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S
POUR
Mademoiselle D ’ A L B I A T .
S ’ i l est vrai que la gloire d’une femme soit d’être
ignorée, et que celle dont on a parlé le moins ait le mieux
vécu, combien cette obscurité devoit surtout être chère
a une jeune personne qui n’étoit jamais sortie, pour
ainsi dire, de l’ombre des ailes de sa mère!
Qu il lui en a coûté d’attirer tous les yeux sur elle par
une demarche publique, et de paroître tout à coup au
grand jo u r , sans s’être préparée à en soutenir l’éclat!
Pourquoi un père qu’elle a toujours chéri, ne lui a-t-il
pas épargné cette douleur? Faut-il qu’il s’oppose seul à
un mariage qu’une mère éclairée approuve, que toutes
les convenances autorisent?
Sa fille (n e fit-elle même que céder aux mouvemens.
de son cœ ur) peut-elle craindre la censure publique,
lorsqu’elle m arche, sous la conduite de sa m ère, à un,
i
�c*)
établissement légitime? et n’est-elle pas assurée de la pro
tection de la justice, quand elle suit la route que les lois
mêmes lui ont tracée ?
Mademoiselle d’A lb ia t sort d’une famille ancienne , et
distinguée dans la magistrature. Son père occupoit, avant
178 9, la place de procureur du roi près de la séné
chaussée de Clermont. IL avoit plus de 200000 francs de
bien lorsqu’il épousa mademoiselle D u p u y , qui lui ap
porta une dot de 67000 francs argent com ptant, somme
alors considéi'able. Ce mariage a donné le jour à trois
enfans, deux fils et une fille.
L a nature et la fortune sembloicnt promettre un heu
reux avenir à cette jeune personne.......... A u jo u r d ’hui la
dot de sa mère est la seule ressource de ses frères et la
sienne; il faut que sa mère la nourrisse, et que la justice
décide de son établissement.
Mademoiselle d’A lbiat eût supporté les revers de la
fortune sans murmure : mais elle étoit réservée à des
coups plus cruels et plus sensibles.
Depuis la révolution, M . d’Albiat a presque toujours
vécu à Paris. Sa fille habitoit Clermont avec sa mère ;
elle ne l’a jamais quittée. C’est sa mère qui a dirigé son
éducation : elle doit tout à sa tendresse-, et au milieu de
scs peines il lui est doux de pouvoir lui offrir ce témoi
gnage public de reconnoissance.
Madame d’Albiat a cru devoir demander à être séparée
de biens d’avec son mari. La séparation a été prononcée
.il y a trois ans par un arrêt de la cour de Puom.
11 a suffi que cette décision ait été pénible à M. d’A lbiat,
pour affliger le cœur de ses culans. Mais lia chagrin plus
�VÍfies attendent r madame d’A lbiat a depuis Jugé a propos*
malgré leurs instances réitérées, de demander à être sé
parée de corps d’avec leur père. Cette demande est au
jourd’hui pendante en la cour de Riom ; et déjà un arrêt
provisoire y a été ren d u, qui remet les tristes victimesde la désunion de leurs parens à la garde de leur mère,
et ordonne que M . d’A lbiat ne pourra se présenter chez
son épouse que de son consentement.
Cependant mademoiselle d’A lbiat touchoit à sa vingtunième année, et sa famille s’occupoit de son établisse
mentC ’est dans ces circonstances, que M . Dufraisse de V e r
mines , fils du dernier avocat général à la cour des aides,
et lieutenant avant 1789 dans le régiment d’Austrasie ,
a demandé la main de mademoiselle d’A lbiat, dont le père
étoit alors à Paris.
M . de Yernines n’est point riche, mais sa fortune est
à peu près égale à celle de mademoiselle d’Albiat ; et peutetre devoit-on lui savoir quelque gré de chercher à s’allier
à une famille malheureuse.
Séparée de ses fils, qui tous deux sont éloignés d’e lle ,
madame d’A lbiat a cru avoir besoin d’un appui, plus
encore pour sa fille que pour elle. Elle a agréé la de
mande de M . de Vernines; et mademoiselle d’A lb ia t,
encouragée*par l’aveu de sa m ère, n’a pas été insensible
à: ses soins.
Assuré du consentement de madame d’A lb ia t, M . de
Vernines s’est occupé d’obtenir celui de M. d’Albiat. Il
lui a fait écrire par M . T ron et, son ami. Que de dé
marches 11’a-l-il pas faites, que de respectueuses sollicitaz
�c 4 >
tions n’a-t-il pas employées à son retour! Il a fait agir
sa famille e n tiè re , aussi estimée qu’estimable; il eu re
cours, à clés parens communs; il a eu différentes entre
vues avec M . d’A lb ia t, chez lui et chez M . Tronet.
Ces démarches; avoient lieu au mois d’octobre dernier.
M.. d’A lbiat n’avoit point alors de prévention contre
M . de. Y ern ines; il ne s’opposoit point à son m ariage,
et n’y mettoit qu’une seule condition. . . que madame
d-Albiat jeter oit a u fe u tas pièces du malheureux procès
en séparation de corps, qui afïligeoit également, et ses
enfans, et celui qui aspiroit à le devenir.
Ce fait, qui est de la plus haute importance, puisqu’il
justifie à la fois M. de 'Yernines des l'eproclies qui lui
ont. été faits depuis, et mademoiselle d’Albiat de sa per
sévérance dans un choix d’abord approuvé par son père,
M . de Vernines le prouvera, si la cour de Riom l’or
donne,
7•
i° . Par des lettres des parens communs;
2?. Par. la déclaration que feront M M . M arlillat de
Chabanes , et Y ig ic r , de Clermont , que M . d’Albiat
les a chargés de faire cette proposition à M . de Yernines.
T o u t ce que pouvoit faire un. homme délicat, pour
y répondre, M-. de. Vernines l’a fait. Mais mademoiselle
d’A lbiat et lui n’avoient que le droit de prier : ils en ont
bien fuit usage; de. si doux motifs, les aniinoient! Et si
leur malheur a voulu qu’ils n’aient pu encore ménager
u n e . réconciliation qu’ils désirent également, c’est que
le succès ne couronne pas toujours les plus tendres et
les plus justes projets des enfans.
L e cœur d’un bon père est un asile où il ne faut
�( 5)
jamais désespérer de pénétrer. A u moment même où
M . de Vernines ten toit jnille moyens respectueux pour
toucher le coeur-de M . d’A lb ia t, dans le temps où sa
fille, qui en connoissoit.tous les chemins, y f a i s o i t chaque
jour de nouveaux progrès, tout à co u p , par.une fatalité
inexplicable, M . d’A lbiat s’a ig rit, s’irrite , et bannit sa
fille de sa présence; il déclare ( qu’il en coûte à made
moiselle d’A lbiat de le répéter! ) il déclare à M . Escot,
son oncle, que si elle reparoît chez lui il .la.mettra de
hors k coups de pied.
On avoit fait entendre à M . d’A lbiat qu’il neeonvenoit
point qu’il donnât sa fille à un émigré ;-on lui avoit ip.•sinué que M . de Vernines. aigrissoit;madame d’A lb iat,
lo in de ch erch er ¿Y l’adoucir.
Trom pé par: ces faux rapports, M . d’Albiat-a refusé
son consentement .à M . de Vermines de Ja manière la
plus absolue, et avec des emportçmens sans doute étran
gers k son caractère.. .
'
Les recherches de M . de ;V eynines étoient publiques :
toute la famille de mademoiselle d’A lbiat les approuvojt
et les encouragçoit. .Tout etoit convenable dans cette
alliance; la naissance, la «fortune! <çt les conditions étoient
k peu près les mêmes : il étoit évident que M . d’A lbiat
n’avoit contre M . de Vernines que des préventions que
le temps devoit dissiper. Mademoiselle d’Albiat « cru
pouvoir suivre les mouvemens de son cœur, et user du
• droit quej-lui doimojt sa majorité. M adam e d’A lbiat a
déclaré pnr-;éçrit, ( Oiçte est produit au procès.) qu’elle
opprouvoit ;et| ajUori^oit le mariage ;,çt avec ¡son autori
sation sa iillê s’eat décidée à i présenter ¿1 son père des
actes de respect.
2
�'(.6 )
Mais en vain le Code civil, en vain le rédacteur'du
nouveau Code de procédure, dont elle a une consulta
tio n , la dispensoient de présenter elle-m êm e ses actes
respectueux. . . . Mademoiselle d’Albiat nVconsulté que
son c œ u r.. . . elle a voulu accompagner le notaire chez
•son père : elle a1cru que sa voix , jusqu’alors'si agréable
à son oreille, donneroit plus de force à ses prièi’es. Dans
cette id é e , elle s?est rendue présente aux ‘trois actes res
p ectu eu x.. . . mais inutilement.
Mademoiselle d’A lbiat le déclare ici ; elle ne sait pas
'ce qu’elle n’auroit point f a it , pour éviter de commencer
-contre son père le pénible apprentissage des procès.’
M algré ses amis, mdlgré sa famille, après son dernier
acte de respect du 4 mars, elle étoit déterminée à at
tendre que le temps ramenât son père ù l’avis de madame
'd’Albiat. Elle respiroit ces mêmes sentimens q u i, deux
•mois après, ont dicté la lettre qu’elle join t'à ce p récis,
lorsque son père l’a conduite lui-m êm e aux pieds des
tribunaux, et a appris à leurs ministres le chemin de la
maison de sa fille, par un acte d’opposition A son mariage,
^signifié par huissier le -3 avril dernier.
Mademoiselle d’Albiat a été forcée d’en demander la
mainlevée, et le tribunal de Clermont a rcjeté;sa demande
par un jugement du i cr. m ai, qui déclare nuls et irres
pectueux les actes de respect présentés par lu fille; et
•statuant ensuite sur le fond, maintient l’opposition formée
■
par le père. Madcmoisélle d’Albiat a interjeté appel.de
ce jugement-par exploit du 3° niai dernier; et, confor
mément ù l’article 1 7 8 ‘du Code c iv il, portant « qu’en
« cas d’appel, il y sera statué dans les dix jours de la
�( 7')
«. citation , »• une audience extraordinaire a été fixée ,
p ou r la plaidoirie de la cause, au lundi 9 juin prochain.
Mademoiselle d’A lbiat n’ayant destiné ce précis qu’à
détruire les préventions qui pourroient s’élever contre sa
cause, elle se bornera à de courtes observations qui seront
développées dans, la plaidoirie.
Il est certain qu’il est un âge où la raison , affranchie
des liens de l’enfance et mûrie par les feux même de
la jeunesse,;devient capable de nous guider dans le choix
d’un état, et dans celui d’une compagne qui embellisse nos,
plaisirs' et console nos peines. Cette époque a été fixée
par le Code civil à vingt-cinq ansi pour les hommes -, à
l’égard des filles , chez qui la nature suit d’autres lois , et.
qui hors du m ariage ont rarem ent un état, la m ajorité
a été justem ent rap p ro ch ée à. v in g t - un ans. Institué p ar
la nature môme comme premier magistrat dans sa fam ille,
c’est le père surtout que la société interroge pour qu’il
lui réponde que son fils ou sa fille mineure apporte
nu contrat solennel du mariage un consentement vrai,
solide et éclairé; mais à la majorité , l’autorité des pères
fin it, leur consentement n’est plus indispensable , et leurs
etifans ne leur doivent plus qu’un témoignage aussi légi-^
time que doux de respect et de déférence.
Telles sont presque les expressions de l’orateur qui a
lait le rapport de la loi sur le mariage. L ’article 148 du
Code civil en est le résumé. Cet article porto que « lq.
« fille qui n’a pas atteint l’âge de vingt et un ans accom« plis ne peut se marier sans le consentement de sou père
rç et de sfi mère. » D ’où il su it, par un raisonnement
contraire , que passé cet âge le consentement des parçn$
»’est plus nécessaire.
4
�( 8 h
<Ce principe souffre deux exceptions’ , toutes deux dé
term inées' par l e Code civil' (articles i '5 i , i 5 2 ) ; l’une
que les enfaris aient présenté trois actes respectueux et
form els à leurs père et mère ; l’autre' que ces derniers
n’aient point'form é opposition au mariage'( art. 17 3 ),
ou , ce qui est la même chose, que cette opposition ne
soit pas fondée.
O r , mademoiselled’A lbiat a présenté des actes de res
pect à son père ; et l’opposition qu’il a mise à son mariage
est sans fondement.
Il est certain qu’il y a eu des actes respectueux présentés
par mademoiselle d’A lbiat les 26 décembre , 29 jan vier,
et 4 mars dernier.
Quel reproche leur fait-on ? On a jugé qu’ils n’étoient
pas respectueux. S’ils ne le sont pas, l’intention de made
moiselle d’A lbiat auroit donc bien été trompée! Mais il
suffit de les lire pour se convaincre du contraire : l’af
fection et la douleur respirent dans chaque ligne.
O11 a critiqué les mots sommé et interpellé, par les
quels le notaire les termine : mais la cour de Rouen a pré
cisément ju g é , le 6 mars dernier, que ce mot sommé
n’étoit point prohibé par la loi , et qu’il n’avoit rien de
choquant, puisqu’il se trouvoitaccompagné des plus hum
bles supplications.
On prétend que dans les deux premiers actes, made
moiselle d’A lbiat demande seulement le consentement et
non le conseil de son pere. On dit que le Code civil exige
expressément la demande du conseil*, que ses termes sont
sacramentels en cette matière et par ces raisons on an
nuité les trois actes.
�c9y
Cependant le troisième renferme;expressément ce mot
conseil, comme'le jugement le recqnnort; et il semble que
l’omission faite dans les deux premiers soit ainsi réparée ;
il semblé ensuite qu’il est bien plus respectueux de deman
der le consentement d’une personne que son conseil, car on
peut suivre ou mépriser l’avis qu’elle donne : mais deman
der son consentement, c’est annoncer qu’on en a besoin ,
que du moins on y attache le plus grand prix. L ’une de ces
démarches est un témoignage d’estime, la seconde est une
preuve de respect et de soumission. Il est même évident que
le législateur a choisilemot conseil pour les majeurs, comme
plus foible et opposé à celui de consentement pour les
mineurs : c’est ce qui résulte du rapproch em ent de l’ar
ticle 148 avec l ’article i 5 i , et des procès v e rb a u x du con
seil d’état. D ’a ille u rs, si l’article i 5 i renferme le co n seil,
l’article suivant dit expressément que s’il n'y a pas de
consentement sur le premier acte, on passera à un se
cond, etc. Donc ce n’est pas une nullité dans l’acte d’y avoir
employé le terme de consentement dont fait usage la loi.
Et qu’importe qu’on ait demandé à M . d’A lbiat son con
sentement plutôt que ses conseils, puisqu’il a refusé le pre
mier et donné les seconds avec toute l’étendue qu’il a jugé
a propos d’y mettre. Enfin le Code civil n’a point donné
de formule qui puisse servir de modèle aux actes de res
pect qu’il exige. Dans ces circonstances , il semble qu’il
faut suivre les anciennes formes : c’est p r é c i s é m e n t ce qui
a été observé ; et les actes respectueux présentés par made
moiselle d’Albiat ont été copiés mot pour mot sur le mo
delé donné il y a trente ans par l’auteur de la Procédure
du cliâtelet, chargé aujourd’hui de la rédaction du nou-
�(10 y
veau Godé de procédure. M . Pigeau sans doute écrivoit'
dans un temps où l’autorité paternelle étoit au moins aussi?
respectée qu’aujourd’hui.
Si les actes présentés par mademoiselle d’A lbiat sont
réguliers, il ne reste plus qu’à prouver que l’opposition
de son père n’est point fondée.
On peut dire en général-que les pères n’ont point le
droit de s’opposer au mariage de leui’S enfans majeurs.
Ce principe se prouve par raison et par. autorité. Par
raison , parce qu’il vient un temps où l’homme est oui
doit être en état de marcher seul dans la route de la.
vie ; parce- que la nature l’a rendu lib re , et que la société'
seule lui ayant imposé des liens dans le plus naturel commele plus doux de tous les actes, la société peut l’en affran
chir quand elle le juge à propos, et n’a pas le droit dele retenir dans une éternelle dépendance,
- L ’autorité vient ici à l’appui de la raison. Tous les.
peuples ont proclamé la liberté absolue des m ariages après
la majorité; « A cette époque, dit l’éloquent Portalis,
« les enfans, soit naturels, soit légitim es, deviennent
« eux-mêmes les arbitres de leur propre destinée; leuc
« volonté suffit à leur mariage, ils n’ont besoin du con« cours d’aucune autre volonté. »
« Q u’entend - on , se demande M. de M alleville ( sur
« l’article r 58 du Code civil ) , par ces mots : E tre, reln« tivement au m ariage, sous la puissance d'autrui?
« Des auteurs récens, d it-il, sont partagés sur celte ques« tion ; les uns pensent que les descendans y sont a tout
âge , et tant que leurs père et mère vivent ; les autres
et pensent au contraire que cette puissance cesse lorsque
�( r i)
^<.'ïcs'gar,Çons on^ vingt-cinq ans? et les filles vingt-un.
« Je suis de l’avis de ces derniers. Après cet â g e , les
« enfans peuvent se marier sans le consentement et
« contre le gré de leurs /parens. Ils ne sont donc plus
'« sous leur puissance à cet égard , seulement ils sont
v« obligés de requérir ce consentement : mais ce n’est
-« qu’une déférence, qu’ une marque de respect que la loi
«.leur impose.; et après l’avoir rem plie, ils peuvent se
'« m arier'm algré "leurs-parens. »
. Enfin M . Pothier dans son Traité du/contrat de ma;xù\ge, art.’^ i , décide que.le .père n’est pas même fondé
à s’opposer au mariage de son-fils majeur. C’est ce qui a
rété ijugé,' dit-il y par un arrêt du 12 février 1718 , rapip o rté au 7 e.. tome du Joui*nal des audiences , qui donne
»congé de l’opposition form ée par un p ère au m ariage de
ssnn fils , âgé de vingt-six ans. ( Il faut observer que le fils
n’avoit pas même présenté d’actes respectueux. )
r rM ais, dira-t-on ?>si les enfans majeurs sont les maîtres
absolus de'leur destinée, pourquoi l’article 173 du Code
autorise-t-il les pères et mères à former opposition a leurs
-mariages ? Pour plusieurs.raisons.; pour.forcer les enfans
a présenter des actes de respect, quand ils ont manqué
- à ce devoir ;>pour empêcher les m ariagesprém aturés, ou
'dans les degrés prohibés ; en fin , si l’on veut, pour 1*0
- tarder , mais retarder seulement 7les mariages déshonorans
■
-et honteux.
Car ni les pères , ni les tribunaux qui les représentent,
^ . ne sont les maîtres d’em pêcher l’établissement d un ma
jeur,; on ne peut qu’y faire naître des obstacles, qu'y
•apporter des délais. L a .loi ne peut contrarier la natiuc
�C 12 )
que jusqu’à un certain point., et la nature ¡veut que *les
mariages soient libres.
>:
;
« L e législateur , disoit M . J3igot de Préameneu au
« conseil (l’état, a voulu concilier ce qui est dû.aux pareils
« avec les droits de lu nature. C’est déjà.assezÆun délai
« de quatre mois apporté, au mariage par les trois actes
« de respect. Il pourroit résulter d’un .plus¡long, retar« dement des désordres scandaleux qu’il faut prévenir.
« Il est difficile d’imaginer que quelques mois de plus
« suffisent pour calmer les passion? j soit qu.’il s’agisse de
a faire revenir des parens de préventions .mal fondées, ou
« de ramener des enfans.
« D ’ailleurs, il importe de ne pas perdre de v u e , continue
« M . B ig o t, que l’une des familles est dans une position
« désagréable, et que le refus de consentement ne doit
« pas être un obstacle de trop longue durée au mariage
« que la loi autorise. »
V oilà sans doute des motifs qui ont dicté les art. 177
et 178 du Code civil, qui veulent que les premiers juges
statuent dans les dix jou rs, et .les magistrats supérieurs
•dans le môme délai, sur la demande en mainlevée d’op
position.
Cependant le tribunal de Clermont a pris sur lui d’em
pêcher à jamais le mariage de mademoiselle d’Albiat avec
M . de Vernines ; car il a maintenu purement et simple
ment l’opposition de M\ d A lbiat.
C ’est déjà un grand abus de pouvoir que les magistrats
supérieurs doivent réprimer pour l’avenir. Mais: encore ,
sur quel m otif est-il fondé ? Sur un fait faux, et sur uuc
conséquence absurde tirée de ce fait.
�( i3 )
O n a prétendu qu’il résultent de la discussion de la
cause, que le mariage avoit été projeté, il y a trois ans,
entre mademoiselle d’A lb ia t, sa mère et M . de Vernines,
de l’agrément de madame de Vernines m ère, et à l’insçu
du sieur d’Albiat. D e là 011 conclut que le c o n s e n t e m e n t
de la jeune personne ne peut être que Teffet de la cap
tation , et que cette captation s’est dévoilée à la pre
mière heure de la m a jo rité, par les actes de respect
signifiés à M . d'Albiat.
Mademoiselle d’A lbiat déclare que le fait sur lequel
est fondé ce i-aisonnement est faux. Il n’est point v ra i,
- et on n’a jamais dit pour elle, que son mariage fut projeté
il y a trois ans à Pinsçu de son père.
Mais le fait fût-il v r a i , depuis quand est-il défendu à
une m ère de faire des projets d’établissem ent pour sa fille,
lorsque son père est absent ? E t par quel étrange ren
versement de tous les principes peut-on traiter de capta
tion de semblables projets, et soutenir que cette capta
tion en minorité détruit un consentement donné en ma
jorité ? N ’importe que le mineur ait été trompé en
minorité (ce qui n’a été ni projeté ni exécuté ici ) , lorsque
devenu majeur il ratifie les traités qu’il a passés.
Si le seul m otif d’opposition adopté par le tribunal de
Clermont entre tous ceux que M . d’Albiat propose, est si
foible et si déplorable, que penser de ceux qui n’ont
pas été accueillis, et qui sont des objections relatives à
1âge, a la fortune, et même à la santé de M. de V ernines,
et du nombre de ces exagérations que tout homme peut
se permettre dans le monde en parlant d’un établissement
qu’ il désaprouve , mais qui ne peuvent faire aucune im
pression sur des magistrats?
�( *4 }
Sans cloute' o i t a trompé M . d’A lbiat sur le compte de
M , de Vernines : des inspirations étrangères l’animent
il sait bien , et on prouvera qu’il avoit d'abord consenti àla demande de M . de Vernines.
On l’a déjà dit, il n’y m ettoitqu’une seule condition dont
il fit part à M M . de Martillat et V ig ier, c’est que madamed’Albiat anéantiroit sa procédure en séparation de corps..
A - t - i l dépendu de M . de Vernines de satisfaire M .
d’A lbiat ? Ses désirs étoient les siens. 11 se compte déjà
au nombre de ses enfans; il' gémit d’une désunion qui les
afflige tous : mais il ne peut que gém ir..... Il souffre des
préventions de M . d’A lbiat ; mais , d it-il, c’est en faisant
un jour le bonheur de sa fille qu’il espère de les dissiper.
Quant à mademoiselle d’A lb ia t, assurée de la protec
tion de la justice, sans inquiétude sur l’opinion publique,
puisqu’elle est conduite comme par la main par sa mère j
par sa m ère qui a fait son éducation, par sa mère de qui
désormais elle attend toute sa fortune, par sa mère aux
soins de Laquelle de sages magisti’ats l’ont confiée, par sa
mère enfin qui a tant d’intérêt à veiller à l’établissement
d’une fille avec laquelle elle est destinée à vivre ; qu’at-elle à désirer, que de voir son père se rapprocher de
cette mère chérie, et pour son mariage, et pour toujours ?
C ’est sans doute quand les fortunes sont semblables, les
conditions égales, les principes sûrs, l’estime réciproque,
le caractère éprouvé; quand une longue persévérance est
devenue pour celle qui met le plus dans la société le gage
d’un attachement solide quand le cœur respire sans gêne
dans le plus doux des engagemens \ quand une mère ten
dre et prudente a parlé } c’ cst alors qu’il est permis à une
�c r5 >
fille s o u m i s e et respectueuse de presser , de solliciter , d’es
pérer le consentement d’un bon père!
D u m oins, mademoiselle d’Albiat a la consolation de
penser qu’elle n’a rien négligé pour l’obtenir. Que pouvoit-elle faire que de, supplier ? et quelles supplications
plus touchantes que celles qu’elle a adressées à M . d’A l
biat, dans sa lettre écrite la veille de l’audience de Cler—
m ont, oii elle a été lu e ? et dont voici la copie :
À Clermont, ce 27 avril 1806.
; .
J o l ie
m
on
enen
n’est-elle plus
papa
‘
,'
v o tre
san g
■
, n’est-eîle plus votre fille?
q u ’ a - t - e l l e f a i t p o u r m é r i t e r v o t r e c o u r r o u x ? sa t e n d r e s s e , s o n
les mêmes à votre é g a r d ?
Mon p a p a , laissez-vous f l é c h i r ; c’est à genoux, et les larmes
aux yeu x, que je vous en supplie : accordez un consentement
dont dépendent mon bonheur et ma tranquillité ; bénissez une
union à laquelle vous ne répugnâtes pas toujours , et que les
circonstances présentes nécessitent ; car vous savez bien quelle
est la perspective d’une demoiselle demandée publiquement,
€t dont le mariage ne se fait pas. Bénissez une union qu’il me
seroit bien plus doux de devoir à votre tendresse qu’à l’auto
rité des lois. Les mœurs et la probité de M. de Vernines sont
connues : vous lui avez rendu justice dans un temps ; p o u r q u o i
ne la lui rendez-vous plus? qu’a - t - il fait pour mériter votre
haine ? Sa fortune n’est-elle pas à peu près égale à la mienne,
et s o n alliance est-elle dans le cas de me d é s h o n o r e r ? Mais je
vous rends j u s t i c e , mon clier papa, cette haine n est pas de
v/)us, des médians l’ont suggérée ; ils ont noirci à vos yeux
ain homme d’honneur, et ont voulu m’enlever votre tendresse.
resp ect
ne
fu r e n t -ils p a s
t o u jo u r s
�(16 )
Oh ! o u i, vous vous laisserez attendrir ; et arrêterez le déses
poir d’une fille respectueuse , que le concours des circonstances
force de plaider avec un père q u 'e lle chérit. Pardonnez-moi,
si j’ai pu vous déplaire en quelque chose ; e t , de grâce , ne
me donnez pas en spectacle au palais, mardi prochain. Par
donnez aussi, si j’ai cessé de venir vous rendre mes devoirs
chez vous ; les menaces de me battre, si j’y revenois jam ais,
et dont mon oncle Escot chargé par vous fut le porteur, m’ont
seules épouvantée, et arrêté mes visites: mais je n’ai pas pour
cela cessé de vous chérir et respecter. Encore une fois je suis
à vos genoux , et les mains jointes. Mon cher papa, vous n’étes
pas méchant ; vous ne voudrez pas la perte et la honte de
votre fille. Bénissez et consentez à une union qui fait mon
bonheur, et qui un jour, je l’espère, fera votre consolation;
bénissez une union que les plus mûres réflexions me font dé
sirer , et auxquelles les temps les plus longs ne peuvent rien
changer. Evitez-moi le chagrin de passer dans l’esprit public
pour une fille révoltée contre l’autorité paternelle ; et à vousmême, un jour, la douleur d ’ y avoir forcé votre pauvre fille J u l ie .
Puisse cette lettre, dictée par la piété filiale suppliante,
devenir un témoignage durable des efforts qu’a tentés
une fille respectueuse, pour éviter un procès qui lui a
coûté tant de pleurs!
J ulie
D ’A L B IA T .
L. J U L H E , avocat.
A. RIOM, de l’imprimerie de L a n d Ri o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1806.
�
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Albiat, Julie d'. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Julhe
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
séparation de corps
actes respectueux
Description
An account of the resource
Précis pour Mademoiselle d'Albiat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1803-1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0612
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
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Domaine public
Relation
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actes respectueux
séparation de biens
séparation de corps
-
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46ea1a9ff5727376af9fc9610fafe33d
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Text
P
R
E
C
I
S
P O U R
Mademoiselle D ’ A L B I A T .
S ’ i l est vrai que la gloire d’une femme soit d’être
ignorée, et que celle dont on a parlé le moins ait le mieux
vécu , combien cette o b scu rité d e v o it surtout être chère
à u n e jeu n e p erso n n e qui n’etoit jamais sortie , pour
ainsi dire, de l’ombre des ailes de sa mère!
Q u’il lui en a coûté d’attirer tous les yeux sur elle par
une démarche publique, et de paroître tout à coup au
grand jo u r, sans s’être préparée à en soutenir l’éclat!
Pourquoi un père qu’elle a toujours ch éri, ne lui a-t-il
pas épargné cette douleur? Faut-il qu’il s’oppose seul à
un mariage qu’une mère éclairée approuve, que toutes
les convenances autorisent?
Sa fille ( ne fît-elle même que céder aux m o u v e m e n s
d e son cœ ur) peut-elle craindre la censure publique,
lorsqu’elle m arche? sous la conduite de sa m ère, à un
i
�▼
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( 2 }
établissement légitime? et n’est-elle pas assurée de la pro
tection de la justice, quand elle suit la route que les lois
mêmes lui ont tracée ?
Mademoiselle d’A lbiat sort d’une famille ancienne, et
distinguée dans la magistrature. Son père occupoit, avant
178 9 , la place de procureur du roi pi-ès de la séné
chaussée de Clermont. Il avoit plus de 200000 francs de
bien lorsqu’il épousa mademoiselle D u p u y, qui lui ap
porta une dot de 67000 francs argent com ptant, somme
alors considérable. Ce mariage a donné le jour à trois
enfans, deux fils et une fille.
L a nature et la fortune sembloient promettre un heu
r e u x avenir à cette jeune personne...........A u jo u r d ’h u i la
dot de sa mère est la seule ressource de ses frères et la
sienne ; il faut que sa mère la nourrisse , et que la justice
décide de son établissement.
Mademoiselle d’A lbiat eût supporté les re v e rs de la
fortune sans murmure : mais elle étoit réservée à des
-coups plus cruels et plus sensibles.
Depuis la révolution , M . d’A lbiat a presque toujours
vécu à Paris. Sa fille habitoit Clermont avec sa m ère;
elle ne l’a jamais quittée. C ’est sa mère qui a dirigé son
éducation : elle doit tout à sa tendresse ; et au milieu de
ses peines il lui est doux de pouvoir lui oifrir ce témoi
gnage public de reconnoissance.
Madame d’Albiat a cru devoir demander à être séparée
de biens d’avec son mari. La séparation a été prononcée
il y a trois ans par un arrêt de la cour de Riom.
11 a suffi que cette décision ait été pénible à M. d’A lbiat,
pour affliger le cœur de ses enfans. Mais un chagrin plus
�(3 )
v if les aftendoit : madame d’A lbiat a depuis jugé à propos,
malgré leurs instances réitérées, de demander à. être sé
parée de corps d’avec leur père. Cette demande est au
jourd’hui pendante en la cour de R iom ; et déjà un arrêt
provisoire y a été rendu, qui remet les tristes victimes
de la désunion de leurs parens à la garde de leur m ère,
et ordonne que M . d’A lbiat ne pourra se présenter chez
son épouse que de son consentement.
Cependant mademoiselle d’A lbiat touchoit à sa vingtunième année, et sa famille s’occupoit de son établisse
ment.
C’est dans ces circonstances, que M . Dufraisse de V e rnines, fils du dernier avocat général à la cour des aides,
et lieutenant avant 1789 dans le régiment d’Austrasie ,
a demandé la main de mademoiselle d’A lb iat, dont le père
étoit alors à Paris.
M . de Vernines n’est point riche, mais sa fortune est
à peu près é g a le à c e lle de m ad em o iselle d ’A lb ia t ; et peutêtre d e v o it-o n lu i s a v o ir quelque g r é de chercher à s’allier
à u n e fa m ille malheureuse.
Séparée de ses fils, qui tous deux sont éloignés d’e lle ,
madame d’A lbiat a cru avoir besoin d’un appui, plus
encore pour sa fille que pour elle. E lle a agréé la de
mande de M . de Vernines; et mademoiselle d’A lb ia t,
encouragée par l’aveu de sa m ère, n’a pas été insensible
à ses soins.
Assuré du consentement de madame d’A lb ia t, M . de
Vernines s’est occupé d’obtenir celui de M . d ’A lb ia t. II
lui a fait écrire par M . T ron et, son ami. Que de dé
marches 11’a-t-il pas faites, que de respectueuses sollicita-
�C 4: )
fions n’a-t-il pas employées à son retour! Il a fait agir
sa famille entière, aussi estimée qu’estimable ; il eu re
cours à des parens communs; il a eu différentes entre
vues avec M . d’A lb ia t , chez lui et chez M . Tronet.
Ces démarches avoient lieu au mois d’octobre dernier.
M . d’A lbiat n’avoit point alors de prévention contre
M . de Vernines; il ne s’opposoit point à son m ariage,
et n’y mettoit qu’une seule co n d itio n ... que madame
d'A Ibiat jeter oit au f e u Us pièces du m alheureux procès
en séparation de corps, qui afïïigeoit également, et ses
enfans, et celui qui aspiroit à le devenir.
’ Ce fait, qui est de la plus haute importance, puisqu’il
justifie à la fois M . de Vernines des reproches qui lui
ont été faits depuis, et mademoiselle d’A lbiat de sa perseverance dans un choix dTabord approuvé par son père,
M. de Vernines le prouvera, si la cour de Riom l’or
donne ,
i° . P ar des lettres des parens com m uns;
2.°. Par la déclaration que feront M M . M artillat de
Chabanes , et V ig ie r , de Clermont , que M . d’A lbiat
les a chargés de faire cette proposition à M . de Yernines,
T o u t ce que pouvoit faire un homme délicat, pour
y répondre, M . de Vernines l’a fait. Mais mademoiselle
d’A lbiat et lu in ’avoient que le droit de prier : ils en ont
bien fait usage; de si doux motifs les animoient! Et si
leur malheur a voulu qu’ils n’aient pu encore ménager
une réconciliation qu’ils désirent également, c’est que
le succès ne couronne pas toujours les plus tendres et
les plus justes projets des enfans.
L e cœur d’un bon père çst un asile où il ne faut
�( 5)
jamais désespérer de pénétrer. A u moment même où
M . de Vernines tentoit mille moyens respectueux pour
toucher le cœur de M . d’A lb ia t, dans le temps où sa
fille, qui en connoissoit tous les chemins, y faisoit chaque
jour de nouveaux progrès, tout à cou p , par une fatalité
inexplicable, M . d’A lbiat s’a ig rit, s’irrite , et bannit sa
fille de sa présence; il déclare ( qu’il en coûte à made
moiselle d’A lbiat de te répéter! ) il déclare à M . Escot,
son on cle, que si elle reparoît chez lui il la -mettra de
hors à coups de pied.
On avoit fait entendre à M . d’A lbiat qu’il ne convenoit
point qu’il donnât sa fille à un émigré ; on lui avoit in
sinué que M . de Vernines aigrissoit madame d’A lb ia t,
loin de chercher à l’adoucir.
Trom pé par ces faux rapports, M . d’A lbiat a refusé
son consentement à M . de Vernines de la manière la
plus absolue, et avec des emportemens sans doute étran
gers à son caractère.
L e s recherches de M . de Vernines étoient publiques :
toute la famille de mademoiselle d’A lbiat les approuvoit
et les encourageoit. T o u t étoit convenable dans cette
alliance; la naissance, la fortune et les conditions étoient
à peu près les mêmes : il étoit évident que M . d’A lbiat
n’avoit contre M . de Vernines que des préventions que
le temps devoit dissiper. Mademoiselle d’A lbiat a cru
pouvoir suivre les inouvemens de son cœur, et user da
droit que lui donnoit sa majorité. Madame d ’A lb ia t a
déclaré par écrit ( l’acte est produit au procès ) qu’elle
approuvoit et autorisoit le mariage; et avec son autori
sation sa fille s’est décidée à présenter à son père des
actes de respect.
3
�c o
Mais en vain le Gode civil, en vain le rédacteur du
nouveau Code de procédure, dont elle a une consulta
tion, la dispensoient de présenter elle-m êm e ses actes
respectueux. . . . Mademoiselle d’A lbiat n’a consulté que
son c œ u r .. . . elle a voulu accompagner le notaire chez;
son père : elle a cru que sa v o ix , jusqu’alors si agréable
à son oreille, donneroit plus de force à ses prières. Dans
cette id é e , elle s’est rendue présente aux trois actes res
pectueux . . . . mais inutilement.
Mademoiselle d’A lbiat le déclare ici ; elle ne sait pas
ce qu?elle n’auroit point f a it , pour éviter de commencer
contre son père le pénible apprentissage des procès.
M algré ses amis, malgré sa fam ille, après son dernier
acte de respect d u 4 mars, elle étoit déterminée à at
tendre que le temps ramenât son père à l’avis de madame
d’Albiat. E lle respiroit ces mêmes sentimens q u i, deux
mois après, ont dicté la lettre qu’elle joint à ce p récis,
lorsque son père l’a conduite lui-m êm e aux pieds des
tribunaux, et a appris à leurs ministres le chemin de la
maison de sa fille , par un acte d’opposition à son mariage,
signifié par huissier le 3 avril dernier.
Mademoiselle d’Albiat a été forcée d’en demander la
mainlevée, et le tribunal de Glermont a rejeté sa d em an d e
par un jugement du I er. m ai, qui déclare n u ls et irres
pectueux les actes de respect p résen tés par la fille ; et
Statuant ensuite su r le fond, m a in tie n t l’opposition formée
par le père. Mademoiselle d’A lbiat a interjeté appel de
ce jugement par exploit du 30 mai dernier; e t, confor
mément à l’article 178 du Code c iv il, portant « qu’en
« cas d’a p p el, il y sera statué dans les dix jours de la
�( 7 )
& citation , » une audience extraordinaire a été fixée ,
pour la plaidoirie de la cause, au lundi 9 juin prochain. "
Mademoiselle d’A lbiat n’ayant destiné ce précis qu’à
détruire les préventions qui pourroient s’élever contre sa
cause, elle se bornera à de courtes observations qui seront
développées dans la plaidoirie.
Il est certain qu’il est un, âge où la raison , affranchie
des liens de l’enfance et mûrie par les feux même de
la jeunesse, devient capable de nous guider dans le choix:
d’un état, et dans celui d’une compagne qui embellisse nos
plaisirs et console nos peines. Cette époque a été fixée
par le Code civil à vingt-cinq ans pour les hommes ; à
l’égard des filles, chez qui la nature suit d’aulres lo is , et
qui hors du mariage ont rarement un état, la majorité
a été justement rapprochée à vingt - un ans. Institué par
la nature meme comme premier magistrat dans sa fam ille,
c’est le père surtout que la société interroge pour qu’il
lui réponde que son fils ou sa illle mineure apporte
au co n tra t solen n el du mariage un consentement vrai,
solide et éclairé; mais à la majorité , l’autorité des pères
f i n i t , leur consentement n’est plus indispensable , et leurs
enfans ne leur doivent plus qu’un témoignage aussi légi
time que doux de respect et de déférence.
Telles sont presque les expressions de l’orateur qui a
fait le rapport de la loi sur le mariage. L ’article 148 du
Code civil en est le résumé. Cet article porte que « la
« iille qui n’a pas atteint l’âge de vingt et 1111 ans accoin« plis ne peut se marier sans le consentement de son père
K et de sa mère. » D ’où il su it , p a r un raison n em en t
contraire, que passé cet âge le consentement des parens
n’est plus nécessaire.
,
4
�r* .
(S y
. Ce principe -souffre deux exceptions , toutes deux dé
terminées par le Code civil (articles i 5 i 3 iÔ 2 ); l’une
que les enfans aient présenté trois actes respectueux et
formels à leurs père et m ère; l’autre que ces derniers
n’aient point formé opposition au mariage ( art. 17 3 ),
o u , ce qui est la même chose, que cette opposition ne
soit pas fondées
O r , mademoiselle d’A lbiat a présenté des actes de res
pect à son père ; et l’opposition qu’il a mise à son mariage
est sans fondement.
Il est certain qu’il y a eu des actes respectueux présentés
par mademoiselle d’A lbiat les 26 décembre , 29 janvier y
et 4 mars dernier.
Quel reproche leur fait-on ? On a jugé qu’ils n’étoient
pas l’espectueux. S’ ils ne le sont pas, l’intention de made
moiselle d A lbiat auroit donc lucn: été. trompée ! !M.ais il
suffit de les lire pour se convaincre du co n tra ire : l'af
fection et la douleur respirent dans chaque ligne.
On a critiqué les mots sommé et interpellé, par les
quels le notaire les termine : mais la cour de Rouen a pré
cisément ju g é , le 6 mars d ernier, que ce mot sommé
n’étoit point prohibé par la loi , et qu’il n’avoit rien de
choquant, puisqu’il se trouvoitaccompagné desplus hum
bles supplications.
On prétend que dans les deux premiers actes , made
moiselle d’A lbiat demande seulement le consentement et
non le conseil de son père. On dit que le Code civil exige
e x p r e s s é m e n t la demande du conseil; que ses termes sont
s a c r a m e n t e ls ' en cette matière ; et par ces raisons on annulle les trois actes.
�( 9 )
Cependant le troisième renferme expressément ce mot
conseil, comme le jugement le reconnoît; et il semble que
l’omission faite dans les deux premiers soit ainsi réparée ;
il semble ensuite qu’il est bien plus respectueux de deman
der le consentement d’une personne que son conseil, car on
peut suivre ou mépriser l’avis qu’elle donne : mais deman
der son co n se n te m en t, c’est annoncer qu’on en a besoin ,
que du m oins 011 y attache le plus grand prix. L ’une de ces
démarches est un témoignage d’estime, la seconde est une
preuve de respect et de soumission. Il est même évident que
le législateur a choisi le mo l conseil pour les majeurs, com me
plus foible et opposé à celui de consentement pour les
mineurs : c’est ce qui résulte du rapprochement de l’ar
ticle 148 avec l’article i 5 i , et des procès verbaux du con
seil d’état. D ’ailleurs, si l’article i 5 i renferme le conseil,
l ’article suivant dit expressément que s’il
a pas de
consentement sur le premier acte, 011 passera à un se
cond, etc. Donc ce n’est pas une nullité dans l’acte d’y avoir
employé le terme de consentement dont fait usage la loi.
Et qu’importe qu’on ait demandé à M . d’A lbiat son con
sentement plutôt que ses conseils, puisqu’il a refusé le pre
mier et donné les seconds avec toute l’étendue qu’il a jugé
a propos d’y mettre. Enfin le Code civil 11’a point donné
de formule qui puisse servir de modèle aux actes de res
pect qu’il exige. Dans ces circonstances , il semble qu’il
faut suivre les anciennes formes : c’est précisément ce q u i
a été observé ; et les actes respectueux présentés par made
moiselle d’A lbiat ont été copiés mot pour mot sur Ie-modèle donné il y a trente ans par l’aulcur delà Procédure
du cliatelet, chargé aujourd’hui de lu rédaction du nou
�veau Code de procédui’e. M . Pigeau sans doute écrivoit
dans un temps où l’autorité paternelle étoit au moins aussi
respectée qu’aujourd’hui.
Si les actes présentés par mademoiselle d’A lbiat sont
réguliers, il ne reste plus qu’à prouver que l’opposition
de son père n’est point fondée.
On peut dire en général que les pères n^ont point le
droit de s’opposer au mariage de leurs enfans majeurs.
Ce principe se prouve par raison et par autorité. Par
raison, parce qu’il vient un temps où l’homme est ou
doit être en état de marcher seul dans la route de la
vie ; parce que la nature l’a rendu lib re , et que la société
seule lui ayant imposé des liens dans le plus naturel comme
le plus donx de tous les actes, la société peut l’en affran
chir quand elle le iuge propos, et n’a pas- le droit de
le retenir dans une éternelle dépendance.
L ’autorité vient ici à l’appui de la raison. Tous lèspeuples ont proclamé la liberté absolue des mariages après
k majorité. « A cette époque, dit l’éloquent Portalis,
« les enfans, soit naturels, soit légitim es, deviennent
« eux-mêmes les arbitres de leur propre destinée; leur
« volonté suffit à leur mariage, ils n’ont besoin du con« cours d’aucune autre volonté. »
« Q u’entend - on , se demande M. de M alleville( sur
« l’article i 58 du Code civil ) , par ces mois : Etre,?'ehr-
« twemeut
a
«
«
«
au mariage
,
sous la puissance d cti/trui?
Des auteurs récens, d it-il, sont partagés sur celte question ; les uns pensent que les descendans y sont à tout
â g e , et tant que leurs père et mère vivent; Jes autres
pensent au contraire que cette puissance cesse lorsque
�SSJ
( n )
« les garçons ont vingt-cinq ans, et les filles vingt-un.
« Je suis de l’avis de ces derniers. Après cet Age, les
« enfans peuvent se marier sans le consentement et
« contre le gré de leurs parens. Ils ne sont donc plus
« sous leur puissance à cet égard, seulement ils sont
« obligés de requérir ce consentement : mais ce n’est
« qu’une déférence, qu’ une marque de respect que la loi
« leur impose ; et après l’avoir rem plie, «ils peuvent se
,« marier malgré leurs parens. »
Enfin M . P o th ier,d an s son Traité du contrat de ma
riage, art. 3 4 1, décide que le père n’est pas même fondé
à s’opposer au mariage de son fils majeur. C’est ce qui a
«été ju gé, d it-il, par un arrêt du 12 février 1 7 1 8 , rap
porté au 7e. tome du Journal des audiences, qui donne
congé de l’opposition formée par un père au mariage de
-son fils, âgé de vingt-six ans. ( Il faut observer que le fils
n’avoit pas même présenté d’actes respectueux. )
M ais, d ir a - t - o n , si les enfans majeurs sont les maîtres
.absolus de leur destinée, pourquoi l’article 173 du Code
autorise-t-il les pères et mères à form er opposition à leur«
^mariages? Pour plusieurs raisons; pour forcer les enfanG
à présenter des actes de respect, quand ils ont manqué
-à ce devoir ; pour empêcher les mariages prém aturés, ou
dans les degrés prohibés ; enfin, si l’on veu t, pour re
tarder , mais retarder seulement., lesmariagesdéshonorans
et honteux.
Car ni les pères , ni les tribunaux qui les r e p r é s e n t e n t ,
ne sont les maîtres d’empêcher l’établissement d’un ma
jeur.; on ne peut qu’y faire naître des obstacles , qu’y
.apporter des délais. L a loi ne peut contrarier la natiuyü
�( 12 )
que jusqu’à un certain point, et la nature veut que les
mariages soient libres.
k L e législateur , disoit M . Bigot de Préameneu au
« conseil d’état, a voulu concilier ce qui est dû aux parens
« avec les droits de la nature. C’est déjà assez d’un délai
cc de quatre mois apporté au mariage par les trois actes
cc de respect. Il pourroit résulter d’un plus long retar« dement des désordres scandaleux qu’il faut prévenir.
« Il est difficile d’imaginer que quelques mois de plus
« suffisent pour calmer les passions, soit qu’il s’agisse de
« faire revenir des parens de préventions mal fondées, ou
« de ramener des enfans.
« D ’a ille u r s , il importe de ne pas perdre de vue, continue
k M . B i g o t , q u e l ’ une des familles est dans une position
cc désagréable, et que le vcius de consentement ne doit
cc pas ctvc un obstacle de tiop lo n g u e d u ré e au mariage
« que la loi autorise. »
V oilà sans doute des motifs qui ont dicté les art. 177
et 178 du Code civ il, qui veulent que les premiers juges
statuent dans les dix jo u rs, et les magistrats supérieurs
dans le môme délai, sur la demande en mainlevée d’op
position.
Cependant le tribunal de Clermont a pris sur lui d’empôcher à jamais le mariage de mademoiselle d’Albin t avec
M . de V ernin cs; car il a m ain ten u p u re m e n t et simple
ment l’opposition d e M . d ’A lb ia t .
C ’est déjà un grand abus de pouvoir que les magistrats
supérieurs doivent réprimer pour l’avenir. Mais encore,
sur quel motii est-il fondé ? Sur un fait iaux, et sur une
conséquence absurde tirée de ce fait.
�' S iï
( *3 )
* O n a prétendu qu’il résultait de la discussion de la
cause, que le mariage avoit été projeté, il y a tro is ans,
entre mademoiselle d’A lb ia t, sa mère et M . de Vernines,
de l’agrément de madame de Vernines m ère, et à l’insçu
du sieur d’Albiat. D e là on conclut que le consentement
de. la jeune personne ne peut être que Veffet de la cap
tation , et que cette captation s est dévoilée à la pre
mière heure de la m a jo rité, par les actes de respect
signifiés ci M . à?JLlbiat.
M a d e m o ise lle d’A lbiat déclare que le fait sur lequel
est fondé ce raisonnement est faux. Il n’est point v r a i,
et on n’a jamais dit pour elle, que son mariage fut projeté
il y a trois arts à Vinsçu de son père.
Mais le fait fût-il vrai, depuis quand est-il défendu à
une mere de faire des projets d’établissement pour sa fille,
lorsque son père est absent ? Et par q u e l éti’ange ren
versement de tous les p rin c ip e s p e u t-o n traiter de capta
tion de sem b lables p r o je t s , et soutenir que cette capta
tion en minorité détruit un consentement donné en ma
jorité ? N ’importe que le mineur ait été trompé en
minorité (ce qui n’a été ni projeté ni exécuté ic i) , lorsque
devenu majeur il ratifie les traités qu’il a passés.
Si le seul m otif d’opposition adopté par le tribunal de
Clennont entre tous ceux que M . d’Albiat propose, est si
foible et si déplorable, que penser de ceux qui n’ont
pas été accueillis, et qui sont des objections relatives h
lage ,à la fortune, et memeMa santé de M . de V e r n in e s ,
et du nombre de ces exagérations que tout h o m m e peut
se permettre dans le monde en p a rla n t d’un établissement
qu il désaprouve , mais qui ne peuvent faire aucunc im
pression sur des magistrats?
�C *4 )
Sans doute on a trompé M . d’A lbiat sur le compte de
M . de Vernines : des inspirations étrangères l’animent ;
il sait bien , et on prouvera qu’il avoit d’abord consenti à
la demande de M . de Vernine3.
On l’a déjà dit, il n’y mettoit qu’une seule condition dont
il fit part à M M . de Martillat et V ig ie r , c’est que madame
d’A lbiat anéantirait sa procédure en séparation de corps.
A - t - i l dépendu de M . de Vernines de satisfaire M .
d’A lbiat ? Ses désirs étoient les siens. 11 se compte déjà
au nombre de ses enfans; il gémit d’une désunion qui les
afilige tous : mais il ne peut que gém ir..... Il souffre des
préventions de M . d’A lbiat ; mais , d it-il, c’est en faisant
un jour le bonheur de sa fille qu’il espère de les dissiper.
Quant à mademoiselle d’A lb ia t, assurée de la protec
tion de la justice, sans inquiétude sur l’opinion publique,
p u i s q u ’ e l l e est conduite comme p a r la m a in p a r sa m èrej
par sa mère qui a fait son éducation , par sa mère de qui
désormais elle attend toute sa fortune, par sa mère aux
soins de laquelle de sages magistrats l’ont confiée, par sa
inère enfin qui a tant d’intérêt à veiller à l’établissement
d’une fille avec laquelle elle est destinée à vivre ; qu’at-elle à d ésirer, que de vo ir son père se rapprocher de
celte mère chérie, et pour son mariage, et pour toujours ?
C ’est sans doute quand les fortunes sont se m b la b le s , les
conditions égales , les principes sûrs, l’estime x’cciproque,
le caractère éprouvé •, quand une longue persévérance est
devenue pour celle q u i met le plus dans la société le gage
d’un attachement solide ; quand le cœur respire sans gêne
dans le plus doux des engngemens; quand une mère ten
dre et prudente a parlé , c’est alors qu’il est permis à une
�ïille soumise et respectueuse de presser, de solliciter, d’es
pérer le consentement d’un bon père !
D u m oins, mademoiselle d’A lbiat a la consolation de
penser qu’elle n’a rien négligé pour l’obtenir. Que pouvoit-elle faire que de supplier ? et quelles supplications
plus touchantes que celles qu’elle a adressées à M . d’A l
biat, dans sa lettre écrite la veille de l’audience de Clerm ont, où elle a été lu e , et dont voici la copie :
L
A CJermont, ce 27 avril 1806.
M
ON CIIEÏl T A P A ,'
n’est-elle plus votre sang , n’est-elle plus votre fille ?
qu’a-t-elle fait pour mériter votre courroux? sa tendresse , son
respect ne furent-ils pas toujours les m êm es à votre égard ?
Mon papa, laissez-vous fléch ir; c ’est à g e n o u x , et les larmes
aux y e u x , que je vous en s u p p lie : a c c o r d e z un consentement
dont dépendent mon b o n h e u r e t ma tranquillité ; bénissez une
u n io n à l a q u e l l e vous ne répugnâtes pas toujours , et que les
circonstances présentes nécessitent ; car vous savez bien quelle
est la perspective d’ une demoiselle demandée publiquem ent,
et dont le mariage ne se fait pas. Bénissez une union qu’il me
seroit bien plus doux de devoir à votre tendress^^pi’à l’auto
rité des lois. Les mœurs et la probité de M. de Vernines sont
connues : vous lui avez rendu justice dans un tem ps; pourquoi
ne la lui rendez-vous plus? qu’a - t - i l fait pour mériter votre
haine ? Sa fortune n’est-elle pas à peu près égale à la m ienn e,
et son alliance est-elle clans le cas de me déshonorer ? Mais je
vous rends ju stice, mon cher papa, cette haine n’est p a s de
v o u s, des m é d i a n s l’ont suggérée ; ils ont noirci à v o s yeux
un homme d honneur, et ont voulu m ’enlever yotre tendresse»
J u lie
�( 16 )
Oh ! o u i, vous vous laisserez attendrir, et arrêterez le déses
poir d' une fille respectueuse , que le concours des circonstances
force de plaider avec un père q u 'e lle chérit. Pardonnez-m oi,
si j’ai pu vous déplaire en quelque chose ; e t , de grâce , ne
me donnez pas en spectacle au palais, mardi prochain. Par
donnez a u ssi, si j ’ai cessé de venir vous rendre mes devoirs
chez vous ; les menaces de me b attre, si j’y revenois jamais ,
et dont mon oncle Escot chargé par vous fut le porteur, m’ont
seules épouvantée, et arrêté mes visites: mais je n’ai pas pour
cela cessé de vous chérir et respecter. Encore une fois je suis
à vos genoux , et les mains jointes. Mon cher papa, vous n’étes
pas méchant ; vous ne voudrez pas la perte et la honte de
votre fille. Bénissez et consentez à une union qui fait mon
bonheur, et qui un jo u r, je l’esp ère, fera votre consolation;
bénissez une union que les plus mûres réflexions me font dé
sirer , et auxquelles les temps les plus longs ne peuvent rien
changer. É v i t e z - m o i le chagrin de passer dans l’esprit public
pour une fille révoltée c o n t r e l ’a u t o r i t é paternelle; et à vousm ê me, un jour, la douleur d ’ y avoir forcé v o t r e pauvre fille J u l i e .
Puisse cette lettre, dictée par la piété filiale suppliante,
devenir un témoignage durable des efforts qu’a tentés
une fille respectueuse, pour éviter un procès qui lui a
coûté tant de pleurs!
' jJuu l l ii ee
/e
D ’A L B IA T .
L. J U L H E , avocat.
A. R IO M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
C our d ’appel. — Juin 1806.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Albiat, Julie d'. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Julhe
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
séparation de corps
actes respectueux
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Mademoiselle d'Albiat.
Table Godemel : acte respectueux : lorsque dans les actes respectueux prescrits par l’art. 151 du Code civil, un enfant requiert le consentement se son père au lieu de lui demander son conseil, y a-t-il nullité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1805-1806
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1618
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0612
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53292/BCU_Factums_G1618.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
actes respectueux
séparation de biens
séparation de corps
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53245/BCU_Factums_G1505.pdf
50674ed26bc53e3975a4863c5a3f7c2f
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Text
•
3 -9
P R EC I S
I
POUR
M arie
G A N I L , intimée ;
•
'
»
CO N TR E
J a c q u e s B E N O I T , garçon remercié, appelant ;
o u
E x a m e n du droit qu'ont les fille s de refuser
les garçons avec lesquels elles ont passé contrat
de mariage.
_
_
r
I l est rare, et plaisant à la fois, de voir un garçon
demander de l’argent à une fille, comme un dédomma
gement du refus qu’elle a fait de l’épouser, après un
contrat de mariage.,Depuis long-temps, sans doute, l'accord le plus difficile à faire , c’est celui des intérêts ; mais
personne n’ignore que l’acte qui les règle n’enchaîne point
encore les é p o u x , et que jusqu’au pied des autels , chacun
d’eux est libre de retourner sur ses pas. '
Si la galanterie française a quelquefois puni, par des
dommages-intérêts, des hommes qui refusoient d’exécuter
un contrat de mariage, ce sont d’innocentes victimes im
molées de temps en temps à l’honneur ombrageux du
beau sexe, fleur délicate que le plus léger souffle peut
ternir. La réputation des garçons est plus robuste ; et
l'appelant, qui se fait aujourd’hui leur chevalier, n’aura
de son côté ni les rieurs, ni les juges.
�I
( O
F A I T S .
Jacques Benoît, c’est son n o m , fils d’un cultivateur
des environs de M u râ t, fit cohnoissance , il y a quatre
ans, avec un laboureur de Chalinargues, village voisin,
père d’une fille de vingt-cieux ans, nommée Marie Ganil.
Jeune, riche et jolie, Mariepax-ut à ses yeux un parti digne
de ses recherches. L ’âge lui convénoit, la figure le tento.t;
la fortune décida sa mère. Elle demanda Marie pour son
fils, etU?obtint. L e père consentit, la iille se tut*, c’est
la règle.
L e contrat de mariage fut passé le 18 août 1801.L ’époux
reçut en don, de sa mère , le quart de ses biens en pro
priété et en usufruit. L e beau-père donna ■
à sa fille, en
avancement d’hoirie , quelques meubles, et une somme
de 2000 ^ , dont son gendre reçut la moitié le jour même
du contrat. Les frais de l’acte furent payés par le futur
époux , suivant l’usage; ils's’élevoient à 280 tt.
^ Il ne s’agissoit plus que de fixer le jour de la célé
bration. Elle fut remise, d’un commun accord , au 24
août', six jours après le contrat.
Cependant le beau-père faisoit des prépara tifs immen
ses. Cette circonstance n’est pas à négliger. Tous les fours du
'village étoient chauffés pour la noce; une vach e, ( le diraije! cette profusion est-elle croyable? ) une superbe vache,
est achetée. Déjà le couteau fatal étoit levé sur sa tête,
lorsqu’une nouvelle imprévue vient suspendre les prépa
ratifs d’une fête dont le héros menace d’être absent. On
dit que Benoît est infidèle; on remarque qu’il n’est point
venu chez sa prétendue depuis le jour du contrat; point
de lettre de sa part ; point d’ami chargé de ses excuses.
L e 24 août, jour fixé pour la célébration, le 2 5 , le 26,
un mois entier s’é c o u le .. . . Benoît ne paroît point.
Autant qu’on en peiit juger par les pièces de la procé
dure , quelque nuage s’étoit élevé entre les familles,
�»0*
(3)
depuis le jour où fut dressé lp contrat de mariage. La
fille vouloit être mariée pur les prêtres de sa paroisse ;
1 (? mari n’uvoit foi qu’à ceux de la sienne. Chacun prêchoit pour son saint. 11 paroît que celui de Benoît eut tort.
La fille, déjà piquée de se voir contrariée, s’offensa d’être
négligée. Son père lui avoit dit qu’elle vouloit se marier ;
son cœur lui dit qu'elle ne le vouloit plus. On assure que les
énormes provisions qu’il avoit faites, et surtout la vache
déjà achetée, firent long-temps hésiter le père. Mais la
fille ayant mis sa mère dans son parti, la gloire l’emporta
sur l’intérêt; le pain fut partagé avec les voisins, et la
vache qui avoit coûté 72 ***, ven d u e, à 12 ^ d,e perte,
aux bouchers de Murât.
Que faisoit cependant Benoît? Benoît, indifférent tant
qu’il se crut sûr d’être préféré, devint pressant dès qu’il
craignit de perdre sa conquête. T o ut à coup il se présente
pour réclamer les prétendus droits que lui donnoit son
contrat de mariage : il étoit trop tard; il avoit laissé passer
l ’heure du berger.
En pareil cas, on se tait, d’ordinaire: Benoît juge à
propos de mettre tout le monde dans la confidence de
sa disgrâce; il veut épouser par force, ou être refusé
devant témoins.
Le 28 septembre 1801, suivi d’un notaire et de deux
témoins, il se rend chez sa prétendue; il la somme, ainsi
que son père et sa mère ( ou diroit qu’il veut les épouser
tous trois), de procéder à la célébration du mariage. L e
père, la mère et la fille s’effrayent d’abord, et répondent
que « c’est la faute personnelle de Benoît, si le mariage
a n’est pas encore célébré ; que s’il veut attendre jusqu’au
K printemps, et se marier devant les prêtres de leur
” paroisse, ils donneront leur consentement au mariage. »
Mais^ tout à coup la fille prend du' c œ u r, et ajoute
« qu elle ne veut plus épouser Benoît, et qu’elle consent
« que leur contrat de mariage soit dès à présent annullé
« comme non avenu. » Et Benoît réplique à ce gracieux
2
�( 4 )
compliment « qu’il ne veut point différer la célébration
« du mariage, ni attendre le printemps; » et il proteste
de se pourvoir en justice. Voilà l’extrait fidèle de l’acte
de sommation qui existe au procès. *
Benoît a tenu parole : assez simple pour en appeler aux
hommes de l’injustice d’une femme, ne pouvant lui faire
autre chose, il a voulu du moins lui faire un procès.
A van t les hostilités il y a eu, suivant l’usage, un pourparler au bureau de paix, entre les puissances belligé
rantes. Ces pourparlers , comme on sait, sont à peu
près aussi utiles que les déclarations de guerre qui se
publient quand les deux peuples se sont déjà battus pen
dant six mois. .
11 est curieux d’entendre parler la fille au bureau de
paix. « Benoit, dit-elle, ne s’est pas présenté le 18 août,
« jour fixé pour la noce; il s’est fait attendre jusqu’au 11
« septembre. Pendant ce délai sa prétendue n’a aucune
« faute à se reprocher. L e retard de Benoît est pour elle
« un affront et une injure dont elle a lieu de se plaindre ;
cc ayant été rebutée par lu i, ainsi que l’ i n d i q u e c e long
« délai, elle a eu le temps de sentir une pareille inconduite
« qui va nuire à son établissement; elle déclare qu’elle
« compromettroit son honneur d’épouser celui qui l’a
cc ainsi dédaignée. Il n’ignoroit pas que c’est le garçon
« qui fait tort à la fille, et non la fille au garçon. Elle
« étoit si bien disposée à se marier à l’époque fixée ,
« qu’elle avoit acheté 72
une vache qu’il a fallu re« vendre aux boucliers de M u r â t, sur laquelle elle a
« perdu 12 ttr. Elle avoit en outre fait cuire le pain et
« acheté une foule d’autres provisions , etc. »
Quant à Benoît* il ne répond rien, il ne désavoue rien
au bureau de paix ; il se réservoit sans doute cette res
source devant la cour.
Bientôt il assigne Marie et son pore devant lc$ juges
de Murât;mais ce n'est plus pour la forcer de l’épouser*
c’est pour lui faire payer la rançon de sa liberté. Parlons
�vrai ; c’est pour se dispenser de lui rendre cette somme
de iooo ,h qu’il avoit reçue ù compte de sa dot, et qu’il
retient encore. T el est le motif de son assignation, de son
appel, de toutes ses poursuites.
il demande modestement à ses juges 3000 ^ de d.çmimages-intérèls pour répai-er la perte de son temps, et le
tort causé à sa réputation par le refus qu’il a éprouvé ;
3000
pour le dédommager de la perte des avantages
que lui faisoit sa mère en faveur de son mariage; 280
pour les frais de son contrat de mariage qu’il a payés au
notaire; enfin 19
iy J pour le coût de l’acte par lequel
il a sommé le p è r e , la mère et la fille de l’épouser.
Marie réclame, de son côté, la*-restitution de sa dot,
et demande à son tour ( pour montrer sans doute qu’elle
étoit fâchée tout de bon plutôt que sérieusement) 300
de dommnges-intérêts en réparation du mépris de Benoît,
et de l’affront qu’il lui a fait , en refusant le premier
d’exécuter le contrat de mariage qu’il avoit signé.
La décision des-premiers juges est fort sage: « Il
« paroitbien, disent-ils, que c’est Marie et non Benoît
« qui a refusé ( la négligence de Benoît ne peut-elle pas
« passer pour un refus? ) d’accomplir le mariage entre
« eux projeté, et dont le contrat avoit.été passé. Mais
« les mariages étant libres, le défaut d’accomplissement
« d’une union projetée ne peut donner, à aucune des
« parties le droit de demander des dominages-intérets,
« à moins que des'circonstances particulières ne servent
« de fondement à une pareille demande, surtout de la
« part du garçon. Cependant, comme le refus de Marie
K fait que Benoît est en perte des frais du contrat de ma« ruige qu’il a payés, et qu’il 11’auroit pas payés si Marie
* n ;>voit pas consenti à le passer; comme, d’un autre
« coté , la dot reçue par Benoît doit Être restituée, le
« mariage n’ayant pas lieu. >5
Pai ces motifs , les premiers juges condamnent Benoît
à rendre la somme de 1000 ^ qu’il a reçue à compte de
3
�. r
(6)
la dot de M arie, avec l’intérêt depuis la demande, sur
laquelle somme sera néanmoins déduite celle de 280 ***
pour les frais du contrat de mariage que Benoît a payés.
Sur le surplus des demandes des parties en dommagesintérêts, etc. elles sont mises liors de cour et de procès,
dépens compensés.
Ce jugement n’est pas rigoureux sans doute pour Benoît.
La balance semble même pencher de son côté'; car ses
demandes injustes sont rejetées , et il n’est point con
damné à payer les frais faits par Marie pour s’en défendre.
Cependant il accuse la prévention des magistrats , dont
il devroit remercier l’indulgence.
Il interjette appel de leur décision ; et depuis trois ans,
ou peu s’en faut, il fatigue la patience de ses adversaires,
ne pouvant détruire leurs raisons.
11 attend plus du temps que de la justice, et il espère
mieux des événemens que des lois : ils semblent le servir
eu effet. Depuis qit’il accuse l’infidélité de sa maîtresse,
elle a montré qu’elle savoit etre fidèle; et son mariage
l’ayant mise au pouvoir de l’époux qu’elle a choisi, lui
a rendu son consentement nécessaire pour résister à celui
qu’elle a refusé : de là l’intervention du mari; de li\ de
nouveaux délais.
La cour y va mettre un terme : il est plus facile d’éclairer sa justice , que de la mettre à portée de la rendre.
M O Y E N S .
B en oît, qui ne peut avoir la personne, veut du moins
garder le bien : c’est le vrai motif de son appel. Son pré
texte est de n’avoir pu obtenir 3000 ^ en dédommage
m e n t de l’inexécution d’un mariage qui lui convenait,
et 3000 ir encore pour réparer la perte des avantages
que lui faisoit sa mère en faveur de cet établissement. Le
second grief est la suite de l’inexécution du mariage ,
et rentre clans le premier. Il n’est question , pour les
�1p>
( 7 )
détruire l’un et l’autre, que de prouver que l’incxécutîon
-du mariage projeté n’a pu donner lieu à des dommagesintérêts : c’est l’objet de ce précis.
Benoît prétend encore, il est vrai , que les premiers
juges lui ont fait tort de 19 ^ 17^, prix de l’acte par
•lequel il a sommé Marie de l’épouser. G’étoit bien la
rpeine d’un appel, dont les faux frais, fût-il môn}e heu
reux , surpasseroient cette somme. Ce'grief tombe de luim êm e, si les deux autres sont détruits, et il est inutile
de le combattre.
D e tous les engagemens, le plus ancien et le plus nou
veau , lé plus critiqué et le plus en usage, le plus doux
ou le plus am er, le mariage, consiste dans l’union des
personnes plutôt que dans celle des biens : c’est un contrat
purement personnel, qui se forme par la volonté, qui
s’accomplit par le fait. Dans cet état si peu naturel, nommé
l’état de nature, la volonté et le fait ne font qu’un. Une
femme et un homme se rencontrent, se plaisent, s’unis
sent, et leur union fait le mariage. Mais quel mariage!
c’est celui des lions et des tigres : c’est celui de tous les
êtres pour lesquels le flambeau de la raison ne luit pas.
I<a société peut seule donner au, mariage un caractère
digne de la majesté de l’hom m e, image de Dieu. L a
société attire sur les.deux époux les regards du ciel et de
la terre : ils passent du temple des lois dans celui de
l’Eternel. L e prince ratifie, protège le lien conjugal : la
Divinité le bénit et le féconde; tout s’ennoblit, tout
s’embellit. Une mère soutient les pas d e là jeune vierge;
la pudeur couvre ses yeux de son bandeau ; le mystère
enveloppe de son voile le lit nuptial ; l’amour y sçme
des fleurs ; l’hymen change ces fleurs en fruits, gages
precieux et doux de l’accomplissement d’une union pré
parée par celle des volontés.
A in si, dans l’état de nature, l'accomplissement du
mariage fait le mariage, qui n’est proprement que l’union
des personnes. Dans l’état de société, le mariage consiste
4
*
�('8 )
dans l’union des personnes, mais plus encore dans celle
des volontés. Je ne parle pas de cette volonté involon
taire, pour ainsi d ire, qui ne voit que les apparences,
qui n’est fixée que par des avantages fugitifs; je parle d’une
volonté éclairée par les lumières de sages parens, d’amis
fidèles , dui’able >parce qu’elle n’est touchée que des qua
lités de l’àme, libre surtout/parce qu’elle n’est soumise
qu’à la vertu.
Aussitôt que deux personnes sont animées de cette
volonté de s’aimer , de se consoler mutuellement ; dès
que la force a promis un appui à la foiblesse , qui lui
promet en retour le bonheur, et que le prince et l’église
ont mis leur sceau à cette noble résolution , le mariage
existe. Mais il n’existe qu’alors : il n’est que projeté , jusqu’u celte déclaration publique et solennelle. Les lois ,
d’accord avec la raison, veulent que jusqu’à cet instant
chacun des é p o u x , libre encore, puisse se dérober à un
joug dont il craint d’être accablé. Souvent la réflexion,
tardive est venue rompre un engagement précipité. Sou
vent une main amie, écartant les fleurs qui lui cachoient
les écueils de la route , a détourné l’imprudente , qui
déjà y posoit le pied. La fuite est courage alors , et l’in
constance sagesse. Il est permis d’hésiter, quand il s’agit
de se donner sans retour. On recouvre une fortune per
due : mais qui peut réparer sa pi'opre perte ?
Mais parce qu’il faut un frein à la légèreté , et des
bornes à la fragilité humaine, un instant v ie n t, instant
solennel, consacré par toutes les pompes religieuses et
civiles, après lequel la voix du repentir cesse d’être
écoutée : c’est celui où les époux se jurent devant Dieu
et devant les hommes une foi mutuelle. Alors il n’est
plus temps de retourner sur ses pas ; le nœud , l’indis
soluble nœud est formé.
Il faut donc décider, en saine jui '.prudence, que jus
qu’aux pieds des autels chacun des époux peut regarder
en arrière; et c’est ainsi qu’on doit entendre ces maximes y
�‘ lo /
(9)
qu'ón ne peut gêner les inclinations, et que les mariages
sont libies. L ’honneur dû au plus honorable des engagemens, le respect que mérite le plus auguste des liens,
doivent faire adopter cette règle dans toute son étendue,
et rejeter comme une profanation de la liberté , de la
d'gnité de l’homme, ces demandes-de dommages-intérêts
fondées sur des refus.çéçipirequcs de se marier.
/. , ’
C ’est une moderne et funeste opinion qui,considère
comme un conti*at de louage ou de cheptel, lé mariage,
ce chaste nœud, ce lien céleste et consolateur, si .nobjle,
qu’il n’a que la vertu pour'motif^ si durable, que la
mort seule le peut.rompre; si nécessaire, qu’il fonde et
perpétue seul la société,..^es motifs qui portent deux cœurs
vertueux à s’unir, sont au-dessus d’un lâche intérêt : les
cœurs se donnent, et ne.s’achètent pas ; aucune promesse
ne peut ni les lier,,, ni être déliée à prix d’argent, jus
qu’à celle qui est faite en présence dçs, deux autorités
reines des .hommes.
: , ,
•• ... i (
.
O n pva objecter les fiançailles elles condamnations pé
cuniaires prononcées contre celui des fiancés qui manquoit
a sa foi. Je sais quelles étoient ces conventions connues
des Juifs, puisque Racliel fut fiancée à Jacob, connues
des Grecs et des Romains, adoptées parmi nous, et au
jourd’hui inusitées, par lesquelles un homme et une
femme se promettoient réciproquement de s’épouser. Cet
usage avoit sa grâce; l’attente pouvoit donner un nou
veau prix à l’épouse qu’un époux avoit long-temps aimée
fiancée : il pouvoit être utile. Celui de nos rois qu’on a
surnommé le Juste l’a consacré par une ordonnance.
Mais l’inexécution des fiançailles donnoit-elle lieu à des
dommages-intérêts?
-A Rom e, où les fiançailles étoient suivies d’arrhes et
de presens de noces, le fiancé infidèle perdoit ses arrhes,
et la fiancée inconstante rendoit le double de ce qu’elle
«ivoH reçu : quant aux-présens, -on les r,endoit toujours,
à moins qu’ils ne devinssent íe prix d’un baiser dérobé
�k
( i° )
à là' jeune vierge, qui, en ce cas, en retenoit la moitié.
Parmi nous, qui avons du mariage des idées plus
nobles que les Romains , présens et arrhes se rendent
dans tous les cas. La justice n’a aucun égard à ces dédits
imaginés comme sûretés d’une promesse de mariage; ils
n’ont force de loi qu’au théâtre : c’est la jurisprudence
établie par le droit canonique, et par un arrêt du 29
août 1713 , rapporté au sixième tome du Journal du
palais.
On trouve, il est v r a i , des arrêts qui ont accordé des
dommages-intérêts à celui des fiancés auquel on manquoit
de parole : mais ces arrêts sont des èxceptions peut-être
mal fondées k la règle générale que l’on tire de la nature
même du mariage. En supposant même que les jugemens
qui doivent faire la règle des mœurs soient souvent dictés
par elles, il faut faire une distinction entre les hommes
et les filles. Quant aux hommes, les préjugés que l’on
peut citer en leur faveur sont tous fondés, non sur le
manque de foi ou sur le tort qu’ils ont souffert, mais
sur la dépènse et la perte du temps que peut leur avoir
causée la recherche du mariage. La liberté n’est pas con
testée; l’intérêt seul entre considération. Cette observation
n’est point sans fondement, et s’applique à la cause; elle est
appuyée d’un arrêt du 10 mars 17 13 , cité par M . Pothier,
arrêt qui défend'aux juges d’ajouter à la condamnation de
dommages-intérêts ces mots: S i m ieux rfaime épouser,
parce qu’ils blessent la liberté des mariages,
La galanterie particulièi'e à nos bons aieux avoit in
troduit. , à l’égard du beau sexe, une distinction si déli
cate qu’elle en est subtile : on taxoit, on évaluoit, on
apprécioit l’affront qu’avoit pu éprouver une fille par le
refus de son fiancé. Si l’on estimoit que ce refus pour
voit l’empêcher de se marier à un autre, on lui accordoit
des dommages-intérêts comme une réparation de son
malheur. O11 eût dit qu’avec de l’argent elle pouvoit se
passer d’un mari, ou plutôt que c’étoit un moyen assuré
�r ï
^
(' î ï )
de lui en faire trouver un. Cette jurisprudence bizarre étoit
une suite de nos mœurs. 11 n’y a assurément que nos
anciens chevaliers qui aient pu imaginer qu’une fille perd
une partie de son mérite parce qu’elle perd un amant,
et qu’elle doit paroître ou moins belle ou moins sage parce
qu’il lui plaît d’être volage ou intéressé.
Dans la cause, ce n’est point une fille qui réclame des
dornmages-intérêts. Mais quand même l’ancienne juris
prudence auroit autorisé les garçons à en demander,
après des fiançailles rompues, il faudroit examiner ici si
mi contrat de mariage est aussi favorable qu’un acte de
fiançailles. Les fiançailles sont une professe mutuelle re
lative à l’union des personnes et non des biens* Cette pro
messe étoit écrite et faite depuis l’ordonnance de Blois,
devant quatre pareins qui sex*voient de témoins ; elle étoit
accompagnée des prières de l’église, et sanctifiée parses
bénédictions. Il ne s’agit dans cette cause que d’un contrat
de mariage. Quels sont donc les droits que donne un
pareil acte ? Quelle est son utilité , son origine?
Le mariage est l’union des cœurs et des personnes.
Mais l’amour , mais la tendre amitié ne soutiennent pas
la vie. Les douceurs de l’aisance ajoutent même un nou
veau prix aux charmes du sentiment; et s’il faut des vertus
aux époux, il leur faut des biens encore. A u ssi, tandis
que de jeunes amans ne songent qu’aux intérêts de leurs
cœurs, la prudence paternelle s’occupe des intérêts de leur
fortune. Les deux familles assemblées pèsent, discutent,
rédigent les conventions matrimoniales. L ’existence des
en fans est assurée en même temps que leur naissance est
prévue. On veille aux intérêts de la foi blesse; l’on ménage
à la vieillesse un appui ; il faut un acte qui renferme , qui
garantisse ces conventions ; c’est celui qu’on nomme parmi
nous
n un contrat de mariage.
O
acte , comme on le voit, n’est que la suite et l’ac
cessoire
du mariajn;. Le mariage existe smis lui;7 mais f il
1
n existe que pur le mariage. L ’antiquité la plus reculée
,
.
. O
�nous offre un exemple de cette distinction: L e beau-père
de TôbiCj, en hil'donnant sa filléy lu i:dit : « Que le Dieu
« d ’Abraham , d’Isaae et de Jacob voiis unisse lui-meme,
« et bénisse votre union ’ » ; et prenant ensuite ce qu’il
falloit pour écrire y on dressa le contrat de mariage. ■
Il est si vrai que 16 contrat de; mariage est la suite de
l’uniondes persopneà, quel’on voit souvent des époux sans
fortune, s’unir sans faire aucune convention relative à leurs
biens , par une raison fort simpleJ Les coutumes autrefois,
le Gode civil aujourd’h u i , disposent pour eux des fruits
de léu,r industrie ; et quoiqu’il ne soit point précédé d’un
contrat,le mariage n’en es't pas moins parfait et accompli.
L ’acte, improprement''hommé contrat de mariage,
( puisque c’est le mariage même qui est le contrat ) n’étant
que l’accessoire et la suite de l’union des personnes, il
en résulte deux conséquences; l’une, qu’il ne devroit être
rédigé qu’après le mariage; l’autre, que les conventions
qu’il renferme sont subordonnées à l’accomplissement de
l’union dont elles sont la suite.
Pourquoi donc notre usage, confirmé par l’article 1394
du Code civil, est-il de passer le contrat avant la célé
bration?
On en peut donner plusieurs raisons, tirées de la na
ture du cœur humain. L e législateur a craint l’empire du
sexe le plus ' fbiblé et la légèreté de celui qui ne risque
que sou bonheur à être volage. T e l homme se seroit
dépouillé pour sa maîtresse, q u i ne veut plus nourrir
sa femme ; et' uu'autre'n’a pas cru ttop acheter de toute sa
fortuüo la beauté', ' le* grâces , les talens, qui'ne voudroit
p as‘‘ si le sacrifice étoit A refaire, sacrifier- la moindre
partie de son'superflu. D ’un autre côté, parce que la
contradiction <&t l'apanage de l ’humanité, on voit des
époux plus soumis que des amans, et des femmes qui n’ont
immolé leur liberté le jour de leur mariage, que pour
régner le reste de leur vie sur leurs maîtres. C’est pour
prévenir la séduction dfes* unes et la légèreté des autres,
�NI
( n )
et par d’autres vues aussi sages, qu’il n’est plus permis
aux époux de disposer entr’eux de leur fortune après
le mariage, et qu’on a voulu, contre l’essence môme de
ce noble engagement, que Punion des biens précédât
celle des personnes.
Mais il n’en est pas moins certain que les conventions
que contient le contrat de mariage renferment toujours
la condition que l’union projetée aura lieu. Subordon
nées au mariage, s’il s’accomplit, elles subsistent, elles
s’évanoui .sent s’il est rompu. C’est la doctrine de la raison ;
c’est ce qu’enseigne son auguste et presque infaillible in
terprète , M. D om at, au chapitre des dots et des mariages.
11 est donc contraire aux lois de la raison , et par consé
quent à la justice, de réclamer un dédommagement pour
la perte des avantages portés par un contrat de mariage,
lorsque le mariage n’a pas lieu. De semblables demandes
ne sont que ridicules.
Les contrats de mariage n’étant relatifs qu’aux biens ,
ne donnent aucun droit sur les personnes. Ils sont moins
puissans à cet égard que les fiançailles , et ne peuvent
jamais autoriser des demandes de dommages-intérêts
comme celle qui donne lieu à la contestation actuelle.
Elle n’est née que de cet usage qui veut que le contrat
de mariage se rédige avant le mariage même; s’il ne l’eût
été qu’après la célébration , ou si l’on n’en eût point
passé , il n’y auroit point aujourd’hui de procès.
Je vais plus loin. Je suppose que de nos jours le contrat
de mariage tienne lieu de fiançailles, comme plusieui’s
arrêts semblent l’avoir décidé , les raisonnemens géné
raux qui ont servi de moyens jusqu’ici, conduisent à ce
résultat, qu’en général aucune promesse de mariage ne
se résout en dommages-intérêts. Nos mœurs ont forcé
quelquefois les magistrats à déroger à cette règle
en laveur d’un sexe timide et délicat; mais jamais l’on
11 accorde aux hommes que la restitution de leurs dépenses,
�( 1 4
}
lorsqu’elles sont considérables. Le prétendu tort fait à leur
réputation ou à leur fortune n’est compté pour rien.
Il
est plaisant, après cela, d’entendre un garçon deman
der mille écus en réparation du tort qu’à souffert son hon
neur. Que son honneur, l’honneur d’un homme aussi dis
tingué, aussi recherché que lu i, tient à peu de chose!
Quel honneur frêle et délicat, qui ne résiste pas au refus
d’une jeune fille! O n d iro it, à l’entendre demander une
sommeaussi considérable, que sa gloire est à jamais perdue
auprès des beautés de Chalinargues , et qu’il ne peut plus
obtenir leur choix qu’à beaux deniers comptans !
Mais si sa gloire lui est si chère, quel soin doit prendre
M arie de la sienne? N ’est-elle pas compromise par la
négligence d’un amant alors favorisé? Etrange amant!
qui n’a pas foi au curé de sa maîtresse, et q u i , refusant
de se marier dans la paroisse qu’elle a choisie, veut com
mander même avant le mariage ! il méritoit bien d’être
remercié,
Benoît allègue les dépenses qu’il a faites, le temps qu’il
a perdu. C ’est un temps bien précieux que le sien ! il
l’évalue au moins- à i 5 oo ^ : c’est payer un peu cher les
soupirs qu’il a poussés pendant un mois peut-être. Il
s’enrichiroit plus à ce compte à ne rien faire pendant un
mois, qu’à travailler l’année entière. Quant à ses dépenses,
on ne voit pas, il ne fait pas connoître celles qu’il a faites.
Ses présens de noces! il n’en est pas question, Que veut
donc , que peut réclamer Benoît ?
Dans tous les cas, les dépenses se compensent mutuel
lement. Et qui remboursera celles de Marie et de son
père, ces provisions, cette superbe vache qu’il a fallu
revendre en p erte, et tant d’autres profusions qui ne
sont point désavouées?
Reste à savoir quel dédommagement exigeroit la perle
des avantages que faisoit la mère en faveur du mariage.
Cette perte n’est pas irréparable, et Benoît est vraiment
�( 15 )
trop modeste. Un garçon dont le mérite est si rare que
mille écus suffisent à peine pour le venger d’un refus,
doit-il craindre d’en essuyer un nouveau? Ces libéralités,
ces profusions dont il se vante dans une première re
cherche, lui gagneront facilement les cœurs dans une
seconde : un choix aussi avantageux lui attirera les
mêmes avantages de la part de sa mère. On peut même
penser que le soin qu’il prend pour conserver sa gloire
et sa fortune, va lui donner une célébrité utile à son
établissement.
L.
/
J U LHE.
Me. H U G U E T , avoué.
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Ganil, Marie. 1805]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Julhe
Huguet
Subject
The topic of the resource
fiançailles
contrats de mariage
noces
bureau de paix
annulation d'un mariage
dot
mariage
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Marie Ganil, intimée ; Contre Jacques Benoit, garçon remercié, appelans ; Ou examen du droit qu'ont les filles de refuser les garçons avec lesquels elles ont passé contrat de mariage.
6 pluviose An 13, 2éme section. Arrêt confirmatif
Table Godemel : Fiancé : le fiancé, refusé après préparation du contrat de mariage, est-il fondé à réclamer, contre la fille qui ne veut pas procéder au mariage, des dommages intérêts, autres que le remboursement des avances par lui faites ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1805
1801-1805
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1505
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chalinargues (15035)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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annulation d'un mariage
bureau de Paix
contrats de mariage
dot
fiançailles
mariage
noces