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« ' X
MEMOIRE
POUR
Me
C laude
A N G L A D E
,
N o taire
Royal
A la Résidence de Cournon , Canton du Pont-du-Château,
Appelant d’ un Jugem ent rendu au T ribu n al C ivil
do C le rm o n t.lc 7 Juin 1832;
CONTRE
M-
J e a n -B a p tis te
DESM ANÈCH ES,
Ayant Résidence fixée par sa Com mission, dans la Commune de Lempdes ,
Canton du P ont-du-Chateau ; mais de fait ayant établi son Domicile et sa
Résidence Notariale à C o u b n o n , intimé.
LE Notariat est une des institutions qui honorent le plus
les sociétés modernes elle maintient la paix au sein des
familles et entre les particuliers, aussi, le législateur s’estil efforcé d’établir cette profession sur des bases, et de l’as
sujettir à des règles qui fussent la garantie des citoyens ,
et assurassent aux Notaires la considération et la juste ré
compense dues à leurs honorables travaux.
Les Notaires ne devaient point être en trop petit nom
b re, il était effectivement à craindre qu’ils abusassent de
la nécessité de recourir à e u x il y avait également danger
1
�Vi créer des offices en nombre supérieur au service des po
pulations 5 devant nécessairement arriver qu’une profes
sion dans laquelle l ’intelligence, l’instruction, l’exactitude
et la probité ne sont plus des moyens suffisans de prospé
rité, fût bientôt abandonnée des, hommes hounêtes , et
livrée à ceux qui n’attendent leurs succès que de l'activité
de leurs intrigues, et de la multiplicité de leurs exactions.
A u s si, la loi du 25 ventôse an xi fixe-t-elle le nombre ,
le placement et la résidence des Notaires, et imposet-elle à chacun d’eux le devoir impérieux de résider
dans le lieu qui lui a été fixé par le gouvernement.
M e Desmanèches a cru pouvoir s’affranchir de cette
règle , bien certainement établie tant pour l’avantage de
la société , que dans l'intérêt des Notaires en particulier.
Seul Notaire à la résidence de Lem pdes, il est venu fixer
son domicile ré e l, et sa résidence notariale à Cournon,
résidence pour laquelle M e Anglade est seul commis
sionné ; et non content de cette infraction, le sieur Des
manèches a encore signalé sa présence ù Cournon par une
série défaits manifestant le dessein de nuire, et ayant porté
préjudice à M* Anglade.
Ce dernier devait se plaindre , non seulement de cette
infraction à la loi, mais encore de cette série de faits con
stituant plus qu’une fraude ordinaire, improprement
qualifiée quasi-délit, par le Code civ il, et que notre an
cien Droit renfermait dans l’expression aussi vraie qu’é
nergique maleficia\ faits h l’aide desquels M® Desmanè
ches a enlevé à M ' Anglade son existence notariale, h la
quelle cependant la loi du 28 avril 1816 a justement attri
bué les caractères de la propriété.
M* Anglade a usé de son double droit: il s’est plaint à
�M . le.Garde des Sceaux, de ce que M e Desmanèches ne
tenait point sa résidence; il a en outre formé contre ce
dernier une demande en dommages-intérêts, et a offert
la preuve des faits propres à la justifier.
M* Anglade n’a encore obtenu aucune satisfaction; la
loi est demeurée, pour lui, un principe stérile, une des
cription insignifiante et sans action: M . le Ministre a ren
voyé à statuer sur la plainte en contravention, jusqu’au
moment où les faits allégués à l’appui de la demande' en
dommages-intérêts auraient été éclaircis par l’instruction
judiciaire; et le tribunal civil de Clermont, après vingtsept mois d’attente, a donné acte au sieur Anglade de ses
réserves, c’est-à-dire, de sa plainte à M . le Garde des
Sceaux, et l’a déclaré non recevable dans sa demande.
Ce jugement nécessitera l’examen de trois questions
principales :
i° La loi du 28 avril 1816 a-t-elle donné aux offices de
Notaire les caractères de la propriété ?
a8 La résidence faisant essentiellement partie du titre ,
le seul Notaire d’une résidence a-t-il action pour empêcher
le Notaire d’une autre résidence, de venir établir son m é
nage et son étude dans la sienne; cette infraction donnet-elle ouverture à une demande en dommages-intérêts
contre le contrevenant ?
3*Les faits imputés à M* Desmanèches présentent-ils des
caractères de quasi-délits, de fraude et de méfaits donnant
lieu à réparation civile; et sous ce rapport, la preuve de*
vait-elle être ordonnée ?
�'J
-
4 -
FAITS.
Cinq offices de Notaire ont été conservés pour les b e
soins de la population du canton du Pont-du-Ghâteau :
trois de ces Notaires résident au Pont-du-Ghâteau; la com
mission de M® Desmanècliesfixe sa résidence à Lempdes,
et M* Anglade est le seul Notaire à la résidence de Cournon.
La population de Cournon est plus considérable que
celle de Lempdes j et comme l’art. 34 de la loi du 25 ven
tôse an xi pose en principe que lè cautionnement doit
être fixé en raison combinée de la population du ressort
et de la résidence de chaque Notaire, le cautionnement
du Notaire de Cournon a été porté à 2,000 fr., et celui du
Notaire de Lempdes à i,8oo francs.
Avant la réduction opérée en vertu de l’ordonnance du
i er septembre 1824, il existait à Cournon trois notaires,
du nombre desquels était M* Desmanèclies, père de l’in
timé. Ce Notaire vint à décéder; et son fils étant trop
jeune pour lui succéder, le principe de la réduction dût
atteindre cet office; ce fut alors que le sieur Desmanèclies
épousa la fille du Notaire de Lempdes, et devint, par suc
cession, Notaire à celte résidence.
La mort de M e Boyer, autre Notaire , opéra une nou
velle réduction ; et dès-lors, M* D oly fut le seul qui eut sa
résidence notariale dans la commune de Cournon.
M* D oly est décédé en 1825 : M ' Tibord acquit son
étudele 1 rjuillet 1827; alors M* Anglade étaitpourvu d’une
étude de Notaire h Plerment ; mais une ordonnance du
roi, du 2G décembre 1827, ayant autorisé la permutation
de ces deux offices , M* Anglade devint Notaire à la rési
�— 5 —
dence de Cournon, moyennant la somme de 23,ooo ir.
Ce capital était toute la fortune de M* Anglade, qui
l ’avait acquise par des travaux aussi honorables qu’assidus,
et conservée par la plus stricte économie. En en faisant le
sacrifice pour l’acquisition d’une étude, il devait croire
qu’il assurait à sa famille et à lui-même des moyens d’exis.
tence sufiîsans,et que ses travaux lui permettraient encore
de donner à ses enfans une éducation convenable. Gom
ment n’aurait-il point eu cette certitude, lorsque sa com
mission le nommait seul Notaire à la résidence de Cournon \ et que d’ailleurs les statuts et règlemens de la com
pagnie des Notaires de Clermont, dont il avait l’hon
neur de devenir membre, défendaient expressément ,
(conformémentà la loi du a5 ventôse an xi), àtoutNotaire
du ressort, d’avoir sa résidence dans un lieu autre que celui
fixé par l’acte de sa nomination-, comme aussi, d’avoir
habituellement, et d’indiquer à des époques périodiques
un cabinet d’affaires dans une commune autre que sa ré
sidence ? Etait-il permis de penser qu’un Notaire se per
mettrait d’enireindre tout-à-la-fois et une disposition lé
gale et un engagement d’honneur envers ses confrères j
qui aurait pu croire surtout, que la Cham bre, gardienne
et conservatrice naturelle des intérêts du Notariat, pût
laisser sans repression des faits aussi nuisibles aux intérêts
moraux et matériels de cette honorable profession ?
M e Anglade, dès son entrée en exercice, a acquis la
cruelle certitude qu’il s’était complètement abusé. Il a
trouvé M e Desmanèclies, Notaire à la résidence deLem pdes, en pleine possession de celle de Cournon ; domicile
r é e l, étude ouverte dans sa propre maison, dépôt des mi
nutes , exercice complet et public de la profession de
�— 6 —
Notaire, tels sont les faits que M e Desrnanèclïes a cru pou
voir se permettre, et à l’aide desquels, de 1814 à 1829, il
a reçu, dans la résidence de Cournon, /¡,o84 actes, tandis ,
que pour Lempdes, sa véritable résidence, il n’en a reçu,
pour le même espace de temps, que 3, 348.
L e préjudice éprouvé par M e A n glade, et celui qu’il
devait craindre dans l’avenir, étaient également évidens ;
il dut donc recueillir les renseignemens propres à éclairer
les diverses autorités qui pouvaient, ou réprimer cette
infraction, ou lui accorder la juste réparation de la perte
qu’il avait souffert.
Une recherche attentive mit bientôt M e Anglade en
'état d’articuler les faits suivans :
i° M eDesmanèches est propriétaire d’une maison à Cournon, où il habite habituellement avec sa famille, et tient
son seul ménage : dans cette maison, est un appartement
destiné à l’étude de Notaire; là, M e Desmanèchesa placé
un bureau et établi des rayons et des placards où sont placées'bes minutes; là, encore, ce Notaire donne audience à
ses cliens, rédige ses actes et en délivre expédition
20 Jusqu’au mois de février i 83o, époque à laquelle
M e Anglade a porté plainte à M. le Garde des Sceaux, et
a formé sa demande en dommages-intérêts devant le
tribunal civil de Clermont, M e Desrnanèclïes a clos ses
actes en ces termes : « Fait et passé à Cournon , maison
Desrnanèclïes » ; et dans "aucun il n’est fait mention qu’il
se soit transporté sur la réquisition des parties.
3» jy[e Desmanèches se donne et reçoit constamment le
titre de Notaireà Cournon; les lettres qui lui sont adressées,
les extrait de ses impositions, les commissions qui lui sont
données parM . le Préfet ou par IcT ribun ald eClermont,
�íes annonces publiques, s’accordent à désigner M'Desrnanèches comme Notaire à Cournon, à. la résidence de
Cournon, dans son étude, à Cournon.
4 ° Les rapports de M e Desmanèches avec l’administra
tion de l’enregistrement, ont lieu de manière que les em
ployés ont vu et vérifié les minutes de ce Notaire à Cour
non ; c’est de ce lieu que M* Desmanèclies adresse ses
actes au receveur de l’enregistrement au Pont-du-Château,
et correspond avec ce fonctionnaire , qui lui renvoie les
minutes à Cournon, après que la formalité de l’enregis
trement a été remplie.
5° Les répertoires de M* Desmanèclies, pendant seize
années (de 18 14 à 1829 inclusivement), prouven t, par
l’ordre des inscriptions, que le même jour ce notaire au
rait reçu, pour Lempdes et Cournon, trois, quatre, cinq,
six, jusqu’à neuf actes, et aurait fait autant de voyages
d’une^ïésidence à l’autre, quoique distantes de 3,45o m è
tres } que les actes reçus à Cournon sont constamment plus
nombreux que ceux reçus à Lempdes; qu’à diverses épo
ques, il s’est écoulé de cinq à quatorze jours, pendant les
quels Desmanèches n’a reçü des actes que pour Cournon,
et que tous ces actes sont clos par le «fait et passé à Cour
non, maison Desmanèches», sans que les parties aient
requis son transport •, qu’enfin, M* Desmanèches ne ré
serve que quelques jours de dimanche, à la réception
des actes de sa résidence de Lempdes.
6° Que M* Boyer étant décédé Notaire à Cournon , et
cette étude ayant été supprimée par ordonnance du 1 ’"sep
tembre 1824, desmanèches a reçu le dépôt des minutes, ce
qu’il ne pouvait faire qu’en qualité de Notaire à la ré
sidence de Cournon.
�— 8 —
7° E n fin , que pour se faciliter l’exploitation des deux
résidences, M* Desmanèches faisait, pendant son absence,
recevoir les consentemens, à Lempdes, par la dame sa
belle-mère, ou le secrétaire de la M airie; et à Cournon,
par la dame son épouse.
On ne pouvait se dissimuler que ces faits ne renfermas
sent la preuve la plus complète d’une infraction au devoir
de la résidence, et de manœuvres manifestant une inten
tion bien formelle de nuire au seul Notaire ayant droit de
résider à Cournon; mais M* Anglade voulut encore éta
blir que ces manœuvres lui avaient occasionné un dom
mage réel, circonstance qui seule pouvait faire admettre
l’action en indemnité qu’il voulait diriger contre M* Des
manèches : aussi établit-il, par le rapport des répertoires
de ce Notaire”:
i #Que les actes reçus par M* Desmanèches, dans la ré
sidence de Cournon, étaient aujourd’hui deux fo is ^ sou
vent trois fois plus nombreux que ceux reçus, par le
même Notaire, pour la résidence de Lempdes.
a* Que le nombre d’actcs reçus par ce Notaire, dans la
résidence de Cournon, augmentait chaque année dans
une proportion telle, quel’on s’assurait, par l’examen des
répertoires, que ces actes, qui, en 18 14 » étaient au nom
bre de 9 1, s’élevaient, en 1828, à 364*
3° Qu’en calculant, sur les répertoires, le nombre des
actes reçus par M* Desmanèches, pendant les années qui
se sont écoulées, de 1814 Ù 1829 inclusivement, on s’as
sure qu’ils les portent à 7,482 : savoir, 3,348 pour la rési
dence de Lempdes, et pour Cournon
chiffre qui
doit servir à déterminer l’étendue et la valeur du préju
dice que les manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches
�ont fait éprouver au Notaire de cette dernière résidence.
L ’infraction de M* Desmanèches, à l’àrt. 4 de
loi
a5 ventôse an x i, relatif à la résidence , le mettait dans la
position d’un Notaire démissionnaire dont le remplace
ment peut être proposé au gouverneiiientpar M .le Garde
des Sceaux, a p r è s avoir pris l’avis du Tribunal. A u s si, le
Ie* février i 83o , M* Anglade présenta-t-il à M . le Garde
desSceaux,requêteparlaquelleilconclutà ce que M® Desmanèches fût tenu de rentrer immédiatement à Lempdes,
lieu fixé par sa commission pour sa résidence notariale,
et à ce que , à défaut de ce faire, il fût pourvu au rempla
cement de M**Desmanèches censé démissionnaire.
L e but de M v Anglade était de mettre un terme aux
manœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de faire
cesser un état de choses aussi nuisible à sa propriété nota
riale*, mais comme'M* Anglade avait déjà éprouvé un pré
judice considérable, et qu’il était h craindre que ce préju
dice n’augmentât pendant le temps qui serait, nécessaire
pour contraindre le sieur Desmanèches à rentrer datlâ sa
résidence-, il y eut, sous la date du 1" mars i 8 3o, demande
de 10,000 fr. de dommages-intérêts, formée au Tribunal
civil de Clermont, par Anglade, contré Desmanèches.
Il faut fixer son attention sur la suite qui a été donnée
aux deux demandes formées par M* Anglade.
Les faits exposés en la requête présentée à M . le Garde
des Sceaux étaient trop gtaves et trop pertinens pour ne
pas éveiller la vigilance et exciter toute la sollicitude du chef
de la magistrature. Aussi, sOus la date du 11 mars i 8 3 o ,
^se trouve ude première lettre, de M . le Garde des Sceaux
à M . le Procureur général, qui exige qu’il soit fait injonc
tion à M* Desmanèclies, de reprendre sa résidence sous
�un mois pour tout délai; et qui, en cas de refus, prescrit
de le poursuivre à l’effet de pourvoir à son remplace
ment.
'
• I
Cette lettre, transmise par M. le Procureur général à
M . le Procureur du roi, ce dernier voulut véi*ifier les
faits articulés par M* Anglade, et recueillir des renseignemens. Une lettre de M. le Juge de paix du Pont-du-Château, du i 3 mars, lui apprit que « M* Desmanèches, qui
» a sa résidence de droit à Lempdes, réside defait à Cour» non, ou il habite avec sa fam ille » ; — « Que ce Notaire
» ne se rend à Lempdes que deux jours par semaine, et
» un jour de plus à certaines époques de* l’année » ; —
« Que les habitans de Lempdes sont obligés, les autres
» jours, d ’ a l l e r l e c h e r c h e r a. c o u r n o n . »
;
M . le Juge de paix ne pouvait résumer, d’une ma
nière plus expressive, la plainte de M* Anglade; Desma
nèches réside de fa it à Cournon ; les habitans de sa rési
dence de droit, sont obligés d'aller le chercher, cinq
jours delà semaine,« Cournon, sa résidence de fait,.Voilà,
sans doute, plus qu’il n’en faut pour établir une infraction
à la loi qui prescrit aux Notaires de tenir leur résidence;
aussi,M. le Procureur du roi, complètement convaincu,
enjoint-il à M* Desmanèches, par lettre du i*’ avril i 83o:
« de cesser de tenir étude dans sa maison de Cournon ».
Iyui prescrit-il « de rentrer sérieusement dans sa résidence
» de Lempdes, dans le mois pour tout délai, sous peiné
» d’être considéré comme démissionnaire?.... »
Cette lettre dut alarmer M* Desmanèches. Il était bien
décidé à ne point abandonner Cournon, cette résidence
de fait si précieusepourlui; mais comment éluder les dis
positions si précises delà loi, et l’injonction si formelle de
�l’autorité? M* Desmanèches, après une délibération de
dix jours, répondit à M . le Procureur du ro i, par un sim
ple accusé de réception.
Cependant, M* Desmanèches voulut essayer de quel
ques moyens ; tantôt il présentait un M émoire explicatif
ou apologétique de sa conduite, que bientôt après il reti
rait } tantôt il cherchait à s’entourer de moyens de consi
dération : c’était son fils qui serait bientôt en élat et à l’âge
de lui succéder, et qui résiderait réellement à Lempdes
tandisque lui-même habiterait Cournon, pour y surveiller
ses propriétés, ayant bien soin, toutefois, de ne pas laisser
pressentir que, dans son intérêt, comme dans celui de son
fils, il continuerait de faire à Cournon ce qu’il y a tou
jours fait; ce que la dame son épouse a fait pendant son
absence •, c’est-à-dire, qu'il y recevrait les consentemens
et y rédigerait même les actes auxquels le fils, Notaire à
Lempdes, n’aurait qu’à apposer sa signature. A u reste,
tous les efforts du sieur Desmanèches avaient spécialement
pour cibjet de gagner du temps. L ’état de fortune de
M* Anglade lui faisait espérer qu’il abandonnerait des
poursuites onéreuses pour lui; caressant, d’ailleurs, l’idée
qu’il pourrait parvenir à se soustraire à la vigilence de l’au
torité.
•
»
Effectivement, le mois accordé à M* Desmanèches par
la lettre du 1" avril, (de M . le Procureur du roi), était dès
long-temps expiré, lorsque, le 19 mai i 8 3o , M* Anglade
s’adressa de nouveau à M . le Procureur général. Les faits
furent encore cotés avec le plus grand soin : M* Anglade
soutint, dans cette supplique, que rien n’était changé dans
la position de M* Desmanèches. Pour l’établir, il deman
dait à être admis à prouver contradictoirement les faits
�par lui articulés, et h faire cette preuve, soit devant U
Chambre civile qui devait connaître de son action en domr
mages-intérêts, soit devant les Chambres réunies appe
lées à donner leur avis sur le remplacement du sieur Desmanèclies sensé démissionnaire p a rle fait de son infract
tion à la loi de la résidence; et pour qu’il ne restât aucune
espèce de doute sur la franchise et la loyauté que M* A nglade entendait mettre dans ses poursuites , ce Notaire
suppliait M . le Procureur général de vouloir bien com
muniquer à M e Desmanèches, les requêtes, mémoires,
pièces justificatives et documens qui avaient été présen-.
tés et produits contre lui, demandant, en retour, com
munication des moyens que M* Desmanèches employait
pour se justifier.
M . le Procureur général dut accéder à cette demande
avouée parla justice, et conforme d’ailleurs à 110s tradi
tions-judiciaires ; ce magistrat permit à M* Anglade de
prendre copie d’un mémoire déposé par M* Desmanè
ches; cette pièce, qui ne saurait être trop méditée, serait
suffisante pour juger la cause : et ce n ’est pas sans regret ^
que l’on se réduit à n’en présenter qu’une sèche et trèscourte analyse.
A cette époque , M* Desmanèches faisait dépendre sa
justification du développement de quatre idées ou propo
sitions principales :
î * La résidence de Cournon était pour lui une propriété
particulière.... on ne pouvait l’en priver sans injustice.
a* Il a à Cou rn on , unp maison, un ménage et des pro
priétés qu’il est obligé de faire valoir.
3* Il a encore une nombreuse clientelle à Cournon, ou
�deux Notaires peuvent trouver à s'occuper.... I l ne peut
repousser la confiance, lorsqu'elle s'adresse à lui.
4° Il déclare que cette confiance ne l’abandonnera que
lorsque l'un de ses confrères la méritera mieux que lui....
Il ajoute, qu’on ne regardera pas alors quelle est la rési
dence du Notaire.... Il finit par manifester son étonne
ment de ce que M* Anglade, étranger à Cournon , ne
sache pas se résigner à attendre.
Quoi de plus orgueilleux et de plus naïf!
C ’est Desmanèches qui vient apprendre que la rési
dence de Cournon est sa propriété particulière et qu’il
veut en jouir à titre de droit ; c’est lui qui déclare qu’il a
volonté de ne point abandonner cette l’ésidence, et qui
prouve qu’il est d’ailleurs dansl’impossibilité de le faire!....
Voilà la naïveté.
L ’orgueil est-il moins remarquable ?.... Quelle est cette
nombreuse clientelle dont M* Desmanèches ne peut re
pousser la confiance ? Les cliens viennent-ils dans sa ré
sidence légale? N o n , c’est le sieur Desmanèches q u i , en
fraude de la loi, vient établir une résidence à Cournon.
Les habitans de Cournon vont-ils à Lempdes requérir le
transport de M* Desmanèches pour recevoir leurs actes ?
N on encore: c’est le sieur Desmanèches qui vient provo
quer, arracher là confiance par sa résidence à Cournonj
q u i , bien loin d’attendre la clientelle , Tattire et la con
serve par des moyens illégaux et frauduleux *, et c’est ce
fonctionnaire, que la loi repousse de Cournon, qui ose
dire au seul Notaire ayant titre de résidence dans ce
chef-lieu, q u il y est étranger, et qu’il doit savoir at
tendre !....
Cette étrange justification ne pouvait permettre d’hé
�_
i4 -
siter ; aussi M . le Procureur-général adressa-t-il à M . son
Substitut près le Tribunal civil de Clermont, la lettre au
tographe de M. le Garde des Sceaux , avec ordre dé re
quérir , contre M* Desmanèches, l’application de la loi.
- M° Desmanèches comprit bientôt qu’il ne devait rien
espérer des moyens qu’il avait employé pour se maintenir
dans l’usurpation qu’il s’était pei-mise de la résidence de
M e Anglade; il changea d on c, tout-à-coup, de système :
dès-lors il n’eut plus qu'une pensée, dissimuler les faits ou
les altérer: son esprit souple et fécond en ruses, lui four
nit bientôt assez de ressources pour tromper la justice.
M . le Procureur du roi crut devoir prendre de nou
veaux renseignemens auprès de M . le Juge de paix du
Pont du-Château : l’état des choses était absolument le
môme qu’au 19 mars précédent; cependant M . le Juge
de paix, à défaut de renseignemens précis , peut-être
même mettant trop de confiance dans les promesses de
M* Desmanèches , attesta que le 27 mars ce Notaire n’oc
cupait pas encore sa résidence d’une manière tout-à fa it
complète ; que seulement il y venait plus souvent ; qu’il
y avait même couché quelquefois ; d’où il résultait que
la résidence de Cournon n'était pas encore, par lui, entiè
rement abandonnée.
t M e Anglade avait demandé à fiùre preuve, devant les
Chambres assemblées, des faits par lui articulés; il voulait
notamment établir que l’injonction faite par M . le Procu
reur du roi à M* Desmanèches n’avait produit aucun ef
fet, et que ce dernier avait continué son domicile réel et
sa résidence notariale à Cournon. Le Tribunal n’accueillit
point cette demande; M* Anglade ne fut pas même appelé
pour donner des renseignemens ; mai^.M' Desmanèches,
�— i5 —
admis à se justifier, vint dire : « Que le berceau de sa fa» mille et toute sa fortune patrimnokle étaient à Cournon,
» et qu’il avait cru jusqu’ici ménager tous ses intérêts et
» concilier tous ses devoirs, en se partageant entre Lemp» des et Cournon, qui ne sont qu’à une demi-lieue de dis» tance l’un.de l’autre. Qu’au reste, le temps qu’il passait .
»>dans cette dernière commune, était moins employé à
» recevoir des actes, qu’à 1’administration de sesproprié>►tés •, mais que puisque le Tribunal pensait que pour oc» cuper sa résidence à Lempdes, il fallait qu’il y fît son
» habitation exclusive, il en prenait dès ce moment l’en» gagement, et qu’il allait de suite, faire à cet effet toutes
» les dispositions nécessaires. »
T out cela est très-remarquable:
M* Desmanèches reconnaît qu’il se partageait entre
Lempdes et Cournon ; par cette déclaration, ilavoue donc,
bien explicitement, avoir usuFpé la résidence de Cour
non ; il dit encore qu’il a agi ainsi, dans la vue de ména
ger tous ses intérêts ; et comme les bénéfices de sa pro
fession devaient entrer pour beaucoup dans ses calculs , il
reconnaît donc encore que la résidence de Cournon était
pour lui un moyen de prospérité, à laquelle il ne pouvait
atteindre qu’au préjudice de M* Anglade. Il est vrai que
M» Desmanèches ajoute que dans la résidence de Cour
non, il était moins employé à recevoir des actes, qu’à
l’administration de ses propriétés;mais cette assertion était
détruite par le rapport des répertoires de ce Notaire ; répertoires que le Tribunal avait sous les y e u x , et qui éta
blissaient que les actes reçus par le sieur Desmanèches ,
dans sa résidence de fait à Cournon , étaient bien plus nom
breux que ceux reçus par lui pour sa résidence de droit à
�— f6 —
Lempdes. Enfin, le sieur Desmanèches en déclarant qu’il
allaitfaire'toutes ses dispositions pour transporter à Lem p
des son habitation exclu sive, parce que le Tribunal pen
sait qu’il n’y avait que ce moyen de satisfaire aux exi1geances de la loi, reconnaissait donc encore qu’il avait dé
daigné de se soumettre à l’injonction qui lui avait été faite
par M . le Procureur du roi, agissant en vertu des ordres
exprès de M. le Garde des Sceaux.
<
Dans cette position, il semblait q u e , sans trop de sévé-^
r ité ,le Tribunal pouvait déclarer qu’il y avait lieu de
pourvoir au remplacement de M* Desmanèches ; mais il
voulut user d’indulgence; et, « Attendu que le sieur Des» manèches, m ieux éclairé sur Vétendue de ses devoirs ,
» a pris l’engagement de renoncer à l'habitation de Cour• » non, pour se renfermer e x c l u s i v e m e n t dans celle de
» Lempdes ; et que jusqu’à preuve contraire1, fo i doit être
» accordée à cette p r o m e s s e p o s i t i v e ; le Tribunal, tout
» en reconnaissant que le sieur Desmanèches n’a pasir/*
» goureusement occupé la résidence que lui assigne son,
n titre ; ayant égard néanmoins a u x circonstances et
» considérations.... Est d’avis qu’il n’y a pas lieu, quant à
» présent t de le considérer comme démissionnaire, et de
» pourvoir à son remplacement; sauf à recourir à ce
» moyen extrême, dans le cas où, au mépris de sespro» m esses, qu’il vient de faire au T rib u n a l, il persisterait
» dans les mêmes erremens ; » Cet avis est du 3 i mari
i 8 3 o.
L a suite des faits apprendra comment M* Desmanèches
a tenu à ses promesses; et comment il a répondu à k
confiance toute bienveillante que le Tribunal avait cru
pouvoir lui accorder.
i . .
;
�— 17 —
M* Anglade, quelque excusable qu’il pût être, ne v o u
lait cependant pas que l’on pût lui reprocher d’agir avec
trop de précipitation; il attendit que M* Desmanèches
transportât son'licibitation exclusive à Lempdes; et quoi
qu’il eut solennellement promis d’agir de suite , près de
'quatre mois s’écoulèrent sans que l’état des choses fût
changé: M* Desmanèches continuait d’habiter Cournon,
d’y tenir son ménage, et d’y faire sa résidence notariale ,
avec la plus grande publicité.
Alors, et le 23 septembre i 8 3o, M* Anglade présenta
à M . le Garde des Sceaux une nouvelle requête ; il y sou
tint que le fait de non résidence à L em pdes, et de rési
dence de fait à Cournon, était établi contre le sieur Dæsmanèches, par l’avis même du Tribunal; qu’il résultait
'des déclarations même de ce Notaire, qu’il n’avait ni la
volonté ni la possibilité d’abandonner sa résidence de fait
à Cournon , pour aller franchement s’établir dans sa rési
dence légale de Lempdes ; qu’ainsi, la décision du Tribu
nal ne pouvait avoir d’autre elfetque d’encourager les ma
nœuvres frauduleuses de M* Desmanèches, et de perpé
tuer le préjudice, tous les jours plus considérable, que
M* Anglade en éprouvait. Enfin , M* Anglade faisait ob
server que la religion du Tribunal avait été trompée; que
M* Desmanèches n’avait tenu à aucune de ses promesses ;
'et que le fait du domicile réel et de résidence notariale de
ce Notaire à Cournon , était aussi public qu’au i er février
i 8 3o , époque’ de la première requête h M . le Garde des
Sceaux; que ce fait avait les mêmes caractères, et pouvait se
prouver parlesmêmes circonstances. M aAnglade concluait
de tout cela, que toute la faveur quipouvait être accordée à
M Desmanèches, était de surseoir à la décision définitive
�— i8 —
â rendre sur l’avis du T rib u n al, jusqu’au jugement de la
demande en dommages intérêts, qui devait être déclarée
urgente : dans tous les cas, M* Angladedemandait à faire
preuve devant les Chambres réunies et en présence de
M* Desmanèches, des faits par lui articulés.
M . Anglade avait, une première fois, demandé une
déclaration d’urgence qui lui avait été refusée : ce refus
équivalait à une remise de deux ans. L e sieur Desmanèches
voulut utiliser ce triomphe : il pouvait désormais paisi
blement attendre la majorité si désirée de son fils; il con
tinua d’exploiter la résidence de Cournon avec plus d'ac~
tivité et d’audace que par le passé; pensant, peut-être avec
raison, que le jour de la justice arriverait trop tard pour
M ' Anglade.
Les choses étaiënt en c e t'é ta t, lorsqu’une lettre de
M .le Garde des Sceaux, à M. le Procureur général, sem
bla devoir hâter la conclusion de cette affaire. Cette lettre
apprenait en effet que la preuve delà contravention résul
tait des documens et de l’instruction ; mais que M* Desma
nèches ayant pris l’engagement de résider à L em pdes, et
y ayant même transporté ses minutes, le Ministre pen
sait qu’on pouvait accorder un mois à M* Desmanèches ,
pour faire à Lempdes son établissement définitif*, « Passé
» le quel, s’il ne s’est pas mis en règle, il devra être pour» suivi, conformément à l’art. 4 de la loi du a5 ventôse
» an xi. » En conséquence , M . le Garde des Sceaux or
donne que si, à l’expiration de ce délai, M* Desmanèches
n’a pas repris sa résidence, M. le Procureur général lui
adressera ses observations, celles du Procureur du roi et l’a
vis du Tribunal, sur les mesures à prendre contre le N o
taire, contrevenant.
�— 19 —
M . le Garde des Sceaux avait été trompé : à cetfe épo
que , les minutes de M* Desmanèches étaient encore à
Cournon ; toutes fois, comme M. le Garde des Sceaux ne
regardait pas cette circonstance comme propre à établir
la résidence notariale, et qu’il exigeait encore de M* Des
manèches un domicile réel et un établissement définitif
dans le lieu de Lempdes, M* Anglade dut attendre l'effet
que pouvait produire cette nouvelle décision, qui fut no
tifiée à M* Desmanèches , le 3o du môme mois de no
vembre.
A u 8 janvier 18 3 1 , IV)* Desmanèches était encore domi
cilié à Cournon , et en plein exercice de la résidence no
tariale qu’il y avait établi; ce Notaire n’avait pas môme
de maison à Lempdes; de manière que tout prouvait
qu’il n’avait rien fait pour se conformer à l’injonction du
3 o novembre précédent. M« Anglade exposa ces faits dans
une requête adressée au Tribunal civil de Clerm ont, et
demanda que le Tribunal sursît à donner son avis, jus
qu’au jugement de la demande en dommages-intérêts,
qui à cet effet serait déclarée urgente; concluant toujours
à être appelé à l’enquête, dans le cas où le Tribunal,
chambres assemblées, voudrait donner son avis sur les in
fractions reprochées à M* Desmanèches.
M. le Procureur du roi se réunit à M* Anglade, à l’effet
d’obtenir que la demande-en dommages-intérêtsfût décla
rée urgente; mais le Tribunal prit une délibération par
laquelle il décida, que n étant point saisi contre M* Des
manèches, il n’avait rien à statuer sur la requête présentée
par M* Anglade ; q u i, sur sa demande en déclaration
d’urgence , fut renvoyé devant la chambre civile, devant
connaître de la cause.
3.
�O u ne peut s’empêcher de faire quelques remarques
sur cette décision du Tribunal: on se rappèle que la lettre
de M. le Garde des Sceaux avait accordé à M ' Desmanè
ches un dernier délai de rigueur, pour fixer son établis
sement définitif à Lempdes; que ce délai passé , ce N o
taire devait être poursuivi, et le Tribunal donner son
avis. Dès-lors, comment est-il arrivé que le Tribunal ne
se soit point trouvé saisi par la requête de M* Anglade ?
Son devoir ne lui était-il point clairement tracé par la
lettre de M. le Garde des Sceaux , exerçant un acte de
juridiction de haute discipline ? Les Chambres réunies n’a
vaient-elles pas d’ailleurs auprès d’elles M. le Procureur du
r o i, q u i , immédiatement, a dû les saisir de la connais
sance des faits qui leur étaient dénoncés, et requérir leur
avis ? Comment donc expliquer le refus formel du Tribu*
nal, de prononder sur la requête de M* Anglade ?.... D ’un
autre côté , ce Notaire est renvoyé devant la chambre ci
vile pour faire statuer sur sa demande en déclaration
d’urgence; mais le Tribunal savait bien que cette décla
ration avait déjà été refusée ; dès-lors, que devait penser
M* Anglade? L e préjudice qu’il éprouvait par le fait des
manœuvres frauduleuses du sieur Desmanèches; les ob
stacles qu’il rencontrait pour en obtenir la réparation; tout
cela n’était-il pas propre à faire naître dans son esprit les
réflexions les plus amères !....
A u s si, M* Anglade présenta-t-il de nouveau ses récla
mations à M. le Procureur général. Par une lettre du 3
février 18 3 1, il apprend à ce magistrat qu’il a présenté une
nouvelle requête en déclaration d’urgence, et qu’il a
éprouvé un troisième refus ; mais comme il suppose que
le Tribunal de Clermont doit enfin être saisi de la con-
�naissance de la contravention de M* Desmàneclies, et
qu'une nouvelle instruction aura lieu a l’efiet de recon
naître si ce Notaire est définitivement établi à Lempdes,
M e Anglade indique les pièces et les témoins qui doivent
prouver , au contraire, que M Desmanèclies a toujours
son domicile à Cournon, et qu’il n’a cessé d’y tenir sa ré
sidence notariale.
L e 25 du môme mois, nouvelle lettre de M e Anglade
à M. le Procureur général: les plaintes de ce Notaire de’ viennent plus vives, et ses instances plus pressantes. 11
s’étonne de ce que la justice ne peut acquérir la preuve de
faits qui sont de notoriété publique dans tout l’arrondis
sement de Clermont •, il demande qu’une enquête soit faite
sur les lie u x , et qu’il y ait transport à Lempdes à l’effet
de s’assurer si les minutes de M e Desmanèches y ont été
transférées ; ajoutant que cette dernière mesure fera dé
couvrir la vérité, si toutefois l’on agit avec prudence et
discrétion.
M e Desmanèclies a été prévenu du transport de M. le
Procureur du roi à Lempdes ; M e Anglade offrira la
preuve que le transport était connu deux jours avant qu’il
ait eu lieu;aussi les minutes deM* Desmanèches ont-elles
été trouvées à Lempdes ; mais, dans quelle habitation ,
dans quel lo c a l, dans quel état !....
M e Desmanèches n a pas de maison à Lempdes; celle
de sa belle-mère est composée d’une chambre et d’une
cuisine qu elle habite ; ainsi il est impossible au sieur D emanèches de faire là un établissement définit#; surtout
dans les termes de l’engagement qu’il a contracté devant
le Tribunal de Clermont, lors de l’avis du 3 i mars i 8 3 o.
A u rez-de-chaussée de cette très-petite m a is o n e s t un
�petit local h um ide, éclairé par une petite croisée carrée ,
n’ayant point de chem inée, ni de place à monter un
poêle, et présentant une surface de cinq à six pieds de
largeur , sur huit à neuf de longueur*, c’est ce lo cal, que
M* Desmanèches a présenté à M. le Procureur du r o i ,
comme étant son étude de Notaire.
L à, effectivement, étaient les minutes parées d’éti
quettes neuves, enveloppées d’un beau papier blanc, sans
poussière et sans tache, sortant tout nouvellement de la
boîte dans laquelle elles venaient d’être transportées; et
pour qu’il ne manquât rien à cette scène, l’habile presti
digitateur avait eu le soin de transformer une petite table
en bureau notarial, en la couvrant d’un tapis vert tout
neuf. Cependant, une circonstance bien légère pouvait
détruire l’illusion, M* Desmanèches avait oublié de faire
porter une écritoire de Cournon ; il y suppléa par un petit
encrier portatif qu’il plaça sur le bureau ; mais le bout de
l’oreille ne fut point apperçu, et il fallut regarder comme
certain que les minutes de M* Desmanèches avaient été
sérieusement transférées de Cournon à Lempdes. Malheu
reusement pour l’inventeur d’une illusion aussi ingé
nieuse M* Anglade se trouve aujourd’hui en état de prou
ver que les minutes de M* Desmanèches ont été de nou
veau transportées h Cournon; que des expéditions ont été
délivrées dans cette résidence par ce Notaire, qui y tient
son étude ouverte comme il le faisait avant le mois de fé
vrier i 8 3o.
Toutefois, M* Desmanèches p u t , pendant un instant,
se féliciter de son adresse; une lettre de M. le Procureur
général à M* Anglade, sous la da.te du 6 octobre 18 3 1 ,
lui apprend que la dernière information étant favorable à
�— >3 —
M* Desmanèches, M . le Garde des Sceaux a pensé qu’il
ne pouvait y avoir aucun inconvénient à attendre ; et l’a
vait informé, par sa lettre du 4 du même mois, qu’il ne se
rait statué sur la plainte en contravention à la loi, sur la
résidence dont M* Desmanèches est l’objet, que lorsque
les ja its allégués par M • Anglade, à Vappui de sa de
mande en dommages-intérêts auraient été éclairés par
Vinstruction <
judiciaire.
D eux ans s’étaient écoulés depuis la demande formée
par M* Anglade, cette cause avait été appelée à son tour de
rôle, les qualités étaient posées. Enfin, le jour del’audience
était fixé, lorsque l’événement le plus extraordinaire et le
plus imprévu vint jeter la désolation dans la famille Anglade;
menacer tout à la fois l’honneur, la fortune, et la liberté
du chef, et servir le sieur Desmanèches, en retardant le
jugement de son procès, et en jetant sur M ' Anglade une
défaveur qu’aucun antécédant ne pouvait justifier.
D ’abord, un bruit, sourdement répandu, désigne à l’o
pinion publique M* Anglade comme faussaire. Un sieur
Moulins-Desmanèches, alors Maire de Cournon et beaufrère de M Desmanèches, (dont un des actes administra
tifs les plus notables, avait été d’enlever à M* Anglade la
clientelle de la M airie, en faisant annoncer dans les Jour
naux que, devant M e Desmanèches * notaire à Lempdes ,
il serait procédé à la Mairie de Cournon, au bail à ferme
d une septerée de terre,') accueille ces bruits, reçoit les dé
clarations d’un nommé Lareine-Boussel, homme d’une ré
putation plus qu’équivoque; dresse procès-verbal, et transmetou fait apporter,par Lareine-Boussellui-même, à M .le
Procureur du roi, cette étrange pièce, qui devint bientôt
�— 24 —
le fondement d’une plainte et d’une instruction crimi
nelle. :
Quel est le fait qui servit de prétexte à cette poursuite?
et par qui Lareine-Boussel était-il dirigé?
M ’ Anglade avait acquis les recouvremens de M*' D oly
et Tibord, ses prédécesseurs. Dans le courant des années
1828 et 1829*, il voulut en opérerlà rentrée; il fut aidé dans
cette opération par le sieur Chambon, qui avait été suc
cessivement clerc de.M M . D o ly et Tibord, et q u i , ayant
exercé depuis 1824? les fonctions de secrétaire à la M ai
rie , était plus que personne en état de donner des renseignemens sur la solvabilité des habitans de Cournon. L e
sieur Chambon avait classé Lareine-Boussel parmi les insol
vables, mais M* Anglade lui fit donner un avertissement
comme aux autres débiteurs de l’étude.
Les avertissemens étaient conçus de manière à éclairer
chaque débiteur sur sa situation ; M e Anglade avait eu le
soin de consigner, au dos de chaque avertissement, l’état
détaillé de ses créances, de manière que tout doublé em
ploi était impossible , et la moindre erreur facile à vérifier.
L e 13 septembre 1829,Lareine-Boussel, porteur de son
avertissement, se présenta à l’étude de M* Anglade; le
sieur Chambon était présent, le compte fut réglé sur le vu
des minutes et pièces; M* Anglade demanda une obliga
tion, Lareine-Boussel y consentit, et les termes furent ré
glés à la convenance de ce dernier.
Lareine-Boussel prétendait avoir fait quelques à-comp
tes à M* Doly, M aAnglade promit de les imputer sur l’obligation, et écrivit sur-le-champ, sur la note qui contenait
le détail de leurs conventions,ces mots: « Si Lareine-Bous-
�— 25 —
» sel présente des reçus ou tous autres documens , ils lui
» seront tenus à compte. »
Une dernière difficulté se présentait : Lareine-Boussel ne
voulait point aller chez un autre Notaire, il fut en con
séquence convenu que l’obligation serait faite au nom
du sieur Ghambon; mais q u e , pour éviter tout équivoque,
elle serait causée pour payemens de coût d’actes fa its à
M, Anglade. La note contenant toutes ces conventions fut
remise au sieur Leclerc, alors clerc de M" A nglade, qui
écrivit l’obligation*, et immédiatement toutes les pièces
furent réunies en une seule liasse dans laquelle fut insérée
la note qui devait servir de titre à Boussel, pour le cas où
il deviendrait vraisemblable qu’il avait fait quelques à
comptes à M ’ Doly.
M* Anglade fit inscrire son obligation *, c’était bien la
précaution inutile*, la mince valeur des propriétés de
Boussel étant plus qu’absorbée par des inscriptions anté
rieures.
Lareine-Bousselnepayaitpoint exactement,mais il avait
donné,à M* Anglade, un léger à compte*, lui avait fait une
délégation verbale d’une somme de 38 fr. 60 cent, qui lui
était duc par Gaspard Devèze, et demandé des délais pour
le reste.
Tout-à-coup Lareine-Boussel imagine de se plaindre de
M* Anglade : il dit qu’il ne devait rien au sieur Ghambon,
ce qui était vrai; mais il ajoute qu’il n’avait jamais donné
son consentement à l'obligation, et qu’il ne s’était me me
jamais présenté dans l’étude de M e Anglade; ce qui était
une froide et bien cruelle fausseté.
Bientôt on voit cet homme assiéger la maison de M eAn*
glade, profiter des absences fréquentes que ce dernier était
.
4
�— 26 —
obligé de faire à raison de son procès contre M e Desmanèclies, pour intimider, parsesmenaces.la femm eetle serifans de M eAnglade. Celui-ci arrive enfin et croit faire ces
ser les injurieuses réclamations de Lareine-Boussel en lui
remettant la grosse de l’obligation en présence du sieur
Cliambon qui consentit même à la main-levée de l’inscrip
tion qui avait été prise sous son nom. En agissant ainsi,
M e Anglade ne nuisait point à sesintérôts, son inscription
était au moins inutile, et les minutes des actes qui restaient
dans son étude étaient suffisans pour établir sa créance
contre Lareine-Boussel.
Cette grosse d’obligation et cette m ain-levée d’in
scription , passent immédiatement entre les mains du
sieur Moulin-Desmanèches, beau -frère de M e Desma
nèches N otaire, et alors maire de Cournon. Ces pièces
étaient-elles attendues? T out prouve qu’au moins elles
étaient forcément désirées. M le Maire fait appeler à la
mairie M e A n glad e, qui se rend sur le champ à cet aver
tissement et explique tous les faits. Ce fonctionnaire dit à
JMe Anglade que, le 3 septembre 1820, il avait payé une
somme de 60 fr. à M e D oly pour le compte de Boussel, et
qu’il savait qu’uneautre personne avait compté, plus tard,
à D oly une somme de 77 fr. à la décharge de Boussel,
M e Anglade, tenant ces deux faits pour vrais, fait obser
ver à M . le Maire que ce cas avait été prévu par la note
jointe aux minutes intéressant Boussel; qu’il regardait
d’ailleurs cette déclax-ation comme un document suffisant,
et qu’il consentait à déduire ces deux sommes du montant
de sa créance.
M . le Maire devait être satisfait si, toutefois, il ne s’é
tait proposé qu’un acte de justice et de juridiction pater-
�— 27 —
nelle ; mais malheureusement, il était dominé par d’autres
idées* M e Anglade s’était retiré; le sieur Chambon estbientôt appelé: ce jeune hom m e, maître clerc d’un Notaire
de Clermont justement estimé, trouva quelque inconve
nance dans la démarche du Maire et dans les questions
qui lui furent adressées : il s’abstint d’y répondre et quitta,
peut-être un peu brusquement, un homme qui lui parais
sait dirigé par la curiosité ou par un intérêt autre que ce• lui de la justice.
Que lit alors le sieur Moulins-Desmanèches ? il eut bien
le courage de dresser procès-vei'bal hors la présence de
M e Anglade et du sieur Cliambon, qu’il avait cependant
appelés et entendus, et de confier cette pièce à LareineBoussel pour la transmettre à M . le Procureur du roi de
Clermont.
M c Anglade et le sieur Chambon ne pouvaient croire
que les poursuites dirigées contre eux fussent sérieuses :
en effet, quel préjudice avait éprouvé Lareine-Boussel ?
n’était-il pas débiteur de la somme pour laquelle il s’était
obligé envers le sieur Chambon; ne l’avait-il pas accepté
librement pour créancier; et qu’importait que l’obligation
fut faite en faveur de M* Anglade ou du sieur Chambon,
puisqu’elle était causée pour payement d'actes ; et que
d’ailleurs toutes les précautions avaient été prises pour
qu’il n’y eût pas de double emploi nuisible à Lareine-Bous*
sel? Ausssi, M* Anglade et le sieur Chambon crurentils qu’il leur suffisait de rétablir les faits et d’indiquer les
personnes qui pouvaient en déposer; c’est ce que
fit M . Anglade par une lettre, du 22 février i 832 ,
adressée à M . le Juge d’instruction près le tribunal de
Clermont.
4-
�— 28 —•
On ne peut que déplorer la funeste préoccupation qui
vint saisir l’esprit des magistrats. Les moyens justificatifs
de M* Anglade parurent des charges accablantes*, on g é
missait de ce qu’il avait été assez léger pour fournir des
armes aussi puissantes contre lui, un reste d’intérêt porta
peut-être à ne point assigner les témoins qu’il avait indi
qués: on se borna à entendreLareine-Boussel père et son
fils, et sur ces deux dépositions, un père de famille hono
rable, un jeune homme plein d’avenir, eurent à gémir •
sous la prévention d’un crime de faux commis par
supposition de personnes et de conventions , dans un
acte où, d’ailleurs, on avait constaté comme vrais des faits
faux.
L ’erreur de la Chambre du conseil de Clermont ne pou
vait échapper à la h a u te sagesse de la Chambre d’accusa
tion, qui sentit la nécessité de compléter l’instruction :
onze témoins furent entendus, les faits furent expliqués ;
et plusieurs témoins vinrent apprendre : « Que ce procès
» était le résultat d’une manœuvre odieuse ; » — « Que le
» bruit public étaitque Lareine-Boussel nemenait pas seul
» cette affaire; — Q u’il avait agi par l’instigation de
» M e Desmanèches et du sieur Moulin ; » — Qu’enfin,
Boussel avait dit : « Anglade m’a remis mon obligation
» sans me demander d’argent; f a i une bonne lettre de
» M. Desm anèches, et je vais le dénoncer de suite. » Ces
dépositions n’ont pas besoin de commentaire, mais elles
expliquent trop bien l’esprit qui a constamment animé
M e Desmanèclies pour qu’on pût les dissimuler dans une
affaire où il faudra spécialement apprécier la moralité de
chacun des faits imputés à ce Notaire.
Comme on le pense bien, la Cour déclara qu’il n’y avait
�\
— 29 : —
lieu à accusation, l'arrêt est du i4 août i 83îî, et est ainsi
conçu :
« Considérant que de l ’instruction il résulte en fa it, que L areine-B ousscl
a réellem ent com paru en l’étude d Anglade N o taire, c l
a donne soit
consentement à l’ obligation du treize septem bre m il huit cent vingt - n e u l',
dont il s’ agit; qu’elle a été rédigée par suite de ce consentem ent, et en sa
p résen ce, après com pte fait des débets d’étude dont il était tenu;
» Q ue s’ il est avéré qu’ il y eut déguisement de la vraie cause de ce lle obli
gation et du nom du véritable créa n cier, il résulte aussi en fa it, que l’ obli
gation eut une cause réelle et légitim e, reconnue telle par le débiteur L a rcin e-B oussel, qui agréa en m êm e tem p s, c l par des raisons qu’ il approuva,
que Cham bon fût indiqué comme créancier
» Q ue s i, plus ta rd , L arein e-B o u ssel a porté plainte en faux en mil h u it
cent treille d e u x , et a réclam é contre l’obligation dont le quantum concor
dait avec l’état des débets d’étude , état rédigé par A n g la d e , sur le vu des
acles , parce qu’il prétendit plus ta rd , lui L areine-B ou sscl, avoir donné
o it
fait donner pi\r des tierces personn es, certaines sommes au sieur I)o ly , h'
valoir et im puter sur lesdits a cles, cela f ù t - il fondé et éta b li, ne pouvait
donner lieu qu’à un débat civil entre les héritiers D oly ou A n g lad e, p ourvu
de l’élude D oly et ledit Lareine-B ousscl; que si provisoirem en t, le Notaire
Anglade co n sen tit, lors des réclam ations de L a re in e -B o u ss c l, en m il huit
cent tre n le -d c u x , de rem ettre les choses an m êm e élat qu’elles étaient avant
l’ obligation , c ’est-à -d irc, de n’être créancier qu’en ve rlu des actes existans
dans ladite élude , il y a eu en cela , d’ après les circonstances particulièresde la c a u se , simple bonne foi de la part d’ A nglade , intention de se p rè lcr à
allouer ou h faire allo u er, par les représen tais D o ly , les à-com ptes reçus
par D o ly , s il en existait ré ellem en t, et nullem ent m atière h faire suspecter
de fraude l’ obligation dont il s’agit.
» P ar ces m otifs,
L a C o u r , réformant l’ ordonnance de la Cham bre du conseil du seize mars
m il huit cent trente-deux, d éclare, en fa it , qu’il n’ y a au p ro cè s, ni indices
d un fait qualifié crim e , ni des charges conlre le Notaire Anglade c l c o n t r e
Jean C h am bon , de nature h im prim er h leur conduite l’intention et la vo
lonté de faire tort h Lareine-Bousscl et de com m ettre un crim e ou délit;O rd o n n e, en conséquence, que l ’ordonnance des prem iers juges demeurera.
^
�—
3o
—
sans effet, et que lesdits Anglade et Cham bon soient mis en liberté s’ils ont
été arrêtés en vertu des mandats ou ordonnance de prise de co rp s, et s’ils
ne sont point d’ ailleurs rclenu s.p ou r autre cause »
M e Angladeput enfin s’occuper delà suitede son affaire
coutreM* Desmanèclies. Il s’était procuré les répertoires
de ce Notaire pour les années i 83o et i 83 i ; ces pièces
sont la meilleure preuve quel’on puisse produire de la con
tinuation de la résidence notarial de M e Desmanèches à
Cournon. En effet, le répertoire de i 8 3o constate que ce
Notaire a reçu 524 actes pour les deux résidences, savoir,
253 dans Cournon, et 271 pour Lempdes. On voit que le
chiffre des actes de Lempdes est ici un peu plus élevé que
celui de Cournon; mais en i 8 3 o, M e Desmanèches avait
quelques craintes et ses manœuvres pouvaient être moins
actives; toutefois, il se rassura bientôt, et le répertoire de
i 8 3 i apprend que sur 4^4 actes qui ont été reçus par
M* Desmanèches pour ses deux résidences , 2o5 seule
ment appartiennent à Lempdes et 249 à la résidence de
Cournon. A in si, on ne peut s’y méprendre: En 18 3 1, on
trouve M e Desmanèchesà Cournon comme on l’y a trouvé
en i 83o, comme il y a toujours été, c’est-à-dire, exerçant
sa profession de Notaire, ayant sa résidence notariale , et
portant, par ses manœuvres, le plus grand préjudice à
M e Anglade seul Notaire titulaire de ce chef-lieu de com
mune.
E n fin , la cause est portée à l’audience:
M e Anglade concluait à 20,000 fr. de dommages-intércts, et subsidiairement, à etre admis à faire preuve des
faits par lui articulés.
M e Desmanèches, de sa p a rt, concluait à ce que sans
�avoir égard à la preuve offerte par M* Anglade, et en
reconnaissant que Ai* Desmanèches résidait réellement à Lempdes , le Tribunal déclarât M* Anglade
non-recevable dans sa demande , et subsidiairement
l’en déboutât.
Ces conclusions durent exciter quelque surprise : On
voit bien que M* Desmanèches voulait obtenir un juge
ment qui paràlisât la plainte que M* Anglade avait porté
à M . le Garde des Sceaux -, mais comment avait-il pu pen
ser que le Tribunal déclarerait qu’il tenait sa résidence à
Lempdes , lorsqu’il s’opposait lui-inôme à l’admission de
la preuve des faits ayant pour objet d’établir que son do
micile réel et sa résidence notariale défait étaient à Cour
non? Comment, surtout, avait-il pu concevoir une pa
reille idée, sachant bien que M . le Garde des Sceaux avait
sursis à stîtuer sur la plainte en contravention à la loi sur
la résidence, jusqu’au moment où les faits allégués par
M* Anglade, auraient été éclaircis par l’instruction judi
ciaire ?
Mais la plaidoirie de M* Desmanèches fut bien autre
ment remarquable : La cause se plaidait au Tribunal de
Clermont*, M* Desmanèches pouvait apercevoir dans le
prétoire plusieurs de ses confrères , grand nombre de per
sonnes de Cournon, de Lempdes , de Pont-du-Château,
meme de Clermont \ personnes desquelles les faits étaient
parfaitement connus et qui, comme témoins, l’auraient
accablé du poids de leurs dépositions. On pouvait penser
que M* Desmaneclics se serait borné au développement
d’un simple point de droit qu’il s’agira d’apprécier ; mais
il osa bien aborder les faits, et soutenir que sa résidence
notariale avait été constamment h Lempdes -, et cela devant
�— 32 —
un auditoire qui repoussait toutes ses paroles comme men
songères , et manifestait la plus profonde indignation.
Q u ’imagina le sieur Desmanèclies pour prouver son as
sertion ? Il prétendit que M* Anglade avait reconnu luimème sa résidence à Lempdes; et pour preuve, il produi
sit six actes reçus pour lui par ce Notaire. Pour toute ré
ponse , M e Anglade rapporta à l’audience du lendemain
les minutes de ces actes*, elles sont toutes et en entier
écrites de la main de M e Desmanèclies.... Ce dernier
produisit ; encore deux certificats, l’un de l’e x - J u g e
de paix , et l’autre de l’ex-Maire de Pont-du-Château ,
certificats qui-attestent que M e Desmanèclies a tenu reli
gieusement sa résidence de Lempdes. Les dates furent
confrontées, et il se trouva que le certificat du Juge
de paix aurait été délivré dans le temps où ce magistrat
écrivait à M . le Procureur du roi que Desmanèclies
« résidait de fa it à Cournon, où il habitait avec sa
» famille. » — « Que les liabitans de Lempdes sont obligés
» d’aller le chercher à. Cournon.... » Peut-on trouver
quelque chose de plus propre à caractériser M e Desma
nèches? Un pareil homme peut-il avoir porté préjudice à
autrui sans malignité et sans dessein de nuire*, et de pareils
méfaits ne donnent-ils pas essentiellement lieu à une ac
tion civil ?
Les premiers juges se sont décidés en faveur de M* D es
manèches. Leur jugement, qui est sous la date du 7 juin
, et contraire aux conclusions de M . le Substitut du
Procureur du r o i , est ainsi conçu :
i Attendu que pour form er une demande en dom m ngos-m lérêlsil ne suffit
pas. d’éprouver un préjudice (juclconfjuc par le fait^ de cclui dc fjui on les
�réclam e; il faut encore que ce fail soit une atteinte à un droit acq u is, et non
la simple violation d’ une obligation im posée par la lo i , dans un intérêt gé
néral ;
» Attendu qu ’ un Notaire qui n îi se plaindre de ce qu’un de scs confrères
abandonne sa résidence pour venir partager la sienne , ne sa u rait, par ce
seul m o tif, avoir action pour réclam er de lui des d o m m a g e s-in té rê ts la
non résidence constituant un m anquem ent grave de la part du N o taire,
com m e fonctionnaire p u b lic , mais non , com m e le prétend le d em andeur,
une atteinte réelle aux droits dé propriété du N otaire réclam ant;
» A tten d u , en e ffe t, que la loi du 28 avril 1816 , en accordant au Notaire '
en exercice la faculté do présenter 1111 su ccesseu r, n’ a point entendu ériger
ces charges d ’ une m anière absolue en propriété privée;
» Attendu que cela résulte évidem m ent des nom breuses conditions res
trictives auxquelles est subordonné l’ exercice de ce d ro it, qui peut être considéré’et presque anéanti p arla création, dans la liflHtc de la loi, de résidences
nouvelles, le changem ent ou la suppression de résidences déjh existantes ;
» Attendu , dans tous les c a s , que le Notaire qui abandonne sa résidence
pour en venir occuper une a u tre , no porte point atteinte ïi ce d ro it, quoi
qu'on soit la nature. Les résidences n’étant point , com me on l’ a so u ten u ,
fixées autant dans l’intérêt des Notaires que dans celui des justiciables;
v'
» A tte n d u , en e ffe t, que les offices de N otaire devant être considérés
com me de véritables charges publiques , uniquem ent créés dans l’intérêt
com m un de la société ; la fixation et lo m aintien des résidences fondées sur
le même principe , n’ ont jam ais pu être déterm inées qu’en vue de ce même
in té r ê t, et ne co n stitu en t, par co nséqu ent, qu’ une question d'adm inistra
tion p u b liq u e, dont la décision est hors du domaine contentieux.
» Attendu que tel est le but évident que s’est proposé le législateur par
cette fixation de résidence;
» A tte n d u , en effet, que n’ y ayant jamais autant de Notaires que do com
m unes dans chaque canton , la loi a voulu , mais a voulu seulem ent pour
voir , par la fixation des résid en ces, aux besoins d’ un plus grand nombre
d’habitans, en leur ren d an t, par là , la com m unication avec un Notaire plus
facile qu avec tous les a u tres, en m êm e temps que leur laissant lo choix do
» adresser à to u s, elle no posait aucune lim ite h leur confiance;
» Attendu que si les résidences avaient été établies dans l’ intérêt des No
ta ire s, la loi les auraient classés par com m une com m e elle les a classés par
�— 04 —
ca illo n s, puisque ce n’est point à ce que son confrère n’ occupe pns sa ré
sidence qu’ un Notaire est surtout intéressé, mais bien à ce qu’il ne vienne
point y partager sa clientellc ;
<> A tte n d u , dès lo r s , que la faculté laissée au Notaire d’instrum enter dans
toute l ’étendue du ca n to n , vient ô ler à l ’action du dem andeur le seul m otif
qui pourrait le rendre re ce v a b le , puisqu’il lui serait impossible d’établir que
ln confiance des justiciables ne serait pas venue ch erch er h Leinpdcs celui
pour lequel elle tém oignait, h C o u rn o n , une préférence m arquée;
» Attendu que si les faits articulés par Anglade sont', en les supposant prou
v é s, d én aturé h m otiver ses plaintes auprès de M. le Garde des Sceaux, h qui
seul la loi confère le droit de les apprécier et de les ju g er; ils ne pourraient
jam ais, quelque puisse être leu r g ra v ité, donner ouverture à une action en
dommages-intérêts;
’>
■
» Attendu qu’ainsi le dem andeur ne pourrait être admis h la preuve qu’il
a offerte dans un but < 1 # ne peut atteindre , étant non recevable dans sa
demande.
« P ar ces m o tifs,
.
» L e T rib u n a l, donnant acte à la partie d c B a y lc de toutes ses réserves,
le déclare non recevable dans sa demande en dom m ages-intérêts, et le con
damne aux dépens. »
Comme on le pense bien, ce succès, peut-être inespéré,
a donné à M eDesmanèches un nouveau degré d’assurance;
ses manœuvres frauduleuses ont continué avec plus d’ac
tivité; et dès cet instant, on peut ajouter aux faits qui se
ront articulés, que depuis le jugement, M c Desmanèches
continue sa résidense , et tient à Cournon étude ouverte ,
où son fils écrit les actes sous sa dictée, et reçoit les consentemens en l’absence de son père.
�DISCUSSION.
L ’exposé du fait a exige des développemcns qui ont pu
paraître fastidieux ; mais le premier bes oi n, comme le premier
devoir de M* Anglade étaient de prouver en fait :
i° Que M* Désmanèches , Notaire à la résidence de Lempdes,
avait établi de f a i t sa résidence notariale à Cournon , où il exer
çait et exerce encore publiquement le Notariat.
2° Que cette infraction à la loi est accompagnée de circon
stances telles , que l’on ne saurait l’attribuer à l’imprudence et
à la négligence du sieur Désmanèches, ou à l’ignorance et à
l’omission de quelques uns de ses devoirs ; mais bien à un
dessein de nuire à M° Anglade , seul Notaire à la résidence de
Cournon , depuis d’ailleurs froidement médité et exécuté avec
persévérance et en connaissance de cause.
3° Que ces manœuvres ont occasionné un préjuflice consi
dérable à M e Anglade, et que ce préjudice augmente progres
sivement chaque année , et de manière à lui faire craindre la
perte de sa clienlelle, et l’anéantissement de son office de
Notaire.
Ces trois propositions de fait n ’ont plus besoin de démons
tration; elles sont d’une telle évidence, que les motifs du ju
gement dont est a p p e l , d’ailleurs si favorables à M" Desmaneches , loin de les contredire, les reconnaissent au contraire
d ’une manière tout-à-fait explicite, en déclarant que le preju
dice cause n est pas suffisant pour légitimer une demande en
doinmages-intérèls ; aussi, le Tribunal dont est a p p e l , recon
naissant la réalité des faits, a-t-il repoussé la demande de
M' Anglade par une fin de non-recevoir, qu’il a cru faire
ressortir de l’application des principes , ne faisant point at
tention que lors même que toutes les idées qu’il a proclamé
comme principes seraient vraies , les faits conslans de la cause
formeraient contre M* Desmanèches une exception qui le ren
drait inhabile h s’en prévaloir.
�Mais quelles sont les idées légales qui ont détermine les pre
miers juges ?
Pou r q u ’il y ait lieu à réparation d ’un préjudice , il faut que
le fait qui l’a occasionné, ne soit pas une simple violation d’oLligalion imposée par la loi dans un intérêt général, mais bien
une atteinte à un droit acquis.
O r , i° la loi du 28 avril 1816 n’a pas entendu ériger les
charges de Notaire en propriété privée ; ces offices sont des
charges publiques qui sont créés dans un intérêt commun.
2° La prescription légale sur le maintien des résidences , est
fondée sur le même principe d’intérêt général ; dès-lors , le
Notaire qui enfreint la loi, peut commettre un manquement
grave ; mais ce manquement n’étant point une atteinte au droit
de propriété, est évidemment hors du domaine du contentieux.
3° Le droit accordé à Desmanèches d’instrumenter dans tout
le canton , dépouille l’action de M° Anglade de tout motif et de
tout intérêt, p uis qu ’il lui serait impossible de prouver que les
gens de Cournon ne seraient pas venus contracter dans la rési
dence de Lempdes.
11 faut d ’abord examiner chacune des parties de ce système:
on établira ensuite qu ’en lui supposant quelque réalité, le Tri
bunal aurait encore méconnu les vrais et seuls principes qui
doivent régir la cause.
Et d’abo rd, q u ’est un office de Notaire? Est-il bien vrai
que ces charges qui sont créées dans un intérêt commun n’ont
aucun des caractères de propriété privée?
Avant la révolution, les offices de Notaire étaient considères
comme une propriété; les titulaires et leurs héritiers pouvaient
en disposer , sans autre charge que celle de présenter un suc
cesseur qui réunît les conditions requises. C ’était impropre
ment que l’on avait confondu ce droit dans les expressions gé
nérales de vénalité d'offices , cette vénalité n’ayant réellement
jamais existé , puisque le titre de l’office émanait toujours du
chef de l ’autorité publique.
Aussi , lorsque des réclamations s’élevaient contre la vénalité
�dos offices , elles durent paraître fondées qur.nl aux offices de
judicature ; mais aucun bon esprit n’ essaya d ’élendre la pro
hibition aux é l u d e s des Notaires , Greffiers et autres fonction
naires pareils ; effectivement, quant à ces offices , ne doit-on
pas dire avec Montesquieu : « Que la vénalité est bonne , en ce
» qu’elle fait faire comme un métier de famille, ce qu’on ne
» voudrait pas entreprendre dans la seule vue du bien public.»
Lors de la discussion de la loi du 25 ventôse an x i , qui est
le Code du notariat, la question de savoir s’il convenait de r é
tablir la vénalité des offices de Notaire, fut examinée : à cette
époque , le notariat était régi par la loi du 6 octobre 1791, qui
avait admis un système de concours ayant pour objet d’écarter
les candidats présentés par les titulaires eux-mêmes ; l’orateur
du gouvernement, dans son exposé des motifs, que l’on 11c
saurait trop méditer, s’élève contre ce système , et démontre
que celui qui lui est oppose et qui est virtuellement adopté
par la loi du 25 ventôse an x i , se concilie tout à la fois avec
les aperçus moraux que le législateur doit spécialement avoir
en vue , et les idées bien appréciées de la propriété ; de ma
nière que depuis cette époque, comme avant la révolution,
on a le droit de dire qu’une élude de Notaire est. une p ro
priété dont le titulaire ou ses héritiers peuvent disposer, à
la charge de présenter un successeur réunissant les conditions
requises, conditions sans lesquelles l’autorité publique, con
servatrice et surveillante obligée des intérêts généraux, ne
pourrait conférer le litre de Notaire.
La loi du 28 avril 181G porte celte vérjté au plus grand dégré d évidence; il est important de pénétrer son esprit et
de bien en apprécier les termes.
Ava nt la loi du 25 ventôse an x i , les Notaires étaient as
sujettis a la patente; l ’art. 33 de celte loi les en affranchit,,
mais les soumet a un cautionnement q u i , aux termes de
l ’art. 1" de la loi du 25 ventôse an x m , doit être fixé en rai
son combinée du ressort cl de la résidence de chaque Notaire.
C ’est dans cette position q u ’intervinl la loi d u 28 avril 1816^
�— 58 —
qui en portant les cautionnemens des études de Notaire à un
taux plus élevé que celui fixé par les lois antérieures, dispose
par son art. 88, que les cautionnemens sont fixés en raison de
la population et du ressort des tribunaux et de la re'sidence de
ces fonctionnaires. On doit ici faire la remarque essentielle ,
que la population de Cournon, résidence de M* Anglade, étant
plus considérable que celle de Lempdes ; conformément aux
tableaux annexés à la loi de 1816, le cautionnement de M* DesTnanèches , Notaire à Lempdes a été fixé à 1800 f r . , tandis que
celui de M* Anglade s’est élevé à 2,000 fr.
11 était de justice que le législateur, en imposant aux Notaires
une nouvelle ch arg e, les en indemnisât, en déterminant leurs
droits sur l’office dont ils étaient pourvus.
L ’article 91 est ainsi conçu : « Les Notaires...;, pourront p ré» senter à l’agrément de sa Majesté des su ccesseu rs , pourvu
» q u ’ils réunissent les qualités exigées par les lois. Cette faculté
» n’aura pas lieu pour les titulaires destitués. » — n. I l sera sta» tu é , p a r une lo i particulière, sur l’exccution de celle disposi» t i o n , et sur les m oyens d'en faire jo u ir les héritiers ou ay an t
» cam e clesdits o/Jîces. » — « Celte faculté de présenter des suc» cesscurs, 11e déroge p o i n t , au surplus, au droit de S. M., de
» réduire le nombre desdits fonclionnaires, notamment celui
» des Notaires, dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse
» an x i , sur le notariat. »
Si l’on médite ce tcxle avec attention, pourra-t-on mécon
naître le caractère non équivoque de propriété qu’il attache
aux offices de Notaire ?
La loi, en accordant aux Notaires le droit de présenter un
successeur, a bien évidemment voulu faire quelque chose qui
fut utile aux tilulaircs auxquels il l’a concédé ; et quel serait
donc ce droit, s’il ne renfermait p o i n t , pour le Notaire , celui
de vendre ou de traiter de son office avec le successeur q u ’il
s’est choisi et qu’il a*le droit de présentera l’agrément du roi?
Où peut-on trouver un caractère plus significatif de propriété
que le droit de vendre et de transmettre? Le principe de la
s
�transmission aux héritiers cl ayans cause du Notaire titulaire
n ’est pas douteux ? il est même consacré, de la manière la plus
absolue , par la loi mê m e , puisqu’elle ne fait que renvoyer à
une loi particulière sur les moyens de les en faire jouir. Il faut
donc reconnaître qu’ une étude de Notaire est une véritable
propriété, puisque le titulaire peut l’aliéner^ et que la valeur
fait partie de sa succession.
O b j e c t e r a - l - o n que la faculté accordée par la loi de 1816, est
subordonnée à des conditions et à d e s restrictions qui ne per' mettent pas de classer les études de Notaire parmi les pro
priétés?
Il faut examiner :
i° La loi veut que le successeur présenté au roi réunisse les
qualités exigées par la loi : — Cette charge est la même que
celle qui était imposée aux titulaires des offices de N o t a ir e ,
avant la révolution, époque à laquelle le titre , comme aujour
d’hui, émanait du chef de l’autorité publique, ce qui n’empê
chait pas que les études de Notaire ne fussent considérées
comme une propriété. On comprend d ’ailleurs, très-facile
me n t, comment l’intérêt public et l’intérêt privé peuvent ici
se concilier: le gouvernement a le droit d’exiger que le succes
seur qui lui est présenté ait les qualités requises; mais il ne
peut refuser celui qui offre les garanties déterminées par la
loi. Cette condition astreint, si l’on v e u t , le Notaire titulaire
à ne vendre qu’à certaines personnes, mais elle n’anéantit pas
son droit ; les litres de Notaire ne sont plus donnés au concours
comme ils l’étaienl sous la loi de 1791. A ujourd’h u i , il n’est
permis à personne d’entrer en concurrence avec le successeur
présente, qui est admis ou rejeté sur le simple examen des
pièces propres à attester sa capacité.
a0 La loi dit que la faculté de présenter n’aura pas lieu par
les titulaires destitués. — l\ien de plus sage ; mais comment
cette pénalité, sagement prononcée contre le Notaire qui a en
freint ses devoirs d’une manière assez grave pour encourir la
destitution, pourrait-elle être regardée comme anéantissant ou
�— /¡o —
modifiant le caractère de propriété attaché aux études de N o
taire en général? C ’e s t , si l’on veut, un frein salutaire imposé
à l’immoralité, une exception introduite dans l’intérêt géné
ral, mais qui confirme la règle bien loin de la détruire.
3° Le I\oi se réserve le droit de réduire le nombre des N o
taires dans les cas prévus par la loi du 25 ventôse an xi. —
Q u ’induire de là? Lors de la loi de 1816, la réduction ordon
née par l’article'3 i de la loi du 25 ventôse an x i n’était point
encore opérée ; cette mesure avait été entièrement conçue dans
les intérêts des notaires, auxquels il importait d ’assurer une exis
tence honorable en les établissant dans des résidences qui, par
leur population, pussent présenter une indemnité proportion
née à des travaux qui, outre la probité , exigent autant d ’intelli
gence que d ’assiduité. Il convenait, dès lors, de ne point pou r
voir aux études qui étaient atteintes par la réduction ; mais
cette mesure o p é r é e , les éludes conservées par la loi de ven
tôse an xi , n’ont plus eu à redouter une chance qui n ’était que
transitoire. A ujourd’hui, la loi protège leur résidence et le
gouvernement ne peut la supprimer.
Il est donc prouvé , contrairement aux motifs consignés
d a n s le jugement dont est appel, que si, sous un rap por t, les
ofïiccs de Notaire sont des charges publiques établies dans
un intérêt com mu n ; d ’un autre côté, ils sont la propriété
du titulaire; que les conditions imposées par la loi à la trans
mission de cette propriété n’en changent pas le caractère ;
et que la réduction étant opérée, il ne peut appartenir au gou
vernement d ’anéantir celte propriété en supprimant une rési
dence établie ou conservée par la loi.
A mesure que l ’on pénèlre plus avant dans celte question,
on trouve des motifs tout aussi déterminans pour reconnaître
qu’une ctude de Notaire doit être classée au nombre des p r o
priétés du titulaire.
Ef fe ct iv em en t, si l ’on consulte la jurisprudence, on s’as
sure que les Notaires peuvent traiter <le leur office avec le suc
cesseur qu’ils se choisissent, et qu’ils ont le droit de presen- -
�— /il —
ter à l ’agrément du roi ; que ces traite's ou ventes doivent êlre
'exécutés dans les termes où ils ont été conçus ; qu’aucune
action ne peut être admise contre eux , pas même celle en re
gret et celle en lésion. ( Arrêt : P a r i s , 28 janvier 181 g ; Cassa
tion , 20 juin 1820 , 23 novembre 1823.)
Enfin , veut-on supposer qu’ un notaire a reçu un office, soit
de son père , soit de son p a r e n t, dont il est héritier par suile
de la démission de ce titulaire? Dans ce cas , que l’on se de
mande si cet héritier devrait rapporter la valeur de l’office à la
masse de la succession?
Où serait le doute ? N ’ est-il pas suffisant que la cession d ’un
office, à titre gratuit, présente un avantage au profit de cet hé
ri tier, pour qu’il soit tenu au n p p o r t ? Cette solution est le
texte même de l’article 8/|3 du Code civil : « Tout héritier ve» nani à une succession , doit rapporter à scs cohéritiers tout ce
» qu’il a reçu du défunt, directement ou indirectement. »
Et s’il arrivait que la transmission d’une élude de Notaire
renfermât une fraude ; que , par exemple , le prix de la vente
eût été fixé à une somme inférieure à sa valeur réelle , pour
avantager l’héritier acquéreur au delà de la quotité disponible;
pourrait-on douter que les autres héritiers n’eussent le droit
de demander l’eslimalion de l’office, et , d’obliger le nouveau
titulaire à rapporter le prix de cette estimation? ( V . Jo u r n a l
du n o ta r ia t , art. 4 I4 1-)
Une élude de Notaire est donc bien une propriété ; c’ cst une
vérité désormais hors de doute, une vérité fondamentale dont
les conséquences sont aussi pressantes qu’inévitables.
En ellet, le droit de propriété suppose celui de jouir et de
conserver la chose qui nous appartient ; et comme il n’est point
de droit sans obligation corrélative, il faut reconnaître que la
propriété notariale, comme toutes les autres, impose le devoir
de la respecter el de ne rien faire qui la détruise ou en diminue
la valeur.
O r , M" Dcsmanechcs a-t-il usurpé tout ou partie de la p r o
priété notariale de M" Anglade?
6
�Celle question est résolue en fait, il ne s ’agit plus que de
l ’examiner en droit.
L ’office d ’un Notaire se compose de trois choses : le titre ,
les minutes et la résidence. Voilà , bien certainement, l'ensem
ble d ’une propriété notariale. INI* Anglade se plaint de ce que
M. Desmanèches lui a enlevé la partie la plus importante de sa
propriété, c’est-à-dire sa résidence, ou qu’au moins, il lui a causé
le plus grand préjudice en venant s’y établir: est-il recevable à
demander des dommages-intérêts pour réparation de ce fait?
Le Tribunal dont est appel a reconnu que le maintien des
résidences notariales était fondé sur le même principe que l’é
tablissement des offices de Notaire; et comme il avait refusé à
ces offices tout caractère de pro p ri ét é , il était logique q u ’il ne
vît dans l’usurpation de la résidence qu’une violation d’un rè
glement d ’administration publique ; ainsi, avoir détruit sa pre
mière erreur, c’est déjà avoir fait sentir la nécessité de réfor
mer la seconde.
Mais on ne peut se dissimuler que les premiers juges, en se
créant un système qui leur était personnel, n ’aient encore cédé
à l’influence de deux arrêts , l’un de la Cour royale de Metz ,
du 21 juillet 18 18, cl l’autre de la Cour royale de Nîme ; arrêts
remarquables par la faiblesse de leurs motifs, que le Tribunal
de Clermont a essayé de fortifier, et qui d ’ailleurs sont in
tervenus sur des faits bien différons de ceux de la cause ac
tuelle. Ces arrêts auraient jugé que l’infraction à la loi de la ré
sidence notariale, est une matière de haute police et d ’admi
nistration publique, dont la connaissance appartient à M. le
Ministre de la justice , et dont les Tribunaux ne peuvent con
naître ; qu’ainsi le Notaire dont la résidence a été u s u r p é e ,
n e peut demander contre son confrère des doinmagcs-intérêts,
sous prétexte qu’il lui enlève une partie de sa clicntcllc et lui
cause ainsi une perte réelle.
On comprend que les moyens déjà développés suffiraient
pour détruire ce système, étant évident que l’erreur provient
de ce que ces deux Cours n’ont point voulu examiner la ques-
�— /,3 tion de propriété , et ont pris à lâche de se renfermer dans
le sens le plus étroit de l’art. 4 de la loi du 24 ventôse an xi ;
sans vouloir le rapprocher des monuraens législatifs et judi
ciaires les plus propres à l’expliquer.
En termes généraux , la résidence est la demeureordinaire
et habituelle d ’une personne en certain lieu ; sous ce rapport »
la résidence est une chose de fait indépendante de toute espèce
dedroit, et qui se distingue du domicile auquel seul des droits
sont attachés.
Examinés en termes plus restreints , la résidence est le lieu
où un officier publia est tenu de séjourner et de demeurer
pour exercer sa charge.
Quant à la résidence notariale, il faut d’abord s’assurer du
texte des articles 4 et 5 de la loi du 25 ventôse an xi.
Art. L\|. « Chaque Notaire devra résider dans le lieu qu i h d sern
■»fixé p a r le gouvernement. En cas de contravention, le Notaire
» sera considéré comme démissionnaire; en conséquence , le
» Ministre de la justice, après avoir pris l ’avis du Tribunal ,
» pourra proposer au gouvernement le remplacement. »
L’art. 5 , après avoir dit que les Notaires exercent leurs
fonctions , savoir : ceux des villes où est établie une Cour
royale, dans l’étendue du ressort de cette Cour. — Ceux des
villes où il n’y a qu’ un Tribunal de première instance, dans
l’étendue du ressort du Tribunal ; ajoute , § 3 : « Ceux des
» autres communes , dans l'étendue du ressort du T ribu n al de
» p a ix . »
I c i , il iaut d ’abord s’assurer si la résidence a été établie dans
1 intérêt des Notaires ; rechercher en suite à quelles conditions
le Notaire ayant résidence dans une co m m un e , peut exercer
scs fonctions dans l’étendue du ressort du Tribunal de paix ;
et enfin fixer son attention sur quelques cas de fraude cl de
violation à la loi de la résidence.
Et d ’abord , l’orateur du Tribunal s’ expliquant sur l’art. 4
de la loi du ^5 ventôse an x i , disait : « S'il pouvait ( le No» taire ), transférer à sou gré sa résidence , la loi aurait man-
G.
�-
41
-
« qué son but , tarit pour l'avantage (le la société, que p ou r
» celui des N otaires en particulier', on verrait la majeure partie
» d ’entre eux , abandonner les cam pagnes cl venir habiter les
» villes pou r la résidence desquelles <
1 antres N otaires auraient
» p a y é un cautionnement plus considérable. »
Que l’on s’arrête ici : N ’est-il pas évident que le législateur
s’est proposé un double but ; d’abord l’avantage de la société,
qui est spécialement confiée à la surveillance de M. le Garde
des Sceaux ; en suite l’avantage des Notaires en particulier,
qui dès-lors ont nécessairement droit de se plaindre lorsque
leurs intérêts sont blessés? Et si l’on remarque que la loi a
voulu spécialement éviter que les Notaires abandonnassent leur
résidence pour venir occuper celles d’antres Notaires qui au
raient payé un cautionnement, plus considérable qu’e u x , c o m
ment contesterait-on q u ’une action est ouverte à celui qui au
rait éprouvé un préjudice par suite de cette fraude ? La posilion prévue par l’orateur du Tribunal esl identiquement celle
de M " Desmanèclies et Anglade : le cautionnement de l’un
n ’est que de 1,800 francs, tandis que celui de l’autre est de
2.000 francs. D o n c , la propriété de Desmanèclies est moins
précieuse que celle d ’Anglade ; d on c, celui-ci a le droit de la
défendre contre les usurpations de son confrère : mais si l’u
surpation est ancienne , si elle lui a déjà causé un préjudice
considérable, comment n’aurail-il point d ’action pour en ob
tenir la réparation? E l si celte action lui est ouverte, comme
on n’en saurait douter , devant qui l’exercera-t-il ? Sera-ce de
vant M. le Garde des Sceaux ! Mais le Ministre ne peut connaître
de l’infraction à la résidence , que dans un intérêt général ; son
droit se borne à contraindre le Notaire contrevenant à garder
sa résidence ou à pourvoir à son remplacement comme démis
sionnaire , mais il ne peut accorder des dommages - intérêts.
Dès lors , que faire? II y a nécessité de rentrer dans le droit
commun, et le Notaire qui a éprouvé le préjudice doit s’adres
ser aux Tribunaux , qui seuls ont le droit de l’apprécier cl d’en
déterminer la réparation.
�-
/, 5 -
A i n s i , une aclion n ’exclue pas l’au tre , et M* Anglade a p u ,
tout à la fois , demander à M. le Garde des Sceaux que M* Des*
manèches fut tenu de garder sa ré si de nc e , et saisir la justice
de son aclion en dommages-inlérêts.
Objectera-t-on , en s’appuyant sur un des motifs du ju g e
ment dont est appel, q u e si les résidences eussent été établies
dans l’intérct des N o t a i r e s , leur classement aurait eu lieu par
c o m m u n e cl non par canton.
Cette objection, si elle était re no u ve lé e, ne pourrait con
vaincre que d ’une chose, c’est que la loi n ’a point clé assez at
tentivement consultée. Effectivement , elle ne classe pas les
résidences par cantons mais bien par commu ne s ; elle les classe
si peu par cantons, que po ur le cautionnement, il est fixé en
raison combinée du ressort et de la ré sidence; et po ur ne pas
s’ éloigner de l’exemple que présente la cause , on s’assure qu e
si le cautionnement de M' Anglade a été fixé à 2,000 francs, et
celui de M E Desmanèclies à 1800 f r . , c’est parce que la rési
dence de Courn on est plus considérable par sa population que
celle de L e m p d e s , quo ique toutes les deux soient du m ê m e
canton ; c’ est donc bien par co m m un e s que les résidences ont
été classées.
11 est vrai que les Notaires des commu ne s ont le droit d ’exer
cer leurs fonctions dans toute l’étendue du ressort de leur jus
tice de paix: mais c o m m e n t , dans quel cas, et à quelles condi
tions ?
U n avis du Conseil d ’etat du 7 fructidor an x n , r e c o n n a î t ,
il est vrai, que les Notaires de simple justice de paix ont le
droit d exercer leurs fonctions dans tout le canton ; meine que
les Notaires résidens dans une co m m u n e rurale peuvent veni r
dans le chef-lieu , lorsque celte ville serait c h e f - li e u de Co ur
royale et de tribunal de pr em ièr e instance, po u r instrumenter
dans la partie de ces villes dépendantes de leur justice : mais
q u a n d ? « l o k s q u ’ ii ^s en s o n t k e q u i s .» — Q u ’est.-ce qui leur
est dé fendu? — L ’avis répo nd : «Mais ils ne pe u ve nt ouvrir
» étude, ni conserver le dépôt de leurs m in ut e s, ailleurs qu e
�-
46 -
» dans le bourg ou village qui leur est assigné pour leur rési» dence. »
Ce texte n’a pas besoin de commentaire , il concilie parfai
tement ce qui doit être concédé aux parties, qui peuvent n’ac
corder leur confiance q u ’à un Notaire de leur choix, avec la
protection qui doit être accordée aux intérêts du Notaire de
la résidence. Le Notaire peut quitter sa résidence pour faire un
acte de sa profession dans le canton lorsqu’il en est requis, au
trement, il ne peut envahir la résidence de son confrère; et,
dans aucun cas, il ne peut ouvrir étude , ni conserver le dépôt
de ses m in u t es , ailleurs que dans sa résidence.
M. Massé, t. i , p. 3 3 , développe très-bien ces principes:
« Il faut bien distinguer , d it - i l , l’étendue du ressort d’un
» Notaire de celle de sa résidence : un notaire à le droit de se
» transporter momentanément hors du lieu de sa résidence,
» dans toute l’étendue de son ressort, pour y faire un acte , et
» il peut y rester aussi long-temps q u ’il est nécessaire- pour pré» parer l’acte , le rédiger et le faire signer ; mais il ne lui est
» pas permis de fix e r son d o m icile, ni d ’établir son étude hors
» du lieu de sa résidence. »
Si l’on rapproche ces principes des actes du sieur Desinanèchcs.qui pourra, de bon ne foi, reconnaître que ce Notaire, en éta
blissant sa résidence notariale à Cou mon, n’a fait q u ’user de son
droit et fait ce qui lui était permis.— D ’abo rd , aucuns des actes
passés par un Notaire, dans celle résidence de fait, ne l’ont
été sur la réquisition des parties; ensuite , que remarque-t-on?
Uri domicile fixe, une élude ouverte, et le dépôt des minutes
établi à Cournon ; et, ce qu’il y a peut-être de plus f o r t , c’est
l’abandon total fait par le sieur Desmanèchcs de sa résidence
notariale à Lempdes ; de telle manière , que celte résidence
légale, la seule que le litre du sieur Dcsmanèches lui assigne,
n ’est plus qu’une simple succursale de la résidence de fait que
ce Notaire s’esl créée de sa pleine autorité ; succursale dans la
quelle, au reste, il ne paraît une ou deux fois par semaine, que
�pour y formuler les acles dont les consentemens ont été reçus
par ses préposés pendant son absence.
Quelques exemples peuvent faire apprécier l'importance que
le législateur a mis à obliger les Notaires à tenir la résidence
qui leur est fixée par leur commission , et le soin rigoureux
qui doit être apporte à éviter ou à réprimer toute espèce de
fraude à cet égard.
L e 21 mars 1817, M e Coron fut nommé Notaire à la résidence
de Caluirc (Rhône) ; ce Notaire crut pouvoir s’établir au h a
meau de St-Clair, bourg dépendant de sa résidence, mais lieu
bien préférable à Caluire par sa population , l’activité de son
commerce , la multiplicité des transactions, et surtout son rap
prochement de Lyon, qui donnait à ce Notaire les moyens d’étendre sa clicnlelle et d’agrandir ses relations.
M* Coron avait quatre années d’exercice et de résidence à
Caluire, lorsque les Notaires de Lyon se plaignirent de cette
infraction à loi ; et une décision de M. le Garde des Sceaux,
sous la date du 18 mai 1821, ordonna que Coron serait tenu de
s’établir à Caluire, résidence déterminée par sa commission,
et d’abandonner le hameau de St-Clair.
D ’un autre cô té, on a examiné la question de savoir si un
Notaire contrevient à l’art. 4 de la loi de ventôse an x i , lorsqu’habilucllement, à des époques périodiques , et san s être re
q u is , il se transporte au chef-lieu de son canton , dans l’inten
tion de recevoir des actes de leur ministère ; il est vrai que le
plus grand nombre a décidé négativement la question , mais en
déclarant qu’il devrait en être autrement s’il résultait des cir
constances que le Notaire tînt son étude au chef-lieu du canton,
fait qui constituerait une véritable fraude à la loi.
Enfin , il n’y a pas de doute à décider que le Notaire qui au
rait un clerc résidant habituellement dans une autre commune
et y recevant des actes , commettrait une fraude que les cham
bres de discipline et le ministère public devraient s’empresser
de réprimer ( Jo u r n . des N ot., art. 44G1.)
�-
48 -
Tous ces exemples font plus fortement ressortirlagravité de
l’infraction de Me Desmanèclies :
II n’aurait pas pu transporter sa résidence dans un lieu dé
pendant de celui qui lui a élé assigné par sa commission, et il
l ’établit, où?Dans le chef-lieu de Cournon , résidence de M. Anglade.
Il lui était interdit de se transporter hors de sa résidence
sans en être requis. Non-seulement M* Desmanèclies contrevient
à celte règle , mais encore , de sa seule autorité , il établit son
domicile et son étude à Cou rnon, et agit ainsi en fraude de
la loi.
E n f i n , il fait plus que d’avoir un clerc résidant habituelle
ment à Cournon, il y habite et réside lui-mêine , il y reçoit les
actes ; et s’il s’absente, il laisse une personne qui puisse pren
dre le consentement des parties.
On ne peut donc se le dissimuler, il n’est point d ’infraction
plus grave que celle reprochée à M ' Desmanèclies ; il n ’est
point de manœuvres qui aient pu porter un plus grave préju
dice à la propriété de M* Anglade.
O r , quels sont les principes en matière de réparation civile
ou de dommages-intérêts ?
L ’article i382 du Code civil est ainsi conçu: « Tout f a i t
» quelconque de l’h o m m e , qui cause à autrui un dommage,
» oblige celui par la fa u te duquel il est arrivé à le réparer. »
A i n s i , l’ordre delà société exigeant, non seulement, que nous
ne fassions de mal à personne, mais encore que nous prenions
des précautions pour n’en pas causer volontairement, il est
certain que la réparation doit avoir lieu , lors même que le fait
qui aurait causé préjudice ne serait point accompagné du des
sein de nuire.
L ’article i 383 porte: «Chacun est responsable d u do mma ge
» q u ’il a causé non seulement par sou f a i t , mais encore p a r i a
” négligence ou p a r son imprudence. » Qu elle co nséque nce à
déduire de ces principes? si ce n’est que tout f a i t , toute omis
sion par lequel sans malignité et sans dessein de n u i r e , on a
�— 49 —
causé préjudice à autr ui, est un quasi-délit qui soumet l’auteur
de ce fait à une réparation, lors même qu’on n’aurait ît lui
reprocher que de la négligence ou de l’imprudence.
Dans ce cas , quelle serait la position de M e Desmanèches ?
Il ne s’agirait que de constater que M* Anglade a éprouvé un
préjudice dans sa propriété, et qu’il est du fait de son adver
saire , pour que ce dernier fût obligé a ie réparer. Il importe
rait peu qneM* Desmanèches voulût se faire un moyen de son
ignorance, de la croyance où il était que la loi n’exigeait pas
de lui une observation aussi rigoureuse des règles de la rési
dence ; les faits sont là, pour démontrer que M' Desmanèches
a méconnu un engagement qui lui était imposé par l’autorité
seule de la loi (art. ii'jo )', qu’en outre il a usurpé la propriété
de M e Anglade, en s’établissant et ouvrant étude de Notaire
dans la résidence de ce dernier. Voilà, dès-lors, tout ce qu’il
faut pour que M” Desmanèches soit convaincu de quasi-délit,
et condamné à des dommages-intérêts.
I c i , il faut examiner une dernière objection du jugement
dont est appel , qui consiste à dire que la faculté d’ instrumen
ter dans tout le canton , accordée à Me Desmanèches , ote à
l’action de M« Anglade tout son mot if, puisqu’il est impossi
ble à ce dernier de prouver que les gens de Cournon ne se
raient pas venus à Lempdes.
Un pareil argument n’a rien de sérieux: il ne s’agit pas , en
e ff e t, de rechercher si les gens de Cournon seraient allés con
tracter à L em p d es, dans le cas où M* Desmanèches y aurait
tenu sa résidence ; mais bien de s’assurer si M« Desmanèches
à établi son étude à C ou rn on , résidence de M* Anglade , à
1 elfet d y attirer les cliens ; o r , comme les actes reçus par
M Desmaneclies ont etc passés a Co urnon, dans sa maison,
et que nulle part il n’est fait mention qu’il se soit transporté
de Lempdes a Cournon sur la réquisition des parties , voilà la
preuve écrite que les liabitans de Cournon ont cédés ’, non
pas à la confiance exclusive que leur inspire M* Desmanèches
mais bien à l’influence de sa position , à ce domicile établi à
7
�cc'Le résidence publique, enfin, à celle étude ouverte à Cournon, , contrairement à la prohibition la plus précise de la loi.
Bans celte position , la présomption est que la clicntelle serait
demeurée attachée à la résidence; ce serait à M eDesmanèches
à détruire cette présomption ; mais comment ferait - il cette
p r e u v e , lorsqu’il est certain que les actcs, intéressant les
hahitans de Cournon, n’ont point été reçus à Lempdes* et
que M* Desmanèches , loin d’attendre les cliens à Lempdes ,
est venu , au contraire, s’établir auprès d ’eux à Cournon, obli
geant ains i, le plus souvent, les habitans de sa résidence lé
gale à se transporter dans sa résidence de fait.
Mais cette cause se présente sous un dernier poiut de vue
lout à fait deisif : d ’a b o r d , M* Desmanèches n’a établi sa ré
sidence notariale à Cournon , que dans l’intention de causer
préjudice à M* Anglade ; et ce préjudice a réellement été souf
fert , de manière que l’on réunit ici les deux caractères consti
tutifs de la fraude consiliurn et eventus dam ni. Or l’on sait que
la fraude fait exception à toutes les règles ; que la preuve en
est toujours admissible, et qu’elle doit être réprimée et punie
aussi tôt qu’elle est découverte.
Ce n’est pas tout: 11 appartenait à M* Desmanèches de fairè
regretter l’énergie et la précision d ’un mot qui n ’a point été
conservé dans notre nouvelle législation criminelle, omission
qui n’a pas peu contribué à jeter quelque vague sur la défini
tion du mot délit.
Autrefois, toute action commise avec malignité et dessein
de nuire, s’appelait méfait, de l’expression énergique m alcjicia;
sous ce mot venaient se ranger toutes les actions mauvaises
et nuisibles, tant celles que la loi considérait comme crimes,
que celles qui n’en réunissaient pas tous les caractères; de ma
nières qu’alors , le méfait était le genre, et le crime l’espèce.
( V . V ùrniu s , in inst. de oblig . , qnœ ex delielo nascuniur , iri
princ. lib. 4 » tit. i. — Cout. de Beauvoisis, rédigée en 1280,
chap. 3o . )
A u j o u r d ’h u i , le mot délit est e m p lo y é en deux acceptions
�différentes ; une première, qui est générale et comprend Ions
les méfaits; une seconde, plus resserrée et sous laquelle cer
taines espèces viennent se ranger; c’était là un défaut qui d e
vait bientôt se faire sentir; aussi, voit-on q u e , dès le premier
article du Code, le législateur est contraint d’employer au lieu
du mot méfait celui d’infraction, qui est bien plus vague et
moins énergique.
Toutefois, si le mot méfait n’existe plus dans le langage de
la loi pour exprimer les faits qui troublent la paix et l’ordre
public, et qui sont des crimes ou des délits ; si même celle
expression ne s’applique pas au simple q u a s i - d é l i t , qui n’est
qu’une action préjudiciable à autrui, mais commise par négli
gence ôu imprudence , elle n’en sert pas moins à désigner cette
foule d’actions mauvaises et nuisibles , commises avec mali
gnité et dessein de nuire , que le législateur n’a pas dû quali
fier cri m e, mais qui étant contraires à la bonne foi et flétries
par les principes de morale les moin^Tjsévères , n’en donnent
pas moins ouverture à une action civile, pour obtenir la répa
ration du dommage q u ’elles ont causé.
Le préjudice éprouvé par M* Anglade étant certain, l’ensem
ble des faits reprochés à M'Desmanèclies, auteur de ce pré
judice, présente-t-il les caractères du méfait?
Qui pourrait en douter?
M* Desmanèclies :
N ’a-t-il pas usurpé, en connaissance de cause, la résidence
de son confrère, en violant la l o i , en dédaignant de se confor
mer aux statuts de la corporation à laquelle il appartient, règles
que cependant il ne pouvait ignorer ni méconnaître?
Pour se faciliter l’exploitation des deux résidences et nerien
laisser échapper à son insatiable avidité, n’a-t-il pas encore exigé
des personnes qui lui étaient dévouées à Cournon et à L e m p des qu’elles reçussent, en son absence,les consentcmensdes
parties ?
A-t-il obéi à l ’injonction de M . le Pr o c u r eu r d u r o i , d u
1" avril i 8 3 o?
�— 52 --Après avoir réclamé la résidence de Cournon comme sa pro
priété particulière , et avoir ensuite p r i s , envers le T r i
bunal , l’engagement formel de faire son habitation exclusive
à Lempdes , M" Desmanèches a-t-il tenu à cette promes
se ?.... A-t-il même satisfait à la nouvelle injonction de s’é
tablir définitivement à Lempdes, dans un mois; injonction qui
lui a cependant été faite le 3o novembre , par M. le Procureur
du roi , conformément à l’ordre exprès de M. le Garde des
Sceaux?
Lors du transport de M. le Procureur du roi à Lempdes ,
M* Desmanèches n ’a-t-il pas trompé la loyauté de ce magistrat
en faisant, temporairement, transférer ses minutes de Cournon à Lemp de s, minutes qui ont été immédiatement réinté
grées dans cette première résidence?
N ’est-ce pas lui qui a incité Lareine-Boussel à porter plainte
contre M* Anglade? Qui a clé l’inventeur et le metteur en
œuvre de l’intrigue odieuse sous laquelle il espérait le voir suc
comber ?
A l’audience, que fait ce Notaire?
Il
vient dénier les faits les plus certains , il se permet les as
sortions les plus mensongères, il oppose un certificat émané
d’un magistrat , et le met ainsi en contradiction avec deux
lettres olficiclles, écrites par ce même fonctionnaire.
Et c’est devant de pareils faits que la justice est resté désar
mée , et qu’elle a repoussé , par une fin de n o n - r e c e v o i r , la
juste demande de M e Anglade!....
A u s s i , M* Desmanèches s’est-il halé de triompher : immédia
tement, il a donné à ses manœuvres plus d’activilé; il s ’est ad
joint son fils; aujourd'hui ils tiennent ensemble étude ouverte
à Cournon ; le fils écrit sous la dictée du père , e t , en l ’absence
de ce dernier, reçoit les consenlemens des parties.
Telle est cette cause, dans laquelle un homme simple, labo
rieux cl modeste, s’ est imposé le devoir de défendre sa pro
fession, son existence et son honneur, contre la richesse,
l’audace , la ruse cl la méchanceté la plus froide comme la plus
�— 53 —
.
\■)
cruelle. Me Anglade a succombé en première instance ; mais
fort de son droit, il n’a pas hésité à venir demander à la
haute sagesse de la Cour un d e ces arrêts réparateurs, q u i ,
en flétrissant les actions mauvaises et nuisibles, servent d’exem
ple , et donnent aux hommes de tous les rangs une grande et
salutaire leçon.
M' A N G L A D E , N otaire à Cournon.
i'
M° J.-Ch . B A Y L E , ancien A vocat .
M- J O H A N N E L , Avoué.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Anglade, Claude. 1833?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Anglade
Bayle
Johannel
Subject
The topic of the resource
notaires
détournement de clientèle
dommages et intérêts
concurrence déloyale
minutes de notaires
ventes
offices
juge de paix
Garde des sceaux
loi du 25 ventôse an 11
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Maître Claude Anglade, notaire royal à la résidence de Cournon, Canton du Pont-Du-Château, appelant d'un jugement rendu au tribunal civil de Clermont, le 7 juin 1832 ; contre Maître Jean-Baptiste Desmanèches, ayant résidence fixée par sa commission, dans la commune de Lempdes, canton du Pont-Du-Château ; mais de fait ayant établi son domicile et sa résidence notariale à Cournon, intimé.
Annotations manuscrites.
18 mai 1833, arrêt 2éme chambre = mal jugé en déclarant Anglade non recevable = preuve admise. Sirey, 37-2-582. 20 février 1834, 2nd arrêt qui après enquête condamne le défendeur en 3000 de dommages et intérêt... »
Table Godemel : Notaire : 5. le notaire qui a à se plaindre de ce qu’un de ses confrères abandonne plus ou moins souvent sa résidence et vient d’établir dans la sienne, est recevable à intenter une action en dommages intérêts contre ce dernier, pour la réparation du préjudice que peut lui causer cette usurpation de fonctions.
il n’en est pas comme de la simple infraction à l’obligation de résider, dont la connaissance et répression appartiennent exclusivement au ministre de la justice.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
E.Thibaud, imprimeur (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1833
1827-1833
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
53 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2801
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2802
BCU_Factums_G2803
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53557/BCU_Factums_G2801.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Pont-du-Château (63284)
Lempdes (63193)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
concurrence déloyale
détournement de clientèle
dommages et intérêts
Garde des sceaux
juge de Paix
loi du 25 ventôse an 11
minutes de notaires
notaires
offices
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53564/BCU_Factums_G2808.pdf
e78057cd91ac6dc12e55a584f2becfb4
PDF Text
Text
YH. 4 c
t
¿y
CONSULTATIONS .
POUR
JEAN-JAPTISTE CHEVALIER ET AUTRES,
APPELANS D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE RIOM ;
CONTRE
‘T
GASPARD
4
SE R V O LLE ,
INTIMÉ.
L e Conseil soussigné, qui a lu 1° un contrat de mariage du 2 5 pluviôse
an 6; 2° un acte de cession de droits successifs, du 2 3 décembre 1807;
3° un mémoire à consulter, dans lequel est relaté un jugement rendu le
27 novembre 1854 par le tribunal de Riom;
Est d’avis des résolutions suivantes :
Un sieur Ussel avait eu deux enfans, Etienne et Madelaine.
Etienne est décédé célibataire, le 14 novembre 1807.
Madelaine s’est mariée à Blaize Servolle, et est décédée avant son frère,
le 2 frimaire an 10 (2 3 novembre 1801).
Au nombre des enfans issus du mariage de Madelaine Ussel et Blaize
Servolle, il suffit de remarquer Gaspard Servolle et Jacqueline, qui a épousé
Henri Chevalier.
C est le contrat de mariage des époux Chevalier qui renferme la clause
litigieuse, et dont l’interprétation est demandée au conseil.
Ce contrat est à la date du 2 5 pluviôse an 6 . Les père et mère de la
�;
\
( ^ )
future lui constituent un trousseau évalué i 5o fr., plus la somme de iooo fr.
Ensuite vient la clause que l’on va transcrire littéralement.
« Il est convenu entre les parties que, dans le cas où le citoyen Etienne
« Ussel, ci-devant notaire à Riom , viendrait à décéder avant Madelaine
» Ussel, mère de la future, héritière de droit dudit Ussel, son frère, ladite
n Jacqueline Servolle prendra dans la succession dudit Etienne Ussel, dès le .
» moment du décès de ce dernier, la portion qui lui reviendrait, si ladite
» Madelaine Ussel était morte avant son frère, laquelle portion lui sortira
» nature de bien dotal, et à cet effet, ladite Madelaine Ussel, autorisée de
» son m ari, constitue à la future le droit de succéder audit Etienne Ussel
» pour la portion ci-dessus déterminée. »
Le cas prévu de la survivance de Madelaine Ussel à son frère Etienne ne
s’est pas réalisé; au contraire, c’est Madelaine qui est décédée six ans avant
son frère.
Le 25 décembre 1807, cinq semaines environ après le décès d’Etienne
Ussel, Jacqueline Servolle, stipulant comme maîtresse de ses biens adventifs, et Henri Chevalier, son m ari, qui l’autorise, stipulant en son nom
personnel, et encore solidairement l’un pour l’autre, cèdent à Gaspard
Servolle, leur frère et beau-frère, tous les droits appartenant à ladite Jac
queline Servolle dans la succession cchue d’Etienne Ussel.
Il paraît qu’après le décès de Jacqueline Servolle, ses enfans ont de
mandé la nullité de la cession du
décembre 1807, sur Ie m otif que les
droits cédés étaient dotaux à ladite Jacqueline.
Cette prétention a été repoussée par le jugement du 27 décembre i<85/j.
Les juges ont considéré: i° que le contrat de mariage de Jacqueline Ser-*
voile, renfermant une constitution particulière de dot, il s’ensuivait, aux
termes de la Coutume d’Auvergne, que le surplus de scs biens était paraphernaux; 20 que la stipulation de dotalité faite dans le même contrat ne
pouvait afi'ectcr la part de Jacqueline dans la sucession d’Eticnne Ussel
qu'autant que cette part lui serait advenue en vertu de la convention, et
du vivant de sa mère, par le prédécès d’Elicnnc Ussel; qu’au contraire, la
dotalité cessait si Jacqueline était appelée à recueillir cette portion directe
ment cl jure suo par le prédécès de sa m ère; 3° qu’en fait, c’était dans cette
dernière position que s’était trouvée placée Jacqueline Servolle. ,
Cette interprétation peut, au premier aperçu, paraître assez conforme à
la lettre de la clause du contrat de mariage; mais, à coup sûr, elle est con-
�5
}
traire à son esprit, et elle détruit la véritable pensée des parties contrac
tantes.
En effet, que voulaient les parties?
Admettre Jacqueline Servolle, en cas de prédécès d’Etienne U ssel, à
prendre dans sa succession, malgré la survie de Madelaine Ussel., héritière
en première ligne, la part que naturellement ladite Jacqueline n’aurait dû
recueillir que dans la succession de sa mère.
Voilà le but de la clause, voilà le m otif de la prévision du prédécès
d’Etienne Ussel.
Dans celte même clause, il est vrai, par une phrase incidente, la dotalité
de la part éventuelle de Jacqueline est stipulée, mais cette dotalité est une
charge réelle qui affecte cette part éventuelle; on ne saurait donc la faire par
ticiper à la condition de la clause sans se faire illusion. En effet, celle dota
lité grève et suit la part de Jacqueline, sans distinction d’origine, sans qu'il
soit besoin d’examiner si c’est p a rle prédécès d’Etienne Ussel, et en vertu
de la convention, ou par le prédècès de Madelaine U ssel, et en vertu de la
que, celte part arrive dans les mains de Jacqueline.
On conçoit la prévision du prédécès d’Etienne Ussel pour attribuer, dans
ce cas, à Jacqueline un droit qu’elle n’aurait pas eu sans convention for
melle : on ne conçoit pas l’influence de ce même prédécès sur la stipulation
de la dotalilé.
(
Ces deux modes de succession conventionnelle ou légale sont parallèles et
n altèrent en rien la dotalité.
La pensée des parties s’est portée sur la dotalité en elle-même; et quoique
la stipulation soit jetée au milieu d’une clause hypothétique, on n’en doit pas
moins reconnaître que cette dotalilé est pleine, entière, complète, absolue
et non incertaine, subordonnée, accidentelle. ,
Daprès ces réflexions, le conseil est d’avis que le jugement du tribunal
civil de Riom doit être infirmé.
Délibéré à Clermont-Ferrand, le 9 février >836 .
1*1». BAYLE.
II. CONCIION.
V ERD IER-LA TO U R,
av. j . sup.
�L t e Conseil soussigné,
Vu un contrat de mariage du a 5 pluviôse an 6 , une cession du a 5 oc
tobre 1807, et un jugem ent du 27 novembre 1854 ,
*
Estime que les biens que Jacqueline Servolle a receuillis, comme prove
nant d'Etienne Ussel, sont dotaux, et que ces biens n’ont pas cessé detre
soumis au régime dotal, par le fait que Jacqueline Servolle, au lieu de les
prendre dans la succession d’Etienne Ussel, les aurait recueillis dans celle de
Madelaine Ussel, qui avait survécu et succédé à son frère.
Il faut connaître les faits qui font naître la difficulté.
Le contrat de mariage de Henri Chevalier et de Jacqueline Servolle est
sous la date du 25 pluviôse an 6; il contient, en faveur de la fu ture, consti
tution d’un trousseau de i 5 o fr. et d’une dot de 1000 fr.; mais, comme cette
dot n’était pas suffisante, on voulut l’augmenter d’une portion des biens
qui pourraient advenir à la mère de la future ou à elle-même.
Il existait, à Riom, un sieur Etienne Ussel, ci-devant notaire, dont Made
laine Ussel était héritière de droit. Madelaine était plus jeune que son frère,
e t, prévoyant qu’elle pourrait succéder à ce dernier, elle voulut que, ce cas
arrivant, Jacqueline sa fille prît dans la succession d’Etienne la portion qui
pourrait lui revenir; en conséquence, une stipulation à cet égard fut con
signée au contrat, en ces termes :
« Convenu entre les parties, que dans le cas où Etienne Ussel... viendrait
» à déccder avant Madelaine Ussel, mère de la future, héritière de droit
h dudit Ussel, son frère, ladite Jacqueline Servolle p ren d ra , dans la suc» cession dudit Etienne Ussel, dès le moment du décès de ce dernier, la
« portion qui lui reviendrait, si ladite Madelaine Ussel était morte avant
» son frère; laquelle portion lui sortira nature de bien dotal ; et, à cet effet,
» ladite Madelaine Ussel, autorisée de son m ari, constitue à la future le
>1 droit de succéder audit Etienne Ussel, pour la portion ci-dessus déter» minée. »
Contrairement à la prévision de cette clause , Etienne Ussel a survécu ù
Madelaine, sa sœur; de manière que c’est dans la succession d’Etienne
m êm e, et junp. suo, que Jacqueline a rcceuilli les biens qui font aujourd'hui
l’objet de la difficulté.
I>e a 5 octobre 1807, Jacqueline Servolle, agissant comme maîtresse de
�(5 )
ses biens adventifs, et autorisée de son m ari, céda à Gaspard Servolle, son
frère, ses droits dans la succession d’Etienne Ussel, leur oncle.
Les enfans de Jacqueline Servolle, se fondant sur ce que ces droits étaient
dotaux à leur mère, on t, suivant exploits des 4 et 5 juillet 1 834 » formé la
demande en nullité de cette cession.
Un jugem ent du 27 novembre suivant, se fondant :
i° Sur le principe que lorsqu’une dot particulière a été constituée dans
le contrat, il 11’y a de dotal que ce qui est compris dans cette constitution ;
20 Que la clause du contrat ne constitue comme dotale, à la future, la
portion des biens provenus d’Etienne Ussel, que si Madelaine Ussel avait
survécu à son frère; mais qu’il en doit être autrement si la future vient jure
suo à la succession de son oncle ;
3° Que ce cas étant arrivé, l a . c a u s e de la dotalité est devenue illusoire.
Déclare la demande non recevable.
C’est dans cette position qu’il s’agit de justifier l’opinion que le conseil a
émise en commençant, en déterminant le sens et les effets de la clause du
contrat de mariage, et en appréciant les motifs du jugement qui l’a dépouillé
du caractère de dotalité qui lui est inhérent.
Il faut d’abord poser quelques principes :
Pour qu’il y ait constitution de dot, on n’exige point des expressions sa
cramentelles; elles peuvent être suppléées par des équivalens; ainsi, en pareille
matière, c’est l’esprit de l’acte qu’il faut consulter et interpréter suivant l’in
tention des parties, bien plutôt qu’une lettre trompeuse q u i, quelquefois, par
la place qu’elle occupe dans l’acte, peut présenter quelques difficultés, donner
lieu a quelques objections subtiles , qui, dans un esprit peu attentif, se subs
tituent facilement à la vérité.
Ce principe était admis comme incontestable sous la loi Rom aine, et, par
1 ancienne jurisprudence, il nous est enseigné par tous les auteurs (pii ont eu
à ¡s'expliquer sur la loi 2 3 , au f f de jure dntium, et les meilleurs interprètes,
tels que Salviat, la v r e , Dupéricr et Merlin se réunissent à la jurisprudence
de tous les parlemens^ pour lui donner toute la force d’un axiome de droit.
Cette doctrine a même paru tellement salutaire, (pie, malgré les termes si
positifs de l’art. 1392 (lu Code civil, elle a été adoptée par tous les auteurs
qui ont traité de la dot. ( V . Benoît, D alloz, Duranton et Tevssier.)
Il faut donc dire (pic la constitution implicite mais non tacite de la dot, a
la même force que la constitution faite en expressions sacramentelles ; et l’on
�comprend que ces équivalons doivent être admis avec plus de facilité, quand
il s’agit d’un contrat passé en pays de droit écrit et dans les localités où la
règle générale des contrats de mariage est le régime dotal.
Ici il faut consulter la Coutume d’Auvergne, qui est la loi régissant le
contrat de mariage du 25 pluviôse an 6. Ce statut, après avoir réglé la cons
titution en dot des biens présens et à venir, et celle des biens présens, dispose
« que tous les biens que la femme a au temps de ses fiançailles sont tenus
» et réputés biens dotaux, s’il n’y a dot particulière, constituée en traitant
» le mariage. » Dans quel sens la Coutume a-t-elle été entendue ? Le dernier
commentateur enseigne que la dot comprend, non-seulem ent les biens
propres à la femme, au moment du mariage, mais encore ceux dont Vespé
rance est pour elle certaine 3 telle, par exem ple, qu’une institution d’héritier,
et il cite à cet égard l’arrêt Barge, qui ne fait que fixer et confirmer une ju
risprudence plus ancienne; et pour que cette règle cesse de recevoir son
application, que fa u t - ilQ u e la dot particulière, constituée au contrat, soit
exclusive de tous autres biens; par exemple, si une femme se constituait une
somme d’argent, avec déclaration que cette somme forme tout son avoir,
une pareille clause exclurait évidemment la dotalité des biens à venir.
(Arrêt, Riom, 7 décembre i 83o.)
Cela posé, que l’on examine le fait ;
La constitution dotale de Jacqueline Servoüc, embrassait non-seulement
les 1,000 fr. portés en son contrat, mais encore la portion de sa mère dans
les biens d’Etienne Ussel. Ces biens étaient, pour la contractante, une es
pérance certaine. Effectivement, ils ne pouvaient lui échapper, soit qu’elle
la receuillît, comme représentant sa mère dans la succession d’Etienne
Ussel, soit quelle les prît de son chef dans la même succession. A in si, sous
ce rapport, les biens Ussel étaien t, comme les 1,000 fr., compris dans la
constitution dotale.
D’un autre côté, la constitution de dotde 1,000 fr. n’était point exclusive
d’une autre constitution. La contractante ne déclare point que c’est tout ce
qu’elle peut ou veut se constituer en dot; au contraire, dans le même contrat,
il est dit que la portion des biens qui lui proviendra d’Etienne Ussel lui
sortira nature de bien dotal. Comment, dès lors, trouver dans la Coutume,
qui ne reconnaît de biens adventifs ou paraphernaux que ceux que la femme
s’est réservés, ou ceux quelle a exclus de la dot, en la restreignant nominati
�(7)
vement à des objets déterminés, la singulière application qui en a été faite
à cette espèce.
Mais examinons cette clause de plus près :
Que veulent les parties? Que la portion des biens provenant d’Etienne
Ussel, et qui doit revenir à Madelaine Ussel, appartienne à Jacqueline sa
Tille, contractant mariage; quelle lui appartienne dans tous les cas, soit
que Madelaine, survivant à son frère, donne à sa fdle le droit de la prendre
immédiatement et d’en jouir, soit que le sieur Ussel, survivant à sa sœur,
Jacqueline Servolle la prenne de son chef dans cette succession. Dans toute
cette'clause, il n’y a qu’une seule idée, assurer à Jacqueline Servolle la por
tion revenant à sa mère dans les biens Ussel.
Mais qu’est cette portion pour Jacqueline Servolle? Elle fait partie de sa
dot. « Elle lui sort nature de bien dotal. » Ici on n’est pas réduit à rechercher
des expressions équivalentes, et une constitution de dot im plicite;la cons
titution de dot est explicite; les expressions sont sacramentelles; elles portent
sur la portion de bien qui proviendra d’Etienne Ussel, sans restriction :
voilà la dotalité placée dans cette clause comme principe dominant; il doit
donc la régir, et, pour que son empire pût cesser, il faudrait que son effet
pût être détruit ou restreint par une exception positive, clairement exprimée,
et qui apprît que, dans le cas où Jacqueline Servolle recueillerait directe
ment, et sans l’intermédiaire
sa m ère, ces biens dans la succession de
son oncle, cette p o rtio n , déclarée dotale par le contrat, perdrait cette qualité
pour devenir paraphernale.
Quelles sont les objections ?
i* S’il y a constitution de dot particulière, il n’y a de dotal que ce qui
est compris dans la constitution.
*
La position de ce principe ne résout rien; en eflet, il y a dans le contrat
deux constitutions particulières : i° les 1,000 f r . , 20 les biens à provenir
d Etienne Ussel ; et la chose à démontrer contre les termes si exprès du
contrat, « Laquelle portion lui sortira nature de bien dotal, » est que ces
biens n’ont pas ou ont perdu ce caractère.
Mais 20 on dit : la portion des biens d’Etienne Ussel n’est dotale à la
femme que si sa mère survit; il en est autrement si Jacqueline Servolle vient
ju resu o a la succession de son oncle; or, c’est ce qui est arrivé : donc cette
portion de biens est paraphernale.
Si on lit avec attention laclause du contrat de m ariage, loin d’y rien trouver
�(8 )
qui autorise cet argument, on s’assure au contraire que l’esprit et les termes
dans lesquels cètte clause est conçue, se réunissent pour l’exclure et la dé
truire.
En effet, l’esprit de l’acte n’est pas équivoque : il est d’assurer à Jacqueline
Servolle, et dans le délai le plus co u rt, la portion héréditaire que Madelaine
Ussel aurait à prétendre dans la succession de son frère.
Les termes de la clause sont aussi des plus propres à mettre cette volonté
en relief; et dans le cas, dit l ’acte.... (suivent ensuite les clauses qu’il serait
oiseux de répéter, mais qui se groupent toutes autour de la même idée
qu’elles font ressortir) la portion que Madelaine Ussel peut prendre dans la
succession de son frère, est dès « l’instant même la propriété de Jacqueline
» qui la prendra... » Mais à quel titre, à quelle condition ? « comme bien do» tal, comme lui sortant nature de dot. »
Actuellement, comment dénaturer des choses aussi simples ? si les équivalens, même la constitution implicite, sont admis dans les intérêts de
l’établissement et de la conservation de la dot, à plus forte raison, faut-il re
connaître qu’ils ne peuvent servir à la détruire; et que pour cela, il faudrait
trouver dans l’acte des expressions tellement sacramentelles, qu’il fut imposde leur donner un autre sens. Or, où les premiers juges en ont-ils trouvées de
cette nature ? Où est le si quisert.de point de départ à leur argument ? Où est
la distinction entre le cas où la mère survivrait à son frère, et celui où la fille
viendrait/un? jho à la succession de son oncle., et qui enseigne que dansjce cas,
la portion provenant des biens d’Etienne Ussel sortira à la femme nature de
bien dotal? C’est donc un argument que les premiers juges ont voulu faire;
mais cet argument est doublement vicieux; d’abord il l’est, comme portant
atteinte à une clause expresse du contrat, au principe de dotalité qui le do
mine et le régit tout entier'; il l’est encore, comme violant ouvertement un
principe fondamental et de droit public, principe que le magistrat doit tou
jours avoir en vue, lorsqu’il s’agit de dot: interest reipubliece mulierum dotes
salvas esse.
5° Les premiers juges ont dit que la caüsiî de la dotalité est devenue illu
soire.
Un mot suffit pour répondre à ce motif, qui n’est que la conséquence des
deux autres. Que signifie ici cette expression ? Une dot n’a pas de cau9d, elle a
un objet. Dans l’espèce, l'objet de la dot est la portion de biens provenue d'E«
tienne Ussel ; cet objet , bien certainement, est aujourd’hui au 44i tt!el qu’au
�(9 )
moment de la constitution; il n’y a donc rien d’illusoire, et l'objet existant
toujours, ne peut être privé du privilège dont le contrat l’a revêtu, et doit
continuer de sortir nature de bien dotal à la femme.
Enfin, que pourrait-on entendre par cause de la dot, si ce n’est la volonté
de toutes les parties contractantes ? Or, quelles sont ces parties ? Les contrac
t a i mariage et la mère constituante. Qu’a voulu la mère ? Constituer en dot
à sa fille les biens qui lui proviendraient de son frère. Qu’ont fait les époux ?
Ils ont accepté ces mêmes biens, mais à la charge qu’ils sortiraient nature de
bien dotal. Dans quel acte cela est-il écrit ? Dans un contrat de mariage, qui
intéresse non-seulement les contractans , mais encore qui agit si puissament
sur l’avenir des enfans.
Et cependant, contre la volonté de toutes les parties au contrat, contraire
ment aux principes les plus certains, au mépris de la clause la plus formelle,
.le contrat de mariage du 25 pluviôse au G serait dénaturé ; une propriété do
tale serait devenue parapliernale ; une aliénation nettement prohibée par la
loi serait valable : ainsi la planche de salut réservée aux enfans en cas de nau
frage , leur serait enlevée. Cela ne saurait être, et la Cour s’empressera de ré
former un jugement qui a accueilli un pareil système.
Délibéré à Iliom , le i/( mars i 836 .
BEUNKT-IiOLLANDE.
'
J. C ii. BAYLE.
L e J u r i s c o n s u l t e s o u s s i g n é , qui n’avait pas hésité à conseiller l’appel après
la prononciation du jugement, et qui a revu les pièces, déclare (pic, loin d’af
faiblir sa conviction, ce nouvel examen l’a encore aiferraie. La clause du contrat
lui paraît claire et sans ambiguité. Ce n’est point une lettre trompeuse qu’il
faille expliquer par l’intention dés parties; c’est une lettre impérative et con
forme à. la volonté démontrée des contractans. Tout en approuvant les prin
cipes de la consultation et les conséquences logiques qu’en a tirées le juriscon
sulte éclairé <pii l’a souscrite, le soussigné croit devoir insister sur la lettre
même du contrat où des expressions tout-à-fait tranchantes n'ont peut-être
pas été assez remarquées.
,
,,
,
.
�^
( 10 )
Nous devons, avant tout, faire une observation qui se lie tout-à-fait à la
consultation de Me Bayle.
Sans doute, si on n’eut pas parlé du tout des biens d’Etienne U ssel, et que
Jacqueline Servolle les eût recueillis, ils eussent été paraphernaux. Mais,
sans doute aussi, on pouvait stipuler que Jacqueline Servolle, venant à les
recueillir, ils lui sortiraient nature de bien dotal.
Si on n’avait pas voulu sortir de cette hypothèse toute simple et créer un
droit exceptionnel, il n’y eût pas eu la moindre ambiguité, et on ne peut
pas douter que la dotalité n’eût été stipulée de préférence; c’est la pensée do
minante du contrat, comme on l’a fort bien remarqué.
Mais on a voulu prévoir le cas de prédécès de l’oncle et attribuer à Jacque
line Servolle un droit exorbitant que la loi ne lui accordait pas au cas prévu ;
on a voulu lui réserver les biens d ’Etienne Ussel, non-seulement si elle était
en ordre de lui succéder, cas auquel elle y venait de droit, mais encore alors,
même que, par le prédécès de celui-ci avant sa sœur, Jacqueline Servolle se
trouverait exclue par sa mère; on a voulu, nous ne craignons pas de le dire,
que la dpt qu’on lui constituait en fût augmentée dans tous les cas.
Au surplus, voyons les termes mêmes du contrat à côté de l’argumentation
des premiers juges. Ils prétendent que la part de Jacqueline Servolle ne lui
est pas dotale, parce qu’elle vient jure suo à la succession de son oncle. Il
semble que pour compléter l’argument, le juge va ajouter, par antithèse, que
la dotalité n’a été stipulée que pour le cas où elle la recueillerait à un autre
titre (jue ju re suo. Tas du tout; il se borne à dire que cette portion n’a ètéconstituée , comme dotale , que si M adelaine Ussel avait survécu à son frère.
On a fort bien prouvé, dans la consultation, que le si conditionnel des
premiers juges ne se trouve nulle part ailleurs que dans le jugem ent; et nous
croyons pouvoir ajouter que, même avec ce si, c’est un argument non con
cluant, incom plet , entortillé, et qu’à tout prendre on ne peut pas même
appeler un argument. Qu’importe, en effet, que Madelaine Ussel ait ou non
survécu à son frère ¡ n’est-il pas vrai que, pour faire de cela un argument
complet, il faudrait que la dotalité n’eût été stipulée au contrat que pour le
cas où Jacqueline Servolle viendrait à la succession à un autre titre? Cela seul
pouvait faire antithèse et fournir un argument à contrario , qui d'ailleurs
n’est pas toujours concluant.
Or, pour ([u’on pût dire quelle larecueille à un autre titre, il faudrait sup
poser qu’elle ne la prend pas directement, mais par un intermédiaire, par
�exem ple, quelle la trouvât seulement dans la succession de sa mère. C’est là
le seul cas où la survie de la mère aurait pu produire l’effet que suppose le
motif du jugement.
Le contrat permet-il cette pensée ? Lisons :
« Dans le cas où Etienne Ussel.......viendrait à déccéder avant Made» laine....... Jacqueline Servolle prendra, dans la succession dudit F.tienne
» Us scl, dès le m om ent du décès de ce dernier, la portion qui lui reviendrait si
» Madelaine était morte avant son frère, laquelle portion lui sortira nature
» de bien dotal. »
Il ne faut pas se mettre l’esprit à la torture, pour comprendre pas plus
que pour analyser une clause aussi claire; elle renferme évidemment deux
volontés bien distinctes et bien positives.
L ’une, que Jacqueline Servolle, appelée à la succession de son oncle, parce
que sa mère y renonce en sa faveur, prendra sa part directement dans cette
succession; qu’elle y prendra la part qui luif û t revenue personnellement dans
le cas de prédécès de sa mère ; qu’elle la prendra au moment du décès de
I oncle ; quelle y exercera son droit personnel, comme si sa mère était décédée,
en sorte que, dans un cas comme dans l ’autre, elle prendra sa part ju re suo.
L ’autre, que cette portion lui sortira nature de bien dotal, et cela sans aucune
restriction, au cas où la mère aura survécu, sans aucune distinction entre les
cas divers qui pourront la faire tomber dans les mains de la future; car c’est
après avoir prévu le cas où la mère aura survécu et l'avoir assimilé au cas
ou elle serait morte avant son frè re , qu’on dit que cette portion sera dotale.
II est évident que le sens comme la lettre de cette clause se résument en cette
promesse que la mère fait à sa fille, et qui forme sa dot :
« Alors même que Etienne Ussel viendrait à décéder avant moi, vous
)> prendrez dans la succession et au moment de son décès , la part que vous y
» auriez Cue sij étais morte avant lui. Vous la prendrez de voire chef et sans
» mélangé avec mes biens; j ’y renonce en votre faveur ; tout se passera comme
” si j étais m orte, et cotte portion vous sera dotale. »
Evidemment donc, dans un cas comme dans l’autre, Jacqueline Servolle
prendra cette succession ,ju re suo, de son propre chef et par la force de son
droit.
Qu importe donc qu’elle la prenne par la seule volonté de la loi ou par la
stipulation du contrat? Q uelle y vienne, parce que son titre seul d’héritière
1 ) appelle, ou parce que la renonciation de sa mère donne son titre d’hé-
�4*
*I
( 13 )
litière en seconde ligne, le droitde venir au premier rang? Qu’importe, pour
la qualité des biens, que la renonciation de la mère soit une condition écrite
dans le contrat, ou qu’elle soit faite au greffe après la mort de l’oncle? L ’eflet
n’est-il pas absolument le même? Qu’importe, enfin , que ce soit par la mort
ou par la renonciation de sa mère, qu’elle se trouve héritière immédiate de
son oncle et qu’elle vient à sa succession? Est-ce que ce n’est pas toujours par
son droit personnel sur la succession d E tie n n e l Est-ce que le contrat ne dit
pas nettement que sa portion ; lorsqu’elle tombera dans ses m ains, lui sortira
nature de bien dotal ?
En vérité, on a droitde s’étonner de voir des choses aussi claires se dé
naturer sous la main des hommes.
Le soussigné persiste donc à penser que le jugement a mal ju g é, sans
même y faire entrer pour rien les considérations qui résultent d’une alié
nation à vil p r ix , qui peut être vraie, mais qui n’est pas légalement dé
m ontrée.
Délibéré à Riom, le 19 mars i 856 .
D e VISSAC.
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r r ^ O - i —!■
L k C o n s e i i , s o u s s i g n é , vu le contrat de mariage de Henri Chevalier et de
Jacqueline Servolle, du
pluviôse an 6; vu aussi les consultations de
MM. Bayleet de Vissac, anciens avocats à Riom ;
Estime, comme les auteurs de ces consultations, que les biens que Jac
queline Servolle avait recueillis dans la succession d’Eticnne Ussel, lui
étaient dotaux, et ne pouvaient par conséquent être aliénés.
La lettre du contrat de mariage, l’intention évidente des parties contrac
tantes, l'usage même généralement reçu dans la contrée où l’acte était passé,
tout se réunit pour résoudre la difficulté dans le sens que nous adoptons.
La lettre du contrat suffirait seule; voici les termes de la clause :
« Convenu entre les p a rtie s , que dans le cas où Etienne Ussel viendrait
» à décéder avant Madelaine Ussel, mère de la future, héritière de droit
» dudit Ussel, son frère, ladite Jacqueline Servolle (la future) prendra dans
» la succession dudit Etienne Ussel, dès le moment du décès de ce dernier,
�( i3 )
la portion qui lui reviendrait si ladite Madelaine Ussel était morte avant son
» frère, laquelle portion lui sortira nature de bien dotal', et à cet effet, ladite
« Madelaine Ussel, autorisée de son m ari, constitue à la future le droit de
» succéder audit Etienne Ussel pour la portion ci-dessus déterminée. »
Dans cette clause, deux choses distinctes sont à considérer : la prem ière,
le cas prévu; la seconde , la constitution faite et la dotalité déclarée.
Le cas prévu est celui où la mère de la future serait appelée elle-même à
recueillir la succession de son frère Etienne ; dans ce cas-là même, elle veut
que là future sa fille recueille à sa place, comme si elle était décédée elle-même
avant son frère; elle veut que la future succède, et qu’elle succède pour la
portion qui lui reviendrait comme nièce d’Elienne Ussel, si celui-ci avait
survécu à sa sœur Madelaine, c’est-à-dire, que dans le contrat on prévoit,
on suppose la mort anticipée de la sœur, on stipule dans cette prévision,
dans cette supposition, on règle les droits de la future, comme si le cas
pr^vu devait nécessairement arriver, et l’on veut que, quel que soit l’événe
ment, la condition de la future soit la même, et qu’elle profite d’une portion
déterminée de la succession de son oncle.
Telle est la première partie de la clause.
Dans la seconde partie, on déclare dotale cette portion que doit recueillir
la future dans la succession de son oncle, laquelle portion, sortira nature
de bien dotal, est-il dit; et pour prévenir toute difficulté, on constitue à la
future le droit de succéder à son oncle pour la portion déterminée.
Cette dernière partie de la clause est claire, formelle, positive. Le caraclère de dotalité est expressément attribué à la portion que recueillera la
future dans la succession de son oncle. Comment lui refuser, après l’événe
ment, ce caractère qui lui était imprimé avant, dès le moment même du
contrat.
»
Ce caractere de dotalité résulterait d’ailleurs des expressions finales de la
clause par lesquelles on constitue à la future le droit de succéder à Etienne
Ussel.
Cette constitution est générale, absolue; elle s'applique à tous les cas aux
quels ce droit de succéder serait exercé; que la future succède de son propre
chef, quelle succède du chef de sa mère et du vivant même de celle-ci,
comme étant mise à sa place, par cela même que le droit de succéder esf
compris dans la constitution, ce droit, avec tous les avantages qu’il a produits,
t:st devenu dotal. Donc, même à ne considérer que cette dernière partie de
�/ 1
.r .
( *4 )
la clausse, la dotalilé s’applique à tous les biens que Jacqueline Servolle a
recueillis en exerçant le droit de succéder qui faisait partie de la constitu
tion. On sait en effet que les mots constituer, constitution, dans un contrat de
mariage, équivalent à ceux-ci : constituer en dot, constitution de dot.
Comment les premiers juges ont-ils donc pu méconnaître la dotalilé des
biens recueillis par Jacqueline Servolle dans la succession d’Etienne Ussel.
Leur erreur a été causée par une confusion de mots et d’idées.
Ils ont confondu les diverses parties de la clause ci-dessus transcrite, et
ont pensé que la dotalilé n’élait stipulée, que la constitution du droit de
succéder n’était convenue que pour le cas où la inère, Madelaine Ussel, vi
vrait encore au décès de son frère, et où, quoique seule appelée à recueillir
la sucession de celui-ci, elle laisserait sa fille recueillir à sa place.
Mais, d’une part, dans ce cas-là même, comme nous le dirons plus bas,
il faudrait se fixer sur l’intention des parties, et cette intention ne permet
trait pas de douter de la dotalilé des biens, quoique le cas préciséinent
prévu ne soit pas arrivé.
D’une autre part, le sens étroit auquel se sont arrêtés les premiers juges
ne se concilie pas même avec les termes de la clause.
Car, de quelle portion parle cette clause?
Elle parle précisément de la portion qui reviendrait à la future, si Made
laine Ussel était morte avant son frèi'e.
Et elle ajoute immédiatement : laquelle portion lui sortira nature de bien
dotal.
Donc, les contractai)s ont voulu rendre dotal cette portion même que la
future pourrait recueillir directement dans la succession de son oncle.
Donc, il importe peu qu’on ait prévu dans le contrat le cas où la mère
survivrait à l’oncle. Cette prévision, qui n’avait pour but (pie de faire re
noncer la n ière , dans ce cas, à des droits qui auraient pu mettre obstacle
à ceux de sa fille, cette prévision, qui assurait, dans tous les cas possibles,
à la fille une portion héréditaire et déterminée dans les biens de l’oncle
cette prévision ne peut affaiblir le caractère de dotalilé attaché par le
contrat même à la portion qui devait revenir à la nièce dans la succession
de l’oncle, puisque c’est précisément cette portion qui est déclarée dotale
dans le contrai.
. Que ferait-on, au reste, dans le système des premiers juges, de la consti
tution du droit de succéder à fo n d e , constitution qui est faite, il est v ra i,
�rV
1si
(i5)
par la mère, mais parce que, comme il est dit dans le commencement de
la clause, cela étant ainsi convenu entre toutes les parties, constitution à la
quelle la future a participé et quelle est censée s’ètre faite aussi elle-même?
Or, en se constituant, ou , ce qui est la même chose, en voulant qu’on
lui constituât le droit de succéder à son oncle, elle a rendu évidemment
dotal ce qui lui adviendrait par la suite, soit directement, soit indirecte
ment, dans la succession d’Etienne Ussel.
Ainsi la lettre du contrat signale le mal jugé du jugement.
Mais, s’il y avait doute, comment 1ambiguité devrait-elle être inter
prétée ?
Elle devrait l’être, soit par ce qui était d’usage en A uvergne, soit par
1 intention des contractans. (Code civil, art. 1 156 et i i 5g.)
Or, d’ un côté en Auvergne, et notamment dans le lieu où le contrat a été
passé, il était d’usage constant, en l’an 6, de soumettre au régime dotal
tous les biens des épouses. Ce régime était la loi générale du pays.
D’un autre côté, comment douter que telle fut l’intention des parties
lors du contrat dont il s’agit? Comment supposer qu’en déclarant dotale
la portion qui reviendrait à la fu tu re dans la succession (FEtienne Ussel, son
oncle, elles aient voulu que le caractère de dotalité dépendit du mode sous
lequel cette portion serait recueillie; qu’elle fût dotale si la future succé
dait à l’oncle pendant la vie de sa mère; qu’elle fût, au contraire, paraphernale, si elle ne lui succédait qu’après la mort de la mère? Une telle
supposition est trop ridicule, il semble, pour être admise. Et en consultant,
comme le veut la lo i, l’intention évidente des parties, la dotalité de la
portion héréditaire doit s’appliquer au second comme au premier cas.
Délibéré par l’ancien avocat soussigné, à Riom, le 18 mars i 836 .
ALLEMAND.
Le Jurisconsulte soussigné, qui avait déjà été consulté sur la ques
tion dont il s’agit, et qui dès lors, avait donné un avis conforme à celui
des savans jurisconsultes qui ont été ensuite appelés à délibérer, n’a pu
�(1 6 )
que se confirmer dans sou opinion, par la lecture des consultations cidessus , et par celle qui a été donnée par M. Allemand. En conséquence, il
déclare adopter entièrement la solution donnée par ses anciens confrères.
A Riom, le 14 avril 1836 .
M. CHALUS.
Le soussigné adhère complètement à la solution donnée par ses confrères.
Riom , 14 avril 1 856 .
L. ROUHER.
Le soussigné, qui a lu la consultation qui précède et celle du 1 3 mars 1836
délibérée par Me Allemand, estime comme ses confrères, que s’il y avait am
biguité dans les termes constitutifs de la dot, cette ambiguité, interprétée par
l’intention manifeste des parties, devrait nécessairement faire décider que les
biens dont il s’agit devaient sortir nature de biens dotaux; mais il n’hésite
pas un instant à déclarer q u e , dans son opinion, il n’y a même aucune am
biguité dans les expressions, et que la lettre de la clause du contrat déclare
formellement les biens dotaux.
Riom , le 14 avril 1856 .
H. DUCLOSEL.
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Le soussigné, après avoir pris connaissance des consultations et adhésions
données par ses confrères, déclare adopter sans difficulté leur opinion.
Riom, 14 avril 1836 .
J. GODEMEL.
M . L A D I N , avoué-licencié.
M. JOHA N N E L , avoué-licencié.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Chevalier, Jean-Baptiste. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Ph. Bayle
Conchon
Verdier-Latour
Bernet-Rollande
J. Ch. Bayle
De Vissac
Allemand
Chalus
Rouher
Duclosel
Godemel
Ladin
Johannel
Subject
The topic of the resource
contrats de mariage
biens dotaux
coutume d'Auvergne
biens paraphernaux
successions
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour Jean-Baptiste Chevalier et autres, appelans d'un jugement rendu par le tribunal de première instance de Riom ; contre Gaspard Servolle, intimé.
Annotations manuscrites. « 30 septembre 1836, arrêt 3éme chambre, confirme par les motifs exprimés au jugement.
Table Godemel : paraphernaux.
2. un contrat de mariage régi par la coutume d’Auvergne, contenant constitution d’une dot particulière en faveur de la future, stipulait, en outre, au nom de sa mère, le droit qu’elle lui attribuait de recueillir, pour lui ressortir nature de bien dotal, la part qu’elle pourrait amender dans la succession d’étienne Ussel, son frère, oncle maternel de la future, dans le cas où elle survivrait à celui-ci. La mère de la future est décédée avant étienne Ussel et sa fille, future, a succédé, pour partie, à son oncle, non par l’effet de la clause, mais par la force de la loi et jure suo. elle a fait cession de ses droits successifs à son frère. après sa mort, ses héritiers ont attaqué de nullité la cession comme portant sur des biens dotaux et inaliénables ; ils ont demandé partage.
jugé que les biens cédés étaient paraphernaux, que l’aliénation en est valable, et que la cession équivaut à un partage.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de J. Vaissière et Perol (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1797-1836
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2808
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2807
BCU_Factums_G2809
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53564/BCU_Factums_G2808.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Herment (63175)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
biens dotaux
biens paraphernaux
contrats de mariage
coutume d'Auvergne
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53566/BCU_Factums_G2810.pdf
d4556047427034d074e333ba23f108ce
PDF Text
Text
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MÉMOIRE
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POUR
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DE R IO M .
L es sieurs M A R T I N , Médecin ; M A R T I N , Greffier du
J u g e de paix-, M O N E S T I E R , U S S E L , R E Y N A U D ,
M- BONJOUR.
M A U G U E - C H A M P F L O U R , et autres Propriétaires
de T a l l e n d e , d e M o n t o n , de S a i n t - A m a n d , appelans
d ’ u n Jugement rendu par le T r i b u n a l de C l e r m o n t ;
CONTRE
Dame
J u stin e
USSEL
et
le
sieur V
in cen t
M* JOHANNEL.
C H A N D E Z O N 3 son mari, Adjoint de la com
mune de Tallende, y habitant, intimés
EN PRÉSENCE
De la dame D U V E R N I N , veuve C I S T E R N E S , en son
nom et comme tutr ice de
de dam e
H élèn e
C h arles
CISTERN ES,
V A R E N N E S , son m a r i ,
M* SAVARIN,
CISTERNES;
et du sieur de
assignes en assistance de
c a u s e , et aussi intimés;
EN PRÉSENCE
De la dame M O N E S T I E R
son m a r i ,
et d u sieur C R E U Z E T
D ’É tie n ne B O H A T - L A M I , A ntoine B O H A T - T IX IE R ,
L a u ernt T I X I E R , H u g u e s B O H A T , d i t l e G r e
n a d ier
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MeTAILHAND.
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M* D EBORD .
E t de
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rançois
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B A L L E T - B E L O S T E -,
To us aussi assignés en cause, et intimés;
E N P R É S E N C E ENFIN
M9 Y E Y S S E T .
D u sieur
f.s
Nicolas
B A R B A R I N , également appelant.
discussions re la tives à l ’irrig atio n de vastes p ra iries sont
l ’objet d e la cause actuelle.
O11 sait qu’à la différence dessourecs qui naissant dans une pro
priété privée en sont l’accessoire , et dont le propriétaire peut
disposer à son gré tant que lescaux restent dans son héritage, les
cours d’eau plus considérables , tels que les ruisseaux , ne sont la
propriété de personne particulièrement ; que seulement les ri
verains ou ceux dont les cours d’eau traversent les fonds peuvent
en user à leur passage ; mais que cet usage est soumis à des règles,
à des modifications , à des conditions établies dans l’intérêt de tous
les propriétaires riverains.
Il est juste,
en effet,
que tous ceux qui sont exposés aux
ravages des eau x, aux inondations qui sillonnant leur sol
en
enlèvent la terre végétale pour le couvrir de gravier et quel
quefois de rochers, à toutes les dégradations que ne produit que
trop souvent le dangereux voisinage des rivières cl des ruisseaux ,
il est juste que tous ceux que ces désastres affligent jouissent au
nioiusde quelques avantages; que les eaux, si fréquemment nuisibles,
leur servent aussi pour féconder leur terrain, pour l’améliorer,
pour les indemniser des pertes qu’ils éprouvent journellement.
La loi devait doue, dans sa sollicitude égale pour tous les inté
rêts, veiller à une sage distribution des eaux utiles tomme dange
reuses à t o u s , et ne pas permettre qu’un seul, parce qu’il possède-
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rait une propriété supérieure, s'en emparât sans mesure et les
détournât complètement de leur cours lorsqu’il n’aurait pas à en
redouter les ravages , pour les rejeter sur les propriétés inférieures,
lorsqu’elles pourraient lui nuire.
Telle est pourtant la prétention des époux Cliandczon.
Un ruisseau appelé la Monnc, qui, découlant des montagnes,
traverse les territoires de Saint-Amand, de Tallende et de Monton, a
servi, de tems immémorial, dans le seul territoire de Tallende, à
l’arrosement d’environ cent trente mille toises des plus précieuses
prairies , presque toutes formant des vergers brillans de végétation
et de riches fruits.
Le sieur et la dame Cliandczon, qui ne sont propriétaires que
d’environ huit mille toises de terre , dont une faible partie seule
ment est riveraine du cours d’e a u , veulent détourner à leur gré
toutes les eaux , ne pas mèine les rendre à leur cours ordinaire
après en avoir u s é , et priver ainsi une foule de propriétaires infé
rieurs des bienfaits d’une irrigation dont ils avaient toujours joui.
Et ce qu’il y a de remarquable, ce n’est pas sur leur propriété
meme que les époux Cliandczon prennent les eaux qu’ils détour
nent ; c’est sur une propriété voisine qu’ils vont la chercher, et
que, par abus ou par tolérance, plaçant d’année en année, dans une
position plus élevée et plus éloignée de leur propre terrain, des
obstacles au cours naturel, au cours ordinaire des eaux , ils les
dirigent toutes dans leur héritage ; si cc n’est dans les instans de
danger, où le ruisseau, devenu un torrent dévastateur, est rejeté
dans son lit pour couvrir et dégrader toutes les prairies inférieures,
c est a - d iie , toutes les propriétés des appelans , comme l’année
présente en a fourni les plus déplorables exemples.
C est contre cet abus qu’aucune l o i , qu’aucun principe n’autorise,
que les appelans vicnnem réclamer devant la Cour. Le jugement
qu ils attaquent n a etc que le triste fruit d ’une préoccupation et
d’une erreur non seulement sur lc droit mais encore sur le fait j
c,*r la position des parties, la localité, la nature même de la de
mande, en un mot l'objet du procès paraissent avoir etc absolument
méconnus par les premiers juges.
�( 4 )
FAITS.
Les propriétés des parties sont situées dans le territoire de T a llende, entre deux ruisseaux, l’un appelé la Monne, dont le lit, placé
au midi et dans une partie plus élevée du territoire , sert à arroser
ces propriétés ; l’autre, appelé la V e yre , au nord du prem ier, et1
q u i, coulant dans un terrain plus bas , ne peut les féconder.
Un plan des lieux, annexé au mémoire , rendra plus facile l’in
telligence de la localité. On peut y voir les lits des deux cours
d’e a u , dont la pente est de l’otiest à l’est.
L e lit de la Monne, qui est celui dont nous avons principalement
à nous occuper, est tracé sur ce plan depuis les héritages du sieur
Bouchard, qui y sont indiqués par la lettre A , à l’o uest, jusqu’à
l’extrémité des propriétés des appelans, qui se terminent à l’est vers
deux points marqués par les grandes lettres Z Z.
L e sieur Bouchard possède à l’ouest, vers le point A , et sur les
deux rives de la Monne , les premiers héritages désignés sur le
plnu. Celui qui est bordé par la rive gauche de la rivière est le seul
qui puisse être arrosé à l’aide d’une prise d’eau placée sur cette
même rive plus à l’ouest. Mais les eaux peu abondantes employée*
à cette irrigation retombent dans le lit du ruisseau à la sortie de
l’héritage même.
La propriété Bouchard, sur la rive gauche, s’arrête au point B r
où commence la propriété des époux Chandczon.
Sur la rive droite , la propriété Bou< liai d s’étend plus à l’est. Elle
va jusqu’au n° 70, qui indique des vignes et broussailles appartenant
aux époux Chandczon. Ceux-ci ne possèdent que ce seul héritage
sur la rive droite de la rivière; il est bordé par le lit dans une lon
gueur de
85 mètres ou
/p toises environ ; il est élevé de plus do
30 pieds au-dessus «lu lit; et par conséquent, cet héritage* pas plus
que les héritages voisins sur la même riv e , qui sont Ions à uno
très-grande élévation , ne peut a u c u n e m e n t profiter des eaux du
ruisseau.
Les é p o u x Chande7.on possèdent, sur la rive gauche, une vigne,
�( 5 )
une terre, une noyéree ou saussaie, et des butimens marques au plaa
par les n°» G7, 68, 69 (1). Ces objets ne peuvent être arrosés ; leur
position et l’élévation du terrain ne le permettent pas.
Les époux Chandezon possèdent aussi le pré n° GG du plan : c’est'
le fonds qu’ils font arroser. Il est borné à l’ouest par leur vigne et
leur noyérée , au nord par un chemin public, à l’est par un autre
chemin public , au midi par un pré des héritiers Cisternes, n° 72
du plan , et dans une très-petite partie, c’esi-à-dirc dans une lon
gueur seulement d’environ G6 toises, p a rle ruisseau de la Monnc.
C ’est sur cette longueur seulement que touche au ruisseau ce préverger Chandezon , dont la superficie entière, y compris le n° 75
qui a été acheté d’un nommé Ballet, est de 8712 toises; et c’est
pour ce pré qu’on voudrait absorber la totalité des eaux de la Monnc.
Toutes les propriétés Chandezon ne sont bordées par la rivière,
sur la rive gauche , que dans une longueur d’environ 120 toises, et
sur la rive droite, dans celle d’environ 4 3 toises. jN o u s avons déjà
dit que cette dernière rive est très-élevée, et qu’elle est presque à
pic du lit de la rivière.
Quatre prises d’eau sont sur ce lit.
L a première, dans le pré Bouchard, en avant du point B par le
quel les eaux s’introduisent dans la propriété Chandezon, à l’aide
d’un canal qui les conduit au n° 66: L ’entrée du canal sur la pro
priété Chandezon est fixée par un agage en maçonnerie que l’on
»Ucrcepte quand 011 le veut à l’aide d’une vanne.
• A côté, et vers le même point B, mais un peu plus haut, parallèle
ment au lit de la rivière, est établi un déversoir, aussi bâti en ma*
Sonnerie sur une longueur de trois mètres seulement, et ou est placé
0rdinaircmcnl une vanne qu’on lève quand on veut rejeter l’eau
dans la rivière.
C ’est vers ce point que se trouve la prise d’eau des époux Chande
zon. Ils n’ont pas d’ailleurs de barrage fixe sur la rivière; ils 011
clèvent un en pierres mobiles, qu’ils établissent, non pcrpcndiculaire-
( 0 C»» numéro» »ont cciit il« Cartailre, «i le» me»ure» ou contenance* que Pou ¡uJiqucr.i
d*n» le rocuioire »cronl tircct du Ca.lajli« m im e .
�(6 )
ment aux deux vives mais diagonalcmcnt le long de la propriété
llotieliard. Ce barrage mobile ils l’onl prolongé en amont depuis
quelques années, et toujours do plus en plus, de manière à diriger
vers le point B dans leur canal la totalité de l’eau do la Monpe,
sur-tout lorsqu’elle n’est pas très-abondante.
Telle est la première prise d’eau faite sur la rivière. Elle ne sert
et ne peut servir qu’aux époux Chandeïion.
Lne seconde prise d’eau a lieu au point Q , en tête du pré u* 72.,
appartenant à madame Cisternes. Elle sert à arroser ce pré , et est
destinée aussi, à l’aide d’une rase ou canal qui traverse le chemin
entre les points J K , à arroser les prés n°* 320 et 32 î appartenant
53f),
U la dame Cisternes, ainsi que les autres prés marqués parles n0l
.340 jusques et compris le n°
aux appelans.
Les
555-, héritages divers qui appartiennent
prairies auxquelles cette prise d’eau devrait servir sont
d’une surface de 28,904 toises. Mais l’eau n’arçive aux derniers
héritages que lorsque les prés des héritiers Cisternes ont suffisam
ment bu; et ceux-ci eux-mêmes ne reçoivent d’eau que ce que leur
laissent parvenir les époux Chandezon, qui o n t, dit-on,-quelques
arrangemens secrets avec la dame Cisternes et avec les autres intimés.
La troisième prise d'eau se fait au point R , toujours sur la rive
48 5
gauche de la Monne. E lle est destinée à l’irrigation de
,o o toises
de prairies , divisées-entre les appelans , et désignées sur le plan
par les lettres T T .T .
La quatrième prise d’eau est pincée ou point U , sur la rive
droite de la Monne ; elle a aussi pour objet l’arrosement d’une
vaste prairie , contenant, dans le seul terroir de Tallende , 58,074
toises, et divisée entre un grand nombre des appelans.
Ces deux dernières prises d’eau sont devenues presque inutiles
quelque tcnis avant le procès, pur suite des injustes entreprises
du sieur Chandezon sur le cours d’eau, dans la partie supérieure.
Toutes ces prairies inférieures, dont la superficie totale est de
5 5
i a o , G toises, existent depuis tin teins immémorial; elles ont tou
jours usé des eaux de la Monne pour leur irrigation; élites sont gar
nies d’arbres cl forment de beaux, de fertiles vergers, qui produisent
�(
1
)
ccs excellens fruits que recherchent, dans ce canton sur-tout, les
marchands parisiens attires par l’excellente qualité des pommes qui
y mûrissent.
Ces avantages seraient perdus pour les appelans si le jugement
dont est appel était confirmé. Leurs prairies se dessécheraient ; les
arbres qui les garnissent périraient, et leurs intérêts, comme ceux de
l’agriculture, éprouveraient un immense dommage, pour satisfaire
à l’ambition et aux arbitraires volontés des époux Chandczon.
Long-tems ceux-ci, ou plutôt le sieur Ussel leur auteur, s’étaient
rendu justice; ils ne prenaient l’eau que rarement et pendant un
tems très-court, en tête de leur propriété, vers le point B, ou audessus à peu de distance. E t alors même ils n’en détournaient qu’une
faible partie; ils en laissaient arriver la plus grande quantité aux
prairies inférieures, en sorte qu’il s’operaitfacilementune distribution,
sinon régulière, au moins assez équitable pour que personne n’eût
été autorisé à se plaindre ; et si cette modération eut continue
d’être le mobile de tous, il aurait été inutile de recourir à la justice
des tribunaux.
Cependant, comme les eaux de la Monnc n’étaient pas toujours
assez abondantes, on cherrha, en l’an 9, à augmenter les ressources
qu’elles offraient en tâchant d’y réunir d’autres eaux ; savoir celles
qui servaient au routoir d’un sieur Monestier, ou qui découlaient
petites sources surgissant d.ins le voisinage.
Ce routoir est situé au nord de l’enclos du sieur Chandczon , audelà du chemin. Il est iudiquésur leplau parla lettre D. Les sources
sont à côté.
On se proposa de recueillir les eaux sortant du routoir et des
sources, dans une rase qui devait les conduire au point E du plan ,
°ù elles devaient s’introduire dans un canal découvert mais cons
truit en maçonnerie, et suivre la ligne courbe E F G II l J K. Vers
deux derniers points elles devaient se réunir au canal trans
versal existant depuis long-tems pour l’usage de la prise d’eau Q K.
Ce premier canal, s’il avait pu remplir le but propose, aurait
aussi recueilli et rend.i à leurs cours ordinaire les eaux de la
Momie, qui se scruicnt écoulées de l’onclos Chandczon, pour l’irri-
�( 8 )
galion duquel elles étaient détournées dans sa partie supérieure. Ce
canal offrait donc d’assez grands avantages à tous les propriétaires
de prairies. Aussi le projet sourit-il beaucoup au sieur Ussel, alors
propriétaire de l’cnclos Cliandezon, soil parce qu!il assainissait le
bas de son héritage, soit parce que celte nouvelle ressource
d’irrigation obtenue pour les propriétés inférieures lui faisait
espérer pouvoir retenir lui-même à son agage supérieur une plus
grande quantité d’eau ou la conserver plus long-tems pour l’arrosement de son enclos.
L e projet fut donc exécuté , sans néamoins aucune modification
des droits des parties à l’usage des eaux de la ¡\Ionnc. Un arrêté de
l’administration municipale , homologué par le préfet , autorisa à
creuser ce canal le long du chemin public qui borde , à l’est,
l’enclos Ussel, aujourd’hui l’enclos Chandezon ; le canal fut construit
en maçonnerie, et M. Ussel contribua pour cent francs aux frais do
celte construction.
Mais on ne tarda pas à reconnaître l’inutilité du canal, et l’im
possibilité de faire arriver au point K les eaux que l’on y réunissait.
En effet , si des points D , E et F l’eau arrivait facilement au
point G qui est le plus bas, il n’en était pas de même pour la faire par
1
venir au point K le long du chemin , en suivant la ligne I I J. Le
55
point K distant du point G de 1
mètres, au lieu d'être plus bas
a une sur-élévation de a mètres 76 centimètres (plus dehuit pieds);
en sorte qu'il aurait fallu un canal très-profond dans une grande
partie de sa longueur , bien cimenté pour que l’eau ne s'échappât
pas par infiltration dans le chemin 011 dans le pré Chandezon, et
qui fût revêtu de murs latéraux et saillans , pour empêcher l'en
combrement que produirait la circulation des voilures.
Ces difiicultés et d’autres obstacles que la localité présente ont
rendu tout-à-fait insignifiant ce canal, dont le lit fut bientôt couvert
de vase qui s’opposait encore au cours de l’eau. Dès l’origine même
de sa création, l’eau refoulée se pratiqua, sur le chemin qui longe
le canal à l’est, différentes issues par où elle s’échappe pour aller se
jeter au-delà , dans la V e j r c , ruisseau dont le lit est moins élevé.
J'.n 1823 , le sieur lleynaud, desservant à Tallendc et propjié-t
�( 9 )
taire de deux prés considérables de ce canton, voulut faire récurer
et réparer le canal dans l’espoir de l’utiliser ; mais il ne put y
réussir et ne fut pas dédommagé de ses dépenses.
Ce fut alors aussi que, dans l’espoir du succès dans l’usage du
canal,
le sieur Ileynaud essaya d’établir un règlement pour
l’irrigation des prés inférieurs ; il en fît faire un projet par le sieur
Chouvy, expert. Mais ce règlement n’a jamais été adopté , ni même
connu par les autres propriétaires , et le sieur Reynaud a dû
seul en payer les frais.
On prétend que ce projet de règlement avait été confié à
M. Chandezon, comme adjoint de Tallende , et que celui-ci a
«
refusé de le restituer.
Cependant, avant comme depuis la construction et l'essai du
canal, toutes les prairies avaient continué de proGtcr de l’eau
de la Monne, et de recevoir, suivant l’étendue de chaque portion,
l’eau à laquelle elle avait droit. Le sieur Ussel, beau-père du sieur
Chandezon , la détournait rarement, et en petite quantité seulement 5
et lorsqu’il la retenait trop long-tems ou en trop grande quantité ,
‘•>n se transportait vers le barrage mobile qu’il établissait momenta
nément dans le lit de la rivière le long de la propriété Bouchard ;
°n déplaçait les pierres , 011 faisait disparaître le barrage , et l’on
rendait l’eau à son cours naturel pour l’arrosement des prés infé
rieurs,.
C ’est ainsi que cela s’est pratiqué jusqu’en i
85 a. Néanmoins on
■ne doit pas dissimuler qu’à défaut dé règlement d’eau, il y avait
nécessairement de l’arbitraire dans cet usage des eau^ ; car chacun
s*en emparait plus 011 moins fréquemment, suivant sa vigilance , scs
tentatives et le degré d’insouciance ou de résistance des autres pro
priétaires. O11 11c doit pas dissimuler aussi qu’à défaut de règles fixes
et positives qui déterminassent l’exercice des droits de chacun àl irri
gation, il s’élevait souvent des querelles assez sérieuses, parce que.
•»oins la rivière était abondante et plus les besoins paraissaient
pressans , plus c h a c u n faisait d’efi’orls pour s’approprier l’eau et
arroser sa propriété particulière.
Ces discussions, ces querelles furent portées fort loin , sur-tout
2
�on 1832, année de sécheresse où M. Cliandezon , qui jouissait de
l’cnclos de son beau-père ou qui l’administrait, augmenta scs pré
tentions, fit continuer beaucoup plus haut, en amont dans le lit de
la riv iè re , un barrage mobile , placé au-dessus de la ligne de ses
propriétés, et prolongea ce barrage jusqu’à atteindre la hauteur de
/(7 mètres ou i!\ toises environ le long d’une propriété étrangère,
celle du sieur Bouchard.
Cette œuvre était illégale; car si le propriétaire riverain est au
torisé par la loi à u se r. à leur passage, des eaux qui baignent les
bords de sa propriété, il n’a le droit de les prendre que devant son
héritage même; il n’a pas le droit d’aller les chercher devant une
propriété supérieure appartenant à autrui et de les conduire ainsi
à la sienne par une espèce de canal établi sur un terrain étranger;
et lors même que le propriétaire supérieur tolérerait cette voie de
fait, ce propriétaire supérieur ne peut avoircelte tolérance, ni celui
qui l’obtient en user au préjudice des propriétés inférieures qui
bordent le lit de la rivière. L ’eau doit en effet profiter en totalité
aux propriétaires inférieurs si le premier propriétaire ne peut luimême s’en servir à cause de la position de son héritage. C ’est ce
que nous prouverons plus tard.
Celte œuvre illégale, dans un moment où la rarclé des eaux ren
dait la sécheresse mortelle pour la végétation, cette œuvre hasardée
excita des querelles pîus violentes que jamais sur le point même où
elle se pratiquait; le barrage fut détruit plusieurs fois, plusieurs fois
rétabli pour être détruit de nouveau; et cela sans beaucoup d’eflbits
puisqu’il n’y avait qu’une simple rangée de pierres à écarte:*.
ZSous n’entrerons pas dans les liicheux détails de ces luttes. Il
suffira de savoir qu’un coup de fusil fut tiré, cl que, si personne ne
fut blessé alors, des malheurs graves étaient à craindre par la suite;
on sorte qu’il était urgent de prendre des moyens pour les prévenir.
Le moyen le plus simple el le plus sur était un règlement d’eau.
Les propriétaires des prés se concertèrent pour y parvenir. Le
plus grand nombre le considérait comme indispensable. Le sieur
lisse! ou plutôt le sieur Cliandezon s’y opposa. Quelques autres
personnes dont il avait o.blenu le silence par des arrangemens parti-
�( 11 )
ailiers ne voulurent pas s’en mêler; alors commença le procès.
855
Par exploit du x i mars 1
, le sieur Martin, grellier du juge de
pa ix, d’accord avec un grand nombre d’autres propriétaires, assi
gne les époux Chandezon et le sieur Ussel, leur père ou beau-père,
ainsi que huit autres particuliers.
11 leur expose qu’il est propriétaire, ainsi que beaucoup d’autres
personnes, de prés situés sur les deux rives du ruisseau de la Monnc;
Que l’arrosement de ces prés a lieu au moyen des eaux de ce
ruisseau, qui y sont destinées;
Q u e, n’y ayant pas de règlement, lui et les autres propriétaires
de ces prés éprouvent des dillicultés journalières pour la conduite
et la direction des eaux destinées a leur arrosement ;
Que notamment, en i 8 5 2 , le sieur Chandezon avait usé de ces
eaux comme d’une propriété à laquelle il aurait un droit exclusif,
en les tenant constamment détournées de leur lit qu’il laissait à
sec; de sorte que, par le résultat de cette voie de fait, les eau x, vu
la disposition des lieux , ne rentraient pas dans leur l i t , et les prés
inférieurs en avaient presque tous été privés, ce qui avait occa
sionné un tort considérable aux propriétaires ;
Que le plus grand nombre des propriétaires des prés, voulant
faire cesser toute discussion, avaient proposé aux compris un rè
glement amiable pour la distribution des eaux dans chaque parcelle
de pré; mais que ces derniers s’y sont refusés.
Eu conséquence il les assigne pour voir ordonner un règlement
des prises d’eau dans le ruisseau de la Monnc, pour l'arrosement des
pi’és de tous les propriétaires , et pour nommer ou voir nommer
des experts qui procéderaient à ce règlement dans la proportion
de la contenance de chaque parcelle de pré, et qui indiqueraient les
travaux à faire pour l’exécution du règlement et pour faciliter le coulcment des eaux.
Il conclut, eu cas de contestation, aux dépens contre les contes
tons, sinon à ce qu’ils soient supportés par charpie partie intéressée,
dans la proportion de la contenance de sa propriété.
Le sieur Cisternes-Dclorinc, un des propriétaires riverains, fut
«iis en cause par u n second exploit du i ,r avril i
855 .
�L e io mai suivant, plus de quarante autres propriétaires de
prés intervinrent par requête et adhérèrent aux conclusions du
sieur Martin.
Dans le cours de l’instance, le sieur Ussel meurt, et la cause est
reprise par l’une de ses (¡lies, la daine Chandezon, et par le sieur
Chandezon lui-mêine, comme cédataire des droits de l’autre fille.
L ’ailaire s’instruit par des conclusions respectivement signifiées;
et l’on remarque que, parmi tous les défendeurs , les sieur et darne
Chandezon sont les seuls qui s’opposent au règlement demandé, eux
qui moins que personne cependant avaient réellement des droits à
une eau qu’ils ne pouvaient pas prendre sur le bord même de leur
propriété, et qu’ils ne pouvaient pas rendre à son cours ordinaire ,
comme la loi le prescrit, les eaux superflues qu’ils introduisent dans
leur enclos s’écoulant, après l’irrigation, ou dans le chemin C D au
nord de cet enclos, ou dans celui G II l à l’est, sans pouvoir rentrer
dans la Monne.
Parmi les autres assignés, les époux Crouzet déclarent, par des
conclusions du 7 mars i
85 /f , n’entendre prendre aucune
part à la
contestation , se réservant tous leurs droits en cas de règlement.
Sept autres défendeurs, par des conclusions du 1 1 août, deman
dent acte de ce qu’ils s’en remettent à droit en réclamant leurs dé
pens contre ceux qui succomberaient.
Le sieur Cistcrnes s’en remet aussi à droit sous toutes réserves.
Mais les époux Chandezon résistent. Ils prétendent avoir le droit
d’user à leur gré des eaux de la Monne, argumentent des chaussées,
des canaux qu’ilsdisentavoir faitset entretenus pour leur prise d’eau,
se font un moyen de la construction du canal fait en l’an g pour re
cueillir les eaux vers le chemin G II I J K , allèguent un prétendu
règlement fait en 1822, sans leur participation, entre les aun es pro
priétaires, invoquent enfin une prétendue possession exclusive et
immémoriale comme réglant l’exercice «le leurs droits.
Cette possession était illusoire; elle n’a jamais été ni exclusive ,
ni paisible, ni de l’étendue qu’ou voudrait lui donner aujourd’hui.
La construction de l’an 9 , le pi étendu règlement de 1822, ne
�(
'3
)
fournissaient aussi au sieur Ghandczon que les plus insignifiantes
objections.
Mais les époux Ghandczon se prétendaient aussi propriétaires
des deux rives de la Momie ; ils parlaient de chaussées, de
canaux construits et réparés par eux seuls; ils prétendaient que
l’eau était rendue à son cours naturel. La localité n’était pas
connue des magistrats; ils crurent que la prise d’eau existait sur la
propriété même des époux Chandezon, entre les deux rives qui
leur appartenaient; ils pensèrent que les canaux dont on argumen
tait étaient étabtis au milieu du lit même de la rivière; ils eurent
l’idée fausse que les propriétaires inférieurs voulaient se servir, pour
l’irrigation de leurs héritages, de ces canaux à la construction des
quels ils n’avaient pas concouru ; ils considérèrent enfin l’eau
comme étant rendue à son cours ordinaire dans le lit de laMonne,
après avoir parcouru les propriétés Chandezon ; et ils rejetèrent
la demande en règlement d’eau par des moti£> qui ne sont en
harmonie avec aucune des questions de la cause.
854
Ce jugement est du 28 mai i
» en voici les termes:
« Attendu que la co-propriété de la prise d’eau dont il s’agit 11’est
« pas justifiée;
« Q u’en effet d’une part il n'est rapporté aucun titre, et d’autre
« part il n’existe aucuns travaux sur la propriété du sieur Chandezon,
” exécutés par les propriétaires inférieurs;
« Q u ’ainsi les parties restent dans les ternies des articles G/j¡2 et
« G/j/, du code civil; qu’il n’est point prouvé que Chandezon ait
« excédé les droits que lui donnent ces articles ;
Par ces motifs ,
« Le tribunal déclare les demandeurs non rcccvables dans leur
« demande, et les condamne aux dépens. »
Ainsi le tribunal a supposé qu'il existait sur le lit du ruisseau des
travaux dont nous voulions profiter, tandis qu’il n’existe aucune
construction sur le lit de la rivière; tandis que la prise d’eau sti
forme à l’aide d’une simple rangée de pierres mobiles , non liées
entr’elh*!,, irrégulièrement posées et empruntées du lit mémo ;
Le tribunal a cru que nous voulions participer à cette prise d’eau,
�inadis qu’au contraire nous nous en plaignons et qu’elle nous esi
nuisible;
Il a pensé enfin que la cause restait dans les termes des articlesô/ja
et G44 du code civil, tandis que ces articles sont étrangers à la lo
calité; tandis qu’aussi l’article G44 prescrit de rendre l ’eau ¿1 son
cours ordinaire, et que le sieur Chandezon en change au contraire
le cours et la rejette, à la sortie de son fonds, sur des points éloignés
du cours ordinaire auquel elle 11e peut plus revenir.
Cette affaire était trop importante, le préjudice que le jugement
ferait éprouver aux propriétaires des prés était trop considérable
pour qu’ils 11e portassent pas leurs réclamations devant la Cour.
Les intervenans et le premier demandeur se sont réunis pour
3
854
interjeter appel, par exploits des i septembre et 2 décembre 1
-Cet appel, dirigé principalement contre les époux Chandezon ,
leurs seuls , leurs vrais adversaires} a été signifié aussi à ceux qui
.s’en étaient remis à droit, parce que leur intérêt commande leur
présence dans la cause.
La Couraura à prononcer sur les difficultés réelles qui 11’ont pas
été abordées par les premiers juges.
L ’examen des principes nous conduira à apprécier les prétentions
des époux Chandezon, à déterminer les droits de chacun des pro
priétaires riverains et à reconnaître la nécessité du règlement d’eau
qui est réclamé.
DISCUSSION.
La doctrine ancienne, telle qu’elle avait été adoptée par les au
teurs les plus respectés , déclarait les eaux communes à tous les
propriétaires supérieurs ou inférieurs dont elles bordaient ou tra
versaient les héritages.
Le droit naturel même établissait cette communauté , et quident
nuturali ju r e communia sunt ornnia heee, aar, aqua p rojlu cn s,
etc. Inst., lib. 2, tit. 1, §. 1.
l)e ce principe découle nécessairement la conséquence que les
propriétaires riverains 11e peuvent disposer des eaux courauicv
�( i5 )
comme de leur propriété p riv é e , qu’ils ne peuvent se les appro
prier exclusivement, qu’ils ont seulement le droit d’en user à leur
passage, mais qu’ils doivent les rendre à leur cours ordinaire, c’està-dire les faire rentrer, à 1’cxlrcinitc de leurs héritages, dans le lit
qu’elles s’étaient creusé.
Davot, dans son traité du droit français , tome
5 , p. 208 , s’ex
prime ainsi :
« Si le propriétaire reçoit dans son héritage l’eau qui vient
* d’ailleurs, il peut s’en servir pour son usage, mais ils ne peut en
* détourner le cours ancien, au préjudice des héritages qui sont
* au-dessous. »
L ’opinion de l’auteur s’applique comme on le voit à un terrain
traversé par un cours d’eau.
liretonnier, sur Heyrys, tient le même langage : (Observations
nouvelles, quest. 18g, livre 4, tome 2).
« Celui dans l’héritage duquel l’eau ne fait que passer, venant
«
*
*
*
d’ailleurs, 11e peut s’en servir que pour son utilité, et non pas
pour son divertissement ; il ne peut ni la ’retenir, ni la détourner
au préjudice du public ni de ses voisins, parce qu’il n’en est pas le
propriétaire, ruais un simple usager; et par conséquent il en
« doit user en bon père de famille, c’est-à-dire en bon voisin. »
Antérieurement à ces auteurs, Domat enseignait les mêmes vérités
dans son droit public , livre 1 , tit. 8 , sect. 2, n° 1 1.
L ’usage des rivières étant au public, personne 11e peut y faire
de changement qui nuise à cet usage.
'< Ainsi, quoiqu’on puisse détourner de l’eau d’un ruisseau ou
* dune rivière pour arroser des prés ou d’autres héritages ou
« pour des moulins et autres usages, chacun doit user de cctLc li«■berle, de sorte q u ’ il uc nuise point à des voisins qui auraient
un semblable besoin et un pareil droit; et s’il n’y avait pas assez
« d eau p our ton s, ou que l’usage qu'en feraient quelques-uns
* J iït nuisible a u x a u tre s, il y serait pourvu selon le besoin,
« par les officiers de qu i c’ est la charge.
(Jporlet euitn in hujusnm di rebus ulilitatem et tulelam f o cientis spectari sine tnjurui utùjue accohirum , dit une loi
�1
romaine citée par le savant auteur. (La . 1, § 7, in fin e , ÎT, ne quid
in Jlurn. )
Toutes ces opinions s’appliquent aux héritages qui sont traversés
par les cours d’eaux connue à ceux qui en sont haignés sur un
bord seulement.
Cos principes étaient consacrés par une disposition expresse de
l’art. 207 de la coutume de Normandie.
Cette doctrine est la base des divers articles du Code c iv il, qui
se sont occupés des cours d’eau.
On y remarque une différence essentielle entre les règles rela
tives aux sources et celles applicables aux eaux qui 11e naissent pas
dans un héritage mais qui y arrivent des terrains supérieurs.
v Celui qui a une source dans son fond, dit l’article 6 4 1 , p e u t
«r en user à sa volonté.
11 peut donc la retenir, la détourner, en disposer arbitrairement,
parce qu’il en est le maître, parce que la source est un accessoire
de sa propriété oii elle surgit.
Au contraire, d’après l’article G44 5 s* Je riverain ou celui dont
l’héritage est traversé par l’eau peut en user à son passage, son
usage est restreint, est soumis à des modifications et à des condi
tions qui en préviennent l’abus.
«■Celui dont la propriété borde une eau courante, autre que
« celle qui est déclarée dépendante du domaine public, peut s’en
a servira son passage pour l’irrigation de ses propriétés.
*
Celui dont cette eau traverse l'héritage peut même en user
« dans l’in ten a lle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la ren« dro , à la sortie de scs fonds, « son cours ordinaire.
Dans los deux cas, le propriétaire du fonds, soit que l’eau le tra
verse ou qu’elle le borde seulement, ce propriétaire n’a qu'un sim
ple usage de cette eau ; seulement, s’il est propriétaire «les deux
rives, 11’élant en concurrence avec personne dans cette partie du
cours d'eau, il en use seul dans tout Cintervalle qu'elle parcourt
au milieu de sa propriété ; tandis que , s’il nVst propriétaire que
•l’une r iv e , sou usage doit sc combiner, même pour l'intervalle
pendant lequel l’eau baigne d’un côté son terrain, son usage doit se.
�( 17 )
combiner avec l’usage, avec les droits semblables qu’a le proprié
taire de l’autre rive.
Mais scs droits , dans les deux c a s , se réduisent à un simple
usage, à un usage qui n’est pas attributif de la propriété de l’eau,
a un usage qui ne doit pas devenir un abus et par lequel on ne peut
être autorisé à changer le cours de cette eau , ni même à l’absorber
en totalité au préjudice des autres propriétaires dont les fonds sont
aussi traversés ou bordés par le cours d’eau.
« Cette faculté, dit Pardessus, ne doit pas cependant dégénérer
* en une occupation tellement exclusive, que les autres en soient
* privés. L ’eau est pour tous un don de la nature -, que chacun do
* ceux à qui elle peut être utile a droit de réclamer également ;
K la seule différence consiste en ce que la disposition des lieux la
* donne à l’un avant l’autre. Mais ce n’est qu’un dépôt dont il peut
* u s e r , pourvu qu’il ne prive pas ces derniers du même droit
* (Traité des servitudes, partie 2, chap. i , sect. i , n° i o i ) .
M. Toullicr, dans son droit civil français, s’exprime dans le même
35
54
sens (liv. 2 , tit. 2, chap. 2, n° i
et 1 )*
« Si le propriétaire d’un héritage que traverse un courant d’eau
w pouvait détourner ce courant ou en retenir tonies les cauæ
« au préjudice du fonds inférieur, le propriétaire supérieur aurait
<f le même droit ; en défendant à l’un et à l’autre de détourner le
« cours de l’eau, la loi protège également leurs propriétés par la
* limitation même qu’elle y apporte; ils peuvent user de l’eau pen" dant qu’elle traverse leur héritage , l’y faire circuler comme bon
* leur semble, mais à la charge de la rendre , à la sortie de leur
« fonds, a son cours ordinaire.
De tôut ce que nous venons de dire et de la lettre même de l’ar
ticle 6/(4 il résulte en droit, i* que, si celui dont la propriété borde
une eau courante peut s ’en servir ¿1 son p a ssa g e, il ne peut pas
la conduire au-delà du point ou son héritage cesse d’être bordé par
le cours d’eau; 20 qu’il en est de même du propriétaire dont le
fonds est traversé par l’eau courante ; car d’après le second para
graphe de l’article , il 11e peut user de l’eau que dans l'¡ritenutile
elle parcourt son héritage. Donc son usage doit se borner à
�l'héritage traversé par le cours de l’eau; il ne peut être étendu à
des héritages réunis au précédent , éloignés des bords du cours
d’eau et que cc cours ne traverserait pas.
M. Proudhon, déjà si honorablement connu par son excellent
Traité de l'usufruit et de l’usage , a développé avec beaucoup de
sagacité et de sagesse, dans un nouveau Traité du domaine public,
les droits que peuvent avoir sur un cours d’eau les propriétaires
d’héritages riverains ou traversés par ce cours d’eau.
Après avoir transcrit l’art.
644 du
Code et posé aussi en prin
cipe que ces héritages ont seulement l’usage de l’eau, il fait remar
quer que , s'il était permis à tous les propriétaires riverains de
changer le cours des eaux , tantôt à droite, tantôt à gauche, cette
licence introduirait bientôt entr’eux un état d’anarchie, de débats et
de guerre civile.
11 ajoute ensuite cette observation importante
,n
:
« De là on doit encore tirer la conséquence que le propriétaire
« du fonds riverain ne pourrait y pratiquer un canal depuis le
« ruisseau, pour en conduire les eaux su r un héritage plus reculé,
« attendu que cc serait appauvrir le cours d’e a u , au préjudice des
« héritages qui sont situés , soit à l’autre bord, soit plus bas , et qui
433
421
« ont lous le droit d’en profiler. » ( V . t. 4 » p* n" *
•)
A la page
, il dit que « le propriétaire riverain du cours
4^8
« d’eau 11e pourra , au préjudice des autres propriétaires , soit
« collatéraux , soit inférieurs , le faire dériver en tout ou en partie,
« dans un réservoir ou étang, etc. »
A la page
d’attention :
4 29 > *1
d’autres remarques également dignes
« Le propriétaire d’un fonds bordant le ruisseau n’a le droit d’y
v prendre que l’eau nécessaire à l’irrigation de son propre héric tage ; donc il ne pourrait y perm ettre la confection cl’un
v aqueduc pour conduire les eauæ sur le fonds d’ un autre qu i
« serait plus recu lé; et tant qu’il n’y aurait pas prescription, les
« autres propriétaires intéressés à la s u p p r e s s i o n d’un pareil 011« vrago pourraient la demander. »
Il dit à la suite que « ce propriétaire riverain n’a le droit
�( l9 )
* d’arrosement que pour l’usage du fonds qui borde l'e a u ; s’il
« l’agrandit par des acquisitions d’aulres fonds gui ne soient p as
r euæ-m ëm es adjacens au ruisseau , il n’aura pas la faculté d’y
« faire, au préjudice des autres propriétaires, de plus grandes
« prises d’eau pour l’irrigation de ses propriétés...... La raison de
« c e la , c ’est que la servitude d’usage, qui n’est établie que pour
« un fonds, ne doit pas cire étendue à d’aulres........
« S’il ne peut en user à discrétion comme le maître de la source,
« c’est parce que les autres propriétaires, soit collatéraux, soit in« férieurs, ont aussi leurs droits, auxquels il est défendu de porter
« préjudice. »
A la page / p i , s’occupant des droits du propriétaire dont les
fonds bordent le cours d’eau des deux côtés, il souligne ces expres
sions de l’article 644 >p eu t même en user, pour en conclure que
« le propriétaire du fonds n’est toujours signalé que comme
« usager, et encore que son usage ne s’applique qu’à l’irrigation
* de ses héritages...... et qu’il ne pourrait pas recueillir e t renv fe r m e r les e a u x dans des étangs ou réservoirs. »
433
A la page
, en rappelant q u e , si l’art. 644 permet à celui dont
l’héritage est traversé par l’eau , d’en user « son passage dans
l’intervalle q u e lle y p a rco u rt, c’est à la charge de la rendre,
ci la sortie de ses fo n d s , à son cours ordinaire, l’auteur fait re
marquer que l’article ne dit pas à la sortie de son fo n d s , mais
a la sortie de ses fo n d s ; et il ajoute ensuite une observation d’une
grande justesse :
«■ C ’est pourquoi, si l’on suppose que le fonds qu’il possède à
« gauche du ruisseau, s o it, vers la région inférieure, moins pro« longé que celui qu’il possède sur la droite, et qu’il veuille le
* faire circuler ou serpenter dans l’intérieur d’un de ces fonds, il
* sera obligé de le ramener à son cours naturel vis-à-vis de la
« pointe du fonds latéral de gauche , qui est le moins p r o l o n g é ;
* attendu qu’autrement on ne pourrait pas dire qu’il l’a rendu à
* son cours ordinaire à la sortie de scs fonds. »
Des diverses règles que nous venons d’analyser, le judicieux au
teur tire plusieurs conséquences, notamment, page
435 , où il dit :
�( >0 )
.
« Que les propriétaires des fonds touchant au ruisseau dans
« la partie inférieure ont ;mssi un-véritable droit à l’irrigation de
« leurs héritages-;, droit dont il n’est pas permis de les priver,
« puisque celui qui les précède ne doit jouir des eaux avant eux
« qu’à la charge de les rendre , par un aqueduc , à leur cours ork
diuaire. Et cela est de toute justice , car comme ils 11e pourraient
« s’empêcher de les recevoir si elles leur étaient nuisibles , il faut
« bien que, réciproquement, ils aient le droit d’en exiger la trans«f mission lorsqu’elles leur sont utiles. »
C ’est d’après ces mêmes idées de justice, que l'auteur décide en
faveur des propriétaires inférieurs la question qui liait lorsque
l'héritage d’un des riverains est trop élevé pour y faire monter les
eaux ; il se demande alors si le riverain opposé doit profiter de
cette circonstance pour s’emparer de l’eau dont n’use pas celui-là,
et pour faire serpenter cette eau dans son pré ?
L ’auteur répond négativement « parce qu’il est incontestable que
<r les propriétaires des héritages inférieurs ont droit à toutes les
» eaux qui découlent naturellement des fonds supérieurs ; d’où il
<î résulte que, s i , parmi ces fonds , il y en a qui n ’absorbent auv cunc partie du fluide, ce sera une cause d’accroissement, ou
« plutôt de non décroissement dans la masse dirigée vers la ré-
44
436
«■gion inférieure. » ( V . le même tome 4 »Pag e
*> u* i
.)
Tous ces principes se résument en quelques règles positives et
conformes à la lettre comme à l’esprit de l’art. 644 du Code civil :
Un propriétaire riverain d’un cours d’eau peut se servir de l’eau
à son passage ; c’est-à-dire, qu’il doit la prendre sur sa propre r iv e ,
et 11e remployer fjii’à l’irrigation du seul héritage qui borde le cours
d'eau ;
Celui dont le fonds est traversé par l’eau peut en u ser, mais seu
lem ent dans £intervalle que l'eau y parcourt.
n’a pas le droit
11
d’élendre son usage au-delà de la limite où l’eau cesse d’avoir son
cours au milieu de scs propriétés;
Ce propriétaire doit rendre , au point extrême de celle des
rives de scs deux fonds qui est la moins p r o l o n g é e , il doit rendre ,
à l'extrémité de celle rive , ¿1 son cours ordinaire, l’eau qu’d avait
�( 21 )
Retournée, sans pouvoir en prolonger l’usage dans une partie in
férieure de son héritage, qui ne borderait pas le cours d’eau ;
C ’est devant son propre héritage , et non devant l’héritage supé
rieur d’un autre que chaque pi’opriétaire doit prendre l’eau dont
il veut user ; il n'a pas le droit de la prendre , à l’aide d’une rase ou
d’un canal, dans la partie supérieure du lit du ruisseau , ou dans le
terrain du propriétaire voisin; c e lu i-c i, simple usager lui-méme
pour sou propre héritage seulement, n’a pas aussi le droit d’auto
riser l’établissement* d’un canal ou d’un aqueduc sur son terrain
ou sur la partie correspondante du lit du ruisseau, pour diriger l’eau
sur l’héritage d’un autre, au préjudice des propriétaires inférieurs ;
ces derniers sont autorisés à faire détruire ou modifier les ouvrages
qui empêchent que l’eau ne leur a r r iv e ;.
Enfin, si certains des héritages riverains ne peuvent, à cause de
leur élévation, user des eaux pour leur irrigation, ce qu’ils ne
pourront recevoir devra profiter aux riverains inférieurs par droit
de non décroissement.
Comparons cette doctrine aux prétentions des époux Chandezon
et à la localité.
Ces prétentions , et les moyens sur lesquels elles s'appuient, sont
développés dans de longues conclusions signifiées en première
instance, le
5 mai i 83 /f, et dont voici l’analyse
:
« En fait, dit-on , la propriété des sieur et dame Chandezon est
en partie b o rd ée, en partie traversée parle ruisseau de la Monne;
« A
65 mètres environ,
au couchant de leur ve rg er, il y a une
prise d’eau consacrée par un usage immémorial ;
« L ’eau introduite dans le verger se divise en une infinité de
petites rigoles établies pour son irrigation;
*
En sortant du verger, elles se rendent dans un canal dont la
direction a été donnée par les demandeurs pour distribuer ces
eaux enlre les propriétés inférieures ;
« Si elles n’arrivent pas à leur destination , c’est que le canal est
dégradé; c’est aux demandeurs à le réparer : cela est étranger au
sieur Chandezon ;
« Il avait été fuit anciennement une distribution des eaux ; elle a
�etc renouvelée en 1822 par le sieur Chouvy, expert, entre les
propriétés inférieures; et le sieur U ssel, représenté par les époux
Chandezon, 11’y figure pas.
« En droit, le libre usage qu’ont exercé les époux Chandezon
de la prise d’eau sur le ruisseau de la Monne, pendant un tems
immémorial, est une servitude que nul ne peut leur contester ;
(f Celui dont la propriété est traversée par une eau courante a
le droit d’en user dans l’intervalle quelle y parcourt, à la charge
de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire;
« Il peut absorber entièrement l’eau, toutes les fois qu’il n'en
change pas le cours ;
« O r, les époux Chandezon entretiennent les rases qui laissent
écouler l’eau de leur veFger ;
« Ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par le fait
d’ouvrages inférieurs à leurs propriétés ;
« Un règlement d’eau 11e peut être demandé que par ceux qui
sont en concuiTcnce ; or, la propriété des sieur et dame Chandezon
étant traversée par le ruisseau, ils exercent leurs droits sans aucune
concurrence, et n’ont pas à ménager ceux des propriétaires
riverains ;
«■Les propriétaires" de la rive opposée pourraient seuls se
plaindre (1);
« Les époux Chandezon seuls ont établi et entretenu, à leurs
frais , les vannes et les canaux qui servent à l’irrigation de leurs
propriétés; eux seuls doivent, par conséquent, en jouir. »
Tels so n t, en résumé, les principaux moyens sur lesquels on
s’appuie pour repousser le règlement demandé.
Parmi quelques faits et quelques principes exacts , ces moyens
en présentent beaucoup d’erronnés ; et même ce qu’il y a de vrai
reçoit une fausse application.
En fa it, la propriété des époux Chandezon n’est B o r d é e que
dans une petite partie par le ruisseau de la Monne , et elle n’est
1
( 1 ) Ceci est un e erreur. V . le p»j»age de l’io u Jb o n cité |j u» liaut, tome 4,
n* » .
430
�( 23 )
traversée par ce ruisseau que dans une partie beaucoup plus petite
e n c o re , comme on peut le voir sur le plan; les époux Chandezon
ne sont propriétaires des deux rives du ruisseau, que sur une longeur d’environ G5 toises , et la plus longue ligne par laquelle ils
touchent au ruisseau sur l’une des rives , la rive gauche , n’est
15
que de 1
toises.
La partie la plus considérable^de leur propriété est éloignée du lit
du ruisseau , et se prolonge, presque en totalité, derrière le pré de
la dame Cisternes, qui est intermédiaire entre le cours d’eau et 1e
verger Chandezon ; en sorte que c’est à la darne Cisternes seule
qu’appartiennent, dans celte longue étendue, les droits de proprié
taire riverain ; o r, celte dame use elle-même de scs droits pour
l’irrigation de sa prairie.
C ’est aussi une erreur de fait de dire que les époux Chandezon
rendent l’eau à son cours ordinaire comme le veul la loi (C . C .,
art. 644)j car le cours ordinaire est le ruisseau qui est au midi;
o r , les eaux qui sortent de la propriété Chandezon tombent, en
partie, à l’aspecl opposé, au nord, le long du chemin , vers les
lettres C D du plan , et en partie, à l’est, aussi le long d’un chemin ,
vers les lettres G I I I ; et de là , il est impossible, à raison de la
disposition du terrain , qu’elles puissent rentrer dans le lit de la
Monne; il faudrait qu’elles remontassent de près de neuf pieds.
L e canal G
11 I avait été pratiqué , il est vrai,
pour recueillir les
eaux qui tombent dans les deux chemins, et qui proviennent no
tamment de plusieurs sources. Riais lors de l’établissement do ce
canal , aux Irais duquel le sieur Ussel avait contribué en l’an 9
comme tous les autres propriétaires , les riverains inférieurs ne
renoncèrent a aucuns de leurs droits sur les eaux de la Monne;
et certes, une telle renonciation, si le sieur Ussel eût pu l’obtenir,
aurait été consignée dans un traité.
L e canal, au reste, ne peut servir à l’irrigation des prés des appelans , l’eau ne pouvant monter d’environ 9 pieds , comme il le fau
drait. Il est, d’ailleurs, complètement dégradé ; il ne pourrait être
rétabli qu’à grands frais et à une grande profondeur, en le construi
sant de toute autre manière qu’il ne l’avait été dans son origine , en
�le faisant passer sous ’plusieurs ponls , et sans même qu’il pût être
d’une utilité réelle et équivalente aux dépenses qu’il occasionnerait.
IVous verrons bientôt que si le propriétaire riverain, ou celui
dont le terrain est traversé par l’eau, veut en user, c’est à lui-même
à la rendre , à ses frais , à son cours ordinaire, et qu’il ne lui est
pas permis d’en changer le cours, et de la jeter à l’aventure , à la
sortie de ses fonds, en laissant aux propriétaires inférieurs le soin
de la reprendre.
E niin, cette prétendue distribution des e a u x , renouvelée en
1822 entre les propriétaires inférieurs , est une erreur de plus du
sieur Chandezon. Jamais cette distribution 11’a été reconnue ni exé
cutée par les appelans ; il ne peut y avoir de règlement sans que
toutes les parties intéressées y concourent, le sieur Chandezon
comme les autres. Jusqu’à présent , ou au moins jusqu’en i
832 ,
avant la tentative usurpatrice du sieur Chandezon l’eau arrivait à
chaque prairie, parce que le sieur Chandezon 011 avant lui son
beau-père en prenaient peu et rarement , et que , s’ils détournaient
l’eau , les propriétaires inférieurs allaient lui rendre son co urs, en
détruisant le barrage temporaire et mobile qu'ils y avaient établi.
Tels sont les faits : examinons le droit.
Comme propriétaire riverain , le sieur Chandezon ne pourrait se
servir de Veau qu’à son passage , c’est-à-dire, sur le bord même de
sa propriété ; il n’aurait donc pas le droit de la conduire loin de
son l i t , dans un héritage ou un prolongement d ’héritage qu’il a
ajouté à sa propriété riveraine, et q u i, n’étant ni adjacent ù
la rive ni correspondant à cette riv e , ne peut avoir aucun droit à
l ’eau. C ’est ce qui résulte des dispositions do l’art.
du Code
civil; c’est ce qu'enseigne Proudhon, toine 4» I>agc 29. (V o ir
644
5
le passage e’i -dessus cité.)
Comme possédant même une propriété traversée par ce cours
d’eau , le sieur Chandezon ne pourrait user de l’eau qnv dans Cin~
tervalle qu’ elle y p arcourt, comme le dit expressément le second
paragraphe de l’art. 644’ O r » cet intervalle s arrete au point () ; le
ruisseau de la Momie ne traverse la propriété du sieur Chandezon
que dans une partie de la ligne U Q ; et a cc dernier point se* ter
mine le bord de son héritage ; à ce dernier point, il 11c possède plus
�(
*5
)
même une seule rive du cours d’eau. Ainsi, aux termes de la l o i ,
c’est à ce point Q , qu’il devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
c ’est-à-dire, au lit du ruisseau ; car cela est impérieusement,
prescrit par l’art. 644 du Code civil, qui lui impose cette loi
comme condition attachée à l’usage de l’eau qu’il lui accorde ;
à la charge de la ren d re, à la sortie de ses fo n d s ,
à son c o u r s
o r d in a i r e , dit l’article.*
Et remarquons que , suivant la doctrine de M. Proudhon , lors
même que la propriété du sieur Chandezon s’étendrait, sur la rive
droite, plus bas que le point Q , il n’en devrait pas moins rendre
l’eau à ce p o in t, parce qu’il serait tenu de la ramener à son cours
ordinaire, vis-à-vis de la pointe ditfonds latéral qu i est le moins
prolongé su r l ’une des rives.
Nous ne rappelons cette opinion que pour mieux fixer le sens de
644
l’article
du Code civil ; car, dans l’espèce, le point Q , sur la rive
gauche, est môme le point le plus prolongé des deux héritages que
possède le sieur Chandezon sur les deux rives (V. le plan); en sorte
que le sieur Chandezon devrait rendre l’eau à son cours ordinaire,
même plus haut que le point Q.
L e sieur Chandezon obéit-il à cette prescription de la loi ?
Use-t-il seulement de J’eau dans l ’intervalle q u e lle parcourt sa
propriété ? La rend-il, comme il l’a prétendu, comme il l’a fait
croire au tribunal de première instance, qui a adopté aveuglément
ses allégations , la rend-il à l ’extrémité de cet intervalle, c ’est-à<bre au point Q , comme il le devrait?
Non , l’ eau ne revient p a s , l’eau ne petit pas revenir à ce point ;
clic est détournée de son cours ordinaire ; elle est jetée à un tout
autre aspect que celui où coule ie lit de la Monne ; elle ne peut plus
y rentrer naturellement, parce quelle se trouve dans un terrain
beaucoup plus bas que le lit du cours ordinaire ; elle ne pourrait y
revenu' qu’à l ’aide de travaux extraordinaires et ou creusant un
canal d’une grande profondeur, (pii consommerait en frais d éta
blissement des sommes considérables, dont Ventretien annuel serait
;iussi trop coûteux parce qu’il serait bientôt encombré par les
terres , par les sables, et que l’on sc verrait enfin forcé d’aban-*
4
�donner, comme on Va déjà éprouvé , parce que toutes les fois qu’on
a à vaincre des obstacles naturels, la résistance constante de la
nature finit toujours pur triompher.
Dans de telles circonstances, que peut-on penser de l’observation
des époux Chandezon, qui disent naïvement que l’eau étant sortie
de leur p r é , ils ne peuvent être responsables de ce qui arrive par
le fait d’ouvrages extérieurs à leurs propriétés?
L ’observation pourrait être do quelque justesse, si les époux
Chandezon rendaient l’eau à son cours ordinaire , et que ce cours
fût ensuite gêné par des faits indépendans de leur volonté.
Mais il arrive précisément tout le contraire. L ’eau, comme nous
l’avons déjà dit (et il est impossible qu’on nie cette vérité de fait),
l’eau n’est pas rendue à son cours ordinaire ; et les ouvrages dont on
•
•
*
*
i
p a rle , loin de nuire à la rentrée de l’eau dans le lit de la Monne ,
avaient pour but de l’y ramener ; mais ce but n’a pu être rempli.
Au reste, ce n’est pas aux riverains inférieurs à ramener dans
leur lit naturel, dans leur cours ordinaire, les eaux dont les époux
Chandezon veulent user ; c’est à eux que la loi impose cette con
dition absolue ; c’est à eux donc , ou à renoncer à l’usage des eaux,
ou à faire et à entretenir tous les ouvrages nécessaires pour exécuter
la condition sous laquelle cet usage leur est attribué.
Ainsi, les époux Chandezon violentla loidans ses principaux points r
Us la violent en ne se restreignant pas, comme riverains , à se
servir de l’eau à sou passage, pour l’irrigation du seul terrain qui
est adjacent à la rive, mais en la détournant pour la conduire à uu
terrain plus éloigné du ruisseau , et qui, n’étant pas exposé aux inconvéuicns des eaux , ne doit pas profiler de leurs a\antages ;
Ils la violent , même comme propriétaires de fonds traversés
par un cours d’eau , en ne se bornant pas à user des eaux dans
l’intervalle qu’elle y parcourt, en ne restituant pas l’eau à l’extrémité
de cet intervalle, et en l’étendant à une propriété que celle eau ne
parcourt pas , qui est au contraire séparée du cours d’eau par une
propriété étrangère ;
Ils la vio len t, en ne rendant pas l’eau à son cours ordinaire,
comme la loi les y oblige , et en la jetant, au contraire, à.u u c
�(
27
)
grande distance, et sur un terrain beaucoup plus bas , d’oii elle ne
peut rentrer dans son Ht ;
Ils violent aussi la loi sous un autre rapport, en prenant l’eau ,
«on dans la partie du cours qui est correspondante à leur propriété,
mais au-dessus, dans une partie du lit dont est riverain un proprié
taire étranger qui n’a pas le droit de disposer de l’eau au préjudice
des propriétés inférieures et riveraines.
Si les époux Chandezon se bornaient à prendre l’eau dans la ligne
de leur propriété, c’est-à-dire, dans l’intervalle du point B au point
O , les riverains inférieurs auraient peu à se plaindre , parce qu’ils
ne seraient privés que d’une faible portion des eaux de la rivière.
L e ruisseau de là Monne coule dans un vallon; et son lit est en
caissé de manière que la rive droite étant très-élevec et tresescarpée ne peut profiter des e a u x , tandis que les terrains , sur
la rive gauche , sont inclinés eu pente plus d o u c e , et peuvent
être arrosés dans leur partie basse.
L ’enclos des époux Chandezon est un petit monticule à trois
versans , l’un au midi du (*ké de la rivière l’autre au nord du
côté du chemin C D , et le troisième à l’est , vers les lettres G H I.
Si l’eau nécessaire à l’irrigation était prise seulement vers le point
B , ou même en amont mais dans un point rapproché , il ne s’in
troduirait dans la propriété.Chandezon qu’une très-petite quantité
d’eau; l’encaissement du lit en conserverait la plus grande quantité
pour les propriétés inférieures.
Mais les époux Chandezon vont aujourd’hui prendre l’eau
beaucoup plus haut que leurs propriétés , à
45
mètres environ
au-dessus du point l i , dans la partie du lit de la rivière qui
longe la propriété Bouchard, c ’est-à-dire, à un point dont le
niveau est beaucoup plus élevé que le point B , où le lit est moins
encaissé, et à l’aide d’un barrage qui n’a rien de fixe, qui n’est
formé que de simples pierres alignées dans le lit de la rivière, non
liées cntr’elles , mêlées quelquefois d’un peu de paille; à l’aide d’un
barrage qui varie de forme et de longueur à l’arbitraire du sieur
Chandezon, et que, d’année en année, il remonte,un peu plus
haut, le long de la propriété Bouchard ; en sorte que, depuis i
85 a,
il s’est emparé, dans tous les lems, de la plus grande partie de l’eau
�de la Monne, e l , dirns les tems socs, de la totalité de cette can.
Telle est la manière dont les époux Chandezon veulent s’appro
prier l’eau de la Monne.
En ont-ils le droit ?
La négative n’est pas douteuse. La lettre comme l’esprit de
l ’article
644 du
code civil le démontrent. Cet article permet au
propriétaire riverain de se servir de l’ eau à son passage, et à celui
dont le terrain est traversé p ar l’eau d’en user dans l’intervalle
qu’elle y parcourt. Mais elle ne l’autorise pas à s’introduire audessus de la ligne de sa propriété dans le lit du ruisseau, à remonter
ce li t , à y établir un barrage pour empêcher l’eau de couler dans
sou lit naturel, pour en changer le cours et pour la diriger vers
une propriété inférieure de
45 mètres au point ou elle
est prise.
Les époux Chandezon diront-ils que le sieur Bouchard le tolère,
et que lui seul étant riverain en cet endroit, pourrait seul aussi s’y
opposer?
Un tel argument serait la plus grande des erreurs.
L e sieur Bouchard n’est pas propriétaire de l’cviu de la rivière.
Cette eau est commune à tous les riverains ; el chacun d’eux peut
seulement en user sans avoir le droit de concéder à un autre ce
qui ne lui appartient pas à lui-même.
Comme riverain, le sieur Bouchard a le droit de se servir de
l’eau pour l'irrigation de sa propriété ; et dans le fait il exerce ce
droit.
Cet usage exercé par le sieur Bouchard pour son propre avan
tage, épuise tous ses droits ; il ne lui est pas d’ailleurs permis de
tolérer dans un autre ce qu’il ne pourrait pas faire lui-mème pour
son propre avantage. Il ne peut pas autoriser le sieur Chandezon ni
qui que ce soit à établir dans la partie du lit dont lui Bouchard est
riverain, un barrage pour conduire l’eau chez son voisin ; car ce
serait se rendre maître d’une eau dont il n’a qu’un usage personnel;
ce serait disposer de la chose des riverains inférieurs.
Cette doctrine ressort clairement des dispositions de l’article G44
du code c iv il, qui a entendu concilier les intérêts de tous les rive
rains, cl qui 11e veut pas que plusieurs riverains supérieurs puissent
�( 20 )
se concerter entr’eux pour priver les inférieurs des avantages qu’ils
peuvent retirer du Voisinage d’une x’iviere trop souvent désastreuse,
pour eux par ses irruptions.
Cette doctrine est aussi professée par M. Proudhon , dans son
Traité du domaine public . dont nous avons déjà transcrit le passage
si positif où il dit que le propriétaire d’ un fo n d s qu i borde un
ruisseau n’a le droit d ’y prendre que l’eau nécessaire à l’irri
gation de son propre héritage , e t qu’il ne pourrait y perm ettre
la confection d ’un aqueduc p our conduire les e a u x su r le fo n d s
d ’un autre q u i serait plus reculé ( V . tome
4 , page 429 )-
A in si, c’est sans droit que le sieur Chandezon s’empare de l’eau
de la rivière vers un point qui ne correspond même à aucune de
ses propriétés; et les x’iverains inférieurs sont d’autant plus fondes
et intéressés à s’en plaindre , qu’en ne prenant l’eau que près de
chez lu i, il n’en pourrait retenir qu’ une partie et ne priverait pas
les vastes prairies qui sont plus basses d’une irrigation dont elles
ont toujours joui.
Nous avons démontré clairement et positivement, il semble, que
l’article 644 du code civil ne conférait pas aux époux Chandezon
les droits qu’ils s’arrogent, et que par leurs entreprises ils blessaient
ouvertement la lettre comme l’esprit de notre législation sur les
cours d’eau.
Ici se présente une autre objection tirée de l’existence des canaux
et de l’usage des eaux, usage qu’ils ont exercé eux ou leurs auteurs,
disent-ils, depuis un teins immémorial.
Relativement aux canaux et à l’agage B aux frais de l’établisse
ment desquels les propriétaires inférieurs n’avaient pas contribué ,
dit-on, il est assez étrange qu’on se soit fait de celte circonstance
un moyen devant les premiers juges.
Cet usage, utile aux époux Chandezon seuls, ces rases ou rigoles
<ln’ils ont creusés dans leur pré, ne sont que nuisibles aux riverains
infér ieurs. Ceux-ci ne pourraient s’en servir, en eussent-ils le droit;
ds n’y ont jamais rien prétendu; ce n’est pas là que gît la question
de la cause.
Quant à l’argument tiré de l’usage des e au x, il csl facile d’y ré
�pondre; cl on le sentait si bien qu’on ri’y a pas insisté en première
instance. Aussi le tribunal ne s’y esw l pas arrêté:
1
Ce prétendu usage n’a pu acquérir aiicuri droit aux époux Chaiidezon, parce qu’il n’a été ni caractérisé, ni exclusif.
Il n’a pas été caractérisé par des travaux de main d’homme, éta
blis d’une manière fixe et propres à annoncer l’intention permanente
de s’emparer des eaux au préjudice des droits des riverains inté
rieurs.
E n effet, sauf un commencement de rase pratiquée dans la pro
priété Bouchard, en amont mais à peu de distance du point B , les
époux Chandezon ni leur auteur n’ont jamais pratiqué, sur le lit de
la rivière au-dessus de leur propriété , des ouvrages apparens et
solidement édifiés, tels qu’un barrage en maçonnerie, pour diriger
dans leurs héritages les eaux de la rivière de la Monne. Ils n’y ont
même jamais élevé d’écluse eu fascines soutenues par des p ie u x, ni
aucune autre espèce de construction solide qui détournât les eaux
de la rivière et qui put faire concevoir aux propriétaires inférieurs
la crainte d’en être prives.
Ils se sont toujours bornés, lorsqu’ils voulaient s’emparer de l’eau,
à faire instantanément dans le lit de la rivière et dans la partie de
cc lit, correspondante à la propriété Bouchard, un barrage mobile j
composé des pierres prises dans le lit môme de la Monne et aux
quelles ou réunissait un peu do paille, afin de détourner les eaux do
leur cours ordinaire pour les diriger, par une espèce de cannfctcm*
porairc , le long de la propriété Bouchard, jusqu’à la rase qui
commence à une faible distance de leur propriété particulière*
c’est-à-dire, près du point marqué B sur le plan.
O r de tels ouvrages, qui ne présentaient rien de certain , rien do
fixe, rien de positif, qui disparaissaient à la moindre crue d ’eau, au
moindre mouvement de la rivière , n’ont pti constituer une ser
vitude réelle de prise d’eau, ni attribuer un droit exorbitant, un
droit contraire aux prescriptions de la loi, celui d’aller prendre, sui*la rive d’un héritage supérieur cl à un point éloigné de son propré
héritage, l’eau que la nature comme la loi destinent aux héritages
�(
ê
'
3i
)
^
inférieurs lorsque le possesseur du terrain supérieur ne peut plus
en user lui-même sur sa propre rive.
Pour établir une servitude de prise d’eau, pour acquérir par la
prescription sur le lit d’une rivière , comme sur le terrain d’autrui
un droit exclusif à des eaux qui ne nous appartiennent pas, il faut
que la possession soit caractérisée par des ouvrages apparens et
fixes, qui n’aient rien de précaire et qui ne puissent pas être
considérés comme l’eiï'et de la simple tolérance du propriétaire su
périeur , ou comme ayant pu échapper à l’attention des propriétaires
inférieurs auxquels les eaux devaient arriver. On peut invoquer sur
cette question par analogie un arrêt de la Cour de Iliom, du 2G
avril 1826. (V o ir aussi l’article 6^2 du.Code civil.)
O r, certes, à la manière dont était formée l’espèce de barrage
pratiqué par les époux Chandezon ou leur auteur, et tant que ce
barrage n’avait pas été prolongé en amont d’environ
45
mètres et
élargi sur le lit de la rivière de manière à intercepter la totalité ou
la presque totalité des eaux; en un mot tant qu’il 11’y avait pas eu
832
abus comme en j
, époque de l’origine du procès, les proprié
taires inférieurs, ainsi que le propriétaire supérieur , n’avaient dû
donner qu’une légère attention à l’entreprise des époux Chandezon,
parce qu’ils n’en éprouvaient pas un préjudice sérieux et continu.
Cette entreprise ne causait en cil et aucun préjudice au sieur
Bouchard, propriétaire supérieur, un barrage peu solide et peu
élevé n’exposant pas son héritage à être inondé.
Les propriétaires inférieurs étaient eux-mêmes peu blessés dans
leurs intérêts, soit parce que ce barrage n’existait pas constamment,
soit parce q u e , même pendant son existence primitive, comme il
était plus rapproché du point II, il ne détournait qu’une petite portion
de l’eau et en laissait arriver la plus grande quantité aux prairies
inférieures.
Ainsi, sous ce premier rappo rt, l’usage des eaux invoqué par les
époux Chandezon ne pourrait leur valoir aucun droit parce qu’il
n’aurait pas été caractérisé et que leur possession n’cîxt été que pré
caire.
Mais il y a plus, cet usage n’a jamais été exclusif.
1
�Jamais, en eiïet, avant )
832 , les époux Chandezon, ni
leur au
teur ne s'étaient emparés des eaux arbitrairement, quand bon leur
semblait, et malgré la résistance des riverains inférieurs; jamais ils
u’avaient disposé de ces eaux à leur gré ; jamais ils ne les avaient
détournés abondamment et constamment au préjudice des proprié
taires inférieurs.
S’ils usaient des eaux de la M onne, ce n’était qu'assez rarement*
et en partie seulement comme nous l’avons déjà dit; en sorte que
la plus grande masse du cours d'eau arrivait constamment aux pro
priétés inférieures.
E t si quelquefois le barrage était maintenu ou disposé de ma
niéré à détourner une trop grande quantité d’e a u , les proprié
taires inférieurs se transportaient vers ce barrage toléré plutôt que
dû ; et tantôt ils le détruisaient, tantôt ils le réduisaient de manière
à faire disparaître le préjudice qu’ils en auraient éprouvé.
C ’est ainsi que les choses se sont passées jusqu’en i
; c ’est
ainsi q u e , jusqu’à cette époque, sans qu’il y eut de règlement formé
832
et bien ordonné entre les divers propriétaires des prés supérieurs
ou inférieurs, tous cependant profitaient tour à Lourdes eaux , quoi
qu’avec peu de régularité; tous jouissaient des mêmes avantages s’ils
étaient exposés aux mêmes désastres; aucun d’e ux, pas plus les
époux Chandezon que les autres , n’avait ni 11e réclamait de privi
lège exclusif sur ces eaux.
T el a été l’unique mode de possession des époux Chandezon
ou de leur auteur. O11 le demande, pourrait-on trouver dans un tel
usage des eaux, dans une possession aussi précaire, aussi incertaine,
aussi variable, aussi peu exclusive, le principe du droit, qu’ils ré
clament aujourd’h u i , de s’emparer à leur gré et sans mesure des
eaux de la Monne ; de les retenir tant qu’il leur plairait ; de les absor
ber presqu’enticrement, soit pour l’irrigation d’une grande étendua
de propriété non riveraine du cours d’e a u , soit pour l’entretien
d’un vivier qu’ils y ont récemment établi; enfin de changer la di
rection de ces eaux sans s’inquiéter de les rendre à leur cours ordi
naire comme le veut la loi: et de prétendre encore que c ’est à ceux
<jui en ont besoin à les faire rentrer dans leur lit, tandis que Ja loi
�( 33 )
impose expressément celte charge à tous ceux auxquels elle c»
accorde l’usage?
Reconnaissons donc que les époux Chandezon ne peuvent invo
quer en leur faveur une possession caractérisée et sufiisante pour les
autoriser à priver les propriétaires inférieurs des eaux communes
que la nature a destinées à tous les riverains; reconnaissons qu'ils
sont tenus de se soumettre aux principes que nous avons ci-dessus
développés sur l’usage des e a u x ; reconnaissons q u e ,) comme
riverains, comme propriétaires même d’héritages que le cours d’eau
traverserait, ils ne pourraient prendre l’eau que sur la ligne de leur
propriété, et n'auraient pas le droit d’aller s'en emparer au préju
dice des propriétaires inférieurs, sur la partie du lit correspondante
à la propriété Bouchard; reconnaissons que, même en usant de l’eau,
ils seraient tenus de la rendre à son cours ordinaire, à la sortie de
leurs fonds et au point même où ils cessent d’être riverains; recon
naissons, en un mot, que leurs prétentions, qui tendent à violer
toutes ces règles, doivent être repoussées, et qu’il est juste de mettre
un frein à l’usage arbitraire qu’ils veulent faire d’un cours d’eau
auquel beaucoup d’autres propriétaires ont aussi des droits.
Ceci nous conduit à examiner si un règlement d'eau doit cire
ordonné.
A la suite des principes poses dans l’article
644
du Code civil
sur l’usage des eaux accordé par la loi à ceux qui possèdent des
héritages bordés ou traversés par une eau courante, vienneut des
dispositions réglementaires écrites dans l’article
645 pour faire cesser
les contestations que cet usage peut faire naître.
645
L ’article
s’exprime ainsi :
« S ’il s’élève une contestation entre les propriétaires auxquels
« les eaux peuvent être utiles, les tribunaux en prononçant doivent
« concilier Vintérêt de ¿’agriculture avec le respect du à la pro« priété ; et dans tous les cas les régleuiens particuliers et locaux
« doivent être respectés.
Cette dernière partie de l'article reste sans application dans la
ca u se , puisqu’il n’cxisle aucun règlement local et que le but du
procès est d’en faire ordonner.
5
�( 34 )
Quant à la première partie, jamais cause n’en comrhanda plus
l ’applicaiion. La lutte est engagée entre un propriétaire qui ne
possède qu’environ 8,000 toises de terrain susceptible d’irrigation,
et qui, pour en augmenter les produits ou les embellisseincus dans
son intérêt privé , veut absorber ou détourner à son gré toutes les
eaux du ruisseau de la Monne et en priver plus de 120,000
toises de prairies inférieures , toutes d’une grande valeur et d’un
produit considérable, toutes garnies d’arbres fruitiers, toutes exis
tantes en nature de prairie depuis 1111 teins immémorial, et en pos
session depuis plusieurs siècles d’un droit d’irrigatiou dont le sieur
Chandezon voudrait aujourd’hui les empêcher de jouir.
' Sans doute l’intérêt de l’agriculture ne permet pas qu’on sacrifie
ainsi à un seul, et pour un terrain d’une médiocre surface, les droits
d’un grand nombre de propriétaires et la fertilité d’une vaste éten
due d’un terrain auquel l’arrosement est nécessaire.
Cette première considération suffirait seule pour faire ordonner
le règlement réclamé.
Nous pourrions aussi invoquer contre les prétentions des époux
Chandezon , soit des autorités nombreuses, soit la jurisprudence de
plusieurs cours.
Ces prétentions sont repoussées par les observations même qui
ont été faites au conseil d’é ta t, lors de la rédaction de cette partie
du Code civil.
«• Lorsque l’eau passe par plusieurs héritages, y fut-il d i t , sans
« que personne en soit propriétaire , que le modo de jouir n’est
« établi ni par le titre, ni par la possession, ni par des réglemens
* particuliers et locaux, les tribunaux déterminent la jouissance de
« chacun par un règlement qui fixe le teins pendant lequel chaque
« propriétaire usera des eaux et même l’heure oii il pourra s’en
/|5
«f servir; et l’article G veut qu’ils combinent ce règlement de matf nière à concilier l’intérêt de l’agriculture, c ’es t-à -d ire l’intérêt
« général avec le respect dù à la propriété (Esprit du Code civil
5
<t Sur l’article G/| ).
Ici Finlérct général est. tout en faveur des appelans, et l’intérêt
de la propriété ne peut leur être opposé, puisque
uous
savons que
�(
33
)
les eaux d’un ruisseau sont communes à tous les riveraius, et
que les époux Chandezon, riverains dans une très-faible étendue de
terrain, n’avaient à ces eaux qu’un droit proportionnel el par con
séquent fort restreint ; puisque nous avons vu aussi que les époux:
Chandezon n’avaient pas le droit de prendre les eaux au point du
lit où ils s’en emparent pour les conduire à leurs héritages.
Bien plus, dans l’espèce, le respect dû à la propriété est blessé par
les entreprises du sieur Chandezon, qui violent le droit que les
propriétaires inférieurs ont acquis à l’usage de ce cours d’e au , par
une possession de plusieurs siècles.
Malleville , sur le même article
645 , dit aussi que , « si l’un des
« riverains absorbait l’eau au préjudice des autres ou en prenait un
« volume considérable, c’esfle cas de faire un règlement entr’eux,
<f et que c’est l’objet de la seconde partie de l’article
645 .
M, Pardessus, après avoir posé en principe qu’un riverain ne
peut détourner l’eau en entier sur son fonds , ajoute ce conseil re
marquable :
x Si le volume était si modique qu’il ne fut pas possible d’y faire
» des saignées , et que par cela seul les eaux devinssent inutiles ,
« il vaudrait mieux les accordera un seul pendant quelques heures
« ou quelques jours, et par ce moyen les en faire jouir su ccesii« vem ent pendant un tems proportionné à leurs besoins, que de
* ne les leur donner que partiellement, et dès-lors en si petite
« quantité qu’ils se trouvent manquer d’un élément qui peut seul
v féconder leurs héritages ; en un mot les tribunaux doivent établir
« des règles de convenance et d’équité.
Telle est la vraie doctrine. Il ne doit cire permis à aucun riverain,
quoique supérieur, de s’emparer exclusivement de l’eau au préju
dice des riverains inférieurs ; et les tribunaux doivent s’empresser
de réprimer les abus et d’ordonner les réglcmcns nécessaires pour
une sage distribution des eaux.
C ’est sur cette doctrine que s’est fondée la Cour de Riorn, on
décidant par deux arrêts , l’un du
germinal en 10, l’antre du
5
27 nivôse an 12 , que le propriétaire d’un pré supérieur où passait
un ruisseau n’avait pu relcnir l’eau cl la détourner des prés iufe«
�e 36 )
rieurs. ( V o i r ;ccs arrêts dans le journal de la C o ur, an 12., pages
1 1 6 , 120 ).
o
On p<uit consulter aussi un arrêt du parlement de Paris , du
65
j 6 juillet i o , rapporté par Mornac.
C ’est encore en adoptant et cri consacrant cette doctrine , qu’un
ai’rêt de cassation du 7 avril 1807, rejeta le pourvoi contre un
arrêt de la cour de Dijon , qui avait condamné un propriétaire su
périeur et riverain à détruire des digues et des canaux qu’il avait
établis pour s’emparer de la plus grande partie de l’ean , au préju
dice des propriétés inférieures. Une des dispositions de l’arrêt ren
voie ce propriétaire supérieur ¿1 se pourvoir en règlem ent avec
les parties intéressées. L ’arrêt reconnaît donc que des réglemeijs
sont nécessaires dans de tels cas.
•
On oppose, il est vrai, un autre arrêt du 16 juillet 1807, qui a
rejeté aussi le pourvoi contre une décision contraire. Mais ce se
cond arrêt ne peut être invoque par les époux Chandezon sous plu
sieurs rapports : 1* parce que les propriétés de celui qui se servait
des eaux étaient traversées par des ruisseaux ; qu’il ne prenait les
eaux qu’à leur passage et dans la partie du lit qui était bordée des
deux côtés par ses héritages, et qu’il n’en usait que dans Vintervalle
où le ruisseau parcourait ses propriétés ; 20 parce qu’à la sortie
de ses f o n d s , et au point où il cessait d’être riverain, il les rendait
¿1 leur cours ordinaire.
O r le sieur Chandezon ne fait rien de tout cela : 10 il ne prend
pas les eaux dans la ligne de scs propriétés; il va les prendre, sans
droit,par pure tolérance, dans lapartiesupérieure du lit, devantrheritage lîouchard à qui ces eaux n’appartiennent cependant pas, et
qui ne peut légalement en disposer ni en laisser user au préjudice
des riverains inférieurs auxquels la nature comme la loi les destinent}
nous avons déjà prouvé cette vérité de principes.
2* Le sieur Chandezon n’use pas des eaux dans l’intervalle seule
ment où leur cours traverse scs propriétés; il les conduit sur un
lorrain éloigné du lit de la rivière ; et ce qu’il y a de contraire à tous
les principes , il ne les rend pas à leur cours ordinaire , il les dé
�( 3? )
tourne au contraire de ce cours pour les faire tomber sur un terrain
beaucoup plus bas d’ou elles ne peuvent rentrer dans leur lit.
L e second arrêt invoqué ne peut donc recevoir aucune applica
tion à la cause, et la doctrine que nous avons cmise reste dans toute
sa fo rc e , protégée par la loi comme par l’équité, comme par l'in
térêt de l’agriculture.
Cette doctrine a été appliquée par un troisième arrêt plus récent
de la Cour de cassation ; cet arrêt, en date du i o avril 1821, et qui
casse une décision contraire, déclare en principe, en visant l’article
645 du code sur lequel il se fonde, que «■lorsque des propriétaires
« de dilTérens terrains ont le droit de se servir des mêmes eaux, et
« que le mode de jouissance n’est déterminé ni par les anciens
titres ni par aucun règlement particulier et lo c a l , c’est aux tri« bunaux qu’il appartient de prononcer sur les points qui divisent
* les intéressés et de fixer des règles qui préviennent tous débats
« ultérieurs.
T e l est le point de droit que pose l’arrêt.
Ce point de droit s’applique exactement à la contestation présente.
Les eaux de la Monne sont communes à tous les riverains , et
tous'ontle droit de se servir de ces eaux; nous l’avons déjàprouvé.
S ’il y a des difficultés entre les riverains sur le mode d’usage de
ces e a u x , les tribunaux sont donc appelés à faire cesser ces diffi
cultés par un règlement fait dans l’intérêt de tous.
Et comment le sieur Chandczon pourrait-il être admis à s’y op
poser , lui qui y a un intérêt plus pressant que tout autre s’il veut
obtenir ou conserver l’usage légal d’une partie de ces eaux ; lui qui,
s’il 11 y avait pas de règlement , devrait être privé de toute prise
d’eau.
1
Car rs propriétaires riverains, même inférieurs , ont le droit de
1 empêcher d exercer aucune prise d’eau ailleurs que dev;,nt s011
propre héritage ; ils ont aussi le droit d’exiger qu’il fasse rentrer
dans le lit de la rivière les eaux dont il userait et qu’il les fasse ren
trer dans leur lit au point où son héritage cesse de border le cours
d’eau.
Or, comment le sieur Chandczon arroserait-il, en sc soumettant
�( 38 )
à ces prescriptions qui lui sont cependant rigoureusement imposées
par la l o i , comme condition expresse de la faculté d’user de l’eau?
Ainsi par sa résistance illégale et injuste au règlement qui est de
mandé , il s’expose lui-même à être privé absolument de l’eau dont
il abuse aujourd’hui,
Il s’expose à en être privé ; car comme nous l’avons déjà fait ob
server il ne pourrait argumenter de prescription , puisqu’il n’a pos
sédé que précairement, puisqu’il n’avait jamais usé avant i
832 que
d’une faible partie des eau x, puisque le barrage qu’il établissait illé
galement sur le lit du ruisseau vis-à-rvis la propriété Bouchard était
détruit par les propriétaires inférieurs dès qu’ils s’apercevaient que
l’eau ne leur arrivait pas ou qu’elle ne leur arrivait qu’en moindre
quantité , puisqu’enfin jusqu’aux nouvelles tentatives par lesquelles
le sieur Chandezon a voulu s’approprier la presque totalité de l’eau
commune pour s’en servir même à embellir sa propriété et à y
établir un ou plusieurs viviers, jusqu’à ces tentatives arbitraires, les
propriétaires inférieurs avaient suflisamment fait arroser leurs vastes
prairies.
Ces propriétaires inférieurs ont donc le droit de se plaindre et
d’insister sur un règlement qui ménage les intérêts de tous.
Ils sont d’autant plus dignes d’intérêt dans celle réclamation , que
leurs prairies, dont le terrain est presqu’au niveau du lit du ruisseau,
sont chaque année exposées à d’aifligeantes dégradations par l’inva
sion des eaux j et ils ont fait cette année-ci l’épreuve la plus désas
treuse de ce danger.
Les époux Chandezon, au contraire, donl le terrain est élevé audessus du cours d’eau, sont à l’abri de ces malheurs presque annuels j
et cependant ils voudraient seuls profiter du bénéfice des eaux, eux
qui n’en redoutent pas les incommodités , pour en laisser tous les
ravages dans les
momens fâcheux aux propriétaires inférieurs
qu’ils priveraient de leur avantage dans les inomens où elles pour,
raient être utiles.
n’nst pas ainsi que la justice
Ce
se distribue.
Loin de là; l’équité ;
et la justice commandent un ordre tout oppose.
^
Cîir selon la remarque de Proudhon : « Si les près infui'icurs
�( 39 )
•
« étaient sujets à des inondations dans les crues d’eau cxtraordi« naires , cc serait là une considération majeure pour leur laisser
«• pleinement l’usage des eaux d’irrigation dans les tems ordinaires,
» plutôt que de permettre au propriétaire supérieur de s’en empa«■rer, tandis que l’organisation naturelle du sol le met à couvert
« des mêmes pertes__Secundùm naturcini e s t commoda ciijus* que rei seq u i quem sequuntur incommoda. L . 10, flf de reg.
« ju ris. »
Le cas prévu par l’auteur est celui où se trouvent souvent les
parties.
Cependant, quoique dans les tems de sécheresse l’eau puisse être
insuffisante pour tous, les appelans se sont bornes à demander un
règlement qui divisât les eaux entre tous les propriétaires supérieurs
et inférieurs dans la proportion de l’étendue des propriétés respec
tives susceptibles d’irrigation. Celte réclamation était trop juste
pour que le sieur Chandezon lui-même ne l’eût pas accueillie, si les
conseils irréfléchis de son intérêt personnel ne l’avaient complète
ment aveuglé sur scs droits.
Aussi est-il le seul qui ait résisté à la demande en règlement.
Les autres intimés ne s’y sont pas opposés; ils s’en sont rapportés à
droit en première instance; - et s’ils ne se sont pas réunis aux appe
lans, c’est qu’il existe, à ce qu’il paraît, entr’eux et le sieur Chande
zon , des arrangemens secrets qui les désintéressent.
Il
est vraisemblable que devant la Cour les autres intimés reste
ront aussi neutres dans les débats , prêts cependant à profiter du
succès qu’obtiendraient les appelans.
Mais s’ils se montraient hostiles, la dissertation à laquelle on vient
de se livrer leur sci ait applicable.
Dans cette cause, un règlement d’eau est autorisé par la loi pour
l’usage d’un cours d’eau commun à un grand nombre de proprié
taires riverains, parmi lesquels il n’en est pas un seul qui ait un droit
de possession exclusive, et dont il est juste que tous recueillent les
avantages, les propriétaires inférieurs sur-tout,
exposés aux ravages des inondations.
beaucoup plus
Ce règlement d’oau, réclamé par beaucoup , refusé par un s e u l,
�est prescrit par l'intérêt de l’agriculture, qui ne permet pas que
de vastes et de nombreuses prairies de la plus grande valeur, soient
privées d’une irrigation de laquelle elles ont toujours joui, et ré
duites à une affligeante stérilité , pour fournir à la prodigalité de
l’arrosement et aux embellissemens d’une propriété unique d’une
bien plus faible étendue, d’une bien moindre valeur.
Ce règlement d’eau est voulu par l’intérêt légitime du sieur
Chandezon, à qui la l o i , rigoureusement appliquée , refuserait
toute participation à l’usage de l’e a u , puisqu’à la sortie de ses fonds,
il ne la rend pas, il ne peut la rendre à son cours ordinaire.
Ce règlem ent, enfin, est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre
p ublic, pour prévenir les violens débats , les dangereuses querelles
que font naître l’usage et l’occupation des e a u x , et qui peuvent
produire de fâcheux excès , dans l’irritation qui jaillit du choc des
passions, excitées, sur-tout dans les tems de sécheresse par l’ur
gence des besoins d’irrigation.
La Cour, dans sa haute sagesse, ordonnera la mesure commandée
par les circonstances , comme par la doctrine, comme par l'équité,
qui est la première des lois,
M e A L L E M A N D , Avocat.
M* B O N J O U R , avoué,
R I OM ,
IM PR IM ER IE DE SA LL E S F IL S ,
PRES L E PA LAIS.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Martin. 1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Bonjour
Savarin
Johannel
Chirol
Tailhand
Debord
Veysset
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
irrigation
jardins
rivières
vin
prises d'eau
canal
cadastre
sécheresse
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour les sieurs Martin, médecin ; Martin, greffier du juge de paix ; Monestier, Ussel, Reynaud, Maugue-Champflour, et autres propriétaires de Tallende, de Monton, de Saint-Amand, appelans d'un jugement rendu par le tribunal de Clermont ; contre dame Justine Ussel et le sieur Vincent Chandezon, son mari, adjoint de la commune de Tallende, y habitant, intimés ; en présence de la dame Duvernin, veuve Cisternes, en son nom et comme tutrice de Charles Cisternes ; de dame Hélène Cisternes, et du sieur de Varennes, son mari, assignés en assistance de cause, et aussi intimés ; en présence de la dame Monestier et du sieur Creuzet son mari, d'Etienne Bohat-Lami, Antoine Bohat-Tixier, Laurent Tixier, Hugues Bohat, dit le grenadier, et de François Ballet-Beloste ; tous aussi assignés en cause, et intimés ; en présence enfin du sieur Nicolas Barbarin, également appelant.
Annotations manuscrites.
plan cadastral.
Table Godemel : Cours d’eau.
en matière de cours d’eau, les dispositions des articles 644 et 645 du Code civil ne sont applicables qu’aux cas où les droits du riverain d’une eau courante sont égaux, et où il n’y a ni titre ni possession qui déterminent des droits spéciaux en faveur de l’un d’eux. – ainsi, lorsqu’il résulte, des faits de la cause, ou de l’état des lieux, ou des documens produits, que des constructions de main d’homme ont été faites pour conduire les eaux dans la propriété de l’une des parties, et qu’elle en a profité depuis une époque reculée, il y a lieu de maintenir sa possession.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1800-1836
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2810
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2811
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53566/BCU_Factums_G2810.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Amant-Tallende (63315)
Veyre-Monton (63455)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
cadastre
canal
doctrine
irrigation
jardins
Jouissance des eaux
prises d'eau
rivières
sécheresse
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53567/BCU_Factums_G2811.pdf
e2ec41d41ddbea6c892e8b61887ba2aa
PDF Text
Text
P o u r les sieur et d ame C H A N D E Z O N , intim és.
C o n t r e les sieurs M A R T I N ,
RAYNAUD,
M A IG E -
C H A M P F L O U R , et autres appelans ;
Eu
présence D e s sieurs et dam es D U V E R N I N ,
TERNE.
LAM Y,
C IS-
D EV A R E N N E , C R E U ZE T , B OHATBO HAT-T IX IE R , L A U R E N T -T IX IE R ,
H U G U E S B O H A T , et autres i ntim és.
♦
- »■■■■
A E n ten d re, les appelans, les sieur et dame Chandezon se
seraient rendus coupables d’une usurpation criante ; ils
feraient à une commune entière des dommages inapprécia
bles, et à l'agriculture un tort immense.Pour arroser environ
8,000 toises de pré, ils priveraient d’irrigation 120,563 toises
de. beaux et fertiles vergers , qui existent depuis un temps im m é
morial, qui produisent d'excellens fruits; ils s e mparereraient de l ’eau
sans mesure, lorsqu'ils n’auraient pas à en redouter les ravages ,
et dessécheraienl les p rairies des appelans; mais ils sauraient s’en
défendre lorsqu’elle pourrait leur nuire. D ans les instans de
danger ou le ruisseau devient un torrent dévastateur , ils auraient
la puissance de le rejetter dans son lit pour couvrir et dégrader
les p r a i r i e s inférieures. Enfin ils auraient, par de nouvelles œ u
vres et pour satisfaire une ambition démesurée, privé les
prés des appelans d une irrigation dont ils avaient toujours jo u i ,
1
�cl à laquelle ils avaient droit comme riverains. E t tout cela, les
époux Chnndezon l’auraient fait par un abus de l ’art. G6/j du
Code c iv il, où ils ne peuvent trouver aucun droit par la posi
tion de leur propriété.
>•
Ce tableau aurait quelque chose de plausible s ’il ne manquait
pas de la première de toutes les conditions: la vérité. Nous ne
la retrouvons pas plus dans le récit des faits que dans la des
cription- des lieux.
Nous ne craindrions pas d’aborder la question , en prenant
pour unique règle l’article G44 du Code civil et les droits ou fa
cultés qu’il accorde aux propriétaires riverains d’un cours d’eau.
Peu de mots suffiraient pour réduire à sa véritable valeur le
système des appelans.
Sur 120,563 toises de terrain que contiennent les deux ter
ritoires des Bazenux et d ’entre les eaux, les appelans, qui se
plaignent , en possèdent 3o, 8y 4 , c’est-à-dire le quart. Les
nombreux propriétaires des trois autres quarts (8c),G8gt.) ont
refusé de se joindre à eux , malgré les vives instances qu’on
leur a faites et les sollicitations à domicile pour obtenir des
signatures sur un projet préparé. Ces propriétaires savaient
bien qu’on ne les privait pas d’eau ; que leurs prés arrosent ,
et que les choses se passent aujourd’ hui comme toujours. Ils
étaient convaincus qu’ils n’avaient pas le moindre intérêt à
une semblable demande , qui ne tendait qu’à semer la pertubation, sans aucun,fruit pour personne. Ils se sont tenus à l’é
cart , restant spectateurs de celte lutte qu’ils avaient droit de
trouver extraordinaire.
E n ce qui concerne les 30,87/1 toises qui sont possédées par
les appelans, la plupart de ces propriétés ne sont ni bordées ni
traversées par le cours d’eau ; beaucoup en sont fort éloignées
cl joignent, au contraire, l’autre ruisseau appelé la Veyrc. Elles
n’ont aucun droit ni servitude sur les prés supérieurs. Il est
donc évid ent, d ’a’près les appelans eux-mêmes, que tous les
�(3)
propriétaires de ces prés non riverains n’ont aucun droit au
cours d’eau de la Monne , et demeurent sans qualité pour em
pêcher l ’usage d’un propriétaire riverain dans un point supé
rieur. Allons plus loin :
Parmi ceux qui bordent le cours de la M onne, il n’en est
pas un qui puisse prendre l’eau sur sa propriété et en user ci
son passage ; pas u n , c’est l’exacte vérité.
E t , enfin , ni les uns ni les autres ne peuvent rendre l’eau
à son cours ordinaire. Pas une goutte d'eau , après l’arrosement de leurs propriétés, ne peut retomber dans la Monne;
elles tombent toutes dans la Veyre, parce que le versant, des
prés les dirige de ce côté-là , sauf celles des Bazeaux qui re
tombent dans les prés de Monlon.
Donc, et toujours d’après les appelans, pas un d’eux ne
peut invoquer le bénéfice de l’article 644, ni un droit quel
conque sur le cours d’eau dont il s’agit. Si à côté de tout cela ,
nous ajoutons q ue, di', toutes ces propriétés qui bordent le
cours de la Monrie, celle des sieur et dame C l i a n d e z o n et le
premier pré du sieur Cislerne sont, précisém ent, les seuls à
qui on ne puisse pas faire cette objection , les seuls qui, après
avoir reÇu l’eau à son passage par des travaux (Vune liante an
tiquité, la rendent à son cours ordinaire, à la sortie de leurs
héritages, on aura droit de s’étonner d’ une semblable litige
oiYdcs hommes, sans droit sur 1111 cours d’eau , font un procès
à celui-là seul, q u i, se trouvant sur un point supérieur , a le
droit d’invoquer pour lui-même le bénéfice de la loi.
Y aurait-il plus de vérité dans cette autre assertion que les
sieur et dame Cliandezon savent se préserver des ravages du
torrent dévastateur , et le rejettent sur les prés des apelans? y
aurait-il plus de bonne foi à prendre pour exemple les évènemens de 1 835 ? 11 nous suffit de dire que les sieur et daine
Cliandezon qui reçoivent l’eau de la Monne quand elle est h
sonélévation ordinaire , n’ont aucun moyen de la refou ler,
1.
�aucun ouvrage défensif qui la repousse lorsqu’elle devient un
forrenl. En i 8315, ellearavagé, danspresqueloutessesparties,
leur propriété, qui a éprouvé plus de dégâts, à elle seule , que
toute la prairie des Bazeaux et d’entre les eaux.
Enfin, dit-on , la propriété des époux Cliandezon a reçu l’eau
sans aucun travail fixe ei permanent; lesieur Cliandezon en a
abusé en ]>rolongcan1, beaucoup , en amont'sur lu propriété B ou
chard , un simple barrage mobile qui ne constate pas une
prise d’eau régulière. Ce barrage a clé détruit plusieurs fois et
plusieurs fo is rétabli pour être détruit de nouveau , de là des lut
tes violentesX'n coup defu s il fu t tiré, cl si personne ne fu t blessé
alors, des malheurs graves étaient à craindre p a r la suite.
Qu’ est - ce donc que cette manière nouvelle d’accuser les
hommes les plus honnêtes ? Qui donc a mis dans les mains du
sieur ÎNJartiu et consorts fcette arme à deux tranchans? A-t-on
voulu insinuer que le sieur Cliandezon avait menacé quelqu’un?
que sa propriété avait été le théâtre de ces luttes violentes? ce
serait une odieuse calomnie. N ’a-t-on voulu énoncer qu’ un
fait étranger à sa maison, à sa propriété,;! !ui-m em c?il fallait
s’ exprimer autrement; la justice et la vérité l’exigeaient de
concert; maij lorsqu’on s’est engagé dans une fausse voie,
rien n’est à dédaigner pour en sortir ; telle est la position des
appelons ou de ceux qui usent ou abusent du nom de la plu
part d’entre eux, jusqu’à y comprendre des propriétaires qui
rie sont pas appelans et qui ne veulent pas l’être. Nous le di
sons hautement : le sieur Cliandezon possède sa prise
d’eau par des ouvrages en maçonnerie de la plus haute
antiquité auxquels il n’a rien innové. S ’il n’y a sur la rivière
qu’ un simple barrage en pierre, il n ’a jamais été détruit. Et
jamais personne n ’a pénétré sur la propriété du sieur
Cliandezon, ni pour y prétendre servitude, ni pour y porter
atteinte à ses travaux.
Abordons les (ails de celle cause, cl commençons par quel
�(5 )
ques explications sur la localité. Nous nous servirons du
plan que les appelans ont joint à leur mémoire, tout insuffi
sant qu’il est pour faire connaître des particularités im por
tantes. Il eût été mieux de produire le plan cadastral, plus
exact et plus détaillé. Nous l’avons sous les yeux , et nous le
produirons sà l’audience avec un plan spécial de la propriété
Cliandézon et de ses alentours; mais nous pouvons , avec le
plan visuel qui nous est présenté , faire connaître les faits de
la cause et indiquer tous les détails delà localité: il est essen
tiel de les bien saisir.
Nous ne pouvons p a s, pour décrire celte localité, nous arrêter
à la prise d ’eau du verger Cliandézon. Il faut .voir iô cours
d’eau d’un peu plus haut, le considérer dans son ensemble
et dans ses détails.
11 prend sa source dans la montagne, vers le village de
M om ie, qui lui donne son nom. Partout il arrose et fertilise
des prairies , met des moulins en mouvement. Presque
partout, aussi , il est assez encaissé pour que chacun soit
obligé de prendre l ’eau à un point plus élevé que sa pro
priété. Le régime de ce ruisseau est le même dans tout son
cours, depuis sa source jusqu’à son embouchure, parce que ,
nulle part, il ne peut servir à arroser les propriétés au moment
où il les rencontre ; en sorte que s’il s’agissait uniquement
d’appliquer l’art. G44 (^u Code c iv il, et dans la supposition
que chaque propriétaire eut le droit de faire à celui qui lui est
supérieur les objections que font les appelans aux sieur et
dame Chandezon , l’eau arriverait dans l’Allier sans que
personne eût le droit de la détourner de son cours; elle de
meurerait inutile pour tous, excepté cependant les époux
Cliandézon et le sieur Gislcrne, qui conserveraient, par la
position de leurs héritages, le droit de s ’en servir. Nous n’au
rons besoin, pour nous en convaincre, que d’examiner les
�détails de ce cours d’eau depuis St-Amant jusqu’au point de
réunion de celle rivière avec celle de Y eyre; c ’cst dans cet
intervalle que se trouvent toutes les propriétés des parties.
Nous devrons noter toutefois une grande différence de position
entre les prés qui existent depuis St-Amant jusqu’au chemin
e , F , G, h , i , k , et tous ceux qui sont au-dessous.
f
Il est évident que, dans les temps anciens on dût chercher
à utiliser ces eaux au profit de tous, en respectant toutefois
les droits de ceux qui pouvaient y prétendre par la position
de leurs héritages, par exemple les sieur et dame Chandczon
et le sieur Cisterne, comme nous venons de le dire.
Deux seules voies pouvaient être prises dans l’intérêt gé
néral d is propriétés inférieures ; ou l’accord de tous les pro
priétaires ou une opération administrative. Cela était nécessaire
puisqu’il fallait distribuer l’eau entre plus de 4°o parcelles
de près, qui ne pouvaient la prendre à son passage et qu’il
fallait établir des servitudes sur les uns au profit des autres.
Le premier moyen était peu praticable, plus de deux cents
propriétaires y étaient intéressés; cependant il n’était pas
impossible'; rien ne commande mieux les hommes que leur
intérêt, et il exerce une grande influence, là où il s’agit d’ob
tenir une chose à laquelle ou n’aurait aucun droit en s’isolant.
i La voie administrative avait bien aussi scs difficultés.
Toutefois elle pouvait éprouver moins d’entraves à une
époque où la distinction des pouvoirs n’était pas si nettement
tranchée.
Nous ignorons quelle voie fut adoptée à cette époque
pour arriver à ce but. Aucun document écrit ne nous l’ap
prend et nous n’avons pas besoin de le savoir; mais la localité
atteste qu’il tùl pris des mesures dans l ’intérêt de toutes ces
propriétés; elle en montre les vestiges, soutenus par une
exécution constante qui remonté au delà de la mémoire des
hommes et que les appelans veulent détruire. C ’ est ce qu’il
�(7)
faul bien suivre sur la localité, en la parcourant depuis Sf-Amanf
Au-dessous des maisons de St-Ainarul , il existe urt
moulin qui prend l’eau par moyen d’un barrage en pierre,,
construit sur la M o n n e , «à une certaine distance, en amont.
A côté du mouün et en descendant la Monne , se trouve une
prairie appartenant au sieur de Marlillat. E lle csl à un niveau
fort élevé au-dessus de la rivière, et ne peut être arrosée
qu’en prenant l’eau au béai du moulin. Le propriétaire du pré
en a le droit et l’usage. Il existe à côté de la vanne qui conduit
l’eau sur la roue du moulin , une seconde vanne qui n ’a,
jusqu’à présent, d’autre utilité que l’arrosement du pré quand
le moulin cliôme. 11 y a enlour trente ans le meunier voulut
contester cette servitude au sieur Marlillat. il fut condamné
à la souffrir. Au surplus la pente du pré rejette l’eau dans son
lit a près l’arroscmcnt.
Après le pré du sieur Marlillat, on en .trouve un autre,
appartenant au sieurBoucliard.il est, encore trop élevé au-des
sus du niveau de l’eau, pour qu’on puisse la prendre en tête de
la propriété. Aussi Bouchard la prend-il sur une partie bassedu
pré Marlillat. Cette prise d’eau , qui n’ est pas faite pour lui
seul, a des caractères trop marqués pour que nous ne nous y
arrêtions pas un peu.
Elle est absolument du même genre que celle du sieur
Chaud ezon. Sur le cours de l’eau on voit un simple barrage
en pierres prises dans le lit de la riv iè r e , puis une simple
tranchée à la berge du pré, et, a la suile, un fossé dans lequel
l’eau s'introduit sans autre précaution. Cette rase a , sur le
pré M arlillat, tous les caractères d’un droit. E lle le coupe en
deux dans une assez grande étendue, e t dans une d i r e c t i o n
presque diagonale. Elle est bordée de deux rangées de saules;
et enfin elle est couverte d’un pont en m a ç o n n e r i e qu’elle a
rendu nécessaire pour l’exploitation des deux parties du pré.
sans le droit d’autrui et des conventions entre eu x, le p r o ;
�(8)
priétaire de cette p ra irie , assez considérable, ne se fut pas
assujetti à tous ces inconvéniens ; il n’y trouvait pas le
moindre intérêt. La rase est complètement inutile pour l’arrosement de son pré ; elle n’eût pas étc faite dans une semblable
direction , si on l’eût faite pour l’intérêt du propriétaire, et
aussi celui-ci ne conteste pas qu’elle ne soit une véritable
servitude que constatent, de concert, l’état de la localité et
l’usage constant de cette prise d’eau. Dirait-on que cela ne
constate pas un droit parce que le barrage sur la rivière n’est
pas bâti à chaux et sable?
Vient ensuite un pré à la dame Villot. Il est arrosé par la
même prise d’eau que celui du sieur Bouchard, et il ne peut
l’être autrement ; elle exerce donc une servitude sur le pré
du sieur Bouchard et sur celui du sieur Martillat.
E n fin , on trouve un second p ré , appartenant encore à
B o u c h a r d . A sa jonction avec celui de la dame V illo t, sa
surface au bord de l’eau est de dix pieds, au moins, supérieure
au lit de la rivière ; il arrose et il ne peut arroser que par la
prise d’eau établie sur le pré Martillat, dont on ne lui con
teste pas l’usage.
Tous ces prés, qui sont considérables, reçoivent donc l’eau
pnrdcux servitudes, dont l’une s’applique au pré Martillat, et
l’autre aux trois prés inférieurs. C ’est sur le dernier de ces
p ré s, celui du sieur Bouchard que se trouve la troisième
prise d’eau, destinée à la prairie des sieur cl daine Chandezon.
Pourrait-on dire que les premières qui constituent des
servitudes assez graves ont été inutilement établies ? Si les
propriétaires, qui en usent pour des prés qui sont f°<’l
étendus, pouvaient absorber l’eau delà Momie, le sieur Chan
dezon pourrail-il les empêcher delà prendre, parce qu’ils ne
le peuvent pas en iace de leur propriété? il croirait être ab
surde, Voyons si.on est plus justç à son ygard.
Ici nous a r r i y o n s a v ^ siège de la contestation, et nous pouvons
�(9)
commencer à nous servir du plan, sans en reconnaître l’exac
titude , surtout dans les détails.
Aux abords de la propriété des sieur et dame Chandezon, le niveau des prés s’abaisse sensiblement par rapport au
lit de la rivière, et leur surface est beaucoup moins inclinée.
La tête de cette propriété n’a pas plus de trois ou quatre pieds
au-dessus du niveau de l’eau, et, avec une chaussée peu consi
dérable sur la rivière , on pourrait prendre l’eau sur la propriété
m êm e, pour son irrigation. Toutefois, cela eût été plus coûteux
qu’une rase prolongée dans la prairie du sieur Bouchard ; et,
d’ailleurs, il eût été possible que quelques parties basses de
cette prairie eussent été mouillées par le reflux de l’eau. Sans
chercher les motifs qui, dans ces temps anciens, décidèrent
les parties à prendre un mode plutôt que l’autre , il est certain
que la prise d’eau du pré Cliandezon fut établie sur le pré Bou
chard à 65 mètres en amont de la propriété Ussel. Un simple
barrage en pierres, prises dans le ruisseau même , fut établi dans
la même forme que celui qui existe contre le pré Martillat
pour rarrosement des prés Bouchard et Villot. Une rase fut
ouverte sur le pré Bouchard , et des ouvrages en maçonnerie
lurent construits pour régler l’usage de l’eau.
Alors, comme aujourd’hui, on ne pouvait passe dissimuler
que le propriétaire de cette prairie avait droit, comme rive
rain, de se servir de l’eau à son passage; que s’ il lui était plus
commode et moins coûteux de s ’entendre avec le propriétaire
du terrain supérieur , que de faire une construction a d hoc
en tête de sa propriété, cela ne changeait rien à son droit. On
ne pouvait pas se dissimuler davantage que les propriétaires
inférieurs, entre lesquels on se proposa de distribuer l’eau
restée libre après l’arroseincnt des prés supérieurs qui y avaient
droit comme riverains, ne pouvaient imposer aucune condi
tion aux propriétaires de ces prés. Au reste, des ouvrages furent •
établis, sans doute par une convention avec B o u ch ard , ponr
2
�I lo )
régler la prise d’eau du sieur U ssel, l’un sur la propriété de
Bouchard, l’autre entêtcde celle d'Ussel. llssont indiqués vers
la lettre b du plan , quoique d’une manière imparfaite.
L e premier est un déversoir construit à chaux et à sable,
pour rejeter l’eau dans le ruisseau lorsqu’elle s’introduit
dans la rase, et qu’on ne veut pas la mettre dans le pré.
Le second est un massif de maçonnerie angulaire, considé
rable, que le plan n’indique pas du tout, qui a le double
objet de préserver la berge supérieure du pré d’être entamée
par les eaux, sur les deux faces, et de ménager une ouverture
pour y recevoir celles qii’on destine à l’arrosement, et aux
autres besoins de la maison Ussel. Celle construction existe
de tous temps et ancienneté, et l’ouverture, faisant acqueduc
dans toute l’ épaisseur de ce massif, à été réglée de manière
à ne laisser pénétrer l’eau que jusqu’à concurrence de ce qui
est nécessaire. E lle a 20 à 21 pouces de large, elle est recou
verte d’un liundar, et ne peut jamais absorber l’eau de la
rivière. M. Ussel n’a jamais eu, d’ailleurs, aucun intérêt à l ’y
déverser tout entière, pour inonder son pré plutôt que pour
l ’arrofer. 11 suffit, au surplus, pour s’assurer que cela est
impossible, de considérer les proportions de la petite rase
d irrigation et de l’acqueduc couvert, établi dans le massif, avec
celles du lit de rivière ,etla quantité d’eau qui y coule habituel
lement. Tel est, au surplus , l’état de cette construction ,
établie dans les temps anciens au profit de celui qui y
avait droit. 11 ne faut pas s’étonner qu’après avoir réglé,
par la dimension des ouvertures, l’ usage de la prise d ’eau,
on n’y ajoutât aucune limite de temps. 11 était assez diffi
cile aux propriétaires inférieurs de l’exiger , pas même
au siôur Duvternin, propriétairc'du n° 72 , pour lequel, comme
riverain , il pouvait prétendre'à l’usage de l’ea u ; aucun
autre ne pouvait opposer au sieur Ussel un droit personnel
qui put devenir prohibitif du sien, ni prétendre aucune es
pèce de servitude sur la propriété Ussel.
�( 11 )
E t aussi les épouxChandezon ne craignent-ils pas d’altesfcr
que jamais, et dans aucun temps, personne n’a exercé de ser
vitudes de passage ni autres sur leur propriété, et qu’on ne
s’est jamais permis en plein jour, ou quand on pouvait J e voir,
d’aller loucher aux pierres de sa prise d’eau.
}
Nous devons donner ici une explication sur la situation
topographique du pré du sieur Ussel.Sa pente est, en général,
de l’ouest à l’est, puis du nord au sud. Une très-petite partie
a cependant son versant du midi au nord ; c’est la partie
qui joint immédiatement le chemin qui est marqué sur le
plan à cet aspect. Les lignes vertes, qui indiquent les rigoles
d’irrigation , témoignent que la majeure partie des eaux tend à
se jeter vers les points i et k , où elles tombent immédiate
ment dans la r a s e K , m. Quoique celte rase ait été établie
d’ une manière plus fixe en l’an I X , depuis le point e , il n’ exis
tait pas moins auparavant une rase d ’écoulement, se dirigeant
du point K vers le point m , ou a peu p r è s , et déversant natu
rellement une partie «les eaux du pré Ussel dans la rivière.
Nous mêlions en fail que la presque totalité du pré a son
versant de ce coté i , K , et qu’avant l’an I X , la majeure
partie de l’eau retombait dans la Monnc.
Qu’on ne dise pas que cela élait impossible par la disposi
tion des lieux. On pourrait le conclure de ce qui est dit au
mémoire des appelans; maison y donne une notice fort peu
exacte des niveaux, et, au surplus, nous donnerons là-dessus,
qand il en sera te m p s, des explications suffisantes.
Nous devons remarquer ici que le sieur Ussel était pro
priétaire de la totalité de cette p rairie, de toute antiquité,
si on en excepte la porlion marquée par la lettre J ,
laquelle appartenait à B allet, et n ’a été acquise qu’en 180g;
mais celte porlion de pré recevait aussi l’airoscmcrit, quoi
qu’elle ne joignît pas le ruisseau. Près du chemin , à l’aspecl boréal, la crête du pré Chanuêzon déversait, et déverse
t
¿à
• i
•
*
�encore une petite portion de l’ eau sur la gauche; mais elle
était nécessaire à l’arrosement du pré n° 3 14 » appartenant à
François F a b re , et on l’y appliquait, quoique ce pré ne bor
dât pas le cours d ’eau ; en fin, une petite partie de l’eau se
perdait sur le chemin.
11 faut faire ici une remarque importante. Ce n’est pas seu
lement pour son pré que le sieur Ussel avait besoin d ’eau ,
mais encore pour les autres usages de sa maison. Un abreuvoir
pour les bestiaux était établi de toute ancienneté au pied de
ses bàtimens ; il était alimenté par un filet d’eau qui aurait pu
être ramené de là au point k , mais qui avait été destiné de
tout temps à l’entretien dn routoir D , appartenant au sieur
Monestier , et qui y était conduit par un agage. Tout cela se
retrouvera dans un acte de l’an IX , qui est important à la cause.
Tel est l’état de la propriété du sieur Ussel. Nous devons,
pour achever cette description , parler des propriétés infé
rieures.
A la suite du pré Ussel se trouve celui du sieur C isterne,
ce pré triangulaire, qui est marqué par le n° 72. Au-delà du
chemin, et sans autre intermédiaire, se trouve aux n°‘ 320 et
321 une vaste prairie appelée Pré-Clos , qui lui appartient
encore. Constamment, comme riverain, il avait droit, d'irrigation
pour la première; pour la seconde , ce pouvait être une ques
tion , puisqu’il ne pouvait ni prendre l’eau à son passage, ni
la rendre à son cours, au moins dans sa presque totalité. La
pente du terrain la conduit dans la Veyre, cl rie permet pas de
la ramener dans la Monne. Or, une prise d’eau fut aussi établiepourlesieur Duvernin; et, pour celle-là comme pour les autres,
011 trouva plus facile de la prolonger, sur la partie de la rivière
qui bordait la propriété de Cliandezon, par un barrage on
pierre semblable aux précédons, et un massif de maçonnerie
qui s’avance sur la propriété Cliandezon, et qui a été fait plus
tard. Ce glacis ayant été emporté ou dégradé ( cl il l’a élé plu-
�•
-
-
<
03)
-
r
,
sieurs f o i s ) , il a été-fait une convention à ce sujet entre les
époux Chandezon et l e sieur Cisterne. C ’est la seule conven
tion q u ’i l s aient faite pour celte prise d ’eau. Toute supposi
tion d’un traité secret pour la cause actuelle serait une calomnie.
Ici nous devons remarquer que quoique le Pré Clos ( n°'
320, 3a i ) ne pût prendre l’eau qu’à travers le chemin pu
b lic, qu’il ne pût pas la rendre à son cou rs, et la rejetât,
en presque totalité, dans la Veyre, elle lui avait été attribuée
comme aux autres, sans préjudice des droits que la loi
accordait aux propriétaires riverains supérieurs, et qu’on ne
pouvait pas s’empêcher de respecter. Aussi, à l’entrée du pré
ii° rj2 ( au point Q, l’eau est appliquée à l’arrosement de ce
pré par des saignées faites sur la rase principale qui se dirige
au point K, pour arroser le Pré-Clos.
Observons encore que s i, avec ce mode d’arrosement, le
sieur Duvcrnin , auteur de Cisterne, eût vu absorber l’eau par
le sieur Chandezon , il n’eût pas manqué de s’en plaindre
pour le pré n* 72; car, dans loules les suppositions possibles ,
elle était perdue pour lu i, puisqu’après avoir arrosé le pré
U s s c l, elle ne pouvait retomber dans le cours ordinaire
qu’ en suivant la rase d’écoulement depuis le point k , sans
profiter à son pré. O r , conçoit-on qu’il puisse êlre vrai
(pie le sieur Chandezon absorbe l’eau , et que le sieur
Cisterne, propriétaire plus riche et plus puissant que lui,
ne s’y oppose pas? qu’ il n’ait jam ais'fait entendre à ce
sujet la moindre plainte ? Aussi n’ esl-il pas vrai que le sieur
Chandezon retienne l’eau et en prive les propriétaires infé
rieurs. Nous verrons plus tard que le sieur Cisterne n’est pas
le seul à le reconnaître. Nous en trouverons l ’a v e u formel
consigné dans les écrits du procès par les propriétaires les
plus notables du village de iTallcnde, intéressés cependant à
se plaindre s’ il en était autrem ent, puisque leurs prairies sont
inférieures sur le même cours d ’eau.
�A la suite du Pré-Clos , entre ce pré et le chemin qui est
plus b a s, au levant, se trouvent d’autres prés appartcnans à
divers propriétaires. Ils ne joignent pas la rivière, si ce n’est
les n°* 3/j9 et 355 , et n’ont de moyen d’arroseirient que par la
prise d’eau du sieur Cisterne. A - t - e l l e été établie pour eux
comme pour lui Les époux Chandezon n’ont pas à s’im m is
cer dans cette question. 11 paraît qu’ils le prétendent , sans
former cependant aucune demande contre le sieur Cisterne ;
et celui-ci paraît disposé à leur en contester le droit comme
l’usage ; mais toujours est-il permis aux époux Chandezon de
trouver extraordinaire que, sans aucun droit personnel, autre
que celui qui dériverait de la prise d’eau du sieur Cisterne, s’il
existe , ils veuillent avoir plus de droits que lui. Quelques-uns
de ces propriétaires, en effet, ont figuré parmi les demandeurs,
douze sur trente-neuf.
E n fin , à la suite du chemin que nous venons d’indiquer, se
trouvent, d’une p a rt, les prés d’entre les eaux qui sont direc
tement au-dessous, et ceux des Bazeaux, qui s’étendent sur la
rive droite de la rivière jusqu’à la rencontre des chemins, qui
s’opère près du confluent de la Monne et de la Veyre. Ces
deux prairies, ni aucune des'parcelles qui les composent, ne
peuvent user de l’eau à son passage. Toutes sont plus élevées
que le courant. Elles n’avaient donc dans aucun temps ni le
droit de l’exiger, ni celui de prohiber aux propriétaires supé
rieurs le droit de s ’e n s e r v ir ; car la prohibition suppose que,
par l’usage de l’eau , le propriétaire supérieur nuit à des droits
positifs qui sont dévolus par la loi aux propriétaires inférieurs.
Au reste, la localité atteste le soin qui fut pris dans ces temps
anciens pour utiliser, au profit de tous les prés qui font partie
de ces deux territoires, des eaux qu’ils ne pouvaient pas exiger
par un droit qui leur lut propre, mais auquel ils pouvaient
être appelés à participer dans une distribution générale , alors
qu’elles e'taient abandonnées. C’ était là , nous le répétons , une
�(i5)
bonne mesure d'administration , ou la subite d’un bon esprit
d'intelligence entre propriétaires ; mais cela ne pouvait pas
devenir un droit négatif de facultés accordées aux propriétaires
supérieurs par la position de leurs fonds.
Aussi ne voit-on plus une prise d’eau pour chaque proprié
taire , mais une prise d’eau unique pour tous, dans chaque
territoire ; et là commencent des travaux q u i, en distribuant
l’eau suivant le besoin de chacun , dénotent des servitudes
établies pour le besoin des uns sur les autres ,. tandis qu’il n’y
en a aucune d’établie à leur profit sur les propriétés supé.
rieures.
On voit au point n la prise d’eau des prés d’entre les eaux.
Une rase les reçoit au moyen de quelques pierres prises
dans le lit de la rivière, et qui font un barrage semblable
aux précédons. Cette rase se prolonge jusqu’au fond des prés
de celle région. Chacun, pour aller chercher l’eau , est obligé
de traverser les prés des voisins jusqu’à la prise d’eau , si elle
n’arrive pas , et personne n’a le droit de s’ en plaindre, ni de
remonter plus haut que le point 1\ ; On voit , sur un grand
nombre de ces prés, les ouvrages de distribution , et spécia
lement des rases d’écoulement qui foutes conduisent dans la
y ? y re tous les égoiits de l’arroscment. Or, ces propriétaires
ne se plaignent pas , les uns contre les autres , de ce qu’ils.ne
rendent pas l’eau à son cours, et la jettent dans un autre
ruisseau à la sortie de leurs fonds. Pourquoi? parce qu’aucun
d ’eux ne prend l’eau en vertu d’un droit person n el, -mais
seulement en vertu d’ une opération d ’équité réclamée par
l’utilité publique, qui.leur a procuré de l’eau qu’ils n’avaient
pas droit d’exiger; qui la leur a accordée, non en telle quan
tité , mais pour ce qui pourrait leur arriver, et cela , quoi
qu’ils ne pussent pas la rendre aux propriétaires inférieurs.
Comment donc auraient-ils , ensemble , le droit de se plaindre
contre les propriétaires supérieurs ? Est-ce que cette distribu-,
�(i6)
tion raisonnable de l’eau , ce règlement écrit sur la pierre, et
duquel seul ilsliennent leurs droits , ne doit pas être respecté
dans toutes ses parties, et exécuté comme il l’a toujours été ?
est-ce qu’ils peuvent l’amplifier à leur profit, et grever les au
tres d obligations et de servitudes qui n’ont jamais pesé sur
eux, et qui ne leur sont imposées ni par la loi ni par la
convention? Où donc pourraient-ils en puiser ledroit ?
En ce qui concerne le territoire des Bazeaux, tous les pro
priétaires de ces prés sont encore réduits à une prise d ’eau
unique et commune à tous. On la voit tracée au point U.
11 n’y a pas de jour marqué pour ces. deux prises d’eau ;
elles la reçoivent journellement l’une et l’autre, ce qui prouve
très-bien qu’il y a ordinairement de l’eau pour chacune, e t ,
à plus forte raison , que les époux Cliandézon n’empêchent
pas l’eau d’arriver.
D ’ailleurs, les prés des Bazeaux ne rendent pas non plus l’eau
danslaMonne. Après les avoir arrosés, elle va tomber dans les
prairies de Monton.
Après avoir ainsi tracé l’état où la localité a été mise depuis
les temps anciens, nous devons parler d ’une manière plus
spéciale de ce qui s’est passé d epu is, et de divers changemens
q u elle a subis.
Chacun avait joui tranquillement, lorsqu’en Pan IX l’admi
nistration communale , provoquée p a r les propriétaires intéres
sés, voulut apporter quelques améliorations à l'arrosement
des prés des Bazeaux. Ce mot Bazeaux comprenait tout le ter
ritoire au chemin Æ, quoiqu'une partie soit désignée plus
spécialement par cet autre mot : Entre les eaucc. La mairie vou
lut diriger vers ces prés des eaux dont ils n’avaient pas joui
jusqu’a lo rs, et elle le faisait sur la demande de ces propriétaires
inférieurs. Quoique bien éclairés sur leurs droits, et certes,
il y avait dans le nombre beauboup d’hommes riches et ins
truits , ils ne demandèrent pas contre le sieur Ussel qu’il fût
�( *7 )
condamné à ne point se servir des eaux, ou à remettre dans
ta Monne celles qu’il n’y rendait ipas ; ils demandèrent à l'ad
ministration de les aider à recueillir ces eau x, et à les y recon
duire (i leurs frais. L ’administration communale voulut bien
leur prêter son secours.
Toutefois, l’administration avait des précautions à prendre
à L’égard des droits acquis. Il en était de deux sortes :
i° Ceux des propriétaires supérieurs qui avaient leurs prises
‘d’eau particulières dont ils avaient joui à titre de droit et sans
trouble', suivant l’ usage observe de tout temps;
a0 Ceux des propriétaires inférieurs, spécialement de la
prairie de Monton.
A cet égard, il faut observer que la prairie de Monton est si
tuée sur la gauche, et qu’elle est arrosée par la Veyre. On voit
sa prise d’eau sur le plan à la lettre ! . uOr, en recueillant, p o u r A
les jeter dans la Monne, une partie des eaux qui jusque là
étaient tombées dans la V ey re , on pouvait faire préjudice à
l ’arrosement de celle prairie. Tallende est une section de la
commune de Monton. On pensera bien que l’administration
communale dut y porter son attention. Tous ces intérêts
furent l’objet d’un arrêté du 18 brumaire an I X , qui est fort
important en la cause.
Les appelans énoncent cet arrêté, ou un aulrc du 19 ; ils en
p a r l e n t , c o m m e d ’une chose purement acciden
telle, et qui demeure sans intérêt. Cela n’étonne qu’à d e m i ,
quand.on voit, dans leur dossier, que les appelans n’ont fait
connaître à leur défenseur que l’arrêté d’exécution du 19 bru
maire , et leur ont dissimulé celui du 1 8 , qui contient t o u t e s
les dispositions essentielles.
Remarquons ici que l’arrêté était pris -par le maire et l ’ad
joint de Monton , les sieurs Marnat-Courbayrc el L u zu y, qui,
mieux que personne, pouvaient connaître les règlemens exé
cutés jusqu’alors , o u , au m oins, le mode constant d’cxécu-'
�l( *8 )
iion. Personne, au surplus > n’était plus intéresse à le leur
iairc connaître, s’ils l’eussent ignoré, que les propriétaires des
prés des Bazeaux.
Après, avoir visé la demande de ces propriétaires , et déc laré
qu’ils se sont procuré les renseigneinens les plus précis , les
maire et adjoint arrêtent :
i° Qu’il sera dressé un devis estimatif des constructions et
réparations à faire pour faciliter l’irrigation de la partie de prai
rie connue sous le nom des Bazeaux ;
» 2° Les réparations seront faites de manière à ce qu’elles ne
» n u i s e n t e n a u c u n e m a n i è r e , aux propriétaires riverains su» périeurs ou inférieurs , et à ce qu’elles ne diminuent pas trop
» sensiblement la masse d’eau qui sert à la prairie de Monton ;
» 3° Que le montant de l ’adjudication sera réparti entre
« tous les citoyens qui possèdent des prés dans la partie de
»territoire qu’il s’agit de faire arroser, proportionnellemenl
» à l’étendue de leur terrain. »
Ici tout est remarquable.
On s’occupe de diriger vers les Bazeaux une plus grandequantité d’eau. On sait que ce sont les sources de Sarzeix, vers
la lettre e ; et l’arrêté d’exécution du ig indique plus spéciale
ment l’eau qui sort du routoir de Moncstier , et celle qui sort
du pré Ussel. Ainsi l’objet principal de cette opération adm i
nistrative est d’en faire profiler les Bazeaux, et de faire, pour
cela, les travaux nécessaires ; mais qui donc doit faire les frais
de cette direction nouvelle donnée aux eaux qui sortent du pré
Ussel Estrce le sieur U s s e l, par suite de ce qu’un proprié
taire ne peut se ¡servir de l’eau qu’à la charge de la rendre h
son cours ordinaire? Non. Ce sont les propriétaires à qui on
yeut la fairç profiter. Donc on reconnaît ’les droits du sieur
Ussel par la position de son héritage, et les règlcinens anciens;
et.ce,n’est pas seulement l’administration communale, agissant,
dans l’intérêt général , |Ce sont encore les propriétaires des
�( i9)
Bazeaux qui les reconnaissent ; car c’est sur leur demande que
tout cela se fait.
On va plus loin : on reconnaît qu’on ne peut ni ne doit
nuire* EN a u c u n e m a n i è r e aux propriétaires riverains supérieurs
f ies sieurs Ussel et Cisterne), et a u x inférieurs (François
Fabre et autres) ; et quant à la prairie de Monton , on se borne
à dire qu’il ne faut pas diminuer trop sensiblement sa prise
d’eau, en dérivant une partie de celles qui tombaient jusque-là
dans la Veyre.
On reconnaît donc, chez les propriétaires supérieurs, le
droit de jouir comme ils jouissaient, et aux propriétaires de
la prairie de Monton, le droit un peu moins positif de pro
fiter des eaux qui leur étaient parvenues jusqu’alors ; cela
semble de touti^ évidence. La direction de l’eau et sa distri
bution entre les prés des Bazeaux demeuraient donc t o u t - à fait étrangères au sieur Ussel. Les propriétaires intéressés qui
avaient présenté la pétition, n’avaient rien réclamé contre lui
ni contre le sieur Duvernirt, parce qu’ils savaient bien ne pas
en avoir le droit.
L ’arrêté d ’exécution a bien aussi son importance.
Après avoir désigné le mur à construire e , f , destiné à
retenir les eaux qui viennent de l ’enclos Monestier , le pont
qui devra, pour les recevoir, couvrir le chemin de St-Am ant,
le mur qui devra être construit pour former, avec celui du pré
Chandezon, le canal de conduite ju sq u 'à la rase qui le sépare
d ’avec le p réB allet \cn I), on indique la construction d’un autre
pont en face de cette rase ; on prévoit le cas où le niveau de
pente à observer forcerait à descendre plus bas que le mur du
Pré-Clos, et on charge l’adjudicataire de reprendre ce m ur,
de refaire le pont qui sert d’entrée au Pré-Clos, s’il n’a pas
une ouverture Suffisante pour recevoir cette augmentation
d’ eau , et oh oblige l’adjudicataire à établir le fossé d’écoulèinent k, l , m, de manière à ce que l’eau puisse coiiler rapidement.
3.
�Sans doute, on n’avait pas fait tout cela sans avoir calculé les
possibilités, en prenant un niveau de pente; et l’entrepreneur,
qui s’obligeait à faire couler l’ eau rapidem ent , devait être
assuré que la disposition de la localité lui permettait de le
promettre. Il nesetrompait pas, non plus que l’administration,
qui, sans doute, avait pris scs précautions là-dessus. Nous dé
clarons à la Cour que, d’après un nivellement régulier, il y a
i/i pieds de pente du point E au point m , et qu’il n ’y a d’obs
tacle à vaincre q u ’une contrepente de 3 pieds 6 pouces du
point e au point h , qui exige un léger remblai, ou un canal as
sez profond pour retenir l’eau. Sauf à y revenir, nous passons
outre sur cette observation, pour ne pas interrompre la suite
de l’arrêté. L ’article 7 est remarquable. Il porte :
« L ’adjudicataire sera tenu de construire un autre pont
» sous lequel passera l'eau qui arrose le Pré-Clos. II pratiquera,
j) de plus, une rase destinée à faire arroser les prés de Fran» çois Faire. »
Ce pont, pour le Pré-Clos , couvre sur le chemin la rase
d’irrigation au point K, puis cette rase venant à rencontrer le
canal dont l’arrêté porte adjudication , le pont se continue sur
le canal par un aqueduc qui introduit l’eau dans le Pré-Clos.
On établit là complètement le droit d’irrigation du sieur
Duvernin, non-seulement pour son pré supérieur que tra
verse la rase q k , mais, encore pour le P r é - C l o s , quoiqu’il
ne puisse pas prendre l’eau de la Monne à son passage; on
reconnaît que, soit par le droit, soit par suite de l’usage, évi
demment fondé sur un règlement, ancien, les propriétaires
des prés inférieurs ne peuvent pas exiger qu’il remette l ’eau
dans son cours après avoir arrosé le.pré supérieur, quoique
rien ne fut plus facile en la laissant tomber dans le# nouveau
canal, aux points k n . A u lieu de cela, 011 ordonne la cons
truction d’un pont sous le chemin, et d’un pont aqueduc pour
introduire les eaux dans le P r é - C l o s , quoiqu’après l’avoir
�(21)
arrosé, elles retombent dans la V e y re , et qu’on ne puisse pas
la reconduire à la Monne par des travaux , comme celle qui
sort du pré Usscl. A in s i, quand ces propriétaires inférieurs
peuvent reprendre l’eau , ils le font à leurs frais ; quand ils ne
le peuvent pas, ils la laissent, et elle demeure perdue pour eux.
Pourquoi cela ? parce q u e , dépourvus de tout droit tiré
de la position de leurs héritages , ne pouvant ni prendre
l ’eau à son passage, ni la rendre à son cou rs, il sentent qu’ils
n’ont aucun droit d ’investigation contre l’usage Tes proprié
taires de prés supérieurs ; et ils font consacrer ce droit par
l ’administration communale, parce qu’ils reconnaissent n’avoir
d’autre faculté que celle qui peut résulter de ses règlemens
sur les eaux que ne prennent ou n’absorbent pas les proprié«
taires supérieurs.
Allons plus loin encore: on voit lë soin que prennent soit
les pétitionnaires , soit l’administration , quant aux droits
despropriétaires supérieurs. Quoiqu’on n’ait parlé que des pro
priétaires riverains, dont le drpit est incontestable, on oblige
l’adjudicataire à faire une rase pour l’arroscment du pré de
François Fabre ( n° 3 1 4 ) » cjui assurément est fort éloigne de
la Monne, et ne peut pas y rendre l’eau. Il arrosait autrefois
au moyen de la portion des eaux q u i, en sortant de l’enclos
U ssel, se jetaient sur le chemin. Ces eaux étant interceptées
par ces nouveaux ouvrages, on veut conserver à Fabre le droit
dont il avait usé, cl on oblige l’adjudicataire à faire une rase
pour lui. Cette rase existe sur le Pré-Clos. On la voit indiquée
au plan , et M. Cistcrne la souffre.
Avant d’aller plus loin, nous devons , comme nous l’avons
annoncé ,.nous expliquer un peu plus sur les niveaux de pente
de celte partie du terrain. A entendre les appelans, l’établis
sement de la rase K M était une folie. Au lieu d’avoir une pente
suffisante pour l'écoulement, on trouvait du point g au point
K une sur-élévation de plus de huils p ied s, qui rendait ce canal
�(22)
tout-à-fait insignifiant. Si cela était, ils ne pourraient s’en prendre
qu’à eux-mêmes qui l’ont provoqué, et non au sieur Ussel, qui
n ’y avait pas le moindre intérêt, et qui ne l’a pas demandé.
Mais serait-il donc vrai que, soit les propriétaires qui l’avaient
demandé, soit l ’administration qui l’avait ordonné, soit l’en
trepreneur qui l’avait exécuté, en s’engageant à faire couler l’eau
rapidem ent , n’avaient conçu qu’une absurde rêverie? Trente
ans d’une exécution facile et complète répondent d’avance à
cette argumentation ; mais nous pouvons aussi y répondre avec
la localité.
r
Il est bien vrai q u e , dans l’état actuel, la partie la plus basse
du chemin est le point g ; que la partie la plus élevée est le
point j , en face du chemin tracé sur le Pré-Clos, et que ce
point j a six pieds d’élévation sur le point g , ce qui n’empêche
pas que du point e au point j , il n’y ait que 3 p. 6 po. de conIrepcntc, comme nous l’avons dit ; mais cela ne fait pas obstacle
à l’écoulement des eaux.
Avant l’arrcté de l ’an IX , les lieux n’étaient pas ce qu’ils sont
aujourd’hui. L e chemin n’avait pas les mêmes niveaux aux
points que nous venons d’indiquer. Le grand pont qui est sur
laM onne,au bas dupréCisterne, n’existaitpas, el, comme nous
l’avons dit, la majeure partie de l’eau du pré Ussel tombant
vers les points i et k allait se rejeter dans la Monne , à une
certaine distance, par la pente naturelle du terrain.
L ’établissement du canal, e t, bientôt après, celui du grand
pont sur la M o n n e, apportèrent des changemens notables à
cette partie du chcpiin. L e canal devant être creusé assez pro
fond en certains endroits , tous les gravois et déblais furent
rejetés sur le chem in, qui fut surhaussé d’autant. Il fallut
d’ailleurs, bientôt après, pour rendre faciles les abords du
pont, les surhausser encore dans toute cette partie ; mais cela
n’ empêcha pas l'établissement ni Futilité du canal, qui a rem
pli son objet pendant fort long-temps; et, de même, cette con-
�0 3 )
trepente, qui s’applique uniquement au rliemin, n’empêche pas
qu’après l’avoir traversé par le canal établi en l’an I X , l’eau ne
trouve son écoulement par la pente naturelle du ferraïn de k
en >ï .
Ici nous devons dire un mot de ce qui p'est passé en 1822.
Depuis vingt-un ans, le canal avait rempli son objet; cependant
il était un peu engorgé, à défaut d’entretien , comme tout ce
qui est commun à une assez grande masse d’hommes. M. Reynaud , curé de Tallende, provoqua le nettoiement de la part
des intéressés. Comme d’ordinaire, il trouva, surtout chez les
cultivateurs, la réponsede l’insouciance et la résistance de l ’iner
tie. Cependant-quelques propriétaires notables l’aidèrent, et il
y parvint ; l’ eau coula rapidement dans le canal. Plusieurs fois
le sieur Raynaud a fait opérer ce nettoiement avant ou après
1822; mais n’étant presque aidé de personne, et les irais, qu’on
ne lui rendait pas, et q ue, comme curé, il ne voulait pas exi
ger légalement, n’étant plus en proportion avec l’intérêt privé
qu’il pouvait y avoir, il a fini par y renoncer. Au surplus, et
en i 83 o , une crue considérable ravagea l’enclos U ssel, ren
versa une partie des murs au long du canal, et y déposa des
sables et graviers qui formèrent encombrement. Il était tout
naturel qu’il ne voulût pas sc charger de ce nettoiement d e
venu plus considérable.
Ce fut encore en l’ année 1822 que tous les intéresses voulu
rent procéder entre eux. h un partage d’eau par quotité de
temps. Ils en chargèrent le’ sicur C h o u vy , expert des Martres
de Veyre. Y appelèrent-ils le sïeur Ussel, le sieur Cisterne ?
N on, certes , il n’y avait rien à régler de ces deux propriétaires
à eux , mais seulement entre e u x , comme propriétaires des
prés in férieurs, sur des eaux qui étaient, pour eux, purement
accidentelles.
Ce règlement est dans les mains du sieur Chandezon , qui
l’a attaché à son dossier. Comment l’a-t-il ? comme adjoint ? î l
�( *4 )
ne le nie pas et n’a pas besoin de s’en défendre ; niais en a-til abusé en refusant de le remettre ? c ’est toute autre chose.
Cette assertion n’ est qu’une fausseté. Ce règlement lui fut re
mis par le curé R eynaud, en 1827 , afin qu’il usai de son in
fluence pour engager tous les propriétaires intérressés, qu’il lui
faisait connaître , à conco.urir au rccurement du canal ; il l’es
saya , et 11e fut pas plus heureux que le sieur Reynand. On lui
répondit que cela n’entrait pas dans ses attributions, et il dut
se taire. Depuis ce temps, il n’a pas refusé de rendre ce règle
ment signé du sieur Chouvy. Le sieur R eynaud ne le lui a pas
redemandé, et il est prêt à le lui remettre. S ’il le montre, il
n’en abuse pas, et il y trouve le témoignage q u ’il n’est ni in
téressé ni obligé au partage que ses adversaires peuvent faire
entre eux des eaux qui leur arrivent.
L ’intérêt de cette cause est donc dans cette question de net
toiement et entretien de ce canal, ou, pour mieux dire , dans
les frais qu’il peut occasioner; car de quel droit les proprié
taires inférieurs , non riverains surtout , et ne pouvant ni
prendre l’eau à son passage , ni la rendre à son cours, vien
draient-ils en contester au sieur Cha&lezon l ’usage, quel qu’il
f û t , s’il'la leur transmettait à la sortie de son fonds ? Comment
d o n c , au lieu de nettoyer la rase , ce qui était si facile et si peu
coûteux , ont-ils jugé convenable d’ouvrir une lutte judiciaire?
Et quel procès ont-ils intenté? quels en ont été les moteurs?
par quels moyens y sont-ils parvenus? c’est ce qui nous reste
à examiner.
Le besoin d’arrosement, celui de réprim er des entreprises
usurpatrices, n’ont pasélé le principede cette action. La preuve
en est, que plus des trois quarls des intéressés refusent d’y
prêter leur appui. Mais deux ou trois hommes avaient éprouvé
quelques mécomptes. Ils en accusaient, fort mal à propos’, le
sieur Chandezon, et lui tenaient rancune. Ils n’ont vu rien de
mieux que de lui faire un procès.
�(25)
Il eût été par trop choquant de le faire avec trois ou quatre
noms, inscrits dans les qualitésde lademande, sisonores qu'on
pût les supposer. Il fallait former une masse compacte pour
s’appuyer d’une apparence d’intérêt général. Un acte sous seingprivé fut dressé à l’avance et colporté à domicile, pour obtenir
des signatures et s’assurer que, quel que fût l'événement,'
les inventeurs de ce projet n’auraient qu’ une mince quotepart
de dépens à supporter.
Qui mieux que Jean-Antoine Martin pouvait remplir ce
ministère ? On sait assez l’influence que peut prendre , dans
son canton , un greffier de juge de paix. Malgré tout cela, et le
puissant appui de M. Maugue-Cliampflour, et en faisant signer
des enfans pour leurs parens, on n’a pu réunir pendant six
mois de sollicilation que 5 i signatures sur plus de 200 pro^
priétaircs qui auraient été intéressés. L ’acte est daté du 25
juillet i 832 , mais n ’a pu être signé qu’à la longue, et après
beaucoup de courses dans les villages environuans. Les sieurs
Martin et Raynaud-Marlin y sont nommés commissaires, et le
11 mars i 833 , le sieur Martin, greffier, a ouvert la tranchée en
son nom personnel. C’était être fort conséquent avec soimême.
Cette assignation est donnée au sieur Ussel et aux sieur et
dame Chandezon , et on leur accole huit propriétaires notables
de Tallende, qu’on choisit, sans qu’on sache pourquoi,
parmi ceux qui auraient eu le mêmeintérêt que le sieur Martin.
Ce sont les sieurs Bohat le Grenadier, Bohat-Lamy , gendre
de M. Lam y , juge d’instruction ; Boh at-T ixier, Laurent,
Pierre et François T ix ie r , Ballet-Belloste , et les sieur et dame
Creuzet. E n demandant, contre tous, un règlement d’eau pro
modo ju g eru m , Martin dirige toutes ses plaintes contre le sieur
Chandezon, qui, en i 832 notam m ent , a disposé des eaux
comme d ’une propriété exclusive, en les tenant continuellement
détournées de leur lit....,., dans lequel elles ne rentraient p lu s ,
4
�( 26)
p a r la disposition des lieux. C ’est au sieur Chandczon seul
qu’on paraît en vouloir.
Le i " avril suivant, pareille assignation est donnée au sieur
Cisterne-Delorme.
L e l o i n a i , 49 adhérens ( les signataires) interviennent au
procès, copiant mot-à-mot, dans une requête, l’ exploit du
greffier Martin. Se disant propriétaires de prés situes sur Fune
et l'autre rive de la M onne , ijs s’en approprient les conclusions,
et la cause se lie avec six avoués, en l’absence du plus grand
nombre des intéressés, sans lesquels on prétend faire ordonner
un partage d’eau sous le nom de règlement.
'Après avoirconstitué un a vo u é, les défendeurs ont, succes
sivement, fait signifier leurs conclusions. Nous devons remar
quer celles de MM. Bohat-Lamy et autres, qui seraient plus
intéressés que personne à obtenir justice contre le .sieur
Chandczon, s’il avait abusé de ses droits. Nous les transcri
vons telles que nous les trouvons dans le dossier des appelans, à la date du n avril 1 834 *
>
« Attendu que le sieur Chandezon n ’a ja m a is refusé Feau a u x
» défendeurs, et que, si le sieur M artin a à se plaindre de lui ,
» cela ne les regarde nullement ;
»Attendu que les défendeurs n’ont jamais entendu se refuser
» au règlement d ’eau; q u e , loin d e l à , ils le demandaient;
»> mais que ce* règlement pouvait se fa ire à Fam iable, sans
» avoir recours à la justice;
» Attendu que la contestation élevée entre les sieurs M artin
» cl Chandczon ne concerne nullement les défendeurs, qui
» n ont pas à se plaindre du m anque d'eau;
» Donner acte aux défendeurs de ce que, sur la demande
« intentée p a r le sieur Martin et autres contre le sieur Chari» dezotiy ils s’en remettent à la prudence du tribunal.
Ils n’ hésitent pas à dire que c’est une demande du sieur
Martin et autres contré Chandczon. Tout le inonde, à Tallendc,
�( 27 )
en connaissait la cause et le but réels, et aussi ne faisail-on
pas la moindre attention aux autres assignés, pas même au
sieur Cisterne, malgré l ’étendue du Pré-Clos.
Les sieur et darne Creuzet, assignés comme le sieur Lnhnt,
pour leurs prés des Bazeaux, s’ en remettent également à droit:
« Attendu que la dame Creuzet n’élève aucune difficulté sui
» le mode d irrigation qui a été suivi depuis un temps irnmémo» rial ju s q u ’il ce jo u r ; qu’elle n’entend prendre aucune part
" aux contestations élevées par le demandeur ( elle ne voit que
» Martin ) ; e t , au cas où le tribunal ordonnerait un nouveau
» règlement, elle se réserve tous ses droits et moyens.
Les autres s’en sont égalemerrt remisa droit, même le sieur
Cisterne, qui n’a vu qu’une attaque dirigée contre le sieur
Chand ezon, sans s’apercevoir, peut-être, que si la demande
était admise telle qu’ elle a été formée , il aurait bien plus à en
souffrir que le sieur Chandezon.
Toutefois, ces conclusions sont remarquables.
• Tous y reconnaissent qu’il existe un mode d'irrigation qui a
été suivi de temps im mémorial ju s q u ’à ce jo u r , et qu’il est suf
fisant ;
Que si on veut faire un autre règlement, ils y. consentent ;
mais qu'il pouvait être fa it à l'arniable ( la preuve en est dans le
i'èglement de C h o u vy , en 1822) ;
Que si Martin a .à se plaindre de Chandezon, cela ne les re
garde pas; que pour eux, ils n'ont ja m a is m anqué d'eau , et que
Chandezon ne la leur a ja m a is refusée.
E t de qui émanent ces déclarations? de propriétaires de di
vers prés épars, avec ceux des demandeurs, dans les Bazeaux
<>u entre les eaux ; de propriétaires riches et placés dans une
position indépendante.
On concevrait très-bien la possibilité de difficultés avec les
uns sans qu’elles atteignissent certains autres, si chacun avait
su prise d’eau particulière avec un droit qui lui fut propre ;
4-
�mais lorsqu’il y a une seule prise d’eau pour tous, et que cha
cun doit en profiter à son tour, suivant la position de son fonds,
comment l’eau pourrait-elle être ravie aux uns sans qu’elle le
fut aux autres? comment pourrait-elle arriver à la prise d’ eau
n ou u sans profiler indistinctement à tous? et comment sept
à huit propriétaires, dont les fonds sont parsemés sur toutes
les parties de ce téneincnt, pourraient-ils n’avoir ja m a is m an
qué d'eau, tandis qu’elle aurait manqué pour les autres ? Cela
est évidemment absurde, et laisse le moyen principal, le
moyen unique des sieurs Martin et compagnie , dans la classe
des assertions fausses, qu’on ne craint pas de hasarder pour
soutenir un procès, lorsqu’on sait que, par des moyens pris à
l ’avance , on fera supporter les dix-neuf vingtièmes des frais
par scs voisins.
O r, comme il était bien constant qu’il n’y avait drattaque
réelle que contre Chandczon , la lutte ne s’est élevée qu’avec
lui dans les plaidoiries de première instance. Martin et com
pagnie se sont abstenus de toute plainte contre l’usage de l’eau'
que lait le sieur Cisterne pour le Pré-Clos; on n’avait pas même
assigné François Fabre, à qui le sieur Cisterne la fournit; et
aussi le tribunal n’a-t-il vu et n’a-t-il jugé qu’une cause entre
les demandeurs et les époux Chandezon.
« Les sieur et dame Chandczon o nt-ils le droit d’user des
» eaux de la Monne pour l’irrigation de leur p ré -v e rg e r supé» rieur a u x prés des dem andeurs, sauf à les rendre , à leur sor» l i e , à leur cours naturel ?
» Peuvent-ils être tenus de venir à un règlement d’eau arec
» les demandeurs cl les autres défendeurs ?
»Attendu que la copropriété de la prise d’eau dont il s’agit,
» de la part des demandeurs, n’ est pas justifiée;
» Qu’e n e ffel, d’une part, il n’est rapporté aucun titre, et,
» d ’autre p a rt, il n’existe aucuns travaux sur la propriété de
» Chandczon , faits et exécutés par les propriétaires inférieurs;
�( 29 J
» Q u’ainsi, les parties restent clans les termes des articles 642
» et 644 du Code civil, et qu’il n’est point établi que Chande» zon ait excédé les droits que lui donnent ces articles ;
» L e tribunal déboute. »
Le tribunal n’aurait-il fait qu’une bévue ? nous ne le pensons
pas.
Évidemment Chandezonaunc prise d ’eau sur la rivière, et,
en tête de sa propriété , des ouvrages en maçonnerie de la plus
haute antiquité , qui n’ont été faits que pour favoriser la prise
d’eau.
Evidemment il eu avait le droit comme riverain.
évidemment encore il en a usé de tout temps comme il en
avait le droit. L ’état ancien de la localité, et les pièces du pro
cès , depuis 1 8 0 1 , le démontrent.
Évidem m ent, enfin, les demandeurs n’ ont aucune servitude
sur son terrain, aucun ouvrage qui annonce le droit de modi
fier, dans la main de Chandezon, la faculté d’user de sa prise
d’eau dans toute son étendue, comme il l*a toujours fait.
L e jugement n’ est donc pas si loin de la question. Il a d’ail
leurs jugé la cause qu’on lui plaidait ; et le changement de
système adopté sur l’appel, prouverait seulement que les de
mandeurs n’ont pu Tasseoir sur aucune idée fix e , qui eût été
néanmoins le produit nécessaire du sentiment de leur droit.
Si nous examinons, au surplus, la partie principale de ce
nouveau système, la circonstance que Chandezon ne rend pas
l’eau à son cours après s’en être s erv i, seule circonstance sur
laquelle le tribunal ne se soit pas expliqué, nous en revien
drions à dire que tout l’intérêt réside donc dans la question
de savoir sur qui doit retomber le soin d’entretenir les travaux
faits en *l’an IX pour reconduire les eaux à la rivière ; et ce
n’ était pas alors une demande au partage d ’eau qu’il fallait
soumettre à la justice. Mais nous irons plus loin que le tribu
n a l, et nous prouverons q u e , dans leur propre système, les.
appelans sont"sans qualité , sans droit et sans intérêt.
�Au reste, que s’ est-il passé depuis le jugement ?
Dabord, des désastres sur les lieux par les orages de i 835 .
Qui en a souffert ? C’est ici que les appelans en imposent à la
justice , en présentant le sieur Chandczon comme ayant su s’en
préserver. Tous ses foins perdus , une grande étendue de son
verger raviné ou ensablé par une couche très-é p a isse, une
partie des murs emportés au nord, et au long du chemin qui
vient deSt-Am and, tels sont les avantages qu’il a trouvés, en
i 835 , dans le voisinage de la Monne, qui lui a fait éprouver des
dommages évalués à 6,000 francs par les commissaires.
Dans l’intervalle, le jugement avait été signifié parles sieur
et dame Chandczon à toutes 1rs parties en cause. Elles étaient
au nombre de soixante. Trente-sept seulement en ont inter
jeté appel par trois actes différens ; vingt-trois ont approuvé
le jugement. Parmi eux sc trouvent les sieurs Cisterne, Bohat
et sept autres intéressés, qui n’avaient pas voulu sc joindre
aux demandeurs, que ceux-ci avaient assignés, et qui figuraient
comme défendeurs en première instance.Restent donc quatorze
demandeurs , qui ont renoncé à leur demande , et ont reconnu
le bien-jugé du jugement.
Encore, parmi les appelans, nous voyons figurer le nom du
sieur Reynaud, curé de Tallendc. O r, nous le disons haute
ment , M. Reynaud n’est point appelant, il n’a ni remis sa co
pie du jugement, ni donné à personne le pouvoir d ’interjeter
appel en son nom , et il ne veut pas figurer sur l’appel. S ’il
n’intervient pas pour faire rayer son nom , c’est qu’il sait bien
qu’il n’est là que pour la forme, et q u e , quoi qu’il arrive,
on ne lui demandera jamais de contribuer aux frais. Nous ne
craignons pas qu’il nous démente. Pourquoi donc son nom se
t r o u v e - t - il dans l’un des exploits d’appel? La raisrni en est
simple. La plupart des appelans sont des cultivateurs qui n’a
gissent que par l ’impulsion d’autrui, et q ui, après avoir été
condamnés une première fois, n’étaient pas disposés, sur la
�(30
foi du sieur Marlin , à continuer cc procès en cour d’appel. Or,
rien ne pouvait mieux les y décider que le nom de leur curé,
dont ils connaissent le discernement et la prudence. A u ss i, ce
nom a-t-il été ajouté en marge et par renvoi sur l’original d’appel.Le sieur Chan dezon ne peut pas le compter parmi ses ad
versaires.
Qui sont-ils, au reste, en réalité? Le mémoire imprimé
semble nous les montrer par une désignation spéciale. Quel
que pensée , sans doute, a présidé à cc choix ,
Pour le sieur Martin , greffier, le sieur Martin son frère, le
sieur Reynaud-Martin, cela va sans dire. L e premier d’entre
eux s’est assez montré pour qu’il n’y ait pas d’équivoque. Ce
n’est pas que son intérêt, et le besoin d’irrigation avec droit
de l’iiblenir, aient présidé à sa demande contre ChandczonNous'prouverons sans peine que rien de tout cela n’existe en
sa personne. Il rtc possède dans ce ténement que deux pré^.
L ’ un, de 5 ares, au n° iGoî» du cadastre, nejoint la Monnc
que par un angle à son extrémité inférieure, et ne peut ni
prendre l’eau à son passage , ni la rejeter dans son lit quand on
l ’arrose; il la rejette dans la Veyre à un poinl fort éloigné.
L ’autre , sous le n° a 5 57 , est tout à fait à l’extrémité opposée au
cours de la Monne. Pour constater q u ’il est saris droit, il nous
suffirait de lui appliquer tout ce qu’il dit dans son mémoire.
Mais nous voyons figurerparmi ces personnages M. MaugueCliampflour.
Ju sq u ’ ici son nom avait etc modestement inséré à la fin de
l’acte d’union et des exploits signifiés en la cause. Comment
donc surgit-il tout d’un coup po^r se mettre en relief en tête
d’un m ém oire, reléguant dans la qualification générale et
autres la tourbe des adhérons dont on était allé quêter les
signatures ? Serait-ce par suite de son grand intérêt ? parccqu’il
aurait une grande étendue deces vergers riverain? de la Monne,
qui sont brillans de végétation et de riches fr u i ts ? Iiélas ! non ;
�(32)
M. Maugue possède tout bonnement dans ce territoire, sous
les n0! i/(.3 o, 3 i , 3 a , 33 et 34 , une saulée d’une surface de 45
ares 'jS mètres, jeune et re'gulièrement plantée, et qui n’est
pas destinée de long-temps à devenir un pré ; une saulée fort
éloignée de la Monne , et qui ne peut en prétendre les eaux ;
qui est, au contraire, riveraine de la Veyre, et ne pourrait qu’y
rejeter les eaux de la M o n n e , si elle les recevait. S e rait-c e
parce que ce nom ne doit pas rester dans l’oubli partout ou
il se trouve? Il ne nous appartient pas de dire le contraire;
mais ce ne peut avoir é t é ie motif de personne. Serait-ce donc
la grande part qu’il a prise dans ce p ro cès, qui l’aurait fait
considérer comme un des principaux intéressés? Cela est pour
le moins vraisemblable. Mais d’où lui vient donc ce grand
zèle, s’il ne sort ni de son intérêt ni de son droit? Il y a donc
quelque motif secret qui le porte à se mettre en peinè^pour
amener le succès? Ilélas! oui. Le sieur Cliandezon ne peut ni
fig n o re rn i s’y méprendre. Il connaît la cause de la lutte qu’il
est obligé de soutenir, et il lui suffit de pouvoir se rendre té
moignage qu’il n’a rien fait pour la p ro v o q u e r, moins encore
pour faire préjudice à ses voisins.
Après avoir ainsi fait connaître les faits et la procédure, la
discussion peut être simplifiée.
Les appelans ne veulent pas reconnaître aux épou x Cliandezon d’autre droit que celui qui résulte de l’article 644 î e*
ils étalent tout le luxe de l’érudition, pour prouver qu’il ne
peut avoir aucun droit an préjudice des propriétés inférieures;
i° Parce qu’il ne peut pas prendre l’eau à son passage, sur sa
propriété même ;
2* Parce qu’il ne peut pas la rendre, à la sortie de son fonds,
à son cours ordinaire ;
Parce que, dans tous les cas, il ne pourrait en user que
pour la partie de pré qui borde le ruisseau, et non pour des
�(33)
parties inférieures, que les appelans considèrent comme n'é
tant plus riveraines. Ils se plaignent aussi de ce qu’il en use
pour la pièce d’eau de son jardin.
Toutefois, la négation de toute espèce de droit, qui résulte
rait de ces trois propositions, leur paraissant trop absolue, ils
se bornent à demander un partage d’eau sous la modeste qua
lification de règlement.
• Ils fondent leur droit soit sur l’art. 644 » s° it sur l’art. 645
du Code civil.
E n abordant la cause sous ce rapport, et abstraction faite
des autres moyens qui constatent le droit des époux Chande
zon, nous dirions aux appelans : M cdice,cnra teipsum, «V euil
lez, messieurs, vous regarder Yous-mêmes, et, avant de jeter
la pierre à autrui, vpyez si tout ce que vous avez dit n’ est pas
négatif de vos droits et exclusif de votre demande. » Cela nous
conduit à examiner tout d’abord la qualité et la position de nos
adversaires. Ce n’ est pas tout, en effet, que de former une
demande et de dire à un homme q u ’on trouve en possession:
«V ous outrepassez les facultés que vous donne la lo i; vbus
èfes en élat flagrant d’usurpation. » L ’usurpation ne peut
exister que lorsque le fait qui la caractérise porte atteinte
aux droits d’autrui. Le propriétaire qui possède n’est pas
usurpateur, si un autre ne prouve que la propriété lui apparlient ; et celui qui use d’ une eau courante à son passage, et
même en la prenant au-dessus de sa propriété, par convention
avec le propriétaire supérieur, n’usurpe le droit de personne,
si personne ne peut dire que la loi, ou un titre quelconque,
lui donne sur ce cours d’eau un droit positif auquel cet usage
préjudicie.
O r, avant d’examiner quels sont, en réalité, les droits des
époux Chandezon, qui n’ont qu’à se défendre, voyons dans
quelle position sc trouvent les aggrcsscurs sous le rapport du
droit.
�(34)
Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit sur le
nombre des intéressés qui n’ont pas voulu prendre part à la
demande : un quart a réclamé pour quatre-vingt-quatorze par
celles ; trois quarts ont refusé de s’y joindre pour deux centsoixante-seize autres. Sur soixante parties, vingt-trois ont exé
cuté le jugement ; et c’est en l’absence de cinq sixièmes de
ceux qui y auraient intérêt, si les appelans avaient raison, qu’on
prétend faire ordonner un partage d’eau. Ce n’est pas une rai
son de croire que les faits allégués soient vrais.
Mais quel est le droit de ceux des demandeurs qui sont ap
pelans ?
Ce droit résulterait-il d’un titre? On convient que non ;
Résulterait-il de travaux de main d’homme soutenus de la
possession ? N o n , encore.
Il ne peut donc que résulter de la loi et des facultés qu’elle
donne d’user d’un cours d’eau. O r , cela ne peut naître que des
articles 644 et G45 .
T iésulte-t-il de l’article 644 ? Non > certes. Nous n’aurions
besoin pour le prouver que de prendrele témoignage des appe
lans ; car tout ce qu’ils invoquent contre les époux Chandezon
leur est directement applicable.
Nous l’avons déjà dit : un très-pefit nombre de leurs prés
joint le cours d’eau. Sur cent huit parcelles qui appartiennent
aux demandeurs, vingt-neuf seulement le bordent; soixantedix-neuf en sont éloignées; et ceux-là, évidemment, ne peu
vent pas invoquer l’article 644. Parmi les vingt-neuf qui
bordent le cours d’eau, aucune ne peut prendre l’eau à son
passage, ni sur les prés voisins, pour l’irrigation de sa pro
priété; d’où pourrait donc naître le droit de ces propriétaires
sur le cours de la Monnc? Où puiseraient-ils celui de contre
dire l’usage d’un tiers qui la prend au-dessus d’eux ?
Il y a plus : tous ces propriétaires ne peuvent plus la rendre,
alors qu’ils la recevraient; chacun d’eux ne s ’en plaint pas
�(35)
conlre l’autre. Comment donc auraient-ils droit et qualité pour
se plaindre contre un propriétaire supérieur de ce qu’il la
prend et ne la rend pas?
A in s i, d’après l’art. 644 > les appelans demeurent sans droit,
comme sans titre, pour attaquer le droit et la jouissance
d’autrui, et leur action tombe d’elle-mêine ; aussi essayent-ils
de se réfugier dans l’art. 64$. Là , ils. prétendent puiser
des droits pris dans l’intérêt général, et y trouver l'autorisa
tion, aux tribunaux, d ’admettre une modification du droit des
propriétaires supérieurs, résultant de l’art. 644 Nous ne croyons pas qu’on puisse aller jusque-là. Alors
môme qu’on le pourrait, il ne faudrait pas scinder les disposi
tions de l’article, et les appelans viendraient toujours échouer
contre scs dispositions expresses.
E t , d’abord, nous pourrions dire que Part. 645 n e s’appplique qu’aux contestations qui pourraient naître entre les pro
priétaires auxquels l’art. 644 accorde des droits sur le cours
d ’eau. E n effet, c ’est après avoir déterminé le droit des divers
propriétaires, dont les fonds sont bordés ou traverses par une
eau courante, que le législateur ajoute immédiatement :
« S ’il 's ’élève une contestation entre les propriétaires aux
quels ces eaux peuvent être utiles, les tribunaux doivent con
cilier, etc......» D’où il résulterait que la loi suppose contesta
tion entre les propriétaires ayant droit, d’après l’art. 644. Aussi
M. Albisson, dans son rapport au tribunat, après avoir indi
qué les diverses facultés qui résultent de l’art. 644 * ajoute:
« Mais l’usage de ces diverses facultés peut éprouver des
» obstacles, donner ouverture à des empiétemens; et la loi
» doit les prévoir sans qu’il lui soit possible de p o u r v o i r à
» tous les cas......Tout ce qu’elle peut fa ire , c’est de s’en rc» mettre à la sagesse des tribunaux........
» Le projet statue donc q u e , s’il s’élève une contestation,
» les tribunaux devront concilier l ’intérêt de l ’agriculture
>» avec le respect dû à la propriété , etc. »
�(36;
Cela est assez clair, ce semble; et, en effet, il est sensible
que la loi n établit pas des droits pour s’en jouer à l'instant
m êm e; et, qu’en autorisant les tribunaux à prendre les me
sures qui concilient l ’intérêt de l’agriculture avec le respect
dû à la propriété, elle n’entend leur en donner le pouvoir
que dans le cas où il s’élèvera contestation entre les proprié
taires qui ont droit d’y participer, et non pour l’attribuer à
des tiers , au préjudice de ceux qu’elle y appelle.
Toutefois, cet article peut encore recevoir son application
aux eaux qui, n’étant dévolues a personne par l’art. 644» resw
teraient inutiles pour les riverains, si on ne prenait pas des
précautions pour les utiliser dans l’intérêt général ; mais ce
doit être toujours sous deux conditions :
L ’u n e , que cette faculté ne portera pas atteinte aux droits
apparlenans à des tiers, à quelque titre que ce soit;
L ’autre, qui est textuellement écrite dans l’article, que les
règlemens et usages locaux existans seront observés.
O r, les appelans, en vertu de cet article, peuvent-ils exiger
qu’on leur transmette l’eau au préjudice du sieur Chandezon?
Celui-ci n’a-l-il pas des droits et une possession dérivant do
la loi, et à laquelle on ne peut pas porter atteinte?
Peuvent-ils, d’ailleurs, demander un partage, un règlem ent,
si l’on veut, au préjudice des usages anciens, des règlemens
antérieurs exécutés de tous temps?
Les actes et les fajts de la cause ne constatent-ils pas ces rè
glemens, cet usage, cette possession?
Voilà ce qui nous reste à éclaircir, en examinant les trois
propositions des appelans.
Où donc, d’abord, peut être le doute sur le droit du sieur
Chandezon , d’ user de l’eau à son passage ? Est ce qu’elle n’est
pas bordée par sa propriété ?
L ’eau est trop basse, dit-on, et le sol de la propriété trop
élevé ; par cela seul le droit s’ est anéanti.
�(37)
Tout comme si celui dont la propriété borde une eau cou
rante, non dépendante du domaine p u b l i c n ’avait pas lfc
droit, pour se servir de l’eau, d’en élever le cours par une
écluse , pourvu qu’il ne nuise pas aux propriétés supérieures ;
Comme s’il n ’aurait pas le droit d’acheter une portion de
terrain supérieur, pour y prendre l’ eau avec plus de facilité ;
Comme s’il n’etait pas indifférent, et à la loi , et à son but,
et aux propriétaires inférieurs, qu’au lieu d’élever l’eau, comme
cela se pratique partout, ou d’acheter le terrain supérieur au
sie n , il se borne à acheter ce qui lui est nécessaire pour le
passage de l’eau, alors qu’il ne se sert de l’un ou de l’autre de
ces moyens que pour arroser une propriété qui borde l'eau
courante ?
Est-ce donc que , parmi les propriétés qui bordent un cours
<l’eau , celles-là seules seraient appelées à en profiter, sur les
quelles l’eau peut entrer d’elle-même et sans le moindre tra
vail ? Est-ce que ceux des propriétaires que la disposition des
lieux obligerait à quelques frais, et qui voudraient s’y sou
mettre , seraient privés par la loi de participer aux bienfaits de
la nature ? Est-ce que la prise d’eau de Chandezon n’ est pas
constatée par des ouvrages qui portent avec eux tous les ca
ractères du droit et le sceau de l’antiquité? Est-cc que ce droit,
si bien constaté, pourrait disparaître sur la réclamation du
premier venu? Dans quels articles, dans quels termes de la
loi trouverait-on des principes aussi extraordinaires? Laissons
cette objection dans la classe des puérilités. Ce serait lui
donner trop d’importance que de s’y arrêter davantage.
M ais, dit-on, Chandezon ne peut pas, à la sortie de son
fonds , rendre l’eau à son cours ordinaire.
Nous avons démontré, d’abord, que ceux qui proposent ce
moyen contre l u i , auraient mieux fait de remarquer que s’ il
pouvait porter du doute ¿ur le droit de défendeur, il repous
serait nettement l ’aclion du demandeur , qui demeure san&
�(38)
litre, comme sans droit, dès qu’il trouve en sa personne le
vice qu’il reproche à son adversaire, et sur lequel il fonde son
action.
Mais nous ne nous sommes pas bornés là. Nous avons dit ,
en fait, qu’avant les constructions de l’an I X , les eaux, sortant
du pré Ussel, se dirigeaient en majeure partie vers le point k ,
et retombaient dans la Monne avant les prés des appclans.
Une autre partie minime allait alimenter le routoir du sieur
Monestier.
L e su rp lu s, tombant dans le chemin inférieur, allait arroser
le pré de François F a b re , article 3 1 4 O r , en l ’an I X , tout le monde a reconnu le droit de Fran
çois Fabre, et celui de Monestier pour son routoir.
A cette époque, on voulut ramener toutes ces eaux dans la
Monne, et y joindre les eaux de Sarzeix. On fit les opérations
administratives que nous avons signalées. Le canal a rempli sa
destination pendant longues années. L e sieur U ssel, et, après
lu i, Chandezon, rendaient donc l’eau dans la Monne. Aucun
fait, aucun motif de droit, ne viennent donc contrebalancer
la faculté que lui donne la loi de se servir de l’eau à son pas
sage; et nous sommes sans cesse ramenés à reconnaître que
tout l’intérêt de la cause gît dans la question de savoir à la
charge de qui seront les frais d’entretien de la rase d’écoule
ment. Nous ne finirons pas sans examiner sérieusement cette
question. Nous nous bornons, en ce moment, à montrer qu’ il
ne peut s ’en élever d’autre.
Jetterons-nous un coup d’œil sur cc troisième moyen, qu’on
prend dans la forme du verger des époux Chandezon ? 11 ne
touche au cours d’eau que dans une petite partie, 1 15 toises,
et son pré se prolonge derrière celui du sieur Cislcrnc.
Est - ce que par hazard ce serait seulement la lisière qui
touche l’eau qu’on pourrait a rro s e r ? .Est-ce que le plus ou
moins de largeur ou de profondeur de l’héritage change le droit
�(39 )
du propriétaire ? Est-ce qu’il y aurait de l’importance à ce qu’il
fût rond, long, ou carré? qu’ il eut une forme régulière ou
irrégulière ? Est-ce q u e , enfin , la loi suppose tout cela, lors
qu’elle dit en termes exprès, et sans aucune condition: « Celui
» dont la propriété borde une eau courante, peut s’en servir
» à son passage pour l’irrigation de ses propriétés? » L à il n’est
même pas question de rendre l’eau à sa sortie.
Mais quand on voudrait y appliquer ces derniers termes, appartenans au second paragraphe de l’article, est-ce q u ’il faudrait
rendre l’eau au point où on l’a prise? est-ce qu’il faudrait même
la rendre au point le plus bas de ceux où la propriété borde
le cours de l’eau ? Il est beaucoup de cours d’eau qui bordent
des propriétés dans leur limite supérieure, et après l’arrosement desquelles l ’eau ne peut pas retomber dans son lit au
point où ce lit cesse de border la propriété. Est-ce qu’elles ne
seraient pas appelées à y participer? S ’il en était ainsi , 011 pri
verait d’irrigation une immense quantité de prairies sur
toute la surface de ce département, et on entendrait l’article
644 dans un sens absurde et inexécutable.
Au re s te , nous avons démontré qu’on la rendait avant l’an I X ,
qu’on l’a rendue depuis, et que, si aujourd’hui elle ne retombe
pas dans son lit, c’est parce que les appelans ne veulent pas
prendre la peine de l’y conduire, en entretenant des travaux
qui sont leur ouvrage, et qui ont changé, en l’an IX , la dispo
sition des lieux.
Or, y sont-ils obligés, ou bien est-ce le sieur Chandezon qui
doit l’y ramener à ses frais ? Nous avons dit que nous exami
nerions attentivement cette question, qui est en effet la seule
qui s’ élève sous le rapport de l ’intérêt.
Nous avons dit qu’avant l’an I X le sieur Ussel rendait à
leur cours ordinaire'la majeure partie des eaux qui sortaient
de^son p ré ; qu’à celle époque, le creusement du canal, et, peu
ap rès, la construction du grand pont sur la Monne avaien*
�amené Iesûrhaussementdu chemin; et, dès-lors, s ’il y avait des
obstacles au libre écoulement de l’eau, ils proviendraient des
travaux réclamés, à cette époque, par les propriétaires des
prés inférieurs; et, d’ailleurs, ces obstacles seraient peu con
sidérables, puisqu’on 'peut les vaincre par le simple entre
tien du canal construit en l’an I X , et q ui, pour son établisse
ment mêm e, n’occasionna pas de grands frais.
Si l’ époque de l’an I X était celle où s’arrête l’exercice du
droit des riverain s, il faudrait, à tout ce que nous avons d i t ,
reconnaître que les époux Chandezon avaient droit à la prise
d’eau, de la manière qu’ils en usent, et que les appelans
sont sans qualité pour l’empêcher ; mais les actes de l’an I X
11e sont là que pour constater un droit antérieur, et fort an
ciennement exercé; un droit consacré par l’usage des siècles,
gravé sur la pierre, sur d’antiques travaux de maçonnerie,
qui ne laissent pas d’hésitation ; et, ainsi, les documens écrits
viennent conforter et consacrer, par la reconnaissance et l’ap
probation publique des intéressés, ce droit et rcs règlerncns
constatés par les témoignages authentiques et non équivoques
de la localité.
Que voit-on , en effet, en l’an I X ?
Les prés supérieursau chemin arrosaient, suivant leurdroit,
spécialement ceux des sieurs Usscl et Cisterne. Quant aux
propriétaires des prés inférieurs , ils éprouvaient entre eux
quelques difficultés. Ils veulent les lever, prendre des mesures
pour améliorer le mode d’irrigation.
Quel moyen combinent-ils? Est-ce celui de faire cesser ou
de modifier l’ usage du sieur Usscl ? Non. Ils reconnaissent
qu’ils ne le peuvent pas. Usscl usait d ’un droit; et, outre qu’ il
était dans une position supérieure, aucun d’eux ne pouvait
arguer d’un droit personnel suffisant pour porter obstacle à
l'exercice du sien.
Ils reconnaissent qu’il est en p o s s e s s i o n , et ne redamenl pas
�(40
contre lui qu’il prenne part à leur règlement. Ils reconnaissent,
qu’après l ’arrosement de son verger, une partie de l’eau ne
retombe pas dans la Monne, et ils cherchent à la recueillir. Or,
ils reconnaissent encore que c’est à eux à le faire ; que le prix
des travaux doit être payé parions les citoyens qui possèdent des
prés dans cette partie du tenitoire qu'il s ’agit de fa ire arroser.
Pour y parvenir, ils réclament le secours de l’administration.
Elle condescend à leur demande , elle règle tout suivant leurs
désirs, et tout s’exécute ainsi qu’ils l’avaient demandé.
Ici deux choses concourent, et elles sont déterminante s
i° L ’état des choses reconnu par tout le monde en l’an I X ,
le droit des riverains supérieurs, comme la distribution se
condaire de l’eau entre les propriétaires inférieurs , résultaient
d’accords, ou de règlcmens locaux fort anciens.
2°. L ’art. 645 du Code c iv il, seul titre des appelans , ne leur
accorde faculté qu’à la charge de ne porter atteinte à aucun
droit, et il ordonne que, dans tous les cas, les règlemens par
ticuliers et locaux sur l ’usage des eaux seront observes.
O r , dans l ’espèce, ces règlemens, ces usages, étaient,
et sont encore d’autant plus respectables q u e , d’ une part,
ils existent de la plus haute antiquité ; que, de l’autre , ils n’ont
lait que consacrer le droit des propriétaires supérieurs, con
formément à la loi, et recueillir, au profit des propriétaires
inférieurs, des eaux qui devaient être distribués entre tous,
dès qu’ elles n ’appartenaient à personne en particulier.
Il est donc évident, qu’en réduisant l’intérêt et le droit à
une distribution entre les prés inférieurs, sans rien demander
aux riverains supérieurs; qu’en reconnaissant leur droit, et
l’impossibilité d’y porter atteinte en aucune m anière , en dé
clarant, enfin, que les frais, à faire pour recueillir la petite
portion des eaux qui ne retombent pas dans la Monne , sortant
du pré U s s e l, devaient être répartis entre eux seuls , ces pro- >
priétaires n’ ont fait qu’obéir à la loi, où ils cherchaient un
.
6
�titre, et se conformer à des règlemens et usages anciens, que
la loi leur ordonnait de respecter.
Donc, il était vrai, et ils ont reconnu qu’ eux seuls étaient
obligés à reconduire l’ eau dans son l i t , s’ils voulaient la re
prendre et l’utiliser à leur profit.
Plus de trente ans se sont écoulés depuis 1801 jusqu’a i 833 ,
époque de la demande et, dans cet intervalle, ces règlemens,
désormais écrits dans ces actes authentiques comme il l’étaient
sur la localité, ont été exécutés.
Où est donc le prétexte d’une demande qui tend à les dé
truire ? Où en est le principe ? Où en est le droit? Comment
les appelans ne voudraient ils pas voir qu’elle est repoussée
par l’art.'645 , et qu’en outre, après avoir, en l’an IX , changé la
disposition des lieux, et les niveaux du chemin, ils ne peu
vent pas rejetter sur le sieur Chandezon les frais d’entretien,
que cette innovation seule à rendus nécessaires?
Dira-t-on, encore, que le sieur Ussel contribua pour 100 fr.
aux frais de construction ? Si cela était, ce serait un fait com
plètement insignifiant, pourquoi ? Remarquons le bien :
1° Il ne serait pas muins reconnu dans les actes, que les
frais étaient à la charge des propriétaires inférieurs. Un mou
vement de bienveillance ou tout autre sentiment qui aurait
pu conduire le sieur Ussel à ce sacrifice momentané , ne chan
gerait ni sou droit ni la position rcspcclivc des parties.
u°. Dans toutes les suppositions, il ne serait pas moins vrai
que tout a consisté alors, comme à présent, dons la facilité
plus ou moins grande qu’on pouvait avoir de reprendre l'eau
t/iii sort du pré Ussel, et que la demande en partage de l’eau
à un point supérieur est une mauvaise contestation.
Dira-t-on aussi que le sieur Chandezon ne peut pas dé
tourner l’eau pour un réservoir qu’il a nouvellement créé
dans son jardin? C’est encore un enfantillage.
Ce filet d’eau est celui qui entretient le routoir de Monestier,
dont le droit est reconnu partout.
�(43)
O r, qu’imporic que celte eau, suivant aujourd’hui le même
cours, traverse un petit réservoir créé par le sieur Chandezon
dans un très-petit jardin ? Il n’en change ni le cours, ni la des
tination. Comment donc en abuse-t-il, et à qui fait-il préjudice ?
Est-ce qu’il a privé quelqu’un, surtout quelqu’ un qui y ait
droit? Est ce qu’elle n’arrive pas au routoir?
M ais, dit-on, le droit lui-même est fantastique, c’est un
usage purement accidentel, qui ne résulte pas d’un règle
ment. Ussel n’avait point d'oucrages apparais sur la rivière ,
ni barrage en maçonnerie , ni écluse cri fascines soutenue p a r
des p ie u x , mais un barrage mobile instantané , et une espèce
de canal temporaire le long de la propriété Bouchard. Tout
quoi ne peut constituer une servitude réelle de prise d'eau. P. 3 o.
Si nous avions besoin d’une servitude sur la rivière, nous
dirions qu’elle est suffisamment constatée par un barrage en
pierres; qu’il nous était inutile d’en apporter de lo in , quand
la rivière en fournissait assez; qu’il nous suffisait d’en faire un
barrage solide par sa propre nature , sans avoir besoin de lier
les pierres avec du mortier ou même du béton , alors qu’il
était suffisant, sans cela, pour introduire l’eau qui nous était
nécessaire; et cela seul prouve que nous n’avons jamais
pensé à arrêter la totalité de l’eau. Aussi, est-il vrai, qu’aujour
d’hui, comme alors, l’eau qui peut s’ échapper au-dessus du
barrage, ou à son extrémité supérieure, ou à travers les
les pierres, se rend directement vers ces prés inférieurs. E t ,
au surplus, l’écluse du moulin de St-Amant, quoique plus
considérable et mieux soignée, parce que cette position l’exige,
n’ cst-clle encore qu’ un simple barrage en pierres, sans ma
çonnerie, et que la rivière a emporté deux fois dans l’été de
i835.
M ais, nous n’avons pas besoin de servitude sur la rivière.
E n y prenant l ’eau nous usons d’un droit. Seulement il notis
faut servitude sur le pré Bouchard, pour prendre l’eau à un
�(44)
point plus élevé ; or, cette servitude existe par l’existence du
barrage appuyé sur son terrain, par la rase pratiquée sur son
pré, et entretenue par Cliandczon ; par le déversoir en maçon
nerie qui constate un droit évident, et, enfin, par les ouvrages
considérables et solidement édifiés en tête du pré Chandezo»,
lesquels font corps avec les précédons, et constatent à la fois
le droit et l'usage du droit, comme ils prouvent l’existence
ancienne des règlernens locaux, en vertu desquels il a joui ,
comme ont joui Cislerne, Bouchard, V illot, Marlillat, et
tous autres propriétaires supérieurs , vers lesquels nous
n’avons pas besoin de remonter. E t enfin, tout cela n’est pas
fait pour amener l’eau à un héritage plus reculé, comme l’in
dique M. Proudhon, mais bien pour l’introduire plus facile
ment dans un héritage riverain, et qui borde l’eau dans une
longueur de i 45 toises.
Nous ne nous amuserons pas à faire de la doctrine. Nous
la réserverons pour l ’audience , s’il en est besoin , et nous ter
m inerons, sur cet art. 645 et sur la demande en règlement
d’eau, pour reproduire une citation des appelans , p. 3/t.
« Lorsque l’eau passe par plusieurs héritages, sans queper» sonne en soit propriétaire, que le mode de jo u ir n'est établi
» ni p a rle litre, ni par la possession , ni p a r des règlernens
» particuliers et lo c a u x , les tribunaux déterminent la jouis» sance de chacun , par un règlement. »
Telle est la volonté de la loi expliquée en conseil d’état,
lors de la rédaction de l’art. G45 .
A i n s i, il n’y a lieu à faire ce règlement sur la jouissance
de chacun que lorsque l’eau n’est attribuée ou 11’apparlient à
personne, lorsque le mode de jouissance n’ est déterminé, ni
p a r la possession, ni p a r des règlernens particuliers et locaux.
Cela s’accorde fort avec ce que nous avons indiqué ci-dessus,
page 5 5 , que l’art. 645 n’est jamais applicable au préjudice
des droits acquis, ou attribués par la loi, cl qu’il n’autorise
�(45)
celte distribution d’équité, qu’à lYgard;des eaux qui ne sont
pas absorbées par les propriétés supérieures.
E t cela explique, dans un sens si évident, toutes les citations
du mémoire des appelans sur l’art. 645 , et Malleville et Par
dessus et Proudhon , et, autres, qu’il nous suffit de nous
référer à cette expression si nette et si formelle de la volonté
du législateur, pour repousser leur demande.
Résumons tout ceci, et il en sortira, ce nous sem ble, des
démonstrations claires et formelles.
Avant d’examiner la position des défendeurs, il faut que
les demandeurs fassent reconnaître leur propre droit, leur
litre , leur qualité, pour exercer une action.
Sur quoi repose leur droit ?
Sur un titre? Ils n’en ont d’aucune espèce?
Sur des travaux anciens qui le remplacent ? Il n’ en existe
pas et ils ne peuvent en argumenter:
Sur une possession qui serait offensive au droit des pro
priétaires supérieurs ? Ils n’osent pas l’alléguer, et ils ne récla
ment pas à ce titre,
Serait-ce donc sur la loi, et d’abord sur l’art. 644 du Code
civil ? N on, certes.
La plupart des propriétés des appelans ne sont ni bordées,
ni traversées par l’eau courante à laquelle ils prétendent droit.
Celles qui la bordent ne peuvent s’en servir à son passage
pour l’ irrigation.
Aucune ne peut, à la sortie de son fonds, la rendre à son
cours ordinaire.
Sous ce rapport, ils sont donc sans titre et sans qualité; ils
sont non recevables.
Serait-ce sur l’art. 645 ?
D ’après le législateur lu i-m ê m e , cet article ne permet de
toucher ni aux droits acquis à des tiers , ni aux règlemens p a r
ticuliers et locaux ; il n’est applicable qu’à ceux auxquels l’art.
�644 attribue des droits, lorsqu’il y a contestation entre eux, ou
lorsque l’eau arrive sans que personne en soit propriétaire , sans
que le mode de jouir soit établi, ou par titre, ou p a r la pos
session , ou par des règlemens particuliers et locàua'.
Ici, des règlemens de la plus haute antiquité sont attestés par
tous les signes locaux , par l’existence matérielle d’anciens ou
vrages établis sur tout le cours de la Monne. Ils sont reconnus
par des gctes émanés des demandeurs.
II n’y a donc rien dans la cause qui autorise à demander, ni
qui permette d’ordonner un nouveau règlement ou partage
d ’eau , et de condamner les propriétaires supérieurs, quel que
soit leur droit, à conserver l’eau à leur propre détriment, et à
souffrir la création sur leur fonds de servitudes onéreuses,
pour des propriétés qui n’y ont pas droit.
Mais si on examine Ja position des défendeurs, qu’y voit-on?
D ’abord, un pré qui borde l’eau courante, et le droit de s’ en
servir à son passage pour Virrigation de la propriété.
En second lie u , des travaux anciens et considérables qui
constatent, et des règlemens locaux pour l’usage de ce cours
d’eau , et l’usage que le sieur Ussel a fait de son d r o it , et une
possession conforme, qui n’a jamais éprouvé d ’obstacles.
E n troisième lieu, une reconnaissance formelle de ce droit
et de ces règlemens locaux, consacrés par des actes authenti
ques, et une exécution de plus trente ans qui les a suivis.
Si, donc, les époux Chandezon ne pouvaient pas rendre
l’eau à son cours ordinaire, comme on le prétend ; s’ils ne l’y
avaient jamais rendue, comme cela serait incontestable si
la disposition des lieux s ’y opposait, leur jouissance, leur pos
session indépendante de celte condition ne serait q u e plus for
melle, plus évidente, et les propriétaires inférieurs, qui ne
peuvent pas nier que la même impossibilité les frappe , ne
pourraient pas y porter atteinte.
.A^ais les époux Chandezon rendent l’eau à son!cours ordi-
�(47;
Ici ce n’est pas le cours naturel dont il faut s’occuper, mais
Je cours ordinaire. O r, quel est-il? C elu i, sans doute, q u ia
eu lieu de tout temps.
Une partie de l ’eau, après avoir traversé le petit réservoir
du sieur Chandezon, va tomber dans le routoir du sieur Moneslicr ( les époux Creuzet ). O r, ce droit est reconnu aux
époux Creuzet parles actes de l’an IX . Chandezon, lui-même,
ne peut pas la détourner, ni porter atteinte à ce règlement
local.
Une autre partie de l’eau tombait dans le chemin avant l’an
I X , et allait arroser le pré de François Fabre. On lui en a re
connu le droit ou la possession en l’an I X , tout en lui accor
dant un nouveau mode d’irrigation.
E n iin, la majeure partie, tombant au point K , ou dans le
pré Cisterne n° 72, regagnait la rivière au-dessus des prés des
appelans.
Ces deux dernières parties de l’eau ont été réunies en l’an
I X dans le nouveau canal destiné à les ramener à la Monne.
Ce canal, et la rase d’écoulement qui est à la su ite, sont deve
nus , comme cela existait auparavant pour une grande partie,
te cours ordinaire de l’eau, et personne encore n’a droit d’y
porter atteinte.
E n fin , ce dernier règlement, confirmatif des prem iers, et
exécuté pendant plus de trente ans, a reconnu que les pro
priétaires inférieurs devaient supporter la charge de l’entretien
de ce canal qui , en changeant l ’état des lieux, leur procurait
une plus grande quantité d’eau, et eux seuls ont fait, depuis
cette époque , les réparations d ’entretien.
Si nous allons jusqu’à examiner l’intérêt de la demande,
il disparaît complètement.
i° La prise d’eau de Chandezon est réglée par les dimensions
de l’aqueduc qui est en tête de son p r é , et il ne peut jamais
absorber l’eau de la Monne au-delà de ses besoins.
1
�(48)
2° Quoique le canal de l ’an I X n’ait pas été entretenu , et
qu’il ne recueille plus les eaux depuis i 85o', l ’eau n ’a ja m a is
m anqué aux prés inférieurs, et personne n’a à se plaindre que
Cliandezon la leur ait ravie.
3” Tout intérêt apparent devant disparaître , si le canal était
nettoyé, les propriétaires inférieurs , qui seuls y ont in térêt,
ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes, si la totalité de l’eau,
qui a servi à l’arrosement des prés supérieurs , ne leur arrive
pas.
E t cela seul nous explique pourquoi, sur soixante parties
condamnées , vingt-trois ont laissé acquérir au jugement l’au
torité de la chose jugée; pourquoi les demandeurs n’ont pas
mis en cause, quoique cela fût nécessaire, les trois quarts,
au moins, des propriétaires intéressés qui ont refusé de se
joindre à eux. Ils redoutaient que cette masse imposante de
propriétaires nevînt, tout d ’une voix, crier à la justice, comme
les sieurs B o h at, Tixier et autres : M . Cliandezon ne nous a
ja m a is refusé Feau.... L'eau ne nous a ja m a is manqué. La
demande de Martin contre Cliandezon ne nous intéresse pas.
Ils est donc évident au surplus et celà-scul le prouve, que
les époux Cliandezon ne cherchent pas à s'emparer sans me
sure de toutes les eaux de la M onne, au préjudice des prés
inférieurs. Ils veulent seulement arroser , comme ils l’ont tou
jours fait, et autant q u ’il en a besoin, un verger précieux de
y ,700 toises, qui borde l ’eau courante dans une longueur de
i 45 toises, et qui en a d’autant mieux le droit, que chaque
année cl à la moindre c r u e , il éprouve tous les ravages de ce lorrcnl.
A in s i, et en dernière analyse :
Du côté des demandeurs , ni d ro it, ni qualité, ni intérêt réel.
Du còle des époux Cliandezon , droit évident, possession
constante
I
’, établie sur des travaux de main d’homme fixes et
permanens, existans d’ancienneté, inléret gravc ct considé-
�( 49)
rable. Il n’en faut pas davantage, sans doute, pour faire reje
ter une prétention q u i , loin de trouver son principe dans les
lo is , a pour unique but de détruire des droits acquis , et des
règlemens et usages locaux observés depuis les temps anciens.
Elle e st, au contraire, par cela s e u l, évidemment inconciliable
avec la justice, comme avec la sagesse de la loi.
CH ANDEZ ON ,
M e DE VISSAC , avocat,
M e JO H A N N E L , avoué licencié.
R IO M IM P R IM E R IE D E T H IB A U D F IL S
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
[Factum. Chandezon.1836?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
De Vissac
Johannel
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
irrigation
jardins
rivières
vin
prises d'eau
canal
cadastre
sécheresse
doctrine
inondations
barrages
altercations
moulins
servitude
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour les sieur et dame Chandezon, intimés. Contre les sieurs Martin, Raynaud, Maige-Champflour, et autres appelans ; en présence des sieurs et dames Duvernin, Cisterne, Devarenne, Creuzet, Bohat-Lamy, Bohat-Tixier, Laurent-Tixier, Hugues Bohat, et autres intimés.
Annotations manuscrites. « 21 juin 1836, 3éme chambre, arrêt »
Table Godemel : Cours d’eau.
en matière de cours d’eau, les dispositions des articles 644 et 645 du Code civil ne sont applicables qu’aux cas où les droits du riverain d’une eau courante sont égaux, et où il n’y a ni titre ni possession qui déterminent des droits spéciaux en faveur de l’un d’eux. – ainsi, lorsqu’il résulte, des faits de la cause, ou de l’état des lieux, ou des documens produits, que des constructions de main d’homme ont été faites pour conduire les eaux dans la propriété de l’une des parties, et qu’elle en a profité depuis une époque reculée, il y a lieu de maintenir sa possession.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1836
1800-1836
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
49 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2811
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2810
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53567/BCU_Factums_G2811.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Amant-Tallende (63425)
Veyre-Monton (63455)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
altercations
barrages
cadastre
canal
doctrine
inondations
irrigation
jardins
Jouissance des eaux
moulins
prises d'eau
rivières
sécheresse
servitude
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/28/53997/BCU_Factums_DVV07.pdf
27cc4b50781eb172263282f8b7c36251
PDF Text
Text
MÉMOIRE
POUR
Dame
A
dèle
DE C L E K M O N T
M A I G N O L et le sieur M A R T I N A T
D E C H A U M O N T son mari, propriétaires, demeu
rant à La ndogne
Le S r B O U Y O N , ancien receveur de l ’enregistrement j
L e sieur B O U Y O N - L A F O N T ,
receveur de l ’enre
gistrement à Pontgibaud;
L a dame B O U Y O N et le sieur B O U T A R E L son mari,
juge de paix à Pontgibau d;
L a dame B O U Y O N et le sieur C L U Z E L son mari,
notaire à Chapdes;
E t autres, héritiers de dame M arie M A I G N O L ,
décédée épouse du sieur B O U Y O N , notaire à Bromont ;
L a dame M a r i e - G i l b e r t e MAIGNOL, veuve de M. D E
PA N N E V ERT , demeurant au Puy-Saint-G ulm ier;
L a dame M arie-G ilberte M A I G N O L et le Sr L E G A Y
son mari, ancien notaire, demeurant à Pontgibaud;
Tous héritiers de sieur A ntoine M A I G N O L , ancien
receveur général à Clerm ont, demandeurs j
CO NTRE
J E U D Y -D U M O N T E I X ,
ancien ju risco n su lte à C lerm on t, d éfen d eu r.
31e J
Llégué
o se ph
-A
TRIBUNAL
n t o in e
|e sieur Maignol, ancien receveur général, avait
à la dame Jeudy son épouse l’usufruit de tous
les biens meubles et immeubles q u ’ il possédait dans la
commune de Nohanent.
I re CHAMBRE.
�Devenue veuve, la dame Je u d y n ’avait élevé aucune
prétention à la propriété de ces biens-, loin de là , elle
avait rempli fidèlement les formalités que la loi lui
imposait en sa qualité d’ usufruitière; c’est en cette
seule qualité, q u ’elle a joui jusq u’à son décès des biens
de son mari.
Alors, les héritiers Maignol devaient naturellement
être mis en possession de la propriété de Nohanent,
q u ’ils sont appelés à recueillir, et par la volonté du
sieur Maignol, et par les dispositions de la loi : mais
il n ’en fut pas ainsi ; Me Jeu dy , seul héritier de la
dame veuve Maignol sa sœur, s’empara de tout, et,
quoique sans aucuns droits, sans aucun titre, il en
jouit encore actuellement.
Les héritiers Maignol ont espéré long-tems q u ’ il se
rendrait justice à lui-mème, et leur abandonnerait
à l’amiable tous les biens de la succession dont il est
détenteur; ils avaient cru q u ’il serait facile de s’en
tendre ensuite pour le compte des différentes sommes
que Me Jeudy peut leur devoir personnellement, ou
comme héritier de la dame sa sœur.
L e caractère honorable de Mc J e u d y , l’esprit de
justice qui distingue sa profession, et dont il a donné
de si nombreux exemples, semblaient leur confirmerque
cet espoir ne serait pas trompé.
Cependant, après beaucoup de démarches, ils ont
obtenu,en 1820, q u ’il lut lait un compromis pour faire
statuer par des arbitres sur leurs réclamations et sur
celles que M* Je u d y prétendait avoir lui-même à
exercer contv’eux. Mais 011 a laissé expirer le délai du
�compromis sans
fournir aux arbitres les pièces et
doc 11 mens sur lesquels ils devaient baser leur décision ,
et les héritiers Maignol se sont Vus forcés d intenter
une demande en justice.
Cette demande embrasse la réclamation de tout ce
que les héritiers Maignol ont pensé leur ctre dû par
Me J e u d y , soit de son chef, soit comme héritier de sa
sœur : de son chef, différentes sommes que le sieur
Maignol lui avait prêtées, déposées entre ses mains, ou
payées pour lui à des tiers; comme héritier de la dame
sa sœur, la restitution du mobilier et le désistement
des immeubles dont la dame Jeu dy était usufruitière,
la restitution des jouissances et intérêts du tout. Enfin
les héritiers Maignol demandent q u ’ il soit fait un
compte entre les parties aiin de connaître leur position.
L ’on va rappeler les diiFérens faits qui donnent lieu
à toutes leurs réclamations.
FAITS.
Du mariage de M.
Gérard J e u d y ,
et de dame
Françoise Guillau m e, naquirent deux enfans : le sieur
Joseph-Antoine Je u d y-D u m o n te ix, et la demoiselle
Madel eine-Michelle Jeudy.
Celle-ci contracta mariage, le 6 juin 17 ^ 0, avec le
sieur Antoine Maignol.
E lle était encore mineure et orpheline, et procéda
sous l ’autorisation de M. Joseph J e u d y , chanoine,
son curateur;
E lle se constitua un trousseau en valeur de 1000 liv.,
et tous les droits, noms, raisons, actions et préten
�tions à elle acquis par le décès de ses père et mère,
donnant pouvoir au futur de les rechercher, venir à
division et partage avec ses cohéritiers, et de les vendre
et aliéner, à la charge de remploi en biens fonds.
Les biens de la dame Jeudy étaient encore indivis
entr’elle et Me Jeudy-Dumonteix son frère; l ’une et
l ’autre avaient été sous la tutelle de la dame Guillaume
leur tante.
Différentes circonstances, et notamment l ’absence
de Me J e u d y , qui alors faisait son droit à Paris,
firent suspendre le partage des biens provenant des
auteurs communs; mais il fut pris des arrangemens
pour la jouissance.
Par acte du 28 juin 1780 , la dame G u ill a u m e , en
vertu de procuration spéciale à cet effet, céda et aban
donna au sieur Maignol la part et portion revenant à
M e Je udy dans ions les revenus et produits des biens
indivis enlre ce dernier et la dame sa sœur, et ce, pour
quatre années consécutives, sous différentes conditions
énoncées audit acte, et en outre moyennant la somme
de 1400 liv. ( o liv. par année), qui fut payée au
sieur J e u d y , ainsi q u ’il le reconnut par un autre acte
35
du
25 avril
5
178 .
Mc Je u d y n ’ayant pas, à cette époque, le projet
d ’ habiter l’Auvergne, ne larda pas à proposer aux sieur
et dame Maignol de lui acheter sa portion dans les
biens indivis.
Plusieurs lettres établissent q u ’il en demandait
1 ,ooo fr., et que le sieur Maignol ne lui en offrait
que 10,000; elles prouvent encore que pendant un
5
�assez long tems, les parties avaient été en correspon
dance sur ce p r o je t , sans s’accorder sur le prix de la
vente proposée.
5
E n f i n , le janvier 1 7 8 $ , par acte reçu Lasteyras,
notaire, Me Je u dy fit cession, par forme de licitation
et partage, à la dame Je udy sa sœur, épouse Maignol,
et au sieur M a ig n o l audit nom de m ari, de tous les
droits m obiliers et im m obiliers à lui échus et advenus,
3
et qui lu i restaient du s, par le décès de son père et par
celui du sieur François J e u d y , lesdits biens situés dans
les lieux de Nohanent, Blan zat, Sayat et Durtol seu
lement, dont il amendait la moitié.
Il est dit dans l ’acte que cette cession fut faite
moyennant la somme de 7600 liv. sur laquelle le sieur
Jeu d y reconnut avoir reçu celle de i oo liv. dont il
5
donna quittance; plus celle de 4 ° ° o liv« qui lui fut
payée par M. Marie-Joseph Maignol de Landogne, frère
de l’acquéreur, présent au contrat. Quant à la somme
de 2000 liv. restant, elle fut stipulée payable k Paris,
dans trois ans, avec intérêts.
L e sieur Antoine Maignol déclara dans cet acte que
dans la somme de i oo liv. par lui payée personnelle
m ent, il y en avait celle de 1000 l i v . , provenue des
5
deniers q u ’il avait reçus du sieur Bertrand, en sa
qualité de mari de la dame Jeudy.
D ’ une autre p a r t , et pour se libérer envers Joseph
Maignol son frère, de la somme de 4000 liv. par lui
payée à M° J e u d y , le sieur Maignol lui céda l ’effet
d ’ une donation de parcilie somme de qooo l i v . , à lui
�faite par leur père com m u n , pour supplément de
légitime, par acte du 8 mars 1 7 8 3 .
Il est vrai que cette acquisition , faite par les sieur
et dame Maignol, était faite uæorio 110mine , et ne
devait profiter q u ’à la dame Je u d y ; mais il faut
remarquer aussi q u e , sur les sommes payées lors du
contrat, /j oo liv. furent payées des deniers person
nels du sieur Maignol.
Au surplus, le prix de cette cession n’avait été fixé
dans l ’acte à y oo l i v . , que pour éviter les droits
5
5
d ’enregistrement; et toutes les circonstances semblent
annoncer que le véritable prix était au moins de
10,000 liv. Il parait même que cet acte avait été
accompagné d ’ une contre-lettre qui constatait de plus
que cette cession embrassait encore les droits de
M e J e u d y , dans une maison située à C le rm on t, et
provenant aussi des auteurs communs. Cette contrelettre n ’est point produite, à la vérité, par les héri
tiers Maignol; mais ils peuvent en justifier l ’existence
par une foule de documens, ou commencemens de
preuve écrite, qui 11e laissent aucun doute sur ce
point. On ne tardera pas à les faire connaître.
L e 26 janvier 1 7 8 5 , par acte reçu C h e v a l i e r ,
notaire, Mc Jeu dy et le sieur Maignol son beau-frère
vendirent conjointement au sieur Chalamet une
maison située à Clermont, qui fut dite, dans l a c t é ,
élre indivise e n t r 'e u x , et ce, moyennant 7000 liv. 3
dont 4.000 liv. furent payées comptant, et les ooo liv.
3
restant furent stipulées payables, en deux termes,
au sieur Maignol, mais U la charge par lui d ’en faire
�emploi en fonds certains, libres de toutes hypothèques.
L e 12 avril même année, il fut fait, entre Me Je u dy
et le sieur M aig n o l, différens actes, dont il est utile
de donner sommairement connaissance.
Par un premier acte, Me Je u dy reconnut que le
sieur Maignol lui avait remis la portion lui revenant
clans le mobilier et linge qui se trouvaient dans la
maison de Clerm ont, vendue à Chalamet.
Par un second , il reconnut que M. Maignol lui
avait fait raison des jouissances de ses biens, pour les
années antérieures à la cession du
janvier 1 7 .
5
85
Par un troisième enfin, Me Jeu dy fit cession, par
forme de licitation et partage, à la dame sa sœur,
autorisée du sieur Maignol son mari, des part et
portion à lui revenant clans les principaux de rentes,
au nombre de quatre, h eux ci-devant dues indivisé
ment, comme héritiers de leurs père et mère.
Cette cession eut lieu sous différentes conditions y
exprimées , et en outre moyennant la somme de
4
i o l i v . , qui fut payée comptant par le sieur Maignol
à Me Jeudy.
Cet acte contient encore, en faveur de Me J e u d y ,
la réserve de la moitié lui revenant dans quelques
créances actives qui y sont indiquées, et (¿ui prove
naient des mêmes successions.
L ’on a dit plus haut que le véritable prix de la
cession de droits successifs, consentie par M* Je udy
aux sieur et clame Maignol, le
janvier f 7
, était
5
85
au moins de 10,000 l i v . , quoique cet acte ne porte ce
75 0
prix q u ’à la somme de > o
m-,
liv. ; et cela résulte très-
�clairement de la correspondance de Mc Jeudy luimême.
Dans une lettre du 20 mars 1784» écrite de P aris ,
il demandait à son beau-frère 18,000 liv. de ses droits.
Dans une seconde,, du 29 avril suivant, il lui disait :
« Vous m ’offrez 12,000 li v .; je vois, par vous-même,
« que vous augmenteriez encore de quelque chose,
« et que vous me donneriez , au second mot ,
« i ?ooo l i v . ... J e vo u s dem ande donc irrévo ca ble-
4
5
« ment i ,ooo l iv ., dont v o u s me p a y erez 10 ,0 0 0 liv .
« c o m p ta n t,
et
le surplus dans
trois ans ,
avec
« intérêts. »
Comment Me Je u dy aurait-il donné pour 7500 liv.
5
des droits successifs dont il demandait i ,ooo li v ., et
dont son beau-frère lui avait déjà offert 12,000 liv. ?
D ’ un autre côté, l ’on ne concevrait guère que
M. Maignol, voulant traiter avec son beau-frère, et
lui ayant offert 12,000 liv. de ses droits, ne lui en ev.t
donné ensuite que 'jSoo liv.
Mais une troisième lettre de Mc J e u d y , postérieure
à la cession du
janvier 1 7 8 5 , peut jeter de grandes
5
lumières sur ce qui s’est passé relativement à cette
cession.
Cette lettre est du 2 août 1 7 8 $ , et on y lit ces mots
adressés au sieur Maignol : « Lorsrjue j e vo u s a i c é d é
« po u r d ix
m ille livres mes d ro its,
npus n ’avons
« entendu parler que de ce qui me revenait dans le
« bien de Nohanent, et dans la maison de Clermont,
« sous les réserves expliquées dans 1 acte sous seing« privé dont je vous laissai votre double signé eu
�(
9
)
X
« partant, sans que vous ayez pu encore vous déter« miner à m ’envoyer le mien. »
Me Je u d y relève ensuite une erreur q u ’ il prétend
avoir été commise par le sieur Maignol, dans un calcul
fait par ce dernier des sommes touchées par ledit
Mc Jeudy sur le prix de la cession du
janvier 1 7 8 $ ,
et il ajoute :
5
« J ’ai touché sur le prix de notre arrangement qui
« ne concernait et ne concerne que Nohanent et la
« maison de C er m ont,
« i° — 4°oo liv. en lettres de change;
« 20 — 2000 liv. que vous me redevez par l ’acte;
1
«
3°
—
3ooo
liv. de Chalamet.
« Total 9000 liv.
« Il me revient donc encore 1000 liv., sur quoi vous
« avez voulu me déduire les 120 liv. d ’épingles que
« j ’avais reçues de Cha lamet;
« E t il est clair que les 1000 liv. que j ’ai reçues de
« Bertrand, entrent mal à propos dans votre calcul :
« ainsi vous voyez q u ’ il n’y a point d’ erreurs; ren« voyez moi donc le dou ble de Vacte sous signatures
«
«
a
«
p riv é e s , convenu entre nou s, relativement à mes
réserves, et à ce que vo u s restez sur les 1000 liv .
nécessaires p o u r com pletter les 1000 liv * dont nous
étions convenus. »
Il semble évident d ’après cette lettre entièrement
écrite et signée par Me J e u d y , q u ’il avait été fait entre
lui et son beau-frère, 011 une contre-lettre, ou tout
autre acte de la même nature, contenant des additions,
%
�( 10 )
ou donnant une extension quelconque aux engagemons
5
stipulés dans l ’acte de cession du janvier 17 8 5 ;
Cette lettre explique en effet,
i° Que le prix de la cession dont il s’agit, était
de 1000 l i v . , quoique dans l ’acte authentique du
janvier 17 8 D , il ne soit porté q u ’à 'j ^qo liv. ;
5
i ° Que cette cession embrassait la portion revenant
à M c Je u d y dans la maison située à Clermont, quoique
le même acte énonce que Me Jeu d y n’a cédé que ses
droits dans les biens situés à Nohanent et lieux circonvoisins ;
° Que sur le prix de cette cession, Me J e u d y , au
1 août 1 7 8 5 , avait déjà reçu 9000 liv. dans les valeurs
3
indiquées par lui-méme, et cela abstraction faite de la
somme de 1000 liv. par lui touchée du sieur Bertrand ,
somme qui donnait lieu suivant lui à l ’erreur de calcul
du sieur Maignol; enfin, q u ’il réclamait encore une
somme de 1000 lis . p o u r com pletter c e lle de 10,000 liv .,
dont i l était convenu avec le sieur M a ig n o l ;
4° Que
si le sieur Maignol n ’avait pas vendu seul la
maison de Clermont, c’est évidemment parce que l ’acte
qui lui conférait, ou quoi que ce soit à son épouse^ la
portion q u ’y amendait Me J e u d y ,
n ’était pas enre
gistré; mais q u ’il n ’était pas moins devenu propriétaire
de la totalité de cette maison dès le
5
janvier 1 7 8 5 ,
et que Me J e u d y , en touchant de Chalamel 3 ooo liv.
sur le prix de cette vente, ne les avait point touchées
comme vendeur ou ancien propriétaire de partie
de cette maison, mais bien comme créancier de la
dame Maignol ou de son m a r i , et en imputation sur
�le prix de la cession du
5
janvier 1 7
85 ,
ainsi que
cela résulte clairement de la lettre que l ’on vient de
rappeler ;
° E n f i n , q u ’à cette époque Me J e u d y , sur le prix
de cette cession, ne réclamait autre chose que ce q u i
restait dû sur les 1000 liv . nécessaires p o u r com pletter
la somme de 10,000 liv .
E t comme Me Jeu dy reconnaît dans cette lettre
avoir reçu 120 liv. de G halam et, pour épingles-, et
que cette somme deva it être d é d u ite , il en résulte
que la somme restée due sur les 1000 liv. était de
5
880 liv.
Quoique, d ’après la lettre que l ’on vient de citer,
il ne restât du à Me Je udy que cette dernière somme,
des lettres postérieures démontrent q u ’ il réclamait de
son beau-frère des sommes plus considérables, et cela
vraisemblablement par erreur.
E n effet, par une lettre du 12 juin 1 7 8 7 , il le priait
de lui faire passer, sur les 2000 liv. portées p a r V acte
devant notaire , une somme de 600 liv.
Dans une autre, adressée a la dame Maignol sa
sœur, il lui disait : I l me f a u t ab so lu m en t, dans ce
m om ent, 1200 liv . J e laisserai le surplus dans les
mains de votre m a ri} e t c . , etc.
Dans une troisième, du 27 novembre 1 7 8 8 , adressée
au sieur Maignol, Me Jeu dy lui accusait réception
d’ une lettre de change de 600 l i v . , laquelle somme
s ’im puterait sur les causes de le u r traité sous seingp r iv é , et ensuite su r celles de
notaire.
l ’acte p a r-d eva n t
�x
( 12 )
E n fi n , le 10 février 1 7 8 9 , Me J e u d y , écrivant
encore au sieur Maignol , lui accusait la réception
d ’ une seconde lettre de change de 600 l i v . , et il
ajoutait : « F a ites aussi le com pte de notre situ ation,
« tant d ’après notre acte sous seing-privé, que celui
« par-devan t notaire , etc. , etc. , a jin que nous
« sachions oie nous en som m es, et que j e v o u s envoie
« une quittance précise. »
Ces dernières lettres semblent en effet devoir fixer
la situation des sieur Maignol et J e u d y , relativement
5
au prix de la cession de droits successifs, du
janvier
1 7 8 5 . Il en résulte même assez évidemment que
M e Jeu dy avait reçu quelque chose de plus que ce qui
lui restait d u , d ’après sa lettre du 2 août 178:); mais
comme il avait couru quelques intérêts, on 11e pourrait
le savoir au juste que d ’après un compte par échelette.
Ces lettres prouvent encore, de plus en plus, l’exis
tence d ’un do u ble , d ’un sous se in g -p riv é , ou d’ une
contre-lettre qui avait accompagné ou suivi l’acte du
5 janvier 1 7 8 5 , et qui contenait une augmentation
du prix porté dans cette cession; car sans cela, pour
quoi Me Je u dy aurait-il réclamé? pourquoi le sieur
Maignol a u r a i t - i l
payé
a u - d e l à de la somme de
7^00 l i v . , énoncée dans cet acte?
Enfin MeJeudydemandait un compte de sa situation
avec son beau-frère, afin de lui donner une quittance
p r é c is e ; et il parait que ce compte n ’a pas été fait;
que cette quittance n’a pas été donnée; au moins les
héritiers Maignol
contraire.
n ’ont
aucune
connaissance
du
�(
'3
)
Néanmoins, et quoique ce comple paraisse n’avoir
jamais eu lieu y Mc Je u d y savait bien que son beaufrère était entièrement libéré du prix de la cession
du janvier 17 8 5 : aussi lorsque, par la suite, il lui
demanda de l ’argent, ce ne fut plus q u ’à titre de prêt;
et en effet, le sieur Maignol lui avait prêté des sommes
assez considérables.
L e i floréal an ? Me Je u d y reconnut avoir reçu
5
5
4
du sieur Maignol, à titre de dépôt, trois louis d’or de
24 liv. chacun, un écu de
liv. et une pièce de 24 s.
(total, 76 liv. 4 s. ), q u ’il promit lui remettre à sa
3
volonté, en mêmes espèces.
Il 1'econnut encore, par le même acte, lui devoir,
pour cause de prêt, la somme de 12,000 liv. assignats.,
q u i , réduite en francs, au taux de l ’époque, s’élève,
sauf erreur de calcul, à la somme de 2 1 6 0 liv.
L e 24 vendémiaire an , il reconnut encore que le
5
44
sieur Maignol lui avait prêté la somme de 1
^ v * > en
six louis d ’or, n u m éra ire, q u ’il promit lui rendre à sa
volonté , sans p ré ju d ic e d ’autres reconnaissances que
le sieur M a ig n o l avait à lu i.
Il serait fastidieux de rappeler une à une toutes les
lettres par lesquelles Mc Je u d y , dans différentes
circonstances, a demandé de l ’argent, à titre d ’emprunt,
au sieur Maignol son beau-frère. Toutes ces lettres,
rapportées par les héritiers Maignol, prouvent que
Mc Jeudy avait souvent des besoins d ’argent, et q u ’ il
s’adressait continuellement au sieur Maignol, dont la
complaisance à lui
rendre service ne s’est jamais
démentie; au sieur Maignol q u i , d ’ailleurs, était
à
�(
4
)
cette époque dans un état d ’aisance bien connu. Ces
lettres sont nombreuses , et se lient les unes aux autres
par leurs dates et par leur contexture. L ’on croit donc
q u ’il suffit d ’indiquer, quant à présent, q u e , sur les
demandes et à lin vitation de Me J e u d y , le sieur
Maignol a payé pour l u i , le 1 1 nivôse an , au sieur
Perrin , expert a Cornon , une somme de 2 o francs
numéraire, pour le montant d un exécutoire que le
sieur Perrin avait obtenu contre Me J e u d y ;
Que ce dernier souscrivit, le i nivôse an
au
5
5
6
4
sieur Maignol, un billet de 120 liv. en numéraire;
Q ue, le 1 4 ventôse an 6 , Me Jeudy accusa réception
au sieur Maignol d ’ une somme de oo fr. que celui-ci
3
lui avait fait passer.
Par d ’ autres lettres datées de L y o n , où il se trouvait
momentanément pour affaires , M° Je u d y priait le
sieur Maignol de lui faire passer, tantôt oo f r . , tantôt
quinze louis.
3
L e 27 pluviôse an 7 , il écrivait au sieur Maignol :
« Quand 011 manque d ’argent, et q u ’on a un beau« frère receveur général des finances, 011 tire sur lu i ;
« c’est ce que je viens de faire , par un effet de
«
33 G f r . ,
etc....... » (C e t effet fut immédiatement
acquitté par le sieur Maignol).
Il est important de remarquer que Me Jeudy ajoute :
« Je te ferai raison de ceci comme de b e a u c o u p d ’autres
« choses. N o u s compterons et réglerons à mon p ro « chain retour. »
Pendant le séjour que Me Jeudy fit à Lyon, la dame
son épouse, qui était restée à Paris, s’adressa aussi au
�(
>5
)
sieur Maignol son beau-frère, pour lui emprunter
une somme de oo f r . , dont elle accusa réception par
une lettre du 6 ventôse an 7.
Enfin toutes ces lettres,, et les différens actes ou
reconnaissances dont on vient de parler , établissent
évidemment autant de créances en faveur du sieur
Maignol, contre Me Je u d y son beau-frère. L a dette de
M e Je u d y ne pouvait être connue que par le résultat
d ’ un compte à faire entre les parties, compte que
3
Me Je u dy promettait quelquefois dans ses lettres,
mais qui parait n ’avoir jamais eu lieu.
Ce qui le prouve, c’est que, le
février 1 8 1 1 , peu
4
de tems avant son décès, le sieur Maignol fit une
déclaration entièrement écrite et signée de l u i , conte
nant le mémoire ou note des réclamations q u ’ il avait
à faire contre le défendeur.
H y réclame le prix de différentes fournitures de
meubles, de bois et de v i n __ ; les jouissances d ’ une
vigne, q u ’il reproche à Me Je udy d ’avoir fait arracher,
ce qui l’aurait mise hors d ’état de pouvoir reproduire
de plus de dix ans.
11 y énonce q u e , depuis le premier compte qu'il a
fait avec M e J e u d y , ce dernier lui doit, jusq u’au décès
de la dame G u illa u m e , tante commune, la pension,
et même les arrérages d’ une rente, au capital de
1000 l i v . , q u ’ils lui avaient constituée solidairement,
parce que lu i , Maignol, a tout pay é , conformément
à la déclaration faite par la dame G u illau m e , devant
F l o u r i t , notaire à Sayat.
Le sieur Maignol y parle aussi des lettres de change
�( 16 )
que Me Jeiuly avait1 tirées sur l u i , et des diverses
sommes q u ’il lui avait prêtées ou payées pour l u i ,
tant en argent q u ’en papier-monnaie;
Enfin on y lit ces mots :
« L e sieur Je u d y doit compte des intérêts de
« plusieurs années, d ’une somme de 8400 liv. que le
« sieur Maignol lui fit passer de confiance par sa
« femme pour placer à intérêts; et le sieur J e u d y est
« en outre encore redevable au sieur Maignol de la
« somme de 8400 liv. en principal.
« N o ta . Il faut lire la correspondance que j ’ai tenue
« avec le sieur Jeu dy pour connaître tout ce q u ’il peut
« me devoir. »
L e sieur Maignol mourut quelques jours après avoir
fait cet écrit que l ’on doit considérer comme le dernier
témoignage d ’un mourant, et qui n ’eut d ’autre objet
que de mettre les héritiers de son auteur à même de
pouvoir exercer un jour tous ses droits.
Tels sont les faits q u i , dans cette cause, regardent
Me Je u d y personnellement, et le constituent débiteur
envers les héritiers Maignol; on renvoie à la discussion
qui va suivre, l ’examen des conséquences qui doivent
naturellement en résulter; et l ’on va s’occuper du récit
des autres faits de la cause.
2' SÉRIE DE FAITS.
Pendant son mariage avec la dame J e u d y , le sieur
Antoine Maignol avait payé en l ’acquit et décharge de
son épouse, différentes sommes qui étaient dues par les
successions de ses père et mère, ou qui étaient une
charge de la cession des droits successifs de Mc JeudyP union teix.
�( '7
)
D ’ un autre côté, cette cession ayant rendu la dame
Jeudy propriétaire de tous les biens provenant des
mêmes successions , et qui se trouvaient situés à
Nohanent, le sieur Maignol, dans l ’intérêt de son
épouse, et pour rendre sa propriété plus régulière, ou
pour la circonscrire dans un rayon plus resserré, fit
avec différens particuliers plusieurs échanges d héri
tages éloignés avec d ’autres qui se trouvaient enclavés
dans les propriétés de la dame J e n d y , et qui se trou
vaient plus rapprochés du centre de ces mêmes
propriétés.
Dans le même but d ’utilité et d’avantage pour
l ’exploitation des biens de son épouse, il fit différens
traités relativement à des droits de passage ou autres
servitudes; et soit pour ces derniers objets, soit pour
des retours d’échange, il paya différentes sommes qui
forment autant de reprises contre la succession de la
dame Jeudy.
Si r on peut rigoureusement considérer ces différens
actes comme faits u xorio nom ine, et comme ne devant
profiter q u ’à la dame J e u d y , il ne saurait évidemment
en être de même, de nombreuses acquisitions faites à
différentes époques par le sieur Maignol, de ses deniers
particuliers., et dans la commune de Nohanent ou
autres lieux circonvoisins.
E n effet, indépendamment de l ’acquisition faite de
M* Jeudy-Dumonteix pour la dame Maignol, le sieur
Maignol a acheté en son propre et privé nom des
héritages assez nombreux, et d ’une valeur assez consi
dérable pour former, à eux seuls,
3
un
très-beau corps
�( *8 )
de domaine. L ’on croit inutile de rappeler ici les actes
qui constatent ces acquisitions; l ’on se contentera de
faire connaître les plus importantes; et à cet égard, il
est certain q u e , le 19 janvier 1 7 9 1 , le sieur Maignol
se rendit adjudicataire d'un pré-verger et autres
héritages provenant des ci-devant religieux Jacobins,
moyennant C600 liv.
5
Le
frimaire an 6 , il acheta du sieur JeudyDugour différens immeubles situés dans la commune
de Nohanent, moyennant la somme de i , oo fr.
58
Quant aux autres acquisitions faites par le sieur
Maignol, elles sont beaucoup moins importantes.
Au surplus, le prix de ces différentes acquisitions, y
comprises celles que l ’on vient d ’indiquer, s’élève à plus
de
3 o,ooo
fr. d ’après les actes de vente; et l ’on est
fondé à croire que dans tous, on n'a point porté le
véritable prix des objets vendus, afin d ’éviter des irais
d ’enregistrement; et comme toutes ces acquisitions
ont été faites de l ’année 1 7 8 1 à l ’an 9 , il est évident
que, d ’après la progression générale du prix des biens,
comme d ’après les améliorations qui y ont été laites,
les héritages acquis par le sieur Maignol sont aujour
d ’ hui d ’ une valeur beaucoup plus considérable.
L e 20 janvier 1 8 1 1 , le sieur Maignol fit un testa
ment olographe, par lequel il légua à la dame Jeudy
son épouse la jouissance pendant sa viduité de tous
les biens meubles et immeubles dont il serait saisi,
et qui se trouveraient situés dans la commune de
Nohanent seulement, sous la réserve d ’un pré appelé
du C h ira t.
�*9
(
)
Par le même testament, il ordonna que l ’or et
l ’argent monnoyés qui seraient présumés lui appartenir
fussent remis après son décès à ses héritiers, comme ne
devant point faire partie de l’ usufruit de son épouse.
Il fit ensuite plusieurs legs particuliers à différentes
personnes qu'il est inutile de rappeler.
Enfin il légua aux dames Legay , Pannevert et
Bouyon ses trois sœurs, et à chacune d ’elles un quart
de tous ses biens meubles et immeubles, et aux deux
enfans mineurs de défunt Joseph Maignol son frère,
l ’autre qua rt, en ajoutant néanmoins que ses héritiers
11e pourraient jouir des propriétés de Nohanent et du
mobilier des maisons de Nohanent et de Glermont,
q u ’après la cessation de l’ usufruit légué à la dame
Jeu dy son épouse.
L e sieur Maignol décéda très-peu de tems après ce
testament.
Le
mars 1 8 1 1 , il fut procédé, tant en la maison
d ’ habitation q u ’il avait à Clermont, q u ’à Nohanent où
il passait une partie de l ’année,
à l ’inventaire des
meubles, effets mobiliers et papiers dépendant de sa
succession.
Le i
3
septembre suivant, sur la réquisition de la
dame Jeiidy sa veuve, et en présence des liéi i tiers
dudit sieur Maignol, assignés à cet effet, il fut procédé
devant Mc Chevalier, notaire, assisté de prise»i*S', à la
vente aux enchères, du mobilier personnel du sieur
Maignol, et d’autres objets, notamment de ceux q u ’en
sa qualité d ’ usufruitière, la dame Jeudy n ’entendait
pas conserver en nature, et qui se trouvaient dans la
�( 20 )
maison de Nohanent. Cette vente produisit une somme
3
de 2875 fr. i c., dont la dame Jeudy resta comptable
envers la succession du sieur Maignol son m ari, sauf
l ’exercice de son droit d ’ usufruit sur cette somme.
Du reste, la dame Jeu dy demeura en possession du
surplus du mobilier, et des biens immeubles situés
dans la commune de Nohanent.
Cependant la dame Maignol, veuve de P annevert,
par exploit du 3 i octobre i 8 i 5 , forma contre ses
cohéritiers une demande en partage de la succession du
sieur Antoine Maignol.
Un jugement du 1 1 mai 18 1G ordonna q u ’il serait
procédé à ce partage, mais seulement des biens de la
succession , situés dans l ’arrondissemenr de Riom , et
autres que ceux dont la dame Jeu dy était usufruitière;
et il fut en effet procédé à ce partage, en exécution
du jugement.
L a dame J e u d y , veuve Maignol, est décédée le 27
septembre 1 8 1 9 , laissant pour unique héritier
M c Jcudy-Dunionteix son frère.
Il semblait que, dès cet instant, les héritiers Maignol
dussent prendre possession des biens meubles et immeu
bles dont la dame Je u dy avait conservé l ’usufruit; il
semblait que les parties dussent faire amiablement le
compte des sommes q u ’elles pouvaient
respectivement
se d evoir5 m a is, tout au contraire, Mc Je u dy a
continué illégalement, et sans aucun droit, la posses
sion que sa sœur avait eue comme usufruitière ; il a
retenu tous les objets mobiliers; il jouit encore de tous
les biens de Nohanent, dépendans de la succession du
�/
( 21 )
sieur Maignol; il n ’a rendu aucun compte aux héri
tiers de ce dernier.
On doit dire néanmoins q u e , sur la proposition des
héritiers Maignol, il a été fait, entr’eux et Me J e u d y ,
le i cr septembre 1 8 2 0 , un compromis par lequel ils
avaient donné pouvoir k trois jurisconsultes de la ville
de Riom, de statuer sur toutes leurs contestations et
réclamations respectives.
Mais le délai du compromis est expiré, sans que les
arbitres aient rendu aucune décision.
Depuis cette époque, le décès de plusieurs des héri
tiers Maignol et la minorité de quelques autres ont
favorisé encore la possession de Me Jeudy.
E n f i n , par exploit du I er juin i S ^ S , la dame MarieAdcle Maignol et le sieur de C h a u m o n t, son mari,
ont formé contre leurs cohéritiers une demande en
partage de tous les biens de la succession du sieur
Antoine Maignol , dont la dame Jeu dy avait eu
l ’ usu fruit.
L e 8 juin 1 8 2 5 , ils ont dénoncé cette demande à
Me J e u d y , comme héritier de la dame sa sœur. Ils l ’ont
assigné pour assister au partage , et pour voir ordonner
q u ’il serait tenu d ’y faire le rapport de tous les biens
meubles dépendans de cette succession, ainsi que des
biens immeubles situés à Nohanent, et du montant
des jouissances et dégradations par lui perçues ou
commises dans lesdits biens, depuis le décès de la
dame J e u d y , veuve Maignol, sa sœur, avec intérêts
du tout, tels que de droit.
Tous les défendeurs ayant constitué avoue , les
�( 22 )
Cohéritiers de la dame de Chaumont ont fait signifier
des conclusions, par lesquelles ils ont déclaré q u ’ils
do unaient les mains au partage demandé.
De son côté, Mc Je udy a fait signifier, le 1 1 juillet
1 8 2 6 , des moyens de défense, dont il est nécessaire
de donner sommairement l ’analyse.
Il a rappelé d ’abord que le domaine que la dame
J e u d y , veuve Maignol, possédait à Nohanent, et q u ’il
a recueilli après elle, comme son seul héritier, lui était
propre et d ’origine patrimoniale, comme provenu de
Girard Je udy son père, et de François Jeudy son oncle;
Que le sieur Maignol était originaire de Landogne,
et ne possédait aucuns biens lors de son mariage;
Que si, depuis ce mariage, le sieur Maignol avait
fait dans le lieu de Nohanent des acquisitions q u ’il
avait réunies au domaine de son épouse, la présomp
tion serait q u ’il ne les aurait faites que u xorio nom m e,
ou en remploi des fonds dotaux de celle-ci, par lui
aliénés, ou dès sommes q u ’il aurait touchées ou re
couvrées , à elle propres.
Il a prétendu, eu outre, que les époux de Chaumont
l ’ayant assigné en rapport et désistement de biens
fonds et immeubles situés a N o h a n e n t , appartenant à
la succession Maignol, sans donner la désignation de
ces biens, et indiquer leur nature, leur contenance, leur
situation avec leurs tenans et aboutissans, aux termes
de l ’article
du Code de procédure civile ; n ayant
64
d’ailleurs justifié d’aucun titre pour établir que le
sieur Maignol aurait fait des acquisitions en son nom
p erso n n el, et pour lui demeurer propres, il en résulte
�que la demande est non seulement nulle et irrégulière,
mais encore non recevable.
E n conséquence, Me Jeudy a conclu à ce que la
demande des sieur et dame de Chaum ont fût déclarée
nulle, et à ce que les demandeurs fussent condamnés
aux dépens.
Il s’est fait réserve de tous autres droits et conclu
sions, notamment pour la répétition et liquidation des
reprises dotales et matrimoniales de la dame Jeudy sa
sœur, et de ses droits et actions personnels contre les
héritiers Maignol.
L a cause étant en cet état, les cohéritiers de la dame
de C ha um o n t, ayant vu que celle-ci, ne connaissant
pas toute l'étendue des droits de la succession Maignol
contre Mc J e u d y , avait négligé plusieurs réclamations
importantes, ont formé, le i a janvier 1 8 2 7 , contre
Me J e u d y , une nouvelle demande tendante,
i° A ce q u ’il soit tenu de venir à compte avec les
héritiers Maignol de toutes les sommes que le sieur
Maignol avait payées pour lui , ou q u ’ il lui avait
prêtées,
dans lesquelles entreront,
notamment
la
somme de 12 , 0 0 0 li v ., en assignats, prêtée au sieur
Jeudy le i iloréal an
? et
somme de 8400 liv.
en numéraire, aux offres de déduire toutes sommes
5
4
que Me Je udy justifierait avoir remboursées; pour, le
compte fait et déb attu , se voir condamner à en payer
le reliquat, avec intérêts ainsi que de droit;
20 A ce qu ’ il soit condamné à leur payer la moitié
du prix principal de la cession par lui consentie aux
sieur et dame Maignol, le
5 janvier
1 7 8 5 , et intérêts
�*4
(
)
J e ladite somme, à partir du décès du sieur Maignol,
avec offre d ’en déduire les sommes qui seraient justifiées
avoir été payées sur le prix de ladite cession des deniers
personnels de ladite dame J e u d y ;
3° À ce q u ’il soit condamné à venir avec les héritiers
Maignol, à division et partage des biens et droits acquis
par ladite cession du
janvier 1 7 8 ^ , pour en être
attribué, moitié à la succession Maignol, avec tous
rapports et prélèvemens de droit ;
5
E n fi n , par leur exploit d ’assignation, la dame de
Pannevert et consorts ont déclaré à M* Je u d y que leur
demande avait pour but de parvenir à l ’apurement et
liquidation définitive de tout ce qui peut leur être
dû par M® J e u d y , soit personnellement, soit comme
héritier de la dame sa sœur.
Me J e u d y a constitué avoué, mais il 11’a encore fait
notifier aucunes conclusions ni moyens de défense sur
ces dernières prétentions des héritiers Maignol.
Par jugement rendu en 1 8 2 7 , cette dernière demande,
après avoir été dénoncée aux sieur et dame de Chaum o nt, a été jointe à la demande formée par ceux-ci,
le
I er
8 5
juin i a , vu leur connexité, pour être statué
sur le tout par un seul et même jugement.
C ’est en cet état, que la cause est soumise à la décision
du tribunal;
elle ne présente aucune question bien
sérieuse, mais il est indispensable de faire quelques
observations sur chacun des chefs de demande des héri
tiers Maignol, après avoir écartc les fins de non recevoir
q u ’on leur oppose,
�MOYENS.
§ IerF in s de non recevo ir proposées p a r M* J e u d y .
Les moyens de nullité et fins de non recevoir pro
posés par Me Jeu d y contre la demande des sieur et dame
de Chaumont donneraient à penser q u ’il ne veut pas
aborder franchement la discussion de la demande qui
est dirigée contre lui.
Toutefois, en supposant ces exceptions fondées, il est
facile de voir que Me Je u d y en tirerait un bien faible
avantage, puisque l’on pourrait former immédiatement
contre lui une autre demande plus régulière; mais
l ’on ne saurait croire que ces iins de non recevoir
soient bien sérieuses, à moins q u ’elles n ’aient pour
cause l'espoir q u ’aurait conçu Me Je u dy de se main
tenir quelques jours de plus dans la possession de
propriétés, q u ’il sait bien ne pas lui appartenir.
Quoi q u ’il en soit, il est facile de démontrer que
ces fins de non recevoir n ’existent réellement pas, et
que l’on fait à la cause une fausse application des
dispositions de la loi.
E n effet, M* Jeu dy prétend d ’abord que la demande
formée contre lu i, par la dame de C h a u m o n t, est
64
nulle, aux termes tic l'article
du Code de procé
dure , comme n ’indiquant pas suffisamment la nature,
la contenance, la situation et les confins des immeubles
dont on lui demande le rapport et le désistement.
Il soutient, en second li e u , que cette demande
4
�( >6 )
n ’est pas recevable, parce que les demandeurs ne
justifient d ’aucun titre, pour établir que le sieur
Maignol aurait
fait
des
acquisitions en son nom
personnel.
Les mêmes moyens serviront de réponse à ces deux
64
prétentions. D ’abord, il est vrai que l ’article
du
Code de procédure exige, à peine de nullité, q u ’en
matière réelle 011 mixte, les exploits d’ajournement
énoncent la nature de l ’ héritage, la commune^ e t ,
autant q u ’il est possible, la partie de la commune où
il est situé, et deux au moins des tenans et aboutissans.
Mais cet article ajoute que, s’ il s’agit d ’ un domaine,
corps de ferme ou métairie, il suffit d ’en désigner le
nom et la situation.
Cette disposition de la loi a le même esprit que
3
l ’article , titre 9 de l ’ordonnance de 1 6 6 7 , qui con
tenait une disposition semblable; c’est de faire ^
comme le disait textuellement cette ordonnance, que
le d é fe n d e u r ne puisse ignorer p o u r q u e l héritage il
est assigné.
Aussi tous les commentateurs professent l ’opinion
q u e , lorsque la désignation faite dans la demande,
quelles que soient les expressions dont on s’est servi,
est telle que le défendeur ne puisse pas se méprendre
sur l ’objet de la contestation, le vœu de la loi se
trouve suffisamment rempli.
Les mêmes auteurs et la jurisprudence indiquent
encore que la désignation des lieu et commune est
suffisante^ lorsqu’il s’agit d ’ une u n iversalité d*immeu
bles, parce q u ’alors c’est évidemment le cas d ’appliquer
�( 27 )
64
la seconde parlie de l ’article
du Code de procédure,
qui dispense de toutes les désignations exigées pour les
cas ordinaires, lorsqu’il s’agit d ’ un domaine, corps de
ferme ou métairie. ( Voir notamment Carré, A n a ly se
rnisonnée de la p r o c é d u re , question
; — P igeau,
édition publiée, en 1827 , par M. Poncelet, tome i cr,
page 1 8 7 ; — Arrêt de cassation, du 10 décembre 18 06,
S i r e y , tome 6 , i rc partie, page i ).
232
55
Or, les sieur et dame de Chaumont, par leur exploit
de demande, ont fait connaître à Me Jeu dy q u ’ils
avaient provoqué le partage des biens d ’ Antoine
Maignol, situés dans la commune de N ohanent ; biens
dont la dame J e u d y , veuve Maignol, avait joui jusqu’à
son décès, comme usufruitière; biens dont Me Je u dy
s’est mis ensuite en possession, comme héritier de celte
usufruitière q u ’il représente. Ne lui a-t-011 pas suffi
samment indiqué les biens dont le rapport lui était
demandé? E t peut-il raisonnablement prétendre que
cette demande ait pu f a i r e naître la moindre équivoque?
Comment Mc Je u dy pourrait-il soutenir de bonne
foi que la demande est non recevable , parce q u ’on
ue lui aurait signifié aucun litre établissant que
le sieur Maignol eût des propriétés dans la com
mune de Nohanent? N ’est-il pas évident que cette
notification ne lui a pas élé faite, pour éviter des frais
considérables, parce que ces titres de propriété sont
très-nombreux?........ E t comment pourrait-il feindre
d ’ignorer l ’existence des biens du sieur Maignol, lui
héritier et représentant de la dame Jeu dy sa sœur, qui
en a élé l usufruitière?........
�( 28 )
C ’est déjà trop s^occuper de ces moyens si peu
capables de fixer l ’attention du tribunal.
Il faut examiner le fonds de la contestation , et l ’on
va parcourir successivement les réclamations des hétitiers Maignol contre Me J e u d y , soit personnellement,
soit comme héritier de la dame sa sœur.
«
§ n.
D em an des contre
31e J e u c l j personn ellem en t.
L ’on voit par quelques-unes des lettres de Me Je u d y ,
notamment celle du 10 février 1 7 8 9 , q u ’il y avait un
compte à faire entre lui et le sieur Maignol des diffé
rentes sommes q u ’il devait à ce dernier.
Tout annonce que ce compte n ’a jamais eu l i e u ,
et l ’on doit l'attribuer sans doute ou à la négligence
du sieur Maignol, ou à la juste confiance q u ’il avait
en son beau-frère, aux malheurs q u ’éprouva le sieur
Maignol pendant les dernières années de sa v ie , ou
enfin à l ’éloignement des domiciles des deux parties.
Q u oiq u ’ il en soit, il n’est pas douteux que Mc Jeu dy
était débiteur de M. Maignol à l ’époque du décès de
celui-ci.
Il est impossible quant à présent d ’assigner à quelle
somme s’élevaient les créances du sieur Maignol; mais
ces créances résultent des divers élémens que 1 011 a
déjà fait connaître,
De la correspondance de Mc J e u d y , constatant
ses fréquentes demandes à son beau-frère, et de nom-
�29
(
)
breux accusés de réception des sommes que le sieur
Maignol lui a envoyées à différentes époques;
2° Des différens billets , promesses ou reconnais
sances dont on a parlé précédemment.
Ces lettres et reconnaissances entièrement écrites et
signées par Me J e u d y , sont autant de titres q u ’il ne
saurait méconnaître;
° E n f i n , de la déclaration écrite par le sieur
3
3
Maignol, le février 1 8 1 i , peu de jours avant sa mort,
déclaration qui contient la note de ses réclamations
contre M* Je u dy.
U n compte est donc indispensable pour connaître
au juste quelle est la somme due par Me Jeu dy à la
succession Maignol; et comme Mc Jeudy n ’a jamais
donné de quittance définitive du prix de la cession du
5 janvier ^ , quoique dans plusieurs lettres il ait
1 85
annoncé l’ intention de donner cette quittance, et que,
d ’ un autre côté, il a été payé par le sieur Maignol
au-delà du prix de cette cession, il est juste q u ’en
procédant à ce compte, l ’on établisse d’abord toutes
les sommes que le sieur Maignol a payées à Mc Je u d y ,
5
depuis l’époque de la cession du
janvier 178^. E n
procédant ainsi, toutes les sommes payées par le sieur
Maignol devront être imputées jusqu'à duc concurrence
sur ce qui restait dû sur le prix de cette cession; et le
sieur Maignol sera considéré comme préteur, ou créan
cier de tout le surplus tics sommes par lui envoyées,
prêtées directement à Mc J e u d y , à litre de prêt ou de
dépôt , ou payées à des tiers , en son acquit et
libération.
�(
3o
)
Il ne paraît pas, an surplus, que Me Je u d y ait fait
aucun remboursement; car le sieur lYlaignol n’aurait
pas manqué de le constater par sa déclaration du
3
février 1 8 1 1 , où. il a établi avec tant de soin ses diffé
rentes répétitions.
Enfin Me Jeudy n’a fait encore connaître aucune
quittance, aucun acte, traité ou règlement de compte,
propre à établir sa libération, ou la diminution de sa
dette.
Cependant, par ses conclusions du 1 1 juillet 18 27 ,
il se fait réserve de tous ses droits et actions personnels
contre les héritiers M a ig n o l/ mais comme ceux-ci
ignorent absolument en quoi consistent ces prétendus
droits, ces prétendues actions, ils attendront q u ’il
plaise à Me Jeudy de les exercer pour y défendre, et 11e
fout d ’ailleurs aucune difficulté de lui allouer toutes
les sommes q u ’ il justifierait avoir payées sur celles
dont il était débiteur envers le sieur Maignol.
Cela posé, et tenant pour certain q u ’il doit être fait
un compte, il reste k distinguer les diiférens articles
de répétition qui devront y être alloués aux héritiers
Maignol.
Leurs réclamations se divisent en trois classes :
Prem ièrem ent : Des créances constatées par lettres,
reconnaissances ou autres actes émanés de Me J e u d y ;
il ne peut s’élever la moindre difficulté sur leur allo
cation.
S e c o n d e m e n t : D ’autres créances ilont les titres ne
sont point produits , et notamment la somme de
8400 l i v . , et les intérêts de cette somme, qui, d’après
�la déclaration du sieur Maignol, aurait été remise par
lui à Me J e u d y , pour être placée à intérêts.
«
«
«
«
«
«
L a déclaration est ainsi conçue dans cette partie :
L e sieur Jeu dy doit compte des intérêts de plusieurs
années d ’ une somme de 8400 l i v , que le sieur
Maignol lui fit passer de confiance par sa femme,
pour placer à intérêt s, et le sieur Jeu d y est en
outre encore redevable au sieur Maignol de la
somme de 8400 liv. en principal. »
IL est vrai que , jusqu’à présent , les héritiers
Maignol ne peuvent justifier la réclamation de cette
somme, que par cette déclaration elle-même; et l ’on
opposera sans doute que personne ne peut se faire un
titre à soi-même.
On aime à penser, néanmoins, que M e Jeudy
donnera sur ce point, comme sur beaucoup d'autres,
des explications satisfaisantes ; et sa loyauté bien
connue , invoquée par les héritiers Maignol , les
autorise à croire q u ’ il reconnaîtra la vérité de la décla
ration faite par celui q u ’ils représentent.
E n effet, que de présomptions ne résulte-t-il pas de
3
cette déclaration du
février 1 8 1 1 ?....
Elle a été faite peu de jours avant le décès du sieur
Maignol, et à une époque où, atteint de la maladie à
laquelle il a succombé, il cherchait à mettre de l ’ordre
dans ses affaires; à se rendre compte à lui-même de sa
position avec Mc J e u d y ;
à éclairer ses héritiers sur
l ’objet et la nature de ses réclamations; et dès-lors
quelle confiance ne doit-on pas avoir dans ce dernier
témoignage du dé fu n t?......
�Mais enfin , si Me Jeucly désavouait avoir reçu cette
somme et en être débiteur, les liéritiers Maignol seront
bien fondés à lui déférer le serment, d’après les dispo
sitions du Code civil.
Troisièm em ent. Enfin des répétitions d’une autre
nature, énoncées encore dans la déclaration du
février 1 8 r i Le sieur Maignol rappelle dans cette déclaration,
q u ’il a fourni à Me Jeudy plusieurs objets mobiliers,
tels que table de je u, chaises, tonneaux, e t c . . . ; plus,
3
vingt-cinq pots de vin.
Il y prétend que Me Jeu dy a retiré une quantité
de bois de corde, d ’ une portion du bois de Cosme,
qui appartenait au sieur Maignol;
Que Me Jeu dy a jou i, pendant plusieurs années, à
moitié fr u i t , de la vigne du sieur Maignol, sans lui
rendre jamais aucun compte de la récolte; q u ’enfin
Mc Jeudy avait fait arracher cette vigne, ce qui la
mit hors d ’état de reproduire pendant plus de dix ans.
Les observations qui précèdent doivent s’appliquer
aussi à ces dernières réclamations.
Cependant les demandeurs pourraient parvenir à en
justifier une partie, par la preuve testimoniale. L a
déclaration du 4 février 1 8 1 1 indique même des
témoins des faits que le sieur Maignol reprochait au
sieur J e u d y ; mais, il faut le dire, ces réclamations
sont trop peu importantes, pour que l'on y trouve la
nécessité de faire des frais considérables. On déférera
f
donc encore, sur ce poin t, le serment a M° J e u d y s
dans le cas de dénégation.
�(
33
)
S ’ il reconnaît, au contraire, l ’exaclitude des faits
attestes, par le sieur Maignol, le tribunal pourra fixer
d ’office la valeur des différens objets mobiliers ou
dégradations dont il s’agit; et les héritiers Maignol
souscrivent d ’avance a l ’évaluation qui en sera faite.
E n fi n , il faut remarquer que Me Je u d y doit encore
aux héritiers Maignol les intérêts de ces différens objets
de réclamation, à partir de chaque réception ou per
ception de sa part; et il ne saurait s’élever aucune
diffi culté bien sérieuse sur l ’allocation de ces intérêts.
C ’est donc le compte demandé, qui seul pourra
faire connaître la véritable situation de Me Je u d y avec
les héritiers Maignol.
Dès-lors on croit inutile de s’ arrêter plus long-tems
à l ’examen de la demande formée contre Me Je udy
personnellement, et l ’on va s’occuper de celle dirigée
contre l u i , comme héritier de la dame sa sœur.
S III.
D em ande contre la succession de la dam e J e u d y
3
d écédée v eu v e M a ig n o l.
Cette demande a pour objet d ’obtenir enfin de
Me Jeu dy la restitution et le délaissement de tous les
biens meubles et immeubles faisant partie de la
succession du sieur Maignol, et dont la dame Jeudy
sa veuve a conservé l ’ usufruit jusqu’à son décès, en
vertu du testament du 20 jauvier 1 8 1 1.
S ’ il fallait s’en rapporter aux conclusions signifiées
par Me J e u d y , la succession du sieur Maignol serait
5
�(
34
)
purement idéale; on si Mc Jeu d y convient que le sieur
Maignol avait acquis des biens à Nolianent, il s’em- »
presse d ’ajouter que ces biens n’ont été acquis q u ’en
remploi du prix des biens dotaux de la dame Je udy sa
sœur, ou de sommes appartenant à cette dernière,
que le sieur Maignol avait touchées en qualité de mari.
Mais lors du décès du sieur Maignol , sa veuve
n ’avait pas tenu ce langage; et d ’ailleurs les titres
abondent pour établir les droits et les reprises des
héritiers Maignol.
L e testament du sieur Maignol constate, à n ’en
pas douter, q u ’il avait à Nolianent des biens meubles
et immeubles, à lui propres, et distincts de ceux de
son épouse. Pourrait-on récuser ce testament, que la
dame Je u d y a exécuté, dont elle a profité jusqu’à son
décès ?.......
L ’inventaire, fait le 12 mars 1 8 1 1 , constate l ’exis
tence d’ un mobilier considérable; et il est prouvé, par
l ’acte du i
3
septembre suivant, que la dame J e u d y ,
veuve Maignol, en avait conservé une partie en nature;
que le surplus avait été vendu publiquement, et avait
produit une somme de 2875 francs , somme retenue
aussi par la dame Jeudy, pour en jouir, comme usufrui
tière , jusqu’à son décès.
Les actes nombreux d ’acquisition , produits par les
héritiers Maignol, sont autant de titres qui constatent
l ’existence des immeubles de la succession.
Pendant la durée de son mariage, le sieur Maignol
avait acquis des biens situés à Nolianent, indivis entre
son épouse et Me Jeudy lui-même : ce sont les droits
�(
35
)•
5
1 85
successifs compris dans la cession du
janvier ^ .
Celte première acquisition avait été faite dans l ’intérêt
de la dame Jeudy seule.
Il avait acheté aussi, à différentes époques, d’autres
immeubles situés dans la même commune de Noha
nent. Ces dernières acquisitions lui étaient propres et
personnelles; il les avait faites p o u r lu i et les siejis;
le prix en a été payé de ses deniers.
Ce n ’est pas sérieusement, sans doute, q u e , dans
ses conclusions signifiées, Me Je u dy a prétendu que
toutes ces acquisitions indistinctement doivent être
considérées comme faites uæorio nom ine, et que toutes
doivent profiter à la succession de la dame Je u d y q u ’il
représente.
On conçoit facilement tout l ’intérêt que l ’adversaire
pourrait avoir à soutenir un pareil système. Se main
tenir en possession de tous les biens acquis; profiter
de l ’augmentation de valeur q u ’ ils ont reçue depuis
l'acquisition, et, pour la restitution du p r ix , ren
voyer les héritiers Maignol a un compte : tel est évi
demment le but que l’on se serait proposé ; car on
prétend, sans en fournir aucune preuve, que ces biens
n ’avaient été acquis q u ’en remploi de biens dotaux,
prétendus aliénés par le sieur Maignol.
Quoi q u ’il en soit, ce système de défense donne lieu
à une distinction très-importante entre ces différentes
acquisitions ; et les contestations qui s’y rattachent ne
pouvant être décidées de la même manière, on va les
examiner séparément.
�B ien s acquis de M c J e u d y , le
5 ja n v ie r
5
i 78 .
5
On a déjà dit que la cession du
janvier 17 8 5 fut
consentie par Me Jeu dy à la dame sa sœur, épouse du
sieur Maignol, et au sieur M a ig n o l, audit nom de
m ari : tels sont les termes de la cession.
L ’on sait aussi q u ’en Auvergne, la femme, mariée
sous le régime dotal, ne pouvait faire aucune acquisi
tion pendant le mariage, à moins que ce ne fut en
remploi de ses deniers dotaux; et, d ’après ce principe,
tous les biens acquis par la femme étaient considères
comme la propriété du mari.
D ès-lors la circonstance que la cession aurait été
consentie à la dame Jeu dv serait fort indifférente, si
elle était isolée.
Mais les biens meubles et immeubles compris dans
cette cession provenaient des père et mère de la dame
J e u d y ; iis étaient indivis entr elle et le vendeur. De
plus, il est ajouté, dans l'acte, que la cession est faite
par forme de licitation et partage*
Cette dernière raison seule, d ’après la jurisprudence
ancienne que l ’article i/j.o8 du Code civil a érigée en
l o i , peut faire considérer l ’acquisition dont il s ’ a g i t
comme faite uæorio nôm ine, et ne devant profiter q u ’à
la dame Je udy ou à son représentant.
Ain si, les héritiers Maignol ne contesteront pas la
prétention de Me J e u d y , en ce qui concerne tout ce
qui a pu faire partie de la cession du janvier 17 8 5 .
5
Mais par cela même, Me Jeudy doit leur restituer
�37
(
)
toutes les sommes q u i , sur le prix de cette cession, ont
été payées par le sieur Maignol, et de ses deniers
personnels.
Pour asseoir une opinion sur ce point, il faut se
rappeler que le prix de la cession du janvier 1 7 8 $ ,
porté seulement à ^5oo fr. dans l ’acte authentique,
était réellement de la somme de 10,000 liv. ainsi q u ’il
est expliqué par la correspondance de Me J e u d y , et
5
notamment par sa lettre du 2 août 1 7 8 5 , dont on a
parlé dans le récit des faits.
Il résulte encore de l’acte du
5 janvier
17 8 5 que le
55
sieur Maignol paya comptant une somme de
oo liv.,
dont 1000 liv. seulement des deniers dotaux de la dame
Jeu dy son épouse; et la lettre que l ’on vient de citer
constate enfin que Me Je udy avait touché de Chalamet
la somme de
3 ooo
livres sur le prix de la maison
de Clerm ontj d ’où. il suit que sur le prix de la
cession de 1 7 8 5 , la somme de 4 ° ° ° livres aurait été
payée des deniers dotaux de la dame J e u d y , épouse
Maignol.
Quant aux autres sommes payées plus tard sur le
prix de cette acquisition, elles l ’ont été des deniers
personnels du sieur Maignol, et l’on trouve la preuve
de ces divers paiemens dans celte même lettre du
2 août 1 7 8 5 , quoique d ’ailleurs elle contienne des
erreurs de calcul q u ’ il sera facile de relever, lors des
comptes à faire entre les parties.
Ainsi MeJeudy devra restituer aux héritiers Maignol,
ou leur faire compte pour cet objet de la somme de
�(
38
)
6ooo l i v . , réellement payée par leur auteur sur le prix
de la cession de 1 785.
Il devra de plus leur faire compte des intérêts de
cette somme, à partir de l ’époque du décès du sieur
Maignol jusqu’au réel paiement.
L ’on dit ci p a rtir du d é c è s , parce q u ’étant reconnu
que la dame Je u d y était seule propriétaire des biens
compris dans la cession du
janvier 1 7 8 5 , parce que
l'acquisition avait été faite uæorio nomine , il faut en
5
conclure que dès l ’instant du décès de son m a r i , elle
s’est trouvée devoir à la succession de ce dernier toutes
les sommes q u ’il avait payées pour elle sur le prix de
cette acquisition; et s’ il est vrai que par son testament
du 20 janvier 1 8 1 1 , le sieur Maignol eut légué à son
épouse l ’ usufruit de ses biens, il est certain aussi que
cet usufruit n em brassait c/ue les biens m eubles et
im m eubles situés dans la com m une de Nohanent.
Mais le sieur Maignol n ’avait point soumis à cet
usufruit l ’or et l ’argent monnoyé, non plus que les
créances qui pouvaient lui appartenir.
Cela résulte clairement d ’ une dernière clause de son
testament, dans laquelle, après avoir légué la propriété
de tous ses biens à ses héritiers naturels, le testateui
ajoute : q u ’ils ne pourront néanmoins jouir des pro
priétés de Nohanent, et du mobilier des maisons de
Clermont et de Nohanent, q u ’après la cessation de
l ’ usufruit de son épouse.
Ces intérêts ne sauraient donc être raisonnablement
contestés,
�A u iïe s acquisitions fa ite s p a r le sieu r M à ig n o l.
6'i la jurisprudence a posé en principe que la femme
avait le droit de profiter de l’acquisition faite par son
m ari, de biens indivis entr’elle et le vendeur, la raison
principale en est q u ’ une pareille vente doit être consi- dérée comme un véritable partage, ou une licitation
au moyen de laquelle la femme cohéritière, ou co-propriétaire, qui avait déjà une portion indéterminée
dans l ’immeuble vendu (p a rs in toto et in qu dlib et
p a r te ) , devient propriétaire du tout, à la charge par
elle de payer à son cohéritier une partie du prix auquel
les parties sont présumées avoir fixé la valeur de la
chose indivise.
Cette décision est conforme a cet autre principe
d’après lequel, par l ’eiTet rétroactif que la loi donne
aux partages et licitations, chacun des co-partageans
est censé avoir succédé immédiatement au défunt pour
tout ce qui lui est attribué par reflet du partage.
(C o d . civ., art.
).
883
De même , le cohéritier auquel reste l ’ immeuble
indivis, par suite de vente ou de licitation, est censé
avoir succédé immédiatement au défunt pour la totalité
de l 'héritage dont il devient acquéreur ou adjudica
taire, à la charge de payer à ses cohéritiers leur part
clans le prix ^ il est censé n ’avoir ricm acquis de ses
cohéritiers, qui eux-mêmes, sont censés remplis du
droit indéterminé qu ils avaient dans la succession par
la portion du prix que 1 adjudicataire est tenu de leur
donner, et n ’avoir jamais eu aucune part dans l ’héri-
�(
4o
)
45
tagelicite. (Polluer, Traité de la communauté, n°s 1 ,
i o, Toullier, tome i î , nos 1
et suivans).
Mais cette fiction de la loi ne peut avoir lieu,
q u ’autant q u ’avant l ’acquisition faite par le mari, la
5
55
femme avait déjà un droit quelconque, indéterminé,
dans l ’héritage par lui acquis; q u ’autant q u e , lors
de la vente, cet héritage était encore indivis en lr ’elle
et le vendeur. C ’est le seul fait à constater, pour que
l ’on puisse faire l ’application de ces principes; et il est
évident que si un partage avait eu lieu précédemment,
la vente ne pourrait profiter q u ’au mari. Ce partage
aurait déjà fixé les droits de la femme et ceux de son
cohéritier vendeur. Ce dernier vendrait alors des
droits certains} devenus sa propriété exclusive.
Dans l ’espèce, c’est d ’après ces principes que la
5
cession du
janvier 1 7 8 5 doit profiter à la dame
J e u d y , parce q u ’ il est certain que les biens compris
dans la vente du
janvier 178G» étaient indivis entre
5
la dame J e u d y , épouse Maignol, et son frère; mais il
est certain aussi que tous les autres biens acquis par
le sieur Maignol ne faisaient point partie du patri
moine de la famille J e u d y , et sur-tout q u ’ils 11’étaient
pas indivis entre la dame Jeudy et les différens étran
gers qui les ont vendus.
Comment, dès-lors, pourrait-on prétendre que ces
biens ont été acquis uæorio n o m in e?.......Quel motif,
ou plutôt quelle disposition pourrait-on trouver dans
la loi, pour établir cette étrange prétention?
Le sieur Maignol a figuré seul dans les contrats
d ’acquisition. Il a acquis p o u r lu i çt les sien s, et non
�( 41 )
pour son épouse; il a payé de ses deniers personnels.
Peu importerait q u e , pendant le mariage, le sieur
Maignol eut reçu quelques sommes appartenant à son
épouse. Observons que rien ne justifie encore cette
assertion de Mc J e u d y ; mais, fùt-elle prouvée, ce ne
serait pas une raison de décider que les biens dont il
s’agit ont été acquis en remploi des sommes que le
sieur Maignol pourrait avoir reçues.
L e remploi ne se présume point; il faut q u ’ il soit
exprimé; il f aut , de p lus, q u ’ il soit formellement
accepté par l ’épouse. D ’ailleurs la succession de la dame
Je u d y aurait une action particulière contre les héri
tiers Maignol, pour ses reprises matrimoniales; mais
elle n ’a aucun droit à la propriété de ces biens.
L a dame Jeudy l ’a bien reconnu elle-même, après
le décès de son mar i ; elle n’a point réclamé la pro
priété des immeubles acquis par le sieur Maignol; elle
en a joui comme simple usufruitière, en exécution du
testament de ce dernier. Si la dame Je u d y eût été pro
priétaire de ces immeubles , sur quels biens aurait
donc frappé son usu fruit?. .. E t , dès-lors, puisqu’elle
a accepté cette qualité d ’ usufruitière^ en exécutant à
son profit le testament du sieur Maignol, il est évident
q u ’ il s’élève une fin de non recevoir insurmontable
contre la prétention de Me Je u d y , son héritier, à la
propriété des biens acquis par le sieur Maignol.
Il faut le reconnaître : tous ces biens appartiennent
à la succession de ce dernier; ils en sont même la partie
la plus considérable.
Il faudra donc q u ’ils soient, divisés entre les liéri-
G
�4
( » )
tiers Maignol; et les experts pourront facilement les
distinguer des biens patrimoniaux de la dame J e u d y ,
quoique les uns et les autres soient situés dans le même
l i e u , et n’aient fait pendant long-tems q u ’ un seul
corps d ’exploitation.
Les conclusions des héritiers Maignol contre MeJe u d y,
en rapport de ces immeubles au partage, sont donc
pleinement justifiées.
Enf i n, il doit être condamné à y rapporter aussi
les jouissances q u ’il en a perçues depuis l ’année 1 8 1 9 ,
époque du décès de la dame Je udy sa sœur, jusq u’au
réel désistement; les dégradations par lui commises,
le mobilier de toute nature, dont la dame Jeudy avait
conservé l ’ usufruit, et les intérêts du tout, ainsi que
de droit.
D em an de d'u n e provision.
Les héritiers Maignol, dans l ’état actuel des choses,
ne sout-ils pas bien fondés à réclamer une provision
de la somme de 10,000 francs?
Les faits que l ’on vient d’exposer prouvent claire
ment que Me Je udy est leur débiteur de sommes trèsconsidérablcs, soit de son chef personnel, soit comme
héritier de la dame Je u dy sa sœur.
Us prouvent encore q u ’il est tenu
de
leur
restituer
les jouissances de près de dix années des biens de la
succession
Maignol ,
situés
dans
la
commune
de
Nohanent.
k
1.
Il
est évident, d ’ailleurs, que le procès qui divise
les parties ne peut être mis îi fin, sans q u ’il soit procédé
à un compte^ à une expertise, opérations longues et
�( 43 )
dispendieuses, q u i , sans doute, donneront lieu à
quelques incidens; et, dans cette occurrence, il ne serait
pas juste que les héritiers Maignol fussent obligés de
faire les avances de tous les frais que peut nécessiter
l ’instance; il ne serait pas juste q u ’ils fussent privés
plus long-tems de toute participation aux revenus ou
intérêts des biens meubles et immeubles qui composent
la succession du sieur Maignol.
Si donc l ’on prend en considération, et l ’ importance
des sommes principales qui sont dues par Me J e u d y , et
le nombre des héritiers Maignol, il est impossible de
taxer d ’exagération la somme à laquelle ils ont fixé la
provision qui leur est due ; et l ’on pense q u ’ il est
absolument inutile de rien ajouter sur ce point.
Les héritiers Maignol ont cherché à présenter avec
ordre les faits dont la connaissance leur parait indis
pensable pour la décision de cette cause : c’est le
principal but q u ’ils se sont proposé en faisant imprimer
ce Précis. Il suffit, en effet, de les avoir expliqués tels
q u ’ ils résultent des actes produits, pour avoir fait
apprécier déjà toute, la justice de la réclamation des
héritiers Maignol. Us attendent donc, avec la plus
grande confiance, la décision qui doit justifier leur
demande.
D E CHAUMONT.
Pour les héritiers Maignol, •!
BOUTAREL.
Me J . J . C H I R O L , A vo c a t.
M* J O H A N N E L , A v o u é .
RIOM , IM P R IM E R IE DE SALL ES FILS , PRES L E PAL AIS DE J U S T I C E ,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums fonds privés
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_DVV06_0001.jpg
Description
An account of the resource
<a href="https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les Factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Maignol, Adèle. 1834?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
J.-J. Chirol
Johannel
Subject
The topic of the resource
partage
jouissance des biens hérités
contrats de mariage
ventes
indivision
actes sous seing privé
créances
experts
désenclavement
successions
testament olographe
enchères
partage
usufruit
Description
An account of the resource
Mémoire pour dame Adèle Maignol et le sieur Martinat de Chaumont son mari, propriétaires, demeurant à Landogne; Le Sr. Bouyon, ancien receveur de l'enregistrement; Le sieur Bouyon-Lafont, receveur de l'enregistrement à Pontgibaud; La dame Bouyon et le sieur Boutarel son mari, juge de paix à Pontgibaud; La dame Bouyon et le sieur Cluzel son mari, notaire à Chapdes; Et autres, héritiers de dame Marie Maignol, décédée épouse du sieur Bouyon, notaire à Bromont; La dame Marie-Gilberte Maignol, veuve de M. de Pannevert, demeurant au Puy-Saint-Gulmier; La dame Marie-Gilberte Maignol et le Sr Legay son mari, ancien notaire, demeurant à Pontgibaud; Tous héritiers de sieur Antoine Maignol, ancien receveur général à Clermont, demandeurs; Contre M. Joseph-Antoine Jeudy-Dumonteix, ancien jurisconsulte à Clermont, défendeur
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Salles fils (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1830
1780-1830
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV07
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Nohanent (63254)
Landogne (63186)
Pontgibaud (63285)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/28/53997/BCU_Factums_DVV07.jpg
actes sous seing privé
contrats de mariage
Créances
désenclavement
enchères
experts
indivision
jouissance des biens hérités
partage
Successions
Testament olographe
usufruit
ventes