent assurés,
par le contrat de mariage de ses.père et mère.
L ’édit des secondes noces, de ï o, qui ne permet pas
à ceux qui se remarient, et qui ont des enfans d’un premier
lit, de se donner réciproquement au delà de la portion de
l’enfant le moins prenant, avoit fait,naître des doutes à cet.
égard: on craignoit sur-tout en droit écrit, qu’en faisant:
de p a r e i l l e s institutions, ce ne fût un moyen de frauder laloi ; mais la dernière jurisprudence, fixée par diiïérens ar
rêts , dont l’un du 29 avril 1719 , et l’autre du 11. août 1.740,,
56
�3
(
)
rapportes par Lacombe, est que de pareilles dispositions
Sont valables. C etoit aussi la jurisprudence de la ci-devant
sénéchaussée d’Auvergne. Le dernier commentateur de la
coutume, tome II, titre X I V , art. X X V I , page 354, rap«
p o r t e une sentence du mois de juin 1773, qui confirme une
institution d’héritier, en faveur des enfans à naître d’un
second mariage. A in si, en ne consultant que l'ancienne
jurisprudence, il est sans difficulté que l’exposant doit avoir
en préciput,le tiers des biens qui'lui a été donné par le
contrat de mariage de ses père et mère : on dit en préciput,
parce qu’il est de principe qu’un don fait de cette manière,
n’est pas sujet à rapport, même en ligne directe.
Les lois nouvelles ne font pas non plus obstacle à. la récla*
mation des exposans: on peut même dire'qu’elles décident
la question en sa faveur.
Il est vrai que d’après les dispositions des art. X X III et
X V II des lois du 17 nivôse et 22 v e n t ô s e de l’an 2 élection
laissée au choix de l’un des ¿poux éLoit nulle, si elle n avoit
été faite que le 14 juillet 1789 etdepuis, et que tous les héri
tiers présomptifs venoient alors par égalité à la succession
de cujus.
Mais il ne peut plus être question de ces lois, non plus
que de celle du brumaire précédent, puisqu’elles ont été
armuUées, quant a leur effet rétroactif, soit par la loi du
3 vendémiaire de l’an 4, soit par la nouvelle constitution.
Il faut donc se référer au moment du décès de Gilbert
Ducourthial, à l’effet de savoir si à cette époque, il existoit
quelque loi qui pût empêcher l’effet delà disposition faite
en faveur de l’exposant, par le contrat de mariage de ses
père et mère : or, il n y avoit pas alors de loi qui eût pros
A 2
,1
5
�4
C )
crît de semblables dispositions, et annuité des conventions
contractuelles, faute par l’un des conjoints d’avoir exercé
la faculté d’élire, stipulée dans un contrat de mariage ; et il
11 y en a pas depuis, attendu l’abolition de l’effet rétroactif.
La loi du 7 mars 179$ > antérieure au décès de Gilbert
Ducourthial, abolit, à la vérité, la faculté de disposer de
ses biens, soit à cause de m o rt, soit entre-vifs, soit par
donation contractuelle en ligne directe; mais cette loi, dont
la défense n'est relative qu’aux dispositions futures, n’a~
néantit pas les dispositions qui étoient déjà faites, et nroblîgeoit point les père et mère à les révoquer : or , ce n’est
point en vertu d une disposition faite postérieurement à la
loi du 7 mars 1793 , que Fexposant réclame le tiers des
biens de son père, comme un d'on qui lui a été fait en pré
ciput; il le réclame en vertu d’une disposition bien anté
rieure à la loi, en vertu d’une disposition respectée et con
firmée même par les lois postérieures.
En effet, l’article premier de la loi du 18 pluviôse der
nier, porte: « Les avantages, prélèvemens, préciputs, dô« nations entre-vifs, institutions contractuelles, et autre»
«dispositions irrévocables de leur nature, légitimement
* stipulées en ligne directe avant la publication de la loi du*
« 7 mars 1793, et en ligne collatérale ou entre individus
« non parens, antérieurement à la publication dé la loi du
k
brumaire an 2, auront leur plein et entier effet, con« formément aux anciennes lois , tant sur les successions
k ouvertes jusq’uà ce jour que sur celles qui s’ouvriroient à
« l’avenir ».
L ’avantage ou le préciput dont il s’agit, a été stipulé
dans nn contrat de mariage, passé antérieurement à la.loi
5
�1793
\
,
c ,5 ) .
du 7 mars
5a
d election de la part des père et
m ère, ces avantages étoient destinés au premier enfant qui
naîtroitdu mariage : il n’y a pas eu d’élection; les père et
mère sont décédés avant les lois des brumaire et 17 nivôse
de l’an 2 ; par leur décès, l’avantage s’est fixé et est devenu
irrévocable sur la tête du premier enfant mâle ; il doit par
conséquent en profiter.
L e père ne pouvoit, dira-t-on, faire un choix postérieu
rement à la loi du 7 mars 1793, puisque cette-loi prescrivoit l’égalité entre tous les enfans, dans l’ordre de succéder
à leurs ascendans, et on pourroit en conclure que la dis
position n’étant pas irrévocable de sa nature 7 ne peut sub
sister : mais cette objection n’est pas fondée f si l’on fait
attention que la loi de 1793 n’interdit que les dispositions
qui pourroient être faites à l’avenir \ qu’elle n’anéantit pas.
celles qui existoient alors ; qu’elle valide, au contraire, ce
qu’elle n’annulle pas. (A rt. X X V I de la loi du 22 Ventôse).
O r ,l’avantage dont il s’agit, est assuré à exposant, non par
une disposition postérieure à la promulgation delà loi du
rj mars 1793; mais par une disposition bien antérieure, puis
qu’elle remonte au 14 mai 1778 : cette disposition n’ayant
été annullée ni par les père et mère, ni par la loi, doit donc
avoir son effet, puisqu elle est devenue irrévocable par les
décès des père et mere avant la promulgation des lois des
brumaire et 17 nivôse'de l’an 2C :
Cette résolution doit éprouver d’autant moins de diffi
culté , qu’elle a pour principe et pour fondement la dispo
sition de l’article 7 de la même loi du 18 pluviôse dernier:
Celarticle est ainsi eoncu
9 :
« Les élections d’héritier ou de légataire, et les ventes à
5
1
5
•
|
•
�.
C;6 .) ,
« fonds perdu, qui ont été annullées par les art. X X lI et
« X X V d e la loi du 17 nivôse, à compter du 14 juillet 1789,.
«sont rétablies dans leur effet prim itif, si elles ont été,
« faites par acte ayant date certaine avant la publication d e|
« ladite loi du 17 nivôse ».
•
• Des termes de cette loii? il résulte évidemment que les
élections d’héritier qui ont été faites antérieurement à la loi
du 17 nivôse, et non à celle du 7 mars 1793, doivent être
maintenues: ainsi, 1 exposait étant, saisi de 'l'effet de l’insti
tution par le décès de son père, arrivé avant la publication
de la loi du 17 nivôse, on ne sauroit lui contester légitime
ment l’avantage qu’il réclame.
D é l i b é r é à R iom le -14 germinal an
5 de la république
française une et indivisible.
•
.
TOUTTÉE, TOÜTTÉE, GASCHON.
/
L E SOUSSIGNÉ qui a vu la consultation ci-dessus et
des autres parts j '
ques’il n’est pas impossible de tirer des lois nou
velles , quelques inductions favorables aux enfans du pre
mier lit de Gilbert Ducourthial, les
déduites dans la
consultation ci-devant transcrite, doivent contribuer beau
coup à faire incliner en faveur de l ' e x p o s a n t . On peut rnême
a j o u t e r a u x r a i s o n n e m e n s d e l a c o n s u l t a t i o n . E u effet, en
supposant que par le d.éjjaut d’élection, fait antérieurement
E stim e,
r a i s o n s
�7
'
(
)
'
à la loi du 7 mars 1793, la disposition ne se fût pas déterminément fixée sur la tête de l’aîné des mâles du second
lit, il est au moins une chose incontestable; c’est que le
contrat de 1778 lia irrévocablement les mains de l’insti
tuant respectivement aux enfans du premier lit Par ce
contrat, il prescrit irrévocablement que les enfans du se
cond lit ou l’un d’eux ,emporteroient dans sa succession uu
tiers des biens, par préciput et avantage sur les enfans du
premier lit. C’est sous la foi de cette promesse irrévocable,
de sa nature, que le second mariage fut accompli ; p ar
conséquent les enfans du premier lit, n’ont point le droit
d’examiner et de critiquer la prétention de l’exposant.
L a loi du 18 pluviôse dernier, n’a attribué à tous les
enfans du. même p è re , en se référant à celle du 7 mars
793
I
><Iue ce dont le père n’étoit pas dessaisi déjà. Les lois
nouvelles n’ont pas p u , n’ont pas même entendu faire,
plus que ne le pouvoit le père ; or ic i, de meme que
Ducourthïal père ne pouvoit pas remettre l’égalité entre
tous ses enfans du premier et du second lit , de même les
lois nouvelles ne sauroient la rem ettre, sans avoir un effet
rétroactif.
D é l i b é r é à Riom , le 14 germinal an
.française, une et indivisible.
5 de la république'
•
D E VAL..
V
�MÉMOIRE A CONSULTER
\
,
ET C O N S U L T A T I O N .
i_ iE citoyen Titus s est marié deux fois 5 il a eu de son
premier mariage, avec dame Marie L a u r e tte , u:ie fille
nommée Gilberte , et de son second, avec Suzanne Dailly
trois erifaiis , Pierre , Jean et Jacques.
Par ce contrat de mariage , Titus a institué pour son
hé ritier du tiers de tous ses biens présens et à ven ir, l’ un
des enfans qui naîtroit dudit mariage , et ce, en préciput
et avantage; laquelle .institution étoit faite en faveur de
celui ou de celle que les futurs choisiroient conjointement,
par quelques actes que ce fût, ou qui le seroit par le sur
vivant des deux futurs époux, auquel le droit en appartiendroit par clause expresse , aussi par quelqu’acte que ce
fût ; et dans le cas où le choix n’en ait pas été fait, ladite
institution-profiterait à ta în ê dès mâles ; et s’il n y a pas
de mâles , à l’aînée des filles. Telle .est la clause portée par
ledit contrat qui est du 14 mai 1778.
L e père commun a marié sa fille unique du premier lit,
et par son contrat de mariage antérieur ù la révolution,
il lui a constitué en dot une somme de i ,oooliv., payable
en cinq termes de 3,000 liv. chacun, de deux en deux
pus f sans intérêts qu’a défaut de payement terme pac
terme j
5
�9
Ç ')
terme ; .et,,moyennant.ce.tte, çonstïtutîqn., ii^ fut stipulé
qu’qllp denp£ureroit forclose.de j t au tes;suçcesçjons directes
et collatérales de 1 estoc paternel, sous la réserve qu’il .-fit,
de la rappeler auxdifes,successions,par quelquacte que ce
fû t; ce,t,acte e s t d e ,i ^\ tl . ‘
T itus, père com m un,,est mort le 27 juillet 17.93;.la
mère est morte ,avant, sang avoir fait de choix de. l’uri des
enfans. Il s’agit m^intçnant de.savoir., ï ° . -si,cette, insti-,
tutiov h•-‘Atractuelle es t. valable en faveur des enfans ch*
second lit;
•
jm >
>«i . . *
2°. Si, en le supposant, n’y ayant pas eu d’élection de la
part des père et, mère ?1c’est' l’aîné mâle qui. doit .en pro
fiter j
j
(
j'.jr
3°. Quels sont les droits delà fille du premier,lit dans
la succession du père commun ? la forclusion prononcée
contre elle doit-elle avoir son effet ?
. ''
• Enfin j y. ayant ,des enfi^ns.mineurs, quelle doit etre la
forme du partage? , * j
: 1 ; p '
-
78
:
'
'
” " CON
• 1•
» ».
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S ü L T A T I O N;
r.
■il') noii1" ^ . jJ >■
)
L e co n se il s o u s sig
contrats de mariage dônt'il s’agit,
E s t i m e , sur
:
n é
; qui a lu lès deux
* ■
les questions proposées,
_
■. <■
.
jp. Que^’institutionjcontractueile^faite par un.père dans
son second contrat de mariage au profit des pnfansjà naître
çl’icelui, est valable et ¿Qit avoir son exécution.
B
~
�.
.
( '1 0 l
Dans le principe, cette question a partagé les auteurs¿
et il paroît qu’elle a été diversement jugée par' les tribunaui'.:, j
:
>
Ceux qui ont soutenu qu’elle étoit nulle, se sont fondée
sur ce que les enfans du second lit, n’étant encore sus
ceptibles de la part de leur père et m ère, ni d’am our,
ni de haine, les dispositionsjqiië l’un dès conjoints fait
en leur faveur /ne-sont censées faites qu’en contemplation
de l’autre conjoint; on présume que, ne pouvant lui donner
directement au delà d une portion d’enfant, l’on a voulu
éluder la loi par une disposition indirecte -, et que d’après
l ’édit des secondes noces, lô n ne poüvóít donner aux
pères, meres et enfans du second mari ou autres personnes
par'dôï et fraude interposés.’
■
Une femme, dit Chabrol, qui iïe peut pas profiter de
ces libéralités pour elle-même, ha pas moins d’empresse
ment à les procurer à ses enfans à naître; s’ils lui survi
v e n t, ils ont ce que leur mère n’auroiï désiré avoir que
pour eux ; et s’ils lui prédécèdent, elle peut retrouver
souvent, dans leur succession, les biens qu’elle leur a.
procurés.^ v ‘
.
Les partisans de cette opinion citent à son appui plu
sieurs arrêts: le prem ier, du mois de novembre i
,
rapporte par Montholon.
i
588
L é second qu’on írouve;dansiSoe{Ke >''du
juillet 1645.
Un troisième recueilli par ïirodeau sur L o u e t, L . N.
somm. 3 , du gsa'oíit
1
• ~Le'quotrièmü , 1qu’ôii t^bliVé au rjourilal dû Palais ,
dn.7'iséptembre 1673.
1
■
E n fin / ’celu i‘cirtinü soüs le hcUn ’ de LiâpaV'rà j du 18
�( H >
mai 1736, rapppr^ paritr % m e de^GraifiyilIe. T o u s,
dit-on, pot an nulle des çh^positioiis fîûte^ en faveur des
enfaus à naître ¿ ’un secpnd ¡mariage,
.
,, IV^is si l'on se donne la peine d’entrçr en connoissancç
de cause de ces jugpmerçs, on s’aperçoij: bientôt qu’il^
sont rendus sur des circonstances particulières, et n’ont;
aucune application, à l’espèce qui se présente ici.
D ’abord celui de Montholon , d’après ■
Rousseau dç
la C om be, n’a p^s jugp Iq. question. ? Il s’est trouvé ,
« dit-il, ¡y.erio'j^ocps, qu’ils’agissoit d’une donation faitç
« non à des enfqns d’un second lit , mais ià des colla,
c téraijx. »
'
■
Celui de 1645 paroît ¡avoir jugé qu’une mère remariée
n’avoitpu donner auxenfans du second mariage se^ meubles
et acquêts1, et le quint de ses propres, au préjudice des en fans
du premier lit, dont la légitime n’avoit cependant pas été
blessée; mais indépendamment de l’injustice évidente qui
paroît en résulter, il est rendu pour une coutume diffé
rente de celle-ci, où les père6 et mères ne peuvent succéder
aux propres de leurs finfans.
'
Celui de 1647 se trouve dans tous les recueils ; il fut rendu
çonsultis çlasçibus • ilanjiull,a une donation,contractuelle,
faite au profit d.enfans à,n aître, par une femme qui se
remarioit; maisBrodeau, qui le premier l’a recueilli, dit
que cette donation était .tout-àrfait extraordinaire, injuste
et barbare, étant faite h l’exclusion perpétuelle des enfanf
du premier lit, au point qu’à défaut d’eniàns du secontf
Üt, les collatéraux étoient appelés.
.
Il n est pas étonnant qu’une pareille disposition ait été
annullée; i° . elle étoit faite ab iratoy et 20. comme l’obB 2
�.
.
,
.
(
«
)
.
.
.
.
.
.
serve Chabrol, il estévidènt que le mari avoit été le seul
objet de cette libéralité ; et cela est si v r a i, que la donation
contractuelle en contenoit une clause particulière, puis
qu’il y étoit d it, suivant Brodeau, qui le rapporte et qui
le connoissoit bien, puisque l’arrêt fut rendu sur le rapport
de son gendre, « et aü cas qu’il n y ait pas d’enfans , lesdits
« biens appartiendront audit sieur de Saint-M àriin seul \
tequi etoit le'futur époux, et aux sien s, sans que les eni’ans
« du premier m ariage, n i les héritiers de laditefu tu r e y
« -puissent rien prétendre n i demander, sinon que ladite
« Guilbou, s i elle survit ,•duquel cas elle jouira desdites
« acquisitions sa vie durant seulem ent, et après retour
« lieront au x héritiers dudit sieur de Saint-M artin. »
L ’arrêt de 1673, a bien aussi annulléune donation faite
aux enfans à naître d'un second mariage; mais elle avoit
pour principal objet la femme 5 c’est ce que soutenoit les
défenseurs des enfans du premier lit: « au fa itp a rticu lier,
« disoient-ils, ainsi qu’on le lit dans les auteurs du Journal
* du palais, il est certain que la donation dont il s’agit, est
« moins faite aux enfans qu’à leur mère 5 c’est le fruit de ses
« charmes et de ses caresses : la pa'ssion extrême qu’avoit
« pour elle le sieur de Têrsam , a1été colorée d’une affection
« apparente pour une postérité qu’il ne connoissoit pas, et
»qu'il ne pouvoit encore aimer. »
’
Cela est si vrai que Rousseau de la Com beyqui rapporte
aussi cet arrêt!/verbo Noces, s’en fait' un moyen pour prou
ver que les enfans communs, nés oü à. naître,'ne' sont point
compris dans la prohibition,, pourvu qu’ ils n aient servi
de prétexte pour donner aü second conjoint,
'
E nfin, l’arrêt de 1738 de Làpàrta, a été rendu en pays
�X3
. . .
.
•., •.
(
) .. •
He droit écrit, ou la mere succède à son enfant: ; en sorte
que l'on pouvoit dire que la disposition étoit faite en fa
veur de la femme, puisqu’elle pouvoit en profiter.
Mais l’espèce qui nous divise est bien différente ; le3
parties et leurs biens étoient régis par une coutumç qui
exclut les ascendans de la succession desdescendans, et qui
donne la préférence aux collatéraux du centième degré
sur eux; ils ne peuvent succéder que quand il n’y a aucun
parent de la ligne. Cette coutume est même si contraire
aux ascendans sur le droit de successibilité ; qu’elle rend
propre, pour l’empêcher, ce que toutes les autres coutumes
déclarent acquêts, et ce que celle-ci rend acquêt pour tout
autre parent que les ascendans; ainsi il faut faire une grande
différence en matière d’institution contractuelle, en faveur
des enfans à naître d’un second mariage, entre le pays de
droit écrit, et celui de coutume.
1
Dans le prem ier, la seconde femme peut etre I objet de
la libéralité d’un mari ; mais jamais elle ne peut le deve
nir dans le second, puisqu’elle ne peut succéder aux enfans
dudit mariage, ni aux descendans d’eux, à moins qu’il n’y
ait aucun parent de la ligne ; et dèslors la prohibition ne
peut plus exister, puisqu’il n’y a plus d’intéressé.
Mais ce n’est pas seulement avec des raisonnemens tran-clians qu’on veut écarter les préjugés que l’on vient de
discuter; la jurisprudence, en faveur de la validité de pa
reilles institutions, est irrévocablement form ée, soit par
les anciens arrêts qui ont jugé la question in term inis‘y sort
par lés nouveaux; et la presqu’universalité des auteurs,,
n’hésitent pas de la consacrer par leur opinion bieù pro»'
nonéée.
-
�.
.
. f *4 )
L e premier arrêt qui ait admis l’institution d’héritier en
faveur des enfans à naître d’un second mariage, est rapporté
par Chopin, liv. 3 , chap. ie r. lit. 1e1'. sur la coutume d'An
jou , en date du 7 septembre i y .
.
•
Le second, du 19 juillet 1659 , rapporté par R icard ,
Traité des Donations,, partie 3 , n°. 1243, et par l’au
teur du Journal du Palais, a confirmé une donation faite
à des enfans à naître, par un troisième contrat de mariage:
c’est l’arrêt des Lagrange, On demandoit la réduction de
la donation ? conformément à led it des secondes noces. La
disposision fut confirmée pour le tout.
L e troisième se trouve au Journal des audiences , soug
la date du 29 avril *
? ^ fut imprimé dans le temps. Il
a déclaré valable une institution contractuelle, faite en fayeurdesenfansü naître, par un second contrat de mariage,
par Jean Chaussard de Felletin, en Marche.
L e quatrième est intervenu le 1 1 août 174° >au rapport
de M. Bochard de Sarron. Il est rapporté par la Combe >
verbo Noces. Dans l’espèce de cet arrêt, Jacques de Gagnou
de V ilèn e, lieutenant général des armées, figé de soixantequinze ans, qui avoit un fils du premier lit , convolant eu
secondes noces avec dame Claude-Antoinette Passé, avoit
donne auxenfansde ce futur mariage tout ce que la coutume
du Maine lui permettoit de donner à ses enfans puînés. L3.
donation a été confirmée en faveur'des enfans du second
.mariage, quoique la dame Dassé eût la garde’-iioble de
¿es enfans»
■
Rousseau de la Combe annonce en thèse générale, que
celui qui se remarie, peut donner ¿ses enfans du secprid lit *
et qu’il faut tenir pour constant que les enfans comipuns,
55
7*9
�. .
a
...
c 15 )
nés ou à naître, ne sont pas compris dans la prohibition,
pourvu qu’ils n’aient pas servi de prétexte pour donner
au second conjoint; mais que quand c’est la femme qui
se remarie en pays de droit écrit, la donation est suspecte,
à cause de la puissance paternelle.
En effet, les lois romaines, ni l’édit des secondes noces,
n’ont pas défendu les donations des pères et mères, en
faveur de leurs enfans communs ; et comme c’est une loi
pénale, on ne peut pas l’étendre d’un cas à un autre ; il
faut au contraire la restreindre, sur-tout quand elle est
une exception au droit commun. Tout le monde connoît
les motifs qui donnèrent lieu dans le temps à rendre l’édit
des secondes noces. C ’étoit une dame d’-Alègre, quiavoit
sept enfans de son premier m ariage, et q u i, en se rema
riant , avoit donné presque tous ses biens à son second
mari. Cette loi prohibitive est donc une exception au droit
commun qui permet de faire ]a condition d’un enfant
meilleure que celle de l’autre ; elle a été introduite par des
considérations d'honnêteté publique, qui ne peuventavoir
pour objet les enfans communs des deux époux.
« Il seroit étrange, » disoit l’auteur du Journal du palais,
dans la cause jugée par 1 arrêt de 1673? «que les législa% teurs qui se sont particulièrement attachés à former des
« obstacles aux secondes noces, n’eussent point parlé des
«enfans, s ils eussent prétendu les comprendre dans la
« prohibition; mais ils n avoient garde de penser ¿i eux ; il
« y en a deux raisons sans répliqué. »
«La première est, que ce sont des sujets innocens que la
«loi doit protéger, puisque, autoi’isant les secondes noces,
« elle laisse par une conséquence nécessaire, les enfans qui
�.
i . 1? )
« en naissent, clans ïapossession du droit commun ; c’est-âe dire., que comme ces enfans ne' sont pas encore au monde,
•i ; a i •>.,
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venir pa'rune. voie
légitime , la
ij.;-.. :i ■ . ,
) ... . .¿i) y -i>• •>*?. •, • - i ' •
« loi ne peut pas avoir pour eux de 1indignation, qu elle ne
‘» fonde jamais que sur un démérite naturel ou.moral. .
«L a seconde raison^est, que l’ordonnance ne,peut com
te prendre les enfans communs dans la prohibition, que par
« les mêmes motifs qui y ont donné lieu, savoir , en faveur
a de l’honnêteté publique, et par la crainte de la suggestion ;
« mais il ne se rencontre rien de tout cela dans la qualité
çc innocente des enfans, et sur-tout dans des
enfans à naître,
1
qui n’ont que suffrage de la nature qui parle pour eux.
« Il ajoute que presque tous les docteurs avaient décidé,
« que la loi hâc echctati, et led it des secondes noces, rje
« concernent point les enfans communs.
« Car d’opposer que les enfans à naître ne peuvent avoir
p excité 1a libéralité des pères et mères, par leur mérite, par
<r leur sexe, ou par quelques autres qualités; c’est ignorer
p que les enfans étant la fin du mariage, il est assez naturel
« que leurs pères et mères pensent à eux avant leur naisr
«sançe , et qu’ijs se les représentent, comme s’ils étoient
«effectivement nés; de là vient que dans les clauses des
« contrats de m ariage, les enfans à naître ont ordinaire?« ment la meilleure part, » ,
Brodeau sur I^ouet, lettre N , somm. 3 , n°. 12 , a traité
également cette question: « Aucuns de nos docteurs fran
ç a i s , dit-il, tiennent que la prohibition de l'édit des
« seconds noces a lieu , non seulement A l’égard des con
j o i n t s , mari ou fem m e, mais encore des enfans d\i
« premier ou du second mariage....... Mais néanmoins il
. « est
’
J
.
* î .
i
.
�*7
(
)
« est indubitable , que cela ne doit avoir lieu qu'à Tégarâ
« des enfans du premier lit de 1 un des conjoints, qui
«sont censés et réputés une seule et même personne avec
c leurs père et m ère, et qui est dans la prohibition de l’édit
« et non des enfans communs issus de leur mariage, qui
c sont capables de recevoir toutes sortes d avantages,
c s a u f la légitime au x eirfans du -premier h t , si la cou« tume ne dispose du contraire; la présomption naturelle
k étant que la mère faisant la donation, est plutôt portée
k par l’afFection de ses enfans que de son mari ; ou si elle
c le considère, c’est comme père, et non comme mari.
Cujas sur la loi hâc edictati, inprincipio cod. de secundis
nuptiis, queBrodeaU rapporte, décide cette question dans
les termes les plus formels : «■potest vidua dare, non pro« vigno sedjilio communia nato ex secundis nuptiis :licet
« sit eadem ratio , non tamen idem j u s , q u ia jilio com« m uni ut donet mater naturatis a ffectio fa cit provigno
« ut donet noverca, maritalis ajfcctus J 'a c it, noji certè
« nover'calis; provignum non semper accipiam pro per~
« s a supposita, sed excogitatamfraudem edicto inspi*
« cabor in provigno , non in jilio com muni. »
Brodeau cite les deux arrêts de iôgô et de 162.6, qui
ont confirmé de pareilles donations.
072
L ebrun , traité des successions, liv. 2 , chap. 6 , spet. ire>j
distinction 2, est du même avis: « L e second conjoint, dit—
« i l , est la premiere personne prohibée, et nulle autre ne
«r l'est qu*à cause de lu i.........Q n demande si les enfans du
tf second mariage sont compris dans cette prohibition, et il
« semble qu’ils n’y sont pas compris: car, si d*un côté on les
,c considère comme les euians du second conjoint, de l’auG
�( i8 )
« tre, on les peut regarder comme les enfans de celui qui a
« passé en secondes noces, et comme des objets légitimes
* de ses libéralités ».
« Si les enfans de celui à qui il est défendu de donner, sont
t< dans la prohibition; aussi rien n’est plus légitime que de
« donner «\ ses propres enfans......... I l faut prendre en
« toutes choses, autant qu’il est possible, l’interprétation
« la plus favorable; o r , il est bien plus favorable de dire
« que ces donations se font par la charité du sang, que
« de dire que c’est par l’effet des suggestions.. . . Aussi nos
« docteurs, entr autres M . Cujas, sur la loi hâc edictati,
te cod. de secund, nupt. ayant agité la question, ont été d’avis
« que ce cas n’étoit pas compris dans l’édit; ce que j’estime
« devoir avoir lieu, pourvu que les enfans n’aient pas
a servi de prétexte pour donner au second conjoint. S i
« color non fu e r it quœ situs, comme dit la loi item s i 7,
«jf. de sénat. Maced. et particulièrement pour l’espèce
« la loi suspitius 4 9 , j f . de donat. item si color vel
« titulus, ut sic dixerim , sic donationi quœ situs, n ih il
« valebit traditio ; id est, si hoc exigit u xo r, ut aliquid
« ex ea re intérim commodi sentiret m antus ».
Lebrun dit ensuite que la donation faite par une femme
qui se remarie en pays de droit écrit est suspecte, parce
qu?en donnant aux enfans de son second mariage, elle
donne à son second mari,-à cause de la puissance pater
n e l l e ; mais que hors ce cas particulier, les donations
J'aites au x enfans comm uns, ne sont pas réputées com
prises dans ledit.
'Enfin, le derniercommentateur.dela coutum ed’Auver
gne, traite aussi cette question dans le plus grand détail,
�*9
(
)
et après avoir tfappôiHé les- arre(s>pnur et contre que nous
avons cités, il dit que la dernière Jurisprudence paraît
décisive pour la validité de ces dispositions.
« Les arrêts, dit-il, de 1719 et de 1740, ont fixé la juris
te prudence, et celui des Laparra de 1736 ne la détruit pas,
g puisqu’il est dû à la cii’constance particulière du choix
« laissé à la seconde fem m e; elle est sur-tout favorable
« dans cette coutume où les père et mère ne peuvent
c pas succéder à leurs en fa n s, même dans le mobilier
«venu des successions et donations en ligne directe, >et
c où les dispositions en-faveur d’enfans à naître sont assez
a fréquentes ; l’édit des secondes noces, en déclarant les en
« î&mpersonnes prohibées, 11e s’entend que des enfans déjà
« nés des conjoints, avec qui le mariage se contracte, et il
« suffit que la disposition puisse s'appliquer à d’autres causes
« que l'impression du conjoint, pour qu’eHe doive a'voii
« tout son effet. On'doit plutôt rapporter la disposition â
'« des motifs purs qu’à des causes illégitimes, quand ils se
ce combattent. Il est difficile d’ailleurs de concevoir, corn
et ment un second mari pouvant profiter directement au
«moins d’une portion d’enfant, selon l’édit, ses enfans
« à naître seroient dans une plus grande prohibition que
« lui. Il nous sembla donc que la règle générale est pour
« la validité de la disposition, sauf les exceptions légitimes
« dans des cas ou il est visible que le donateur n’a eu d’autre
« motif que 1 impression et la suggestion du nouveau con« joint ou la volonté de l’avantager lui-même. »
Ainsi d on c, il faut tenir pour constant que la disposition
du tiers de leur fortune, faile par les père et mère du
consultant dans le second contrat de mariage du premier
C a
�.
,
(
2 0
5
.
-
en faveur de l’aîné des mâles à défaut de choix, est inat
taquable. Ce n’est pas la mère qui se remarioit, c’est le
père. La mère ne pouvoit profiter directement ni indirec
tement de la disposition, puisquen cette coutume, ni l’un
ni l’autre ne pouvoient succéder à leurs enfans au préjudice
de la ligne collatérale : la puissance paternelle n’étoit ici
pour rien j puisque la femme navoit pas d autres enfans,
et que par conséquent elle ne disposoit pas à leur préju
dice. Enfin il ne se rencontre dans l’espèce aucun prétexte
pour annuller une disposition permise dans tous les temps 5
les enfans du second lit n’ont pas servi de canal pour avan
tager l’un des conjoints, puisque dans aucun cas yni l’un ni
l’autre ne pouvoit leur succéder. Il ne s’agit pas ici d’ailleurs
d’une disposition universelle ; mais seulement du tiers de
la succession au profit du mâle et au préjudice seulement
d ’une fille du premier lit, avantage habituel que toutes
les familles faisoient au projit des m â les, à l’exclusion des.
filles que la loi déclaroit forcloses, quand elles étoient
.mariées par père et mère^
‘ Tout concourt donc, bn le répète, à rendre cette dispo~
silion inattaquable. Le droit d’é lire , accoi’dé au survivant}
dans le cas où il n’auroit pas été exercé du vivant du prédé
cédé, ne change rien à cette décision, parce qu’il n’en résul
tait au profit de la femme aucun avantage, puisque d’ailleurs
elle pouvoit mourir la première,, ce qui est réellement
-arrive , et que sa survie ne l’auroit pas rendue plus parti
cipante de la disposition du mariII y a même plus, c’est q u e , sans les nouvelles lois, le
consultant n’en auroit pas moins exclu sa sœur du premier
lit, parce qu’elle étoit forclose * moyennant la dot à elle
�constituée? et qu’elle ne pouvoit venir à la succession de;
son père sans y être rappelée ; et si les nouvelles lois ont
produit cet effet, l’on ne peut rien conclure de cet événe
m ent qui ne peut être rétroactif, contre la disposition anté
cédente qui a transmis h l’aîné mâle du second lit, une
succession qu’il auroit eue dans les anciens principes, sans
le secours de la disposition.
Seconde
Q uestion.
jV y ayant pas eu à*élection, tous les enfans du premier
et du second l i t , doivent-ils profiter de la disposition,
- ou appartient-elle à Taîné mâle ?
Cette question
peut avoir été controversée dans les temps
Voisins de la loi du 17 nivôse an 2., dont 1effet rétroactif
avoit tourné les têtes j mais elle ne peut pas en faire une
aujourd’hui.
L ’art. X X III dit bien que dans le cas où un époux dé
cédé , «• avant ou depuis le 14 juillet 1789, auroit conféré
<r au conjoint survivant, la faculté d’élire un ou plusieurs
« héritiers dans ses biens, l’élection, si elle n’a eu lieu que
«le 14 juillet 1789 ou depuis, demeure nulle et de nul
« effet; et tous les héritiers présomptifs, au préjudice des
ri quels elle auroit été faite, sont, nonobstant toute exclu« sion, appelés à partager la succession de la même manière
* et par les mêmes règles que celles ouvertes depuis et
« compris le 14 juillet 1789. »
L ’article suivant porte : « Tous actes portant institution
« nominative d’un héritier ? néanmoins subordonnée au cas.
�■
.
-
,
,
.
« où un tiers ne (ïïsposcroit fpâs autrement des biens comcc pris en la même institution , sont nuls et de nul effet, k
te dater du 14 juillet 1789, si à cette'époque le droit "de
« l'institué n’étoit pas devenu iri-évocable, soit par le décès
« du tiers, soit par transaction authentique passée aveclui. »
Mais* i° . cette loi ne peut avoir d’effet rétroactif ; les
lois des 9 fructidor an 3 , 3 vendémiaire an 4 , et 18 plu
viôse an , ont c o n f i r m é toutes les dispositions irrévocables
de leur nature-, faites avant la publication de la loi du 7 mars
179 3,qui a défendu toute espèce d'avantage enlignedirecte,
ainsi que les élections faites avant la publication de là loi du
i 7 nivôse an 2.
I/article V i l de la loi du 18 pluviôse an , porte :
« Les élections d’héritier ou de légataire, qui ont été
« annullées par l’article X X III de la loi du 17 nivôse
a an 2 , à compter du 14 juillet 1789, sont rétablies dans
« leur effet prim itif, si elles ont été faites par actes ayant
«c date certaine avant la publication de ladite loi du
« 17 nivôse. »
Ainsi a disparu l’effet rétroactif et désastreux de cette
dernière loi.'
Dans l’espèce particulière , la succession s’est ouverte
avant cette loi. La mère est morte avant la révolution,
et le père, le 27 juillet 1793 '• la loi du 17 nivôse n’a
donc pu avoir aucune influence sur cette succession 3 il
faut juger linstitution dont il s’agit, par les anciennes
lois qui la donnent à l’aîné mâle.
L ’on n’a pas oublié qu’à défaut d’élection , c’étoît lui
qui étoit appelé à la recueillir; et la mort du père, sans
l’avoir faite, équivaut à un acte qui la contiendrait,
5
5
�\
23
.
f
)
Ces principes anciens n’ont point été altérés par les
nouvelles lois, parce que la succession sest ouverte avant
et dans un temps u tile; et on peut d’autant moins'les
révoquer en doute, qu’ils sont attestés par tous les auteurs
et sur-tout par Ricard, traité des donations , partie ire
chap. 3> section 12, n°. 572 et suivans. Cet auteur traite
la question de savoir si les legs laissés à la volonté d’un,
tiers, sont valables, et il distingue entre ceux qui dé
pendent absolument de la volonté de ce tiers pour les
faire subsister ou les annuller, et ceux dont le choix du
légataire dépend seulement de ce tiers, comme dans l’espèce.
« Le premier exem ple, d it - il, est au cas que l’élection
« qui est laissée à un tiers par le testateur, ne regarde
« pas la substance du legs qui est certain et fait au profit
« de quelqu’u n , mais seulement le choix de la persomie
« entre un certain nom bre, ou de la chose léguée entre
« plusieurs choses qui sont désignées, ou du temps ; et
« pour lors le legs est valable. N ec enim in arbitrio
« ejus qui rogatus e s t, positum est om ninb, an velit
*c restituere , sed q u i potiùs restituât. »
En conformité de cette opinion, il a été jugé h l’au
dience de la grand’eham bre, par arrêt du 18 mai 1687,
que ce n’est pas laisser à l’arbitrage d’autrui, quand le
testateur, après avoir fait un legs constant et déterm iné,
laisse à la volonté de son héritier de choisir entre les
' personnes désignées : cet arrêt est rapporté dans le journal
des audiences.
« Ricard ajoute que l’expérience a fait connoître que
« ces sortes d’institutions étoient d’un usage fort fréquent
« au moment ou il écriyoit ? particulièrement dans lé
�. , .
? 24 ) . •
ce pays de droit écrit, où les maris et femmes ont coua lume de se déférer entr’eux cet honneur, de laisser
te au survivant la liberté de choisir un héritier unicf versel entre leurs enfans ; ce qu’ils -pratiquent par le
r principe d'une sage politique , et afin de transmettre
ce toute la puissance entre les mams de celui qu i survit,
» ‘it lui conserver, Par ce m oyen, le respect de ses
» enfans. »
L 'on voit donc que les principes anciens valident l’ins
titution dont il s’agit.
Les memes principes veulent que si l’auteur de la dis
position avoit prévu le cas ou le tiers, chargé d’élire,
ne feroît pas de ch o ix , et s’il avoit nommé lui - même
éventuellement un des éligibles pour recueillir sa dis
position , à défaut d'autre ch o ix , sa nomination condi
tionnelle et éventuelle devenoit pure et simple par le x tinction du droit d’élire, ou par la mort du chargé de
cette élection, sans l’avoir faite.
•
E n fin , les nouvelles lois , au lieu de contrarier les
anciennes sur ce p o in t, ne font que les confirmer ; la loi
du 17 nivôse avoit bien annullé toutes les dispositions de
ce genre, antérieures au 14 juillet 1789; mais l'on a vu
que l’article V II de celle du 18 pluviôse an , avoit
rétabli toutes celles faites par actes ayant une date certaine
avant la publication de la loi du T7 nivôse : ainsi l'élection,
auroit pu valablement être faite jusque - là , t’t par la
même raison , l’aîné mâle avant été d é s i g n é pour la
recueillir, à défaut d’élection d'un autre , doit en profiter,
comme s i, avant sa m ort, le père l’eût choisi de nouveau.
Nous trouvons encore cette question décidée dans un
rapport
5
�5
t> )
iTapp'O’rt fait
nom d une commission, par le citoyen
•Bergier, le 13 ventôse an 7 ; un article du projet de
-résolution par lui présenté, porte que si: l’auteur de la
^disposition a voit prévu le cas de non-élection de la part
du tiers qu’il en a voit chargé', ët s’il avoit nommé un
-héritier ou légataire pour recueillir à défaut d autre choix*
sa nomination , conditionnelle dans le principe , est de
venue pure et simple par l’extinction du droit d’élire,
çt l’héritier ou légataire spécialement nommé pour le cas
p ré v u , a recueilli seul le bénéfice de la disposition.
En dernière analise, on ne voit pas pourquoi la fille
du premier lit viendroit contester au consultant ce foible
avantage; car quand le défaut d’élection, le lui auroit
en levé, ce qui n’est pas même proposable, elle n’en seroit
pas plus avancée, parce qu’elle n’en profiteroit pas, mais
bien les enfans du second lit , parce qu’étant seuls ins
titués et seuls éligibles, le défaut d’élection ne profiteroit
qu’à e u x , et non à la fille du premier lit qui n’étoit pas
dans cette classe,
§.
T r o i s i è m e
111.
Q u e s t i o n .
Quels sont les droits de la fille du premier lit?
Cette fille a été foi close par son contrat de mariage;
mais la loi 1 a relevee de cette forclusion. Le père n’est
mort qu en juillet 1793? « celte époque, la loi du
8 avril 1791 et celle du 4 janvier 1793, avoient frappé,
et elle est appelée à recueillir, en rapportant ce qu’elle
D
�.
.
a re ç u , sa portion des deux tiers de la succession àb
intestat, qui seront divisés entre tous les enfans par
égaie portion : cela ne peut pas faire de difficulté. Elle
rapportera aussi la moitié de son trousseau; mais ce qu’elle
prendra,dans la succession sera dotal, parce qu’une clause
qu’on trouve à la fin de. son contrat, porte que tout ce
qui lui échoira sei’a dotal; si elle ne peut pas les rap
porter , elle prendra moins, et les autres héritiers feront
les prélèveraens de d roit, de manière que l’aîné maie ait
la moitié de toute la succession paternelle, et les trois
autres, par égalité, l’autre moitié : chaque lit prélèvera
aussi, avant partage, la dot de la m ère, et chacun sup
portera , au prorata de son émolument, les autres dettes
de la succession. Exemple : supposons la succession du
père de 230,000
y compris le rapport des i ,ooo
la portion de l’aîné mâle sera de 1 1 ,000
parce que
le tiers de 230,000
est de 76,666 ^ 13 J 4^v, et que
le quart, dans le surplus , est de 38,333 #"6*^ 8
en sorteque la fille du premier lit, conservant les * ,000
argent,
n’aura plus , en biens - fonds , que 22,333
6^ 8
Comme les deux enfans puînés du second lit sont mineursT
le partage doit être fait en justice, et provoqué par un
majeur; il ne pourroit avoir lieu sans cela.
5
5
5
D é l ib é r é à Clermont-Ferrand, le 19 nivôse an 9.
•
B O Y R O T , D A R T IS - M A R C I L L A T .
Je suis, du même avis, et par les mêmes raisons*
P IC O T -L A C O M B E L
�7
4
( z ')
'L e soussigné , qui a lu la consultation ci-dessus, est
du même avis; les motifs qui lui servent de fondement
sont trop amplement discutés dans cette consultation, pour
qu’il soit nécessaire d’y rien ajouter. Ce qui est décisif
en faveur du consultant, c’est que sa mcre avoît prédécédé
son père, et que celui-ci est décédé le 28 juillet 1793,
et qu’ainsi son droit à l’institution étoit acquis avant la
loi du 17 nivôse an 2.
D é l i b é r é à R io m , le 12 pluviôse r an 9 de la ré
publique.
'
TOUTTÉE.
'
L e soussigné est du même avis sur tous les points, et
par les mêmes motifs.
.
+
D é l i b é r é à R io m , le 2 ventôse, an 9 dé là répu
blique.
PAGÈS:
L e soussigné est du même avis, par les mêmes motifs,
en ajoutant que cette question ne peut être décidée que
par les principes de 1 ancienne législation , encore en,
vigueur à l’époque de l’ouverture de-la succession.
L e 22 ventôse an 9,
MAÜGUE.
D 2
.
-
�Q U E S T I O N S PROPOSÉES*
C t i l b e r t D U C O U R T H IA L , veuf de Marie de Villette,.
contracta un second mariage le 14 mai 1778; il avoit
une fille unique d’un premier mariage*
Trois enfans sont issus du second.
Gilbert Ducourthiai est décédé le 27 juillet 1793 ; sa
seconde femme étoit morte avant lui.
Les quatre enfans des deux lits ont survécu et vivent
encore.
il s’agit de régler leurs droits respectifs sur la succes
sion de leur père commun..
Jean-Baptiste-Gilbert Ducourthiai de Lassuchette, fils
aîné du second lit, croit avoir droit de prendre, dan&
cette succession, un tiers en précipuf et avantage sur ses
co-héritiers, et de partager avec eux les autres deux tiers
par égalité ; ce qui lui attribueroit la moitié de la suc
cession entière ; il fonde sa prétention sur la clause du
• contrat de mariage en secondes noces, de G ilbert, sort
p ère, du 14 mai 17.78., dont la teneur suit :
* Ledit........... futur ép o u x, en faveur du présent
« m ariage, a institué et institue héritier du tiers de tous
« ses biens présens et à venir , Vun des e?ifans qui naîtrai
« du présent mariage , et ce par préciput et avantage *
k laquelle institution est faite en faveur de celui ou celle
* que les futurs époux choisiront conjointement,, pas-
�.
29
(
)
« quelques actes que ce soit , ou q u i sera choisi par le
c?' survivant des deux futurs , auquel le droit en appar-'
<r tiendra, par clause expresse, aussi par quelques actes
« que ce soit ; et en cas que le choix rien ait pas été f a i t ,
« ladite institution sera au profit de Taîné des mâles ,
« s’il y a des mâles , et s’il n’y a point de m âle, au profit
« de l’aînée des filles. >3
Gilbert D ucourthial et sa seconde épouse sont décédés
l’un et l’autre, sans avoir fait d’autre choix entre leurs
enfans communs , pour recueillir l’effet de l’institution
portée par cette clause, que’ le choix conditionnel qui
y est contenu enfaveur de Vaîné des m âles, en cas qu’il
n’en fût pas fait d’autres.
En cet état, le citoyen Lassnchefte , fils a în é , est - il
fondé à soutenir,
i° . Que Gilbert D ucourthial, son père, a pu vala
blement avantager, par son contrat de mariage en secondes
noces, Vun des enfans à naître de son second mariage,
du tiers de ses biens en préciput?
20. Que Yindétermination de l’institué, à élire entre
tous les enfans à naître du second mariage, ne vicioit pas
la disposition ?
.
3«. Qu elle n etoît pas viciée non plus par Ta circonstance’'
que la seconde fem m e devoit concourir au choix de cet
héritier, dans le cas ou il seroit fait du vivant des deux
époux, etmeme de 1 élire seule, si elle avoit survécu ?
40. Que l’élection de l’aîné des mâles, faite dans l’acte“
même qui contient l’institution , pour recueillir éven
tuellement, et dans le cas, qui est arrivé, où il n’y auroit
pas d’autre ch oix, étoit également une disposition valable
�3
. .
( ° >
^
#
dans le principe , et qu’elle doit produire, son plein et
entier effet, nonobstant la révocation des dispositions de
ce genre, prononcée par les articles X X III et X X I V
de la loi du 17 nivôse an 2 , postérieure de cinq mois
au décès de Gilbert D u c o u rth ia l ?
°. E n fin , que le décret du 7 mars 1793 , qui avoît
interdit tous avantages en ligne directe, quelques mois
avant le.décès de Gilbert Ducourthial, n’est pas un obs
tacle non plus à ce que le citoyen Ducourthial fils aîné
profite d’une disposition en préciput, qui a sa source dans
un contrat de mariage antérieur de plus de quatorze ans
à ce décret.
5
Opinions du Conseil sur les questions proposées.
L a première observation à fa ir e , pour résoudre les
questions proposées avec justesse et précision, est qu’il
ne s’agit point de régler le partage d’une succession
ouverte depuis la loi du 17 nivôse an 2 ; mais d’une
succession ouverte près de six mois avant cette loi, dès
le 27 juillet 1793.
Seconde observation. L a rétroactivité de la loi du
17 nivôse, qui remontoit en arrière pour régler des
successions et des dispositions ouvertes depuis le 14 juillet
1789, fut rapportée par les lois des 9 fructidor an 3 ,
trois vendémiaire an 4, 18 pluviôse an 5 ; elle ne doit
plus en conséquence avoir d’application qu’aux successions
ouvertes depuis sa publication. Les droits acquis avant
cette époque, sont maintenus, consacrés, inviolables.
Troisièm e observation. Le sort de l’élection faite par
�#
C 31 )
le contrat de mariage du 14 mai 1778 , du cit. Ducourthial -Lassuchette, fils aîné, pour recueillir le tiers de
la succession de son père en préciput, dans le cas où
aucun autre des éligibles ne seroit choisi par ses père et
mère, ou par le survivant des deux, avoit été invaria
blement fixé avant la lo i du 17 nivôse, par la mort de
ses père et mère ’ car le décès du survivant avoit éteint
sans retour la faculté qu’ils avoient pendant leur v ie , de
le déchoir da cet avantage.
De ces trois observations préliminaires, résulte la con
séquence , que ce n’est point par la loi du 17 nivôse,
que doivent se décider les questions proposées 3 mais
uniquement par les lois antérieures.
Raisonnons maintenant d’après ce point de départ:
i° . L ’aveuglement seul pourroit révoquer en doute la
validité, sous le régime ancien, des donations de biens
présens et à venir, des institutions contractuelles, et de
toutes autres dispositions éventuelles faites par contrat
de mariage, en fa v e u r des enfans à naître du mariage T
tant elle étoit disertement prononcée par les ordonnances
de 1731 ? art. X V II et X V I I I, et de 1747, art. XII.
On ne sauroit non plus méconnoître la^ capacité des
enfans d’un second mariage, pour recevoir de pareilles
dispositions et en profiter, en avantage sur les enfans du
premier lit, dans les pays où le statut permettoit en général
au père de famille d’avantager un ou plusieurs de ses
enfans, sur les autres, sans distinguer les lits ( comme en
A uvergne, où étoient situés les biens de Gilbert D ucourtliial,) et sans accorder de privilège aux enfans du premier
mariage, sur ceux du second.
�.
(
3
S
.
.
Xa seconde femme, il est vrai, n’auroit pu être vala*^
folement instituée par son m ari, que pour succéder à une
part dteiifant; mais son incapacité relative et limitée ne se
communiquoit point à ses enfans à naître ; et leur aptitude
personnelle à recevoir de leur père tous les avantages
permis entre enfans en général, ne fut jamais mise eu.
question ; on avoit seulement prétendu autrefois que les
avantages faits dans un contrat de mariage en secondes
noces , aux enfans qui naitroient du m ariage, étoient
prohibés, lorsqu'ils étoient excessifs, comme ceux qui
seroient faits A la seconde femme elle-même , parce qu’ils
étoient inspirés par la même séduction.
Mais ce système ombrageux a perdu tous ses partisans,
depuis que les arrêts du parlement de Paris, des 19 avril
*719 et 11 août 1740 (1 ), ont ramené à la raison et aux
principes sur cette question. On ne voit plus, dans les
avantages faits par contrat de mariage en secondes noces,
aux enfans à naître du mariage, que ce qui y est véri
tablement ; je veux dire un acte de prévoyance trèsnaturel, très-favorable et très-sage des familles, qui, ne
voulant pas abandonner aux hasards de l'avenir le sort
dçs enfans à naître du mariage, s’occupent de l’assurer à
avance, et en font une des conditions du mariage. La
société est intéressée au maintien de stipulations si rai
sonnables, sous la foi desquelles les mariages se contractent,
et sans lesquelles ils ne se seroient pas contractés. Ne soyons
1
(1) Ils sont rapportés dans le recueil des arrôts notables de
la Combe.
donc
�.
f 33 )
.
donc pas surpris si tous les suffrages se sont réunis, depuis
soixante ans, pour en proclamer la validité.
<- D ’un autre cô té, il ne faut pas perdre de vue la mo
dération avec laquelle Gilbert Ducourthial use de la
faculté d’avantager l’un de ses enfans à naître du second
lit; il ne lui destina que le tiers de sa succession en préciput; c’est-à-dire, deux quinzièmes seulement de plus que
la part d’enfant dont la seconde femme auroit pu être
gi'atifiée elle-même par l’événement.
Cette modération est la preuve de la sagesse qui inspira
le don. La passion est prodigue sans mesure, parce qu’elle
est un délire. Des dispositions modérées ne sauroient donc
en être le fruit.
Concluons que les considérations particulières se joi
gnent ici aux principes généraux, pour ne laisser voir
<ians l’institution faite par Gilbert D u courthial en faveur
d ’un des enfans à naître de son second mariage, qu’une
disposition dont le principe fût légitime et pur. Nouveau
m otif pour les tribunaux d’en ordonner l’exécution sans
hésiter.
'
2°. Mais on semble prétendre que l'institution dont il
s’agit itoit vicieuse dans sa form e, en ce que (in stitué
était indéterminé, et que sa désignation avoit été subor
donnée à un choix futur.
Ce moyen pourrait être de quelque considération, s’il
s’agissoit dune disposition postérieure à la loi du 17 nivôse
an 2, qui a aboli pour Lavenir les dispositions dont l’ap
plication serait laissée au choix d’un tiers. — Mais il s’agit
ici dune disposition faite en 1778. O r , à cette épo
que; loin que les donations et institutions électives fussent
E
�34
'
C
')
.prohibées, la validité en étoit expressément consacrée par
les articles L X II, L X III, L X I V , L X V e tL X V I de l’or
donnance de 1735, sur les testamens, et par celle du mois
d’août 1747 sur les substitutions, art. XII.
Enfin, les articles X X III et X X IV de la loi du 17 nivôse
an 2 , rapprochés de l’art. V II de celle du 18 pluviôse
an 5 , lèvent tous les doutes; car le résultat du rappro
chement est la confirmation des institutions subordonnées
à une élection, lorsque le droit de l’institué élu étoit
devenu irrévocable par le décès de la personne qui avoit
droit d’en élire une autre, avant la publication de la loi
du 17 nivôse an 2 : o r , institution dont le citoyen Ducourthial-Lassuchette réclame l’exécution, est dans ce cas,
puisque son père et sa m ère, qui auroient pu révoquer
le choix qu’ils avoient fait de leur fils aîné pour recueillir
le tiers des biens de Gilbert D ucourthial, l’un d’eu x, et
choisir un autre de leurs enfans pour recueillir à sa place,
étoient décédés l’un et l’autre bien avant la loi du 17
nivôse an 2.
.
30. Mais on insiste et l’on dit : A la bonne heure l’insti
tution conditionnelle et subordonnée à un choix éventuel,
dont le citoyen Ducourthial-Lassuchette veut tirer avan
tage , n’éloit pas vicieuse dans son essence; mais elle l’étoit
par la circonstance que le disposant avoit conléré ¿1 sa
seconde epouse le droit de choisir entre ses enfans, celui
qui recueilleioit le tiers assuré en avantageau second lit. Ce
droit delire lui olfroit une perspective éventuelle, qui
pouvoit lui ouvrir des chances pour faire tourner le don
à son p ro fit, quoique personne prohibée ; et l’on cite en
faveur de cette subtilité systématique, l’exemple de ce qui
1
�.
. . . .
fut jugé par l’arrêt rendu entre la veuve et les enlans'
Laparra, le 18 mai 1736,
La réponse est''facile et tranchante. L ’arrêt de Laparra
fut un arrêt de circonstances. L'institution élective qu’il
annulla , éfoit universelle ,'et réduis'oît les enlans du pre-’
iiiier lit à leurs simples légitimes de rigueur.
La succession Laparra étoit ouverte en pays de droit
écrit, où la mère suc’cédoit à ses enfans, au préjudice de
leurs frères et sœùrs consanguins.
’
Cette mère qui aVoit'survécu à son mari, avoit spolié
scandaleusement la succession . consistant principalement
en mobilier; et elle avoit d?ailleurs pratiqué toutes sortes
de fraudes du vivant - de son mari, pour réduire à peu
près h rien les légitimes desènfans du premier -lit. L ’in
dignation plaidoit la cause de ces'victimes délaissées, et
l’on peut en conséquence 'appeler l’arrêt qui annulla
l’institution contractuelle faite-à leur préjudice, un arrêt
ab irato.
:
'
O r, qii’a de commun cet étrange préjugé avec l’insti
tution dont il s’agit ici?
' ‘
•
|
•
_
■
.
1
.
L ’institution de Laparra étoit universelle ; celle-ci n’est
que du tiers.
'
:
'
La seconde femmede Laparra avoit survécu à son m ari,
ets’étoit emparée débouté la succession , pour en détourner
la meilleure part <Y son profit. Ici ’la seconde femme de
Gilbert Ducourthialtîst morte long-temps avant son mari,
et n’a profité, rii'pu'profiter de rien dans sa succession. '
La femme Laparra avoit la perspective de succéder à
ses enfans,¿et‘elle' pouvoit abuser du droit d’élire qui lui:
avoit été confié, soit pour jo u ir, en retardant son ch oix,
E
2
�3*5
.
(
..
.
soit pour y mettre lin prix et des conditions à Son avantagé.
La seconde femme de Gilbert Ducourthial n’avoit pas
la même perspective, quand elle auroit survécu à sont
mari ; la coutume qui régissoit les biens destinés à ses
enfans, l’auroit exclue de l’espoir d y succéder: elle n’auroit pas mieux réussi à s’approprier par des voies détour
nées, une portion conséquente du patrimoine de son
m ari, sur-tout une portion équivalente à la part d’en
fant, dont il lui étoit permis^de la gratifier ostensible
ment ; la m édiocrité de la disposition dont l’application
lui avoit été confiée ; y auroit mis un obstacle invincible..
Il n’y a donc aucun parallèle à faire entre deux espèces
si différentes. Tout étoit fraude dans l’afFaire deLaparra,
tout est loyauté dans celle-ci ; la fraude et la loyauté au
ront-elles jamais le même sort ?
Voilà encore la troisième objection des adversaires
du citoyen Ducourthial a în é , qui s’évanouit.
•
4°. La quatrième question ne peut pas faire la ma
tière d’un doute. La même législation autorisoit en effet,
les élections conditionnelles et révocables, faites par con
trat de m ariage, en faveur d’un enfant à naître indivi
duellement , pour recueillir à défaut d’autre choix , et
l’héritier ainsi désigné éventuellement, recueilloit sans
difficulté le bénéfice de la disposition, toutes les fois, qu’il
n en ctoit pas déchu, par un choix contraire.
L article X X IV de la loi du 17 nivôse, abrogea ces.
règles pour Tavenir • mais il en consacra les effets pour
le p assé, en faveur des héritiers éventuels, dont le droit
seroit devenu irrévocable par le décès de la . personne
ayant droit de révoquer..
• ...
'
•
�t
C37 )
L ’article vouloit que le décès qui avoit rendu la dis
position irrévocable, fut anteneur au ¡4 juillet 1789 !
mais cette rétroactivité est rapportée. Il suflit en con
séquence , que le décès de la personne ayant pouvoir de
révoquer , soit antérieur à la publication de la loi du
17 nivôse an 2. Dans le fait particulier, le décès de
Gilbert Ducourthial est antérieur, et de beauconp, à la
publication de la loi du 17 nivôse an 2: concluons donc,
que la disposition conditionnelle qu’il avoit faite en fa
veur de son fils aîné du second lit, est confirmée par
la loi même dont ses frères et sœurs voudroient se pré
valoir pour l'attaquer.
•
°. Il reste la principale difficulté à éclaircir; elle est
tirée de la loi du 7 mars 1793, par laquelle il fut dé
crété en principe, que « la faculté de disposer de ses
cc biens, soit à cause de m ort, s o i t entre-vifs, soit par. do
te nation contractuelle, en ligne directe, étoit abolie, et
« qu’en co nséqu ence, tous les descéndans auroient un
« droit égal sur le partage des biens de leurs ascendans.
A p p u y é s sur ce texte, les adversaires du citoyen
Ducourthial-Lassuchette, lui diront sans doute, « si vous
«échappez à l’article X X I V de la loi du 17 nivôse,
«parce que le décès de notre père est antérieur, au
«moins n’échapperez-vous pas au décret du 7 mars
* 1793 > car no^re pere n est mort qu’après ce décret ,
« et conséquemment dans un temps où la loi assuroit à
« tous ses enfans un droit égal au partage de sa succes« sion , et prohiboit l’avantage du tiers en préciput que
« vous revendiquez. »
5
La réponse est dans les articles I et V II de la loi du
�5
.
- / 38. }
.
t8 pluviôse an , qui déterminent sans équivoque le sens
dans lequel il faut entendre et appliquer le décret du 7 mars
1793 , ren ces termes :
«Les avantages i prélèvem ens, préciputs., donations;
«entre-vifs, institutions contractuelles, et autres disposi
t io n s irrévocables de leur nature , légitimement stipua lées en ligne directe avant la publication du décret du
« 7 mars 1793 > auront leur plein et entier effet, confor« moment aux anciennes lo is, tant sur les successions
« o u v e r t e s jusqu’à'ce jour, que sur celles qui s’ouvriront
« à l’avenir. » ( Article I.ei )
■
« Les élections d’ héritiers ou de légataires. . . . qui ont
a été anrrullées par les articles........ de la loi du 17 nivôse,
a à compter du 14 juillet 1789 , sont rétablies dans leur
« effet prim itif, si elles ont été faites par acte ayant date
« certaine avant la publication de la loi du 17 nivôse. »
( Article VIT. )
L e contrat'de mariage du 14 mai 1778 , contenoit deux
dispositions très-distinctes ; savoir , une disposition princi
pale , qui étoit une institution du.tiers des biens de Gilbert
Ducourtliial -en faveur de l’un deis enfans à naître de son
second mariage, par préciput et avantage , et .une disposi
tion secondaire, qui étoit la désignation particulière de
l’aîné des mâles pour recueillir ce tiers de biens, dans le
cas ou il ne seroit pas fait choix d’un autre enfant du second
lit, pour en profiter préférablement à lui.
L a disposition .principale étoit pure , sans condition,
et irrévocable de sa-.nature ,* elle auroit profité à tous les
enfans du second lit collectivement, à défaut de choix
valable d’un seul d’entre e u x , pour recueillir exclusive-
�.
. .
c 39 \
.
ïiient ; la disposition secondaire, qui appliquoit l’a
vantage du tiers à laine des mâles particulièrement ,
étoit conditionnelle , et pouvoit être révoquée, par l'é
lection d’un autre enfant.
Toutes deux sont également confirmées par les deux
articles de la loi du 18 pluviôse an
, qui viennent
.d’être rapportés.
L ’article Ier. confirme en effet la disposition princi
pale ; car elle se range incontestablement dans la classe
des dispositions contractuelles, irrévocables de leur na
ture , et antérieures à la publication du décret du 7 mars
1793, que cet article a maintenues pour être exécutées
conformément aux anciennes lois , puisqu’elle est con
tenue dans un contrat de mariage de 1778.
Quant à la disposition secondaire , elle est maintenue
par l’article V II ; car cet article rétablit dans leur effet
p rim itif, non pas seulement les élections d’héritiers ou
de légataires faites en ligne directe par acte ayant date
certaine avant la loi du 7 mars 17935 mais indéfiniment
les élections faites avant la publication de la loi du 17 nivôse
an 2 ; de sorte qu’une élection qui auroit été faite an
térieurement à la publication de la loi du 17 nivôse,'seroit
confirmée par cet article : ce qui décide bien nettement
ce point de droit, que la prohibition de disposer en ligne
directe, prononcée par le décret du 7 mars 1793, n’emportoit pas la prohibition de choisir un d’entre plusieurs
éligibles, pour recueillir l’effet d’une disposition contrac
tuelle, irrévocable de sa nature , qui auroit été faite anté
rieurement au décret de 1793. Dans l’espèce, non seule
ment l’élection du citoyen D ucourthial, fils aîné, étoit
5
�,
.
.
.
(
4
0
]
.
,
antérieure, soit à la loi du 17 nivôse an 2 , soit au décret
du 7 mars 1793, puisqu’elle étoit contenue dans le contrat
rue me de 1778. Mais elle étoit d’ailleurs devenue irré
vocable plusieurs mois avant la loi du 17 nivôse, par le
décès de celui qui sèul auroit pu la révoquer par un choix
contraire.
'
Ainsi la validité, sous tous les rapports, se trouve pn>
noucée sans équivoque, par les deux textes précités.
.
•
•
O
b j e c t i o n
.
!La validité de la disposition principale, au profit des
enfans du second lit collectivement, ne peut pas être mise
en problème, à la bonne heure; mais la validité de l’élection
conditionnelle de l’aîné de ces enfans, pour recueillir seul,
à l’exclusion des autres, est loin d’être aussi certaine-Cette
élection étoit révocable par le changement de volonté de
son auteur, qui pouvoit jusqu’à son dernier soupir, en
enlever le bénéfice au citoyen Ducourthial aîné, p arle
choix d’un de ses frères, pour recueillir à sa place: or,
il est de principe que de pareilles dispositions, qui restent
mobiles pendant toute la vie du disposant, et ne devien
nent immuables que par son décès , doivent être consi
dérées comme si elles n’avoient été faites que le jour de sa
mort. Mais si l’on considère l’élection dont le citoyen D u
courthial aîné prétend se prévaloir, comme si elle eût été
faite le 27 juillet 1793 seulement, jour du décès de Gilbert
Ducourthial père, il en résultera qu’elle sera réputée faite
dans un temps où elle n’étoit plus permise , puisque toute
disposition étoit prohibée alors depuis plusieurs mois, en
li^tlQ
�4
t
( 1 )
ligne directe ; donc il faudra la regarder comme nulle et
non avenue.
?
•
.
R É PO
n
s E.
Ce raisonnement repose sur des bases évidemment
erronnées.
i». C’est une première erreur de prétendre que Gilbert
Ducourthial n’auroit pas pu faire le 27 juillet 1793 > jour
de son décès, l’élection qu’il avoit faite en 1778? sous le
prétexte que le décret du 7 mars 1793? lui en avoit inter
dit la faculté. L ’art. V II de la loi du 18 pluviôse an ,
déjà rapporté plus haut, décide bien positivement le con
traire ; car il déclare valables les élections d’héritiers, faites
dans l’intervalle de la loi du 7 mars 1793, à celle du 17 .
nivôse an 2 5 il maintient l’effet primitif de toutes celles
qui avoient précédé la publication de la loi du 17 nivôse,
indéfiniment sans exception, sans distinction entre celles
qui étoient postérieures à la loi du 7 mars 1793?
celles
qui étoient antérieures. Cette décision positive de la lo i,
au su rp lu s , n’est que l’application d’un principe reconnu
de tous les temps; car dans tous les temps, on avoit pensé
que celui qui choisissoit un de plusieurs éligibles pour
recueillir une disposition préexistante, ne faisoit point une
disposition nouvelle ; et conséquemment qu’il ne contrevenoit point aux lois prohibitives des nouvelles dispo
sitions.
'• ’
Après cela , qu’importeront donc que l’élection faite
en faveur du citoyen Ducourthial aîné, en 1778, dût
n’être considérée que comme faite le jour du décès de
son père? elle n’en seroit pas moins valable. Il ne seroit
F
5
�4
;
.
( 2o
pas moins vrai de dire qu’elle est textuellement main
tenue par l’article V II de la loi du 18 pluviôse, quiencore une fois maintient indistinctem ent, toutes les
élections antérieures à la loi du 17 nivôse.,
2°. Lés citoyens Ducourthial puîriés, ne’ se font' pas
moins illusion, lorsqu’ils invoquent à l’appui de leurs
prétentions le principe d égalité des partages' établi par
les lois de 17935 et de la u 2,. Ils ne veulent pas voiique ces lois n’ont pas été faites pour régler les intérêts des
donataires entre eux, mais seulement pour régler les in
térêts des héritiers légitimes, mis en- opposition avec
ceux des donataires, Cest cependant ce qui est bien tex
tuellement et bien énergiquement exprimé dans l’articleL V II de la loi même du 17 nivôse , qui porte :
«• Le droit de réclamer le bénéfice de la l o i, quant aux.
« dispositions quelle annulle,.n’appartient,qu’aux héritiers,
« naturels. »Il est reconnu que la disposition du tiers des biens de
Gilbert Ducourthial, qui est l’objet du litige, loin d’êtreannullée, est au contraire maintenue par rapport aux;
héritiers de Gilbert D ucourthial, en général ; que le con
trat de 1778, qui la contient, doit avoir sa pleine et en
tière exécution , en faveur des enfans du second lit, consi
dérés comme donataires en préciput, au préjudice de la
fille du premier lit, qui n’à pour elle que le seul titre
d’héritier. Ce titre seul ne donne pas aux citoyens Ducour-thial pûmes > de plus grands droits qu’à leur sœur \ conséquem m ent, dès qu’il n’attrihue aucune part u cette filleunique du premier lit, il n’en-attribue aucune non plus;
à ses. frères, sur le tiers des-biens en litige,.
.
�43
(
)
Cela posé, ce ne peut être qu«n se présentant comme
■donataires concurremment avec leur frère aîné, en vertu
du contrat de mariage de 1778, qu’ils peuvent élever des
prétentions sur le tiers des biens , et en demander par
tage ; ce ne peut être qu’en faisant le raisonnement que
voici :
.
« L ’avantage du tiers en préciput fait par Gilbert D utc courthial en 1778, à celui des enfans à naître de son
k second mariage qu’il choisiroit, est bon en soi, et doit
« profiter aux trois enfans éligibles par égalité, s’il n’y a
« eu de choix valablement fait en faveur d’aucun des trois.
« O r , il n’y a point eu de choix valable, puisque le seul
r qui ait été fa it, celui qui étoit contenu dans le contrat
« même de m ariage, du 14 mai 1778, a été annullé par
« le décret du 7 mars 1793. »
H é bien ! ce raisonnement, quand il ne seroit pas ren
versé par l'art. V II de la loi du 18 pluviôse, s’écarteroit
victorieusement par l’article L V II de la loi du 17 nivôse,
qui vient d’être rappelé. Il établit en effet, pour règle gé*nérale, que le bénéfice des nouvelles lois relatives à la
prohibition de disposer, ne peut être réclamé que par les
héritiers naturels en leur qualité d’héritiers seulement, et
non par des donataires contre d’autres donataires. En
un m o t,. les nouvelles lois prohibitives des dispositions ,
ne sont qu en faveur des héritiers ; aucune n’a prononcé
de nullités qui aient pour objet de faire passer les choses
données d’un donataire à l’autre.
Concluons que les frères puînés du citoyen DucourthialLassuchette sont sans action et sans droit, pour disputer à
leur frère aîné un préciput dont le père commun l’a avan¥2
�44
C
)
t
tagé par l'acte le plus favorable de la société, par un contrat
de mariage: d’un préciput qu’il pouvoit lui ôter, mais
qu’il a voulu lui conserver. Eu vain ils feront des efforts
pour se révolter contre la volonté paternelle, ils n e a
feront que d’impuissans.
' D é l i b é r é à Paris par le jurisconsulte ancien sous
signé , le 8 germinal an p..
b
BERGIER.
Le
C O N SE IL SOUSSIGNÉ qui a vu le mémoire à
consulter et les diverses consultations au bas rapportéespour le fils aîné du second lit de feu Gilbert Ducourthial:
de Lassuchette
E st
d ’avis des résolutions contenues dans ces consul
tations. Trois questions y ont été traitées..
i°. Si l’institution contractuelle d’un tiers des biens,,
faite en faveur dès enfans du second lit , est valable ?
2°. Si cette institution profite^ à. tous les enfans, ou:
au fils aîné exclusivement ?
3°. Quels sont les droits de là fille du premier lit? ’
L a première et la troisième question ne présentent
point de difficulté sérieuse*.
Lors du contrat de mariage, l’inégalité de succession;
entre les enfans n’étoit pas prohibée ; ils pouvoient être
avantagés les uns sur les autres :on avoit éclàirci et con
damné le doute , si des enfans du second lit pouvoient
jâtrc mieux traités que ceux du premier. Le contrat dii
�.
' c 45}
second mariage assura donc irrévocablement aux enfans
du second lit un avantage alors licite.
2o. Par les lois existantes, lorsque le père maria sa
fille du premier l i t , il avoit le droit en la dotant de
la forclore de toute succession de son estoc ; il en usa
sauf de la rappeler. Mais la loi du 8 avril 1791 rendit
ce rappel inutile; elle le fit elle-même en prononçant
l’abrogation des coutumes qui excluoient ou qui permeftoient d’exclure les filles. La fille du premier lit est donc
héritière comme les autres enfans , sauf le rapport de ce
qu’elle a reçu■
30. Mais à qui appartiendra ïe tiers reservé dans le'
contrat de mariage aux enfans à naître du second lit
et donné par ce contrat à celui d’eux qui seroit choisi ,
et à défaut, à l’aîné? C ’est la seule question véritable
ment litigieuse,,
__
Dans l’ancien d ro it, elle ne souffriroit aucun doute; Les
lois nouvelles y ont-elles apporté quelque changement ?
On peut dire contre le fils aîné, que le contrat du’
second mariage assura sans doute irrévocablement au se
cond lit , le tiers des biens , mais en même temps il ne
donna à aucun des enfans à en naître la certitude de re
cueillir ce tiers. Un seul y étoit appelé, d’après le choix
que se réservoit le donateur ou instituant. Il est vrai
qu a défaut de ch oix, 1 aîné étoit appelé : il est vrai encore
que la loi du 18 pluviôse an , a'confirm é, art. I e1-. les>
institutions contractuelles stipulées en ligne directe avant
la publication de la loi du. 7 mars 1793 , et que par l’ar
ticle V II, elle a rétabli dans leur effet aboli par la loi du 17’
nivôse an z les élections d’h éritier, qui auroient été fai-
5
�4
( ^)
tes par acte ayant date certaine avant la publication de
la loi du 17 nivôse.Mais, dira-t-on, l’article V II n’est pas
applicable, puisqu’il n’y avoit pas d’acte d’élection, lors
que le père est mort : et l’article Ier. n’est pas applicable
non plus , parce qu’il 11y avoit point en faveur de l’aîné ,
de disposition irrévocable. L ’irrévocabilité n’est résultée
que de la mort du père, qui perdit avec la v ie , la puis
sance physique de choisir. Mais de son vivant, la loi du
7 mars 1 7 9 3 ? bii avoit ôté la faculté du choix, en dé-,
clarant que tous les descendans auroient un droit égal
sur le partage des biens de leurs ascendans; d’où il suit
que tous les enfans du second lit ont e u , par 3a loi du
7 m ars, un droit égal à ce préciput qu’il avoit destiné
en se mariant, à l’un d’e u x , mais dont il ne lui a plus,
été permis depuis le 7 mars 1793, de disposer-en faveur
de l’un, au préjudice des autres.
Voilà les objections dans toute leur force. Les réponses
à donner nous paroissent satisfaisantes.
Il doit être convenu d’abord que l'institution étoit
irrévocable, puisqu’elle étoit faite par contrat de ma
riage; elle étoit une des conditions promises à la future
épouse et à ses parens.
Il n’y avoit d’incertain que le choix entre les insti
tués , et si ce choix n’avoit pas été fait, l’institution auroit appartenu à tous.
•
Mais le choix lut placé dans l’institution même ; l’ins
tituant en se le réservant déclara que s’il n’usoit pas de
cette réserve, elle s’appliquoit dès lors à son premier
né. L ’aîné eut donc, par une des clauses de l’institution,
le droit de la recueillir, si son père ne disposoit pas au-
�#
C47
)
trement. H avoit donc sur sès frères qui n’étoient qu’cligililes, 1 avantage detre élu conditionnellement; c’està-dire, si le père ne lémoignoit pas une antre volonté.
La condition qui fautoit dépouillé n’étant pas arri
vée , son droit remonte au titre qui lui fut donné par
le contrat, titre irrévocable de sa nature ; conditionnel
par une réserve dont l’exercice négligé-a laissé subsister
l’institution en faveur de Taîné dans toute sa forcev
Cela est d'autant plus vrai que dans l’intention du com-mun des te s ta te u r s l’aîné étoit l’objet des choix et des-''
préférences; et si l’on se réservoit de' pouvoir appeler'
un de ses frères, c’étoit bien plus pour le contenir dans;
le devoir que pour lui donner des co-partageans. C’est
dans la même intention qu’afin que la réserve de choisir
ne lui nuisît pas, on déclaroit qu’à défaut d’élection il
seroit héritier.
L e défaut d’élection n’est donc que là ratification de
l’institution de l’aîné, si un autre n’est appele : o r , la ra
tification se porte à l’acte. C’est donc du contrat de ma
riage de son père que l’aîné tire son droit, et ce con
trat à la date 1778 , est régi par les lois de ce temps,,
et nullement par la loi du 7 mars 1793:
Il n est pas meine vrai que' cette loi eût ôté au1 père*
le droit de choisir; car ne lui inhibant d’avantager un*
de ses enfans qu à 1 avenir , elle ne détruisoit pas
l’avantage deja fait ¿t. celui des enfans qu’il éliroit, encore'
moins annulloit-elle l’avantage déjà fait à l’aîné , ew
cas de non électiou.
Le but de la loi du 7 mars fut d’abolir pour l’avenir'
toutes dispositions qui n’avoient pas encore donné un titre
�43
(
)
irrévocable, elle ne pouvoit embrasser l’hypotlièse dont
il s’agit; car, ou elle empêchoit le père d’élire, ou elle
lui en laissoit la faculté. Si elle lui eu laissoit la faculté, il
pouvoit donc dans cette espèce particulière avantager un
de sesenfans : si elle empêchoit l’élection, elle auroitdonc
détruit une disposition contractuelle et par conséquent
irrévocable, ce qui est absurde ; elle auroit eu effet ré
troactif. Le père a v o it donné. (U ne institution contrac
t u e l l e est une donation ). Le père avoit donné à un seul
parmi les enfans qu il avoit d’un second lit, et l’on prétendroit qu’il a donné à tous!
On a tort de dire que quand le père est m ort, il n’y
avoit pas d’élection-, il y en avoit une bien expresse dans
le contrat : le père ne l’ayant pas révoquée, pour lui en
substituer une autre, elle doit avoir son effet.
Trois lois sont à considérer : celle du 7 mars qui abolit
pour lïavenir la faculté de disposer en ligne directe; elle
ne touche pas aux dispositions antérieures et irrévocables,
• La loi du 17 nivôse fut plus hardie; elle annulJa ré
troactivement tous les avantagas faits aux enfans depuis
le 14 juillet 1789; elle ne détruisit pas les droits du con
sultant, qui remontent à 1778 : l’effet rétroactif de la loi
du 17 nivôse an 2 , fut lui-même d’ailleurs rapporté par
la loi du 9 fructidor an-3- L e donateur ou instituant,
décédé le 2 7 juillet 1793 , est donc mort sous l’e m p ir e
de la loi du 7 mars précédent, qui ne to u c h o it pas aux
dispositions irrévocables qu’il avoit faites.
Enfin la loi du 18 pluviôse an maintient expressé
ment , par l’article I.er. les dispositions irrévocables de leur
nature, stipulées en ligne directe avant la publication de
5
�4
C P )
-larïoi du 7 mars 1793 *, et par l’article V II* elle mairitient
les élections ayant date certaine et antérieure à la publi
cation de la loi du 17 nivôse. ' ;
O r , la disposition de 1,778 est antérieure ’au. 7 mars
793-
X
’ #
'
•
•
Elle est irrévocable de sa nature; car elle est comprise
dans’ un contrat de mariage.
Quand on dit qu’elle pouvdit être;révoquée au préjudice
de 1’aîn é, on argumente d’une faculté qui n’a pas été
exercée, et q u i, quoique son exercice eût appelé un autre
héritier, ne changeoit pas la nature de la disposition, n’empêchoit pas qu’un seul parmi plusieurs ne fût irrévocable
ment favorisé. L a réserve du choix dans une institution
contractuelle n’en altère pas l’essence, et ne fait pas que
l’institution en soi ne soit irrévocable: elle donne droit et
titre irrévocable à celui qui sera appelé. L ’appel seul est
contingent et facultatif ; la donation ne 1 est pas : tous les
appelés ont l’espérance d*être donataires.
Celui en faveur de qui l’espérance se réalise, prend son
droit de la donation qui lui est appliquée.
.
L ’article V II de la loi du 18 pluyiôse est décisif; il main
tient les élections faites avant la publication de la loi du
1 7 nivôse. O r il y a ici une élection de l’aîné dans le contrat
même de mariage en 1778.
L article V II de la loi du 18 pluviôse juge deux choses ;
1 °, que 1 élection antérieure au 17 nivôse est bonne, et à
plus forte raison celle qui date de 1778 ; 2 °. que la loi du
7 mars 1 7 9 8 n’avoit P a s prohibé les élections qui n’étoient
que l’exécution d actes irrévocables de leur nature, tels
que les donations ; ou devenus tels par les événemens, tels
G
�5
I o )
que les testattierts après ïe décès de leur? auteurs ; qüe lei
élections ne furent supprimées que parla loi du' 17 nivôse,
et que les corrections faites à-cette loi les ont rétablies pour
le passé. ; ...••• ••-••• a - ■
'>
■
:J 1 *
4-.. ^
O r, il s’agit ici d’une donation faite à un entre plusieurs:
donation irrévocable-et permise en'1778. ' ; : '
Il
s’agit de l’élection de ce donataire , faite dans la’dona*
tion même, si le donateur n’eu appeloit pas un autre.
.
Avant son décès arrivé en juillet 1793 , ou il eût pu en
appeler un autre, ou il ne l’auroit pas pu. A u premier cas,
il ne Ta pas voulu ; sa volonté , que rien ne genoit alors,
est encore exécutoire aujourd’hui. A u second cas, l’élecr
tion qu’il avoit faite, s’il ne disposoit .pas, doit être exé-^
cutée. Les lois nouvelles ont éteint les élections à faire, ou
qui n’avoient pas donné un droit : elles respectent les autres.
O r , l’aîné a droit par le contrat de mariage. Le dépouil-p
1er, ce seroit rétroagir 5 ce seroit tomber dans cette absur--dité de le dépouiller, parce que la condition sous laquelle
le testateur l’ayoit appelé ( le défaut d’autre c h o ix ), esj;
arrivée.
D é l ib é r é à P a ris, le 2 germinal an 9.
SIM É O N , P O R T A L IS . M U R A I R E , président
au tribunal de cassation. F A V A R D .
L E C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu une consultation
délibérée à Paris, le 2 germinal an 9 , et plusieurs autres,
données ù Riom et a Clermont-Ferrand ;
*
E st du même a v is sur les trois questions traitées dans
çes consultations dont les résolutions sont uniformes.
,
�51
C
)
Sur la première question, il est sans difficulté qu’eri 1778,
époque du mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette
et de Marie-Léonarde Coraudet, sa seconde fem m e, le
père pouvoit avantager, par son contrat de mariage ou
au trem en t , un de ses enfans plus que l’autre; que de plus,
un conjoint qui se rem arioit, ayant un enfant du premier
l i t , pouvoit donner à ses enfans à naître du second lit, et
qu’en conséquence, ceux-ci n’étoient point compris dans
la prohibition de l’édit des secondes noces.
*
' La jurisprudence sur la faculté du conjoint, qui con
tractait un nouveau mariage, ayant des enfans du prem ier,
de faire des avantages aux enfans à naître de sa nouvelle
union , après avoir v a rié , avoit été irrévocablement fixée
par l’arrêt du parlement de Paris, du i ï août 1 7 4 ° »
est rapporté en forme avec les moyens des parties dans le
recueil des arrêts notables de Rousseau de la Com be, chap.
' 79- On trouve au même endroit, à la suite de 1 ai'ret du 11
août 1740 , un autre arrêt semblable, du 29 avril 1719 ,
qui fut levé au greffe, et dont l’espèce est également rap
portée par la Combe.
L institution d hcritier, contenue au contrat de mariage
de 1778 , étoit donc valable dans son principe.
Sur la deuxième question, cette libéralité du père subsistoit dans toute sa force, au 27 juillet 1793, jour qu’il
est decédc ; et le fils aîné du second mariage est le seul
qui en doive profiter.
La loi du 17 mars 1793 défendit aux pères et mères
d’avantager, par quelque acte que ce fû t, un enfant plus
que l’autre, et voulut que les successions en ligne directe
fussent partagées entre les enfans, par portions égales:
G 2
�.
*
:• • •■ S * ? ' ) •
fiîais cette1 loi ne^régloît1 que l’avenir, et non le passé.
L ’effet'rétroactif attribué depuis aux lois dés 5 bru
maire e t-17 nivôse 'an' 2 ,” en rétrogradant jiisqu’aV
juillet 1789, a été aboli, et par'conséquent rinstitutîorii
d'héritier, qui avoit été détruiteâ est redevenue en pleine
vigueur.
Quant au droit du fils aîné du second lit., les autres
enfans ne peuvent le lui contesle.LV . ....
L e contrat de mariage de 1 7 7 8 contient deux disposi
tions; la première est uneinstitution d’héritier pour un tiers,
au profit de celui des enfans à naître que les père et mère
pu le survivant deux* voudront ch oisir;,la seconde est
uu,e vocation éventuelle exprimée dès-lors formellement
au profit du fils a în é , au défaut, de nomination de l’un
des enfans par les père et mère ou par le survivant.
N ÿ ayant point eu de. choix ni par les père et mère
conjointement, ni par le citoyen Ducoui,thial qui a sur
vécu , le fils aîné s’est donc, trouvé seul donataire, non,
pas par une disposition nouvelle, mais par la disposition
que> le contrat de mariage renferme*
- .
La loi du 7, mars 1793 n’a point défendu Tes élections
d'héritier ou de donataire à< faire en vertu d’anciennes
dispositions. Une élection d'héritier oü de donataire n’est’
point une donation proprement dite* Ce n’est que l’e xé
cution d’une disposition déjà existante. Les prohibitions4
sont de droit étroit. Celle contenue dans la loi du 7 mars
1 7 9 3 doit donc être restreinte dans le.cas dus donations
postérieures à sa publication.
.
D ’ailleurs, le fils aîné n’avoit pas besoin d’être élu. I f
�t
"■
¿trnú IttstîWc* JétfCníUelíemenl páf* le Contrat de' mariage
mê me , d an síe Cas ôiYüii'ôütrê que lui fie seroit pas
nonmu*.
, r
■ , , . . , r f, ■ . ;
Enfin l’article V ï ï de Ta toi'dû.iÔ pluviôse an , donnée
•
*'
’,
*.£»v
'
y*
en explication du rapport de 1 effet rétroactif, porte : a JLes
c<élections d’héritier ou de légataire , et les ventes à fonds
c<perdu qui ont été annullées par les articles X X III et
a X X V I de la loi du 17 nivôse, à compter du 14 juillet
a 1789 , sont rétablies dans leur effet primitif, s i elles ont
a été fa ites par acte ayant date certaine avant la publi« cation de ladite loi du 17 nivôse. »
1
1
5
D e pareilles élections pouvoient donc s’effectuer jusqu’à
la publication de la loi du 17 nivôse an 2 , nonobstant la
loi du 7 mars 1793. O r , dans l’espèce proposée, le citoyen
Ducourthial étant décédé le 17 juillet 1793» quand on
considéreroit le défaut de choix de sa part conime une clection du fils aîné du second lit, cette élection seroit valable.
Mais ce dernier a de plus en sa faveur une nomination
écrite dans le contrat de mariage de 1778 , pour le cas où
les père et m ère, ou le survivant d’eu x, n’éliroient pas :
ce qui met son droit hors de tout doute.
.
Il est même à observer, que l’article V II de la loi du 18
pluviôse ne pailc point du cas ou le donateur prévoyant
le délaut délection, a designe éventuellement, comme
ic i, celui des éligibles, par lequel il entendoit que la dona
tion fût recueillie.
Sur la troisième question , la fille du premier lit étant
exclue par la coutume, sa r e n o n c i a t i o n l a succession
future de son père n A pas plus d’effet que la forclusion
�( 54 }
légale. A insi, elle a le droit de succéder avec ses frères, en
vertu des lois des 8 avril 1791 et 4 janvier 1793
Délibéré
à P a r i s , rpar le citoyen F e re y , ancien
jurisconsulte, le 8 germinal an 9.
'
A
F E R E Y .
Riom, de l'imprimerie de Landriot, l'imprimeur du tribunal
d’ appel. — An 9.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Ducourthial, Gilbert. An 9]
Creator
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Touttée
Touttée jeune
Gaschon
Deval
Boyrot
Dartis-Marcillat
Picot-Lacombe
Pagès
Maugue
Bergier
Siméon
Portalis
Muraire
Favard
Ferey
Subject
The topic of the resource
successions
partage
conflit de lois
droit d'aînesse
secondes noces
Description
An account of the resource
Consultations [contrat de mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette avec Marie-Léonarde Cornudet et contrat de mariage de Marie-Joseph Maignol avec Gilberte Ducourthial, du 2 avril 1783.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1783-An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0127
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0710
BCU_Factums_M0527
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontaumur (63283)
Landogne (63186)
Rights
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Domaine public
conflit de lois
droit d'aînesse
partage
secondes noces
Successions
-
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44beaef23aeea2aa2be65c0e2703c112
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MÉMOI RE
A CONSULTER,
E T
CONSULTATION.
L e 19 février 1 7 5 9 , le sieur G r a s , pere com m un des
parties , fit son testament.
Par ce testam ent} il fixa la légitim e de chacune de
ses filles à douze mille liv r e s , payables à leur mariage
ou majorité , et sans intérêts jusques à cette époque.
Il donna a la dame Gaudin son épouse l’usufruit et
jouissance de ses biens immeubles , jusques à la majorité ou
mariage de son héritier ; en payant par elle les charges
annuelles et courantes , et telles qu’un usufruitier y est tenu,
et à la charge du soin, nourriture et éducation de leurs
enfants,
i l institua pour son héritier son f ils , et lui imposa
l ’obligation de ne p ou voir dem ander l ’envoi en pos
session qu’a mariage ou majorité
D e plus , la dame G au din fut nom m ée tutrice de
ses enfants , et dispensée de rendre compte.
L ’h é ritie r, à sa majorité, se mit en possession de
l’hoirie.
L es filles légitim aires répudièrent leur legs de douze
A
�m ille livres , et firent p rocéd er à la fixation de leur
légitim e. Cette légitim e s’ éleva plus haut que leur legs.
L e s filles demandèrent qu ’elle leur fut p ayée en corps
héréditaires.
On sait que de droit la légitim e porte des intérêts ou
des fru its , et que ces intérêts ou ces fruits sont dus
depuis le jour du d écès de la personne , sur les biens de
laquelle la légitim e est à. prendre.
E n conséquence , les filles légitim aires demandèrent à
l ’héritier et le prin cip al de leu r légitim e 5 et les fruits
courus depuis le d eces.
L e prin cipal n ’a donné lie u à aucun litige , mais
¡ ’héritier a prétendu qu ’il ne pouvoit être actionné pour
les fruits qui pouvoient avoir été acquis aux légitim aires
pendant l ’usufruit de la mere.
Cette prétention de rh éritier a donné lieu à une
instance.
U n prem ier jugem ent a donné gain de cause à l ’héritier.
L e s filles légitim aires ont appellé de ce jugem ent. E lles
demandent si leur appel est fondé , et , pour mettre
leu r conseil à portée de leu r donner un avis so lid e ,
elles vont exposer les raisons de part et d’autre.
Notre m ere commune , dit l ’h é ritie r, avoit l ’usufruit
de la succession paternelle jusques à ma m ajorité. Pendant
le tems de cet u su fru it, je n ’ai jou i de rien ; il seroit
injuste de m e condamner à restituer des fruits que je
n ’ai point perçu , et qu’il m ’a été m êm e im possible de
percevo ir. L e s légitimaires devoient s’adresser à celle qui
a réellem ent joui. J e ne puis être comptable que des
fruits courus depuis la cessation de l ’usufruit arrivée
en 1784. .
.
L a m ere usufruitière étoit encore tutrice de ses enfants.
E n cette qualité , elle administroit pour eux. E lle doit
doit donc un com pte. Pourquoi ne pas recourir à elle
�( 3)
.
pour des fruits qui font nécessairem ent partie de ce
compte ?
De plus , la m ere usufruitière étoit chargée de l ’ é
ducation , de la nourriture et de l ’entretien de ses enfants,
e t , en considération de cette charge , elle avoit été
libérée de tout intérêt des sommes auxquelles les lé
gitimes avoient été fixées par le testateur. Il est donc
absurde que l ’on vienne réclam er contre l ’h é ritie r, des
fruits que l ’on ne pourroit m êm e réclam er contre la
mere.
T elles ont été les raisons que les filles légitim aires ont
eues à combattre,.
E lle s ont répondu que leu r nourriture et entretien n ’ont
p u absorber les fruits de leur légitim e ; que le testateur
n a pu leur interdire la réclam ation de l’excédent que
la nourriture et l ’entretien laissoient libre ; que , pour
cet excédent , elles avoient , ainsi que pour la somme
principale dont les fruits ou les intérêts ne sont qu’un
accessoire , une action personnelle et hypothécaire
contre l ’héritier possesseur des biens de l’hoirie ; que
conséquemment elles ont p u exereer contre lui celte
a c tio n , dès qu’il a été mis en possession de l ’h éritag e,
sau f à lu i son recours contre la mere usufruitière , poul
ies fruits courus pendant le tems de l ’usufruit ; qu’en
matiere de légitim e , ce sont les biens du défunt qui
répondent et du p rin cipal et des fruits ou intérêts ;
que la véritable action des légitim aires doit donc être
dirigée contre l ’héritier qui représente le défunt et qui
possédé les biens * qu’il importe p eu , dans l'hypothèse
actuelle , que la mere com m une des parties ait été tutrice
et usufruitière pendant un certain tems ; que cette cir
constance accidentelle n ’a p u dénaturer Faction des
légitim aires qui , pour le fond et pour les fruits de leur
lég itim e, ont directem ent droit sur les biens exisian is,
•
A
a
�et contre celu i qui possède ces biens , et q u i , en sa
qualité d ’héritier , est seul débiteur proprement dit des
portions légitim aires ; qu’e n fin , l ’adversaire se trouvant
de droit et de fait nanti de l ’hoirie au moment où la
réclam ation des légitim aires a été form ée , il ne pouvoit
exiger que ces enfants légitim aires , qui avoient pour le
fo n d , et pour les fruits de leur lé g itim e , un droit indi
visible com m e leu r hypothèque , fussent réduits à diviser
leur action et à intenter une demande divergente pour
une partie des fruits , contre une m e re , dont l ’usufruit
avoit cessé , et qui se trou voit entièrement d ép o u illée
de tous les biens sur lesquels l ’hypothéque des portions
légitim aires et des fruits en provenants , étoit assise.
É n cet état , les enfants légitim aires désirent savoir
ce qu’ils peuvent espérer ou craindre de l ’appel q u ’ils
ont émis du jugem ent qui les condam ne.
CONSULTATION.
V u le M ém oire ci-dessus :
L e soussigné estime que le jugem ent } dont les enfant*
légitim aires sont appellants , et qui décide que ces
enfants n’avoient point une action directe contre l ’h é
ritier pour la restitution des fruits de leu r légitim e q u ’ils
au roien t dû percevoir pendant l ’usufruit de leur m ere
com m une , sera infailliblem ent réform é com m e contraire
à tous les véritables principes.
.
Il résulte des faits exposés , que le sieur G ras pere
n ’avoit laissé à chacune de ses filles que douze m ille
livres pour leur tenir lieu de légitim e ; que cette somme ,
p ayable à leur mariage ou m ajorité , leur avoit été
laissée sans intérêts jusqu’a lo rs, et que leu r m e r e , u su
fruitière et établie leur tu tric e , avoit été chargée de les
éduquer > nourrir et entretenir.
�C5 )
Il résulte encore que l ’usufruit de la mere n ’ avoit de
durée que jusques à la m ajorité de l ’héritier.
L e s filles légitim aires , parvenues à l ’âge où elles
pouvoient veiller elles-m êm es sur leurs propres intérêts ,
répudièrent leu r le g s , firent procéder à la fixation de
leur lé g itim e', et demandèrent qu ’elle leu r fût p a y é e
en corps héréditaires.
R ie n de tout cela ne fut contesté et ne p o u vo ii
l ’être.
t v
L e s fruits de la légitim e sont dus du jou r du d é cè s.
L e s filles légitim aires à qui l ’on ne contestoit pas le
fond de leur légitim e , se pourvurent } pou r être payées
des fruits , contre l ’héritier qui étoit devenu m ajeur etqui , depuis sa m ajorité , jouissoit de l ’hoirie.
C et héritier a distingué alors les fruits que les lé g i
timaires auroient dû percevoir pendant l ’usufruit de leur
m ere , des fruits qui leur ont été acquis depuis que cet
usufruit a cessé. Il n ’a pas hésité à se déclarer débiteur
des fruits acquis aux légitim aires pendant ce dernier
tems ; mais il a soutenu que , pour les fruits des années
précédentes , l’action des légitim aires auroit dû être
dirigée contre la m ere usufruitière , et non contre u n
héritier qui n ’a p erçu au cu n fruit pendant la durée de
l ’usufruit de la m ere. C e systèm e a été adopté par le
jugem ent dont est appel.
Pour démontrer toute l ’injustice de ce ju g e m e n t, il
suffit de développer quelle est la véritable nature de
l ’action exercée par les légitim aires.
O n a dit , dans les défenses contre l’héritier , que
i ’action en légitim e est à la fois personnelle et hypo
thécaire. D ’où l ’on a con clu que cette action su it les
biens , et q u ’en con séq u en ce, l ’héritier , possesseur des
b ie n s, ne p eu t jamais s’y soustraire ni pour le fo n d , ni
pour les fruits de la légitim e réclam ée.
�.
< s >
.
.
il ne paroit pas que la conséquence soit une suite
nécessaire du principe.
De ce qu’on a une action hypothécaire sur certains
biens , il ne suit pas qu’on ait toujours une action
directe contre le possesseur de ces biens. Dans combien
d ’occasions l ’action hypothécaire n ’est-elle que subsi
diaire à l ’action directe et personnelle ? cela se vérifie
toutes les fois que l ’on est tenu de discuter un prem ier
débiteur , avant que d ’en venir à un second coobligé ;
et ces cas de discussion préalable ne sont pas rares
dans le droit.
Dans les circonstances de la cause , dire que les
légitim aires ont une action hypothécaire sur les biens
de l’hoirie tant pour le fond que pour les fruits de
leur légitim e , ce n ’est donc pas dire assez pour ju s
tifier l ’action directe que les consultantes ont exercée
contre l ’h éritier, pour des fruits que cet héritier n ’a point
perçu et n ’a p û percevoir 3 tandis que l ’usufruit de
l ’hoirie appartenoit à tout autre. On pourroit toujours
répondre avec su ccès aux légitim aires : votre action
hypothécaire pourra vous donner un recours subsidiaire
sur les biens de l ’héritage; mais avant tout , vous deviez
directem ent vous pourvoir contre la mere usufruitière
pour des fruits échus pendant la durée de l’usufruit.
Il faut donc remonter à des principes plus puissants
que ceux qui régissent le sim ple droit ¿ ’hypothèque ,
p ou r autoriser la procédure des consultantes.
Q uels sont ces principes ? ils naissent de l a nature
mêm e des choses.
L a légitim e n ’est pas simplement une dette , mais une
portion de l’h o irie , pars bonorum. C ’est la loi elle-m êm e
qui nous le dit.
L e légitim aire est donc plus que créancier , il est
portionnaire , il est co-propriétaire des biens de l ’hérédité.
�7
*
(
).
C ela posé , quelle est l ’action d ’un dem andeur en
légitim e ? c ’est l ’action d’un co-propriétaire , c ’est une
véritable action en partage : sancimus repetitionem ex
relms substantiæ pair h fieri. L .
, cod. de inojf. testam.
Car toute division qui subsiste entre co - portionnaires
d ’une mêm e hoirie , est un partage proprem ent dit ,
quelques petites ou inégales que soient les diverses
portions des co-partageants , chacun prend selon son
droit ; mais chacun , pour sa portion , prend à titre de
propriété ; et c ’est ce qui caractérise le partage.
Il y a entre l ’action en p a rta g e , et ’action hypothé
caire , la m êm e différence qui existe entre un sim ple
droit d’hypothéque et un vrai droit de propriété.
Toute action en partage suppose que Ton a jus in r e ,
et conséquemment , que l ’on a le droit de se p ayer d i
rectement et sans détour sur les biens qui sont à partager.
C e droit, infiniment sup érieu r à l ’h y p o th é q u e , suit les
biens par-tout où. ils se trouvent , et dispense de discuter
les possesseurs précédents de ces m êm es b ie n s , s’il v
en a eu.
A u ssi, il a été constamment ju gé qu’un légitim aire est
autorisé à s’adresser à un tiers-possesseur des biens de
l ’hoirie pour avoir le paiem ent de sa légitim e , et
D ecorm is , tom. 2 , col. 6 17 , enseigne que ce tierspossesseur peut directem ent être attaqué sans discussion
préalable de l ’héritier.
Il a été jugé encore , et il est universellem ent reconnu
que l ’action pour dem ander la légitim e contre le tierspossesseur dure trente ans , com me l ’action que l ’on peut
exercer contre l ’héritier lui-m êm e. D uperier , maximes de
d ro it, titre de la légitime. D ecorm is , tom. 2 , col. 589.
Or pourquoi le tiers-possesseur , qui n ’a plus à craindre
après dix ans l’action sim plem ent hypothécaire ,s c trouvet-il soumis pendant trente années à. l ’action du légi-
36
1
�(.8 )
.
.
•
timaire ? c ’est que cette action , qui est celle , non d ’un
sim ple créancier ; mais d’un vrai propriétaire , est entiè
rement assim ilée à une action en revendication ; c ’est
encore , parce que l ’action du légitim aire est com parée
à l’action condictio ex leg e, laquelle est mixte et tient à
la fois de l ’action personnelle et de l ’action réelle , suivant
les lois qui se tro u ve n t au cod. de condict. ex leg. > ce
qui la fait durer trente an si c ’est enfin, parce que Faction
du légitim aire est regardée , par tous les docteurs , com me
l ’action appellée actio in rem scripta , comme une véritable
action en pétition d ’hérédité , actio petitionis hœrcditatis >
dont la durée est de trente ans contre l’héritier , ainsi
q u ’on le voit dans la loi hœreditatis 7 , cod. de petitionc
haercditatis.
II n ’est donc pas possible de se m éprendre sur la nature
de l ’action d’ un dem andeur en lé g itim e , et sur les p ri
vilèges attachés à cette action.
L e droit d ’un légitim aire est infiniment au-dessus de
[’hypothèque d ’un c ré a n c ie r, c ’est un vrai droit de
propriété. Or , par son essence , un tel droit assure à
celui qui est autorisé à l ’exercer , une action directe
sur la chose m êm e , actionem in re , et par conséquent
la faculté de revendiquer son bien et de le prendre d irec
tement dans les mains où il le tro u v e, sans être tenu de
discuter préalablem ent les personnes qui ont p û p ré c é
demment avoir joui de ce bien.
Dans notre hypothèse , p eu importe donc qu ’il y ait
eu une usufruitière. Il suffit que l’héritier se trouve
aujourd’hui nanti des biens de l ’hoirie , pour que les
consultantes , qui ont une action réelle sur ces biens ,
aient p û directem ent attaquer cet héritier. Si un tierspossesseur , nanti des immeubles d ’une h é ré d ité , peut
être directem ent attaqué par les légitimâmes , sans que
ceux-ci soient obligés de discuter préalablem ent l ’h éritier,
à
�à plus forte raison l ’héritier lui-m êm e , quand il tient
dans ses mains les biens du défunt , peut-il être d irec
tement attaqué , sans que les légitim aires aient besoin de
discuter un usufruitier dont l ’usufruit a cessé.
Vainem ent voudroit-on distinguer la demande du fond
de la légitim e d ’avec celle en restitution des fruits.
L e s fruits sont l ’accessoire du fond. O r , l ’accessoire p ar
ticipe de la nature du prin cipal , accessorium sapit naturam
principalis. C ’est to u jo u rs, non un sim ple titre de créa n ce,
mais un vrai titre de propriété qui donne droit au légiti maire de poursuivre sur les biens du d é fu n t, en quelques
mains qu’ils se tro u v e n t, le payem ent , o u , pour parler
avec plu s d ’exactitude , la revendication , la désemparation
de son fond et de ses fruits. C on séq u em m en t, tant pour
le fond que pour les fruits , c ’est toujours une action
réelle et directe que le légitim aire est autorisé à exercer
sur une hoirie dont il est portionnaire. A ussi M onvalon,
dans son traité des successions , tom. i , ch. 2 , art. i 5 ,
Pâg. io , nous dit que le légitimaire a le droit d'agir sur
les biens de Vhoirie, t a n t p o u r l a p r o p r i é t é q u e p o u r l e s
F r u i t s , quoique l'usufruit ait été légué ci tout autre que l'hé
ritier• les consultantes n ’ont donc fait qu’ user de leur droit,
q u a n d , pour la restitution de leurs fruits légitim aires ,
elles se sont directement adressées à l ’héritier com me
tenant le% biens du défunt sur lesquels , pour leurs portions
et pour les fruits en proven an ts, elles avoient un véritable
titre de co-propriété.
* ^ n jV°k je cte qne , dans notre cas , la mere usufruitière
jusqu a la majorité de l'héritier , se trouvoit encore tutrice
de ses enfants ; qu’en sa qualité de tutrice , elle doit
u n compte , et qu’on devoit lu i demander ce com pte ,
au lieu d ’exercer une action im m édiate contre l ’héritier.
R ie n de plus frivole que cette objection.
D abord , en point de fait , la m ere usufruitière et
B
5
�.
, .
.
( 10 )
.
tutrice étoit dispensée de rendre compte , par la loi du
testament.
E n second l i e u , pen dan t la durée de l ’usufruit et
de la tutelle de la mere , on ne savoit point à quoi la
légitim e des consultantes pouvoit s’élever. E lles n ’avoient
qu’un legs de douze m ille livres , payable à leur mariage
ou à leur m ajorité , et il étoit dit que ce legs seroit sans
intérêt ju sq u ’alors , voulant seulement le testateur que la
m ere usufruitière et tutrice , pourvût à l ’éducation 3 à la
nourriture et à l ’entretien de ses filles.
N ous savons et nous prouverons bientôt que la légitim e
ne peut êtrq arbitrairement réduite par la volonté de
l ’h o m m e, qu ’elle est acquise de droit aux enfants en
fonds et en fru its, et que conséquem m ent toutes les dis
positions testamentaires tendantes à fixer à douze m ille
livres la légitim e des consultantes , et à prohiber les
intérêts de cette somme ju squ’à une certaine époque ,
étoient comme non écrites par rapport à l ’intérêt des
légitim aires. •
Mais la mere tutrice et dispensée de rendre c o m p te ,
se tro u vo it, par cette clause de dispense , d élivrée au
moins de toute administration rigoureuse , ab scrupulosâ
administratione, com me disent les auteurs. E lle n ’étoit
pas tenue devoir au -delà de ce que le testament lui
présentoit à administrer. E lle ne pouvoit donc être obligée
de faire entrer dans son com pte de tutelle , des fruits ou
des intérêts prohibés par le titre même qui l ’établissoit
tutrice. D ’ou il suit qu a ne considérer que les circons
tances , la tutelle de la mere est une considération trèsindifférente pour des objets qui ont dem euré étrangers
à sa com ptabilité.
E n d ro it, peu importe que la mere ait perçu les fruits
comme usufruitière ou comme tutrice : les légitim aires
n’ont pas moins 3 dans tous les cas 3 une action directe
�,.
..
( 11 )
et réelle sur l ’h o ir ie , une action qui , par sa nature ,
le s dispense de discuter, et les autorise à se p ayer , sans
d étou r , sur les biens de cette h o irie , par - tout où ils
le s trouvent. C ’est ce qui fut jugé par un arrêt rapporté
p ar Bezieux , liv . 6 , ch. 9 , pag. 472 , et rendu au
rapport de cet auteur magistrat. Dans l ’hypothese de cet
arrêt , on vouloit ren voyer les enfants légitim aires , pour
le recouvrem ent des intérêts de leu r lé g itim e , dans
l ’hoirie de leu r mere administreresse, tutrice et usufruitière
des biens de son mari. Com m e l ’on voit , l ’hypothese
étoit semblable à la nôtre. On so u ten o it, à l ’instar de
l ’adversaire , que la m ere ayant 3 en sa qualité d’adminis
treresse , tutrice et usufruitière , perçu les fruits sur lesquels les
intérêts devdient se prendre , c ’étoit à elle ou à ses rep ré
sentants à répondre dé ces intérêts ; mais ce systèm e fut
condam né , parce que, dit B e z ie u x , la légitime étant due
p l e n o j u r e en propriété et en usufruit par /’hoirie de celui
qui la d o it, le légitimaire a droit et action d'agir sur cette
hoirie pour l’un et pour l ’autre, quoique le peré en ait laissé
Vusufruit à sa femme.
Il est donc évid en t, dans le cas a c tu e l, que les con
sultantes , nonobstant l’ usufruit et la tutelle de leur m e re ,
ont pu et dû s’adresser directement à l'héritier comme
tenant les biens du défunt , pour être p ayées des fruits de
leurs portions légitim aires.
L a derniere ressource de l ’adversaire est de nous dire
q u e , par la loi du testam ent, les consultantes n ’avoient
ni intérêts ni fruits à prétendre jusqu ’à leur mariage ou
majorité , au m oyen de l ’éducation , de la nourriture et
de l ’entretien dont leur mere usufruitière et tutrice étoit
chargée à leur égard. On conclut de là que la matiere
manque à notre action en restitution des fruits de ce
prem ier tems.
Q ue l ’adversaire se mette donc d ’accord avec lui-m êm e.
B 2
�.
.
( 12 )
. .
Tantôt il renvoyoit les consultantes , pour la restitution
des fruits dont il s’a g it , dans le compte qu’elles sont
autorisées à faire rendre à leur mere usufruitière et tutrice.
Il reconnoissoit donc que les fruits étoient dus. Dans ce
moment , il semble vouloir faire disparoître le fond ,
l ’aliment m êm e de notre action. T ou t cela n ’est pas trop
conséquent.
_
Cependant ne négligeons rien , et , puisque l ’adversaire
fuit uniquem ent pour se faire suivre , poussons-le jusques
dans ses derniers retranchements.
N ous convenons que le testament ne portoit la légitim e
de ch a cu n e des consultantes qu’à la somme, de douze
m ille livres , sans leur laisser le choix d ’être p ayées en
corps héréditaires. N ous convenons encore que la somme
de douze m ille livres , qui n ’étoit payable qu’au mariage
ou à la majorité des légitim âm es, ne devoit produire
jusqu’alors aucun intérêt 5 attendu l ’ éducation , la nour
riture et l ’entretien dont la mere usufruitière et tutrice
étoit chargée envers ces légitim aires.
Mais il est de p rin cipe incontestable, que la légitim e
est due de p lein d r o it, q u ’elle est due en fond et en
fruits du jou r du d é cès ; qu’elle n ’est susceptible d’au
cune con d itio n , d ’aucune c h a rg e , neque diem neque conditionem recipit ; qu’étant fixée £>ar la l o i , elle ne peu t être
ni modifiée , ni réduite par la volonté de l ’homme ; et
que toute disposition testamentaire 3 tendante à soum ettre
la légitim e à quelque restriction 3 charge , délai ou
condition , est essentiellement nulle , et doit être regardée
comme non écrite : hoc addendum esse censimus, dit la
l o i , quoniam
, cod. de inojf. testant., ut si conditionibus
quibusdam veî dilationibus aut aliqua. dispositions moram vel
modum vel aliud gravamen introducente , eorum ju ra qui ad
memoratarn actionemvocabantur, imminutaesse videantur, ipsa
condition vel dilatiovel alla dispositio moram vel quodcumqueonus
32
�.
. , ( 13 )
introducens , tollatur : et ità res procédât quasi nihil eorum in
testamento additum esset.
Donc y nonobstant toutes les dispositions du testam en t,
les consultantes ont pu répudier le legs qui leur avoit
été laissé. Elles ont pu faire procéder à la liquidation de
leur légitim e , et demander que cette légitim e leur fut
p ayée en corps héréditaires. T out cela est convenu.
Par une suite des mêmes p rin cip es, on sera forcé de
convenir encore , que les fruits de la légitim e ont la
mêm e faveur que la légitim e m êm e ; que conséquem m en t, les fruits de la légitim e des consultantes, sont dus
du jou r du d é cès de leur pere , quoique l ’usufruit de
toute l ’hoirie eût été légué à leu r mere com m une , et
quoiqu’il eût été d it, que le legs qui leur avoit été laissé
seroit sans intérêts.
N o u s àvons m êm e des décisions particulières sur les
fruits. L a novelle i 8 , chap. 3 , p ro h ib e , à tous ceux
qui ont des enfans , de laisser l ’entier usufruit de leurs
biens à un tie rs, et elle veut que les fruits des lég iti
mes ne soient jam ais com pris sous un pareil legs d ’usu
fruit , quelque g é n é ra l, quelque universel que soit ce
legs : N on licebit igitur de caetero ulli omninô jîlios habenti,
taie aliquid agere ( id est, relinquere suarum rerum usumfructum 5 filiis autem proprietatem nudam ) sed modis omnibus eis
hujus legitimae partis quam nunc deputavimiis 3 usumfructum
insuper etproprietatem relinquat, si vultfiliorum non repenti famé
morientium , sed vivere vaientium , vocari paîer. E t hacc om~
nia dicimus 3 non in pâtre solo, sed in matre , et avo et
proavo. . . . et avia et p ro a viâ , sive paternae, sivc maternae
ùnt.
A in s i, la légitim e doit être libre en fonds et en fruiis.
E lle ne peut être sou m ise, ni pour le fo n d s, ni pour les
fru its, à aucune ch arg e, à aucune condition. E lle doit
�.
<
*4
)
..
être absolument pleine cl jra rch e : Legitimae partis et usvmjructum et proprietatem pater relinquat.
L a clause du testam en t, qui privoit les consultantes
des intérêts du legs qui leur avoit été la issé , pour leur
tenir lieu de légitim e - est donc nulle et prohibée par
la loi : non licebit ulli filios habenti taie aliquid agere.
Objectera-t-on que , dans la cause actuelle , les intérêts
de la légitim e se trouvoient com pensés par l ’éducation ,
la nourriture et l’entretien , dont la mere usufruitière et
tutrice étoit chargée envers les légitim aires ?
N ous répondrons qu’il faut distinguer les cas.
Q uelques auteurs en seignen t, par e x e m p le , qu’un
pere qui institue son fils héritier u n iv e rse l, en laissant
l ’entier usufruit de ses biens à sa fem m e, ne contrevient
point aux lo ix , et fait une disposition hors de toute cen
sure , pourvu d ’aüleurs qu’il assure les alimens et l ’en
tretien de son fils héritier , pendant la durée de l ’ usu fru it,
bien que le montant de cet entretien et de ces alimens ne
soit pas équivalent aux fruits de la légitim e. Ces auteurs
rép o n d en t, à la difficulté déduite de cc que la lé g i
time ne doit re ce v o ir, ni c h a rg e , ni diminution ; q u e ,
dans leur hypothese , la diminution éprouvée par le fils
h é ritie r, sur les fruits de sa légitim e , est com pensée
p a r le total de la propriété de l’h o irie 5 le fils h é ritie r,
disent-ils , n ’est point grevé par celte com pensation, puis
que , au con traire, sa condition a été rendue m eilleu re,
que si on ne lu i avoit laissé que la légitim e en fonds et
fruits; ce qui dépendoit de la volonté du testateur.
C ep en d an t, mêm e pour le cas dont nous p arlo n s, Decorm is, tome 2 , col. 489 et su ivan tes, est d ’ un avis con
traire , et pense qu’on ne doit point s’écarter de la rigueur
des p rin c ip es, p uisqu’il d it, dans l’hypoihese d’une mere
qui institue ses enfans, et qui laisse l’usufruit à son m a ri,
qu’/Vfaut que le 'mari soit chargé de la nourriture et entre-
�fieri de ses enfans , et que même ( alors ) les enfans ont tou
jours le droit de se faire jcive raison des fruits de leur légi
time , depuis le décès de leur mere , quand ils rout émancipés .
Q ue faudra-t-il donc penser de l ’hypoihese , où un
pere laisse à des enfans moins que leur lég itim e, et où
il ajoute à cette prem iere injustice , celle de les priver
jusqu’à une certaine époque dos intérêts qu'il leur fait ,
et ne leur assure que les sim ples alimens ? N ’est-il pas
v isib le , dans un pareil c a s , que les enfans légitimantes p e u
vent déploye’r , dans toute leur é te n d u e , les maximes
qui veulent que la légitim e . tant en propriété qu’en
fruits , ne soit soumise à aucune con d ition , dim in ution ,
ni ch arg e, et que l ’on regarde comme non écrite , toute
disposition q u i, à cet é g a rd , peut contrarier le vœ u des
loix?
Sans d o u te, on doit précom pter sur les fruits , le m on
tant de la nourriture et entretien. Mais toute la partie
des fruits qui excede ce m ontant, doit être restituée.
Il est donc clair que les consultantes , nonobstant la
clause qui les privoit des intérêts de leur lég itim e, en
considération de leur nourriture et entretien dont leur
mere usufruitière avoit été c h a rg ée, ont à prétendre les
fruits de leurs portions légitim âm es, courus depuis le d é
cès de leu r pere. E lle s doivent seulement offrir de tenir
com pte de ce que , relativem ent à leur âge et à leur
cta t, leur nourriture et entretien ont coûté. C ette liqu i
dation ne peut venir qu’en exécution du jugem ent qui
interviendra. 11 suffit de sa v o ir, pour le m o m en t, que
les fruits de la légitim e sont dus depuis le d écès \ et que
le testam ent, quelles q u ’en soient les clauses , ne peut
présenter aucun obstacle légal à la demande de ces fruits.
M ais, qu ’avons-nous besoin d ’insister davantage sur cet
objet ? L e ju g e m en t, dont les consultantes ont appelé ,
et qui les renvoie à la m ere usufruitière , pour la de-
�( 16 )
mande des fruits échus pendant la duree de l ’u su fru it,
suppose et juge que cette demande en soi étoit juste et
rég u lière , et qu’on ne peut reprocher aux consultantes,
que le prétendu tort de l’avoir mal dirigée.
L a demande en restitution des fruits , considérée en
elle-m êm e , ne peut donc plus donner lieu à aucun li
tige. Il ne s’agit que de savoir s i , pour cette d em an d e,
les consultantes pouvoient s’adresser directem ent à l ’hé
ritie r, sau f son recours contre qui il verroit bon ê tr e , ou
si elles dévoient actionner la mere usufruiftiére. O r , sur
ce p o in t, nous avons démontré que l ’h éritier, com me te
nant les biens du d é fu n t, sur lesquels les consultantes
ont un droit de p ro p rié té , ju squ ’à la concurrence de leurs
portions légitim aires, et des fruits en p roven an t, est la
véritable partie , la partie directe qu’on a dû attaquer.
D onc le jugem ent qui renvoie les consultantes à leur
m ere , blesse les principes de la matiere , et ne peut
com me nous l ’avons dit en com m ençant, qu’être réform é
par le tribunal d ’appel.
D élibéré à L y o n , ce 23 juillet 179 2. Signé, P O R T A L IS .
A L Y O N , d e l’imprimerie d ' A M A B L E L E R O Y ,
place ST J E A N 1 7 9 2
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gras. 1792]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Portalis
Subject
The topic of the resource
légitime
testaments
usufruit
tutelle
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter, et consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie d'Amable Leroy (Lyon)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1792
1759-1792
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0117
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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légitime
testaments
tutelle
usufruit
-
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bf6992301e816a7506ce5f55499679eb
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Text
M É M O I R E
A CONSULTER,
ET C O N S UL TA T I O N ,
POUR
le citoyen
diction
lant
F
a y e t
,
curateur à l ’inter
d ’Antoine F a y et son père , appe
d’un jugement
du
tribunal civil
du
département du C a n t a l , du 25 Messidor ,
an I V
C O N T R E
naud ,
J e a n S a v ig n a t
,
Jean R ey -
A n to in e B o y e r , J ea n B ru g e
-
rolesIn timés.
U
n hom m e dont la folie fut un fujet d’étonnement &
d ’effroi pour la ville d’Allanche ; un homme qui , après
avoir adminiftré fes biens pendant trente a n s, fe dépouille
tout-à-coup de cette adminiftration , pour en revêtir un jeune
m ilitaire fans expérience ; un hom m e dont toutes les actio n s
portent l’empreinte de la démence la plus caractérifée , a-t-il
pu tranfmettre à fon fils, non-feulement le droit de régir fes
biens prefens & à venir , mais encore le pouvoir de les
vendre , en s 'interdifa n t la faculté de révoquer fo n procureur
conf t itué pour quelque caufe & m otif que ce pût être ? U ne
procuration auff i extraordinaire dans fes m o tifs, qu’illim itée
dans fes pouvoirs, a-t elle été l’ouvrage d’une volonté libre
& réfléch ie, ou plutôt ne préfente-t-elle pas les caractères
d’une interdiction extrajudiciaire ? L cs ventes faites deux
A
�ans nprès cette procuration font - elles revêtues de la pre
mière condition néccllàire à leur va lid ité, du confentement
du vendeur fans lequel il ne fauroit exifter de con
vention ?
T elles font les importantes queftions fur lefquelles le récit
des faits va jeter un nouveau jour.
F A I T S .
A ntoine F a y e t, marié en i j 56 , fe mit à la tête de fes
affaires, & fe livra à un commerce aiïèz confidérable ; foit
que la fortune ne répondit pas à fes efpérances, foit que la
raifon s’éteignit par degrés , il ne fit que de faufles fpéculations \ fon comm erce , au lieu de profpérer , eiTuya des
revers irréparables ; il fe vit bientôt en butte aux pourfuites de fes créanciers , & menacé de l’expropriation de fes
biens par une faiiie-réelle.
Q uelqu’aftligeant que fut le dérangement de fa fortune, il
avoit à craindre un malheur bien plus fenfible dans la perte
abfolue de fa raifon. Vainem ent la fam ille prit toutes les
précautions que pouvoir fuggérer la prudence, pour cacher
au public le déplorable état d’Antoine Fayet ; fes foins furent
infru&ueux ; fa démence fe m anifefta, tantôt par des traits
de violence Si d’em portem ent, tantôt par des fcènes d’ex
travagance ; les places publiques, les é g life s, les maifons
particulières devinrent le thcatlre d’incidens répétés chaque
jo u r, i k ce malheureux père de famille fut pour fes conci
toyens un objet d’épouvante 8c de pitié.
O n n’auroit pas dû balancer fur le feul remède convenable
dans ces trilles circonftances ; mais la fam ille fe flatta que
cet orage produit par le dérangement de fes affaires ferait
p aflager, que le calm e fuccederoit à cette efpècc de frénéfie,
& qu’ il ne falloir avoir recours à l ’interdittion que lorfque
tout efpoir feroit perdu.
Des petfonnes intérefTées à ce qu’Antoine Fayet ne fût
pas interdit, imaginèrent de lui faire figner une procuration
�3
q u i , en le dépouillant de l’adminiftration de fes biens,
équivaudrait à une véritable interdi& ion, & faciliteroit la
vente de Tes propriétés.
Cette p ro cu ra tio n elt du 5 novembre 178 5. Il y avoir
alors près de deux ans qu’Antoine Fayet étoit dans un état
de démence habituel, & qu’étranger à toute efpèce d’affaires,
il n’avoit pas donné une se u l e iïgnature ( 1). A ud i les termes
de la procuration en décèlent-ils facilem ent le m o tif A n
toine Fayet donne pouvoir à fon fils a in e , jeune militaire
fans expérience, non-feulement de régir 6c adminiftrer fes
biens , recevoir fes revenus, payer fes créanciers, pourfuivre
toutes inftances, traiter , tranfiger , mais encore de vendre
tous fe s biens-fonds , excepté la maifon qu’il h a b ite , fubftituer un ou pluiieurs procureurs en tout ou partie , de fes
pouvoirs, avec claufe expreffe que le conflituant ne pourroit
révoquer le procureur conjlitué, pour quelque caufe & m ^tif
que ce -pût être j icelui Je démettant dès-à-prêtent defdits
pouvoirs j & fans que ces préfentes fufjent fujettes à furannatïon.
Antoine Fayet fils, muni de pouvoirs auifi illim ités, ne
jugea pas à propos d’en faire ufage ; il partit quelques mois
après pour Ion régim ent, & lailTâ. fa famille dans la plus
cruelle détrefTe. oi le père eût joui de la pénitude de fa
raifon , auroit-il confenti à fe lier les m a in s, non-feulem ent
iour le préfent, mais encore pour l’avenir ? Se feroit-il mis
bus la tutèle de fon fils ? N e fe feroii-il pas réfervé le droit
de révoquer cette procuration ? D e quelque nom que l’on
veuille la colorer , ne trouve-t-on pas, foit dans les motifs
qui l'ont di£tée , foit dans les termes & l’étendue des pouvoirs
qu’elle contient, foitdans les effets qu’elle a produits, la preuve
évidente de la démence du père , & de l’inexpérience du fils ?
C e ne fut que deux ans après, & à fon retour du régim ent,
Î
( 1 ) O n doit obferver que la fignature mife au bas de la proen»
rationeft ii pênie , fi inform e, qu elle ne rcflemble point aux anciennes
fignaturej d’ Antoine F ayet.
A 2
�4
qu’ Antoine Fayet fils, trompé par les craintes qu’on cherche
à lui infpirer, vendit en 178 7 & 1788 la preCque totalité des
biens de fon père , moyennant une Comme modique de
34,000 üv. - Les acquéreurs 11e manquèrent pas de circon
venir ce jeune militaire , de profiter de Ca loyauté & de Con
inexpérience pour lui faire faire tout ce qu’ ils crurent con
venable à leurs intérêts -, ne pouvant Ce diilïm uler que l’état
de démence de leur vendeur étoit public ; inftruits même que
quelques perfonnes d’Allanche qui auroient voulu pouvoir
acheter, en avoient été empêchées par les Cages conCeils d ’un
jurifconfulte de R ioni , ces acquéreurs exigèrent que les
ventes fuiîent Cecrètes , & plufieurs Ce paiTèrent très-myCtérieufement dans un lieu peu éloigné d’Allanche : ils prirent
des précautions qui décéloient leurs mauvaife foi & leur
crainte Cur la validité de ces- ventes ; au lieu de payer les
créanciers d élégu és, ils dépofèrent leurs contrats au bureau
des hypothèques , feignirent une confignation , & ne de
meurèrent pas moins nantis de la chofe & du prix.
Ces ventes dont l’objet devoit être d ’allurer la libération
d’Antoine F a y e t, n’ont fait qu’accroître la 111a (Te de Ces dettes
par lesfraisqu’a entraînéscetteprétendueconfignation. Q u’elle
foit ou non réelle, cela devient indifférent pour la caufe.
E n effet, fi le prix des ventes a été réellement coniïgné , il a
demeuré iutadl dans les mains du receveur des confignations ; perfonne n’en a retiré un (fou. Si au contraire la
confignation n’a éré que fi& iv e , les acquéreurs Ce trouvent
faifis de ce prix. A i n i i , dans tous les cas, ils n ’ont rien à
craindre pour leurs deniers.
Q u ’importe d ’après ce réfultat, que des a&es auifi déCaftreux aient été partes par le notaire Saintherand, beau-frère
d ’Antoine Fayet ; que Con frère Guillaume Fayet ait donné
Con conlentement à la vente du domaine de Pradier ; qu ’il
Ce foit départi au profit de Savignac, acquéreur, de tous
droits Sc prétentions Cur le domaine vendu ? ' Ces circonCtances neCauroient couvrir l’incapacité du vendeur, nifuppléer
fon défaut de conCentemait.
�5
Depuis cetce époque, le dérangement des affaires, les
malheurs de la famille , le déplorable état d’Antoine Fayec
ont été fans remède j il ne reftoit plus aucun efpoir aux
créanciers pour être p ayés, ni aux enfàns pour fauver les
débris de leur fortune : trois des enfans , fur h u it, étoienc
au ft-rvice de la République ; un quatrième é to it, par fon
état, condamné à l ’exil ; un cin quièm e.setoit établi à la
R och elle; la mère & fes filles prôdiguoient à leur m alheu
reux père leurs foins impuiiïàns.
Jean Fayet , inftruit des malheurs de fa fam ille, vole
à fon fecours ; il voit avec douleur que l'état de fon p è re,
aggravé par le dérangement de fes affaires, eft fans remède ;
il reconnoît que des confeils perfides, de concert avec des,
acquéreurs avides, ont abufé de l’inexpérience & d e la facilité
de fon frère pour lui extorquer un confentement illufoire
a des ventes ruineufes. Il eut recours au feul moyen propre
a remédier aux malheurs de fa famille ; il fe détermine ,
quoiqu’avec la plus grande amertume , d provoquer l’interdi&ion de fon père. L'interrogatoire, l’avis des Pparens,
les certificats des médecins mettent" dans le plus grand
jour fon état habituel de démence ; tous attellent que cec
état remonte à une époque beaucoup plus ancienne ; ils
s’accordent tous à en fixer les premiers fymptômes àdix ou douze
ans : ils ajoutent que la démence d'A ntoine F a y e t, caractérifée par des accès de frénéiie, avoit publiquement éclate
avant 17 8 5 ; qu’elle setoit accrue chaque année davantage,
& qu’elle étoit parvenue à fon dernier période. L ’unanimité
de ces témoignages ne permet pas au tribunal de M urât de
fufpendre l’interdiftion : elle fut prononcée le premier therm i
dor an 3 \ 6c Jean Fayet fut nommé curateur à la perfonne
& aux biens de fon père.
L e premier ufage qu’il fit des fondions de curateur, fut
de demander la nullité de la procuration du 5 novembre
1 7 8 5 , & le défiftement des objets vendus avec reftitution
des jouiilances. Com m ent regarder cette procuration comm e
l’ouvrage d’une volonté libre Sc réfléchie ? Si Antoine Fayac
a a
t
�6
eût joui de la plénitude de fa raifo n , auroit-il foufcrit à fa
propre interdidion ? fe feroit-il mis volontairement en tutèle ?
auroit-il ratifié d’avance & aveuglément tous les ades de
fon procureur conftitué ?
U n e telle dépendance, une abnégation auffi formelle de
fes droits , fuppofe la privation totale de la raifon. Jamais
un père de fa m ille , accoutumé à gérer fes affaires, &
jaloux de fon autorité, n’auroit porté l’oubli de fes devoirs
jufques à fe condamner à la plus abfolue n u llité, & jufqu’à
devenir étranger dans fa propre maifon.
.Ainfi , cette procuration eu une preuve irrécufable de la
démence de fon auteur, ou au moins formoit une pré
e m p tio n fuffifante pour faire admettre la preuve teftimoniale.
Jean Fayet a demandé à faire preuve de la démence habituelle
de fon père depuis 1 7 8 3 , & notamment à l’époque de la pro
curation de 17 8 5 , & des ventes qui l’ont fuiviel Cette preuve
a été ordonnée par jugement interlocutoire du tribunal du
d iflrid de M u râ t, du 9 frudidor an 3 . Une enquête compofée de 5 5 témoins préfente la démonftration la plus
complète de l’état d’ Antoine F a ye t, foit à l’époque de la
procuration , foit à l’époque des ventes de 17 8 7 ic 1788.
Sa conduite n’a été depuis 1 7 8 3 , qu’un long enchaînement
de faits bien propres à prouver fa démence. Tantôt il m al
traite ceux qui lui refufent du tabac, tantôt il fe livre à des
accès de fureur & attaque les pailàns ; quelquefois il eiliie de
faire des miracles , & de changer l’eau en v in , ou il ne fep réiente à l’églife que pour troubler le fervice divin par des fcênes
aufli ridicules que fcandaleufes ; plus fouvent encore il court
les rues comme un furieux, & effraie, par fes vociférations ou
fes tuenaces , ceux qu’il trouve fur fon paflage. Ses difeours
répondent à fes adions; ils n’ont aucune fuite; & s’il tient
quelques propos raifonnables , cette lueur de raifon difparoît
nuflitôt, & jamais il ne fort de fon état de démence.
C e concours unanime de témoins fur le fait habituel de fx
dém ence, les circonihnces qui la caradérifent, la continuité
�7
de cet état, fans aucun intervalle lucide, forment la preuve la
plus concluante qu’Antoine F a yet ne jouiflbit plus de fa raifon
depuis i 783 .
Le vœu du jugement interlocutoire étoit donc rem pli, Sc
Ia démence de F a y e t , une fois confiante, il en réfultoit la
conféquence néceifaire de la nullité des ailes non-revêtus de
fon confentement. Q ue l’interdiftion judiciaire n’ait été pro
noncée que le premier thermidor an 3 , étoit-il moins cer
tain que Fayet étoit privé de fa raifon , foit à l’époque de la
procuration , foit à l’époque des ventes j que dans cet état
il étoit incapable de volonté , & que par conféquent ces
aétes ne pouvoient être confidérés comme fon ouvrage ?
C ’eft néanm oins, au mépris de ce principe fondamental des
conventions, & contre le témoignage concordant de cinquantecinq tém oins, que le tribunal civil du département du C a n ta l,
q u i , par la fuppreffion des tribunaux de diítriófc, remplaçait
le tribunal du ci-devant diftritt de M urât , & fe trouvoit par
conféquent lié par l’admi ilion de la preuve , a déclaré Jean
Fayet , curateur à l’interdi&ion de fon p è re , purement &
Jimplement non-recevable dans fe s demandes.
L e curateur à l’intcrdiâion s’eft empreiTc d’interjeter
appel de ce jugement , auflî extraordinaire dans íes m o tifs,
qu’injufte dans fes difpofitions : il demande au Confeil
quels font les moyens qu ’il doit faire valoir pour en faire
prononcer l’infirmation ?
F
a y e t
, fils.
C O N S U L T A T I O N .
L« C o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris lefture de la procura
tion du 5 novembre 1 7 8 5 , des ventes qui l’ont fuivie le 14
novembre 17 8 7 , i 5 & 23 juillet 1788 , 29 août 1788 ; du
jugement d’interdiftion du premier thermidor an 3-, de l’avis
de parens du 4 therm idor, pour la nomination d’un curateur
à Antoine F a y e t} des pourfuites dirigées par ce curateur
contre les acquéreurs dudit Antoine F ayet j du jugement in-
�8
terlocutoirc du tribunal du diftri<5t de M u r â t, du 9 fruûidoc
an 3 y des enquêtes & contre-enquêtes faites en exécution de
ce jugement ; du jugement en premier reilort du tribunal
civil du département du C an tal, du 2.5 meffidor an 4 j en*
fem ble du mémoire à confulter :
E s t i m e , que les lois o n t diftingué deux caufes d ’in te rd iflio n , la p rodigalité & la d é m e n c e , d o n t les effets ne
d oiven t pas être confondus.
U n prodigue ne peut être privé de l’admimftration de fes
biens, qu’après avoir donné des preuves multipliées de fes
diiîîpations ; tant qu’il n’eft point dans les liens d ’une inter
diction légale , il jouit du droit de difpofer par quelque afte
que ce foit j fon incapacité eft fubordonnée au jugement
qui prononce fon interdiftion , & ce n’eft qu’après un exa
m en approfondi de fa conduite , que la juftice fe détermine
à la proclamer.
U n infenfé eft incapable de difpofer auflîtôt que la d é
mence fe manifefte par des aitions éclatantes j la nature
prévient l ’office du ju g e , en lui raviifant la plus précieufe
de toutes les facultés, la raifon qui diftingué l’homme de
tous les animaux. Dans cet état d ’anéantiiïement 3 comment
pourroit-il juger du mérite d’un a f t e , en pefer les avan
tages ou les inconvéniens , ne confulter que fon intérêt en
le fignant ? Com m ent pourrait - il le revêtir du confentement néceiîàire à fa validité ? N e deviendrait - il pas
l ’inftrument aveugle de fa ruine ? N e tomberoit-il pas dans
tous les pièges que lui tendraient à Penvi la cupidité & la
mauvaife foi ? L a loi exige , pour une convention , le con
cours du confentement de deux ou plufieurs perfonnes ; fi
l ’un des contradtans eft privé des lumières de la raifon , il eft
incapable de vo lo n té , & par conféquent la con ven tion ,
qui devrait être fondée fur le confentement réciproque des
parties , n’eft plus l’ouvrage que d’un feul con traâan t, & #
peche dans fon principe conftitutif! Furïoji vcl ejus eux bonis
interdiclum fie , nullci voluntas eft.
�itf
9
D e ce principe naît une différence dans tes effets de ces
deux forces d’interdi&ions ; l’une n’enchaîne l'interdit qu’au
moment même où elle eft prononcée ; l’autre , purement
déclarative , remonte au temps où la démence eft prouvée:
ficLtim aivmïente furore j furiofo interdiclum ejt. Les aûes
du p rod igu e, avant fon interdid'1011 , font confirmés par la
loi ; ceux de l’infenfé , quoiqu’antérieurs à l’interdidlion ,
peuvent être attaqués j lorfque la démence précède l’époque
de ces aétes.
L a démence eft un fait dont la preuve dépend , com m e
celle des autres faits, d e là dépofition des témoins. O n ne
peut fe procurer une preuve écrite des actions qui la caractérifen t, ni faire conftater par un officier public les accès
de frenéfie , les adtes d ’em portem ent, les traits d ’extrava
gance qui en nuancent ou diverfifient le caractère. C o m
ment faiiir tant de circonftances auffi bizarres que fugitives ,
& les configner dans un infinim ent authentique ? Les té
moins feuls peuvent expliquer la variété infinie d’attions
dont ils font les fpe&ateurs habituels ; ils font libres de les
choifir & de les propofer com m e une preuve irrécufable
de la vérité du tait principal : qu’ils différent dans les dé
tails , peu importe , pourvu qu’ils s’accordent fur les motifs
de leur jugement , 3c qu’ils dépofent unanimement de la
démence de celui dont l ’état eft conftaté.
Les dépofitions des témoins acquièrent encore un nouveau
degré de force 3 quand l’aéte dont la validité elt mife en
doute , porte l’empreinte du dérèglem ent d ’elprit de fon
auteur. Q u ’un père de fam ille , habitué à gérer les affaires ,
fe dépouille tout-à-coup de l’adminiflration de fes biens ;
qu’il en confie le foin à un jeune militaire ; qu’il l’autorife
non-feulement à régir, mais encore à vendre tous fes fonds j
qu’il s’interdife le pouvoir de révoquer fa procuration ; que
le procureur conftitué , au lieu d’ufer de fes pouvoirs , aban
donne fa famille aux pourfuites des créanciers ; que deux ans
après, & au retour de fou régim ent, il vende la prefque
totalité de fes biens , fous les yeux de fon p è re , &. fans fa
Mémoire à Confultcr3 & c .
A 5
�IO
participation, pour un prix fort au-defTous de leur valeur; on
chercherait en vain les motifs d’une conduite aulii extraor
dinaire on n’en peut trouver d’autres qu’une précaution
commandée par l’état de ce père de famille ; on doute de
la fageile d’un afte que réprouvent les règles ordinaires
de la raifon humaine -, & en approfondiiTant les circonftances
& les termes de cette procuration , on ne balance plus à la
regarder comm e l’ouvrage d ’un infenfé.
C es deux fortes de preuves concourent donc légalement
à démontrer la démence. D ’un côté, les difpofitions que ren
ferme un a f t e , accufent quelquefois la fageifè du fignataire ÿ
de l ’autre, la préfomption de la démence fe convertit en
certitude , fi les témoins depofent qu’à l’époque de cet afte
l ’aureur ne jouiiToit plus de fa raifon.
Vainem ent voudroit-on équivoquer fur la nature des
aftes , & établir une diftinftion entre les aftes à titre oné
reux, & les aftes à titre lucratif; vainement prétendrait- on
ét3y cr cette diftinftion de la jurifprudence des arrêts , &
foutenir qu’ils n’ont admis la preuve de la démence contre
des aftes o n éreu x, qu’avec une extrême difficulté.
Les principes ne peuvent varier au gré de ceux qui les
in voq u en t; & fans fe jeter dans le labyrinthe inexplicable
d e l’efpèce de chaque a rrê t, il faut s’attacher à cette maxime
de d r o it, que les contrats comme les teftamens Si les d o
nations ne font fondés que fur la volonté libre des parties.
U n infenfé eft incapable de difpofer , foit par donations
entre-vifs , foit par ccftam ent, parce qu’il eft privé de toute
cfpèce de volonté. Pourquoi le même m o tif ne s’appliqueroit-il pas aux difpoütions onéreufes ? Faut-il une moindre
liberté d ’efprit pour défendre fes intérêts contre un acqué
reur avide , que pour exercer des aûes de libéralité ? L e
confentement des parties n eft-il pas la condition ellèntielle
des conventions ? £ ft-on moins expofé aux fupnfes de la
mauvaife foi dans le cas d’une vente , qu’aux fuggeftions
de la famille dans les cas d’une donation ? & fur quel
fondement accorderoit-on à un infenfé la faculté de vendre,
�TI
tandis qu’on lui interdirent le pouvoir de donner ? L a raifon
»’admet pas un pareil fophifm e , & la loi le proferit. In
negotiis contrahendis alia catija habita ejl. Furioforum, alia
eorum qui fari pojfunt j quamvis actïum rei non intelligerent ;
nam furiojus nullum negotium contraherc potejl. Pupillus
onrnia tutore autore agere potejl. L . 5 . de reg. jur.
L a loi ailimile le furieux au pupille; l’un & l’autre font
hors d ’état de régler leurs affaires, & de contraéter : mais
la volonté du tuteur fupplée celle de fon pupille ; tandis que le
furieux, dépourvu d ’un curateur, eft dans l’impuilTance abfolue de contraéter. L a loi ne diftingue pas les aétes onéreux
des adtes à titre gratuit ; elle incerdit à l’infenfé , au furieux ,
le pouvoir de difpofer par quelque a£le que ce foit. Nullum
negotium contrahere potejl.
L ’autorité des jorifconfultes vient à l’appui d’une décifion
auiïï précile. D ’A rgen rré, fur l’article 2.66 de la Coutume
de Bretagne examine la queftion de lavoir fi un contrat
qui eft l'ouvrage d’un infenfé peut fervir d i fondem ent à la
prefeription. Il ne balance pas à décider qu’un pareil con
trat eft abfolument n u l, & 11e doit produire aucun effet. Il
en donne pour m o tif, que les inlenfés font incapables de
s’obliger en contrariant ; leur confentement ne fauroit les
lie r , puifqu’ils n’ont aucune efpèce de volonté, & qu’ainiï
le premier cara& ère, ou plutôt le principe fondamental de
la convention n’exifte pas. Proptcrea quoi furiojï & taies
confenfum non habent idontum ad obligandum, in quo ejl
fubflantiale fubjeclum contrahendi & fine quo contraclus non
confifiunt ■neque enim vel \elle3 vel nollç pojfunt.
Ricard rend hommage au même principe. « Il y a toutefois
»> cette différence à faire entre l’infenfé 8c le prodigue _, que
” le premier, dès le moment que fon efprit commence à
» être troublé, eft rendu de plein-droit incapable de dif—
» pofer, fans aucune interdiction p r é c ife ,n i prononciation
” du juge ^ parce que fon inhabilité eft rendue notoire &
” publique par les premières attions de dérèglement qu’il
» fa it, Sc 411e d’ailleurs il manque au poijit eiïcntiel *
I
�v
iî
»
»
»
»
n Jétant point 'capable de faire un afte d’une volonté
lib re , ni même de prêter ion ■
confencem cnt, puifqu’il
manque de raifon , qui eft le principe de l’un & de
l’aun e ;
quoique, les parens ne f e [oient pas mis en devoir
de faire créer un curateur à l'imb¿cille 3 ils fo n t reçus à
vérifier le défaut de jugement. »
■
Loin que la jurifprudence aie contrarié ces principes,
plufieurs arrêts ont accueilli la preuve teftimoniale du fait
d e démence contre des a£tes onéreux : parmi ceux que l’on
pourroit invoquer , il fuffic Je citer avec d ’AgueiIeau les
arrêts de P a y e t, du 2.5 février 1 6 8 1 ; d e B o iïii, du 21 juin
i6 75-, de Joyeufe, du 5 mars 1681 : un plus récent encore
rapporté par l'éditeur du répertoire de jurifprudence, du 21
juillet 1 7 7 9 , a déclaré nulle la vente d’une maifon faite
par Bertin avant fon interdi& ion, pour caufe de démence.
Quelle que foit d’ailleurs la .diverfité des arrêts fur ce point
de jurifprurience , la l o i , les auteurs , la raifon s’accordentils moins à proferire , fans diftinftion, tous les a & e s , de
quelque nature qu’ils fo ie n t, s’ils ne font pas l’ouvrage d’une
volonté libre & réfléchie ? le défaut de confentement ne
fuffir-il pas pour en faire prononcer la nullité ? & comme
l’obferve le judicieux R icard , quoique les parens ne fe foient
pas mis en devoir de faire créer 1111 curateur à l’inienfé, la
preuve de la clémence n’eu eft pas moins admife.
L e fort de ces aftes eft donc fubordonné au réfultat de la
reuve teftimoniale. Si les témoins s’accordent à dépofer que
auteur d’une procuration leur a paru dans 1111 état abfolu
de démence à l’époque où il l’a fign ée, s’ils appuient leurs
dépolirions fur des circonftances qui en garantirent la vérité,
alors les doutes difparoillent, & les préfomptions fe convertiilent en certitude} on ne balance plus à regarder com m e
infenlé celui que la notoriété publique accufe de folie j l’évi
dence des preuves fert de guide à la juftice, & fon premier
devoir eft de proferire des a£tes furpris à la trop facile im
prudence d’un homme privé de fa raifon.
E n appliquant ces principes à i’efpèee, il fera facile de
f
�i3
prouver qu Antoine Fayet cil devenu l’inftrument avêugle
rie la raine fie fa fam ille , par cela feul qu’il étoic tom bé
dans la clémence la plus cara&érifée depuis 178 3 j & que
depuis cette époque il n’a plus recouvré l’ufage de fa raifon.
Sa procuration de 17 8 5 n’en fournit-elle pas, finon une
démonftration complète , au moins une violente préfomption? C oncevra-t-on en effet qu’un père de fam ille jouiflant
de la plénitude de fa raifon, & jaloux de fon autorité, fe
défaifill'e, le dépouille de toute adminiftration , même du
pouvoir de vendre fes b:ens, en faveur d’un jeune homme
fans expérience & prêt à rejoindre fon régiment ? A qui perfuadera-r-on que cette abdication de fes droits n’eût d ’autre
m otif que la facilité de traiter avec fes créanciers ? Ses créan
ciers fe feroient-ils montrés plus inexorables envers le père
qu ’envers le fils? Antoine Fayet n’auroit-il pas pu vendre
lui-même line partie de fes biens? qu’avoit-il befoin de char
ger un procureur du foin de fes affaires ? Le notaire Saintherand auroit-il eu le front de le condamner à une véritable
m ort c iv ile , s’il n’eût compté fur l’apathie naturelle de fon
beau-frère, & s’il n’eût voulu éviter l’éclat d ’une inrerdidtion ?
A-t-011 jamais vu un homme raifonnable fe mettre volon
tairement en tutèle, & devenir étranger à toutes les affaires
com m e à l’adminiftration de fes biens ? L a néceflité feule a pu
fuggérer un a&e de cette nature à Saintherand , & la claufe
de non-révocation des pouvoirs qu’il contient, révèle les motifs
de ce nouveau genre d ’interdi&ion. I le il prouvé, i.° qu’an
térieurement à cette procuration , Antoine Fayet avoir cefle
de faire le com m erce, de vaquer à fes affaires, & de donner
même fa fignature pour la plus petite chofe ; 2.0 que fon état
de dém ence étoit fi public , que nul individu n’auroic
voulu abufer de fa fituation , ni lui furprendre un confentement illufoire j 3 .° que depuis cetce procuration il a vécu
dans l’indifférence la plus profonde fur les malheurs de fa
fam ille j qu’il n’a pris aucun intérêt foit à l’éducation de fes
enfans, foit a la confervation de fes biens; qu’en un mot fa
vie n’a plus été qu’un long fommeil troublé tour-à-tour pat
des accès de fureur ou d’cxtravagance.
�. 1/f
L ’objet de cette procuration é to it , d it-o n , de traiter avec
les créanciers à des conditions plus avantageiifes, & d’aiTurer la libération d’Antoine F ayet; & cependant le procureur
conftitué part deux mois après pour fon régim e n t, fans s’oc
cuper ni de l’intérêt de fes créanciers, ni du fort de fon père !
C e n’eft qu’à fon retour & deux ans après , que l’on parvient
à lui arracher un confenrement illufoire à des ventes évidem
ment ruineufes pour fa famille. O n multiplie les précautions
pour en couvrir la nullité \ on en parte une fous les yeux
d ’Antoine F ayet, &c dans la ville d’A llan che; on craint que
Fayet ne forte de fon apachie naturelle , ou qu’il ne s’élève
un cri ge'néral d’improbation contre ces aâes ! Les acquéreurs
exigent non-feulement que les autres ventes ne foient point
palîées à A llan ch e, mais encore que Guillaum e F a y e t, frère
du vendeur, renonce à tous droits & prétentions fur le d o
maine de Pradier. L es acquéreurs n’ ignoroient pas l’état
habituel de démence d’Antoine Fayet \ ils ne pouvoient fe
diflimuler que le fils n’avoit plus, par ce feul f a it, aucun
pouvoir pour vendre les biens d ’un homme notoirement
connu pour infenfé; ils favoient même que par ce m otif le
citoyen Lapeyre de R iom avoit confeillé au citoyen Bonnet
aîné , d’A lla n ch e , de ne point acheter d’un pareil frondé de
pouvoir : de là les précautions infpirées par la crainte, l e loignement d ’Allanche , l’intervention de G uillaum e F a y e t,
le dépôt des contrats au bureau des hypothèques , le nonpaiement des créanciers, la confignation feinte ou réelle du
prix ! Vain efpoir qui ne fauroit les raiTurer! L a démence
d ’Anto'ne Fayet étoit trop publique à A llan ch e, pour faire
illufion à la bonne-foi d ’un acquéreur \ pas un individu n’auroit ofé traiter avec Antoine F ayet, les créanciers eux-mêmeS
avoient fufp.-ndu leurs pourfuites \ tous les habitans d’A lla iu lu le regardoient .comme un objet d ’épouvante & de
pitié ,
qu >iqu il ne fut point encore dans les liens d ’une
'interdiction légale , on défie de rapporter , foit avant foit
après ces ventes, un adte quelconque émané de lui & revêtu
de fon confentement.
�15
Com m ent en effet pourroit-on donner un démenti à
cette maiTe impofante de tém oins, qui attellent unanimement
que la démence d’Antoine Fayet remonte à une époque
antérieure à la procuration de i y S 5 ? Com m ent contefterks
faits q u i la caraâérifent ? Com m ent oppofer des p ré e m p
tions incertaines à des preuves irrécufables ? Parm i ces faits ,
il en eft qui ont pre'cédé la procuration , d’autres qui l’ont
fuivie ; on peut donc les divifer en deux clalfes qui fe rap•ortent aux deux époques marquées par le jugement interocmoire.
L a folie d’ Antoine Fayet s’eft m anifeftée nu comm en
cement de 1 7 8 3 ; les q u in ze, feize & dix-feptième témoins
dépofent que depuis environ douze ans ils ont reconnu
F ayet en dém ence, qu’ils ont été appelés par fon frère &
par fon fils pour l’enfermer dans une petite chambre à côté
du cim etière , & pour l’attacher dans fon lit ; que depuis
cette époque , ils ont vu Fayet courir les rues, crier, parler
& rire fans fujet.
L es mêmes fcènes fe font répétées avec plus de violence
encore en 1785. L a fureur d’Antoine Fayet étoit devenue
un fujet d’effroi pour la ville entière d’AHanche; les fuites
ne lui furent pas moins funeftes : dans le courant de mai
1 7 8 5 , Fayet échappe à la furveillance de fa fam ille ; il court
dans.les rues comme un furieux, entrechez le nommé Com bes,
ferru rier, s’arme d’un gros marteau, & menace de frapper
ceux qu’il trouve fur fon partage. Com bes Sc fes deux fils
ertaient en vain de le défarmer ; leurs efforts font inutiles ;
ils appellent aufecours. D ezieux , onzième tém oin, accourt ;
mais à fon approche , Fayet lui préfente un couteau , Sc
menace de l’éventrer s’il avance. D ezieux oppofe alors l’a drerte à la fo rce, &c l’ayant fai fi par une jam b e, il le renverfe fur l’efcalier ; mais la chute fut fi violente que Fayet
en eut la cuille cartee , & n’a pu marcher depuis qu’avec des
potences ; les témoins craignant encore les effets de fa fu
re u r, l’emportent chez lui 5c l’attachent fur fon lit.
L es circonftances de ce fait font à recueillir ; l’attion de
{
�16
Fayet marque le dernier degré de la fureur, & les craintes
qu ’il inlpiroit à fes concitoyens ; le marteau pouvoir deve
nir dans fes mains une arme meurtrière ; ©n ellaie de le
lui arracher } íes emportemens & fes menaces intimident les
témoins accourus au bruit du ferrurier Com bes ; ils font
réduits à ufer du moyen le plus violent pour le défarm er;
ils n’ofent l’approcher, & c’eft par la chute la plus funefte
que Dezieux parvient à lui arracher le marteau.
L ’époque de ce fait n’eft pas moins digne d’attention : c’eil
quelques mois avant de foufcrire la procuration de 1 7 8 5 ,
en faveur de fon fils , qu’il donne à fes concitoyens le fpectad e de la fureur la plus caradbérifée. Pourra-t-on douter
de l’aliénation de fon efprit, quand toutes les circonftances
concourent à l’attefter ? i° . Les témoins entrent dans le dé
tail le plus circonftancié de ce f a i t , & ne diffèrent point *
dans leurs dépofuions. 20. Il en eft une preuve encore plus
convaincante dans les fuites qu’a produites cette chute :
voudroit-on nier un fait auffi p o fitif, quand il en porte
des marques auifi frappantes ? 3 °. Le certificat du chirur
gien qui l’a foigné , en fixe l’époque au mois de mai 17 8 5 ,
& declare qu’à caufe de fa grande folie il lui a été im poffible de le guérir ( 1 ) ; & c’eft un homme fujet à une dé
mence de cette nature, que l’on fuppofe capable d’adminiftrer
fes b iens, ou d’en confier le foin à fon fils, en l’autorifant
à vendre la totalité , &: en s’interdifant le droit de révoquer
( 1 ) Je foufligné Jean S c lig n ia c , officier de fanté de la commune &
canton d’A lk n c h e , départemenr du Cantal , certifie, à qui de d r o it,
avoir été appelé par la femme du citoyen F a y e t, pour panier Antoine
F ayet fon m ari, aaiTi domicilié d’ A Hanche, d'une luxation à la partie fu périeure du fémur de la cuilTe d ro ite , & qu'il m’a été impoifible de la
lu i remettre à caufe de fa grande fo lie ; malgré que j ’aie fait mon pofiible de m’en approcher pour la Ihí remettre j ’ai été obligé de l’aban
donner a Ton malheureux fo r t , G1 cela dans le courant de tuai 1785*
E n fo i de quoi j ai deiivre le préfent certificat pour valoir ce que de
r a ifo n , & que j ’affirme fincère & véritable. A A llanche , ce premier
v e n to fe , 1an 5 de la République frsnçaife, Signé Soli^niac , ofliciic
Je fanté.
�17
fa procuration. C e n’eft pas le feul trait de ce genre que les
témoins rapportent avec des circonftances auffi précifes que
l ’on ouvre l’enquête compofée de cinquante-cinq témoins ;
que l’on analyfe leurs dépofitions ; que l’on rapproche tes
faits les plus m arquant} on verra Antoine Fayet palier tourà-tour de la plus fombre apathie à des accès de fureur, ôc
de la fureur retomber dans l’apathie ! Courir dans les rues,
crier ou rire fans fu je t, maltraiter les palTans fur les plus lé
gers prétextes , n’entrer dans l’églife que pour y caufer du
fcandale , outrager les objets du culte , fe permettre des ac
tions indécentes , effrayer enfin par fes vociférations ou par
fes menaces ; tels font les traits principaux de fa conduite
depuis 1 7 8 5 , jufqu’à l’époque de fon interdidUon ; le même
défordre règne également dans íes difeours & dans toute
fa conduite.
•Auilî les témoins ne balancent-ils pas fur le jugement
qu ’ils doivent porter de l’état habituel de démence d’Antoine
f a y e t ; ils s’accordent unanimement à le préfenter comm e
un homme entièrement privé de fa raifon, fans aucun in
tervalle lucide, & fans aucun efpoir de rétablifTement. Leur
tém oignage, fondé fur des faits pofitifs, ne fauroit être con
tredit par le filence des témoins de la contre-enquête. C o m
ment oppofer quelques dépofitions vagues ou infignifiantes à
cette mailè de faits qui démontrent la démence d’Antoine
F a y e t, en 1 7 8 5 , 17 8 7 8 c 17 8 8 ? Com m ent placer, dans la
même balance, cette fétie non-interrom pue de faits pofi
tifs , & des préem ptions prétendues de fagefTe évidemment
démenties? Com m ent fe refufer à cet enfemble de preuves,
qui forme le premier caradfère de la vérité ? Soit que l’on
calcule le nombre des témoins , foit que l’on s’arrête aux faits
dépofés , il en réfulte la démonftration la plus complète ,
qu’Antoine Fayet 11e jouiiToit plus de fa raifon en 1 7 8 6 ,
époque de la procuration, & qu’il ne l’avoit pas recouvrée,
ni en 1 7 0 7 , ni en 1 7 8 8 , époque des ventes. L e vœu du
jugement interlocutoire a donc été parfaitement rempli ; la
démence ne peut' plus être douteufe ; & la conféquence qui
en réfulte , n’cft-elle pas la nullité des adles qui furent l’ou
�i8
vrage d’un infenfé ? N ec dubium, dit d’Argentré j contractus
qui cum talibus fiunt j ex toto nullos tjfe.
Par quelle fatalité le tribunal civil du Cantal a-t-il rejeté
cette preuve, 8c fur quels prétextes a-t-il fondé un jugement
auffi contraire aux règles les plus communes de l’ordre judi
ciaire ? Com m ent a -t-il pu , fur-tout , déclarer le curateur
non-recevable dans f a demande? Pouvoit-il ignorer qu’il étoit
lié par un premier jugement interlocutoire , puifqu’il rem plaçoit le tribunal du ci-devant diftrift de M u râ t, qui lavoir
ren du , mais qui n’avoit pu prononcer fur le fond de la conteftation avant la fuppreffion des tribunaux de d iftrid ? Les
juges du Cantal devoient donc ftatuer, com m e l’auroient
fait ceux de M u râ t, fur le mérite des enquêtes refpedtives.
L à fe bornoient leurs pouvoirs : ils n’ont donc pu réformer
le jugement inattàqué du tribunal de M u râ t, fans com
mettre une violation d’ordre , judiciaire qui vicie radicale
m ent leur jugement.
E n vain ont-ils cherché à s’appefantir fur les dangers de
la preuve teftimoniale en cette partie, & fu rlefilen ce de là
fam ille.
C e n’eft jamais qu’avec une extrême répugnance, que des
enfanj fe déterminent à provoquer l’interdi&ion de leur
père ; ils fe flatent que fon état fera p ailàger, & ne veulent
avoir recours au remède néceflaire , mais affligeant, de l’interdidtion , que dans le cas où il ne reftc plus aucun efpoir.
P eut-on conclure de ces ménagemens fi naturels, qu A n
toine Fayet n étoit pas tombé en démence avant fon inter
diction? A vec cette maniéré de raifonner, la preuve de la
démence feroit inadm iilible, & les faits les plus avérés ne
paroîtroient pas fuffifans pour la faire admettre. Q ui peut
douter néanmoins que la preuve teftimoniale ne foit U voie
h plus ordinaire pour arriver à la découverte de la vérité? Il
faut d iftin gu er, avec l ’immortel d’AgueiTeau , les difpofitions d’ un aCte, de la capacité ou de l’incapacité de fon au
teur : les unes fe prouvent par l’afte m ê m e, & c'eft en ce
ftn s que les loix ont interdit la preuve teftimoniale , contre
& outre le contenu aux aûes j l’autre au contraire eft un fait
�19
qui dép en d, comme les autres faits , des dépofitions des
témoins. L a folie , continue d’A guefleau, eft un délit inno
cent , un dérèglement im puni, un défordre purement phyiique; & comme dans les crimes véritables qui bleflent les
loix de la m orale, & troublent l’ordre de la fociété c iv ile , on
ne cherche point d’autre preuve que le témoignage des autres
h om m es, il femble aulÏÏ que dans ce renverfement de l’e fp rit, qui viole les droits de la nature & déshonore la raifon ,
on ne puiiTe defirer de preuve plus naturelle & plus convain
cante, que celle qui réiulte du iuffrage unanime des témoins ,
premiers juges de ces fortes de concertations.
2 0. L a nature d ecesa& e sn e peut être d’une grande confidération, puifque un infenfé n’eft pas moins incapable des a&es
onéreux quedesa& esàtitregratuit; les u n s& les autres exigent
la capacité de celui qui les pafle 3 & cette capacité dérive
d ’une volonté libre & réfléchie. La diftin&ion fophiftique
des premiers ju g e s , entre ces deux fortes d ’a & e s, eft réprou
vée par la loi qui déclare un infenfé dans Pimpuiilance
abfolue de contrafter. Nullum negotium contrahcrt potejl.
3 °. Si le dérangement des affaires d’Antoine F ayet néceflitoit la vente d ’une partie de fes b ien s, il falloit qu ’elle
fût précédée d’une interdi£tion 5c des formalités ufitées en
pareil c a s ; il auroit au moins fa llu , par cette opération,
afTurer la libération du débiteur, & ne pas confommer le
prix de ces ventes en frais inutiles j il auroit fallu vendre
ces fonds à leur véritable valeur , & ne pas donner pour
une modique fom m e de 34 ,o o o livres, des héritages d ’un
prix bien fupérieur ; il auroit fallu fur-tout ne pas confom
mer la ruine d ’une famille entière , en feignant de la libérer.
4 *. La procuration ne peut être confidérée comm e un
a&e de fageiTè : il eft fans exemple qu’un père de fam ille
fe dépouille de l’adminiftration de fes biens j en faveur d’un
jeune homme fans expérience ; qu’il l’autorife à les vendre;
qu’il s’ interdife le droit de révoquer fon procureur conftitué ;
en un m o t, qu’il fe mette volontairement en tutèle, fi fon
état ne commandoit pas cette abdication entière des droits
t a plus- précieux.
�20
5 °. L a qualité du notaire & le filence de la famille ne
forment pas des induâions plus concluantes. L a loi n’ad
m et pas dans un adle un confentement par équipollent ;
l ’incapacité d’Antoine Fayet étant dém ontrée, foit à l’époque
de la procuration , foit à l’époque des ventes ; la préfence
d ’un notaire, beau-frère du ven deu r, ni l’intervention de
quelques parens n’ont pu fuppléer ce défaut de confen
tement.
6°. Les termes de la procuration en décèlent facilement
le m otif. S ’eft-on jamais interdit le droit de révoquer un
procureur conftitué ? des pouvoirs illim ités irrévocables, mettoient le conftituant dans une véritable interdi&ion , fans
avoir l’inconvénient de la provoquer en juftice.
7°. Les pourfuites faites , foit par la femme F a y e t, foie
par les créanciers, prouvent bien qu’Antoine Fayet n’étoit
pas encore interdit en 1 7 8 5 , 17 8 7 & 1 7 8 8 ; mais non
q u ’il jouiiToir de fa raifon aux mêmes époques. O r , la
démence d ’Antoine Fayet étoit l’objet des recherches de la
ju ftic e , & la démonftration de ce fait en a été le réfultat.
8°. Les précautions prifes par les acquéreurs, d ’exiger
le confentement de G uillaum e F a y e t, & de s’éloigner
d ’ AUanche pour la paflTation des contrats, indiquent aiTez
leurs craintes fur la validité de£ aftes: auroient-ils traité avec
le fils d'A ntoine F a yet, Ci le p ère, préfent, & fain d’efp rit,
eût été capable de vendre ? fe fcroient-ils éloignés d’AHanche»
s’ils n’euiTent craint un cti général d’improbation contre ces
actes ?
Les motifs du jugement du 2.5 m eilidor, an 4 , ne
>ê.hent donc pas moins dans le fait que dans le droit. Dans
e d r o it, la preuve teftimoniale de la démence doit être
adm ife , puifqu’il s’agit moins d’attaquer les difpofitions de
l'acte , que la capacité de fon auteur. Dans le fait , un
concours irréfiftible de circonftances & de fuffrages unanimes
des té noins prouvent que la démence d’ Antoine Fayet a
commencé en 1788 , qu’elle avoit fait les plus grands pro
grès en 1 7 8 5 , & q u ’elle étoit parvenue à fon dernier
période en x 787 & 1788.
Î
�1üf1
I
21
Lespremiers juges n’ont pas pu , fans m anquera la juftice
& à la vérité , préfumer qu’Antoine Fayet jouiiToit de fa
raifon aux époques de la procuration & des ventes , &
fur cette prélom ption, démentie par les fa its , déclarer le
curateur à l’interdi& ion, non-recevable dans fa derm nde.
L e s principes, les auteurs , la jurifprudence , la raifon
s’élèvent contre une décifion aulli arbitraire ; & en revenant
au jugement interlocutoire dont le tribunal civ il du Cantal
s’eft écarté fans aucun prétexte , il reftera pour démontré ,
1 °. que la preuve teftimoniale de la démence eft admillible
contre des a&es palfés avant l’interdi£tion ; 2°. que la dé
mence une fois prouvée , la profcription des aétes qui furent
l ’ouvrage d ’un in fe n fé , en eft la conféquence néceiTaire.
A in li la reftitution des objets aliénés peut d’autant moins
fouffrir de difficulté, que le prix des ventes eft intact, ou
dans les mains des acquéreurs, ou dans celles du receveur
des confignations. Par conféquent les intérêts de ces acqué
reurs feront pleinement confervés.
Délibéré à Clerm ont-Ferrand, ce z o v e n tô fe, an
la République françaife.
Signé j
M
a u g u e
5 de
.
L e s s o u s s i g n é s font pleinement de l ’avis ci-deiTus , &c
par les mêmes raifons, ils ne font pas la confultaticn par
ticulière qu’on leur a dem andée, parce qu’après avoir bien
m édité les q ueftion s, ils fe font convaincus de l’inutilité
d’un travail qui n’o ffriro it, fur le fo n d , d’autres raifons de
d écid er, que celles qui font iumineufement développées tant
dans la confultation du citoyen M augue , que dans celle
qui avoit précédé l’interlocutoire.
Paris , le 18 germinal 3 an 5.
Signé
B
i t o u z Îî
db L
ignieres
, C
ournol.
V u u n m é m o i r e pour le citoyen Fayet , curateur à
l’interdiftion d’ Antoine Fayet fo n p è re , enfemble les confultations qui y font jointes ;
L ’ a v i s d e s î o u s s i g n És e ft , que Jean Fayet ayant été reçu
¿/¡I
�t
22
à faire preuve de la démence habituelle de fon p è r e , il
n’étoit pas permis au tribunal civil du département du
C a n ta l, de le déclarer non-recevable en fa demande.
C ’eft une règle certaine, que les juges font liés par les
interlocutoires qu’ils prononcent.
L e feul cas d’exception eft celui dans lequel les fins de
non-recevoir & les droits des parties ont été cxpreflement
réfervés.
T e lle étoit fur ce point la j u r i (prudence du ci-devanc
parlement de Paris.
Quelques autres tribunaux l’avoient adoptée.
Plufieurs la rejetoient.
L a légiilation nouvelle ne la confacre point.
O n pourroit donc élever des doutes fur la régularité de
ce genre de prononciation , s’il n’étoit pas établi que cette
réferve n’a point eu lieu dans le jugement interlocutoire
du 9 fruilidor de l’an 3 .
Les juges ayant reconnu que les faits étoient concluans, il ne reftoit plus qu’à décider fi la preuve en étoit
faite.
En fuivant une autre route , le tribunal du Cantal a
évidemm ent enfreint les règles de l’ordre judiciaire.
Il a , dans fon fyftêm e, multiplié fans nécefiîté les aftes
du procès, & a expofé ainfi les parties à des frais inutiles;
fon jugement doit donc être réformé.
L e moyen d ’appel fera p ris , de ce que le tribunal qui
remplace celui de M u râ t, a été contraire à lui-m êm e, en
n’ayant pis d’égard à une preuve qu’il avoit précédemment
ordonnée.
A u fo n d , comment faut-il confidérer l’a&ion intentée
par Antoine Fayet ?
Quel fera le fort de la procuration d o n n é e , le 5 no
vembre 1 7 8 5 , par Fayet p ère, & celui des ventes confenties en vertu de cette procuration?
L a folution de ces queftions dépend de la jtifte applica
tion des principes de la m atière, aux faits de la caufe.
Les principes ont été parfaitement développés dans la con-
�fo f)
7.3
fultacion du citoyen M augue. Les fouflignés les adoptent;
ils reconnoiiïenc , avec ce jurifconfulte Sc avec tous les
hommes éclairés, que l’interdi&ion de l’infenfé doit avoir
fon effet du jour où la folie s’eft manifeftée.
L a démence , difoit l’avocat général Scguier dans un
plaidoyer rapporté au tome 6 e. de la nouvelle colleétion
de jurifprudence verbo dém ence, § 3 ; « la démence ne
» fe form ant, pour l’ordinaire 3 que par des déclins plus
»* ou moins fenfibles , il eft certain qu’elle a exifté avant
» la fentence d’interdi& ion, & dès-lors il feroic dangereux
» de confirmer tous les aétes qui ont précédé ce juge» ment. »
L ’infenfé eft donc interdit par la nature avant de l’être
>ar le juge : fon incapacité réelle précède fon incapacité
égale. L a loi doit lui prêter fecours depuis le moment où
fa raifon a été obfcurcie ou égarée.
S ’il étoit befoin de citer des autorités à l’appui de cette
dodtrine , on diroit : O uvrez Bourjon , livre premier ,
tom . 6 , chap. 4 >
prem ière, diftinftion 2 , § 70 -,
voy. A ugeard , confulcez ce répertoire, & vous y trouverez
une foule d ’arrêts qui ont établi que la fentence d’interdi& ion d’un infenfé n’étoit que déclarative des erreurs ou
des injures de la nature.
Plusieurs de ces arrêts ont été rendus fur ce réfultat d’une
preuve teftimoniale ; preuve qu’il ne faut pas facilement
admettre quand il s’agit d’une convention, mais qu’il feroit
dangereux de rejeter dans tout ce qui tient à l’état des
perfonnes.
Les préjugés que l’on c ite , ont d’ailleurs banni la diTtinftion que le tribunal a voulu admettre entre les afies
onéreux & ceux à titre gratuit ; ils ont anéanti tout ce
qui avoit été fait par l’infenfé depuis le moment que fon
efprit avoit commencé à être troublé.
Les principes font donc bien connus.
Conviennent-ils aux circonftances du fait?
Sont-ils applicables à l’efpèce ?
D e cette application } de cette concordance entre le droit
Î
,
'
�& le f a it , dépend le fuccès de toutes les conteftations qui
divifent les hommes. E x facto jus oritur.
D écider une affaire par les règles qui lui font propres ,
voilà le grand art du ju g e , le premier de fes devoirs , &
la plus importante de fes fonctions.
Les fouff ignés n’ayant fous les yeu x, ni l’enquête, ni la
contraire - enquête, ne fauroient émettre leur opinion fur
le mérite des preuves.
IL leur eft fur-tout impoff ible de juger s’il eft fuffifamment établi que Fayet père étoit en état de démence avant
la procuration, & à des époques approximatives du temps
où cette procuration fut donnée ; s’il en a entendu la force
& la conféquence , ou fi cet acte eft l’ouvrage de la fuggeftion.
O n ne doit pas fe diffimuler que ces diverfes circonftances
peuvent jeter une grande lumière dans la caufe ; car s’il
eft reconnu q ue Fayet n’avoit plus l’ufage de fa raifon au
m om ent où la procuration & les actes furent confentis, on
ne fauroit tirer aucun avantage de la conduite perfonnelle
de fa famille. L e m ém oire, l’avis du jurifconfulte qui a vu
les pièces, les renfeignemens donnés aux fouffignés , tendent
à établir l’affirmative. Si la preuve ordonnée eft telle qu’on
l ’annonce , la nullité de la procuration & des actes qui
l’ont fuivie , eft une conféquence néceffaire des principes qui
viennent d’être rappelés.
C elui quia perdu en entier l’ufage de fa raifon , n’eft plus
rien dans le monde -, & , félon l’expreff ion d’un ancien ju
rifconfulte , il eft réduit à vivre, pour ainfi dire avec les
hommes dans un tombeau animé.
D élibéré à P aris, le 24 germinal de l’an
S ig n é T
ro n ch et
5.
, P o r t a l is & C a m b a c é r é s .
A P aris, chez B a u d o u in , Imprimeur du C orps légiflatif,
place du Carroufel , n°. 662.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Fayet. An 5?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Maugue
Bitouzé de Lignières
Cournol
Tronchet
Portalis
Cambacérès
Subject
The topic of the resource
démence
abus de faiblesse
nullité
procuration
interdiction judiciaire
témoins
créances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter, et consultation, pour le citoyen Fayet, curateur à l'interdiction d'Antoine Fayet son père, appelant d'un jugement du tribunal civil du département du Cantal, du 25 messidor, an IV ; Contre Jean Savignat, Jean Reynaud, Antoine Boyer, Jean Brugeroles, intimés.
Annotations manuscrites siégé le 8 Messidor an 5, « jugement confirmé, les motifs sont très développés».
Table Godemel : Démence – voir testament : 1. la procuration d’un homme en démence donnant les pouvoirs les plus étendus et les plus extraordinaires, s’interdisant la faculté de révoquer ces pouvoirs, est-elle valable ? les ventes faites en vertu de ce mandat, trois ans après la date, doivent-elles être exécutées, surtout si elles creusent une lésion énorme ? le curateur à l’interdiction qui en a demandé la nullité, est-il recevable à établir, par témoins, que la démence existait avant la procuration ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
chez Baudouin (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 5
1785-Circa An 5
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1107
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1108
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Allanche (15001)
Rights
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Domaine public
abus de faiblesse
Créances
démence
interdiction judiciaire
nullité
procuration
témoins
-
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Text
CONSULTATIONS.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris lecture, 1 du
contrat de mariage de G ilb ert D ucourthial de Lassuchette
avèc Marie-Léonarde Cornudct, du 14 mai 1778 ; 2°. du
contrat de mariage de Marie-Joseph Maignol avec Gilberte
D ucourthial, du 2 avril 1:783; 30. d’un mémoire à con
sulter ;
que , d’après les anciennes et les nouvelles
lois, le premier enfant m âle, issu du second mariage de
Gilbert Ducourthial avec M arie Léonarde C ornudet, doit
avoir, en préciput, le tiers des biens de la succession de
son pèr e , et un quart dans les deux tiers restans.
Gilbert Ducourthial fut marié deux fois. En premières
noces, il avoit épousé Marie - Gabrielle. de. V illette. D e
ce premier mariage issut Giiberte D ucourthial, actuelle
ment épouse du citoyen M aign ol
E
st d’ a v is
A' '
�c o
En 1778 , Gilbert Ducourthial épousa, en secondes
noces, Marie-Léonarde Cornudet,
Par une clause expresse de ce contrat de mariage , il
est dit que Gilbert DuCoürthial y futur époux, institua
héritier du tiers de tous ses biens présens et à venir, l’un
- des enfans qui naîtra du présent mariage ,, et ce par préciput et avantage ; laquelle institution est faite en faveur
de celui ou celle que le& futurs choisiront conjointement,
•par quelques actes que ce soit; ou qui sera phoisi par le
survivant des deux futurs, auquel le droit en appartiendra
par clause expresse, aussi par quelques actes que ce soit ;
et en cas que 7è ch o ix rten ait pas été fia it, ladite ins
titution sera au profit de Taîné des m âles, s’ il y a des
mâles , et, s'il n j a p o in t de mâles., au profit de ïaînée
des filles. , . : • •
D e ce mariage sont issus trois enfans milles. Gilbert
Ducourthial est décédé depuis le mois de juillet 1793.
Marie-Léonarde Cornudet, sa seconde fem m e, étoit dé
cédée plusieurs années auparavant; ni l’un ni l’autre n’ont
fait d’élection. Dans cette circonstance, le fils aîné demande
s’il doit profiter des avantages qui lui paroissent assurés
par le contrat ’de mariage de ses père et mère.
. JL?édit óeVsecòndès noces, d e 'i o, qui ne permet pas
à ceux qui se remarient, et qui ont des enfans d’un premier
■' i
'
•
’1* * ) I ■
î
^‘
lit, de se donner réciproquement aù delà de la portion de
l’enfant le moins.prenant., a!voit fait naîtreJdes doutes à cet
’ s u ¿ i i - ' d r 011 éctit, qu’en faisant
dépareilles iins\ittitiops,V ce rie i&t un moyen de frauder la,
loi; mais la derniére^xjrispruçlchce, fixée par différens ar
rêts, don/: l’un du 29 avril 17 19, et Vautre'du 1.1 août 1740*
56
�3
r , ,>.
rapportés par Laeo-mbe, esfc c|ué de, pareilles dispositions
sont valables.
C’étoit aussiJ la
jurisprudence de la ci-devant
, . ! >») '
Zg.' Ul ' * §
1~ •
sénéchaussée d’Auyergjie. L e dernier commentateur de la
coutume>Jome Ü t it r e
yçage £$4* rap- t
porte.urçe,sentence du mois:<iÎe.ju,in j 773 *qui confirme unô 1
institution d’héritier,-en, faveur des-enfans à naître d’un.second mariage. A in si, en ne consultant que l’ancienne
jurisprudence, il est sans difficulté que l’exposant doit avoir
en préciput, le tiers des biens qui lui a été donné par le
contrat de mariage de ses père et mère : on dit en préciput,
parce qu’il est .de principe qu’ùn don faitde cette nlaniére,
n’est pas sujet à rapport^ même en ligne directe.
Les lois nouvelles ne font pas non plus obstacle à la récla
mation des exposans: on peut même dire qu’elles décident
la question en sa faveur.
. i)
i l est vrai que cTftprôs les dispositions des art» X X t li et
X V II des lois du 17 nivôse et 22 ventôse de l’an 2 , l’élection
laissée au choix de l’un des époux étoit nulle, si elle n’avoit
été faite que le 14 juillet 1789 et depuis, et que tous les héri
tiers présomptifs venoient alors par égalité à la succession
de ci/jus. •
Mais il ne peut plus être question de ces lois, non plus
que de celle du brumaire précédent, puisqu’elles ont été
annuljées, quant à leur effet rétroactif, soit par la loi du
3 vendémiaire de l’an 4 , soit par la nouvelle constitution.
Il faut donc se référer au moment du décès de Gilbert
Ducourtliial, à l’effet de savoir si î\ cette époque, il existoit
quelque loi qui pût empêcher l’effet de la disposition faite
en faveur de. l’exposant-, par le contrat de mariage de ses
père et mère : o r, i l n y avoit pas alors de loi qui eût prosA 2
5
�crit de semblables dispositions, etannuïlé des conventions
contractuelles, faute par l’un des conjoints d’avoir exercé
la faculté d’élire, stipulée dans un contrat de mariage ; et il
n’y en a pas depuis, attendu l’abolition de Teffet rétroactif.
L a loi du 7 mars 1793, antérieure au décès de Gilbert
D ucourthial, abolit, à la vérité, la faculté de disposer de
ses biens, soit à cause de m o rt, soit entre-vifs, soit par
donation contractuelle en ligne directe; mais cette loi, dont
la défense n’est relative qu’aux dispositions futures, n anéantit pas les dispositions qui étoient déjà faites, et n’oblîgeoît point les père et mère à les révoquer : o r , ce n’est
point en vertu d’une disposition faite postérieurement à la
loi du 7 mars 1793., que l’exposant réclame le tiers des
biens de son père, comme un don qui lui a été fait en préciput; il le réclame en vertu d’une' disposition bien anté
rieure à la loi, en vertu d’une disposition respectée et con
firmée même par les lois postérieures.
En effet, l’article premier de la loi du 18 pluviôse der
n ier, porte: « Les avantages, prélèvemens, préciputs, do
t a t i o n s entïe-vifs, institutions contractuelles, et autres:
«dispositions irrévocables de leur nature, légitimement
» stipulées en ligne directe avant la publication de la loi du
« 7 mars 1793? et en ligne collatérale ou entre individus
« non parens, antérieurement à la publication de la loi du
« brumaire an 2, auront leur plein et entier effet, con« formémcnt aux anciennes lo is , tant sur les successions
•t ouvertes jusq’uà ce jour que sur celles qui s’ouvriroient à
« l’avenir ».
L ’avantage ou le préciput dont il s’agit, a été stipulé
dans un contrat de mariage, passé antérieurement à la loi
5
�5
.
(
)
du 7 mars 1793; à défaut d’élection de la part des père et
m ère, ces avantages étoient destinés au premier enfant qui
naîtroit du mariage : il n’y a pas eu d’élection-, les père et
mère sont décédés avant les lois des brumaire et 17 nivôse
de l’an 2 ; par leur décès, l’avantage s’est fixé et est devenu
irrévocable sur la tête du premier enfant mâle; il doit par
conséquent en profiter.
L e père ne pouvoit, dira-t-on, faire un choix postérieu
rement à la loi du 7 mars 1793, puisque cette loi prescrivoit l’égalité entre tous les enfans, dans l’ordre de succéder
à leurs ascendans, et on pourroit en conclure que la dis
position n’étant pas irrévocable de sa nature, ne peut sub
sister : mais cette objection n’est pas fondée, si l’on fait
attention que la loi de 1793 n’interdit que les dispositions
qui pourroient être faites à l ’a v e n i r j qu elle n anéantit pas^
celles qui existoient alors ; qu’elle valide, au contraire, ce
qu’elle n’annulle pas. (A rt. X X V I de la loi du 22 ventôse).
O r, l’avantage dont il s’agit, est assuré à l’exposant, non par
une disposition postérieure à la promulgation de la loi du
7 mars 17933 mais par une disposition bien antérieure, puis
qu’elle remonte au 14 mai 1778 : cette disposition n’ayant
été annullée ni par les père et mère, ni parla lo i, doit donc
avoir son effet, puisqu’elle est devenue irrévocable par les
décès des père et mère avant la promulgation des lois des
brumaire et 17 nivôse de l’an 2.
Cette résolution doit éprouver d’autant moins de diffi
culté, qu’elle a pour principe et pour fondement la dispo
sition de l’article 7 de la même loi du 18 pluviôse dernier.
Cetarticle est ainsi conçu:
« Les élections d’héritier ou de légataire, et les ventes à
5
5
�( 6 -y m
« fonds perdu, qui ont été antiullces par1les art. XXH et?,
« X X V de la loi du 1 7 nivôse, à compter du 14 juillet 178 9 ,
« s o n t ' rétablies dans leur effet pïim itif, si elles ont é té r
» faites par acte ayant date, ¡certaine avant la publication d a r
celadite loi du 17 nivôse ».- :
‘
' V
,
Des termes de cette loi , il résulte évidemment que les
élections d’héritier qui ont été faites antérieurement à la loi
du 17 nivôse, et non à cell&du17 mars 1793, doivent etre
maintenues : ainsi, l’exposant étant saisi de l’effet de l’insti
tution par îe décèsde son père, arrivé avant la publicationde la loi du 17 nivôse , on ne sauroit lui contester légitime-'
ment l’avantage qu’il réclame.
D É L IB É R É à Riôrïi le *4 germinal au
française une et indivisible.
i;!
5
de la r é p u b liq u e
’■
>’
TO U T T ÉE, TO U TTÉE, GASGHOJNT.
. LI£ S O U S S lé N Ê qui a yu la consultation ci-dessus.et"
•i 11 11, I •
'
j •
des autres parts ;
E s t i m e , que
s’il n'est pas impossible de tirer des lois nou
velles, quelques inductions favorables aux enfans du pre
mier lit de Gilbert Ducourthial, les raisons déduites dans la
consultation ci-devant transcrite, doivent contribuer beau
coup ù faire inclinet^n faveur de l'exposant. On peut meme
ajouter aux raisonnerons de la consultation. En effet, en
supposant que par le défaut d’élection, fait antérieurement
�7
C )
à la loi du 7 mars 1793 » disposition ne se fût pas déterminément fixée sur la tête de l’aîné des mâles du second
lit, il est au moins une chose incontestable ; c’est que le
contrat de 1 7 7 8 lia irrévocablement les mains de l’insti
tuant respectivement aux enfans du premier lit. Par ce
contrat, il prescrit irrévocablement que les enfans du se
cond lit ou l’un d’e u x , emporteraient dans sa succession uu
tiers des biens, par préciput et avantage sur les enfans du
premier lit. C’est sous la foi de cette promesse irrévocable
de sa nature, que le second mariage fut accompli ; par
conséquent les enfans du premier lit, n’ont point le droit
d’examiner et de critiquer la prétention de l’exposant.
L a loi du 18 pluviôse dernier, n’a attribué à tous les
'enfans du même père T en se référant à celle du 7 mars
1 7 9 3 , que ce dont le père n’étoit pas dessaisi déjà. Les lois
nouvelles n’ont pas p u , n'ont pas même entendu fairer
plus que ne le pouvoit le père ; or ic i, de même que
Ducourthial père ne pouvoit pas remettre l’égalité entre
tous ses enfans du premier et du second lit , de même les
lois nouvelles ne sauroient la rem ettre, sans avoir un effet
rétroactif.
5
D é l i b é r é à Riom , le 14 germinal an de la républiquefrançaise , une et indivisible.
D E V A I> .
�. MÉMOIRE A CONSULTEE ;
ET C O N S U L T A T I O N .
L , e citoyen T itus s’est marié deux fois ; il a eu de son
premier m ariage, avec dame Marie L a u r e tte , une fille
nommée G ilberte, et de son second, avec Suzanne D ailly,
trois en fan s, Pierre , Jean et Jacques.
Par ce contrat de m ariage, Titus a institué pour son
héritier du tiers de tous ses biens présens et à v en ir, l’ un
des enfans qui naîtroit dudit m ariage, et ce, en préciput
et avantage \ laquelle institution étoit faite en faveur de
celui ou de celle que les futurs choisiroient conjointement,
par quelques actes que ce fût, ou qui le seroit par le sur
vivant des deux futurs époux, auquel le droit en appartiendroit par clause expresse , aussi par quelqu’acte que ce
fût ; et dans le cas où le choix n’en ait pas été fa it, ladite,
institution projiteroit à rainé des mâles ; et s’il n y a pas
de inâles , à l’aînée des filles. Telle est la clause portée par
ledit contrat qui est du 14 mai 1778.
L e père commun a marié sa fille unique du premier lit,
et par son contrat de mariage antérieur à la révolution,
il lui a constitué en dot une somme de 1 ,000 liv., payable
en cinq termes de 3,000 liv. chacun, de deux en deux
ans , sans intérêts qu’à défaut de payement terme par
ternie i
5
�( g ) ' '
terme ; et moyennant' cette i constitution , il fut stipulé
qu’elle demeui'eroit forclose idei toutes successions directes
et collatérales de l’estoc paternel, sous la réserve qu’il fit
de la rappeler auxditessuccessions par quelqu’acte que ce
fût : cet acte est de 1783. r
T itu s, père com mun, est mort le 27 juillet 1793; la
mère est morte avant,.sans avoir fait de choix de l’un des
enfans. Il s’agit maintenant de savoir, i ° . : si cette insti
tution contractuelle est valable en faveur des enfans du
second lit;
"
1 ■ :i \>
i °. Si, en le supposant, n’y ayant pas eu d’élection de la
part des père et m ère, c’est l’aîné mâle qui doit en pro
.....:
'
fiter;
3°. Quels sont les droits de la fille du premier lit dans
la succession du père com m un? la forclusion prononcée
contre elle doit-elle av o ir son elfet ?
Enfin , y ayant des enfans mineurs, quelle doit être la
forme du partage?
C O N S Ü LT ATION.
:
l'i
. 1
;
'
;
1,
I
* . .
■
-i i
>
•
T
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , q u ia lu les deux
contrats de mariage dont il s’agit,
E s t i m e , sur les questions p ro posées,
i°. Que l’institution contractuelle, faite par un père dans
son second contrat de mariage au profit des enfans à naître
d’icelui, est valable et doit avoir son exécution.
B
�C *0 ÎJ
Dans le principe, cette question a partagé les auteurs,
et il paroît qu’elle a été diversement jugée par les tribu
naux.
Ceux qui ont soutenu qu’elle étoit n u lle, se sont fondés
sur ce que les enfans du second lit,, n’étant encore sus
ceptibles de la part de leur père et m ère, ni d’am our,
ni de haine, les dispositions que l’un des conjoints fait"
en leur faveu r, ne sont censées faites qu’en contemplation
de l’autre conjoint; on présume que, ne pouvant lui donner
directement au delà d’une portion d’enfant, l’on a voulu
éluder la loi par une disposition indirecte, et que d'après
l’édit des secondes noces, Von ne pouvoit donner aux
jîères, mères et enfans du second mari ou autres personnes
par dol et fraude interposés.
Une fem m e, dit Chabrol, qui ne peut pas profiter de
ces libéralités p o u r elle-même, n’a pas moins d’empresse
ment à les procurer u ses enfans íi naître •, s’ils lui survi
vent , ils ont ce que leur mère n’auroit désiré avoir que
pour eux ; et s’ils lui prédécèdent, elle peut retrouver
souvent, dans leur succession, les biens qu’elle leur a
procu rés.
Les partisans de cette opinion citent à son appui plu
sieurs arrêts: le prem ier, du mois de novembre i
,
rapporté par Montholon.
L e second qu’on trouve dans Soefve, du 18 juillet 1645.
Un troisième recueilli par Brodeau sur L o u e t, L . N.
somm. 3 , du 3 août 1647.
L e quatrièm e, qu’on trouve au journal du Palais ,
du 7 septembre 1673.
Enfin, celui connu SOus le nom de Laparra, du i&
588
�( ” )
tnai
rapporté pav l’Epine- d e . Graînvilie. T o u s,
dit-on, ont annullé des dispositions faites en faveur des
€nfans à naître d’un second mariage.
Mais si l'on se donne la peine d’entrer en connoissance
de cause de ces jugemens, on s’aperçoit bientôt qu'ils
sont rendus sur des circonstances particulières,, et n’ont
aucune application à l’espèce qui se présente ici.
D ’abord celui de M on tholon , d’après Rousseau de
la C om be, n’a pas jugé la question. « Il s’est tro u v e ,
« dit-il, verbo Noces, qu’il s’agissoit d’une donation faite
« non à des enfans d’un second l i t , mais à des colla« ter aux. »
’
Celui de t6^S paroît avoir jugé qu’une mère remariée
n’avoit pu donner aux enfans du second niariageses meubles
et acquêts , et le quint de ses propres, au préjudice des enfans
du premier lit, d o n t la légitime n'avoit cependant pas été
blessée; mais indépendamment de ¡’injustice évidente qui
paroît en résulter, il est rendu pour une coutume dillerente de celle-ci, où les pères et mères ne peuvent succéder
aux propres de leurs enfans.
,
Celui de 1647 se trouve dans tous les recueils; il fut rendu
consultis classibus ,• il annulla une donation contractuelle,
faite au profit d’en fans à. n aître, par une femme qui se
remarioit; maisBrodeau, qui le premier l’a recueilli, dit
que cette donation étoit tout-à-fait extraordinaire, injuste
et barbare, étant faite à l’exclusion perpétuelle des enfans
du premier lit, au point qu’à défaut deniansdu second
lit, les collatéraux étoient appelés.
Il n’est pas étonnant qu’une pareille disposition ait été
annullée ; l °. elle étoit faitaaô irato, et 20. comme l’ob-*
J3 3.
�( 12 )
serve Chabrol, il est évident que le mari avoit été le seul
objet de cette libéralité ; et cela est si v r a i, que la donation
contractuelle en contenoit une clause particulière, puis
qu’il y étoit d it , suivant Brodeau, qui le rapporte et qui
le connoissoit bien, puisque l’arrêt fut rendu sur le rapport
de son gendre, « et au cas qu’il n y ait pas d’enfans , lesdits
« biens appartiendront audit sieur de Saint-M artin seul,
» qui étoit le futur ép ou x, et au x sien s, sans que les enfans
« du premier m ariage, n i les héritiers de ladite fu tu r e y
« puissent rien -prétendre n i demander, sinon que ladite
« G uilbou,' s i elle s u iv it, auquel cas elle jou ira desdites
« acquisitions sa vie durant seulem ent, et après retour« lieront au x héritiers dudit sieur de Saint-M artin. »
L ’arrèt de 16 73 , a bien aussi annullé une donation faite
aux enfans à naître d*un second mariage,- mais elle avoit
pour principal objet la femme ; c’est ce que soutenoit les
défenseurs des enfans du premier lit : « a u jiiitp a rticu lier,
« disoient-ils, ainsi qu’on le lit dans les auteurs du Journal
« du palais, il est certain que la donation dont il s’agit, est
« moins faite aux enfans qu’à leur mère ; c’est le fruit de ses
« charmes et de ses caresses : la passion extrême qu’avoit
cr'pour ellelesieurde Tersam , a été colorée d’une affection
« apparente pour une postérité qu’il ne connoissoit pas, et
«■
qu’il ne pouvoit encore aimer, »
Gela est si vrai que Rousseau de la Com be, qui rapporte
auSsi cet arrêt, tyerboNoces, s*en fait un moyen pour prou
ver que les enfans communs,¡nés’ou à naître, ne sont point
compris dans la proliibition, pourvu qu ils n aient servi
de prétexte pour donner au secoiid conjoint.
Enfin j l’arrêt de 1738 de-Laparra, a été rendu en paya
�( 13 ^
de droit écrit, où la mère succède à son enfant ; en sorte
que l'on pouvoit dire que la disposition étoit faite en fa
veur de la femme, puisqu’elle pouvoit en profiter.
Mais l’espèce qui nous divise est bien différente ; les
parties et leurs biens étoient régis par une coutume qui
exclut les ascendans de la succession desdescendans, et qui
donne la préférence aux collatéraux du centième degré
sur eux; ils ne peuvent succéder que quand il n’y a aucun
parent de la ligne. Cette coutume est même si contraire
aux ascendans sur le droit de successibilité ; qu’elle rend
propre, pour l’empêcher, ce que toutes les autres coutumes
déclarent acquêts, et ce que celle-ci rend acquêt pour tout
autre parent que les ascendans; ainsi il faut faire une grande
'différence en matière d’institution contractuelle, en faveur
des enfans à naître d’un second m ariage, entre le pays de
droit <?crit, et celui de coutume.
Dans le prem ier, la seconde femme peut être Fobjet de
la libéralité d’un m ari; mais jamais elle ne peut le deve
nir dans le second, puisqu’elle ne peut succéder aux enfans
dudit mariage, ni aux descendans d’eux, à moins qu’il nry
ait aucun parent de la ligne ; et dès lors la prohibition ne
peut plus exister, puisqu’il n’y a plus d’intéressé.
Mais ce n’est pas seulement avec des raisonnernens tranclians qu’on veut écarter les préjugés que l’on vient de
discuter; la jurisprudence, en faveur de la validité de pa
reilles institutions, est irrévocablement formée , soit par
les anciens arrêts qui ont jugé la question in terrninis, soit
par les nouveaux; et la presqu’universalité des auteursf
n’hésitent pas de la consacrer par leur opinion bien pro*noncée.
�>4
, (
) .
L e premier arrêt qui ait admis l’insti liât ¡ou d’héritier en
faveur des enfans à naître d’ un second mariage, est rapporté
par Chopin, liv. 3 »chap. i er-tit. ie r. Sur la coutume d'An
jou , e n date du 7 septembre 1575.
L e second, du 19 juillet i 65 g , rapporté par R icard ,
T r a i t é des Donations, partie 3 , n°. *243, et par l’au
teur du Journal du Palais, a confirmé une donation faite
à des enfansànaître, par un troisième contrat de mariage :
c’est l’arrêt des Lagrange. On demandoit la réduction de
la donation, conformément à l’édit des secondes noces. La
disposisiori fut confirmée pour le tout. ■
L e troisième se trouve au Journal des audiences, sous
la date du 29 avril 17 19 ; il fut imprimé dans le temps. Il
a déclaré valable une institution contractuelle, faite en faveurdesenfansà n aître, par un second contrat de mariage,
par Jean Chaussard de Felletin, en Marche.
• Le quatrième est intervenu le 11 août 1740, au rapport
de M. Bochard de Sarron. Il est rapporté par la Com be,
verbo Noces. Dans l’espèce de cet arrêt, Jacques de Gagnou
de V ilè n e , lieutenant général des armées, âgé de soixantequinze ans , qui avoit un fils du premier lit , convolant eu
secondes noces avec dame Claude-Antoinette Dassé, avoit
donné auxenfansdece futur mariage tout ce que la coutume
du Maine lui permettoit de donner à ses enfans puînés. La
donation a été confirmée en faveur des enfans du second
mariage , quoique la dame Dassé eût la garde~?iuble de
ses enfans.
Rousseau de la Combe annonce en thèse générale, que
celui qui se remarie, peut donner ¿\ses enfans du second lit;
et qu’il faut tenir pour constant que les enfans communs,
�15
c
)
nés ou à naître, ne sont pas compris dans la prohibition,
pourvu qu’ils n’aient pas servi de prétexte pour donner
au second conjoint; mais que quand c’est la femme qui
se remarie en pays de droit écrit, la donation est suspecte,
à cause de la puissance paternelle.
En effet, les lois romaines, ni l’édit des secondes noces,
n’ont pas défendu les donations des pères et mères, en
faveur de leurs enfans communs ; et comme c’est une loi
pénale, on ne peut pas l’étendre d’un cas à un autre ; il
faut au contraire la restreindre, sur-tout quand elle est
une exception au droit commun. T o u t le monde connoît
les motifs qui donnèrent lieu dans le temps à rendre l’édit
des secondes noces. C ’étoit une dame d\Alègre, quiavoit
sept enfans de son premier m ariage, et q u i, en se rema
riant , avoit donné presque tous ses biens à son second
mari. Cette loi prohibitive est donc une exception au droit
commun qui permet de faire la condition d’un enfant
meilleure que celle de l’autre ; elle a été introduite par des
considérations d honnêteté publique, qui ne peuventavoir
pour objet les enfans communs des deux époux.
« Il seroit étrange, » disoit l’auteur du Journal du palais,
dans la cause jugée par l’arrêt de 1673, «que les législa« teurs qui se sont particulièrement attachés à former des
« obstacles aux secondes noces, n’eussent point parlé des
« enfans, s’ils eussent prétendu les comprendre dans la
« prohibition ; mais ils n’avoient garde de penser à eux ; il
« y en a deux raisons sans réplique. *
« La première est, que ce sont des sujets innocens que la
«loi doit protéger, puisque, autorisant les secondes noces,
«elle laisse par une conséquence nécessaire, les enfans qui
�Cl6)
« en naissent, dans la possession du droit commun ; c’est-à-.
« d ire , que comme ces enfans ne sont pas encore au monde,
« et néanmoins y doivent venir par une voie légitime , la
« loi ne peut pas avoir pour eux de l’indignation, qu’elle ne
r fonde jamais que sur un démérite naturel ou moral.
« La seconde raison est, que l’ordonnance ne peut com« prendre les enfans communs dans la prohibition, que par
cç les mêmes motifs q u iy ont donné lieu, savoir, en faveur
k de l’honnêteté publique, et par la crainte de la suggestion ;
« mais il ne se rencontre rien de tout cela dans la qualité
et innocente des enfans, et sur-tout dans des enfans à naître,
<rqui n’ont que le suffrage de la nature qui parle pour eux,
« Il ajoute que presque tous les docteurs avoient décidé,
« que la loi fiâc ed icta ti, et l’édit des secondes noces , ne
« concernent point les enfans communs.
« Car d’opposer que les enfans à naître ne peuvent avoir
cç excité la libéralité des pères et mûres, par leur mérite, par
trieur sexe, ou par quelques autres qualités; c’est ignorer
c que les enfans étant la fin du mariage, il est assez naturel
« que leurs pères et mères pensent à eux avant leur nais-»
« sance, et qu’ils se les représentent , comme s’ils étaient
«effectivement nés; de là vient que dans les clauses des
cf contrats de m ariage, les enfans à naître ont ordinaire« ment la meilleure part. »
Brodeau sur L ou et, lettreN , somm. 3 , n°. 12, a traité
également cette question: « Aucuns de nos docteurs fran
ç a i s , dit-il, tiennent que la prohibition de l’édit des
« seconds noces a lieu , non seulement à l’égard des con« joints , mari ou femme , mais encore clés enfans du
« premier ou du second mariage....... Mais néanmoins il
« est
�*7
(
)
« est indubitable , que cela ne doit avoir lieu qu'à Tégarà
« des enfans du premier lit de l’un des conjoints, qui
«sont censés et réputés une seule et même personne avec
ce leurs père et mère , el qui est dans la prohibition de l’édit
«et non des enfans communs issus de leur mariage, qui
« sont capables de recevoir toutes sortes d’avantages,
« s a iif la légitime au x enfans du premier l i t , si la cou« tume ne dispose du contraire; la présomption naturelle
« étant que la mère faisant la donation, est plutôt portée
« par l’affection de ses enfans que de son mari ; ou si elle
« le considère, c’est comme père, et non comme mari.
Cujas sur la loi hâc edictati, inprincipio cod. desecundis
nuptiis, que Brodeau rapporte, décide cette question dans
les termes les plus formels : «■potest vidua dare, non pro« vrgno sedjîlio comjnuni, nato cx> secundîs nuptiis : licet
« sit eadem ratio , non tamen ulem jus , (juia jilio com« m uni ut donct mater naturalis affectio fa c it provigno
« ut do net noverca, maritalis ajfectus J 'a c it, non certè
« novercalis ; provignurn non semper accipiarn pro per« sona supposita, sed excogitalam fraudem edicto inspi« cahor in provigno , non in filio communi. »
Brodeau cite les deux arrêts de i5c)5 et de 1626, qui
ont confirmé de pareilles donations.
Lebrun , traité des successions, liv. 2 , chap. 6 , srct. i ro. f
distinction 2, est du même avis: ce L e second conjoint, dit« il, est la première personne prohibée, et nulle autre ne
«• l’est qu’à cause de lu i.........On demande si les enfans du
« second mariage sont compris clans cette prohibition, et il
« semble qu’ils n y sont pas compris: car, si d'un côté on les
« considère comme les euians du second conjoint, de l’au»
G
�( i8 )
« tre, on les peut regarder comme les enfansde celui qui a
« passé en secondes noces, et comme des objets légitimes
« de ses libéralités ».
« Si les enfans de celui à qui il est défendu de donner, sont
« dans la prohibition; aussi rien n’est plus légitime que de
« donner à ses propres enfans......... Il faut prendre en
t<toutes choses, autant qu’il est possible, l’interprétation
« la plus favorable; o r , il est bien plus favorable de dire
« que ces donations‘se font par la charité du sang, que
« de dire que c’est par l’effet des suggestions-----Aussi nos
« docteurs, entr’autres M . Cujas, sur la loi hâc edictati,
« cod.de secund. nupt. ayant agité la question, ont été d’avis
« que ce cas n’étoit pas compris dans l’édit; ce que j’estime
« devoir avoir lieu , pourvu que les enfans n’aient pas
« servi de prétexte pour donner au second conjoint. S i
« color nonjfuerit quœsitus , comme dit la loi item si y y
«ff. de sénat. Maced. et particulièrement p o u r l’espèce
» la loi suspitius 49 ’ .lf' (^e d°nat' item si color Del
« titulus, ut sic dixerim , sic donationi quœ situs, n ih il
« valehit traditio ; id e s t, s i hoc exigit u xo r} ut ahquul
a ex ea re intérim commodi sentiret maritus ».
Lebrun dit ensuite que la donation faite par une femme
qui se remarie en pays de droit écrit est suspecte, parce
qu’en donnant aux enfans de son second mariage, elle
donne à son second mari, h cause de la puissance pater
nelle; mais que hors ce cas particulier, les donations
fa ite s aux enfans com m uns} ne sont pas réputées com
prises dans Cédit.
Enfin, le dernier commentateur delà coutume d’A uver
gne, traite aussi cette question dans le plus grand détail,
�C t9 )
et après avoir rapporté les arrêts pour et contre que nous
avons cités, il dit que la dernière jurisprudence -paraît
décisive pour la validité de ces dispositions.
1 « Les arrêts, dit-il, de 1719 et de 1740, ont fixé la juris
te prudence, et celui des Laparra de 1736 ne la détruit pas,
« puisqu’il est dû à la circonstance particulière du choix
« laissé à la seconde fem m e; elle est sur-tout favorable
« dans cette coutume où les père et mère ne peuvent
« pas succéder à leurs en fa n s, même dans le mobilier
«venu des successions et donations en ligne directe, et
« où les dispositions en faveur d’en fans à naître sont assez
« fréquentes ; l’édit des secondes noces, en déclarant les en« fans personnes prohibées, ne s’entend que des enfans déjà
« nés des conjoints , avec qui le mariage se contracte , et il
« suifit que la disposition puisse s’appliquer Ad autres causes
« que l’impression du c o n jo in t, pour q u ’elle doive avoir
« tout son effet. On doit plutôt rapporter la disposition à
« des motifs purs qu’à des causes illégitimes, quand ils se
« combattent. Il est difficile d’ailleurs de concevoir, com« ment un second mari pouvant profiter directement au
« moins d’une portion d’enfant, selon l’édit, ses enfans
« à naître scroient dans une plus grande prohibition que
Cc lui. Il nous semble donc que la règle générale est pour
« la validité de la disposition, sauf les exceptions légitimes
« dans des cas où il est visible que le donateur n’a eu d autre
« motif que l’impression et la suggestion du nouveau con« joint ou la volonté de l’avantager lui-même.»
Ainsi donc , il faut tenir pour constant que la disposition
du tiers de leur fortune , faite par les père et mère du
consultant dans le second contrat de mariage du premier
G 2
�C 20 )
en faveur de l’aîné des mâles à défaut de choix, est inat
taquable. Ce n’est pas la mère qui se remarioit, c’est le
père. La mère ne pouvoit profiter directement ni indirec
tement de la disposition, puisqu'on cette coutume, ni l’un
ni l’autre ne pouvoient succéder à leurs enfans au préjudice
de la ligne collatérale : la puissance paternelle n’étoit ici
pour rien, puisque la femme n’avoit pas d’autres enfans,
et que par conséquent elle ne disposoit pas à leur préju
dice, Enfin il ne se rencontre dans l’espèce aucun prétexte
pour annuller une disposition permise dans tous les temps ÿ
les enfans du second lit n’ont pas servi de canal pour avan
tager l’un des conjoints, puisque dans aucun cas, ni l’un ni
l’autre ne pouvoit leur succéder. Il ne s’agit pas ici d’ailleurs
d ’une disposition universelle ; mais seulement du tiers de
la succession au profit du mâle et au préjudice seulement
d’une fille du premier lit, avantage habituel que toutes
les familles faisoient au profit des nulles , à l’exclusion des
filles que la loi déclaroit forcloses, quand elles étoient
mariées par père et mère»
T o u t concourt donc, on le répète, à rendre cette dispo
sition inattaquable. Le droit d’é lire , accordé au survivant,
dans le cas où il n’auroit pas été exercé du vivant du prédé
cédé, ne change rien à cet te décision, parce qu’il n’en résultoit au profit de la femme aucun avantage, puisque d’ailleurs
elle pouvoit mourir la première, ce qui est réellement
arrivé , et que sa survie ne l’auroit pas rendue plus parti
cipante de la disposition du mari.
11 y a même plus, c’est q u e, sans les nouvelles lois, le
consultant n’en am-0it pas moins exclu sa sœur du premier
lit, parce qu’elle étoit forclose, moyennant la dot à elle
�f « J .
constituée, et qu’elle ne pouvoit venir à la succession de
son père sans y être rappelée \ et si les nouvelles lois ont
produit cet effet, l’on ne peut rien conclure de cet événe
ment qui ne peut être rétroactif, contre la disposition anté
cédente qui a transmis à l’aîné maie du second lit , une
succession qu’il auroit eue dans les anciens principes, sans
le secours de la disposition.
S e c o n d e
Q u e s t i o n .
N ÿ ayant pas eu d'élection, tous les eirfans du premier
et du second l i t , doivent-ils profiter de la disposition>
ou appartient-elle à Taîné mâle ?
Cette question peut avo ir été controversée dans les temps
voisins de la loi du 17 nivôse an 2 , dont l’effet rétroactif
avoit tourné les têtes \ mais elle ne peut pas en faire une
aujourd’hui.
L ’art. X X III dit bien que dans le cas où un époux dé
cédé , «r avant ou depuis le 14 juillet 1789, auroit conféré
« au conjoint survivant, la faculté d’élire un ou plusieurs
« héritiers dans ses biens, l’élection, si elle n’a eu lieu que
«le 14 juillet 1789 ou depuis, demeure nulle et de nul
« effet; et tous les héritiers présomptifs, au préjudice dés
ir quels elle auroit été faite, sont, nonobstant touteexclu« sion, appelés à partager la succession de la meine manière
r et par les menies règles que celles ouvertes depuis et
« compris le 14 juillet 1789. >3
L ’article suivant porte : « Tous actes portant institution
« nominative d’un héritier, néanmoins subordonnée au cas
�; c 20
& où un tiers ne disposeroit j>as autrement des biens com« pris en la même institution , sont nuls et de nul effet, à
«daterdu 14 juillet 1789, si ù cette époque le droit de
« l'institué n’étoit pas devenu irrévocable, soit par le décès
« du tiers, soit par transaction authentique passée aveclui. o
; jVlais, i° . cette loi né petit avoir d’effet rétroactif; les
lo is des 9 fructidor an 3 , 3 vendémiaire an 4 , et 18 plu
viôse an , ont confirmé toutes les dispositions irrévocables
de leur nature, faites avant la publication de la loi du 7 mars
ï 793, qui a défendu toute espèce d’avantage en ligne directe,
•ainsi que les élections faites avant la publication de la loi du
17 nivôse an 2.
L ’article V II de la loi du 18 pluviôse an , porte :
« Les élections d’héritier ou de légataire, qui ont été
« annullées par l’article X X III de la loi du 17 nivôse
ce an 2 , à compter du 14. juillet 1789, sont rétablies dans
« leur effet prim itif, si elles ont été faites par actes ayant
« date certaine avant la publication de ladite loi du
5
5
17 nivôse. »
Ainsi a disparu l’effet rétroactif et désastreux de cette
dôrnière loi.
>
Dans l’espèce particulière, la succession s’est ouverte
avant cette loi. La mère est m orte avant la révolution ,
et le père, le 27 juillet 1793 : la loi du 17 nivôse n’a
donc pu avoir aucune influence sur cette succession; il
faut juger l’institution dont il s'agit, par les anciennes
lois qui la donnent à l’aîné mâle.
L'on n’a pas oublié qu’à défaut cVélection , rétoit lui
qui étoit appelé à la r e c u e i l l i r ; et la mort du père, sans
l’avoir faile, équivaut à. uu acte qui la contieudroit,
k
�(
)
Ces principes anciens n’ont point été altérés par les
nouvelles lois, parce que la succession s’est ouverte avant
et dans un temps utile ; et on peut d’autant moins les
révoquer en doute, qu’ils sont attestés par tous les auteurs,
et sur-tout par R icard, traité des donations , partie i re. f
chap. 3 , section 12, n°. 5yz et suivans. Cet auteur traite
la question de savoir si les legs laissés à la volonté d’un:
tiers, sont valables, et il distingue entre ceux qui dé
pendent absolument de la volonté de ce tiers pour les
faire subsister ou les annuller, et ceux dont le choix du
légataire dépend seulement de ce tiers, comme dans l’espèce.
« Le premier exem ple, d it - il, est au cas que l’élection
« qui est laissée à un tiers par le testateur, ne regarde
« pas la substance du legs qui est certain et fait au profit
« de quelqu’u n , mais seu lem en t le c h o ix de la personne
a entre u n certa in n o m b r e , ou de la chose léguée entre
« plusieurs choses qui sont désignées, ou du temps ; et
« pour lors le legs est valable. N ec enim in arbitrio
« ejus qui 7'ogatus e s t, positum est onuiino, an velit
« restituere , sed qu i potius restituât. »
En conformité de cette opinion, il a été jugé ù l’au
dience de la grand’eham bre, par arrêt du 18 mai 1687,
que ce n’est pas laisser à l’arbitrage d’autrui,' quand le
testateur, après avoir fait un legs constant et déterm iné,
laisse à la volonté de son héritier de choisir entre les
personnes désignées : cet arrêt est rapporté dans le journal
des audiences.
« Ricard ajoute que l’expérience a fait connoître que
« ces sortes d’institutions étoient d’un usage fort fréquent
« au moment où il écriyoit, particulièrement dans le
�( 24 )
et pays de droit écrit, où les maris et femmes ont cou« (unie de se déférer entr eux cet honneur, de laisser
« au survivant la liberté de choisir un h éritier uni
té versel entre leurs enfans ; ce q iiils pratiquent par le.
ce p rin cip e une sage politique , et afin de transmettre
ce toute la puissance entre les mains de celui qu i survit,
» <it lu i conserver, par ce m oyen , le respect de «scs
>5 enfans. »
L ’on voit donc que les principes anciens valident l’ins
titution dont il s’agit.Les mêmes principes veulent que si l’auteur de la dis
position avoit prévu le cas où le tiers, chargé d’élire,
ne feroit pas de choix , et s’il avoit nommé lui - même
éventuellement mi des éligibles pour recueillir sa dis
position , & défaut d’autre c h o ix , sa nomination condi
tionnelle et éventuelle devenoit pure et simple par l’ex
tinction du droit d'élire, ou par la m o r t du chargé de
cette élection, sans l’avoir faite.
E nfin, les nouvelles lois , au lieu de contrarier les
anciennes sur ce p o in t, ne font que les confirmer ; la loi
du 17 nivôse avoit bien annullé toutes les dispositions de
ce genre, antérieures au 14 juillet 1789; mais l’on a vu
que l’article V II de celle du 18 pluviôse an , avoit
rétabli toutes celles faites par actes ayant une date certaine
avant la p u b l ’Cation de la loi du 17 nivôse : ainsi l'élection,
auroit pu valablement être faite jusque - là , et par la
même raison , l’aîné mâle avant été désigné pour la
recueillir, à défaut d’élection d’un antre , doit en profiter,
comme s i, avant sa m ort, le père l’eût choisi de nouveau.
JNous trouvons encore cette question décidée dans im
rapport
5
�5
f»
)
rapport fait ail nom d'une commission, par le citoyen
•Bergier, le 13 ventôse an 7 ; un article du projet de
Résolution par lui présenté, porte que si l’auteur de la
disposition avoit prévu le cas de non-élection de la part
du tiers qu’il en avoit chargé, et s’il avoit nomme un
héritier ou légataire pour recueillir à défaut d autre choix,
sa nomination, conditionnelle dans le principe , est de
venue pure et simple par l’extinction du droit d’é lire ,
et l’héritier ou légataire spécialement nommé pour le cas
p r é v u , a recueilli seul le bénéfice de la disposition.
En dernière analise, on ne voit pas pourquoi la fille
du premier lit viendroit contester au consultant ce foible
avantage; car quand le défaut d’élection le lui âuroit
en levé, ce qui n’est pas même pr o p o s a b le , elle n ’en seroit
pas plus avancée, parce q u ’elle n’en profiteroit pas, mais
bien les enfans du second l i t , parce qu’étant seuls ins
titués et seuls éligibles, le défaut d’élection ne profiteroit
qu’à e u x , et non à la fille du premier lit qui n’étoit pas
dans cette classe,
§.
T
r o i s i è m e
III.
Q
u e s t i o n
.
Quels sont les droits de la jïlle du premier h t ?
Cette fille a été forclose par son contrat de mariage;
mais la loi l’a relevée de cette forclusion. L e père n’est
mort qu'en juillet 1793; à cette époque, la loi du
8 avril 1791 et celle du 4 janvier 1793» avoient frappé,
et elle est appelée à recueillir, ea rapportant ce qu’elle
D
�(26)
a reçu , sa portion des deux tiers de la succession ah
in testa t, qui seront divisés entre tous les- enfans par
¿gale portion : cela ne peut pas faire de difficulté. Elle
rapportera aussi la moitié de son trousseau; mais ce qu’elle
prendra dans la succession sera dotal, parce qu’une clause
qu’on trouve à la fin de son contrat, porte que tout ce
qui lui échoira sera dotal; si elle ne peut pas les rap
porter , elle prendra moins, et les auti’es héritiers feront
les prélèvemens de d ro it, de manière que l’aîné mâle ait
la moitié de toute la succession paternelle, et les trois
autres, par égalité, l'autre moitié : chaque lit prélèvera
aussi, avant partage, la dot de la m ère, et chacun sup
portera , au prorata de son émolument, les autres dettes
de la succession. Exemple : supposons la succession du
père de 230,000 ir , y compris le rapport des 1 ,000
la portion de l’aîné mule sera de 1 1
parce que
le tiers de 230,000
est de 76,666 *t~
J 4 ^ , et que
le quart, dans le surplus, est de 38,333 ^ 6^ 8 ^ ; en sorte
que la fille du premier lit, conservant les i ,ooo
argent,
n’aura p lu s, en b ien s-fo n d s, que 22,333 ^ 6 ^ 8 ^ ..
Comme les deux enfans puînés du second lit sont mineurs^
le partage doit etre fait en justice, et provoqué par un
majeur; il ne pourroit avoir lieu sans cela.
5,000
5
5
D é l ib é r é à Clerm ont-Ferrand, le 19 nivôse an 9^
B O Y R O T , D A R T IS -M A R C IL L A T .
Je suis du môme avis, et par les mêmes raisons.
P IC O T - LA C G M BE ..
�27
(
)
L e soussigné, qui a lu la consultation ci-dessus, est
du même avis; les motifs qui lui servent de fondement
sopì trop auipk\n>entdiscutés cUns-cette^onsultation, pour
qü’il-sok nécessaire d’y rien ajouter. Ce qui est décisif
eu faveur du consultant, c’est que sa mòre avoit prédécédé
son père, et que celui-ci est décédé le 28 juillet 1793»
et qu’ainsi son droit à l’ institution, ¿toit acquis avant la
loi du 17 nivôse an 2.
D é l i b é r é à R io m , Je jE2 pluviôse, an 9 de la r é
publique.
r
tquttée.
L e soussigné est du même avis sur tous les points, et
par les mêmes motifs.
D é l i b é r é à R io m , ,1e a ye^itôse, an 9 de la répu
blique.
PAGÈS.
*
L e soussigné est du même avis, par les mêmes motifs,
en ajoutant que cette question ne peut être décidée que
par les principes de l’ancienne législation, encore en
vigueur à l’époque dç l’puverture de la succession.
L e 22 ventôse an 9.
MAU G US*
�(i8)
Q U E S T I O N S PROPOSÉES.
CjX il e e r t D U C O U R T H IA L , veuf de Marie de Villette,
contracta un second mariage le 14 mai 1778} il avoit
une fille unique d’un premier mariage.
Trois enfans sont issus du second.
Gilbert Ducourthial est décédé le 27 juillet 1793 5 s&
seconde femme étoit morte avant lui.
Les quatre enfans des deux lits ont survécu et vivent
encore.
Il s’agît de irégler leurs droits respectifs sur la succes
sion de leur père c o m m u n .
Jean-Baptiste-Gilbert Ducourthial de Lassuchette, fils
aîné du second lit , croit, avoir droit de prendre, dans
cette succession,, un tiers en préciput et avantage sur ses
co-héritiers, et de partager avec eux les autres deux tiers
par égalité ; ce qui lui attribueroit la moitié de la suc
cession entière ; il fonde sa prétention sur la clause du
contrat de mariage en secondes noces, de G ilbert, son
p è re , du 14 mai 1778 , dont la teneur suit :
*
Ledit. . . . . . futur ép o u x , en faveur du présent
« m ariage, a institué et institue héritier du tiers de tous
« ses biens présens et à ven ir, Vun des erifans qui naîtra
« du présent mariage , et ce par préciput et avantage f
« laquelle institution est faite en faveur de celui ou.celle« que les futurs époux choisiront conjointement, par-
�*9
.(
)
a quelques acïes que ce soit, ou qui sera choisi par le
« survivant des deux fu tu rs, auquel le droit en appar» tiendra, par clause expresse, aussi par quelques actes
* que ce soit et en cas que le"ch o ix nyeh ait pas été f a i t ,
« ladite institution sera au profit de Taîné des mâles
« s’il y a des m âles, et s’il n’y a point de m âle, au profit
« de l’aînée des filles. »
Gilbert D ucourthia l et sà seconde épouse sont décédés
l’un et l’autre i sans avoir, fait d’autre choix entre leurs
enfans communs pour, recueillir l’effet de l’institution
portée par cette clause, que le choix conditionnel qui
y est contenu enfaveur de l’aîné des m âles, en cas qu’il
n’en fût pas fait d'autres.
En cet état, le citoyen Lassuchette, fils aîn é, e s t-il
fondé à soutenir,
i° . Que Gilbert D ucourthial, son p ère, a pu vala
blement avantager, par son contrat de mariage en secondes
noces, Vun des eiifans à naître de son second mariage,
du tiers de ses biens en préciput?
’
2°. Que Yindétermination de l’institué, à élire entre
tous les enfans à naître du second mariage, ne vicioit pas
îa disposition ?
3°. Qu’elle n’étoit pas viciée non plus par la circonstance
que la seconde Jèmrne devoit concourir au choix- de cet
h éritier, dans le cas où il seroit fait du vivant des deux
époux, et même de l’élire seule, si elle- avoit survécu ?
4°. Que l’élection de l’aîné des mâles, faite dans l’acte
même qui contient l’institution , pour recueillir éven
tuellement, et dans Je cas, qui est arrivé, où il n’y auroit
pas d’autre ch oix, étoit également une disposition valable
�(3
■«)-.'
dan,sle ¡principe ,
, soUxPlein >et
èqtiex’ leè’ej:, ;uor^o.bsta*at5la rc^^^iqrjjd^s^^spfîÿitions e
«jgeij^^rpjçpnonçép paç
& , 2P£lV:
dç^a 'ioi*,du â- , pip^sg. flftA* ^ ^ w v u r e j d ç ^ ^ q n ^ ia
au cK’Ç&s de Gilbert P«c^r^ lw ftl?•-> nol u!ï1-uii * ''l.ii »
!. £?,,Enfin.r^qpeje^djicrgt dir^m .ars ,1793., ,qui avoit,
interdit tous avantages en ligne (directe, quelques mois
4
7
9
avant le dc^s,(^^Gilbei^)Dugourthi^V)\^^t:.¥l.a&. uri ^s“
tacle non ¡plus(à çe que/Jp jç^oypn iDiicpurtliif^iil^aj^é
profit^ d’une disposition ejti .pi^cipUft, ,qui a sa soj^rfe ;$atis
un contrat de mariage^ntéiieuf de ph ^ d e quatorze tans
à ce décret.
• O pinions du Conseil,sur les questions proposées.
•>
L a première observation à f a i r e , pour résoudre ¡les
questions proposées avec justesse et précision, est qu’il
ne s’agit point de régler le partage d’une succession
ouverte depuis la loi du 17 nivôse an 2; mais d’une,
succession ouverte près de six mois avant cette lpi, dès
le 27 juillet 1793.
Seconde observation. L a rétroactivité de la loi du
17 nivôse, qui remontoit en arrière pour régler des
successions et des dispositions ouvertes depuis le 14 juillet
1789, fut ra p p o rté par les lois des 9 fructidor an 3 ,
trois vendémiaire an 4, 18 pluviôse an 5 ; elle ne doit
plus en conséquence avoir d’application qu’aux successions
ouvertes depuis sa publication. Les droits acquis avant
cette époque, sont maintenus, consacrés, inviolables.
Troisième observation. Le sort de l’élection faite par
�(3 0
le contrat de mariage du 14 mai 1778 , du cit. Ducourthial-Lassuchette, fils aîn é, pour recueillir le tiers de
la succession de son père en préciput, dans le cas où
aucun autre des éligibles ne seroit choisi par ses père et
'mère, ou par le survivant des deux, avoit été invaria
blement fixé avant' la lo i du 17 nivôse, par la mort de
ses père et mère ; car le décès du survivant avoit éteint
sans retour la faculté qu’ils aVoient pendant leur v ie , de
le déchoir da cet avantage.
D e ces trois observations préliminaires, résulte la con
séquence , que Ce n’est point par la loi du 17 nivôse,
que doivent se décider les questions proposées ; mais
Uniquement par les lois antérieures.
Raisonnons maintenant d’après ce point de départ:
i° . L ’aveuglement seul pourroit révoquer en doute la
validité, sous le régime ancien, des donations de biens
présens et h ven ir, des institutions contractuelles, et de
toutes autres dispositions éventuelles faites par contrat
de mariage, en fa v e u r des erifans à naître du mariage T
tant elle étoit disertement prononcée par les ordonnances
de 17 3 1, art. X V II et X V I I I , et de 1747, art. XII.
On ne sauroit non plus méconnoître la capacité des
enfans d’un second mariage, pour recevoir de pareilles
dispositions et eu p rofiter, en avantage sur les enfans du
premier lit, dans les pays où le statut perinettoit en général
au père de famille d’avantager un ou plusieurs de sesenfans, sur les autres, sans distinguer les lits ( comme en
Auvergne, où étoient situés les biens de Gilbert D ucourthial, ) et sans accorder de privilège aux enfans du premier
mariage, sur ceux du second.
�32
/(
) .
La seconde femm e, il est v r a i , n’auroit.pu être vala
blement instituée pai\son mari,, que pour succéder à une
partd!eiifant\ mais son incapacité relative et limitée ne se
co m m uniquo it point à.ses enfans à naître ; et leur aptitude
personnelle à recevoir de leur père tous les avantages
permis entre enfans en gén éral,,n e fut jamais mise eu
question ; on avoit seulement prétendu autrefois que les
avantages faits dans un contrat de mariage en secondes
noces , aux enfans qui naîtroient du m ariage, étoient
prohibés, lorsqu'ils étoient excessifs, comme ceux qui
seroient faits à la seconde femme elle-même , parce qu’ils
étoient inspirés par la même séduction.
Mais ce système ombrageux a perdu tous ses partisans,
depuis que les arrêts du parlement de Paris, des 19 avril
1719 et 11 août 1740 (1 ), ont ramené à la raison et aux
principes sur cette question. On ne voit plus, dans les
avantages faits par contrat de mariage en secondes noces,
pux enfans à naître du m ariage, que ce qui y est véri
tablement ; je yeux dire un acte de prévoyance trèsnaturel, très-favorable et très-sage des familles, q u i, ne
voulant pas abandonner aux hasards de l'avenir Je sort
des enfans’ à naître du mariage, s’occupent de l’assurer à
l’ayance, et en font une des conditions du mariage. La
société est intéressée au maintien de stipulations si rai
sonnables, sous la foi desquelles les mariages se contractent,
et sans lesquelles ils ne se seroient pas contractés. Ne soyons
(1) Ils sont rapportés dans le recueil des arrêts notables de
Combe»
donc
�33
(
)
donc pas surpris si tous les suffrages se sont réunis, depuis
soixante ans, pour en proclamer la validité.
D ’un autre cô té, il ne faut pas perdre de vue la mo
dération avec--laquelle • Gilbert Ducourtliial use de la
faculté d’avantager l’un de ses enfans à’ naître du second
lit ; il ne lui destina que le tiers de sa succession en préciput; e’est-c\-dire, deux quinzièmes seulement de plus que
la part d’enfant dont la seconde femme auroit pu être
gratifiée elle-même par l’événement.
Cette modération est la preuve de la sagesse qui inspira
le don. La passion est prodigue sans mesure,, parce qu’elle
est un délire. Des dispositions modérées ne sauroient donc
en être le fruit.
Concluons que les considérations particulières se joi
gnent ici aux principes g é n é r a u x , pour ne laisser voir
dans l’institution faite par Gilbert Ducourtliial en faveur
d un des enfans à naître de son second mariage, qu’une
disposition dont le principe fût légitime et pur. Nouveau
m otif pour les tribunaux d’en ordonner l’exécution sans
hésiter.
2°. Mais on semble prétendre que l’institution dont il
s agit étoit vicieuse dans sa form e, en ce que Tinstitué
étoit indéterm iné, et que sa désignation avoit été subor
donnée à un choix futur.
Ce moyen pourroit être de quelque considération, s’il
s agissoit d une disposition postérieure à la loi du i 7 nivôse
an 2, qui a aboli pour l’avenir les dispositions dont l’ap
plication seroit laissée au choix d’un tiers.-— Mais il s'agit
ici dune disposition faite en 1778. O r , à cette épo
que, loin que les donations et institutions électives fussent
E
�( 24 )
prohibées, la validité en étoit expressément consacrée par
les articles L X I I, L X III, L X I V , L X V e tL X V I de l’or
donnance de i7 3 5 >sur les testamens, et par celle du mois
d’août 1747 sur les substitutions, art. X IL
Enfin, les articles X X IIIe t X X I V de la loi du 17 nivôse
an 2 , rapprochés de l’art. V II de celle du 18 pluviôse
an 3 lèvent tous les doutes ; car le résultat du rappro
chement est la confirmation des institutions subordonnées;
à une élection, lorsque le droit de l’institué élu étoit
devenu irrévocable par le décès de la personne qui avoit
droit d’en élire une autre, avant la publication de la loi
du 17 nivôse an 2 : o r , l’institution dont le citoyen Ducourthial-Lassucliette réclame l’exécution, est dans ce cas,,
puisque son père et sa m ère, qui auroient pu révoquer
le choix qu’ils avoient fait de leur iils aîné pour recueillir
le tiers des biens de Gilbert D ucourthial, l’un d’eu x, et
choisir un autre de leurs enfanspour.recueillir à sa place,
(koient décédés l’un et l’autre bien avant la loi du 17
nivôse an 2.
30. Mais on insiste et l’on dit : A la bonne heure l’insti
tution conditionnelle et subordonnée à un choix éventuel,,
dont le citoyen Ducourthial-Lassuchette veut tirer avan
tage , n’étoit pas vicieuse dans son essence ; mais elle l’étoit
par la circonstance que le disposant avoit conféré à sa
seconde épouse le droit de choisir entre ses enfans, celui
qui recueille; oit le tiers assuré en avantageau second lit. Ce
droit d’élire lui oJFroit une perspective éventuelle, qui
pouvoil lui ouvrir des chances pour faire tourner le don.
à son p ro fit, quoique personne prohibée ; et Ton cite en.
l a v e u r de cette subtilité systématique, l’exemple de ce qui
5
�035)
fut jugé par l’arrêt rendu entre la veuve et les enfans
Laparra, le 18 mai 1736«
- La réponse est facile et tranchante. L ’arrêt de Laparra
fut un arrêt de circonstances. L ’institution élective qu’il
minulla, étoit universelle , et réduisoit les enfans du pre-»
xnier lit à leurs simples légitimes de rigueur.
La succession Laparra étoit ouverte en pays de droit
écrit, où la mère succédoit à ses enfans, au préjudice de
leurs frères et sœurs consanguins.
Cette mère qui avoit survécu à son mari, avoit spolié
scandaleusement la succession . consistant principalement
en m obilier; et elle avoit d’ailleurs pratiqué toutes sortes
de fraudes du vivant de son mari, pour réduire à peu
près à rien les légitimes des enfans du premier lit. L in
dignation plaidoit la cause de ces victimes délaissées, et
l’on peut en conséquence appeler l’arrêt qui annulla
l’institution contractuelle faite à leur préjudice, un arrêt
ab irato.
O r , qu’a de commun cet étrange préjugé avec l’insti
tution dont ii s’agit ici?
L ’institution de Laparra étoit universelle ; celle-ci n’est
que du tiers.
La seconde femme de Laparra avoit survécu à son m ari,
ets’étoit emparée de toute la succession , pour en détourne!'
la meillcuve part à son profit. Ici la seconde femme de
Gilbert Ducourthial est morte long-temps avant son mari,
et n’a profité, ni pu profiter de rien dans sa succession.
La femme Laparra avoit la perspective de succéder à
scs enfans, et elle pouvoit abuser du droit d’élire qui lui
avoit été confié, soit pour jouir, ea retardant son choix ,
E a
�(3 0
soit pour y mettre un prix et des conditions à son avantage.
La seconde femme de Gilb ert Ducourthial n’avoit pas
la même perspective, quand elle auroit survécu à son
m ari; la coutum e qui régissoit les biens destinés à ses
enfans, fauroit exclue de l’espoir d y succéder: elle n’auroit pas mieux réussi à s’approprier par des voies détour
nées, une portion conséquente du patrimoine de son
m ari, sur-tout une portion équivalente à la part d’enian t, dont il lui étoit permis de la gratifier ostensible-,
ment ; la médiocrité de la disposition dont l’application
lui avoit été confiée, y auroit mis un obstacle invincible.
Il n y a donc aucun parallèle à faire entre deux espèces
si différentes. T out étoit fraude dans l’afFaire deLaparra,
tout est loyauté dans celle-ci ; la fraude et la loyauté au
ront-elles jamais le même sort ?
V oilà encore la troisième objection des adversaires
du citoyen Ducourthial aîné , qui s’évanouit.
4°. La quatrième question ne peut pas faire la ma
tière d’un doute. La même législation autorisoit en effet,
les élections conditionnelles et révocables, faites par con
trat de m ariage, en faveur d’un enfant à naître indivi
duellement , pour recueillir à défaut d’autre ch o ix , et
l’ héritier ainsi désigné éventuellement, recueilloit sans
difficulté le bénéfice delà disposition, toutes les fois qu’il
n’en étoit pas déchu , par un choix contraire.
L ’article X X I V de la loi du 17 nivôse, abrogea ces
règles pour f avenir ÿ mais il en consacra les effets pour
le p a ssé, en faveur des héritiers éventuels, dont le droit
scroit devenu irrévocable par le décès de la personne
ayant droit de révoquer»
�:
.
^ 37, 5
L ’article vouloit que le décès qui avoît rendu là dis
position irrévocable y fût antérieur au 14 juillet 1789:
mais cette rétroactivité est rapportée. Il suffit en con
séquence , que le décès de la personne ayant pouvoir de
ré v o q u e r, soit antérieur à la publication dé la loi du
17 nivôse an 2. Dans le fait particulier, le décès de
Gilbert Ducourtliial est antérieur, et de beauconp, à la
publication de la loi du 17 nivôse an 2: concluons donc,'
que la disposition conditionnelle qu’il avoit faite en fa
veur de son fils aîné du second lit, est confirmée par
la loi même dont ses frères et sœurs voudroient se pré
valoir pour l'attaquer.
°. Il reste la principale difficulté à éclaircir ; 'elle est
tirée de la loi du 7 mars 1793, par laquelle il fut dé
crété en p r i n c i p e , que « la faculté de disposer de ses
« bien s, soit c\ cause de m o rt, soit entre-vifs, soit par do« nation contractuelle, en ligne directe, étoit abolie, et
« qu’en conséquence, tous les descendans auroient un
« droit égal sur le partage des biens de leurs ascendans.
Appuyés sur ce texte, les adversaires du citoyen
Ducourthial-Lassuchette, lui diront sans doute, « si vous
« échappez à l’article X X I V de la loi du 17 nivôse,
« parce que le décès de notre père est antérieur, au
«moins n’échapperez - vous pas au' décret du 7 mars
*I
> car notre père n’est mort qu’après ce décret ,
« et conséquemmenl dans un temps où la loi assuroit à
« tous ses enfans un droit égal au partage de 8a succesn sion , et prohiboit l’avantage du tiers en préciput que
« vous revendiquez. »
I
L a réponse est dans les articles I et V II de la loi du
5
793
�(38
(
;)
*8 pluviôse an , qui déterminent sans équivoque le sens
dans lequel il faut entendre et appliquer le décret du 7 mars
5
*-793 ? enjces termes :
,q^
! j. :
* y Les avantages , prélèvçm ens, préciputs , donations
« eiitre-vifs, institutions contractuelles, et autres disposi-;
« tions irrévocables de leur nature, légitimement stipuo lées en ligne directe avant la publication du décret du
a 7 mars 1793 , auront leur plein et entier effet, confor«.mément aux anciennes lois , tant sur les successions.
« ouvertes jusqu’à ce jo u r, que sur celles qui s’ouvriront
a à l’avenir. » ( Article I.er )
« Les élections d’héritiers ou de légataires. . . . qui ont
c été annullées par les articles.. : . . de la loi du 17 nivôse,
«.à compter du( 14 juillet 1789 , sont-rétablies dans leur
« effet prim itif, si elles ont été faites par acte ayant date
«certaine avant la publication de la loi du 17 nivôse. »
( Article V II. )
L e contrat de mariage du 14 mai 1778 , contenoit deux
dispositions très-distinctes ; savoir, une disposition princi
pale , qui étoit une institution du tiers des biens de Gilbert
Ducoürthial en faveur de'l'un des enfans à naître de son
second m arine') par préciput et avan tagen t une disposi
tion s e c o n d a i r e qui, étoit la [désignation particulière de
l’aîné des inâles poiir recueillir ce tiers de biens t dans le
cas où il ne seroit pasfait choix d’un autre enfant du second
lit, pour en profiter préférablement à lui.
L a disposition principale étoit pure , sans condition,
et irrévocable de sa nature ; elle aurait profité à tous les
enfans du second lit collectivem ent, à défaut dei choix:
valable d’un seul d’entre e u x , pour recueillir exclusive-
�( 3 9 ) .
m ent ; la disposition secondaire, qui appliquent da
vantage du tiers à l’aîné des mâles particulièrement ,
étoit conditionnelle , et< pouvoit être révoquée, par l’é
lection, d’un autre enfant.'
Toutes deux sont également confirmées par les deux
articles de la loi du 18 pluviôse an
, qui viennent
d’être rapportés.
L ’article Ier. confirme en effet la disposition princi
pale ; car elle se range incontestablement dans la classe
des dispositions contractuelles, irrévocables de leur na
ture , et antérieures à la publication du décret du 7 mars
.1793, que cet article a maintenues pour être exécutées
conformément aux anciennes lois , puisqu’elle est con
tenue dans un contrat de mariage de 1778.
Quant à la disposition s e c o n d a ir e , elle est maintenue
par l’article V I I ; car cet article rétablit dans leur effet
p r im itf, non pas seulement les élections d’héritiers ou
de légataires faites en ligne directe par acte ayant date
certaine avant la loi du 7 mars 1793, mais indéfiniment
les élections faites avant la publication de la lo i du 17 nivôse
an 2; de sorte qu’une élection qui auroit été faite an
térieurement à la publication de la loi du 17 nivôse, seroit
confirmée par cet article : ce qui décide bien nettement
ce point de droit, que la prohibition de disposer en ligne
directe, prononcée par le décret du 7 mars 1793? n’ernportoit pas la prohibition de choisir un d entre plusieurs
éligibles, pour recueillir l’effet d’une disposition contrac
tuelle , irrévocable de sa nature, qui auroit été faite anté
rieurement au décret de 1793. Dans l’espèce, non seule
ment l’élection du citoyen D ucourthial, fils aîné, étoit
5
�(
4
0
^
an térieure, soit à la loi du 17 nivôse an 2 , soit au décret
du 7 mars 17 9 3 , puisqu’elle éloit contenue dans le contrat
m ême de 1778. Mais^ elle, étoit d’ailleurs devenue irré
vocable plusieurs mois avant la loi du 17 nivôse, par le
décès de celui qui seul auroit pii la'révoquer par un choix
contraire.
Ainsi la va lid ité , sous tous les rap ports, se trouve pro
noncée sans équivoque, par les deux textes précités.
O
b j e c t i o n
.
L a validité de la disposition principale, au profit des
enfans du second lit collectivement, ne peut pas être mise
en problème, à la bonne heure ; mais la validité de l’élection
conditionnelle de l’aîné de ces enfans, pour recueillir seul,
à l’exclusion des autres, est loin d’être aussi certaine. Cette
élection étoit révocable par le changement de volonté de
son auteur, qui pouvoit jusqu’à son dernier soupir, en
enlever le bénéfice au citoyen Ducourthial aîn é, par le
choix d’un de ses frères, pour recueillir à sa place: or,
jl est de principe que de pareilles dispositions, qui restent
mobiles pendant toute la vie du disposant, et ne devien
nent immuables que par son décès , doivent être consi
dérées comme si elles n’avoient été faites que le jour de sa
mort. Mais si l’on considère l’élection dont le citoyen D u
courthial aîné prétend se prévaloir, comme si elle eût été
faite le 27 juillet 1793 seulement, jour du décès de Gilbert
Ducourthial père , il en résultera qu’elle sera réputée faite
dans un temps où elle n’étoit plus permise , puisque toute
disposition étoit prohibée a l o r s depuis plusieurs mois, en
ligne
�C'4i )
ligne directe ; donc il faudra la regarder comme nulle et
non avenue. ■
<* ■
R
é p o n s e
^
C e raisonnement repose sur des bases évidemment
erronnées.
i°. C’est une première erreur de prétendre que Gilbert
Ducourthial n’auroit pas pu faire le 27 juillet 1793 , jour
de son décès, l’élection qu’il avoit faite en 1778, sous le
prétexte que le décret du 7 mars 1793) lui en avoit inter
dit la faculté. L ’art. V II d elà loi du 18 pluviôse an ,
déjà rapporté plus haut, décide bien positivement le con
traire ; car il déclare valables les élections d’héritiers, faites
dans l’intervalle de la loi du 7 mars 1793 5 à celle du 1 7
nivôse an 2 ; il maintient l’eilet p rim itif de toutes celles
qui avo ient procédé la publication de la loi du 17 nivôse,
nuiéjiniment sans exception, sans distinction entre celles >
qui étoient postérieures à la loi du 7 mars 1793, et celles
qui étoient antérieures. Cette décision positive de la loi,
au surplus, n’est que l’application d’un principe reconnu
de tous les temps; car dans tous les temps, on avoit pensé
que celui qui choisissoit un de plusieurs éligibles pour
recueillir une disposition préexistante, ne faisoit point une
disposition nouvelle • et conséquemment q u ’il ne contreveuoit point aux lois prohibitives des nouvelles dispo
sitions.
- Après cela , qu’importeroit donc que l’élection faite
en faveur du citoyen Ducourthial aîn é, en 1778, dût
n’ôtre considérée que comme faite le jour du décès de
son père? elle n’en seroit pas moins valable. Il ne scroit
F
5
�C 4* . r
pas moins vrai de dire qu’elle est textuellement main
tenue par l’article V II de la loi du 18 pluviôse, quiencore une fois maintient indistinctem ent, toutes les
élections nntérieurés à la loi du 17 nivôse..
20. Les citoyens Ducourthial puînés, ne’ se font pas
moins illusion, lorsqu’ils invoquent à. l’appui de leursprétentions le principe d’égalité des partages établi par
les lois de 1.793.,. et-de l’an 2. Ils ne veulent pas voir
que ces lois n’ont pas été faites, pour régler les intérêts des <
donataires entre eux, mais, seulement pour régler les in
térêts des héritiers légitimes, mis en opposition avec
ceux des donataires. C’est cependant ce qui est bien tex
tuellement et bien, énergiquement exprimé dans l’articleL V II.d e la loi même du 17 nivôse , qui porte:
<r Le droit de réclamer le bénéfice de la lq i, quant aux;
« dispositions qu’elle annulle, n’appartient qu’aux héritiers,
« naturels. »
-.
Il est reconnu que la disposition du tiers des biens de^
Gilbert Ducourthial, qui est l’objet du litige, loin d’être*
annullée,. est au contraire maintenue par rapport aux
héritiers de Gilbert D ucourthial, en général.; que le con
trat de 1778 j qui la contient, doit avoir sa pleine et en
tière exécution, en faveur des enfans du second lit, consi
dérés comme donataires en préciput, au préjudice de lafille du premier lit, qui n’a pour elle que le seul titre
d’héritier. Ce titre seul ne donne pas aux citoyens Ducour-tliial puînés, de plus grands droits qu’à leur sœur ; consé-quemment, dès qu’il n'attribue aucune part à cette filleunique du premier lit, il n’en attribue aucune non plus,
à scs frères, sur le tiers des biens en litige..
�' { 43 ^ ,
Cela posé, ce ne peut être qu’en se présentant cornure
donataires concurremment avec leur frère aîn é, en vertu
du contrat de mariage de 1778, qu’ils peuvent élever des
prétentions sur le £[ers des biens , et en demander par
tage ; ce ne peut être qu’en faisant le raisonnement que
voici :
« L ’avantage du tiers en préciput fait par Gilbert D u« courthial en 1778, à celui des enfans à naître de son
« second mariage qu’il choisiroit, est bon en s o i, et doit
. « profiter aux trois enfans éligibles par égalité, s’il n’y a
« eu de choix valablement fait eu faveur d’aucun des trois.
« O r , il n’y a point eu de choix valable, puisque le seul
<r qui ait été fait, celui qui étoit contenu dans le contrat
« même de m ariage, du 14 mai 1778 , a été annuité par
« le décret du 7 mars 1793- a
I l e bien! ce raisonnem ent, quand il ne seroit pas ren
versé par l’art. V II delà loi du 18 pluviôse, s’écarteroit
victorieusement par l’article L V II de la loi du 17 nivôse,
qui vient d’être rappelé. Il établit en effet, pour règle gé
nérale , que le bénéfice des nouvelles lois relatives à la
prohibition de disposer, ne peut être réclamé que par les
héritiers naturels en leur qualité d’héritiers se u lem en t , et
non par des donataires contre d’autres donataires. E11
un m o t, les nouvelles lois prohibitives des dispositions ,
ne sont qu’en faveur des héritiers ; aucune n a prononcé
de nullités qui aient pour objet de faire passer les choses
données d’un donataire à l’autre.
Concluons que les frères puînés du citoyen DucourthialLassuchette sont sans action et sans droit, pour disputer à
leur frère aîné un préciput dont le père commun l’a avauY 2
�tagé' par l’acte le plus favorable delà société, par un contrat
de mariage : d’un précipu t q u il pouvoit lui oter, mais
qu’il a voulu lui consei'ver. En vain ils feront des efforts
pour se révolter contre la volonté paternelle, ils n’en;
feront que d’impuissans.
D
élibéré
<\ Paris par le jurisconsulte ancien sous-EERGIER.
J U E C O N SE IL SOU SSIGN É qui a vu le mémoire à.
consulter et les diverses consultations au bas. rapportées
pour le fils aîné du secondait de feu Gilbert Ducourthial
de Lassuchette ^
E s t d ’AYIS des résolutions contenues dans ces. consul-tâtions. Trois questions y ont été traitées..
i°. Si l’institution contractuelle d’un tiers des biens,,
faite en faveur des enfans du second lit, est valable ?
2°. Si cette institution profite à tous les enfans, ou;
au fils aîné exclusivement ?'
3°. Quels sont les droits de la fille du premier lit ? '
L a première et la troisième question ne présentent:
point de diiliculte sérieuse.
Lors du contrat de m ariage, l’inégalité de succession
entre les enfans n’étoit-pas1prohibée ; ils pouvoiènt être
avantagés les uns sur les autres : on avoit éclairci et condamné le doute , si des enfans du second lit pouvoiènt
être mieux traités que ceux du premier. Le contrat du;
�C 45 3
second mariage assura donc irrévocablement aux enfans;
du second lit un avantage alors licite.
20. P ar les lois existantes, lorsque le père maria sa
fille du premier l i t , il avoit le droit en la dotant, de
la forclore de toute succession de son estoc ; il en usa ,
sauf de la rappeler. Mais la loi du 8 avril 1791 rendit
ee rappel inutile ; elle le fit elle-même eu prononçant
l’abrogation des coutumes qui excluoient ou qui permet-- toient d’exclure les filles. La lille du premier lit est donc
héritière comme les autres enfans , sauf le rapport de ce
qu’elle a reçu;
30. Mais à qui appartiendra le tiers reservé dans' le
contrat de mariage aux enfans à naître du second lit
et donné par ce contrat à celui d’eux qui seroit choisi ,
♦et à défaut, à. l’aîné ? C’est la seule question véritable
m en t litigieuse.
Dans 1 ancien d ro it, elle ne souffriroit aucun doute. Les
lois nouvelles y ont-elles apporté quelque changement ?
On peut dire contre le fils aîn é, que le contrat du
second mariage assura sans doute irrévocablement au se
cond lit , le tiers des biens , mais en même temps il ne
donna à aucun des enfans à en naître la. certitude de re-Gueillir ce tiers. Un seul y étoit appelé, d’après le choix
que se réservoit le donateur ou instituant.U est vrai
qu’à défaut de choix , l’aîné étoit appelé : il est. vrai encore
que la loi du 18 pluviôse an , a confirmé", art. I er. lesinstitutions contractuelles stipulées en ligne directe avant
la publication de*la loi du 7 mars X'793 5 et tjue par l'ar
ticle V II , elle a rétabli dans leur effet aboli par la loi du 17
nivôse an 2., les élections.d’héritier, qui auroient été fai—
5
�C .tf)
-tes par acte ayant date certaine avant la publication de
la loi du 17 nivôse. Mais, dira-t-on, l’article V I I n’est pas
applicable, puisqu’il n’y avoit pas d’acte d’élection, lors
que le père est mort : et l’article Ier. n’est pas applicable
non plus , parce qu’il n’y avoit point en faveur de l’aîné ,
de disposition irrévocable. L ’irrévocabilité n’est résultée
que de la mort du père, qui perdit avec la v ie , la puis
sance physique de choisir. Mais de son vivant, la loi du
7 mars 1793 , lui avoit ôté la faculté du ch oix, en dé
clarant que tous les descendans auroient un droit égal
6ur le partage des biens de leurs ascendans; d’où il suit
que tous les enfans du second lit ont eu , par la loi du
7 mars, un droit égal à ce préciput qu’il avoit destiné
en se m ariant, à l’un d’e u x , mais dont il ne lui a plus
été permis depuis le 7 mars 1793, de disposer en faveur
de l’u n , au préjudice des autres.
Voilà les objections dans toute leur force. Les réponses
à donner nous paroissent satisfaisantes.
Il doit être convenu d’abord que l'institution étoit
irrévocable, puisqu’elle étoit faite par contrat de ma
riage; elle étoit une des conditions promises à la future
épouse et à scs parens.
Il n’y avoit d’incertain que le choix entre les insti
tués, et si ce choix n’avoit pas été fait, l’institution auroit appartenu à tous.
Mais le choix fut placé dans l’institution mêm e; l’ins
tituant eu se le réservant déclara que s’il n’usoit pas de
-cette réserve, elle s’appliquoit dès lors à son premier
né. L ’aîné eut'donc-, par une des clauses de l’institution,
le droit de la recueillir, si son père ne disposoit pas au-
�c 47 y
trement. Il avoit donc sur ses frères qui n’étoient qu’éligibles, l’avantage d’etre élu conditionnellement; c’està-dire, si le père ne témoignoit pas une autre volonté.
La condition qui l’auroit dépouillé n’étant pas arri
v é e , son droit remonte au titre qui lui lut donne par
le contrat, titre irrévocable de sa nature ; conditionnel
par une réserve dont l’exercice négligé a laissé subsister
Institution en faveur de l ’aîné dans toute sa force.
Cela est d'autant plus vrai que dans l’intention du com
mun des testateurs, l’aîné étoit l’objet des choix et des
préférences; et si l’on se réservoit de pouvoir appeler
un de ses frères, c’étoit bien plus pour le contenir dans
le devoir que pour lui donner des co-partageans. C ’est
dans la même intention quafin que la réserve de choisir
ne lui nuisît pas, on déclaroit qu'à.- défaut d élection il
seroit héritierLe défaut d’élection n’est donc que la ratification de
l’institution de l’aîné, si un autre n’est appelé : o r, la ra
tification se porte à l’acte. C’est donc du contrat de ma
riage de son père que l’aîné tire son droit, et ce con-*
trat à la date 1778 , est régi par les lois de ce temps,
et nullement par la loi du 7 mars 1793;
Il n’est pas même vrai que cette loi eût ôté au’ pore
le droit de choisir; car ne lui inhibant d’avantager un
de scs enfans qu’à l'avenir , elle ne détruisoit pas*
Tavantage déjà fait à celui des enfans qu’il éliroit, encore
moins annulloit-elle l’avantage déjà fait à l’aîné , cm
cas de non élection.
Le but de la loi du 7 mars fut d’abolir pour l’avenir
toutes dispositions qui n’avoient pas encore donné un titre-
�48
(
)
irrévocable, elle ne pouvoit embrasser l’hypothèse dont
il s’agit; car, ou elle empeehoit le père d’élire, ou elle
lui en laissoit la faculté. Si elle lui en laissoit la faculté, il
pouvoit donc dans cette espèce particulière avantager un
de scs enfans : si elle empêchoit l’élection, elle auroit donc
détruit une disposition contractuelle et par conséquent
irrévocable, ce qui est absurde; elle auroit eu effet ré
troactif. Le père avoit donné. ( Une institution contrac
tuelle est une donation ). Le père avoit donné à un seul'
parmi les enfans qu’il avoit d’un second lit, et l’on prétendroit qu’il a donné à tous!
On a tort de dire que quand le père est m ort, il n’y
avoit pas d’élection; il y en avoit une bien expresse dans^
le contrat : le père ne l’ayant pas révoquée, pour lui en<
substituer une autre, elle doit avoir son efTet.
Trois lois sont i\ considérer: celle du 7 mars qui abolitpour l’avenir la faculté de disposer en ligne directe; elle
ne touche pas aux dispositions antérieures et irrévocables.
La loi du 17 nivôse fut plus hardie; elle annulla ré
troactivement tous les avantagas faits aux enfans depuis
le 14 juillet 1789; elle ne détruisit pas les droits du con
sultant, qui remontent à 1778 : l'effet rétroactif de la loi
du 17 nivôse an 2, fut lui-même d’ailleurs rapporté par
la loi du 9 fructidor an 3. Le donateur ou instituant,
décédé le 27 juillet 1793 , est donc mort sous l’empire
de la loi du 7 mars précédent, qui ne touchoit pas aux
dispositions irrévocables qu’il avoit faites.
Enfin la loi du 18 pluviôse an maintient expressé
ment , par l’article I.cr. les dispositions irrévocables de leur
nature, stipulées en ligne directe avant la publication de
la
5
�4
C S>)
la loi du 7 mars 1793 ; et par l’article V I I , elle maintient
les élections ayant date certaine et antérieure à la publi
cation de la loi(du 17 nivôse.
O r , la disposition de 1778 est antérieure au 7 mars
*
793-
Elle est irrévocable de sa nature ; car elle est comprise
dans un contrat de mariage.
Quand on dit qu’elle pouvoit être révoquée au préjudice
de l’aîn é, on argumente d’une faculté qui n’a pas été
exercée, et q u i, quoique son exercice eût appelé un autre
héritier, ne changeoit pas la nature de la disposition, n’empêchoit pas qu’un seul parmi plusieurs ne fût irrévocable
ment favorisé. L a réserve du clioix dans une institution
contractuelle n’en altère pas l’essence, et ne fait pas que
l’ institution en soi ne soit irrévocable : elle donne droit et
titre irrévocable à celui qui sera appelé. L ’appel seul est
contingent et facultatif ; la donation ne l’est pas : tous les
appelés ont l’espérance d’être donataires.
Celui en faveur de qui l’espérance se réalise, prend son
droit de la donation qui lui est appliquée.
L ’article V II de la loi du 18 pluviôse est décisif ; il main
tient les élections faites avant la publication de la loi du
17 nivôse. O r il y a ici une élection de l’aîné dans le contrat
même de mariage en 1778.
L article V II de la loi du 18 pluviôse juge deux choses j
1 °, que 1 élection antérieure au 17 nivôse est bonne, et à
plus forte raison celle qui date de 1778 ; 2,0. que la loi du
7 mars 1793 n’avoit pas prohibé les élections qui n’étoient
que l’exécution d’actes irrévocables de leur nature, tels
que les donations, ou devenus tels par les événemens, tels
G
�5
( o )
que les testamens après le décès de leurs auïeurâ ; que les
élections ne furent supprimées que par la loi du 17 nivôse,
et que les corrections faites à cette loi les ont rétablies pour
le passé.
;
Q r , il s’agit ici d’une donation faite ù un entre plusieurs:
donation irrévocable et permise en 1778.
Il
s'agit de l’élection de ce donataire, faite dans la dona
tion même, si le donateur n’eu appeloit pas un autre.
Avant son décès arrivé en juillet 1793, ou il eût pu en
appeler un autre, ou il ne l'auroit pas pu. A u premier cas,
il ne l’a pas voulu \ sa volonté , que rien ne genoit alors,
est encore exécutoire aujourd’hui. A u second cas, Télccr
tion qu’il avoit faite, s’il ne disposoit pas, doit être exér
cutée. Les lois nouvelles ont éteint les élections à faire, ou
qui n’avoient pas donné un droit: elles respectent les autres.
O r , l’aîné a droit par le .contrat dje mariage. Le dépouil-r
1er, ce seroit rétroagir; ce geroit tom b er dans cetle absur-r
dité de le dépouiller, parce que la condition sous laquelle
Je testateur l’AVoit appelé ( le défaut d’autre ch o ix }, est
Arrivée,
f
D é l i b é r é à Paris, le 2 germinal an 9.
SIM É O N . P O R T A L IS . M U R A IR E , président
au tribunal de cassation. F A Y A R D .
LF, C O N SE IL S O U S S IG N É , qui a lu une consultation,
délibérée à Paris, le 2 germinal an 9 , et plusieurs autres,
données i\ Rioru et à Clermonl-Ferrand j
E s t d u m k m e a v i s sur les trois questions traitées dans
pes co n su lta tio n s, dont les résolutions sont uniform es,
�( Si )
Sur la p re m iè r e question, il est sans difficulté q u ’en 1778,
époque du mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette
et de Marie-Léonarde Cornudet, sa seconde fem m e, le
père pouvoit avantager, par son contrat de mariage ou
autrement, un de ses enfans plus que l'autre; que de plus,
un conjoint qui se rem arioit, ayant un enfant du premier
l i t , pouvoit donner à ses enfans à naître du second lit, et
qu’en conséquence, ceux-ci n’étoient point compris dans
la prohibition de l’édit des secondes noces.
L a jurisprudence sur la faculté du conjoint, qui con
tractait un nouveau mariage, ayant des enfans du prem ier,
de faii’e des avantages aux enfans à naître de sa nouvelle
union , après avoir v a rié , avoit été irrévocablement fixée
par l’arrêt du parlement de Paris, du xt août 1740 , qui
est rapporté en form e avec les moyens des parties dans le
recueil des arrêts notables de Rousseau de la Com be, chap.
79. On trouve au même endroit, à la suite de l’arrêt du 11
août 1740," u n autre arrêt semblable, du 29 avril 1719 ,
qui fut levé au greffe, et dont l’espèce est également rap
portée par la Combe.
L ’institution d’héritier, contenue au contrat de mariage
de 1778 , etoit donc valable dans son principe.
Sur la deuxième question , cette libéralité du père sub
sistait dans toute sa force, au 27 juillet 1793, jour qu’il
est décédé, et le fils aîné du second mariage est le seul
qui en doive profiter.
La loi du 17 mars 1793 défendit aux pères et mères
d’avantager, par quelque acte que ce fû t, un enfant plus
que l’autre, et voulut que les successions en ligne directe
fussent partagées entre les enfans, par portions égales :
G 2
�52
C
)
jîiais cette Ioï ne régloit que l’avenir, et non le passé.
? L ’effet rétroactif attribué depuis aux lois des 5 b ru
maire et 17 nivôse an 2 , en rétrogradant jusqu’au 14
juillet 1 7 8 9 , a été aboli, et par conséquent l’institution
d'héritier, qui avoit été détruite, est redevenue en pleine
Vigueur.
Quant au droit du fils aîné du second l i t , les autres
enfans ne peuvent le lui contester.
L e contrat de mariage de 17 7 8 , contient deux disposi
tions :1a première est uneinstitution d’héritier pour un tiers,
au profit de celui des enfans à naître que les père et mère
ou le survivant d’eux voudront choisir; la seconde est
une vocation éventuelle exprimée dès-lors formellement
au profit du fils a în é , au défaut de nomination de l’un
des enfans par les père et mère ou par le survivant.
N y ayant point eu de choix ni par les père et mère
conjointement, ni par le citoyen Ducourthial qui a sur
vécu , le fils aîné s’est donc trouvé seul donataire, non
pas par une disposition nouvelle, mais par la disposition
que le contrat de mariage renferme.
La loi du 7 mars 1793 n’a point défendu les élections
d’héritier ou de donataire à faire en vertu d’anciennes
dispositions. Une élection d’héritier ou de donataire n’est
point une donation proprem ent dite. Ce 11 est que l’exé
cution d’une disposition déjà existante. Les prohibitions
Eont de droit étroit. Celle contenue dans la loi du 7 mars
1793 doit donc être restreinte dans le cas des donations
postérieures à sa publication.
D ’ailleurs, le fils aîné n’avoit pas besoin d’être élu. Il
�3
(® )
étoit institué éventuellement par le contrat de mariage
m êm e, dans.le cas où un autre que lui ne seroit pas
nommé.
5
Enfin l’article V II de la loi du 18 pluviôse an , donnée
en explication du rapport de l'effet rétroactif, porte : « Les
et élections d’héritier ou de légataire , et les ventes à fonds
ce perdu qui ont été annullées par les articles X X III et
« X X V I de la loi du 17 nivôse, à compter du 14 juillet
« 1789 , sont rétablies dans leur effet prim itif, s i elles ont
« été fa ites par acte ayant date certaine avant la publi
c a tio n de ladite loi du 17 nivôse. »
D e pareilles élections pouvoient donc s'effectuer jusqu’à
la publication de la loi du 17 nivôse an 2 , nonobstant la
loi du 7 mars 1793. O r , dans l ’espèce proposée, le citoyen
D u courthial étant décédé le 17 juillet 1793, quand on
considérerait le défaut de choix de sa part comme une élec
tion du fils aîné du second lit , cette élection seroit valable.
Mais ce dernier a de plus en sa faveur une nomination
écrite dans le contrat de mariage de 1778 , pour le cas où
les père et m ère, ou le survivant d’e u x , n’éliroient pas :
ce qui met son droit hors de tout doute.
Il
est même à observer, que l’article V I I de la loi du 18
pluviôse ne parle point du cas où le donateur prévoyant
le déiaut délection, a désigné éventuellement , comme
ic i, celui des éligibles, par lequel il entendoit que la dona
tion fut recueillie.
Sur la troisième question , la fille du premier lit élant
exclue par la coutume, sa renonciation à la succession
future de son père n'a pas plus d’effet que la forclusion
�(
5
4
)
légale. A in si, elle a le droit de succéder avec scs frères, en
vertu des lois des 8 avril 1791 et 4 janvier 1793.
D é l i b é r é à P aris, par le citoyen F erey, ancien
jurisconsulte, le 8 germinal an 9.
FEREY.
À R i o m , de l'Im prim erie de L a n d r i o t , im p r im e u r du trib u n a l
d ’ appel. —
An 9
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Ducourthial, Gilbert. An 9?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Toutée
Toutée
Gaschon
Deval
Boyrot
Dartis-Marcillat
Picot-Lacombe
Maugue
Siméon
Portalis
Muraire
Favard
Ferey
Subject
The topic of the resource
successions
contrats de mariage
testaments
droit d’aînesse
secondes noces
loi du 17 nivôse An 2
égalité des héritiers
rétroactivité de la loi
doctrine
application des lois dans le temps
coutume d'Auvergne
forclusion
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations.
Table Godemel : Election : l’institution sera au profit de l’ainé des mâles, et s’il n’y en a point au profit de l’ainé des filles. de ce mariage sont issus trois enfans mâles. Le père est décédé en juillet 1793, longtemps après sa femme, et sans faire d’élection. que devient l’institution ? deux systêmes : pour le fils ainé, 1° l’institution au profit des enfans du second mariage est valable, et doit avoir son exécution ; 2° n’y ayant pas eu d’élection, l’ainé des mâles désigné pour recueillir l’institution, doit en profiter seul pour le tiers qui en fait l’objet ; 3° la fille née du premier mariage, relevée de sa forclusion, prendra sa portion, c'est-à-dire le quart dans les deux tiers formant la succession ab intestat. pour les autres enfans, 1° la faculté d’opter ou d’élire accordée par Gilbert Ducourthial à sa seconde épouse, par leur contrat de mariage, donne lieu à la nullité de la disposition contenue dans ce contrat ; 2° en supposant que cette disposition ne fut pas nulle par le défaut d’une volonté libre, le fils ainé ne pourrait prétendre qu’il a été saisi du tiers, au préjudice des autres enfans ; 3° le fils ainé n’ayant pas été saisi individuellement, les enfans du second lit ne l’ont point été collectivement ; la condition attachée à la disposition ayant manquée, tous les enfans sont appelés à recueillir la succession, par égalité, comme héritiers de droit.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 9
1778-Circa An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1101
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1102
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontaumur (63283)
Landogne (63186)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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contrats de mariage
coutume d'Auvergne
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égalité des héritiers
forclusion
loi du 17 nivôse An 2
rétroactivité de la loi
secondes noces
Successions
testaments