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N O U V E A U MÉMOIRE
A U R O I
ET A L’A S S E MB L É E N A T I O N A L E ,
E n dénonciation contre le S r. L A M B E R T
Contrôleur - général
des Finances.
S I R E ,
Si le ciel t’a fait R o i ; c’eft pour me protéger.
MÉrope .
J ’A I eu le courage d’expofer la vérité à Votre Majefté, lorfqu’il étoit
dangereux d’en préfenter les traits, fous des Miniftres qui abufoient
de votre autorité pour perfécuter : maintenant que la liberté eft un de vos
bienfaits; maintenant qu’affranchi vous-même de la tutelle minifterielle, vous
Voulez regner par la loi & l’amour paternel ; c’eft avec fécurité que je la mets
de nouveau fous vos yeux & ceux de l’augufte Aff emblée, dont plufieurs
de fes honorables membres l’ont accueillie , en me répondant de fon fuccès.
C ’eft fous les aufpices de la lo i, qui établit la refponfabilité des Miniftres,
que je traduis le Sr. Lambert au Tribunal de la Nation, dont vous êtes
l'augufte Chef. Loi fage & heureufe, faite pour immortalifer à jamais le
Peuple qui la propofe, & le Monarque qui la fanctionne. Plutôt, elle eut
fauvé la France des malheurs qui la défolent ; mais elle en préviendra le
retour, fi ce n’eft pas en vain que les citoyens l’invoquent ; fi les coupables
. A
�( ï )
dénoncés, convaincus &c néanmoins impunis, ne continuent pas à occuper
les places dont ils auront abufé contre les intérêts de la patrie &c au détri
ment des citoyens.
Vers la fin de 1785 , des perfonnes qui me votiloient du bien, firent
part à feu M. le Comte de Vergennes d’une difgrace qui m’étoit furvenue,
& qui renverfoit ma fortune
mon établiflement.
M. le Comte de Vergennes y fut fenfible. Il étoit mon compatriote : nos
Peres a v o ie n t été amis. Il me connoiffoit, m’eflimoit &c il m’en avoit
déjà donné quelques preuves.
Ce Miniftre m’offre les reflources de fa proteâion, pour réparer le
dommage que me caufoit l’être mal-faifant ( a ) , auteur de la deftru&ion
de ma fortune & de mon établiflement , il me propofe de réhabiliter l’une
pour opérer l’autre ; ienfible aux mouvemens de fa bienveillance, je lui
demande fa recommandation auprès du Contrôleur-général, pour être
placé dans la finance d’une maniéré avantageufe, & analogue aux efpérances que j’avois eu lieu de concevoir fous MM. Turgot, Clugny,
Taboureau, Necker &c Joly de Fleury.
M. de Vergennes accueille ma priere, parle à M. de Calonne, & convient
avec lui que la premiere place de Fermier, Régiffeur ou Adminiftrateurgénéral des finances fera pour m o i, Si certes ! fans être égaré par l’amour
propre, fans recourir à aucune comparaifon avec la plupart de ceux qui
occupent ces places, je crois pouvoir dire, que j’étois capable de les remplir.
Quelquefois il s’écoule un long-temps fans qu’il en vaque.
J ’avois attendu iix mois ; j’étois preil'é d’en obtenir une quelconque ;
je priai M. le Comte de Vergennes d’écrire il M.de Co'onia ( b ) , alors
( a ) C é to it
la
M
a r q u is e
de
S i l l e r y , ci-dcvant C
o m tesse
de
G
e n l is
, femme
célébré par fou efprit & encore plus par fon mauvais cœur , qui la rendue depuis vingt
ans le fléau de la triailon d’O rléans, o ù , on ne trouvera qui que ce foit qui ne Ia
détefte ; même parmi ceux qu’elle a pu obliger , car elle leur fait achij||j^trop chef
les grâces qu’il eft d’étiquette dans les maifons des Prin ces, de répandre fü’r ceux qu*
v font attachés , 6c dont on ne peut fe paiTer. InceiTamment j’expoferai au public le
fu j:t de mes triftes démêlés avec ce cruel auteur de différens ou vrages, fur la relig‘on >
l'hum anité, la m orale, & c . fi je ne fuis pas aflafliné.
(1)) U n mois après, M . le Duc de Villequier ayant écrit à M . de Colonia pour le
m im e objet , il en reçut cette réponfe ci. » P a ris, 16 mai 17 8 6 . M . te D u c , j’ai f3lt
» connoître aux Fermiers généraux le defir qu’a M . le Com te de V ergen n es, que Ie
�Intendant de la ferme générale, pour me propofer à la place de caiiîîer,
que le Sr. de Cimmery devoit quitter , &C qu’il quitta en effet huit à neuf
mois après.
De même que M. de Calonne s’étoit engagé envers M. le Comte de
Vergennes ( a ) , M. de Colonia s’engagea par fa réponfe ; néanmoins
j’échouai, &c c e la croit jufte. Au moment de la nomination, il fe trouva
une délibération antérieure de deux ans, qui appelloit M. .Toly de St. Eufebe
à la place. J ’eus connoiffance des motifs ; ils ctoient vrais o£ folides :
j ’applaudis a la nomination. MM. de Calonne
Colonia, fâchés des circonftances, me remirent à la premicre vacance, après l’affemblce des
Notables, dont il étoit déjà fort queilion.
Prefque auffitôt je perdis M. le Comte de Vergennes. M. de Calonne
fe retira du miniftere, pendant la tenue de l’Affemblée, & M. de Colonia
abdiqua fon Intendance.
M. le Comte de Montmorin fut appelle aux affaires étrangères ; M.
de Villedeuil, r.u Contrôle général, tk le Sr. Donet de la Boullaye, protégé
par Madame de MontefTon, auprès de M. l’Archevêque de Sens (b ) ,
reçut de cette Dame le feeptre de la ferme générale.
» Sr. M orizot obtienne l’emploi qu’il follicite , &
auffitôt qu’ils m’auront remis leurs
» obfervations fur cette dem ande, j’en rendrai compte à M . le Contrôleur-général. Je
» ne laiiTerai point ig n orer, M . le D u c , à ce Miniftre , l’intérêt que vous accorder
» au Sr. M o riz o t, & je ferois fort aifj que mon fuffrage pût concourir au fuccès de
» fos vues. 11 Je fuis avec r e fp e it, M . le D u c , & c . Sign é,
(a)
de
C
o l o n ia .
M . de Colonia m’ ayant averti de foire parler par M . de Vergennes à M . de
C alon ne, au moment qu’il comptoit prefenter fon travail à celui-ci ; j’écrivis au premier ,
dont je reçu la réponfe ci-aprcs. » V erfailles, n juillet 178 6 . J ’ai re ç u , M oniteur, la
» lettre que vous avez pris la peine de m'écrire le 7 de ce m o is, relativement à la
» place que vous defirez d’obtenir. Je fuis fort aife des difpofitions favorables que M .
» de Colonia vous a témoignées à ce fujet. Je ferai avec plaifir ce qui dépendra de
» m o i^ p o u r concourir à en alTurer l’effet, & je ne laiiTerai pas échapper la première
” occafion que je trouverai, de témoigner à M . le Contrôleur-général l’intérêt que je
” prends à ce qui vous regarde.
Je fu is, & c . Signé , d e V e r g e n n e s .
00
Sa nomination déplut beaucoup à la C o u r , où le Sr, la Boullaye n’étoit ni
cftimé ni aimé. L ’Archevêque en eut de la difgracc, quoiqu’il s’en défendit, en difant
•ju il n avoit pu refufer Madame de Monteffon. C elle-ci s’en eft auffi repentie, quand
elle la vu mécontenter tout le monde. Elle afîuroit qu’elle ne le coiinoiffoit pas auparavant,
�(4)
M. le Marquis de la Fayette me préfenta à M. le Comte de Montmorin,
en l’inftruifant des arrangemens pris pour moi avec Ton prédéceffeur,
(dont il avoit été le témoin 8c prefque l’inftigateur ) , avec MM. les Comtes
ik Marquis d’Apchon, les Comtes de Schombcrg & Marquis de Lambertie,
pendant que M. le Duc 6c Madame la Ducheffe de Liancourt, l’Abbé de
G a fc, M. de l’Eflart & M. le Duc de Villequier, en avoient fuivi &C
prefl'é l’exécution avec Madame de Malesherbes auprès du Sr. de Colonie.
Naturellement bienfaifant, M. le Comte de Montmorin confentit facile
ment , quand il *fut inftruit de mon honnêteté , à achever l’œuvre com
mencée par M. le Comte de Vergennes. Je remis mes titres à ce Miniftre
patriote, pour les joindre à la lettre qu’il me donna pour M. de Villedeuil,
avec une particulière pour le Sr. Donet de la Boullaye.
J ’avois connu, peu de temps auparavant, M. de Villedeuil, par l’entremife du feu Marquis de Bercy, lorique M. le Duc de Maillé ( a ) avoit
follicité pour moi les bontés de Monfeigneur le Comte d’Artois. Il m’ac
cueillit très-favon.blement, en m’aflurant que l’engagement de fon prédecefleur feroit d’autant plus facré pour lu i, qu’il fçavoit perfonnellement
ce que je méritois.
La réception du Sr. de la Boullaye fut moins honnête, ou plutôt elle
fut grolîiere. Après unephrafe de protocole pour M. le Comte de Montmorin,
il me congédia fort brufquement.
Je ne me rebutai pas. Je me retournai du côté du Sr. de Colonia, en le
priant d’ entretenir le Sr. la Boullaye des arrangemens qu’il avoit lui-même
arrête pendant fon exercice. L ’ex-Intendant me le promit, & tint parole.
Le 23 juillet, il m’écrivit (b ) de revoir le Sr. de la Boullaye , en affurant
& qu’elle ne l'avoit protégé qu’à caufe de la Comteffe de L a m a iïa y e , fœur du la Boullaye
qui pendant vingt ans avoit été la complaifante de Madame de Monteflon. V o ila une
excellente raifon, pour faire d’un Donet de la Boullaye un Intendant des finances ; c’eit
cependant celle qui réuflit à exclure l’homme capable , qui n a pas de fœur complaifante.
Souvent même fon parent, celui auquel on a des obligations , & qui eut fait honneur à
fon protefteur, eil rejeté, pour protéger à fon préjudice des fots, des impudens , fans
qu’on en roupille.
( a ) J ’ai encore pour le p ro u v er, les lettres de M M . de B ercy & de Maillé.
( b ) V o ici les deux lettres. » J ’ai parlé de v o u s , M onfieu r, à M . de la B ou llaye,'
» vendredi encore avec le plus grand intérêt, & il m’a paru difpofé à vous obliger. Il
» m’ a même demande votre adrefle ; c’eft tout ce que je puis pour vous à préfent-
�C 5 )
Madame de Malesherbes, par une lettre à la même date, que je ferois
reçu plus humainement.
Le 30 fuivant, l’entrevue eut lieu. Le fous-Miniitre de la ferme m’offrit
le bon de Fermier adjoint à la ferme entiere. Je l’acceptai ; lorfque huit
jours après il retira fon offre, en me propofant une penfion de 4000 livres,
que je refufai, répugnant à être le croupier de la ferme, quand je pouvois
la fervir utilement.
Vainement je reprefentai au Sr. de la Boullaye que le Miniftere me
deftinoit une place & non une penfion onéreufe au fife (a ) ; le fâcheux
trancha impérieufement, en me dil'ant : Eh bien ! vous n'atireç qu'une plau
inférieure.
En effet, il s’en étoit préparé les moyens. M. de Villedeuil en envoyant
dans les bureaux la lettre de M. le Comte de Montmorin, pour y répondre,
avoit laifle celle qui y étoit jointe (de M. de Calonne) à M. le Comte
de Vergennes, qui formoit mon titre. Le Sr. de la Boullaye s’en em
para & la fit difparoître, fans que j’aie pu me la reprocurer de lui.
AiTure que je ne la reproduirois pas, il rédigea la réponfe qu’il préfenta
à figner à M. de Villedeuil, de maniéré, qu’elle reconnoifloit &c re-
» V ous fçavez que ma bonne volonté pour vous obliger a toujours été entiere. V o y e z
» M . de la Boullaye , d’après même notre converfation de vendredi; il le d efire, & je
” ferai fort aife , fi j’ai contribué à vous rendre heureux. » J ’ai l’honneur d ë tre , &cSlgné, DE C O LO N IA .
Celle à Madame de Malesherbes ejl ainfi conçue :
» L ’intérêt que vous prenez à M . M orizot, ne peut qu’ajouter à celui qu’il m’a infpiré
” depuis long-temps , & par lui-même & par les perfonnes qui me l’avoient recommandé.
” Il n’a pas dépendu de moi qu’il n’ait été placé quand j’avois une influence que les
” circonftances m’ont ôté*. Je le fervirai du moins de mon témoignage & de mon ap p u i,
” & c’eft ce que j’ai déjà fait. Je le ferai encore , & je me féliciterai de vous prouver
” »>nfi mon empreflement à vous plaire,
fu is, & c . Signé, DE C
(a)
o l o n ia .
Cette penfion d’ailleurs auroit éprouvé fur le champ la diminution qu’elles ont
toutes fubies auflitôt par l’impôt que mit deilus l’Archevêque de S en s, &
en outre
^ e aur° it fini au renouvellement du bail de la ferme ; enforte que c’étoit une adreiT«
“ Sr. la B o u lla y e , pour paroître accorder quelque ch ofe, & me fruftrer réellement en
définitif.
�( 6 )
nouoit les engagemens pris avec m o i, mais feulement pour une place
tellement inférieure, que je n’aurois pu 1 accepter ( a ) .
Je l’obfervai fur le champ à M. île Villedeuil, en lui rapportant la
lettre que M. le Comte Montmorin avoit renvoyé à M. le Marquis de
la Fayette ; mais ce Miniftre me répondit : » l’erreur eft fans conféquence,
» ce font de ces inadvertences de bureaux, auxquels ils font fort fujets ;
» MM. de Montmorin, la Fayette & moi, nous avons vu l’engagement,
» Sc puis , il fuffit de vous connoître pour ne pas vous propofer de
» ces miférables «mplois.
Je fuis confiant ; j’efpérai que la fupercherie du Sr. la Boullaye ne me
préjudicieroit pas, & comme j’ai peu d’ambition, deux califes aux fermes
ayant vaqué prefque auiHtôt, j’en demandai une; mais le Sr. de la Boullaye
fit fi bien, que l’une fut vendue h un Huiffier-prifeur, l’autre fut donnée
à un Directeur de la ferme.
A ce moment, M. de Villedeuilfe retira du contrôle, ôc M. Lambert
monta au trône de la finance.
M. le Marquis de la Fayette parla de nouveau à M. le Comte de
Montmorin ( b ) , pour reprendre les engagemens avec le Sr. Lambert,
de maniéré qu’ils fufîent enfin remplis; ce Miniftre y confentit &C écrivit
dans cette intention au Sr. Lambert.
Suivant la routine, la lettre fut renvoyée dans les bureaux de l’in
tendance , où le Sr. de la Boullaye eut foin d’éviter dans la réponfe ,
l’expreiTion de place inférieure, q u i, dans la premiere , avoit bleiTé mes
droits & excité ma réclamation pour y inférer celle de place convenable,
qui, dans l’acception maltotiere, que le Sr. de la Boullaye fe préparoit
d’y donner, l’auroit rendue fynonyme.
( a ) C ’étoit fi peu une place inférieure, que portoient les engagemens, quen donnant
la çlace du Sr. de Cim m ery au Sr. J o ly de St. E ufebo, on ne me propofa pas celle
de Contrôleur des cailles, que faifoit vaquer la promotion du Sr. J o l y , qui étoit de
jo o o liv re s, & dont on augmenta le traitement de cent piftoles, pour la donner a
un nouveau v e n u , le Sr. A c o y e r,
qui
1occupa
fix lemaines
feulement, pour avoir
fa retraite avec 3000 1. de penfion. Eh ! voila comme le fang des peuples convertis efl
m onnoie, fervoit a faire des peniions a des favoris ; il eft aife de vérifier le fait.
( b ) Je pourrois rapporter ici les lettres de M . le Com te de Montmorin à M . lfi
Marquis de la F a y e tte , avec celles de ce dernier qui me les e n v o y o it, mais tous les, deu*
exiftent heureufement, & on peut les confulter ; néanmoins pour ceux qui n’en ont pas
�( 7 )
Je me défiai d’un Intendant, qui dès notre premiere entrevue m’avoit
annoncé machiavel pour Ton cafuiile. D ’après le confeil de mes protec
teurs , je vis en particulier le Sr. Lambert , pour le mettre au fait du
manège ( a ) du Sr. la Boullaye, & de ce que j’en avois ;\ attendre.
Le Sr. Lambert m’avoit paru bon homme, & fa dévotion ajoutant à
mon opinion, je crus tout ce qu’il me promit; je ne tardai pas m’appercevoir, que dans les gens en place, la foibleiTe étoit auffi dangereufe
que la mauvaife foi réfléchie. Le Sr. de la Boullaye le menoit par le bout du
nez; les chefs de bureaux, & jufqiùuixfimples commis, en faifoient de même.
Défefpéré, je m’adreflai à fes parens, à les amis Sc à tous les Miniftres
qui vouloient l’accompliiTement des engagemens pris avec moi. Chacun
d’eux écrivit, ote parla au Sr. Lambert , dont, aux réponfes que j ’ai
entre les mains, je reconnoiffois le protocole du mauvais éleve de
machiavel. Pour faire fortir celui-ci de derriere la toile, je convins avec
Madame de Malesherbes & M. Clément de Barville, qu’ils écriroient
au Sr. Lambert, relativement à ce qu’il m’avoit dit verbalement, afin
d’embarniffer le la Boullaye dans les réponfes qu’il lui donneroit à
foufcrire ; ils devoient entrecroifer leurs lettres, & les rendre preflantes.
U facilité, je vais en citer u n e: » J ’ai l’honneur, Monfieur , de yous envoyer ci» jointe, la réponfe que j’ai reçu de M . de la Boullaye , relativement au Sr. M orizot,
» auquel vous vous intéreiTez ; je d fire bien finccrement que la bonne volonté que
» témoigne M . de la B o u lla y e , ne demeure pas ftérilc , & que le Sr. Morizot puiffe
” bientôt en éprouver les effets.
J ’ai l’houneur, & c . Signé, le Comte
de
M
o n t m o r in
.
( a ) O n connoît tout le trigaudage du Sr. la Boullaye dans les bureaux des domaines
du R o i , qu’il bouleverla pour y faire entrer de force un Secrétaire de fon gendre Jo ly
de Fleury ; ce coup de main a valu mcme depuis de la difgraco au Sr. Debonnaire
de Forgées.
On fçait comment il donna du defTous au Sr. V ia l, auquel tout le crédit de M o n s ie u r ,
frère de R o i, ne put faire reftituer la p lace, quoiqu’elle lui eût été ôtée injuftement.
On n’ignore p a s, comment il difpofa au profit d’une de fes créatures, d’une place
de D ire&cur des A id e s, promife par M . Lambert à M a d a m e . Sans tous les efforts de
cette généreufe Princefle, fon protégé n’obtenoit pas juftice.
Le déplacement du Sr. d eF o rg u es, Receveur de la Barriere d ’E n fe r, a fait aflez de
bruifc par fon injuflice.
^ E n fin , qu’on confulte M . Falbert de Q uingey & tous les b u reau x, & on aura du
r- la B o u lla ye, la jufte opinion qu’on doit en avoir. Il eft connu.
•
. V
�C 8 )
Le ilratagême me réuifit. Le Sr. de la Boullaye fut obligé de fe mettre
en fcene dans les réponfes qu’il fournit a la iignature du Sr. Lambert ; celle
à Madame de Malsherbes annonçoit l’homme dès l’exorde, & on Pauroit
reconnu à tout le corps de la lettre, quand bien même il n’y eût pas
été nommé.
Celle à M. Clément de Barville promettoit une réponfe définitive,
d’après le rapport de M. de la Boullaye, dont l’intention étoit bien d’éviter
de la faire ; mais M. de Barville la provoqua , en écrivant de rechef à M»
Lambert pour qu’il la lui fit.
Elle vint, remplie de fiel, d’injures, de menaces, de diffamations, &
foufcrite du Sr. Lambert. M. de Barville la jugea auffitôt furprife à M.
Lambert. En effet, les objets dont il s’agiffoit, étoient étrangers à lui,
mais perfonnels au Sr. la Boullaye. Il ne jugea pas à propos de me
remettre une lettre qui compromettoit le Contrôleur-général, fon ancien
camarade ; mais il m’en laifla prendre une copie, que je portai au Sr.
Lambert.
Dès que celui-ci la v it , il la défavoua, en me promettant d’en témoigner
fon mécontentement au Sr. de la Boullaye. Néanmoins ce dernier avoit
réuiïï, pendant les dix mois qui s’étoient déjà écoulés du miniftere du
Sr. Lambert, à fe faire affurer , par la fignature de ce dernier , jufqu’à
fes vengeances perfonnelles, &c à difpofer1 de tout, à l’infçu du Sr. Lambert,
& à mon préjudice.
Vainement je prévenois , je follicitois &C j’avertiffois le Sr. Lambert,
à toutes fes audiences qu’il donnoit fréquemment ; je n’en étois pas
moins éconduit , malgré fes paroles & fes affurances , à fon infçu,
quoi qu’il fignât.
Entre plufxeurs faits particuliers, je n’en citerai qu’u n , c’eft celui du
bail des meffageries , pour lequel le principal Miniftre avoit une nouvelle
compagnie, qui lui donnoit une fomme confidérable d’augmentation,
& que le Sr. Lambert paifa à l’ancienne, en fe cachant du principal
Miniftre, &c à l’inftigation de la Dame de Villeneuve, fa belle-fœurj
qui vivoit avec les Morel ( a ).
. Le Sr. Lambert avoit promis formellement à Madame de MonteiTon,
( a ) Le public a retenti, dans le tem ps, de la reconnoiiEance de l’ancienne Com
pagnie envers la Dam e Villeneuve.
que
�( 9 ).
que je ferois un des RégiiTeurs de ce bail, s’il y en entroit de nouveaux,
& il y en avoit eu deux admis. Madame de Monteilon s’en plaignit au
Sr. Lrmbert, qui lui dénia en avoir admis de nouveaux. Effectivement
il n’en fçavoit rien , & il avoit figne.
Mais le fait capital dont j’ai à me plaindre, & qui eft l’objet principal
de ce mémoire, eft encore plus étrange. Il prouve linguliérement combien
le Sr. Lambert étoit incapable de gérer le contrôle général. Comme ce
fait eft amplement expofé &c difcuté dans quatre mémoires imprimés,
qui ont déjà paru, j’abrégerai, pour ne rien répéter de ce que j’ai
dit, &c je fiipplierai Votre Majeité de s’en faire rendre compte, & l’AiTemblée nationale d’en prendre communication.
J ’occupois depuis douze ans un emploi dans les bureaux de la loterie
royale, aux appointerons de 4000 livres, fans les gratifications ordinaires
& extraordinaires. L’intrigue oppreiïïve de deux chefs m’en avoit retenu
le payement pendant les douze années, malgré les ordonnances & déci
dons des Miniflres. J ’avoisfervi à mes frais, & j ’attendois impatiemment
chaque anuée ma tranflation dans une autre partie de finance, pour en
reclamer judiciairement le payement contre l’adminiftration de la loterie ,
fans craindre d’être révoqué par elle, fur cette înfurreûion; Iorfque
confidérant, d’un côté , que cette tranflation pouvoir être différée par
des événemens imprévus ; de l’autre, que j’avois un preffant befoin de
percevoir en entier à l’avenir mes appointemens , &c de toucher pour le
moment ceux arriérés, afin defolder les avances que lagénérofité m’avoit
faites, dans la vue de me faciliter les moyens d’attendre la rentrée de
ces fonds; au rifque delà révocation, j ’avois réfolu, peu après l’arrivée
de M. Lambert au miniftere des finances, de pourfuivre en Juftice mon
recouvrement.
Dans cette intention, j’avois difpofé un mémoire, fur lequel un Jurifc°nfulte expérimenté m’avoit donné fon avis. L’un & l’autre alloient
paroître imprimés, lorfqu’il tranfpira qu’il
préparoit une réforme dans.
ks bureaux.
furfisit aiïïgner & à publier mon mémoire, & le 2.5 août, le miniftere des finances abandonna le Sr. Lambert.
Quatre jours après, 'es opérations de la réfome, complotées & arrangées
dans le fecret, éclatèrent, telles que je les ai expofées dans mes deux
ptacets à M. Necker, qui ont été imprimés,
B
1
�C i° )
A mon grand étonnement, je me vis inglobé dans la fuppreflion
défaftreufe qui avoit été manoeuvrée pour mafquer à M. Lambert la
création d’une multitude de places ruineufes, & le renvoi de cinquante
peres de famille, auxquels on ôtoit l’état & le pain pour le donner à
des étrangers , nouvelles créatures que la Roche & les Adminiilrateurs
fubftituoient à des Commis plus capables qu’eux.
Cette opération, aulieu d’être une fuppreflion , étoit une vraie créa
tion, qui, loin de diminuer les frais de 120,000 livres, comme on
l’avoit fait entendre au Sr. Lambert, les avoit augmenté de 51000 livres,
fuivant le dépouillement qui en a été fait depuis au tréfor royal.
Alors je me pourvu à la Commiflion de la Police, contre l’adminiftration de la loterie, pour la faire contraindre à me payer mes appointemens retenus, & j’écrivis en même temps au Sr. Lambert, pour lui
apprendre la furprife qu’on lui avoit faite, le tort particulier qu’il me
caufoit ; n’ ayant aucune autre reflource pour fubfifter & pour lui repréfenter, qu’ au lieu d’avoir rempli envers moi les engagemens de fes deux
prédéce fleurs & les fiens, pendant les onze mois de la durée de fon
miniftere, il m’avoit, en le quittant, privé d’une place médiocre , lorfqu’il
devoit m’en donner une plus avantageufe.
Auflitôt je rendis public mon mémoire à confulter , après en avoir
auparavant envoyé un exemplaire à S. A. S. Madame la Princefle de
Lamballe, à M. le Préfident de Rofanbo & à M. de l’Eflart, que j’avois
pris à témoin de la vérité des faits que j’y énonçois. Ces deux derniers
me répondirent chacun par une lettre qui en rcconnoiiToit l’authenticité.
La Princefle fit encore plus ; elle envoya l’exemplaire à M. Lambert,
avec fon atteftation, en lui recommandant de me faire payer de mes
appointemens , d’après l’afliirance qui lui en avoit été donnée par M.
N ecker, lors de fon premier miniftere; enfin, elle redemandoit à M»
Lambert, pour m oi, la place qu’il m’avoit ôtée.
Le Sr. Lambert répondit à ma lettre du 2 feptembre, ainfi qu’il fuit«
Paris , 7 feptembre ¡788.
C e n’c ft, pas M onfieur, par une ordre particulier que j’ai donné à votre ¿gard >
que la place que vous m’apprenez que vous aviez dans les bureaux de la loterie,
s ’e f t
trouvée fupprim ée; j’ignorois même que vous y fuffiez employé.
J’ai exigé des Adminiilrateurs une économie fur leurs frais de régie, qui allât au
�(
Il
)
moins à 12 0 ,0 0 0 livres; je leur ai laiffé la fixation particulière des retranchemens qui
procureroient cette économie. C ’eft ce plan qui a produit & néceflitc les fuppreflions
dans lefquelles vous avez été compris. Si j’euffe pu prévoir que ces réformes vous
fi fient éprouver une perte, au lieu des effets que vous aviez a attendre de toutes les
efpérances qui vous font données depuis long-tem ps, j ’aurois cherché, du moins pour
l’inftant, à détourner de vous ce contre-temps ; mais e n v o u s a d r e s s a n t a M . l e
D ir e c t e u r - g é n é r a l
d e s f i n a n c e s , je ne doute pas qu’il n’entre dans les mêmes
vues, & je lui rendrai volontiers m o n t é m o i g n a g e fur vos talens & votre perfonnel,
fuivant la connoiflance que je puis en avoir.
J ’aurois defiré pouvoir remplir l’engagement que M . de Calonne avoit pris avec M .
le Comte de V erg en n es, & qui avoit été renouvellé par M . de Villedeuil avec M .
le Comte de M ontm orin, pour vous donner une place diilinguée dans la finance.
V o u s avez les preuves de l’intention où j’étois de la te n ir, par les affurances que
j ’en ai données à M . le principal Miniftre , à M . de Lam oignon, à M . le Com te de la
Luzerne, à M . le Com te de M ontm orin, à M . le D u c de V illeq u ier, à M . de Barville
& autres de vos protefteurs ( a ).
Je vais avoir l’honneur de réitérer mes regrets à Madame la PrinceiTe de Lam balle,
qui m’a fait celui de m’écrirç, en m’envoyant votre mémoire im prim é, pour la répétition
de vos appointemens contre la loterie & la réclamation de votre place. Je fu is, & c
Signe, L a m b e r t .
Cette lettre n’a pas befoin d’un long commentaire, & h l’apologie
près de la faullc opération fouferite par le Sr. Lambert fur la loterie, on
y trouve tout ; mais on fçait que plus un Adminiftrateur eil aveugle,
plus il a d’affe&ion pour fes opérations; au furplus, on voit que le Sr.
Lambert connoiffoit parfaitement la teneur des engagemens de MM. de
Calonne & Villedeuil avec MM. les Comtes de Vergennes & Montmorin,
Puifqu’il dénomme tous les Miniftres avec lefquels il les avoit fanftionné.
Ce n’ell plus le ftyle du Sr. de la Boullaye, pour une place inférieure 011
convenable ; dès qu’il n’ell plus le fecrétaire de l’ex-Miniftre, celiu-ci
rétablit la chofe en convenant que les engagemens portoient fur une
place diflinguée ; & au lieu de cette place diilinguée il m’a ravi jufqu’au
chétif emploi qui me faifoit vivre , il m’a mis fans état & fans pain.
Mais confidérez fes regrets de n’avoir pu prévoir ma perte, & détourner
dt moi ce contre-temps. Ce contre-temps ! ah ! eit-ce le mot qui convient
( a ) Je n’ai pas befoin de rapporter tous les engagemens par écrit de tous ces
Miuiftr.es & autres, puifque
M.
Lambert
en
convient ; mais je les garde en original.
�( 12, )
à la chofe ? n’eft-ce pas plutôt un attentat; puifque ôter l’état & le pain à
un homme, c’eft lui donner lentement la mort. L ’ex-Contrôleur-général
pénétré , ne femble-t-il pas me dire : » j’ai fait une faute, je l’avoue; mais
» une fa u te involontaire. J ’ai été furpris, je ne vous fçavois pas là ! il
» j’avois encore de l’influence fur l’adminiftration de la loterie , je vous
» reftituerois votre place. Adreffez-vous à M. Necker, il eft juile, il
» vous réintégrera, lorfque je lui aurai parlé de mon erreur, de vos
» talens & de votre perfonnel.
C ’eft ce langage que confirme le billet ci-après du Sr. Lambert, du 12
feptembre 1788.
M . Lambert envoie à M . M orizot la lettre de Madame la Princefle de Lam balle,
qu’il defire d’a vo ir, & fon mémoire qu’il a lu , & qui n’a été vu de perfonne ; il n’a point
réfufé de voir &
d’entendre le Sr. M orizot; Mais il n’a plus aucune influence fur
l’adminiftration de la loterie , S i M . N ecker peut feul y pourvoir.
Je fuivis l’avis du Sr. Lambert. Le jour même j’écrivis à M. Necker,
8c par fa réponfe du 17 feptembre, ce Miniitre me renvoya à en
entretenir le Sr. del’Eflart, auquel je remis mon placet manufcrit, deftinc
pour M. Necker, que le Sr. Lambert avoit approuvé, &c que depuis j’ai
fait imprimer, lorfque le Sr. de FEffart , d’abord enclin à me rendre
juftice , en a été détourné par une femme qui follicitoit pour les Adminiftrateurs de la loterie.
Votre Majefté, Monfieur, & toute votre Cour, ne dédaignèrent pas
de lire ce placet, qui occafionna le renvoi de la femme Gourbillon &
de fon fils. Tous furent révoltés de l’injuftice que j ’éprouvois, & néan
moins ce fut à ce moment que fe formeront les intrigues pour empêcher
la réparation, foit de celle que je pourfuivois devant M. Necker, Juge
né de la queftion en reftitution de ma place, foit de cel’e pour le paye
ment de mes appointemens, dont le Confeil étoit faifi, au moyen d’un
Arrêt, du propre mouvement du R o i, qui avoit évoque de la commiilion
de la police ma demande avant l’inftru£Uon achevée.
Je dévoilai toutes ces intrigues clans un deuxième placet ;\ M. Necker ■>
que M. de Barentin remit imprimé à ce Miniftre, auprès duquel je réunis
çncore le fuffrage de MM. les Comtes de Montmorin, de la Luzerne &
celui de M. de Villedeuil.
M , N ecker m’écrivit la lettre ci-après,
�C *3 )
‘
Perfailles
M . DE R
um are
,
ce 6 février 178g.
a dû prévenir M . M o rizo t, qu il devoit faire le rapport de fon affaire
au Comité contentieux. M . le Direfteur-général l’engage de lui envoyer toutes les inftruélions qu’il croira c o n ven ab les. S i M . M
o r iz o t
PO RTÉE A UN AU TR E T R IB U N A L , IL
Q u ’ a LE DÉSIGN ER LUI-M&ME , & en atten
n ’a
PRÉFÉRÉ QUE
sa
d e m a n d e s o it
dant , M . le Direéteur-général ayant connoiffance de la fituation dans laquelle il fe trou ve,
lui envoie un mandat de 12 0 0 1.
Ce mandat n’a pas fuffit pour les frais d’impreiHon des quatre mémoires
que j ’ai donnés. M. de Rumare, que le Sr. Lambert avoit nommé* mon
Rapporteur, en l’endoftrinant contre moi, s’étoit heureufement démis,
& M. de Fourqueux lui avoit fubftitué M. de Pafloret;
J ’acceptai entre les mains de M. de Barentin l’offre faite par M. Necker
d’un autre Tribunal que le Confeil; mais quand le Comité contentieux
eut connoiffance de cette propofition & de mon acceptation, fans attendre
les injlrucllons que M. le Dire&eur-général m'avoit engagé d'envoyer, fans
que Maître Perdry, mon Avocat au Confeil, en fîit averti, fans avoir mes
pièces, fans que mes adverfaires fuflent conftitués ; enfin, fur un écrit
furtif, illégal de ceux-ci, & non communiqué, ce Comité s’emprefla de
m’étrangler par un Arrêt qui me déclaroit fubitement non-recevablc, dans
l’efpoir qu’il m’empêcheroit de profiter du bénéfice de l'offre de M. Necker
pour le changement de Tribunal (a ).
Maître Perdry, par cet Arrêt, fe trouvoit pour ainfi dire compromis dans
fon honneur & fa fidélité, vis-à-vis de fon client, qui pouvoit en quelque
forte le prendre à partie. Il préfenta requête au Comité contentieux,
pour le rappeller au principe de ne pas juger les Parties au moins fans les
entendre ; & M* de Pafloret qui rapporta cette requête, fit rétablir les
chofes , en ordonnant que cette production illégale &c clandeftine de mes
adverfaires me. feroit communiquée. Les Magiilrats fe prêtèrent d’autant
( a ) Eft-il croyable que tfes h om m es, oracles du Confeil du R o i, fe permettent de
rendre ainfi des Arrêts en fon nom impunément ? Seroit-il poflîble que l’Aflemblée
nationale ne ’ prît point en confidération le fort de leurs com m ettans, jufticiables de
tels ^ g e s , & qu’ils ne les écartaflent pas du plus jufte des Rois qu’ils trom pent, &
d°nt ils abufent fans ceiTe. Oh ! qui auroit donc pitié de l’infortunée nation, obligée
fe voir ainfi ra va gé e , fans ofer fe plaindre , fe foulevcr ni fecouer ce régime arbitraire.
�'
"I
au mépris de toutes les formes , qu’ils fe promettoient bien de répéter le
même , en obfervant toutes les formes.
Mais ce fut alors , que très-déterminé à confommer la propofition de
M. N ecker, & à ne pas paroître dans un Tribunal, dont les vieux
Magiftrats fouloient aux pieds, fans fcrupule, les L o ix, la confcience &C
l’honneur, je démalquai la monftruofité de leur procédé, dans un mé
moire que je donnai le 18 juin dernier à l’Affemblée nationale & à
Votre Majefté, que je fuppliois de me juger elle-même, ou de me nommer
un Tribunal, en lui expofant quelques réflexions fur la néceifité de
réformer les bureaux de fon Conieil.
J ’attendois, Sire, votre décifion , lorfque votre peuple, las du joug
de ces defpotes Magiftrats , qui avoient ui'urpé votre autorité pour vous
fubjuguer v o u s-m ê m e , s’eft levé en rompant fes chaînes, &C a pris les
armes pour délivrer fon Monarque bien-aimé.
Les fecouffes d’un fi noble effort, en altérant l’harmonie apparente
qui déguifoit les vrais défordres de la Capitale, ont ébranlé un moment
les fondemens de la fécurité particulière. A l’abri de ce trouble momenrané , ceux auxquels l’empire de l’iniquité échappoit, ceux que j’avois pu
bleiTer par une révélation de faits honteux, mais nécelïaires à mettre en
évidence, ceux enfin que l’habitude a familiariié avec le crime, me
menacerent d’un attentat horrible.
Pour leur épargner un forfait de plus, j’ai cherché unafyle fur une T erre étran
gère : j’y toitchois à peine, que j’allois échouer contre un nouvel écueil ( a ).
( a ) Quarante-huit heures après être arrivé à Bruxelles, où je ne A>nnoiffois perfonne,
le Gouvernement me notifia l’ordre de fortir des Terres de l’Em pereur, dans vin gtquatre heures, & il étoit alors onze heures du foir. Je communiquai les pafle-portsque
j’avois de mon d iftriil, de l’H ôtel-de-V ille de Paris & celui du R o i, je rendis vifite
a M . le Comte de TrauttmaudorslE En voyant l’état de ma fanté, il .'évoqua I ordre de
déguerpir. C e Miniftre honnête s’exeufa même de l'avoir ^donné , fur ce qu’il ne me
connoiiToit p as, & fur ce qu’un François m’avoit rendu ftlfpeft; j’ai fçu depuis le nom
du lâche, q u i, abufant de la confiance qu’infpiroit fon n o m , fon état 8c fon rang »
m’avoit rendu ce mauvais office ; je ne le nomme p as, par égard pour M M . les Ducs
de........... meilleurs patriotes que lu i; je fouhaite de n’être pas fo.ee à le nom m er, car
ce trait-là ne lui a pas fait honneur à B ruxelles, dès que j’y û été connu. On peut
voir aux pièces juftificatives, le certificat du Gouvernement de B ru x elle s,la lettre du
M iniilre de l’Empereur & celle du Miniftre du R o i des François.
t
!
1
I
�C *5 )
Sans la vigilante prote&ion de M. le Comte de Montmorin, qui me pro
cura un moment de repos, pendant lequel, je donnai avis à quelques-uns
de MM. les Députés à l’Affemblée nationale du malheur de ma pofition
des dangers qu ej’avois courus pour avoir ofe demander juftice au R o i&
à l’Affemblée, avec ces carafteres de vérité & de courage, qui n’appar
tiennent qu’à l’honnête homme, parce que lui feul peut les ioutenir.
Aux a ffu ra n c e s de leurs bons offices, ils jo ig n ir e n t une invitation vrai
ment fr a te r n e lle de revenir, & ils m’annoncerent le rappel du S r . Lambert
au miniftere.
Je me mis en marche auifitôt, & j ’en prévins une parente dti Sr.
Lambert, qui, pénétrée du tort que celui-ci me fait éprouver, m’avoit
promis fa médiation auprès de lui trois jours avant mon départ.
AufTitôt mon arrivée, je réclamai la parole de cette parente en même
temps que j’adrefl'ai au Sr. Lambert la lettre ci-après.
P a r is , 4 feptembre 178g.
-M O N S IE U R ,
R
appelle
au Contrôle-général, tout ce quo je vois de plus avantageux pour vous
dans cet événem ent, c’eft la facilité qu’il vous donne de réparer partie du dommage
que vous avez pu commettre pendant votre premier miniftere.
Pour y parvenir sûrement, il faut vous environner de perfonnes honnêtes, & éloigner
de vous les frippons , les intrigans & les gens de parti, qui vous avoient dominé &
circonvenu ; malheureufement la nature vous a refufé le don de connoître les hom m es,
don fi nécefTaire à ceux appellés à les gouverner.
U n intérêt majeur ne me permet pas de vous diflimuler cet a v is , dont dépend pour
tttoi la réparation des torts que vous m’avez fait par furprife, & pour vo u s, l’eftime
& le refpeét du public éclairé, qui 11e confond pas l’homme avec la place.
Si vous êtes ju fte, avec courage vous ferez le bien, même à ceux qui vous feroient
Perfonnellement défagréables, s’ils font d’ailleurs honnêtes & capables. V ous ne profiterez
Pas de votre place pour exercer vos vengeances ou celles de
vos créatures. Main
tenant que la refponfabiïué efl une Loi de l'E t iit , vous vous expofetiez à être dénoncé,
à moins que la régénération ne foit illufoire, ou que l’Affembée nationale ne foit
elle-même complice avec nos ty ra n s, vous feriez infailliblement jugé d’après la lettre &
*e billet que vous m’avez adrefle les 7 & 1 2 feptembre de l’an dernier. Faites-y attention;
V ous fçavez qu’à pareille date vous m’avez mis fans pain , pour donner ma place
au Jei,ne B i l l e c o q ; enforte qu’à charge à la fociété qui me fait vivre depuis ce m om ent,
^ dans un temps où chacun n’a pas trop du fie n , je fuis dans la fituation la plus
«W oureufe.
Aujourd’h u i, M on fieu r, que vous avez reffaifi l’autorité, vous devez à la Juftice &
�( 16 )
à la fociété de chafler honteufement ce B i l l e c o q , déjà fi riche par lui-même & par
la fortune immenfe de fon beau-pere , qui vous a trom pé, pour me reftituer ma place
ou me donner une retraite analogue aux appointemens de la place. Je ne la demande
même pas aufli avantageufe que vous l’avez faite aux autres, auxquels vous avez donné
âppointement & gratification en retraite, en aflurant moitié d’icelle à leurs femmes.
C e feroit vous couvrir d’opprobre & manquer à votre d evo ir, fi vous accordiez de
nouveau votre confiance à un
la
R
oche
, qui en a fi cruellement abufé, d’intelligence
avec les Adm iniftrateurs.
Le public éclairé par les quatre mémoires que j’ai donnés , les a proferits, & beaucoup
des
h o n o r a b le s
membres de l’Affemblée nationale fe promettent de les éplucher, lorfqu’ils
s’occuperont de la finance. Il eft impoffible que leur fortu ne, acquife aux dépens du
R o i & de la Nation , ne lerve pas à foulager le peuple qu’ils ont dévoré par leur dépré
dation. Heureux encore s’ils n’expient à la lanterne les forfaits de leur oppreiïion.
V o u s n’ignorez p a s , Monfieur , que tous ces flippons qui vous ravirent votre fan£Hon
pour me ravir ma place, ne m’avoient pas fatiifait de mes appointemens, pendant douze
ans que je l’avois occupée avec diftinâion. V o u s en avez vu la preuve dans les témoi
gnages foutenus des Adminiftrateurs, q u i, pendant les clou/., années , ont donné à mon
tra v a il, à ma vie publique & p rivé e , les élog:s qu’ils ne pouvoient leur refufer ( a ) .
M ais vous avez vu aufli les preuves de cette intrigue atroce qui m’en a privé , &
qui avoit été menée avec fuccès par les Srs. M efnard, Seigneur de Conichard r &
P ré v o it, Montaubert d’A rlin co u rt, connus notoirement pour les deux tyrans de la finance
les plus effrontés, comme pour las deux vampires les plus ir.fatiables.
M algré l’évidence de mes d ro its, le Comité contentieux du Cor.A-il n’a pas eu honte
de former cabale pour les anéantir, & d’admettre des fins de non-recevoir ipadmiflibles.,
qui font la fource du brigandage de la M agiïtrature, qui depuis deux fiécles défoie la
France & en prépare la perte.
O b ligé , au péril de ma vie qui étoit m enacée, d’échirer cette cabale rcl'inccrate,'
je l’ai fait avec fuccès dans mon mémoire au R o i , auquel le françois & l’é-.ratiger ont
applaudi. L a chicane effaie d’éternifir ce procès, dont vous aviez d’aboid nommé pour
Rapporteur ce Grégoire de Rumare , aufli eilimé au H avre qu’à P aris, &. je ne puis
fuffire aux frais quelle dévore.
V o u s devez prononcer fur le rapport de M . de P aftoret, les Magiftrats du Confeil
ne pouvant plus connoître de cette difcuflion depuis la plainte que j’ai portée contr’eux
au Roi & à l’Afïl’mblée nationale, & la propofition qui m’a été faite par M . N ttk er
pour me changer ce Tribunal.
Des Magiilrats com prom is, attaqués , devroient fe réeufer d eux-mêmes. La réunion
des bureaux ne change pas leurs difpofitions. Elle n’épure pas leur cœ u r, & c’eft Ie
cœur qui infpire la confiance ou qui diffuade. Réunis ou divifés, les Magiftrats for t les
(a )
V. dans mon mémoire à confulter les lettres des Srs.Campan , Pcrnon, M efna ; à
&. de Clugny.
jnemes >
\
�( >7 )
mûmes f & ce n’étoit pas une réunion qu’il falloit, & qui ne diminue aucunement leur
ignorance & leur corruption. La nation attendoit une fuppreiîion & un renouvellement
total. L e bien public les follicitoit ; fans cela , la régénération eft manquée , notre efpoir
trom pé, & le defpotifme nous menace de fes vengeances implacables.
T erm inez, M oniieur , cette querelle honteufe pour vos confreres , odieufe au public '
& douloureufe pour moi. V ous préviendrez le Jugement de l ’augufte A flem blée, déjà
affez furchargée de travaux importans pour le bien général & particulier. V o u s vous
ménagerez des droits à Ton eftim e, au lieu de vous attirer des difgraces.
C e provifoire rem pli, il ne vous reftera , Moniteur , qu’à acquitter les engagemens
que vous aviez pris pour m o i, avec tous les M iniftres, pendant que vous étiez Contrôleurgénéral. La mechancete du Sr. Donet de la B o u lla y e , qui avoit toujours quelques ififipides
créatures de fes favorites à p ou rvoir, vous en a empêché, piefque à votre infçu ;
car c’étoit vers la fin de votre miniftere qu’il vous furprit votre fignature , au bas
d’une lettre injurieufe &. calomnieufe qu'il vous faifoit répondre contre m o i, à M .
Clément de Barville.
V o u s n’a v ie z , vous ne pouviez avoir alors aucun grief contre moi. L e Sr. Donet
vous abufoit, pour couvrir de votre autorité fes reffentimens perfonnels, & difpofer,
à mon préjudice , des places auxquelles j’avois d ro it, par vos engagemens &. le vœu
réuni des M iniftres, qui vouloient une fois, qu’un homme qui le m éritoit, entrât dans
les finances du R o i , depuis trop long-temps la proie de toute la valetaille delà Cour
& de la Ville ( a ) .
D eux de ces Miniftres bien intentionnés font encore aujourd’hui dans le miniftere
jes deux plus fermes appuis de l’honnêteté malheureufe. Ils n’ont point changé, & je
n’ai pas démérité. A u contraire, mon courage développé par le malheur & les circonftances, m’a mis dans un jour nouveau, & vu fous un afpeft plus intéreflant •
d’honorables membres de l’augufte Aflemblée ont penfé, qu’une fi jufte énergie décéloit
quelque v e rtu , dont on pouvoit tirer avantage pour le bien public ; ils m’ont afliiré
de leur proteâion.
Secondez leurs intentions patriotiques, M onfieur, je fupplierai M M . les Comtes
de Montmorin & de la Luzerne de vous réitérer leurs opinions fur mes droits ; mais
pourvoyez promptement à la reftitution de ma place ou à la fixation de ma retraite,
ainfi qu’au payement de mes appointemens , fi long-temps & fi vexatoirement retenus.
Cet objet eft provifoire & requiert célérité, puifque enfin depuis un an je fuis fans
Pain , & cette extrême fituation eft votre feul ouvrage. Je fuis, & c. Signé, M
o r iz o t .
Les torts du Sr. Lambert, fes faux fuyant, fon manège & ma fituation,
ni’autorifoient à lui écrire, ainfi qu’on vient de le v o ir, avec une
énergie propre à rappeller fon ame aux fentimens qui lui étoient devenus
( a) Campan, Morel, Diancourt, &c. &c.
c
�( *8 )
étrangers, mais en vain; le Sr. Lambert, éloigné des principes de juftice
que je lui retraçois , ne me fît aucune réponfe ; aucontraire, averti par
cette lettre de mon retour dans la Capitale, il s’emprefla de m’inquiéter,
¿k l’aide du Comité de Police de l’Hôtel-de-Ville de Paris.
Ce Comité turbulent me cita devant lu i, par lettre du 8 feptembre
dernier, quatre jours après celle que je venois d’écrire à M. Lambert.
J e comparus devant les Srs. P itra (a ) & Dufour ( b ) , adroits caffards
p a t r i o t i q u e s , qui, depuis la révolution, s’étoient introduits d’abord fans
miffion à l’Hôtel-de-Ville, & avoient réuffi enfuite, malgré l’amovibilité,
à s’y perpétuer avec miffion, voulant abfolument être quelque chofe,
en dépit de l’improbation générale & de la nullité, dont les a frappés la
nature. Obfcurs & myftérieux comme les Sibilles, à peine purent-ils me
dire le motif de leur indifcret appel. Je parvins cependant à démêler les
refforts de la même intrigue qui m’avoit expatrié, & qui, en apprenant
mon r e t o u r , r e n o u v e l lo it fes e ffo r ts pour s ’e m p a r e r , s ’ il étoit p o f fib le ,
de ma perfonne, en employant à cet attentat, des formes en apparence
légales; car ni le Sr. Lambert, ni les Commis de M. Bailly,dans les
bureaux de la Police municipale, n’ignoroient_ ou ne devoient ignorer
leur incompétence.
Au fein de l’anarchie, où toutes les réglés font oubliées, confondues
ou violées, l’abus étoit facile, & le danger preffant. J ’avois à craindre le
defpotifmc fanatique & la complaifance intércffée des Officiers, Rois de
la Police parifienne , compofée en partie du rebut des diftrifts ( c ) , depuis
que les gens fenfés & honnêtes les abandonnent aux intrigans. D ’ailleurs,
l’afcendant d’un Contrôleur-général, qui a la lâcheté & la baffeffe de
flatter des fubalternes incompétens, pour provoquer d’eux des attes
( a ) P itra, marchand bonnetier, & lai-m êm e,u n peu bonnet de laine , n’étoit pa?
con n u , avant que les murs de Paris fuflent tapifTés de fon nom.
( b ) Celui-là , & fon frere , Secrétaire du d’Aligre , font fort connus. Les hurlemens
des cliens écorchés
les ont longuement célébrés.
.. ( c ) Je ne prétends pas qu’il ne refte plus de gens honnêtes &
éclairés dans le*
diftriéts ; ce n’eft pas c e la , je fçais qu il y en a encore qu’on n’a pu réufTir à écarter,
mais ils y font fans influence, & fans ofer parler, &. le défordre entr’autres de certain*
d iiw a s eft au dernier période.
�Ci 9 )
illégaux, lorfqu’il peut recourir à des Tribunaux compétens,me rendoit
encore plus redoutable cette voie oblique, infolire & vexatoire.
Je pris les feules précautions que je pouvois prendre dans de fi fâcheufes
circonitances , & je fis Maître Carre, CommiiTaire au Châtelet, dépoiitaire
de la déclaration ci-après.
L ’ a n mil fept cent quatre-vingt-neuf, le jeudi dixfeptembre , deux heures de relevée,'
en l’hôtel & devant nous, A dricn-Louis C a rr é , Confeiller du R o i , Commiffaire-enquêteur
&
examinateur au Châtelet de P a ris, eft comparu Maître Edroe-Etienne M o riz o t,
A vocat au Parlem ent, demeurant à P a ris, rue St. Thom as du L o u v re , Paroifle St.
Germ ain-l’Auxerrois :
Lequel nous a déclaré , qu’il auroit été averti, environ le 20 juillet dernier, qu’une
cabale puiflante &, nombreufe devoit profiter du trouble &
du défordre où étoit la
C ap itale, pour le faire aiTafliner, à caufe de certaines affaires, entr’autre une qu’il
avoit avec des Financiers, dans laquelle étoient compromis grand nombre de Magiftrats
S i de M inières, hors maintenant du miniftere ( a ) , ou rappelles au miniftere; qu’en conféquence, le comparant auroit auflitôt fait un emprunt ( b ) , & pris des paffe-ports de fon
diftriiS, de l’H ôtel-de-Ville & du R o i, & fe feroit enfui, le 25 dud. mois de ju illet, à
Bruxelles, d’où il en auroit prévenu fes protetteurs à l’Aflemblée nationale, & fes amis ; que
raffuré par ceux-ci, & jufques par quelques-uns de M M . les Députés de l’Aflemblée nationale,
que ladite Affemblée s’occuperoit de" faire rendre au comparant la juilice qu’il avoit
réclam ée, il s’étoit mis en marche pour rentrer dans fa patrie, en apprenant la nouvelle
du rappel du Sr. Lambert au contrôle-général q u o i q u e l e S r . L a m b e r t f u t s o n
en n em i
c a p it a l
; qu’arrivé à P a ris, le comparant auroit é crit, le quatre du courant,
audit Sr. L am b ert, pour le prévenir de la juilice qu’il réclamoit de l u i , & il auroit
appris qne la cabale renouvelloit fes intrigues, & même auroit e ifa y é ,p a r des voies
illégales 8 i infolites ,
de s’emparer de fa perfonne, pour difpofer plus sûrement de
fa v ie ; qu’en conféquence , cette cabale infernale l’auroit dénoncé à l’H ôtel-de-Ville ( c )
comme fufpett , imaginant que dans un moment où l’organifation de fa Police eft
incomplette , fa Municipalité leur donneroit la fatisfaélion & l’avantage de le faire
arrêter & conftituer prifonnier ; qu’alors le com parant, fouilrait à la fociété, ilo lé , fans
( a ) rattendrai, pour tout d ire , que l’on m’oppofe les ailes livrés par ce lâche que
je ne nomme pas.
( b ) C e fut un V ica ire -g é n é ra l, du Diocèfe d’A u tu n , qui eut la générofité de
Ine prêter.
( c ) U n Millin du Perreux , Député à la V ille , Repréfentant de la commune, n’eft
P is fait pour infpirer de la confiance à un citoyen, honnête. J ’ignore qui p eu t, fans
K-pugnance, fiéger avec Un homme de cette trempe.
�(1°)
déferife , ne pourroit échapper au poifon , s’il avoit échappé au poignard ; ce que
vo yan t le com parant, il auroit pris la réfolution de dénoncer à fes concitoyens, par
un mémoire qu’il v a faire imprimer, la fituation dans laquelle il fe trouve , fe réfervant »
jorl’que les Lois reprendront leur empire , de fe p o u rvo ir, ainfi &. contre qui il avifera.
Defquelles déclarations led. Sr. comparant nous a requis de lui donner a ft e , ce que
nous lui avons oélroyé , pour lui fervir & v a lo ir, ce que de raifon, & a ligné avec
n o u s, Com m ¡flaire, la minute des préfentes , demeurée en nos mains. Signé fu r l’expé
dition , C
arré.
J ’étois occupé à la réda&ion du mémoire annoncé ci-defïus, lorfque
no&urnement le Comité de Police de l’Hôtel-de-Ville me dépêcha un
courier,porteur d’unemiffiveimpertinente, lignée desSrs. Montaleau, ( a )
Prélxdent, Lagrénée 6c Bonvallet , qui ne m’avoient jamais vu ni
entendu, lefquels m’affuroient cependant être parfaitement injlruits fans
m’avoir parlé.
Rien ne motivoit, dans cette lettre infultante , les peines arbitraires
dont elle me menaçoit en ftyle de G rève, fi ce n’eft un faux rapport
du Sr. Dufour , contre lequel Maître Perdry, Avocat au Confeil ( b ) ,
a rétabli la vérité, dont on avoit les preuves , en démentant complétetement les aiîertions erronées du Sr. Dufour. Je me difpofois à employer
ces preuves, pour éclairer la Capitafé fur l’oppreffion de l’Hôtel-de-Ville ,
dont les membres, pour la plupart , incapables , indignes ou flétris,
aggravoient les défordres de l’anarchie, lorfque de vertueux citoyens,
infiniment plus habiles, ont développé les manœuvres anti-patriotiques
---- —
■
—
( a ) Je ne conçois pas comment le Sr. Moctier de Montaleau a pu briguer d’être
Député à l’H ô tel-d e -V ille , d’où fon frere a été chaffé, à moitié de fon cours d’échevinage. 11 me femble qu’avec un peu de délicateffe , il faudroit s’exclure d’un théâtre
où notre nom s’efl dégrade & flétri. Je conçois encore moins qu on députe des
Magiftrats & des Nobles titrés, tous gensintéreffés à la c o n f e r v a t i o n des abus, dont ils. viven t,
& par lefquels ils regnent; & ce qui eft encore plus inconcevable, c eft que tous les quinze
jours les diftriils nomment de nouveaux r e p r é f e n t a n s , & cependant on voit toujours les
mêmes perfonnages remplir les m îm es Comités & les m îm es noms affichés. Je fouhaite qu’au
milieu du mécontentement général contre l'H ô tel-d e-V ille, il n’arrive rien de fâcheux,
mais j’en doute. Je fouhaiterois encore que le petit nombre d’honnêtes gens qui s’y
trouvent , & y jouent un trifte rôle , fe retiraien t, pour n’avoir point à fe reprocher
le malheur de leurs concitoyeus, car on fe laflera.
( b ) Voyez fon certificat aux pièces juftificativos.'
�C »1 )
de ccs tyrans municipaux ( a ) , qui entendent nôus traiter plu'ôt en
vagabonds fans aveux, qu’en citoyens auxquels ils doivent des égards.
J ’ai repris alors ma tâche, pour dénoncer
Votre Majeftc, &
l’ A^emblée nationale, le Sr. Lambert, comme un M i n i s t r e i n e p t e ,
i n j u s t e , m a l - h o n n ê t e e t o p p r e s s e u r , dont l’honneur du T rône,
& le bonheur de vos Sujets follicitent le renvoi, & les injuftices une
punition. E n fu ite ,p o u r la fupplier de me rendre enfin la juftice que je
reclame depuis il long-temps, &C h laquelle il feroit dangereux , pour le
Sr. Lambert, de s'oppofer.
Votre Majefté abufée, votre autorité ufurpée, votre fife épuifé, vos
Provinces dévailées, votre Etat trahi, votre Royaume à deux doigts
de fa perte , vos peuples affamés , avilis, »dégradés par la corruption &
l’efclavage ; la France, enfin , cette fi belle contrée de l’Europe, n’offrant
plus que le fpeftacle de toutes les douleurs & de toutes les miferes : voilà
le tableau trop vrai des opérations meurtrieres des Miniitres & des
Magiftrats.
O ui, ce font vos Miniftres, enrichis des dépouillés de vos peuples ,
qui ont multiplié les impôts & les emprunts encore plus ruineux, pour
en dévorer le produit, ou acheter, par la prodigalité des dons , la faveur
intéreflee d’avides courtifans, néceflaires il les maintenir en place.
Ce font vos Magiftrats, infidelles à leurs obligations, traitres à la
Nation & à fon Chef fuprême , qui, par leur lâcheté dans vos Confeils,
ont célé la vérité à Votre Majefté, & lui ont dérobé la connoiifance
des gémiffemens & des plaies de fon peuple. Fiers de s’en dire les peres ( b "),
Pour en éxiger la docilité d’un enfant, ils faifoient fervir fa propre
force à l’enchaîner par une coalition combinée ; ces confpirateurs du
( a ) O n m’aflure ce Comité renouvellé en entier, dans ce moment. J ’en félicite la
Capitale. Maître Letellier &
tous les gens honnêtes pourront efpérer à leur sûreté,
& cefler de vo ir la Garde nationale obtempérer à des ordres arbitraires , évidemment
jnfenfés, les exécuter
b o u rea u x
avec un empreflement
indécent,
&
s’honorer d’être
les
de leurs concitoyens. S ’ils euflent continué, nous aurions été trop heureux
reprendre nos fers.
( b ) Sous les noms féduifans de patrons &
de p eres,
Ils affeftent des R o i s , les démarches altieres.
B r v t u s , trag. de Volt.
�( “
)
malheur public échangeoient les grâces de la Cour contre la pré
varication criminelle des nombreux complices de fon afferviiTement ;
& le fang des infortunés cliens, dont s’abreuvoient à longs traits les
vautours en robe, étoit, pour ainfi dire, la foute du pafte infame de
ces Cannibales.
L ’excès du défordre a produit le remede. Votre Majefté a convoque
fa Nation, pour s’occuper avec elle de l’oeuvre immenfe de fa régéné
ration. L ’élite dont elle s’eft environnée, a fondé la profondeur de
l’abyme, & nous attendons de íes pénibles travaux, 8c de votre augufte
bienfaifance, une nouvelle exiftence.
Pour parvenir à ce but heureux, eft-ce un Lambert, inepte & injufte 3
qui peut y co-opérer ? feroit-ce un Miniftre fans idées, fans cara&ere,
qui pourroit éclairer & diriger Votre Majefté, au milieu des accidens
douloureux, irréparables de cet enfantement politique ? a-t-il feulement
l ’ in t e llig e n c e propre à faifxr l’enfemble de ce vafte plan, chef-d’œuvre
de la raifon humaine, dont votre fagelïe a déjà fanâionné quelques-unes
des lignes.
Vous l’avez v u , Sire, dans mon expofé des onze mois de fon premier
miniftere ; toujours fignant, & ne fcachant point ce qu’il fignoit ; avouer,
dél'avouer, contredire, aller &C revenir fans ceffe, au gré du caprice
ou des paillons , tantôt du Sr. la BouUaye, tantôt de la Dame de
Villeneuve, ou des bureaux, ces royautés fubalternes, d’ou émanent
depuis ii long-temps ces décifions atenttatoires aux droits des citoyens
& à la juftice qu’ils invoquent.
Votre Majefté a vu le fous-Miniftre Laroche, fans autre expérience
des affaires que celle acquife à ouvrir & fceller les paquets du bureau
des dépêches, confommer avec les Adminiftrateurs de la loterie une
opération défaftreufe pour la caiiTe publique , & ruiner cinquante peres
de fam ille, dont ils livroient la dépouille à leurs créatures.
Vous avez lu enfuite l’expreffion patétique des regrets du Sr. Lambert
dans fa lettre & l'on billet des 7 & n feptembre 178 8 , après
m’avoir ravi mon état &c mon pain, fans le fçavoir ; lorfque fes engagemens perfonncls, dont lui-même circonftancie l’origine & les détails»
l’obligeoient à me donner une place diftinguée; fon confeil officieux,
de m’adreffer à M. Necker, afin d’obtenir de lui la reftitution de mon
emploi; fa promeffe d’en apuyer la réclamation par fon témoignage
�c *3 ) ;
fur mes talens & mon'perfonnel; cette intime {ftrfuafion de l’empreffement de M. Necker à entrer dans fes vues, dès qu’il les lui aura
expofées, toutes ces chofes n’ont pas échappé à l’attention de Votre
Majefté.
Eh ! cependant, cédant à une honte puérile, à un orgeuil puiillanime,
ce papelard, loin d’écouter les remords de fa confcience qui le preffent
fur la réparation de ion attentat, tremblant de voir fon opération appro
fondie , fon ineptie & fon injuitice mifes au grand jour, il garde un
filence homicide, que, dis-je, pour montrer davantage la vérité de cette
maxime , que quelque dificile qu’il foit de ne pas fe tromper, il e'ft
bien plus difficile encore d’avouer qu’on s’eft trompé ; il effaie d’enve
lopper de nuages fon erreur, afin qu’elle ne puiffe être pénétrée, &
¿échapper ainfi à la févérité d’un examen qui en provoqueroit la
déformation.
D ’un côté, pour étouffer les accens plaintifs da ma v o ix , le Sr:
de la Michodiere, auquel le» fondions d’Infpetteur-général impofe l’obli
gation de fcruter cette opération, trahit fes devoirs, fori honneur & les
droits du malheureux, pour fauver, s’il eft poifible , le Sr. Lambert des
reproches & des mépris du public ( a ).
De l’autre, la bureaucratie contentieufe du Confeil, fabrique un Arrêt
monftrueux, & afin de prévenir le changement de Tribunal, propofé par
M. Necker (pour m’arracher à ce régime), il me déclare, à l’improviite,
non-recevable, fans avoir entendu mon Défenfeur , ni avoir vu hies
P'cces, & fur une feule requête informe &c clandeftine, fournie furtive
ment par mes adverfaires, fans s’être conllitués.
Mais, pour établir l’ineptie du Sr. Lambert, il ne faut pas fe mettre
beaucoup en frais, elle eft notoire, & chacun fçait que ce fut fon titre
de recommandation auprès de l’Archevêque, principal miniftre, qui ne
demandoit qu’un automate docile à fes volontés, pour leur donner , par
^ fignature, un caraftere de forme.
C ’eft peut-être aufTi cette faculté paffive, fi commode à la rapidité des
°pérations d’un Adminiftrateur en chef, qui a déterminé M. Necker à
fouffrir la rentrée de cet incapable , dans un miftiftere pour lequel il a’a
( a ) V o y e z la Lettre du Sr. la M ichodiere, dans mon fécond placet à M.Neckei\
�( 24 )
aucune aptitude , dans lequel il eft l’effroi &c le fcandale de la fociété,
& qu’il ne tiendrait pas un moment, fi M. Necker fe retiroit ( a ).
Je pourrois citer une multitude de faits, honteux pour ce Miniftre,
qui cara&érifent les injuftices auxquelles l’entraîne fon ineptie ; mais
fans rappeller les plaintes générales des citoyens, & fortir du cercle des
miennes , dans lesquelles je me fuis renfermé, ce ne fera pas multiplier
les fcènes' épifodiques, ni facrifier l’objet principal aux acceffoires, que
de les étayer de celle d’un Magiftrat, dont la déclaration eft relative à
la publicité de la mienne. Voici fa lettre.
P a r is , 2/ m ai 17 8 9 .
M a d a m e la Ducheflfe d e ..........a bien voulu , M onficur, me prêter les deux exem
plaires des placets à M . N ecker , que vous lui avez remis. Je les ai lu avec l’attention
& l’intérêt qu’infpire un homme honnête & malheureux. Rien n’eft mieux fondé fur-tout
que les plaintes que vous portez contre M . L am b ert, & fa malheureufe facilité à fe
laitier prévenir , 8c à figner aveuglément tout ce que fes partifans lui préfentent. A u x
exemples que vous citez, & à ceux que vous vous propofez de citer encore dans le
nouveau mémoire que vous annoncez, vous pouviez en ajouter un, qui ne feroit pas
moins frappant que tous les autres. V o ici le fait :
U n nommé C a u v y , charpentier de Sette en Languedoc, fous les prétextes les plus
friv o le s, forme au Parlement de Toulouze
une demande manifeftement injufte &
révoltante , contre la Compagnie des intérefles aux Salins de S e tte , dont je fuis
m em bre,
ainfi que plufieurs autres perfonnes du plus
haut rang, 6c parvient à
furprendre un Arrêt favorable de cette Cour.
L a Compagnie fe pourvoit an Confeil en caflation de cet A rr ê t, qui blefloit toutes
les réglés de la Jurifprudeuce & d elà Juftice : & après la plus ample inftru&ion, elle
obtient un Arrêt du C o n feil, qui caiTe celui du Parlement de T o u lo u fe, & compenfe
les dépens.
Cet Arrêt contradiiloirement rendu, revêtu de toutes les formes légales , eft figr.ifié
à C a u v y , qui y acquiefce dans le f a it , en fe faifant rembourfer à T ouloufe, le montant
des droits qu’il avoit payé pour l’expédition de l’Arrêt de cette Cour.
L a Compagnie regardoit donc cette tracafferie comme abfolument terminée, & n y
penfoit plus.
Cependant C a u v y étayé par quelques perfonnes avec lefquelles il s’étoit engagé de
partager le produit des condamnations qu’il pourroit obtenir contre la Compagnie des
S alin s, s’avife , après quatre mois d’ina& ion, de préfenter une requête à M . Lambert >
( a ) Je ne veux pas
rapporter
l’anecdote de la fille naturelle du Chevalier
de
M éziére, dopt Clam ecy & les environs ont été les témoins.
nom^é
�( 25 )
nommé depuis peu Contrôleur-général ; & fur cette requête, ce Miniftre , fans avoir
égard à un Arrêt contradiftoirement rendu , revêtu de toutes les formes légales, acquiefeé
par les Parties, &
après tous les délais expirés, fait rendre un nouvel A rr ê t, qui
ordonne que la requête de C a u v y fera communiquée aux Conceilionnaires des Salins
de Sette , & les condamne provifoirem ent, folidairement e t p a r CORPS , à payer aud.
C au vy une fomme de 6000 !.
Il feroit difficile , je crois , M onfieur , de trouver un exemple plus révoltant de l’abus
de l’autorité & du pouvoir miniftériel. En effet, condam ner, fur une fimple requête
non communiquée, une Compagnie , compofée en grande partie des premieres familles
du R o yau m e, à p a y e r > 6* par corps, une fomme. de 6000 liv re s, elle qui dormoit
tranquille, à l’abri d’un A rrêt contradi&oire & de la chofe ju gée, c’eft violer tout-k-lafois, les loix de la Juftice , de la propriété, de la sûreté & de la liberté des citoyen s;
c’eft un a&e fi tyrannique & fi defpotiqu*, qu’un ¿ D e v d’Alger ou un S u l t a n
Conftantinople n’oferoit l’entreprendre.
de
Si vous v o u le z , Monfieur , enrichir la colle&ion de vos plaintes, contre M . Lambert,'
ce fait inique, je vous laiffe le maître. Je vous donne cd fait pour exaél & certain.
Les preuves en font dépofées chez M . Guillaume , A vocat au C o n fe il, chargé de défendre
ta Compagnie des Salin s, & nous ne doutons pas que ce ne foit à M . Lam beit à qui
nous devions le choix qui a été fait de M . G
r e g o ir e d e
R
um are
( a ) , pour R ap
porteur de cette inique & indécente inftance.
R ecevez, M onfieur, l’affurance de la parfaite confidération avec laquelle j’ai l’honneur, & c .
Signé, d ’ A c q u e r i a , Préfident, Tréforier-général de France.
S’il manque quelque chofe à la conviûion que porte avec lui cet écrit,
*1fera facile ;\ Maître Guillaume, l’un des honorables membres de l’augufte
AlTemblcé, d’y fuppléer, puifqu’il eft dépofitaire des preuves. Mais certes !
M. ne doit pas être étonnée, fi fes peuples, fuccombant fous l’opprefïîon
de femblables Miniitres, mis aux derniers abois par des abus révoltans
de fon autorité, recourent avec un empreffement tumultueux, & pour
3lnfi dire défordonne à fon cœur, pour en obtenir un fort & des Miniitres
Phis conformes à l’anxiété de leur fituation, & aux fentimens paternels
fon Roi.
Le Sr. Lambert n’eft pas l’homme qui convient à V. M. pour feconder
les vues bienfaifantes qu’elle a fur fon peuple. Il a trop peu de lumieres
^ de fentiment pour ce qui eft jufte. Si des génies fublimes éclairent votre
Trône, &r approchent de la perfeftion dans les moyens d’une falutaire
regéncration, il dérangera dans l’exécution, où il altérera, par/a mal( a) Pour celui-là, oui, car c’eft fon ame damnée.
D
�( 2 ,6 )
adreffe, & fa dépravation, l’économie & la fageffe de leurs deffeins.
Ce ne font pas les bayonettes qui font ou affurent les révolutions
utiles; c’eft le changement de régime qui ramene l’empire de la juftice,
de la probité & des mœurs, fans lequel il n’eft point de révolution
folide & heureufe.
Depuis fon rappel ( & c’eft ce qui eft à remarquer ) , le Sr. Lambert
ne s’ eft pas montré détaché du fyftême d’injuftice dont j’ai été la viftime,
& qui, pendant fon premier miniftere, l’avoit rendu l’objet de la pitié
& du mépris public. A peine lui ai-je remis fous les yeux fes tors , fes
engagemens &c fa lettre du 7 feptembre 17 8 8 , dont fon rappel lui conféroit
le pouvoir de remplir le vœ u; que loin d’y fatisfaire, en me reftituant
ma place, il intrigue lâchement auprès des Repréfentans de la commune,
dont il connoît l’incompétence, pour leur furprendre l’afte de violence
& de defpotifme , qu’il n’ofe fe permettre lui-même dans les circonftances.
Sous le point de vue de l’ineptie &: de l’injuftice, fi le Sr. Lambert
mérite d’être écarté du miniftere, il provoque fon expulfion , fur-tout
par fa mal-honnêteté & par fon penchant à opprimer.
Malgré les preftiges de l’amour propre, il n’eft permis à aucun homme
d’ignorer à peu près les bornes de fa fphere , & c’eft ;Wui, qui touche
à la fin de fa carriere , qu’il eft fur-tout moins pardonnable de fe méconnoître. Les différentes circonftances où s’eft trouvé le Sr. Lambert, les
affaires dans lefquelles il a échoué, l’appréciation de fes proches &C de
fes amis, fa propre expérience, tout enfin a du l’éclairer fur ce qu’il vaut,
& lui apprendre à fe juger lui-même.
O r, le Sr. Lambert, au printemps même de fa vie, n’a pas brillé dans
la Magiftrature, il y a toujours végété, fans fe faire remarquer par aucun
atte utile ou important. Né au-deffous du médiocre dans l’ordre des talens,
l’argent feul le fit monter au Palais, & lui ouvrit la cairiere des dignités.
Pour fe donner un peu de confiftance, il prit le m a f q u e d’un parti auftere,
dont les vertus font impofantes fans être folidaires ; l’opinion trompée par
cette repréfentation menfongere, s’égara un inilant, mais bientôt elle fe
vangea de fon erreur, quand les œuvres lui firent juger de l’ouvrier.
Si le Sr. Lambert, pour mieux connoître fes forces intelleûuelles, eût
confulté fa nombreufe famille, qui ne fait aucun cas de lui ; s’il eût coti'
fidéré comment, dans fon adminiftration domeftique, il a été peu habÜe
mené par les agens de fa confiance } il n’eût pas eu la témérité de
�( *7 )
briguer deux fois un miniftere, dans lequel ion ineptie & fon injuftice
ont donné la mort, à une multitude de peres de familles, &c expofent tous
les jours le fort de plufieurs millions de citoyens. Il manque donc aux
règles de la probité & de l’honnêteté, en ofant prendre fur fes foibles
épaules, la charge qui feroit plier un atlas; & s’il peut s’exeufer, cen’eil
qu’aux dépens de fon efprit ou de fon cœur.
Mais ce qui ajoute à ces preuves de mal-honnêteté, c’efl l’avidité du
Sr. Lambert, qui coûte plus à l’État & à la Nation, qu’un Adminiftrateur
intelligent &c capable. Logement, penfion, appointement, places, grâces;
il envahit tout pour lui, tes fien s(a) &c fes nombreux collatéranx, &
nous fommes au fein de la détrefle la plus cruelle. Ah ! les frelons
çefferont-ils enfin de dévorer le patrimoine des laborieufes abeilles , &
qu’il me foit permis d’être ici l’écho du Platon de la France, dans fon
difeours, fur la fanûion royale: les emplois font f i fcandaleufement remplis ,
les grâces font f i indignement proflituècs, que fi les effets de la révolution ne
deftéchent principalement la fource de cet abus, le citoyen honnête, utile,
mais timide, eft pour jamais découragé par les fuccès exclufifs du fot
intrigant &c ambitieux.
Ma premiere proportion remplie, il me refte à fupplier Votre Majeilé
de me rendre la juftice que je réclame depuis fi long-temps, & qu’il eit
de l’intérêt du Sr. Lambert de ne point traverfer.
Si les forces militaires défendent les Trônes contre l’invafion des
ennemis du dehors , ft l’habileté des Capitaines maîtrife le fort des armes,
c’eftla Juftice, Sire, qui les foutient contre les chocs tumultueux de la
difeorde au dedans, & de la fidélité des Magiftrats à en fuivre les prin
cipes , dépend la fplendeur des Empires ; fans elle, bientôt les Lois font
violées, les droits confondus, la sûreté eil anéantie, l’arbitraire perfide
les remplace, 8c l’cgoïfme deilrufteur étouffe la vertu dans fon germe,
—
_________________________ ________________________________________________________________________
___________________
( a ) E t quand il n’y a pas de places, il en créé. Tém oin celle pour le Sr. Guignace
de la Bretonniere, fon parent, réfugié dans le T em p le, qu’il avoil voulu faire enfermer,
& au lieu de la place à Bicêtre , qu’il lui deftinoit, il en fait une aux Ferm es, de
5000 livres, pour le récompenfer de fon inconduite , pendant qu’il dépouille un
J'omtne Honnête & utile
de la fienne. C e n’eft pas la feule qu’il ait créé aufli peu
a Propos, & on fçait tout le trigaudage pratiqué pour faire Guignace de L angé, fon
teau-frere} Direfteur des loteries à Lille,
�(
5
en rompant les liens qui unifient les diverfes parties de la fociété.
Telle eft, malheureufement, la fituation où nous ont amené vos Magiftrats, après deuxfiécles de tyrannie, en fubftituant au réglés immuables
de l’équité, les formes incertaines & capricieufes des fins de non-recevoir ;
formes non moins commodes à leur afioupifiement & à leur dépravation ,
qu’aux fophifmes & à la voracité des cohortes affamées, que l’appas du
butin appelle à guerroyer fous les fanglans drapeaux de la chicane.
J ’ai vu l’ honoraire de mes travaux, le gage de mes créanciers, les
débris de ma fortune , mon aliment quotidien enfin, prêts à être en
gloutis dans ces gouffres, par un Arrêt du Comité contentieux de votre
Confeil, fila précipitation à me facrifier, ne m’avoit elle-même , quoique
très-involontairement, ménagé une planche pour me fauver du nauffrage.
Averti’ par le danger encouru, inftruit de la ruine de mes concitoyens,
qui fe font brifés contre ces éceuils dévorans , j’ai recouru à la juftice
perfonnelle de Votre Majefté , qui m’offroit un afyle , & j’ai eu l’hon
neur de lui préfentér , le mois de juin dernier, un mémoire que j ’ai
répandu dans l’AiTemblée nationale.
Si Votre Majefté daigne s’en faire rendre compte par quelques-uns des
honorables Membres, elle fera convaincue, i°. que me retenir le paye
ment des douze années de travail que j’ai confacrées à fes bureaux, &
dont je n’ai reçu que le tiers des appointemens , c’eft me voler les deux
autres tiers , &c les voler à mes créanciers ; 20. que la reftitution de
mon emploi, ou la continuation provifoire de mes appointemens, ne
peuvent m’être refufée, en totalité ou en partie , pour fubfifter fans
l’injuitice la plus évidente & la plus cruelle.
En effet, S ire, j’ai démontré la légitimité de ma prétention à être
payé des deux tiers de mes appointemens retenus par l’intrigue des Srs.
Mefnard & d’Arlincourt. Mes mémoires ont obtenu le fuffrage unanime
de votre C our, de votre Capitale, de vos Provinces , & jufqu’à celui
du pays étranger, 011 ils font parvenus. Quatre de vos Miniitres, dont
deux font encore en place , après avoir reconnu mes droits , lés ont
protégé, & la bureaucratie de votre Confeil, malgré fa partialité &C
formes obliques l’exprimer, n’a pas ofé m’en débouter.
Je fuis donc créancier de PÉtat pour ces deux tiers d’appointemens
non foldcs, & en cette qualité, j ’invoque pour moi & mes créanciers,
l’honneur ôc la loyauté fran çoife, fous la fauve garde defquels les
2
8
�( *9 )
fenfibles Repréfcntans d’une Nation toute dévouée à l’honneur , ont mis
Tes créanciers.
Serai-je le feul excepté de cette utile garantie, qui fait la gloire de
nia patrie, & honore les dignes interprétés de fes généreux fentimens ?
Eh, pourquoi !
Eft-ce que j ’aurois à craindre le fuccès de quelques fins de non-recevoir ?
Mais ce génie créateur, Député de la Provence , n’a-t-il pas rendu
l’opinion générale , lorfqu’il a exprimé la fienne particulière ? J ’ai méprijé
toute ma vie , » a-t-il dit, » les fins de non-recevoir, 6- je ne m'apprivoiserai
pas avec ces formes de Palais.
D ’abord, cette objedionne fieroit pas à la Majefté royale & nationale,
&c j’en ai prévenu la tracaiferie , en donnant la preuve par mes mémoires,
qu’il n’en exiftoit pas. Enfuite, croit-on que j’aurois été aflez peu attentif
pour leur laifler prendre naiffance, 6c permettre que des Adminiftrateurs
de loterie m’euffent enveloppé dans des filets, dont ils ne connoiffent
pas feulement la tiiTure ?
RepouiTé, par la vénalité &c une indigence honorable, du fanduaire de
la Juftice, qui avoit été mon berceau, & où j’avois fait mes premieres
armes, comment aurois-je négligé de me garantir du labyrinthe de fes
formes , en ufant du peu de lumieres que j ’avois acquis avant de tomber
dans lapouiliere des comptoirs de la loterie (a).
Avec des Adminiftrateurs tirés eu hafard de boutiques, d’ateliers ou
d’antichambres, fans éducation ni culture, fans connoiffances théoriques
ou pratiques du droit ou des formes, encroûtés de l’ignorance la plus
crafle en finance même, aurois-je méconnu ma fupériorité fur ces for
bans , ôc négligé de prendre mes avantages ? non ! une inadvertance aufli
létargique ne peut fe préfumer , lorfqu’il m’étoit il facile & ii intéreflant
d’y veiller ! J ’ai eu ce foin : mes mémoires en donnent les preuves , je
les répéterai pas.
( a ) Compte-t-on pour rien l’humiliation d’avoir appartenu à la loterie ; mêlé parmi
Ce
'1 y a de plus méprifable dans la fociété, &
^Ue
guérifon,
mémoire.
de C lugny
m’auroit propofé
croit-on que j’y ferois en tré, ni
d’y entrer, fi ce n’avoit été l’efpoir de là
l’aflurance d’une place diitinguée dans la finance. V o y e z mon premier
�( 3° )
Qui m’écartera donc du port, ouvert par l’humanité des archite&es
politiques de la conftitution, aux créanciers de l’État ? fera-ce la nature
de ma créance ? l’impuiflance d’y fatisfaire ? ou quelque reproche encourru
par le créancier, occafionera-t-il le rejet de la créance ?
La nature de ma créance eft telle, que fur les débris des privilèges,
elle doit fe foutenir avec privilege. C ’eft le prix de mon temps, de mes
peines & de mes fervices , & ce n’eft point dégrader l’employé des bureaux
du R o i, d’en alîimiler l’appointement au falaire de l’ouvrier. Or , lefalaire
de l’ouvrier eft privilégié ; il ne fouffre ni retard pour le payement, ni
diminution vexatoire dans le payement.
L ’impuifTance d’y fatisfaire ne fera pas alléguée par ceux qui connoiflent
les reffources abondantes de l’Etat, & pour lefquels le mot banqueroute eft
infâme. Sans avoir comparé la recette à la dépenfe ( qui devroient être
publiques), on eft afluré de les mettre au niveau, & de foulager le
peuple avec les richeffes immenfes que le clergé facrifie, que les nobles
& les riches offrent à l’en vi, & par l’économie exercée fur la prodigalité
des penfions & l’énormité des traitemens.
Quand l’impuiflance feroit auiïi réelle qu’elle eft imaginaire, où feroit
l’inconvénient d’obliger les Srs. Mefnard & d’Arlincourt ( a ) , àmeiatis-
( a ) Ces deux fots , fans talens ni m érite, ont fait la plus brillante fortune. M e(nard ,
temont.
commis à l’intendance de Rouflillon , fous M . B ertin , avoit 800 1. d’appoin-
11 m angeoit,
à 8 f. par repas, avec Fribourg. Il fuivit M . Bertin à P a ris, qui
le fit fon Secrétaire, pendant que cet Intendant étoit Lieutenant de Police. D e -là M .
B ertin , nommé Contrôleur-général, le nomma premier commis. C ’eft à ce pérou où
il a puifé la fortune qui l’a conduit à la C o u r, à l’intendance de la p ofte, à celle de
la loterie, à la place d’Adminiftrateur , &
avec laquelle il s’eft procuré équipages,
nombreux domeftiques, arm oiries, bonne table, voyages., plaifirs, T e rre s , châteaux,
Seigneuries, tout enfin , excepté l’eftime publique. On l’a vu jouer un rolle dans l’aftàire
du Comte du Loup des G r è s , par un plat é crit, 011 ce poliflon prenoit infolemmei1*’
le titre de Chevalier, fans s’expliquer fi c’ctoit Chevalier françois ou chevalier grinpant.
D A rlin cou rt, fils d'un employé de la ferme à D o u len s, a fucceflivement prit trois
noms , pendant fon orageufe jeuneflfe, après laquelle, pour d’agréables raifons fans doute,
le pauvre T lm fy , Ferm ier-général, lui donna fa n iè c e , fa place & fa fortune. Son
avarice &
fa dureté auroient conduit à la G rève fon g ndre Baudouin de Quem adeue,
fi on punifloit les gens riches. D ’A rlincourt, quoique b ête, ignorant & ne fçaehantql,e
figner fon n o m , n’en a pas moins pendant douze ans mené la loterie & les M iniflres
�Ç 3' )
faire de leurs propres deniers ? n’y suroit-il pas au contraire de la juftice
à les y contraindre? ce font eux qui ont commis la prévarication. Mais
au moins pourroit-on prendre mon payement fur les 630000 1. dont le
Sr. d’Arlincourt a profité par une erreur dans fes comptes, & elle ne
feroit pas la feule recouvrer , fi ces comptes, qui n’éprouvoient d’autre
cenfure que celle du Sr. Mefnard, fon complice, étoient livrés à la revifion
de ceux qui les connoiiïent & s’y connoiiTent.
D ’ailleurs, le retranchement de la penfion de 25000 livres, accordées
contre toute bienféance au Sr. d’Arlincourt, celle du Sr. Sémonin 6c une
multitude d’autres, prodiguees fans modération ni pudeur aux employés
de cette partie , laiflent des fonds pour me iatisfaire ; & il en manqueroit,
qu’il faudroit plutôt les prendre encore lur les 140000 1. diftribuées
annuellement à titre de bienfaiiance , à des étrangers , qui en font indignes,
ou par la fuppofition de leur indigence fimulée, ou par la dépravation
qui les y fait participer. Les dettes paffent avant les aftes de bienfaifance,
& il n’y a pas de mérite à être généreux du patrimoine des créanciers.
Ce n’eft donc pas l’impuiflance de fatisfaire à ma créance qui s’oppofera
à mon payement ? l’Etat en paie &c en paiera de bien moins facrce !
Sera-ce donc quelque reproche mérité par le créancier, qui occaiionera
le rejet de la créance ?
D ’abord, ii le titre par lui-même n’eft infe&é d’aucun reproche, il a
toute fa force, & peu importe que le porteur auquel il en eft dû le mon
tant qu’il exige, foit répréhenfible ou irréprochable. Il ne s’agit pas de fon
m oral, c’eft de fa créance dont il faut s’occuper.
Mais admettons des reproches contre m oi, porteur du titre : ces repro
ches feront-ils valides contre mes créanciers, pour les fruftrer du prix d’une
créance hypothéquée aux fommes qu’il m’ont prêtées pour me faire vivre,
lorfque j’attendois mon payement ? Ce fyftême , qui ne feroit qu’abfurde
Sf révoltant dans les
»»»-Tribunaux de la fifcalité , que fera-t-il devant
Votre Majefté & l’augitfte Aiïemblée à laquelle j’en foumets l’examen?
a fon gré ) pjj-cg que M efnard, de moitié avec lu i, faifoit paffer tout ce que d’Arliricourt
Pr°p o fo it, fans égard à aucunes obfervations de fes collègues. Eh ! c’eft pour enrichir
Pareils imbécilles qu’on foule les peuples; que l’on vexe les honnêtes gens ! en v é rité ,
cek finira peut-être d’une façon ou d’autre. 11 faut l’efpérer,
�32- )
Ces reproches ne pourroient tomber fur moi que comme commis ou
comme citoyen.
Comme commis, j’ai rapporté clans mon mémoire,à confulter tous les
titres d’éloges que j’ai reçu & mérité conftamment depuis mon entrée
dans les bureaux du R o i, jufqu a la furprife qui m’en a exclu. Il eft curieux
de voir comment le Sr. de la Michodiei'e, en voulant imprudemment y
toucher, s’eft perdu lui-même d’honneur & de réputation. Le fait & la
preuve en exiftent dans mon deuxieme placet à M, Neclcer. C ’eft fon
propre écrit qui le flétrit, fans sucun effort de ma part, pour lui arracher
le manteau d’homme de bien, fous lequel ce Magiftrat gangrené cachoit
la honte des malverfations multipliées pendant fa longue adminiftration.
Mais encore , fi on me trouvoit difpofé à pafler en quelque forte con
damnation fur ce qu’on oferoit dire contre m oi, comme commis, qu’on
ne fe flatte pas de la même indifférence fur les attaques faites au citoyen
en ma perfonne. Les qualités qui le diftinguent, furent le feul patrimoine
que me laifla mon pere, après cinquante ans de fervices dans la robe &
l’épée. Il avoit fait valoir avec foin ce domaine, & il produifit beaucoup,
pour fa confidération perfonnelle & fa tranquillité intérieure. Ambitieux
comme lui de cette efpece de fortune, qui fait rarement des jaloux ou des
rivaux , je- n’ai point négligé le fond qui la procure ; &c fans avoir ni les
moyens de mon inftituteur, ni le mérite des facrifices de mon modèle,
j’ai peut-être été plus heureux dans mes fuccès, puifque jufqu’à mes adverfaires , tous ceux qui me connoiiTent, ont rendu témoignage à mes efforts.
Ecoutez, s'il vous plait , le Sr. Campan dans fa lettre du ¡y feptembre
ty8 S , à M. le Préfident de Rofambo , après lui avoir- rendu tous les
renfeignemens avantageux qu’il tenoit du Comité général de fes confreres ;
il termine ainfi : E nfin, Monfieur, le Sr. Mori^ot efi Avocat, & dans fes
momens de loifiir il confacre généreufement fes lumieres dans cette partie , a la
veuve & l'orphelin qui les réclament.
Si d’après l’aveu de mes ennemis j’ai été un commis utile, un citoyen
gcncreux, il s’enfuit qu’aucun reproche mérité par Ie créancier de l’Etat >
n’occaiionera le rejet de fa créance; au contraire, plus le citoyen s’eft
emprefle de payer fa dette à la patrie, plus la reconnoiffance de la veu ve
& de l’orphelin follicitent la patrie d’être exatte à payer les appointemens
du commis.
(
Eh ! comment la patrie balanceroit-ellc ? elle qui fe montre li pei1 ar'
dente
�( 33 )
dente dans fa détrefle à reprendre fes tréfors aux vampires de la finance ,
qui fe les font appropriés. Eft-ce que ces gains illicites, qui ont trans
porté la fortune publique à ces Adminiftrateurs gorgés d’or & d’argent,
fous des Miniftres infurveillans ou complices , font des propriétés que les
Lois protègent ? Le droit de la Nation fur les richeifes détournées de fon
fifc , eft imprefcriptible. Elle peut toujours les arracher des mains infidelles
qui les ont fouftraites , parce que la poifeiïïon d’objets volés ne peut jamais
devenir un titre de propriété.
O r , fi la patrie eit indulgente pour fes déprédateurs , fera-t-elle injufte
& inhumaine vis-à-vis des citoyens qui l’ont fcrvie fidellement ?
Je l’ai fervie douze années fans être payé.
Elle me voleroit, elle voleroit mes créanciers, fi elle me retenoit les
appointemens que je n’ai pas perçus , par la prévarication des Srs. Mefnard
8c d’Arlincourr, dont l’opulence fcandaleufe , fous les yeux de ceux qui
manquent de pain, eft une infulte à la raifon & à la mifere publique.
Mais fi Votre Majefté n’ordonne point enfin ce payement, fi fur le
rapport de l’augufte Ailemblée elle ne ie décide point ; fi abfolument elle
veut la décifion d’un Tribunal fur ma répétition ; je la fuppüe de comniettre la Jurifdi£Hon des Juge-Confuls de fa Capitale.
D ’après l’offre contenue dans la lettre de M. Necker, du 6 février, &
qu’il m’a confirmée à fon Audience du 1 3 o&obre dernier ; c’eft à moi de
choifir & défigner le Tribunal qui doit me juger. La récufation, d’ailleurs,
que j ’ai propofée à Votre Majefté, contre les bureaux dtt Confeil, la
peinture que je lui ai faite de la dépravation de fes autres Tribunaux ( a ) ,
ne permettent pas d’en nommer aucun d’eux, ni d’y avoir confiance, &
malgré le peu de vergogne des Magiftrats, ils fe refuferoienr fans doute
à connoître de cette conteftation, & à devenir mes Juges. J ’avoue môme
que jamais je ne comparoîtrois devant eux, & qu’alors, avec les apparences
de vouloir rendre juftice, ce ieroit réellement la refufer que de m’y
adreffer, quand on eft certain que je n’y comparoîtrai pas.
( a) L ’on fe rappelle l’infame prévarication des Srs. Bachois & Brun ville, dont j’ai
donne les détails dans mon deuxieme placet à M . N ecker; ces deux Magiftrats font
er>core en place, malgré les gémiiïçmens univerfels d elafo cicté. Q u ’a t t e n d - o n pour les
chafier & les punir?
E
�( 3 4
J ’ajouterai que la reftitution de mon emploi, ou la continuation pro
)
visoire de mes apointemens, ne peut m’être déniée, puifqu’il y va de
mon exiftence, 6c qu’il eft de l’intérêt du Sr. Lambert d’y concourir
au lieu de s’y opofer.
Cette fécondé queftion eft étrangère à la première, elles n’ont rien
de commun entr’elles. Ce n’eft point un incident détaché de la demande
en payement de mes appointemens retenus , c’eft une réclamation à part,
foumife
des obfervations & à des principes nouveaux ; le Miuiftre
des finances en eft l’arbitre né. Il ne me feroit rien adjugé fur la première,
que je n’en ferois pas moins fondé à prétendre au fuccès de la fécondé,
& le gain de celle-ci ne liquideroit pas les droits de l’autre.
Dans les détails de mon expofé, V. M. a vu , i° . tout cfe qui eft relatif
à la furprife qui m’a ravi mon emploi; i ° . mes démarches Scies mouvemens que je me fuis donnés pour éclxirer les manœuvres de cette
furprife; 30. la lettre & le billet du Sr. Lambert qui motivent fes
regrets, 2c les affurances de fon témoignage auprès de fon fuccefleur, pour
parvenir à réparer laperte qu'il ria puprévoir que j'éprouverois.
La foibleffe du Sr. Lambert, fon héfitation à avouer fon erreur & à
donner fon témoignage à M. N ecker, fa nonchalance à preffer mon
rétabliffement, n’auront pas échappé à Votre Majefté; & ce qu’elle
aura pu remarquer avec étonnement, c’eft l’inaftion du Sr. Lambert,
depuis fa rentrée dans le miniftere, fon refus formel, quoique tacite de
me réintégrer, & fes intrigues pour me perdre.
Néanmoins , la reftitution de mon emploi eft indifpenfable ; la
Juftice la demande, l’humanité la follicite , l’intérêt même du Sr.
Lambert l’exige.
Par fa lettre du 7 Septembre 178 8 , le Sr. Lambert a avoué qu’il avoit
été induit en erreur. S’il eut été encore . Contrôleur-général, il en eut
réparé le dommage, &. je ne puis en douter, d’après l’expreifion de fes
regrets, & fa promefte d’appuyer ma réclamation , que quatre autres
Miniftres appuyoient déjà.
Il eft à préfumer que M. Necker y auroit acquiefcé, fans le Sr. de
l’Effard, fans l’intrigue des bureaux & la pufillanimité du Sr. Lambert.
Cependant, la reftitution qui a parujufte, dans fon principe, au Sr.
Lambert n’a pas perdu de fa confidération par le laps du tem ps, au
�(30
contraire , le rappel de ce Mi'ûftre s’étant opéré avant la déciiion que
j ’attendois, il devoit en effectuer auflitôt la reftitution.
Mon déplacement étant l’ouvrage d une fiirprife avouée & reconnue ,
mon rétabliiïcmcnt devenoit un ade ind ipt niable &c néceflV.ire.
Quelque libre que l'oit la nomination aux emplois exercée par les
Minières , elle eil néanmoins ftibordonnée aux réglés de l’équité , de
la raifon & à l’inrérêt de la chofe.
Un lu jet pourvu d’une commiffion ne peut en être dépouillé fans for
faiture ou incapacité. Admettre des principes ou un ufage contraire,
c’eft bleffer l’équité, introduire un brigandage dans l’adminiftration, &C
lin arbitraire décourageant pour le fervice.
J ’avois rempli mon emploi avec diftin&ion. La férié des témoignages
rapportés dans mon mémoire à confulter , prouve que je n’avois à
craindre aucun reproche de forfaiture , encore moins d’incapacité ,
puifqu’il étoit queftion de me confier une place plus importante.
Douze années d’exercice répondoient de mon expérience , & m’afFermiffoient dans ma poffeiïion ; ainiï, loin d’appréhender de voir la fille
de Laroche, porter en dot au Sr. Billecoq mon emploi, j ’avois tout lieu
d’elpérer un avancement mérité par mes fervices.
Or , il faut convenir que ce feroit fe jouer barbarement d’un citoyen,
f i , quand il a rempli avec exactitude le porte qui lui étoit confié , il
pouvoit perdre ce porte fans avoir démérité. Ce fyftême abfuçde révoltéroit la Juftice, & répugneroit à l’humanité , qui follicite au moins
la continuation provifoire de mes appointemens devenus néceflaires
Pour ma lübfiftance.
Il faut que je v iv e , & tant que le ciel prolongera mes jours, j ’ai
droit, en travaillant , à être logé , nourri , vêtu.
11 femble au contraire que le Sr. Lambert foit d’accord avec mes
adverfaires pour me faire périr : pendant que d’un côté je pourfuis en
Juftice le payement de mes appointemens, dont la chicane éternil’e la
c°nteftation ; de l’autre, le Sr. Lambert retient la reftitution de mon
emploi , pour m’ôter les moyens de me défendre & de vivre.
En effet , depuis i y mois , fans autre reffource que la générofité de
cluelques citoyens à me prêter des fonds , j ’ai épuifé ces fécours ; j’ai
augmenté leurs titres de créance fur moi. Placé entre le befoin Si le
�( 3« )
crime , je végété dans le défefpoir, n’ayant à choiiir qu’entre le v o l , la
mendicité ou le fuicide. Sans fortune , fans patrimoine, à mon âge , ÔC
avec une fanté délabree par le travail ÔC les chagrins , puis-je embraffer un nouvel état ( a ) , ou tenter de nouvelles entreprifes ? eil-ce
après avoir pris le travail d’un homme dans fajeuneffe, qu’il fera permis
de le rejeter de l’arène où il ne fe montre pas encore fans vigueur?
Au moins , fi revenant fur mes pas, je pouvois reprendre mon temps,
mes peines, mes fervices, ma fanté, je fiiirois loin d’une contrée (b) ,
où la bafleile , la crapule , les offices honteux, décident feuls du bonheur
de fes Habitans, où la probité abandonnée ne trouve ni acceuil ni
foutien. Ce n’eft: pas que par-tout où il y a des hommes, 8c des Mi
nières fur-tout, il n’y ait des pallions à combattre , des injuftires à
dévorer ; mais où eft l’Empire fur la terre, où avec fon travail &c de
l’honnêteté, un citoyen ne puiffe être aflùré de fon état ôc de fon
pain ?
» On vous a donné , me dit le Sr. Lambert , une penfion de 900 I.
Certes ! 900 1. de penfion fur une place de 6000 livres, font-elles
un traitement affez avantageux pour ofer en parler ? il ne fuffiroit
pas aux befoins de mon domeftique, ôc ce n’eft pas avec cette parci
monie qu’il a réglé le fort de ceux qui avoient moins mérité que moi.
D ’abord , ce n’eft point une penfion qui m’étoit dûe, ni que je
répcte, c’eft la reftitution de mon emploi, dont le Sr. Lambert a trouvé
la réclamation fi jufte, qu’il y a promis fon appui ; enfuite, pour que
cette obje&ion put valoir , il faudroit qu’au moins en la fixant, il eût
obfervé les] règles en ufage dans les bureaux. Or , l’ufage , lorfqu’on
prive un employé de fa place, eft de lui accorder, en retraite, moitié
de fes appointemens. Le Sr. Lambert l’a pratiqué pour plufieurs de ceux:
qu’il a fiipprimés, ÔC il l’a outre-pafle pour beaucoup d’autres, auxquels
il a accordé en retraite la totalité, outre qu’il en a aflùré moitié aux
femmes , après le décès de leurs maris , tandis que pour moi il 2
dédaigne la règle Sc même les obfervations particulières que des Adminif”
trateurs lui ont fait à mon égard.
(a )
Si, je pouvois devenir N otaire, A rc h itele ou Banquier, j’aurois encore afle*
tôt fait fortune ?
^
(b) on fe détache facilement d’une paia»- ingrate & injufte.
�C 37)
Je m’explique : lorfque les Adminiftrateurs arrêtèrent la lifte des
employés qu’ils vouloient profcrire, ils fixèrent la quotité de leurs peniions;
je fus porté fur cette lifte avec un éloge fingulier, & pour 1800 1. en
retraite ; cependant le Sr. d’Arlincourt , de concert avec le Sr.
Laroche, réduifirent les 1800 1. à moitié, pour ajouter au traitement de
leurs créatures ; & le Sr. Lambert qui fignoit tout aveuglément, figna
encore cette fupercherie.
Ce n’étoit donc pas à 900 1. que le Sr. Lambert, d’après les Admi
niftrateurs, avoit entendu me réduire ! Ce Miniftre le fentit dès l’abord,
& même le Sr. de l’Eflard, qui m’offrit, du premier m ot, 2000 1. Je
refufai fa propofition, outre qu’elle étoit infuffifante. Je n’avois point
droit à une penlïon, mais à la reftitution de ma place, ou à la conti
nuation provifoire de mes appointemens , jufqu’à ce que la place difilnguée,
promife par le Sr. Lambert & fes deux prédécefTeurs, en indemnité de
mes fervices , m’eût été accordée.
» Touchez ces 900 livres , pourfuit le Sr. Lambert, » & vous vivrez?
E h ! où a-t-il pris, le Sr. Lambert, que je vivra i, & que je ferai,
fubfifter mon ménage avec 900 livres , dans un temps où les calamités
publiques ont doublé !e prix des comeftibles ? S’agit-il feulement d’acheterl
du pain? ne faut-il pas être logé, vêtu, pourvoir en fanté & en maladie
aux befoins communs à tous les hommes, & même à ceux relatifs; car,
enfin, l’éducation , l’état, l’âge, l’habitude, forment une fécondé nature
dont on n’étouffe pas entièrement les droits.
Au furplus, je ne pouvois percevoir ces 900 livres, & pourfuivre
en même temps la reftitution de ma place, fans donner lieu h une fin
de non-recevoir contre ma réclamation, & on connoît le fuccès des fins
de non-recevoir. Cette obje&ion fpécieufe n’eft qu’un détour pour pallier
l’iniquité qui fait différer la reftitution de ma place ou la continuation
provifoire de mes appointemens.
Le Sr. Lambert a cru que je donnerois dans ce piège, & que par
provifion je prendrois cette penfion, afin d’avoir à me dire: » vous
» avez accepté votre penfion en retraite , vous ne pouvez plus réclamer
» votre place. »11 s’eft trompé. Je ne l’ai point accepté. Je ne l’accepterai
jamais que je n’obtienne juftice entiere , ou je préféré que la Nation
en fafle fon profit, fx fes repréfentaus font capables de fe fouiller d’un
déni de juftice.
�C 38 )
Le Sr. Lambert s*eil imaginé de même que s’il pouvoir éluder & traîner
en longueur, pour la reftitution de ma place, il réuiîïroit , pendant
ces délais affeftés, à faire juger, par fa bureaucratie du Conieil, ma
demande en payement de mes appointemens retenus. A lors, comme
fes Arrêts {'ont à commandement ; déclaré non-recevable fur ce point,
le Sr. Lambert m’oppofoit auflitôt ce Jugement, pour fe refufer à
la reftitution de ma place, pour régler la quotité de ma penfion en
retraite , &c prétendre fuffifans les 900 1. accordées ; mais il s’eft encore
trompé.
Je ne confentirai point à ce que la demande provifoire paffe la
derniere , & avant toutes choies , la premiere à décider, c’eft la refti
tution de ma place ou la continuation de mes appointemens , parce
qu’avant tout, il faut que je puiffe vivre , pour me défendre & procéder
fur la qiteftion en litige au Confeil , pour laquelle il m'eft promis un
un autre Tribunal.
Je ne fouffrirai pas qu’on intervertiiTe cet ordre facré , & on ne
l’intervertira pas, fans forfait de part & d’autre. Que le Sr. Lambert le
perfuade bien que je l’ai vu s’avancer avec ce tour de force , mais
que je lui en oppoferai un autre, s’il perfifte à abufer de fa place pour
m’opprimer !
O r, fi la Juftice demande la reftitution de ma place , fi l’humanité
follicite,au moins provifoirement, la continuation de mes appointemens,
l’intérêt même du Sr. Lambert l’exige.
Depuis fi long-temps que les dépofitaires de votre autorité , S ire,
abuient de votre confiance, en a-t-on vu un feul puni ? Quel eft le
Miniftre opprefteur, le Magiftrat fcandaleux(aj, le Financier déprédateur,
dont en France on ait fait 1111 exemple ? cependant, que de coupables
parmi eux ! ce n’eft même que parmi eux qu’il y en a. Il fuffit d être en
en place , pour fe tout permettre, & il femble que les fupplices foient
exclufivemcnt le lot de la claiîe utile , indigente, obfcure , qui connoitroit
h peine le crime, fi elle n’ y étoit p rovoquée par les malverfutions de
celle qui l’ opprime en la gouvernant.
( a ) V o y e z fi Beaudouin de Quemacleue, gendre de d’A rlin co u rt, n’a pas été fouftrait à la Juftice. U n homme du peuple, coupable comme lu i, eût été pendu. E h !
voilà comme les Lois font infulTifantes contre les coquins riches & puiffanst
�( 39 )
L ’impunité de ces prévaricateurs a tout perdu dans votre Empire, elle
y a corrompu les mœurs, & attiré les fléaux qui nous défolent. Les corps
politiques comme les individus, ne peuvent eviter la peine qu’ils ont méritée;
les uns 6c les autres fubiflent des révolutions qui expient leurs forfaits,
& pendant que les nations difTolues fe déchirent par des fa&ions, les
Gouvernemens perdent l’autorité qu’ils ont fait fervir à la difïolution des
Nations.
Quel feroit donc le privilege du Sr. Lambert, s’il pouvoit, avec fécurité,
être injufle &C opprefleur, me dépouiller de mon état, m’arracher înon
pain ( a -) , attenter à ma vie, tk. me préparer une fin lente &c tragique,
dans les convulfions de la rage & du délefpoir, irrité par la faim ? Seroit-il
plus coupable, s’il me faifoit aiTaiîiner, ou s’il m’ailaiïïnoit lui-même? ah!
je le lui pardonnerois plus volontiers, & dans la fituation horrible où il
m’a réduit, je lui fçaurois quelque gré d’abréger mon fupplice.
Cependant les Lois divines & humaines, m’autorifent à défendre ma vie
contre le fcélérat qui l’attaque. I l e s t l i c i t e d e r e p o u s s e r l a f o r c e
pAR l a f o r c e , félon même la Commune, de Paris, & de donner la mort
à celui qui la prépare. Le Sr. Lambert me provoque &c s’expofe. La pa
tence , comme l’oppreiïion, a fes bornes ; la nécefïïté feule n’en reconnoît
pas. T o u t s u c c o m b e , a dit (b ) l’auteur de la m o tion, pour exclure les
banqueroutiers & ayant caufe des affemblecs publiques; TOUT DOIT SUC
COMBER d e v a n t l ’ h o m m e q u i a f a i m . Il faut v iv re , & celui qui
111 en ôte la faculté, eft véritablement mon aiTaffin; qu’importe, la forme
*>u l’effet cil le même.
C ’eft un rafïnemant de fcélérateile de réduire un citoyen
une telle
Extrémité, qu’il foit néceilîté de périr miférablement, ou de fe livrer à
des excès excufables néanmoins , dans l’ordre naturel, fi l’ordre public
les réprouve; celui-là feul eft coupable du crime qui y provoque, Sc
Ce feroit un objet digne d’occuper l’attention de l’augufte Affemblée, fi
( a) Je ne confeille à perfonne de nV’ôter mon état & mon pain, fans m’arracher en même
temPs *a v ie j ca ria fienne ne feroit pas en sûreté,
fi
je n’obtenois Juftice.
^ ( k ) Il feroit à defirer que ce publicifte en fît u ne, pour propofer de rendre un peu
n°bIe(Te & de dignité au pafte con ju gal, ravalé au-deflous des baux à chetel du
orvand , elle auroit même dû précéder celle fi précieufe pour l’enrégiftrement des
i unes gens de vingt-un ans.
�C 40 )
prenant en confédération le trifte fort des fubordonnés, elle établifloit une
Loi pénale contre cette efpece de guet-à-pens, ou la paflion réfléchie,
affaiïïne avec art.
Sans ce frein tutélaire, la Juftice anéantie, l’humanité méprifée, ne
laifTeront à l’homme, pour fe défendre, que le poignard. Vainement on
multipliera les échafauds & les boureaux, reffources familières aux defpotes
qui menacent l’indocilité , rebelle à leurs forfaits : l’ordre ne s’établit pas
par la violence ; les voies de la Juftice y conduifent plus efficacement ; quand
on eft afïuré de l’obtenir, on n’eft pas tenté de fe la faire; au contraire,
les Lois fanguinaires aigriffent fans contenir, 8c malgré les fpéculations,
les paradoxes 8c les fophifmes des charlatans en politique, l’échafaud eft
fans horreur pour l’homme, que des affaiTins heureux y conduifent.
Socrate, Phocion 8c leurs imitateurs, ont fuccombé fans foibleffe, parce
que n’en ayant point à fe reprocher, ils ont envifagé dans la mort, un
terme à l’opprefïion, ôc un afyle contre l’oppreffeur.
Toute légiflation eft vicieufe, qui ne prévient pas les délits, & emploie
les boureaux ; elle eft parfaite, ii elle enchaîne les citoyens par l’intérêt
particulier à l’intérêt général, 8c s’ils font entraînés au bien, par l’attrait
à le faire, feul garant qu’il fera fait. L ’efprit ni le génie même, ne fuffîfent à trouver le fecret d’une bonne légiflation; les orateurs font rare
ment d’habiles légiilatenrs. Au lieu de fes Lois fublimes, admirées depuis
tant de fiécles, S o l o n eût laifle des Arrêts de Réglemcns, s’il n’eût été
qu’un difeoureur du Palais.
Mieux confeillée, V o t r e M a j e s t é , confacrera les principes de fon
cœur, elle fera regner la Juftice, 8c fes efforts, pour en régénérer, étendre
8c protéger l’Empire, afîureront la félicité publique, objet de fa tendre
follicitude.
M O R I Z O T , Avocat.
N o t a . Certain grand Seigneur a trouvé mes mémo'res fo rts.. . . Je n’ai pas de pein®
a le croire; car l’attentat dont je me plains, eft fort. Mes preuves font fortes. L a vérité
eft forte. M on caraftefe.. . . ma logiqu e.. . . tout eft fort. Bon Dieu ! que certains grand*
Seigneurs font foibles; quand, pour une C ro ix , un C ordon, un G ra d e , un m ot, üs *"e
coupent la gorge ; pour m o i, qui n’ai pas l’honneur d’être un grand Seigneur, je ne me
la couperai, que quand on me ravira mon honneur, mon état 8c mon pain. Il faut bief»
cefler de v iv re , quand on vous coupe les vivres.
Mais Ci M . Lam bert, qui n eft pas un grand Seigneurs, quoique fes fils fe foient cotntifieS >
trouvoit, lu i, mes mémoires forts, je lui propofe de s’en plaindre en Juftice réglée, &
O*1
�(40
on nous donne des Juges intègres, je confens que celui de nous deux qui fera reconnu
coupable, foit pendu ; car c’eft un combat a mort entre lui & m oi, que je veux foutenir,
& ma propofition ni mon confentement, ne font pas temeraires, fi M . Lambert garde
le filence. Cependant, c’eft convenir de to u t, & donner les mains a fon deshonneur ; &
s’il n’a pas.le courage de defeendre dans l’arène judiciaire , où je l’attends, & dans laquelle,
o mes concitoyens, je vous fupplie de vous réunir à m o i, pour me fournir vos plaintes
& vos griefs particuliers, afin que ce fycophante, ipalgré la puifiance dont il eft envi
ronné , ne triomphe point de mes efforts folitaires ! notre intérêt eft commun , & en
défendant les m iens, je ne néglige pas les vôtres.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
I—
mmmmmmmmr n mmm
N °. I.
Ce r
-N o U S
M
t if ic a t
ic h e l
de
du
B
G
o u vernem ent
eelen
d e
B
ru x elles
.
, E c u y e r , & c . Amman de la V ille , banlieue &
ammanie de B ru xelles, & c . & c .
Certifions que le Sr. M otizot, fe difant A vocat de P aris, a féjourné dans cette V ille
depuis le zij juillet jufqu’au commencement d’août dernier; qu’ayant eu à fon arrivée
des.notions qui nous ont rendu cet A vocat fu fp eft, nous lui avons fait intimer l’ordre
de quitter, dans les vingt-quatre heures, les Terres d e là domination de Sa M a jefté,
l’Empereur & R o i ; mais le lendemain de l’intimation de cet ordre ayant reconnu que
les notions qu’on nous avoit données fur fon com pte, étoient dépourvues de preuves
fuffifantes, nous avons révoqué led. ordre , & lui avons permis en conféquence de
refter en cette V ille , pour achever les affaires qui l’y amenoient; que pendant le court
féjour que led. Sr. Morizot y a fa it, il ne nous eft parvenu aucune plainte qui le concer"
lâ t , & nous déclarons ne pouvoir donner , de la conduite qu’il a tenu i c i , qu’un
témoignage avantageux. En foi de qu oi, nous avons fait figner les préfentes par POfïïcier
du département de P o lic e , & y avons fait appofer le fceau ordinaire de nos armes.
Fait à Bruxelles , le aa feptembre 17 8 9 . Par Ordonnance. Signé , d e P r e z .
N °.
Lettre
l
E
d e
M.
m pereur
le
,
Com
te d e
I I.
Trau
ttm a n sd o rff
, M
in is t r e
d e
à M. Morizot, en lui envoyant le certificat ci-deiTus.
Bruxelles, i f oElobre 1789.
^ a i reçu la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire , M oniteur, le 12 du mois
F
�(4 0
dernier, & m’étant fait rendre compte par la Police de ce qui pourrait être déclaré à
votre fu jet, ce département n’a pas trouvé de difficulté a vous expédier la déclaration
ci-jointe. Je ne doute point quelle ne remplille votre o b jet, & je fuis très-parfaitement,
M onfieur , & c . Signé , T r a u t t m a n s d o r î F .
N °.
L
ettre
d e
I I I.
M. le Chevalier de
la Gravierre, Réfident de France à Bruxelles.
M.
le
Co m
te
d e
M
o n t m o r in
, à
A Verfailles , j août 178g.
L e Sr. M orizot, Monfieur , qui eft aftuellement à Bruxelles , me demande une lettre
de recommendation auprès de vous. Je ne puis la lui e n v o y e r, puifqu’il ne m’indique
pas fa demeure. S’il fç préfente à vous , je vous prie de le recevoir favorablement. C ’eft
un h o m m e très-mallieureux , qui eft digne de votre intérêt. Je fuis très-fincérement,
M on fieu r, entièrement à vous. Signé, l e C o m t e d e M o n t m o r i n .
O
b s e r v a t io n
. Je me fuis engagé de tout prouver par écrit : o r , on vient de v o ir ,
i ° . que des gens mal-intentionnés m’avoient inquiété à mon arrivée à Bruxelles ; 20.
l’ordre qui setoit enfuivi d’en déguerpir; 30. la rétra&ation de l’ordre; 40. le témoignage
rendu à ma conduite dans cette Ville.
L a lettre de M . le Com te de Montmorin ajoute à mes preu ves, en établiflant, i° . que
j’ai été inquiété, & que j’ai recouru à fon témoignage ; 20. qu’il la donné, connoifTant
bien la fource de mes malheurs, & combien je les méritois peu.
M aintenant, pour ne laiffer abfolument rien fans preuves écrites, je vais établir, par
le certificat de M . P e r d r y , la faufieté du rapport fait au Comité de Police de l’H ôtelde—
V ille de P aris, fur la foi duquel lis Srs. Bottiers de M ontaleau, Lagreflce & Bonvalet,
ne fe feraient pas permis de fouferire une lettre atroce à un c ito y e n , qui vaut mieux
qu’e u x , s’ils euflent fuivi la première réglé du bon fens, qui étoit de me parler & de
s’afiurer de la vérité par mon aveu ou ma dénégation ; mais il eft des gens qui croient
fe réhaufler, en affeéhnt de l’im portance, & de dédaigner les réglés les plus fimples.
N °.
Ce r
t if ic a t
d e
M
a ît r e
P
I V.
erd ry ,
Avocat aux Confeils du Roi.
J e fou ilign e, certifie, qu il n a pas dependu de Maître Morizot de préfenter fa requête
& d’être ju g é , puifquil n a p u , jufqua préfent, fe procurer fes pièces, qui font encore
entre les mains de M . P aftoret, R apporteur, lequel n’a pu lui-même fe les procurer
�( 43 )
que depuis quelques jours ; je certifie encore que quand bien même Maître Morizot
auroit eu fes pièces, & qu’il auroit préfenté fa requête, il n’auroit pu être jugé défini
tivem ent, y ayant un incident provifoire en communication de titres à juger préalable
ment , pour qu’il puiffe enfuite fe défendre au fond. A u furplus, Maître M orizot ayant
récufé le Confeil entre les mains du R o i , & M . Necker lui ayant offert de défigner
le Tribunal qu’il vo u d roit, par fa lettre du 6 février dernier, il n’y a encore point de
Tribunal no m m é, auquel Maître Morizot puiffe adreffer fa requête, ce q u i, avec les
délais réciproques entre les Parties , ,ne/ permet pas
à Maître M orizot d’efpérer un
Jugement définitif de long-temps. En foi de quoi je lui ai délivré le préfent certificat,
pour lui fervir & valoir ce que de raifon. A P a ris, ce 29 feptembre 1789 .
Signé, P e r d r y .
C
o n c l u s io n
. Maître Perdry eft un impofteur infigne, fi Dufour eft honnête homme.
\
M O R I Z O T , Avocat.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Vernet
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Description
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Morizot. 1790?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Perdry
Morizot
Subject
The topic of the resource
prévarication
ferme générale
intrigues de Cour
pension royale
La Fayette (Marquis de)
Calonne (Charles-Alexandre de)
favoritisme
loterie
Necker (Jacques)
troubles publics
créances
offices
Description
An account of the resource
Nouveau mémoire au Roi et à l'Assemblée Nationale, en dénonciation contre le sieur Lambert, contrôleur-général des Finances.
Pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1790
1785-1789?
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_V0111
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Vernet
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Bruxelles (Belgique)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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Calonne (Charles-Alexandre de)
Créances
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Necker (Jacques)
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