1
100
3
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53892/BCU_Factums_M0632.pdf
3cc82c918bd3e4e0977fc00123b6114c
PDF Text
Text
CONCLUSIONS
D E M. M E R L I N , (*)
Procureur général impérial près la Cour de cassation t
Dans l’affaire des Légataires universels de
Mme de Chazerat, contre le Sr M azuel,
demandeur en cassation,
L e 26 messidor an 9 , Marie-Gilberte R o lle t, épouse
du sieur de Chazerat, domiciliée à R io m , fait un tes
tament olographe, par lequel, après plusieurs legs par
ticuliers, et une disposition qui assure à son mari l’usu
fruit de tous ses bien s, elle s’explique ainsi:
« Quant à la propriété de mes biens, mon intention
étant, autant qu’il dépend de moi, de les faire retourner
(*) Telles qu’il les a publiées dans son recueil des questions de d roit.
A
�(a )
à ceux de mes parens qui descendent des estocs des
quels ils me sont parvenus, je donne et lègue tout
ce dont il m’est permis de disposer suivant la loi du
4 germinal an 8 , à tous ceux de mes parens de la
branche de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle
de mon aïeule m aternelle, qui seraient en ordre de
me succéder, suivant les règles de la représentation à
V'infini, telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant cou
tume dJAuvergne , pour être partagé entre les trois
branches, au marc la livre de ce qui m’est parvenu
de chacune desdites branches, et être ensuite subdivisé
dans chacune d’elles , suivant les mêmes règles de la
représentation à l’infini. »
L e 14 messidor, la dame de Chazerat fait un codi
cille , dans lequel se trouve une disposition ainsi conçue :
« La nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis
poser de la totalité de mes biens, je veux et entends
que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes
tament , en faveur de mes parens de l’estoc de mes
aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
aïeule m aternelle, de tout ce dont il m’étoit permis
de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait son
effet pour la totalité de mes b ien s, sauf les divisions
et subdivisions à faire entre mesdits héritiers, de la
manière expliquée audit testament*, s a u f aussi mes legs
particuliers, et les dispositions par moi faites en faveur
de mon mari 5 à tout quoi il n’est dérogé par le présent
codicille. »
L e 3 vendémiaire an 14, décès delà dame de Chazerat.
L e 29 du même mois, son testament et son codi-
�(3)
cille sont déposés, en vertu d’une ordonnance du pré
sident du tribunal civil de R io m , entre les mains d’un
notaire de la même ville.
L e i 5 janvier 1807, deux des légataires particuliers
form ent, contre les légataires universels, une demande
en délivrance de leurs legs.
Les assignés se présentent au nombre de trente-sept.
L e 11 juin suivant, d’autres parens de la testatrice,
se prétendant appelés au legs universel, interviennent
dans l’instance.
Tous, en se réunissant pour répondre aux deux léga- taires particuliers , demandent, respectivement les uns
Contre les autres, le partage de la succession de la
dame de Chazerat, et concluent à toutes les opérations
nécessaires pour y parvenir.
L e 28 janvier 1808, le sieur M irlavaud, cousingermain de la défunte, et son plus proche héritier
m aternel, présente une requête en intervention, et
demande > i°. que le legs universel porté aux testa
ment et codicille de la dame de Chazerat, soit déclaré
n u l, attendu q u e, par sa relation à la ci-devant cou
tume d’Auvergne, il est en opposition avec les art. 6
et i q o du Code Napoléon, et avec l’art. 7 de la loi
du 3 o ventôse an 12*,
que la succession ab intestat
soit partagée en deux moitiés, dont l’une pour la ligne
paternelle, et l’autre pour la ligne maternelle.
L e 18 mai suivant, le sieur Mirlavaud fait donation
entre-vifs au sieur M azu e l, son n eveu , de la moitié
de tous les droits qui lui appartiennent dans la suc
cession de la dame de Chazerat, sous la réserve de
3
A2
�(4)
l’usufruit, et de la faculté de poursuivre lu i-m ê m e ,
jusqu’à arrêt définitif, sa demande en nullité du legs
universel, sauf au sieur M azuel à y intervenir, s’il le
juge à propos.
L e 22 juin de la même an n ée, jugement du tri
bunal civil de Riom ', ainsi concu
» :
« La'dame de Chazerat a-t-elle pu ordonner, par la disposition générale, que
ses biens retourneroient aux estocs dont ils étoient provenus j qu’ils seroient
partagés entre les trois branches de sa famille qu’elle dénomme , suivant les
règles de la représentation à l’infini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-d e v a n t
coutume d’A uvergne, et ensuite subdivisés dans chacune d’elles , suivant les
mêmes règles de la représentation à l’infini î
» En exprimant ainsi sa volon té, la damo de Cliazcrat a -t- e lle remis en
vigueur, en termes généraux, une coutume] abolie? A - te lle subordonné sa
disposition aux règles de cette coutume ? et enfin sa volonté ainsi exprimée
doit-elle être réputée non écrite, comme contraire aux lois d’ordre public ?
» Attendu la maxime constante , base de toute législation , et consacrée par
l’article 6 du Code N apoléon, que nul ne peut, par des conventions'particulières, déroger aux lois qui intéressent l ’ordre public et les bonnes m œ urs,
puisque ce qui a été établi pour le bien de tous, no doit pas être interverti
par la volonté changeante des individus ; qu’il faut reconnoitre incontestable
ment pour lois d’ordre public celles qui ont un rapport direct et spécial à la
société en co rp s, dont les conséquences réfléchissent éminemment sur l’en
semble des citoyens ; que s i , à quelques égards , on peut regarder toutes les
lois comme ayant pour objet une certaine utilité publique, dans les unes cepen
dant cette utilité se borne à ne régler que des intérêts privés , pluribits ut singulis ;
dans les autres au contraire cette utilité embrasse la société entièro , elle se lio
à tous les intérêts , pluribus ut universis ; qu’ainsi lorsque le testateur fait la
distribution de scs biens , il use d’une faculté qui est toute relative à lui seul
et dans son intérêt p r iv é ; m ais lo modo dont il so sert, l’ordre qu’il doit obser
ver dans cette répartition est du domaine public , qui est pour lui-même une
barrière insurmontable.
» Attendu que parmi ces lois inviolables, l’art. 1390 a placé la prohibition
faito aux époux do stipuler entre eux d'une manière g én éra le, que leur asso
ciation sera régléo par l’une des coutumes qui régissoient ci-devant les diverses
parties de la France, qui sont abolies ; qu’en effet l’abrogation de tous ces statuts
�( 5 )
locau x, jugés nuisibles tant par leur multitude que par la bizarrerie de grand
nombre de leurs dispositions , que l’avantage d’une loi uniforme, long-temps
désiré et profondément senti, entrent évidemment dans l’intérêt commun de la
société ; que c’est s’élever contre cet intérêt de tous établi au Code pour l o i ,
qué de faire renaître ces lois anéanties, et les tirer de l’oubli auquel le corps
social les a condamnées en grande connoissance de cause.
» Attendu que les testamens, ainsi que tous autres actes ou contrats, sont
indistinctement soumis à ces principes sacrés; que la faction du testament,
comme disent les lois romaines, est incontestablement d'ordre public; que lo
premier devoir du testateur est de lo reconnoitre et de le respecter; que do plus
les grands motifs qui ont dicté cet art. i3 g o , relativement aux contrats do ma
riage , s’appliquent naturellement aux testamens ; que l’avantage du public ,
ainsi que la tranquillité des familles, no sont pas moins compromis en rappelant,
en termes généraux, dans une disposition testamentaire, une coutume abolie,
qu'en la reconnoissant dans un contrat de mariage ; que dans l ’un comme dans
l’autre cas l’intérêt public est violé, puisque la dame de Cliazerat s’est consti
tuée au-dessus de la v o lo n té générale, soit par son mépris étudié de la précieuse
uniformité de nos lois, soit en reproduisant cette multitude infinie de coutumes,
et avec elles les contestations interminables, que la sagesse du législateur a
voulu écarter.
» Attendu que la l o i , en laissant au testateur la plus grande latitude dans la
disposition de ses biens, en l’établissant l ’arbitre et le souverain de scs dernières
volontés, lui a cependant donné pour bornes toutes les règles qui concernent
l ’ordre public , les bonnes mœurs et les formalités des actes; que c ’est sous ces
conditions qu’il a reçu de la loi un pouvoir si étendu ; qu’il perd ce pouvoir, ou
du moins que ce pouvoir est rendu sans effet, dès qu’il oublie les conditions
sous lesquelles il l’a reçu.
» Attendu que la dame de Cliazerat a méconnu ou méprisé ces principes,
lorsque dans son testament et dans son troisième co d icille, au mépris de la
volonté et des intérêts de la société, elle a remis en vigueur , en termes géné
raux , une coutume ab o lie, en ordonnant que ses bi«ns retourneraient aux
estocs desquels ils étoient provenus; qu’ils seroient partagés entre les trois
branches de sa famille qu'elle dénomme, suivant les règles de la représentation
à 1infini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d’Auvergne, et
ensuite subdivisés dans chacune d’elles suivant les mêmes règles de la repré
sentation à l ’infini.
» Attendu quo ce rappel en termes généraux à la coutume d’Auvergne , ren
ferme une résistance réfléchie à la volonté et à l’utilité publique, sous deux
rapports frappans : l'un en obligeant ses héritiers de faire la rechercho de la
I
I
�( 6 )
nature el de l ’origino des biens dans chaque esto c, suivant la coutume d’A u
vergne, contre la prohibition précise du C o d e ; et l ’autre en astreignant se»
héritiers à faire entre eux les divisions et sous-divisions , suivant la représen
tation à l’infini, dans les principes de la même coutume d’Auvergne. O r , la
coutume d’Auvergne a v o it, sous ces deux rapports, des maximes spéciales et
particulières à elle seule, et qui s’éloignoient de toutes les autres coutumes qui
avoient admis la fameuse règle paterna paternis , materna materais ; et que les
principes de la coutume ont été reproduits par la dame de Chazerat dans sa
famille et dans sa succession, comme un brandon de discorde et de contestations.
» Attendu qu’on objecte vainement que la coutume d’Auvergne n’est rap
pelée dans le testament que comme une démonstration, un point com paratif,
et non comme loi impérieuse : raisonner a in si, c’est jouer sur les mots et abu
ser des term es; car , comment la coutume d’Auvergne ne seroit-elle dans le
testament que comme mode d’indication, lorsque la dame de Chazerat veut
disertement, et en termes gém inés, que cette coutume soit la règle du partage
de ses biens ; lorsque presque tous les appelés par elle ont donné à leurs con
clusions la forme d’une demande en partage, d’après les maximes de la coutume
d’Auvergne; lorsque dans le fait et dans la réalité il seroit impossible à ces héri
tiers de faire co partage tel qu’il est prescrit, sans être guidés par la coutume
d’Auvergne l Ainsi c’est la coutume d’Auvergne à la m ain, qu’ilsseroient obligés
de rechercher quels sont les biens qui sont provenus de chacune des lignes
favorisées ; qu’ils scroient obligés de faire une recherche semblable pour attri
buer à chaque branche, par la subdivision, les biens qui y ont aussi été rap
portés ; qu’il faudroit distinguer les dots pécuniaires ou mobiliaires qui auront
fait souche par double confusion ; qu’il faudroit également dans le cas do la repré
sentation, savoir si l’oncle et le neveu étant en ligne'égale doivent concourir en
semble ; si au préjudice d ’une renonciation , on peut venir par représentation
de son auteur qui a renoncé; si par l’effet de la représentation, le partage doit
se faire par souches ou bien par têtes ; et une multitude d’autres difficultés
semblables : ainsi s’ouvriroit pour ses héritiers une ample carrière do débats ,
aux juges une multitude de questions épineuses, pour la décision desquelles la
coutume d’Auvergne seroit la seule régulatrice.
» Attendu qu’on no peut pas dire que la coutume sera prise ici commo
autorité seulement , et non comme loi nécessîire , puisque cette coutum e,
ses usages , sa jurisprudence , «croient la seule règle par laquelle on devroit
se diriger pour suivre la volonté et les vues rétrogrades do la testatrice ; que
la coutume ne seroit pas simple renseignement, puisquo sans elle , sans s'y
renfermer, on ne pourroit opérer la distinction des biens, éclaircir leur origine,
les appliquer à diverses lignes , aux différentes branches , découvrir les indi-
�. ( 7 )
ridus appelés par la représentation, et parvenir enfin à débrouiller les obscu
rités de ce partage laborieux. L a coutume ne seroit pas un simple mode ,
une condition, puisqu’en général les modes et les conditions peuvent se con
cevoir et s’isoler des conditions auxquelles ils sont apposés ; mais ici le mode',
la condition, prescrits par la dame de Chazerat, sont inséparables : car enfin ,
si la testatrice a institué légataires universels les trois lignes qu’elle a affec
tionnées , c ’est principalement pour prendre les biens provenant de chacune
d’elles , suivant la coutume d’Auvergne ; c ’est pour les subdiviser ensuite
d’après les mûmes principes , d’après la même origine et nature de biens ;
ses vrais héritiers seront ceux qui lui seront doiïnés par la représentation de
la coutume d’Auvergne : ainsi, et forcément, la coutume d’Auvergne se lie pt
s’incorpore à tout lo partage , et commandera à ses opérations.
9 Attendu qu’on oppose encore sans fondement que la dame de Chazerat n’a
pas généralisé son rappel de la coutume d’Auvergne , puisqu’elle l’a restreint
à une seule de ses dispositions. C ’est une erreur : car la soumission à une
coutume prend évidemment la forme de disposition générale, lorsqu’elle porte
sur un objet de disposition générale ; or , c ’est pour la nomination de ses
héritiers universels, que la dame de Chazerat invoque la coutume d’Auvergne ;
c’est cette coutume en général qui règleroit leurs qualités et leurs avantages ,
cette disposition prend nécessairement un caractère de généralité dans ce par
tage. Sans doute la dame de Chazerat eût pu aisément spécialiser sa disposition;
elle eût pu légitimement faire entre ses héritiers l ’application do tels ou
tels de ses b ien s, suivant sa volonté ; elle eût pu , par cette voie spéciale ,
faire rentrer dans chaque ligne , dans chaque branche , la portion de fortune
qu’elle en avoit reçue ; rien ne la gênoit dans cotte manière do disposer ;
par l à , elle eût rempli ses intentions, respecté l ’ordre public , et étouffé
le germe de mille contestations dans sa famille : mais au lieu do faire co
qui lui étoit permis , elle a préféré do fairo ce qui lui étoit défendu. D e telles
dispositions ne peuvent être protégées par la loi qu’elles offensent.
y Attendu qu’en vain on
prétend excuser la dame de Chazerat , en
alléguant qu’on no peut lui fairo un reproche d’avoir établi le partage do
ses biens sur la représentation à l ’in fin i, puisque cette représentation étoit
admiso par la loi du 17 nivôse an 2. Cette justification ne peut être admis«,
i.° parce qu’au décès de la dame de C h a zera t, ce n’étoit pas la loi du 17
nivose qui devoit régler soit la formo , soit le mérite de ses dernières dispo
sitions ; c’éloit le co d e c iv il, sous Pempiro d u q u el elle est décédée, et que
son testament olographe a reçu une date ; 2 .0 la testatrice est loin d’avoir
puisé dans la loi du 17 nivôse la représentation qu’elle ordonne ; cette lo i,
dans toutes les branches, sous tous les points de v u e , établit 1« représentation
�( 8 )
•
sous le rapport de la proximité du sang; au contraire, la coutume d’Auvergne
attachoit la représentation à l’origine et à la nature des biens ; il falloit avoir
pour auteur celui duquel les biens provenoient : la loi du 17 nivAse avoit
à cet égard puisé sa représentation dans l’affection naturelle , l’avoit liée aux
personnes ; la coutume d’Auvergne l’avoit fait dépendre des usages féodaux,
l ’avoit attacbée à la glèbe plutôt qu’aux liens du sang : on ne peut donc
trouver aucune analogie entre ces deux représentations , dont la so u rce,
comme les effets , étoient si difiérens.
» Attendu qu’on oppose encore , sans raison , qu’on ne peut demander la
nullité de la clause dont il s’agit, puisqu’elle n’est pas prononcée par la loi.
C ’est encore une illusion. Il y a nullité absolue dans toute disposition de la loi
négative prohibitive. En prononçant on ne p eu t, la loi use de toute sa puissance,
elle impose un devoir indispensable , elle écarte tout prétexte : excludit potentiam juris e tfa c ti. O r , l’art. 6 du Code, dispose qu’on ne peut déroger, par
des conventions particulières, aux lois qui intéressent l ’ordre public. L ’article
1D90 statue de même que les époux ne peuvent stipuler , d’une manière géné
rale, que leurs conventions seront réglées par l’une des coutumes abolies; et
ces termes impérieux , on ne peut et ne peuvent, renferment sans doute une
prohibition énergique , une impossibilité de faire de semblables dispositions ;
ils prononcent implicitement une nullité insurmontable.
» Attendu que cette nullité ne peut être écartée p arla disposition de l’article
96 7, sur lequel on veut encore s’appuyer. Cet article perm et, à la vérité, au
testateur de manifester sa volonté sous toute espèce de litres et de dénomi
nations ; de sorte que ; soit que le testateur dispose à titre de legs, de donan a tio n , d’institution d’héritier , ou sous toute autre qualification , peu im
porte, sa volonté connue, si elle est conforme à la lo i, çuœ légitim a e s t ,
reçoit toujours son exécution. Mais disposer sous toute dénomination, n’est
pas faire toute espèce de dispositions. En permettant au testateur de se
servir do toutes expressions pour dicter ses intentions, la loi no l ’a pas
autorisé à disposer sous un mode et dans une latitude indéfinis; les moeurs,
l’utilité publique , les formalités des a ctes, et tout ce qui intéresse l ’ordre
social , sont toujours pour lui une barrière in v in c ib le . C ’est d’après co
principe tutélaire que l’article 900 a voulu que dans toutes dispositions
entre-vifs ou testamentaires , les conditions contraires aux lois ou aux mœurs
soient réputees non-écrites ; cest ce que la dame de Chazerat a méconnu
et m éprisé, en faisant l ’institution d’hérititier universel dont il s’agit. Elle
a violé l ’ordro public , en subordonnant sa disposition aux règles d’une
coutumo anéantie; elle l’a vio lé, en rejetant avec affectation le bienfait de
la loi nouvelle ; elle l ’a v io lé , en prescrivant une forme de partage qui
seroit
�( 9 )
soroit une source féconde de contestations. La justice, comme la lo i, ne
peuvent accueillir une telle disposition; il faut donc la regarder comme nonécrite dans le testament de la dame de C h azerat.. . .
» En ce qui touche le partage, attendu que la succession de la dame de
Chazerat s’est ouverte sous l ’empire du Code, qu’ainsi c’est par les principes
do cette loi que le partage doit en être terminé.
» Par ces motifs, le tribunal, par jugement en premier ressort, reçoit le
sieur Mirlavaud partie intervenante dans la contestation pendante entre les
sieurs Farradesche de G rom ond, fils aîné , et le sieur Sablon-Ducorail,
d’une part ; et les héritiers et prétendans droit à la succession de la dame de
Chazerat, d’autre part ; et faisant droit sur ladite intervention, ainsi que sur
la demande en nullité du legs universel en propriété , fait par la dame de
Chazerat; sans s’arrêter, ni avoir égard audit legs universel fait au profit des
trois branches d’héritiers y dénom més, et compris au testament olographe
de la dame de C h a zera t, du 26 messidor an 9 , et codicille du 14 messidor
an II , légalement déposés, enregistrés les 25 et 29 vendémiaire an 14 , lequel
legs universel est déclaré nul et do nul e ffe t, et comme non-écrit dans ledit
testament ; ordonne que, dans la huitaine de la signification du présent juge
ment , il sera procédé au partage de la propriété seulement de tous les
biens , meubles et immeubles , provenus de la dame M arie-Gilberte A ollet,
femme de C h azerat, pour en être délaissé moitié aux parens de la ligne
paternelle , et l’autre moitié aux parens de la ligne maternelle , conformé
ment à l’article 735 du Code Napoléon, sauf les sous-divisions entr’elles , s’il
y a lieu, conformément à l’article 754 du même Code; auquel partage tous
intéressés feront tous rapports et prélèvemens que de d roit, à la charge , par
les héritiers des deux lignes ci-dessus, de souffrir , sur la totalité desdits biens,
meubles et im meubles, l ’usufruit universel au profit du sieur de Chazerat,
époux de ladite dame M arie-Gilberte Rollet...........»
Les légataires universels interjettent appel de ce juge
ment , et font assigner le sieur M azuel, donataire de
la moitié des droits du sieur M irlavaud, en déclai’ation
d’arrêt commun.
Par arrêt du 14 août 1809, la cour de Riom pro
nonça en ces termes sur cet appel :
a
L a dame do Chazerat pouvant disposer de l’universalité de ses b ie n s,
B
�( 10 )
a-t-elle suffisamment exprimé son c h o ix , en désignant les légataires collec
tivement par l’indication certaine de leur origine !
» Le testament de la dame de Chazerat est-il parfait dans la volonté qu’elle
a exprimée / l ’est-il dans la volonté de la loi 1 est-il contraire à l’ordre public ,
aux lois politiques , et au droit naturel et civil de morale l
» A-t-ello soumis sa propre volonté à la volonté générale de la ci-devant
coutume d’ Auvergno , abrogée par les lois nouvelles ?
» Etoit-ce le cas d’appliquer à son testament l’art. i 5c)o du code Napoléon ¡f
» S'il étoit vrai que des termes de la représentation à l ’infini , exprimés
dans le testament , il dût résulter , comme le prétend le sieur M irlavau d ,
que des filles forcloses , ou les descendans d’elles , dussent être exclus du
partage , cette question peut-elle le concerner f n’en demeure-t^il pas moins
exclu lui-même de la succession par le testament / n’e x c ip e -t-il pas du
droit d’autriii en agitant cette question ?
» Attendu, dans le d ro it, que la testatrice a pu disposer à volonté de l ’uni
versalité de ses biens ; qu’elle a pu choisir des légataires entre toutes
personnes capables , et les désigner collectivement ou individuellement , soit
par leurs noms ou états distinctifs , soit par des indications certaines d’origine ,
de iàmille ou de parenté , également propres à les faire connofcre.
» Attendu , dans le fait , qu’on ne conteste ni sa capacité personnelle ,
ni celle de ses légataires , ni la disponibilité de tous ses biens , ni la faculté
d’en disposer à tels titres , et de les distribuer selon telles mesures qu’elle a jugé
à propos , ni la forme extrinsèque de ses testament et codicille.
» Attendu qu’il y a certitude dans sa disposition , puisqu’on convient qu’elle
est de l’universalité des biens ;• qu’il y a certitude égale dans le nombre et
les personnes des légataires , en ce qu’ils sont désignés par leur qualité
spécifique de descendans des trois estocs indiqués , en quelquo nombre qu’ils
so ien t, et que sous co rap p o rt, leur existence individuelle n’est susceptible
d’aucun doute.
» Attendu qu’un testament qui réunit tous ces caractères, est nécessairement
parfait dans la volonté exprimée du testateur , puisqu’elle étoit libre ; et qu’il
est aussi nécessairement parfait dans la volonté de la loi , puisqu’il est fait
sous son a u to rité, et q u ’e lle n ’e x ig e rie n au delà de ce qui a été observé j
» Attendu que celui de M arie-Gilberte RoIIet de Chazerat , étant ainsi
conforme , sous tous les rapports , à toutes les règles prescrites, il est impos
sible qu'il ne soit pas aussi conformo à l ’ordre public , puisqu’il est vrai que
l’ordre est toujours le résultat de l’observation de la règle j
» Attendu que dès lors sa disposition universelle ne devoit recevoir aucune
atteinte des motifs par lesquels on l'a attaquée , et qui ont cependant décidé
�( 11 )
les premiers juges à la déclarer nulle ; que c’est en v a in , et contre l ’évidenca
du fait, qu’on lui reproche d’avoir soumis sa volonté propre à la volonté générala
de la ci-devant coutume d’Auvergne , puisque , d’une p a r t, elle a clairement
et très-expressément déclaré sa vo lon té, dont aucune loi ne lui défendoit de
prendre l’exemple dans une coutume abrogée ; que de l’autre , loin de disposer
généralement, selon le vœu de la coutume , elle s’est au contraire mise en
opposition presque entière avec elle , soit dans sa disposition , en ce qu’elle
est universelle, soit dans le choix de ses légataires , en ce qu’elle a donné à
£on m ari, soit en faisant estoquer les dots au delà de la personne des enfans ,
soit en ne réservant pas ses meubles et acquêts aux seuls parens paternels,
soit en les confondant avec les propres de ces trois estocs , pour n’en faire
qu’une seule masse divisible indistinctement entre tous , dans la proportion
des apports, soit enfin en ce qu’elle a laissé une succession toute testamentaire,
comme elle en avoit le d ro it, au lieu de laisser une succession ab intesta t,
comme le vouloit la coutume ; que c’est par suite de cette illusion , qu’on a
appliqué à son testament l ’art. 1390 du code N apoléon, qui défend aux époux
de stipuler d’une manière générale , que leur association sera réglée par una
des coutumes qui sont abrogées ; que la première erreur qui se remarqua
dans cette assertion , c ’est que l ’article cité n’a rapport qu’aux contrats de
m ariage, et que les prohibitions no s’étendent pas des actes exprimés à ceux
qui ne le sont pasj que celle-ci s’étend si peu aux testamens , qu’indépen
damment de ce que l’article même prouve le contraire par son énonciation et par
la rubrique sous laquelle il est placé , on le voit encore plus clairement par
la comparaison des art. 911 et 1172 , dont l ’u n , relatif aux testamens , dit que
les conditions prohibées par les lois , sont seulement réputées non écrites ; et
l ’autre, relatif aux contrats, veut qu’elles rendent la disposition nulle ; qu’une
erreur plus étonnante que la première , vient de ce qu’on ne s’est arrêté ni au
sens de l’article , ni à la signification grammaticale des deux mots qui y sont
employés , manière générale.
» Que cependant 011 devoit savoir que ce qui est général comprend indéfi
niment toutes les espèces sans en marquer aucune ; car si les espèces
étoient expliquées , la manière cesserait d’être générale, n’y ayant rien de si
opposé à la généralité que la spécialité. Qu’ainsi, un pacte d’association con
tractuelle soumis d’uno manière générale au régime de telle coutume , seroit
évidemment exclusif de toute volonté propre des contractans , et no pourroit recevoir son effet quo des termes do la coutume indiquée, comme un
mandat général reçoit toute son exécution de la volonté do celui qui le rem
plit , par suite de la soumission entière de celui qui l’a donné ; qu’alors on con
çoit comment et pourquoi la loi résiste à ce que les citoyens qu’elle rég it,
Ba
�( 12 )
osent s’arroger la puissance de rétablir l'autorité d’une coutume qui est abolie,
et prétendre faire produire un effet à une cause qui n’existe plus. Mais que
de près ni de loin on ne sauroit rien remarquer dans le testament de Marie
Gilberto R o lle t, qui ressemble à ce cas, puisqu’au contraire tout y est énoncé
et spécifié; qu’il n’y a pas une seule disposition qui ne puisse être exécutée,
indépendamment de toute coutume quelconque, par le seul fait de la volonté
certaine et connue de la testatrice , par la seule autorité du Code N apoléon,
et en opposition totale à celle de la coutume d’Auvergne, qu’on a si singu
lièrement imaginé avoir été p rise , d’une manière générale , pour règle de ce
testament. Q u’à la .vérité, on y parle d’estoc et de représentation à l’iniini
pour désigner les légataires ; mais que cela même prouve la sagesse de la
testatrice, qui, par l’expression la plus b rè v e , fait connoîtrc ses légataires
de la manière la plus parfaite , sous uno désignation qui a deux termes mani
festement certains, l’un , les auteurs indiqués, l ’au tro celui où cesse leur
descendance; que lorsque, pour plus grande intelligence des règles de cette
représentation qu’elle ordonne de su ivre, elle a ajouté ces m ots, selon qu'elle
avoit lieu dans la ci-devant coutume d ’Auvergne, on doit reconnoître d’abord,
qu’au moins dans le seul endroit où elle parle de cette coutum e, elle a spécialisé
la règle qu’elle en em pruntoit, et que ce n’est p lu s , comme on l ’a d it, une
manière générale de s’y référer; que dans la r é a lité , non-seulement elle n’a
rien dit que le Code réprouve, mais qu’elle l’a dit surabondamment, en ce
sens, que la représentation à l’infini s’entend assez d’elle-mêmo pour n’avoir pas.
besoin d’être expliquée par un exemple; qu’ainsi, en regardant cette citation de
la coutume comme vaine, en la supposant même condamnable, il en résulteroit seulement, qu’aux fermes du Code N apoléon, il faudroit la considérer
comme non-écrite, et qu’alors la volonté de la testatrice n’en demeureroit pas
moins entendue ; on ne pourroit l’anéantir sans violer ouvertement la loi, qui en
protège l ’exécution. Que c ’est une erreur manifeste do penser qu’il soit
défendu , en exprimant sa volonté dans un testam ent, de rappeler pour mo
dèle une loi a b o lie, lorsque d’ailleurs on ne veut rien que la loi nouvelle
ne permette; et tandis qu’on ne sauroit n ier, qu’on no nie pas en effet que la
testatrice a pu se choisir des héritiers do l’espèce et de la qualité de ceux
qu ’elle a désignés ; qu’il suffit de lire la phrase pour être convaincu qu’elle
n’a rappelé les règles de la coutume d’Auvergne , quant à la représentation
à l’infini, que pour qu’on ne se trompât pas dans l ’exécution do sa volonté ,
ou plutôt , pour mieux indiquer tous ses héritiers ; si bien , que quand elle
n’ea auroit pas dit un m o t, sa disposition n’en seroit ni moins certaine quant à
sos biens , ni moins expliquée quant à ses héritiers , puisque la représentation
à l'infini » à quoi elle auroit pu se born er, n’auroit été ni la représenta-
�( i3 )
t!on de telle coutume, ni celle de telle autre, mais telle que le mot seul 1«
signifioit, c’est-à-dire, les descendans, tant qu’il y en auroit, des estocs indi
qués. Et que si ces m ots, telle qu’elle avoit lieu, ajoutent quelque chose réelle
ment à l’expression de sa pensée , du moins il est évident que ce qu’ils y
ajoutent n’est qu’une explication do plus, et que par cela même ils témoignent
plus fortement qu’elle a eu une volonté prop re, déterminée et éclairée , bien
loin qu’elle se soit référée d’une manière générale à l’autorité d’une coutume
abrogée. Qu’il (n’est pas permis de voir des fautes là où la loi n’en voit pas ;
et que devant la loi, comme aux yeux de la raison , il n’y en pas plus à citer
une coutume abrogée pour exemple , qu’à rappeler qu’elle a existé, ou à rap
peler ce que porloit tel autre de ses statuts. Que s’il étoit vrai que des ter
mes de la représentation à l'inlini, il dût résulter , comme l’objecte la partie
de B a y le , que des filles forcloses, ou les descendans d’e lle s, dussent être
exclus du partage , cette question no saurait le concerner, puisqu’il n’en de
meurerait pas moins exclu lui-m ême, p a rle testament, de la succession ;
qu’ainsi , il ne fait qu’exciper vainement du droit d’au tru i, en agitant une
question qui n’intéresseroit que les héritiers testamentaires, et qu’ils n’élèvent
pas. Que si pour régler les proportions des partages entre ces h éritiers, il
est nécessaire de remonter à l’origine des biens, et d’en connoître la nature ,
quoique la loi ne considère ni l’un ni l’autre dans les successions ab intesta t,
il n’en résulte autre chose que ce qui résulte de la loi elle-même, c’est-à-dire,
qu’il peut y avoir, selon la loi , deux espèces de successions très-différentes,
l ’une ab intestat, que la loi a réglée comme il lui a p lu ; l’autre testamentaire,
qu’elle a abandonnée à la volonté de ceux qu’elle a autorisés à en disposer ;
qu’i c i, il s’agit de cette dernière espèce de succession , et que la volonté de
l’homme y fait taire légalement celle de la loi.
» Attendu que si la testatrice a été libre , comme on en co n v ien t, de dis
tribuer ses biens selon sa fantaisio, elle a pu aussi, et à plus forto raison ,
les partager ,p a r des motifs qui lui ont paru de justice, entre tous les descondans de ceux dont ils lui étoient provenus; et qu’aucune loi politique, ni
d’ordre public ou do droit naturel ou c iv il, pas plus qu’aucune loi morale , no
lui interdisoient de se déterminer par ce louable m otif; que c’est même un des
bienfaits particuliers de la faculté de tester, et qui n’a point échappé aux con^
seils du législateur ; que par là on peut réparer, en certains cas, les injustices
résultant d’une loi trop générale , ou d’une affection faussement présumée.
» Attendu enfin, que Marie-Gilberte Rollet ne pouvoit pas so montrer moins
attachée à la loi ancienne, qu’elle l ’a fait, en la contrariant presque en tout ; ni
mieux marquer son respect pour les lois nouvelles, qu’en usant
des facultés
qu’elles lui accordoient, en déclarant qu’elle ne youloit le retour do ses biens
�( i4 )
à leur source qu'autant que cela dépendoit d’e lle , comme cela en dépendoit
en effet ; en ne disposant que de ce que la loi lui permettoit de donner à
l ’époque de son testament, et du reste seulement, quand une loi nouvelle 1g
lui a permis ; en ne donnant rien à des personnes prohibées , et n’attachant à
ses libéralités aucune condition défendue; que toutes ses dispositions sont
légitim es, puisque la loi les autorise; et que son testament est lé g a l, puis
qu’on n’en contredit pas la forme.
» L a cour dit qu’il a été mal jugé par le jugement dont est a p p e l, bien
appelé ; émendant, déboute la partie de Ba^le ( le sieur Mirlavaud ) de ses de
mandes ; ordonne que le testament sera exécuté suivant sa forme et teneur;
faisant droit sur la demande en assistance de cause formée contre M azu el,
partie de V a ze ille , attendu qu’il est donataire de M irlavaud, intéressé par
conséquent à la cau se, et qu’il n’a pas plus de droit que son donateur,
déclare l ’arrêt commun avec l u i . . . . . . »
L es sieurs Mirlavaud et M azuel se pourvoient en
cassation contre cet arrêt.
Trois moyens de cassation ( ai-je dit à l’audience de
la section des requêtes, le 10 juillet 18 10 ), vous sont
proposés dans cette affaire. Violation de l’article 1390
du Code N apoléon, portant que les époux ne peuvent
plus stipuler, d’une manière générale, que leur associa
tion sera réglée par l’une des coutumes, lois ou statuts
locaux qui régissoient ci-devant les diverses parties du
territoire français, et qui sont abrogées par le présent
code. Violation des articles 392, 895 et ()Q5 du même
code, qui, en exigeant que le testateur fasse personnelle
ment ses dispositions de dernière volonté, annoncent
clairement l’intention de maintenir les lois romaines,
qui déclarent nulle toute disposition par laquelle un
tCBtateur confie à un tiers le choix de ses héritiers.
Violation de l’article 7 de la loi du 3 o ventôse an 12 ,
qui abroge les lois romaines, les ordonnances et les cou-
�( iS ) .
tûmes générales ou locales, dans les matières qui sont
l’objet des lois composant le Code Napoléon.
Sur ces trois moyens, il s’élève une question préalable
qui leur est commune, et dont nous devons dire un m ot5
c’est de savoir s’ils ne doivent pas être écartés tous trois,
par la circonstance qu’il s'agit ici d’un testament d’une
date antérieure au Code Napoléon.
L ’affirmative seroit incontestable, si ce testament
n’étoit attaqué que dans sa forme extrinsèque -, car il est
de principe que la forme extrinsèque d’un testament ne
dépend que de la loi du temps, comme de la loi du lieu
où il a été fait, et vous l’avez ainsi jugé le premier
brumaire an i 3 , au rapport de IVI. Sieyes, et sur nos
conclu sions , en maintenant un arrêt de la cour d’appel
de Bruxelles, qui avoit déclaré valable un testament fait
dans l’ancienne form e, le 28 nivôse an 9 , par un parti
culier mort le 19 prairial an 1 1 , après la publication des
articles du Code Napoléon, relatifs aux formalités des
dispositions à cause de mort.
Mais ce n’est point dans sa forme extrinsèque; ce
n’est point par un défaut de solennité qu’est attaqué le
testament de la dame de Chazerat : il n’est attaqué que
dans le fond de ses dispositions; et tout le monde sait
qu’en ce qui concerne le fond des dispositions d’un
testament, on ne doit s’attacher qu’à la loi du temps où
le testateur est décédé. C ’est ainsi que le 18 janvier 1808,
la section civile a jugé, en reje ta n t le recours de JeanPierre R ayet, contre un arrêt de la cour d’appel d’A g e n ,
du 3 o avril 1806, qu’un testament fait en 1787, étoit nul,
par cela seul qu’il renfermoit une clause de substitution
�.( *6 )
lidéicommissaire, prohibée par l’article 896 du Code
N apoléon, à la publication duquel son auteur avoit
survécu.
On ne peut donc pas douter que le Code Napoléon
ne doive être pris pour la règle du fond des dispositions
de la dame de Cliazei’at ; et par conséquent que si le code
Napoléon condamne la manière dont la dame de Chazerat
a nommé ses légataires universels, les dispositions de la
dame de Chazerat ne soient nulles à cet égard.
Cela posé, entrons dans l’examen des trois moyens
de cassation que les demandeurs vous proposent.
E t d’abord, en jugeant que la dame de Chazerat
avoit pu nommer ses légataires universels, par la seule
vocation de ceux de ses parens, du côté de ses aïeul et
aïeule paternels, et de son aïeule maternelle, qui seroient
en ordre de lui succéder, suivant les règles de la repré
sentation à l’infini, telle qu’elle avoit lieu dans la cidevant coutume d’A uvergn e, la cour d’appel de Riom
a-t-elle violé l’art. 1890 du Code?
Elle l’auroit certainement vio lé, si cet article étoit
applicable au testament de la dame de Chazerat; mais elle
a jugé qu’il ne l’étoit point, et elle s’est fondée sur trois
motifs :
L e premier, que l’article 1890 du code n’est relatif
qu’aux contrats de mariage, et que les prohibitions ne
s’étendent pas des articles exprimés à ceux qui ne le sont
pas.
L e second, que cet article, fût-il com m unaux testamens, 11e seroit pas applicable à celui de la dame de
Chazerat, parce que ce n’est pas d’une manière générale,
mais
�( î7 >
mais seulement pour la détermination des règles de la
représentation à l’in fin i, que la dame de Chazcrat y
a déclaré s’en rapporter à la ci-devant coutume d’A u
vergne.
L e troisième , que les termes par lesquels la dame
de Chazerat s’en est rapportée h la ci-devant coutume
d’Auvei-gne y ne forment dans son testament qu’une
clause surabondante.
D e ces motifs , le troisième s’applique également
à tous les moyens de cassation des dem andeur •, et
nous croyons devoir, par cette raison, en renvoyer la
discussion h la suite de celle du dernier de ces moyens.
Quant aux deux autres, il en est u n , et c’est le
second, qui nous paixrît dénué de tout fondement. .<
En effet, d’art. i q o du Code n’est pas seulement
applicable à la clause d’un contrat de mariage par laquelle
les futurs époux déclareroient adopter telle coutume
pour règle de leurs droits respectifs : il l’est aussi ù la
clause par laquelle ils déclareroient adopter telle cou
tume pour règle de tel droit matrimonial spécialement
désigné*, par exemple, de la communauté ou du douaire :
car, dans un cas comme dans l'autre, les futurs époux ne
spécialiseroient pas eux-mêmes leurs conventions ; ils
les laisseroient dans un vague qui ne pourroit être
fixé que par la coutume à laquelle ils se soumettroient;
et par conséquent il y auroit, dans un cas comme
dans 1 autre , soumission d’une manière générale à la
coutume.
3
, Si donc l’art. 1890 ne doit pas être restreint aux
contrats de m ariage, s’il est commun aux testamens ,
c
�\
, ( 1 8 )
nul cloute qu’il ne soit violé par une disposition tes
tamentaire qui, pour la détermination de l’ordre dans
lequel doivent venir, et des parts que doivent prendre
les légataires universels, renvoie à telle coutume, comme
il le seroit par une disposition par laquelle le testateur
s’en rapporteroit à cette coutume pour le règlement
universel de sa succession j nul doute par conséquent
q u e , dans cette hypothèse, la cour d’appel de Riom
n’ait erré dans son second motif.
Mais cette hypothèse est-elle exacte, ou, en d’au
tres termes, l’art. 1890 est-il véritablement commun
aux testamens, ou, en d'autres termes encore, la cour
d’appel de Riom a-t-elle erré dans son premier motif,
comme dans le deuxième ?
» Sur cette question, il y a deux choses à considérer^
l’esprit dans lequel a été rédigé l’art. 1390, et l’objet
auquel sa rédaction s’applique.
L ’esprit de cet article pai-oît^ manifesté par le pro
cès verbal du conseil d’état :
« lia section de législation, disoit M . T ro n ch et, a
voulu, en proposant cet article, empêcher les notaires
de continuer à insérer dans leurs actes une clause usitée
dans les contrats de mariage, lorsque les parties vouloient établir leur communauté sur d’autres principes
que sur ceux de la c o u t u m e de leur domicile : on exprimoit alors qu’elles se marioient suivant telle ou telle
coutume. Cette clause seroit nulle après la confection
du Code civil •, puisqu’il abroge toutes les coutumes ,
il n’est plus possible de les reconnoître \ o u , si on
leur conservoit une sorte d’existence, le système bien-
�(
1
9
y
Élisant de l’uniformité des lois seroit dérangé. — La pro
position qu’on discute, ajoutoit Al. Berlier, n’implique
nulle contradiction avec la faculté laissée aux époux
de régler leurs conventions comme ils le veulent : cette
faculté n’est pas ici blessée, quant à la matière ; elle
n’est restreinte que quant à la forme. Les époux stipu
leront en détail toutes les conditions de leur union ;
mais ils ne pourront, en termes généraux., se référer
à telle ancienne loi ou à telle ancienne coutume. Voilà
ce que dit l’article, et ce qu’il devoit dire par respect
pour le nouveau Code., et pour atteindre les bienfaits
qu’il permet. Ne seroit-ce pas en effet perpétuer l’exis
tence de quatre cents et quelques lois ou coutu
mes qui régissoient la France, que de permettre de
s’y référer pour les conventions à venir? Qui veut la
fin , veut les m oyens; or, plus d’uniformité, plus de
Code civil, proprement dit ; si l’on permet cette bizarre
alliance. — L e di’oit seroit hérissé (continuoit M. R é a l),
d’autant plus de difficultés, qu’il faudroit étudier à la
fois et le droit qui a existé et le droit qui existe__—
En employant ces clauses générales, disoit également
M . T reilh ard , les notaires peu instruits ignorent le
sens cle ce qu’ils écrivent dans leurs actes; ils ne peuvent
en conséquence l’expliquer aux parties. Il est bon ce
pendant que chacun sache positivement ce qu’il stipule.
On doit craindre , d’un autre côté, que dans certains pays
la routine ne fasse durer encore lo n g - te m p s l’empire des
coutumes. Il ne s’agit, au surplus, que d’empcclier
les citoyens de les rappeler’, ce qui ne gene la liberté
de personne, puisque chacun conserve la faculté de
C2
�( 20 )
faire passer dans son contrat de mariage les dispositions
de la coutume , pourvu qu’il les én o n ce....»
M . Berlier répétoit la même chose dans son discours
au corps législatif: « L e projet ne permet pas aux époux
de stipuler désormais, d'une manière générale, que leur
association sera réglée par l’une des coutum es, lois ou
statuts locaux , qui régissoient ci - devant les diverses
parties du territoire français , et qu’il abroge *, c’eût été
les rejeter dans le dédale d’où il s’agit de les retirer, et
élargir le gouffre que le code civil doit fermer. »
Voilà des motifs qui , assurément 3 s’a d a p t e n t tout
aussi bien aux testamens qu’aux contrats de mariage.
Mais le texte de loi que ces motifs paraissent avoir
d icté, com prend-il ceux-là comme c e u x - c i dans sa
disposition ?
Nullement : ce texte est restreint aux contrats de
mariage , et il y est restreint non seulement par ses
propres term es, mais encore dans la rubrique sous la
quelle il est placé. D e là comment pourriez-vous ann u lle r, comme violant ce texte , un arrêt qui a refusé
de l’étendre aux testamens ? L ’article 66 de la cons
titution du 22 frimaire an 8 , ne vous autorise à casser
les jugemens en dernier ressort, que pour contravention
expresse aux lois 5 et certes , il ne peut pas y avoir
contravention expresse à l’article i q o du Gode Napoléon,
là où on ne peut apercevoir qu’un refus de donner à
cet article une latitude qu’il n’a pas lui-mêm e.
Admettons que la cour d’appel de Riom eût p u , en
s’étayant sur l’identité de raisons , étendre cet article
aux testamens *, admettons même qu’elle eût pu justifier
3
�( 21 )
cette extension, en invoquant, non comme disposition
législative, mais comme raison écrite, les lois 12 et i3 ,
D . de legibus, Non possunt oimies , etc.
Eh bien ! dans cette hypothèse , l’arret qui vous est
dénoncé, pourra-t-il être annullé sur l’unique fondement
qu’il n’a pas fait une extension qu’il eût pu faire ?
Une question semblable a été agitée tout récemment
à l’audience de la section civile. — Les sieurs Pastoris
demandoient la cassation d’un arrêt de la cour d’appel
de T u rin , du 11 juin 1808 , qui avoit déclaré légitime , à raison de la bonne foi de son père et de sa m ère,
l’enfant né à l’ombre d’un second mariage que Thérèse
Bellone avoit contracté dans la Ligurie en 1799, du
vivant de son premier mai’i , avec Henri Pastoris. Pour
établir que ni Henri Pastoris, ni Thérèse Bellone , ne
pouvoient être censés avoir contracté de mariage de
bonne f o i, ils alléguoient, et le fait n’étoit point dénié,
ou plutôt il étoit avoué dans les termes les plus formels,
que ce mariage n’avoit pas été précédé des bans prescrits
par les lois ecclésiastiques ; ils citoient la décrétale Ciim
ïnhibito, qui en effet décidoit que les enfans nés d’un
mariage contracté sans publications préalables , entre
un homme et une femme parens au degré prohibé t
ne dévoient pas jouir des prérogatives de légitim ité,
parce que le défaut de bans ne permettoit pas de pré
sumer que leurs père et mère eussent ignoré l’empê
chement qui s’opposoit à leur union ; et ils ne manquoient
pas d’observer que quoique cette décrétale, qui, en 1799,
faisoit loi en Ligurie comme en P iém on t, ne parlât
que de l’empêchement de parenté , elle n’en devoit
�C 22 )
pas moins être étendue, par identité de raisons, à tous
les autres empêchemens, notamment à celui qui résultoit
de la non-dissolution d’un mariage précédemment con
tracté par l’une des parties j ils prouvoient même que
telle étoit l’opinion d^une foule de canonistes. — En
portant la parole sur cette affaire, nous avons dit que
sans doute la cour d’appel de Turin eût pu donner à
la décrétale Ciim inhibito l’extension que les sieurs
Pastoris l’accusoient de ne lui avoir pas donnée ;
qu’elle n’eût même fait par là que se conformer à la
jui’isprudence du sénat de C h am béry, attestée par le
président Favre ; mais que ne pas étendre une loi au-delà
de ses termes précis, ce n’étoit pas la v io le r , et qu’en
conséquence , il y avoit lieu de rejeter le pourvoi des
sieurs Pastoris.— Par arrêt du 21 mai dernier, au rapport
de M . Carnot , « attendu que les conciles n’ont pas
prononcé la nullité des mariages pour simple défaut
de publication de bans *, que l’on peut seulement en
induire, suivant les cas, qu'ils ont été clandestinement
contractés; mais que dans l’espèce,le vice de clandestinité
ne pouvant être reproché au mariage dont il s’agit,
il en résulte que le seul défaut de publication de bans
n’a pu constituer Thérèse Bellone et H enri Pastoris en
mauvaise foi *, que si la décrétale Cum inhibito a été plus
loin sur ce p o in t, que les décrets des conciles, ce n’a
été que par voie d’exception , et pour le seul cas où
les époux auraient été parens au degré prohibé ; et
que la cour d’appel, en s’en tenant à la lettre de cette loi
d'exception, sans l’étendre par induction au cas d’exis
tence du premier époux réputé m o rt, n’en a pu violer
�<>3 )
ouvertement les dispositions...............................................
La cour rejette. ............................ »
Dans cette espèce cependant, les sieurs Pastoris avoient
deux avantages qui manquent ici aux demandeurs.
D ’une part, les textes du droit romain qui autorisent
les juges à étendre les lois à des cas non compris dans
leurs dispositions, mais auxquels leurs motifs s’adaptent
parfaitement, avoient, pour la cour d’appel de T u rin ,
toute l’autorité des lois proprement dites, puisque le droit
romain étoit la loi supplémentaire du Piémont et de la
Ligurie , à l’époque de la célébration du mariage dont
il étoit question.
I c i , au contraire , ces textes n’avoient pour la cour
d’appel de Riom que l’autorité de la raison écrite.
D ’un autre côté, nulle différence quant au motif qui
avoit déterminé la disposition de la décrétale Ciim inhibito , entre les cas où les époux étoient parens au degré
p rohibé, et le cas où l'un d’eux étoit engagé dans les
liens d'un mariage non encore dissous. Il y avoit m êm e,
pour appliquer cette disposition au second cas, une raison
bien plus puissante que celle qui l’a voit provoquée pour
le prem ier5 car il importe bien plus à l’ordre public
de prévenir les bigamies, que les mariages entre les
parens à certain degré. On pouvoit donc argumenter
à fortiori du cas sur lequel portoit la décrétale Cum
inhibito, à celui qui étoit l’objet de l’urret dont il s’agit.
I c i, au contraire, bien q u ’on puisse dire des testamens comme des contrats de mai*iage, que si l’on y
toléroit l’usage de ne disposer ou de ne traiter que par
des renvois à telles coutumes abrogées par le Code Napo-
�( H )
léon , ces coutumes survivroient en quelque sorte à leur
abrogation } et que les citoyens, les jurisconsultes, les
magistrats seroient obligés de les étudier encore, comme
si elles avoient conservé toute leur autorité ; il n’en est
pas moins vrai q u e , relativement aux motifs de la dis
position de l’article i 3 g o , il existe entre les contrats
de mariage et les testamens deux différences très-sensibles.
D ’abord, avant le Code N apoléon, il étoit extrêmement rare que des testateurs se référassent, pour le
choix de leurs héritiers ou légataires universels, à des
coutumes q u i, ou étoient abrogées , ou le u r étoient
étrangères. Il faut même sortir de l’ancien territoire
français pour en trouver des exemples autres que celui
de la dame de Chazerat ; car les seuls, absolument les
seuls auteurs qui en parlent, sont Grotius et V o ë t ,
tous deux Hollandais -, le premier dans sa Manuductio
ail jurispruclentiam Hollandiæ,liv. 2. cliap. 29 '7le second,
sur le digeste, tit. de hœredibus instituendis, n. i 5 . Et
au contraire , rien n’étoit alors plus fréquent que de
voir des époux adopter, pour règle de leur association ,
des coutumes qui n’étoient ni celles de leur domicile,
ni celles de la situation de leurs biens.
Est-il étonnant, d’après cela, que le législateur ait res
treint, aux contrats de mariage la disposition de l’article
1390 du Code? Il l’a restreinte à ces contrats, parce que
ces contrats étoient les seuls actes où il étoit à craindre
que ce genre d’adoption se perpétuât. Il ne l’a pas
rendue commune aux testamens, parce qu’il n’y a pas
vu le même sujet de crainte j parce qu’il a pensé q u e ,
si quelque testateur venoit un jour à se singulariser, en
adoptant ,
�.( 2 5 )
adoptant, pour le choix de ses légataires universels,
une des coutumes abrogées du territoire français, ce
seroit une bizarrerie sans conséquence , un phénomène
qui ne mériteroit pas qu’une loi expresse lui fît l'hon
neur de le proscrire par anticipation; en un mot, parce
qu’il a dit avec les lois 4 et 6 , D . de legibus : E x his
quee forte aliquo uno çasu accidere possunt, jura non
constituuntur,....
Ensuite, le motif énoncé dans le procès verbal du
conseil d’état, par ceux qui ont parlé sur l’art. 1390,
est-il bien le seul qui ait déterminé, soit la majorité du
conseil, soit la majorité du tribunat, soit la majorité
du corps législatif, à voter pour cet article
Nous pouvons .en douter d’autant plus raisonnable
ment , qu’il se présentait pour réunir tous les suffrages
en faveur de cet article, une raison bien plus grave ,
bien plus décisive , que le motif mis en avant dans le
procès verbal du conseil-d’état.
En effet, il est de la plus haute importance que les
conventions matrimoniales soient rédigées de manière
que tous ceux avec qui l’un ou l’autre des époux peut
être dans le cas de traiter, connoissent d’une manière
certaine et positive les modifications qu’elles ont faites
à la loi, qui,
défaut de stipulations particulières, règle
l’association conjugale. Et comment auroient-ils pu ac
quérir cette connoissance ? Comment sur tout auroientils pu être assurés de l’avoir acquise, s’ils n’avoient pu
la puiser que dans les coutumes, dans les statuts locaux
abrogés, et par conséquent tombés dans l’oubli? Qui
d’eux n’auroit tremblé de voir un jour sortir de ces
D
�( *6 )
statuts, de ces coutumes, des prohibitions, des inca
pacités , des empechemens qui eussent vicié ou neutra
lisé les contrats qu’ils auroient pu faire avec l’un des
époux ? Et n’est-il pas évident que par là on eût exposé
chacun des époux au danger de ne trouver personne qui
eût voulu contracter avec lui ? L e merne inconvénient
n’étoit point à craindre dans les dispositions testamen
taires ; car de deux choses l’une : ou la coutume à laquelle
un testament se réfère , est parfaitement con n ue, ou
elle ne l’est pas. A u premier cas, sa disposition sei-a exécu
tée ; au second, elle sera sans effet, d'après cette maxime
du droit romain , ou plutôt de la raison universelle :
Quœ in testamento scripta essent neque intelligerentur
quid significarent, ea perindè sunt atque si scripta
non essent. L . 2. D. D e his quœ pro non scriptis habentur.
Que devient après cela le grand argument sur lequel
les demandeurs fondent principalement leur système
d’extension de l’art. 1890 aux testamens? Les contrats
de m ariage, disent-ils, sont par leur nature suscep
tibles de toutes les clauses qui ne blessent ni les lois
prohibitives ni les mœurs. Ils sont par conséquent bien
plus favorables que les dispositions testamentaires. Si
donc on ne peut pas , dans un contrat de m ariage, se
référer à une coutume abrogée, combien moins le peuton dans un testament ? Si donc la loi l’a prohibé pour
l’un, à'eom bien plus forte raison est-elle censée l’avoir
prohibé pour l’autre ?
Trois vices essentiels dans cet argument:
i ü. 11 n’est pas vrai que les époux aient plus de liberté
�( 27 )
dans les contrats de m ariage, que les testateurs n’en
ont dans leurs dispositions à cause de mort. Si les époux
peuvent, par les un s, faire toutes les stipulations qui
ne contrarient pas les lois prohibitives, ni ne blessent
les mœurs, les testateurs peuvent également, par les
autres, faire toutes les dispositions qui n’offensent pas
les mœurs et ne heurtent pas des lois px-ohibitives. Les
contx’ats de mariage et les testamens sont donc, quant à
la liberté des parties qui y figurent, des actes absolu
ment parallèles. On ne peut donc pas argumenter à
fortiori des contrats de mariage aux testamens.
2°. L ’argument à fortiori n’est qu’un sophisme , toutes
les fois qu’entx’c les deux objets qu’il tend à faire juger
d’après la même règle, il se trouve une différence quel
conque j et nous venons de voir qu’enti’e les contrats
et les testamens, il existe, relativement à la question
qui nous occupe , deux différences très-frappantes.
3 °. Ce n’est point par des argumens à fortiori que
l’on peut faire trouver dans un arrêt une contravention
à une loi qui ne prévoit pas précisément le cas sur lequel
il statue ; et c’est une vérité dont l’arrêt de la section
civile, du 21 mai dernier, nous fournit à la fois la preuve
et l’exem ple, en rejetant les moyens de cassation que
les sieurs Pastoris cherclioient à tirer de la décrétale
Cum inhibito.
E nfin, Messieurs, il est une grande maxime qui doit ici
écarter toute idée d’extension de l’art. 1390 du Code Na
poléon aux testamens, c’est que les lois qui disposent en
sens contraire aux principes du droit, ne peuvent jamais
être tirées à conséquence, ni étendues hors de leurs
D 2
�( 2 8 }
termes précis : Quod verà contrà rationem ju r is , etc.
L. 1 3 . D . de legibus.
On ne peut clouter, en effet, que la disposition de
l ’art. J390 ne soit contraire aux principes du droit, et
qu’en la décrétant, le'législateur n’ait sacrifié les prin
cipes du droit à des considérations purement politiques.
Il est difficile, disoit M . l’Arcliichancelier*, dans la dis
cussion de cet article au conseil d'état, de concilier
cette disposition avec celle qui précèd e, et qui laisse
aux parties une liberté indéfinie dans leurs conventions
matrimoniales,pourvu qu’elles ne blessent pas les mœurs...
Il ne doit y avoir de stipulations nulles que celles qui
blessent les principes du Gode civil.
Ces observations, il est vrai, n’ont pas empêché Fadoption de l’article qu’elles combattoient ; mais elles n’en
forment pas moins une preuve irrésistible, que cet article,
quelque sage qu’il soit, n’est pas en harmonie, même
avec les principes généraux de la matière des contrats
de mariage , et que par une suite nécessaire, il ne peut
pas être étendu au delà de son objet.
L e premier moyen de cassation des demandeurs ne
peut donc , sous aucun rapport, être accueilli.
L e deuxième est - il mieux fondé ?
Sans doute il n’est pas plus permis à un testateur sous
le Code Napoléon, qu’il ne l’étoit sous l’empire des lois
romaines, de c o n fie r à u n tiers la désignation de ses
héritiers ou légataires universels; et il faut sous le Code
N apoléon, comme il le falloit sous l’empire des lois ro
maines, que le testateur fasse lui-même cette désignation.
Mais est-ce à dire pour cela que le testateur est
�( 29 )
obligé de désigner ses héritiers ou légataires par leurs
noms individuels ? A cette question écoulons la réponse
des lois romaines : Si quis nomen hœredis quidem non
d ix erit, sed indubitabili signo eum demonstraverit,
quod penè nihil à noniine distat... valet inslitutio. L oi
9, § 9, D. de hœredibus instituai dis. L. 34 , D. de conditionibus et dernonstrationibus. Et pourquoi cela ? c’est,
dit la loi G, D . de rebus creditis, parce que la dési
gnation certaine et l’expression du nom sont tellement
identiques dans le droit, qu’elles peuvent s’employer
indifféremment l’une pour l’autre } N ihil refert proprio,
etc....
O r , n’est-ce pas désigner clairement ses héritiers ou
légataires univei'sels, que de déférer sa succession à ceux
qui dévoient la recueillir ab intestat d’après telle l o i ,
telle coutume, tel statut? Nous avons déjà dit que V oët
et Grotius regardent l’affirmative comme une vérité irré
fragable -, et, en effet, voici les termes du premier: Sed
nec dubium quin teslatar rectè testamento hceredes insti
tuât per relationem ad certum statutum , veluti instituendo eos quos ju s scabinicum v el quos ju s ces
dom icum , aut loci alterius le x dejinit ab intestatq
successores , ut id colligi potest e x his quee habet
Hugo Grotius in manuductione ad jurisprudentiam Hol~
landice. Lib. 2, cap. 26.
M a is, disent les demandeurs., et c’est leur troisième
moyen , la coutume d’Auvergne à laquelle la dame de
Chazerat s’est référée, dans le legs univei’sel que con
tient son testament, est abrogée par l’article 7 de la loi
du 3 o ventôse an 12. La dame de Chazerat s’est donç
�(
3°
)
mise, par la manière dont elle a exprimé son legs uni
versel, en rébellion contre cet article. La Cour d’appel
de Riom a donc violé cet article, en déclarant valable
le legs universel do la dame de Chazerat.
Quoi donc ! la dame de Chazerat n’auroit-elle pas p u ,
nonobstant l’abrogation de la coutume d’Auvergne, s’en
approprier littéralement les dispositions, les transcrire
dans son testament, les adapter, et à ceux de ses parens
qu’elle vouloit gratifier, et aux biens dont elle vouloit
disposer en leur faveur ? Les défendeurs sont forcés de
convenir qu’elle en avoit le pouvoir; et si elle l’eût
fait, ajoutent-tils, nous respecterions sa volonté. Mais
quelle différence y a - t - i l entre ce qu’elle eût pu dans
cette hypothèse, et ce qu’elle a fait réellement? Il n’y
en a que dans l’expression : la dame de Chazerat a dit,
en termes très-brefs, Ce qu’elle eût pu délayer dans
plusieurs phrases ; et assurémènt une disposition q u i,
développée dans un long assemblage de m ots, seroit
valable, ne peut pas être nulle parce que la testatrice
l’a exprimée avec le plus de concision qu’il lui a été pos
sible ; assurément la loi du 3 o ventosean 12, que cette
disposition n’offenseroit en aucune manière dans le pre
mier cas , ne peut pas en être blessée dans le second.
En effet, dans un cas comme dans l’au tre, ce n’est
point la coutume d’Auvergne qui régit la succession
de la dame de Chazerat ; dans un cas comme dans l’autre,
cette succession n’est régie que par la volonté de la dame
de Chazerat elle-même ; dans un cas comme dans l’autre,
la coutume d’Auvergne ne fait rien, c’est la volonté
de la dame de ChaztTat qui fait tout.
�( 31 )
Si la dame de Chazerat eût été et fût morte dans un
temps où la coutume d’Auvergne étoit encore dans toute
sa vigu eu r, et que dans son testament elle eût déclaré
instituer légataires universels ceux de ses parens à qui
cette coutume déféroit la succession, à quel titre ses
parens ainsi appelés auroient-ils recueilli ses biens ? comme
héritiers ab intestat, comme saisis par la coutume ?
N o n , ils les auroient recueillis comme légataires uni
versels, comme appelés par la testatrice. Taies instituti
( dit V oët à l’endroit déjà cité N. 18, en parlant du
cas où le testateur institue pour héritiers ceux qui doivent
lui succéder ab intestat ); Taies instituti, non e x v i legis,
sed e x testatoris volúntate succedunt.
E t l’on voudroit qu’il en fût autrement dans notre
espèce ! On voudroit que la coutume abrogée d’A u
vergne régît une succession que ne régiroit pas la
coutume d’Auvergne encore subsistante ! On voudroit
q u e , d’après les dispositions de la dame de Chazerat,
les légataires imiversels de la dame de Chazerat succé
dassent en vertu de la coutume abrogée d’Auvergne ,
tandis que si cette coutume n’étoit pas abrogée, ils ne
pourroient, d’après ces mêmes dispositions , succéder
qu’en vertu de la volonté de la dame de Chazerat !
C ’est une véritable dérision.
Est-ce plus sérieusement que les demandeurs opposent
à l’arret de la cour d’appel le principe écrit dans
l’article 6 du code, qu’on ne peut déroger, par des
conventions particulièx-es, aux lois qui intéressent l’ordre
public et les bonnes moeurs? Est-ce plus sérieusement
que l’on vient vous dire que les successions tiennent à
�( '3a ) '
.
l’ordre publie ; el que c’est attenter à l’ordre public ,
que de créer un ordre de succession contraire à la loi ?
Autant vaudroit-il dire qu’il y a attentat à l’ordre
public, toutes les fois qu’un testateur, usant du pouvoir
que lui en donne la l o i , dispose de ses biens en faveur
d’autres personnes que celles qui y seroient appelées
par la loi elle-m êm e, à défaut de testament.
Car , encore une fo is, ce n’est point de la coutume
abrogée d'Auvergne , que les légataires universels de
la dame de Chazerat tiennent leur vocation ; ils ne lai
tiennent que de la volonté de la testatrice; et la testatrice,
en se. référant en peu de mots à la coutume d’A u v erg n e ,
ne l’a pas plus remise en vigueur comme l o i , qu’elle ne
l’eût fait en calquant, comme elle en avoit incontes
tablement la faculté , ses dispositions personnelles sur
les anciennes dispositions de cette coutume.
A vant l’abrogation des coutumes, un testateur pouvoitil instituer légataires universels de ses meubles, ceux de •
ses parens qui auroient dû y succéder d’après une cou
tume autre que celle de son domicile? pouvoit-ilinstituer
légataires de ses immeubles disponibles, ceux de ses parens
qui aurbient dû y succéder d’après une coutume autre
que celle de leur situation ? Oui , sans doute , il le
pou voit : Voè’t et Grotius nous en donnent l’assurance ,
et les demandeurs eux-mêmes n’eu disconviennent pas.
Cependant on eût pu dire alors, comme le disent
aujourd’hui les demandeurs , qu’en disposant ainsi , le
testateur créoit un ordre de succéder contraire à la loi
qui devoit régir sa succession ; qu’ériger une coutume
étrangère à sa personne et à ses biens , en loi régu
latrice
�( 33 )
latrice clc sa succession , c’étoit faire ce qui n’appartenoit
qu’au législateur ; qu’il n’appartenoit qu’au législateur
d’étendre les limites d’une coutume au - delà de son
territoire. Mais ces objections aui-oient disparu devant
le principe, que ce n’étoit pas comme l o i , que c’étoit
uniquement comme disposition de l’homme , que la
coutume étrangère à la personne et aux biens du tes
tateur a'uroit régi sa succession.
Eh bien ! la dame de Chazerat a-t-elle fait autre chose ?
Si ce n’est pas usurper le pouvoir du législateur , que
de se référer à une loi existante, mais étrangère, comment
pourroit-on être censé l’usurper en se référant à une loi
abrogée ? une loi existante, mais étrangère, n’a pas plus
de force par elle-même, que n’en a une loi qui n’existe
pas \ et de même qu’il n’est permis qu’au législateur de
rappeler à la vie une loi qui n’existe plus , de même
aussi au législateur seul est réservé le droit de rendre
obligatoire dans un pays, une loi qui n’a été faite que
pour un autre pays.
La dame de Chazerat n’a donc pas plus violé , soit
l’art. 6 du code Napoléon , soit l’art. 7 de la loi du 3 o
ventôse an 12 , en disposant par relation à la ci-devant
coutume d’A uvergne, qu’un testateur mort il y a dix ans,
n ’eût v io lé , en disposant par relation à une coutume
étrangère à son domicile et h ses biens , la maxime
de droit public qui restreignoit l’autorité de chaque
coutume aux personnes domiciliées et aux biens situés
dans son arrondissement.
Et comment ne sent-on pas que si l’art. 6 du code
Napoléon , si la seule abrogation des coutumes avoit
E
�I
( 34 )
suffi pour empêcher que l’homme ne se référât , dans
ses dispositions , à des coutumes abrogées , il eût été
inutile que l’article 1390 le défendît spécialement aux
futurs époux ? Comment ne sent-on pas que de là naît,
par la règle , inclusio unius est exclusio a lten u s, la
conséquence que la chose est permise dans les testamens ?
Ecartons donc tous ces grands mots d’attentat à l’ordre
p u b lic, de blasphème contre les lois nouvelles , que
les demandeurs font sonner si haut et si xnal à propos ;
et disons q ue, quand même la clause par laquelle la
dame de Chazerat renvoie à la ci-devant coutume d’A u
vergne le règlement de sa succession, seroit absolument
nécessaire pour l’exécution de sa volonté, cette clause
n’olfriroit rien d’illégal, rien qui ne fût une conséquence
directe de la pleine liberté que le Code Napoléon accorde
à tous les testateurs auxquels il ne survit ni enfans ni
ascendans.
M ais il y a plus, et ici se présente une considération
qui doit faire rentrer dans le n éan t, non-seulement le
troisième moyen de cassation des demandeurs , mais en
core le premier et le second : la cour d’appel a jugé
que cette clause ne forme , dans le testament de la dame
de Chazerat, qu’une disposition surabondante’, qu’elle
y est inutile pour l’exécution de la volonté de la dame de
Chazerat ; que par conséquent elle ne peut pas nuire
à l’exécution de cette volonté: que c’est le cas de la
maxime , utile non viciatur per inutile.
E t qu’oppose - t -011 à cette partie des motifs de l’arrêt
de la cour d’appel ? D e grands détails, de longs raisonDcmens, qui tendent à établir que la cour d’appel s’est
�( 35 )
trom pée, en interprétant ainsi le testament de la dame
de Chazerat.
Supposons-le avec les demandeurs: en résultera-t-il
que l’arrêt de la cour d’appel doit être cassé ?
Sur cette question , M essieurs, nous nous tairons pour
laisser parler l’arrêt que vous avez rendu le 2 février
1808, au rapport de M . Vergés, en sections réunies sous
la présidence de M . le Grand - J u g e , ministre de la
justice : « Considéi'ant que la cour dont l’arrêt est at
taqué, en décidant que la société contractée le il\ octobre
1800, entre M oke et Vankanegliem , étoit simplement
en commandite, s’est déterminée d’après l'interprétation
qu’elle a donnée aux clauses du contrat social et aux
lettres circulaires écrites en exécution de ce contrat ;
que par cette interprétation, qui étoit dans ses attribu
tions , cette cour n’a violé aucune loi ; la cour rejette
le pourvoi des frères Hubert et fils. »
Dans cette espèce , il étoit dém ontré, avec la plus
grande évidence, que la cour de laquelle étoit émané
l’arrêt dont il s’agissoit, sJétoit trompée dans l’interpré
tation qu’elle avoit donnée au contrat de société du 24
octobre 1800, et que ce contrat marquoit dans tous ses
articles l’intention des parties de former entre elles une
société générale et un nom collectif; mais il a suffi qu’en
donnant à ce contrat une interprétation qui clioquoit
toutes les notions reçues en matière de société, elle n’eût
violé aucune l o i , pour vous déterminer à maintenir cet
arrêt.
Et comment pourriez-vous aujourd’hui juger autre
ment ?
E2
�( se )
C ’est, dit - on , parce que les magistrats de la cour
d’appel de R iom , ¿1 qui le texte et l’esprit de leur an- >
cienne coutume sont familiers, et qui en conséquence
savent distinguer parmi les parens de la dame de Chazerat, ceux qui seroient en ordre de lui succéder d’après
la coutume indiquée par e lle , ont supposé qu’on ne
peut pas se méprendre sur les héritiers qu’elle a voulu
se donner, et que ces héritiers, ainsi que leurs droits
respectifs, doivent être considérés comme suffisamment
désignés dans son testament. En un m o t, continue-t-on,
c’est leur érudition particulière , et n o n pas les expres
sions de la dame de Chnzerat, qui les a induits à dire
que cette prétendue désignation se trouve dans sa dis
position , et qu’elle s’y trouve même indépendamment
de l’indication de la coutume d’Auvergne. A u surplus,
ils ont tracé les élémens apparens de leur détermination
k cet égard \ o r , ces élémens se réfèrent non à des points
de fait, mais à des points de droit ou de coutum e, sur
lesquels les juges ont faussement raisonné. « Et à l’appui
de cette assertion, les demandeurs entrent dans de fort
longs développemens pour prouver, i.° que si, de la
disposition de la dame de Chazerat, on retranche la partie où elle indique la coutume d’Auvergne comme expli
cation de sa volonté, on ne saura plus dans q u e lle accep
tion elle aura employé le mot estoc} on ne salira plus
s’il faut en chercher la signification dans la classe des
coutumes de tronc com m un, ou dans celle des coutumes
soudières, ou dans celle des coutumes de côté et ligne \
2.° que dans la même hypothèse on ne sauva pas
comment doit se réglpr la représentation à l’infmi que
�( 57 )
la clame de Chazerat a établie entre ses parens ; que le
mode de la représentation à l’infini n’étoit pas uniforme
dans les coutumes qui l’admettoient ; qu’i c i , les descen
dais du testateur devoient être préférés à ceux qui
n’étoicnt parens que de son côté et ligne , tandis que
là il en étoit autrement ; qu’ici , la succession d’un
défunt qui îï’auroit laissé que des neveux , devoit se
partager par souches , tandis que là elle devoit se
partager par têtes ; q u 'ic i, la représentation à l’infini
pouvoit se faire per saltum , en sorte que l’on pouvoit
remonter à son a ïe u l, lors même que la personne avec
qui l’on concouroit , n’avoit besoin que de la repré
sentation de son père , tandis que là on jugeoit le
contraire , etc.
Mais en admettant tout cela , quelle conséquence
peut-on en tirer ? Il n’y en a qu’une seule de raison
nable : c’est que la cour d’appel de Riom a mal à pi'opos
considéré les mots représentation à Vinfini en ligne col
latérale, comme présentant par eux-mêmes un sens clair,
absolu et indépendant de la coutume d’Auvergne ;
c’est-à-dire, que pour trouver à ces mots un sens clair,
absolu et indépendant de la coutume d’A u vergn e, elle
a mal à propos supposé que les ci - devant coutumes
d’estoc et de représentation à l’infini étoient uniformes;
c’est, si l’on veut , qu’elle a jugé contre le texte de
celles de ces coutumes qui , sur le sens du mot estoc
et sur le mode de la représentation à l’infini, s’écartoient
de la coutume d’Auvergne.
O r, casseriez-vous l’arrêt de la cour d’appel de R iom ,
pour avoir jugé contre le texte de coutumes qui sont
�(
38
)
abrogées ? Proposer cette question , c’est la résoudre
poür la négative. Les dispositions des coutumes abrogées
ne forment plus des points de droit \ elles ne sont plus
que des faits 5 elles n’existent plus que comme monumens historiques de l’ancienne légishition. Les courâ
supérieures peuvent donc les méconnoître , sans qu’on
puisse pour cela les accuser d’avoir violé une loi quel
conque ; et de même que vous ne pourriez pas casser
un arrêt qui eût jugé que -tel événement constaté par
les chartes les plus authentiques , n’est jamais arrivé ;
vous ne pouvez pas davantage casser un arrêt qui
a jugé que toutes les coutumes d’estoc entendoient
uniformément le mot estoc même , et que toutes les
coutumes de représentation à l’infini étoient d’accord
sur le mode d’exercice de ce droit.
* Par ces considérations, nous estimons qu’il y a lieu
de rejeter la requête des demandeurs , et de les con
damner en l’amende de cent cinquante francs.
Arrêt de la Cour de cassation , du 19 juillet
1810, au Rapport de M. Aumont.
« Attendu que l’art. 1890 du code Napoléon est au'
livre 3 , titre 5 , du contrat de mariage et des droits
respectifs des époux ; que c’est l ’association des époux
que cet article défend de régler d’une manière générale,
par l’une des coutumes , lois ou statuts locaux , qui
régissoient ci-devant les diverses parties du territoire
français, et qui sont abrogées \ que les dispositions du
même co d e , relatives au testament, sont au livre 3 ,
�( 3g )
tit. 2, cliap. 5 , art 967 et suivans que la cour d’appel
de Riom ne peut avoir violé l’article 1390 du Code
Napoléon , en ne se croyant pas permis d’étendre aux
testamens une disposition de ce Code , faite pour les
contrats de mariage.
» Attendu que M arie - Gilberte Rollet , veuve de
Chazerat , n’a pas confié à un tiers le soin de choisir
ses légataires, et de régler la distribution de sa succession;
qu’elle les a désignés elle-même et d’une manière certaine ;
qu’elle a déterminé de même la portion revenant à chacun
d’eux dans ses biens , en appelant à les partager tous
ceux de ses parens dans les trois branches de ses
aïeul et aïeules paternels et de son aïeule m aternelle,
qui seroient en ordre de lui succéder suivant les règles
de la représentation à l’infini , telle qu’elle avoit lieu
dans la ci - devant coutume d’Auvergne , pour être
divisés entre les trois branches au marc la livre-de ce
qui lui est parvenu de chacune desdites branches,
et être subdivisés entre chacune d’elles suivant les mêmes
règles de la représentation à l’infini ; qu’en confirmant
un testament d o n t, ainsi que l'observe la cour d’appel,
les dispositions témoignent fortement que la testatrice
a eu une volonté propre , éclairée et déterminée, cette
cour ne peut pas avoir violé les articles 392 , 895 et
965 du Code Napoléon.
» Attendu que le partage de la succession de MarieGilberte Rollet entre ses légataires, aura lieu suivant
les principes de la coutume d’Auvergne, non par la
force de cette coutume qui n’existe plus comme loi de
l’E m p ire, mais par la volonté de ladite R o lle t, qui,
n’ayant ni ascendans ni descendans, maîtresse par con-
�( 40
)
séquent de disposer à son gré de la totalité de ses biens,
a pu les distribuer par testament entre ceux de ses
parens qu’elle a jugé à propos de choisir, qu’ainsi l’arrêt
attaqué ne fait pas revivre une coutume abrogée, et ne
contrevient ni à l’article 6 du Gode N apoléon, ni à l’art.
7 de la loi du 20 ventôse an 12.
» Attendu que la cour d’appel a jugé que la clause,
telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d’ A u
vergne , n’étoit dans le testament contentieux qu’une
clause surabondante , qu’il n’y avoit pas dans cet acte
une seule disposition qui ne pût être exécutée indé
pendamment de toute coutume quelconque, et parle seul
fait de la volonté certaine et connue de la testatrice ;
qu’on ne peut voir là autre chose qu’une interpréta
tion du testament sur lequel cette cour étoit appelée à
prononcer ; que quand elle auroit mal à propos sup
posé à ces expressions , les règles de la représentation à
l'in fin i, un sens clair, absolu et indépendant de la cou
tume d’A u v e rg n e , cette erreur ne seroit la violation
d’aucune loi.
» Attendu enfin qu’il seroit superflu d’examiner s’il
y a dans l’arrêt de Riom fausse application de l’article
2 5 , titre 12, de la ci-devant coutume d’A u verg n e , puis
que cette fausse application, fût-elle réelle, il ne peut
résulter d’ouverture de cassation, ni de la violation, ni
de la fausse application d’une coutume abrogée.
» Par ces motifs, la Cour rejette le pourvoi des de
mandeurs. »
A.
C l e h m o n t , de l ’im prim erie de
grande rue Sain t-G en ès.
L a n d r i o t ,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Merlin
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
jurisprudence
cassation
Description
An account of the resource
Conclusions de M. Merlin, Procureur général impérial près la Cour de cassation, dans l'affaire des légataires universels de madame de Chazerat, contre le sieur Mazuel, demandeur en cassation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
An 9-Circa 1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0632
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53892/BCU_Factums_M0632.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cassation
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
jurisprudence
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53539/BCU_Factums_G2702.pdf
bd53f64a3e8d9b8a873f108d8e953faa
PDF Text
Text
W
CONSULTATIONS
' Pour MM. O N S L O W puînés,
C o n tr e
M . G eorges
O N S L O W .
----------- « S S - ï - S w a » ----------
L E C O N S E IL SO U S SIG N É qui a fait un nouvel examen des
pièces et consultations de l ’affaire existant au tribunal civil de
Clermont-Ferrand, entre les frères puînés de M . Georges Onslow
et ce dernier , notamment d’un projet d’acte de vente de la terre
de Lillingston, en date du 2 juin 1824,
P er siste à penser què les puînés sont très-fondés à soutenir que
la succession entière de M . Edouard Onslow est régie par la lé
gislation française ; qu’en conséquence, leur frère aîné doit se bor
ner à prélever le q u a r t, et partager le surplus par égalité avec
eux ; il ajoute que l’acte nouvellement produit, qui n ’est pas la
v ente originale , n’a fait que le confirmer dans cette opinion.
A l’époque du décès du père, toute sa fortune mobilière ou im
mobilière était en France] par conséquent, elle doit être partagée
entre ses enfans, d’après les principes des lois françaises, soit parce
qu’il avait été naturalisé Français; soit, au m oins, parce qu’il
avait son domicile en F ra n ce; soit, enfin, d’après l’art. 3 du Code
civil. Ces divers points déjà établis dans les premières consulta
tions, l'ont été dernièrement par M. M e r lin , avec la logique qui
distingue ce profond jurisconsulte, et sont désormais hors de toute
controverse.
T elle est donc la règle générale applicable à la cause, et qui en
rend la décision aussi simple que facile.
Mais M . Georges Onslow veut se placer dans une exception ;
àA
�il prétend, sans le prouver positivement, qu’au ncmbre des som
mes mobilières existant en France dans la succession de son père ,
il en est q u i proviennent de la vente de la terre de LillingstoH, et
que le prix doit repre'senter pour lui la chose vendue ; qu’il peut
le réclamer de ses cohéritiers à titre de dommages-intércts, parce
que son père aurait disposé d’une chose qu’il lui avait antérieu
rement donnée. C ’est à M . Georges à' établir que l ’exception qu’il'
invoque est bien fondée. Jusque-là ses frères auront en leur fa
veur le droit commun; mais M . Georges est loin de justifier son
exception. E n réfutant s» prétention, nous établirons, i°. que la
donation de la terre de Lillingston est n u ll e , parce qu’elle n ’ap
partenait pas à son père en 1808, et q u e , comme catholiqne, il ne
pouvait pas acquérir d ’immeubles en Angleterre; 20. que le père
avait le droit de convertir la donation en un capital de 400,000 f.
argent de F ran ce; qu ’il l’a fait, et n’a j par conséquent, laissé
qu’une somme mpbilière qui doit être soumise à la législation de
son domicile ; 3 °. q u e le fils l ’a lui-même reconnu en ratifiant la
vonte; 4°. qu’enfin, d’après la loi du 14 juillet 1819,, il est obligé
de se contenter , sur la masse totale de la succession, de la portion
disponible fixée par le C o d e , et. d’une part égale à celle de ses
cohéritiers.
Avant d ’arriver à cette démonstration , il importe de se fixer sur
l'acte prod uit, dont la date est du 2 juin 1824*
Evidem m ent, ce n’est que le projet de la v e n te , ainsi que l’at«
testent les officiers publics qui l’ontrédigc. C ’est sur ce projet qu’a
été fait six jours après (le 8 j u i n , comme le constate le partage,
de famille du 11 avril 1828 ) , le contrat original revêtu à C lermont de la signature et de la ratification, de M . Edouard Onslow.
père. L es frères puînés ont toujours affirmé et affirment encore,
qu’eux et leur frère aîné y apposèrent également leur signature et
ratification : nous verrons tout à l’heure que c ’était une condition,
de la vente. C ’est sa/i$ doijte pour cela que M . Georges persiste à.
�■
'
(5)
ne pas produire la vente originale, ou, au moins, une copie sur
laquelle on lirait sa ratification et celle de ses frères.
L ’on voit, dans le projet du 2 juin , que par acte du 20 avril 17 9 '»
M . et M m‘ Edouard Onslow vendirent à réméré, à Thomas, comte
d’Onslow, et à Arthur-Georges , vicomte Cranley , la terre de Lillingston, moyennant 4)000 livres sterling, ou 100,000 fr. argent de
France. Il y est d i t , à plusieurs reprises , que la propriété leur
fut transférée; q u e , par acte du 24 ou 25 juin i 8 o5 , ils donnerent celte terre à bail à M . Edouard; e t , en e f f e t , l’acte du 2 juin
atteste qu’encore à cette date il la tenait à bail.
O n voit encore dans ce projet que la vente de la terre au colonel
Boyle-Delap n ’est pas faite par M . Edouard Onslow s e u l, mais bien
en outre par le comte Thomas d ’Onslow et le vicomte Cranley, ac
quéreurs à réméré , et constamment qualifiés de propriétaires.
M . Edouard Onslow déclare n ’avoir vend u, engagé, ni donné à
personne aucune partie de la terre ; il s’oblige à garantir le colonel
D elap , acquéreur, de la réclamation de tous ceux qui prétendraient
en avoir acquis tout ou partie.
Enfin , pour assurer davantage îi l’acquéreur la propriété du do
maine , M . Edouard Onslow s’oblige de faire reconnaître , ap
prouver et ratifier la vente par ses héritiers.
Une vente à réméré est translative de propriété. Celui qui l’a
faite cesse dêtre propriétaire; il ne peut donc plus disposer de la
chose à titre onéreux ou gratuit. Il n ’a plus le ju s in rc ; mais s e u
lement le ju s ad rem , ainsi que l’explique P o th ier, dans son Traité
du contrat de vente. Il ne peut transmettre que le droit d’exercer
le réméré. A i n s i , quand M . Onslow a donné à son fils aîné, en
1808 , la terre de Lillingston, il a fait un acte nul ; il a donné ce
qui ne lui appartenait p lu s , et n’a pas donné ce qui lui appartenait.
F.ecit <juod non p o tu it, non fe c it çuod potuit.
Objectera-t-on qu’en 1824 M . Edouard Onslow a exercé le ré
méré! Nous répondrions, en fait, qu’il ne l ’a pas exercé , à pro-
¿V
�( 4 )
prcraent parler; qu’il n’a pas retiré la chose en remboursant le
p r ix , pour la revendre à un tiers; que la propriété n’a pas reposé
un seul instant sur sa tête depuis la vente faite aux M M . Onslow
père et fils ; qu ’ils se sont tous réunis pour la transmettre, en 1824,
au colonel Delap ; et en droit, que M . Edouard O nslow , fût-il
redevenu propriétaire en 1824, cette circonstance n’aurait pu va
lider une donation nulle de plein droit; q u ’il n ’y aurait eu d’autre
moyen que d ’en faire une nouvelle.
Ajoutons qu’alors même que M . Edouard Onslow n ’eût pas
cessé d’être propriétaire, et qu’il eût seulement hypothéqué sa
terre, le créancier aurait eu le droit de la faire vendre pour se
payer sur le prix. L ’aliénation eût été forcée; le donataire posté
rieur n’aurait pu l ’empêcher. O r , M . Edouard Onslow pouvait
faire volontairement ce q u ’011 l’aurait contraint de souffrir; et lors
même qu’il n’y aurait pas eu d’hypothèque ni nécessité de vendre,
l ’aliénation faite au colonel Delap n ’en serait pas moins inattaqua
ble. Cet acquéreur ne pourrait être inquiété : il ne connaissait pas
la donation, car elle n ’avait été transcrite dans aucun registre pu
blic d’Angleterre, et il doit y avoir dans ce pays, comme en France
( art. 909 ,
r ) , nécessité de publier les donations, pour éviter les
surprises, les fraudes envers les tiers. Il est, d ’ailleurs, fort dou
teux qu’un contrat passé en France et contenant donation d’une
terre située en A ngleterre, pût être valable et exécuté dans ce
royaume.
C ’est, il faut en convenir, une singulière donation que celle
qui ne peut, sous aucun rapport, empêcher le donateur de disposer
librement de la chose donnée , et il est difficile de concevoir com
ment ce qui a cté fait valablement donnerait cependant lieu à une
action en donunages-intérêts ou en garantie contre les héritiers du
donateur.
A ces diverses causes de nullité de la donation vient s’en join
dre une autre : c ’est que , comme cela a été démontré dans les
�( S )
précédentes consultations, il est défendu aux catholiques, par la
législation anglaise, d’acquérir des immeubles en Angleterre. Dans
une consultation délibérée à Riom pour le frère aîné , on convient
du principe ; mais on allègue qu’un statut de GeorgesQlI a levé
cette prohibition, en assujettissant seulement les catholiques à
prêter serment d’allégeance dans les six mois de l’ouverture de
leurs droits.
Sans nous jeter dans une discussion sur le sens et l ’eflet de ce
statut, que l’auteur de la consultation ne nous paraît pas avoir
Lien saisi, nous nous bornerons à faire remarquer que M. Onslow
l’aîné n’aurait pas rempli la condition à laquelle, de son aveu même,
serait subordonnée la validité de ses droits. C ’était dans les six
mois de la donation entre-vifs, qui, suivant lui, le rendait pro
priétaire et l’autorisait à disposer de la terre^ sauf la réserve de l ’u
sufruit, et non dans les six mois de la cessation de cet usufruit,
qu'il devait prêter serment. L émancipation partielle ou totale des
catholiques des cinquième et dixième années du règne de Geor
ges I V étant postérieure à l ’expiration des six mois, est p a rla
même indifférente , et ne peut rétroagir pour valider un acte nul
dans son principe.
C e n est pas tout encore ; et il importe d apprécier la clause du
contrat de mariage de 1808, pour en déterminer l’effet. 1
L a terre est donnée sous des conditions et des réserves. L e droit
est acquis dès le jour du contrat, mais ce n’est qu'éventuellement;
caria libéralité est subordonnée à des conditions q u i, venant à s’ac
complir, opèrent non-seulement dans la valeur, mais même dans
la nature de la chose donnée, une notable modification.
E n effet, le pere se réserve d’abord de prendre sur les biens
donnes diverses sommes , mais de manière que son (lisait toujours
un revenu de 20,000 fr. argent de F ra n c e; et immédiatement
après il est dit que si, au décès du père, ces biens produisaient
moins de 30,000 f r . , le fils se remplirait de la différence, en rete-
�nant entre ses mains sommes suffisantes pour former le capital
au denier 20 de la portion de revenu nécessaire au complément des
20.000 francs de revenu que son père entend lui assurer, comme
condition Æsentielle du mariage.
II résulte de la clause sainement entendue, la faculté de la part
du pèro de convertir la terre en argent. Il peut en disposer ; et
comme, par suite de cette disposition, il peut en réduire le revenu
à un taux' minime et presque n u l , il s’ensuit que ce n ’est réelle
ment qu’un capital de 4 oo,ooo f r . , argent de F rance, qu’il a as-r
suré à son fils, et que celui-ci, non plus que sa femme et ses par e n s , n e peuvent se plaindre; ils retrouvent ce capital dans la
succession. Ils n’ont pas été tro«ipés, puisqu’ils n ’ont pas dû comp
ter sur autre chose,
C ’est bien aussi dans ce sens que les parties ont entendu et in*
terprété le contrat de mariage, par le partage de famille du 11 avril
1828, puisque immédiatement après avoir rappelé la donation, on
parle de la vente de la terre de Lillingston par M. Onslow père ,
sans aucune réserve ni protestation, C e t acte contient une nou?
velle approbation ou ratification de la vente. D ’un autre c ô t é , la
valeur totale de la succession devant être au moins de 1,200,000 f . ,
parce que la terre de Chalandrat et la maison de Clermont excè
dent la valeur qui leur a été donnée dans le partage, M . Georges
prélèvera le quart ( 3 oo,ooo fr. ) ; il aura encore le quart dans la suc
cession , c’est-à-dire, 2 ? 5 , ooq francs; ce qui lui fera plus de ses
400.000 fr. , et à peu près autant à lui seul que ce qu’auront ses
frères ensemble.
O n conçoit donc pourquoi M . Georges O nslow , non-seulement
n ’jt jamais réclamé contre la vente faite par son père, mais même
l ’a formellement ratifiée, soit en la négociant, soit en y apposant
sa signature à Clerm ont, soit en çn recevant le prix et le plaçant
en France au nom de son père s e u l, ainsi que cela est résulté d’un
compte produit à l’audience du tribunal de Clermont , soit par tou
te? les énonciations du partage de famille,
�( 7)
On a objecté que la ratification de la vente était insignifiante;
mais , au contraire , c ’est l’acte le plus significatif, le plus grave
qu’on puisse imaginer.
Dans son système , M . Georges était saisi de la nue propriété
de la terre de Lillingston, par son contrat de mariage; son père
n’avait pas le droit de vendre : en approuvant la v e n t e i l recon
naît , au contraire , qu’il en avait le droit.
Cette réflexion acquiert plus de force e n c o r e , quand on fait
attention aux énonciations de la vente passée au colonel Delap.
M . Edouard Onslow se présente comme propriétaire avec le comte
et le vicomte Onslow. Il déclare n ’avoir conféré à personne autre
que ceux-ci aucun droit sur cette terre ; il s’oblige de faire ratifier
par ses héritiers. M . Georges a donc approuvé ces énonciations ; il
en a reconnu la véracité ; il a lui-même avoué l’invalidité de la do
nation de 1808. C ’est parce qu’il en était convaincu;: c ’est parce
qu’il craignait aussi que le fisc d’Angleterre 11e s’emparât de la terre
de Lillingstoij, si on avait pu la considérer comme sie n n e , qu’il
l ’a fait vendre par son père, et s’est bien gardé de se présenter
comme en ayant la nue propriété.
I l reste un dernier point à examiner : c’est l ’application de la loi
du 14 juillet 1819.
M» Georges Onslow prétend avec raison prendre part aux biens
que son père a laissés en France. 11 soutient, en outre, q u e , fils
d’Anglais et Anglais lui-mêine, il peut commencer par s’attribuer
sur la valeur représentative des biens situés en Angleterre l'effet
de la donation t et venir ensuite partager avec ses frères les biens
de France.
Si M . Georges était étranger , il serait obligé de laisser ses frères
prelever sur les biens de France une valeur égale à celle q u i l aurait perçue en Angleterre. L ’art, a de la loi précitée est très-formel
à cet égard ; il est une conséquence de l’art. 1 " , d’après lequel lesétrangers ont le droit de succéder en France de la même maniera■
�( 8 )
que les Français. O r , les Français sont assujettis aux règles du
Code sur l’égalité des partages et la portion disponible.
r
Si l’étranger, concourant avec des Français, est obligé de souf
frir sur les biens de France le prélèvement d’une valeur égale à
ce qu’il a eu en pays étranger, à plus forte raison le Français
y est-il tenu. D ’ailleurs , dans l’espèce , M . Georges peut d’autant
moins s’y opposer, que c ’est parce qu’il prétend être resté sujet
anglais qu’il revendique la terre de Lillingston. L es motifs de la
loi du i/|. juillet 1819 s’appliquent très-bien à la cause. L e législa
teur a voulu empêcher qu’un cohéritier ne se servît de sa qualité
d’étranger pour dépouiller des Français^ pour s’attribuer dons la y
fortune du père commun une plus grande part que nos lois ne lui
accordent. 11 y a pourvu, en statuant fjue celui qui se présenterait
comme héritier au partage de biens situés en France , subirait l’in
fluence de la législation française. En cela la loi n’agit pas hors de
son territoire ; elle ne détruit pas ce qui a lieu dans un autre pays ;
c a r l’étranger conserve toujours matériellement sa chose ; il peut,
d’ailleurs, renoncer aux biens de France et ne pas se présenter
comme héritier; mais dès qu’il invoque cette qualité, il doit se
soumettre à la loi du pays où il prétend exercer des droits.
Puisque la législation fiançaise doit régir la succession de
M . Onslow, le frère aîné doit donc prélever seulement le qu a rt,
et partager le surplus avec ses frères.
L ’équité, la foi duc aux contrats de mariage, et la loi veulent
qu’il en soit ainsi.
L e résultat en sera encore assez beau pour l'aîné. Il auxa au
moins 5 oo,ooo fr. de plus que chacun de scs frères.
D k liu e ré à Paris , ce 3 i octobre i 8 3 a , par l’avocat aux Conseils
du roi et à la Cour de cassation soussigné.
G A R K IE R .
�L e s J U R IS C O N S U L T E S S O U S SIG N É S, qui ont vu une der
nière consultation de M . Garnier, pour M . Auguste Onslow et
consorts, ot attentivement examiné l’affaire dans son dernier état,
D é c l a r e n t , en se réunissant à l ’avis de IVI. Garnier, que plus
ils réfléchissent et plus ils se fortifient dans l’opinion qu ’ils ont
émise.
Il ne s’agit plus de discuter, de représenter des questions déjà
plus que suffisamment débattues; tout doit se résumer, désormais,
en quelques idées positives et déterminantes.
M . Georges Onslow veüt-il se présenter comme Anglais, pro
fessant la religion anglicane, et jouissant en Angleterre de toutes
les prérogatives qu’attache à la qualité d’aîné le système éminem
ment aristocratique de celte nation? E n ce cas, il invoque un pri
vilège qu’il ne peut étendre au delà du pays pour lequel il a été
fait, ni à des biens autres que ceux auxquels il est appliqué par
la loi de ce pays.
O r , qu’il en use en Angleterre tant qu’il lui plaira; qu’il réclame
la terre de Lillingston; qu’il cite le possesseur devant les tribu
naux anglais, c’est chose à laquelle ses cohéritiers ne s’opposent
pas le moins du monde.
Mais un premier fait s’y oppose. Celte terre n’est pas dans la
succession. Son père l’a vendue, et l’acquéreur la possède librement,
sans doute sous la protection de la loi et la sauvegarde des magis
trats. C e fait accompli suffirait à lui seul pour repousser la préten
tion du fils ; car, avec l ’immeuble, ont disparu la matière du pri
v i l è g e et la possibilité de l ’exercer.
Il ne peut servir à rien à M . Georges, en se prétendant pro
priétaire, de réclamer son privilège contre la succession de son
père, à litre d’indemnité; car il lui faudrait, pour cela, prouver par
un jugement des tribunaux d’A ngleterre, que la terre lui appar
tenait , et qu’on ne pouvait pas la vendre à son détriment. Or, dans
ce cas-la même, ce ne serait pas par le fait d’autrui, mais par le
�-'V •
■
* V.
( 10 )
sien propre, qu’il serait dépouillé, puisque c ’est pour avoir exécuté
la vente, en avoir reçu le prix et l’avoir placé en France, sous le
nom de son père, qu’il serait non recevable à le réclamer contre
1 acquéreur. Au reste, il ne le fait pas, il ne veut p a s , et sans
doute il ne peut pas l’attaquer.
Il est facile, au reste, d’en apercevoir la raison; fût-il Anglais,
il est catholique, et cela seul est un titre d ’exclusion; non-seule
ment il ne peut pas réclamer un privilège, mais encore il lui est
interdit de posséder en Angleterre la plus petite partie d’une pro
priété territoriale à quelque titre que ce soit.
A la vérité, la prohibition des anciennes lois a été adoucie;de
nouveaux statuts de Georges III ont admis les catholiques à pos
séder des biens en Angleterre, mais c’est à la charge rigoureuse
de prêter, dans les six mois, un serment d’allégeance. Dans la
dernière consultation produite pour M . Georges, on reconnaît cette
vérité d’ailleurs certaine, et nous lisons, page 1G4 du tome 5 de
la dernière édition de Blackslone, faite en 1825 , ce paragraphe
remarquable.
« Ceux qui professent la religion romaine, et qui n’ont pas
!» prêté, dans le temps fixé par la loi, le serment presciit par le
» statut 18e de Georges III, sont incapables, d’après le statut n *
y et 12e, § 3, ch. /|, d ’acquérir des terres, rentes ou héritages;
>> et toute vente de propriétés faite pour leur usage (use) ou par
y une sorte de fidéi-commis en leur faveur (in trust), est nulle.»
O r , sans rechercher si M. Georges eût dû prêter ce serment
dans les six mois de sa donation ou dans les six mois du décès de
son père, il est constant qu’il ne l’a prêté ni à une époque ni à
l ’autre. La terre ne lui appartenait donc pas; et il ne peut trou
ver dans cette circonstance le moyen de reporter en France un
droû qu’évidemment il n’avait pas en Angleterre.
*
D ’ailleurs, la donation ne l’avait pas irrévocablement saisi de la
propriété, surtout de la propriété entière. L e père s’était réservé
de disposer à son préjudice jusqu’à concurrence de 20,000 fr. de
�( 11 )
revenu. Il est fort inutile de rechercher s’il lui avait promis la
terre jusqu’à concurrence de 20,000 f r ., ou seulement 20,000 fr.
de revenu affectés sur la terre. Elle est v e n d u e ,il approuve la
vente; il l’exécute volontairement, et n’exerce qu’un droit mobilier,
ne réclame qu’une somme d ’argent sur des biens de France. 11 est
évident d’ailleurs qu’il était, pour le moins, difficile de ne vendre
qu’une partie de la terre. L à politique anglaise s’oppose à ces
démembremens deá propriétés territoriales, et la réserve d en ven
dre une partie entraînait la vente du tout. A côté de cette vente
reconnue valable par tous ceux qui l ’exécutent, la donation ne
peut plusproduire, dans aucun cas, les effets qu’on lui attribue.
Tous ces faits expliquent, au surplus, pourquoi le fils a laissé
vendre, pourquoi lui-même a dû provoquer la vente de cette terre.
Il a senti le besoin de la mobiliser et d ’en transporter le prix en
F rance, parce qu’après la mort de son père, il en eût été exclus
par les tribunaux anglais.
Il est dès lors bien plus extraordinaire de le voir exercer, en
France, comme inhérent à sa personne, un privilège qui n ’est
propre qu’au sol de l ’Angleterre, et le réclamer des tribunaux fran
çais , par application sur des biens de France, comme une sorte
d indemnité d’ùn prétendu droit qu’il n’ose pas réclamer des tri
bunaux anglais sur des biens d’Angleterre soumis à leur juridic
tion. S il avait formé la demande en désistement de la terre devant
les tribunaux anglais, et q u e lle eût été rejetée, pourrait-il r é
clamer une indemnité devant les tribunaux de F ra n c e , parce q u ’on
aurait jugé en Angleterre q u ’il n’était pas apte à réclamer ce privilége, qu il n était pas propriétaire de l’immeuble? le peut-il da
vantage parce qu il n’a pas réclamé et qu’il s’est jugé lui-même?
O ù est donc le principe de son indemnité en F rance, s’il n’a pas
de privilège en Angleterre?
11 y a plus encore: considéré même comme Anglais, et ayant
un privilège en Angleterre, il trouverait une barrière insurmon
table dans la loi du i/t juillet 1819; car ses cohéritiers, appelés
�( 12 )
par celte loi à prélever en France une portion cgale à la valeur
des biens dont ils auraient été exclus en Angleterre, peuvent, à
plus forte raison, s'opposer à tout prélèvement en France, alors
qu'il n’a pas pu le faire en Angleterre, et que, s’il l’avail fait, ils
l ’auraient anéanti par un prélèvement égal sur les biens de Fiance.
Sur quoi, d’ailleurs, M . Georges Onslow, plaidant en F rance,
pourrait-il s’appuyer pour l ’obtenir ?
Serait-ce sur la loi anglaise, pour appliquer en France et sur
des biens de France un privilège fait pour le sol de l’A n g lelerre,
et qu’il n’y réclame pas? On n ’aura pas sans doute ce ridicule,
surtout dans sa position actuelle.
Ce serait donc uniquement en vertu de sa donation! mais quel
privilège peut en naître, autre que ceux qui y sont attachés par la
loi du pays ou elle a été faite? et comment la régir par les lois
anglaises, lorsqu’elle se détache entièrement de ces lois et de»
biens qui sont soumis à leur empire î
Q ue sera-ce donc si nous supposons que M . Georges Onslow
est Français? Ici une réflexion majeure frappe l ’esprit, et elle ré
sume toute la cause, parce qu’elle renferme toute la vérité. Que
I\ï. Georges le veuille ou ne le veuille pas, il est Français; il l’est
par sa naissance, par son domicile, par son mariage, ses posses
sions, sa résidence; ¡1 l’est aussi, par sa soumission aux lois du
recrutement, l’exercice des droits civils et politiques, et toutes
les conditions auxquelles la lai attache cette qualité.
Ce n'est donc plus un Anglais professant la religion anglicane,,
qui demande à profiler des privilèges de la loi de son pays : c ’est
un Fiançais, catholique romain, qui demande un privilège fait
pour l’Angleterre et créé par les lois anglaises, seulement pour
les Anglais religionnaires. Il le demande en France et aux tribu
naux fiançais; il le réclame en vertu d ’une donation faite en France;
enfin, il veut qu’on 1 applique dans son intérêt à une succession
ouverte en France, et sur des biens situés en France.
Où donc est la question , et comment une donation faite en
�( i5 )
F r a n c e , sous le C ode c i v i l , grevcrait-elle les biens de F ran ce
d’une quotité disponible autre que ce lle des lois françaises? Si cela
ne pouvait pas être pour un An glais, co m m e n t, dans ce pays où
les préciputs ne sont que des exceptions, un Français pourrait-il
prétendre des prérogatives aussi exorbitan tes, que nos lois et nos
mœurs eussent repoussées dans tous les»temps, et que repoussent
bien plus encore celles qui régissent la succession de M . O n slo w 2 •
Cela passe la portée de l ’esprit.
Réduite à ces termes aussi simples que v r a is , la cause semble se
présenter toute n u e , et porte sa décision avec elle-m êm e. C e tt e
importance majeure q u ’on lui a donnée ne réside plus que dans
la qualité des parties, le rang q u ’elles occupent dans la société, et
le chiffre de la succession. Convenons, en effet, que s’il s’agissait
de quelques centaines de francs à distribuer à des cultivateurs qui
arriveraient à l ’audience sans autre préliminaire, la cause, dépouillée
de tout le prestige dont on l ’a environnée, ne permettrait plus la
pensée que la magistrature française peut appliquer d ’autres lois que
celles de son pays, s u r une succession régie exclusivem ent par elles,
alors surtout q u ’il s’agit de la partager entre des F ran ça is, et de
faire exécuter des actes passés en F ran ce. T e l le est cependant la
situation réelle de la famille Onslow . L e s soussignés pensent do n c,
en dernière analyse, que M . G eorges ne peut exiger autre chose
que le préciput de l ’article 9 i 3 j mais q u e , d ’après les dispositions
du p è r e , les autres enfans ne p eu vent pas contester la moindre
partie de ce préciput, dès q u ’ils n ’exécutent pas le partage fait par
le père commun.
D élibéré à R io m , le 10 novem bre
i
852.
DE Y ISSA C , ALLEM AN D .
L e soussigné, qui a ete appelé à prendre part à la discussion
qui a prépare la consultation ci-dessus, en adopte les solutions.
Fait à C le rm o n t, le 14 novembre i 85 2.
CONCHON.
�( >4)
IL i E SO U S SIG N É , qui a revu sa consultation du 5 avril der
nier , sur les differens qui existent entre l’aîné et les puînés des
enfans de M. Edouard O nslow , et pris lecture , i°. de la copie d’un
acte passé à Londres, le 2 juin
et par lequel M . Edouard
Onslow a , par le minislèrg de James Seton , son fondé de pouvoir,
vendu au colonel Delap les propriétés anglaises dont il avait fait
donation à son fils aîné , par son contrat de mariage du 18 juillet
1808 ; a0, de docuinens où sont présentés comme tenus pourconslans entre les parties, dans les débats qui ont eu lieu jusqu’à pré
sent devant le tribunal civil de C lerm o n t-F e rran d , et d’après
lesquels ce tribunal doit incessamment prononcer, trois faits importans : savoir , le premier, que M. Georges O nslow , né en
France avant le Code civil, a toujours été regardé et a toujours
agi comme Français; le second, qu’il a été élevé dans la religion
catholique, et qu’il la professe encore; le troisième, que c ’est lui
qui , en vertu d ’une procuration de son père, du 27 juin 1824 » a
touché le prix de la vente passée le 2 du même mois, en a fait
l ’emploi à Paris, tant en rentes sur l'E ta t, qu’en obligations de
particuliers , et en a constamment perçu les produits ;
E st d ’a vis , en revenant sur la question que le défaut de renseignemens suffisans l'avait forcé de laisser indécise par sa consultation
du 5 avril, qu elle ne peut être résolue qu’en faveur des enfui:s puî
nés de M . Edouard Onslow, ou, en d’autres termes, que M . Edouard
Onslow étant mort Français et domicilié en F rance, la portion mo
bilière de sa succession, qui provientdu prix de la vente faite par
l u i , en 1824 , des propriétés qu’il avait alors en Angleterre , n’e s t ,
comme fous les autres biens meubles et immeubles qu’il a laissés,
régie que parla loi française, et q u ’en conséquence, tous les avan
tages qu’il a faits à son fils aîné, doivent indistinctement subir la
réduction prescrite par l’art. g i 5 du Code civil.
Commençons par nous,fixer sur un point qui ne peut être l’ob
jet d ’aucune controverse.
�( i5 )
Mêlions de côté , pour le m o m e n t , la donation faite a M. Geor
ges Onslow par son contrat de mariage du 18 juillet 1808 , et sup
posons que M. Edouard Onslow n’ait, fait d’autres dispositions en
tre ses enfans , que son testament olographe du 24 décembre 1811 ,
et son acte de partage du 11 avril 1828.
Sans doute, M . Georges Onslow conviendra q u e , dans celte
hypothèse , les avantages dont ces dispositions 1 ont gratifié par préc ip u t, devraient être réduits de manière à laisser intacte la réserve
assurée à ses cohéritiers par l’art. 9 1 5 du Code civil ; et il ne lui
viendrait pas à la pensée de prétendre que de la masse des Liens
soumise à cette réserve on dût distraire la partie de la succession
mobilière qui provient du prix de la vente faite par le d é fu n t, le
2 juin 1824 , des propriétés qu il avait alors en Angleterre.
Q ue pourrait-il, en effet, alleguer a 1 appui d u n e pareille pré
tention ? Rien autre chose , si ce n’est que ces propriétés, si elles
existaient encore dans le patrimoine du d é fu n t, lui seraient, en
sa qualité d’aîné , dévolues en totalité ou presque totalité, d après
les lois* de leur situation ; que le prix de ces propriétés a remplacé
ces propriétés elles-mêmes dans les mains de M . Edouard Onslow,
qu’il leur a été subrogé, et q u e , par conséquent, il doit, en vertu
de la maxime , subrogatum sapit naturam sithrogati, suivre dans
la succession de*celui-ci le sort qu’auraient eu ces propriétés , si
elles n’avaient pas été aliénées.
Mais ce système serait évidemment insoutenable. T out le monde
sait que , s’il n’y a rien de plus trivial que la maxime subrogatum
sapit naturam subrogati, il n’y a aussi rien de plus rare que les
cas où elle est susceptible d ’une juste application. Q u ’est-ce que
la subrogation d’une chose à une autre? llic n qu’une pure fiction
de droit. E t à qui appartient-il d’établir des fictions de droit? A la
loi ; la loi seule en a le pouvoir. O r , où est la loi qui subroge de
plein droit le prix d’une chose vendue à celle chose même ? Nonseulement il n’en existe aucune trace dans le Code civil , mais le
�principe contraire était consacré, dans l’ancienne jurisprudence,
par des lois expresses et par une foule d’arrêts. La loi 4 8 , § der
nier, D. de fu rtis , disait expressément que l’argent provenant de
la vente d’une chose volée, ne pouvait pas être regardé comme
furtif. L eprêtre, dans son Recueil d'arrêts de la cinquième cham
bre des enquêtes du parlement de Paris; Lebrun , Traité des suc
cessions, livre 2 , chap. j " , section 1 , n° G5 ; Rardct, tome 2 ,
livre G, chap. 3 i j et Dénizart, au mot P ro p re, citent des arrêts
de î S g a , 1 6 1 1 , 1G37 , 1668 et 175 8 , qui ont jugé que le prix
d’immeubles vendus appartenait, dans la succession des vendeurs,
non aux héritiers immobiliers, mais aux héritiers des meubles , et
qui l ’ont jugé d’après le grand principe écrit dans la loi 79, D . ad
legem falcidiam , q u e , si de patrimonio quœritur, ea sola substan->
tia spectatur çuam pater , citm moreretur h abuif, principe que le
Code civil lui-même consacre expressément par son art. 923, en
disant que la réduction des dispositions à titre gratuit qui blessent
la réserve , se déterminent en form ant une masse de tous les b i e n s
EXISTANT
AU
D É C È S D U D O N A T E U R OU T E S T A T E U R .
*
Aussi n est-ce pas sur la maxime subrogatum sapit naturam subrogati, que M . Georges Onslow fonde sa prétention, de faire régir
par les lois anglaises la partie de la succession du défunt, qui pro
vient du prix de la vente faite par celui-ci, en x82/^, des proprié
tés qu’il avait alors en Angleterre ; il la fonde sur la donation que
lç défunt lui avait faite de ces mêmes propriétés, par son contrat
de mariage du 18 juillet 1808, jusqu’à concurrence d’un revenu
annuel de 30,000 fr. , et sur la vente qu’il en a faite en totalité,
lç 2 juin 1824. Mon père, dit-il, pouvait sans contredit vendre la
partie de ces biens, dont le revenu annuel s’élevait au-dessus de
20,000 fr. ; mais la partie dont le revenu n’excédait pas ce taux ,
n’était plus à sa disposition. Q u ’a-t-il donc fait en vendant mémo
cette partie? II a vendu mon propre bien, c ’est-à-dire, la chose
d’autrui: et . m r conséquent, il a contracté envers m oi, pour lq
�m
( x7 )
cas o ù , comme il le prévoyait Lien , je ne voudrais pas flétrir sa
mémoire par une accusation de sleîlionat, l ’obligation de me ren
dre la portion du prix total de sa vente , qui correspondait à ma
part dans les propriétés qu’il vendait. Cette obligation forme donc
une dette de sa succession, et dès lors, nul prétexte pour m’en con
tester le prélèvement. Q u ’importe, en effet, que cette dette ait sa
source dans une donation primitive ? Une chose me suffit : c ’est
que celte donation n’était et ne pouvait ê tre, au moment où elle
a été faite, régie que p a r le * lois anglaises , auxquelles seules appart.i'.na't, le pouvoir de régler la disponibilité des immeubles situés
dans leur territoire. C e n’est donc pas d’après le Code civil , mais
uniquement d’après les lois anglaises, qu’il doit être jugé si cette
donation est sujette à quelque retranchement pour la légitime des
enfans puînés , comme , dans notre ancienne jurisprudence, c ’é ta it,
au moins suivant l’opinion la plus généralement reçue , d’après la
coutume du lieu où étaient situés les immeubles donnés par préciput à l’un des enfans , et non d’après celle du lieu où le donateur
était domicilié lors de son d écès, que l’on jugeait si la donation
était sujette à rapport ou non.
i
Ce raisonnement, il faut en convenir, est très-spécieux , et on
ne le réfuterait pas en disant, comme on l’a déjà fait dans l’intérêt
des puînés Onslow, que la donation faite au fils aind, par son con
trat de mariage , ne portail que sur un capital mobilier de 30,000 f.
de rente , à prendre sur les propriétés anglaises du donateur; car
il portait évidemment sur le corps même de ces propriétés, et elle
lui en transférait actuellement la plus forte partie , sous la seule
réserve de l’usufruit, en même temps qu’elle lui en assurait le
restant, en cas que le donateur n’en disposât pas autrement. Mais
il est un moyen plus simple et plus logique de le réfuter : c est d en
analyser les bases, et de prouver qu’elles sont fausses.
Il repose tout entier sur deux suppositions : l’une, que la dona
tion contractuelle du 18 juillet 1808 était de nature à ne rcncon-
�( ‘8 )
trcr dans son exécution aucune espèce de difficulté; l’autre, qu’elle
subsistait encore à l’époque du contrat de vente du 2 juin 182^ '•
mais qu’y a-t-il de vrai dans ces deux suppositions?
Il ne fa u t, pour renverser la première , que répondre à ces deux
questions : M . Edouard Onslow était-il, en 180S , capable de don
ner des immeubles situés en Angleterre ? M . Georges Onslow
étail-il capable de les recevoir ?
C ’est une des maximes les plus constantes de la jurisprudence
anglaise, qu’aucune propriété immobilière ne peut reposer sur la
tète d’un étranger : elle est attestée par Blacktone ; et ce qui prouve
qu’elle était encore dans toute sa vigueur en 1808, c ’est q u e ,
dans une affaire célèbre qui a été jugée à la Cour de cassation, le
11 août 1822, on produisait des lettres de dénization obtenues du
roi Georges III en 180G , et des lettres de naturalisation obtenues
du parlement d'Angleterre en î S i g , par un Français et un Italien
q u ’elles relevaient, le premierde l’incapacitéd’acçuéri'r, posséder,
aliéner, donner et recevoirpar donation des immeubles situés dans
la Grande-Bretagne; le second de la même incapacité, e t , de
plus , de celle d’hériter, c ’est-à-dire, de succéder ab intestat (1).
O r , 1°. il est maintenant bien démontré que M . Edouard Ons
low n’était plus Anglais en 1808, et que la loi du 28 avril-2 mai
1790 l’avait naturalise de plein droit en France; il ne pouvait
donc plus, en 1808, posséder légalement d ’immeubles en A n g le
terre ; il n’c'tait donc , à l’égard des immeubles dont il y jouissait
de fait , qu’un simple détenteur , exposé à être d’un moment à autre
évince , soit par le fisc anglais , q u i , en apprenant q u ’il avait ac
ce p té, sans l’autorisation du roi de la Grande-Bretagne, la natu
ralisation à lui offerte par une loi française, pouvait le faire décla
rer coupable de félonie , avec confiscation de tous ses b ien s, soit
(1 ) Répertoire de jurisprudence , au m o t D enitulion.
�(
*9 )
par les héritiers du parent collatéral qui lui avait légué , depuis son
établissement en France, les terres de Lillingston et de Charlslon;
et assurément il ne pouvait pas être capable de donner les pro
priétés qu'il était incapable de posséder.
a0. Q u ’était M. Georges Onslovv en 1S08 ? Sans doute , il n’était
pas devenu Français par l'effet de la naturalisation qu i, plusieurs
années après sa naissance, avait été conférée à son père; mais il
l ’était devenu par sa naissance même sur le sol fi ançais ; car c ’est
par dérogation à l'ancienne jurisprudence que l ’art, g du Code
civil veut que les individus nés en France de pères étrangers , 'né
deviennent Français que sous la condition qu’ils en accepteront la
qualité dans l’année de leur majorité, en déclarant qu’ils enten
dent fixer pour toujours leur domicile en F ra n c e ; l’ancienne ju
risprudence , c ’est-à-dire, celle sous l’empire de laquelle est né
M . Georges Onslow , les reconnaissait purement, simplement cl
sans condition pour Français, par cela seul qu’ils résidaient en
France; cela était même écrit en toutes lettres dans l’art. 1 " du
titre 2 de la Constitution du 5 septembre 1791 ’. S o n t citoyens
français (portait-il) ceux qui , nés en France..... d'un père étran
ger , ont f i x é leur residence dans le royaume. L ’art. 8 de la Cons
titution du 5 fructidor an 8 , et l’art. 1 de celle du 22 frimaire an 8 ,
accordaient également la qualité de citoyen fi ançais à tout homme
né et résidant en F ra n ce, q u i , à l'âge de vingt-un ans, et quelle
que fut la nationalité de son père, se faisait inscrire sur le registre
civique de son canton ; et c était de là que partait M. Boulay (cle
la M eu rllie) , à la séance du conseil d’état, du G thermidor an 9 ,
pour dire qu on peut d ’autant moins refuser les droits civils au
f i l s de tétranger , lorsqu'il naît en F ra n ce, que la Constitution
lui accorde les droits politiques (1).
(1 ) P rocès verbal de la discussion du C o d e civil au conseil-d’é l a l , tome i ‘ r ,
page 17,
�( 20 )
Aussi M . Georges Onslow avait-il, avant de se marier, en 1808 ,
satisfait à la loi de la conscription, quoique bien certainement elle
'n ’eût pas pu l’atteindre , s i , par le seul effet de sa naissance sur le
sol français avant le Code civil, il n’eût pas été Français de plein
droit; c a r, disait Napoléon à la séance du conseil-d’état que l’on
vient de rappeler, « si les individus ne's en France d’un père étran» ger n’étaient pas considérés comme étant de plein droit Fran» çais , alors on ne pourrait sgumettre à la conscription et aux au» tres charges publiques les fils de ces étrangers qui se sont éta« blis en grand nombre en France, où ils sont venus comme pri» sonniers, ou par suite des événemens de la guerre (1). »
Aussi M. Georges Onslow a-t-il tellement continué, après son
mariage, d’êlre considéré en France comme né Français, qu’il a
été nommé par Louis X V I I I , en 18 16 , consciller.municipal de la
ville de Clermont-Ferrand; qu’il en a accepté les fonctions et qu’il
V a été installé , ce qui u’a pu avoir lieu sans qu’il prêtât le ser
inent de fidélité au roi et à la Charte constitutionnelle. Il était donc,
en 1808 , incapable d ’acquérir et de posséder les propriétés an
glaises qui lui ont été données à cette époque. L a donation qui lui
a été faite à celte époque par son père , n’a donc pas pu le saisir
de la propriété des immeubles qui y étaient compris ; elle n ’aurait
donc pas pu en dessaisir son père, si celui-ci en eût été saisi léga
lement , puisqu’il ne peut pas y avoir dessaisissement de la part de
celui qui donne, là où il n ’y a pas saisissement au profit de celui
qui reçoit : Non videntur data quee eo tempore quo dantur accipientis non j i u n t , dit la loi 167 , D. dû regulis juris.
M. Georges Onslow oppose à cela un passage de Blacklone, du
quel il resulte que la jurisprudence anglaise reconnaît pour A n
glais les individus nés d’Anglais en pays étranger.
(1) lL itl., p»»e 18.
1
�/ft/
( ?l )
M ais, d’une p art, en quoi la jurisprudence anglaise diflerct-elle à cet égard de notre législation ? E n rien , puisque 1 art. 10
du Code civil déclare que tout enfant né d'un Français en pays
étranger, est Français ; et comme on ne peut pas raisonnablement
donner à la jurisprudence anglaise sur ce point une extension qu il
serait absurde de donner à notre législation sur la même matière ,
il est clair que ce serait iusulter la jurisprudence anglaise sur ce
point, que de supposer qu’elle aille jusqu’à reconnaître pour A n
glais les individus q u i , nés d’un Anglais naturalisé dans un pays
étranger sans l’autorisation de leur souverain, ont eux-mêmes*,
dans ce pays, exercé les droits et rempli les devoirs attachés à la
qualité de citoyens ou sujets de ce pays m êm e; et telle est bien
certainement en France la condition de M. Georges Onslow.
D ’un autre côté, s’il était possible que la jurisprudence anglaise
allât aussi lo in , ce ne serait du moins qu’en faveur des individus
qui auraient manifesté , par des déclarations faites devant les ma
gistrats compétens et franchement exécutées, l ’intention de rentrer
dans la patrie de leurs pères. O r , M . Georges Onslow n ’avait cer
tainement pas fait de déclaration semblable avant le 18 juillet 1808.
Il n’était donc encore à celte époque qu’un étranger pour l'A n gle
terre, e t, par conséquent, il était encore à cette époque incapable
d’acquérir en Angleterre aucune espèce d’immeubles.
E t remarquons bien que la capacité et l ’incapacité de donner et
recevoir, dépendent uniquement de l’état où se trouvent le dona
teur et le donataire à l’instant de la donation (1 ); et qu’ainsi, il
^i) Ricard , Traité des donations , part. 1 , n° 791 , demande à (fuel temps il
Jaut avoir égard pour établir les incapacités de donuer et de recevoir ; et Voici sa
réponse : « P o u r ce qui concerne la donation en tre-vifs , celte question est fa» cîlc 4 résoudre , parce que le donateur étant obligé de se dessaisir dans le
» même temps qu’ il donne , et la tradition étant de Tessétice de la donation ,
*> elle est exécutée sitôt qu’elle est accomplie en sa forme ; si bien que n’ ayaui
�Vi (V
(
22
)
ne servirait de rien à M . Georges Onslow de prouver (c e qu’il est
d'ailleurs hors d’état de fa ire ) qu'il aurait, n'importe par quel
m o y e n , acquis la qualité d’Anglais depuis l ’année i8ü8.
Remarquons encore qu’il ne peut être douteux que l ’incapacité
des étrangers d’acquérir des immeubles par donations, n ’ait, dans
la Grande-Bretagne , le même caractère qu’elle avait incontesta
blement en France avant que la loi du 14 juillet 1819 l’eût abolie ,
c ’est-à-dire, qu’elle ne soit absolue, et q u e , par conséquent, elle
11e puisse être opposée par tous ceux qui y ont intérêt.
* Mais il y a plus encore; M . Georges Onslow, quoique fils de
protestant, professait publiquement, en 1808, la religion catho
lique qu’il professe encore aujourd’hui ; tt c ’en est assez pour nous
autoriser à dire q u e , s’il eût été Anglais.en 1808, et capable,
comme te l, d’accepter la donation dont il s’agit, il s’en serait
trouvé déchu bien long-temps avant la vente faite par son père en
i 8 2 4 j faute d’avoir prêté au roi d’Angleterre, dans les six mois
de son contrat de mariage, le serment d’allégeance prescrit par le
statut de la 18« année du règne de Georges III, lequel ne relevait
les Anglais professant la religion catholique, de l'incapacité dont
» qu’ un temps à c onsid érer, il n’ y a point de doute qu’ il est nécessaire que le
» donateur soit alors capable de d o n n e r , et le donataire capable de recevoir. »
11 y a môme un arrêt de la C o u r de cassation, du 8 ventôse an i 3 , qui c on
firme positivem ent cette doctrine. L e sieur L afaye attaquait un a r r it de la C o u r
d'appel de B o r d e a u x , qui avait annulé une donation en tre-vifs, sur le fonde
m en t qu'à l’ ép oque où l ’acte avait été p a ssé , le donataire était incapable de
r e c e v o i r , quoique son incapacité eût cessé depuis; et son r e c o u rs a été rejeté
au rapport de M . V a l l é e , «attendu qu’ en jugeant qu’ un individu qui reçoit à
titre de donation e n tr e - v if s , pour ôtre capable de recevoir à ce t i t r e , doit a v o ir ,
la capacité au m om en t de la d on atio n , et qu'il ne peut l’ acquérir par la s u i t e ,
la C o u r d’appel de Bordeaux s’ est conform ée aux principes de la matière et aux
dispositions du statut local. » ( Journal des audiences de la Cour de cassation ,
»n i 3 , s u p p lém en t, page ga. )
�( a3 )
les avaient frappés les lois précédentes, de posséder des immeubles,
que sous la condition de prêter ce sermeut dans les six mois qui
suivraient l’ouverture de leurs droits. Inutilement, en effet, vientil dire que , d’après la réserve que son père s’était faite de 1 usu
fruit des biens compris dans la donation, avec faculté d’en aliéner
une partie indéterminée , ses droits n ’ont pu s’ouvrir que’ par la
mort de son père , et q u e , par conséquent, tant qu’a vécu son père,
le délai de six mois n’a pas pu courir contre lui. Q ui est-ce qui ne
sait pas que le donataire d’une nue propriété, même indéterminée »
en est saisi h l’instant même où la donation lui en est faite ; qu’il
■peut la vendre dès cet instant, et qu’en la vendant il transmet à
son acquéreur le droit d’intenter contre le donateur une action en
partage à l’effet de déterminer et circonscrire l ’objet de la donation ?
et peut-on, d'après cela, ne pas reconnaître qu’interpréter le statut
de Georges I I I , comme le fait M . Georges O n slo w , c ’est lui prê
ter un sens absurde , puisqu’il en serait résulté qu'un Anglais ca
tholique à qui il serait échu une succession de laquelle le défunt
eût légué l’usufruit à un Anglais protestant, aurait pu , deux ou
trois années après son ouverture , la vendre et la faire passer à l’ac
quéreur sans avoir prêté le serment prescrit par ce statut !
L a première des deux suppositions qui forment la base du grand
argument de M . Georges O n slo w , est donc inadmissible sous tous
les rapports.
i
. .
Quant à la seconde, il ne faut, pour la détruire, que rappro
cher des faits constans et prouvés par écrit, de l’ensemble desquels
il resuite invinciblemènt que , lorsqu’à eu lieu la vente du 3 juin
1824, M . Edouard Onslow et son fils aîné s’accordaient à consi
dérer la donation contractuelle du 18 juillet 1808, soit comme
nulle dès son principe soit comme annulée après coup par l’inaccomplissement de la condition qu’y avait apposée le statut de Geor
ges 111 ; qu’ils la tenaient tous deux pour non-avenue ; qu’en un
un m ot, ils l’avaient résiliée.
�( 24 )
. • En effet, on conçoit très-bien sans cela que M. Edouard Onslow
et son fils aîné se s'oient déterminés, en 1824, l’un à vendre la
p a r t i e des biens donnés pat'lui en’ 1808, dont il s’était réservé la
libre disposition ; l ’autre à vendre en môme temps la partie de ces
b ie n s , dont le revénu annuel n’excédait pas 20,000 fr. : ils devaient
naturellement y être portés tous deux par deux motifs très-graves.
D ’abord , il était à craindre que la naturalisation du père en France
dès le mois de mai 1790, qui n’était déjà que trop manifestée par
son inscription, tant sùr la liste des-électeurs du département du
Puy-de-Dôm e, de l’an 5 , que sur celle des plus forts contribua
bles que le sénatus-con$ulte du 16 thermîdpr an io appelait à for
mer le collège électoral du même département, ne vînt à s’ébruiter
en Angleterre, et qu’elle n’amenât, soit ¡delà p a r t i e s pareuscol
latéraux qu'il y avait, soit de la part des agens du fisc anglais, les
déclamations.dontnous parlions! tout à l’heure. E n su ite, ce q u i ,
en mettant à part ce sujet de crainte, n ’était pas moins à redou
t e r , c ’était qu’après sa mort, nonrseulement ses enfans puînés.,
mais même les parens collatéraux qu-’il avait en Angleterre n’éle
vassent sur la donation stipulée par le contrat de mariage du 18
juillet 1808, des difficultés qui eussent soulevé à la fois , cl la ques
tion de savoir si M , Georges Onslow avait été capable, quoique
Français, de recevoir celte donation, et la question de savoir si ,
même en l ’en supposant çapable , il n’en avait pas élé.déchu par le
défaut de prestation ,’ efl temps( u t i le , du serment prescrit par le
statut cité de Georges 111.
;
Mais ce q u ’il est impossible d’expliquer sani présupposer la ré
siliation préalablement consentie entre lé père et le iils aîné, de
la donation contractuelle de 1808,
C ’e?t que le père ait figuré seul dans la vente du 2 juin 1824 j
C'est que M . Edouard O n slo w , hoimne d’hoilnèur et de probité,
ait pris sur lui de s’exposer, non-seulement aux pcihes , mais même
au reproche, au simple soupçon d’un.stellionat, en vendant, s an*
�¡2,0)
( «5 )
le concours de son fils a in e, des biens dont il a v a it, en majeure
partie , transféré depuis seize ans la nue propriété à celui-ci ;
C ’est q u ’il se soit oublié ju squ’à laisser ignorer au colonel Delnp ,
son a cq u é r e u r , l ’obstacle que la donation contractuelle de 1808
opposait à ce q u ’il lui fît une pareille v e n te ;
C ’est que le colonel D c l a p , s’il était informé de cet obstacle ,
comme on doit nécessairement supposer qu’il l’a été en effet, n’ait
pas pris, avant de conclure un marché aussi important et d ’en
payer un prix aussi considérable, la précaution de se faire remet
tre un double de l’acte secret, qui seul-pouvait lui ôter toute in
quiétude ;
, :
C est que M . Georges Onslovv, au lieu de ratifier expressément
cette vente en sa prétendue double qualité de copropriétaire ac
tuel des biens qui y étaient compris ,■et de propriétaire éventuel
de la partie de ces mêmes biens à 1 égard de laquelle le père n’au
rait pas exercé, à sa m ort, la faculté .qu’il s’était réservée d’en dis
poser, ne l ’a ratifiée que tacitement, c ’est-à-dire, par un acte q u i ,
tout aussi efficace qu’il était, de lui à l’acquéreur, qu’une ratifica
tion expresse, n’en avait cependant pas la forme extérieure, et ne
pouvait, par conséquent, pas éveiller l’attention des tiers intéressés
à sonder les vices de son propre titre.
Force est donc pour tout homme qui n’est pas assez insensé
pour nier qu’il fait jour en plein m id i, de convenir franchement
que la nullité manifeste de la donation contractuelle de 1808 avait
été reconnue par un acte quelconque fait entre M . Edouard Onslow et son fils aîné , lorsqu’à eu li<îu la vente du 2 juin 1824.
E t de là il suit nécessairement qu’en vendant, le 2 juin i8a/i ,
les biens qu’il avait donnés à son fils aîné en 1808, M . Edouard
Onslow n a pas vendu la chose d’autrui ; qu’il n’a fa it, en les ven
dant, comme ressaisi d e là propriété nominale qu’il en avait pré
cédemment transférée à son fils aîn é, qu’exercer le droit qui ap
partient à tout propriétaire de convertir scs immeubles ea argent
■4
�( 26 )
comptant, et d’en soumettre le prix à la loi de son domicile; qu’ainsi
tombe et s’évanouit l’argument qui forme la dernière ressource de
M . Georges Onslow.
Viendra-t-on dire maintenant q u e , s’il est'possible que la do
nation contractuelle de 1808 ait été'résiliée entre le père et le
fils, avant la vente du 2 juin 1824» il est du moins à présumer
qu’elle ne l’a été que sous la condition que le père resterait débi
teur envers le fils d.^ la portion du prix qui lui serait revenue per
sonnellement de la vente , s’il y eût concouru lui-même !
O u i , cela pourrait se présumer , si la donation de 1808 eût
formé pour le donataire un titre bien solide , et à la résiliation du
quel il ne se fût prêté que par complaisance pour son père.
Mais , on vient de le voir, elle était infectée de vices q u ’il suf
fisait de^révéler pour la faire retomber dans'le n é a n t, et contre la
révélation desquels on n’avajt ni ne pouvait avoir aucun moyen de
se prémunir. C e n’est donc pas pour le seul avantage du père qu’elle
a été résiliée ; elle l’a été dans l’intérêt de toute sa famille, e t , par
conséquent, dans celui de son fils aîné , comme de ses enfans puî
nés; e t , ce qui est à remarquer, elle l’a été avec un mystère qui
décèle ouvertement la crainte des dangers que l’on aurait courus
en la divulguant en Angleterre.
-
Quelle raison y aurait-il, dès lors, de présumer que la résilia
tion n’en a eu lieu que sous la condition dont on vient de parler î
Mais , d'ailleurs , qu’importe que cette condition ait ou n ’ait pas
été stipulée entre le père cl le fils aîné, dans l’acte de résiliation,
q u ’il est impossible de nier avoir été fait entre eux avant la vente du
2 juin 1824?
Si elle ne l’a pas é t é , point de prétexte pour l’y sous-entendre
ou l ’y suppléer par une présomption qui sans d o u te , d’après la
maxime nemo presumitur jactare suum , aurait été naturelle, si la
donation eût été valable à tous égards, cl que le donataire n'eût
�( *7 )
consenti que par complaisance pour le donateur à la résilier , mais
qui se trouvait évidemment sans cause dans le cas dont il s agit.
Si elle l’a été , elle ne peut être d’aucun effet par rapport a la
question qui nous occupe i c i , et elle doit être, à cet é g a rd , con
sidérée comme non écrite. Pourquoi ! Parce que , du moment que
M . Edouard Onslow ressaisi, par la résiliation de la donation de
1808 , des propriétés anglaises dont il s’était dessaisi nominalement
en faveur de son fils aîné , prenait le sage parti de les vendre pour
les mettre à l’abri des dangers qu’elles auraient courus d’cchapper
à sa famille, si elles étaient restées plus long-temps dans ses mains,
il ne dépendait pas de lui d’en soustraire le prix à la loi française
qui régissait son domicile, parce qu’il ne pouvait pas empêcher
que ce prix , en passant sous l'empire de la loi française, ne devînt
sujet à la réserve établie par l’art. 910 du Code c iv il; parce qu’il
ne pouvait pas l’en affranchir en reconnaissant qu’il en était débi
teur envers son fils aîné ; parce que son fils aîné n’en était pas plus
réellement créancier, qu’il n’avait été réellement propriétaire des
biens à lui donnés en 1808, par la vente desquels il s’en était pro
curé le montant.
Q u ’importe
olographe de
ait renouvelé
put à son fils
encore, d’après tout cela , q u e , par son testament
1811 et son partage de 1828, M . Edouard Onslow
et confirmé les avantages qu’il avait faits par préciaîné parla donation de 1808 , et q u e , par ces deux
actes , il ait plus ou moins implicitement reconnu avoir contracté
envers l u i , en vendant ses propriétés anglaises , l’ obligation de lui
conserver ces mêmes avantages sur le prix qu’il en tirait! Il résulte
bien de la qu il a réparé, sinon par son partage de 1828, évidem
ment défectueux dans la forme , du moins par son testament de
1811 , les nullités dont la donation de 1808 était entachée dès son
origine, et qui en avaient nécessité la résiliation; mais il n’en ré
sulte certainement pas qu’il ait légalement affranchi du retranche
ment commandé par l'art. 9 1 5 du Code civil, un préciput qui ne
peut plus être pris que sur les biens existant en France.
�( a*)
■En voilïi beaucoup plué qu’il n’en faut pour démontrer que,
par la vente que M . Edouard Onslow a faite, en 1824, de se»
propriétés anglaises, M . Georges Onslow n’est pas devenu, en
vertu de la donation de 1808, créancier du prix de cette vente
jusqu’à concurrence du préciput que lui avait assigné la donationm êm e; qu’il ne peut réclamer ce préciput que comme légataire,,
et que, par conséquent, ses frères'puînés ont le droit d’en déduirela somme nécessaire pour compléter la réserve qui leur est as*surée par la loi française.
Mais ce n’est pas tout, et nous devons dire que , quelque décisif
que soit, pour M M . Onslow puînés, le résultat de la discussion
à laquelle nous venons de nous liv re r, il ne forme cependant
pour eux qu’un moyen subsidiaire, et que nous aurions pu nous
épargner cette discussion
en nous renfermant dans la loi dit *
i 4 juillet 1819., qui, après avoir dit, art. 1er, que les étrangers
auront, à l’avenir, le droit de succéder , de disposer et de rece
voir de la même manière que les Français dans toute l’étendue
du royaume, ajoute, art. 2 tl « dans le cas de partage d ’une même
» succession entre des cohéritiers étrangers et fra n ça is, ceux-ci
» prélèveront, sur les biens situés en France, une portion égale
» à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient
» exclus, à quelque titre que ce s o it, en vertu des lois et co u» tûmes locales. »
En effet,, admettons- que la donation de 1808 a é té , dès son
principe, valable et obligatoire pour IVI. Edouard Onslow;
Admettons qu’elle n’a pas éprouvé une résiliation proprement
dite avant la vente du a juin i8 a 4 , et qu’il n’y a e u , de la part de
51. Georges Onslow,, consentement à ce que fussent compris dans
cette vente des biens de la nue propriété desqnels il était réel
lement et irrévocablement saisi , qu’en sc réservant sur le prix
tpus les droits qu’il avait sur fa chose même;
* , Admettons, en conséquence, que p a r la M . Edouard Onslow,
�(
39 )
est devenu, envers son fds aîné, débiteur du prix des biens qu il
lui avait précédemment transférés en nature ;
Admettons, par suite, que c'est comme créancier, en vertu de
la donation de 1808, que M . Georges Onslow a droit au prix de
ces biens;
A quoi toutes ces concessions aboutiraient-elles,, d ’après la loi
que nous venons de citer! Précisément à justifier de plus en plus
les conclusions de M M . Onslow puînés, et il ne faut pas de grands
efforts d’esprit pour s’en convaincre.
D ’une part, en effet', la donation de 1808 n’aurait pu être va
lable et obligatoire pour M . Edouard O nslow , et elle ne pourrait
par conséquent aujourd’hui former le titre primordial d’une créance
sur sa succession au profit de son fils aîn é, q u ’autant que son fils
aîné eût été Anglais en 1808 même. O r , si M . Georges Onslow
était Anglais en 1808j.il l’était nécessairement encore à la mort de
son père; et il était, dès lors, bien impossible qu’à la mort de son
père il se prévalût en France de sa qualité orfginelle de Français;
cac> s’il était vrai* comme il.lui plaît de le soutenir, que la lé
gislation anglaise admît la compatibilité de la qualité d’Anglais
avt c celle d’étranger, il est du moins certain que ces deux qua
lités son incompatibles dans la législation française, et que c ’est
sur leur incompatibilité qu’est fondé l’article 17 du Code civil.
D un autre côté, quel est en France l'état de ses trois cohéri
tiers! 11 en est un, et c ’est le plus jeune, à qui l’on ne peut évi
demment pas contester la qualité de Français, puisqu’il est né
après la publication de la loi du 28 avril, 2 mai 1790, et par con
séquent après la naturalisation de leur père commun. Quant aux
deux autres, ncs en France, comme leur frère aîné, à une époque
où, pour être Français de plein droit,, il suffisait d’y avoir reçu le
jour et d’y résider, ils n’en ont jamais quitté le territoire, et ja
mais ils n’ont laissé entrevoir la m o i n d r e disposition â le quitter;,
ils sont donc Français au même titre que leur frère ainé recon.-
�( 3o )
naissait l'être lui-même, lorsqu’il satisfaisait à la loi de la conscrip
tion, et qu’il acceptait à Clermonf-Ferrand les fonctions de con
seiller municipal. E t sans parler spécialement de M . François-Maurice Onslow, dont tous lesanlécédens ne nous sont pas bien connus,
qui est-ce qui oserait contester la qualité de Français à M . Arthur
Onslow, que l’acte de partage de 1828 qualifie expressément d of
fic ie r retraité, et chevalier de l'ordre de la légion d'honneur ?
'>
C ’est donc ici, à prendre M . Georges Onslow au mot, ce que
l ’art. 2 de la loi du 14 juillet .1819 appelle le cas de partage d’une
même succession entre des cohéritiers étràngers et français ; et
dès là il est clair q u e , si les propriétés, anglaises données en 1808
à M . Georges O nslow , existaient encore en nature, ses frères
puînés auraient, suivant le même article, le droit de prélever, sur
les biens situés en F ra n c e , une portion égale à la valeur de la
partie des propriétés anglaises dont les lois d’Angleterre affran
chiraient leur réserve.
Sans doute, ce dfbit est devenu sans objet par l’aliénation qui,
en 1824, et du consentement de M . Georges Onslow, a été faite
des propriétés anglaises; et la raison en est simple: c ’est que ces
propriétés ont été mobilisées, converties en sommes d’argent, pla
cées ainsi sous l’empire de la loi française, et par conséquent
soumises à la réserve des enfans puînés. M ais, puisqu’il plaît à
M . Georges Onslow de réclamer, sur la succession du père com
mun, telle qu elle était composée à son ouverture, la prétendue'
créance résultant pour lui de la donation de 1808; puisqu’il pré
tend, par là, se faire remettre au même état que si les propriétés
anglaises n’avaient pas été aliénées, il faut bien qu’en revanche,
çt par une exception qui sort naturellement de sa demande, ses
frères puînés soient admis à réclamer, sur celte même succession, le
droit de prélèvement qui ne pourrait indubilablertient pas leur être
contesté, si les propriétés anglaises y existaient en nature; il faut
bien, par conséquent, qu’ils soient fondés à dire à Jeur frère aîné :
�[
t
(Si)
« A la vérité, si les propriétés anglaises existaient encore en na» ture, si le prix n'en était pas venu grossir le patrimoine niobi» lier de notre père, nous ne trouverions vraisemblablement pas
s» dans les biens situés en F rance, de quoi compléter le préleve» ment auquel nous avons droit; mais il ne nous en serait pas
» moins dû par vous en entier; nous aurions donc action ^contre
:» vous pour en obtenir le complément ; et cette action nous pour3» rions l’exercer sur tous vos biens présens et à venir. Q u ’importe
»
»
»
»
»
»
»
q u e , pour le moment, elle ne pût pas atteindre vos biens d Angleterre? Vous ou vos héritiers pourriez, un jour ou l’autre , les
transporter en F ra n c e, et alors rien ne pourrait les soustraire
à l ’exercice de nos droits. E h bien! ce q u e , dans cette i y p o thèse, vous ou vos héritiers pourriez faire un jour, a été fait
d’avance par notre père commun et de votre consentement. L es
rentes sur l’état et les obligations de particuliers qui remplacent
» aujourd’hui en France les biens que notre père commun vous
j»
*
»
*
»
»
»
»
avait donnés en 1808, au préjudice de notre réserve, sont donc
soumis de plein droit à l ’action que nous avons contre vous. E t
inutilement venez-vous dire que vous en êtes affranchi par la
condition sous laquelle vous avez consenti à la vente de 1824, et
au remploi en France du prix qui en est provenu; c ’est comme
si, pour repousser l’action qu’un créancier français exercerait
en France sur les propriétés qu’y possède un Anglais, celui-ci
venait dire qu’il n’a acheté ces propriétés que sous la condition
» quelles seraient insaisissables de la part de ses créanciers. »
A in si, en derrière analyse, de deux choses l’une : ou M . Georges
Onslow était Français, ou il était Anglais en 1808.
S ’il était Français, la donation de 1808 était c e r t a in e m e n t nulle
à raison de son incapacité de la recevoir, quand même elle n ’eût
pas eu d’autre vice ; et il ne peut en résulter pour lui aucune ac
tion sur le prix des biens qui y étaient compris.
e '
f
^
�( 33 )
S'il était Anglais en 1808, il l'ctait nécessairement encore à la
mort du père commun des parties. E t dès lors, quand même il eût
été, comme te l, capable de la recevoir, quand même il parvien
drait à la purger des autres vices dont elle se trouvait entachée
lors de la vente de 1824» la loi du 14 juillet 1819 serait encore
là pour assujettir le prix de cette vente à la réserve de ses frères
puînés.
D élibéré à Paris, le 6 novembre 1832.
M E R L IN .
C
lermont
, I m pr im e r ie
de
T Hi b a u d - L
a n d r io t.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Onslow. 1832?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garnier
De Vissac
Allemand
Conchon
Merlin
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
droit des catholiques en Angleterre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour MM. Onslow puînés, contre M. Georges Onslow.
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1832
1783-1832
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2702
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2701
BCU_Factums_G2703
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2705
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
BCU_Factums_G2708
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53539/BCU_Factums_G2702.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Lillingstone Lovell (01280)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des catholiques en Angleterre
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53538/BCU_Factums_G2701.pdf
2e94d630de0e93c1ae48507bb77b67b6
PDF Text
Text
C o n tr e M . G e o r g e s O N S L O W ,
L E S A N CIEN S JU R IS C O N S U L T E S près la Cour royale de
Riom, soussignés, qui ont vu diff erens actes de l a famille Onslow,
s p é c i a l e m e n t le contrat de mariage de M. Edouard Onslow père avec
M lle de Bourdeille, du 16 mars 1783; celui de M. Georges Onslow,
leur fils aîné, du 18 juillet 1808; celui de Gabriel-Amable, autre
fils, du 17 octobre 1819; la copie d’un acte de partage du 11 avril
1828; celle des testament et codicille de M . Onslow père; enfin
une consultation donnée à Gabriel-Amable Onslow, le 19 jan
vier 1 85o, et copie d’une lettre adressée par M. Dunoyer à M. de
F o n t a n g e s , dans l ’intérêt de M. Georges Onslow, son gendre, sur
les questions soumises en ce moment au conseil ;
E s t i m e n t que les questions proposées doivent être résolues
comme il suit :
1°. M. Onslow père, quoique Anglais d’origine, est devenu Fran
çais, et a conservé cette qualité jusqu’à sa mort.
2°. Sa succession ayant été complètement mobilisée de son
v i v a n t , est totalement régie par les lois françaises.
3°. M Georges Onslow n ’a de droits acquis par son contrat de
mariage q u 'a un capital produisant vingt mille francs de rente,
qui lui était assuré sur les biens situés en Angleterre.
�( 2 )
•
^
4°. L e partage du 11 avril 1818 ne peut porter atteinte aux
^ ^ j ^ ^ d r o i t s réservés aux enfans par la disposition des Jpjs.
Parcourons successivement ces propositions; ilsera facile de les
^ ^ p ^ p ^ ^ ^ t r e f ^ t a b lie s sur des hases solides, et d'en tirer îles consé
quences immédiates.
■^9^
d’abord, M. Onslow père a été naturalisé et il est mort Fran
çais.
Celte proposition eslMort*idtMrèl^fl(Çtée dans la consultation du
i9janvier i 83o. Elle y est, d’ailleurs, clairement établie. On peut
la réduire h des termes très simples, en résumant ce que la loi et
les actes fournissent de plus saillant.
La loi du 2 mai 1790 est claire et précise. Elle n’exige, pour la
naturalisation de l’étranger qui réside en France, aucune déclara
tion, aucune mesure, aucun acte de sa volonté. Elle le déclare
Français de droit, par cela seul qu’il aura «cinq ans de domicile con» tinu dans le royaume, s’il a, en outre, acquis des immeubles,
» épousé une Française, O U formé un établissementde commerce,
» O U reçu dans quelque ville des lettres de bourgeoisie, nonobs» tant tous règlemens contraires, auxquels il est dérogé. » On
ne peut rien dire de plus formel. Aussi,«ans avoir besoin de nous
attacher à la constitution de 1793, ni à celle de l’an 8j moins encore à la
disposition du Code civil, qui impose de nouvelles conditions, il
nous suffit de rechercher si, au moment de la loi du 2 mai 1790,
M. Onslow père avait cinq ans de domicile en France, s’il y avait
acquis des immeubles, épousé une Française, ete. ; car s’il en
était ainsi, il est devenu Français, et a conservé cette qualité,,
qu’aucun événement ultérieur n’a pu lui enlever, si ce n’est une loi
formelle, ou sa volonté expresse et légalement exprimée. C ’est, en
effet, ce qui lésulte de la loi du 2 mai 1790, qui n’exige le serment
civique que de ceux qui veulent être admis à exercer les droits
de citoyen a ctif, comme le démontre. fort bien la discussion de
¡Vl^Merlin,sur l’affaire Mac-Mahon (Répertoire, y ° Divorce, section
�( 3 )
4 i § 10) , et l’arrêt de la Cour de cassation, dans l ’affaire du prince
d’IIénin (Denevers, 1819, p. 297).
Les faits rendent-ils le principe applicable à M . Onslow pere?
C ’est ce dont il n’est pas permis de douter. Ces faits et sa conduite
personnelle démontrent que sa volonté était conforme à celle de
la loi.
Son contrat, de mariage constate que, quoique né d’un pair
d’Angleterre, il habitait en France: résidant actuellement à Clermont en Auvergne, est-il dit au contrat.
II constate, en second lie u , q u ’il épousait une F rançaise ,
M 11* de B o u rd e ille , h a b i t a n t e d e l a v i l l e d e S t - G e r m a in - h e m b r o n ,
en A u v e rg n e .
Ce mariage supposait naturellement l ’intention de se fixer en
France. M..Onslow s’alliait à une famille noble, qui ne semblait
pas devoir présumer le contraire à l’égard d’un jeune homme
résidant à Clermont avant son mariage, et qui semblait s’y fixer
par cela seul; mais le contrat n’est pas muet sur ce point. On.
y trouve, à trois reprises, la déclaration formelle de cette intention.
EUe y prend, dès lors, le caractère d’une volonté positive, qui,
sans doute, fut la condition du mariage, et qui, d’ailleurs, a été
constamment accomplie.
.
En effet, pendant que les père et mère de M . Onslow, futur
époux, constituent à leur fils une somme de vingt mille livres
sterling, on leur impose la condition de réaliser celle de dix mille
livres sterling « en achat de terres ou autres immeubles en France, ce
» que lesdits lord Georges Onslow et milady Henriette Shelley
» s obligent solidairement de fa ir e , dans deux années , à compter
» de la célébration du mariage. »
Plus bas ils ajoutent : « Jusqu'à la réalisation e n F r a n c e , de
» ladite somme de dix mille livres sterling, en f o n d s d e t e r r e o u
* a u t r e s i m m e u b l e s , ils promettent lui payer huit cents livres
» sterling chaque année. »
�(4)
‘ Et enfin, pour prévoir un autre cas, il est encore ajouté : » Apres
» la réalisation desdites dix mille livres sterling, en terres ou
» autres immeubles en France, ledit 'intérêt de huit cents livres
» sterling demeurera réduit à trois cents livres. »
Il est donc évident qu’il y avait intention exprimée, condition
imposée et acceptée de.résider en France, ’d ’y acheter des terres
ou autres immeubles, de s’y naturaliser, en un mot, au lieu de
penser au retour en Angleterre, pour y naturaliser la jeune
épouse.
Or, celte condition a été fidèlement hccomplie* M . Onslow est
demeuré en France, et il y avait plus de cinq ans de résidence; il
y était marié avec une Française, et il paraît même qu’il y possédait
des biens (ce qui, d’ailleurs, n’était pas nécessaire), lorsque fut
promulguée la loi du 2 mai 1790.11 fut donc réputé Français , par
celte seule promulgation.
11 importe très-peu'*3e savoir s’il prêta ou non Je serment ci
vique , s’il exerça les droits de citoyen a c tif, qui pouvaient seuls
rendre ce serment nécessaire; si encore il a exercé, dans aucun
temps , des fonctions publiques , ou des droits politiques quelcon
ques. La qualité de citoyen, de Français , est indépendante de tout
cela. Beaûcoup de Français d’origine n’exercent pas de droits po
litiques ,’ ou les négligent; peu d'entre eux sont appelés à des fonc
tions publiques qui exigent toujours la nomination du Souverain
ou de ses délégués; et tous cependant sont Français, et ne cessent
pas de l’être. D ’ailleurs} et en ce qui concerne M. Onslow, il ne
paraît pas qu’il'ait exercé de fonctions publiques en Angleterre;
il ne serait donc citoyen d’aucun pays , si, pour le devenir , il fal
lait être fonctionnaire public.
11 n’importe pas davantage de rechercher si M. Onslow père fut
momentanément contraint de quitter le territoire français dans les
temps orageux de la révolùfion. Cet acte de violence fort illégale
ment exercée contre lui à une époque où la loi et la justice étaient
�( 5)
foulées aux pieds , ne pouvait lui ôter scs droits et son titre de ci
toyen. Ce n’était ni une lo i, ni un jugement rendu sur sa qualité ;
et' on ne peut attribuer aucune conséquence à un acte de cette nar
turc, d’autant que M. Onslow, après les orages, e s t revenu dans
le sein d’une famille qu’il avait laissée en France , et qui l ’y rap
pelait ; qu’il a continué d’y vivre avec son épouse et ses enfans ;
qu’il a aliéné tous ses biens d’Angleterre, bien'loin de conserver
u.n esprit de retour vers son pays natal, et qu’enfin il a attendu la
mort au sein de sa dernière patrie et de sa famille, toute française
comme lui. Reconnaissons donc qu’il était Français , au moins de
puis la loi du 2 mai 1790; Français d’intention, Français de vo
lonté , comme le prouve son contrat de mariage , Français de fait,
comme le prouvent ses acquisitions, son mariage, sa résidence
constante , et tout ce que nous venons de voir.
M . Dunoyer semble le reconnaître par la lettre communiquée,
mais il y attache peu d’importance. Cette opinion ne lui parait d’ aucune influence sur Yobjet actuellement en discussion, attendu
qu étranger ou Français, la disposition des biens n'en devra pas
moins être régie d’après les lois de leur situation. Il s’attache, en
effet, aie prouver parla seule force des statuts réels, et par la com
paraison de ce qui existait autrefois sur le territoire français, où
les* diverses coutumes établissant des règles différentes de dispo
nibilité , chacune d’elles régissait le partage des biens situés dans
son ressort, comme s'il y avait eu plusieurs successions ouvertes en
même temps, et à partager à la fois. Par cela seul, il considère
comme lout à fait indifférente la question de savoir si M . Onslow
père était Français ou étranger.
Q u o i q u ’il en puisse être de l ’application des statuts réels aux
biens situés daus tels ou tels lie u x , ce q u i n ’est pas contestable ,
généralem ent p a r la n t, nous ne saurions que difficilem ent adm ettre
les conséquences rigoureuses q u ’en tire M. D u n o y e r; et si nous
avions besoin de les discuter , il ne serait peut-être pas difficile de
^ c o n n a îtr e q u ’il les pousse beaucoup trop loin.
�_•A côté du principe lird de la réalité des statuts , par rapport aux
Liens situés sur tels ou tels territoires, se place cet autre principe ,
que toute succession est régie par la loi du domicile. O r , n’im
porte la situation de tels ou tels biens, la succession, au domicile
du défunt, a un centre commun auquel viennent aboutir toutes
ses branches , et duquel il faut partir pour fixer les droits de dis
ponibilité du père de famille.
Ainsi, pendant que, par la force du statut ré e l, un seul enfant
prendra tous les biens situés en tel lieu, parce'que la loi ne réser
verait pas de légitime aux autres, et qu’il prendra les neuf dixiè
mes dans lin autre pays, il ne pourra agir, sur les biens de France ,
que conformément aux lois françaises.
S ’il n’y prend aucune part, il est incontestable que les autres
enfans ne pourront pas obtenir la réduction de ce qu’il reçoit en
pays étranger, d’après les statuts réels , parce que les lois du pays
s’y opposent, et qu’ils ne peuvent pas agir en vertu des lois fran
çaises sur les biens situés en pays étranger.
Mais si l’enfant qui reçoit tout ou presque tout en pays étranger,
veut prendre part aux biens de France, alors surtout que la suc
cession y est ouverte, la question sera de savoir comment il le
pourra, sans faire, au moins fictivement, les rapports de d ro it,
conformément aux lois françaises.
;
Si nous avions besoin de traiter cette question , nous pourrions
entrer fort avant dans l’examen des principes, des lois positives, et
môme des anciens usages nécessités par la différence de la-quotité
disponible dans telles ou telles coutumes, ou dans diverses loca
lités, et peut-être arriverions-nous plus facilement qu’ori ne pense
à démontrer que celui qui vient partager une succession pareille ,
au lieu de son ouverture , et réclamer une part sur les biens de
France , où était le domicile du défunt, ne peut la prendre qu’à
la charge de laisser à son cohéritier ses droits légitimaires, tels
qu’ils lui s o n t réservés par les lois françaises .sur les biens situés en
France.
'
�( 7 )
Ce résultat est le seul qui puisse élrc conforme î\ la loi et aux
principes sur lesquels elle repose. 11 n’a rien de contraire a la rea
lité des statuts , puisque , dans aucun cas, le légitimaire n obtien
dra la réduction des avantages faits sur les biens d’Angleterre ,
mais que seulement il préservera les biens de France de toute main
mise de l’héritier précipué , s’il a obtenu sur les biens d’Angleterre
tout ce que les lois françaises lui accordent dans la succession , soit
en préciput, soit pour sa part héréditaire.
C ’est donc donner aux statuts réels un effet trop général et trop
absolu, que de voir autant de successions dans une seu le, qu’il y
a de lois différentes q.ui la régissent. On ne peut pas disloquer ainsi
la succession d’unindividu. Les statut# réels n’ont d’empire que sur
le territoire qu’ils régissent, et pour préserver les biens qui leur
sontsoumis de toute influence des lois étrangères. Us peuvent seu
lement empêcher qu’on y touche au delà de ce qu’ils permettent ;
mais, sortant de là pour exiger une part des biens régis par une
autre législation, il faut se soumettre ces lois et en adopter tou
tes les conditions, non-seulement pour la quotité qu’on y amende,
mais pour les rapports auxquels on est soumis.
Nous pourrions prouver cette proposition par un exemple tiré de
la loi elle-même sur le droit d’aubaine, sans avoir besoin de fouil
ler plus avant.
Après diverses variations sur cette matière, Jes articles 726 et
912 du Code civil s’en étaient référés aux règles de la réciprocité
entre états, pour déterminer le'droit des étrangers sur les succes
sions ouvertes en France. La loi du i/j. juillet'181g a révoqué ces
deux articles , et admis les étrangers à succéder , disposer et rece
voir de la niQfnei manière que les Français, dans toute Vétendve
du royaume.
. r,«
•
Or, supposant que1le défunt peut avoir laissé des biens hors de
France, et que l'étranger1 appelé à la stfcCession drun Français les
a recueillis par*la fotee des lois et coutumes locales, clle'vcut, par
�(M
son article 2 , que, les cohéritiers français prélèvent sur les biens
situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en
pays étranger, dont ils seraient exclus.
Voilà donc la condition du rapport nettement imposée au cohé
ritier étranger qui veut prendre part aux biens situés en France.
L e législateur ne touche point aux exclusions que prononcent, ou
aux prérogatives qu’accordent les lois étrangères sur les biens qu’el
les régissent; mais il soumet aux lois françaises tout ce qui a rap
port aux biens situés en France, et n’accorde de droit à l ’étranger
que sous cette condition qu’il était le maître d’écrire dans la loi,
et qui en est inséparable. On peut voir là-dessus lé rapport de
M . Boissy-d’Anglas à la Chambre'des pairs (Merlin, Répertoire,
v° Héritier, § 6, aux additions , vol. 16, p. 382 ). Il contient des
documens fort remarquables sur l ’article 2 , et les principe*s dont
il dépend.
Si cela, est vrai pour l ’ctranger, qui a , bien plus qu’un autre,
le droit d’user pour.son avantage des lois de son pays , combien la
vérjté n’est-elle pas plus saillante, lorsque c ’est un Français qui
invoque les lois étrangères, pour s’attribuer exclusivement les biens
situés en Angleterre , et qui veut, malgrécela, participer aux biens
de France, et y prendre , soit la quotité disponible , soit sa por
tion héréditaire L Est-ce que , pour cela, il n’est pas soumis aux lois
françaises ? Est-ce que , en ce cas, il peut excéder les bornes de la
disponibilité établie par les lois françaises ? Est-ce qu’il n’est pas,
par cela seul, obligé au rapport fictif de tout ce qu’il a reçu du
défunt ? Est-ce que-la succession ne se compose pas de tous les
biens du défunt, en quelque pays qu’ils soient situés ? Est-ce que
la succession ouverte en France n’est pas régie parles lois fran
çaises ! Il semble que la réponse à toutes ces questions se présente
d’elle-même , et que la conséquence en est indubitable. Il résulteraitdonc de là que si M. Georges Onslow veut se.réduirc aux biens .
d’Angleterre, il doit y prendre tout ce qui lui a été.attribué par la
�volonté du père , et par les lois du pays , mais que s il vient a
exercer ses droits sur les biens de Frandfe, il faut d abord compo
ser la succession pour en connaître la masse , et pour cela y porter
les biens de toute nature et de toute situation , pour lui attribuer
la quotité disponible et déterminer la part héréditaire de chacun.
Encore avons-nous supposé, pour arriver là , que, d’après les
lois anglaises et la volonté de son père , M . Georges Onslow aurait
pu prétendre à la propriété de tous les immeubles situés en Angle
terre. Mais nous aurions besoin de beaucoup de lumières sur ce
point. Cela serait très-possible s’il était Anglais ; mais il nous fau
drait savoir si les lois anglaises autorisent des prérogatives de cette
nature au profit d’un étranger, Français de nation , et professant
la rcligio'n catholique. Il est difficile de croire que , dans le cas
même où M. Onslow père eût été Anglais lors de son décès , de
semblables droits fussent accordés à des Français , surtout par des
lois qui sont nécessairement antérieures à l ’émancipation des ca
tholiques en Angleterre , et qui la régissent encore. O r, ce serait
à M. Georges à nous édifier sur ce point, en rapportant les preuves
que sa prétention est fondée, surtout alors que son père était França is, et que sa succession est ouverte en France ; qu’enfin
M . Georges, né en France , est demeuré Français incontestable
ment.
Mais nous avons supposé, en outre, que le père, au moment de
sa mort, avait des biens immeubles en Angleterre; or, c’est une
erreur de fait dans laquelle est enveloppée l ’opinion émise par
M . Dunoyer; ceci nous amène à la seconde proposition.
La succession de M. Onslow a été entièrement mobilisée de son
vivant, quant aux biens d’Angleterre; elle est donc entièrement
régie par les lois françaises.
Nous n avons pas besoin d’accumuler les preuves, pour éta
blir que le mobilier d’une succession est régi par la loi du domi
cile. C ’est un principe incontestable, et, d’ailleurs, fort inutile
a
�( 10 )
à Ja question, puisqu’il est certain, en fait, que les immeubles
d’Angleterre ont été rpndus en totalité, et que le prix en a été
placé en France, du vivant du père. Gela résulte de tous les actes
de famille, et spécialement du partage fait pendant la vie du père,
et par lui-même , entre ses enfans, le n avril 1828.
On voit aisément pourquoi cette vente a été consentie. Les lois
anglaises n’ont pas, comme les nôtres, aboli le droit d’aubaine.
Il y existe encore dans toute sa force, comme l ’indique M. Boissy
d’Anglas, dans son rapport ci-dessus cité. Or, en conservant cette
propriété immobilière, tous les enfans couraient le risque de se
voir exclus. M . Georges était celui qui pouvait en éprouver le plus
grand dommage. Il était donc de son intérêt de la dénaturer, et
d’en transporter le produit en France. C ’est ce qui a été fait.
Ici, on pourrait se faire la question de savoir par qui la vente en
a été faite, par qui le prix en a été reçu. On avait cru, d’abord,
que tout avait été fait par le fils aîné, avec une procuration de son
père. Ce fait demeure incertain. On croit que la vente, négociée
et vraisemblablement consentie par lui en Angleterre, a été signée
à Clermont par le père* sous l ’attestation.de deux notaires, sans
doute par forme d’approbation ou ratification de l’acte. Ces faits
deviennent à peu près indifférons, puisque la vente est constante,
et que le prix, porté à 84o,ooo fr., se retrouve entièrement dans
les mains des enfans, ou dans celles de banquiers français, ou
dans les caisses publiques de France. Toutefois, il est démontré
que tout a été négocié par M . Georges, puisque dans l’acte de par
tage, et dans son testament, le père reconnaît qu’il ne l’a fait que
par son mandataire , et que ce mandataire était M . Georges. Cela
est attesté non-seulement par l’acte de partage, mais encore par la
quittance de M. Auguste, du 7 janvier 1828, ou le fils aîné se dé
clare chargé de Vadministration des biens et affaires du père
commun.
A in si, tous les biens sppt soumis, aux règles établies pariés-
�. ( 11)
lois françaises. Cela seul nous démontre qu’il n’est point du tout
indifférent de savoir si M. Onslow père était Anglais ou Français,
ou, pour mieux dire, s’il était domicilié en France (ce qui ne peut
être contesté), puisque son domicile et sa qualité doivent avoir une
^ ssi grande influence sur sa succession mobilière.
Voudrait-on dire que le fils aine était donataire, par son contrat
de mariage, de la terre de Lillingsfonn, et qu’elle a été'vendue
pour lui? Ce serait une erreur de droit et de fait.
De droit, parce qu’une disposition pareille, faite à un Français ,
ne pouvait pas être valable, dans un pays où le droit d’aubaine
continue de subsister.
De fait, parce qu’on aperçoit très-clairement dans le contrat de
•mariage de M . Georges, q u e , tout en lui donnant la terre par
l ’expression, le père ne lui assurait, par le fa it, qu’un capital
devant produire un revenu net de 20,000 fr. argent de Fiance, et
aussi s’est-il empressé de vendre, et le fils y a-t-il concouru comme
mandataire ou négociant pour le père commun, ce qui le rendrait
désormais non recevable à critiquer l ’aliénation. Or, elle a suffi pour
mobiliser la terre, et soumettre le prix h l ’influence des lois fran
çaises, comme toutes les autres parties de la succession qui sont sur
le territoire français. La troisième proposition se trouve donc éta
blie.
La quatrième est plus facile encore. Elle consiste à dire que le
partage de 1828 n’a pas lié les enfans ni entre e u t , ni envers le
père.
Cela est évident. L e partage que faitlepère de son vivant, est
plus facile à atteindre encore que celui fait par les enfans entre eux,
après 1ouverture d’une succession. Celui-ci n’est attaquable que
pour cause de lésion de plus du quart; et le premier peut être
attaqué s il résulte du partage et des dispositions faites par préciput, que l'iui des copartageans aurait un avantage plus grand
que la loi ne permet (art. 1079 du Code civil). O r, il est évident
�( 12 )
que les dispositions du contrat de mariage et celles du partage,
soit réunies, soit isole'es, font à M . Georges un avantage qui excède
le quart; ¡1 ne peut donc lier les parties; et il le peut d’autant
moins qu’on aperçoit visiblement qu’il a été fait dans le but unique
de faire valoir, par le consentement plus ou moins libre des trfl^
enfans puînés, des dispositions qui ne pouvaient valoir ni comme
donation entre-vifs de biens immeubles, ni comme disposition
testamentaire faite en préciput.
Il doit donc demeurer pour constant, en dernière analyse,'que
tout l ’avantage de M. Georges se réduit à prélever 4.00,000 francs
pour son préciput, si cette somme n’excède pas le quart de la
masse totale, ou à prendre le quart des biens de toute nature, et
sa portion héréditaire sur le surplus, qu’il partagera par égalité,
avec ses trois frères.
L a masse se composera de tout ce qui appartenait à la succession
du père commun; 1°. des immeubles situés en France, et que
M . Georges aura droit néanmoins de retenir, soit comme dona
taire, soit parce qu’ils sont indivisibles; 2°. des sommes déposées
chez de tierces personnes, soit par le père, soit, en son nom,
par le fils aîné, ou tout autre ; 3°. de celles qui ont été reçues par
les enfans, et qui seront rapportées par chacun d’eux. 11 est à ob
server, sur ce point, que M . Georges devra i si on l’exige., le
compte du mandat qu’il avait reçu de son père,' parce que celui-ci
n’a pas pu l’on dispenser, après lui avoir donné toute la quotité
disponible. S’il a reçu des sommes excédant le prix de la terre,
de Lillingslonn, tel qu’il est fixé par la vente à 8.40,000 fr., il en
devra ,1e rapport comme du surplus.
Il est une remarque assez essentielle à faire. L'es sommes reti
rées d ’A ngleterre et placées d’abord chez M . Mcslier à Paris ,
ont été mises en d autres mains. Si cela a été fait du vivant du
père et par ses ordres, tous les enfans en attendront 1 échéance,
quoiqu’ils prétendent que c’est l’ouvrage du fils aîné. Si5 au can"
�C 13 )
traire, celui-ci avait fait ces placemens de son chef, surtout après
la mort de son père, et à longues échéances, comme il le parait,
il devrait en supporter seul les inconvéniens et les prendre a
son lot. Toutefois, M. Auguste lui ayant donné , à ce qu il parait,
une procuration pour ce placement, il ne peut élever aucune
contestation là-dessus; il ne serait pas recevable à s’en plaindre,
surtout dès qu’il recevra sa part héréditaire.
D ’ailleurs, cette procuration ne peut pas non plus êtro opposée
comme moyen approbatif du testament.
Enfin, il suffit d’une dernière réflexion. A u moyen de ce que
nous avons ci-dessus résolu, et du partage à faire suivant les lois
françaises, les deux testamens du père demeurent inutiles et sans
effet.
On n’a pas besoin de prouver que le fils, prélevant le quart des
biens, devra supporter le douaire de la mère commune jusqu’à
concurrence de ce qui ne sera pas couvert par l’usufruit d’un
autre quart. C ’est une proposition qu’il suffit d’énoncer. D ’après
l ’article iog 4 du Code civil, l’époux qui a des enfans peut dis
poser d’un quart en toute propriété et d’un autre quart en usu
fruit seulement. Il est Constant que ce don peut être distribué
entre la veuve et l’enfant précipué, sans que celu i-ci puisse
excéçler le quart, en ce qui le concerne. Ainsi, madame Onslow
prendra son douaire sur l’usufruit du quart des biens que son
mari pouvait lui donner; et si ce quart ne lui suffit pas , le surplus
sera à la charge du fils aîné, parce que son préciput doit suppor
ter tout ce qui excéderait la quotité disponible. Si le quart en usu
fruit excède le douaiie, le reste tombera dans la succession ah
intestat pour être partagé par les quatre enfans. Pour mieux dire,
et pour procéder plus simplement, dans ce dernier cas où le
douaire de la mère n’excéderait pas l’usufiut dont le père pouvait
disposer sur nn second quart des biens, les quatre enfans pren
dront immédiatement leurs portions égales dans les trois quarts
�( *4 )
des biens, et payeront par quart le douaire de la mère, sans égard
pour la distribution qui en avait été faite par le père commun.
L es soussignés pensent avoir résolu, selon les lois et la justice,
toutes les questions qui pouvaient naître des pièces communiquées.
Ils Vont fait avec attention, et après les avoir sérieusement mé
ditées.
'
D é l i b é r é à Riom, le i 6 février i 83o. •
D e VissAc, G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i a n d .
Sur Iarnouvelle observation faite au conseil, que M . Onslow
père avait, dit-on, obtenu du roi d’Angleterre une déclaration ou
ordonnance qui lui conservait ses di'oits et titres comme Anglais,
il regarde celte circonstance comme-tout à fait indifférente quand
elle serait vraie, soit parce que cette faveui accordée par le s o u
verain pourrait seulement préserver M . Onslow des effets du
droit d ’aubaine dans■
certaines suppositions, mais ne pourrait dé
truire en France les effets de la loi du 2 mai 1790; soit parce
que les biens d’Angleterre ayant été V e n d u s , et le prix transporté
en France, les lois d’Angleterre ne le régissent plus, et qu’après
to ut, c’est plutôt une question de domicile qu’autre chose. O r,
sur le domicile, il n’y a pas de difficulté.
D e V i s s a c , G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i a n d .
JLiES JU R ISCO N SU L T ES SO U S S IG N E S , qui ont vu une pré
cédente consultation du iG février i 83o , et un avis de M. Gamier,
du 10 mars suivant, deux consultations délibérées à Paris, dans
l ’intérêt de M . Georges Onslow, le même jour 17 avril i 83o , l’une
signée par M. Delacroix-Frainville, et quatre autres jurisconsul
tes , l’autre par M. Delacroix-Frainville seul, et qui ont revu
les pièces du procès ;
*
�{ i5)
D é c l a r e n t que, Lien loin de les convaincre du droit deM. Georges
Onslow, un nouvel et sérieux examen des questions qui se pré
sentent n’a fait qu’affermir leur première opinion. Toutefois,
comme il peut être nécessaire de quelques explications'sur les re
solutions prises, et que les moyens proposés pour M . Georges
Onslow peuvent exiger quelques réponses, le conseil croit devoir
reprendre la discussion sous une nouvelle forme, et résumer les
questions du procès.
L a première des consultations délibérées à Paris, et qui porte
cinq signatures fort respectables sans doute, établit deux propo
sitions principales :
i
i
L ’une, que M . Edouard Onslow est décédé sujet du roi d’An
gleterre, et que sa succession est régie par les lois anglaises , sauf
les immeubles situés en France;
• Et de là on tire la conséquence qu’il a valablement donné sa terre
d e L ü l’ingstonn à son fils aîné, sans qu’il y aitlieu h retranchement
pour Ja légitime ; q u e , même réduite à une somme d’argent par
la vente faite depuis la donation contractuelle, cette terre n’a pas
cessé d’appartenir au donataire , qui1a seul droit d’en réclamer le
prix.
‘
L a seconde position consiste à dire que M . Onslow, fût-il Fran
çais , le prix de la terre de Lillingstonn appartiendrait encore à
M . Georges, son fils aîné; et cela, parun principe de garantie tiré
de son contrat de mariage.
••••-•- 1(j ■1 <
Nous allons parcourir les preuves qu’on donne de ces deux pro
positions ; et nous ne craignons pas de dire qu’elles nous parais
sent se renverser d’elles-mêmes.
G est bien vainement qu’on prétend , sous la loi du 2 mai. 1790,
attacher la qualité de Français à la nécessité du serment civique ;
tout y résiste, la lettre comme l ’esprit de la l o i , et les principes*
généraux de la matière.
La loi est claire, positive, absolue : elle ne présente aucune am-
�( id )
biguïté. Nous pourrions dire que la construction de l ’article ne per
met pas d’hésitation ; il semble que les mots y sont rangés tout ex
près pour montrer que le serment civique n’est pas nécessaire pour
devenir Français.
« Toiis ceux qui, nés hors du royaume de parens étrangers ,
» sont établis en France, seront réputés Français et a d m i s , enpré» tant le serment civique, à l ’ e x e r c i c e d e s d r o i t s d e c i t o y e n
» a c t i f , après cinq ans de domicile dans le royaume , s’ils o n t ,
» en outre, acquis des immeubles, ou épousé une Française.»
Il était impossible de s’exprimer plus clairement. Ces mots : En
prêtant le serment civique, pouvaient être placés de manière à
prêter à l’amphibologie, par exemple, s’ils, eussent été mis après
ceux-ci : Citoyen actif. On semble avoir médité la manière qui
produirait un sens plus clair, plus décisif; et en les plaçant, par
une coupure de phrase , entre ces expressions , admis.... à l'exer
cice, e t c ., on a dit aussi positivement que possible, que tout étran
ger habitant en France serait réputé Français, s’il y avait résidé
cinq ans, et si, de plug, il y avait acquis des immeubles, ou épousé
une Française ; et qu’il serait, en outre, admis à l’exercice des
droits de citoyen actif, si à ces conditions il ajoutait celle de prê
ter le serment civique. L e titre de la loi suffirait h lui [seul pour le
démontrer:
« Loi concernant les conditions requises pour être réputé Fran» cais, et admis, en prêtant le serment civique , à l ’exercice des
»> droits de citoyen. »
Cela ne demande ni ne supporte de paraphrase.
A u reste, nous n’avons point erré dans les citations que nous
avons faites de la jurisprudence. Nous n’avons pas dit que l ’arrêt
M a c - M a h o n eût jugé la question ; mais nous avons invoqué l’auto
rité de M. Merlin, qui ne laisse pas que d’être fort grave, quoique
l ’arrêt ne l ’ait pas expressément consacrée, et qui l ’est d’autant
plus , dans l’espèce , qu’elle a été adoptée parla cour de cassation,
dans 1 affaire du prince d TIénin.
�(
17
)
Il est très-vrai que la Cour royale de Paris s’était bornée à décla
rer que la qualité de Français dans la personne du prince d Hénin
résultait de tous les actes de sa vie publique et privée; mais la Cour
de cassation s’est expliquée davantage.
Devant elle , on soutenait que l’arrêt avait violé les lois ancien
nes et celle de 1790,
i°. Parce q u e , sous les anciennes lois, on 11e pouvait devenir
Français que par des lettres de naturalisation , ou par la déclaration
qu’exigeait l’édit du 3o novembre 1716. O r, on ne rapportait ni
l ’un ni l’autre.
2°. Parce q u e , sous la loi du 2 mai 1790 , il fallait le serment ci
vique; et, pour trouver cette nécessité dans la loi, on invoquait ,
comme aujourd’h u i, la constitution de 1791 et les lois postérieures,
qui le disent assez nettement.
O r, la Cour de cassation , en examinant ce moyen, déclare « qu’il
» suffit que le prince d’IIénin ait résidé plus de cinq années en
» France , et qu’il ait épousé une Française, pour être réputé Fran» ça is, aux termes de la loi de 1790 ; que dès lors il importe peu
V qu il ait rempli toutes les formalités voulues par les lois anté& Heures et postérieures à celle de 1790, sous laquelle la qualité
» de Français lui a été irrévocablement acquise. » On ne peut rien
dire de plus clair. L a lo i, la doctrine de M . Merlin , et un arrêt, de
la Cour de cassation aussi formel, en vôih\, sans doute , plus qu’il
n’en faut pour convaincre.
D ’ailleurs , il est évident que si le serment civique eût été né
cessaire , d’après la loi de 1790, rien ne pouvait le suppléer dans
cette espèce; et la Cour le disait nettement, en affranchissant
de toutes formalités voulues par les lois antérieures et posté
rieures. C était dire assez que l’exigence du serment civique ,
qui résulte de la constitution de (7 9 1, n’ôte rien aux droits acquis
sous la loi de 1790, et que l’article 3 de la constitution n’est point
interprétatif de cette lo i, mais établit un droit nouveau.
3
�( >8 )
Au reste, la Cour de Paris vient de donner, en matière électorale,
un nouvel exemple de la doctrine qu’elle avait adoptée dans l ’af
faire du prince d’IIénin, que la qualité de Français pouvait résulter,sous la loi de 1790, de l’ensemble des actes de la vie. Le 19
juin i 83o, elle a jugé, dans l ’affaire du sieur Morlighem, que,
sans avoir prêté le serment civique, il devait être reconnu Fran
çais, pour être venu en France en 1777, pour y avoir épousé une
Française, ctj* avoir acquis des propriétés. La Gazette des tri
bunaux du 20 juin, qui rapporte cet arrêt, ajoute qu’il avait
payé les contributions, satisfait à l'emprunt fo r c é , et obtenu une
décoration dans la garde nationale. Ces circonstances ne sont
qu’accessoires; et nous verrons que toutes se rencontrent dans la
position de M. Edouard Onslow. Les actes de sa vie témoignent
plus hautement que dans ces espèces sa qualité de Français.
La jurisprudence est donc évidente sur le sens de la loi de 1790,
d’ailleurs assez claire par elle-même. Quand il s’agirait ici des
droits de M. Onslow, comme Français, il faudrait les reconnaître;
mais nous devons aller plus loin; il ne s’agit quqderses obigations;,
et, en cela surtout, la loi est tout à fait en harmonie avec les principes.
Il y a une grande différence entre les droits du citoyen actif
qu’on peut accorder à un étranger, et les obligations qu’on peut
lui imposer, par suite de sa résidence en France. Les prérogatives
sont établies en sa faveur;.on ne peut pas exiger qu’il en u s e , il
faut qu’il les réclame, et qu’il remplisse les conditions auxquelles la
loi en a attaché l’exercice. Les obligations, au contraire, lui sont
imposées de droit, et par la force même de la loi, non pour son
propre avantage , mais dans l ’intérêt de l’état et de la famille avec
laquelle il contracte des engagemens. Ce ne sont pas là des abs
tractions sur lesquelles puisse s’étaLlir une douteuse controverse;
ce sont des principes du droit public.
11 est, en effet, de l’intérêt de l’état que celui qui acquiert e*
possède des biens en France ne puisse pas çn disposer autrement.
�( ‘9 )
que suivant les lois du pays ; que celui qui y épouse une Française,
après une résidence assez longue pour faire présumer sa volonté
de s’y fixer, ne soit pas considéié comme étranger, et que la
femme qui s’unit à lui ne soit pds trompée dans la confiance que
lui inspirent des faits publics et patens , qui lui ont fait penser
que les lois de son pays seraient toujours les siennes. L e législateur
a dû s’occuper de ces grands intérêts : cinq ans de résidence, des
acquisitions d’immeubles, et un mariage avec une Française, voilà
plus de faits qu’il n’en faut pour qu’un étranger d’origine soit sou
mis aux obligations du Français envers l’état; et aussi la loi de 1790
en a consacré les conséquences, en réputant Français celui en qui
ces conditions se rencontrent, Français de droit, même malgré lui,
parce qu’il s’agit de scs obligations, et que ce ne sont pas ses seuls
intérêts qu’on envisage.
Ce sont donc, d’après la loi, deux choses grandement différentes
que d être réputé Français, quant aux obligations que ce titre im
pose, et à quelques avantages qui en résultent naturellement;
et d être admis à l'exercice des droits de citoyen actif. Or, n’impor
tent les définitions données par les lois postérieures et par le Code
civil lui-même, qui ne s’occupe de la qualité de Français que sous
le rapportde la jouissance ou de la privation des droits civils; la loi
de 1790 les avaient distingués parfaitement par l ’expression, et
c’est elle qui nous régit.
Ce que nous avons dit s’applique parfaitement aux faits du procès.
Il ne s agit pas de savoir si M. Edouard Onslow pourra être admis
a 1 exercice des droits civils, s’il pourra être appelé à des fonctions
publiques, voter comme électeur, etc.; il s’agit de décider si, par
1 ensemble des actes de sa vie privée, par sa résidence, son mariage
et ses acquisitions en France, il s’y est assez naturalisé pour que sa
succession soit soumise aux lois françaises, et pour que ses enfans,
tous Français, doivent la partager conformément aux lois du pays.
On l ’a senti parfaitement dans la consultation du 17 avril. On y
soutient :
3*
�( 20 )
i°. Q u ’il n’a manifesté par aucun fait, par aucun acte, l'intention
d’abdiquer sa patrie; que c c s t comme étranger qu'il a épouse une
Française , en 1780, comme étranger qu’il a acquis des immeubles
en France;
2°. Que la loi anglaise y aurai^mis obstacle, parce que, dans ce
pays, les sujets ne peuvent jamais être déliés envers le souverain,
du serment d’allégeance;
5°. Que non-seulement M. Onslow n’a pas songé à s’en faire
délier, en prêtant serment de fidélité au gouvernement français,
mais qu’il a sans cesse conservé l ’esprit de retour dans sa patrie,
et que cela est démontré par deux circonstances impérieuses;
l ’u n e , que, considéré comme sujet d’Angleterre, il fut mis hors
de France par arrêté du directoire; l’autre que, rentré en 1798,
il ne revint en France qu’avec une autorisation du roi Georges. Ces
deux pièces, dit-on, démentent hautement la qualité de Français.
E x am inons ces argum ens et sur le fa it, et sur le droit.
i°. Sur le fait :
L e conseil ne connaît pas les deux pièces dont on parle; et la
consultation de Paris ne lui démontre pas qu’elles aient été com
muniquées aux jurisconsultes qui l’ont délibérée. On peut les avoir
seulement mentionnées dans le mémoire. Dans tous les cas, rien ne
nous conduit à leur supposer les effets que leur attribue la consul
tation; et nous pouvons d’autant moins les leur reconnaître, qu’on,
a tiré du contrat de mariage des conséquences toutes contraires à
celles qui en naissent; en telle sorte qu’il est encore fort douteux
pour nous que les jurisconsultes de Paris aient eu sous les yeux le
contrat de mariage du père.
C ’est, en effet, une proposition pour le moins extraordinaire
que celle qui s’applique à la qualité d’étranger tirée du contrat de
mariage. C 'est comme étranger, dit*on, qu'il a épousé une Fran
çaise en 1783^ fit cet acte témoigne qu’il a conservé l'esprit de re
tour.
,
�(
21
)
D ans la précédente c o nsu ltatio n , nous avons re nd u com pte de
quelques stipulations de ce contrat. E lles sont lo in de fou rnir celle
preuve.
Et d’abord, M. Onslow n’y prend pas la qualité d étranger,
d’ Anglais; il aurait pu le faire sans conséquence, puisqu’il *^1était
par sa naissance; mais il évite avec soin cette qualification pour
lui-même, pendant que son père la prend.
» Furent présens ,
» Très-honorable Georges lord Onslow, pair du royaume d’An» gleterre, lo rd , lie u te n a n t, e tc .; et sous son autorité M ila d y ....... .
»
»
»
»
son épouse, demeurant ordinairement à Londres; et, sous l’autorité de l ’un et de Taulre, l'honorable M . Edouard Onslow,
mineur, leur fils puîné, résidant actuellement à Clermont, en
Auvergne, et tous étant aujourd’hui à Paris, etc., etc. »
Assurément, il n’y a rien, dans cette déclaration de qualités,
qui pût annoncer à M"* de Bourdeille , future épouse, que
M . Onslow se mariât comme étranger, et qu’elle dût procliaine*ment le suivre en Angleterre, et se soumettre aux lois et à la re
ligion d un pays où on refusait aux catholiques toute espèce de
droit et de participation aux affaires publiques. Cela ne se conce
vrait pas, alors que, catholique elle-même, elle n’avait diAi rece
voir du souverain Pontife l’autorisation d’épouser un protestant
que sous la condition, d’élever ses enfans dans sa religion : il y
a donc erreur dans la consultation du 17 avril, si elle a fait résulter
la qualité d’étranger de celles qui sont prises en tête du contrat de
mariage.
Résulterait-elle des autres parties de l’acte ?
Ce ne sera certainement pas des trois clauses successives où, en
constituant au futur une dot en argent, payable plusieurs années
après, on 1 oblige à la réaliser en achats de terres ou autres im
meubles situés en France: nous en avons déjà rendu compte, et
tiré les conséquences dans la précédente consultation.
�( 22 )
Ce sera bien moins encore dans la clause relative à la constitu
tion de dot de M lle de Bourdeille. Elle lui conserve la faculté de
vendre ses biens; mais il est ajouté, comme condition prohibitive,
quelle ne le pourra qu’avec le concours et consentement du futur
époux, et enfaisant emploi en fonds certain, ex France.
A in s i, bien loin de se marier comme étranger , M. Onslow se
présente comme Français ou voulant le devenir; et il obtient la
main d’une fille de famille noble , en souffrant la condition qu’il ne
pourra jamais transporter hors de France les biens de son épouse ,
ni par conséquent, son épouse et les enfans du mariage , ce qui
demeure bien , pour le moins , sous-entendu. N ’est-ce pas là une
preuve icrésistible qu’il voulait être Français, se naturaliser en
France? et n’est-il pas évident que le mariage a été contracté sous
la foi de cette promesse , d’ailleurs si constamment et si fidèlement
exécutée!
Nous examinerons plus tard celte objection tirée du droit, que
la loi anglaise y aurait mis obstacle. Quant à présent, restons sur
le fait.
On dit que c’est comme sujet de l ’Angleterre que M. Edouard
Onslow fut mis hors de France par arrêté du directoire, et qu’il a
manifesté l ’esprit de retour, en n’y rentrant qu’avec l’autorisation
de son souverain.
Si :ces deux faits pouvaient être de quelque importance, M .
Georges Onslow aurait à les prouver par le rapport des pièces. Jus
que-là , ils ne seraient que de vaines allégations. O r , non-&eulement ils ne sont pas justifiés, mais la position de M . Onslow père,
à l’égard de son pays natal, demeure tout à fait incertaine. Nous
ignorons quel motif le lui a fait quitter, quel motif l’a empêché d’y
remettre le pied depuis sa sortie; mais cela seul, avec son établissementen France, suffiraitpour constater sa volonté d’yêtre naturalisé.
Mais, outre que ces deux faits allégués sont tout à fait invrai
semblables , los circonstances notoires dans le département du
�( 25 )
Puy-de-Dôme ne permettent pas de leur donner le moindre crédit.
Tout le monde s a it, dans ce pays, que la sortie d e M . Onslow,
en 1797 , fut occasionée par un mouvement politique , auquel il
prit une part trop active , et non parce qu’il était né en Angleterre.
Lo gouvernement fort rigoureux de 1792 et 179^ l’y avait souffert
sans la moindre difficulté pendant la guerre, dans les temps les plus
orageux. Il avait été respecté dans sa personne et dans ses proprié
tés , comme tout Français , sans qu’on parût s’inquiéter de son ori
gine; et le directoire n’aurait pas eu de motif de l ’expulser en 1797*
s’il n’y eût pas donné lieu, en participant à quelquesévénemens de
cette époque.
=
C ’est encore un faitnotoire dans ce département, que M. Onslow»
en quittant le territoire français , ne se retira pas en Angleterre.
Ij’opinion générale est qu’il n’y est plus retourné depuis son éta
blissement en France. Singulier esprit de retour! Après son ma
riage , après ses acquisitions d’immeubles en France, il y a passé
sa vie dans le sein de sa nouvelle famille; il y a élevé ses enfans
comme des Français , et dans la religion catholique ; il y a , comme
le sieur Morlighem, payé ses contributions , et satisfait à l ’emprunt
forcé. Il a fait plus : après quarante ans d’uné résidence non inter
rompue , le dernier acte de sa vie a été de vendre tous scs biens
d Angleterre , et d’en transporter le prix en France. Enfin , il y a
terminé sa carrière, sans jamais en avoir quitté le s o l, si ce n’est
dans un moment de trouble , et pour y revenir immédiatement. E t
il n était pas Français ! et il n’avait jamais voulu l ’être ! et il avait
conserve 1esprit de retour ! Sa vie toute entière atteste que celte
assertion est une erreur.
Nous pourrions parler de certains souvenirs desquels il résulte
rait qu il a exerce des droits civils, ou même rempli des fonctions
publiques dans ce département. Mais il faut s’en tenir aux faits
constans , d autant que ceux-là sont inutiles , pu’isqu il ne s’agit
pas, nous le répétons , de rechercher si M . Onslow p e u t exercer
�( >4 )
aujourd’hui des droits politiques, niais seulement s’il était Français,
et si sa succession est régie par les lois françaises.
Quoique ce soit là une vérité démontrée par tout ce que nous
venons de dire , n’oublions pas l ’objection tirée du droit, que les
lois d’Angleterre se seraient opposées à celte naturalisation. Ou
puise la preüve de cette assertion dans Blackstone, qui dit que
tout Anglais est lié envers son prince dès le moment de sa nais
sance ; que son éloignement ne le délie pas envers le souverain ,
quand bien même il aurait prêté serment de fidélité à un autre.
Cette doctrine de Blackstone , qui peut être très-vraie, tient à
un principe purement politique, tout à fait indépendant de la ques
tion de naturalisation. Passe qu’en prêtant serment de fidélité au
roi de France, un Anglais ne soit pas délié de celui qu’il a prêté
au roi d’Angleterre, qu’il ne puisse pas porter les armes contre
l u i , e tc., en sera-t-il moins Français , moins sujet aux obligations
civiles d’un Français ? Qui donc en doute? Ce ne sont pas les con
seils de M . Georges Onslow; ils font dépendre la naturalisation de
son père de la prestation de serment civique. Il importerait donc
très-peut s’il l ’eût fait, qu’il fût demeuré lié envers le roi d’A n
gleterre par un serment d’allégeance il ne serait pas moins natu
ralisé Français. O r , nous avons prouvé que le serment civique était,
dans l’espèce , absolument inutile.
L a consultation dit ‘encore que nos précédentes résolutions con
duiraient à penser « que M . Onslow «tait h la fois Français et An» glaisj pour Anglais, dit-elle, cela est évident: pour Français ,
v rien ne Ictablil. »
Nous croyons, au contraire, avoir bien établi qu’il était Fran
çais, et pat la force de la lo i , et par sa volonté; et rien ne nous
fait entrevoir cet esprit de retour vers l’Angleterre , avec lequel on
veut faire obstacle à sa naturalisation ; mais cette observation prouve
que le système que nous combattons est fondé sur une confusion
de qualités et de droits qui disparaît devant-les véritables principes
du droit public.
�( 2$ )
' •
.
Ouvrons le Code diplomatique des aubaines de M . Gaschon; il
nous servira de guide sur ces règles qui.lient les nations entr elles.
Dans le chapitre 8, il examine si l’on peut être sujet d-e deux
souverains, cl il dit, page 79 :
« La jouissance des droits civils , quoique ordinairement inhe» rente à la qualité de citoyen ou de sujet, n’en forme cependant
» pas un caractère distinctif, puisque souvent elle en est séparée.
« De là, il faut tirer la conséquence que le même individu peut
>> jouir dans deux endroits diflerens des droits civils , sans être ,
/) pour cela, sujet de deux souverains. »
11 poursuit, et, appliquant ce principe à l’Angleterre , il dit que
l’individu né dans ce royaume ne perd jamais sa qualité d’Anglais
( c ’est la doctrine de Blackstonc), « quelque chose qu'il fasse ,
» quelque résolution qu’il prenne, vint-il même à s'expatrier, il
m la conserve toujours j toujours il jouit en Angleterre des droits
» qui y sont attachés, pourvu que cette jouissance ne nuise pas aux
» d.i'ûits des tiers , ou qu’il n’en ait pas été privé par l'effet de cer» taines condamnations. De là , cet état de choses extrêmement
>> singulier..... L e même individu est,, en même temps, Anglais et
» Français, ou Anglais et Espagnol, etc..... M m , qui n’aperçoit
» pas que la loi anglaise repose sur un principe d’intérêt ou decon» àervation qu’on ne remarque qû’en Angleterre ?......Elle a un but;
» et ce but se rattache à des considérations d’une très-haute poli» tique. »
On peut lire tout ce chapitre et le suivant, dans lequel M . Gaschon examine comment on perd la qualité de sujet; et on y verra
développé avec une assez grande élévation de pensées, cette dis
tinction de la qualité d’Anglais ou de Français avec la q u a l i t é de
sujet de tel ou tel* souverain, qui explique ce qu’a v o u l u dire
Blactstone, à raison du serment de fidélité. Il n’y a évidemment
aucune conséquence à en tirer pour la question qui nous occupe ;
car nous répéterons sans cesse q u ’i l s’agit ici des droits ou des oblih
�ç.
I,
i;
.'
-i
! 'K
■i I;
'i'
■
»i
( 26 )
gâtions civiles de M. Onslow, comme Français, et non de la ques
tion purement politique de savoir s’il a été délié envers le roi d’Anv
gletcrre de son serment d’allégeance.
Au reste, ces principes sont ceux du Code civil. Qu'on médite
les articles 3 , 7 , 9 et i 5 , et on les y retrouvera dans toute leur
intégrité; ils admettent clairement qu’on peut être sujet du roi
d’Angleterre, et cependant exercer des droits civils en France,
par le seul domicile autorisé du gouvernement. Les différences de
cette législation avec la loi de 1790 ne touchent absolument rien
au principe.
L e conseil ne doute donc pas q u e , soit par la force de la loi ,
soit par la force des faits émanés de lui-même , et par une volonté
constante, M. Onslow n’ait été naturalisé et ne soi:, mort Fran
çais , et que sa succession ne soit régie par les lois françaises. .
Nous ne nous sommes pas trompés en disant qu’après tout c ’est
une' véritable question de domicile. On en est presque d’accord
avec nous; mais on veut que ce domicile soit demeuré celui d ’An
gleterre. Il est évident que non, par tout ce que nous venons de
dire, ne fût-ce que par l’arlicle i 3 du Code civil. L i succession
mobilière de M. Onslow est donc régie par les lois françaises.
Et dès lors , puisqu’il a mobilisé toute sa fortune de son vivant,
qu’il l’a totalement transportée en France, il n’a pu en disposer ,
et ses enfans, Français comme lui , et bien plus encore que lui ,
n’ont pu la recueillir que conformément aux lois françaises.
Nous arrivons à la seconde proposition, celle qui consiste à dire
qu’à supposer que M . Onslow fût Français, son fils aîné ne serait
pas moins saisi de toute la valeur de la terre de Lillingstonn pai'
un principe de garantie résultant de son contrat.de mariage. Il la
lui aurait valablement donnée, dit-on; et pour l’avoii vendue luimême et en avoir reçu le prix, il devrait le restituer au véritable
propriétaire, sans qu’il pût en naître ùn droit de légitime, au pro
fit des autres enfans.
�( à? )
Ici, M . Georges Onslow a tout à prouver, et.il ne prouve rien;
et ses frères, qui ne sont tenus d’aucune preuve, prouvent tout
contre lui.
'
En supposant que M. Onslow père eût disposé nettement et sans
condition de ses biens d’Angleterre au profit de M*Georges Onslow,
celui-ci aurait h prouver que, d’après lés lois anglaises, son père
aurait pu faire cette disposition, sans que le donataire fût assujetti
à la.légitime de ses frères et sœurs.
Il aurait à prouver, en second lieu, que lu i, Georges Onslow,
constamment étranger à l ’Angleterre, puisqu’il est né et demeure
Français, serait apte à la recueillir , quoique professant la religion
catholique.
Sur la première de ces propositions, on ne trouve absolument
rien dans les consultations de Paris. Il eût été nécessaire cepen
dant de citer des lois ou des autorités graves, pour établir cette
doctrine si contraire à nos usages et à notre législation.
•Blackstone ne dit rien de positif à ce sujet. Seulement, on voit
quelques principes généraux indiqués dans divers chapitres du
5e volume.
Au chapitre 14 (du titre de la possession des biens par des
cendance), après avoir fait la distinction des biens tenus en fief
d’avec ceux tenus en roture, et parlé d'une manière assez vague
des droits de primogéniture, il ajoute, à la page 28, que les terres
en roture, qui, dans le principe, « descendaient fréquemment à
» tous les fils également.... sont presque toutes tombées dans le
» droit de primogéniture, excepté dans le‘ comté de K e n t, où l'on
» se gloçifie de la conservation de la tenure en gavelkind, dont
» 1 objet principal est de réunir tous les enfans dans l ’héritage. Il
» n y a môme d’exception que dans quelques manoirs particuliers,
» ou les coutumes locales varient en appelant quelquefois le plus
» jeune des fils, et quelquefois un adtre à sa succession, »
Cette première citation ne s’applique qu’à la transmission des
�Mens à titre successif; mais elle démontre que, même sous ce
rapport, les droits de successibilité varient suivant les lieux , et ne
sont pas en Angleterre aussi exclusifs qu’on le prétend sans le
prouver.
A u reste, arrivant à la transmission des biens par disposition
entre-vifs, que Blackstone indique au chapitre ig , par ces termes :
du titre par aliénation, il explique nettement que « la loi.........
s> permet à tout homme de vendre et disposer comme iWeut des
» terres qu’il a achetées, et non pas de celles qui lui ont été trans» mises p a r ses ancêtres . . ». Il est vrai, cependant, que la liberté
» de vendre les acquêts était aussi limitée dans certains points,
» car le vendeur ne pouvait pas plus déshériter. totalement ses
» en/ans, qu’il ne pouvait disposer de son patrimoine;.. . . mais
» la liberté de disposer entièrement de toutes ses possessions lui
» était laissée, s i, au préalable , il avait acheté pour lui et pour
» ses en/ans assez de biens pour former leur héritage. Il fallait,
» de plus, que ses acquisitions eussent clé faites au nom de ses
» enfans comme au sien , sans quoi il n avait pas le pouvoir d ’ a» liéner au delà de la quatrième partie de lhéritage qu'il avait
» reçu de ses ancêtres, sans le consentement exprès de son hé» ritier. »
Cela est fort clair, et nous, démontre que les lois anglaises
n’ont pas, comme on le prétend, méconnu les droits de la nature;
qu’elles réservent une légitime aux enfans, et que cette légitime,
réduite toutefois, aux biens de patrimoine, est des trois quarts
de la succession. Tenons donc pour certain-que M . Onslow père,
eût-il été Anglais, et sa terre de Lillingstonn n’eût-ell.e pas été
vendue* à sa mort, il eût dû en réserver les trois quails à ses en
fans, s il n’eût acheté pour eux et en leur nom assez de biens
pour former leur héritage.
In d é p e n d a m m e n t de cette nécessité q u i s’a p p liq u a it au p è re *
u n m o tif de prQ hibilion pouvait encore se trouver dans la per-
�C 29 )
sonne du fils. Etranger, né d’une Fiançaise, lui-meme établi eil
France, catholique enfin", élait-il apte à recueillir des biens im
meubles en Angleterre 2 C ’est une question qui tient encore a la
connaissance particulière des lois anglaises; et on ne prouve pas
qu’il le pût. O r, jusque-là il ne pourrait pas l’obtenir, surtout
par l’autorité des tribunaux français.
On cite bien, à la vérité’, dans la consultation un passage de
Blackstonc, qui suppose que la règle générale- à ce sujet reçoit
exception en faveur des enfariS nés hors du royaume, 'dont le
père était Anglais de naissance, à moins que le père ne fût ac
cusé ou banni, ou au service de quelque puissance ennemie de
la Grande-Bretagne. Mais, d’une part, cela n’est pas appliqué par
Blackstonc aux catholiques; de l’autre, ce qu’on ajoute de l’avis
d’un jurisconsulte anglais qu’on avait sous les yeux, et duquel il
résulte qu’un acte de Georges III,‘ en 1760, le leur applique ex
pressément, 11’est point une preuve suffisante contre cette règle
générale, qui déclare les étrangers, et surtout les catholiques,
incapables de posséder ou d’hériter des immeubles en Angleterre.
Au reste, s i, contre la règle générale, on voulait faire valoir
des'exceptions, il faudrait prouver qu’on peut les invoquer.enlièrement; et pour cela , il faudrait connaître la situation person
nelle de M. Onslow à l ’égard de son souverain primitif. La seule
circonstance qu’une fois sorti d’Angleterre, il n’y est plus revenu,
suffit pour démontrer sa volonté de lui demeurer étranger, et
faire présumer que ni lui, ni ses enfans ne sont dans les cas
d exception admis par les lois anglaises.
Les soussignés regardent donc comme impossible, dans l’état
d e s choses, de faire admettre par les tribunaux français ni l’une
ni 1 autre des deux propositions principales de la c o n s u l t a t i o n d é
Paris; quant aux trois questions secondaires, elles ne sont que le
développement des deux premières, et ne d e m a n d e n t pas de ré
futation spéciale. Nous nous sommes s u f f i s a m m e n t expliquas sue
�( 5o )
tous ccs poinls dans notre précédent avis. Il est donc tout à fait
inutile d’entrer dans l’examen des conséquences, qu’un autre ju
risconsulte a déterminées par chiffres, à la suite de la consultation.
Il nous reste un dernier point, c’est la proposition que nous
avions émise, que M . Georges Onslow, prenant part aux Liens
de France, ne pourrait, dans tous les cas, échapper au rapport
fictif des biens qu’il aurait reçus en Angleterre, quand bien même
la terre n’aurait pas été mobilisée. Elle a été réfutée par la seconde
consultation de M. Delacroix-Frainville seul. Sans nous demander
pourquoi cette consultation, datée du même jour que la première,
n’est signée que d’un seul des cinq jurisconsultes qui avaient signé
celle-ci, examinons-en l’argumeYit. Il est tout à fait renfermé dans
ce système de M. Dunoycr, qu’il faut voir autant de successions
qu'il y a de lois différentes , comme autrefois dans les diverses
coutumes du royaume, qui établissaient des préciputs différens.
L o r s q u ’on raisonne uniquement par analogie, on s’expose à ne
pas rester dans l’exactitude des règles. En matière de principes et
de leur application, il faut s’attacher, avant tout, aux arguméns
directs, et n ’appeler les analogies que comme auxiliaires. On juge
plus facilement alors si elles sont exactes. C ’est donc sur les prin
cipes qu’il faut spécialement nous fixer. Nous les trouvons suffi
samment développés dans le Traité des successions de Lebrun, et
dans lés Commentaires d eFerrière, sur les articles 17 et 298 de
la Coutume de Paris.
Remarquons, avant tout, qu’il faut distinguer deux causes dif
férentes, qui ont pu faire agiter des questions touchant la légitime;
1 ”. les droits de primogéniture, ou les préciputs diversement éta
blis par les anciennes coutumes; 2°. les dispositions en avantage
que pouvaient faire les.père pt mère,
La première de ces causes tenait essentiellement au système
féodal; c ’est ce qui résulte, soit de l ’article 17 de la Coutume de
Paris, soit de la (Joctrine de tous les auteurs, soit mênie de l ’es*
�(Si)
sence des choses; et*, eñ cela, les lo i s d’Angleterre y sont tout à
fait semblables; les prérogatives qu’elles accordent à la primogéniture de'pendent tout à fait de ce système. On peut s’en con
vaincre par toute la doctrine, et même par la partie historique
des commentaires de Blackstone , spécialement aux chapitres des
francs-fiefs.
Partout ce système consistaitprincipalement à attribuer à l’ainé
des mâles les fiefs nobles , ou le manoir avec une certaine quantité
de terres, ou des choses semblables; et partout aussi on lui accor
dait le droit de le conserver intégralement au préjudice des autres
cnfans; mais il fallait saisir les conséquences de ce principe, et
c ’est là que les variations de doctrine et de jurisprudence se sont
établies , les uns pensant que le préciput coutumier ne pouvait
pas être sujet à la légitime, et les autres croya-nt qu’il la devait
comme le surplus des biens.
Ces différences d’opinion provenaient d’une certaine confusion
dans les idées. Il était convenable que la matière même du pré
ciput ne dût pas être diminuée par la légitime; le système féodal
et l’ordre politique des états pouvaient l ’exiger là où on tendait à
conserver les grandes propriétés, comme cela existe encore en
Angleterre ; mais le droit sacré de légitime ne disparaissait pas pour
cela. S’il n’y avait pas d’autres biens pour la fournir, l’enfant pre
cipuo par la loi ne pouvait retenir l ’intégralité du préciput qu’en
fournissant en argent la légitime de ses cohéritiers. D ’aillears,
qu’il y eût ou non d'autres biens pour fournir la légitime, le fief
entrait dans l’estimation de la masse, en sorte que, par cette réu
nion dernoyens, le préciput servait à la computation de la légitime,
et qu’il la fournissait, à défaut d’autres biens, sauf le droit de l’en
fant précipué de reteñirla totalitéde l’immeuble, e n remboursant
en argent la légitime de ses cohéritiers. On peut voir Ferrière, nos 5 ,
5 et G de la glose sur l ’article 17, et cet article lui-même, qui est
clair fct précis.
•'
�( 32 )
C ’est encore ce que déclare formellement Lebrun, Traite des
successions, 1. 2, ch. 3 , section 7, n° 24: « La trébellianique, la
» falcidie, noq plus que la légitime, ne doivent point se prendre
»' sur ces fiefs royaux........... ?Cependant, lorsque l’aînc qui pos» sède ces fiefs ne peut récompenser ses puînés en autres terres
» ni en argent, ces fiefs peuvent être divisés pour leur légitime;
» ce que nous avons expliqué au sujet de. la succession des fiefs ,
» où nous avons montré, dans la section 2, que celte prérogative
» de l’indivisibilité des hautes seigneuries souffrait cette exception,
» parce qu’elle n’augmente pas le droit de l’aîné, mais lui donne
» seulement lieu de conserve^ son fief en entier, en récompen» iant ses puînés, ' »
1
Ainsi, voilà le principe fort clairement posé, même dans les
temps où les droits de primogéniture étaient admis avec le plus
d’extension, parce que la légitime est, dans tous les cas, et a été ,
dans tous les temps, une dette sacrée de la nature.
On peut encore voir Lebrun, ch. 2, sect. i re, sur la Succession
des fiefs j au n" 25 et suivans. Il y explique parfaitement cette
doctrine, et examine la question sôus un point de vue tout à fait
analogue au cas présenté des légitimes dans divers coutumes. Il
demande si une succession ouverte dans le ressort de la Coutume de
Paris, se composant d’un seul manoir, ce manoir se partagera comme
fief, en telle sorte que, pour la fixation de la légitime, il faille
appliquer à la fois l’art. 17 relatif au droit d’aînesse, et l’art. 298
relatif aux dispositions du père sur les autres biens qui ne sont pas
frappés par ce droit exhorbitant. Il décide que non, et reconnaît
rju’en oe cas la prérogative de l’aîné se réduit à un partage féodal,
où les puînés doivent trouver leur légitime, « qui est préférée au
» droit d’aînesse comme plus ancienne, et ayant son fondement
V dans la nature, dont les lois ne peuvent être abolies parles dis» positions du droit civil: »
En examinant quelle doit être la quotité de la légitime, et s’il
�( 53 )
faut prendre pour règle générale le droit romain ou la Coutume
de Paris, Ferrière dit bien, sur l’article 298, que la légitime doit
se régler suivant les coutumes des lieux où les biens sont situés;
mais cela n’est autre chose que l ’image de ce qu’il dit sur le re
tranchement des fiefs, c ’est-à-dire, que, dans chaque situation,
ces biens ne peuvent être effectivement retranchés pour la légi
time que jusqu’à concurrence de la quotité réglée par les lois de
leur situation; mais cette décision n’cmpêche pas que là, comme
dans le cas du préciput légal, il n’y ait qu’une seule légitime , prise
ou supportée sur la niasse de tous les biens, desquels, cependant,
le précipué ne peut être dépossédé que jusqu’à concurrence de
ce que prescrit la loi de chaque situation, sauf récompense envers
les autres. La raison en est qu’il ne peut y avoir qu’une seule suc
cession, qu’un àeul domicile du défunt, et qu’un seul lieu d’ou
verture tic cette succession; qu’enfin, avant de répartir la légi
time sur les diverses natures de biens, il faut la composer sur
une masse unique qui se forme de toutes lès propriétés du défunt,
sans exception.
Nous persistons donc dans la .résolution que nous avons prise
dans la précédente consultation. Ce que nous y avions exprimé
comme principe reçoit sa sanction de la plus pure doctrine des
auteurs. Nous ne répéterons pas ce que nous y avons déjà dit.
Mais, en vérité, on s’étonne de voir élever cette question dans
les circonstances où elle se présente. M. Onslow, fût-il Anglais,
n’était pas moins marié et domicilié en France depuis près de
cinquante ans. Sa succession y est ouverte; elle doit se partager
suivant le Code civil qui règle la réserve des enfans, et auquel
aucun d. eux ne peut se soustraire. Cela ne peut être effacé ni par
les lois anglaises, ni par un acte de donation passé en France sous
1 empire du Code civil; car il faut bien rem arquer que c est d une
donation qu’il s’agit, et non d’un préciput, d’un droit exclusif qui
serait accordé par les lois anglaises, sur une terre non vendue
au moment de 1& mort du père.
5
�( 34)
C ’est ici que les fails particuliers nous amènent à résumer la
question clans les termes les plus simples.
Le père, il est vrai, avait donné celte terre à son fils aîné,
par son contrat de mariage; mais, indépendamment de la question
de savoir s’il pouvait le faire d’une manière absolue, et sans au
cune condition de légitime envers ses autres enfans, il s’était ré
servé de le réduire par des dispositions à un revenu do vingt mille
francs de France, ou 4 oo,ooo fr. de capital. O r, qu’a-t-il fait? Il
a vendu la terre, il en a reçu le prix, et l ’a transporté en France,
où il fait partie de sa fortune mobilière; les lois anglaises demeu
rent donc sans force et sans application sur ses biens. Nous n’avons
pas à examiner si la donation assurée restait pour 4oo,ooo francs
en immeubles, ou seulement en argent. La terre une fois vendue,
il ne s’agit plus que du prix. O r, dès que le père ne s’était défini
t i v e m e n t l i é que pour une valeur de 400,000 fr., nous regardons
comme incontestable qu’en dénaturant sa fortune, et en achevant
de la transporter en France, il l ’a volontairement soumise aux
lois françaises, en telle sorte que le fils aîné, soit directement
comme donataire , soit indirectement par un principe de garantie,
ne peut rien prétendre au delà des 400,000 fr ., ou de sa portion
héréditaire, joint le quart en préciput. La garantie, en effet, ne
produirait que des dommages-intérêts, et ils ne peuvent consister
que dans la perle qu’éprouve le fils. O r, sa perte provenant d’un
fait du père qui s’était réservé de Je réduire à une valeur de
20,000 francs de rente, ne peut produire de dommages-intérêts
que pour le capital de ces 20,000 fr., c ’est-à-dire ¿{00,000 fr. La
garantie ne peut aller plus loin que ce à quoi le père était défini
tivement oblige.
Ne doutons pas, d’ailleurs, d’après les dispositions manifestées
par M. Onslow, dans tous les actes de famille qu’il a faits pendant
les dernières années de sa vîc, que quelques motifs particuliers,
qu’on dissimule, et qui pouvaient naître, soit de la législation an
�(55)
glaise, soit de sa situation personnelle ou de celle de son fils,
comme Français et catholique, à l’égard du roi d’Angleterre, n aient
forcé la vente de Lillingslonn. Il nous est fort permis de penser
que si M. Georges Onslow eût été apte à en profiter en Angle
terre, sans réduction de la légitime , le père l ’eût laissée en nature
dans sa succession. Il a donc vu qu’il n’y parviendrait pas au moyen
de#la législation anglaise; mais il s’est abusé, s'il a cru obtenir ce
résultat en aliénant la terre. Domicilié en France, et marié depuis
1783, naturalisé par la loi d e '1790, devenu tout à fait étranger
à 1 Angleterre, mort en France avec des immeubles situés dans ce
pays et une succession d’ailleurs toute mobilière, il l’a laissée
nécessairement soumise au Code civil qui la régit sans la moindre
exception. Telle est, en définitif, la ferme opinion des soussignés.
Cela posé, il n’y a pas le moindre doute que les enfans puînés,
avec des droits aussi certains, et dont la quotité seule est contes
tée, ne soient fondés à demander une provision, et ne doivent
1 obtenir sans difficulté contre le fils aîné, qui jouit de tous les
biens, et qui a dans les mains la disposition de capitaux consi
dérables appartenant à la succession.
D
élibéré
à R io m , le 27 juillet i 83o.
D e V i s s à c , G o d e m e l , A l l e m a n d , J. B. T a i l i i à n d .
J adopte entièrement la consultation ci-dessus.
G a r n ier.
L ’avocat soussigné, qui a été appelé à prendre part aux délibé
rations qui ont préparé la consultation ci-dessus, en adopte entiè
rement toutes les solutions.
Fait à Clermont, le i 3 août i 83o.
H . C o n c i i o n , avocat.
J adhéré aux résolutions qui précèdent.
Paris, c e 1 6 d é c e m b r e i 83o.
B e r r y e r fils.
�( 5G )
, y
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a revu sa consultation du
i g janvier dernier, lu le contrat de mariage de M . Georges Onslow
et le partage de famille qu’il n’avait pas lors de son premier travail,
après avoir obtenu sur les faits des renseignemens différons de ceux
contenus dans une note précédente , et médité la consultation du
16 février dernier, délibérée par MM. Allemand, Godemel , de
Vissac et Tailhand,
Partage, à une légère différence près, l ’opinion de ces juriscon
sultes , et son sentiment produira un résultat identique avec le leur.
C ’est désormais un point hors de doute que M. Onslow père a
cté natural/sé Français par l'effet de la loi du 2 mai 1790, et qu’iL
est mort en possession de ce titre.
^ Mais cela n’empêchait q u e, d’après les lois anglaises, M. Onslow
11c fût toujours Anglais , en Angleterre. Blacks.tonc, dans son Com^
mentairc sur la législation de la Grande-Bretagne, dit qu’un Anglais
d’origine ne peut, lors même qu’il le voudrait (à l’exception d’un
cas qui ne se rencontre pas), cesser de l'être, ni se dégager de l’o
béissance et des devoirs envers son souverain. Ainsi, il peut être
tout à la fois Anglais et Français : cela tient à la différence des lé
gislations, à l’indcpendance des nations, d’après laquelle chacune
règle la condition des personnes qui habitent son territoire, suivant
scs besoins et sa politique, sans s’occuper de ce qu’il plaît à la na
tion voisine de statuer , et sans pouvoir , d’ailleurs , l ’on empêcher.
Cela conduit à reconnaître qu’en obtenant de S. M. Britannique
la déclaration qu’il était resté Anglais, M. Onslow n’a rien ajouté
à scs droits , ni changé sa position; il n’a fait que faire déclarer ce
que les lois anglaises disaient positivement. C ’est un surcroît de
précaution assc* inutile.
Blackstone dit aussi que le fils d ’un Anglais d’origine est Anglais,
quoique né en pays étranger, à moins que ce fils n’ait embrassé la
religion, catholique. On peut yoir.sur cela le Coxle diploniatiqua
�(57)
des aubaines, par M. Gaschon, et l ’ouvrage de M. .Daligny , par
lui cité.
M. Georges a été élevé dans la religion catholique; par consé
quent il est Français, non-sculemert par les lois françaises , mais
encore suivant celles de la Grande-Bretagne.
O r, Blackstone dit encore que les étrangers ne pouvaient ac
quérir en Angleterre aucun immeuble, qu’ils ne pouvaient deve
nir propriétaires que de choses mobilières, et cela, par des raisons
politiques qu’il expliquc.Donc,ladonationdelaterredeLillingslonn,
contenue dans le contrat de mariage , était nulle. Si M . Onslow
le père l ’eût encore possédée à l’époque de sa m ort, ni M. Geor
ges , ni ses frères n’auraient pu la recueillir; elle eût été dévolue
aux autres parens anglais, ou au fisc d’Angleterre.
Vainement objecterait-on que la terre ayant été vendue , le prix
a dû en appartenir à M . Georges , en vertu du principe que nous
venons de rappeler, qui permet aux étrangers d’acquérir des ob
jets mobiliers; car la donation de 1808 étant nulle, le prix de la
vente était, comme la chose même , la propriété de M . Onslow
père. Pour que son père pût faire paraître sa prétention spécieuse ,
il faudrait au moins que son fils lui eût fait, avant de transporter
le prix en France, une nouvelle donation spéciale de ce prix, ce
qui n’a pas eu lieu.
Nous ne partageons pas l’opinion émise dans la consultation, que
le père n’a donné à M . Georges , en le mariant, que 20,000 fr. de
rente : il lui a donné la terre toute entière. C ’est la disposition
principale. Accessoirement, il s’est réservé de disposer de l ’excé
dant de 20,000 fr. de rente sur cette même terre, mais en déclarant
que ce dont il n’aurait pas disposé appartiendrait à soù fils. Si donc
la terre valait 85o,ooo fr ., et qu’il n’eût disposé que de i 5o,ooo f. ,
le fils aîné tiendrait 700,000 fr. de la stipulation du contrat de
mariage. Cela est conforme A l ’article 1086 du Code civil, qui dé*
krogc à la règle générale de l’article g/fG.
�(58)
Mais il ne s'agit pas d’interprcter les clauses du contrat de ma
riage; il s’agit seulement d’en examiner la validité et l ’effet in
trinsèque.
O r , nous croyons avoir démontré que la donation d’immeubles
situés en Angleterre, faite à un particulier qui, d’après les lois
anglaises elles-mêmes, n’a jamais été Anglais, est frappé d’une
nullité radicale.
Supposons néanmoins le contraire.
Les immeubles ont été vendus du vivant du père, parle fils aîné,
comme son mandataire.
Peut-on dire que, par une sorte de remplacement, de subroga
tion , le prix provenant des immeubles d’Angleterre s’est trouvé
substitué à ces immeubles, à participer de la même nature ?
Mais , pour qu’il y eût lieu à l ’examen de celte objection , il fau
drait au moins que le fait matériel fût certain, et que l ’identité en
tre le prix touché en Angleterre et les sommes ou créances dépen
dantes de la succession fussent bien constatées, comme si dans les
actes de prêt ou de placement il était dit qu’elles provenaient de la
vente des propriétés; et il se peut qu’elles aient été dissipées.
Mais rien de semblable ne paraît exister. Peut-être les actes de
placement portent-ils que M . Onslow père est usufruitier, et
M. Georges un propriétaire; mais, encore une fois, celle énon
ciation nctablirail point l’identité. On pourrait tout au plus admet
tre que le père a fait au fils une donation avec réserve d’usufruit,
q u i , d’après l’article 918 du Code c iv il, se réduit <\ la portion disEnfin, lors même que l ’identité serait bien clairement établie
(ce qui paraît au conseil soussigné être impossible), cela ne
servirait en rien. Eu effet, l’acte de partage énonce qu’indépen
damment du prix de la terre de Lillingslonn , M. Onslow père a
touché 20,000 liv» sterling, ou 5oo,ooo f. argent de France, qui lui
avaient été constitués en dot, et qui devaient être au moins en par-
�( 39 )
lie employés en acquisition d’immeubles en France. Ces 5oo,ooo fr.
ayant toujours été mobiliers dans les mains de M . Onslow pere ,
doivent être incontestablement régis par la loi française. Il en doit
être de même de la terre de Chalendrat et de la maison de Clermont. Ainsi, sur i , i 55,ooo fr. dont se compose la succession, il
y en a 700,000 qui évidemment sont soumis à notre législation. O r ,
de deux choses l’une : ou M. Georges renoncera purement et sim
plement Ji la succession, et alors les 700,000 fr. appartiendront cl
ses trois frères; ou il viendra à parlage, et alors, comme au mo
ment de l’ouverture de la succession la valeur représentative des
objets donnés se trouvait en France , il faudrait nécessairement
qu’il se contentât de l’avantage du quart et rapportât le surplus, aux
termes de l ’article 918. On peut dire en outre que lors même que
les immeubles donnés seraient encore la propriété de la famille
Onslow, le frère aîné serait oblige, s’il voulait prendre part aux
biens de France, de rapporter fictivement ce qui des biens d’A n
gleterre excéderait le quarl. Nous croyons que c’est là une consé
quence fort juste de l’article 2 de la loi du i/j juillet 1819.
Il est évident que les testamens ni le partage fait en famille ne
peuvent apporter le moindre obstacle à l’application de ces princi
pes ; la loi 11e permettait pas au père qui avait quatre enfans de don
ner plus du quart de sa fortune à l ’un d’eux. Quelle que soit la
voie qu’il ait prise , ou l’acte qu’il ait imaginé pour obtenir un ré
sultat contraire, il n’a pu éluder la disposition légale à l’exccution
de laquelle tous ces actes doivent être ramenés.
Nous partageons encore l’opinion de M M . les jurisconsultes de
Riorn sur la manière dont le douaire de la mère doit être acquitte:
le mari pouvait donner à celle-ci le quart do sa fortune en pleine
propriété, et un autre quart en usufruit. Il a pu r e p a r t i r cette
portion disponible entre elle et son fils. Comme le douaire est la
première donation, s’il formait la moitié du revenu de la succes
sion , le fils aurait un quart en nue propriété. S ’il ne fortne que le
�C 4o >
quart, il ne le supportera pas comme donataire , mais seulement
comme héritier, c’est-à-dire , qu’il commencera par prendre son
quart en pleine propriété , et que le douaire sera assis sur les trois
autres quarts ; chacun des enfans payera 3,ooo fr.
D
élibéré
à Paris, ce iomars i 83o.
S ig n é
G a iin ie r .
SOUSSIGNÉ , qui a pris lecture, i°. des consultations déli
bérées à Riom les 16 février et 27 juillet 1800 , dans l’intérêt des
trois fils puînés de M. Edouard Onslow; 2°. des consultations
délibérées à Paris le 17 avril de la même année, et à Riom le
1" août i 85 i , dans l'intérêt de M. Georges Onslow, leur frère
L
e
aîné ;
Consulté spécialement sur la question de savoir par quelles lois
estrégie la succession mobilière de M . Edouard Onslow , père com
mun des parties, décédé à Clcrmont-Ferrand, département du Puyde-Dôme, en 1829,
E s t d ’ a v i s que cette succession est régie par les lois françaises,
et ne peut être régie que par elles; sauf à examiner ensuite (ce
qu’il ne peut faire quant à présent, faute des pièces qui lui seraient
nécessaires à cet effet) si, dans la masse des objets mobiliers dont
elle se compose, il s’en trouve ou non qui doivent, respective
ment aux parties, être considérées fictivement comme des immeu
bles régis parles lois anglaises.
Les faits, non contestés ou non susceptibles de contradiction ,
sur lesquels repose cet avis , sont simples et faciles à saisir.
M. Edouard Onslow, 11c en Angleterre, et fils puîné d’un pèro
protestant de ce royaume, avait, jeune encore et d’accord avec sa
famille , quitté son pays natal pour s’établir en France.
Il y épousa, en 1780, la D u‘ dc Bourdeillc, Française; et le con-
�(4 0
trat de mariage qui précéda la cérémonie nuplialc constate trois faits
importans : Je premier, qu’il demeurait dès lois a Clermont en
Auvergne ; le second , qu’il avait tellement abdiqué tout esprit de
retour en Angleterre , et que ses père et mère , en adhérant à celte
détermination, la regardaient comme tellement constante,que ceuxci , en lui constituant à titre d’apport une somme de 20,000 livres
sterling, s’obligèrent solidairement de réaliser la moitié de ce ca
pital en achat de terres ou autres immeubles en France, dans deux
années , à compter du jour de la célébration du mariage ; le troi
sième, que les parens de son épouse et son épouse elle-même
comptaient tellement sur cette même détermination, qu’ils stipulè
rent expressément que les biens par elle apportés en dot ne pour
raient être aliénés par elle , même du consentement de son mari,
que moyennant remploi en fonds certains situés en France.
Effectivement , M. Edouard Onlow ne remit plus le pied en
Angleterre; et non-seulement il continua jusqu’à sa mort, arrivée
en 1829, d’habiter le département du Puy-de-Dôme avec sa femme
et ses enfans; non-seulement il y fit des acquisitions en immeu
bles , sans en faire aucune ailleurs; non-seulement ce fut en France
qu’il employa la légitime qui lui était advenue par la mort de ses
père et m ère, à l’exception d’une somme qu’il employa en Angle
terre sur le trois pour cent consolidé; mais dès l’aurore de la révo
lution qui avait éclaté l’année précédente, il s’était empressé de
prendre rang dans la garde nationale qui s’était spontanément for
mée à Clermont-Ferrand, et de se dévouer par serment, comme le
constate un procès verbal de la mairie de cette ville , du 27 décem
bre 1789, à la défense de la constitution dont l ’assemblée consti
tuante venait de poser les bases essentielles ; et s’il n’est pas encore
prouvé qu'il eût exercé des droits politiques en France im m éd iate
ment après la publication de la loi du 3o avril-2 mai 1790 1 ^ Ie
sera du moins, en cas de dénégation, qu’il avait été appelé, en 1an 5,
aux fonctions d’électeur, et qu’il les avait remplies ; il l ’est même
6
�( 42 )
déjà, par des pièces mises sous les yeux du soussigné, qu’il avait
été compris, en fructidor an i 3 , dans la liste des cinq cent qua
rante p l u s imposés du département du Fuy-de-Dôme, qui devaient,
d’après l’article 25 du Senatus-consulte du 16 thermidor an 1 1 , for
mer le collège électoral de ce département.
Cependant il lui était échu en Angleterre, depuis son mariage,
une succession collatérale composée des terres de Lillingstonn et
de Cbarlestown ; et en mariant son fils aîné , le 18 juillet 1808, il
lui avait donné par préciput la nue propriété de ces terres, en s’en
réservant l’usufruit, et sous la condition qu’il resterait maître d’en
disposer jusqu’à concurrence de ce qui excéderait la somme
de 20,000 fr. de revenu évalué au denier vingt.
Mais depuis, et par un acte passé à Londres, le 21 juin 1824,
que ses fils puînés n’ont encore pu se faire représenter, et dont ils
ne connaissent que le résultat matériel, il avait vendu ces mêmes
terres moyennant la somme de 840,000 fr., qu’il avait placée à Paris
tant en rentes sur l’état qu’en obligations de particuliers.
D e tous ces faits non contestés ou à l’abri de toute contestation
sérieuse, naissent deux questions : l’une principale, si c’est par les
lois françaises qu’est régie la succession mobilière de M . Edouard
Onslow, ou si elle l ’est par les lois anglaises ; l’autre, subsidiaire,
si du moins les lois anglaises ne doivent pas seules régir ceux des
biens mobiliers de la succession de M. Edouard Onslow qui pro
viennent du prix de la vente des terres de Lillingstonn et de Charlestown.
L e soussigné ne peut, comme il l’a déjà dit, s’expliquer ici sur
laseconde de ces questions, parce qu’il ignore quelle parta prise à
la vente qui l’a fait naître le sieur Onslow, sans le consentement
et le concours duquel il est évident qu’elle n’a pu avoir lieu ; mais
il n’hésite pas à se prononcer sur la première , et à dire qu’en gé
néral la succession mobilière de M. Edouard Onslow n’est et ne
peut être régie que par les lois françaises.
�( 43 )
M. Georges Onslow convient lui-même que les lois françaises
doivent seules régir la succession du père commun des parties,
quant aux immeubles qui s’y trouvent en nature; et pourquoi?
parce que c’est en France que ces immeubles existent, et qu ils
ne peuvent y exister que sous l’empire des lois françaises.
Mais n’est-ce pas aussi sous l’empire des lois françaises qu exis
taient, à sa mort, les biens meubles qui dépendent de celte suc
cession ! Non-seulement c’était enFrancu qu ils existaient tous ou
presque tous de fa it à cette époque , niais il était impossible, si le
défunt avait son domicile en France, quils existassent ailleurs de
droit ; car c’est un principe généralement reconnu que les proprié
tés mobilières suivent la personne et sont censées n’avoir pas d au
tre situation que celle de sou domicile. O r, c était bien certaine
ment en France que M . Edouard Onslow était domicilié lors de
son décès, puisque c’était à Clermont-Ferrand, ville française,
qu’il avait son -principal établissement, puisque c était dans cette
ville qu’il avait fixé le siège de toutes scs affaires; en un mot, puis
que sa demeure dans celte ville réunissait toutes les circonstances
au concours desquelles la loi 7, C. de incolis, attache le caractère de
domicile proprement dit : in eo loco (ce sont les termes de cette loi)
singulos haberedomiciliumnon ambigitur, ubi quislarem rerumque
ac Jortunarum summam constituit ; undh rursiis non sit discessurus , si nihil avocet ; undh cùm profectus est peregrinari videtur ;
quo si rediit, peregrinari jam destitit. Donc , nul doute que toutes
les propriétés mobilières de M . Edouard Onslow ne dussent être
considérées comme ayant élé situées en France au moment de son
décès ; donc, nul doute qu’elles n’aient été régies en ce moment
par les lois françaises.
M. Georges Onslow ne peut méconnaître ces deux c o n s é q u e n c e s
(sur lesquelles, d’ailleurs, nous reviendronsci-apres), qu en niant
lu n e des bases sur lesquelles elles reposent; q u en niant que
son père est mort domicilié en F rance ; et c’est précisément ce
6*
�( 44 )
qu’il fait ; mais comment justifie-t-il sa de'ne'gation l Le voici :
Mon pore, dit-il, était né Anglais, et il est décédé sujet du roi'
d’Angleterre. Il n a donc pu résider en France que comme étran
ger; o r , un étranger peut-il, à son gré et par son seul fa it, par sa
seule volonté , imprimer au séjour plus ou moins prolongé qu’il lui
plaît de faire en France le caractère d’un véritable domicile l Non,
il ne le peut, d’après l’article i 3 du Code c iv il, qu’avec l’autorisa- j
tion du gouvernement français
et cette autorisation , jamais
M. Edouard Onslow ne l’a obtenue, ni même sollicitée. M. Edouard
Onslow a donc conservé en France son domicile d’origine; c ’est
donc en Angleterre que sont censées'avoir existe , au moment de
sa mort, les propriétés mobilières qu’il a laissées en France; c ’est
donc parles lois anglaises que ses propriétés doivent être régies.
Mais toute cette argumentation va s’évanouir devant la doublepreuve que M. Edouard Onslow est mort Français , et que, quand
même il eût conservé jusqu’à son décès sa qualité originaire d’Anglais, il n’en aurait pas moins acquis en France un véritable domicile,
sans que l’art. i 5 du Code civil y eût apporté le moindre obstaclePREMIERE PROPOSITION.
il/. Edouard Onslow, quoique né sujet du roi d'Angleterre , était
devenu Français long-temps avant sa mort, et il n’ en a jamais
perdu la qualité.
Il
y avait déjà beaucoup plus de cinq ans que M. Edoua/d
Onslow était établi en France et y avait contracté avec une Fran
çaise un mariage dont il était né plusieurs enfans, lorsqu’est sur
venue la loi du 3o avril-2 mai 1790, par laquelle ont été déclarésFrançais tous les étrangers qui, ayant alors cinq années de domi
cile continu en France, avaient épousé une Française, ou y avaient,
soit acquis des immeubles, soit formé un établissement de corn-
�( 45 )
merce. M . Edouard Onslow était donc, de plein droit, devenu
Français par l'effet de cette loi ; il en a donc conservé la qualité jus
qu'à sa mort, à moins qu’on ne prouve, ce qui, dans le fait, est
impossible , qu’il l ’eût perdue par l’une des causes que determine
1article 17 du Code civil, lequel n’est à cet égard que lécho de
l’article 6 du litre 2 de la constitution du 3 septembre 1791 , de
I article 7 de la constitution du 5 fructidor an 5 , et de l ’article 4
de la constitution du 22 frimaire an 8 , c ’est-à-dire, soit par la
naturalisation acquise en pays étranger , soit par l'acceptation non
autorisée par le gouvernement étranger, de fonctions publiques
conférées par le gouvernement français , soit enfin par un établis*
sentent fa it en pays étranger , sans esprit de retour.
On oppose à cela plusieurs objections ; mais il n’en est aucune
qui puisse soutenir le choc d’une discussion sérieuse.
Première objection. La naturalisation est un contrat entre le gou
vernement qui adopte, et l ’étranger adopté. Ce contrat, comme
tous les autres, exige un consentement réciproque, et ce consen
tement ne peut résulter que d’actes positifs. O r , on ne peut citer
aucun acte par lequel M . Edouard Onslow ait réclamé et accepté
le bénéfice de naturalisation qui lui était accordé par la loi de 1790.
II n'est donc pas devenu Français par l’effet de cette loi.
D eu x réponses.
i°. L a naturalisation peut sans doute s’élablir par un contrat
positif, résultant de la demande que fait l’étranger de cette faveur,
et de la concession que lui en fait le souverain. Mais elle peut aussi
s’établir par la seule puissance de la loi, et sans l’assentiment ex
près de l’étranger. Le souverain, par cela seul qu’il est souverain,
peut dire : J e v e u x q u e t o u s c e u x q u i h a b i t e n t m e s é t a t s s o i e n t
c i t o y e n s ; et une fois qu’il l ’a dit, nul n’a le droit de lui répondre :
J e n e v e u x p a s ê t r e c i t o y e n , q u o iq u e ] h a b i t e v o s é t a t s . C est ainsi
que , par un édit rapporté dans la loi 17 , D . d e s t a t u h o m i n u m ,
l ’empereur Anlonin accorda aux habitans de toutes les parties de
�( 46 )
son vaste empire la qualité de citoyens romains , qui jusqu’alors
avait été réservée aux habitans de l'Italie, et plus anciennement
à ceux de Rome ; et que la loi du 5 .ventôse an 5 (dérogeant à l’ar
ticle 5 de celle du 9 vendemiaire an 4 > par laquelle la qualité
de citoyen français était restreinte , dans la Belgique , aux habitans
des communes qui avaient voté, en 1793, leur réunion à la France),
déclara citoyens français indistinctement, et sans qu’ils l ’eussent
demandé, sans s’enquérir de leur acceptation, tous les habitans
des communes de la Belgique dont la souveraineté n’était dévolue
à la France que par droit de conquête.
Il aurait donc été bien au pouvoir de l’assemblée constituante
de dire, le 5o avril 1790 : « Je déclare Français tous les étrangers
» qui sont actuellement domiciliés en France , n’importe qu’ils
» ne le soient que depuis peu, ou qu’ils le soient depuis plusieurs
» années. Je les laisse libres de se faire ou de ne se faire pas ad» mettre à l ’exercice des droits politiques attachés à cette qualité,
» en prêtant le serment requis à cet effet; mais qu’ils s’y fassent
•> admettre ou non, qu’ils prêtent le serment requis à cet effet,
» ou qu’ils ne le prêtentpas, ils n’en seront pas moins Français,
» comme le sont tous ceux qui, nés en France, ne prêtent pas cé
» serment; comme le sont tous ceux qui, nés en France, se trou» vent, par l’effet de la non-prestation de ce serment, exclus de
» l ’exercice de droits de citoyens actifs. »
Sans doute, si en disposant de la sorte, si en déclarant ainsi
règnicoles de plein droit, tous les étrangers sans distinction qui
résidaient alors en France , la loi de 1790 les eût mis dans l’impuis
sance d’en refuser la qualité, elle aurait fait un grand abus du po\ivoir législatif; elle se serait souillée, à leur égard, d’un vice de
rétroactivité inexcusable; elle les eût privés, malgré eux, des droits
qui leur étaient acquis à la qualité de citoyens ou sujets de leur
pays; et il y a évidemment rétroactivité, selon les principes de
tous les temps Ct de tous les lieux, renouvelés par l’arl. 2 du
�( 47 )
Code civil, là où des droits précédemment acquis sont violes; il
n’y en a même à proprement parler que là (1).
Mais elle ne serait pas sortie de la sphère légitime du pouvoir
législatif; elle n’aurait pas rétroagi dans le sens de 1 article 2 du
Code civil, si, en leur conférant la qualité de règnicoles , sans
qu’ils l'eussent demandée, elle ne leur eût pas ôté la faculte
de répudier celte qualité , en sortant du territoire français ; elle
n’aurait fait, en les plaçant dans l’alternative de sortir immédiate
ment du territoire français, ou d’accepter la naturalisation qu elle
leur conférait, que s en remettre à leur volonté sur le choix entre
l ’acceptation de la nouvelle qualité dont elle eût voulu les investir,
et la conservation de celle de citoyen ou sujet de leur pays natal;
et de là même il résulte qu’ils auraient nécessairement été censés
opter pour la première, et renoncer à la seconde, par cela seul
qu’ils auraient continué leur domicile en France. C ’est la consé
quence irrésistible de. la combinaison de deux principes également
incontestables : l’u n , que le souverain d’un pays, par cela seul qu’il
en est souverain, a le droit d’empêcher qu’un étranger ne s’y éta
blisse, comme celui d’en faire sortir ceux qui y sont déjà établis,
et par suite de régler les conditions sous lesquelles il lui convient
de leur permettre, soit d’y former, soit d’y continuer des établissemens (2); l’autre, qu’en fixant ou continuant leur domicile
dans un pays qui n’est pas le leur, les étrangers acceptent virtuel
lement les conditions sous lesquelles la loi de ce pays les autorise
à l ’y fixer ou continuer.
A insi, dans l’hypothèse à la discussion de laquelle nous nous li-
( 1 ) Voyez le Répertoire de jurisprudence, aux mots Effet rétroactif , sect. 3 ,
§ 1 " , n° 3.
(a) Voyez le Droit des gens de Vatel, § 3ao; et le Répertoire de jurispru-,
dcnce, aux mots Effet rétroactif \section 3, § 3, art. 3.
�( 43)
vrons ici surabondamment, quand môme M. Edouard Onslow n’eût
été, lors de la publication de la loi de 1790, domicilié en Franco
que depuis peu de temps, il aurait suffi qu’à la suite immédiate
de cette publication, il ne fût pas sorti du territoire, ou du moins
n’eût pas manifesté authentiquement le dessein d’en sortir le plus
tôt possible, pour qu’il devînt Français de plein droit.
2°. Nous sommes fort loin de cette hypothèse; il ne s’agit pas
ici d’une naturalisation imposée, plutôt qu’accordée à des indivi
dus qui, non-seulement ne l’eussent pas demandée expressément,
mais même n’eussent rien fait qui permît de leur en supposer
l ’envie. La loi de 1790 n’a pas naturalisé indistinctement tous les
étrangers q u i, au moment de sa publication, avaient en France un
domicile quelconque ; elle n'a accordé ce bienfait qu’à ceux d’entr’eux dont le domicile en France comptait déjà au moins cinq
années révolues, et qui ayaient, en outre, ou épousé une Française,
ou acquis des immeubles, ou formé des établissemens de comu
merce, ou obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville ;
et pourquoi le leur a-t-elle accordé? parce qu’elle a trouvé dans
les faits matériels et positifs que signalait la position dans laquelle
ils s’étaient eux-mêmes placés en France, des signes non équivo
ques d’une intention bien marquée de s’associer aux destinées de
la nation française; parce qu’elle a présumé, d’après ces faits, qu’iis
aspiraient à devenir Français’; parce qu’elle a considéré ces faits
comme équipollens à une demande tacite en naturalisation. Elle n’a
donc fait, en déclarant qu’ils étaient réputés Français , qu’adhérer
à un vœu qu’elle présumait elle-même être au fond de leur cœur.
Mais dès là , il est clair que leur naturalisation s’est trouvée com
plète, du moment où a été promulguée la loi qui la leur conférait
sur leur demande présumée par elle, et qu’ils n’ont pas eu besoin
de l ’accepter expressément pour lui donner tout son effet à leur
égard, comme il n’est pas besoin pour la perfection d’un contrat
formé par le concours des volontés des deux parties contractantes,
�( 49 )
qu’après l ’adhésion donnée par l ’une à la proposition mise en avant
par l’autre, celle ci accepte l’adhésion qu’y a donnée celle-là.
Sans doute, si M. Edouard Onslow, à la vue de la loi qui le natu
ralisait sur la-seule présomption formée par elle , d'après la position
dans laquelle il s’était placé en France depuis plus de cinq ans, de
sa volonté de devenir Français, eût trouvé qu’elle avait mal inter
prété ses intentions, et s’il eût voulu conserver, à l’égard de la France,
sa qualité d'Anglais, il aurait pu le faire ; car il est de principe que
les présomptions admises par la loi, doivent céder à des preuves
contraires, à moins que la loi elle-même n’en dispose autrement.
Mais comment aurait-il dû s’y prendre pour cela? de deux manières
seulement.il aurait fallu, ou qu’immédiatement après la publication
de la loi, il eût protesté devant la municipalité de son domicile,
qu’il n’avait pas entendu, par l ’établissement qu’il avait forme en
France, et par le mariage qu’il y avait contracté, abdiquer sa
qualité d’Anglais, ou qu’il eût fait sur-le-champ ses dispositions
pour retourner en Angleterre, et qu’il eût quitté la France sans
esprit de retour. C ’étaient là les seuls moyens qu’il eût de faire
cesser la présomption q u i, dans l’esprit de la l o i , le faisait réputer Français; car il est de principe, comme le dit textuellement
un arrêt de la cour de cassation , du 5 janvier 1810 , sections réu
nies, que, si une présomption de droit peut être détruite par la
preuve positive d'un fa it contraire à celui qu elle suppose, elle ne
peut du moins pas l'être par des présomptions non autorisées par
la loi et purement arbitraires (1).
Or, M . Edouard Onslow n’a employé ni l ’un ni l ’autre de ces
moyens pour conserver en France sa qualité d’Anglais. Il a donc
reconnu que la loi de 1790 avait fait une juste interprétation de
( 1 ) Questions de dro it, au mot Douanes, § 1 2 . Voyez aussi M. Touiller, t. 1 0 ,
pag. 89 .
7,
�( 5o )
la volonté qu’il avail cue en s’établissant dans le royaume , et en
y épousant une Française, de devenir Français.
Et dans le fait, il n’aurait pas pu agir autrement; il n’aurait pas
pu surtout transporter sa femme en Angleterre, et la rendre An
glaise, sans manquer aux engagemens qu’il avait implicitement
pris envers elle et ses parens, par son contrat de mariage.
C ’est trop peu dire : il n’aurait pas pu prendre ce parti, sans*se
mettre en contradiction avec lui-même; car il n’avait pas attendu
que la loi de 1790 le réputât Français pour se regarder et agir
comme tel. Déjà, et dès le 27 décembre 178g, il avait, comme
nous l’avons annoncé plus haut, prété individuellement et en qua
lité de garde national,* entre les mains des officiers municipaux de’
Clermont-Ferrand, le serment de soutenir la constitution et les
décrets de l'assemblée nationale.
Du reste, c ’est bien inutilement qu’au texte de la loi de *790,
et à la preuve irréfragable du fait que M. Edouard Onslow a cons
tamment reconnu jusqu’à sa mort qu’elle lui était applicable} on
vient objecter q u e , d’après la jurisprudence de son pays natal r
1 allégeance, c ’est-à-dire, la fidélité qu’il devait à son souverain na
turel, le niellait dans l’impuissance de se faire naturaliser en pays;
étranger, sans la permission de celui-ci.
La jurisprudence anglaise n'offre, à cet égard, rien de particu
lier; elle n’est que le corollaire d’un principe de tous les temps,
et commun à tous les pays, comme le disait Louis X IV , dans le
préambule de son édit du mois d’août 1GG9, relatif à Immigration,
que « les liens de la naissance qui attachent les sujets naturels à
» leur souverain et à leur patrie, sont les plus étroits et les plus
» indissolubles de la société civile; que l’obligation du service
» que chacun leur doit, est profondément gravée dans le cœur
» des nations les moins policées , et qu’elle est universellement
» reconnue comme le premier et le plus indispensable des devoina
,y de l’homme. »
�( 5i )
A insi, il y a , pour la naturalisation d un Français en Angleterre,
le même obstacle que pour la naturalisation d un Anglais en France ,
il n’est pas plus permis à un Frarçais d’obtenir 1une sans 1autori
sation de son gouvernement, qu’il ne l’est à un Anglais d obtenir
l’autre sans l ’autorisation du gouvernement britanniqueMais tout ce qui résulte d e là , c’est que si, au mépris des lois
politiques de leur patrie respective, un Français et un Anglais se
font naturaliser, l’un en Angleterre, sans l’autorisation du roi des
Français, l’autre en France, sans l’autorisation du roi d'Angle
terre, ils s’exposent tous deux, en cas qu’ils reparaissent chacun
dans sa patrie originaire, à y être poursuivis comme coupables
de félonie; et c’est h quoi a pourvu, pour ce qui concerne la
France, le décret impérial du 2G août 1811.
Faire un pas de plus et aller jusqu’à dire que la naturalisation
de l’un et de l’autre sera nulle et comme non avenue par rapport
au pays^dont le gouvernement l ’aura accordée, en sorte que le
Français, quoique naturalisé en Angleterre, y soit toujours con
sidéré comme Français, et que l’Anglais, quoique naturalisé en
France, y soit toujours considéré comme Anglais , ce serait subal- .
terner la souveraineté française à la souveraineté britannique, et
la souveraineté britannique à la souveraineté française ; ce serait
méconnaître les premiers principes du droit des gens.
Aussi est il de notoriété universelle qu’une foule d’Anglais na
turalisés en France sans l’autorisation du gouvernement britanni
que , y ont constamment été et y sont encore traités en tous points
comme Français, et que c’est notamment par la loi française que
sont régies leurs successions mobilières.
Deuxième objection. La loi du 3o avril-2 mai 1790, n’accorde
la naturalisation aux étrangers dont elle s’occupe, que sous la
condition de prêter le serinent civique. O r, il n’existe aucune
preuve qu’Edouard Onslow ait jamais prêté le s e r m e n t civique en
France. II n’est donc, pas devenu Français par 1 effet de cette loi.
7*
�( 5a )
Encore deux réponses,
i°. En f a i t , comment peut-on dire que M . Edouard Onslow
n’a jamais- prélé le serment civique en France? Non-seulement il
l ’avait prêté même avant la publication de la loi dont il s’agit,
comme le constate le procès verbal déjà cité de la mairie de
Clennont-Ferrand, du 27 décembre J789; mais ce qui prouve,
ou qu’il avait réitéré ce serment immédiatement après la publica
tion de celte loi, ou que la réitération en avait été jugée inutile
pour le faire admettre à l’exercice des droits de citoyen actif, c ’est
qu’en l’an 5 , il a été appelé aux fonctions d’électeur, et qu’il les a
remplies.
2°. En droit, il suffit de lire la loi en entier, pour voir celle
objection s’évanouir d’elle-même.
« L ’Assemblée nationale (y est-il dit), voulant prévenir les dif» ficullés qui s’élèvent au sujet des conditions requises pour de» venir Français , décrète ce qui suit:
» Ceux qui, nés hors du royaume de parens étrangers, sont
» établis en France, sont réputés Français, et admis, en prêtant
» le serment civique, à l’exercica des droits de citoyens actifs ,
»
»
y
»
»
»
»
après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils ont, en
outre ou acquis des immeubles, ou épousé une Française, ou formé
un établissement de commerce, ou reçu dans quelque ville des
lettres de bourgeoisie..., nonobstant toits règlemens contraires
auxquels il est dérogé, 'sans néanmoins qu’on puisse induire du
présent décret, qu’aucune élection faite doive'être recommencée’. »
Voilà le texte intégral de la loi d’après laquelle on prétend que
M . Edouard Onslow n’aurait pu devenir Français, qu’en prêtant
le serment civique; et cette prétention serait évidemment fondée,
si, comme le disait le soussigné, le 22 mars 1806, à l’audience
(le la Cour de cassation, chambres réunies, dans l'affaire MacMahon, les expressions conditionnelles, en prêtant le serment ci-
�( 53 )
vique, étaient placées ou immédiatement après les mots réputés
Français, ou immédiatement après les mots, et admis a l exercice
des droits de citoyens actifs; et si, en conséquence, la loi disait :
Sont réputés Français en prêtant le serment civique, ou sont ré
putés Français, et admis à l'exercice des droits de citoyens actifs,
en prêtant le serment civique. Dans le premier cas, la condition ,
en prêtant le serment civique, se rapporterait au seul membre de
phrase, sont réputés Français; dans le second, elle se rapporte
rait tout à la fois à ce premier membre de phrase et au suivant,
admis à Vexercice des droits de citoyens actifs ; et le sens de la
phrase entière serait que, tant pour cire réputés Français, que
pour être admis à l’exercice des droits de citoyens actifs, les étran
gers établis en France sont tenus de prêter le serment civique. —
Mais ce n’est nî de l’une ni de l’autre de ces deux manières que
s’énonce la loi : Sont réputés Français, dit-elle, et admis, en prê
tant le serment civique, à l ’exercice des droits de citoyens actifs.
Ce n est donc que pour l’admission à l’exercice des droits de ci
toyen actif, que la loi exige la prestation du serment civique. Cette
condition n est donc pas imposée à la disposition résultant des
mots, sont réputés Français ; la loi laisse donc cette disposition
dans son sens pur et simple ; elle présente donc cette disposition
comme absolue.
Et il ne faut pas s’étonner que la loi ainsi entendue , comme elle
doit l’être d’après les premières règles de la syntaxe, exige, pour
l’admission des étrangers établis dans le territoire français à l’exer
cice des droits de citoyens actifs, une condition qu’elle ne prescrit
pas pour leur naturalisation.
Elle ne fait, îicet égard , pour les personnes nées hors de France,
que ce qu elle f a i t pour les personnes nées en France même. Les
petsonnès nées en France norit Françaises de plein droit; elles ne
sont pourtant pas admises de plein droit aux avantages attachés à la
qualitédecitoyen actif; elles n ’y s o n t a d m i s e s , aux termes de l’art. 3
�( 54 )
da la première section delà loi du 22 décembre 1789, que sous deux
conditions : l’une de se munir d’une inscription civique; l’autre de
prêter, à l’âge de vingt-cinq ans, le serment de maintenir de tout son
pouvoir la constitution du royaume , d’ étrefidèle à la nation , à la
loi et au roi, et de remplir avec zèle et courage lesfonctions civiles
et politiques qui leur seront confiées.
Veut'On une autre preuve que c ’est uniquement à l ’admission
des. étrangers aux droits de citoyens actifs que la loi du 5o avril
1790 attache la condition de prêter le serment civique, et qu’elle
ne l ’attache pas à leur naturalisation ? Nous la trouverons dans la
loi du 9 décembre de la même année, concernant les biens des
religionnaires fugitifs : « Toutes personnes ( y est-il dit, art. 20 ) ,
» qui, nées en pays étranger , descendent, en quelque degré que
» ce soit , d’un Français ou d ’ u n e F r a n ç a i s e expatriés pour cause
» de religion, s o n t déclarés naturels Français , et j o u i r o n t des
» droits attachés àcette qualité , s’ils reviennent en France, y fixent
» leur domicile , et y prêtent le serment civique. » — On voit que ,
dans cette disposition, comme dans la loi du 5o avril précédent,
la naturalisation est accordée en termes qui ont un effet actuel, ab
solu et indépendant de toute condition, sont déclarés naturels Fran
çais ; et qu elle est accordée , non-seulement aux descendans de
Français expatriés pour cause de religion, mais encore aux descend a n s d e Françaises expatriées pour lamêmecause, et par conséquent
nés étrangers comme leurs ascendans. On voit aussi que, dans cette
même disposition, la loi s’exprime au futur, jouiront, et n’exige
entre autres la condition du serment civique, que relativement
h la jouissance des droits attachés à celte qualité. Ce n’est donc
,point par inattention , c’est par suite d’un système combiné et ré
fléchi, c’est pour raccorder cntr’cllcs toutes les parties de la légis
lation sur celte matière, que la loi du 5*0 avril 1790 fait rapporter
la condition , en prêtant le serment civique , aux seuls mots, et ad
mis à l'exercice des droits de citoyens actifs ; et qu’en la faisant
�( 55 )
rapporter à ces seuls mots , elle en affranchit la premiere et prin
cipale disposition , sont réputés Français.
'troisième objection. Pour que la loi (lu So avril-2 mai 179° cut
pu cire censée ne rapporter les mots en prêtant le serment civique
qu’à l’admission des étrangers dont elle s’occupait, à 1 exercice des
droits de citoyens actifs ; pour qu’elle eût pu être censée ne pas les
rapporter également a la naturalisation de ces étrangers , il faudrait
supposer , comme le faisait M . Merlin dans l’affaire Mac-Mahon,
qu elle avait deux objets différons , celui de déterminer les condi
tions imposées à l’étranger pour devenir Français, et celui de fixer
les conditions requises de l’étranger pour être admis à l ’exercice
des droits de citoyen actif; or, cette supposition est inadmissible.
En effet, si l’un des objets de la loi eût été de fixer les conditions
requises de l’étranger pour être admis à l ’exercice des droits de ci
toyen actif, elle ne se serait pas bornée , dans celle de ses dispo
sitions qui s’y serait référée , à énoncer seulement la prestation du
serment civique ; elle eût rappelé toutes les autres conditions pres
crites pour l’exercice des droits politiques. L e serment civique n’é
tait pas la seule condition, ainsi que le supposait M. M erlin; les
lois en vigueur à cette époque , et notamment le décret relatif aux
assemblées primaires et administratives, prescrivaient des condi
tions au nombre de cinq. Les Français n’étaient certainement pas
soumis à un plus grand nombre deconditionS que ne l’aurait été l’é
tranger naturalisé. L a loi de 1790 ne renfermait donc pas, comme
le soutenait M. M erlin, les conditions nécessaires pour devenir
citoyen actif, mais seulement pour être réputé citoyen français ;
son objet était d’ailleurs déterminé par son titre ( c ’est sans doute
son préambule qu’on a voulu dire),ainsi conçu : « L ’assemblée na» tionale voulant prévenir les difficultés qui s’élèvent au s u je t des
» conditions requises pour devenir Français. »
Réponse. Oui, l’objet principal, e t, à proprement parler, lobjet unique de la loi, était, comme elle le disait elle^même dans son
�( 56)
préambule, de prévenir les difficultés qui s'élèvent au sujet des con
ditions requises pour devenir Français ; mais c ’est de là même qu’est
parti le soussigné dans ses conclusions du 28 mars 180G, pour, éta
blir qu’elle né rapportait les mois en prêtant le serment civique ,
qu’à l'admission des étrangers naturalisés par les moyens qu’elle in
diquait à l ’exercice des droits de citoyens actifs; et, pour se con^
vaincre delà justesse de la conséquence qu’il tirait de là , en même
temps que pour voir disparaître la prétendue absurdité qu’il y au
rait h ne rapporter la condition exprimée par les mots en prêtant
le serment civique , qu’à l ’admissibilité des étrangers naturalisés
par les moyens qu’indiquait la lo i, à l’exercice des droits de ci
toyens actifs, il ne faut que se rappeler, i°. où s’étaient élevées les
difficultés que rassemblée nationale déclarait vouloir |prévenir au
sujet des conditions requises pour devenir Français ; 20. à quelle
occasion elles s’étaient élevées; 3°. quelle question elles présen
taient à résoudre.
Ces difficultés s’étaient élevées d"ans les assemblées primaires
q u i, à celte époque, étaient convoquées de toutes paris pour pro
céder aux élections des administrateurs de districts et de départemens; et c’est à quoi font évidemment allusion les derniers termes
de la loi elle-même : sans néanmoins qu'on puisse induire du pré
sent décret qu'aucune élection fa ite doive être recommencée.
Elles s’étaient élevées à l’occasion du grand nombre d’étrangers
non naturalisés dans l’ancienne forme, mais qui étant domiciliée en
France depuis plus ou moins de temps, se présentaient aux as
semblées primaires pour y voter, comme réunissant les cinq qua-,
lités quede décret du 22 décembre 1789, sanctionné par lettrespatentes du mois de janvier 1790, avait déclarées nécessaires pour
être citoyen a c tif, savoir, i°. d ’ê t r e F r a n ç a i s o u d e v e n u F r a n
ç a i s ; 2°. dêtre majeur de vingt-cinq ans accomplis', 3 e. d'être do
micilié d é fa it dans le canton, au moins depuis un an; l\. de payer
une contribution directe de la valeur locale de trois journées de
�( $7 )
travail; 5°. de n être point dans l ’état de domesticité, c'est-à-dire,
de serviteur à gages.
Enfin, ces difficultés se réduisaient à Une seule question, à
celle de savoir ce qu’avait entendu le décret du 22 décembre 1789»
par les mots ou devenu français ; c’est-à-dire, si l’on devait s’en tenir
strictement à l’ancienne maxime, qui, à quelques exceptions près,
n’admettait les étrangers à la condition de règnicoles, qu’autantqu’ils
représentaient des lettres-patentes de naturalisation , enregistrées
dans les cours supérieures, ou si, par dérogation à celte ancienne
maxime , ils’ devaient être considérés comme naturalisés de plein
droit, soit par cela seul qu’ils demeuraient depuis plus ou moins
de temps en France, sans esprit de retour dans leur pairie origi
naire, soit au moins parce qu’en outre ils s’y étaient mariés avec
des Françaises, ou qu’ils y avaient acquis des propriétés mobilières,
ou qu’ils y avaient formé des établissemens de commerce, on
qu’ils avaient obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville
du royaume. C ’était entre ces deux thèses que gisait toute la con
troverse; car on était généralement d’accord que s i, quoique
dépourvus de lettres de naturalisation, ces étrangers avaient
droit d’êlrc considérés comme devenus Français, ils devaient,
par une suite nécessaire, être admis à l’exercice des droits de ci
toyens actifs, en rapportant la preuve qu’ils réunissaient à cette
première qualité, les quatre autres requises par l'article 5 de la
loi citée; et il est à remarquer que celte preuve, d’après le mode
qu’en avait fixé l’article 4 de la même loi, devait nécessairement
emporter celle de la prestation du serment civique ; car voici com
ment était conçu cet article ; « Les assemblées primaires forme» ront un tableau des citoyens de chaque canton, et y inscriront
» chaque année, dans un jour marqué, tous ceux qui auront at» teint 1 âge de vingt-un ans, après leur avoir fa it prêter le ser» nient de fidélité à la constitution, aux lois de l ’ état et au roi;
» nul ne pourra être électeur, et ne sera éligible dans les assem-
8
�(
53
■
)
» blées primaires, lorsqu’il aura accompli sa vingt-cinquième an* née , s’il n’a été inscrit sur ce tableau civique. »
Ainsi, les étrangers qui, domiciliés en France depuis cinq ans,
ou s'v étaient mariés avec des Françaises, ou y avaient acquis des
immeubles, ou y avaient formé des établissemens de commerce,
ou y avaient obtenu des lettres de bourgeoisie dans quelque ville,
devaient-ils être réputés Français, quoiqu’ils n’eussent pas obtenu
de lettres de naturalisation? C ’était là le seul point qui fit diffi
culté ; et s’il était résolu en leur faveur, il ne pouvait pas rester
le moindre doute sur leur admissibilité à l’exercice des droits de
citoyens actifs, en prêtant le serment civique.
Co fut ainsi, en effet, que la question fut présentée à l ’assem
blée nationale par son comité de constitution ; et la preuve que ce
fut ainsi qu’elle l ’envisagea elle-même, c ’est qu’elle déclara ex
pressément que la solution en était nécessaire, non pour régler
le mode d’admission des étrangers devenus Français à l’exercice
des droits de citoyens actifs, objet sur lequel la loi du 22 dé
cembre 1789 avait déjà tout réglé, mais pour prévenir les diffi
cultés élevées au sujet des conditions requises pour devenir Fran
çais, qualité qui, bien certainement, était indépendante de celle
de citoyen actif, et pouvait exister sans elle.
Que conclure de tout cela? une chose fort simple, mais déci
sive : c’est qu’à la vérité la loi du 5o avril-2 mai 1790 a déclaré que
les étrangers devenus Français ne seraient admis à l’exercice der»
droits de citoyens actifs, qu’en prêtant le serment civique; mais que
ce 11’était là qu’un accessoire de son objet direct; que son objfet
direct était de décider si les étrangers pouvaient devenir Français. •
Sans lettres de naturalisation, et à quelles conditions ils pouvaient
le devenir; qu’elle a rempli cet objet en voulant, par sa disposi
tion principale, que l’on réputât Français les étrangers q u i, ayant
en France un domicile continu de cinq années, auraient épousé
des Françaises, etc.; et que, dès lors, il serait aussi contraire' à
�C 5g )
son esprit qu’au sens grammatical de son texte, de faire rapporter
a sa disposition principale, les moLs en prêtant le serment civique,
qui ne figurent que dans sa disposition accessoire.
Quatrième objection. Les efforts que l ’on fait ici pour établir
que la loi du oo avril-2 mai 1790 a naturalisé de plein droit et
sans prestation de serment civique, tout étranger qui était alors
domicilié depuis cinq ans en France et avait épousé U n e Fran
çaise , on les a faits inutilement dans l'affaire Mac-Mahon, devant
la Cour d'appel de Paris, devant la chambre civile de la Cour de
cassation , devant la Cour d'appel d’Orléans, devant les chambres
réunies de la Cour de cassation, et devant la Cour d’appel de Dijon.
liéponse. La question de savoir si le sieur Mac-Mahon avait
etc naturalisé de plein droit par la loi dont il s’agit, n’a pas même
été soulevée devant la Cour d’appel de Paris.
- C'est devant la chambre civile de la Cour de cassation qu’elle a
été agitée pour la première fois; et l’arrêt de celte Cour, du 3o plu
viôse an i 5 , 1 a certainement laissée entière, puisque, la regardant
comme surabondante dans l’espèce, il n’en a pas dit un mot.
II est vrai que 1 arrêt de la Cour d’Orléans, du 11 thermidor de
la même annee, l a jugée pour la négative, et qu’en cassant cet
arrêt, le 22 mars i8o6,les chambres réunies de laCour de cassation
11e se sont pas plus expliquées que ne l’avait fait précédemment la
chambre civile, sur la prétendue cxlranéité du sieur Mac-Mahon ,
et qu elles se sont bornées à dire que le sieur Mac-Mahon ne pou
vait pas se soustraire à ïapplication de la loi du 26 germinal
M u i sous le prétexte qu'il était étranger, non soumis à la législation française.
Mais 1 arrtitdo lacour d’appel de Dijon , du 27 août 1806, n’est
pas resté muet sur ce point important : il a expressément déclaré
q u e , « soit comme Français naturalisé en exécution de la loi du
» 3o avril-2 mai 1790 , soit même comme étranger domicilié en
» France, marié sous 1-empire des lois françaises , et ayant même
8*
�( 6o )
» reconnu solennellement ces lois comme devant régir le pacte
» nuptial, le sieur Mac-Mahon était indispensablement tenu de
» l’exécution de la loi du 20 septembre 1792 , de celle du 26
» germinal an 11 , et du décret du 18 prairial an 12. >> Il a donc
décidé nettement que le sieur Marc-Mahon eût dû succomber,
quand même sa ci-devant épouse n’aurait eu à lui opposer que sa
qualité de Français naturalisé par l'effet de la loi de 1790.
Au surplus, ce qui prouve bien clairement qu’en s’abstenant de
se prononcer dans l’affaire Mac-Mahon, sur la doctrine professée
parle soussigné à ses audiences des 3o pluviôse an i 3 et 22 mars
1806, la Çour de cassation n’avait pas entendu la condamner, mais
seulement en ajourner l’examen jusqu’à ce qu’il se présentât une
espèce où il deviendrait nécessaire d’y statuer; c’est qu’elle l’a adop
tée formellement par l’arrêt qu’elle a rendu le 27 avril 1819, au
rapport de M. Favart de Langlade, et sous la présidence de M.Henrion de Pansey , au sujet du testament du prince d Hénin. .
Et c ’est bien vainement que l’on s'efforce de trouver des diffé
rences entre l’espèce sur laquelle cet arrêt a été rendu, et celle
dont il est ici question.
L e prince d’Hénin était né étranger comme M. Edouard Onslow,
e t , comme lui, il avait épousé une Française ; mais il n’avait pas
plus que lu i, avant la loi du 3 o avril-2 mai 1790, obtenu des let
tres de naturalisation.
Il est vrai qu’en 177/* il avait été fait capitaine des gardes du
comte d’Artois ; qu’il avait dû , en cette qualité , prêter le serment
de fidélité au roi. Mais ni l’acceptation de cette place, dont il avait
exercé les fonctions purement militaires jusqu’en 1789, ni la pres
tation de ce serment, n’avaient pu équivaloir pour lui à des let
tres de naturalisation; elles n’auraient pu le rendre Français , aux
termes de la déclaration du roi du 5 o novembre 17 15 , qu’autant
qu’il eût déclaré au greffe du présidial dans le ressort duquel il
était domicilié, c ’est-à-dire, du Châtelet de Paris, qu’il entendait
�( 61 )
Rétablir , vivre et mourir dans le royaume (1) , formalité qu’il n avait jamais remplie.
A u ssiM M .d e Caraman,qui soutenaient qu’il était décédé Fran
çais, ne s’appuyaient-ils que faiblement sur la déclaration du 3o no
vembre 17 16 , et tiraient-ils leur principal moyen de la loi du
5o avril-2 mai 1790.
Par arrêt du 25 avril 1818 , la Cour royale de Paris jugea que le
prince d’Hénin était mort Français, mais sans s’expliquer spécia
lement sur le point de savoir si c’était par l ’effet de cette dernière
loi qu’il était devenu tel, et en se bornant à dire que ce fa it résul
tait de tous les actes de sa vie , tant privée que publique.
L e comte d’Alsace , dont cet arrêt rejetait les prétentions à la
succession mobilière du prince d’Hénin, l’a attaqué devant la Cour
de cassation, et a soutenu :
i°>. Qu'il violait les anciennes ordonnances du royaume , lesquel
les n’admettaient pour les étrangers d’autres moyens pour devenir
Français que d’obtenir du roi des lettres de naturalisation dûment
enregistrées;
20. Qu’il violait également la déclaration du 3o novembre 1 7 15,
qui subordonnait le bénéfice de naturalisation qu’elle accordait
aux étrangers ayant dix années de service militaire en France, à
une formalité que le prince d’Hénin n’avait pas remplie ;
3°. Qu’il ne violait pas moins la loi du 3o avril-2 mai 179 0, en
ce qu elle ne naturalisait les étrangers mariés à des Françaises, que
sous la condition de prêter le serment civique, condition à laquelle
le prince d’Hénin ne s’était jamais soumis avant sa mort, et que
1 on ne pouvait pas sérieusement prétendre avoir été accomplie A
1 avance par la prestation qu’il avait faite, en 1774» d’un serment
de fidélité au roi, qui ne pouvait pas é v id e m m e n t équivaloir auser-
(*) Voyez le Urperloire de Jurisprudence, au m ot Aulaine , n° 6-4*
�(6a )
ment d'être fidèle à la nation et au roi, et de maintenir une cons
titution dont l’objet principal était de diminuer les attributs de l’au
torité royale ;
.
.
t.
4°. Qu’en tout cas, il en faisait une application fausse et rétroac
tive, parce que le domicile continu de cinq ans ne »pouvait être cal
culé qu’à partir de la promulgation de la lo i, et qu’il ne s’était pas
écoulé cinq ans entre la promulgation de la loi et la mort du prince
d'Hénin.
•
De ces quatre moyens de cassation , les deux premiers rentraient
évidemment dans le troisième, et le quatrième était insoutenable
en présence de ces termes de la loi du 5o avril-2 mai 1790, sam
néanmoins qu’on puisse induire du présent décret qu aucune élec
tion fa ite doive être recommencée ; car il en résultait manifeste-*
ment que celte loi avait en vue, non les étrangers qui demeure-*
raient à l’avenir pendant cinq ans en France, mais les étrangers
qui jusqu’alors y avaient demeuré sans interruption pendant cinq
années.
?
Il ne restait donc que le troisième moyen ; et là se présentait,
dans toute sa simplicité, la question de savoir si la naturalisation
des étrangers domiciliés en France depuis cinq ans, et mariés à des
Françaises, était subordonnée à la condition de prêter le serment
civique.
O r , celte question , l’arrêt de la Cour de cassation, du 27 avril
1819, l’a décidée textuellement pour la négative;
« Attendu que la loi du 2 mai 1790 distingue entre les étrangers
» qui doivent être réputés Français et ceux qui veulent être admis
» à l’exercice des droits de citoyens actifs ; qu’elle impose aux pre» iniers deux conditions : i°. d’avoir dans le royaume un domicile
*> continu de cinq années; 2°. d’avoir, ou acquis des immeubles
» en France, ou épousé une Française, ou formé un établissement
» de commerce, ou reçu dans quelque ville des lettres de bour» jgeoisie; q u e , pour les seconds, elle exige les mêmes condû
�( 63 )
» tîons , et, en outre , la prestation du serment civique; que cette
» distinction , qui résulte de la construction grammaticale de la loi,
» est justifiée par la différence des droits civils attachés à la qua
rt lité de Français, et des droits politiques inhérens nu titre de ci» toyens actifs; qu’il suit de là que, d’après la loi du 2 mai 1790,
» le serment civique exigé de l’étranger qui voulait exercer en
» France les droits politiques de citoyen actif, ne l’était pas de
» celui qui voulait seulement être réputé Français ;
» Attendu qu’il résulte des faits déclarés constans par l'arrêt
» attaqué , que le prince d’Hénin , né à Bruxelles en 1744, a été
» peu de temps après sa naissance , amené en France par sa mère,
» Française d’origine; qu’il y a résidé jusqu’à sa mort, arrivée en
» 1794.; qu’en 1758 , il obtint du roi de France des lettres de bé» néfice d’âge , qui furent entérinées au Châtelet de Paris; qu’en
* 1766 il a épousé en France une Française, et que, dans leur
)> contrat de mariage, les époux déclarèrent qu’ils se soumettaient
» aux dispositions de la Coutume de Paris; qu’en 17741 il fut
7> nommé capitaine des gardes de Monseigneur le comte d'Artois,
» et qu’en celte qualité il prêta serment de fidélité au roi ;
« Attendu que, des diverses circonstances ci-dessus énoncéesr
» il suffit que le prince d’Hénin ait résidé plus de cinq années en
» France, et qu’il y ait épousé une Française, pour être réputé
» Français , aux termes de la loi de 1790 ; que dès lors il importe
» peu qu’il ait rempli ou non les formalités voulues par les lois
» antérieures et postérieures à celles de 1790, sous l'empire de
J» laquelle la qualité de Français lui a été irrévocablement acquise;
» Attendu que, ces faits une fois reconnusr la Cour royale de
» Paris n a fait qu’une juste application des principes de la ma» tièro , en déclarant que le prince d’IIénin est mort Français. »•
Un arrêt aussi bien motivé et aussi positif 11c laisse pas la moin
dre prise au plus léger doute; et encore ne forme-t-il ici pour
M M . Onslowpuînés qu’une autorité surabondante, puisque, tomme
�( 64 )
on l ’a déjà observé , non-sculemeut leur père avait prêté, dès le
37 décembre 1789, entre les mains de la municipalité de£lermont,
le serment de soutenir la constitution décrétée par ï assemblée nationale (serment qui embrassait essentiellement toutes les parties du
système constitutionnel, et par conséquent équipollait évidemment
au serment civique) , et que d’ailleurs sa nomination aux fonctions
d électeur en l’an 5 fait nécessairement présumer que s’il eut dû
prêter, pour être admis à l’exercice des droits politiques, un nou
veau serment civique après la publication de la loi do 1790, il l’a
vait effectivement prêté.
Cinquième objection. La disposition principale de la loi du 3o
avril-2 mai 1790, c’est-à-dire , celle qui prononçait la naturalisa
tion des étrangers domiciliés en France depuis cinq ans, et y ayant
en outre , ou épousé une Française , ou acquis des immeubles , ou
formé un établissement de commerce, ou obtenu des lettres de
bourgeoisie dans quelque ville, a été reproduite dans l’article 3 du
titre 2 de la constitution du 5 septembre 1791 ; et voici comment
cet article a été rédigé : « Ceux qui , nés hors du royaume, de pa» rens étrangers, résident en France, deviennent citoyens fran» çais après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils y
» ont en outre acquis des immeubles, ou épousé une Française,
» ou formé un établissement d’agriculture ou de commerce , et
)> s’ils ont prêté le serment civique. »
Réponse, Que prétend-on conclure de là ? Veut-on dire que la
constitution de 1791 n’a pas établi un droit nouveau par rapport
aux conditions sous lesquelles les étrangers pouvaient devenir Franr
çais, indépendamment de leur admission à l’exercice des droits de
pitoyens actifs ; qu’elle n’a , à cet égard, dérogé en rien à la dis
position principale de la loi de 1790, et qu’elle n’a fait qu’expli
quer le sens dans lequel cette disposition avait toujours dû êtreenlendue 1 ou bien voudrait-on insinuer que la constitution de 1791
implicitement déclaré comme non avenue la disposition princi*
�( 65 )
pale delà loi de 1790, ou, en d’autres termes, qu’elle l’a abrogée
avec effet rétroactif? Ni l’un ni l’autre système ne serait soutenable.
i°. La preuve que l ’article 5 du titre 2 de la constitution de
i 791 n’était pas simplement explicatif du sens dans lequel l’assem
blée constituante avait adopté la disposition principale de son dé
cret du 3o avril 1790 , et que son objet était, en statuant par droit
nouveau, de déroger aux règles établies depuis seize mois sur le
mode de naturalisation des étrangers, c‘est qu’il ne parlait plus de
ceux q u i, quoique dbmiciliés en France depuis cinq ans, n’y avaient,
ni épousé des Françaises, ni acquis des immeubles, ni formé des
établissemens de commerce, mais seulement obtenu des lettre^ de
bourgeoisie dans quelque ville ; c ’est par conséquent qu’il faisait
cesser, en ce qui les concernait, l ’empire de ces règles. Mais si
l ’on est forcé de reconnaître qu’il était, sous ce rapport, introductif d’un droit nouveau, il est impossible de ne pas lui attribuer le
même caractère , par rapport à la condition qu’il impose aux étran
gers de prêter le serment civique pour devenir Français, indé
pendamment de leur admission ù l’exercice des droits de citoyens
actifs.
20. Non-seulement l ’acte constitutionnel de 1791 n’rt pas déclaré
comme non avenue la disposition principale de la loi de 1790, en
tant qu elle naturalisait, de plein droit et sans prestation de ser
ment civique , les étrangers domiciliés en France depuis cinq ans
et maries à des Françaises, pas plus qu’il ne l a déclarée comme
non avenue, en tant qu’il étendait la même faveur aux étrangers
qui à la preuve d’un domicile en France ne joignaient que celle
de 1 obtention de lettres de bourgeoisie dans quelque ville du
royaume; non-seulement il ne contient pas un seul mot qui per
mette de lui en supposer l’intention , mais il n’aurait pas pu le faire
sans violer le grand principe qui limite à l ’avenir le p o u v o ir du
législateur, et le met dans l’impuissance de d é r o g e r aux droits ac
quis. J.1 en a donc été nécessairement il cet égard de la constitu9 *
�(66 >
tion de 1791, comme de toutes les lois : elle dérogeait aux lois qui
l ’avaient précédée, mais pour l’avenir seulement. Elle ne détrui
sait pas, en dérogeant aux lois antérieures, les effets qu’elles avaient
produits avant sa publication; elle respectait donc les droits que
les lois antérieures avaient conférés aux étrangers ; et de même
qu’elle ne privait pas les étrangers de la naturalisation qu’ils avaient
obtenue, avant 1789, par lettres patentes du roi, de même aussi
elle ne dépouillait pas ceux d’entr’eux q u i , domiciliés en France
depuis cinq ans, avaient épousé des Françaises', de celle que leur
avait purement et simplement attribuée la loi de 1790.
Ce qui d’ailleurs tranche là-dessus toute difficulté, c ’est que la
question a été ainsi jugée, de la manière la plus positive, par l ’arrêt
de la Cour de cassation du 27 avril 1819.
Sixième objection. M . Edouard Onslow était si peu regardé en
France comme naturalisé, qu’en 1797 il fut, comme sujet du roi
d’Angleterre, expulsé du territoire Français par un arrêté du direc
toire exécutif ; et il se regardait si peu lui-même comme Français ,
que lorsqu’il rentra en France, l’année suivante , il se trouvait por
teur d’un diplôme du roi Georges III, qui l’autorisait à y résider.
Réponse. Nous ne connaissons ni le prétendu arrêté du direc
toire exécutif, ni le prétendu diplôme du roi Georges I I I , sur les
quels repose celte objection ; mais en supposant que ces deux pièces
existent, elles ne peuvent être ici d’aucune influence.
Et d’abord , sur le prétendu arrêté du directoire exécutif, quatre
observations :
i*. En même temps que l ’on affirme, dans la consultation déli
bérée à Paris , le 17 avril i 85o , que cet arrêté existe, qu’il a expplsé M. Edouard Onslow du territoire français, et qu’il l’en a ex
pulsé à raison de sa qualité de sujet du roi d’Angleterre, on convient
que M. Edouard Onslow est rentré en France dès l’année suivante.
Mais comment y est-il entré? furtivement? Cela eût été impossible.
Il n’a donc pu y rentrer qu’en vertu d’un acte émané de la même.
�( 6? )
autorité qui l ’en avait naguère expulsé. Or , est-il concevaLle que
si le Directoire exécutif eût, en 1797, expulsé M. Edouard Onslovr
à raison de sa prétendue qualité de sujet du roi d Angleterre, il
eût pris sur lu i, en le reconnaissant toujours comme t e l , de le rap
peler en 1798, époque où (comme l’atteste hautement la loi du
G nivôse an 6, relative à un emprunt national pour une descente
en Angleterre), l’animosité contre la n a tio n britannique , bien loin
d être attiédie en France, et surtout dans les chambres législati
ves , n’avait fait que prendre une nouvelle intensité; et tout ne
poi lc-t-il pas à croire que si c’est comme Anglais que M. Edouard
Onslow a été expulsé en 1797, d’après de faux renseignemens ,
c’est comme Français qu’il a été rappelé en 1798?
2°. Pourquoi, au lieu de descendre jusqu’à l’année 1797 pour
rechercher de quel œil M . Edouard Onslow était alors regardé en
France, ne remonte-t-on pas jusqu’aux premières années qui ont
suivi la loi du 3 o avril 1790 l Pourquoi notamment ne rappellet-on pas ici quel fut à son égard l'effet de la loi du 9 octobre 179»
(19 vendeiniaire an 2 ) , laquelle ordonnait, article 1 " , le séques
tre de tous les biens meubles et immeubles appartenant en France
à des Anglais, et article 4 , l’arrestation de leurs personnes , avec
apposition des scellés sur leurs papiers ? Ah 1 sans doute, s’il eût
subi alors les rigueurs de cette lo i, 011 en trouverait les preuves
sans beaucoup de.peine , et on ne manquerait pas de les produire.
Cependant on se tait absolument là-dessus; on avoue donc impli
citement que cette loi ne fut pas appliquée à M . Edouard Onslow,
parce qu’il était généralement reconnu pour Français.
3°. Qu importerait, au surplus , qu’au milieu des désordres in
séparables de la guerre impie que tous les rois de l’Europe faisaient
alors u la nation française , il se fût" glissé dans q u e lq u e s actes
administratifs des erreurs sur l ’état qui alors appartenait en France
a M , Edouard Onslow! De pareilles erreurs sont toujours sans
conséquence, et jamais elles ne passent en force de chose jugée,
9*
�( 68 )
* 4°. Ce qui prouve qu’en effet l’erreur qui avait, en 1797 , motive
la prétendue expulsion de M. Edouard Onslow du territoire Fran
çais , a été reconnue par le gouvernement qui a succédé au direc
toire exécutif, c ’est qu’il est notoire, et qu’il serait facile de prouver,
en cas de dénégation, que, pendant tout le temps qu’a subsisté,
après le traité d’Amiens, l’ordre qui enjoignait à tous les sujets du
roi d’Angleterre de se retirer à Verdun (et l’on sait avec quelle
sévérité et quelle constance- cet ordre a reçu son exécution) ,
M . Edouard Onslow a continué d’habiter paisiblement son domi
cile dans le département du Puy-de-Dôme ; c’est surtout qu’à cette
époque même, et pendant que les Anglais non naturalisés en France
étaient tous relégués à Verdun et traités en ennemis, il était tellement considéré comme devenu Français par naturalisation, que la
municipalité de Clermont-Ferrand, le préfet du département dont
cette ville est le chef-lieu, et le ministre des finances, le compre
naient dans la liste des plus forts contribuables que le sénatus-consulte du iG thermidor an 10 appelait à former le collège électoral de
ce département.
Quant au prétendu diplôme du roi d’Angleterre , qui, en 1798,
aurait autorisé M . Edouard Onslow à résider .en France, dans quel
esprit ct-à quelle fin M . Edouard Onslow se le serait-il procuré ?
Les auteurs de la consultation du i er août x83 1 nous l’indiquent
eux-mêmes. Un acte du parlement d’Anglcterrc«venait de prendre
de sévères mesures pour empêcher plus efficacement pendant la
guerre tout individu sujet de Sa M ajesté, qui n’en aurait pas ob
tenu d’elle l’autorisation expresse, de se transporter volontaire
ment ou: de résider en France, ou dans tout autre pays ou lieu
allié de la France , ou occupé par les armées françaises, et à pré
venir toute correspondance avec les susdits individus et avec les
ennemis de Sa Majesté.
Quelles étaient ces mesures ? On ne nous le dit pas ; mais il est
évident qn’cllcs devaient tendre pour le moins à punir par de f o r t C 3
�( $9 )
amendes, et pîus probablement par le séquestre de leurs proprié
tés, les Anglais qui, sans la permission de leur gouvernement ,
se transporteraient ou continueraient de résider en France. O r , à
cette époque , M. Edouard Onslow était à la fois créancier de sou
frère aîné , à raison de sa légitime tant paternelle que maternelle ,
et possesseur des terres de Lillingstùnn et de Charlestown ; et U
était naturel qu’à la vue de cette loi il cherchât à prévenir 1 appli
cation qu’il eût été du devoir des agens du fisc britannique de
lui en faire, s’il eût gardé le silence. Mais comment devait-il s y
prendre?
Déclarer franchement qu’il était devenu Français par naturalisa
tion , et soutenir en conséquence que cette loi ne lui était pas ap’ plicable, c’eût été le pire des moyens qu’il eût pu employer. En
effet, quoique sa naturalisation en France ne fût pas un mystère
dans le département du Puy-de-Dôme , quoiqu’il eût manifesté bien
hautement, dès le 27 décembre 1789, le désir ardent qu’il avait (le
l’obtenir; quoiqu’il eût accepté bien clairement la concession que
lui en avait faite la loi de 1790 ; quoiqu’elle eût été reconnue , en
1795, par toutes les autorités locales, en s’abstenant de lui appli
quer la loif qui à cette époque avait ordonné l ’arrestation des A n
glais; quoique ses concitoyens du canton de Clermont-Ferrand
en eussent avec éclat réitéré Ja reconnaissance, en le nommant
électeur en l ’an 5 , il avait néanmoins tout lien de croire qu elle
n’était même pas soupçonnée en Angleterre , parce que si la loi de
1790 n’y était pas entièrement ignorée, les’circonstances qui l’a
vaient rendue applicable à sa personne devaient l’être, suivant tou
tes les probabilités. C ’eût donc été de sa part une grande impru
dence que d’aller dire aux agens du fisc britannique , par l’organe
d un mandataire quelconque :Je suis Français ; l'acte du parleyient en vertu duquel vous me poursuivez ne me regarde donc point ;
et les agens du fisc britannique n’auraient pas manque de repondre
^ son mandataire ; A h ! sir Edouard Onslow est naturalisé en
/
�( 7° )
France, et il l'est sans la permission du gouvernement. I l est donc
coupable de félonie ; e t , dès lors , ce n’est pas une simple amende ,
ce n'est pas un simple séquestre qu’il a à subir ; c’est la confisca
tion de tout ce qui lui est du et de tout ce qu’il possède dans la
Grande-Bretagne.
Quel expédient lui restait-il d’après cela, pour échapper aux
' peines dont le menaçait l ’acte du parlement d’Angleterre, et pour
soustraire aux investigations des agens du fisc britannique, les
créances et les propriétés qu’il avait dans ce royaume? point
d’autre que de se conduire comme il l’a fait, de se taire sur sa na
turalisation; d’agir comme si, toujours sujet du roi d ’Angleterre,
à raison de ses propriétés, il l’eût encore été à raison de sa per
sonne, et de solliciter de ce monarque la permission de résider en
France. ’
,
Mais comment pourrait-on sérieusement partir de là, pour dire
qu’en obtenant cette permission, il a effacé, anéanti et rendu inopérans tous les actes, tous les faits antérieurs des dix années précé
dentes de sa vie , et qu’il a renoncé à la naturalisation dont il était
redevable à la loi de 1790?
Q u e, dans le cas où M. Edouard Onslow aurait, avant sa mort,
quitté la France sans esprit de retour, aurait repris en Angle
terre son domicile d’origine , et y serait décédé, on raisonnât
ainsi devant les tribunaux anglais,* pour faire juger que ce n’est
pas la loi française qui doit régir sa succession mobilière, rien de
mieux. Mais il est impossible de raisonner de même devant un
tribunal français, alors que c ’est le cas absolument inverse qui est
arrivé; alors qu’au lieu de retourner en Angleterre, pour s’y fixer
irrévocablement, après avoir, à la suite du diplôme de 1798, ajouté
quelques nouvelles années de séjour en France aux dix-sept an
nées qu’il y avait précédemment passées, M. Edouard Onslow a
continue d’y demeurer sans interruption pendant les trente-une
fjnnces suivantes qui ont comploté la carrière de sa vie ; —- alors
�( 71 )
qu’en se faisant inscrire, à la suite du sénatus - consulte du
16 thermidor an 1 1 , dans le tableau des plus forts contribuables
du département du P u y -d e -D ô m e , il a manifeste 1intention
formelle de s’associer à l’exercice des droits politiques conférés au
collège électoral de ce département; — alors surtout qu il n a pas
laissé un seul pouce de terre dans la Grande-Bretagne; qu il a
vendu tous les biens qu’il y possédait, et que c’est en France qu il
en a placé le prix; — alors par conséquent que tout concourt à
démontrer qu’il n’y avait eu rien de sérieux dans les démarches
qu’il avait fait faire en 1798 auprès du gouvernement britannique,
pour obtenir une permission de résider en France, et que ces demarches n’étaient qu’un jeu imaginé par lui pour masquer sa po
sition en France aux yeux de l’Angleterre.
DEUXIEME PROPOSITION.
Quand même AT. Edouard Onslow aurait conservé jusqu'à son dé
cès , sa qualité originaire d'Anglais, il n'en aurait pas moins
acquis en France un véritable domicile, sans que la rt. i 3 du
Code civil y eût apporté le moindre obstacle ; et par suite sa
succession mobilière n'en serait pas moins régie par les lois
françaises.
Que l ’on puisse être domicilié dans un pays, quoique l’on soit
citoyen ou sujet d’un autre, c’est une vérité qui a été reconnue
dans tous les temps; et les législateurs romains l ’avaient expressé
ment consacrée, en disant dans la loi 7, C. de incolis, que le droit
de cité s’acquiert par la naissance ou la naturalisation, mais que
le domicile ne s’acquiert que par l ’incolat : Cives quidem origo,
allectio vel adoptio, inculas ve,rb domicilium facit. C ’est nieme
pour prévenir l’abus de la faculté qui, de droit naturel, appartient
à tout citoyen ou sujet d’un pays, de t r a n s f é r e r . son domicile daua
�( 72 )
un autre, que l'art. 7 du Code civil punit de la privation de la
qualité de Français tout établissement fa it par un Français en pays
étranger, sans esprit de retour.
Q u e, dans le fait, M. Edouard Onslow ait forme en France , dès
l’année i 783 , un établissement à perpétuelle demeure , cl qu’il l’ait
conservé jusqu’à sa mort, c ’est-à-dire, pendant quarante-six ans,
c ’est ce que l ’on ne nie pas et que l'on n'oserait pas nier.
Il ne nous reste donc plus qu’à nous fixer sur le point de droit.
Il présente deux questions : l ’une, s i, avant le Code c ivil, un étran
ger pouvait, par son seul fait, par sa seule volonté, el sans l’auto
risation expresse du gouvernement français, se constituer en France,
p a r rétablissement qu’il y faisait à perpétuelle demeure, du siège
de ses affaires: 1autre, si l ’article i 5 du Code civil a introduit à
cet égard un droit nouveau.
Sur la première question, il est à remarquer que l’on ne peut
citer, en faveur de la négative , qu’un auteur du commencement
du 17' .siècle (Boërius), qui, dans sa 1 ô* décision, n° 18, s’expri
mait ainsi, au sujet des étrangers : Et ta ies, inregno Franciœ ve
ulent es moratum , non possunt domicilium sibi (quocumque tempore
manserint) constituere, nec bénéficia in eodem obtinere, nec pariter
de acquisitis dispenere, etiam in proprios liberos aut alios propinquos ; sed rex capit et occupât jure albinagii.
Alais d’abord, sur quoi fondait-il l ’assimilation qu’il faisait ainsi
de la prétendue incapacité de l’étranger, d’acquérir un domicile en
France, à son incapacité bien reconnue d’y posséder des bénéfices
ecclésiastiques, et de transmettre sa succession à scs héritiers na
turels, au préjudice du droit d’aubaine! 11 n’en donnait aucune
raison.
Eu second lieu, Lefèvre de la Planche, qui, en sa qualité d ’avor
cat du Iloi au bureau des finances de Paris, avait fait une étude
approfondie de cette matière, n’hésitait pas, dans son Traité du
_dpiriaine, tome
page i/jo, à coudamner cette doctrine, comme
�( ?5 )
incompatible avec nos maximes sur ce qu'on appelle domicile.
« En effet (continuait-il), pour établir son domicile, il faut que
» deux choses concourent, concilium et factum ; et comme 1 etran♦
> ger peut faire concourir ces deux circonstances , en arrivant en
France , il s’ensuit qu’il peut y établir son domicile.
» Il est vrai que, par des lettres de 1617 et de 1G20, l ’étranger
» qui veut s’habituer en une ville du royaume, est obligé de le
» déclarer à l ’hôtel commun de la ville, sous peine den être
» hors, comme indigne; mais ces lettres mêmes fon t connaître
» que nos lois n'interdisent point à l'étranger un établissement en
» France. »
Il
y a plus/, voici ce qu’ajoutait, dans une note sur ce texte , le
savant et judicieux inspecteur-général des domaines , Lorry : « Et
« ces lettres sont tombées en désuétude ; la différence du domicile
» au droit de cité est assez sensible pour que l’exclusion de l’un
» ne soit pas l ’exclusion de l ’autre. L e domicile, uniquement re» latif à l’intention de l’homme, et ne lui donnant point un nouvel
» ctat, se change par sa volonté. L e droit de cité, comme faisant
»> partie de l’état des hommes, appartient à l’homme public, et ne
». se change que par la force des lois. »
De là, l’accord unanime de tous les auteurs qui ont écrit dans
les deux derniers siècles, à parler du droit de domicile des étran
gers en France , comme d’une vérité constante et universellement
reconnue.
Renusson, dans son Traité du douaire, chapitre 2,n* 10, suppose
un homme et une femme, étrangers d'origine, qui viennent, depuis
leur mariage, s'habituer en France ; et cette démarche par laquelle
ils viennent s’habituer en France, il l’appelle translation de do
micile.
Pothier, dans son Traité de la communauté, n° 21 , s occupe
du cas ou des étrangers , non naturalisés, m a i s d o m i c l l i e s e n
F r a n c e , s’y marient sans contrat de mariage, sous une coutume
10
�qui admet la communauté de biens sans qu’il soit besoin de la
stipuler; et il n’hésite pas à décider que la communauté légale a
lieu entre ces personnes. « Il est vrai (dit-il) que ces personnes ne
» sont pas capables du droit civil qui n’a été établi que pour les
» citoyens, tels que le ‘droit des testamens, des successions, de
» retrait lignager; mais elles sont capables de ce qui appartient
» au droit des gens, telles que sont toutes les conventions; or, la
» communauté légale n’est fondée que sur une convention que les» personnes qui contractent mariage sont présumées avoir eue
» d’établir entre elles une communauté, telle que la loi de leur
» domicile l’établit. »
Les auteurs du Nouveau Denisart, au mot Aubaine
1 , n° 5 ,
disent que « l'étranger qui décède en France dans le cours d’un
» voyage, est sujet à l'aubaine, ainsi que celui qui y décède après
» y avoir fix é son domicile. »
Les mêmes auteurs nous offrent, à l’article Droit des gens, § 2 ,
n'» 4, un arrêt du parlement de Paris, du 3o août 1742, qui, sur
les conclusions de M. l'avocat-général d’Ormesson, décide que,
lorsqu'il s'agit, de la succession d'un étranger qui a été domicilié
en France, le curateur créé en pays étranger à sa succession va
cante , ne peut pas exercer en France les actions appartenant h
celte succession; et ils y ajoutent, au mot Etranger, 5 5 , n° 4,.
un arrêt de la même C ou r, du 8 mai 1779, par lequel il fut jugé,
sur les conclusions de M . l’avocat-général Joly de Fleury, que le
sieur Junkcr, né sujet du landgrave de Hesse-Cassel, mais domi
cilié à Paris depuis 1GG1, n’avail pas pu , à raison de cette circons
tance, êlre contraint par corps au payement d’une somme de
680 livres qu’il devait à un tapissier.
A c e s autorités, qu’il serait aussi facile que superflu de multi
plier, se joignent des lois expresses qui, avant le Code civil, qua
lifiaient de domicile rétablissement que tout étranger faisait en
France du siège de scs affaires, notamment ;
�( 75 )
ï° . L a loi du 20 messidor an 3 , qui après avoir enjoint à tous les
'étrangers nés dans les pays arec lesquels la France était alors en
guerre, de sortir du territoire français dans un délai déterminé,
ajoutait, article 6: «Pourront rester en France, i°. les étrangers
» nés dans les pays 'avec lesquels la république française est
» en guerre, venus en France depuis le Ier janvier 1792, et y ayant
» un domicile connu ; »
20. La loi du 3o avril, a mai 1790, par laquelle étaient naturalisés
de plein droit tousies étrangers qui’avaient alors en France un
domicile continu depuis cinq ans, pourvu qu’ils eussent en outre,
ou épousé une Française, ou acquis des immôubles, etc.; et l’ar
ticle 3 du titre 2 de la constitution du 3 septembre 179 1, qui,
réglant pour l’avenir le mode de naturalisation de l’étranger, les
déclarait citoyens français , après cinq ans de domicile continu
dans le royaume, lorsqu’ils auraient rempli toutes les autres con
ditions qu’il leur prescrivait.
Aussi la Cour de cassation ayant à statuer par règlement de
‘juges, le 8 thermidor an 1 1 , au rapport de M . Cassaigne, sur
la question de savoir si le comte de Walsh-Serrant, en le suppo
sant Irlandais, devait être considéré comme ayant acquis un do
micile proprement dit à Paris avant sa sortie deFrance en 1789,
«t comme l'ayant repris en 1802 à sa rentrée dans le territoire
français, n a-t-elle pas hésité h annuler un jugement du tribunal
civil d Angers, qui avait embrassé la négative , par le motif qu'un
é:ranger ne peut avoir en France d'autre domicile que celui de
sa résidence actuelle, et à l’annuler, attendu quaucune loi ne
s oppose a ce que les étrangers aient un domicile réel en France,
et qu ils demeurent conséquemment sous la disposition générale de
la loi commune, qui n'exige, pour l'établissement du domicile,
que le fa it de l'habitation réelle, joint à l'intention de l'établir
( 0 Répertoire d t jurisprudence , au mot D om icile, § i 3.
■
10*
t
�(7 6 )
E t vainement a-t-on depuis, dans l’espcce qui sera retrace'e
ci-après, entrepris de faire prévaloir l ’opinion contraire , au sujet
d’un étranger qui, sans la permission expresse du gouvernement,
avait, avant le Code civil, fixé le siège de ses affaires en France,
et y avait acquis tous les droits, comme il y avait subi toutes les
charges de l’incolat; vainement a-t-on prétendu qu’il ne s’y était
pas, pour cela, constitué un domicile proprement dit : ce système
a été successivement repoussé par un arrêt de la Cour impériale
de Paris, du 12 janvier 18x2, et par un arrêt contradictoire de la
Cour de cassation, du 3o novembre i 8 i 4 Ainsi, nul doute que M. Edouard Onslow, en le supposant
non naturalisé par la loi du 3o avril-2 mai 1790, n’eût, avant le
Code civil, acquis un véritable domicile en France, par cela seul
que, de son propre mouvement, et sans une autorisation expresse
et solennelle du gouvernement français, il y avait fixé sa résidence,
et qu’il avait manifesté de toutes les manières possibles son inten
tion de l ’y fixer à perpétuelle demeure.
Voyons maintenant, et c ’est notre seconde question, si ce que
M. Edouard Onslow avait fait avant la publication de l’article r 3
du Code civil, il aurait pu le faire après, c'est-à-dire, s i , arrivant
en France pour la première fois, non en 1783, mais en 1804, il
aurait pu, sans qu’un acte exprès du gouvernement l’y eût auto
risé , y acquérir un véritable domicile par le seul effet de l’éta
blissement qu’il y eût fait, à perpétuelle demeure, du siège prin
cipal de ses affaires.
La négative ne serait pas douteuse, si l’article i 3 du Code civil
disait: Nul étranger ne peut établir son domicile en France, s ’il
n'y a été autorisé par le gouvernement.
jYIais ce n’est là ni l’objet ni le sens de cet article.
Ce n’en est point l’objet; et ce qui le prouve d’une manière sans
réplique, c’est qu’il est placé non sous le titre de domicile, mais
sous celui de la jouissance et de la privation des droits civils.
�' ( 77 )
Ce n’en est point non plus le sens; car il dit, et rien de plus,
que « l ’étranger qui aura été admis par le gouvernement à établir
» son domicile en France, y jouira de tous les droits civils, tant
» q u il continuera d'y résider. »
Sans doute, il résulte clairement de cet article que l’étranger
qui a fixé le siège de ses affaires en France sans l’autorisation du
gouvernement, n’y jouit pas de tous les droits civils, c ’est-à-dire,
non-seulement des droits civils q u i, ayant leur racine dans le droit
des gens, tels que celui d’acquérir hypothèque, d’ester en juge
ment, etc., mais encore des droits civils qui sont de pures créations
de la loi civile, tels que celui de toister, de succéder, d’être té
moin dans les actes publics, etc.; mais il n’en résulte certaine' ment pas qu’à défaut d’autorisation du gouvernement , l'étranger
qui a fixé en France le siège de ses affaires, n’y est pas vérita
blement domicilié; et tirer de cet article une pareille conséquence,
ce serait ajouter à son texte, lui faire dire ce qu’il ne dit pas, et
supposer qu’il abroge, par son seul silence sur les étrangers domi
ciliés en France «ans l ’autorisation du gouvernement, la maxime
de 1‘ ancien droit qui, jusqu’alors, les avait fait considérer comme
ayant en France un domicile proprement dit.
On oppose à cela, dans la consultation délibérée à Paris, le
17 avril i 83 i , ce qu’a écrit le soussigné, en 1807, dans le § i 3
de 1 article domicile, de la 5e édition du Répertoire de jurispru
dence; mais on ne fait pas attention à ce que le soussigné luimême a substitué à ce paragraphe, en 1827, dans la 5e édition de
ce recueil.
L e fait est que, trompé sur le sens de l’article i 5 , par une lec
ture tr o p peu réfléchie de quelques phrases du discours p ro n o 'n c é
par 1 orateur du tribunat à la séance du corps législatif du 17 ven
démiaire an 1 1 , le soussigné s’était laissé aller à l ’opinion q u il
était dans 1 esprit de cet article d’ôter aux étrangers la faculté
dont ils jouissaient sous l’ancien droit, d’établir leur domicile en
�C 780
France sans la permission du gouvernement • mais qu’il n’a pas
tardé à reconnaître son -erreur, et qu’il a fait, pour la réfuter,
une dissertation qu’il se proposait d’insérer dans le supplément
aux 3 e et 4e éditions . publié en 1824 , mais qui, y ayant été oublie1
par l’effet d’une indisposition grave qui menaçait alors ses jours,
n ’a pu entrer que dans le volume publié en 1827 de la-5e édi
tion.
Cette dissertation remplit-elle l’objet pour lequel le soussigné
ij’a composée? Démontre-t-ello complètement que l ’article i 3 du
Code civil, en attribuant un grand privilège aux étrangers admis
par le gouvernement à établir leur domicile en France , laisse les
étrangers qui n’y sont domiciliés que par le seul effet de leur vo
lonté , dans le même état où ils se trouvaient sous‘l’ancien droit?
C ’est aux magistrats qui voudront bien la lire et la méditer, à en
juger. Quant à lui, il en a l’intime et profonde conviction (1).
Sa doctrine est, il est vrai, critiquée par l’auteur de la juris
prudence du 19e siècle, au mot Dom icile, sect. 1 , n° i 5 . Mais
sur quoi fonde-t-il la critique qu’il en fait? Ce n’est point sur Je
texte de l’article î 3 du Code civil ; il convient, au contraire, et ce
sont ses propres termes , que les expressions littérales de îa rt. i 5
du Code civil ne peuvent être invoquées avec succès contre ce qu’ il
appelle le système de M . M erlin; et, en effet, encore une fois,
cet article ne fait qu’indiquer aux étrangers qui veulent établir
leur domicile en France, le moyen qu’ils doivent employer pour
s’y procurer, par cet établissement, la jouissance des droits civils
réservés aux Français. 11 est donc bien loin de sa pensée de vou
loir que, faute d’employer ce moyen, l’étranger n’acquerra pas un
domicile en France par le seul effet de l’établissement qu’il y fera
à perpétuelle demeure, et de déroger par là à l’ancienne juris
prudence.
«*■■■...1
,1 ----• ' In
( j) V oir le § i3 de,l’article domicile de la 5e édition.]
�V 79 )
M . Dalloz ne se fonde pas non plus sur la faculté qu’a toujours1
le gouvernement d’expulser du territoire français les étrangers
dont il a sujet de croire que la présence y serait dangereuse ou
nuisible; car cette faculté, le gouvernement ne l’a pas seulement
a l ’égard des étrangers qui se sont établis en France sans sa per
mission expresse , il l’a également à l ’égard des étrangers dont il a
lui-même autorisé l’établissement en France; et c ’est, comme on
le verra dans un instant^ ce que reconnaît formellement un avis
du Conseil d’état, du 18 prairial an 1 1 , approuvé le 20 du
même mois. O r, cette faculté n’empêche certainement pas que
1 étranger à qui le gouvernement a permis d’établir son domicile
en France, n’y soit véritablement domicilié, tant que le gouver
nement ne révoque pas l ’autorisation expresse qu’il lui en a don
née, et les termes mêmes de l’article i 3 du Code civil le prouvent
d’une manière sans réplique. Elle ne peut donc pas non plus em
pêcher q u e , tant que le gouvernement no fait pas cesser, par une
injonction de sortir du territoire français, la résidence qu’un étran
ger y a prise spontanément à perpétuelle demeure, cette résidence
n ait le caractère et tous les effets d’un véritable domicile.
M . Dalloz ne se fonde que sur l’art. 100 du Code civil, sur lavisdu Conseil d’état dont nous venons de parler, sur le discours déjà
cité de 1 orateur du Iribunat à la séance du corps législatif, du 17
vendémiaire précédent’, et sur un arrêt de la Cour d’appel de
Paris, du 16 août 18x1.
Mais, i°. de ce qu’il est dit dans l’article 100 du Code civil que
« le domicile de tout Français, quant à l’exercice de scs droits
» civils, est le lieu où il a son principal établissement ; » de ce que
cet article ne définit pas le domicile par rapport aux étrangers ,
s ensuit-il que, suivant l’expression de l’auteur cité, il déclare im
plicitement les étrangers incapables du droit de domicile? Il serait
absurde de le penser; car, d’un côté , il en r é s u lte r a it , entre autres
�( 8o )
inconvéniens auxquels il serait impossible d’échapper, qu’un étran
ger établi en France à perpétuelle demeure , et qui y aurait réuni
toute sa fortune, ne pourrait pas y être actionné devant un tribunal
français, en payement des dettes qu’il aurait contractées envers
d’autres étrangers, puisque nul ne peut, sauf quelques cas d’ex
ceptions, être cité par action personnelle, que devant le juge de
son domicile; qu’il pourrait ainsi braver impunément toutes les
poursuites de ses créanciers non Français', et que la loi ellemême se rendrait complice de sa mauvaise foi, en la protégeant.
D ’un autre côté, si régler le domicile par rapport aux Français
c’est implicitement reconnaître que le droit de domicile est un
droit civil, ce n’est certainement pas dire que ce droit est exclu
sivement réservé aux Français; car si c’est un droit civil, il a du
moins sa racine dans le droit des gens, qui laisse à tout homme la
faculté de s’établir où il lui plaît, d’y demeurer tant que l’autorité
locale n’y met pas obstacle; et c’est une vérité incontestable, re
connue par M. Dalloz lui-même à l ’endroit cité, et que le sous
signé se flatte d’avoir porté au plus haut degré de démonstration (i),
que l’art. i 3 du Code civil ne réserve aux Français que les droits
civils créés par la loi civile. Pourquoi donc l’article 100 ne parlet-il que des Français dans la définition qu’il donne du domicile l
Par une raison très-simple, et qui se sent d’elle-même à la lecture
du procès verbal de la séance du Conseil d’état, du 16 fructidor
an g : c’est que son unique objet a été de résoudre une question
vivement controversée entre les membres du conseil, et qui, sans
objet pour les étrangers, ne pouvait concerner que les Français,
c'est-à-dire, la question de savoir si le domicile civil serait néces
sairement là où serait le domicile politique, et si les règles de
( i ) V oyez les Questions de droit , aux m ois Propriété littéraire , § 2 , et R em ploi ,
§ 4 , 4 * éd itio n , ou S u p p lé m e n t à la 3 '.
�(80
fixation et de translation de domicile seraient communes à 1 un et
à l ’autre.
2°. Il est vrai qu’un avis du Conseil d’état, du î S prairial an 1 1 ,
approuvé le 20 du même mois, déclare que, dans tous les cas ou
un étranger veut [s’établir en France, il est tenu d'obtenir la per
mission du gouvernement ; mais à propos de quoi le déclare-t-il! On
en jugera par la manière dont il est conçu :
« L e Conseil d’état, après avoir entendu la section de législation
» sur le renvoi qui lui a été fait du rapport du grand-juge ministre
» de la justice, qui présente la question de savoir si l ’étranger q u i}
» aux termes de la constitution, veut devenir citoyen français,
» est assujetti'à la disposition du Code civil (liv. i*r, art. i 5 ), qui
» ne donne à l’étranger des droits civils en France r tant qu’il con« tinuera d’y résider, que lorsqu’il aura été admis par le gouver» nement à y établir son domicile;
» Est d’avis que , dans tous les cas où un étranger veut s’éta» blir en France, il est tenu d’obtenir la permission du gouverne» ment, et que les admissions pouvant être, suivant les circons» tances, sujettes à des modifications, à des restrictions , et même
» à des révocations, ne sauraient être déterminées par des règles
» ou des formules générales. »
Cet avis se réfère, comme l’on voit, au mode de naturalisation
qu avait introduit, à l ’exemple de la constitution du 5 fructidôr
an 5 , l’article 3 de cello du 22 frimaire an 8.
L ’article 10 de la première portait que « l'étranger devient
» citoyen français, lorsqu’après avoir atteint l’âge de vingt-un ans
» accomplis, et avoir déclaré l’intention de se fixer en France, il
» y a résidé pendant sept années consécutives, pourvu qu’il y paye
» une contribution directe, et qu’en outre il y possède une pro» priété foncière, ou un établissement d’agriculture ou de com» merce, ou qu il y ait épousé une Française. » A cette disposi
tion, 1article 3 de la constitution du 22 frimaire an 8 , sous l’emît
�(
82
)
pire de laquelle a été rédigé le Code civil, substituait celle-ci :
« Un étranger devient citoyen français, lorsqu’après avoir Rtteint
» l’âge de vingt-un ans accomplis, et avoir déclaré l’intention de
» se fixer en France, il y a résidé pendant dix années consécu» tives. »
Ainsi, d’après la lettre de l’article 3 de la constitution de l ’an
8, comme d’après celle de la constitution de l’an 3 , un étranger
aurait p u , sans le concours de l ’autorité du gouvernement et
par l’effet de sa seule volonté manifestée par une déclaration suivie
de sept ou dix années de domicile continu en France , et non ex
pressément contredite par le gouvernement qui pouvait l ’ignorer,
acquérir la qualité de citoyen français, avec tous les droits civils et
politiques qui y étaient attachés. Mais , en disposant ainsi, la cons
titution de l ’an 8 n’avait pas plus que celle de l ’an 3 ôté au lé
gislateur le pouvoir d’organiser sa disposition de manière à ce
qu'elle ne fut applicable qu’aux étrangers qui seraient jugés par le
gouvernement dignes du bienfait de la naturalisation ; elle le lui
avait donc virtuellement réservé ; et c’est ce pouvoir qu’a exercé
l ’article i 3 du Code civil, non pas directement et en termes ex
près, mais indirectement et d’une manière implicite, et qui ne
laisse pas d’exclure toute équivoque, en disant que les étrangers
domiciliés en France n’y jouiraient de tous les droits civils qu’au
tant qu’ils auraient obtenu du gouvernement la permission expresse
de s’y établir; car, dire que la permission du gouvernement est
nécessaire à un étranger pour jouir des droits civils , c’est nécessai
rement dire qu’elle l ’est aussi et à plus forte raison pour l’acquisi
tion des droits politiques. C ’est la conséquence du principe q u e ,
quoiqu’on puisse jouir des droits civils sans jouir en même temps
des droits politiques, on ne peut cependant jamais jouir des droits
politiques si l’on ne jouit en même temps des droits civils.
La question de savoir s i , par rapport à la nécessité de l ’autori
sation du gouvernement, on doit assimiler le cas où l’étranger
�( 83 )
qui veut s’établir en France aspire à la jouissance des droits poli
tiques , en devenant citoyen français par une résidence continue de
dix années, au cas où il n’ambitionne pour le moment que la jouis- sance immédiate de tous les droits civils , ne présentait donc au
cune difficulté sérieuse. Aussi le conseil d’état n’a*t-il pas hésite a
la résoudre pour l’affirmative.
Mais est-il vrai, comme le prétend l’auteur dont il s’ag it, qu il
ne s’est pas borné à la solution de la question qui lui était ren
voyée par le premier consul , et qu’il en a, en même temps,
tranché une autre sur laquelle le premier consul n’avait pas
appelé son examen? est-il vrai qu’il a décidé que l’étranger qui
n’aspirait en France , ni à la jouissance immédiate de tous les
droits civils, ni à la jouissance des droits politiques après dix an
nées de résidence, ne pouvait établir son domicile en France qu’a^
vec l’autorisation expresse et solennelle du gouvernement? com
ment cela se pourrait-il? L e conseil d’état du consulat et de l’empire
n’était pas une académie où chacun pût élever à volonté et propo
ser de résoudre officiellement telles ou telles questions. 11 était,
et c’est une vérité que le soussigné ne craint pas d'affirmer person
nellement pour l’avoir yu constamment pratiquer pendant les huit
années et plus qu’il y a siégé , rigoureusement astreint à ne s’oc
cuper que des questions qui lui étaient spécialement soumises par
le chef du gouvernement. O r, quelle était la question que le pre
mier consul lui avait soumise en lui renvoyant le rapport du mi
nistre de la justice? C e n’était certainement pas celle de savoir si
un étranger avait besoin d’une autorisation expresse du gouverne
ment pour établir son domicile en France, sans autre vue que celle
-•de s y fixer à.perpétuelle demeure; c ’était uniquement celle de sa
voir si, en y établissant son domicile de son propre mouvement ,
il lui suffisait d en faire la déclaration à la municipalité du lieu où
il entendait se fixer , pour devenir citoyen français par le seul effet
4 une résidence continue de dix années. II n’avait donc ii répondre
11 *
�( 84 )
qu'à cette question; il ne pouvait donc pas, en s’expliquant sur
cette question , en résoudre une autre; et ce qu’il ne pouvait pas
faire , le bon sens veut qu’on ne présume pas qu’il l’ait fait. Qu’im
porte , d’après ce la , qu’il ait dit q u e, dans tous les cas où un
étranger veut s'établir en France , il est tenu d’ obtenir la permis
sion du gouvernement? Ces mots, dans tous les cas, quelque gé
néraux qu’ils soient littéralement, n’en doivent pas moins être res
treints à l’objet de l ’avis dans lequel ils sont insérés. O r , encore
une fois , cet avis ne porte que sur la question de savoir s’il en est
du cas où l ’étranger veut s’établir en France à l’efFet de devenir ci
toyen français après dix années de résidence, comme du cas où il
cherche , en s’y établissant, à jouir de suite des droits civils. 11 ne
fait donc virtuellement qu’assimiler le premier de ces deux cas au
second; et en disant dans tous les cas , c'est évidemment dans l ’un
et Vautre cas qu’il veut dire.
A qui persuadera-t-on, d’ailleurs, que s’il eût été dans son inten
tion comme dans son pouvoir d’aller plus loin , et de décider que ,
même hors ces deux cas, nul ne pouvait établir son domicile en
France sans la permission du gouvernement, le .premier consul
eût négligé , en approuvant sa décision, d’en ordonner l’insertion
au Bulletin des lois , pour la faire connaître aux milliers d’indivi
dus qu’elle aurait intéressés?
5°. Comment l’auleur de la Jurisprudence du 19e sic le , tout en
convenant, comme 011 l’a déjà vu , que les expressions littérales de
l ’article i 5 du Code civil no peuvent être invoquées avec succès
contre la doctrine du soussigné, peut-il prétendre qu’elle n’en doit
pas céder à la manière dont cet article a été entendu par l'orateur
qui portait la parole au nom du tribunal, lors de la discussion à
laquelle cet article a donné lieu ?
D ’une part, de ce que l’orateur du tribunat, en s’expliquant sur
cet article, en aurait outre-passé et par conséquent méconnu le
sens textuel, s'ensuivrait-il que les magistrats dussent sur sa parole
�( 85 )
supposer à cet article l’intention de dire ce qu il ne dit pas ; et ne
devraient-ils pas plutôt, en rejetant sa prétendue assertion, s en
tenir au texte de la loi ? Assurément les orateurs du gouvernement
étaient bien plus à portée que ceux du Tribunat de connaître 1es
prit dans lequel avait été rédigé l’article i 3 . Eh bien ! que l ’on con
sulte les deux exposés des motifs du titre du Code civil dont
l’article io fait partie, et l’on*y verra les deux orateurs suc
cessifs du gouvernement, M . Boulay (de la Meurthe) et M . Treilhard, s’accordera dire sur cet article, que son objet n’est pas
d’empêcher que des étrangers n’établissent leur domicile en France
sans la permission expresse et solennelle du gouvernement, mais
seulement de restreindre ceux qui auront obtenu cette autorisa
tion, soit à la jouissance de tous les droits civils qu’il leur accorde
immédiatement, soit à la jouissance des droits politiques que la
constitution leur accorde après dix années de residence.
«A ux termes de la constitution (disait le premier orateur, à la
« séance ducorps législatif du 1 i frimaire an 10), l’étranger ne peut
« devenir citoyen français qu’en remplissant trois conditions :
» i°. être âgé de vingt-un ans accomplis; 2°. avoir déclaré l’inten» tion de se fixer en France; 5°. y avoir résidé pendant dix an» nées consécutives. — Mais l’étranger a-t-il le droit absolu , en
» remplissant ces conditions, de devenir citoyen français? Si un
» étranger couvert de crimes, échappé au châtiment qui l’alien» dait dans son pays, mettant le pied sur le territoire français,
» disait au gouvernement : Je veux non-seulement résider en
» France, mais y devenir citoyen; c'est un droit que m'accorde
» votre constitution, et dont vous ne pouvez pas nie priver;
» croit-on de bonne foi que le gouvernement fût lié par une
» telle prétention? Non , sans doute; la constitution française n’a
» pas entendu stipuler contre les Français en faveur des étrangers;
» elle n a pas voulu verser sur nous la lie des autres peuples : son
» but n’a pu être, en adoptant les étrangers. "»'•
1
�( 86)
» F r a n c e de nouveaux sujets utiles et respectables. Cette adoption
» d ’a ille u r s doit être un engagement réciproque, et la nation ne
» peut pas être plus forcée de recevoir au nombre de ses citoyens
» un étranger qui lui déplairait, que cet étranger ne pourrait être
» contraint à devenir, malgré lui, citoyen français. II est donc
» dans l’intérêt national, et dans le véritable sens de la constitu» tion ; il est dans la nature des’ ehoses, qu'un étranger ne puisse
» devenir citoyen français que quand il est admis par le gouver» nement à le devenir, et qu’on a par conséquent l’assurance,
j> ou au moins l’espoir qu’on fera dans sa personnè une acquisition
» précieuse (i). »
« La loi politique (disait le second orateur, à la séance du 6 ventôse
» an 11) a sagement prescrit une résidence de dix années pour
» l’acquisition des droits politiques; la loi civile attache avec la
» même sagesse le simple exercice des droits civils à l ’établissement
» en France. — Mais le caractère personnel de l ’étranger qui se
» présente, sa moralité plus ou moins grande, le moment où il veut
» se placer dans nos rangs, la position respective des deux peuples,
» et une foule d’autres circonstances, peuvent rendre son admission
)> plus ou moins désirable; et pour s’assurer qu’une faveur ne tour» nera pas contre le peuple qui l ’accorde, la loi n’a dû faire par» ticiper aux droits civils que l’étranger admis par le gouverne» ment (2).
Il
n’y a, comme l’on voit, dans l ’un et l ’autre exposé des motifs,
rien qui puisse faire supposer que l’autorisation du gouvernement
soit nécessaire à l ’étranger qui n'a en vue , dans cette détermina
(1) Exposé /¡es m otifs du projet de lo i re la tif à la jouissance et à la privation des
, présenté à la séance du corps législatif du 11 frimaire an 10, p. iG
de l’édition de l ’im prim erie nationale.
(a) Procès verbal de la discussion du projet du Code civil au conseil d ’é ta t, tome t ,
page £ 4 3 , de l ’édition officielle.
droits c'vits
�}
tion, ni l ’acquisition des droits civils, ni l’acquisition des droits
politiques; rien, au contraire, qui ne décèle, de la part du légis
lateur , Tintention de restreindre la nécessité de cette autorisation
a 1étranger qui se propose, en établissant son domicile en France,
de $’y procurer d’abord la jouissance des droits civils, et, avec le
temps, la qualité de citoyen français.
D ’un autre côté, la preuve que l’orateur du tribunat lui-même,
en disant : « Il n’y a aucune objection contre la disposition de
» l ’article i 3 , qui veut que l ’étranger ne puisse établir son
» domicile en France s’il n'y est admis par le gouvernement, » n’a
eu en vue que l ’étranger, q ui, en établissant son domicile en
France, se propose d’y jouir des droits civils immédiatement, et
des droits politiques après une résidence de dix années , c’est qu’il
ajoute aussitôt : « C ’est une mesure de police et de sûreté, autant
» qu’une disposition législative. L e gouvernement s’en servira
» pour repousser le vice, et pour accueillir exclusivement les» hommes vertueux et utiles, ceux qui offriront des garanties à
» leur famille adoptive, » termes qui, bien évidemment, ne peu
vent s'appliquer qu’aux étrangers qui veulent associer leurs des
tinées à celle de la nation française, et partager d’abord avec tous
les Français la jouissance des droits civils , en attendant qu’ils
puissent jouir comme eux des droits politiques.
4°* Quant à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris , du 16 août 1811 ,
il n’est que trop vrai qu’en adhérant à l ’opinion hasardée par le
soussigné dans la 3 « édition du Répertoire de jurisprudence, sur
le sens de l’article i 3 du Code civil, il a jugé qu’un étranger do~
micilié en France sans l’autorisation du gouvernement, pouvait
y être condamné par corps au payement d’une dette purement
civile, en vertu de l’article i5 de la loi du 10 septembre 1807,
portant que « tout jugement de condamnation qui in te r v ie n d r a au
« profit d un Français contre un étranger non domicilié en France*
» emportera la contrainte par corps.»
(
8
7
�( 88 )
Mais il est Lien difficile de croire que les magistrats qui ont
rendu cet arrêt, n’eussent pas jugé tout autrement, s’ils avaient
fait attention à la manière dont M. Treilhard, l’un des princi
p a u x rédacteurs de la loi du xo septembre 1807, en avait défini
les expressions non domicilié en France, dans le discours par
lequel il avait, au nom du gouvernement, exposé les motifs de
ceite loi à la séance du corps législatif du 3 i août de la même an
née. Ecoutons-le lui-même : « Vous avez remarqué que la loi n’est
» faite que contre l’étranger non domicilié en France, c'est-à-dire,
» contre létranger qui, d'un moment à l'autre, peut disparaître
» sans laisser après lui aucune trace de son passage ou de son
» séjour. » Assurément, cette définition ne peut pas s’adapter à
l’étranger qui, ayant transporté en France la totalité ou une grande
partie de sa fortune, y a fixé son principal établissement, et en
a fait le siège de ses affaires. Il serait donc souverainement dérai
sonnable de supposer à M . Treilhard la pensée que I ’ o q pût, dans
l’application de la loi qu’il proposait, considérer des étrangers de
cette catégorie comme non domiciliés en France, et les traiter,
relativement à la contrainte par corps , avec la même rigueur que
ceux qui, ne faisant que passer en France, ou y séjourner mo
mentanément, n’offrent à leurs créanciers français trop confians,
aucune espèce de garantie. Eh! comment aurait-il pu seulement
en concevoir l’idée, lui qui, en s’expliquant comme orateur du
gouvernement sur l’article i 5 du Code civil, avait énoncé si clai
rement que ce n’était qu’à l ’effet d’acquérir tous les droits civils,
que l’étranger était astreint à obtenir l ’autorisation du gouverne
ment pour établir son domicile en France?
A u ssi, l’un des plus célèbres professeurs qui honorent nos
écoles de droit, M. Proudhon, 11’a-t-il pas hésité, deux ans après
la publication de la loi du 10 septembre 1807, à enseigner, dans
son Cours de droit français, tome i er, chapitre 12, une doctrine
diamétralement contraire à la décision de l ’arrêt cité. Voici ses
termes, pages 90, 91 et 90.
�( 89 )
*> Il existe en France des milliers d’individus étrangers de
» naissance, qui y viennent de toutes les parties de l ’Europe,
» pour se perfectionner dans leurs arts ou métiers, et finissent
» par s’y établir à perpétuelle demeure, sans autorisation du gou» vernement : il en existe des milliers que le sort de la guerre y
a amenés, comme prisonniers ou autrement, que la douceur du
» climat y fixe, et qui s’y établissent sans esprit de retour, mais
» sans l ’autorisation spéciale de l ’empereur; quel est leur état per» sonnel.....?
« Dans le fait, on peut trouver plus ou moins de doute sur la
» question de savoir si un homme qui a quitté un pays étranger
» pour venir s’établir en France , a réellement acquis, dans l'em» pire , un véritable domicile à perpétuelle demeure, ou s’il n’y a
» pris qu’une résidence momentanée ; mais à supposer qu’il soit
» constant qu’il ait abdiqué pour toujours sa patrie natale, et qu’il
» se soit établi en France, sans conserver aucun esprit de retour
» pour son pays d’origine, il n’est plus possible, dans le d ro it,
» de l’assimiler entièrement à l ’étranger qui n’existe qu’accidentel» lement et comme voyageur dans l’empire...
» Il n’est donc plus étrangerproprement dit, et dans toute l’étcn» due de 1 expression ;.... aussi la loi ne le rend plus passible de
» contrainte par corps comme les étrangers ordinaires. (Voyez la
» loi du 10 septembre 1807.') »
Au surplus , et ceci paraîtra sans doute plus que suffisant pour
-contre-balancer le préjugé résultant de l ’arrêt de la Cour d’appel
de Paris, du 16 août 1 8 1 1 , il existe deux arrêts de la Cour de cas
sation , qui décident formellement q u e , pour qu’un étranger soit
considéré comme domicilié en France, il i^’est pas nécessaire que
Je gouvernement 1 ait autorisé à y établir son domicile.
Voici l espèce du premier :
L e 17 brumaire an
, jugement du tribunal de commerce
,du département de la Soine, qui, avant faire droit sur les contes12
�C 9° )
tâtions élevées entre les sieurs Church et Gargill, relativement à
l’expédition du navire la llannac, portant pavillon américain, et
capturé par les Anglais, ordonne la mise en cause du sieur Burlouw,
citoyen des Etats-Unis d’Amérique , qui a été employé par les par
ties dans celte expédition, et peut, par conséquent, donner des
éclaircissemens utiles sur les points litigieux, mais qui se trouve
en ce moment à Londres.
Pour satisfaire à ce jugement, le sieur Gargill le fait signifier
au sieur Burlouw, dans une maison dont celui-ci avait été proprié
taire à Paris, et dans laquelle, après l’avoir vendue, il occupait
encore un appartement au moment de son départ pour l ’Angleterre.
L e sieur Burlouw ne comparaît pas , et de là , un incident sur le
mérite de la signification qui lui a été faite.
Le sieur Church , grandement intéressé à ce qu’il comparaisse
et donne les explications pour lesquelles sa comparution a été or
donnée, demande la nullité de cette signification, et soutient, à
l’appui de sa demande, que le sieur BurlouAv n’ayant pas été auto
risé par le gouvernement à établir son domicile en France, la maisoti
où la signification a été faite ne peut pas être considérée comme
le lieu de son domicile; qu’ainsi, il n’a pu , aux termes de l’art. 7
du titre 2 de l ’ordonnance de 1G67, encore en pleine vigueur à
cette époque , être assigné, comme étranger étant hors le royaume,
qu’au parquet du ministère public.
Le 18 avril 1809, jugement q u i , d’après l’art. 8 du même titre
delà même ordonnance, portant que les absens pour voyage de long
cours ou hors du royaume, seront assignés à leur dernier domicile,
déclare que le sieur Burlouw a été valablement assigné à son der
nier domicile connu en France, rt que, par suite, il a été pleine
ment satisfait par le sieur Gargill à l’interlocutoire qui ordonnait
sa mise en cause.
Appel de ce jugement, de la part du sieur Clm rch, à la Cour
de Paris.
Le 2 février 1810, arrêt confirmait".
�( 91 )
Le sieur Church se pourvoit en cassation, et dit qu en mécon
naissant l’arlicle i 5 du Code civil, aux termes duquel, suivant
l u i , le sieur Burlouw ne pouvait pas , sans la permission du gou
vernement, acquérir un domicile en France, la Cour d appel a
viole , par une fausse application de l’article 8 du titre 2 de 1 or
donnance de 1667 , la disposition de la même loi, qui voulait que
les étrangers ne pussent être assignés qu’au parquet du ministère
public.
Mais par arrêt du ao août 1811 , au rapport de M. LefessierGrandprey, et conformément aux conclusions de M . l’avocat-général Daniels ;
« Attendu qu’en droit, le domicile attributif des droits politiques
» et civils qu’un étranger ne peut acquérir qu’en remplissant les
» conditions prescrites par la loi , est essentiellement distinct du
» domicile de fait auquel peut être assigné tout individu résidant
» en France;
» Attendu qu’en fait, d’après les circonstances du procès , les
» juges ont reconnu que le sieur Burlouw demeurait à Paris, où
» il payait ses impositions....;
>* La Cour ( section des requêtes) rejette le pourvoi (1).... »
Le second arrêt est d’autant plus remarquable, qu’il décide tout
à la fois , et qu’avant le Code civil, un étranger n’avait pas besoin
de l’autorisalion du gouvernement pour se constituer en France un
domicile proprement d it, et que le Code civil n’a ni abrogé, ni
modifié à cet égard l’ancienne jurisprudence.
Dans le fait, le sieur Parker, citoyen des Etats-Unis d’Améri
q ue, avait transporté son domicile en France long-temps avant la
publication de l’article i 3 du Code civil; il y avait acquis divers
immeubles , et c’était à Paris , lieu de son principal établissement,
(1) Recueil de Sirey , année 1811 , partie 1" , page 3G2. Journal des au
diences de la Cour de cassation , même année , page
12
*
�( 92 )
qu’il payait ses 'contributions personnelle et mobilière ; mais il
n’avait pour cela fait à l ’autorité locale aucune déclaration de
laquelle on pût induire de sa part l ’intentioii de passer en France
le reste de ses jours, ni obtenu du gouvernement aucune espèce
d’autorisation.
Le 4 juillet 1808, il est assigné , à la requête des sieurs Swan
et Schweizer, Américains comme l u i , devant le tribunal de com
merce de Paris, en payement d’obligations commerciales qu’il a
contractées envers eux en France, mais qui, d’après leur objet et
leur nature , ne pourraient, aux termes de l ’article 420 du Code
de procédure civile, le rendre justiciable de ce tribunal qu’autant
qu’il fût domicilié à Paris.
Il
comparait et demande son renvoi devantles juges de son pays
natal.
Le 12 janvier 1808, jugement qui, vu les articles i 3 et 14 du
Code civil, accueille le déclinatoire ,
« Attendu que le sieur Parker n’a , non plus que les sieurs Swan
» et Schweizer, obtenu la permission de l’empereur d établir son
» domicile en France ; et que , quoique le sieur Parker ait des pro» priétés en France et qu’il y ait résidé long-temps , néanmoins il
» n’y a point acquis de domicile légal ; d’où il suit qu’il continue
» d’être toujours Américain , ainsi que cela est prouvé par le cer» tificat portant permis de séjour, à lui délivré le 5o du mois de
» mars dernier, par le ministre plénipotentiaire des Etats-Unis
» d’Amérique près de Sa Majesté l’empereur, dans lequel certifi» cat le ministre, en le qualifiant de propriétaire demeurant à
>> Paris , certifie qu’il est citoyen des Etats-Unis, et demande pour
» lui protection et hospitalité;
» Attendu qu’aux termes de l’art. 14 du Code civil, l’étranger ne
» peut être cité devant les tribunaux français que pour l’exécution
h des obligations par lui contractées en France avec un Français,
» et non pas avec un étranger'; qu’ainsi ledit sieur Parker ne peut
�( 93 )
»
»
»
»
»
être traduit devant les tribunaux de France pour des obligations qu’il aurait contractées en France avec la maison Swan et
Schweizcr, puisque cette maison, ainsi que lui, sont et contitinuent tous deux d’être Américains, et qu’ils n’ont pas acquis
un domicile légal en Franoe. »
Appel de la part des sieurs Swan et Schweizer, qui le fondent
sur deux propositions : la première, que l ’article i 3 du Code civil
n’a ni dérogé aux anciens principes qui laissaient l’étranger maître
d’établir son domicile en France par l'effet de sa seule volonté,
jointe à une habitation réelle et continue dans ce royaume, ni
par conséquent subordonné à l’autorisation du gouvernement l ’effet
de cet établissement; la seconde, que si l ’on pouvait, par une in
terprétation extensive, supposer à cet article l’intention de déroger
aux anciens principes , on ne pourrait du moins pas lui donner un
effet rétroactif, ni par conséquent en argumenter, pour priver
soit le sieur Parker, soit ses ayans-cause, du domicile qu’il avait
acquis en France long-temps avant le Code civil.
De ces deux propositions, la Cour d’appel de Paris laisse de
coté la première; mais elle adopte la seconde; et, par arrêt du
i x juin 1812, elle réforme le jugement du tribunal de commerce :
« Attendu que Parker, domicilié enFrance depuis longues années,
» et y possédant plusieurs immeubles, bien avant la promulgation
» du Code civil, a été régulièrement assigné derant les tribunaux
» français (1). »
L e sieur Parker se pourvoit- en cassation, et persistant à sou
tenir que lart. 10 du Code civil doit être entendu dans le sens
que lui a attribué le jugement du tribunal de commerce, il en
conclut que la cour d’appel l’a formellement violé par le refus
qu elle a fait de le lui appliquer. En effet, dit-il, les lois qui m’au-
(1) Recueil de Sircy, année iS ia , partie 2% page 398.
�( 9^ )
raient autrefois donné un domicile légal en France, qui m’au
raient ainsi rendu justiciable des tribunaux français, m’auraient
évidemment conféré une qualité que je n’aurais pu tenir que de
leur autorité ; elles ne pourraient donc être considérées que comme
des lois personnelles. O r, on sait que les lois de cette nature per
dent tout leur empire du moment qu’elles sont remplacées par
d’autres, et que leur effet ne survit jamais à celles-ci. C ’est ainsi que
le Normand qui, ayant atteint sa vingtième année révolue, la veille
de la publication de la loi du 20 septembre 1792 , était par là devenu
complètement majeur, aux termes de l’art. 2S des Placités de Nor
mandie de 16GG, est rentré dans l’état de minorité par l’effet de la
disposition de cette loi qui déclarait la majorité acquise à vingt-un
ans accomplis (1). C ’est ainsi que, comme l’enseigne M.Proudhon,
dans son Cours de droit français, chap. 4 >sect. i re, n° 6, «les mi» neurs des pays de droit écrit, qui étaient âgés de moins de quinze
» ans révolus, et qui étaient su iju ris, sont, après la publication
» du Code civil, retombés sous la tutelle de leur mère, pour tous
» actes postérieurs à cette publication, mais sans porter atteinte
» aux négociations antérieurement consommées. »
Les sieurs Swan et Schweizer répondent qu’un domicile de fait,
indépendant de la jouissance des droits civils, suffisait autrefois
et doit suffire encore pour rendre un étranger justiciable des tri
bunaux français; qu’aucun texte formel du Code civil ne contrarie
celte proposition, et que les raisons les plus puissantes la justi
fient.
« D ’abord (ajoutent-ils), l’art. 10 du Code civil est bien loin de
» se prêter à la conséquence que l ’on veut en tirer. Cet article
» règle uniquemenl les conditions que l ’étranger doit remplir pour
§
( 1) Yoyez le Rrpcrtoirr.
2 , art. fj, n° 2.
de jurisprudente , aux inots liffr t rétroactif. sect. 3 ,
�( 95 )
acquérir la jouissance des droits civils. Il exige, pour que le
domicile de l’étranger en France lui procure ces droits, que ce
domicile soit établi sous l ’autorisation du gouvernement; mais il
ne dit point que, sans cette autorisation, sans les droits qu elle
confère, le domicile de l’étranger soit moins légal, moins attributif de juridiction.......
» Maintenant, si nous envisageons tous les inconvéniens atta» chés au système du demandeur, bien loin d’être tenté, pour
» l'admettre, de suppléer au silence de la l o i , on cherchera dans
» tous les textes les moyens de le rejeter. En effet, quelle déplo» rable législation serait la nôtre, si un débiteur de mauvaise
» foi pouvait, en s’abstenant'toute sa vie d’acquérir la jouissance
» des droits civils, parvenir à échapper aux poursuites de tous
» ses créanciers étrangers ! Suivant ce système, nos lois qui sont
» établies pour contraindre chacun à l’exécution de scs promesses ,
» serviraient à soustraire l ’étranger à ses engagemens les plus sa» crés, et la France serait un asile ouvert à l’improbité de tous
» les cosmopolites.
» Reconnaissons donc, au contraire , que l’abstention volontaire
» du droit que l ’art. i 3 offre à l ’étranger ne doit jamais favoriser.
» sa mauvaise foi, et que toutes les fois q ae, par son séjour, sou
» existence, ses relations civiles o u ‘commerciales , cet étranger
» aura acquis un domicile de fait en France , il pourra être soumis
» à la juridiction des tribunaux français pour les obligations qu’il
» a contractées même avec des étrangers.
»
»
»
»
»
»
» Telle était la jurisprudence que l ’on suivait autrefois........
» De cette jurisprudence il résulte deux choses : la première ,
» qu elle doit servir, dans le silence de nos lois nouvelles, à établir
» les mêmes principes qui étaient suivis autrefois; la seconde , que ,
» dans le cas même ou le Code civil consacrerait le système du
» sieur Parker, ce système ne pourrait pas être admis dans 1 es» pccc particulière de la cause, parce que c est avant la publica-
�( 9g )
» lion de ce Code, que le sieur Parker a fixé sa résidence en
« France i et qu’il a acquis alors un domicile qu’il conserve enx core aujourd'hui; car c’est à tort que l ’on a prétendu que le do» micile du sieur Parker avait cessé avec les lois qui le lui avaient
» conféré. C ’est là une erreur qu’il est facile de reconnaître : les
» lois qui attribuaient un domicile à l’étranger étaient, à la vérité,
» personnelles; mais les droits qu’une loi personnelle confère ne
» sont pas toujours révocables. Ils sont révocables, quand l’indi»> vidu qui en jouit ne les lient que de la loi, et non pas de l’ac» complissement de certaine formalité que lui impose celte loi
» pour les acquérir. Ainsi, un majeur est remis en tutelle , quand ,
»> par un changement de législation, la majorité est reportée à un
» âge plus avancé, parce que c’était de la seule existence de la loi
» qu’il tenait les droits dont il jouissait. Mais, au contraire, celui
>> à qui la loi permet d’acquérir une certaine qualité en remplissant
» quelques conditions auxquelles il s’est soumis, ne peut pas per» dre cette qualité, parce qu’une loi postérieure ne l’accorde qu’à
» d’autres conditions. C ’est ainsi que l ’étranger qui aura acquis la
» qualité de citoyen français, en remplissant les formalités voulues
» par la constitution de l’an 3 , c’est-à-dire, par sept années de
•» résidence, ne perdra pas celle qualité , parce qu’au moment où
» la constitution de l'a n 8 aura été publiée, il ne comptera pas les
»> dix années de résidence qu’exige cette constitution pour accor» der la même qualité à un étranger.
» De même celui à qui les lois anciennes permettaient d’acqué» rir un domicile légal en France , sous la seule condition qu’il y
» établirait un domicile de fa it, £t qui a rempli celte condition y
■
» ne peut pas perdre les droits que ce domicile lui a donnés,parce
» qu’une loi postérieure impose de nouvelles conditions pour l’ac» quisilion de ces mêmes droits. »
Tels étaient, dans cette grande affaire, les moyens respectifs des
deux parties , et quel a été le résultat du rapport qu’en a fait, à
�( 97 )
la chambre civile le savant et judicieux magistrat que son mérite
«minent a depuis peu fait élever à la dignité de président de la
chambre des requêtes (M . Zangiacomi) ? La Cour de cassation a
rejeté le pourvoi du sieur Parker, et a par conséquent décidé que
celui-ci avait en France un véritable domicile par l ’effet duquel il
était pleinement assujetti à la juridiction des tribunaux français ;
mais comment a-t-elle motivé cette décision! Elle s’est bien gar
dée de supposer, avec l’arrêt de la Cour d’appel de Paris , que
l’article i 3 du Code civil e û t, pour l’avenir, fait dépendre de 1au
torisation du gouvernement la légalité du domicile qu un étranger
voudrait se constituer en France par une résidence effective jointe
à l ’intention de s’y fixer pour toujours ; elle a déclaré, au contraire,
«n termes exprès, que cet article était absolument muet sur la ques
tion de savoir si un étranger qui n’aspirait point à la jouissance
des droits civils réservés aux Français, aurait besoin de l’autorisa
tion du gouvernement pour établir son domicile.cn France; et con
cluant de là que le Code civil avait laissé les choses à cet égard
sur le même pied qu’elles étaient sous l’ancienne législation, elle
en a tiré la conséquence ultérieure q u e , puisqu’on ne pouvait citer
aucun acte de l’ancienne législation qui subordonnât à l ’autorisa
tion du gouvernement l’efficacité de l’établissement qu’un étranger
faisait de son domicile en France , il fallait sur ce point, et tant
pour le passé que pour l’avenir, s’en tenir aux principes généraux
de la matière, suivant lesquels , comme elle l’avait déjà dit par son
arrêt du 8 thermidor an 11 , les étrangers demeurent sous la dis
position générale de la loi commune, qui ri exige , pour Vétablisse
ment du domicile , que le fa it de l'habitation réelle , jointe à l'in
tention de £ établir.
« Considérant (a-t-elle dit d’après cela) que l’article i 5 du
j> Code civil a pour objet unique d’indiquer comment un étranger
» peut acquérir la jouissance des droits civils; que, ne statuant
» rien sur la compétence des tribunaux , il est sans application a
» l’espèce;
îô
�( 98 )
» Que l’article i 4 ne dispose que relativement aux contes» tâtions élevées entre Français et étrangers ; que l ’on ne peut
» rien en conclure à l’égard de celles existantes entre étrangers,
>» ainsi que cela a été expliqué , lors de la discussion de cet arti» cle, au Conseil d’état;
» Enfin , que le demandeur ne peut citer aucune loi qui inter» dise à un étranger de traduire devant les tribunaux français un
» autre étranger domicilié et propriétaire d’immeubles en France,
» long-tçmps avant la publication du Code civil.
» La Cour rejette le pourvoi (i). »
Quelle différence y avait-il, à l’époque du décès d eM . Edouard
Onslow, entre la position dans laquelle il se trouvait par rapport
à la France, et celle où se trouvait, par rapport au même pays,
l ’Américain Parker , au moment où il avait été assigné devant le
tribunal de commerce de Paris, à la requête des deux autres Amé
ricains ? Aucune : il avait, comme lui, fixé en France le siège
de toutes ses affaires avant le Code c iv il, et il l ’y avait conservé ,
comme l u i , depuis la publication de ce Code; comme lui, il y avait
acquis des -immeubles ; il avait même fait plus que lui, il y avait
épousé une Française , et il avait transporté en France le prix des
immeubles qu’il possédait dans son pays natal. Il était donc bien
évidemment, et à bien plus forte raison, comme lui, domicilié en
France , quoique , comme l u i , il s’y fût établi sans l’autorisation du
gouvernement. .
Mais si le sieur Parker , tout dénué qu’il était de l’autorisation
du gouvernement pour s’établir en France à perpétuelle demeure,
n’en a pas moins été jugé y avoir acquis un domicile qui le rendait
justiciable des tiibunaux français, à raison des obligations qu’il avait
contractées envers d’autres étrangers, comment serait-il possible de
(i) Jo u rn a l des audiences de la Cour de cassation , année iS i/(, page 144-
�( 99 )
juger que M. Edouard Onslow n’avait point acquis en France un
domicile qui assujettissait tous les biens meubles qu il y possédait,
à la loi française ?
Dira-t-on qu’il n’en est point de la question de savoir si la suc
cession mobilière d’un étranger domicilié en France est régie par
la loi française, comme de la question de savoir si un étranger do
micilié en France peut être assigné, par actions personnelles, de
vant un tribunal français ? Ce ne serait là qu’un vain et puéril sub
terfuge.
Pourquoi l’étranger domicilié en France peut-il, en matière per
sonnelle , et lorsqu’il est défendeur, être cité, même par d’autres
étrangers qui ont conservé leur domicile d’origine, devant le tribu
nal français dans l ’arrondissement duquel il est établi à perpétuelle
demeure ? Parce que c’est là qu’existe sa personne , sinon toujours
physiquement, du moins toujours moralement ; parce que, dès lors,
il est nécessairement soumis à la disposition de l ’article 59 du Code
de procédure civ ile , qui veut qu'en matière personnelle le défen
deur soit assigné devant le tribunal de son domicile. JEh bien ! où
existent les eiFets mobiliers d’un étranger domicilié en France?
Nous l ’avons déjà dit, ils n’existent, soit réellement, soit pry: l’efTct
d’une fiction universellement admise, que dans le domicile de la
personne à laquelle ils appartiennent. Ils sont donc nécessairement
soumis à la loi de ce domicile. 11 n’y a donc que la loi de ce do
micile qui puisse, lorsque la personne vient à mourir , en opérer
la transmission à scs successeurs. Or , comment pourrait-on sérieu
sement contester à la loi qui opère une transmission de biens meu
bles , le pouvoir de la régir ? Comment pourrait-on sérieusement,
tout en profitant de la loi qui transmet une succession mobilière ,
faire dépendre cette succession d’une autre loi ?
Objectera-t-on que l’article 3 du Code civil ne soumet à la loi,
française, en ce qui coïicerne les étrangers, que les im m e u b le s qu ils
i3*
�(
100
)
y possèdent, et chercliera-t-on à conclure de là qu’elle n’a aucun'
empire sur les propriétés mobilières qu’ils ont en France?
Pour bien saisir le sens de cet article , il faut le lire en entier, et
le rapprocher de l ’ exposé des motifs qu’en a donnés l'orateur du
gouvernement ( M . Portalis^ à la séance da corps législatif, du
4 ventôse an 1 1.
Cet article est divisé en trois paragraphes. 11 établit, parle pre
mier, que les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui ha
bitent le territoire ; par le second , que les immeubles, même ceux
possédés par des étrangers , sont régis par la loi française; par le
troisième, que les lois concernant l'état et la capacité des per
s o n n e s régissent les Français , même résidant en pays étranger.
Dans l'exposé des motifs de ces trois dispositions, M. Portalis a
d’abord justifié la première par des considérations étrangères à l’ob
jet qui nous occupe ici; ensuite, passant à la seconde et à la troi
sième , voici comment il s’est expliqué :
« On a. toujours distingué les lois qui sont relatives à l ’état et à
» la capacité des personnes, d’avec celles qui règlent la disposition
» des biens. Les premières sont appelées personnelles , et les secon» des réelles.
» Les lois personnelles suivent la personne partout... 11 suffit
» d'’être Français , pour être régi par la loi française , dans tout ce
» qui concerne l’état de sa personne. Un Français ne peut faire
» fraude aux lois de son pays, pour aller contracter mariage en pays
» étranger, sans le consentement de ses père et mère, avant l’âge
» de vingt-cinq ans. Nous citons cet exemple entjrc mille autres
» pareils, pour donner une idée de l’étendue et de la force des
» lois personnelles....
» Les lois qui régissent la disposition des biens sont appelées
m r é e l l e s ; ces lois régissent les immeubles, lors même qu’ils sont
* possédés par des étrangers.... Aucune partie du territoire ne peut
�•
(
101\
» être soustraite a l'administration du souverain1,‘ córame aucune*
» personne habitant le 'territoire’ he^peut être soustraite a sa sur» veillance ni à son autorité. La souveraineté e s t 'indivisible : elle
» cesserait de l ’être, si les portions d’un même territoire pouvaient
» être régies par des lois qui n’émaneraient pas du m ê m e souve>> rain. 11 est donc de l ’essence même des choses, que les irameuv bles dont l’ensemble forme le territoire publicd'un peuple, soient
» exclusivement régis par les lois de ce peuple, quoiqu’une partie
» de ces immeubles puisse être possédée par des étrangers. »
A in si, l’orateur du gouvernement qualifie de lois réelles , et par
conséquent de lois obligatoires pour tous, soit nationaux, soit étran
gers , toutes celles qui régissent la disposition des biens ; et cepen
dant, à l ’exemple du texte dont l’explication l’occupe, il ne parle
que des immeubles; il se borne, comme ce texte, à dire que les
immeubles, n’importe qu’ils soient possédés par des étrangers ou
par des Français, sont régis par la loi française. D ’où vient et que
signifie ce silence sur les biens meubles ?
Personne assurément n’en inférera que la loi française ne ré^it
pas les meubles possédés en France par des Français; une pareille
conséquence serait trop absurde. On ne peut donc pas non plus en
inférer que la loi française est sans autorité sur les biens meubles
possédés en France par des étrangers; car il est impossible d’ad
mettre, h l’égard des étrangers, une manière de raisonner que le
bon sens repousse à l’égard des Français.
11 faut donc nécessairement reconnaître que l’article 3 du Gode
civil se réfère , pour les meubles possédés en France par des Fran
çais , comme pour les meubles qu’y possèdent les étrangers, au
principe général que les propriétés mobilières suivent la personne
et sont censées n’avoir pas d’autre situation que celle de son do
micile.
Mais de là même il résulte de toute nécessité que les meubles.
�( 102 )
possédés en France par u n étranger q u i y a son dom icile , ne p e u
vent , lorsqu’il y meurt-sans avoir^manifesté aucun esprit de retour
dans son pays n atal, être régis dans ^ s u c c e s s io n que par la loi
française.
u u ’lr-.Uoi: ;*hj
D é lib é r é à Paris,. le 5
: il
:
* .• ... .-.¡iqüG'
-..n_ r.
_. ;
• .-
. . .
m
p
je
a v r il 1 8 3 2
?-‘.b
9 D n n ss.o I
. • u ' b a î t u ü q - • ^>1 o>îi
:oi.ip t.
M E R L IN ;
•
^
*i
--■-! ; -i
i - . L - ii-q
li- '*
li
*>h .
. ~
ir.ii ‘<n*. )
*.È0q-n,!
i.j
'
t ‘V
,
07
• ,
'f
^
-= ' ,
^
T f**"*
- •'
.,
'
--
C L ERMONT-FERRAND ,I M P R I M E R I E D E T H I B A U D L A N D R I O T .
’
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Onslow. 1832?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Godemel
Allemand
Tailhand
Garnier
H. Conchon
Berryer fils
Merlin
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour MM. Onslow puînés, contre M. Georges Onslow, appelant.
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud-Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1832
1783-1832
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
102 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2701
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2702
BCU_Factums_G2703
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2705
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
BCU_Factums_G2708
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53538/BCU_Factums_G2701.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Lillingstone Lovell (01280)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes