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OBSERVATIONS
SU R LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffam atoire
imprimé et
publié à R iom pour ses adversaires , et
produit par eu x devant la Cour d 'a p p e l
séant en cette ville.
frères et sœurs, à. la veille
d’un jugem ent qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fut imprimé et publié, sous leur nom , et
avec le titre de Mémoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur, tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des années françaises,
et dont l’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses , et cela sans raison , sans motif légitime, sans néces
sité , sans utilité pour sa cause.
L e s sieurs et demoiselles D estain g
�(o
En effet, il ne s’agit point, entre madame Destaing et ses
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête an
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur gré ou sans leur consentement ; de les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n’aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
Des collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général Destaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits qu’elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
Voilà la question.
Cette possession est-elle publique, certaine et constante?
Voilà les seules circonstances soumises à l’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
Voilà le point de droit à juger , et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame Des
taing, dont il fait une musulmane échappée à la servitude
dun harem, un être obscur et dépravé, une africaine ré
fugiée , la grecque la plus rusée et la plus adroite, que
contre son père, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant d eau-de-vie, révolutionnaire î\u
�( 5 )
Caire , et obtenant, à ce titre, celui d e . commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer , et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
Dqs jurisconsultes de divers dépaitemens de la France, réu
nis à Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l’examen des faits qui constatent la possession
détat pour détruire , s’il était possible, la conséquence qui en
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce parti, le seul convenable il la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session détat était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne cioira que le libelle ait été fait pour
le& juges qui doivent prononcer. On ne peut pas s’être flatté
de leur déguiser ,• aussi maladroitement, l’état de la question
qui leui est soumise. C est pour le public de Riom, ou peutêtre pour celui d’Aurillac, que l’ouvrage imprimé a été faitOn a essayé de laire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique, parce qu’il présente une question d’état que Ja Cour
<le Riom jugera solemnellement.
�4
( )
Mais cette question, on ne saurait'trop le répéter, peur
être réduite aux ternies les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante ?
Los beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing ne
peuvent nier la possession d'état de leur belle-sœur et nièce,
reconnues comme telles par toute la.famille, dés leur arrivée
en France, où elles ont été-appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C’est ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Desiaing ; c’est ce que ses beaux-fréres et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire.
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Gode Napoléon en a fait une loi
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître. ‘
L ’article 520 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffit.
Et l’article 33 r indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance“
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa fille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solemnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seul, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète.
L ’auteur, du mémoire avance hardim ent que cette recon
naissance a été surp rise, qu’elle n’est pas aussi com plète que
�( 5 )
madame Destaing le croit, et que la possession d’état ncst
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature faire impression sut*
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer q u il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing que
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
On suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fdle , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par cîo!, fraudes, suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son fils et sa
petite-fille, dont l’assemblée des parens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jamais
n’est-il pas convenu que madame Destaing, arrivée en France
dans un état de souffrance et de maladie , bien jeune encore,
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
Elle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à Aurillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu'elle n’avait jamais vu , et entre le»
mains de qui elle ne croyait pas devoir tomber , puisqu'elle;
comptait sur l’existence de soin mari.
�6
( )
Le libelliste suppose (page 10) que le sieur Destaing père
ne voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa maison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues h Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon,
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaircissemens satisfaisans.
On peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux ma
gistrat, 011 ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
aussi délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissimulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-même, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en remarquant, comme on ne pouvait s’en dispenser,
qu’à l’époque où le général Destaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et on
l ’a lait, que dans le système de toute autre législation, l'appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevables à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure malice, qu’à la page Go du libelle on
accuse madame Destaing d'argumenter avec un empresse
ment pou louable d ’une^ loi révolutionnaire promulguée
�C7 )
clans un instant de délire : loi immorale et. funeste qui n
fa it tant de malheureux qu'on entend tous les j o u r s gémir de
leurs ëgarernens , et qui passent leur vie dans la douleur et
le désespoir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolu
tionnaires , qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
Elle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens, et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Code
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français, et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire oublier, et à chercher , en souflant sur des
cendres , à ranimer quoiqu'étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtems , et c’est
sous ce rapport qu e l<i en use de m adam e D e sta in g mérite
toute l'attention du magistrat. Com bien d ’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père, ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du'patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant, combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans fam ille, sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
Le Code Napoléon, en exigeant pour certains cas la pre-
�C 8)
sentation des sctes de l’état c iv il, a prévu l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son état, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et y 1 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective, et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d’état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix , avaient été témoins du mariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lui-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été témoins, et l ’avait écrit
ainsi ; mais à la lecture, un seul ( don Raphaël ) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
lu plupart au lieu de tous, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général Destaing.
Ces témoins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam, avaient un
rang distingué dans l ’armée d’Egypte. 11 est,vrai que tous,
excepté le général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
ils sont tous membres de ,1a Légion-d’Honneur. S’ils n’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l'époque
où se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités suiii-
�m
salent]'"au moins, pour faire considérer leurf déclaration
comme étant d’un grand poids; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanach impérial, il aurait vu
qu e1des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. Il aurait vu qu’un général, officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs ? madame Destaing a dît assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’offi
ciers de l’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son père et sa mère. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frire ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
. Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
Delzon, cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis k ses cousins, a ses cousines, 1 acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Destaing, régla l’acte viduel et la pension veuvagère.
Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N’aurait-elle pas été dém entie
par ce braye militaire, si le fait ¿tait faux ; mais un homme
2
�<*o
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses prochesj
est incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est mieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été Igamie,
la compagne, la première interprète de sa cousine. Sous les
yeux du général D elzon , madame Delzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude dun
harem. Les MM. Destaing, en outrageant la veuve d’un irère
qui leur fait honneur, manquent également à leur cousin ^
qui fut constamment son ami ; à l’épouse de ce général qui ,
quoique fille d’un français , est également née en Egypte :
mais à qui ne manquent-ils pas ? Nous nous abstenons de
relever tout ce qu’il y a de méchant dans cette diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi le conseil de leur oncle
maternel, le père du général Delzon, la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , n’aurait jamais eu lieu.
M. Delzon était membre du Corps législatif, et se7trouvait
à Paris à l’époque du décès du général Destaing :'c'est lui
qu i, le premier, a reconnu l’état de sa nièce ;'c’est sur sa
demande qu'il obtint pour la veuve du général Destaing la
première pension qui lui fut accordée. Cette pensiqn ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut point
alors assimiler le général Destaing ¿1 un officier mort sur le
champ do bataille.
'
t
Ce n’est point sur la présentation de l'acte de tutelle que
la pension a été. augmentée ; c’est uniquement par l'intérêt
q u ’i n s p i r e la veuve du général Destaing à tous ceux qui furent
�C »* )
les amis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué le libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa fille , son unique consola
tion ; elle veut aller <se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice : mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing ne peut ni se séparer de sa
fille, ni .exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mère de famille n’a pas été un être respectable aux yeux de
ses ennemis , que n’aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , si elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
On lui a dit que les lois françaises lui en a s s u r e n t un
dans le ministère public, protecteur naturel delà veuve, de
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C’est dans ' ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l’abreuver,
, Elle est chrétienne •, elle en fait gloire : madame Delzon
et le général Delzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n était point indigne d’être l’épouse du gé*
neral D estaing, et elle a toujours porté cette qualité avec
honneur.
Le rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l’Eglise romaine ; le siège de l’Eglise
grecque, dans le sein de laquelle elle est née, est toujours
Alexandrie ; l’évêque est qualifié de patriarche, et réside au
Caire.
I l n’a rien de commun, avec lei Arméniens, "dont les uns
�C *2 )
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens >
les Cafres et les Maronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
Ces formes sont solemnelles et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages,
contractés en Turquie par des chrétiens.
On doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chrétiens qui vivent sous son empire.se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain point, le ministère civil au
ministère ecclésiastique.
. .
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fui
intéressé, et la puissance ottomane prête m ain-forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
/;.
C’est ainsi qu’après la conquête des Francs, les'différens
peuples qui furent subjugués sc réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis à chacun de vivre ou S0;US la loi romaine , oui
sous la loi falique, ou soys tout autre régime, et la puis
sance publique maintenait les jugemens rendus suivant ces
diverses lois*^: ■
m -.n
-
•
�( i5 )
L a cour de Riom sait tout cela mieux que nous, et san9
cloute l’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrement, aurait-il ;
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
Avant que , par des rapprocbemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’ elle a appris la langue française, on ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l’année commençait au mois de septembre et non
au mois de janvier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions d e l ’année de l’ancien calen drier ne se rapportaient
pas à la m êm e année du nouveau ; de m anière q n ’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien dés équivoques.
t
>
Mais clleé disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécé„lentës', suivantes et' concurrentes, et dès lors l’expression -de-’ l<’année dfcvient indifférente.
Quand on a dit, par exemple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l’année qu’il comman
dait au Caire sous le général Béliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général Kléber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine répbqlie de ce mariage : madame D e s taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu ’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu a v e c son m a i i . , ;
Mais tout cela n’est qwe pour les oisifs. L’appeï süt'-ïéquêl
la Cour de Riom* doit prononcer n^’ lui présente que ïai
�(14 )
question( de la possession d’état ; e t , sur ce point, la défense
de la dame Destaing n’a.pas été entamée, et elle ne peut
p as l'être par les digressions dans lesquelles ses adversaires
sont- entrés, et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
d étruire les impressions; qu’elles auraient pu faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
Riom , sur lequel elles ont été faites;
Le CO N SEIL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
qu’il est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
reprehensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’Appel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d'en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère public, attendu la nature des injures
et les fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d’Egypte.
Délibéré à Paris, par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAUBERT.
CH ABO T
de
l 'A l l i e r .
HACQUART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 6-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0608
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53867/BCU_Factums_M0607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53863/BCU_Factums_M0603.pdf
350b85f7c9d5805919846c0a8233ded7
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Text
CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
Destaing,
tutrice de sa Fille
m ineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
�CONSULTATION
Poun Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n G; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING.
■ nmmni
V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, intrà m uros, dit du S u d , de la ville
de M arseille, le 5 fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixièm e arrondissement de P a ris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P a ris, q u i, sur le rapport fait à l ’audience, le
ministère public entendu, hom ologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre D estaing à
la tutelle de demoiselle M arie Destaing sa petite-fille, por
tant reconnaissance expresse du mariage du feu général D es
taing son fils , avec la dame A n ne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la fam ille D estaing, jusqu'a u
tems où la dame veuve D estain g, investie par la loi de la
�(2)
tutelle de la mineure , a réclamé, à ce titre, l’administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
i 3 août 1807, par le tribunal de M auriac, département du
Cantal, qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E C O N S E IL soussigné estime que la dame veuve D es
taing a eu raison d’appeler de ce jugement , et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R io m , à qui elle l ’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
p u b lic, ont cru avoir besoin de récoler, pour ainsi dire ,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lem ent constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu de la
famille D estaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré eu assimilant des actes de notoriété vérifiés ,
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciaires. En reconnaissant, comme ils l’ont f a it , que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
te lle s, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l ’acte '
de célébration de mariage du général Destaing , ni l ’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pièces étaient suffisamment suppléées par des actes de
n otoriété , la possession d é ta t, et surtout la reconnaissance de
la fam ille D estain g, qui aurait suffi pour éleve r, contre les
collatérau x, une fin de non recevoir insurmontable.
�(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenance»
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’am itié; il a été b én i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m a ri,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. E lle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle n a v ire , o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tem s,
le mari est revenu dans sa p atrie, où il croyait trouver une
épouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la fam ille du mari les a réclamés ,
comme leur bien. Un b ea u -p ère, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder;
e t, depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblem ent a rriv é , sans la bienfaisance de
Empereur.
T elle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
O n y voit qu’elle est née au Grand Caire , en E gypte, efl
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chrétiens l’un et l’autre du rit grec.
O n y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
île de l'Archipel ; q u e , jeune encore, ¡1 entra au service de la
�( O
R ussie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M isclie, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
•Il l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon greG fut formé -, le sieur Nazo en fut nommé
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : père de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per-^
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vu es, il se refusa longtems à la de
mande du général. Destaing.
�( 5 )
D éjà lë général D elzo n s, cousin-germain de ce dernier , et
le sieur L a n tin , autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays , et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exem ples, les instances du général D estai n g , et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard, ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des Rois , qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivoae
an S ) . La dame Destaing ignore quel acte>il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’A lex an d rie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l ’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant lareligion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux, t
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fêtes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnités du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
Tut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
�(6 )
du chef du bataillon grec , le sieur N azo, à qui nul officier de
l’arm ée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au C a ire, où la cohabitation maritale a duré
plu9 d’un an.
Mais , dans le mois de ventôse an g , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i 5
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
de la flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le l e n d e m a i n i l vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en ch ef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général D upas, lors
simples commandans de la place , restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de M adame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que l’arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
�C7 )
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du 5 p rai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance , et des moyens de la rendre plus fré
quente.
*
Cette correspondance est telle qu'elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame D es
taing , si les nombreux témoins de l ’union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre, qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on p o u v a it, en outre, anéantir les reconnaissances m ulti
pliées de la famille D estaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivem ent, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épouses par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris A boukir
�C 8)
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie', et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général B éliard , qui y commandait, invita alors les
dames M e n o u , Destaing , Delzons et Lantin , leurs parens
et leur su ite, il se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant D upas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
j
Ce dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, lt: général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29 de ce mois.
Il fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L a n tin ,
seraient rendues à leurs maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu’aux portes de cette v ille , avec M. Estève, payeur général
de l ’armée , qui eut la permission de se rendre auprès du
général en chef.
Mais celu i-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir., dans A lexan drie,
qui que ce fût venant du Caire ; et pour q uon doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent ch acun e, de leurs m aris, une lettre
portant invitation de se rendre en France , sur les bâtimens
destinés aux troupes du général Béliard.
Les dames Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
m ère, à Rosette, avec madame M en ou; depuis elles s’em
barquèrent pour la F ra n ce , et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame D estaing, son père , sa mère , ses frères,
�\
(9 )
>
»es soeurs et leur aïeule, que le malheur avait rendu# insé
parables , furent embarqués à A b ou k ir, avec une ceiitâinë
de militaires français, sur un petit navire grec," qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé fut baldtté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé de' re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de mâdhme Deâtaing approchait; ses souffrances, que les toürmënteS rendaient
plus terribles, firent solliciter le patron du naviie à prendre
terre où il pourrait : il jeta l ’ancre sur la côte de Céphalonïé”
Madame Destaing était en travail depuis huit jours'. I l ne'
fut pas possible de la transporter : elle afccoücha d&iïs lë
navire.
. Marie D estaing, qu’elle mit au mondü, fut baptisée jiar
un prêtre que sa fam ille envoya chercher, dans une chapelle'
située sur les bords de la mer. E lle eut , pour parain"," liff
officier français , et , pour m araine, la dame Mische , ¿on'
aïeule.
*
* L ’équipage , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île : le consul
français visita cependant madame Destaing.
O n ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la C hancellerie, ou dans les màîrià1
du pasteur catholique qui administra' le sacrement : lés
_difficultés des communications pendant' la guerre , le peü
’ de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,'
et tout ce qui s’est passé depuis cette éjiôque , oïit privé
madame Destaing des moyens de fournil*,* sur cé‘ poittt','
a
�( IO )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n ’eurent rien de plus pressé que de quitter, dés qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général S o u lt, aujourd’hui maréchal de i’E m pire,
les a c c u e illit , leur donna sa maison de cam pagne, pour y
faire quarantaine, et les reçut ensuite chez lu i, à T aren te, où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
C epen d an t , durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa fam ille , d’Egypte en E u rop e, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennem is, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après, trois mois de navigation , de manière que le
général' Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
11 se hâta de remercier le général Soult de ses soins bionfaisans, et le pria de faciliter à madame Destaing et a
�( 11 )
sa famille le moyen d’arriver à P a ris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
'
^
Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
m ille jusqu’à Barlette, et chargea M. D esbrosse, officier fran
çais , né à P aris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa fam ille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à A n cô n e, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son pére et M. D es
brosse les précédèrent et se rendirent de suite à P aris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à P aris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans 5>et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire; elle y attendait des nouvelles du général D estain g,
lorsqu’elle reçut la visite du sieur B ordin , chapelier, dont
l'épouse était d’A u rilla c, lieu de la naissance du général Des
taing.’
s
• L e sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
tain g, pére du général, pour engager la dame Destaing sa
belle-fille, à se rendre à A urillac avec son en fan t, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veu ve, et que sa fille avait perdu son
p ére, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
�( ta )
E lle se séparé du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissait les réfugiés égyptiens ,
et elle prit la route d’A urillac avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tárente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce vo y a g e, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille D estain g, au milieu de laquelle la
Yeuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte ,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à A urillac huit m ois, présen
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
et celui de sa fille.
L e sieur Destaing père assembla un conseil de famille pour '
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
O n prouve parmi les. parens M. Alexis.-Joseph D elzons,
général de brig:*d,e , commandant le département du C antal,
cousin-germain du feu,général Destaing , et le même qui avait
été, témoin d}f, marijage qui avait, réuni laúdame. Nazo à *la
famille Destaing -, M. Delzons son p ère , membre du Coçpj
Législatif , oncle paternel de M. D estain g, biqn instruit par
son filstde§ circonstances de ce,m ariage, et lç.m êm e qui se
troura à^Paris, à la leyép des scellés, mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déféi'èrentj la^tuttje ^usj.ç^r Destaing père, en sa qualité
d’aïeul tle la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
m ère, autorisèrent j les dépenses par lui faites, îéglércnt le
�( i3 )
montant des habits de deuil de la veuve, et fi<èrent provisoi
rement la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dans cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à A urillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c était
pour elle un devoir de la réclam er, et que son beau-pere et
J a famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut i n s t r u i t e l e s procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son em pire, e t, pour la reten ir, il la
sépara de sa fille , qu’il envoya à la campagne sous un vain
prétexte.
Cet acte de barbarie dut ré vo lter la dame Destaing ; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lu i faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u r illa c , et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
\t)n remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle D es
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère ,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qvû était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père refusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique , auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés E gyptien s, réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la daine Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l ’état de la
dame Destaing et de sa fdle serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété , à
défaut de registres. Leur élat était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à M arseille, ce qui lui eut été fa cile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
q u e , comme nous le verrons bien tôt, la possession d’état
et la reconnaissance de la fam ille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres sufiisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
'
^
L e Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à À u r illa c , furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du tribunal civil de son ar
rondissement , ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille ; il répondit à S. Exc. le
�C ‘5 )
grand-juge que puisque le Gode civil déférait la tutelle à la
m ère , elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paris
que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’A urillac , prétendit que c’était à A urillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
de juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de M auriac, département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président D estain g,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce trib u n al, à quelques lieues de distance
d’A u rillac et dans le même départem ent, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille , ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon*
�C 16 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» Vengagea jx se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
n par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
« p rop os, elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée „
» dans sa fam ille, ne l ’ ayant f a i t qu'à titre ¿[hospitalité,
» comme compatissant à ses m alheurs, et sous réserves de ses
» autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litig e , le point de la difficulté élevée par l’aïeul.*Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fa m ille , le protecteur
n aturel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialem en t de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir en gagé, par dol et fraude, k
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu , à titre
lég itim e, au général Destaing -, mais on sait qu’elles étaient
à L y o n , lorsque madame Destaing a 'perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
? R i e n au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Q uélle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
p
l o y e r
'
*
�( *7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
justice la qualité d’aïeul légitime de cet en fan t, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à ex ercer, pendant huit m o is, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y ayait nulle
puissance, nuls moyens suffisans pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
Tout cela ne peut se rétracter : on ne rétracte pas des faits ;
o r , les actes émanés du sieur Destaing père, sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Q u’il les
explique comme il p ou rra, il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa fam ille, sa
petite-fille et la dame sa mère , qu'à titre cï hospitalité, et
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
reLirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estain g, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l ’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même ; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée , authentique
et homologuée par l ’autorité c iv ile , que le sieur Destaing a
demandé à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom 'de sa petite - fille , et comme son tuteur, le rem
boursement des frais qu’il avait faits pour leur séjour à
L y o n , et voyage à A u rilla c , et pour les alimens qu’il leur
�C 18 )
dans celte ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
quelles y aient été reçues à titre dhospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles,' elles y
continuaient leur possession d état : on ne peut la leur ra v ir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces fa its, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l ’état de la veuve et de l ’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux mêmes qui l’attaquent aujourd’hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté, sur
l'admission ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perle ; mais toujours on a admis les con>équences qui ré
s u l t a i e n t d’une possession d’état invariable. La loi romaine,
fournissait
d’Aguesseau , Gochin , si souvent cités dans les questions
�( *9 )
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de leta t des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître , et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
'
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
dame de B ru i*; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
fam ille Laferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. D e manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’avoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette m atière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
,V o ic i comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau*
» tion pour fixer l’état des hommes . les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. T elle
» était la règle qui les distinguait seu le, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des m ères,
>* comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
» en jour par la notoriété ; ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et sœ urs, comme oncles ,
» n e v e u x , comme cousins, par cette habitude journalière
>* de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
. » C ’était donc la possession seule qui fixait l’état des hommes;
�»
»
»
»
»
( 20 ) ,
c’était l ’unique espèce de preuve qui fût connue - et qui
aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filiation contraire à celle qui était annoncée par cette longue
suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
>•> que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque cito yen , son état était con>* signé dans des registres p u blics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l ’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou q u e , si la posses» s io n , par quelques circonstances impossibles à p révoir,
» pouvait devenir équivoque, le titre primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l ’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
»
Ti
»
»
»
»
»
» C’est sur ces deux genres de preuve que porte l ’état des
hommes ; celle de la possession publique est la plus ancienne et la /noms sujette a Verreur/ celle des registres
publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
elles se prêtent un mutuel secours , tous les doutes disparaissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
peuvent dépendre de la variété des espèces et des circonstances.
»' Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
» prem ier c a s , l a . p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t r> t a que ; il ri!Cl pas besoin de recourir aux monumens pu-
»
�(21 )
» b lic s , ni à aucun autre genre de preuve ; il possède, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais joui , trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession p u b liq u e, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres p u blics, conserve aujourd'hui
» son prem ier empire y c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus d écisive, et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires, ce n’est qu’autant que
» ces preuves posent d’abord sur un fondement solide , adopté
» par la l o i , c’est-à-dire, sur les titres les plus authentiques
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par Cochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule , et qu’elle grave, pour
» ainsi dire, dans le cœur de tous les hommes ; » ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision des lois , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence»,
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l ’attaque
dirigée contr’elles. E lles n ’ont pas besoin de recourir a u x
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
E lles possèdent ; e t, à ce seul titre, on ne p eu t pas hésiter
à les maintenir.
�( 22 )
O n le doit arec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plu 3 grand intérêt à con
tester l ’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l ’a
cependant le plus authentiquement et le plus solemnellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con
voqué par l u i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison , et les reconnaissant en leur qualité , et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Q uelle décou-,
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’alfection
paternelle à l ’indifférence, et même à l’animosité? Aucune.
Q u ’a-t-il appris de nouveau? Rien. 11 était président du tri
b u n al, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclusion de leur mère ; q u e , par le Code c iv il, la veuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement m anifesté, dans la maison de son beaupère , l ’intention de les réclam er, ce u’etait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur Destaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
U commença par faire faire saisie-arrêt entre se3 mains, à la
requête de ses autres enfans se disan: héritiers naturels du
�( ^3 )
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
Destaing , comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit -devant le tribunal de
M auriac par cette exception prélim inaire, en demandant que
«es enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
D estain g, d o n t, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de M auriac, par jugement du 12 août 1806,
débouta le sieur Desiaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
D estain g, et les saisissans, seraient mis en cause , et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 f r ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’A u rillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. D tstaing fut condamné à payer le
coût du jugement.
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu’il fu t,
n’a pu être exécuté.
Les beaux-tréres et belles-sœurs de la dame Destaing s’y;
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général D estaing, contre tous les prétendans droits
à h) succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille ; elle a demandé que le sieur Destaing père
fû t tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé , comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petite fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�(24)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que, dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille , elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts , 3636 fr ., montant des dépenses faites pour e lle , tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i 3 août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
P a rce jugem ent, le tribunal de M auriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par tém oins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soum ise, et cependant ils ne pro
noncent rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing ,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de M auriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
q u’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e , dés
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
�( a5)
q u i venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s
par clol, fr a u d e , suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Juscju’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une fam ille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole; le m éconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur é ta t, d’autre titre que leur possession publique au
m ilieu de leur famille et dans la société? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
O Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitim e? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
à eux l’obligation de prouver qu’elle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils , neveux , cousins, etc. ?
N o n , certainem ent, ils n’ont rien â prouver. L a possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
a u x monumens p u blics, n i à aucun autre genre de preuves : il
possède ; e t y à ce seul titr e , on ne peut hésiter à le m ain
tenir.
Vainem ent vou d rait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des-»
taing son p ère , mais encore de la succession de ce dernier,
4
l
�( 26 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son a ïe u l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
en tière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
L a veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la fam ille, qui
avait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Gode
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son élat,
saisie et investie d e 'la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce n’est point cette succession q u elle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
investie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dont elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bon gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�( 27 )
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d ’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général D estain g, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de là
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général D es
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Ils se présentent comme’
tiersopposansà un premier jugement qui ordonnait le paiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition ?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demándent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son p ère? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le p rouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’e3t encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux que , sous tous les rapports, devait être
imposée l’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res
pectés; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�(aB)
de fait par les mains de son aïeu l, par le consentement de
toute la famille , et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession , et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans doute qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice ; mais avec quelles armes ? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
« La possession publique conserve aujourd’hui son premier
• empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle p eu t être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est quautant que ces preuves
» posent d abord sur un fondem ent so lid e , adopté par la lo it
» c'est-à-dire ,
*
p a r
les
t itr e s
les
plu s
a u t h e n t iq u e s
e t les
PLUS R E SP E C T A B L E S. »
vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il se rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait d ’é le v e r d u doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu’on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le i 5 pluviôse an 9 , et l’autre le i 3 ventôse an 10.
Par la première , il dit: « Delzons se porte bien; il a un
» petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune gréque q u i, d’après uu arrangement oriental , fait les
N o u s avons
�( 29 )
*> honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dnns l’autre : « Quant à mon mariage , vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» m ienne; il n'y a aucun lien légal; je ne l’aurais pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , j’ai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d'y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver qué l’union a été formée sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son père la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’exislent pas , et qu’ils ne soient p a ï indissolubles.
Dans la seconde , le général Destaing é crit, dit-on , à son
père : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de La
tapie. II d é s a v o u e d o n c implicitement ce qu'il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. T1 ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien lég a l, parce que , dit-il, je ne l’ aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
(c'est-à-dire, les liens naturels et relig ieu x), qui pourraient
bien a m e n e r celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
L e mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du père: cette correspondance semble l ’indiquer. Il
croyait sans doute que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�( 3° )
s’exprime d’une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
'ilvoit approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez p a s, dit-il; c’est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa fam ille, en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. N e la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à notre union pour sa légalité, puisque j’aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’ autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la 'demande pas encore explicitement, celle ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l i é , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r , dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était m ajeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la loi , sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fût requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect -, c’était une faute qu’il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans doute, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une manière plus franche et plus loyale. On
peut l ’affirm er, lorsqu’on voit le sieur Destaing père recher
�( 3 0
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité, les reconnaître en face
de la justiçe, au milieu de sa famille et de ses am is, et les
maintenir dans cette possession , que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo r s , bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur l’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été informé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l ’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delzons , surtout, qui en avait été
témoin. L a manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever
des doutes qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». O n voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la dame Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Q u’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a so len
nellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à L yo n ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�( 3a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris par quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dés que ce doute a cessé d’exister à la mort du général D es
taing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent m êm e, comme nous l ’avons d it, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondem ent so lid e,
adopté par la lo i ; c’ est-à-dire, sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
O n a voulu abuser envers la dame D estain g, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trou ve, ne lui per
mettent pas de représenter l ’acte de célébration de son ma- ;
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais si elle n'en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fa m ille ,
on peut bien moins les lui demander aujourd’hui , pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
O n suppose qn’elle devrait avoir son acte de mariage ,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, à Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe , ils ont déposé , savoir , l’un
( l e général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A u rillac,
le 11 nivose an 11 , plus d’un an après son arrivée en France,
�( 33 )
et postérieurement au décès du général D estain g, son cousin,
à la nomination de tu telle, à l’acceptation de l ’hérédité par
l’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état; et l’autre (ce lu i du capi
taine L a n tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i 3 ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
*
Jusqu’alors les maris des demoiselles Varsy avaient gardé,
dans leur p orte-feuille, les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au Caire , devant témoins et le pa
triarche d’A lexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable“, n'existe' paT dans les papiers clii
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers quelles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fut donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son p ère, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu , et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. O n sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
5
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le9 livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat -, le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant e u x , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés, qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagem ent comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le llilie re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lo is , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l ’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47 e) il est dit : « T out acte de l’état civil des
» Français et des Étrangers, fait en pays étranger, fera foi
*> s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. >»
Et l’article 48 dit : « Tout acte de l’état civil des Français
r> en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, par les agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles V a rsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine L a n tin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier m unicipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemnellement unis par lu pa
�( 35 )
triarche d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français, étant devenue colonie française, le
texte des lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer ? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquérans, les peuples délivrés ou conquis, des indigènes, des
étrangers , des hommes lib re s, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différens rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des g u erres, «xordonnateur en chef de l ’arm ée d’Égypte.
« I l atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellem ent,
« que quoiqu’il n ’existât à cette armée aucun ordre du général
» en ch ef rem plaçant le G ouvernem ent fran çais, depuis que
» les com m unications avec la France avaient été interrompues,
v pour régler la fo rm e avec laquelle les actes de l'étal civil
» devaient y être r eçu s , l’usage paraissait s’être établi de
» lui-m êm e pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
»> ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la m anière qui leur paraissait conve» n a b le , de leurs m ariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins ri a jam ais été(gén éral, surtout
�( 36 )
*
P O U R D ES M ART A G E S C O N T R A C T E S A V E C DES F E M M E S DU P A Y S ,
» qui
»
SE SO N T F A IT S SOU VEN T E N T R E C A T H O L IQ U E S
DANS
LES
É G L IS E S DU L I E U E T S U IV A N T LE S F O R M A L IT E S U SIT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement n e n a f ix é la form e ni ordonné le dépôt ; et,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en ch ef,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» P iq u e t, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément q u il ne s'en est point trouvé, no» tammenl du commissaire A g a rd qui est mort dans la tra
it versée. Signé S a r t e lo n . »Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
A ucun ordre du général en ch ef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n'en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’armée , et notamment dans les papiers
du commissaire Agard : l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�C 3y )
contractés avec des femmes-du pays , et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lie u , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son m a
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s'il a été dressé procès-verbal dtî*cette décla
ration , et si le général Destaing l'avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l ’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d’état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre , et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres pu blics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’é ta t, que lorsque le
fait même de la possession est contesté , et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�( 38 )
venu la troubler ; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne fait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
- sieur Destaing p è r e , et par la tierce opposition des collaté
raux? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa m ère, dans cette pos
session? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
adm is, l ’on ne peut plus la contester ; la preuve de la pos
session d’état est toute faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
Voyons comment s’exprime le Code Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes , liv. Ier, chap. II :
Art. 019. « La fdiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
»> civil. »
320. « A défaut ih\ titr e , la possession constante de Tétat
,> de Cenfanc legitime suffit. »
33 1. «
possession d’état s’établit par une réunion suf-
» fisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�( 3.9 )
» parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
>’ apparlenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
» il prétend apparlenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
» en cette q u alité, à son éducation, à son entretien et à son
» établissement ;
» Q u’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
« Qu'il a été reconnu pour tel par la fa m ille. »
O n v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il ri importe que
la preuve résulte des fa its p lu s ou moins nombreux , il suffit
qu'elle so it certaine.
Celle de la reconnaissance de la fam ille Destaing ne l ’estelle pas? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la fam ille m êm e, et donné par elle
en présence du magistrat et devant la justice?
Pourquoi faudrait-il p rou ver, par tém oins, d’autres faits
d elà possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa fdle.
« C’est pour l’enfant un malheur detre privé d’un titre aussi
» commode », comme il est diï dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuve.
�( 4o )
» L ’usage tîes registres publics pour l ’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est clans des tems plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de letat d’enfant légitime.
» Différente des conventions q u i, la plupart, ne laissent
« d’autres traces que l’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de fa its extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C ’est ce qu’indique encore le Code Napoléon.
AnT. 525 . « A défaut de titre et de possession constante,
» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription qui a eu lieu dans
le registre public, que la loi admet 'le recours à la preuve
�(4 0
testimoniale pour faire disparaître l’incertitude et la contra
riété, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que Iarticle ajoute: « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit , on lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» lans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-fille, la manière dont il l'a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa m ère, que comme
un commencement de preuve par é c r it, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suPiisans pour prouver la possession d’état ? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
L a délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d A u r illa c , la nomination de l'aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son p ère, des avances faites pour le vo ya g e, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habits de deuil à la veuve, le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complette et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celte possession d’é ta t,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du
6
�( 4a )
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulanl d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble foime donc une
preuve sufii.-ante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
place, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing, et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille D estaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame D es
laing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que Sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avait été saisie, de droit et de fait , de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces actes
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle., et
lui enlever son é ta t, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Us ont pré
tendu qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Us ont , il est v r a i, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais , comment ? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille«
�( 43 )
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle adm issible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent Inexistence , po,ur
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l ’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D esta in g , il faudrait qu’ils y trouvasseht des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l ’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’Etat exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an 11 ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu ,
» qu’il ait été b rû lé , que les feuilles en aient été déchirées
» ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
» des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu il n'y a it pas eu d a cte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. »
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l ’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C o ch in , c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lu i faire obtenir
ja réformation du jugement rendu à M au riac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeij
�(44)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant ; elle n’avait rien à prouver
ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable , que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les y e u x , et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l ’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du m ariage, être re
présenté à l’ofiicier de l ’état civ il, qui a le droit de l’exiger.
»< L ’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
» par celui de son domicile. »
A k t . 71. *< L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
» faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
>1 ou non parens, des prénoms, nom , profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses pére et mère, s’ils sont
» connus; le lieu e t, autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l ’acte.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent signer,
» il en sera fait mention. »
�( 45 )
A r t . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au. tribunal
» de première in sta n ce................................ Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son hom ologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des témoins , et les causes qui
» empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est fa ite , il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état eivil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins q u e,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l ’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
La loi prescrit la forme de cet acte supplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui le fasse admettre.
Madame D estaing, il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l ’absence des registres renferm ant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gyp te, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. L arrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde im périale, inspecteur général du ser
vice de santé des armées, officier de la Légion d’Honneur etc. ;
D on Raphaël deM onacliis, membre de l’institut d'Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef do l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur;
'
M. Daure , ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire- ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau , membre du Corps Lé
g islatif, commandant de la Légion d’H onneur, et qui avait '
commandé au Caire ;
M . M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en '
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’E gyp te, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage D es'a in g , tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugemtnt qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilem ent, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver 1 âge de madame D estain g,
à d e s i m p l e s certificats ; mais il aurait dû s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété lé g a l, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesquelles, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l ’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général M eno u , général en ch ef de l’armée d’Egypte à
l'époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général dea départemens au delà des A lp e s, et du
général de division D upas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d’Honneui, che
valier de l’ordre du L ion , le même qui, étant chef de biigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mnis ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l ’ab
sence des registres de l’état civ il, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont point la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il faut bien qu’el!e soit reco n n u e, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i 5 pluviôse an 12 , le Gouvernem ent a accordé et
augmenté la pension de madame D estaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’e lle'n ’usur-
�(43)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing', qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux , de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’«ût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fdle et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le 2.5 janvier 1808.
J
a u b e u t
,
C
h a b o t
de l ’A llie r, T a r r i b l E j
G r e n ie ii du Puy-de-Dôme.
1
<
�P IE C E S '
j u s t if ic a t iv e s
:
N° 1«.
Délibération du Conseil de Famille à A u rillac, du 5 mes
sidor an xo.
.1 . . .CH‘
E X T R A I T des minutes du greffe du juge de p a ix de
la ville et canton ilA u r illa c , section du nord.
V .11■
1
C e j o iu d ’uui cinq messidor an d ix républicain , devant nous , Jean-Baptiste
Gencste, j u g é . d e p a ix du canton d’A u r/ lla c, section du nord, à comparu,^
le c i t o y e n Pierre Jlestairig, ju g e - p r é s id e n t du t r ib u n a l «le p r e m iè r e instance
de l'arrondissement d ’A u r i l l a c , y d e m e u r a n t , lequel nous a d it que le
citoyen J a cq u es- ZacTiarie JJe.staing son f i l s , général de division, e s t décède à P aris , le quinze, flo réa l dernier, la i sant une f ille unique âgée ^
alors de cinq mois , nommée M a r ie , provenue de son mariage avec A n n e
N a z o , Grecque d'origine ; que la loi déférant à lui comparant la tutelle .
de sa p etite-fille, attendu surtout la m inorité d 'A n n e N a zo sa m ère, et
désirant être confirmé dans ladite qualité, pour pouvoir agir légalem ent,
il ^ amené devant nous plusieurs des plus proches parens du défunt, à l’effet
dejdélibérer tant sur ladite confirmation de tutelle, que sur la fixation de
la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension viduelle de'lè.
dame veuve Destaing ; comme aussi pour donner leur avis sur l’allocttion
des frais de voyage d e là mineure et de sa m ère, depuis Lyon jusqu’à Au
rillac , ainsi que des frais dus pour salaires à une nourrice provisoire depuis
Tarente , ville du royaume de Naples , y com pris un mois de séjour à Lyon 1
jusqu’en cette v ille , lesquels frais le comparant a avancés et se montent i ^
la somme de six cent qualrc-vingt-quatre francs ; et enfin pour être autorisé ^
;i régler tous comples et mémoires de fournitures et autres objets qui pour
raient être à la charge de la succession, et ce laut par lui-m èm e que par ses
fondes de pouvoirs.
■
^
Et de suite pardevant nous, juge su sdit, sont comparus les citoyens L uis-'
Géraud-Cabrie) Fortet , conseiller de préfecture de ce département; Fran-
7
�(5o)
çois-Joseph L abro, avoué, et autre François-Josepli Labro son frère, gref
fier en la justice île paix d ’A u rillac, cousins paternels du défunt ; Antoine
Delzons , membre du Corps L égislatif, oncle m aternel; A lexis-Joseph
D elzons, fils dudit.Antoine, général de brigade, commandant le départe
ment du Cantal ; Pierre et Antoine M ailliy , père et fd s, négocians, cou
sins du côté m aternel, tous habitaos de cotte ville et les-plus proches parens du défuat, auxquels nous ayons fait part de ladite convention, pour
qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis, en leur amc et conscience.
6
ci
nimement cl a vis; i ”. de confirmer îe en ojen uesiaing , ay
neure , dans la qualité de son tuieur, à la charge par lui de faire bon et
fidèle inventaire de tous les effets dépendant de la succession du défunt gé
néral Destaing; faire procéder à la vente dudit m obilier, cl de faire eni)loi utile du prix en provenant, conformément à la loi , après avoir préevé tous frais , dettes et charges de la succession; 20. qu’ils estiment, que
la pension de la mineure , jusqu a ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans ,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à la somme
de s ix cents fr a n c s , que le tuteur- retiendra par ses mains sur la recette de
ses revenus; 5°. qu’ils sont d’avis que les habits de deuil de la dame veuve
D estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n , et qui ne sont
joint encore acquittés, doivent être portés à une somme de m ille francs,
aquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant quittance des
marchands et fournisseurs, laquelle somme lui sera allouée en compte ;
4°. quant à la pension vuluelle de la veuve et de la négresse qu’elle a à son
service, attendu que le. citoyen D e sta in g , tu teu r, leur fou rn it en nature
nourriture, logem ent, fe u , lumière et blanchissage, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de mille fra n cs pour l'année de v id u ité, à compter du
premier p r a iria l, dernière époque de son arrivée en cette ville; 5 °. que la
somme de six cent quatre francs avancée par le tuieur pour frais de voyage
de la veuve et salaire de ladite nourrice , depuis la ville de Tárente jusqu’en
celle ville d ’Aurillac , lui doit cira allouée et passée en ,co m p te; G°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-même que par
ses mandataires , avec tous marchands, fournisseurs, aubergistes et autres
personnes qui pourraient avoir fait des fournitures tant en marchandise*
que denrées, régler leurs m ém oires, en payer le m ontant, soit que ces
fournitures aient été faites à P a ris, h Marseille , au défunt général Des
tain g, o u , à Lyon , à sa veu ve, pendant le séjour qu’elle y a fait ; le
m o n t a n t de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’ il en retirera.
E l ledit citoyen D estaing père ayant accepté la tutelle à lu i déférée,
il a fa it le serment en nos m a in s, de bien et fidellem ent en remplir les
Î
{
"^ D e tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal, pour servir et
Taloir h foutes fins que de raison , lesdits jour et an que dessus, et ont les
comnarans sigri<‘ avec nous; h la minute sont lesdites signatures. Pour expé
dition conforme à la minute étant entre nos m ains, signé Lahp.o , greffier..
�Acte de Notoriété devant le Juge de P aix de M arseille, du
5 fructidor an 11.
E X T 11 A 1 T des minutes du greffe du Tribunal de p a ix ,
second arrondissement i n t r a fn u r o s , dit du sud de la ville
de M arseille.
. Cejourd’hui cinquième fructidor an onze de la république, pardevant
nous , François M a ille t, ju g e de -paix du second arrondissement intra
muros , dit du su d de la ville de M a rse ille , assisté du citoyen Charle*Joseph M ich el, greffier près noire T rib u n al, dans la salle ordinaire de
nos séances , en notre maison d’habitation , est comparue dame A n n e
N a zo , née au Caire en Egypte , veuve du général J a cq u es-Z a ch a rie
D e s ta in g , laquelle nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire con
naître son o rig in e, ce qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu
q u e, dans sa patrie, il n’est point tenu de registres constatant l ’état civ il
des citoyens. En conse'quence, elle nous prie de recevoir les déclarations qui
vont être fahes par des compatriotes qu’elle, a invités à se rendre céant,
relatives à son o rigin e, et qui pourront suppléer au défaut des titres qu’il
lu i est impossible de produire, et de lui en concéder acte , pour lui servir
et valoir ce que de raison.
A l ’instant se sont présentés les citoyens N icolas P a p a s O u glou , c h e f
de brigade, , commandant les chasseurs d’O rien t, âgé de quarante-cinq
ans, né à Chesmet en Asie ; G abriel S a n d ro u x , a u ssi ch e f de brigade du
même co rp s, âgé de trente-six ans, né au grand Caire en Egypte ; A b d a lla
M a n so u r, c h e f du bataillon du même corps, âgé de trente-quatre ans, né
au grand Caire en E gypte; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s , réfugié
E gy p tien , né h A le p ; H an n a A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s , aussi né
à Àlep , réfugié d’Egypte; Joseph D u fe n , né à C onstantinople, âgé de
trente-six. ans, réfugié d’E gypte; et Constatai K ir ia k o , né à Chesmet en
A s ie , âgé de quarante-huit ans, capitaine réformé du régiment des chasseurs
d 'O rien t, lesquels agissant avec la présence et sous l ’autorisation du citoyen
Louis D cconias, interprète juré des langues orientales, moyennant serment
par eux à l’instant prêté , ont individuellem ent dit et déclaré , en faveu r de
la vérité , qu ayant résidé habituellement en E gypte, avant la révolution,
ils y ont parfaitement connu le citoyen Jean N a zo et dame Sophie M ische son épou se, père et mère de ladite A n n e N a z o , née à l'époque de
l'année 1780 , et que ladite dame f u t unie en mariage avec le général
Destaing.
�Les citoyens Joseph Tultingi, Constanti Kirialto et Joseph Duftn ont de
p lu s déclaré individuellement /-¡n'étantpassas en France avec ladite veuve
JJgstaing , ayant relâche à Cèphatonii , dans le mois de, nivôse de l ’an
d i x , ladite dame y accoucha d'une fille q u i f u t tenue dans les fonts bap
tism a u x p a r ie çit¥ A assi/, officier des chasseurs, et p a r la dame Marie.
M ische son ayeult^ ; i>.'
1 ,;ij>ut ‘>1
Desquelles déclarations avons-coiicétlé acte à ladite dame veuve Destaing;
lecture faite du présent, il a clé signé par les citoyens Nicolas Papas Oaglou’
Gabriel Saiulrouç , Abdalla Mansour et Joseph Dufeu, nousdit juge d?;
pair',*'le citoyeiV Deconias, intérpVète , et le citoyen M ichel , greilier ; l'a
¿lame veuve DejUaing et antres idéclarans requis de sign er, ont dit ne
savoir.
Signé Ahdalla , le chef de brigade G abrieU oseph D ufen, L nis Deconias, François M a ille t, juge de paix , et M ich e l, greffier, à la minute. En
registre à M arseille,' etc1. Pour expédition conforme à l ’origfnal1' M iC k Îl,
greftief.
•'
,'u
ii i . i ..
° l>. . ..
.
1 Nous, François-Balthasard de Jullien de M adou, juge de paix du second
arrondissement iutra.m uros, dit du sud de la ville de M arseille , certifions
et attestons à tous qu’il appartiendra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui
a signé, ci-dessus * est greffier près notre T ribu n al, et qu'en cette qualité foi
doit être ajoutée à son seing , tant en jugement que hor». Marseille, le vingt
messidor an treize , J u llie n de Madou. . h j . . .
,• ■
; .1 »■
' " Nous , Ventre Latouloubre, président du Tribunal de première instance
séant à M arseille, certifions véritable là signature ci-des us de M. Jullien
deMadoü.JA M arseille,le vinet-un messidor an treize. Signé "Ventue I.a tg lv
loubre , G uyot;
*
f»
.
•
>
. ■'
■'
Ì.
■
N° 1 1 L
A cte de Notoriété hom ologué par jugement du T ribunal civil
■
x wi> ■ m: d o la Seine^ du i 5 a v r i l' i 8 o6 . '‘ ' NAPO LEO N , par la grâce de Dieu et les constitutions de la république,
Em pereur des Françaisi et Roi d’ Ita lje, à. tous présrtns et à venir, salut ; fai
sons savoir que le Tribunal de première instance d,u département de la Seine,
e n la première section * a rendu le jugement dont la teneur suit :
' ' ;
;Sur l e ’rapport’ fait à l ’audience publique du T rib u n al, par M. JeanLouis Isu ara, juge en ic e lu i, de la requite présentée par Anne Nazo, '-née
aü crahd Caire en Egypte, veuve ilu général Jacques-Zacharie D estaing,
demeurant a P a r is , rue de Sein e, faubourg S a in t-G e rm a in , expositive
qà’ellè a été unie eu légitim e mariage avec le général Destaing, d’après
l e s r i t e s e t usages du p a y s,1 devant le patriarche de la ville ii'A lex a iid ric;
�(SS)
m.'is f*nr. n'étant point en usage rn Egypte de teilir r?gistrr desactcs de I état
c iv il, e(le s(î trouve par là dans l ’impossibilité de faire, au besoin, la preuve
.‘lo ,s.°ï>_ m ariage; qu-ainsi, voulant y suppléer, elle a lait dresser.un acte de
notoriété pardevant le juge; de paix.'de ¿on arrondissement, signé de sept
pfrsojin.es <ji»i ont été témoins de son mariage , pour l’ homologation duquel
cljet a cf j fcnypyée pardevant le Tribunal ; pour quoi elle requérait qu’il
plut an Tribunal homologuer ledit acte de notoriété du 29 mars 1806 , dû
ment enregistré , pour être exécuté suivant sa forme et teneur, ladite
.rçquèje signe/;.'Juge, avoué.
Y 11 par le Tribunal lrsdites requête et demande, ci-devant énoncées, l'or
donnance de Monsieur le président du T ribu n al, du huit présent m o is ,
portant qu’il en sera communiqué à Monsieur le procureur im p érial, et les
conclusions par écrit de Monsieur le procureur im p érial, du dix dudit mois,
portant qu£ vu l ’a v is, il r^empêche l ’ homologation demandée ;
V u aussi l ’expédition dudit qcte de notoriété doqt la teneur suit :
L ’an m il huit cent s i x , le vingt-neuf mars , en notre liôtal, et pardevant
n;:us, Jean G od ard , ancien avocat, juge de paix du dixièm e arrondisse
ment de Paris, assisté d’Alexandre Chcquet notre greffier»
Ést comparue dame ¿in n é ISazo , née au grand Cuire en E g y p te,
veuve du général Jacques-Zacharie D estain g, demeurant à Paris, rue de»
Seine Saint Germain ;
• .Laquelle nous a dit q u e, pendant le cours de l ’an h u it , elle a été unie
eç légitim e mariage ayçq Jaçques-Zaçh,arie Destaing , général division»
^airc i décédé à Pari* dans le cyurs de l’ap di*,; qu e. son mariage a.élé cé
lébré^ re,ligieys?mpnt et suivant les. rites du
, devante le patriarche
d’v^le^axidrie h a b ita n t lç g r a n d Ca iro en E g y p t e ; n ia is q u e n’élanl point
en usage en Egypte dç tenir tics registres des actes de l’état, civ il , elle
so i,rouvç dans 1 impossibilité de représenter , au besoin , l ’acte de célébra
tion de son mariage ; et que , délirant y suppléer par un acte de notoriété
«igné de différentes personnes qui ont été témoins de son m ariage, elle nous
requérait de recevoir la déçlaration des personues cju’elle nous présente, et
a déclaré ne savoir écrire ni sign er, de çe interpelléeSont à l ’instant comparus :
Prem ièrem ent, M. Dom inii/ne- Jean Larrey de Dodeau , ex chirurgien
en chef de l ’armée d’E gypte, premier chirurgien de la çarde impériale ,
inspecteur général du service'd e santé des arm ées, officier de la Légion
d’honneur, demeurant à Paris, cul-de-sac Conty , 11*. 4>
Secondement, D o n E a p h a ët de M onacl/is, membre de l’institut d’Egypte
et professeur des langues orientales à la bibliothèque, demeurant à P a ris,
rue Pavée, au M arais, n". 5.
Troisièmement, M. A ntoine-L cger Sartelon , cx-ordonnatrur en chef de
l ’armée d’Egypte , commissaire-ordonnateur et secrétaire général du mi
nistère de l'administration de la guerre , membre de la Légion d’bonucur ,
demeurant à Paris, ru# Caumartin , n". 3o ;
�( 54 )
Quatrièmement, M. H ector D a u r e , ex-inspecteur général aux revues de
l ’armée d'Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres, demeurant à Paris,
rue du faubourg Poissonnière , n°. 5o;
Cinquièmement, M. L u c D u ra n ta u , général de brigade, membre du'Corps
L égislatif, commandant de la Légion d’honneur, demeurant à P a ris, rue
Saint-ILnoré , 11. 538 ;
Sixièmement, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l ’imprimerie natio
nale en Egypte , et membre de la commission des sciences et arts , aujour
d'hui directeur général de l’imprimerie impériale et membre «le la Légion
d’honneur , rue de la Y rillière ;
Septièmement, M. M artin-Roch-Xavier Esteve , ex-directeur général et
comptable des revenus publics de l'E g y p te , aujourd’hui trésorier général
de la couronne, officier de la Léÿion d’honneur, trésorier de la première
cohorte , demeurant au palais des Tuileries;
L esqu els , après avoir prêté en nos mains le serment individuel de dire
vérité, nous ont dit et d éclaré, et attesté, pour notoriété p u b liq u e, et à
tous q u i l appartiendra, connaître parfaitement la dame A n n e N azo ,
veuve du général Jacques-Zacliarie D e sta in g , fille de Joanny N a z o ,
négociant au grand Caire en Egypte , c h e f de bataillon des chasseurs
d ’ O rien t, et nous ont attesté q u e, pendant le cours de Van h u it, ladite
dame N azo a été unie religieusem ent, et d ’ après les rites du p a y s , eri
légitime mariage avec ledit Jacques-Zacliarie D estain g, par le patriarche
d ‘ A lex a n d r ie , habitant du grand Caire ; que l ’acte de célébration rien a
p a s été rédigé, riétant p oin t d ’ usage en Egypte de tenir un registre de
l ’état civ il; m ais que ce mariage rien est p a s moins con stan t, ayant été
célébré en présence d ’un grand nombre de militaires français et de la p lu
part des déclarons ; que depuis la célébration de son mariag« avec le
général D esta in g , et pendant son séjour en E gypte, ladite dame N a z o ,
veuve D estain g,n a p a s cessé d ’habiter avec son m a ri, q u i l ’ a toujours
traitée comme son épouse légitime.
Desquelles comparutions, dires, réquisitions et attestations, nous avons
donné acte aux comparans et à la dame veuve Destaing; e l, pour l’homolo
gation des présentes, les avons renvoyés p ard eT an t les juges du Tribunal
civ il de première instance du département de la Seine , et ont , tous les
susnommés, signé avec nous et le greffier, après lesture. Ainsi signé,
D. J. L arrey, don R aphaël, Sarielo n , Daure , Durantau, M arcel, E steve,
Godard et Choquet.
Enrrgisiré à Paris , au bureau du dixième arrondissement, le quatre
avril m il huit cent s ix , reçu un franc un d écim e, subvention comprise.
Signé Cahow.
Pour expédition conforme délivrée par nous, greffier de la justice de paix
du dixième arrondissement de Paris. Signé C h o q u e t .
Oui M. Isnard, juge , en son rapport, et M. le procureur impérial en se*
Conclusions, tout considéré;
�( 55)
Apres qu’il en a été délibéré conformément, à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété ci-devant énonce
et daté ;
LE ïiÜ U Ü N A L , jugeant en premier ressort, homologue ledit acte de
notoriété, pour être exécuté suivant sa forme et teneu r, et avoir son effet en
faveur de la requérante , a u i termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit Tribunal civil de première insinstance du département de la Seine , séant au palais de justice, à P aris, où
tenaient le siège M. Berthereau , président dudit Tribunal, l ’un des officiers
de la Légion d ’honneur; MM. Isnard , lJe rro t, Legras el D cberulle, juges en /
la première section, le mardi quinzième jour du mois d’avril de l ’an m il
huit cent six , et deuxième année du rè^ne de Napoléon I er, Empereur des
Français et Roi d’Italie ;
Mandons et ordonnons , etc. En foi de quoi le présent jugement a été signé
par le président et par le rapporteur. Pour expédition , signé M argueré.
Enregistré, etc.
'
Nous président, juge de la seconde section du Tribunal de première ins
tance du département de la S e in e , certifions que la signature apposée au
lias du jugement de l’autre p a rt, est celle du sieur Margueré , greffier dudit
T ribu n al, et que foi doit y être ajoutée. En foi de q u o i, nous avons fait ap
poser le sceau dudit Tribunal. Fait à P aris, au palais de justice, le deux
mai m il huit cent six. Signé Bexon.
~
t
N°
IV .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12.
y
M IN IS T È R E DU T R É S O R P U B L IC .
E X T R A I T des registres des délibérations du Gouvernement
de la République.
Paris, le i 5 pluviôse an 12 de la république, une et indivisible.
t
L e Gouvernement de la République , sur le rapport du m inistre, arrête :
A r t. Ier. La pension de cinq cent vingt francs accordée , par arrêté du
29 floréal an 10, à Anne Nazo, née en E g yp te, veuve du sieur JacquesZacharie D cstain g, général de d ivisio n , mort le i 5 floréal an 10, est portée
K deux m ille francs.
. .
�( 56 )
A r t. II. 1 . « ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, chacun
eu ce qui le concerne, de l ’exécution du présent arrêté.
L e prem ier Consul, signé BO N APARTE. Par le prem ier Consul, le secré
taire d'Ëtat, signe U lt. ues-B. M aret.
Pour copie conforme à l ’expédition officielle, déposée au secrétariat du
trésor p u b lic, le secrétaire général, L e f e v r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L efe v re, secrétaire général,
le ministre du trésor p u b lic, M oluens .
,
•
N°
-.r'
V.
.
Certificat d u 1général M enou, du 18 juillet 1806.
,
,
L e Commissaire général des départemens au delà des Alpes
fa is a n t fonctions de Gouverneur général grand officier
de la Légion d’Honneur.
Je déclare, au nom de la vérité et de l ’h onneur,que, lorsque je comman
dais l’armée française, dite d’O rient, en Egypte, M .le général Destaing, qui
était alors employé à cette arm ée, et qui, depuis, est mort en F ra n ce, s’est
marié en l ’an 8 , avec mademoiselle Nazo (sinne), fille de M. Joanny Nazo,
commandant alors en Egypte le bataillon des G recs; que j’ai su positivement
que le mariage s’est célébré dans le pays (au Caire) avec toutes les forme*
usitées dans le rit g rec; que M. le général Destaing était venu m ’en faire
part d’avance; que m êm e, à cette épotjue, comme dans toutes les autres de
ma v i e , soutenant avèc; énergie la cause 'des nioïurs publiques, je demandai
positivem ent, et sur l ’honneur, a i général D estaing,si son mariage était en
tièrement légitim e, ou si c’était, ce qu’on appelle dans les mœurs corrom
pues de l’O rient, un engagement àtem s; que le général Destaing me répond^
au nom de l'honneur, que c’était le mariage le plus légitim e, et tel qu’il
l ’aurait contracté en France; tpie, d’après cette déclaration solemnellt», je
m ’engageai^ y assisté^, ainsi qu'au repas qui eut lieu après le mariage.*Je
remplis nia promesse; tout s’y passa avec la plus grande régularité, et tel
qu’ il devait ê tre, soui les rapports'civils et religieux.
En foi de qu oi, j’ai délivré lé présent certificat pour'servir et valoir ce qu^
de raison. A T u riu , le 18 jiïillét 1806.L e général M enou.
-C
t »
Par le commissaire général, pour le second secrétaire général du Gouverne
ment , absent par congé et par ordre, signé G éamt
^
�5 7
N° V I .
Certificat du général Dupas , du 3o juillet 1806.
Moi soussigné, général de division, sous-gouverneur du château impérial
de S tupinis, commandant de la Légion d’Honneur, chevalier de l ’ordre du
L io n , certifie q u 'étant chef de brigade commandant la citadelle du Caire eu
E gyp te, sous les ordres du général Destaing, j ’ai eu parfaite et sûre con
naissance de son légitim e mariage avec mademoiselle Anne Nazo, fille de
M. Joanny N azo, commandant un bataillon g rec; j’atteste de plus avoir eu
des liaisons particulières avec beaucoup de personnes très-distinguées dans
l ’arm ée, tant dans le civil que dans le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir
été présentes à ce m ariage, qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute
l'authenticité qu’un pareil cas exige. Eu foi de q uoi j’ai délivré le présent,
pour servir à ce que de droit. A P aris, le 30 juillet 18 0 6 , P. L . D u p a s .
N° V I I .
Lettre du général Destaing à son épouse, du 1 5 prairial an 9.
( l ' adresse est de la main du général Destaing.)
■.,
A lexan drie, le 15 prairial an 9.
I l y a longtem s, ma chère a m ie , que je n’ai pas de tes nouvelles; je desire
que tu te portes aussi bien que moi. Joanny, qui est chez le général Beliard,
devrait savoir quand il part des. détachemens pour A lexandrie, et en pro
fiter pour m’envoyer des lettres. Cependant, il ne l ’a pas fait la dernière
fois : il faut le gronder de ma part, pour qu’il soit plus exact à l’avenir.
On m’a dit que tu étais grosse; je suis étonné que tu ne m’en ayes rien
écrit ; éclaircis mon doute à cet égard. Sois assurée que je t’aime toujours,
qu’il me tarde beaucoup de te revoir. En attendant, je t’embrasse,ainsi que
ta mêre et ta sœ u r, sans oublier la bonne vieille. Le g énéral D estaing.
Enregistrée, etc. A la citoyenne D estaing, à la citadelle du Caire.
HACQUAR.T, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux,
r u e Git-le Coeur, n° 8
^
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Tarrible
Grenier
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing. [suivi de] Pièces justificatives.
pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1802-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
57 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53863/BCU_Factums_M0603.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53846/BCU_Factums_M0535.pdf
85f62ad24bda5ed2139efb4501d8df26
PDF Text
Text
O BS ERV A T I ON S
SUR
LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffamatoire imprimé et
,
publié à R iom pour ses adversaires et
produit par eux devant la Cour à Appel
séant en cette ville
.
L e s sieurs et demoiselles Destaing frères et sœurs, à la veille
d’un jugement qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fût imprimé et p ublié, sous leur nom , et
avec le titre de M émoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur , tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.'
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des armées françaises,
et d on t l ’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses, et cela sans raison , sans m otif légitime, sans néces
site , sans utilité pour sa cause.
1
�( 2 )
En effei , i l ne s’agit p oin t, entre madame Destaing et se»
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête au
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur* gré ou sans leur consentement ; de- les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
D es collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général D estaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits q u elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
V oilà la question.
Cette possession est-elle pu bliqu e, certaine et constante?'
V oilà les seules circonstances soumises à l ’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
V o ilà le point de droit à juger ,>et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame D es
taing , dont il fait une musulmane échappée à la servitude
d’un harem , un être obscur et dépravé, une africaine ré
fu g ié e , la grecque la plus rusée et la plus ad roite, que
contre son pére, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant deau -d e-vie, révolutionnaire au
�( 3 ,)
Caire , et ob ten an t, à ce titr e , celui de commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l ’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer, et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
D es jurisconsultes de divers départemens de la France, réu
nis ù Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l ’examen des faits qui constatent la possession
d’état pour détruire, s’il était possible, la conséquence qui en.
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce p a rti, le seul convenable à la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session d’état était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne croira que le libelle ait été fait pour
les juges qui doivent pfononcer. On ne peut pas s’etre flatté
de leur déguiser, aussi maladroitement, l ’état de la question
qui leur est soumise. C’est pour le public de Rioin, ou peutêtre pour celui d’A u rillac, que l’ouvrage imprimé a été fait.
O n a essayé de faire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique , parce qu’il présente une question d’etat que la Cour
de Riom jugera solemnellernent.
�( 4 )
Mais cette question , on ne saurait trop le répéter, peut
être réduite aux termes les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante?
Les beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing nepeuvent nier la possession d’état de leur belle-sœur et nièce r
reconnues comme telles par toute la famille, dès leur arrivée
en France, où elles ont été appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C ’es t ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Destaing ; c’est ce que ses beaux-frères et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire»
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Code Napoléon en a fait une lo i
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître.
L ’article 320 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffît.
E t l’article 33 i indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa lille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solémnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seu l, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète..
L ’auteur du mémoire avance hardiment que celte recon
naissance a été surprise, qu’elle n’est pas aussi complète que
�( 5 )
madame Destaing le cro it, et que la possession d’état n’est
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature à faire impression sur
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer qu’il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing quti
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
O n suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fille , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage ? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par clol, fr a u d e s , suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son il!s et sa
petite-fille, dont l’assemblée des païens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jam ais,
n’es t-il’pas convenu que madame D estaing, arrivée en France
dans un état de souflrance et dé m aladie, bien jeune encore r
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
E lle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à A urillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu’elle n’avait jamais vu , et entre les
mains de qui elle ne croyait pas devoir tom ber, puisqu'elle
comptait sur l ’existence de son mari.
�(G)
Le libelliste suppose (page xo) que le sieur Destaing père
île voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa m aison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues à Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon.
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaireissemens satisfaisans.
O n peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux m a
g i s t r a t , on ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
a u s s i délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissim ulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-m êm e, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en rem arquant, comme on ne pouvait s'en dispenser,
qu’à l’époque où le général Deslaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et ou
l ’a fait, que dans le système de toute autre législation , l ’appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevable.s à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure m alice, qu’à la page 60 du libelle ou
accuse madame Destaing <1 argumenter avec un empressernent peu louable d une lo i révolutionnaire promulguée
i
�(7)
clans u n in sta n t d e d é lire : lo i im m ora le e t fu n e s te q u i a
f a i t ta n t île m a lh e u r e u x q iio n en ten d tous le s jou rs g é m ir d e
leu rs eg a rem en s,} e t q u i p a ssen t le u r v ie dans ta d ou leu r et
le désesp oir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolutionnaires, qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
E lle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Gode
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français , et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire ou b lier, et à ch erch er, en souflant sur des
cendres , à ranimer quelqu’étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtem s, et c’est
sous ce rapport que la cause de madame Destaing mérite
toute l’attention du magistrat. Combien d’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père r ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
'absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant , combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans famille , sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
L e Code N apoléon, en exigeant pour certains cas la pré-
�(S)
sentation des actes de l’état c iv il, a prévit l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son é ta t, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et 71 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective , et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix > avaient été témoins du m ariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lu i-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été tém oins, et l’avait écrit
ainsi; mais à la lecture, un seul ( don R aphaël) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
la plupart au lieu de to u s, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général .Destaing.
Ces tém oins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam , avaient un
rang distingué.dans l ’armée d’Egypte. 11 est vrai que tous,
excepté le. général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
iis sont tous membres de la Légion-d’Honneur. S’ils 11’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l’époque
ou se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités sulfi-
�(9)
saient, au moins, pour faire considérer leur déclaration
comme étant d’un grand poids ; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanacli impérial, il aurait vu
que des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. I l aurait vu qu’un général , officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs, madame Destaing a dit assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’officiers’de l ’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son pére et sa mére. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frère ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
D elzon , cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis à ses cousins, à ses cousines, l’acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Des
taing, régla l’acte viduel et la pension veuvagére.
, Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N ’aurait-elle pas été démentie
par.jce brave m ilitaire, si le fait était faux ; mais un hommç
a
�( io )
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses proches^
çst incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est m ieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été l ’am ie,
la com pagne, la première interprète de sa,cousine. Sçrns le?
yeux du général D e lz o n , madame D elzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude d'un
harem. Les MM. D estain g, en outrageant la veuve d’un frèrç
qui leur fait honneur , manquent également ,à leur cousin t
qui fut constamment son ami ; à l’épouse-de ce général q u if
quoique iille d’un français , est également née en Egypte :
mais à q u i ne manquent-ils p as? Nous nous abstenons de
r e l e v e r tout ce qu’il y a de méchant dans cètte diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi' le conseil de leur oncle
m aternel, le père du général D e lzo n , la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , ïi’âurait( jamais eu lieu.
M. Delzoii*était membre du Corps législatif, et se trouvait
à Paris â l’époque dü décès du général Destaing : c’est lu i
qui ,1 e 1 prem ier, a reconnu l’état de sa n ièce; c’est sur sa
'demande qu’il' obtint pour la veuve du général Destaing la
pfem ièté pension qui lui fut accordée. Cette pension ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut p oin t
aloré assimiler le général Destaing à un officier mort sur Je
champ de bataille.
Ce n ’est point sur la présentation de l ’acte de tutelle que
la< pension a> été augmentée ; c’est uniquement par l ’intérêt
qu’inspire la veuye 4 u généraLDestaing k tous ceux qui furent
�( 11 )
les àmis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué lé libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa f ille , son unique consola
tion ; elle veut aller se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice ; mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing île peut ni se séparer de s;i
fille, ni exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mére dé famille n’a pas été un être respectable aux: yeux de
ses ennemis , que n'aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , ii elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
O n lui a dit que les lois françaises lui en assurent un
dans le ministère p u b lic, protecteur naturel d e là veuve, de;
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C'est dans ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l ’abreuver.
E lle est chrétienne ; elle en fait gloire : madame Delzon
et le général D elzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n’était point indigne d’être l ’épouse du gé
néral D e sta in g , et elle a toujours porté cette qualité arec
honneur.
L e rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l ’Eglise romaine; le siège de l’Eglise
grecqu e, dans le sein de laquelle elle est n é e , e*t toujours
Alexandrie ; l ’évêque est qualifié de patriarche ? et réside au
Caire.
Il n’a rien de commun avec lea Arm éniens, dont les uns
�(
)
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens j
les Cafres et les M aronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
>
Ces formes sont solemnelles .et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages
contractés en Turquie par des chrétiens.
O n doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chretiens qui vivent sous son empire se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain p o in t, le ministère ciyil au
ministère ecclésiastique.
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fût
intéressé , et la puissance ottomane prête main - forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
C’est ainsi qu’après la conquête des F rancs, lus différens
peuples qui furent subjugués se réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis a chacun de vivre ou sous la loi romaine , ou
sous la loi îa liq u e , ou sous tout autre régim e, et la puis
sance publique maintenait les jngemens rendus suivant ces
diverses loûv
�( i3 )
t.a cour de Riom sait tout cela mieux que n o u s, et sans
doute l ’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrem ent, aurait-il
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l ’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
A vant que , par des rapprochemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’elle a appris là langue française, on
ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l ’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l ’année commençait au mois de septembre et non <
au mois de jan vier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions de l ’année de l’ancien calendrier-ne se rapportaient
pas à la même année du nouveau ; de manière qu’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien des équivoques.
Mais elles disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécédentes, suivantes et concurrentes, et dés lors l’expres
sion de l ’année devient indifférente.
Quand on a dit, par exem ple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l ’année qu’il comman
dait au Caire sous le général B éliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général K léber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine l’époque de ce mariage : madame D es
taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu avec son mari.
Mais tout cela n’est que pour les oisifs. L ’appel sur lequel
la Cour de Riom doit prononcer ne lui présente que la
�(1 4 )
question de la possession d’état; e t, sur ce p oin t, la défense
de l a dame Destaing n’a pas été entamée, et elle ne peut
pas l ’être par les digressions jdans lesquelles ses .adversaires
sont e n t r é s et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
détruire le s impressions qu’elles auraient pu, faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
R iom , sur lequel elles ont été faites;
L e C O N S E IL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
q u 'i l est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
répréhensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’A ppel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d’en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère p u blic, attendu la nature des injures
et les, fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d ’Egypte.
D élibéré à Paris , par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAU BERT.
CHABOT
de
l ’A l l i e r .
H ACQU ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0535
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_0604
BCU_Factums_M0605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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054b67313f42d5fab980bb2966900f0a
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CONSULTATION.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a lu le testament
et le codicille de madame de C h azera t, la consultation
délibérée à C le rm o n t-F e rra in l, le 29 juillet 1808 , et
le jugem ent rendu par le tribunal de R io m , le 22 juin
p ré cé d e n t,
P artage l'opinion etablie dans la consultation du 29
juillet 1808, dont les raisons lui paroissent suffire pour
dém ontrer l’erreur dans laquelle les premiers juges sont
tombés. O n se seroit donc dispensé d’une nouvelle dis
cussion , si les parties intéressées n’eussent témoigné le
désir que le conseil soussigné m o tiv â t néanmoins particulièrement son adhésion à cette opinion.
A l o r s pour donner à ce nouvel examen un objet
une utilité qui lui soient p rop res, 0n suivra le jugement du tribunal de prem ière instance dans ses m otifs,
et on s'attachera à en faire apercevoir l’illusion.
A
�L e tribunal de R iom s’est déterminé à déclarer nuls
les testament et codicille de madame de Chazerat, parce
qu’il a estimé qu’en léguant tous ses biens î\ ses parens
de l’estoc de ses aïeul et aïeule paternels, et de l’estoc
de son aïeule m aternelle , pour^être partagés e n tre u x t
selon les règles de la représentation à l infini, telle q u e lle
étoit établie par la ci-devant coutume d'Auvergne, ma
dame de Ghazerat a remis en vigueur une coutume
abolie, a subordonné sa disposition aux règles de cette
co u tu m e , et en cela est contievenue a des lois d’ordre
public qui le lui înteidisoient.
O n rcconnoîtra sans aucun doute le principe posé
par le prem ier attendu que présente le jugem ent du
tribunal de R iom , que nul ne p e u t, par des conventions
particulières, déroger a u x lois qui intéressent l ’ordre
public et les bonnes mœurs. L a question est de savoir,
dans le fa it, si les dispositions de madame de Chazerat
dérogent à ces lois. O n accordera encore q u e , dans les
dispositions testam entaires, la forme n’est pas laissée à
l ’arbitraire de celui qui dispose -, mais on nie form elle
m ent que Vordre q u i l doit observer dans la répartition
de ses b ien s, soit du domaine p u b lic, qui doive être pour
lui-même , comme dit le t/ibunal de Riom , une barrière
insurmontable : cette idée est non-seulement inadmis
sible , mais encore in exp lica b le; car comment s’y prendroit-on pour établir que l’iioinm e qui use de la fa
culté que la loi lui donne de disposer en faveur de qui
il lui p laît, ait à observer un ordre déterminé qui soit
du domaine public ? Q uel ordre doit-il donc observer ?
S’il est soumis à un o r d r e , s’il y a pour lui une bar-
�( 3 )
îièrc insurm ontable, il n’a plus rentière liberté de su
disposition. Lorsque le disposant excède la faculté que
hi loi lui donne , c’est alors qu’il franchit la barrière ;
mais il ne s’agit point de cela. M adam e de Cliazerat
n’ayant ni descendans ni ascendans, avoit l’entière dis
position de sa fortune : il n’y avoit point de barrière
pour elle. Q u’on dise alors quel ordre et quelle barrière
on veut qu’elle ait dû rencontrer dans la répartition
qu’il lui plaisoit d’en faire ? Assurém ent la loi ne lui
en a imposé d’aucune espèce. Cette répartition étoit,
comme la disposition, en sa puissance la plus absolue •,
et l’on ne conçoit pas com m ent on a pu placer le droit
de cette répartition dans le domaine public , car rien
n ’est plus manifestement du domaine privé.
O n a du relever d’abord cette bizarre proposition ,
parce qu’elle est le germ e de la fausse opinion que le tri
bunal de R iom s est iormeo des dispositions qu’il a. cru
devoir annuller.
Parm i les lois inviolables dont le tribunal de R iom a
entendu p a rle r, il invoque l’art. i 3 go du C o d e N apo
léon , qui ne perm et pas aux futurs époux de stipuler
d ’une manière générale que leur association sera réglée
par l u n e des coutumes qui r é g i s s o i e n t ci-devant les
diverses parties du territoire , et qui sont abrogées.
Sans doute c’est là une prohibition form elle, et elle
Cst ^ 0l'dve public j mais il s’a g isso it d’établir que celte
prohibition s’appliquoit à l'espèce ; et certe# , ce n’étoit
pas facile.
I
our y arriver , on a répété que la faction du testa
ment étoit d’ordre public. Q uè veut-on dire par la fa c A 2
�( 4 }
tion ? Ce mot vague , qui ue doit s'entendre que du
m atériel de l’a c te , est mal em ployé i c i , où il s’agit du
fond de la disposition. La n é c e s sité ou l’on s’est trouvé
de se servir d’expressions éq u ivoq u es, annonce assez,
que les idées qu’on a voulu rendre n’étoient ni vraies
ni claires.
O n dit que la disposition de l art. 1390 est fondée
sur Vavantage d ’une loi uniforme pour la so c ié té , et
que c est s*é l e v e r contre cet intérêt, que de se faire un
code à s o i , et de fa ire renaître des lois anéanties ;
que ces motifs se doivent appliquer aux testamens
comme a u x pactes de m ariage, la tranquillité des
fam illes n étant pas moins compromise , en rappelant ,
en termes g én éra u x, dans un testam ent, une coutume
abolie , et avec elle toutes les difficultés q u e lle peut
fa ire naître.
Cette doctrine peche dans tous ses fondem ens; et d’a
bord le Code Napoléon a sans doute été donné pour
faire cesser la multiplicité des lois et des coutumes qui se
partageoient la F ran ce, et pour avoir un droit uniforme.
C epen dan t, dans les diverses matières de ce d ro it, une
seule admet deux régim es, au choix des contractons, et
c’est positivem ent le contrat de m ariage, dans lequel il
est permis d'opter entre le régim e dotal et celui de la
communauté. Ce contrat 11 est donc pas uniforme dans
l ’E m p ire , et lovsqu on veut se londer sur l’uniform ité,
il faut convenir que 1 exem ple est mal choisi. L ’article
i3 g o n’offre dès-lors qn une limite posée ¿\ la permission
générale de l’art. 138 7, et a la faculté particulière de
l’art. 1391. C ’e st, com m e le dit l’art. 1387, \xi\q modifi
�( s )
cation de la faculté générale de faire les conventions de
mariage comme les époux le jugeront à propos, et de
celle d’opter ientre le régim e dotal ou la communauté.
Comm ent veut-on après cela rattacher cet article aux
dispositions testamentaires, pour la répartition de la part
disponible, et montrer que ce soit s’élever contre l’uni
formité de la lo i, et se faire un code à soi, que de prendre
pour règle de la répartition d’un legs universel un mode
suivi dans une ancienne coutume. Existe-t-il un article
du Gode qui règle la m anière dont un testateur, qui
donne ce que la loi lui perm et de donner à qui bon
lui sem ble, le répartira entre ses légataires , parens ou
étrangers j qui déterm ine, par exem ple, comment il di
visera son bien dans les différentes lignes de sa parenté,
s il veut donner ù. des parens de diverses lign es? N on
assui ément. Com m ent le vœ u d’une loi uniforme seroit-il
donc v io le , la ou il n’y a de loi que la volonté du testatcui ? Com m ent lin te re t public se ro it-il com prom is,
par la m anière q uelconque, d’appliquer une libéralité
perm ise, qui ne touche que celui qui la fait et celui
qui la reçoit? N ’est-il pas évident qu’en cette matière
le testateur, en se faisant un code à lu i, ne fait qu’user
de la plénitude de sa volonté que la loi lui laisse , et à
^ quelle le public n ’a plus aucun intérêt.
Quand la volonté du testateur est constante en la forme
j,
par la loi 3 pour rendre cette volonté ceitain e,
application de cette volonté ne présente plus qu’un inn °t P1ivé* l’invocation de l’ordre public et des bonnes
cluis , sur le mode de répartition d’un legs universel
U ^icn disponible, est donc aussi déplacée qu’il soit
�( 6 )
possible : c’est néanmoins tout le fondement du système
que le triJ3unal.de R iom a créé.
L ’assimilation du testam ent, sur ce point, avec le con
trat de m ariage, est donc enfin on ne peut pas plus fausse;
puisque, prem ièrem ent, la loi dispose expressément sur
le contrat social des ép o u x, et determine limitativement
les pactes qu’elle leur perm et; et secondement, les pactes
matrim oniaux intéressant les familles dans leurs dispo
sitions, ces dispositions sont d intérêt public.
C e q u i achève de caractériser la fausse application qu’a
faite le tribunal de R io m , c’est l’expression de l’art. 1890
l u i - m ê m e , qui ne prohibe que la stipulation faite d’une
m anière gén érale, de se régler dans les conventions ma
trimoniales par une des coutumes abolies, mais non point
de stipuler nominativement telle ou telle disposition p or
tée par ces coutumes.
Par exem p le, y auroit-il contravention à l’art. 1390,
s’il étoit dit que le mari venant à prédécéder, la femme
auroit un douaire de la moitié des biens de son mari en
usufruit, tel qu’il étoit réglé par la Coutum e de Paris?
O n ne peut pas le penser-, car ce ne seroit point là
régler leur association, et encore moins la régler d’une
m anière générale. Ce que la loi a entendu par cette
m anière gén érale, c’est la stipulation autrefois en usage,
que les époux soumettoient leurs conventions m atrimo
niales ou leur communauté aux dispositions de telle cou
tume par laquelle leurs droits scroient régis et gouvernés^
M ais il n’est point nécessaire de s’appesantir ici sur
les stipulations m atrim oniales, et sur l’application de Par
ticle 1390, à telle ou telle de ces stipulations, car il est
�( 7 )
évident que cet article n ’en peut recevoir aucune A la
disposition que fait un testateur de la portion disponible
de ses biens, et que ce sont deux choses qui ne peuvent
nullem ent être assimilées.
C ’est sans fondem ent, et arbitrairem ent, que le tri
bunal de R iom a établi sur cet article la nullité qu’il a
prononcée du legs universel de madame de Chazerat,
parce qu’elle a ordonné que ses biens seroient partagés
entre les trois branches de sa fa m ille , q u e lle dénomme,
suivant les règles de la représentation a l in fin i, telle
q u e lle avoit lieu dans la ci-devant Coutume d Auvergne.
C e principal fondement de l’opinion du tribunal de
R io m , pris dans l’article 1390 du Code N ap oléon , et
dans la prétendue similitude de droit entre la répartition
d’un legs universel, et l’association des ép o u x, étant dé
m ontré faux , que reste-t-il ?
Prouvera-t-on jamais qu’en soi, cerap p eld ’un m ode de
répartition admis dans une ancienne co u tu m e, et son
application par un testateur au partage qu’il veut faire de
son bien disponible à ceux de ses païens qu’il institue,
attente à l’ordre pu b lic, blesse la société, et doive rendre
sa disposition nulle?
E li! qu’im porte à la société, que le legs de madame dé
Clinzerat soit réparti entre ses légataires de telle ou telle
ïnaniere, selon les règles de la représentation de la Coud A u v e rg n e , ou selon toute autre; que madame de
hazerut oit renvoyé aux règles de cette coutume qu’elle
pouvoit écrire tout au long dans son testament ? Com*
ment celte indication de la coutume peut-elle vicier et
annuller son-legs ?
�( 8 )
Quand on pourroit penser que madame de Chazërat
ait fait en cela une chose inconvenante et mal sonnante,
où est la loi qui défend de jamais parler d’aucune loi an
cienne , de la prendre pour modèle dans une disposition
q u elco n q u e , à peine de nullité ? O n a fait voir qu’il
n’étoit pas permis de tirer cette conséquence de l’ar
ticle i 3oo du Code Napoléon.
L es nullités ne s’inventent pas; il faut une disposition
expresse de loi pour en établir. Que faudroit-il davan
tage pour faire proscrire 1 opinion du tribunal de Riom !
En vain le tribunal de ltio m dit-il qu’il y a nullité
résultant de toute disposition de loi négative et prohi
bitive ; où est cette loi négative et prohibitive pour le
mode de répartition d’un legs universel?
C e tribunal a dit qu’en disposant comme elle l’a fait,
madame de Chazerat avoit remis en vigueur une cou
tume abolie : assurément.cela n’étoit pas en sa puissance,
et il y auroit en cela contravention à la disposition g é
nérale qui prononce l’abolition.
M ais c’est encore là où le tribunal de R iom s’est ma
nifestement égaré.
Com m ent concevoir qu’un citoyen puisse remettre en
vigu eu r une coutume abolie ? cela lui est impossible dans
le fait comme dans le droit. Si l’acte qu’il veut faire lui
est interdit par le C o d e, cette interdiction sera le prin
cipe essentiel et suffisant de la nullité de son acte, et
le rappel qu’ il aura fait d une loi ancienne n’y ajoutera
rien ; s’il lui est perm is, la c té tirera son autorité du
C o d e , et non du rappel de la loi ancienne : cela est évi
dent : l’acte ne peut donc recevoir de ce rappel ni vice
ni
►
�( 9 )
ni vertu. C e n’est pas de celte loi ancienne que l’acle
tire son d ro it, mais de la volonté du disposant,-' autori
sée par la loi. 'A in si,'d an s l’espèce; madame de Chazerat
avoit reçu du Code la faculté de disposer de tous ses
biens en faveur de qui elle voudroitj et par conséquent,
de les répartir comme il lui plairoit entre plusieurs dona
taires ou légataires.. Lors donc qu’elle a pris pour m o
dèle et pour règle de cette répartition la représentation
telle qu’elle étoit établie par la Coutum e d’A u v e rg n e ,
cette coutume ne reprend pour cela aucune force de
loi ^ la disposition reçoit toute son autorité de la volonté
de madame de C hazerat, et du Code qui laissoit cette
volonté entièrem ent libre.
La Coutume d’A irvergne n'est manifestement appelée
que pour indication, pour démonstration plus ample
de la volonté de la testatrice, qui auroit pu écrire dans
son testament tout ce que la Coutum e disposoit sur ce
p o in t, et qui s’en est dispensée en déclarant qu’elle vouloit faire com m e faisoit autrefois la Coutum e d’A u verg n e,
ce qui est la m ême chose que si elle en eût couché les
dispositions dans ce testament.
Com m ent le tribunal de R iom combat-il des idées aussi
simples et aussi claires ? par une suite d’argumentations
ties-peu claires et nullem ent concluantes, et qui repo
sant sur les fondemens vicieu x qu’on vient de détruire ,
disparoissent avec eux.
^ prétend que c’est jouer sur les mots, et abuser des
lIl,e de ne voir dans le rappel de la Cou hune
j
u ye rg n e , qu’une démonstration, une indication de
a voloulé de la testatrice, lorsque lu dame de Chazerat.
B
�( ÏO )
veut disertement que cette Coutume soit la règle du par
tage de ses biens.
M ais comme le tribunal est entraîné lui-même à le
dire , c’est madame de Chazerat qui le veut ; c’est donc
la volonté de madame de Chazerat qui opère. L a cou
tum e n’agit point \ elle n’est donc là qu'exem p li c a u sâ ,
elle n ’est que pour démonstration. Ce n’est point la
coutum e en s o i, et com m e l o i , qui règle le partage ;
c’est la testatrice, qui a indiqué l’ancienne disposition
de cette coutum e , comme étant celle qu’elle entendoit
donner pour règle à ses légataires. E t en cela , il ne
peut y avoir ni vice ni conséquence , puisque encore
une fois la loi ne m ettoit aucune limite à la volonté
de la testatrice , et que la société n ’avoit aucun intérêt
à la m anière dont madame de Chazerat répartiroit son legs.
L a justesse de ce raisonnement se démontre par la
comparaison du cas sur lequel dispose l’art. 1390 , dont
le tribunal de R io m s’est appuyé.
Pourquoi y auroit-il contravention et n u llité , si des
époux soumettoient leu r société conjugale aux disposi
tions d’une coutume abolie ? C e n’est pas parce qu’ils
r e m e t t r o ie n t en vigueur une coutum e abolie, ce qui
e st ab su rd e , mais ÿ>arce que la loi actuelle interdit tout
a u tr e m ode de société co n ju gale, que le légim e dotal
ou la com m unauté gouvernée par les règles que le Code
établit : il n’est donc plus en la puissance des contractans
d’en vouloir un autre.
A u contraire , dans l ’espèce actuelle, la loi perm ettoit
à la testatrice de donner et de répartir tous ses biens
comme elle voudroit. L e Xnode de cette rép artition ,
�( II )
quelque part qu’il fut p r is , ¿toit donc à ça disposition,
et prenoit son autorité dans sa volonté seule ?
Pour trouver une prohibition en ce cas, il faudroit
aller jusqu’à dire que la seule indication d’une.ajpcàenjie
l o i , son nom seul prononcé dans .une disposition ,, est
une atteinte à l’ordre public et aux bonnes .mcqurs 3 et
qu’ayant la faculté la plus absolue de disposer comme
cette lo i, on peut bien le .fa ir e , mais non pas Je dire.
O n n e pense pas qu’aucun homm e raisonnable. .vouJ-ût
soutenir cette proposition.
D ans le fa it et dans la réalité, dit le tribunal de R io m ,
il est im possible de fa ire ce partage, sans être guidé par
la coutume d’A u verg n e, sans rechercher Vorigine des
biens dans les lig n e s , et la règle de leur subdivision
selon la coutume • et sur ce , le tribunal énum ère toutes
les questions qui ont pu s’elever dans cette coutume.
Si cela est im possible, c’est qu’il est impossible au*
légataires de ne pas se conform er à la volonté de madame
de C h azerat, et d’avoir autre chose que ce q u’elle a
voulu leur donner. Si elle eût écrit ces règles dans .son
testam ent, sans parler de la co u tu m e, n’auroitril pas
fallu s’y conform er? Q u ’a-t-elle fait de plus eu indiquant
ces réglés écrites dans la coutum e } comme étant sa
volonté ?
L a coutum e, continue le tribunal de Rio,m , n'est paß
lci un simple mode , une sim ple condition de la dis
position ; gHq en est inséparable, elle se lie et s JincorP
hé 7 ’ ’ (m parta£e ; c>est clle (l ul (^ siSneva les vrais
ri tiers de madame de C ha zera t, et leur part dans
les biens.
B 2
�( 12 )
C ’est toujours la m ême illusion. La coutume ne les
indiquera que par la volonté de madame de Chazerat:
c’est donc cette volonté qui a g i t , et qui institue réelle
ment les individus.
Cette application de la volonté personnelle à des
dispositions de coutumc , et de cette action de la volonté
de l’homm e dans l’usage de ces dispositions, trouve son
exem ple dans le d ro it, dans les statuts matrimoniaux.
Lorsque des époux se m anoient sans contrat, la loi
du domicile leur en tenoit lie u , non pas par sa propre
force et v e r t u , non v i consuetudinis et in s e , dit D u
m o u l i n , mais par la volonté présumée des parties, qui
étoient censées l’avoir tacitement adoptée.
L e tribunal de R iom examine s’il est vrai que madame
de Chazerat ait rappelé la coutume d’A u vergn e d’une
manière particulière, et pour une disposition spéciale.
Il soutient qu’elle l’a fait d’une manière générale , parce
qu’elle lui soumet généralement le partage de tous ses
biens.
Cette question n’est pas ici de grande importance 5
elle ne doit pas exercer une influence directe sur la
décision de la cause. L e point fondamental est dans la
capacité de madame de Cliazerat de disposer, et dans
le principe qui donne l’être à sa disposition , et qui
n’est autre que sa volonté.
Si madame de Chazerat a pu disposer de tous ses biens
et les répartir entre ses légataires à sa v o lo n té , il im
porte peu de savoir jusqu’à quel point elle a pris la cou
tume d’A u vergn e pour exem ple de sa disposition.
Toutefois il est bon d’observer que le tribunal de
�( i3 )
Riom a confondu , dans ses argum entations, la disposi
tion de madame de Chazerat avec celle par laquelle elle
auroit purement et simplement subordonné sa succession
à la coutume d’A u v e rg n e , et elle auroit laissé aux dis
positions de cette coutume à lui donner des héritiers.
'Par, e x e m p le , si madame de Chazerat eût dit qu’elle
entendoit que sa succession fût gouvei*née par cette
coutume , alors elle n’eût par là désigné aucun héritier
ni légataire j elle n’eût fait par elle-m em e aucune dis
position de ses b ie n s } elle auroit attribue a cette cou
tume , non-seulement la répartition , mais la disposition *,
elle auroit é ta b li, pour sa succession ab intestat, un
autre ordre que celui déterminé par la loi. C ’est en ce
c a s, tout au p lu s , qu’on pourroit dire qu’elle auroit
violé la loi des successions, en prétendant introduire
un autre ordre de succéder que celui établi par elle.
M ais madame de Chazerat a testé j elle a disposé de ses
biens par un legs universel 5 elle a désigné ses légataires, qui
sont ses parens de la ligne de ses aïeul et aïeule paternels,
et ceux de la ligne de son aïeule maternelle ; elle a déclax-é
que son intention étoit que pour la répartition entr’eux
on suivît le mode de la représentation à l’infini tel que
l’admettoit la Coutum e d’A u vergn e : il ne s’agit là que du
partage d’un legs, et du quantum que chaque légataire y
Ple n dra ^ il ne s’agit que du mode de la r e p r é s e n ta tio n .
I«1* disposition de madame de Chazerat est complete
sui les lignes qu’elle appelle et celles qu’elle exclut; sur
a nature des biens qu’elle leur lègue 5 ce sont tous ses
ltns > meubles et im m eubles, a c q u e t s et propres, au
marc la livrc c]e cc q ui luj est venu de chacune de ses
�( >4 )
branches ; sur l'appel des branches dans l’ordre de la
représentation à l’infini. E n fin , le mode de cette repré
sentation sera celui qui avoit lieu dans la coutume d’A u
vergne : voilà sur quoi s e u l e m e n t elle ludique la coutume.
11 est donc vrai qu’elle ne r a p p e lle cette coutume que
d’une m a n iè r e particulière, sur une disposition qu’elle
énonce, et non d’une m a n iè r e générale et indéterminée.
M ais il y a plus, et l’on a très-bien démontré dans la
consultation du *9 juillet dernier, que loin de soumettre
ses dispositions d’une manière générale à la coutume
madame de Chazerat s’en étoit écartée sur
d
’ A
u
v
e
r
g
n
e
,
Lien des points-, i°. en disposant en faveur de son mari;
2°. en disposant de l’universalité de ses biens ; 3 n. en
léguant nominativement en vertu de la faculté que lui
donnoient leg lois nouvelles; 4°* en donnant ses meubles
et ses acquêts à ses parens de la ligne m aternelle, comme
à ceux de la ligne paternelle.
C ’est donc à tort que le tribunal de R iom prétend qu’il
faut voir dans la disposition de madame de Ghazerat une
soumission générale à la coutume <¥A u v e r g n e , et que
c’est cette coutume qui lui donne des h éritiers, et qui
leur partage ses biens : il est au contraix-e bien démontré
q u ’en tout c’est la volonté de madame de Chazerat qui agit.
O n ne relèvera pas plus particulièrement ce qu’a dit
le tribunal de R iom des difficultés sans nombre qui naîtroient de l’exécution de ce m ode; on l’a fait suffisamment
dans la consultation du 29 juillet, ou Io n a fait voir que
ces prétendues diilicultés n ctoient qu un épouvantail ;
et quelles que fussent ces difficultés, on n’y pourrôit
jamais trouver un m otif d’annuller le legs.
�( i5 )
On ne suivra pas non plus le tribunal de R iom dans
ses réponses à quelques motifs mis en avant par les léga
taires devant ce tribunal, et qu’on ne reproduira pas ici.
Mais il est un m oyen opposé au sieur M irlavavid, dans
la consultation du 29 juillet, et qui dispenseroit d’entrer
avec lui dans tant de discussions.
L e sieur M irlavaud est le représentant de la branche
de l’aïeul m aternel, non appelée au legs universel, et on
soutient contre lui qu’il est sans qualité et sans intérêt
pour critiquer l’emploi qu’a fait la testatrice, de la C ou
tume d’A u vergn e , attendu qu’il ne s’applique qu’à la
répartition dans les branches appelées, et que la sienne
ne l’étant pas, cette répartition ne l’intéresse pas.
E n effet, l’appel des branches est une prem ière disposi
tion distincte et divise ; quiconque n’est pas de ces bran
ches, n’est pas légataire; dès-lors il est sans intérêt comme
sans qualité pour critiquer le mode de la répartition dans
ces branches. Ces branches sont appelées avec représenta
tion à l’infini : la dame de Chazerat étoit maîtresse de
le vouloir ain si, sans que la disposition eût besoin de la
coutume d’A u vergn e. Q u ’im portojt à la branche du sieur
M irlavaud, qui n’est point appelée ? et.q u e lui importe
après cela , que cette représentation ait lieu selon la
coutume d’A u vergn e ?
Concluons que le mode.dç répartition du legs universel
de madame de Chazerat appartenoit entièrement à la
pleine et entière disposition q u ’e lle avoit de tous ses
•
l’ordre public et.la société u y .ont aucun
ixitéiet 5 que ja COutume d’A u vergn e n’étoit em ployée
�( .G )
que comme démonstration de la volonté de la testatrice;
que la disposition tiroit toute son autorité de cette volonté
et du code' qui n’y mettoit aucune b o rn e; que cette
volonté agit seule, et que l’appel de la coutume ne peut
influer sur le sort de la disposition en bien ni en mal ;
qu’il n’y a aucun argument à tirer de 1 article 1890 dans
l’espèce tout à fait différente ; car il n’y a aucune simili
tude entre la ' stipulation de l’association conjugale et le
partage d’un legs universel; que madame de Chazerat n’a
point appelé la coutume d’A u vergn e à gouverner sa suc
cession, mais l’a s e u l e m e n t indiquée comme exem ple et
comme m ode à suivre, selon sa volonté, dans la réparti
tion de ses legs dans les brandies qu’elle instituoit ; que
loin de soumettre môme ses legs à l’ordre de succéder
et aux principes de cette coutum e, elle s’en est écartée
totalement sur plusieurs points importans ; enfin, que le
sieur M irlavaud, défendeur, d’une branche non instituée,
est sans qualité et sans intérêt pour critiquer le mode de
répartition, qui n’intéresse que les branches appelées.
Il
a donc été mal jugé par le tribunal de R io m , et son
jugem ent ne peut m anquer d’être infirmé sur l’appel.
D élibéré à Paris par nous anciens Avocats soussignés,
ce 8 n o v e m b r e 1808.
DELAMALLE.
PORCHER. POIRIER. JAUBERT.
d e l a c r o i x -f r a i n v i l l e .
CHABOT, de l'Allier. CHABllOUD.
�X li )
f
Lettre de M. J
aubert
Mercredi.
\
à M. B
o ir o t
.
C e n ’est que hier au soir, Monsieur et cher Collègue, qu’on a
porté chez moi les papiers et les consultations que vous m ’aviez
annoncés ce matin. J’ai examiné le tout, et le jugement de Riom
m ’a paru, ainsi qu*à vous et à M . Delam alle, une méprise étrange.
En appliquant à une disposition testamentaire I article i3go du
Code Napoléon, relatif aux conventions matrimoniales, le tribunal
de Riom n’a pas senti quel avoit été le véritable m otif de la dis
position contenue en cet article ; il a supposé qu on avoit voulu
faire oublier lés anciennes lois et coutum es, de manière qu’il ne
pùt plus en être fait mention dans aucun acte.
Ce n ’est pas là le m otif de la loi; il eût été révolutionnaire ou
puéril.
Le Code Napoléon a voulu que les conventions matrimoniales
fussent rédigées de manière que toute tierce personne ayant à
contracter avec l’un ou l’autre époux, pût connoltre d’une manière
positive et claire les pactes de la société conjugale, soit relativement
au pouvoir et à la capacité qu^auroit l’époux de faire tel ou tel
contrat, soit relativement à l’asservissement ou à l’affranchisse
ment de ses biens par les suites du contrat de mariage.
S’il avoit été permis aux époux de stipuler dune m a n iè r e géné
rale, que leur association seroit réglée par telle ou telle c o u t u m e ,
lois ou statuts locaux , il auroit fallu que les tierces personnes
a^ec lesquelles les époux, ou l’un d’eux, auroient par la suite con
ta c té , connussent la coutum e, les lois ou statuts locaux désignés
a” s 1 association des deux époux, ou que retenus par 1° crainte
1 ^ CUt ^ans ^es
anciennes quelque prohibition , quelque
° s^ac^e >^uelqu’incapacité relative, ils s’abslmsscn*-de contracter
avec ceux dont ils ne pouvoient pas bien connoitre les lois aux
quelles il leur auroit plu de s’assujétir. Ce qui eut été dangereux pour
es ^P°ux, ou pour les tiers, et toujours pour la chose publique.
c
�( 18 )
En donnant aux époux la faculté de stipuler d’une manière géné
rale, que leur association seroit réglée par telle coutume, loi ou
usage, etc., on ébranloit le régime hypothécaire, dont l’objet
principal est de fournir aux acquéreurs l’assurance de n’être plus
troublés dans leur possession, et le moyen, de connoitre préala
blement si les biens qu’ils vouloient acquérir leur étoient transmissibles.
C es motifs de l’article 1390 du Code ne peuvent pas s’ appliquer
à des dispositions testamentaires : aussi .cette loi n’a-t-elle pas été
portée d’une manière absolue et pour tous les actes, mais seulement
pour les contrats de mariage.
L ’article précédent d u C o d e Napoléon n’a pour objet que la
prohibition des substitutions, et n 'est relatif qu’à l’ordre des suc
cessions ab intestat.
Ces réflexions que je vous soumets, mon cher Collègue, sont
sans doute surabondantes; mais après les deux consultations que
je viens de lire, on ne peut ajouter que des choses superflues. Je
vous prie d’agréer les respectueuses salutations de votre Collègue,
JA U B E R T .
A C L E R M O N T , de l'imprimerie do L andriot , Imprimeur de la Préfecture,
et Libraire , rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mirlavaud. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delamalle
Porcher
Poirier
Jaubert
Delacroix-Frainville
Chabot
Chabroud
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
Description
An account of the resource
Consultation [Mirlavaud]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1801-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0516
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
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BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Coverage
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Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
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Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
Successions
testaments
-
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Text
CONSULTATION.
LE C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le testament:
et le codicille de m adam e de C h a z e r a t , la consultation
délibérée à Clermont -Ferrand , le 29 juillet 1808 , et
le jugement rendu par le tribunal de R io m , le 22 juin
précédent,
P artage l’opinion établie dans la consultation du 2 9
juillet 1808, dont les raisons lui paraissent suffire pour
démontrer l’erreur dans laquelle les premiers juges sont
tombés. On se seroit donc dispensé d’une nouvelle dis
cussion , si les parties intéressées n’eussent témoigné le
désir que le conseil soussigné motivât néanmoins particu
lièrement son adhésion à cette opinion.
Alors , pour donner à ce nouvel examen un objet
et une utilité qui lui soient propres, on suivra le juge
m ent du tribunal de première instance dans ses motifs,
et on s'attachera à en faire apercevoir l'illusion.
A
�( 2 )
L e tribunal de Riom s’est déterminé à déclarer nuls
les testament et codicille de madame de Chazerat, parce
qu’il a estimé qu’en léguant tous ses biens à ses parens
de l’estoc de ses aïeul et aïeule paternels, et de l’estoc
de son aïeule maternelle , pour être partagés e n tr e u x ,
selon les règles de la representation ¿ï Vinfini, telle qu elle
étoit établie par la ci-devant coutume (VAuvergne , ma
dame de Chazerat a remis en vigueur une coutume
abolie, a subordonné sa disposition aux règles de cette
coutume, et en cela est contrevenue ù des lois d’ordre
public qui le lui interdisoient.
On rcconnoîtra sans aucun doute le principe posé
par le premier attendu que présente le jugement du
tribunal de Riom , que nul ne p e u t, par des conventions
particulières, déroger a u x lois qui intéressent l’ordre
public et les bonnes mœurs. La question est de savoir,
dans le la it, si les dispositions de madame de Chazerat
dérogent à ces lois. On accordera encore q u e, dans les
dispositions testamentaires, la l'orme n’est pas laissée à
l’arbitraire de celui qui dispose ; mais 011 nie formelle
ment que Vordre qu’il doit observer dans la répartition
de ses biens, soit du domaine pu b lic, qui doive être pour
lui-même , comme dit le tribunal de liiom >une barrière
insurmontable : cette idée est non-seulement inadmis
sible , mais encore inexplicable ; car comment s’y prendroit-on pour établir que l'homme qui use de la fa
culté quo la loi lui donne de disposer en laveur de qui
il lui plaît, ait à observer un ordre déterminé qui soit
du domaine public? Quel ordre doit-il donc observer?
S’il est soumis à un o r d r e s ’il y a pour lui une bar-
�M2-
.
.«
(3.)
rière>'insurmontable, il n’a plus l’entière liberté de sa
disposition. Lorsque le disposant excède la faculté que
la loi lui donne , c’est alors qu’il francliit la barrière \
mais il ne s’agit point de cela. Madame de Cliazerat
n’ayant ni descendans ni ascendans, avoit l’entière dis- .
position de sa fortune : il n’y avoit point de barrière
pour elle. Qu’on dise alors quel ordre et quelle barrière
on veut qu’elle ait dû ren co n trer dans la répartition
qu’il lui plaisoit d’en faire ? Assurément la loi ne lui
en a imposé d’aucune espèce. Cette répartition étoit,
comme la disposition, en sa puissance la plus absolue;
et l’on ne conçoit pas comment on a pu placer le droit
de cette répartition dans le domaine public , car rien
n’est plus manifestement du domaine privé.
O n a du re le v e r d’abord cette b izarre p roposition ,
parce qu’elle est le germe de la fausse opinion que le tri
bunal de Riom s’est formée des dispositions qu’il a cru
devoir annuller.
Parmi les lois inviolables dont le tribunal de Riom a
entendu parler, il invoque l’art. i 3go du Code Napo
léon , qui ne permet pas aux futurs époux de stipuler
d'une manière générale que leur association sera réglée
par Vune des coutumes qui régissoient ci-devant les
diverses parties du territoire , et qui sont abrogées.
Sans doute c’est là une prohibition formelle , et elle
est d’ordre public ; mais il s’agissoit d’établir que cette
prohibition s’appliquoit à l’ espèce j et certes , ce n’etoit^
pas facile.
Pour y arriver , on a répété que la faction du testa
ment étoit d’ordre public. Que veut-on dire par la fa cA
a
�( 4 )
tion ? Ce mot vague , qui ne doit s'entendre que du
matériel de l’acte , est mal employé ic i, où il s’agit du
fond de la disposition. La nécessité où l’on s’est trouvé
de se servir d’expressions équivoques, annonce assez
que les idées qu’on a voulu rendre n’étoient ni vraies
ni claires.
On dit que la disposition de l’art. 1390 est fondée
sur Vavantage d ’une loi uniforme pour la société, et
que c e s t s’élever contre cet intérêt , que de se faire un
code à s o i, et de fa ire renaître des lois anéanties ;
que ces motifs se doivent appliquer a u x testamens
comme auoc pactes de m ariage, la tranquillité des
fam illes n étant pas moins compromise , en T'appelant,
en tenues généraux , dans un testam ent, une coutume
abolie , et avec elle toutes les difficultés quelle peut
faire naître.
Cette doctrine pêche dans tous ses fondeincns} et d’a
bord le Code Napoléon à sans doute été donné pour
faire cesser la multiplicité des lois et des coutumes qui se
partageoient la France, et pour avoir un droit uniforme.
Cependant, dans les diverses matières de ce droit, une
seule admet deux régimes, au choix des contractans, et
c’est positivement le contrat de mariage, dans lequel il
est permis d'opter entre le régime dotal et celui de la
communauté. Ce contrat n’est donc pas uniforme dans
l ’E m p ire, et lorsqu’on veut se fonder sur l’uniformité,
il faut convenir que l’exemple est mal choisi. L ’article
i 3qo n’offre dès-lors qu’une limite posée à la permission
générale de l’art. 13 8 7 , et à la faculté particulière de
l’art, x^qt. C’est, comme le dit l’art. 138 7, une modiji-
�W5
( 5 }
cation de'là faculté générale de faire lès conventions de
mariage comme les époux le jugeront à propos, et de
celle d’opter entre le régime dotal ou la communauté.
Comment veut-on après cela rattacher cet article aux
dispositions testamentaires, pour la répartition de la part
disponible, et montrer que ce soit s’élever contre l’uni
formité de la loi, et se faire un code à soi, que de prendre
pour règle de la répartition d’un legs universel un mode
suivi dans une ancienne coutume. Existe-t-il un article
du Code qui règle la manière dont un testateur, qui
donne ce que la loi lui permet de donner à qui bon
lui semble, le répartira entre ses légataires , parens ou
étrangers5 qui détermine, par exemple, comment il di
visera son bien dans les différentes lignes de sa parenté,
s’il* veut don n er i\ des paren s de diverses lig n es ? Non
assurément. Comment le vœu d’une loi uniiorme seroit-il
donc violé, là où il n’y a de loi que la volonté du tes
tateur ? Comment l’intérêt public seroit-il compromis,
par la manière quelconque, d’appliquer une libéralité
permise, qui ne touche que celui qui la fait et celui
qui la reçoit? N ’est-il pas évident qu’en cette matière
le testateur, en se faisant un code à lu i, ne fait qu’user
de la plénitude de sa volonté que la loi lui laisse , et à
laquelle le public n’a plus aucun intérêt.
Quand la volonté du testateur est constante en la forme
exigée par la loi, pour rendre cette volonté certaine,
l’application de cette volonté ne présente plus qu’un in
térêt privé; l’invocation de l’ordre public et des bonnes
mœurs, sur le mode .de répartition d’un legs universel
du bien disponible, e$t donc aussi déplacée qu’il soit
�(G)
possible : c’est néanmoins tout le fondement du système
que le tribunal de Riom a créé.
L ’assimilation du testament, sur ce point, avec le con
trat de mariage, est donc enfin on ne peut pas plus fausse j
puisque, premièrement, la loi dispose expressément sur
le contrat social des époux, et détermine limitativement
les pactes qu’elle leur permet} et secondement, les pactes
matrimoniaux intéressant les familles dans leurs dispo
sitions, ces dispositions sont d’intérêt public.
Ce qui achève de caractériser la fausse application qu’a
faite le tribunal de R io m , c’est l’expression de l’art. 1 3f)0
lu i-m êm e, q u i n e p ro h ib e que la stipulation faite d’ une
manière générale, de se régler dans les conventions ma
trimoniales par une des coutumes abolies, mais non point
de stipuler nominativement telle ou telle disposition por
tée par ces coutumes.
P a r e x e m p le , y au ro it-il contravention à l’art. 1890,
s’il étoit dit que le mari venant à prédécéder, la femme
auroit un douaire de la moitié des biens de son mari en
usufruit, tel qu’il étoit réglé par la Coutume de Paris?
On ne peut pas le penser} car ce ne seroit point là
régler leur association, et.encore moins la régler d’une
manière générale. Ce que la loi a entendu par cette
manière générale, c’est la stipulation autrefois en usage,
que les époux soumettoient leurs conventions matrimo
niales 011 leur communauté aux dispositions de telle cou
tume par laquelle leurs droits scroicnt régis et gouvernés.
Mais il n’est point nécessaire de s’appesantir ici sur
les stipulations matrimoniales, et sur l’application de l’ar
ticle i 3«)o, ¿ telle ou telle de ces stipulations, car il est
�( 7 )
évident que cet article n’en peut recevoir aucune à la
disposition que fait un 'testateur de la portion disponible
de ses biens, et que ce sont deux choses qui ne peuvent
nullement être assimilées.
C ’est sans fondement, et arbitrairement, que le tri
bunal de Rioin a établi sur cet article la nullité qu’il a
prononcée du legs universel de madame de Cliazerat,
parce qu’elle a ordonné que ses biens seroient partagés
entre les trois branches de sa fa m ille , q u elle dénomme ,
suivant les règles de la représentation à l’in fin i, telle
quelle avoit lieu dans la ci-devant Coutume d ’Auvergne.
Ce principal fondement de l’opinion du tribunal de
R iom , pris dans l’article i 3go du Code Napoléon, et
dans la prétendue similitude de droit entre la répartition
d’un legs universel, et l’association des époux, étant dé
montré faux , que reste-t-il ?
Prouvera-t-on jamais qu’en soi, cerappeld’un mode de
répartition admis dans une ancienne coutume, et son
application par un testateur au partage qu’il veut faire de
son bien disponible h ceux de ses parens qu’il institue,
attente à l’ordre public, blesse la société, et doive rendre
sa disposition nulle?
Eli ! qu’importe à la société, que le legs de madame de
Cliazerat soit réparti entre scs légataires de telle ou telle
manière, selon les règles de la représentation de la Cou
tume d’A uvergne, ou selon toute autre j que madame de
Cliazerat ait renvoyé aux règles de cette coutume qu’elle
pouvoit écrire tout au long dans son testam ent ? Com
ment cette indication de la coutume peut-elle vicier et
anmiller son legs ?
�'
( 8 )
Quand on pourroit penser que madame de Chazerat
ait fait en cela une chose inconvenante et mal sonnante,
où est la loi qui défend de jamais parler d’aucune loi an
cienne , de la prendre pour modèle dans une disposition
quelconque, à peine de nullité ? On a fait voir qu’il
n’étoit pas permis de tirer cette conséquence de l’ar
ticle i 3qo du Code Napoléon.
Les nullités ne s’inventent pas; il faut une disposition
expresse de loi pour en établir. Que faudroit-il davan
tage pour faire proscrire l’opinion du tribunal de Riom !
En vain le tribunal de Riom dit-il qu’il y a nullité
résultant de toute disposition de loi négative et prohi
bitive ; où est cette loi n ég a tive et prohibitive pour le
mode de répartition d’un legs universel ?
Ce tribunal a dit qu’en disposant comme elle l’a fait,
madame de Chazerat avoit remis en vigueur une cou
tume abolie : assurément cela n ’élo it pas en sa puissan ce,
et il y aui’oit en cela contravention à la disposition gé
nérale qui prononce l’abolition.
Mais c’est encore là où le tribunal de Riom s’est ma^
nifesteinent égaré.
Comment concevoir qu’un citoyen puisse remettre en
vigueur une coutume abolie ? cela lui est impossible dans
le fait comme dans le droit. Si l’acte q u ’il veut faire lui
est interdit par le Code, cette interdiction sera le prin
cipe essentiel et suffisant de la nullité de son acte, et
le rappel qu’il aura fait d’une loi ancienne n’y ajoutera
lien*, s’il lui est permis, l'acte tirera son autorité du
Code, et non du rappel de la loi ancienne : cela est évi
dent : l’acte ne peut donc recevoir de ce rappel ni vice
ni
�I tcj
( 9 )
ni vertu. Ce n’est pas de cette loi ancienne que l’acte
tire son droit, mais de la volonté du disposant, autori
sée par la loi. A insi, dans l’espèce; madame de Chazerat
a voit reçu du Code la faculté de disposer de tous ses
Liens en faveur de qui elle voudroit; et par conséquent,
de les répartir comme il lui plairoit entre plusieurs dona
taires ou légataires. Lors donc qu’elle a pris pour mo
dèle et pour règle de cette répartition la représentation
telle qu’elle étoit établie par la Ccfutume d’Auvergne,
cette coutume ne reprend pour cela aucune force de
loi 5 la disposition reçoit toute son autorité de la volonté
de madame de Chazerat, et du Code qui laissoit cette
volonté entièrement libre.
La Coutume d’Auvergne n'est manifestement appelée
que pour indication, pour démonstration plus ample
de la volonté de la testatrice, qui auroit pu écrire dans
son testament tout ce que la Coutume disposoit sur ce
point, et qui s’en est dispensée en déclarant qu’elle vouloitfaire comme faisoit autrefois la Coutume d’Auvergne,
O '
ce qui est la même chose que si elle en eut couché les
dispositions dans ce testament.
Comment le tribunal de Riom combat-il des idées aussi
simples et aussi claires? par une suite d’argumentations
très-peu claires et nullement concluantes, et qui repo
sant sur les fondemens vicieux qu’on vient de détruire ,
disparoissent avec eux.
Il prétend que c’est jouer sur les mots, et abuser des
termes, que de ne voir dans le rappel de la Coutume
d’^Auvergne , qu’une démonstration, une indication de
la volonté de la testatrice, lo rsq u e la (lame (le Chazerat
B
�( 10 )
veut disertement que cette Coutume soit la règle du par
tage de ses biens.
Mais comme le tribunal est entraîné lui-même à le
dire , c’çst madame de Chazerat qui le veut ; c’est donc
la volonté de madame de Chazerat qui opère. La cou
tume n’agit point \ elle n’est donc là qu 'exem pli ca u sa ,
elle n’est que pour démonstration. Ce n’est point la
coutume en so i, et comme lo i, qui règle le partage 5
c’est la testatrice, qui a indiqué l’ancienne disposition
de cette coutume, comme étant celle qu’elle entendoit
donner pour règle à ses légataires. Et en cela , il ne
p eu t y a vo ir ni vice ni conséquence , p u isq u e encore
une fois la loi ne mettoit au cu n e limite à la volonté
de la testatrice , et que la société n’avoit aucun intérêt
ù la manière dont madame de Chazerat répartirait son legs.
L a justesse de ce raisonnement se démontre par la
comparaison du cas sur lequel dispose l’art. 1390 , dont
le tribunal de Riom s’est appuyé.
Pourquoi y auroit-il contravention et nullité, si des
époux soumettoient leur société conjugale aux disposi
tions d’une coutume abolie ? Ce 11’est pas parce qu’ils
remettraient en vigueur une coutume abolie, ce qui
est absurde, mais parce que la loi actuelle in terd it tout
autre mode de société c o n ju g a le , que le régime dotal
eu la communauté gouvernée par les règles que le Code
établit : il n’est donc plus en la puissance des contractons
d’en vouloir un autre.
Au contraire , dans l'espèce actuelle, la loi permettait
à la testatrice de donner et de répartir tous ses biens
comme elle voudrait. L e mode de cette répartition,
�( ” )
quelque part qu’il fût p ris, étoit donc à sa disposition ,
et prenôit son autorité dans sa volonté seule ?
Pour trouver une prohibition en ce cas, il faudroit
aller jusqu’à dire que la seule indication d’une ancienne
loi , son nom seul prononcé dans une disposition, est
une atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs ; et
qu’ayant la faculté la plus absolue de disposer comme
cette lo i, on peut bien le faire, mais non pas le dire.
On ne pense pas qu’aucun homme raisonnable voulût
soutenir cette proposition.
D ans le fa it et dans la réalité, dit le tribunal de Riom ,
il est impossible de faire ce partage , sans être guidé par
la coutume d’Auvergne > sans rechercher l’origine des
biens dans les lignes , et la règle fie leur subdivision
selon la coutume ; et s u r ce , le tribunal énumère toutes
les questions qui ont pu s’élever dans cette coutume.
Si cela est impossible, c’est qu’il est impossible aux
légataires de ne pas se conformer à la volonté de madame
de Chazei'at, et d’avoir autre chose que ce qu’elle a
voulu leur donner. Si elle eût écrit ces règles dans son
testament, sans parler de la coutume, n’auroit-il pas
fallu s’y conformer? Qu’a-t-elle fait de plus en indiquant
ces règles écrites dans la coutume , comme étant sa
volonté ?
L a coutume , continue le tribunal de Riom , n ’est pas
ici un simple mode , une simple condition de la dis
position ; elle en est inséparable, elle se lie et s’incorpoiv au partage : c'est elle qui désignera les vrais
héritiers de madame de C hazerat, et leur part dans
les biens.
R 2
�( 12 )
C’est toujours la même illusion. La coutume ne les
indiquera que par la volonté de madame de Cliazerat :
c’est donc cette volonté qui a g it, et qui institue réelle
ment les individus.
Cette application de la volonté personnelle à des
dispositions de coutume , et de cette action de la volonté
de l’homme dans l’usage de ces dispositions, trouve son
exemple dans le d roit, dans les statuts matrimoniaux.
Lorsque des époux se marioicnt sans contrat , la loi
du domicile leur en tenoit lie u , non pas par sa propre
force et vertu , non v i consuetudinis et in se , dit D u
moulin , mais p a r la volnnlé présumée des p a rtie s, qvii
étoient censées l’avoir tacitement adoptée.
Le tribunal de Riom examine s’il est vrai que madame
de Cliazerat ait rappelé la coutume d’Auvergne d’une
manière particulière, et pour une disposition spéciale.
I l soutient q u ’elle l’a fait d’ une m an ière générale , parce
qu’elle lui soumet généralement le partage de tous ses
biens.
Cette question n’est pas ici de grande importance}
elle ne doit pas exercer une influence directe sur la
décision de la cause. L e point fondamental est dans la
capacité de madame de Cliazerat de disposer , et dans
le principe q u i donne l’etre à sa disposition , et qui
n’est autre que sa volonté.
Si madame de Cliazerat a pu disposer de tous scs biens
et les répartir entre ses légataires à sa volonté, il im
porte peu de savoir jusqu’à quel point elle a pris la cou
tume d’Auvergne pour exemple de sa disposition.
-I outelois il est bon d’observer que le tribunal de
�( 13 )
Riom a confondu , dans ses argumentations, la disposi
tion de madame de Chazerat avec celle par laquelle elle
auroit purement et simplement subordonné sa succession
îi la coutume d’A uvergn e, et elle auroit laissé aux dis
positions de cette coutume à lui donner des héritiers.
Par exem ple, si madame de Chazerat eût dit qu’elle
entendoit que sa succession fût gouvernée par cette
coutume, alors elle n’eût par là désigné aucun héritier
ni légataire ; elle n’eût fait par elle-même aucune dis
position de ses biens ; elle auroit attribué à cette cou
tume , non-seulement la répartition , mais la disposition ;
elle auroit établi, pour sa succession ah in testa t , un
autre ordre que celui déterminé par la loi. C’est en ce
cas, tout au p lu s, qu’on pourroit dire qu’elle auroit
violé la loi des successions , en prétendant introduire
un autre ordre de succéder que celui établi par elle.
Mais madame de Chazerat a testé*, elle a disposé de ses
biens par un legs universel j elle a désigné ses légataires, qui
sont ses parens de la ligne de ses aïeul et aïeule paternels,
et ceux de la ligne de son aïeule maternelle; elle a déclaré
que son intention étoit que pour la répartition entr’eux
on suivît le mode de la représentation à l’infini tel que
l’admettoit la Coutume d’Auvergne : il ne s’agit là que du
partage d’un legs, et du quantum que chaque légataire y
prendra -, il ne s’agit que du mode de la representation.
La disposition de madame de Chazerat est complète
sur les lignes qu’elle appelle et celles qu’elle ex c lu t; sur
la nnjiiy.e des biens qu’élle leur lègue; ce sont tous ses
biens, meubles et iniineubles , acquêts et propres, au
marc la livre de ce qui lui est venu de chacune de ses
�UK
( 4 )
branches ; sur l’appel des branches dans l’ordre de la
représentation à l’infini. E n fin , le mode de cette repré
sentation sera celui qui avoit lieu dans la coutume d’A u
vergne : voilà sur quoi seulement elle indique la coutume.
Il est donc vrai qu’elle ne rappelle cette coutume que
d’une manière particulière, sur une disposition qu’elle
énonce, et non d’une manière générale et indéterminée.
Mais il y a plus, et l’on a très-bien démontré dans la
consultation du 29 juillet dernier, que loin de soumettre
ses dispositions d’une manière générale à la coutume
d’A uvergne, madame de Chazerat s’en étoit écartée sur
bien des p o in ts; i° . en disposant en fa v e u r de son mari;
2°. en disposant de l ’universalité ilo ses biens ; 3 \ en
léguant nominativement en vertu de la faculté que lui
donnoient les lois nouvelles; 4°* en donnant ses meubles
et ses acquêts à ses parens de la ligne maternelle, comme
à c e u x de la lig n e p atern elle.
C’est donc à tort que le tribunal de Riom prétend qu’il
faut voir dans la disposition de madame de Chazerat une
soumission générale à la coutume dJA u v erg n e , et que
c’est cette coutume qui lui donne des héritiers, et qui
leur partage scs biens : il est au contraire bien démontré
qu’en tout c’est la volonté de madame de Chazerat qui agit.
On ne relèvera pas plus particulièrement ce qu’a dit
le tribunal de Riom des diilicultés sans nombre qui naîtroient de l’exécution de ce mode; on l’a fait suffisamment
dans la consultation du 39 juillet, où l’on a fait voir que
ces prétendues diilicultés n’ étoient qu’un épouvantail ;
et quelles que fussent ces difficultés, on n’y pourroit
jamais trouver un motif d’annuller le legs.
�( i5 )
On ne suivra pas non plus le tribunal de Riom dans
scs réponses à quelques motifs mis en avant par les léga
taires devant ce tribunal, et qu’on ne reproduira pas ici.
Mais il est un moyen opposé au sieur M irlavaud, dans
la consultation du 29 juillet, et qui dispenseroit d’entrer
avec lui dans tant de discussions.
L e sieur Mirlavaud est le représentant de la branche
de l’aïeul maternel, non appelée au legs universel, et on
soutient contre lui qu’il est sans qualité et sans intérêt
pour critiquer l’emploi qu’a fait la testatrice, de la Cou
tume d’Auvergne , attendu qu’il ne s’applique qu’à la
répartition dans les branches appelées, et que la sienne
ne l’étant pas, cette répartition ne l’intéresse pas.
En effet, l’appel des branches est une première disposi
tion distincte et divise ; quiconque n’est pas de ces bran
ches, n’est pas légataire 5 dès-lors il est sans intérêt comme
sans qualité pour critiquer le mode de la répartition dans
ces branches. Ces branches sont appelées avec représenta
tion à l’infini : la dame de Chazerat étoit maîtresse de
lé vouloir ainsi, sans que la disposition eût besoin de la
coutume d’Auvergne. Qu’importait à la branche du sieur
Mirlavaud, qui n’est point appelée ? et que lui importe
après cela , que cette représentation ait lieu selon la
coutume d’Auvergne ?
Concluons que le mode de répartition du legs universel
de madame de Chazerat appartenoit en tièrem en t h la
pleine et entière disposition qu’elle avoit de tous ses
biens, et que l’ordre public et’ la société n’y ont aucun
intérêt ; que la coutume d’A u v e r g n e n’étoit employée
�( iG )
que comme démonstration de la volonté de la' testatrice ;
que la disposition tiroit toute son autorité de cette volonté
et du code qui n’y mettoit aucune borne ; que cette
volonté agit seule, et que l’appel de la coutume ne peut
influer sur le sort de la disposition en bien ni.en m al;
qu’il n’y a aucun argument à tirer de l’article I 3QO dans
l’espèce tout à fait différente; car il n’y a aucune simili
tude entre la stipulation de l’association conjugale et le
partage d’un legs universel; que madame de Chazerat n’a
point appelé la coutume d’Auvergne à gouverner sa suc
cession, mais l’a seulement indiquée comme exemple et
comme mode à suivre, selon sa volonté, dans la réparti
tion de ses legs dans les branches qu’elle instituent j que
loin de soumettre même ses legs à l’ordro de succéder
et aux principes de cette coutume, elle s’en est écartée
totalement sur plusieurs points irnportans ; enfin, que le
sieur jVIirlavaud, défendeur, d’une brandie non instituée,
est sans qualité et sans intérêt pour critiquer le mode de
répartition, qui n’intéresse que les branches appelées.
11 a donc été mal jugé par le tribunal de Riom , et son
jugement ne peut manquer d’être infirmé sur l’appel.
Délibéré à Paris par nous anciens Avocats soussignés,
ce 8 novembre 1808.
DELAM ALLE.
PORCHER.
PO IR IER.
JA U BER T.
D E LA C R O IX -FR A IN V ILLE.
C H A B O T , de FAllier.
CHABROUD.
�(
x7 )
Mercredi.
Lettre de M.
J aubert
à M.
B o ir o t .
C k n ’est que hier au soir, Monsieur et clier Collègue, q u ’on a
porté chez moi les papiers et les consultations que vous m'aviez
annoncés ce m atin. J ’ai examiné le tou t, et le jugement de Riom
m ’a p a ru , ainsi q u ’à vous et à M. Dclam alle, une méprise étrange.
E n appliquant à une disposition testamentaire 1 article i3go du
Code Napoléon, relatif aux conventions m atrim oniales, le tribunal
de Riom n ’a pas senti quel avoit été le véritable m o tif de la dis
position contenue en cet article ; il a supposé qu'on avôit voulu
faire oublier les anciennes lois et c o u tu m e s , de m anière q u ’il ne
p u t plus en être fait mention dans aucun acte.
C e n ’est pas là le m o tif de la loi; il eût été révolutionnaire ou
puéril.
L e Code Napoléon a voulu que les conventions matrimoniales
fussent rédigées de manière que toute tierce personne ayant à
contracter avec l’un ou l’autre époux, pû t connoître d ’une manière
positive et claire les pactes de la société conjugale, soit relativement
au pouvoir et à la capacité qu'auroit l’époux de faire tel ou tel
c o n tra t, soit relativement à l’asservissement ou à l’affranchisse
m ent de ses biens par les suites du contrat de mariage.
S’il avoit été permis aux époux de stipuler d 'u n e m anière g én é
r a le , que leur association seroit réglée p a r telle ou telle coutum e ,
lois ou sta tu ts lo c a u x , il auroit fallu que les tierces personnes
avec lesquelles les époux, ou l’un d ’eux, auroient par la suite con
tra c té , connussent la coutum e, les lois ou statuts locaux désignés
dans l’association des deux époux, ou que retenus par la crainte
q u ’il y eût dans les lois anciennes quelque pro hibition, quelque
obstacle, quoiqu’incapacité relative, ils s’abstinssent de contracter
avec ceux don t ils ne pouvoient pas bien connoître les lois aux
quelles il leur auroit plu de s’assujétir. C e qui eût été dangereux pour
les épouXj ou pour les tiers, et toujours pour la chose publique.
c
�En don n an t aux époux la faculté de stipuler d ’une manière géné
ra le , que leur association seroit réglée par telle c o u tu m e , loi ou
usage, e tc ., on ébranloit le régime hypothécaire, dont l’objet
principal est de fournir aux acquéreurs l’assurance de n ’étre plus
troublés dans leur possession, et le moyen de connoitre préala
blement si les biens q u ’ils vouloient acquérir leur étoient transmissibles.
Ces motifs de l’article 1390 du Code ne peuvent pas s'appliquer
à des dispositions testamentaires : aussi cette loi n ’a-t-elle pas été
portée d ’une m anière absolue et pour tous les actes, mais seulement
pour les contrats de mariage.
L ’article précédent du Code Napoléon n ’a pour objet que la
prohibition des substitutions, et n ’est relatif qu’à l’ordre des suc
cessions a b in te s ta t.
Ces réflexions que je vous so u m e ts, m on cher Collègue, sont
sans doute surabondantes; mais après les deux consultations que
je viens de lire, on ne peut ajouter que des choses superflues. Je
vous prie d ’agréer les respectueuses salutations de votre Collègue,
JA U B E R T .
A CLER M O N T , de l'imprimerie de L an drio t , Imprimeur de la Préfecture,
et Libraire , rue Saint-Genès, maison ci-devant Potière.
�T A B L E A U explicatif du legs universel, institué par M m0, de
AÏEUL PATERNEL,
Jean Rollct.
AÏEULE P A T E R N E L LE ,
—
Dame Vigot.
.................................
PÈRE,
Jean Rollet.
1
_ .*
«
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
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«
•
•
•
•
«
•
•
•
•
•
•
•
•
•*
:
F ille,
Dame de Chazerat,
Testatrice. ,
Mère,
Jeanne Marcelin.
1
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
'.
•
e•
••
•
•
•
«
«
Descendons Gros
MM. . .
:
M M...
:
MM...
MM...
mm
MM. . .
•
ESTO C .
41culc paternelle
,
VIGOT.
Domaines de Mirabelle,
^ °n>(itulion<lotalo i5,oooliv.
•le. etc.
etc. etc.
Fornio lo 4* estoc non-mentionné au
testament, n'ayant possddë aucuns biens. Apres la mort do
«a première femmo, la dame Gilberte Gros, aïeule mater*
nollo de U testatrice ,co sieur Joan-PInlibrrt Marcelin épousa
en secondes noces demoisello N***. C’ost de cc mariago <juc
descend lo sieur M irlavnud,
^ sieur Afazuel se sert du
nom pour critiquer les ustanicn* ®t codicilles do la damo do
Chazerat.
1
'■ÎJi
Mens tk la Testatrice, à elle propres, par elle ou son père.
s?
•
MM...
:
;
ROLLET.
l
:
...
MM. . .
,
I
I
«
.*
...
mm
Ateul paternel
AÏEULE M A T E R IE LL E ,
Descendant Vigot.
Descendons Rollet.
E S T O C .'
en son testament du 26 messidor an
Jean-Philib. Marcelin. — Dame Gilbert« Gros.
I
•
•
•
•
C hazerat
Domaine de Saint-Agoulin.
.
- J e M c n itro l, etc. etc.
Meubles et immeuble», créance«.
:
•
ESTOC.
Aïeule maternelle,
GROS.
Domaines d*Entraigues, Jozc ,
etc. etc.
�\<iio
)r an 9.
T A B L E A U explicatif du legs ui
AÏEUI. P A T E R N
Jean Rollet.
Descendons Rollet.
E
MM...
MM...
MM..
MM...
MM. .
MM. .
ESTOC.
Aieul paternel,
ROLLET.
Domaines de Mirabelle,
etc. etc.
Const
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Mirlavaud. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delamalle
Porcher
Poirier
Jaubert
Delacroix-Frainville
Chabot
Chabroud
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
doctrine
représentation à l'infini
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation.
Particularités : tableau explicatif du legs universel
Table Godemel : Testament : 9. un testateur a-t-il suffisamment exprimé son choix en désignant ses légataires, collectivement, par l’indication certaine de leur origine ? - l’article 1390 du code civil s’applique-t-il aux testaments ? doit-on considérer comme valables des dispositions qui seraient faites sans la désignation particulière de chaque légataire, et par une expression collective en faveur de ceux qui auraient été appelés à succéder suivant les règles de la représentation à l’infini établie par uns coutume abrogée ? ces dispositions sont-elles valables, surtout lorsque l’on ne s’en est pas référé d’une manière générale à la coutume abrogée, et lorsque les termes du testament suffisent, soit pour reconnaître les légataires, soit pour déterminer le mode du partage et l’amendement de chacun ? peut-on, sur des présomptions, étendre un legs au-delà des expressions de la clause qui le constitue ? 19 – 19.
10. un testament est-il valable s’il a été fait conformément aux lois existantes lors de sa confection ? Sous l’ordonnance de 1735, était-il nécessaire, pour la validité du testament, qu’il fut fait mention qu’il avait été écrit par le notaire ? un testament peut-il être rédigé à la troisième personne ? est-il nécessaire que le testament contienne mention de la signature du notaire, si d’ailleurs il l’a signé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1906
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53358/BCU_Factums_G1906.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Joze (63180)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
doctrine
legs universels
materna maternis
ordre de successions
paterna paternis
représentation à l'infini
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53335/BCU_Factums_G1808.pdf
b225475dbb8569191f9175b97cdad759
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Text
t
CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n g , tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
)
�CONSULTATION
P our Mad 0 N A Z O , V e du général / / D ES T AI NG; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers D ESTAIN G .
—
■■ l'wm w N W '
" V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, inbrà muros, dit du Sud, d e l a ville
de M arseille, le fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixième arrondissement de Paris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P aris, q u i, sur le rapport fait à l’audience , le
ministère public entendu, homologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre Destaing à
la tutelle de demoiselle Marie Destaing sa p e tite -fille , por
tant reconnaissance expresse du mariage dû feu général Des
taing son fils, avec la dame Anne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la famille Destaing, jusquau
tems où la dame veuve D estaing, investie par la loi de la
5
�tutelle de la mineure, a réclamé, à ce titre, l'administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
• i août 1807, par le tribunal de Mauriac, département du
Cantal,-qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E CON SEIL soussigné estime que la dame veuve Des
taing a eu raison d’appeler de ce jugement, et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R iom , à qui elle l’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
public, ont cru avoir besoin de rècoler, pour ainsi d ire,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lement constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu d e là
famille Destaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré en assimilant des actes de notoriété vérifiés
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciai
res. En reconnaissant, comme ils l’ont fa it, que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
telles, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l'acte
de célébration de mariage du général D estaing, ni l’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pieces étaient suffisamment suppléées par des actes de
notoriété , la possession d état, et surtout la reconnaissance de
la famille D estaing, qui aurait suffi pour élever, contre les
collatéraux, une fin de non recevoir insurmontable.
3
�v?r
(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenances
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’amitié; il a été bén i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m ari,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. Elle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle navire, o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tems,
le mari est revenu dans sa patrie, où il croyait trouver une
epouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la famille du mari les a réclamés,
comme leur bien. Un beau-père, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder ;
e t , depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblement arrivé, sans la bienfaisance de
Empereur.
Telle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
On y voit qu elle est née au Grand G aire, en Egypte, en
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chretiens l’un et l’autre du rit grec.
On y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
ile de l'Archipel ; que, jeune encore, il entra au service de la
�( 4)
Russie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M ische, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses ; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
I l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon grec fut formé ; le sieur Nazo en fut nommé
1
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : pére de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vues, il se refusa longtems à la de
mande du général Destaing.
�( * n u y c '1 ’,.
,
.
- Déjà le général Delzons , cousin-germain de ce dernier , et
le sieur Lantin, autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays, et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exemples , les instances du général D estaing, et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard , ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des R ois, qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivose
an 8 ). La dame Destaing ignore quel acte il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’Alexandrie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant la
religion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux.
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fetes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnites du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l ’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
fut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
*\
�(8 )
du chef du bataillon grec , le sieur Nazo, à qui nul officier de
l’armée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au Caire, où la cohabitation maritale a duré
plus d’un ail.
Mais , dans le mois de ventôse an 9 , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
d e là flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le lendemain : il vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en chef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général Dupas, lors
simples commandans de la p lace, restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de Madame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
5
1
l
�w
(7)
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du
prai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance, et des moyens de la rendre plus fré
quente,..- •
correspondance est telle qu’elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame Destaing, si les nombreux témoins de l'union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre , qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on pouvait, en outre, anéantir les reconnaissances multi
pliées de la famille Destaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivement, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épousés par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
^ Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris Aboukir
5
�C8 )
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie , et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général Béliard, qui y commandait, invita alors les
dames M en o u , Destaing , Delzons et Lantin, leurs parens
et leur suite, à se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant Dupas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
Ce> dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, le général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29. de ce mois.
.11 fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard, seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L an tin ,
seraient rendues à leurst maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu'aux portes de cette ville , a v e c M. E9téve, payeur général
de l’armée , qui eut la-permission de se rendre auprès du
général en chef.'
Mais celui-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir , dans Alexandrie, *
qui que ce fût venant du Caire ; e t pour qu’on doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent chacune, de leurs maris, une lettre
portant invitation de se rendre en France, sur les bâtimens
destinés-aux troupes du général Béliard.
. Les>di»mes Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
mère , à Rosette, avec madame Menou ; depuis elles s’em
barquèrent pour la France., et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame Destaing, son père , sa mère , ses frères,
�(9 )
ses sœurs et le ^ aïeule, que le malheur avait>rçndus insé
parables , furent embarqués à Aboukir, avec une centaine
de militaires français, sur un petit navire grec, qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé , fut ¡balotté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé tde re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de madame
taing approchait; ses souffrances, que les to ur mentesjrendai«nt
plus terribles , firent solliciter le patron du navire ,à prendre
terre où il pourrait : il jeta l’ancre sur la côte de, Ççpjialonie.
Madame Destaing était en travail depuis huit jours. ,H ne
fut pas possible de la transporter : elle accoucha ¡darçs le
navire.
Marie Destaing, qu’elle mit au monde, fut baptisée par
un prèlre que sa famille envoya chercher, dans upe chapelle
située sur les bords de la mer. Elle eut , pour parain, un
officier français , et , pour maraine, la dame Mische , soi*
aïeule.
âge , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île ; le consul
français visita cependant madame Destaing.
On ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la Chancellerie, ou dans les mains
du pasteur catholique qui administra . le sacrem ent : . les
difficultés des communications pendant la guerre , le peu
de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,
et tout ce qui s’est passé depuis cette -époque , ont privé
madame Destaing des moyens de fournir , , sur ce point ,
�>
( *0 )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n’eurent rien de plus pressé que de quitter, dès qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général Soult, aujourd’hui maréchal de l’Empire,
les accueillit, leur donna sa maison de campagne, pour y
faire quarantaine , et les reçut ensuite chez lu i, à Tarente , où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
Cependant, durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa famille , d’Egypte en Europe, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennemis, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après trois mois de navigation , de manière que le
général Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
se hâta de remercier le général Soult de ses soins bienfaisans , et le pria de faciliter à madame Destaing et à
11
�^
45"
( ” )
sa famille le moyen d’arriver à Paris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
■
7- Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
mille jusqu’à Barleite, et chargea M. Desbrosse , officier fran
çais , né à Paris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa famille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à Ancône, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son père et M. Desbrosse les précédèrent et se rendirent de suite à Paris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à Paris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans, et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire ; elle y attendait des nouvelles du général Destaing ,
lorsqu’e lle reçut la visite du sieur Bordin, chapelier, dont
l ’épouse était d’A u rillac, lieu de la naissance du général Des
taing.’
Le sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
taing, père du général, pour engager la dame Destaing sa
b e l l e - f i l l e , à se rendre à Aurillac avec son enfant, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veuve, et que sa fille avait perdu son
père, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
,
«
/
�U * )
Elle se sépara du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissâit les réfugiés égyptiens,
et elle prit la route d’Aurillâc avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tarente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce voyage, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes'accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille Destaing, au milieu de laquelle la
Veuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à Aurillac huit mois, présen*
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
ét celui de sa fille.
Le siéur Destaing père assembla un conseil de famille pour
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
On trouve parmi les parens M. Alexis-Joseph Delzons,
général de brigade , commandant le département du Cantal,
cousin-germain du feu général D estaing, et le même qui avait
été témoin du mariage qui avait réuni la dame Nazo à la
famille Destaing ; M. Delzons son père, membre du Corps
Législatif, oncle paternel de M. D estaing, bien instruit par
son fils des circonstances de ce mariage, et le même qui se
trouva à Paris, à la levée des scellés mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déférèrent la tutèle au sieur Destaing père, en sa qualité
d’aïeul de la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
mère, autorisèrent les dépenses par lui faites, réglèrent le
�(
,3
)
montant des habits de deuil de la veuve,et fixèrent provisoi^ reinent la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dan^s cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à Aurillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c’était
pour elle un devoir de la réclamer, et que son beau-père et
la famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut instruite, les procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son empire, e t , pour la retenir, il la
sépara de sa fille, qu’il envoya à la campagne sous un vain
#prétexte^.
Cet acte de barbarie dut révolter la dame Destaing; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lui faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u rilla c, et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
On remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle Des
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qui était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père réfusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique, auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés Egyptiens , réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la dame Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l’état de la
dame Destaing et de sa fille serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété, à
défaut de registres. Leur état était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à Marseille, ce qui lui eût été facile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
que, comme nous le verrons bientôt, la possession detat*
et la reconnaissance de la famille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres suffisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
Le Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à A u rillac, furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du trib u n al civil de son ar
rondissement, ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille -, il répondit à S. Exc. le
�5
( i )
grand-juge que puisque le Code civil déférait la tutelle à la
m ère, elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
( , Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
I avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paria
y que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’Aurillac , prétendit que c’était à Aurillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
cle juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de Mauriac , département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président Destaing ,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce tribunal, à quelques lieues de distance
/ d’Aurillac et dans le même département, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille, ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon-
�( i6 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» l'engagea à se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
» par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
/ « propos , elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée
» dans sa famille , ne Vayant fa it qu à titre dhospitalité,
» comme compatissant à ses malheurs, et sous réserves de ses
o autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litige , le point de la difficulté élevée par l’aïeul. Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fam ille, le protecteur
n a tu rel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialement de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir engagé, par dol et fraude, A
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu, à titre
légitime , au général Destaing ; mais on sait qu’elles étaient
.à L y o n , lorsque madame Destaing a perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
p l o y e r ? Rien au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Quelle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
�M
( «7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
Justice la qualité d’aïeul légitime de cet enfant, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à exercer, pendant huit m ois, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y avait nulle
puissance, nuls moyens suffisais pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
r£>r\.C)t^
n e P e u t se rétracter: on ne rétracte pas des faits;
/ or , les actes émanés du sieur Destaing përe , sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Qu’il les
- explique comme il pourra , il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa famille, sa
petite-fille et la dame sa mère, qiià titre cl hospitalité, ce
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
retirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estaing, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée, authentique
et homologuée par l ’autorité civ ile, que le sieur Destaing a
demande à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom de sa p etite-fille, et comme son tuteur, le rem<boursement des frais qu’il avait; faits pour leur séjour à
• L y o n ,.e t voyage à A urillac, et pour les alimens qu’il leur
3
3<;.
�' Ji
( *8 )
fournissait dans cette ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
qu’elles y aient été reçues à titre d'hospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles, elles y
continuaient leur possession d’état : on ne peut la leur ravir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces faits, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l’état de la veuve et de l’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux memes qui 1 attaquent aujourd hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
'
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté , sur
l’adiniision ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perte ; mais toujours on a admis les conséquences qui ré
sultaient d’une possession d’élat invariable. La loi romaine,
d’Aguesseau , Cochin , si souvent cités dans les questions
�2s 5
*9
(
)
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de 1 état des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître, et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
j 1
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
X (\y dame de Bruix ; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
familleLaferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. De manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’ayoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette matière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
Voici comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau» tion pour fixer l’état des hommes , les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. Telle
» était la règle qui les distinguait seule, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des mères,
» comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
•» en jour par la notoriété y ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et soeurs, comme oncles g
» neveux, comme cousins, par cette habitude journalière
» de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
,
» C’était donc la possession seule qui fixait l’état des hom m es;
^v;
�» c’était l ’unique espèce de preuve qui fut connue; et qui
» aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filia» tion contraire à celle qui était annoncée par cette longue
» suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
»» humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
» que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque citoyen, son état était con» signé dans des registres publics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou que, si la posses» sion , par quelques circonstances impossibles à prévoir,
» pouvait devenir équivoque, le -titre -primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
y>C’est sur ces deux genres de preuve que porte l’état des
»hom m es; celle de la possession publique est la plus an» cienne et la moins sujette à Terreur ; celle des registres
» publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
» elles se prêtent un mutuel secours, tous les doutes dispa» raissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
» peuvent dépendre de la variété des espèces et des circons» tances.
» Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
n premier c a s , l à p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t » t a Qui ; il r£a pat besoin de recourir aux monument pu-
�us
( al )
» blics , ni à aucun autre genre de preuve ; il possédé, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais jo u i, trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession publique, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres publics, conserve aujourdhui
» son premier empire ; c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus décisive , et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires , ce n’est qu’autant que
• ces preuves posent d’abord sur un fondement solide, adopté
» par la lo i, c’est-à-dire, sur les titres les plus authentique»
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par C ochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule, et qu’elle grave, pour
r> ainsi dire, dans le cœur de tousles hommes ;» ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision de» lo is , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence » ;
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l’attaque.
dirigée contr’elles. Elles n ’ont pas besoin de recourir aux
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
Elles possèdent ; et, à ce seul titre t on ne peut pas hésiter
à les maintenir.
�( 32 )
On le doit avec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plus grand intérêt à con
tester l’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l’a
cependant le plus authentiquement et le plus solennellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con1 voqué par l a i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison, et les reconnaissant en leur qualité, et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Quelle décou
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’áífection
paternelle à l’indifférence, et même à l ’animosité? Aucune.
Q u’a-t-il appris de nouveau? Rien. Il était président du tri
bunal, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclu sion de leur mère ; que, par le Gode civil, la yeuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement manifesté, dans la maison de son beaupère , l’intention de les réclamer, ce îAetait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur D estaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
Il commença par faire faire saisie-arrêt entre ses mains, à la
requêtç de ses autres enfans se disant héritiers naturels du
�a/r
( 23)
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
D estaing, comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit devant le tribunal de
Mauriac par cette exception préliminaire, en demandant que
ses enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
Destaing, dont, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de Mauriac, par jugement du
août 1806,
débouta le sieur Destaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
Destaing, et les saisissans, seraient mis en cause, et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 fr ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’Aurillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. Destaing fut condamné à payer l e .
coût du jugement
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu'il fû t,
n’a pu être exécuté.
Le* beaux-frères et belles-sœurs de la dazne Destaing s’y
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général Destaing, contre tous les prétendans droits
à la succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille; elle a demandé que le sieur Destaing père
fût tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé, comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petit« fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�24
(
)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que,dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille, elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts,
fr., montant des dépenses faites pour elle, tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
Par ce jugement, le tribunal de Mauriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par témoins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soumise, et cependant ils ne pro
n o n ce n t rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de Mauriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
qu’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e, dès
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
3656
3
�(aS)
qui venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s "
par d o l, f raude, suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Jusqu’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une famille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole ; le méconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur état, d’autre titre que leur possession publique au
milieu de leur famille et dans la société ? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitime? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
â eux l’obligation de prouver quelle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils, neveux, cousins, etc. ?
N on, certainement, ils n’ont rien à prouver. La possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
aux monumens publics, ni à aucun autre genre de preuves : il
possède ; et, à ce seul titre, on ne peut hésiter à le main
tenir.
Vainement voudrait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des
taing son père,m ais encore de la succession de ce dernier,
4
�"t
;
( a6 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son aïeu l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
entière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
La veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la famille, qui
ayait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Code
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son état,
saisie et investie de la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce nest point cette succession quelle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère .recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
inyestie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dpnt elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bpn gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�27
(
)
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général Destaing, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de la
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général Des
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Us se présentent comme
tiersopposansà un premier jugementquiordonnait lepaiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demandent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son père? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le prouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’est encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux q u e, sous tous les rapports, devait être
imposée l ’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res*
pertes; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�‘
J M -
( 28)
de fait par les mains de son aïeul, par le consentement de
toute la fam ille, et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession, et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans donte qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice; mais avec quelles armes? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
*
La possession publique conserve aujourd’hui son premier
» empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle peut être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est qu autant que ces preuves
» posent cTabord sur un fondement solide -, adopte par la loi,
» c'est-à-dire , p a r l e s t i t r e s l e s p l u s a u t h e n t i q u e s e t l e s
*
PL U S R E S P E C T A B L E S . »
Nous avons vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il sç rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait delever du doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu'on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le 15 pluviôse an g , et l’autre le i ventôse an 10.
Par la première , il dit : « Delzons se porte bien ; il a un
n petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune grèque q u i, d’après un arrangement oriental, fait les
3
�29
(
)
» honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dans l’autre : « Quant à mon mariage, vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» mienne> i! n’y a aucun lien légal; je ne l’auraîs pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , fai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d’y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver que l’union a été formée .sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son pére la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’existent pas, et qu’ils ne soient pas indissolubles.
Dans la second# , le général Destaing écrit, dit-on , à son
pére : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de Latapie. Il désavoue donc implicitement ce qu’il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. Il ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien légal, parce que , dit-il, je ne l'aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
( c ’est-à-dire, les liens naturels et religieux), qui pourraient
bien amener celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
Le mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du pere : cette correspondance semble l ’indiquer. II
croyait sans doule que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�5
( ° )
s’exprime d'une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
ilvoil approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez pa s , dit-il; c'est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa famille , en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. Ne la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à noire union pour sa légalité, puisque j'aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la demande pas encore explicitement, cette ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l ié , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r, dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était majeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la lo i, sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fut requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect ; c’était une faute qu il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l ’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans d o u te, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une m anière plus franche et plus lo yale. On.
peut l ’a ffirm er, lorsqu’on voit le sieur D estaing père recher-
�zÿ >
(
3» )
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité , les reconnaître en face
de la justice, au milieu de sa famille et de ses amis, et les
maintenir dans cette possession, que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo rs, bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur L’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été infoi’mé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delxons , surtout, qui en avait été
témoin. La manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever *
des doutes''qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». On voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la daine Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Qu’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a solemnellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à Lyon ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�3
( a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris p^r quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dès que ce doute a cessé d’exister à la mort du général Destaing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent mcme, comme nous l’avons dit, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondement solid e,
adopté par la loi ; c est-A-dire , sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
On a voulu abuser envers la dame D estaing, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trouve, ne lui per
mettent pas de représenter l’acte de célébration de son ma
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais’ si elle n’en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fam ille,
on peut bien moins les lui demander aujourd’h u i, pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
On suppose qn’elle devrait avoir son acte de m ariage,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, â Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe, ils ont déposé , savoir, l’un
( le général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A urillac,
Je 11 nivose an i x , plus d’un an après son arrivée en France,
�33
(
)
et postérieurement au décès du général Destaing , son cousin,
à la nomination de tutelle, à l’acceptation de l’hérédité par
l ’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état ; et l’autre ( celui du capi
taine L an tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
Jusqu’alors les maris des demoiselles "Varsy avaient gardé,
dans leur porte-feuille , les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au C aire, devant témoins et le pa
triarche d’Alexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable , n’existe pas dans les papiers du
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers qu’elles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fût donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son père, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu, et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. On sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
3
5
�< 34 )
'
les livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat ; le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant eux , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où. l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés , qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagement comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le i'ai.e re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lois , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47e) il est dit : « Tout acte de l’éut civil des
»
F r a n ç a i s et des Étrangers, fait en pays étranger, fera loi
» s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. »
Et l’article 48 dit : « Tout acte de ietat civil des Français
en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, parles agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles Varsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine Lanlin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier municipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemneileinenl unis
le pa-
�( 35 )
triarche.d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
- • '-v-'ï
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français', étant devenue co lo n ie française, le
texte ejes lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant <
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquçrans, les peuples délivrés ou conquis, des in d igèn es, des
étrangers, des hommes libres, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différons rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des guerres, «xordonnàteur en chef de l’armée d’Egypte.
« Il atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellement,
« que quoiqu’il n’existât à cette armée aucun ordre du général
» en chef remplaçant le Gouvernement français, depuis que
» les communications avec la France avaient été interrompues,
» pour régler la form e avec laquelle les actes de l’état civil
» devaient y être reçus, l’usage paraissait s’être établi de
» lui-même pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
« ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la manière qui leur paraissait conve» nable, de leurs mariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins lia jamais étc général, surtout
�(
36
)
» P O U R D E S M A R IA G E S C O N T R A C T E S A V E C D ES F E M M E S D U P A Y S ,
»
qui
SE S O N T F A IT S SO U V E N T E N T R E C A T H O L IQ U E S D A N S
LES
» É G L IS E S DU L IE U E T S U IV A N T L E S F O R M A L IT E S U S IT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement rien a fix é la form e ni ordonné le dépôt ; e t ,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en c h e f ,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l ’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» Piquet, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément qu il ne s'en est point trouvé, no» tamment du commissaire Agard qui est mort dans la tra» versée. Signé S a r t e l o n . » Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
Aucun ordre du général en chef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause’de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n’en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’arm ée, et notamment dans les papiers
du commissaire Agard ; l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�lu
37
. (
)
1
contractés avec des femmes du pays, et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lieu , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son ma
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non "quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s’il a été dressé procès-verbal de cette décla
ration, et si le général Destaing l’avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l ’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre, et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres publics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’état, que lorsque lo
fait même de la possession est contesté, et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�venu la troubler; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne tait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
sieur Destaing père , et par la tierce opposition des collaté
raux ? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa mère , dans cette pos
session ? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
admis, l’on ne peut plus la contester; la preuve de la pos
session d’état est voûte faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
‘ V o yo n s comment s’exprime le Gode Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes, liv. Ier, chap. II :
5
Art. 19. « La filiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
» civil. »
320. « -A défaut de titre , la possession constante de Fétat
» de Cenfanc légitime suffit. »
33 1. « La
possession d’état s’établit par une réunion suf» lisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�173
5
( g )
>' parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
*5' appartenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
• » il prétend appartenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
»' en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son.
» établissement ;
» Qu’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
«
Ç iu il a été reconnu p o u r te l p a r la fa m ille . »
v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il riimporte que
la preuve résulte des faits plus ou moins nombreux , il suffit
quelle soit certaine.
■Celle de la reconnaissance de la famille Destaing ne l’estelle pas ? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la famille même, et donné par elle
en présence du magistrat et d e v a n t la justice?
Pourquoi faudrait-il prouver , par témoins , d’autres faits
de la possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa iille.
« C’est pour l’enfant un malheur d’être privé d’un titre aussi
» commode«, comme il est dit dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuveOn
0
�4
( <>)
» L’usag# des registres publics pour l’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est dans des teins plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
' ^
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de l ’état d’enfant légitime.
» Différente des conventions qui, la plupart, ne laissent
» d’autres traces que l ’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de faits extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C’est ce qu’indique encore le Code Napoléon. ^
A rt.
. « A défaut de titre et de possession constante,
»» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
^
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription q u ia eu lieu dans
le registre public, que la loi admet le recours à la preuve
325
�% rj
4
( 1 )
testimoniale pour faire disparaître l ’incertitude et la contrariéié, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que larticle ajoute : « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit, ou lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» tans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il
parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-füle , la manière dont il l ’a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa mère, que comme
un commencement de preuve par écrit, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suffisans pour prouver la possession d’état? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
La délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d’A u rillac, la nomination de l ’aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son pere , des avances faites pour le voyage, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habils de deuil à la v e u v e , le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complet te et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celle possession d’état,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du.
6
�u o
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulant d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans.,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble forme donc une
preuve suffisante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
placé, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing , et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille Destaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame Des
taing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avail été saisie, de droit et de fait, de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces acte9
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle, et
lui enlever son état, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Ils ont pré
t e n d u ' qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Ils ont , il est vrai, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais, comment? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille.
�V /ï
(
43
)
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle admissible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent l'existence , pour
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D estaing, il faudrait qu’ils y trouvassent des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’État exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an n ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu,
» qu’il ait été brû lé, que les feuilles en aient été déchirées
* ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
• des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu'il n'y ait pas eu dacte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. >»
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C ochin, c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lui faire obtenir
|a réformation du jugement rendu à M auriac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeSj
�44
C
)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant; elle n’avait rien à prouver
à ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves ; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable, que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les yeu x, et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du mariage, être re
présenté à l’officier de l’état civil, qui a le droit de l’exiger.
« L’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
« par celui de son domicile. »
A kt . 71- « L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
>1 faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
» ou non parens, des prénoms, nom, profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses père et mére, s’ils sont
» connus ; le lieu e t , autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l’acre.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent siyner ^
» il en sera fait mention. »
�(45)
A ut . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au tribunal
» de première instance.................................Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son homologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des tém oins, et les causes qui
»..empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est faite, il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état civil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins que,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
j
La loi prescrit la forme de cet acte supiplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui/le fasse admettre.
Madame' D estain g,il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l’absence des registres renfermant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gypte, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. Larrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde impériale , inspecteur général du ser
vice de santé des armees, olficier de la Légion d’Honneur eic. ;
D ou Raphaël deM onachis, membre de l’institut d’Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef de l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur ;
M. D aure, ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau, membre du Corps Lé
gislatif , commandant de la Légion d’Honneur, et qui avait
commandé au Caire ;
M. M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’Egypte, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage Desraing, tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugement qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilement, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver l ’âge de madame Destaing,
à (lesimples certificats ; mais il aurait du s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété légal, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesqueUes, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général Menou, général en chef de l’armée d’Egypte à
l’époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général des départemens au delà des A lpes, et du
général de division Dupas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d ’H onneur, che
valier de l’ordre du L io n , le même q u i, étant chef de brigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mais ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l’ab
sence des registres de l’état civil, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont poiru la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il
faut bien qu’elle soit reconnue, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i pluviôse an 12, le Gouvernement a accordé et
augmenté la pension de madame Destaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’elle n’usur=
5
�( 48)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing, qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux, de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’eût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fille et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le
23 janvier 1808.
J a u b e rt , C h a bo t de l’A llier, T Ar r ib l e ,
G r e n ie r du Puy-de-Dôme.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Particularités : pièces justificatives
notations manuscrites : « Voir les mémoires et l'arrêt rendus après les enquêtes au 20e volume de la collection, page 1ére. » Arrêt du 11 juin 1808 qui ordonne que la dame Nazon fera preuve de son mriage selon le rite grec [ ] tant pour titre que par témoins [ ] à juger sur commission. Voir jurisprudence [ ] folio 11, p. 419 ».
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1808
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53335/BCU_Factums_G1808.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
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Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
mariage
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53332/BCU_Factums_G1805.pdf
71ed023c28d71f708f2f2d5468fbb2ff
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Text
OBSERVATIONS
SU R
LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffamatoire imprimé et
publié à R i om pour ses adversaires et
produit par eux devant la Cour d 'Appel
séant en cette ville.
L
es
sieurs et dem oiselles'D estaing fréres’ et sœ urs,
à
la veille
d’un jugem ent qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont perm is qu’il fût im prim é et p u b lié , sous leur n o m , et
avec le titre de M ém oire en rép o n se, un lib elle diffam atoire
contre la v e uv e du général D estaing leur b elle-sœ u r, tutrice
de la dem oiselle D estaing leur nièce.
T out ce qu’ils devaient à la m ém oire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’O rie n t, qui
fut principalem ent com posée de l ’élite des armées françaises,
et dont l'auguste c h e f ne se sépara que pour sauver la France,
sont outrages dans la personne de ses principaux o f f ic ie r s ,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses, et cela sans ra iso n , sans m otif légitim e, sans néces
sité , sans u tilité pou r sa cause.
�E n e f f e t , i l ne s’agit p o in t, entre madame D estain g et ses
beaux-frères et belles-sœ urs, de savoir si des officiers fran
çais de l ’armée d’E gypte abusaient du droit de conquête au
p o in t de prendre com m e m eubles des jeunes filles du pays
contre le u r gré ou sans leu r consentement ; de les recevoir
en présent comme un tribu t, et de les abandonner après lesavo ir deshonorées.
Cette su p p o sitio n , qui n’aurait pu être im aginée que par
des journalistes a n g la is, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing»
D e s collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général D e sta in g , et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits q u e lle leur donne à la succession pater
n elle dont elle est investie.
M adam e D estain g et sa fille sont ■
>elles en possession de
leur état et de la succession du général D estaing ?
V o ilà la question.
Cette possession e s t-e lle p u b liq u e , certaine et constante?
V o ilà les seules circonstances soumises à l ’examen de la
C o u r d’A p p el de Riom .
U ne telle possession doit-elle être maintenue ?
V o ilà le p oin t de droit à juger , et il n ’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’exam iner les faits de la possession d’état, l’auteur
du lib e lle se répand en injures, tant contre madame D es
ta in g , dont il fait une m usulm ane échappée à la servitude
d u n h a re m , un être obscur et dépravé, une a frica in e ré
fu g ié e , la grecque la p lu s rusce et la plus a d r o ite } que
contre son père, à qui il dénie même cette qualité : il Je sup
pose m archand détaillant d e a u -d e -v ie , révolutionnaire au.
�( 3)
Caire , et o b te n a n t, à ce titre , celu i de com m andant la
lé g io n des grecs.
I l hasarde cette su p p o sitio n , sans respect pour l’autorité
q u i plaça le com m andant N azo à la tête d’une nation qu’on
vo u lait rég é n é re r, et sans utilité pour sa cause , où il ne s’agit
pas de savoir de q u i madame D estaing est fille , mais si elle
est en possession de son état de veuve du général D estaing
et de tutrice de leur fille..
D es jurisconsultes de divers dépaitem ens de la F ran ce, réu
nis à Paris par la confiance de le u rs c o n c i t o y e n s et par le
ch o ix d u S é n a t , o n t p e n sé q u e c e tte possession d’état était
c e r t a i n e , constante et inattaquable : ils ont d o n n é le s motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fa lla it com battre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l ’exam en des faits qui constatent la possession
d ’état pour détruire , s’il était possible, la conséquence qui en
résulte nécessairement.
S i on n’a pas pris ce parti-, le seul convenable à la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session d’état était inaltérable et la conséquence inévitable.
A ussi personne ne croira que le lib e lle ait été fait pour
les juges qui doivent prononcer. O n ne peut pas s’être flatté
de leur déguisfcr, aussi m aladroitem ent, l ’état de la question
qui leur est soumise. C ’est pour le pu blic de l\ioin, ou
peut-
être pour celui d’A n r illa c , que l’ouvrage im prim é a été fait.
O n a essayé de fa ir e , dans une v ille du second o rd re , une
affaire de parti d un procès qui peut attirer l’attention pu-b liq u e , parce qu’il présente une question d’état que la Cour
de R iom jugera solem nellem ent.
�( 4 )
M ais cette question , on ne saurait trop le répéter, peut
être réduite !iux termes les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante ?
Les beaux-frères et belles-sœurs de madame D estaing ne
peuvent nier la possession d’état de leur belle-sœ ur et n iè c e r
reconnues com m e telles par toute la fam ille, dés leur arrivés
en F rance, où elles ont été appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques? C ’est ce qu’il faudrait pour déposséder madame
D eslain g ; c’est ce que ses beaux-frères et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire.
A u lieu de cela , ils leur dem andent l’acte de célébration de
m ariage et leurs actes de naissance.
M ais ils n’en ont pas le droit. C o ch in , d’ Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirm ent ; c ’est aussi la doc
trine des m odernes, et le Code N ap o léo n en a fait une lo i
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître.
L ’article 520 dit : A défa u t de titre, la possession cons
ta n te de l'état de l ’en fa n t suffit.
E t l ’article 33 1 indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance
de la fa m ille com m e le fait principal.
M adam e D estaing et sa fille produisent les preuves de'
cette reconnaissance par u n acte soleinnel et a u th en tiq u e,
auquel tous les membres de la fam ille D staing ont co n
couru. Cet acte, qui n’est pas le seu l, suffirait pour établir
que la preuve d e possession d’état est c o m p lè t e .
L ’auteur du mémoire avance hardim ent que cette recon
naissance a été surp rise, qu’elle n’est pas aussi com plète que
�w
t
( 5 )
lhadame D estaing le c r o it, et que la possession déta.t n o st
qu’une usurpation. '
Ces allégations ne sont pas de nature h faire impression siir
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer qu’il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
A ussi n’est-ce que pour les amis de la fam ille D estaing que"
nous croyons d evo iï faire observer que toutes ces assertions
Sont des inventions chim ériques.
O n suppose que le père du général D estaing a été surpris
par sa belle-illle , et même on le lu i a fuit dire :ivant sa mort.
“ M a i s q u a n d l u i a - t - o n fa it tenir ce l a n g a g e ? L o r s q u ’il s’est
vu dépouiller de la tutelle dû sa petiîe-fille et de la jouissance
de ses biens.
(
O n lu i a fait dire que c'était par d o l, fr a u d e s , suppositions
et in sin u a tio n s, qu’il a reconnu la veuve de son fus et sa
petite-fille, dont l’assemblée des parens, convoquée par lu i,
•î
1 1 ■ i
le nomma tuteur.
M a is, outre que le dol et la fraude ne se supposent jam ais,
n’est-il pas convenu que madame D e s ta in g , arrivée en I’ranee
dans un état de souffrance et de m aladie , bien jeune e n c o re ,
ne connaissait pas le français et ign orait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
E lle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelee à A u rilla c par son beau-père; et ce ne fut que
dans cet instant, qu’elle apprit la m o it de son m ari. Q uel
m oyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau -p ère, qu’elle n’avait jamais v u , et entre les’
mains de qui elle ne croyait pas devoir tomber , puisqu’e lle
com ptait sur l’existence de son mari.
�( 6 )
L e libelliste suppose (page i o ) q u e le sieur D estaing père
ne vo u lait pas recevoir sa belle-fille dans sa m aiso n , et que
sa résistance f u t connue de toute la ville.
Im pudent m ensonge, qui suppose que madame D estaing
t o m b a des nues à A u rilla c ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
y-oute et de celles qu’avait occasionnées le séjour à L yo n .
M ensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des d o u te s, ils n’ont pu être levés que par des éclaircissemens satisfaisans.
Ô n peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur D estaing p è re , vieux m a
gistrat, on ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
aussi d élicat et aussi im portant pour lui.
S o n fils était en F ran ce depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
m arier avant d’avoir obtenu son consentement.
O n n’a point d issim u lé, com m e le général D estaing ne su
dissim ulait point à lu i-m ê m e , ce tort étranger à sa veuye et à
sa fille.
M ais en rem arqu an t, com m e on ne pbuvait s’en dispenser,
qu’à l’époque où le général D estaing s’est m arié, la lo i
n ’exigeait pas le consentem ent paternel, on a dû d ire , et 011
l ’a fait, que dans le système de toute autre législation , l'app ro
bation du père , quoique postérieure au m ariage, le validait ;
et que des collatéraux n ’étaient jamais reccvables à relever ni
l’omission ni l’approbation tardive.
C ’est donc par pure m a lice, qu’à la page 60 du lib elle on
accuse madame D estaing d argum enter avec un em presse
m ent p e u loua ble d 'u n e ■lo i révolutionnaire prom ulguée
�(4 ' y
( 7 1 dans un instant de d élire : lo i im m orale e t fu n este q u i a
f a i t tant de m alh eureux qu'on entend tous les j o u r s gém ir de!
leurs égarernens , et qui passent leu r v ie dans la douleur et
le désespoir.
N o n : madame D estaing n ’argum ente point de lois révolu-*
tionnaires , q u ’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
E lle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens et
m odernes ; des principes qui servent de base et de fondem ent
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Gode
im m ortel qui régit aujourd’hui tous les Français , et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la m échanceté à rappeLer des souvenirs que
tout doit faire o u b lie r , et à chercher , en souflant sur des
cendres , à ranim er quelqu’étincelle de nos m alheureuses
discordes.
L es traces n’en subsistèrent que trop lo n g te m s , et c’est
sous ce rapport que la cause de madame D estaing mérite
toute l’attention du magistrat. Com bien d’individus , trans
portés hors du lieu de leu r naissance ou de leur prem ier
établissem en t, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance , ou celu i de leur p è r e , ou l’acte de célébration
d e m ariage des auteurs de leurs jours f Faudra-t-il q u ’au gré
de quelques parens a v id e s, ils soient privés de le u r état et
du patrim oine de leurs aïeu x? Si jamais on adm ettait cette
absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant , com bien de m illiers d’individus se trouveraient sans
nom , sans fam ille t sans patrim oine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivem ent m éconnus par des parens avides de leur»
d épouilles ?
L e Gode N ap o léo n , en exigeant pour certains cas la pré--
�'v'.l
(8 )
'sentàtion des actes de l ’état c i v i l , a prévu l ’im possibilité dans
’laquelle pourrait se tro u ver, dé justifier de son é ta t, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et 71 rem édient à cet incon vénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de p a ix , non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective , et il
n ’est hom ologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirem ent avec le ministère public.
M adam e D estain g a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n ’avait pas besoin , attendu sa constante et in a lté
rable possession d’état.
•
L a plupart des personnes qui ont com paru devant le juge
de p a ix , avaient été tém oins du m ariage, et l’ont déclaré.
L e magistrat qui a lu i-m ê m e rédigé l’a cte , avait d’abord
entendu que tous en avaient été tém oin s, et l ’avait écrit
a in si; mais à la le ctu re, un seul ( d o n .Kaphaël ) ayant o b
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration , on écrivit
la p lupart au lieu de to u s , le reste d e là déclaration portant
sur des fails dont ils avaient égalem ent connaissance.
La justice a donc sous les yeu x la déclaration légale et
judiciaire de six tém oins, fie la célébration du mariage du
général D estaing.
Ces tém oin s, que le libelliste traite avec plus que de la
lég èreté, et qu’il présente comme des q u id a m , avaient un
rang distingué dans l ’armée d’Egypte. 11 est vrai que tous,
excepté le général D u ran teau , étaient officiers civils ; mais
ils sont tous membres de la Légion-d’H onneur. S ils 11’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l’époque
o ù se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités sutii-
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s a ie n t, âu m o in s, pour faire considérer leur déclaration
comme étant d’un grand poids ; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’alm anach im périal, il aurait vu
que des com m andans de la Légiort-d’H onneur, un tresoner
de la couronne', des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
m éconnaissent eux-mêm es. I l aurait vu qu’un g é n é ra l, officier
distingué avant la révo lu tio n ,
po rté
plusieurs fois au Corps
législatif par le vœ u de ses concitoyens et le ch o ix du Sénat,
n’est pas u n tém oin à dédaigner.
D ’a ille u rs, madame D estain g a dit assez hautem ent que
son m ariage a v a i t été c o n n u de t o u t ce qu’il y avait d ’ofliciers de l’état m ajor de l’arm ée d’E gypte ; elle a dit et im
prim é qui elle était, qui était son père et sa mère. Il y a en
France des m illiers d’individus qui auraient pu la dém entir,
si elle en avait imposé. Les M M . D estain g connaissent beau
coup de m ilitaires et des amis de leur frère ; en ont-ils trouvé
u n seul qui ose accuser leur belle-sœur d’im posture ?
M ais parm i les tém oins du m ariage se trouvait le général
D e lz o n , cousin-germ ain du général D estain g, le même qui
s’était m arié en E g yp te avec la fille d’un fran çais, et qui a
remis à ses cousins, à ses cousines, l’acte de son m ariage
fa it devant un commissaire des guerres, et dont il n ’existe
p o in t de m inute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
fam ille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général D es
ta in g , régla l ’acte vid u el et la pension veuvagère.
. M adam e D estaing a écrit et im prim é que le général D elzon
avait été tém oin du mariage. N ’aurait-elle pas été démentie
par ce brave m ilitaire, si le fait était fa u x ; mais un homme
�( 10 )
d ’h o n n eu r, quelque com plaisance qu’il ait pour ¡ses proches
est incapable de les servir au x dépens de la vérité.
Personne n’est m ieux instruit que lu i d u .m ariage de ma
dame D estain g, dont i l a été tém oin. Son épouse a été l ’a m ie ,
la co m p a g n e , la prem ière interprète de sa çpusine. Sous les
y e u x du général D e lz o n , madame D e lzo n aurait-elle vé cu
ainsi avec une m usulm ane échappée à la servitude Kd ’un
harem . Les M M . D e s ta in g , en outrageant la veuve d’un frère
q u i leur fa it h o n n e u r , m anquènt égalem ent à le u r cousin f
q u i fut constam m ent son am i ; à ^épouse de ce général q u i,
quoique fille d’un fra n ç a is, est égalem ent née en E gypte :
mais à qui ne m anquent-ils pas ? N ous nous abstenons de
relever tout ce qu’il y a de m échaiit dans cette diatribe ;
il su ffity à leurs yeu x,- d’avoir rendu hom m age à là vérité
pour exciter leur hum eur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi7 le conseil de leur oncle
m a te rn el, le père du général D e lz o n ,' la tentative qu’i l fo n t
d'enlever à leur belle-scBUi'lÉt a leu r nièce leiir état et leuj-g
b ie n s , n ’aurait jamais eu lieu.
M . D tlz o n était m em bre1du Corps lé g isla tif, et se trouyait
à P aris à l ’époque du décès du général D estaing : c’est lu i
q u i , , le p rem ier, a reconn u l’état de sa nièce ; c’estrsur sa
dem ande qu’il obtint pour la veuve du g én éra l D esta in g la
prem ière pension qui lui fut accordée. Cette pension ne fut
m odique qu’à cause que le prem ier Consul ne vo u lu t point
alors assimiler le général D esta in g à un officier m ort sur le
champ de-bataille.
Ce n ’est point sur la présentation de l ’acte de tutelle q u e '
la pension a été augm entée ; c ’est uniquem ent par ilntér<?t
qu’inspire la veuve du général D estaing à tous ceu x qui furent'
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les amis de son m a ri, et la cruelle persécution qu’ on fait
souffrir à cette infortunée.
D epuis qu’on lui a exp liq u é le lib e lle o d ieu x p u blié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa fille , son unique consola
tion ; elle veut aller se jeter au pied, de la Cour de R iom ,
et lu i dem ander justice : mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. M adam e D estaing ne peut ni se séparer de sa
fille , ni exposer la santé délicate de cette e n fa n t, en entre
prenant avec elle u n voyage lo n g et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs n i voyager n i se présenter seule : et puisqu’une^
m ère d e fam ille ~n’a pas été un être respectable a u x ye u x de
ses ennem is , que n'aurait-elle pas à craindre de leur in ju s-1
t i c e , si e lle cherchait un protecteur pour la con d uire et la
présenter à ses ju g es?
-
. •
*'i
O n lu i a dit que les lois françaises lu i en assurent un
dans le ministère p u b lic , protecteur naturel de la v e u v e , d e!
l ’orphelin et ch ^ l’état des citoyens. C 'e s t'd a n s ' ses mainsq u ’elle rem et ses droits et le soin , de requérir la réparatioft'
qui lu i est due pour les outrages dont on a vo u lu l ’abreuver.
E lle est chrétienne ; elle en fait gloire : madame D elzori'
e t le général D e lzo n le savent bien. E lle est devenue frari-î1
çaise ; mais elle n’était p oin t ind igne d’être l’épouse du gé*
néral D e s ta in g , et eîie ^ toujours porté cette qualité avee
honneur.
.
.
.
L e rit grec dans leq u e l elle a ¿té élevée est ortodoxe e t
reconnu com m e tel par l ’E glise rom aine; le siège de l’E glise
g r e c q u e , dans le sein de laquelle e lle est n é e , e it toujours
A lexan d rie ; l ’évêque est qualifié de p a triarch e, et réside au
Caire.
11 n’a rien de commun avec let Arméniens, dont le3 uns
�(
12 )
sont catholiques et d’autres hérétiques, n i avec les Syrien s,
les Cafres et les M aro n ites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes p lu * ou m oins attachées au dogme ou à la tra
d itio n .
C ’est le patriarche grec d’A lexand rie , propre pasteur de la
dam e D esta in g , qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
Ces formes sont solem nelles et suffisantes pour un contrat
q u i est autant du droit naturel que du droit des gens.
C ’est vo u lo ir trom per la m ultitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du m ariage des T urcs aux m ariage*
contractés, en T u rqu ie par des chrétiens.
O n doit savoir que le gouvernem ent ottom an a toujours
laissé les chrétiens q u i vivent sous son em pire se conduire
suivant leurs lo is , et ceux-ci n’en ont pas d’autrçs que les lois
religieuses qu’ils ont conservées ; de là vient que leurs prêtres
ré u n isse n t, jusqu'à un certain p o in t, le ministère c iv il au
m inistère ecclésiastique..
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr'eux ne
sont point portés devant le ca d i, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au p a tria rch e , à moins qu’un m usulm an n ’y fû&
in téressé, et la puissance ottom ane prête m ain
forte aux
jugem ens des patriarches com m e à ceux de ses premiers o f
ficiels.
,
C ’est ainsi qu’après la conquête des F ra n c s, les d ifférens
peuples qui furent subjugués se réservèrent leurs lo is,,et q u ’il
fut permis a phacun de vivre ou sous la lo i rom aine., ou
sous 1;\ lo i falique , ou sous, tout autre régi n ie ,, et la pijissa«ce publique m aintenait les jugéinens rendus suivant .çua
diverses lois.
,
.
fr
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( i 3 )
^La cour de R.iom<sait tout cela m ieiix que n o u s, et sanâ
doute l ’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a vo u lu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : a u trem en t, aurait-il
parlé de notaire- pour l’Em pire T u rc', et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre?
i U ne seule de ses remarques; mérite iquelqu’observation ;
c ’est l ’expression de la date de l ’année du m ariage de la dame
Destaing.
A v a n t que , par des rapprochem ens qu’on n’a pu obtenir
d e lle qu’à m esure qu’elle a appris la lan gu e fran çaise, on
ait pu fixer le jour du m ois auquel ce m ariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l’an 8. Com m e dans le calend rier
républicain l ’année com m ençait au m ois de septem bre et non
au mois de ja n v ie r, il arrivait qu’en comparant ce-calendrier
au calendrier g rég o rien , auquel nous somùtes revenus, les deux
.portions de_il'année deTancien-caîendrier ne sé t-apportaient
pas à la-m êm e::;ahnée du n o u v e a u ;■
<de m a n iè re 'q ü ’on ne
pouvait bien*déterminer une année sans’ iixer lé m ois : de 1;\,
bien des équivoques..1 '
I. • , ir '
« r.l •~ > j. '
M ais.elles disparaissent; dans l’ençcm ble des circonstances
antécéJenteay8uivantes:et con cm ren tesj’et dés lors'^’expres
sion, de l'année,
• '•
• ’
'•
* devient indifférente.
*
Q uand on a d it, par ex em p le , que le m ariage du général
X)est;iing a ;e u i lie u jle 17 janvier de l ’année qu’il com m an
dait au Caire sous le général Béliard , peu de m ois avant le
siege^ après 1 assassinat du général K lé b e r, e tc , etc. ; on a fixé
d une m aniéré certaine l’époque de ce m ariage : madame D es
taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu’elle
a com pté le peu de tems qu’elle a vécu avec son mari.
, M ais tout cela n’est qufe.pours les oisifs. L ’appel sur leqrn il
la Cour de Ilio m doit ;pronôncer- n e lui présente que la
M1
�I
(1 4 )
question de la possession d’état e t , sur ce p o in t, la défense
d e la dam e D estain g n’a pas été entam ée, et elle ne peut
p a s l ’être par les digressions dans lesquelles ses adversaires
sont e n tré s, et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
d étru ire les im pressions qu’elles auraient pu faire sur la
portion du pu blic q u i ign ore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations c i-d e ssu s et le M ém oire im prim é à
R io m , sur lequel elles ont été faites;
L e C O N S E IL soussigné
e st im e
que ce M ém oire ne p ouvait
pas être qualifié autrem ent qu’il l’a été dans les O bservations
q u ’il est in jurieux à m adam e D estain g et à sa fam ille dans
le s allégations q u i les co n cern e n t, et qui sont d'autant plus
repréhensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soum ise à la décision de la C o u r d’A p p e l de R iom .
M adam e D estain g se d oit à e lle-méme et au x siens d ’en
dem ander la suppression, qui pourrait m êm e être requise
d ’office par le ministère p u b lic , attendu la nature des injures
et les fausses opinions q u ’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français q u i ont été em ployés à l’armée
d ’Egypte.
D élib é ré à P a ris, par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 2 6 mai 1808.
JA U B E R T .
CHABOT
de l'Allier.
H A C Q U A R T , Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Coeur, n 9 8 .
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
mariage
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Table Godemel : Mariage : 2. un mariage contracté par un militaire, en pays étranger, peut-il être prouvé par témoins, s’il est établi qu’on n’y était pas en usage de tenir des registres publics ? La possession de l’état de la femme suffit-elle pour contraindre les héritiers du mari à lui payer une provision ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1805
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53332/BCU_Factums_G1805.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Le Caire (Egypte)
Rights
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Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
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