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CONSULTATION
SUR LA VALIDITÉ D’UN TESTAMENT OLOGRAPHE,
FAIT PAR M. GUYOT,
AU PROFIT DE SON ÉPOUSE,
DE M. P É N I S S A T , SO N C O U SIN G E R M A IN , E T D ES SO EU RS
D E C E D E R N IE R .
L e C o n s e il s o u s s ig n é , qui a pris connaissance du testament olographe de
M. G u y o t , portant d’abord la date du 1 er janvier 18 2 7 , laquelle est raturée,
puis la date du 1 " octobre 18 2 9 , date évidemment erronée quant à rénon
ciation de l’année, puisque le testateur était décédé le 26 septembre précédent
et qui a également pris connaissance des consultations de MM. Boirot et
Vazeille (avocats près la Cour royale de R io m ), qui regardent le testament
comme valable, malgré l’erreur de date,
Est
p l e in e m e n t
de
l ’a v is
d e
la
v a l id it é
d e
ce
t e st a m e n t
.
L a jurisprudence de tous les âges, les lois romaines, nos auteurs éclairés
par tes lois, nourris de leur doctriue, raison écrite, tout atteste que l’on s’est
toujours bien plus attaché à la volonté sacrée des morts, qu’aux subtilités
intéressées des collatéraux.
S’il fallait des citations, nous ne serions embarrassés que du choix : Domat,
Despeisses, R ic a rd , Rousseau-Lacombe, Furgole , témoigneraient de ce res
pect pour la volonté des testateurs.
�I^es lois romaines qui professent le même respect sont également multipliées.
Les anciens arrêts, c’est-à-dire ceux antérieurs au Code c iv il, les arrêts
modernes rendus depuis la publication de ce Code, offrent aussi des preuves
géminées , qu’il faut s’arrêter à la volonté des testateurs, et ne pas la sacrifier
à une erreur échappée à l ’inadvertance, lorsqu il est possible de la rectifier.
Sans doute, les formalités doivent être observées; loin de nous .'hérésie
contraire; mais ces formalités n’ont eu qu’ un but, faire connaître la volonté
du testateur, afin d’en assurer l ’exécution. Mais lorsque, dans l’intention
du testateur, la formalité a été observée ; qu il a eu le désir d’obéir à la loi,
et qu'il s’est glissé une erreur qu’il est possible de reconnaître et de rectifier 5
lorsque d’ailleurs cette erreur est indifférente pour la capacité, soit du testateur,
soit des légataires, ainsi que pour la disponibilité; anéantir pour un motif sem
blable un acte de dernière volonté, ce serait a lle r, nous ne craignons pas de le
dire avec tous les auteurs, non seulement contre la volonté du défunt, mais
contre l’intention du législateur; surtout quand il est question d’ un testament
olographe , où le testateur opère seul 7 n’est averti par aucun témoin d’une
m éprise, et qu’une inadvertance involontaire, une légère distraction peut
causer une omission, peut l’ induire en erreur sur un fa it , ou sur une date.
A in si, pour en venir à l’espèce qui nous occupe , le testament doit être
d até, nous le savons , mais lorsque le testateur a bien eu lintention de lui
donner une date, qu’il a erré seulement dans la fixation du jour . que
l’erreur est évidente , et tju il est possible, et même facile de la rectifier, doiton annuler ce testament ? T elle est la question à examiner.
L a formalité de la date, toute importante qu’elle soit, n’est pas aussi essen
tielle, aussi inhérente à la nature du testament olographe que la signature et
l ’écriture de la main du testateur, formalités sans lesquelles il n’est pas pos
sible de concevoir un testament olographe.
La coutume de Paris n’exigeait point la date pour formalité ou solennité du
testament olographe. Son article 289 s’exprimait ainsi : <t Pour réputer un
« testament solennel, il est nécessaire qu’il soit écrit et signé du testateur; ou
« qu il soit passé devant deux notaires, etc. »
Despeisses dit également que le testament olographe peut être valable quoi
que non daté.
Cujus , le docte Cujas, avait adopté cet avis.
Les anciens arrêts du parlement tic Paris avaient originairement pron on cé
dans ce sens. ( V . Ferrière. )
Quoi qti’il en so it, ce n’est pas sans de grandes raisons que nos lois oui.
prescrit cette formalité. Déjà la jurisprudence avait introduit la d ate , et dès
�l’année 1660 un arrêt du parlement de Paris l ’avait exigée sous peine de
"uJ!ité-
.
........................
*)a£^y'ïy-*
x
En effet, la m ajorité, la capacité, la portion disponible peuvent dépendre
7
de la date. Mais aussi, lorsque le testament fournit des indices certains de
l’époque où il a été fa it, qu’à celte époque le testateur était m ajeur, capable,
le but de la loi paraît rempli.
Que dirait-on, que penserait-on d’un tribunal qui laisserait p érir un testa
ment dans l’espèce suivante?
U n testateur décède le 4 ju ille t, après avoir fait et daté son testament du
^
mois de ju ille t, mais le quantième du mois est illisib le, l’encre a cou lé, le
chiffre est mal formé; esl-ce le I er, le 2 ou le 3 ? Il est certain que c’est un des
trois jours, le leslaleur fait même mention d’ un événement arrivé le 3o juin
précédent. Aucun changement dans son élal ne s’est formé depuis ce 3 o juin;
mais on ne peut découvrir au juste lequel des trois premiers jours a été celui
de la confection , quoi qu’ il soit matériellement prouvé que c’est un des troisÿ
dans le doute, le tribunal déclare le testament nul. Nous croirions faire injure
à la Cour de justice devant laquelle nous conclurions à la nullité d’un pareil
testament ; nous ne le pourrions d’ailleurs en conscience.
C ’est une maxime de la matière qu’il faut, surtout dans les testamens,
s’attacher à la volonté du testateur, malgré les énonciations fautives. Tous les ^
auteurs reconnaissent celte m axim e; elle est puisée dans le droit romain, A.r, 2 ■
ainsi qu’on peut le voir dans la loi 58 au dig. de Hœredibus instiluendis. ^
u
Parag. qui fr a t e r ; dans la loi g au même lilre ; dans la loi 5 au C od e, an '
même titre de Hœredibus institumdis ; dans la loi 4 , au code de Testamentis;
dans la loi 7 , au même litre ; dans les lnslitutes de L egatis, parag. 29 et
3 o , etc.
C ’est déjà une règle générale du droit qu’il faut tendre à maintenir et con
server les actes: E n interpréta/io surnenda est y quœ , quod actum gesturnque sit , conserver. Cela esl vrai pour les conventions, cela est plus vrai pour
les testamens, que le législateur a environnés d’une faveur tutélaire d'autant
plus grande qu’il a toujours prévu des intérêts opposés au testament, et un
absent à défendre, qui est le testateur.
Parmi les nombreux monumens de la jurisprudence qui sont venus attester
que la sagesse du juge esl le complément de la l o i , ainsi que le dit Daguesseau ,
et qu’elle en assure l’exécution , alors que des subtilités tortueuses voudraient
en étouffer le véritable esprit, nous choisirons, en première ligne, l’afliiire
Lelellier. U nous est tombé sous la maiu une consultation dont nous allons
présenter le précis, non seulement parce que les principes de la matière y
,
/
^
�— k —
sont exposés avec autant de lucidité que de raison, et qu’on y trouve rap
portés d’anciens arrêts, mais aussi parce que les signataires font autorité.
A insi, celte consultation rédigée par M. Pardessus , est aussi signée de M. D elvincourt, de M. Gicquel un des membres les plus distingués de l’ancien
barreau de P aris, de M. Delacalprade, jurisconsulte d’ un savoir et d’un
mérite éminens, de M. Toullier qui y a adhéré par une consultation séparée.
E n fin , l’on y rapporte l’opinion de M. Bellart dans une question sem blable ,
cL celle de M. F e re y , alors doyen de la consultation du barreau de Paris.
Dans l espèce de cette consultation, le testament de Mme Letellier était daté
du 1 5 juin mil cent s e iz e On en demandait la nullité faute de date : la date
était évidemment fausse, la testatrice étant décédée en 18 16 ; huit ceiits ans
après la date énoncée.
Les principes de la matière et les règles du bon sens, disait M . Pardessus,
dans la consultation dont nous parlons, répugnent à la prétention de faire
déclarer nul le testament.
D’abord, est-il nécessaire que le jour, le mois, l ’an soient énoncés tex
tuellement.
Sous l’empire de l’ordonnance de 1 7 3 5 , cette question pouvait présenter
quelque difficulté, l’article 58 était ainsi conçu:
« Tous testamens, codiciles, contiendront la date des jo u r, mois et an,
« encore qu’ils fussent olographes. »
Les articles 47 et 67 avaient même prononcé la nullité pour inobservation.
Nonobstant des dispositions en apparence si impératives on n’ a jamais
hésité à reconnaître que le but de la loi n’était pas d exclure des indications
équivalentes ou supplétives, que son intention n’était pas d’ interdire aux tri
bunaux le pouvoir de les admettre.
C’est dans ce sens qu’on a vu les Cours supérieures décider les contesta
tions qui se sont élevées souvent à ce sujet.
Un arrêt du 17* juillet 1 7 6 1 , a jugé que le testament de Charles Pichon,
portant la date matérielle du quatre lévrier mil cent trente n eu f était valable.
Un autre du 1 1 février 1760 n’a reconnu que de l’erreur dans le testament
de la dame Baze de N y o n , daté du 16 novembre
quoiqu’il portât en
lui-même la preuve qu’ il avait été fait postérieurement, et par conséquent la
preuve de la fausseté matérielle de sa date.
U n arrêt du 5 janvier 1 7 7 0 , rapporté dans le recueil de Denisart, au mol
Testament n ° 55 ,a prononcé la Validité’ du testament fait parla demoiselle L achaise , portant matériellement la date du 5 juin 170 7. On doit remarquer
qu’en 1707 la testatrice v iv a it, mais était trop jeune pour faire un testa-
�ment valable. Ainsi à la rigueur ont eût pu prendre cet acte pour ce qu'annon
çait la date, et le faire annuler pour incapacité. M. deBarentin, avocat géné
ral, établit par les énonciations de certaines personnesqui se trouvaient nom
mées dans le testament, que la date devait s’appliquer à l’année mil sept cent
soixante sept; qu’ainsi la testatrice avait daté son testament, clans son
intention , d’une manière à l’abri de toute critique. L ’arrêt cité adopta ses
conclusions.
'
U n autre arrêt du 5 juillet 17 8 2 , qu on trouve dans la gazette des tribu
naux, tome. i 4 , pag. 20, et dans le répertoire de jurisprudence, v° Testament,
sect. 2, parag. 1 , a déclaré valable la date du testament du sieur Dulau, por
tant ces seuls mots : ce vingt et un juillet mil sept soixante quatre.
Ainsi donc, quoique l’ordonnance de l'j'bS exigeât dénonciation des jou r,
mois et an, on a toujours pensé qu’une erreur, une omission dans les dites énondations, pouvaient être appréciées et rectiliées.
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Mais peut-être cette jurisprudence était-elle l'effet du droit que s’étaient
arrogé les anciennes cours d’apporter des modifications aux anciennes lois.
Nullement, les arrêts entre particuliers ne ressemblaient en rien aux arrêts
de 1 èglemens. L a loi une fois vérifiée et librement enregistrée était appliquée
avec exactitude entre particuliers ; et le recours au conseil du Roi était libre,
comme aujourd’hui le pourvoi en cassation. D ’ailleurs, ici la loi était dans
l’esprit de la jurisprudence qui l’avait précédée et introduite.
De plus, on suivait en cela l'esprit des auteurs, et les règles du bon sens :
Observandum est in investigando legum sensu .jurisconsultum nimis scrupulosœ et grammaticœ verbortim interprétatif)ni mservire non debere, dit
Pothier, Pandect. Just. de L e gibus, n° 17 .
Domat s’exprime de la même manière : « S ’ il arrive que par quelque oubfi
ou quelque méprise, le testateur qui a écrit lui même son testament, manque
dans quelque expression des mots nécessaires, de sorte qu’elle ne puisse
avoir de sens qu’en les ajoutant, et que si on les supplée le sens soit parfait;
cette omission sera réparée, en y entendant les mots qui manquaient. » Te stamena, tit. i,s e c t. G, n. 1 1 .
On a essayé de faire entendre que celle règle ne regardait que l’interpréta
tion des dispositions obscures insérées dans les teslamens et ne devait pas être
appliquée à la forme.
Une vérification du texte de Domat eût épargné celte erreur : ce savant
jurisconsulte transcrit à l'appui de sa proposition la loi 7 au code de Teslamentis qui précisément est relative à la solennité de l’acte et à l'orajssion de
^
�quelques mois requis pour sa validité dans la forme : Errore scribentis testamenlum ju ris solcmnitas mutilari nequaqüam potest; et Perez ajoute qu’il
importe peu que cette erreur provienne du testateur lui-même : Sive testator
ipse, cunifestinnndo non sit mirum aliquid omisisse.
Ces principes consacrés par les arrêts n’ont jamais été attaqués ni par voie
d’autorité telle qu’un pourvoi en cassation devant le conseil du R o i, ni par
voie de doctrine telle que des opinions contraires de jurisconsultes. Ils sopt
puisés dans le droit Romain : Voluntalis defuncti quœstio in cestimatione judici\'est, L. 7 , Cod. de F'idei'jomm. Toutes les questions qui s’agiteront sur
les testamens seront eL devront toujours être soumises aux tribunaux, et il n’en
peut être autrement.
Furgole dont le traité sur les testamens était le plus récent lorsque le Code
civil a paru, s’exprime ainsi , chap. 5 ,sect. 4 , n. 18. (Tome i e‘ , page 324 ,
de l’éditicn de 1769 .)
« Tmites les fois qu’ il y aura une date, on aura satisfait à la loi, quoiqu’il
<{ y eût quelque erreur dans la date du jo u r , du jnois, ou de Vau; et si l’er« reur peut être justifiée par le testament même qui marque par quelque
<1 ^circonstance la véritable date . on ne peut pas dire qu’elle a été om ise, vu
« qu’en corrigeant la date erronée on trouve dans les circonstances que le tes« tament renferme sa véritable date. »
Plus bas, le même auteur parle d’un testament souscrit le 27 octobre 17 4 9 ,
que la testatrice avait daté du 27 octobre mil sept cent vingt neuf t l ’erreur
était évidente , car le testament faisait mention d’un prêt fait en 174 9 , et
Furgole fut d’avis que la date devait être rectifiée comme contenant une
erreur, et le Leslament valable.
Il cite un arrêt du Parlement de Paris en date du 19 mai 1 7 5 8 , rapporté
par Rousseau-Lacombe , dans son recueil d’ /Yrrêts et Réglemens notables,
chap. 5 4 , qui a confirmé un testament d até du 9 mai 1 7 3 6 , quoique la testalrice fut décédée le 8 mai de cette année. Il faut même remarquer que le
testament n’était pas olographe , mais reçu par notaires. L ’on avait écrit lu
mardi 9 mai au lieu du mardi 8 niai. On jugea que l’erreur des notaires 11e
pouvait préjudiciel’ au testament. T e l était l’état de la législation et de la
jurisprudence antérieures au Code. L a législation a-t-elle changé? doit-on
abandonner l ’ancienne juriprudence ?
La législation n’a pas changé, ou si Ton pouvait supposer quelque chan
gement c • ne serait que dans un sens plus favorable à notre question.
En eflf t , l’Ordonnance de 17 3 5 exigeait la date par jour, mois et an. L e
Code civil a des dispositions moins précises. Il se borne à exiger que le tes
�tament olographe soit daté , et n’ajoute pas que cette date soit faite par
jo u r , mois, et an.
Est-ce avec intention de changer la rédaction ancienne? Accoutume's aux
principes d’une jurisprudence qu’ ils avaient vu s’établir et se maintenir si
uniformément, les auteurs du Code ont-ils craint de renouveller une rédac
tion qui pouvail fournir à des esprits pointilleux quelques occasions de
disputer ?
Dans ce cas pourquoi demander plus qu’on ne demandait sous l ’em
pire de cette loi dont les term es, nous ne saurions trop le rép é te r,
semblaient presque une minutieuse indication de tous les éle'mens dont, se
compose une date.
Vainement dira-t-on que la manière de dater la plus usuelle , est
1 indication du jo u r, du mois , et de l’année. Pour qu’ il y eut n u llité , il
faudrait que la loi l’eût prononcée. Ce sont les contraventions à ce qu’elle
ordonne, et non les contraventions à ce que l’usage ou l ’habitude a introduit,
que la loi veut punir par la nullité. Les nullités ne sont jamais favorables ,
elles ne peuvent-ètre étendues.
Veut-on suppléer dans l’art. 970 les mots jour , mois et an ? Alors il ne
faut pas y mettre une rigueur plus grande que l ’ancienne jurisprudence ;
regarder comme une nullité , ce qui n’est qu’une erreur dans l’énonciation. Il
faut continuer d’interpreter la loi dans un esprit de sagesse, ainsi que l’ont
fait, d’une manière uniforme et sans variations les anciennes C ou rs, et cela
sans réformation de la part de l’autorité supéieure, sans critique delà part des
jurisconsultes. 11 faut enfin suppléer à l’erreur évidemment échappée à l’inad
vertance, plu loiqu cd e méconnaîtrelesvolontés évidentes,les volontés sacrées
des morts.
L ’auteur de la consultation dont nous donnons l ’extrait, refuie ensuite
quelques objections faites par ses adversaires.
Première. On a objecté que notre manière de raisonner conduirait à sup
pléer par des renseignemens arbitraires à l ’énonciation de la date.
N on. 11 ne s’agit point, de prouver la date par des moyens puisés hors
de l’acte.
Deuxième. On objectait un arrêt rendu p a rla Cour de cassation annulant
celui par lequel la Cour de Metz avait., le 18 pluviôse an 1 2 , confirmé d’après
les circonstances, plusieurs Codiciles sans date , écrits et signés à la suite les
uns des autres.
Mais en premier lieu , l’espèce était toute différente; et si nous rapportons
l’objection, c est pour prouver par la réponse que la Cour de cassation
�reconnaît le droit des Cours royales dans l'appréciation des fails et des
circonstances.
lie Codiciles e'taient. au nombre de neuf dont les deux derniers contenaient
un legs d’actions sur la caisse Lafarge. Après le neuvième codicilc on lisait
ces mots, signes du testateur. « Je date les derniers articles de mon présent
«testam ent, concernant le don de mes billets Lafarge du l " r jour complé«mentaire de l ’an neut ». Il paraissait naturel de présumer qu'en attribuant1
ainsi une date à deux des Codiciles, le testateur avait laissé volontairement
les autres sans date ; cependant la Cour de Metz avait regardé le testament
comme v alab le , et la Cour de cassation avait annulé l ’arrêt. L ’espèce, disonsnous , était bien différente.
Mais voici une seconde réponse; et si ceux qui ont fait l’objection avaient
en connaissance des fails, ils auraient vu combien l ’autorité qu’ils invoquaient
était contraire h leur système.
L ’affaire avait été renvoyée à. la Cour de N ancy. Cette Cour jugea comme
celle de Metz. Aussitôt pourvoi, et cette fois la Cour de cassation revint au x'
vrais principes. E lle sentit que ce n’était pas à elle à juger le fond; par arrêt du
7 iuars 180H, le pourvoi fut rejeté par le m otif que le droit d ’interpréter Vin
tention des parties appartenait aux Cours d'appel, et que l’usage de ce
droit ne pouvait jam ais fournir matière à cassation.
I l était, disions-nous tout-à-l’heure, naturel de penser que le testateur
avait laissé volontairement les précédons codiciles sans date. Celte considé
ration spécieuse avait, lors du premier pourvoi, séduit l’avocat général, et en
traîné la C our, qui ne remarqua pas assez qu’elle sortait de ses attributions
et jugeait le fond.
U ne troisième objection était tirée de la défaveur attachée aux testamens.
Ce langage employé par les conseils des adversaires devait surprendre : ils
11e pouvaient pas ignorer que dans le système de nos lois actuelles, la succes
sion testamentaire est véritablement placée en première ligne, si le défunt n ’a
pas laissé d’héritiers à réserves, et que la succession déférée par la lo i, est
seulement, pour nous servir des expressions mêmes du conseiller d’Etat
Treilhard au corps législatif : L e testament présumé de toute personne qui
décéderait sans avoir valablement exprimé une volonté différente.
L ’auteur de la consultation rapporte ensuite l’opinion de M M . Ferey et
Ilellart, dans I affaire du testament Dandigné, ainsi que 1 arrêt d e ’ la Cour
royale de Paris qui a déclaré le testament valable.
M . Dandigné de la Chasse avait fait un testament olographe contenant des
leg* particuliers en faveur des demoiselles Josephine et Caroline Dandigné,
�ses petites nièces, et un legs universel à leur frère Charles Dandigné; ce testa
ment était du 2 1 prairial an xm ,
A la suile de ce testament se trouvait un codicile qui tranférait les legs des
demoiselles Dandigné à leur frère; ce second testament était daté du a 5 fri
maire an x m .
L a daie était évidemment fausse, puisqu’un acte de frimaire ne pouvait
désigner ni modifier un acte de prairial : on se souvient que dans l’année répu
blicaine, frimaire précédait prairial.
Ce second testament fut attaqué pour cause de nullité.
MM. Ferey et Bcllart, consultés, furent d'avis de la validité.
Us disaient : « De ce que la date 'est erronée , s’en suit-il que les nièces
* puissent faire déclarer le coilicile nul? »"Les soussignés ne le pensent pas.
« Il faut, sans doute, pour être valable, qu’un testament soit daté, la loi
<c l’a exigé; mais la loi n’est pas judaïque, et s i, de quelque manière que ce
« soit, en chiffres, en leltres en expressions propres ou équivalentes, la date
« s’y trouve, le codicile est valable. Ce que veut le législateur, c’est connaîtra
« l'époque certaine où un testament a été fait, pour y appliquer les règles sur
u la capacité du testateur, et toutes celles qui sortent de l ’epoque; mais
« pourvu que cette époque lui soit connue, le reste lui est indifférent. V ai« nement demanderait-on la nullité d’un testament, parce que les expres<x sions tel mois, telle année ne s’y trouvent pas. Ainsi un testament daté du
« jour de ma majorité, ou du jour où j ’ai eu le malheur de perdre mon père,
« ne serait pas nul.
« Il ne le serait pas davantage, si le testateur ayant eu la volonté d ’obéir
au législateur, a commis dans la date quelque méprise ou quelque erreur,
« qu’il soit possible de réparer avec du bon sens et du jugement. Nos livres
« sont pleins de monumens de la jurisprudence qui distinguent l ’erreur de
«c la desobéissance. »
T el fut l’avis des deux jurisconsultes notables que nous avons nommés, et
cet avis fut adopté par le tribunal et la cour de Paris.
Arrêtons-nous ici un moment sur les expressions dont ces deux juriscon
sultes se servent; elles énoncent toute l'importance de la date. Le législateur
a voulu la connaître, pour j- appliquer les règles de la capacité et toutes
celles qui sortent de l'époque.
A in si, ce qui regarde la portion disponible , l’âge de majorité ou de mino
rité, la capacité en un mot du testateur, tout cela peut dépendre de la date.
Lors donc qu’il est constant d’après le testament même qu’ il était m ajeur,
qu’il était capable; lorsque sa capacité n’a jamais depuis été enlevée ou dimi-
rr-
�nuée par un acte quelconque, que la capacité des légataires est incontestable,
le but du législateur paraît rempli.
Dans l’espèce, le sieur G uyot était depuis long-temps majeur, lorsqu’il a
écrit son testament. ïl y parle du bureau de bienfaisance, des dames religieuses
de la maison de charité de Saint-Am and, tons élablissemens postérieurs à sa
majorité. Il y parle même d’ un acte du 5 o août 18 17 . Aucune cause n’a depuis
ce temps nui à sa capacité.
D’ailleurs il n y a pas ici de question de priorité enlre plusieurs tesiamens.
L a consultation que nous avons analysée et dont la doclrine et les autorités
sont entièrement applicables à l’espèce du testament du sieur G u yo t, cette
consultation rédigée parM . Pardessus, signée par M M . Delvincourt, Delacal prade et ^tcquel, fut communiquée à M. T o u llie r , qui y a pleinement adhéré
le 20 mai 18 17 .
7JL e conseil soussigné, dit-il, qui a pris lecture de la consultation ci-dessus ,
partage en tout point l’opinion et les principes des célèbres jurisconsultes qui
l ’ont souscrite et délibérée. Dans l’ancienne jurisprudence on tenait pour
maxime qu’une erreur dans la date, l’omission d’un mot ou d’un chiffre, ne
sont point une cause suffisante pour annuler un testament, s u r t o u t lorsque
Jjerreur ou l’omission sont indiquées dans l’acte mémo du testament.
Attache par conviction à Fancicnne doctrine, le soussigné crut devoir la
professer et la rappeler dans le cinquième volume de l’ouvrage qu’il a publié
sur le Code. Sans doute, il faut observer toutes les formalités prescrites par la
loi sous peine de nullité, et l’omission d’une seule suffit pour annuler l’acte.
Mais il n’y a rien de contradictoire à d ire, d’une part, qu’il faut observer
toutes les formalités, chacune de ces formalités, et de l’autre part, qu’une
erreur légère, l’omission d’un mot dans l’observation d’une de ces formalités,
11e rend point la formalité nulle. Eriove sevibentis testamsnlum juris solemnitas mutilari nequaquam potest. L . 7, Cod. de Testamentis , 6. a 5 . La loi
en donne pour exemple l’omission de deux m ots'bien essentiels, de deux
mots qui tiennent à la substance même du testament, les mots lucres esio.
A plus forte raison, le testament n’est-il point annulé par la simple omission
d'un mot dans la date, s u r t o u t quand celte omission esL démontrée et sup
pléée par les énonciations, par les circonstances puisées dans I acte même. 1)
T el fut, dans l ’affaire Letellier , l’avis de jurisconsultes hommes d’une
grande autorité, et lelle était leur doctrine et les motifs de leur opinion.
Aussi la cour de Caen rendit le 2 août 18 17 un arrêt qui confirma le juge
ment qui avait déclaré valable le testament d e là dame Letellier, et la Cour
décussation, en rejetant le pourvoi par arrêt du 19 février 1 8 1 8 , a sanctionné
�celte même doctrine ainsi la jurisprudence ancienne avait interprété l ’ordon
nance de 17 ^ 5 , plus rigoureuse que le Code c iv il, d’une manière favorable
aux testamens, venant au secours des testateurs qu’une inadvertance avait
induils en une erreur réparable et se conformant en cela à l ’esprit des lois
romaines, si tulélaires pour la volonté des défunts.
Mais nous venons aussi de voir que la jurisprudence moderne était animée
du même esprit de sagesse. L ’arrêl Dandigné, l’arrêt Letellier que nous venons
de citer, l’arrêt delà Cour de N ancy rapporté plus haut, et l'arrêt de la Cour
de cassation du 7 mars 1808 qui reconnaît qu’aux Cours royales appartient le
droit d’apprécier les circonstances qui peuvent suppléer à l’omission appa
rente des formalités, en font foi. Celte doctrine a élé mainte fois reconnue et
sanctionnée. Nous allons en ciler d’autres exemples.
Dans l’affaire du testament Damboise, la testatrice avait trois fois écrit 17 9 3 .
Mais elle faisait mention d’événemens bien postérieurs et la Cour de Bordeaux
avait corrigé la dale de 179 5 en celle de 18 15 .
P ou rvoi; et par arrêt du iü juin 18 2 1 la Cour de cassation rejette Je
pourvoi.
La Cour de cassation nous l’avons déjà fait remarquer, ne juge point le
fond d’une affaire, et laisse aux tribunaux et auxCours royales l ’appréciation
des faits. Aussi le considérant de l’arrêt de la Cour de cassation dans cette af
faire p orte-t-il, qu’aucune loi ne signale les m otifs, les circonstances et les
dispositions d’après lesquels les juges doivent se déterm iner, et qu’à cet égard
elle ne leur impose qu’une seule obligation, celle de puiser les motifs de leur
décision dans le testament même.
Nous pouvons accepter dans la cause, cette condition, nous n’avons aucun
intérêt à l’exclure; mais nous ferons cependant remarquer que Domat et F u rgole sont bien moins restrictifs. M. T oullier cilé plus haut dit que l’erreur de
date n’esl point une cause d annuler un testament, surtout lorsque l’erreur ou
1 omission sont indiquées dans l’acte même du testament. Surtout!
Mais nous le répétons ce n’est pas dans l’intérêt de la cause que nous faisons
cette remarque, car dans notre affaire nous n’en avons pas besoin, le testament
du sieur GuyOl contient les élerncns de rectification.
Nous avons déjà vu bien des autorités citées dans la consultation dont nous
avons donné l’extrait, nous pourrions en citer encore et de plus récentes.
Ainsi outre M . Delvincourt qui professe dans son ouvrage sur le Code c iv il,
les principes qu’il a souscrits dans la consultation ci-dessus, nous pouvons
citer M. l avard-de-Langlade qui dit, au mot Testam ent, sect. i rC,parag.
a.
�n° 1 1 . « S i un testament olographe non daté est radicalement nul , il n’en est
» pas nécessairement de même lorsqu’il contient une date erronée.
« Les juges peuvent et doivent rectifier Verreur , toutes les fois que par
» des erremens qui sortent du testament même, ils sonl conduits à la véritable
» date, c’est-à-dire qu’il est évident à leurs yeux qu’il a été rédigé tel jour, tel
» m ois, telle année.
« Et comme la loi n’a point déterminé les circonstances d’après lesquelles
» ils peuvent être conduits à un pareil résultat, quels que soient les motifs
» qui les ont déterminés 7 ils échappent à la cassation, dès qu’ils ont été puisés
»
dans le testament e x testamento non aliunde. 11 cile l’arrêt Damboiseet
la date de 179 3 énoncée par erreur au lieu de 1 8 1 3 .
M. Grenier, n° 228 dit : « Sur la certitude ou incertitude de la d a le , il peut
» s’élever des difficultés d après la négligence et l’inattention du testateur, eu
» apposant la date à son testament ; et à cet égard il est aisé de sentir les in » fluences que doivent avoir les circonstances.YWcs deviennent en général
» une matière à appréciation de la part des tribunaux, et l’on sait que lorsque
» le cas arrive, il ne peut guère y avoir prise à la cassation. L e point essentiel
» et qui doit servir dé boussole consiste à savoir s’il est possible ou non, de
"•> trouver dans le testament la preuve d’une date qui raisonnablement doive
» être regardée comme certaine. Au premier cas, il ne peut y avoir de diiïi» culié sur la confirmation du testament. »
Plus bas il parle d’une date surchargée, et il dit qu’un testament public,
par le seul fait de cette surcharge pourrait être déclaré nul, quoiquon put
lire la date surchargée; ce qu’on ne pourrait pas d ire, d’ un testament ologra
phe, ajoute-t-il, lorsque la dale, quoique surchargée est lisible.
M erlin, dans le Répertoire de Jurisprudence au mot testament, sect. 2.
parag. 1 , art. 6 , examine la question, et demande si, lorsquil y a erreur
dans la date d’un testament, on doit considérer cette dale comme non apposée,
et en conséquence déclarer le testament nul ?
Il
répond que la solution dépend des circonstances. 11 cile plusieurs arrêts,
l’un du parlement de P aris, en date du 19 mars 170 8. (Nous en avons fait
mention plus haut.) Le testament réellement fait le 8 m ai, portait la date
postérieure du g m ai, quoique le testateur fût décédé le 8.
Un autre qui a confirmé un testament qui portait la date de 1 7 0 8 , mais
que-certaines circonstances prouvaient être de 1758 .
Un troisième, du 5 juillet 17 8 2 , qui avait déclaré valable le testament du
sieur Dulau, portant la date de mil sept soixante-quatre, au lieu de »76^.
Un quatrième de la Grand’Cham bre, qui a déclaré valable le testament
de la dame Benoise. La date avait éprouvé une alléralion, dont on ignorait
�la cause. On voyait le chiffre 3o, et la lettre X , ce qui faisait présumer dc-^
cembre. Une main étrangère avait même indiqué cette date 3o décembre.
Cela compliquait la difficulté. M ais on n'a pas pensé que cette addition pût
nuire à un testament parfait dans le principe.
L ’auteur rapporte ce que l’on présentait en faveur du testament:
« Au fond, et dans le droit, tout ce qui est essentiel c’est que la volonté
« soit connue ; rien de plus indifférent à Ici preuve de cette volonté que la
« date. C’est la mort qui date un testament. L a date de l’instrument ne peut
« devenir nécessaire qu’accidentellement ; c est-à-dire lorsqu’il y a concours
« de testamens, ou lorsqu’il y a incertitude sur l’âge du testateur, pour
« connaître s’il était capable d’ avoir une volonté. L ’ordonnance de 17 5 5 a
« fait un précepte de la date, mais elle l ’a fait pour prévenir les difficultés
« qui pourraient naître; elle n’a pas voulu changer la nature des choses, et
« les magistrats q u i, ministres des lo is, en sont en même temps les modéra
it teurs savent distinguer celles qui permettent des tempéramens d’équité
« d’avec celles qu’il faut prendre dans une rigueur mathématique.
« Ces moyens ont prévalu; par arrêt de la Grand’Chambre du 6 juin 17 6 4 ,
» la sentence du Chalelet a été confirmée. »
11
est une chose digne de remarque dans la citation que nous venons de
faire. C ’est que l’exposé des moyens que nous avons rapportés, se trouve dans
le nouveau répertoire, ouvrage publié depuis le Code civil et ne se trouve pas
dans l’ancien répertoire. On voit que Merlin n’interprétait pas le Code civil
dans un sens plus rigoureux que l’ordonnance de i n3 5 . Cette citation nou
velle, ces réflexions sur les erreurs de date le font voir assez clairement.
Après avoir établi que l’erreur de date ne détruisait point la force d’un tes
tament, faisons quelques objections possibles et même en partie prévues par
les deux jurisconsultes dont les consultations nous ont été communiquées.
On a cité l’ arrêt de la Cour de Rouen dans l’affaire du testament de l’abbé
Lalou. Ce testateur était décédé le 5 mars 18 2 8 , et le testament était daté du
i cr avril suivant. La Cour de Rouen a reconnu 1 erreur, et cela n’était pas
contestable. Elle regardait bien comme certaine et suffisamment exprimée lu
date du quantième du mois, le premier. Mais de quel mois? Ce n’était pas
avril, ce n’était pas janvier, mais c’était février ou mars. Lequel des deux?
Elle n’a pas osé choisir, et a laissé tomber le testament.
Diverses réflexions se présentent ici à l'esprit. C ’est qu on trouve dans cet
arrêt une espèce de timidité qui contraste avec l’ensemble des arrêts, qui
contraste avec le zèle des lois romaines à venir au secours des testateurs pour
assurer leurs dernières volontés.
�— \h —
L e parlement de Paris nous semble avoir été bien moins timide, el surtout
bien plus sage, lorsqu’il a, parson arrêt de Grand’Chambre du 28 juin ]6 7 8 }
déclaré valable un testament daté du trentième de l’année 16 7 6 , et ce con
formément aux conclusions de l’avocat général T alo n , jurisconsulte si émi
nemment sage lui-même. Y . R icard , n° 1 555 , p. 3 0 2 .------- E l cependant la
jurisprudence de ce parlement était lixée sur la nécessité de la dale. Cette ju
risprudence était son ouvrage.
Mais aussi il ne faut pas perdre de vue que chaque espèce a ses circonstances
particulières et distinctives , circonstances que ne peuvent pas apprécier ceux
qui n’ont pas connu le fond de 1 affaire.
On doil en dire amant de l ’ a r r ê t de la Cour de Bourges, rendu dans l'inté
rêt de la dame Lhomme. Celle Cour avait déclaré nul un testament olographe
de ia demoiselle Grangier, portant la date du 29 mai 18 2 7 , dans lequel on
trouvait une clause qui révoquait un testament reçu par notaire, en dale du
•>.3 mars 1828. Une circonstance compliquait encore l aüaire, on 11e trouvait
pas de teslament daté du 9^-mars 18 2 8 , mais bien un testament du 2b m ars,
Inême année.
™
Quelle était la qualité de la dame Lhomme dans l’affaire? Larrêtiste qui
rapporte assez obscurément les faits, dit seulement qu’elle était héritière na
turelle. Cependant la demoiselle Grangier testatrice, avait institué ses neveux
qui étaient bien ses héritiers puisqu'elle n’élait pas mariée. Quoiqu’il en soit
le testament fut déclaré nul.
Mais nous remarquerons à ce sujet, i° qu'un ou deux a r r ê t s i s o l é s ne peu
vent balancer les monumens nombreux, constaris, persévérans, de la jurispru
dence appuyés de la doctrine des auteurs; a° que certaines affaires, nous ne
peravons trop le répéter, ont des particularités qui leur sont propres, et qui
déterminent la décision ; circonstances apperçues par les juges qui ont connu
intimement l ’affaire, circonstances qui, dans des vues d’équité, appellent une
solution particulière; s i , par exemple, des enfans réclamaient; si u n légataire à
]» connaissance des juges était peu digne; si des faits de suggestion trop certains
ne pouvaient sans inconvénient être articulés.
Nous avons rapporté plus haut une espèce qui a beaucoup d’analogie avec
le testament de la demoiselle G rangier, l’affaire Dandigné dans laquelle la
Cour de Paris déclara le testament valable. Peut-être que dans cette affaire
la (.our de Bourges eut jugé comme celle de Paris.
5 (> fe.nfin, nous remarquerons que la C o u r suprême s abstient avec grande
raison <le s’immiscer dans 1 appréciation des laits. Outre que, ce serait juger le
fond f ce qui n’est pas dans ses attributions, elle n’est pas placée dans une posi-
�tion, où elle puisse les évaluer, et aussi elle laisse les Cours et Tribunaux
décider en fait que les conditions sont remplies.
Passons à une autre objection:
On a cité l’avis de Dumoulin q u i, dans l’affaire du testament de M. G il
bert, conseiller au Parlement de P a ris, fut d’avis, que le testament daté du
mois d’octobre j 546' était n u l, le testateur étant décédé le 9 du mois d’août.
Non intendebat, disait Dumoulin, non intendebat antea testai'i. Nous avons
toujours va avec quelque surprise, l’opinion émise, en cette circonstance,
parce grand jurisconsulte. Non intendebat! Comment Dumoulin avait-il
connaissance de l’intention? sa décision ici était bien évidemment conjec
turale et hasardée. Ce n’était que sur des conjectures et des présomptions qu’il
établissait son opinion. Sans doute, ce testament d’un conseiller au P arle
ment, offrait, un l'ait bien singulier dans la date. Mais à conjecture 011 pouvait
opposer co n je ctu re ,p réso m p tio n , présomption. Quand un homme écrit son
testament, qu’il d it: je donne, j e lègue, ne peut-on pas présumer aussi
qu’il exprime ses volontés, ses intentions? Mais pourquoi cette date? C ’est là
la difficulté. S i , pour la résoudre, on dit qu’il n’avait pas Vintention de
tester, nous !e répétons , on ne parle que par conjectures. L e tout au surplus
dépend des circonstances, et c est aux juges à examiner si la date est le ré
sultat de l’inadvertance ou de l'intention calculée.
La sagesse d’un si grand nombre de bons esprits, la faveur, le respect ma
nifesté par les lois romaines, par les arrêts, par les auteurs, pour les testa-
mens, doit être réputé une règle dictée par la raison même ; surtout lorsque ,
comme dans le testament olographe, ouvrage d’un seul, une erreur peut faci
lement se glisser dans la rédaction.
A u surplus, sans nous embarrasser dans les conjectures et les présomptions
sur une affaire qui remonte à deux siècles, et dont les circonstances particu
lières purent être connues de Dumoulin, nous dirons seulement qu'on ne peut
faire de sa décision, dans cette occurrence, une règle générale applicable à
tous les cas. Encore une fois cela dépend des circonstances que les juges peuveut et doivent apprécier.
Nous ajoutons qu’il serait à jamais impossible d’en faire,sous aucun rapport
l’application au testament du sieur Guyot. On ne pourrait sérieusement dire
de ce dernier qu’il n’a pas eu l’intention de disposer par un testament, dont
l a date n’est postérieure que de cinq jours à son décès.
Le sieur G u yo t avait déjà fait un précédent testament par devant notaires,
et il avait déjà donné u sa femme l’usufruit de tous ses biens. Dans le testa
ment olographe il renouvelle ce legs. Son épouse est l’objet de son attention
rh
�particulière. Il a soin de régler toutes choses de manière à la délivrer de
tout embarras. Il la dispense de donner caution , il la dispense d’un in
ventaire. Ses parens, ses légataires doivent s’en rapporter à cetle épouse qui
ne peut, d it-il, faire qu’un bon usage de ce qu’elle possède. Il suffît de lire le
premier article du testament pour voir que son épouse élait l’objet de sa solli
citude, de ses affections et de sa haute estime. Après l’avoir exprime dans le
testament, il ajoute une clause qui, en lui donnant les moyens de vendre, prouve
jusqu’à quel point il songeait à éviter des embarras de gestion à sa respec
table veuve. Et s il fallait s’en rapporter aux suffrages de ses concitoyens pour
savoir combien les affections du testateur étaient justifiées par les vertus de son
épouse, nous ne craignons pas de le dire, la ville entière de Saint-Amand n’au
rait en cela qu’une v o ix ; et nous n hésiterions pas de faire dépendre le sort du
testament d’un seul vote contraire, tant nous sommes sur de l’unanimité des
suffrages.
i
O h! ce n’est pas ici que l’ intention du testateur est douteuse, il y a erreur
dans la date sans doute, dans l’énonciation de l’année, mais il n’y a qu’erreur,
et la volonté est par trop évidente ; et celui des héritiers qui voudrait nier
cette volonté, mentirait à sa propre conscience.
Mais comment rectifier l’erreur ?
C ’est ce qui nous reste à examiner, et c’est dans le testament même que nous
trouverons les moyens de rectilication.
En effet il porte encore visiblement les traces d’une autre date que le dona
teur, persévérant dans ses intentions d avantager ses légataires, a voulu ra
fraîch ir. On voit clairement que ce testament porte la date primitive du pre
mier janvier mil huit cent vingt sept. Le testateur au premier janvier a substitué
premier octobre.Il avait surchargé janvier en écrivant octobre; puis il a écrit
séparément, premier octobre en toutes lettres. Il ne s’élève aucune difficulté
sur la date du mois et du quantième, sur les mots premier octobre, 11 a efface'
le mot sept , encore très-lisible, et il a écrit neuf, changeant l’année 1827 en
l’année 1829. Il a approuvé la rature de sept et les mots premier octobre mil
huit cent vingt-neuf. Mais le testament existait avant le 1 er octobre 1829,
puisque le testateur était décédé quelques jours avant, savoir le «6 septembre.
C’est sur l’année seule que porte l’erreur. Cela posé et partant de ce point de
fait que les mots de mois, et de quantième ne présentent pas de difficulté, on
doit dire : voila trois années qui se présentent, 18 2 7 , 1828, 1829, ce n’est pas
1827 qu’il faut prendre, le testateur a effacé le mot sept et renouvelé la date; ce
n’est pas 1829 > cela par la force et la nature des choses, il élait décédé; resle
donc i8p8, et cela,sans prendre des documens ailleurs que dans le testament.
�T elle était notre manière de voir et nous n’éprouvions en cela aucun doute,
lorsque nous avons eu connaissance de l'espèce suivante q u ia la plus grandeanalogie avec la notre.
L e sieur Ducoudray décède le 2 avril 1829. On présente un testament, olo
graphe portant la date du 1 er mai 1827, qui instituait pour légataire un parent
éloigné. Ce testament était écrit sur une feuille de papier timbré qui n’ avait
paru qu’en janvier 18 28 .
L a sœur du testateur attaque le testament comme portant une date finisse.
Jugement qui déclare le testament valable. Arrêt confirmatif de la Cour de
Caen en date du 1 1 décembre i 83 o. Voici les motifs principaux. — Consi
dérant que le testament est écrit sur du papier qui n’a été mis en circulation
qu’en janvier 1828. — Qu’ il en résulte évidemment que le testament n’a pas
été fait le i ermai 1 8 2 7 , date mentionnée par le testateur, mais que rien ne
prouve que cette erreur de sa part ait été fa ite dans une intention fr a u
duleuse , et qu’on doit penser au contraire quelle Va été involontairement :
— Que cette erreur ne peut cependant être rectifiée, qu’autant qu’011 trouve
dans le testament les moyens de reconnaître sa vraie date, — Que l'erreur ne
porte que sur Vannée , et que toutes les autres énonciations conservant toute
leur force, il en résulte qu’il aété fait au i el m ai.— Que le timbre qui prouve
l'erreur relative à Vannée établit en même temps que le testament n’a pas été
fait avant 1 8 2 8 ; et que Ducoudrai est décédé le 2 avril 1829. — Considérant
que le testament qui n’ a pu être fait avant 18 2 8 , et qui n’a pu Vôtre après Je
2 avril 1 8 2 9 , ayant été fait au i or mai, ainsi que le testament le constate, a
nécessairement pour vraie date le 1 e1 mai 18 2 8 , puisque le testateur n’a pas
vécu un autre premiei mai, depuis que le papier dont il s’est servi a été mis
en circulation.
C ’est par un raisonnement assez semblable que nous disons : la date du i rl
octobre est incontestable, mais ce n’est pas le
octobre 18 2 7 ; le testa
teur qui avait fait son testament le 1 " janvier 1 8 2 7 , qui depuis a rafraîchi la
date, a rayé le mot sept; ce n’est pas le i <:‘ octobre 18 2 9 , il était décédé le 26
septembre précédent, reste donc le premier octobre 1828.
Dans l’affaire D u coudray, on s’est pourvu en cassation contre l'arrêt de la
Cour de Caen. On présentait pour moyen que le papier timbré , chose maté
rielle et extrinsèque ne pouvait servir à la correction de la date.
La Cour de cassation par arrêt du 1 ' r mars i 8 5 2 , a rejeté le pourvoi.
L a Cour attendu que l ’erreur de date ne vicie pas le testament, lorsque»,
comme dans 1 espèce, les juges ont reconnu qu’e l l k ¿ t a r i ’ i n v o lo n t a i r e - —
Oue c’est dans lacté meme qu ils ont trouvé les élémens de sa rectification.
�puisque le timbre de la feuille sur laquelle le testament a été écrit, et qui faisait
corps avec e lle , n’ayant élé mis en circulalion que le i or janvier 18 2 8 , il
était impossible que le testament eut été fa it, comme il apparaissait le i er mai
1827.
Que, d’un antre coté, le testateur étpnt décédé le 2 avril 1 8 2 9 , il était
de nécessité que le i er mai 1 8 2 8 , ainsi resserré entre les deux espaces de
temps , de la confection de l’acte à la m ort, fût la vraie date du testament ;
qu’en le déclarant ainsi par la force d’une preuve physique et légale , et en
validant le testament, la Cour royale de Caen s’est conformée aux principes
de la matière , et n’a violé aucune loi. Rejette. »
Nous voyons encore en tête de cet arrêt la maxime constante que l’erreur
de date ne vicie p as, lorsqu’elle est involontaire; et nous croyons avoir am
plement établi que M. Guyot ne pouvait avoir eu l’intention d’inscrire une
date fausse dans son testament; à moins que pour pousser les conjectures jus
qu’à l’absurde, on s’avise de dire qu’il avait donné à son teslament la date du
premier octobre 18 2 9 , sachant bien qu’il n’irait pas jusques là , et qu’il mour
rait cinq jours avan t; en sorte que toutes les marques de sollicitude, de ten
dresse qu’ il donnait à sa respectable épouse n’étaient qu’une espèce d ironie.
Cela a-t-il besoin de réfutation?
M ais, ajoutera-t-on, le testateur a peut-être voulu faire un legs conditionnel,
et dire: si je vis jusqu’à cette époque, jusqu’au j er octobre, j ’entends donner.
Nous répondrons, i° qu’il n’y a aucune apparence que l’époque du i et oc
tobre 1 8 2 g , ait pu, en façon quelconque, influer sur sa détermination. Ce
serait un jeu d’imagination qu’on ne peut raisonnablement admettre dans le
testateur, non prœsumitur luderc.
Mais, en second lieu, s’ il eut voulu faire un legs conditionnel, il était
libre de le d ire ; il lui était possible, facile et très facile de l’exprim er, et
lorsque le testateur n’a point exprimé une condition , qu’il lui était très facile
d'énoncer, il nous semble contraire aux règles d’une bonne logique de con
clure qu'il a voulu faire un legs conditionnel. Il est bien plus conforme à Ja
raison et au bon sens de dire qu’il s’est trompé dans la date; surtout lorsque
lont concourt à écarter l’idée d’une condition. Nous avons parlé plus haut de
l';iflaire Dan,boise, où la testatrice avait par erreur écrit 179^ au lieu de
j 8 i 3 . f'.lle l’avait ainsi écrit sur trois exemplaires ; et il était plus diilieile
du substituer 1 81 5 à 17 9 ^ , que de substituer dans notre espèce 1828 ù i82<).
Et de plus, que l'on considère quels sont les légataires. C ’est M“* Penissat,
cousine germaine du testateur, amie intime de la respectable veuve et sa
commensale depuis le décès, ensuite la sœur de cotte Du* Penissat, aussi
�cousine germaine par conséquent ; enfin , M . Penissat , également cousin
germain, et q u i, en sa qualité de père de famille , reçoit davantage. L e testaleur n’a pas de frère. La proche parenté, l’intimité, tout annonce que le testateur
a a"i avec réflexion et discernement, et c’ est ici le cas, ou jam ais, d’appliquer
à un testament, en cas de difficulté, la maxime Mcigis valeat quant pereat.
En un m ot, nous avons prouvé par les circonstances, les énonciations,
tout ce qui constitue ce testament, que les dispositions qu’il contient étaient
bien volontaires, bien sérieuses, bien réelles, et par là même nous avons
prouvé que linexactitude de la date était involontaire. S’il faut prouver que
la date est erronée, nous l’avons fait.
Mais la chose considérée sous un autre point de vne , qu’y gagneraient les
adversaires? Si la date nouvelle était nulle, l’autre qui est très visible, facile
même à lire , malgré la surcharge, et la rature , qui est aussi une surcharge,
cotte antre datç resterait seule. Nous citions plus haut M. G renier, qui dit
qu'une date surchargée n’annule pas un testament olographe. En conséquence,
la date qui reste visible, malgré la rature, doit être au besoin regardée comme
valable.
On objectera peut-être que le testateur, en raturant le mot sept a approuvé
cette ratu re; mais cette clause, par laquelle il approuve la ratu re, la sur
charge 7 et la nouvelle date du i cr octobre, cette clause, dans le système de
ceux qui feraient l'objection , manque de date, s’il faut regarder la nouvelle
da'e comme n u lle, et par là même elle ne peut produire aucun effet. Quod
nullum e st, nullum producit effeclurn.
Mais nous croyons plus vrai de dire que la date du i er octobre est véri
table , que l’indication de l’ année est seule erronée , mais facile à rectifier.
Un sentiment d’équité, de justice, maintiendra une volonté aussi claire
m ent, aussi positivement manifestée que celle du sieur G u y o l, et les moyens
ne manqueront pas. La jurisprudence, la doctrine des auteurs, 1 esprit de la
loi bien entendue , ont tiacé la roule et indiqué la décision.
Nous avons établi qu’ une erreur de date involontaire ne peut vicier un
testament. Nous l’avons établi par le sentiment des auteurs anciens et mo
dernes, en cela tout à fait conforme à l’esprit des lois romaines; nous lavons
établi par les nombreux monumens de la jurisprudence, et avant et depuis
le Code civil. Nous avons cité les raisonnemens de jurisconsultes d’un grand
poids , et nous nous sommes appuyés de leurs suffrages.
Nous avons réfuté les inductions qu’on pourrait tirer d’arrêts rares, isolés,
et d’esnèces dont les faits net aie rît pas suffisamment connus.
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JÏ-4U
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20
—
Nous avons fait voir qu e, dans notre espèce,l’intention du testateur n’était
pas équivoque, qu’il n’avait commis qu’une erreur bien involontaire.
Nous avons montré comment cette erreur pouvait être rectiûée par les
documens puisés dans le testament.
Nous avons enfin fait voir que si la date récente devait être regardée comme
nulle , l’autre date restait seule au testament.
Qu’ainsi, sous tous les rapports, le testament devait être regardé comme
valable.
Nous ne pouvons que persévérer dans l’opinion que nous avons émise.
Délibéré à P aris, le 4 mai i 855 -
Sign é R E G N IE R .
PA RD ESSU S.
H E N N E Q U IN .
P A R Q U IN .
P h . D U PIN .
D U V E R G IE R .
Un jugement du tribunal de Clermont a déclaré le testament valable.
i m p r i m e r i e d e j. g h a t i o t ,
Hue du iuio Saint-J.ic(]urs, maUun J» la Reine BUnolie.
�
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Factums fonds privés
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Title
A name given to the resource
[Factum. Guyot. 1855]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Regnier
Pardessus
Hennequin
Parquin
Ph. Dupin
Duvergier
Subject
The topic of the resource
testaments
nullité
droit romain
coutume
droit intermédiaire
doctrine
testament olographe
jurisprudence
Description
An account of the resource
Consultation sur la validité d’un testament olographe fait par M. Guyot au profit de son épouse, de M. Pénissat, son cousin germain et des sœurs de ce dernier
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Gratiot (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1855
1828-1855
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
1848-1852 : 2nde République
1852-1870 : 2nd Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV06
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Amant-Tallende (63315)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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coutume
doctrine
droit intermédiaire
droit Romain
jurisprudence
nullité
Testament olographe
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53540/BCU_Factums_G2703.pdf
073a835568bcd39b3efa5ba4e51e2d8c
PDF Text
Text
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CONSULTATIONS
POUR
M. GEORGES ONSLOW
CONTRE
MM. ONSLOW
p u în é s .
L e s a n c ie n s a v o c a t s s o u s s ig n é s ,
V u le mémoire à consulter, et les actes et pièces qui y sont re
latés ,
#
V u aussi une consultation délibérée à Riom le 16 février der
nier,
S o n t d ’ a v i s de ce qui suit sur les questions proposées. Ces
questions ont principalement pour objet de fixer les droits qui ap
partiennent à M . Georges Onslow, sur les biens qu’Edouard
Onslow, son père, possédait, soit en Angleterre, soit en France,
au moyen des donations que son père lui a faites de ces deux
natures d immeubles ; et pour se fixer sur la solution de c e s ques
tions, il faut d abord retracer ce qui résulte des actes.
M. Edouard Onslow , fils cadet du comte Georges Onslow, pair
d'Angleterre, s’était marié en France en 1783 , avec une Française;
il avait continué à résider en France jusqu’en 1798, époque à la-
�I^ %
•" • «
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*•
( 2 )
quelle il fut obligé de sortir de France, comme sujet anglais, en
vertu d’un arrêté du Directoire.
D ’un autre côté, depuis l’état de guerre, il était interdit aux
sujets de l’Angleterre de résider volontairement en France, ou
dans les pays alliés à la France, à moins d’en avoir obtenu la per
mission du roi d ’Angleterre. M . Edouard Onslow obtint cette
permission le 2 octobre 1798, et c ’est en vertu de cette permis
sion du roi Georges qu’il a résidé en France, où il est d écéd é,
en 182g.
Quatre fils sont nés, en France, de ce mariage.
E n 1808, M . Georges Onslow l’aîné a épousé M "' de Fontanges.
Par son contrat de mariage, du 12 juillet 1808, son père lui a
fait donation , i°. de deux immeubles qu’il avait acquis en France ,
savoir: une maison située à Clermont-Ferrand, et la terre de
Chalendrat; 2°. de la nue propriété de la terre de Lillingslon, si
tuée en A n g le te rre , avec tous les meubles en dépendant, dont il
s’est réservé l’usufruit : le père a de plus réservé de disposer sur
cet immeuble d’Angleterre, de telles sommes qu’il jugerait i pro
pos, mais de manière que son fils eût, dans les biens donnés, un
revenu de 20,000 fr. net, avec stipulation que si le revenu était
moindre, le fils le compléterait en retenant en scs mains sommes
suffisantes, et q u e , s’il se trouve un excédant de valeur, son porc
lui en fait donation.
Un autre fils, Gabriel-Amable O nslow , ayant été marié de même
en France, son père lui a constitué en dot une somme de 180,000 fr ,
savoir: celle de Co,ooofr., à prendre sur les 180,000 fr. qui lui étaient
dus par lord Thomas O nslow , pair d’Angleterre, son frère, pour
ses droits légitimâmes dans la succession de leurs père et mère,
et 120,000 fr. à prendre sur la terre de Lillingslon; et attendu
que cette terre avait été donnée au fils aîné, sous la réserve de
disposer de certaines sommes, ce don de 120,000 fr. a été fait de
�/ V
(3 )
l'agrément de Georges Onslow, qui s’est obligé, en son nom propre
et privé, de le faire valoir sur la terre de Lillingston, jusqu à con
currence de ladite somme de 120,000 fr. en capital.
Depuis, la terre de Lillingston a été vendue sous le nom
d’Edouard Onslow, par acte passé en Angleterre le 21 juin 1S24,
moyennant la somme de 84o,ooo fr., qui a été versée entre ses
mains.
11 résulte d’un acte postérieur, que le père a payé de son vivant,
à chacun de ses quatre (ils, diverses sommes, en imputation des
dons qu’il avait faits au« deux premiers, et qu’il se proposait de
faire aux deux autres.
C e t acte a été passé devant notaires, à Clermont-Ferrand , le
11 avril 1828, entre Edouard Onslow et ses quatre fils.
Edouard Onslow y reconnaît qu’il a reçu le prix de la terre de
Lillingston , ainsi que tout ce qui lui était dû par son frère aîné,
pour ses droits légitimaires.
Il y dé (’laroque son intention a toujours été de faire à chacun de
ses trois fils puînés le même avantage de 180,000 fr ., qu’il avait
assure a 1 un d eux par son contrat de mariage de 1819.
Il déclare, en même temps, l’intention où il a toujours été que
son fils aîné demeurât propriétaire définitif du surplus de sa for
tune, conformément aux dispositions de son contrat de mariage,
et d’après les lois anglaises , auxquelles se trouvent soumis les biens
d’Angleterre.
11 a été fait ensuite une distribution anticipée de l’actif qui ap
partenait ou qui avait appartenu au père.
A cet eiIet,on a formé une masse, qui se compose de tout ce
qu il avait donné à son fils aîne , et de tout ce que ses autres fils
avaient déjà reçu en imputation sur leur légitime. Cette masse
s’élève h 1 ,1 55 ,000 fr ., et il faut observer que les deux immeubles
situés en France, n’y sont compris ensemble que pour 200,000 fr.,
en sorte que les g 55 ,ooo fr. de surplus représentent le prix de la
�C i)
terre Je Lillingston, et le remboursement fait par lord Onslow üc
son frère Edouard de ses droits légitimaires.
Sur la masse totale de i , i 55,000 fr., on prélève 54 o,ooofr. pour
les trois légitimes de 180,000 fr. chacune, assignées aux trois puî
nés, en sorte que la valeur des donations faites à l’aîné ne montent
qu’à G15 ,ooo fr.
Ceci posé j le fils aîné est reconnu par ses trois frères comme
ayant la nue propriété des deux immeubles situés en France; plus
de 25 o,ooo fr. qui lui ont été remis par son père, et de 7,000 fr.
de rente, au capital de i/(.o,ooo f r . , à prendre dans une inscrip
tion plus forte de 5 p. 0/0 sur l ’état.
E t l ’on attribue ensuite à chacun des trois frères, les valeursd’actif qui doivent leur compléter les 180,000 fr.
Toutes ces conventions sont arrêtées à titre de pacte de famille»
que toutes les parties s’obligent d’exéeuler de bonne foi.
Long-temps avant son décès, Edouard Onslow avait fait un tes
tament olographe, sous la date du 24 décembre 1811.
Il donnait par cet acte, à ses trois fils puînés, i 5 ,ooo liv. ster
ling , ou 060,000 fr. argent de F ra n c e , qui lui restaient encore dus
par lord Onslow, son frère, pour ses.droits légitimaires, et il char
geait son fils aîné de-payer à chacun de ses frères, 60,000 f r . ,
pour parfaire la légitime qu’il avait l ’intention de leur laisser de
1.80,000 fr. à chacun d’eu x; mais, à l’égard de celte augmenta
tion de légitime, il y mettait cette condition :
« J’entends et je déclare de la manière la plus positive, que la» dite somme ne leur sera payée qu’au seul cas où ils renonce» ront absolument à toute espèce de droit sur aucune portion de
» mes biens en France, et qu’ils laisseront leur frère aîhé, Georges
» O nslow , seul propriétaire de mesdits biens en France. »
T e l est l ’é la fd a n s lequel se présentent les questions sur les
quelles le conseil est appelé à donner son avis.
Dans le système de la consultation délibérée à R io m , M . Edouard
�( 5 )
On slow aurait renoncé à sa qualité de s u j e t cl Angleterre; il serait
devenu et serait décédé Français ; sà succession devait elre partagée
suivant la loi française; les immeubles d’Angleterre donnés au fils
aîné ayant été mobilisés, doivent être partagés comme Liens de
F rance; en les supposant même propriétés anglaises, M . Georges
Onslow ne pourrait prendre part aux biens de France, qu’en fai
sant rapport à la succession de cette valeur mobilière; d’où l’on
conclut que, sur la totalité de l’actif ayant appartenu au père com
mun, le fils aîné ne peut avoir que son quart précipuaire et sa
portion héréditaire dans la réserve des trois autres quarts , et
qu'ainsi les trois frères puînés ne peuvent être réduits à la légitime
de 180,000 f r . , qui leur a été assignée par le pacte de famille du
11 avril 1828.
L e conseil estime que ce système est fondé sur des basçs ab
solument inexactes. Il pense d’abord q u ’Édouard Onslow n ’est
point devenu Français, qu’il est décédé sujet d’Angleterre, qu’ainsi
sa succession est régie par la loi anglaise, et que la loi de France
ne peut recevoir effet que sur les immeubles situés en France;
il pense aussi que, dans le cas même où Edouard Onslow devrait
être considéré comme Français, le prix d e là terre de Lillingston
appartiendrait exclusivement à M. Georges Onslow, sauf les char
ges dont il a été grevé.
L ’établissement de ces deux propositions satisfera aux princi
pales questions du mémoire. L e conseil s’expliquera ensuite sur
quelques autres questions accessoires,
§ I".
Edouard Onslow est décédé sujet de VAngleterre ; sa succession
est régie par les lois anglaises, s a u f les immeubles situés en France.
«
Il est vrai qu’Edouard Onslow résidait en France dès avant
1790 ; qu’en 1780, il a épouse une Française ; mais ce n’est pas
�une raison pour qu’on puisse lui appliquer la loi du 3o avril ou
2 mai 1790. Cette lo i, en déclarant que les étrangers seront ré
putés Français apics cinq ans de résidence, s’ils remplissent telles
ou telles conditions, n’a pu avoir d’autre effet que celui d’attribuer
aux étrangers la faculté de devenir Français, s’il leur convenait de
profiler du bénéfice de la loi, et l ’impélralion de ce bénéfice était
attachée à la prestation du serment civique.
Abdiquer sa patrie pour en adopter une autre, est certainement
un des actes qui ne peuvent être produits que par le consentement
formel d’une libre volonté. 11 n’a pas suffi que la loi du 3 o avril 1790
ait dit aux étrangers : Vous serez réputés Français si, après cinq
ans de domicile en F rance, vous avez en outre acquis des immeu
bles, ou épousé une Française; il a fallu que les étrangers qui ont
voulu êlre en effet réputés Français, en vertu de celte loi, expri
massent la volonté qu’ils avaient de le devenir. Cette loi était une
faculté de naturalisation générale, ouverte à tous les étrangers;
muis la naturalisation est un véritable contrat entre le gouvernement
qui adopte et l’étranger adopté; ce contrat, comme tous les autres,
exige un consentement réciproque, lequel ne peut résulter que
d’actes positifs; le bénéfice général de cette loi de 1790 ne pou
vait s’appliquer réellement qu’aux individus qui en auraient récla
mé et accepté la faveur.
Et c ’est ce que cette loi reconnaissait bien positivement; car
elle n ’appliquait elle-même le bénéfice de la naturalisation , qu’à
ceux des étrangers qui auraient prêté le serment civique. C ’est ce
qui résulte clairement de son texte : « Seront réputés Français,
» et admis, en prêtant le serment civ iq u e, à l’exercice des droits
t de citoyens actifs, après cinq ans de domicile continu dans le
» royaume , s ils ont en outretou acquis des immeubles, ou épousé
» une Française. »
•
Il est bien évident que le serment civique était ici la première
condition impose'c par la loi à l ’étranger qui voulait être réputé
�(
7 )
Français; les autres conditions du domicile de cinq ans , d avoir
épousé uneFrança^ e, ne sont que les conditions accessoires, exi
gées pour être admis à la prestation du serment, et par conséquent
toutes subordonnées à cet acte d’acceptation; ce qui est explique
clairement par les mots en outre.
Mais nous savons que , dans la célèbre affaire du divorce de MacMahon, M . Merlin s’est efforcé d’établir que Mac-Mahon devait
être réputé Français, sans qu’il eût besoin de prêter ce serment
civique. C e serment n’était nécessaire , disait-il, que pour exercer
les droits politiques, et l’on pouvait être Français sans être capable
d ’exercer ces droits. O u i , pour les naturels français qui ne cessaient
pas de l’être , pour n’être point investis des droits politiques; mais
pour l’étranger, c ’était le consentement, l acceptation du contrat,
c ’était le serment de fidélité que l’étranger naturalisé doit à sa nou
velle patrie.
L a consultation de Riom ne fait que reproduire à cet égard la doctrinede M . Merlin; mais cette doctrine était manifestement erronée.
C est mal à propos , en effet, qu’il supposait à cette loi de 1790 deux
objets différens ; i°. celui de déterminer les conditions imposées à l’é
tranger pour devenir Français; 20. celui de fixer les conditions re
quises de l’étranger pour être admis à exercer les droits de citoyen
actif. Si tel eûtété l'objet de la lo i , elle ne seserait pas bornée, pour
ce qui concerne les conditions exigées de l’étranger pour être ci
toyen a ctif, à énoncer seulement la prestation du sermenteivique;
elle eût rappelé toutes les autres conditions prescrites pour l’exer
cice des droits politiques. L e serment civique n ’était pas la seule
condition , ainsi que le suppose M . Merlin. Les lois en vigueur de
cette époque, et notamment le décret relatif aux assemblées pri
maires et administratives , prescrivaient des c o n d i t i o n s au nombre
de cinq. Les français n’étaient certainement pas soumis à un plus
grand nombre de conditions que ne l’aurait été l’étranger natura
lisé. L a loi de 1790 ne renferme donc pas, comme l’a soutenu
�( 8 )
M . Merlin , les conditions nécessaires pour devenir citoyen actif,
mais seulement pour être réputé citoyen fraisais; son objet était
d ’ailleurs déterminé par son titre, ainsi conçu : « L ’assemblée na» tionale1 voulant prévenir les difficultés qui s’élèvent au sujet
» des conditions requises pour devenir Français. »
Observons encore que la disposition de la loi de 1790 se trouve
reproduite telle qu’elle doit être entendue dans la constitution de
17 9 1, qui porte, art. 5 : « C e u x q u i, nés hors du royaume de
a parens étrangers résidant en F ra n c e , deviennent citoyens fran» çais après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils
*> y ont, en outre, acquis des immeubles, ou épousé une Fran•> çaise , ou formé un établissement d’agriculture ou de commerce,
« et s ’ils ont prêté le serment civique. » On voit donc qu’en 1790,
comme en 1 7 9 1 , le serment civique était imposé à l’étranger,
comme formant le lien qui devait l’unir à la F r m c c , comme ma
nifestation de la volonté de devenir Fiançais.
Aussi la doctrine de M . Merlin n’a-t-elle été adoptée par aucune
des Cours qui ont été successivement appelées ¿connaître du procès
relatif au divorce de Mac-Mahon.
Mac-Mahon , Irlandais et sujet du roi d’Angleterre, était depuis
1782 au service de France, dans le régiment irlandais. En 1789,
il avait épousé une Frai çaise , -en réglant les conventions civiles
de son mariage conformément aux lois françaises. D e retour en
F rance, en 1 7 9 1 , il y était resté jusqu’au mois de mai 1792»
époque à laquelle il prit à Toulouse un passe-port comme étranger.
Après cinq ans d’absence, sa femme fit prononcer le ilivorec, et
de retour en France, en l’an 1 1 , son mari en demanda la nullité,
en se fondant sur sa qu ilité d <tranger, auquel la loi française sur
le divorce ne pouvait être appliquée. C e fut celle qualité d’étran
ger que M. M e rlin , comme procureur général à la Cour de cas»
.salion, s’efforça de combattre , et contre laquelle il établit son sys¿è/ujc de Baiuj-alisajjon obligée, en vprLu (Je la loi du
3 o Avril J790,
�( 9 )
sans qu’il fût besoin de prêter le serment civique ; mais, comme
nous venons de le dire, ce système n ’a point été admis, et meme
il a été unanimement rejeté.
\
L e jugement de première instance avait déclaré Mac-Mahon
non recevable; nous ignorons par quel motif. La Cour d’appel ré
forma ce jugement, et annula le divorce. Mais, en reconnaissant
formellement par ses motifs que Mac-Mahon était demeuré étran
ger, elle déclara que , quoiqu’il fût étranger, attendu qu’il avait
contracté mariage avec une Française sur le territoire français, le
pacte nuptial devait être régi par les lois françaises, et elle fit ré
sulter le moyen de nullité du défaut d'absence pendant cinq ans.
C e t arrêt fut annulé par la Cour de cassation, le 5 o prairial an 1 5 .
Cette Cour reconnut, ainsi que celle de Paris, que Mac-Mahon,
quoiqu’étranger, s’était soumis aux lois et aux tribunaux français ,
pour ce qui concernait son mariage; mais elle jugea que la Cour
de Paris avait contrevenu à la loi sur le divorce , en décidant que,
par rapport à la femme , il n’y avait point absence de cinq ans.
Sur le renvoi devant la Cour d’Orléans, cette Cour déclara aussi,
comme celle de Paris, que Mac-M ahon était demeuré étranger;
mais , par une conséquence contraire à l’arrêt de la Cour de Paris,
elle jugea que le pacte matrimonial avait été régi par les lois étran
gère^ et non par la loi française. Cet arrêt fut encore cassé ; et tou
jours insistant sur ce que lepacte matrimonial devait être considéré
comme régi par la loi française, la Cour de cassation déclara , dans
les motifs de ce second a r r ê t , que la loi du 26 germinal an 11,
prohibitive de tous recours contre les divorces antérieurement pro
noncés , devait être considérée comme une véritable loi de police
générale, qui assujettit indirectement à son empire tous les indi
vidus Français ou étrangers résidant sur le territoire français.
Enfin , la Cour de Dijon , saisie par un second renvoi, mit fin
à la controverse, en adoptant la fin de non-reccvoir, qui résujtait
de la loi du 2G germinal an 11. On trouve cetc série d’arrêts rap2
�^
*
c 10 y
portée dans le long article concernant le divorce Mac-Maüon
a u Répertoire de jurisprudence, au mot Divorce , tome 5 , depuisla pag. 7G2 jusqu’à 80.4..
O n voit donc que deux C ours, celles de Paris et d’Orléans, ont
formellement reconnu qne M ac-M ahon était demeuré étranger
nonobstant la loi du 3 o avril 1790, et que la Cour de cassation a
également reconnu que celte loi ne pouvait être appliquée à MacMahon. On voit que si le divorce a été annulé, c’est parce queM ac - Mahon devait être réputé soumis, à la loi du divorce en
vertu même de son pacte matrimonial..
11 est vrai que par arrêt du 27 avril 1 8 1 g , relatif au testament
du prince d H énain, la section des requêtes de la Cour de cassa
tion a exprimé en motif qu’un étranger avait pu devenir Français
sans avoir prêté le serment c iv iq u e , et elle a rejeté le pourvoi
contre un arrêt de la Cour royale de Paris, qui avait jugé que le
prince dTIénain était mort Français, et que ce fait résultait de tousles actes de sa vie tant publique que privée. (D en evcrs, année
18 19 , page 297.)
Mais cet arrêt 11e contredit ni la doctrine que nous venona
d’exposer, ni les précédons arrêts dans l'affaire Mac-Mahon, par.
lesquels elle a été unanimement consacrée. Un étranger a pu
sans doute accepter le bénéfice do la loi du 00 avril 1790 * par
d’autres actes d’acquiescement non moins probatifs que celui du
serment civique. Voilà tout ce qui a été reconnu en fait, pour leprince d’Hénain, qui,, depuis sa tendre enfance , avait habité la
France avec sa mère, Française, qui avait obtenu du roi de France
des lettres de bénéfice d’âge; qui, depuis 1-774» était capitaine
des gardos de ¡Monsieur le comte d’Artois, aujourd’hui le roi
Charles X ;.q u i lui avait prêté serment deJidtlilé; qui était resté
à son service hors de France jusqu’en 179 1’, et qui , rentra en
France en 179^1 fut considéré comme émigré français, et périt h
ce titre , par le glaive révolutionnaire. L a Cour de X’ aris n ’a dono
�lis }
t 11 )
ijuge qu’une question de fait; son arrêt ne pouvait être cassé pour
■appréciation de faits dont elle était juge suprême, et cet arrêt de
;rejet ne prouve rien.
C e qui prouve tout dans notre e sp ? c c , c ’est q u e , d’après les
«circonstances particulières dans lesquelles Edouard Onslow se
»trouvait placé, il n*aurait ■pu manifester qne par le serment civi
que, «on acceptation à la naturalisation qui lui était offerte par la
loi du 3 o avril 1790 ; et que non-seulement il n ’a point prêté ce
•serment, mais il n’a manifesté par aucun fait, par aucun acte, l’inlention d’abdiquer sa patrie, pour devenir citoyen français. C ’est
comme étranger qu’il a acquis des immeubles : cette qualité d’é
tranger, qui lui était inhérente , n’a jamais été altérée dans sa per
sonne.
L a loi anglaise y aurait même mis oLstacle. Dans ce pays , le
serment d'allégeance est équivalent au serment de fidélité, et il
lie tous les sujets au roi d’Angleterre, «L'allégeance naturelle, dit
» Blackstone, tome 2 , page 5 o , est telle que tout homme né dans
les étals du roi, y est assujetti dès 1 instant de sa naissance ; de
» sorte qn un Anglais qui se relire en France ou à la Chine doit
« les mêmes allégeances à son souverain, que s’il était encore en
» Angleterre, et vingt ans après en être sorti, comme avant son
•ï> départ. » Ceci est conforme à nos principes sur la qualité de
Français, qui ne peut se perdre, quelle que soit la longue résidence
chez, lctranger. Mais la loi anglaise va plus loin, elle veut que le
sujet du roi d ’Anglelerre ne puisse se faire naturaliser dans un
autre pays que du consentement de son souverain naturel. C ’est
c e que nous apprend Blackstone (idem.) « Il est de principe unio versel, dit-il, que les sujets d'un prince, en prêtanl serment de
y fidélité à un autre prince, ne peut se dégager de celui qu’il
V avait précédemment prêté à son souverain naturel, car celui-ci
» ne perd pas son droit sans y donncr'son consentement, et sans
» cela, le Sujet reste toujours lié envers s o n souverain x après même
> avoir promis fidélité au souverain étranger. »
c 'V -
�Fidèle à la loi de son pays, Edouard Onslow n'a jamais
voulu se délier envers le roi d’Angleterre de son serment d’allé
geance; il n’a jamais songé à prêter aucun serment de celte nature
au gouvernement français; il a toujours conservé l ’esprit de re
tour.
11 1' avait bien clairement manifesté cet esprit de retour, puis
qu'on 1798 il ne résidait en France qu’avec l’autorisation de son
souverain le roi Georges. C ’est une déclaration bien formelle de
sa part qu’il n’entendait pas avoir résidé en France comme Fran
çais , et qu’il n’entendait continuer à y résider que comme il avait
toujours fait, comme étranger. Aussi est-ce comme sujet de l’A n
gleterre qu’il fut mis hors de France , par arrêté du gouvernement
d ’alors: l’autorisation du roi G eorges, et l'acte d’expulsion émané
du D irectoire, ces deux pièces démentent hautement la qualité de
Français qu’on voudrait lui appliquer.
Peu importent ces deux actes, suivant la consultation de Riom l
« L'expulsion par le Directoire n’é ta it, dit-elle, qu’ un acte de vio» lence; ce n ’était ni une lo i, ni un jugement; il n’a pu ôter à
» Edouard Onslow son titre et ses droits de citoyen. » A l’égard
de l ’autorisation du roi Georges , « elle devait se borner h préser» ver M . Edouard Onslow des effets du droit d’aubaine , niais
» pouvait détruire les effets de la loi du 3 o avril 1790. * E t l’on
termine par dire que c ’est plutôt une question de domicile, et
q u e , sur le domicile, il n’v a pas de difficulté.
C est une manière bien étrange de raisonner, que dire que la
qualité de citoyen français n’a pu être enlevée à Edouard Onslow
par deux actes qui démontrent invinciblement qu'il ne l’a jam ais
a cq u ise, qu il n a jamais voulu la ccep ter, qui lui a même été re
fusée. S il était devenu Français, aurait-il eu besoin de la permission
du roi d Angleterre ! C était, dit-011, pour le préserver des effets
du droit d’aubaine, auquel il aurait pu être sujet comme Français;
mais s’il eût été réellement Français, celte permission aurait-elle
�pu l ’en préserver? C ’est donc à dire, dans le sens de la consulta
tion, qu’Edouard Onslow aurait été tout à la fois Français et Anglais :
pour A n g la is, le fait est évident ; pour Français, rien ne l’établit, et
tous les actes prouvent le contraire.
C ’est une question de domicile , ajoute-t-on, et sur le domicile
il n’y a pas de difficulté. Certainement il ne peut y avoir de diffi
culté à reconnaître que si Edouard Onslow n’a pas été naturalisé
Français par la loi du 3 o avril 1790, il est demeuré étranger, et que
son domicile r é e l , celui auquel était attaché l’exercice de ses
droits civils, n’existe pas en F ra n c e , et a toujours existé en A n gle
terre..Il n’aurait pu être investi de l’exercice de ses droits civils en
France , que dans le cas où il aurait été admis par le gouverne/ment français à établir son domicile en France, conformément à
l ’article i 3 du Code civil. C ’est ce que M . Merlin établit au Repeiv
toire, au mot D om icile, à la fin du § i 3 , et c ’est ce que la consul
tation reconnaît implicitement, lorsqu’elle s’attache si vainement à
établir la prétendue naturalisation en France.
Dans le système même de cette consultation de Riom, en
admettant qu Edouard Onslow fût devenu Français par la seule
force de la loi de 1790, sans nulle adhésion de sa part, cette ex
pulsion de notre territoire ne l’eùt-elle pas autorisé à renoncer à
un bénéfice qu’il n’avait ni demandé ni accepté? Dans tous les
états civilisés, celui qui a renoncé à son pays est reçu à y revenir
et à y reprendre ses droits naturels. Telle est la conséquence qu’il
faudrait tirer, en ce cas, de la conduite d’Edouard Onslow. Vous
m’expulsez de votre territoire, aurait-il pu dire au gouvernement
français, eh bien! je renonce à tous les»avantages que je pouvais
tenir de vos lois. Je rentre dans ma patrie, et ce n’est que comme
sujet de 1 Angleterre, en vertu de la permission de mon souverain,
que je consens à résider en France. On serait donc foicé de con
venir, au moins dans le système que nous c o m b a t t o n s , que depuis
Sun
retour en France, en vertu de la
p erm issio n
du roi Georges,
�la résidence d ’Edouard Onslow n’aurait plus été que celle d'un
.étranger; et comme, depuis cette époque, il n’a rempli aucune des
.conditions que les lois postérieures ont exigées pour jouir des
droits civils en France, sa qualité d ’étranger n ’a jamais cessé; il
l ’avait encore à son décès ; mais il est bien démontré que dans au
cun temps il ne l’a perdue, et que la loi du 5o avril 1790 n ’aurait
jamais pu lui être appliquée.
C e premier point établi, la conséquence sera que le mobilier
<[ui pouvait appartenir à M . Edouard Onslow, sera régi par la loi
d ’Angleterre; car le mobilier est attaché à la personne et soumis à
la loi du domicile naturel et civil de son propriétaire.
En effet, les meubles sont une propriété mobile, qui n ’a point
d’assiette territoriale, qui peut être transportée d ’un lieu à un
antre. C est ce qui a fait admettre le principe général que nous
venous d’exprimer : in testandi Jaci/ltate, m obilia, ubicumque
sita régi debere dom icilii jure ( Voet sur les pandectes, Jiv. 1 " ,
lom. 4 , part. 2, n° 11 ).
L a consultation de Riom est d ’accord avec nous sur ce point;
elle convient que le principe est incontestable. Dès lors, en sup
posant que le prix de la terre de Lillingston ne fût pas la propriété
de Georges Onslowr, en admettant qu'il pût être considéré comme
dépendant de la succession du père, il ne pourrait cire déféré que
conformément à la loi anglaise, et il rentrerait par ce moyen exclu
sivement dans la main de M. Georges Onslow, comme représen
tant l’immeuble d ’Angleterre dont la donation est de tous les biens
que leur père possédait en Angleterre.
Quoique le principe (pii attache le mobilier à la loi du domicile
ne soit pas contesté, nous croyons devoir cependant l’appuyer de
quelques observations. C e principe a été observé constamment dans
notre ancienne législation, où la succession des immeubles se par
tageait suivant lçs règles différentes des coutumes où ils étaient
situés, JVIaie Le mobilier, dans quelque lic u q ji’il fût p la cé,se réglait
�C <5 )
par la loi du domicile. L a loi du 17 nivôse an 2 avant fait disparaître
ïa diversité des statuts réels, la même règle sur le mobilier n a pu
s’appliquer qu’à celui qui se trouvait placé dans les pays étrangers,,
et à dû recevoir le même effet. 11 est bien évident que la suc
cession d'un Français, ouverte en France, se compose non-seule
ment des valeurs mobilières qu’il possède en F ia n c e , mais encore
de toutes celles qui peuvent lui appartenir chez l’etranger, et que,
par exemple, dans la succession d’un banquier fiançais toutes les
sommes qui lui sont dues par les négocians et banquiers é t r a n
gers doivent être partagées entre les héritiers suivant la loi fran
çaise, et non suivant celle de chacun des divers pays où ces valeurs
se. trouvent placées..
Cette règle ne peut recevoir exception que dans le cas o ù , par
des traités particuliers, les valeurs mobilières qu’un Fiançais pos
sède en pays étranger doivent être distribuées conformément à la
loi du pays. Nous en avons un exemple dans l’affaire des deux
frères Cardon, héritiers de leur frère, naturel Français comme eux,
et décédé en Russie; il yavait épousé une Française, après que celleci eut fait prononcer son divorce avec son premier mari, également
Français, décédé en Russie ; il avait institué sa femme pour sa léga
taire universelle. L es tribunaux russes, qui reconnaissaient la validité
du divorce, adjugèrent à la veuveCardon la totalité des biens mobiliers
que son mari possédait en Russie. D ’aiïtres biens mobiliers existaient
en France ; les deux frères' Cardon les réclamèrent comme héritiers
naturels de leur frère, en attaquant de nullité le divorce sur lequel
était fondé le mariage de la veuve, légataire universelle de leur
frère. L e divorce et par conséquent le mariage étant nuls, suivant la
loi française, ils furent déclarés tels par les tribunaux français; et
la succession, tant des immeubles que des meubles situés en
F rance, fut adjugée aux deux frères Cardon. Mais il-cxistait entre
la France et la Russie un traité du 11 janvier 1787, suivant lequel
les contestations relatives aux successions de Français décédés en
�( 16 )
Russie, devaient être jugées suivant les lois Russes; etréciproquement celles concernant les Russes décédés en France, étaient sou
mises aux dispositions des lois françaises. C et arrêt se trouve au
recueil de Sirey, tome 1 1 , première partie, page 5 o i.
Ilors ce cas d’exception, la règle sur le mobilier, inhérent au
domicile, est nécessairement observée dans tous les pays, en A n
gleterre comme ailleurs ; car par laloi anglaise, le mobilier est placé
dans le droit commun, et les étrangers peuvent y hériter des
meubles, quoiqu’exclus de succéder aux immeubles.
Et c ’est conformément à ce principe qu’il a été jugé par la Cour
de cassation, le 7 novembre 1826 (Sirey. tome 27, page a 5o), que
le sieur Tornton, Anglais, qui avait obtenu la jouissance des droits
civils en France, étant décédé en France, sa succession devait être
soumise aux tribunaux français, et par conséquent jugée pour tout
ce qui la composait, conformément aux lois françaises.
Ainsi nulle difficulté sur ce point. Dèslors qu’il est constant
qu’Edouard Onslow n’était point Français, et que sa succession est
ouverte en Angleterre, tout le mobilier qui peut lui appartenir
en France sera régi par la loi anglaise.
§ II.
i
E n supposant qu'Édouard Onslow f u t devenu citoyen fr a n ça is,
le prix de la terre de Lillingston appartiendrait encore en ce
cas à il/. Georges Onslow , en vertu de sa donation.
Nulle objection raisonnable ne peut être faite contre cette pro
position. M . Georges Onslow était donataire de la terre de L il
lingston; il était donc propriétaire de cet immeuble; puisqu’il en
était propriétaire, le prix de la vente lui appartient nécessaire
ment. C ’est par une erreur évidente que la consultation suppose
que ce prix est redevenu la propriété du père, parce qu’il est entré
dans 6a main; et par celte raison elle le considère comme une
�t p
( *7 )
valeur mobilière de sa succession. L e prix de tout immeuble ap
partient nécessairement à celui auquel cet immeuble appartient.
Il importe peu par qui la vente ait cté faite. C ’est Edouard qui 1 a
iaite en son nom ; M. Georges convient qu’il en a eu connaissance.
Dans le cas même où il l’aurait formellement consentie, et parlé dans
l’acte conjointement avec son père, toujours serait-il constant que
la nue propriété de l’immeuble vendu lui appartenait. A in s i, que la
vente soit l’ouvrage de l’un ou de l'autre, ou de tous les deux,
il n’est pas moins certain que le prix appartient à M. G e o rg e s,
puisque l ’immeuble vendu lui appartenait. 11 importe peu égale
ment que M. Georges ait consenti que son père en ait reçu le prix;
¿cela était juste et de droit, puisque le père avait l’usufruit; le fils
il pu et dû s’en rapporter à son père pour l ’emploi des valeurs dont
son père avait ^foit de recevoir les intérêts; ce qui suffit ici, c ’est
<fue le père est comptable de la valeur envers son fils, comme ayant
ia nue propriété de ce capital; en sorte que quand même les valeurs
ne se trouveraient pas dans la succession du père, le fils aurait
droit d en exercer la répétition sur les autres biens.G est une créance
<jui ne peut lui être contestée. Ce n’est point à titre de garantie
■de la vente qu il agirait contre la succession, ainsi q u ’on le sup
pose dans la consultation, mais comme créancier du prix de la
«chose vendue, contre celui qui a reçu ce prix ; tous les biens de
{a succession lui répondraient donc de cette créance.
Ainsi, peu importe que la succession fût régie par le Code civil :
c e Code veut que les dettes d’une succession soient prélevées avant
partage, M . Georges Onslow commencerait par prélever, à titre
de créancier, le prix de l'immeuble dont il étrit propriétaire, sauf
les sommes dont le père a valablement dispose sur cet immeuble,
e t le surplus des biens serait seulement sujet à partage, conformé
ment aux lois françaises.
L a consultation do Riom paraît douter du p o u v o i r qu’Edouard
Onslow avait de donner à son fils les immeubles d ’Angleterre;
3
�-Ar, '
•> . .
C *» )
rïen cependant n’est plus certain. Il est vrai que les (flrangers
ne pouvaient succéder aux immeubles d’Angleterre; il en était
de même en France avant la loi du i 4 juillet 1819; c ’est ce qui
résultait de l’article i 5 du traité d’Utrecht, qui rendait les Fran
çais et les Anglais réciproquement successibles aux meubles seu
lement dans les deux pays. L ’Angleterre a tenu constamment k
cette disposition, et Blackstone en explique la raison, tom. 3 ,
chap. i 5 , pag. 7 0 , où il dit, « que l ’incapacité des étrangers à
» hériter des immeubles en Angleterre est fondée sur un principe
« national, afin d'empêcher que les terres, ne passassent à des per» sonnes qui ne dussent aucune fidélité à la couronne d’Anglc» terre.» Mais le mente auteur, tom e'2, pag.. 5 6 , nous apprend
que celte règle générale recevait exception « en faveur des enfant
» nés hors du royaume, dont le père était Anglais de naissance;
» qu’ils sont présentement censés être nés sujets du r o i , et peu» vent jouir de toutes les prérogatives et privilèges qui y sont
« attachés, sans aucune exception, à moins que le père ne so?t
» accusé criminellement, banni au delà des mers, pour crime de
u haute trahison, ou qu’il ne soit au service de quelque puisr»• sance ennemie de la Grande-Bretagne. »
L es actes de la législation anglaise, postérieurs a l’époque où ccri^
vail BlacLslene , n ’ont fait que confirmer de plus en plus celle dis
position. L ’avis d’un jurisconsulte anglais que nous avons sous les
yeux, nous apprend que, par un acte de Georges 111, qui régnait
en 1760, lequel se rattache a ceux émanés de la reine Anne cl dis
Georges II, les fils d’un Anglais nés à l’étranger, sont appelés à hé
riter des propriétés foncières de leur père , quoique leur mère soit
étrangère et quoiqu’ils*Soient catholiques.
O11 pourrait observer, encore q u e , si la loi anglaise interdit aux
étrangers la successibiliic immobilière, laquelle est dh droit civil1,
il ne paraît pas qu’elle prohibe entre Anglais et étrangers les con
trats d u droit des gens, t-els que la vente et la donation' entre*
\
�(
*9 )
vifs Ainsi, on .peut justement supposer que la donation d un im
meuble d ’Angleterre à un Français, serait valaLle, sauf au dona
taire à ne pas conserver l'immeuble en nature, à raison de la né
cessité du serment d’allégeance. Au surplus, cette considération
n ’est que surabondaifte, la transmission de la terre de Lillingslon
du père à son fils étant de validité incontestable, à raison de la q ua
lité des personnes entre qui elle s’est opérée.
< Une autre difficulté est élevée contre la donation de la terre de
Lillingston. On prétend que , par cet acte, Edouard Onslow n’a
pas transmis à son fils la propriété même de l ’immeuble, niais
seulement une rente de 20,000 fr. à prendre sur cet immeuble;
le texte de l’acte de'ment clairement celte supposition. On y lit
q u ’Edouard Onslow donne et constitue par préciput et hors part,
f son fils, la nue propriété des diverses terres et propriétés à lui
appartenantes , situées en Angleterre....... pour, par niondit sieur
O n slo w , avoir des à present droit à la nue propriété desdites terres,
et y réunir
1 usufruit à compter du jour du décès de son père. Assu
rément il n est pas possible d exprimer d ’une manière plus formelle,
le don d une propriété immobilière en nature, et l ’on peut ajouter
que 1 un des trois freres, M . Gabriel-Amable O nslow , par son con
trat de mariage de 1*819, c*
Arthur Onslow, par un acte de cau
tionnement souscrit à son profit, le 1/1 juillet 1828, ont formel
lement reconnu que celle propriété immobilière appartenait à.
M . Georges , leur frère.
Si le donateur se réserve le droit de disposer de certaines som mes
à prendre sur cet immeuble, c ’est une charge qu’il impose ù sa do
nation, et celle charge, il prend soin de la limiter, en stipulant qu’il
devra rester a son donataire 20,000 fr. de revenu sur 1 immeuble.
Mais les charges imposées à un donataire ne détruisent pas la do
nation ; elles n’en forment que des conditions, et c ’csl parce que
îa donation subsiste que le donataire est obligé de les accomplir.
. 1 1 résulté de ces deux premières propositions que la donation
�(
20 )
de la terre de Liliingston ayant valablement saisi M. Georges
Onslow de la propriété de cet immeuble d’Angleterre, le prix de
la vente qui lui en a été faite lui appartient au même titre que
l’immeuble lui appartenait; que son père en ayant reçu le prix , est
débiteur envers lui, et que, dans le cas où 19 succession mobilière
du père serait régie par la loi de France, comme danscelui où elle le
serait par la loi d’A ngleterre, cette créance est une charge de la
succession qui doit être prélevée au profit de M . Georges Onslow T
avant le partage des autres biensTROISIÈME QUESTION»
Quel doit être l'ejfet des dispositions testamentaires d'Edouard
Onslow, concernant la légitime de se sjils p u în és?
Nous avons dit précédemment que les frères de M . Georges
Onslow n’étaient pas astreints à exécuter l’acte du n avril 1828.
S ’ils se refusent à son exécution, quelle en sera la conséquence!
Ils auront l’option ou de prendre leurs réserves légales sur les biens
de France T ou de s’en tenir aux dispositions particulières que leur
père a faites au profit de chacun d’eux ; le contrat de mariage de
M . G abrièl-Am able, que le père appelle aussi Auguste O n slo w ,
renferme celles qui lui sont personnelles ; à l’égard des deux autres,
MAI. Maurice et Arthur O nslow , les seules dispositions qui les
concernent sont écrites dans le testament de leur père.
Nous avons fait connaître, dans l’exposé des faits, les disposi
tions de cet acte; il en résulte bien clairement que si M M . Mau
rice et Arthur Onslow refusent de s’en tenir aux légitimes qui
leur sont assurées par leur père, et prétendent exercer leurs droits
sur les biens de France, ils ne pourraient d’abord profiter de l’auge
menlalion de légitime , qui ne leur est accordée que sous la con
dition expresse de icspcetcr la disposition que le père a faite de
�(fr
( 21 )
ces mêmes biens. On pourrait même leur contester toute espère
de droit sur la légitime principale, dont le payement leur a été
assigné limitativement sur les i 5 ,oooliv. sterling, qui, à celte épo
que, étaient encore dues à leur père; car cette somme ayant été
remboursée et confondue dans le mobilier de la maison, ce leg»
devait être considéré comme caduc, et ne pourrait être cumulé
avec la légitime de droit, que les deux frères exigeraient sur les
biens de France. A plus forte raison, ce résultat devrait-il avoir
lieu , si l’on jugeait que le mobilier de la succession ne doit pas
être réglé par la loi d ’Angleterre, mais par la loi française; en ce
cas, les iô^ooo liv. sterling, objet matériel du legs, étant confon
dues dans ce mobilier pour ce qui peut en rester, se trouveraient,
ainsi que les immeubles de France, soumises à la réserve légale,
et par conséquent affranchies de toute autre légitime»
Q U A T R IÈ M E Q U E S T IO N .
Quel doit être ïe jfe t des stipulations contenues au contrat de
mariage de M . Gabriel-Amable Onslow ?
M . Edouard Onslow a réalisé et bien au delà, en 1819, au
profit de M . Gabriel-Amable, ou Auguste O n slo w , les intentions
qu’il avait manifestées dans son testament de 1811. 11 lui a d’abord
constitué en dot une somme de Go,000 fr. , comme équivalent de
la légitime que , par ce testament, il assurait à chacun de ses trois
puînés; ensuite il lui a fait un avantage bien supérieur à l'aug
mentation de légitime énoncée dans le testament; il lui a donné
120,000 fr. à prendre sur la terre de Lillingston. Cette donation
a eu lieu en vertu de la réserve que le père avait faite vis-à-vis
de son fils «aîné, de disposer sur les biens d ’A n g l e t e r r e de telles
sommes qu’il jugerait à propos. M . Georges jDnsIow, présent au
contrat de mariage, a reconnu que ce don était fait de son agrç-
t
�( 22 )
ment, et il s’est olligé^en son nom propre et privé, de le faire va
loir sur la terre de Lillingston.
L e conseil estime que ce don est une charge particulière de la
donation faite à M . Georges Onslow de la terre de Lillingston ,
puisqu’il n’a eu lieu qu’en vertu de la reserve qui était une con
dition de celle donation. C e lle raison serait bien suilisante pour
imposer à M . Georges Onslow la nécessité de payer les 120,000 f. j
mais de plu s, M. Georges Onslow ayant contracté en son propre
et privé nom 1 obligation de la faire valoir sur sa propre donation,
c ’est un engagement personnel dont rien ne peut empêcher l’e f
fet. C e don n’est point soumis , comme l’agmentation de légitime
écrite dans le testament, à la condition de renoncer à tout droit sur
les immeubles de F ra n c e ; seulement il doit suivre le sort de la
donation faite au fils aîné de la terre de Lillingston ; il est de mêrrçç
nature, il en est indivisible ; et si le prix de la terre de Lillingston
était sujet à rapport, les 120,000 fr. donnés à M. Gabriël-Amable
Ouslow le seraient également.
CIN Q U IÈ M E Q U E S T IO N ,
J)e quelle manière le douaire du à la veuve de AI.'Edouard Onslow
doit-il être contribué entre les en/ans ?~
L e douaire dû à madame Edouard Onslow est celui qui a été
réglé par son contrat de mariage. Nous ignorons en quoi il consiste ;
niais comme le mariage a été contracté en 1783 , à une époque où
le fonds du douaire était propre aux enfans, il doit se réduire à un
simple usufruit, lequel est dosa nature une charge commune de
la jouissance de tous les biens. Il d o it, par conséquent être sup
porté par les enfans et par la veuve elle-même en proportion de
revenu que chacun d ’eux obtiendra dans les biens qui ont appar*
.
tenu au père commun; et le conseil pense que les biens d’Anglcr
terre d o iv en t, ainsi que ceux de France , contribuer h ce paye»
ineflt, Faute de cpnnajUe quelleç ont clé sur çc point les clause#
�du contrat de mariage , il lui paraît raisonnable de supposer que
l ’intention du père a été d’obliger tous ses biens au payement du
douaire de madame son épouse. On trouve même la preuve de cette
intention dans la donation qu’il a faite à son fils aîné des biens
d’Angleterre ; car, en expliquant sa réserve de disposer sur ces liions^
il veut que les sommes dont il aura à disposer restent entre les
mains de M. Georges Onslow, qui en payera seulement l’intérêt,
ajln , dit-il, d'assurer le service du douaire de madame Bour~
d e ille s , son épeuse.
M . Georges Onslow a été c h a rg é , d’ailleurs, par la donation de
la maison de Clermont et de la terre de Chalandral, des jouissances
qui sont réservées à madame sa mère dans ces deux habitations.
Ainsi se trouvera assurée la prestation de tout ce que madame
Edouard Onslow pourrait avoir droit d’exiger en vertu de son con
trat de mariage.
D é l i b é r é à P a r i s , le 17 a v r il i83cr.
Signe D el a c r o ix - F r \ i n v il l e , C. P ersii . , D
jeune, et H en n eq u in .
upi ;x
aîné , D
u pin
L E SO U S SIG N E adhère à la consultation ci-dessus. — Invité
à en résumer et à en préciser les conséquences, il le fera dans les
.termes suivans :
Que la succession mobilière de M . Edouard Onslow soit régie
par la loi d ’Angleterre , qn’elle le soit par la loi française , les droits
de M . Georges Onslow devront être fixés à une* somme plus éle
vée qu’ils ne l ’ont été dans l ’acte de partage de 1828, aujourd’hui
attaqué par ses frères.
Dans l’un et dans l’autre cas, la donation qui lui a été faite par
son*contrat de mariage, d’immeubles situés en Angleterre, doit
être reconnue valable, comme conforme aux lois du pays qui ré-
�(
24
)
gissaient les Liens donnés ; M . Georges Onslow doit réunir la jouis
sance utile à la nue propriété dont il est investi depuis 1808.
La vente des immeubles faite par le père ne saurait altérer des
droits irrévocablement acquis. Dès 1808, les immeubles ou leur
valeur ont cessé de faire partie de la fortune de M . Edouard^OnsIovv, puisqu’il s’en est dépouillé alors et en a constitué son fils aîné,
propriétaire définitif, ne se réservant qu’un droit d’usufruit.
L es 840,000 f r . , prix des immeubles, sont dans la propriété de
•¡VI. Georges , comme le seraient les immeubles eux-mêmes qu’ils
représentent. En les réclamant, il n’exerce pas un droit nouveau,
né du de'ccs de son père ; il conserve un droit acquis dont il est in
vesti depuis l'époque de son mariage , droit confirmé et reconnu
dans tous les actes de famille qui ont eu lieu.
Recueillant les avantages de sa donation, M . Georges devra r.n
acquitter les charges. Elles consistent dans le payement d’une
somraede 120,000 fr. pour laquelle il s’est personnellemeritobligé
dans le contrat de mariage de M . Gabriel-Amable, en sa qualité
de propriétaire de la terre de Lillingston.
Q u a n ta ses deux autres frères, ils ne pourront rien exiger de
l u i ; le trouble qu’ils auront causé à sa possession des biens de
France les excluant de tous droits à une augmentation de légitime
sur les biens anglaisj T elle a été la volonté de M . Onslow père ,
exprimée formellement dans son testament de 1811.
L e prix deLillingston e std e 84 o,ooo f. En déduisant les 120,000 f.
auxquels a droit M . Gabriel-Amable O nslow , il restera pour
jM. Georges 720,000 fr, au lieu de G i 5 ,000 fr. que le partage de
1828 lui attribue.
Tels sont les droits des fils de M . Onslow sur ln terre de LillingsLon , ou sur les deniers qui forment le prix de la vente et qui
ont été transportés en France.
A l’égard des biens situés dans ce dernier pays , en admettant
#ycc les jurisconsultes de Rjoni que M . Georges Onslow fût obligé
�¡€ 1
( 25)
au rapport pour succéder en France , il pourrait se soustraire à
cette obligation en renonçant à la qualité d’héritier et aux droits
q u e lle fait naître, pour s’en tenir aux 720,000 fr. qui lui sont dus
par la succession, et qui doivent lui être payés avant tout partage.
Dans celte hypothèse , et supposant en outre que la succession
mobilière e s t , comme les immeubles situés en F ra n ce , soumise aux
lois de ce pays , le surplus de la fortune sera partagé entre les trois
freres puînés de M. Georges O nslow ; il se composera,
i°. Des immeubles situés en France, estimés . . . 200,000 fr.
20. Des 120,000 fr. que M . Georges aurait aban
donnes à M . Gabriel-Amable sur les biens d’A n gle
terre, c i ............ ................. .................................................... 120,000
3°. D e 1 r 5 ,ooo fr. ( i ) q u i complètent la fortune de
M . Onslow p è r e , détaillée dans l’acte de partage , c i. 1 i 5 ,ooo
T otal...................................................435 )° ° ° fr.
Les 120,000 fr. reçus par M. Auguste doivent en effet être rap
portés a la masse ; car si l’on décide que M . Georges Onslow ne
peut prendre part aux biens de France qu’en rapportant les biens
d Angleterre , ou leur valeur , on reconnaîtra en même temps, et
par les raisons développées dans la consultation délibérée à Riom,
que M . Auguste doit le rapport de ce qu’il a reçu sur ces mêmes
bien« ; il y aurait même une raison de plus pour l’y obliger; caria
donation faite à M . Georges l’a été par préciput et hors p a rt, tan
dis que cette clause ne se trouve pas dans le contrat de mariage
de M. Gabriel-Amable. Les droits de ses frères deviendraient jinsi
(») C elle somme de 1 1 5 ,000 fr. ne figure pas dans l’acte de partage
d une manière distincte , mais elle s’y trouve comprise ; elle fait sans doute
partie de celle <jue les en fans de M . O nslow ont reçue en avancement de sa fu
ture succession , et dont ils doivent le rapport. En réunissant les 435, 000 fr.
aux 790,000 fr. dus à M. Georges , on a un total de 1 ,1 5 5 ,0 0 0 f r . , somme
¿gale à celle dont M. O n slow père a fait le partage dans l ’acte de 1828.
4
�égaux aux siens , cl il ne résulterait pour'lui aucun avantage par
ticulier de la clause relative à ces 120,000 fr.
11 ne pourrait se soustraire à cette obligation qu’en renonçant eS
en limitant ainsi tous ses droits à cette somme de: 120,000 fr.
S il se décide à rapporter, il aura droit à un tiers de /|35 ,ooo f. r
c ’est-à-dire, à i / ^ o o o f r . Telle serait aussi la portion de chacun
de ses frères, au lieu de 180,000 fr. qui leur sou!, attribués par
l ’acte de partage de 1828.
Mais pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que
lière fût régie par la loi française*
O r , il a été établi,, dans la première partie
que IYL Onslow n’ayant, acquis^en France, ni
là succession mobi
o
.
do là consultation1,
la q.uaji,lé de Frant-
çais , ni un,domicile légal, sa succession devait, êlre*régie par la
loi. d’Angleterre..
Cettp loi n’impose pas a M . Georges
1
^ it *
pour être admis à y pren
dre part, à rapporter les' biens qui' lui' ont été donnés par précipite’
et hors part.
11 aurait donc en outre droit au quart dés valeurs mobilières que
présenterait la succession; cl comme tout est mobilier, à l’excep
tion de la maison de Clermont et de là terre de Chalendrat , il ne
serait exclu du partage que relativement à ces deux objets régispar la loi française.
P e u t - ê t r e lui-conlesterait-on le droit de profiter
du
rapport des
120,000 fr. pour lesquels il s’est obligé envers Gabi ieI-A.tnable. Ou
pourrait répondre que le don de cette somme aya|it été. fait par
I\T."Edouard Onslow père , sans dispense dé rapport, la garantie do
M. Gcorgrs n’eu a pas changé'la nature et les (fiels; elle n’a eu
d’autre objet que d’en assurer f'exéeutîon ; elle n’a pas dégagé le
donataire des conditions légales attachées à.la disposition faite en
sa faveur; elle n’a pas privé lç garant de l'avantage qu’il pouvait
retirer personnellement, de l’accomplissement de ces conditions*;
d'où il faut conclure que lo rapport à la masse doit profilcr à ton*,
«eux cMrc qui elle doit c lic partagée.
�1-6*
( 27 )
Mais en accordant que M . Georges n’eût aucun droit sur ces
120,000 f r ., il n’en serait pas de même des i i 5,000 fr. dont nous
avons déjà parlé, et dont le quart ne saurait lui être conteste, c e st28,7 25 f. ^
à ' d i r e . . . . . ................. .............................. - . . . ; . .
Q u i, réunis aux.................................... .................
720,000
»
r•
Donnent un total d e . ..............................
748,725
»
Cette augmentation dans les droits de M . Georges Onslow en
traînera nécessairement une diminution dans la portion de ses
frères, qui, en définitive et dans cette hypothèse, auraient chacun:
*i°. L e tiers de la valeur des immeubles de France.
20. L e tiers des 120,000 f r ..........................................
3 °. L e quart de i i 5,000 fr.
..................
V
-
1•
:
~
66,6G6
3o
4 °>000
9
28,726
»
" *
................. i 35 ,3gx 3 o
Total.
t
E n dernière analyse, c ’est à M . Georges Onslow que le partage
■de 182b porte préjudice, et non à ses trois frères puînés; c a r ,1
r°. il ne lui attribue que G1 5 ,000 fr. au lieu de 7^8,000 fr. aux
quels il avait droit en vertu des actes antérieurs, son contrat de
mariage, le testament; 2°. il accorde 180,000 f. à chacun des frères,
qui n ’avaient droit qu’à i 35 ,ooo fr.
L a nou-exécution de ce partage sera donc plus favorable aux
. intérêts de M . Georges Onslow qu’aux intérêts de ceux qui l'ont
attaqué, puisqu’il rentrera dans tous les droits qui lui avaient été
assurés, et dont il avait consenti à abandonner une partie consi
dérable.
1
,
DÉLiBÉnÉ à Paris, ie 1 " mai i 83 o.
Signé
T a r d if -
�ADHESION
Pour le sieur G e o r g e s - O N SLO W , à la consultationjlélibérée et signée par MM. DelacroixFrainville, Hennequin, Dupin ainé, Tardif
et Persil de M. O dilon-B arrot, du il\ juin
i83o.
■-a»
9K g i
CONSULTATION.
'
L E CONSEIL SOUSSIGNÉ,
V u le mémoire à consister et la consultation qui lui ont été
soumis par le sieur Georges Onslow,
E s t d ’a v i s q u ’E d o u a r d Onslow e s t m o r t Anglais;
Q ue sa succession mobilière, même en F ra n ce, doit être régie
par les lois anglaises;
Q u e le prix de la terre de Lillingston donnée en nue propriété,
par contrat de mariage, par le père à son fils aîné, appartient à ce
dernier, bien que la vente ait été faite par le père, et que celui-ci
ail pu figurer dans l’acte comme propriétaire.
Sur la question d’extranéité, la consultation délibérée et signée
par M M . Delacroix-Frainville, H ennequin, Tardif, Dupin aîné'
et Persil, ne laisse rien à désirer.
L a loi du 2 mai 1790, parfaitement expliquée par l'acte cons
titutionnel de 179 1, fait du serment civique une condition de
l’attribution de la qualité de Français à un étranger. Si dans la loi
de 1790 il est parlé de l’exercice des droits de citoyen, c ’est comme
conséquence-de *la qualité de Français. 11 ne suffirait pas en effet
�/67
( 39 )
du serment civique, même pour un Français, pour exercer les
droits politiques de citoyen.
La jurisprudence a b ien p u , à raison de la destruction des
registres sur lesquels ces sermens étaient consignés, et du désordre
des temps, admettre des présomptions au lieu de la preuve directe
et légale de la prestation de ce serment; mais le soussigné ne
pense pas qu’on puisse ju g e r, en thèse absolue, qu’un étranger,
sous la législation de 17 90 et 1 7 9 1 , ait pu devenir Français sans
le vouloir, et par cela seul qu’il aurait résidé en France et qu’il s’y
serait marié; une pareille naturalisation de plein droit, sans
aucune manifestation de volonté directe ou indirecte, serait sans
exemple dans la législation. .
Quant à la question relative au prix de la terre de Lillingston,
les raisons développées dans la consultation paraissent également
au soussigné déterminantes.
L a vente de la chose d’autrui est nulle; mais il depend de celui
dont on a vendu la chose de s’approprier la vente en l’avouant ;
et alors le prix qui peut en être dû lui appartient incontestable
ment; il peut agir a raison de ce prix directement contre l’acquereur , s il en est encore débiteur , ou contre la succession du
v endeur apparent, si celui-ci a reçu le prix.
L e vendeur, dans ce cas, est réputé avoir agi pour et au nom
de ce propriétaire et comme son mandataire.
D élibé r é à
Paris, le
14
juin 183 o , par nous avocat aux conseils
du Roi et à la Cour de cassation.
Signé
O
d ilo n -B arrot.
�
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Title
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Factums Godemel
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A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Onslow, Georges.1830?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delacroix-Frainville
C. Persil
Dupin aîné
Dupin jeune
Hennequin
Tardif
Odilon-Barrot
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
droit des catholiques en Angleterre
Description
An account of the resource
Titre complet : Consultations pour M. Georges Onslow, contre MM. Onslow puinés.
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1830
1783-1830
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2703
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2701
BCU_Factums_G2702
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2705
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
BCU_Factums_G2708
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53540/BCU_Factums_G2703.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Mirefleurs (63227)
Chalendrat (terre de)
Lillingstone Lovell (01280)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des catholiques en Angleterre
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53533/BCU_Factums_G2618.pdf
a6913de896476b92bc3405d7b1f26403
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Text
%
M E M O IR E
A CONSULTER
ET CONSULTATION
�r
4M AmVÎ ^K4luutf(
A CONSULTER
ET CONSULTATION A w ‘
POUR
Les S rs P O Y A , RO M E, dame V e ABRAHAM
et consorts, héritiers ou légataires de l’estoc
paternel de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’U r b i s e ,
CONTRE
Les enfans d’HÉLÈNE DUROIS, se disant fille
de J e a n - P i e r r e CARRAUD , frère du sieur
d ’URBISE.
f
L e 27 août 1 7 5 1 , une fille est exposée à la porte de l’hôpital
de la ville de RIOM : son extrait baptistaire la nomme simple
ment H é l è n e , sans désignation de père ni de mère.
Jean-Pierre Carraud, fils d’un conseiller en la sénéchaussée
de Riom, à qui on voudrait déférer la paternité, a contracté ma
riage, le 23 novembre 17 5 2 , avec Marguerite Mercier, issue
�( 3)
d’une riche et ancienne famille. On lit dans cet acte réglant
CiC«\ w«\ «lejirs conventions matrimoniales, les clauses suivantes :
((*Ë^fiiveur du présent mariage, ladite Mercier a donné cl
•»'*¿îiHin(î audit futur époux acceptant, par donation entre-vifs,
tous «les biens qui lui appartiennent présentement, meubles et
“ immeubles, desquels le futur époux fera la recherche comme*
« il avisera.
« En second lieu, la future se réserve, en cas de viduité, la
« jouissance et usufruit des biens donnés, et même la réversion,
« en cas de prédécès du futur époux sans enfan s.
« Ladite donation tiendra lieu au futur époux de gain de
« survie. »
Nulle mention de l’enfant prétendu né de leur commerce an
térieur.
Le mariage a duré trente ans. Pendant tout ce temps, nulle
reconnaissance, ni de la part de dame Mercier, ni de J.-I\ Car
ra ud.
Il importe de remarquer (et c’est ce qui rend le silence sur
Pélal de l’enfant plus étonnant), qu’il n’y en a point eu du mariage.
Hélène, âgée de vingt-huit ans, s’est mariée le 12 mai 1779 ,
à Martin Valleix, cultivateur, habitant le village d’Ardeyrolles,
*
paroisse de St-Pierre-lloche, distant de plusieurs lieues de la
ville de Riom. La future prend dans le contrat la simple qualité
d’Ui'xÙNE Üuuois, iille majeure, habitante du village de l\eyvialle, même paroisse.
Elle s’y constitue, d’elle-meme, divers objets mobiliers à son
usage, d’une très-mince valeurj la moitié d’un pré appelé Loche;
cl cinq quartelées de terre appelée la Clope, qu’elle a acquises,
est-il dit, par acte du jour d’hier, reçu le même notaire, moyen
nant la somme de 700 francs.
�( 3)
La vente de ces héritages peu considérables, avait eu lieu
en effet le 1 1 mai 1779 , veille du contrat de mariage, parm i
fondé de pouvoir du sieur Jean-Pierre Carraud, en faveur
d’Hélène; mais le sieur Carraud n’était point intervenu au
contrat de mariage et avait réellement consenti vente par un
fondé de pouvoir.
Jean-Pierre Carraud est décédé en 17 8 1. Nul écrit encore,
nulle parole, nul signe, même an dernier moment, dont on
puisse induire cjii’il ait jamais imaginé être le père de l’enfant
([u’on lui attribue aujourd’hui.
11 décède, et Hélène Dubois ne paraît pas pour recueillir sa
succession. C’est Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère du défunl,
q ni se présente.
Ce frère répudie la succession par acte au greffe du 1 janvier
1783. Sur cette répudiation, la veuve, Mmc Mercier, fait nom
mer un curateur a la succession vacante. Jacques Labat est
nommé par procès-vcrbal du 7 du même mois de janvier.
Le 10 janvier, la veuve requiert l’apposition des scellés, et,
dans sa requête, elle expose que Jean -Louis Carraud d ’Urbise}
seul habile a succéder, a répudié la succession, etc., etc.
Elle demande et obtient, par sentence du 18 mars 17 8 3, de
la ci-devant sénéchausssée de liiom, la condamnation contre le
curateur du payement de scs reprises.
Des poursuites rigoureuses ont lieu au nom de la veuve, et
enfin vente et ajudication, toujours sur le curateur à la succes
sion vacante.
Jean-Louis Carraud d ’Urbise, qui avait répudié la succession
de son frère, est décédé aussi sans enfans, le 1 1 février 1783,
laissant aux collatéraux une succession considérable, dont la
propriété et remise sont réclamées aujourd’hui par les héritiers
�ou légataires de l’estoc paternel, et par les héritiers d’Hélène
Dubois.
A ce moment (en 1783) Mmc Mercier devait sans doute re
connaître l’état de sa fille, mais elle garde le silence.
Un procès s’entame; les poursuites sont suspendues. Le 10
Iructidor an 2, après plus de l\.o ans de silence, et i3 ans après
le décès de son mari, Mmo Mercier, alors octogénaire (aux temps
orageux de la révolution), déclare, dev ant notaire, (\\i Hélène
Dubois est sa fille et de Jean-Pierre Carraud, née du commerce
qu’ils avaient eu avant leur mariage ; c’est sur celle déclaration
([u Hélène Dubois a fondé sa métamorphose•, en voici les termes:
« Dame Mercier, veuve du sieur Pierre Carraud, habitant à
« lliom, reconnaît qu Hélène Dubois, femme à Martin Yalleix,
«■ cultivateur, du lieu cl’Ardeyrolles, commune de Saint-Pierreu IW he, est sa fille naturelle, née du commerce qu’elle avait eu
K avec ledit Pierre Carraud, avant leur mariage. Voulant lui
« rendre une existence légale et le droit de successibilité, aux
« termes de la loi du 12 brumaire an 2, elle déclare qn Hélène
« Dubois, baptisée le 17 aoiit 17 ^ 1, sous le nom Hélène,
(( nouvellement née et exposée, à minuit, à la porte de l’hô« pital de cette commune, sans billet, est la fille d’elle déela« rante et dudit Pierre Carraud, et la reconnaît pour telle; et
« même ledit Pierre Carraud lui a donné, en tout temps,' des
«• preuves de paternité, soit en fournissant à son éducation, en<( trelien, soit en lui constituant une dot lors de son contrat de
« mariage avec Martin Yalleix, le 12 mai 177g.»
Marguerite Mercier est décédée en l’an 8. Le 12 mai 1800, .
clic avait fait un testament portant différons legs à des ecclé
siastiques et à des serviteurs. Il n’est point question d'Hélène
Dubois. Six jours après, Marguerite Mercier fait encore un co-
�(5)
dicille. Elle nomme la dame de Frétât, sa belle-sœur, son
exécutrice testamentaire; mais elle garde le même silence sur
Ilclene.
La dame Mercier meurt; Ilélène assure qu’après son décès,
elle s’est mise en possession de sa succession sans aucun obstacle
de la famille Mercier : c’est ce qu’on ignore.
Hélène prétend aujourd’hui avoir également droit à la suc
cession de Jean-Louis Garraud d’Urbisc.
A la déclaration de l’an 2, elle réunit les présomptions résul
tant de l’acte de vente du 1 1 mai 1779, de son contrat de mariace.
et,/ au besoin, elle a offert la preuve de differens faits:
o /
cette preuve a été admise par un jugement du tribunal civil de
lliom, en date du 3o juillet 1828, conçu en ces termes :
« En ce qui touche les demandes en intervention des héri« tiers Home et Abraham, parties de Mcs Parry et Tailliand;
« Attendu qu’elles ne sont pas contestées et que ces parties
<' sont intéressées au jugement en contestation.
« En ce qui touche le fonds :
« Attendu que, dans les anciens principes et suivant la dé« crétale d’Alexandre III, cliap. 6, la légitimation des enfans
« nés avant le mariage s’opérait par la seule force du mariage,
« et qu’il n’était pas nécessaire, ainsi que l’enseigne Pothier,
« que le consentement du père et de la mère intervînt pour
« cette légitimation ;
« Attendu qu’il est déjà établi et prouvé, par l’acte notarié
c< du 2 fructidor an 2, que la dame Mercier avait mis au monde,
« quinze mois avant son mariage avec le sieur Garraud, une
« fille qui fut d’abord portée à l’hôpital, sous le nom d'H élène;
cc Attendu qu'il est constant que cette fille a succédé à la dame
« Mercier, veuve Garraud, sa mère, et que si la déclaration
�(c)
<< faite par cette dernière, dans l’acte de reconnaissance du
« ï fructidor an 2, qu’elle avait eii cet enfant du sieur Carraud,
« ne peut lier la famille du mari, ni même être regardée comme
« un commencement (le preuve par écrit; néanmoins la circons« tance du mariage qui a suivi, rend vraisemblable le fait allé« gué, que c’était le sieur Carraud qui était le père de l’enfant
« dont était accouchée ladite dame Mercier;
« Atlendu que ce fait deviendrait encore plus certain, s’il
» était vrai, ainsi que l’ajoute la dame Carraud, dans sa re
te connaissance, que les mois de nourrice furent payés par le
« sieur Carraud lui-meme, et que ce fut par scs soins que l’en« fant fut élevé et transporté dans un domaine à lui appar<< tenant, oh il a ensuite été marié par le sieur Carraud;
« Que toutes ccs circonstances sont graves et concordantes :
« Par ces motifs,
« Le tribunal reçoit les parties de Parry et Tailband inter« venantes, et, avant laii-e droit au fonds, ordonne que, par
ti devant M. Mandat, juge, les parties de llouher feront preuve,
« tant par titres que par témoins,
« i". Que Marguerite Mercier avait eu, avant son mariage,
« iin commerce charnel avec Jean-Pierre Carraud, et (pie de
« ce commerce était née Hélène, dite Dubois} du nom de la
« mère du sieur Carraud;
«
Que ladite Hélène Dubois passait publiquement dans
« Kiom pour être la fille de Jean-Pierre Carraud, et qu’elle a
« passé pour telle dans les lieux oh le sieur Carraud lui a fait
«■ passer sa jeunesse;
o 3°. Que c’est lui qui a payé les mois de la nourrice et lui
« avait recommandé cet enfant;
« /|°. Qu’après qu’elle fut sevrée, il la fit transporter dans
�(7)
« son domaine à Reyvialle, et chargea ses fermiers ou métayers
« de pourvoir îi sa subsistance et à son entretien, leur en four« uissant tous les Irais;
—
« 5°. Qu’il avait avoué dans diverses circonstances et devant
<f plusieurs personnes qu’il était le père de cette iille, et qu’il
« 1avait eue de la demoiselle Mercier avant son mariage;
« 6°. Enfin, (pie le sieur Carraud vint lui-même à Reyvialle
« pour régler les conditions du mariage d’Hélène-, qu’il lui donna
« des héritages pour composer sa dot, et que si l’acte fut coloré
« du nom de vente, il est certain qu’il n’en reçut pas le prix.
x Sauf la preuve contraire,
« Pour les enquêtes faites et rapportées, être statué ce qu’il
« appartiendra : tous moyens et dépens réservés. »
Un demande au conseil quel doit être devant la Cour de
Kioin le mérite et effet de ce jugement?
�(8)
CONSULTATION
TOUR
Les Héritiers ou Légataires de la ligne pater
nelle de J e a n - L o u is C a r r a u d d ’ U r r i s e .
I ue conseil soussigné,
Vu le dispositif d’un jugement rendu au tribunal civil de
Rioin, le 3o juillet 1828, contradictoirement entre les consullans, et les enfans d’Hélène Dubois, femme Yalleix, se disant
fille de Jean-Pierre Carraud, et en celte qualité héritière eu
partie dudit sieur Carraud d’Urbisc.
Par lequel jugement, ce tribunal se fondant sur une dér ré talc d’Alexandre III, chapitre V I, et les anciens principes
en matière de légitimation des enfans naturels par le ma
riage subséquent de leur père et mère naturels, a décidé qu’il
V* avait des présomptions suffisamment graves, précises et
concordantes pour décider qu’llélène Dubois, femme Vallcix,
est née en 17 /ïi, de la cohabitation supposée entre Jean-Pierre
Carraud et Marguerite Mercier, depuis unis en mariage (en
17Í)?.), sans avoir ni alors, ni pendant sa durée, reconnu la
dite paternité, et qu’il y avait lieu d’admettre la preuve de
la paternité dudit Jean-Pierre Carraud.
�(9)
Yu le Mémoire à Consulter, par lequel les héritiers et lé
gataires de Carraud-d’ Urbise, en contestant l’état que l’on at
tribue à Hélène Dubois, demandent si l’appel qu’ils ont inter
jette de ce jugement, devant la Cour de Riom, est bien fondé :
Est d’avis de l’affirmative;
Le Code civil, dans le titre de la Paternité et de la Filiation,
promulgué le 2 avril i 8o3, permet aux enfans nés de deux
individus, unis par le mariage, de demander à prouver par
témoins leur filiation contre les auteurs de leurs jours, lors
qu’ils ont été inscrits comme nés de père et mère inconnus,
ou sous de faux noms; mais, d’après l’article 3a3, la preuve;
ne peut être admise que lorsqu’il existe un commencement de
preuves par écrit, émané de celui dont on invoque la pater
nité, ou lorsque des présomptions ou indices résultans des faits
dès-lors constans, sont assez graves pour déterminer l’ad
mission.
L ’action en réclamation d’état est imprescriptible à l’égard
de l’enfant (art. 328); ainsi elle peut être exercée contre ses
parens décédés; l’action ne peut être intentée par les héritiers
de l’enfant qui n’a pas réclamé, qu’autant qu’il est décédé
mineur, ou dans les cinq années après sa majorité, ou qu’il
a commencé cette action, et qu’il n’a pas laissé trois années
sans poursuites, à compter du dernier acte de la procédure.
(Art. 329, 33o).
Voila pour les enfans nés de deux personnes unies par le
mariage. La présomption de droit P aler is est quem justœ nupliœ
demonstran!, les protège contre la suppression de leur état.
À l’égard des enfans nés des individus non mariés, la re
cherche de la paternité est interdite (art. 34o); ils ne sont
�( 10)
légitimés par le mariage subséquent de leurs père et mère,
qu’autant qu’ils sont formellement reconnus (art. 331).
Dans l’espèce, il paraît qu’llélène, avant sa mort, a intro
duit l’instance dont il s’agit, puisqu’aucune fin de non-recevoir
n’est opposée à ses héritiers; il est présumable toutefois, que
cette demande a été faite, depuis la promulgation du Code civil,
bien que nous ayons sous les yeux une consultation en faveur
d’Hélène, du iG ventôse an 10 , qui relate une opposition à
scellés de sa part, un procès-verbal de non conciliation, puis
une instance.
Ces premières poursuites ont du être interrompues pendant
au moins trois années, et dès-lors il faut en conclure que l’ac
tion a été introduite sous l’empire du Code civil.
Si ce point de fait est constant, la première question qui
se présente au fonds, est celle de savoir si cette action est
régie par le Code civil 011 par les lois antérieures.
Les lois n’ont pas d’eiïet rétroactif, en ce sens que celui
qui a un droit acquis au terme des lois, ne peut le perdre par
l’effet de la promulgation d’autres lois.
Hélène avait-elle à cette époque un droit acquis a se dire
enfant, soit légitime, soit même naturel du sieur Carraud?
non assurément-, son acte de naissance ne lui donnait aucun
droit; elle n’avait aucune possession d’état; elle n’avait formé
aucune demande en justice; ou, si elle en avait commencé
une, elle y a renoncé, en n’y donnant aucune suite depuis la
consultation du ^() ventôse an 10 (7 mars 1802).
C’est l'aimée suivante (en avril i 8o3) que fut promulguée la
loi qui défend la recherche tde la paternité.
Celte loi lut faite en vue de mettre fin à des scandales dont
la société et la morale avaient à souffrir, et à des décisions
�( IX)
toujours incertaines, où le mystère, dont le Créateur
a enveloppé la paternité, devait, dans la pensée de ses auteurs,
régir tous ceux qui n’avaient pas alors des droits acquis.
La loi ne distingue pas entre les enfans nés sous l’empire
des législations antérieures, et ceux nés depuis le Code civil.
La loi exige la reconnaissance du père, a dit M. Troncliet,
dans la séance du Conseil d’Etat du i 5 novembre 180 1 (24 bru
maire an 10), séance inédite, et que vient de publier M. Locré
(pag. 95 de sa Législation civile, t. v i.) « La loi l’exige, parce
« que le père seul peut juger si l’enfant lui appartient; or lors« qu’il n’a voulu le reconnaître, ni avant, ni au moment du
« m ariage, c’est une preuve qu’il doutait alors de la paternité. »
Dans la séance également inédite du 17 novembre 18 0 1, où
l’on discuta spécialement la question de la recherche de la pa
ternité, on fit l’observation que, si autrefois cette recherche
était admise à raison de la fréquentation d’une personne du
sexe, l’enfant naturel n’avait droit qu’à des alimens; qu’on doit
être plus sévère quand il s’agit d’attribuer à l’enfant naturel
des droits dans la famille; et qu’enfin la loi du 12 brumaire
an 2, si favorable aux enfans naturels, avait interdit la re
cherche de la paternité non avouée.
M. Troncliet fit la remarque qu’autrefois, une fille était libre
de faire tomber la paternité sur qui elle voulait, et qu’elle
choisissait ordinairement le plus riche de ceux qui l’avaient
fréqucntee; cette manœuvre était presque toujours heureuse;
cependant, dans la vérité, il restait des doutes sur la qualité
exclusive du père, et, indépendamment du danger d’admettre
une preuve aussi incertaine que la preuve testimoniale, c’était
donner trop de poids à la déclaration de la fille. ( V oy. pages
12 0 , 12 1) .
judiciaires
�M. Thibeaudcau ajouta que l’usage de cette action était au
trefois scandaleux et arbitraire: les lois qui y ont mis un terme
ont servi les mœurs. (Ibid, page 122).
Dans l’exposé des motifs de cette loi fait au Corps-Législatif
le 1 1 mars i 8o3, par M. Bigot-Préameneu, il s’exprime ainsi
(page 2 12 ) : Depuis long-temps, dans l’ancien régime, un cri
général s’était élevé contre les recherches de paternité; elles
exposaient les tribunaux aux débats les plus scandaleux, aux
jugemens les plus arbitraires, à la jurisprudence la plus va
riable; l’homme dont la conduite était la plus pure, celui
dont les cheveux avaient blanchi dans l’exercice de toutes les
vertus, n’étaient point à l’abri de l’attaque d’une femme im
pudente, ou d’enfans qui lui étaient étrangers; ce genre de
calomnie laissait toujours des traces affligeantes. »
Ici, l’orateur invoque la prohibition de la loi de l’an 2. «Dans
la loi proposée, ajoute-t-il, celle sage disposition qui interdit
les recherches (le la palernile cl elc* m aintenue; elle ne pourra
jamais être établie contre le père (pie par sa propre recon
naissance, et encore faudra-t-il pour que les familles soient
à cet égard à l’abri de toutes surprises, que celte reconnais
sance ait été laite par acte authentique, ou par l’acte même
de naissance. »
Le tribun Lahary, dans son llapport au tribunal, du 19 mars
8o3, après avoir rappelé tous les débats rapportés dans les
auses célèbres, s’écriait : « Llle cessera enfin celle lutte scan
daleuse et trop funeste aux mœurs; la recherche de la paterternité est interdite.» 11 invoquait aussi l’opinion émise par
le consul Cambacérès, dans le Discours préliminaire à son
projet du Code civil. (l*ag. 2G7 et 268.)
Le tribun Duveyrier, dans le Discours qu’il prononça au
�0 3 )
nom du trilwnat, devant le Corps-Législatif, dans la séance
du 3 mars i 8o3, s’élevait aussi contre l’admission de la re
cherche de paternité.
« On convenait, dit-il (pag. 3 i 8), que la nature avait cou« vert la paternité d’un voile impénétrable $ on convenait que
« le mariage était établi pour montrer, à défaut du signe na« turel, cette,paternité mystérieuse; et c’était précisément hors
« du mariage, qu’on prétendait percer le mystère et découvrir
« la paternité.
« Ces procès étaient la honte de la justice et la désolation
« de la société. Les présomptions, les indices, les conjectures
« étaient érigées en preuves et l’arbitraire en principe.«
Yoilà les égaremens auxquels la loi du 12 brumaire an 2
avait déjà remédié par des mesures efficaces, et que la légis
lation de i 8o3, à une majorité de 2 16 voix contre G, a proscrits
pour toujours. Et c’est 2^ ans après la promulgation d’une loi
aussi sage, que le tribunal de l\iom a admis cette scandaleuse
recherche, sous prétexte de l’existence des anciens principes
et sur la foi de la décrétale d’un pape qui n’a jamais joui de laulorité législative en France!
On se fonde sur un droit acquis, quand il est évident
qu’il n’en existe aucun; on transforme l’action qui eût pu être
exercée par Hélène Dubois, avant la loi de l’an 2, en 1111 droit
sur lequel ni cette loi de l’an 2, ni le Code civil, ne peuvent
avoir d’iniluence sans encourir le reproche de rétroactivité.
Mais les lois (pii déterminent la recevabilité des actions,
saisissent à l’instant même de leur-' promulgation ceux qui
pouvaient avoir droit de les exercer.
M. M erlin, dans scs additions au Nouveau Répertoire>
/. xvi 3 v° E ffet rétroactifsection 3 , agite celte question : Si
�( *4)
toute loi nouvelle, qui ne rétroagit pas expressément, est, par
cela seul, inapplicable à tout ce qui s’est passé avant le mo
ment de sa promulgation et à tout ce qui existe en ce moment.
Le principe de la non-rétroactivité repose sur la garantie due
aux membres de la société contre les caprices du législateur,
pour l’empêcher, soit de violer leur sûreté individuelle, en les
faisant punir aujourd’hui à raison dit fait d’hier, qui n’était pas
défendu, soit d’attenter à leur propriété en les dépouillant de
biens 011 de droits qu’ils avaient acquis sous le nom de lois pré
cédentes; 011 chercherait vainement ailleurs le motif de ce
grand principe. Il faut donc, pour qu’il y ait rétroactivité dans
le sens du Code civil, le concours de deux conditions: la pre
mière, que la loi revienne sur le passé et le change; la seconde,
qu’elle y revienne et le change au préjudice des personnes qui
sont l’objet de scs dispositions.
Telles sont les limites du principe de non-rétroactivité, et ou
voit de suite qu’ils ne s’appliquent pas à l’action des héritiers
$ Hélène.
D’une part, celle-ci ne trouvait pas, dans les anciennes lois,
de texte qui lui garantît le droit de rechercher le mystère de la
paternité*, en sorte qu’un tribunal qui eût rejet té son action,
n’eût pas encouru la cassation. Elle n’avait donc aucun droit
absolu, c’e st-à -d ire , garanti par la loi. La décrétale d’A
lexandre III, quand même elle serait une loi de notre patrie, ne
statue pas sur la légitimation par mariage subséquent. Elle
suppose la reconnaissance de la paternité. Il s’en faut qu’elle, ni
aucune loi d’origine ecclésiastique, autorise cette recherche.
L ’admission de ces actions tenait au pouvoir arbitraire, que
s’attribuaient alors les tribunaux, en l’abscncc de lois écrites;
et l’erreur qui avait entraîné les tribunaux ne pouvait pas se
�( i 5)
justifier. Car, si d'un côte, une femme délaissée et un enfant
abandonné inspirent de l’intérêt, de l’autre c’était une entre
prise téméraire cpie de vouloir percer le mystère de la pater
nité, et d’attribuer, par jugement, à un homme, un enfant qu’il
savait n’être pas le sien. L ’erreur, en pareil cas, était déplo
rable et de nature à soulever les honnêtes gens.
Ainsi, en premier lieu, Hélène n’avait pas de droit pour re
chercher la preuve d’un fait de paternité improuvable et qu’au
cune loi ne l’autorisait à attribuer au sieur Carraud.
D’autre part, elle n’avait pas de droit acquis en vertu des
concessions imprudentes de l’ancienne jurisprudence, lorsque
les lois de l’an 2 et de i 8o3 sont venues fixer un principe si
important dans l’ordre social 5 puisque long-temps après sa ma
jorité elle n’a pas réclamé, et pendant qu’elle pouvait agir;
puisqu’au décès de son père putatif, en 17 8 1 et depuis, elle a
gardé le silence, quoiqu’elle eut droit à la succession, si elle est
ce quelle prétend.
*
Son silence est d’autant plus inexplicable, que la reconnais
sance de maternité faite à son profit, le i 5 fructidor an 2 ,
sous l’empire de la loi du 12 brumaire precedent, la conviait a
rechercher la paternité, au moins dans les limites établies par
cette loi.
Au décès de sa mère naturelle, en 1800, elle a élevé des
prétentions; elle a su qu’une loi était proposée pour régler
l’état des enl'ans naturels; elle a laissé promulguer cette loi
(celle du i/f. iloréal an 1 1 ) sans régulariser son action; elle a
laissé également promulguer le Code civil, dont la prohibition
absolue devait détruire toutes ses espérances; et l’on prétend
encore quelle pouvait dormir en sécurité sur la foi de ses droits
�( IÔ)
acquisj quand aucun droit ne lui était reconnu dans le sens
qu’on prétend aujourd’hui l’exercer!
La loi 7, au Code de Legibus, dit que les constitutions don
nent la forme et l’existence aux affaires futures, mais non aux
faits consommés*, non ad facta p ne teri la revocariy à moins que
le législateur n’y statue spécialement, nisi nominatim et de
prœterito tempore et adliuc pendentibus negotiis cautuni sit.
Il
est évident qu’il n’y avait rien d’accompli ni de consommé
dans l’état d’Hélène, avant la promulgation du Code civil; qu’au
contraire cet état était incertain; que, par conséquent, c’était
une affaire pendante, adhuc pendentibus negotiis.
Maintenant, il sera facile de démontrer que, non-seulement
cette affaire a été soumise à l’empire du Code civil, j>ar cela
seul qu’elle était pendante, mais encore que, par deux lois spé
ciales, elle a été expressément soumise à l’empire des lois suc
cessivement promulguées sur l’état des enfans naturels.
Le décret du 1 2 brumaire an 2 .^ 2 novembre 179 3), par son
article I er, admet les enfans nés hors mariage, et alors eæistans
aux successions de leur père et mere, ouvertes depuis le i/j
juillet 1789. Comme il leur conférait un droit d’hérédité supé
rieur à la quotité admise par les lois antérieures, il y avait ré
troactivité, puisque le sort de ces successions était définitivement
fixé par le décès de leurs auteurs. Aussi la partie rétroactive
de celte loi fut-elle bientôt rapportée (loi du i 5 thermidor an 4,
1 août 1796) mais le principe relatif à la question d’état reste
intact, et la preuve que le droit à établir une filiation laissée in
certaine par l’acte de naissance, n’était pas régi par les lois
existantes à cette époque, quoiqu’il prenne sa source dans la
naissance, c’est que l’article 8 dit : » Pour être admis à l’exercice
« des droits ci-dessus dans la succession de leur père décédé,
�if y V
(*7)
« les enfans, nés liors du mariage, sont tenus de prouver leur
« possession d’état. Cette preuve ne pourra résulter que de
<f la représentation d’écrits publics et privés du père, ou de la
« suite des soins donnés à titre de paternité et sans interruption,
« tant à leur entretien qu’à leur éducation: la même disposition
« aura lieu pour la succession de la mère. »
C’est ce mode restrictif de preuve que l’on appèle la prohibi
tion de la recherche de la paternité, autre que celle avouée par
des actes directs ou indirects. Voyez l’arrêt de la Cour de cas
sation, du 3 ventôse an 10 , sur le rapport de M. Rupérou, pré
sident M. Malleville. (Sirey, 3 -- i ~ i 85, et le Recueil pério
dique de M . D alloz, vol. 1791^ l ’an in , première partie, p. 60G.
Cet arrêt décide positivement et après une discussion solen
nelle, que la loi du 12 brumaire n’a pas seulement réglé les
droits héréditaires des enfans naturels, mais aussi leur état.
C’est de cet article qu’on est parti, quand on a rédigé le Code
civil*, on voit par le projet, que la recherche de la paternité,
autre que la paternité avouée, avait été proposée pour être in
terdite. Le Code civil n’admet pas, comme la loi de l’an 2 , la
preuve de filiation résultant des soins donnés et des écrits pri
vés-, mais à part la forme de la preuve, à l’une comme h l’autre
époque, le législateur s’est cru autorisé à régler la filiation des
enfans alors vivans, qui n’avaient pas obtenu la reconnaissance
de la paternité et de la maternité. Et la preuve, sans réplique,
que telle fut la volonté du législateur, se trouve dans le décret
d’ordre du jour du 4 pluviôse an 2 (23 janvier 17 9 4 ), ainsi
conçu :
« La convention nationale après avoir entendu le rapport de
« son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Ber« trand, tendant à ce qu’il soit rendu un décret qui autorise les
3
»
�( 18)
«
«
«
«
«
tribunaux à juger définitivement les procès en déclaration de
paternité, dans lesquels la preuve testimoniale a été ordonnée et faite antérieurement aux lois nouvelles sur les enfants nés hors mariage, passe à l’ordre du jour motivé sur ce
que les lois n’ont pas d’eiFet rétroactif. »
En exerçant l’action en déclaration de paternité et en se
faisant admettre h la preuve, dans les formes admises antérieu
rement à la loi du i :ï brumaire, la pétitionnaire avait réelle
ment un droit acquis, dont elle ne pouvait plus être dépouillée,
qu'autant que la loi nouvelle aurait formellement aimullé ces
procédures et les aurait mises au néant; iiisi nomhialim et adluic
pendentibus negotiis. C’est en effet ce qu’on aurait pu soutenir,
en vertu de l’article 17 de la loi de brumaire; mais cet article
s’appliquait, non à la question d’état, mais au mode de partage
des successions.
Du reste, il résulte Irès-évidcmment de ce décret, d’ordre du
jour, que la loi du ta brumaire a saisi tous les enfans naturels,
qui n’avaient pas formé encore de demandes en déclaration de
paternité, dans l’état oii ils se trouvaient, et les a soumis à
son empire. L ’article <8 ne laisse aucun doute sur sa généralité,
et son applicabilité a l’espèce, puisqu’il s’occupe expressément
de la recherche de la paternité à l’égard des individus alors dé
cédés, et la succession de Jean-Pierre Carraud se trouvait dans
ce cas, puisqu'il est décédé eu 17 8 1.
Or, à cette époque, Hélène n’avait introduit aucune action en
justice, ni contre son père supposé, ni même contre sa mère;
celle-ci ne l’a reconnue qu’en fructidor de la même année.
Cette reconnaissance est, sans doute valide à l’égard de la
mere, quoiqu'elle n’ait pas été passée chez l’ofiieier de l’etat
civil, puisqu’elle a été passée en forme authentique, et que
�( I9 )
l’arrêté du Directoire, du 12 ventôse an 5, n’a proposé l’annullation que des reconnaissances sous signature privée. Le
rejet de cet arrêté, prononcé par le conseil des anciens, le 12
thermidor an 6 (3o juillet 1798), laisse même à penser qu’une
reconnaissance privée, conforme à l’article 8 de la loi du 12
brumaire, a sufli jusqu’au Code civil de i 8o3. Au reste, la re
connaissance de la mère n’a pas été attaquée comme émanant
d’une personne qui avait perdu l’exercice de sa volonté (elle
avait 80 ans), et qui avait cédé à la crainte d’un procès scan
daleux; mais elle n’a aucun effet relativement à la succession
du père, à cause du mystère de la paternité.
La loi du 13 brumaire rejette la preuve de fréquentation de
la mère, et 11’admct comme preuve de paternité qu’un aveu
formel, ou une suite de soins non interrompus, donnés à titre
de paternité, tant à l’entretien qu’à l’éducation de l’enfant na
turel.
Si nous avions à examiner le jugement du 3o juillet 1828,
dans ses rapports avec la loi du 12 brumaire, nous dirions que
le tribunal a erré en autorisant Hélène ou ses héritiers à
prouver le commerce charnel du sieur Carraud avec Margue
rite Mercier, à l’époque de la conception de l’enfant, puisque
ce genre de recherche, si arbitraire et si scandaleux, est for
mellement interdit par la loi du 12 brumaire, ainsi que l’a jugé
l’arret déjà cité de la Cour de cassation, du 3 ventôse an 10.
Sous ce premier rapport, il devrait être nécessairement réformé.
Ce même jugement admet, comme deuxième chef à prouver
la commune renommée, sur les rapports de paternité qui pa
raissaient exister entre Hélène et Carraud, ce qui est encore
une extension donnée a la rl. 8 de la loi de brumaire.
En troisième lieu, le tribunal admet à la preuve d’aveux ver
�H
c
(2°)
baux émanés du père, tandis que la loi de brumaire exige des
aveux écrits, publics ou privés.
En cpiatrième lieu, quant à la preuve des soins ou des frais
d’entretien et d’éducation, le tribunal ne s’explique pas sur la
circonstance de la non-interruption, ce qui était un point capital
sous l’empire de la loi de brumaire.
Si ce genre de preuve était admis par la Cour royale de
Kiom, les consul “ans seraient donc autorisés à se pourvoir en
violation de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, qui, comme
l’a observé M. Bigot-Préameneu, dans son Discours législatif,
(page 2 1 3), a réglé tout le passé.
Quant à l’avenir, a-t-ilajouté, « l’état et les droits des enfans
« naturels, dont le père et la mère étaient encore cxistans lors
« de la promulgation du Code civil, il fut statué qu’ils seraient
« en tous points réglés par les dispositions de ce Code, et que
« néanmoins, en cas de mort de la mère avant la promulgation,
« la reconnaissance du pere, laite devant un officier public,
(t suffirait pour constater l’état de ces erifans. »
Telle est en effet la disposition de l’art. 1 1 de la loi ; il
est clair que ce décret statuait aussi bien sur l’état que sur
les droits successifs des enfans nés hors mariage, et les pre
nait dans l’état ou il les trouvait.
Il
est aussi singulièrement à remarquer, (pic le décret de
brumaire, en autorisant la preuve de la filiation par des écrits,
même privés, émanés du père, ou par les soins non interrompus
donnés à 1’enfant, lui refusait expressément tout droit dans la
succession des pareils collatéraux; en sorte qu’011 n’aurait pu
s’autoriser des anciens principes sur la légitimation tacite par
mariage subséqnent, pour prétendre à ces successions dès qu’il
existe une disposition prohibitive dans la loi.
�L ’article q est ainsi conçu :
u Les enfans nés hors du mariage, dont la filiation sera
« prouvée de la manière qui vient d’être déterminée par l’ar« ticle 8, ne pourront prétendre aucun droit dans les succes« sions de leurs parens collatéraux, ouvertes depuis le i!\ juillet
« 1789 ’, mais, à compter de ce jour, il y aura successibilité ré« ciproque entre eux et leurs parens collatéraux, à défaut d'hét< ritiers directs. »
A insi, malgré la faveur avec laquelle le législateur de cette
époque traitait les enfans naturels, il ne voulait pas que, par
un genre de preuve si incertain de paternité, ces enfans eussent
les m êm es droits que ceux nés dans le mariage; surtout il n’a
pas voulu qu’ils vinssent dans les successions collatérales ou
vertes avant la promulgation de sc.r décret du 12 brumaire,
et c’est ce que décide virtuellement la loi du i 5 thermidor an 4
(2 août 1796), dont l’article 4 est ainsi conçu: « Le droit de
« successibilité réciproque entre les enfans liés hors le mariage
« et leurs parens collatéraux, et celui donné à ces enfans et
« leurs descendans, de représenter leur père et mère, n’auront
« d’effet que par le décès de ces derniers, postérieurement à la
« publication de la loi du 4 jnin 179^?
seulement sur les suc« cessions ouvertes depuis la publication de celle du 12 bru
maire. »
Or, la succession Carraud d’Urbise, frère du père putatif
d’IIélène, s’est ouverte depuis 1783.
Quant à la question de rétroactivité, le législateur a si bien
cru que l’état des enfans existans, dont le sort n’était pas fixé,
serait réglé par les lois à venir, que par l’art. 10 de celle du
12 brumaire, il a voulu, non - seulement que la quotité de
leurs droits successifs, mais que leur état fut réglé par un Gode
it
�civil qui n’était pas fait, et qui n’a été promulgué que dix ans
après; de telle sorte que les droits de ces enfans ont été sus
pendus pendant cet intervalle; et c’est en vertu de cette dis
position, déjà exhorbitante, que la Cour de cassation, par ses
arrêts des 21 juin 1 8 1 5 (affaire Lanclière) et 12 avril 1820
(affaire Salomon), a annullé des reconnaissances de paternité,
dans des cas non prohibés par les lois de la naissance des enfans et qui l’étaient devenus par les nouvelles. ( Voy. le Recueil
périodique de M . Dalloz} vol. 1820, i re partie, pag. 4o6.)
Venons à la loi du 14 floréal an 1 1 (4 mai i 8o3), contempo
raine du Code civil. On y lit, article i cr, que l’état et les droits
des enfans nés hors mariage, dont les père et mère sont morts
depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2 jusqu’à
la promulgation du Code civil, sont réglés par ce Code.
Dans le système contraire à celui que nous soutenons, il y
aurait donc encore ici rétroactivité, non-seulement en matière
de succession, mais en matière lYétat, puisque les droits des en
fans nés hors mariage, avant la promulgation du Code civil,
sont, par un acte de puissance absolue, places sous la règle
établie parce Code, tandis qu’ils devraient l’être par les lois in
termédiaires.
Le reproche, en effet, serait fondé, surtout sous le rapport
successif, si la loi de brumaire an 2, n’avait pas elle-même averti
tous les Français que leur succesion serait régie par la loi alors
en projet.
Quant à Yctal de ces enfans, nul reproche de rétroactivité ne
peut être imputé au législateur, puisque cet état n’étant pas en
core détermine par jugement ou transaction, il n’y avait pas
droit acquis.
�( a3)
Voyons maintenant l’objection soulevée par M. Merlin, loco
cilatOj sect. 3, art. 7, n° 3, oii il examine spécialement ce qu’il
faut penser de la rétroactivité des lois, dans le cas de paternité
ou filiation naturelle.
« Les qualités de père et d’enfant naturel (dit ce jurisconsulte,
page 235), lorsqu’elles sont établies par des preuves que la loi
reconnaît, produisent en faveur de l’enfant, une action pour se
faire donner des alimens par son père; et comme cette action a
son fondement dans le droit naturel, il est évident que, dès
qu’une fois elle est acquise, une loi postérieure peut bien en
étendre ou en resserrer les effets, soit quant à leur quantum, soit
quant à leur durée, mais non pas la détruire complètement.
Ce que la loi ne peut faire directement à cet égard, peut-elle le
faire, et est-elle jamais censée le faire indirectement? En d’au
tres termes, lorsqu’à une loi qui admettait l’enfant naturel à
prouver sa filiation, soit par témoins, soit par des présomptions
plus ou moins graves, succède une loi qui exige des preuves
d’un autre genre, celle-ci est-elle applicable aux enfans naturels
qui sont nés avant celle-là?
« D’après ce que nous venons de dire sur le mode de preuve
du mariage ou de la filiation légitime, la négative ne paraît pas
douteuse. »
Ici M. Merlin élève une doctrine en opposition manifeste avec
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2,/ et avec l’art. i crde
celle
♦
du i4 fi°i'éal an 1 1 ; car ces lois n’ont fait autre chose que
statuer sur le mode de preuve de filiation des enfans nés hors
mariage, existans lors de leur promulgation.
Le décret d’ordre du jour de l’an 2 prouve clairement que
ne sont exceptés des dispositions de la loi, que ceux qui avaient
�ic o
(4)
antérieurement formé leur action selon les lois et la jurispru
dence existantes.
Que prétend donc M. Merlin, quand il veut que l’enfant
soit admis, apparemment d’après la loi existante, au moment de
sa naissance, à prouver sa filiation ?
Si les hommes étaient ainsi régis par les lois qui gouvernent
le pays, au moment où ils ouvrent leur carrière, sans que les lois
postérieures puissent régler un état non encore assis, le législa
teur serait impuissant pour déterminer l’ordre de la société et
réprimer les abus.
Que la prestation des alimens soit de droit naturel, lorsque
l’état est constaté, rien de plus juste; mais qu’il soit de droit
naturel de prouver le mystère de la paternité par la seule fré
quentation de la mère, ou par des actes que la charité seule a
pu motiver, voilà ce qu’on ne prouvera jamais. C’est parce que
la paternité est un mystère, que la loi a sagement voulu qu’elle
ne pût résulter que d’un aveu authentique du père, et qu’elle
a proscrit l’arbitraire des présomptions.
M. Merlin argumente des principes qui régissent les enfans nés dans le mariage; mais le fait du mariage est un fait
public, d’oii résulte la présomption de paternité. Cette pré
somption, le mari a voulu la subir et elle n’a rien de déraison
nable; il n’y a pas d’incertitude sur le père, quand la femme
n’est pas accusée d’avoir fréquenté un autre que son mari.
La filiation des enfans nés dans le mariage repose donc pré
cisément sur le principe opposé au concubinage; la femme,
dans ce cas, étant libre, il n’y a pas de raison d’attribuer la pa
ternité à l’un plutôt qu’à L’autre.
31. Merlin a été si embarassé qu’il a commencé par dire: Ces
qualités de père et d’enfant naturel, lorsqu'elles sont établies par
�1
( , 5)
des preuves (pie la loi reconnaît, etc. Oui, sans doute, quand elles
sont établies, le législateur ne peut plus, par des lois posté
rieures, remettre l’état en question-, il ne peut que régler la
qualité du droit héréditaire dans les successions non ouvertes.
Mais lorsque ces qualités ne sont pas établies au profit de
l’enfant naturel, dans les formes voulues par les lois, lorsque
par conséquent, il n’existe pas de droits acquis, la loi nouvelle
saisit l’individu qui n’a pas fait constater sa qualité, dans l’état
ou il se trouve; et telle est l’opinion du célèbre publiciste et ju
risconsulte d’Amsterdam, Meyer, auteur du savant et profond
ouvrage sur les Institutions judiciaires des principaux pays de
l’Europe, dans ses Questions transitoires. (Pag. •206 et 207.)
Ses raisons sont, que l’action en déclaration de paternité n’é
tait pas, pour les enl’ans naturels, la suite nécessaire d’un événe
ment antérieur à la loi (pii la prohibe, lorsqu’elle n’est pas fondée
sur la reconnaissance formelle et par écrit du père; qu’elle pou
vait être intentée ou abandonnée au gré des intéressés; qu’elle
dépendait d’un jugement incertain en soi, sans lequel la de
mande aurait été comme non avenue; qu’elle ne peut donc être
considérée comme un droit acquis irrévocablement, à moins (pie
celte action ne soit déjà intentée} que l’intention formelle et po
sitive du demandeur se soit ainsi manifestée, et qu’elle 11e soit
devenue sa propriété irrévocable.
Nous ne connaissons pas l’opinion de Meyer autrement (pie
par ce quen rapporte 31. Merlin. Celui-ci prétend que, dans la
page 94, Meyer ne conteste pas le principe que, sur l’admissi
bilité de tel ou tel mode de preuve d’un fait, il n’y ait pas à
consulter d’autres lois que celles du temps oii le fait s’est passé.
S ’il ne le conteste pas formellement, nous 11e voyons pas qu’il
l’admette; il faudrait avoir le texte sous les yeux pour s’assurer
4
�(a6)
que la contradiction reprochée par M. Merlin à Meyer, existe
réellement.
Quoi qu’il en soit, voyons les raisonnemens que M. Merlin
oppose au passage très-formel de M. Meyer sur la non-rétroac
tivité des lois, au fait dont il s’agit.
« Quel est l’objet direct de l’action en déclaration de pater« nité?C’est principalement, c’est même uniquement, dansbeau« coup de pays, de faire déclarer le père assujetti à l’obligation
« de fournir des alimens à l’enfant qui lui devait le jour.
« Cette obligation, et par conséquent l’action tendante à en
« faire déclarer l’existence, sont-elles la suite nécessaire de la
« conception de l’enfant? Comment ne le seraient-elles pas?
« Nourrir l’enfant à qui on a donné l’être, jusqu’à ce qu’il puisse
« se procurer à lui-même sa subsistance, c’est la première dette
« de la nature; et elle lient tellement à l’essence de la pater« nité, que les animaux e u x - mêmes mettent à s’en acquitter
<( une sollicitude qui leur fait oublier leur propre conservation
« et braver tous les périls. »
Nous répondons : Sans contredit, c’est le premier devoir d un
homme, quand il a donné le jour à un enfant, de reconnaître
sa paternité, et de subir les obligations qu’elle lui impose; mais
si sa conviction intime repousse cette paternité; si, sachant qu’il
n’a existé aucun lien charnel entre lui et la mère, il refuse de
reconnaître celle paternité, et de prendre aux yeux de la société
une responsabilité morale, qui ne sera pas sans influence sur
son avenir, sur le bonheur et les droits d’une épouse délicate et
d enlans parfaitement légitimes, dira-t-on qu’ici le droit naturel
soit pour quelque chose? Et si une loi intervient, qui, pour laire
cesser 1 abus de la recherche de paternités aussi aventureuses,
prohibe la preuve de la seule fréquentation ou la preuve par
�6« !
( 27 )
témoins, quel droit naturel aura été violé? Le législateur aurat-il fait autre chose qu’user d’un droit légitime?
De quoi auront à se plaindre, la mère naturelle qui, pendant
la minorité de son enfant, ou l’enfant lui-même qui, depuis sa
majorité, n’auront pas invoqué la licence du genre de preuve
autorisé par une jurisprudence mensongère, abusive et scan
daleuse, si on les repousse en leur disant: La recherche de pa
ternité, entre personnes libres, est interdite, hors les cas parti
culiers spécifiés dans la loi-, ces cas sont précisément ceux oii il
y a un fait public, comme le rapt équivalent à un mariage
légal.
« Qu’importe, dit 31. Merlin, que cette action puisse être
« intentée ou abandonnée, au gré des intéressés ? De ce que je
« puis renoncer à une action, s’ensuit-il que ce n’est qu’en Fin
it tentant que j ’acquiers le droit de la poursuivre ? »
Oui, sans doute, quand la filiation est un fait plus qu incer
tain-, si on ne le prouve pas selon la forme admise par les lois,
on perd le droit qu’elle donnerait si elle était prouvée.
Deux arrêts de la Cour de cassation, des G juin 1820 et
12 juin 18 25, ont proclamé en principe: « Les lois qui règlent
« l’état des personnes, a dit le premier, saisissent l’individu
« au moment même de leur émission, et le rendent, dès ce mo« ment, capable ou incapable, selon leur détermination. Les
« lois qui régissent la capacité civile des personnes, a répété le
« second, saisissent l’individu et ont effet du jour de leur pro« mulgation. » En cela, elles n’ont aucun effet rétroactif, parce
(pie l’état civil des personnes étant subordonné à l’intérêt
public, il est au pouvoir du législateur de le changer ou de
le modifier, scion les besoins de la société.
M. Merlin pense que ces principes pèchent par trop de géne-
o
�te a
(>8)
ralité. Sans doute, si on les appliquait à des droits acquis par
transaction, jugement ou par action légalement intentée, avant
la loi nouvelle, à cause de la maxime : Qui liabet actionem ad
rem recuperandam, ipsam rem habere videtur.
Mais ces principes s’appliquent évidemment à un état de
meuré incertain.
M. Merlin lui même le concède :
Lorsqu'il s’agit d ’une action que la loi m’accorde par pure
faveur, et a titre de simple faculté.
Telle est bien la recherche de la paternité, hors mariage,
puisqu’il n’y a rien de plus incertain sans l’aveu volontaire du
père; et la preuve que c’était une faveur exhorbitante, ou plutôt
un abus de l’ancienne jurisprudence, c’est qu’aucune loi n’avait
consacré le principe de cette action, et que la Convention, au
moment mémo oh elle appelait les enfans naturels aux mêmes
droits que les enfans legitimes, a réglé le mode de preuve tant
pour le passé, que pour l’avenir, en prohibant la recherche de
la paternité, ailleurs que. dans les actes écrits du père, ou dans
•les faits personnels de lui à l’enfant, en rejetant les preuves
de fréquentation de la mère, etc., etc.
Au surplus, dit M. Merlin, notre question n’en est pas une
pour la France. Le législateur l’a tranchée lui-même de la ma
nière que je l’ai expliqué dans des conclusions du 9 novembre
1809, rapportées au § -x de l’art. Légitimité de 111011 Recueil des
Questions de Droit.
En se reportant surtout à l’arrêt intervenu, au rapport de
M. Cochard, le 9 novembre 1809, on voit que la Cour de cassa
tion n’a approuvé ni désapprouvé la doctrine que Fauteur des
Questions avait professée dans ce long réquisitoire.
�6 o^
( 29 )
Ce savant magistrat a prétendu alors, qu’il fallait distinguer
dans l’état des enfans nés liors mariage, ceux dont les pères
étaient décédés sous l’empire de la loi du 12 brumaire, ceux
dont les pères étaient décédés dans l’intervalle du décret du 4
juin 1793 au 12 brumaire, et ceux qui étaient décédés avant
1793. À l’égard des premiers, il dit qu’on était en droit d’exiger
d’eux une preuve authentique de l’aveu de paternité, bien que
l’art. 8 de la loi du 12 brumaire se contente d’une reconnais
sance privée. Comme on le voit, c’est la reproduction du sys
tème exposé par le ministre de la justice, dans son Rapport au
Directoire, lé 1 3 ventôse an 5, système rejeté par le conseil des
anciens, le 12 thermidor an 6. Ce rejet n’a pas convaincu
31. Merlin de son erreur, il n’en persiste pas moins à soutenir
(pie lui seul a bien interprété la loi.
L ’art. 8 du décret du 12 brumaire an 2, statue sur la preuve
de filiation des enfans dont les pères étaient décédés, sans dis
tinction entre ceux qui étaient décédés avant ou depuis le
decret du 4 J l,iu 1 7d3- Cela n’empêche pas 31. Merlin de sou
tenir sa distinction, et de prétendre que la preuve de la filia
tion, pour les premiers, pouvait encore se faire par la fré
quentation de la mère, en 1111 mot, par la voie scandaleuse
de la recherche indéfinie, tandis que la loi dit expressément
le contraire.
On sait que 31. 3Ierlin avait un rare talent pour soutenir
des griefs de ce genre, à l’aide d’une argumentation très-subtile*,
en discutant ainsi, il se fondait sur ce qu’autrement, la loi du
t 2 brumaire aurait eu 1111 effet rétroactif trop étendu. 3Iais,
soit qu’il s’agisse de pères décédés sous l’empire du décret du
4 juin 179^5 soit qu il s agisse d individus décédés auparavant,
l’effet rétroactif serait le même, si réellement la loi était ré-
%
�(3o)
Iroactive, quand elle règle l’état encore incertain d’individus
nés hors mariage.
L ’article 8, de la loi de brumaire an a, a fait cesser un abus
de jurisprudence qui n’aurait pas dû exister, et qui n’existait
pas partout. C’est donc une loi déclaratoire, plutôt qu’innovatoire. Elle disposait sur une matière non réglée, et il est de
principe que les lois qui statuent ainsi, ne sont jamais censées
rétroagir, puisqu’elles n’enlèvent pas de droits acquis. Les droits
acquis 11e sont que ceux qui sont garantis par des lois expresses.
On peut, il est vrai, appuyer l’opinion de M. Merlin d’un arrêt
rendu le 14 thermidor an 8; mais des arrêts aussi anciens ont
peu d’autorité aujourd’hui, surtout lorsqu’ils se trouvent contre
dits par des arrêts postérieurs, tels que ceux des 3 ventôse an
10, 26 mars 180G, 6 juin 18 10 , 12 juin i 8 i 5.
La manière tranchante dont est terminé le § 3 de l’art. 8,
sect. 3, de la Dissertation de M. Merlin, qui va jusqu’à dire
que la question agitée ne fait plus de doute, parce cjue le légis^lateur l’avait tranchée de la manière qu’il avait dite, ne doit
donc pas en imposer à ceux qui veulent se reporter aux preuves.
Au reste, les tribunaux se sont plus d’une fois écartés de
l’opinion de M. Merlin; l’ascendant qu’il exerçait par sa logique
et sa science a cessé depuis long-temps, et l’on n’examine plus
aujourd’hui que ses preuves.
Il
a soutenu, dans une Note additionnelle à ses Questions de
Droit, v° Testament, § G, pag. 2G9, que depuis le Code civil, il
n’y avait pas de doute sur ce que le testament mystique, nul
pour défaut de formes, ne pouvait valoir comme testament ologiaphe; mais malgré cette assertion, la chambre des requêtes
de la Cour de cassation, par arrêt du u3 décembre, rapporté
�6II
(30
dans la Gazette des Tribunaux, a rejette le pourvoi des héri
tiers Gauthey, sans délibérer.
On pourrait citer beaucoup d’autres exemples, non pour éta
blir que l’opinion de ce grand jurisconsulte est de peu de poids,
mais pour prouver que, comme un autre, il paye tribut à l’er
reur, et que ses opinions doivent être appréciées d’après la na
ture des argumens et non d’après l’autorité de son nom.
Au reste, même dans l’opinion de M. Merlin, la latitude de
preuve admise par l’ancien droit, pour la filiation des enfans
nés hors mariage, tenait à ce qu’il ne pouvait leur être accordé
que des alimens; du moment qu’on veut établir cette filiation
pour obtenir des droits d’hérédité et même de légitimité, nonseulement dans la succession du père supposé, mais encore dans
celle des parens collatéraux, des actions de cette nature doivent
être assujetties à la rigueur des formes introduites par les lois
postérieures.
Or,rllélène est décédée; elle n’a donc plus besoin d’aliinens*,
ce qu’on réclame aujourd’hui, de son chef, est la succession de
Jean-Louis Carraud d’Urbise, frère de celui dont la paternité
est recherchée. L ’action dont il s’agit est repoussée, quant au
fonds, par le texte formel de l’art, g de la loi du 12 brumaire
an 2 et par l’art. 4 de la loi spéciale du i 5 thermidor an 4*Quant
a la forme, cette action a été successivement régie par l’art. 8
de la loi de brumaire an 2, par l’art. 1 " de celle du 14 floréal
an 1 1 , et par la prohibition absolue du Code civil.
Les héritiers d’Hélène, fussent-ils recevables dans leur ac
tion et fondés dans leur revendication, d’après la jurisprudence
antérieure aux lois de 17 9 3, resterait a examiner si réellement
Hélène, après avoir prouvé quelle était enfant naturel du sieur
�Uo
( 3. )
Jean - Pierre Carraud, se serait trouvée légitimée, de plein
droit, par le mariage subséquent de ses père et mère.
On invoque encore sur ce point les anciens principes et la
dccrétalc d’Alexandre III. Il est bien vrai que, d’après une opi
nion généralement adoptée, le mariage subséquent des père et
mère d’un enfant naturel, avait pour effet de le légitimer; mais
il fallait certaines formalités, telles que de passer sous le poêle 3
s’il n’y avait eu une reconnaissance antérieure. Voilà ce qui
fut exposé au Conseil d’Etat, dans la séance du i 5 novembre
18 0 1, et ce qui lit rejeter la proposition d’admettre la légiti
mation tacite, ou par reconnaissance postérieure au mariage.
La décrétale d’Alexandre III, qui d’ailleurs est une loi étran
gère, ainsi que Potliier le reconnaît, 11c dit pas que le mariage
aura pour effet de légitimer des enfans naturels, non reconnus
comme tels : c’eut été singulièrement encourager le concubinage,
et accorder une prime à une chose qui était déjà de pure fa
veur, puisque la légitimation par le mariage subséquent, intro
duite dans la législation par Constantin, restreinte par Zénon,
rétablie par la Novelle X IX de Justinien, a toujours été con
sidérée comme faveur.
Potliier dit, il est vrai, que la légitimation s’opère par la
seule lin du mariage, sans que le consentement des père et
mère soit exprimé; mais il ajoute en parlant de l’inutilité de la
cérémonie du poêle: « Quelle n’est pas nécessaire, lorsque
<r les époux les ont reconnus pour leurs enfans, de quelqu’autre
» manière que soit, soit avant, soit depuis leur mariage; en un
« mot, lorsque ces enfans peuvent, de quelque manière que ce
a soit, justifier leur état. »
Potliier ne dit pas «pie, pour jouir de la faveur de la légi-
�(jl'S
(33)
timation, on peut faire un procès en reconnaissance de pater
nité, mais seulement qu’il fallait justifier d’une reconnaissance
de cet état.
Nous ne connaissons aucune décision judiciaire qui ait fa
vorisé les bâtards, au point d’ajouter au scandale de la recherche
d’une paternité toujours incertaine, celui de leur attribuer tous
les honneurs de la légitimité. C’eût été un moyen d’éluder les
lois du temps, qui, de l’aveu de M. Merlin, ne leur accordaient
d’action que pour leur assurer des alimens.
Ce serait créer un moyen d’éluder les prohibitions des lois
de l’an 2 et de l’an 4, dans ce qu’elles ont de salutaire, pour
empêcher les enfans naturels de revendiquer des droits de suc
cession dans les familles collatérales; ce serait renverser tous
les principes de moralité et d’ordre social.
Dès que l’action des héritiers d’Hélène a ce but, elle doit être
proscrite d’autant plus fortement.
Nous n’avons pas relevé, dans le cours de cette discussion, la
circonstance que l’action n’a été intentée que long-temps après
la mort du père, et que les consultans sont fondés à repousser
une calomnie; que le père supposé, loin de vouloir reconnaître
cet enfant, a fait des dispositions qui excluent toute idée de pa
ternité.
Nous n’avons pas, non plus, relevé la bizarrerie qu’il y a d’ad
mettre aujourd’hui, sur une déclaration faite par une femme
octogénaire, dans un temps oh la terreur devait paralyser toute
résistance de sa part, l’application de la maxime : Credilur
virgini.
* !À
�(34)
Mais nous disons avec une grande conviction, que le tri
bunal de Riom, par son jugement du 3o juillet 1828, a faus
sement appliqué la décrétale d’Alexandre III, et les anciens
principes sur la légitimation par mariage subséquent; qu’il a
violé l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, applicable aux re
cherches de paternité dirigées contre ceux qui étaient décédés
sous l’empire des lois antérieures, l’art. 9 de cette loi et l’art. 4
de celle de l’an 4 5 qui défendent l’admission de ces actions ten
dantes à attribuer des droits aux enfans naturels dans la suc
cession des parens collatéraux ;
Que, d’ailleurs, la question est régie par le Code civil; qu’ap
pliquer ce Code à une action née sous son empire, pour un état
non fixé auparavant, et ou il n’existait pas de droit acquis, sera
ne pas violer le principe de la non-rétroactivité des lois et faire
au contraire une juste application de ces lois, de l’art. 1 cr de
celle du 14 floréal an 1 1 , du décret d’ordre du jour du 4 plu
viôse an 2, de l’art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, et des
principes fixés par les arrêts de la Cour de cassation, de l’an
10 , de 1806, de 1 81 0 et 1 8 1 5, précités.
Délibéré à Paris, ce 28 décembre 1828, par les avocats au
Conseil du Roi, et a la Cour de cassation, soussignés:
IS A M B E R T , H E N N E Q U IN , D A L L O Z .
C L E R M O N T-F E R R A N D , DE I.’ IM P R IM E R IE . DE J . - J . V A I S S I E R E ,
rue des G ras, n* 15, maison boisson . 1820.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Poya. 1829]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Isambert
Hennequin
Dalloz
Subject
The topic of the resource
abandon d'enfant
renonciation à succession
successions
estoc
successions collatérales
enfants naturels
testaments
reconnaissance de paternité
conflit de lois
recherche de paternité
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
rétroactivité de la loi
doctrine
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire à consulter et consultation pour les Sieurs Poya, Rome, dame veuve Abraham et consorts, héritiers ou légataires de l'estoc paternel de Jean-Louis Carraud d'Urbise, contre Les enfans d'Hélène Dubois, se disant fille de Jean-Pierre Carraud, frère du sieur d'Urbise.
Annotations manuscrites. « 19 février 1829, arrêt infirmatif en audience solennelle. Journal des audiences, 1829, p. 337 ? »
[suivi de] Consultation pour les héritiers ou légataires de la ligne paternelle de Jean-Louis Carraud d'Urbise.
Table Godemel : Enfant naturel : 5. l’enfant naturel, né en 1751, baptisé sans désignation de père ni de mère, mais produisant, plus tard, une reconnaissance émanée de sa mère, sans en rapporter une de son père putatif, peut-il prétendre qu’il a été légitimé de plein droit, par le mariage subséquent de ce dernier avec sa mère ?
pour réclamer les effets d’une pareille légitimation n’est-il pas nécessaire de prouver la filiation antérieure au mariage ?
les dispositions des lois romaines sur cette matière s’appliquant à des mœurs et à des usages qui rendaient d’ailleurs, inutile toute reconnaissance, peuvent-elles être invoquées ?
a défaut de la cérémonie du poêle, qui sous l’ancienne législation, tenait lieu, en France, de reconnaissance des enfants nés avant le mariage, et qui était tombée en désuétude, doit-on chercher des éléments de décision dans la jurisprudence antérieure aux lois intermédiaires et au code civil ?
l’ancienne jurisprudence ne présentant, en l’absence d’une loi positive sur la matière, que variation et contradiction, ne doit-elle pas être regardée comme inapplicable ?
ne doit-il pas en être de même de la loi du 12 brumaire an 2, et de celles qui l’ont suivie, quant à son exécution, soit en ce que cette loi de brumaire n’avait trait qu’aux enfants naturels existant alors et agissant en réclamation de paternité ou de maternité contre un individu pris isolément, soit en ce qu’elle n’admettait que le droit de prétendre aux successions ouvertes depuis 1789 ?
n’est-ce pas le cas, au milieu de cette incertitude, et s’agissant de déférer la paternité à un individu décédé en 1781, de recourir au principe consacré par l’article 331 du code civil, considéré, sur ce point, comme l’expression d’une raison générale ?
tout effet rétroactif ne doit-il pas cesser, dès le moment qu’il est reconnu que l’enfant naturel n’avait aucun droit acquis, au moment de la publication du code civil ?
si, dans tous les cas, l’ancienne jurisprudence pouvait être invoquée pour l’enfant naturel, soit à raison de sa naissance (1751), soit à raison du décès de son père putatif (1781), ne devait-il pas alors s’appuyer sur des commencements de preuve par écrit, sur des indices et présomptions graves établissant sa filiation, et rendant admissible la preuve des faits articulés ?
spécialement, pourrait-on admettre, sous l’empire du code civil, une recherche de paternité, à l’occasion d’une naissance arrivée en 1751, et de la part des héritiers de celle qui ayant intérêt à l’existence de cette paternité, ne rapporte aucune reconnaissance, aucun écrit de son père putatif, et qui n’a elle-même intenté son action en réclamation qu’en 1802, c’est-à-dire 51 ans après sa naissance et 21 ans après le décès du père putatif ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-J. Vaissière (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1829
1751-1829
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2618
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Saint-Pierre-Roche (63386)
Ardeyrolles (village de)
Reyvialle (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53533/BCU_Factums_G2618.jpg
abandon d'enfant
conflit de lois
doctrine
enfants naturels
estoc
loi du 10 novembre 1803 (travaux préparatoires de la)
Recherche de paternité
reconnaissance de paternité
renonciation à succession
rétroactivité de la loi
Successions
successions collatérales
testaments
-
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106d5d817990196714de06ebb333c78a
PDF Text
Text
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MEMOIRE A CONSULTER
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C O N S U L T A T I O N
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M' TRIOZON-SAULNIER,
Avocat près le Tribunal civil d’Issoire.
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M c T rio zo n-Saulnier, avocat près le Tribunal civil d’Issoire ,
consulté par les héritiers Cothon et autres, leur donna l’avis ver
bal d’intenter une action en dommages-intérêts contre un avoue
qui avait eu leur confiance.
Depuis cet avis, M ETriozon ayant eu connaissance de faits et
circonstances qu’il avait jusqu’alors ignorés, ne crut pas devoir
continuer à rester chargé de cette cause.
Les héritiers Cothon s’adressèrent à M .le président du tribunal;
le président du tribunal les renvoya au bâtonnier, qui, se confor-
�mant à leurs désirs , commit M c Triozon-Saulnier pour défendre
leurs intérêts
7«-
. —-
M e Triozon répondit qu’il ne pouvait accepter la mission qui
lui était confiée , par des raisons qu’il était seul en droit d’appré
cier (2).
Le tribunal, formé en conseil de discipline, prit, le i g mars
dernier , une délibération dont le résultat fut que M c TriozonSaulnier comparaîtrait à jour fixe , devant lui, pour expliquer les
motifs JË son refus.
Cette délibération ayanl été transmise à M c T riozon-Saulnier,
il s’empressa de consulter les plus anciens avocats du barreau de
Clerm o n t? pour se conduire d’ après leur avis et ne rien faire qui
put porter atteinte à l’indépendance de sa profession.
Une consultation, signée de M. B o iro t, bâtonnier de l’ordre,
et d’un grand nombre de scs confrères , confirma M c T riozonSaulnier dans l’opinion qu’il s’était d’ abord formée ( 3). Il se pré
senta devant le tribunal, le jour qui avait été fixé, et répondit,
en se conformant à l’avis qui lui avait été donné, que pour la
dignité etjl’honneur de l’ordrCj des .avocats, il ne pouvait ni 11c
croyait devoir fournir des implications pour motiver sa résolu
tion de ne pas plaider, et qu’il persistait dans sa première déter
mination.
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Le tribunal, réuni en conseil de discipline (le 22 mai dernier),
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P iic e s ju stifica tive s, N» ,.
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�fui d’avis que M c Triozon Saulnier s’était renfermé dans l’exer
cice des droits attachés à sa profession (i).
Me Triozdn espérait que cette décision serait souveraine : il se
trompait. Le ministère public , au nom de M . le procureur - gé
néral absent, lui fit notifier un appel et une citation devant la
Cour royale de Riom , pour répondre aux interpellations qui lui
seraient faites sur sa conduite, et se voir appliquer des peines de
discipline, pour s’ètre écarte des scnlirncns d'honneur , de fra n
chise et de loyauté (2).
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8 î $ i ¡cm
;»l t ■ nülqbib »b_ iioêfioa 11y i m i t a t o i i o s
Les termes de celte citation ont justement affligé M c TriozonSaulnier ; il laissera à la sagesse de la C o u r le soin d’apprécier si
M. le procureur-général a pu interjeter appel de la décision du
22 mai : il se bornera à soumettre au conseil l’ unique question de
savoir :
Si un avocat, désigné en matière civile par le bâtonnier de son
ordre, pour défendre une cause qu’il a conseillée, peut être forcé
de faire connaître les motifs de son refus , et si M. le procureurgénéral est fondé à demander contre lui l’application des
peines de discipline, pour avoir répondu que pour la dignité et
l’honneur de l’ordre des avocats, il ne pouvait ni ne croyait de
voir fournir d’explications pour motiver sa résolution dans cette
circonstance.
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(1) Vuy. Pièces justificatives, n° 5 .
(2) Voy. Pièces jusiificativcs, n° 6.
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Qui a lu i° la décision du tribunal de première instance d’Issoire, réuni en conseil de dicipline, le 22 mai 1828, d’après
laquelle il a été d’avis que M ‘: T rio z o n -S a u ln icr, avocat près le
tribunal, avait eu le droit de refuser de plaider une cause civile,
sur la désignation du bâtonnier de son o r d r e , ( quoiqu’il eût luimeme conseillé le p r o c è s ) , et de faire connaître les motifs de
son refus.
20 L a citation donnée par M . le p ro c u re u r-g é n é ra l, audit
M c Triozon-Saulnicr à comparaître devant la Cour royale de
R io m , à l ’effet de répondre aux interpellations qui lui seraient
faites sur sa conduite, et se voir appliquer l’une des peines de
discipline énoncées en l’article 18 de l'ordonnance royale du 20
novembre 1822 , pour s'être écarté des serdimens d honneur, de
franchise et de loyauté, l'une des bases de la profession d avocat.
Consulté par ledit M c T rio z o n -S a u ln icr, sur la question de
savoir si en maiière civile, un avocat désigné par le bâtonnier
de son o rd re , pour défendre une cause qu’il a conseillée, peut
être forcé de faire connaître les motifs de son refus;
.0 ( ii <cÆYiJüinliJcw)
EST
D ’ A V IS
DES
R É S O L U T IO N S
v (0
S U IV A N T E S :
De l’indépendance , caractère essentiel de la profession d’avo
�cat, naît pour celui qui l’cxerce la faculté d’accorder ou de re
fuser son ministère à ceux qui le réclament. S ’il se consacre au
public, il n’en est pas l’esclave (t) , et il le deviendrait s’il était
l’interprète obligé de scs passions ou de ses caprices. Le serment
qu’il prête en revêtant la to ge, lui impose le devoir de ne point
employer scs connaissances , ses talens au triomphe d’une cause
qu’il ne croirait pas juste en son âme et conscience. Sa conscience
seule est juge des motifs qui le portcnL à accepter ou à rejeter la
cause qui lui est présentée ; « sans ce droit précieux, lit-on dans
» le préambule de l’ordonnance de 1822, les avocats cesseraient
» bientôt d’inspirer la confiance et peut être même de la mé~
» rilcr (2). -•>
Une seule exception, non au devoir de l’avocat, qui est inalté-
(1) D ’Aguesseau ( Discours sur Vindépendance de l ’avocat,')
(2)
D an s l’affaire du chevalier D esgraviers , jVI. D upin a în é , répliquant de
vant la C o u r royale à M. Q u é q u e t, avocat g é n é ra l, disait ;
« C ’est avec plaisir que j ’ai entendu le défenseur de Sa M ajesté rappeler c,elte
belle et rassurante parole , d’un de ses plus illustres d evan ciers, Je savant et
modeste d’A guesseau, le q u e l, en parlant des gens du parquet, disait que : «dans
» les causes du r o i , leur.m inistère ne les rend parties qu’avec les dispositions
» des ju g e s, et le m êm e esprit de justice. »
» M ais en cela, q u il me soit permis de le dire , M . l’avocat du l\o i ne s’est
rien attribué que je 11e puisse égalem ent revendiquer pour le barreau.
» E t nous aussi , Messieurs , le devoir de notre profession nous ob ligea nous
constituer les prem iers juges du droit de nos cltfins ; nous ne sommes les déjeti-
seurs obligés d’aucune cause ; aucune loi ne dit que nous serons tenus de plaider
telle ou telle affaire ; et notre serin en t, le même que nos jeunes contrères vien
nent en ce m om ent de prêter devant v o u s , nous oblige à rejeter loin de nous
le fardeau de toutes les causes que nous ne croirions pas justes en notre ;1me et
conscience. »
�rable J'irltiis iisdn* c;ntièike ülvcrte , existe dans les affaires crimii*fq .
r' . |
,
nelle^. ‘L ’dèsislàntC' fFtin conseil est ■
alôrs exigee , autant dans
l’ intérêt de lû1 jiMick ijuê danb'l’intérê't'de l'accusé ; si hori habebunt advochiuhi v;'ëgà dubo , disait le prêteur (i). L ’avocat
noinrhé d’office ne peut réfuéér d’êfiæ l’appui, le guide d’ un irttr
forfané ; :pour lui la c a u se du malheur est sacrée; res est sacra
miser..... Il ne Tabandônnerait pas lors même que l’obligation
rïe serait pas écrite dans la loi ; mais son devoir dans ces affaires,
reste toujôurs tracé par sii conscience et son serment; il lui est
rappelé avàrit l'ouverture'des débats par le magistrat qui préside
f cttdè d’ inst. CrimiH^lfe. art. 3 i i ); C ’est ce devoir qui lui im
pose quelquefois un douloureux silence qu’il ne saurait rompre
sans blesser sa concience. TSec factum défende rneum , mata
causa silenda est (2).
En matière civile , l’avocat conserve son indépendance toute
entière; aucune injonction , aucune désignation 11e saurait le for
cer à se charger d’une cause qui lui répugnerait; il n’a aucun
compte à rendre de sà détermination; il ne doit consulter que sa
conscience , elle seule est son guide et son juge.
, air>nnr,7'*b «nJz »t'!t zituf üaa'fjf»
;>> a!-i/;iü8?iin '
Ce droiti, inhérent àda profession d’avocat, a été respecté par
i!» JuflvBB »1
le décret de i 8 r o , dont plusieurs dispositions portaient cepen
dant atteinte à son indépendance ; dàns, son système même ce
décret faisait une distinction entre les affaires civiles cl lesaifai-iiv
. . .
,
.
. ;..
res crimiuelles ; au criminel , tout accuse doit avoir un défenseur
de son clioijv , et ç’est pour ce ca§ seul que le déçret de 1810 ,
art.
» assujéLit l’avocat qui refuse, à déduire scs motifs pour
les ¡faire agréer ; rnaisi en* matière civile , il n’est pascssentiel que
■LJÜii i)l> U-U'.l
I .' ", I111(. ^
(r) Jj. 1 f § 4 ff- Wb postutnndo.
(a) (hid. 3 , de Pont.
. --------- 1
�les parties aient un avocat, ; plusieurs s’en dispensent, çt^proeje-,
dure n’en est pas moins régulière; aussi l’art. 4 1 du décret,rçfauf
torise-t-il à nommer d’office un avocat pour ces sortes:d’affaire8,
qu’on ajoutant s ’il y a lieu; ce qui rend la désignation et l’accep
tation facultatives. Le décret n ’oblige pas l’avocat, comme dans
, • cr ■
^ niioijpoeuopeol f JnSmÔiinBpiJa iievudq no li 2L
les atraires criminelles, a taira,connaître et.agréer scs motus;
s o n re f u s est p é r e m p t o i r e , e t c o m m e te d is a it M° D u p i n a î n é ,
inobnoaniîiio mo eojrtfijaiiooaioiiob .ni;! ¿iu<i unnoo 3xc*nic Jkqovî»
dans une consultation du 5 iev n er dernier , sur une question
iiii
-i
.
. .
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y^iiliG 1 £>b '>■
>'-1 c
semblable, il peut se contenter d e repondre : « II ne me convient
» pas de p l a i d e r telle cause. T o u l c a u t r e d é d u c t i o n de m o t i f s ,
, n
., a a ub.ay.oou3 « p e o i i f i î J n i p aavnsifj 89b i d i w o
» telle que 1 allégation que 1 on est mal p o r ta n t, mie la cause est
--n« /'oir:.ilu<5iio )
ob oûp qtio Uj; o^uipoÆ a o n n o i i f i n a a p i q ^ n j j u p
» mauvaise, que 1 on est trop charge / est de pure courtoisie. »
n b ¡ajlao , oaüiiD r.i o b o J il in o u r (d oup ; « iu q o o a u m p o n o :iJ:i J ifii
Cette faculté de désigner un a v o c a t ’ dtins'-les affaires civiles,
n’est pas reproduite dans l’ordonnance du r o i , de .1822* I^’ai
Licle
4i se contente d’imposer à un avocat I'oblig^jop d’aççorder son
ministère en nialièi c 'C rim inelle ? à moins q u ’i l .n tlit présenté
fait agréer ses motifs d ’excuse.
•®•u
eailqai
Il faut en conclure que U'dispôsîtioh de l’art. 4‘r du décret de
1810 , qui n’imposait du ¡reste aucune: obligation de; p la id er, a
été àbrogée par. l ’ordonnance.
• »<n
> nio
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ob .i’t.s'b
Objecterait-on que dans le cas particulier, l’obligation de
plaider nais&iit à l ’égard de M° TFrio/on , de ce q u ’il a^ait
étinfceillé d-lntentér le pro^è-s- ?Jfioovcfl oup iol iA ob u- . >iî*i-'*> ■
; ôliiipèM fi oin’ioino ) uoq .fiV.ovno’it rd Iifwp omont «nol , vlluéiaoj
On réppndrait qu’en donnant une Qpn^ltaliqn un; ayqcaL n’a
liène passa liberté ; qu’ il ncj.se forme ¡aucqn conjtgftt .-obligatoire
pour lui, vis-à-vits du client. So n devoir, dans spp¡cabineL, est
de peser en son àmç cl.pçi/scicpjcp ses ayis et ses conseils , d’après,
l’exposé qui lui est fait. Lorsqu’ils sonl donnés, ¡l;çst délié;ylp toute
�obligation vis-à-vis du d icn t ; ce dernier est libre de les suivre ou
de les négliger, de continuer ou de retirer sa confiance, de
s’adresser à d ’autres jurisconsultes; la liberté dont jouit le client
existe également pour l’avocat.
."A
,
Lhrilipiil jioiJJsJ
S ’il en pouvait etre autrem ent, les conséquences les plus déplo
rables se présenteraient en foule à l’esprit. Ce serait en vain qu’un
avocat aurait connu plus tard des circonstances qui changeraient
'* O fiU *SUPj
jO îüL'IO II 'lO I 'iV .'ji r i l b t V ) l ’ il
•
la face de l’affaire et l’opinion qu’il avait d’abord embrassée,
qu’une enquête dont il était impossible de prévoir le résultat,
aurait fourni des preuves contraires au succès du procès conseillé;
qu’une prescription non acquise à l’époque de la consultation au
rait été encourue depuis; que la moralité de la cause, celle du
client, jusqu’alors ignorées de l’avocat, lui auraient été révélées.
Par cela même qu’il èst possible q u e , postérieurement à la
Consultatidn donnée , des faits nouveaux; changent l’état de la
question e t , par’conséqticnt, le devoir de l’avocat, il f a u t , pour
qu’il l’accomplisse consciencieusement, qu’il demeure, à toute
e'poqup , seul arbitre du parti qu’il doit prendre.
E t quand'il serait vrai que les faits n’eussent pas changé, il ne
faut pas croire que tout conseil 1-engage irrévocablement à se
charger de plaider.
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c "iv ! uni l-i :cj
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aup
U n conseil , une consultation peuvent n’êlre autre chose que
l’explication de la loi que l’avocat doit donner, au client qui le
consulte , lors même qu’il la trouverait peu conforme à l’équité;
mais l’avocat reste maître de prendre , non-seulement dans la loi,
mais aussi dans la riolion du ju;itc et de l’injuste qui lui est fournie
par sa conscience , la règle de son devoir. Par exem ple, il ne
peut s’empêcher de déclarer 5 son client q u ’a ux termes de la loi,
la prescription lui est acquise , et cependant sa conscience., appré-
�a
ciant les faits de la cause dans laquelle cette prescription est invo
quée , peut lui défendre de s’en rendre l ’organe.
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ju d - .'?,v y , î.-;ni'ürit mi>omoîH-eoiaifTon: «a;» , o'no.^I
Si l’ayocat est libre de refuser son ministère;,,est-il tenu, com
me on le prétend , de faire connaître les motifs de son refus?
Non , sans doute : car si personne ne peut le forcer à se charger
d’une affaire , personne ne peut lui demander compte des motifs
qui le déterminent. Autrement, ce ne serait plus d’après sa cons
cience qu’ il plaiderait , mais d’après la conscience d’autrui. Ce
ne serait plus parce qu’une affaire lui paraîtrait bien fondée en
droit et et en équité, ce serait parce qu’elle aurait paru telle à
d’autres q u i, jugeant ses motifs, ayant la faculté de les admettre
ou de les rejeter, pourraient le forcer à soutenir ime opinion qui
n’est pas la sienne et à combattre son propre sentiment. Que de
viendrait l’indépendance de l’avocat? Où serait cette liberté es
sentielle à l'exercice de sa profession i'
• < *v
Vy v,
Mais indépendamment de celte liberté qui constitue son droit,
il existe un devoir s a c ré , celui de ne pas trahir la confiance du
client qui lui a demandé conseil ; son cabinet est un asyle invio
lable dan^ lequel aucune inquisition ne peut pénétrer. S ’il est
libre de ne pas défendre les intérêts d ’un c lie n t, il n’est pas libre
de les compromettre. Telle pourrait être cependant la conséquence
de la révélation des motifs qui le portent à refuser.
■
I c e >• êorfofiJiB i n o a î u p ¿ f t o i b
S ’il les communique au conseil de discipline composé de ses
confrères , ne les détournera-t-il pas de se charger de l’affaire ?
ne leur fera-t-il pas partager ses raisons , s a détermination? ne
mettra-t-il pas ainsi, par une indiscrétion îiépréhensiblevie client
qui a placé sa Confiance en' l u i , dans l’impossibilité de trouver
un défenseur?
V i;
— ' ij;
,
�IO
Combien scs intérêts seraient plus gravement compromis en
core si le conseil de discipline était com posé, comme il l’est à
Issoire, des membres même du tribu n al, c’est-à-dire des magis
trats qui doivent juger le procès ; ce serait à ces juges que l’on
voudrait contraindre l’ avocat de dévoiler tout ce que lui a dit son
client, les confidences qu’il peut en avoir reçues! Il devrait leur
exposer scs objections, les développer si elles étaient combat. îü
dJorrfoD *j'jJ-îî!/»iiio i) m l Jixo' i o u *•fi K»c/:o '
t ‘ *
tues , et élever ainsi dans leur esprit, non-seulement des préven
tions fâcheuses , niais peut-être y former une conviction contre
laquelle tous les efforts de son client pourraient être inutiles.
L ’avocat qui en agirait a in si, non-seulement montrerait une
faiblesse , une condescendance condamnables, mais encore mé
connaîtrait sa dignité’, son serment, ses devoirs; alors on pour
rait lui adresser le reproche renfermé dans la citation donnée au
nom de M. le Procureur général à M e Trio/on-Saulnier, de s être
écarté des sentimens d honneur, de franchise et de loyauté.
De ce qui précède , il faut conclure , avec le tribunal d’ Issoirc ,
que la profession d’avocat étant lib re , il est permis à celui qui
l’exerce de refuser ou d’accepter, en matière civile, les causes qui
lui sont présentées; que l’on ne peut exiger de lui qu’il fournisse
des explications sur les motifs de ce refus, parce que ce serait gê
ner la liberté et l’ indépendance inhérentes à la profession d’avo
cat; que M e Triozon-Saulnier s’est renfermé dans l’exercice des
droits qui sont attachés à sa profession.
il est cependant cité devant la Cour royale de llio m : il devra
s’y présenter avec confiance, dans l’espoir de voir consacrer de
nouveau des droits légitime** et précieux qui ont été m é c o n n u s c l
contestés. Les magistrats qui la composent seront frappés de ce
que M. le Procureur général invoque contre M* Triozon-Saulnier
�Inapplication des peines de discipline portées dans l’ordonnance de
1822 , pour avoir refusé de dire les motifs qui l’ ont déterminé à
11e pas plaider une affaire c iv ile , lorsque cette ordonnance , dans
son article 4 1 » ne prononce ces peines, en cas de résistance , que
lorsqu’il s’agit de la défense d ’un accusé ; ils n’apprendront pas
enfin sans étonnement et sans douleur, que la conduite d’un avoqui n’a fait qu’u s e r , suivant sa conscience , de la liberté inhé
rente à sa profession , ait pu provoquer une censure tellement
amère que l’oubli de tous les devoirs pourrait seule la justifier.
Délibéré à P a ris, le 16 juin 1828.
TA R D IF.
D E L A C R O IX - F R A IN V IL LE ;
ancien bâtonnier'.
B E R R Y E I l père.
D E L Y IN C O U R T .
G A Y R A L , ancien bâtonnier .
H E N N E Q U IN .
•F’adhère d’aulani plus volonliers à la consultation ci dessus , que nia con
viction à cel égard est form ée depuis lon g-tem p s; c l que j ’ai déjà émis la même
opinion dans une occasion sem blable. \ oyez la G azette des tribunaux , du 6
février 1828.
D U P IN
aîné.
l- ’ancicn avocat soussigné déclare avec em pressement son adhésion h une
doctrine qui est la seule véritable en m atière de devoirs et de droits de la
profession d’avocat. L es développcm ens que renferm e la co n su ltatio n de scs
confrères lui paraissent aussi concluans que com plets. A son avis , si une dis
cussion aussi lumineuse et aussi forte ne produit pas pour effet d’éclairer le
ministère p ublic exerçant près la C o u r royale de R io m , sur l’erreur de sa pour
�su ite , on ne saurait douter du résultat. D e s M agistats sup érieu rs, renom m és
pour la sagesse habituelle de leurs arrêts , et dont plusieurs se sont élevés des
rangs du barreau aux ém inentes fonctions qu’ ils rem plissent , ne pourront hé
siter à consacrer une défense fondée sur les maximes les plus évidem m ent con
form es à la raison , à la liberté de l ’avocat et à la dignité de sa profession.
D élib éré à P aris , ce 17 juin 1828.
B I L L E C O C Q , ancien bâtonnier.
J ’adhère com plètem ent aux principes développés ci-dessus.
P a ris, le 18 juin 1828.
M A U G U IN .
L e conseil soussigné estime que lors m êm e que la prétention de M
le P r o
cureur-général prés la C o u r royale de R io m serait fo n d ée, la qualification de
la faute qu’il impute ;V M . T iio z o n Saulnier , serait d’une amertume hors de
proportion avec celle faute qui dans la réalité 11e serait qu’une erreur. A in si
même dans ce cas I’accusalion ne saurait être accueillie ; mais appréciée à sa
juste v a le u r , on vo it que c’est elle qui est erronée , et il est évident que
M. T rio zo n Saulnier n ’a fait qu’user d’un droit attaché à sa profession. C ’est
ce qui a été parfaitem ent dém ontré dans la consultation ci-dessus à laquelle le
soussigné adhère com plètem ent.
P a r is , le 18 juin 1828.
D U P I N jeune.
J ’adhère com plètem ent à la consultation ci-dessus. E n m atière crim inelle
l’avocat est obligé d’ obéir il la nom ination d’ office dans l’ intérêt naturel de la
défense qui ne penn et pas qu’ on abandonne un accusé ; mais en matière civile,
il eu est autrem ent; la liberté et l’ indépendance de l’avocat peuvent et doi
vent être en tières, sans nuire à la partie qui trouvera un autre a v o c a t, ou
qui dans tous les cas , ayant un avoué qui ne peut pas refuser la nom ination
d’ office , 11e sera pas abandonnée à elle-m êm e.
�J e crois devoir d’ autant mieux adhérer aux principes développés plus liant par
ines honorables c o n frè re s, qu’ il ne m ’est pas possible de m ’expliquer à m o imêine les raisons sur lesquelles pourrait se form er l’ opinion opposée.
P aris , ce 22 juin 1828.
-,
J. B . N . P A B O U IN .
T
■
»
L e soussigné adhère pleinem ent à la résolution donnée dans la consultation
ci-dessus , ainsi qu’aux m otifs sur lesquels elle est fondée. 11 a toujours pensé
que , hors le cas où l ’avocat est chargé d’ of: ce , en m atière crim inelle en g é
n éral , il ne peut être contraint de rem plir la m ission qui lui serait donnée de
défendre une cause q u elco n q ue, parce qu’ il est juge Souverain des raisons
qui peuvent l’en détourner , raisons que les devoirs de sa noble profession
l ’em pêcheraient souvent de faire connaître à qui que»ce fût.
P aris , le 22 juin 1828.
DURANTON.
J e ne saurais rien ajouter à tout ce qui a été dit dans la consultation et les
adhésions qui p récèd e n t, en faveur de llavocat inculpé.
S a justification me sem ble com plète et irrésistible sous tous les rapports.
P a ris , le 23 juin 1828.
T H E V E N IN
p è re , bâtonnier.
U n avocat qui est nom m é d’ office pour plaider en matière crim inelle et qui s’y
refuse est obligé de déduire et de faire agréer les m otifs de son refus ; la loi est
form elle à cet égard. M ais il n’ en est pas de même en m atière civile ; l ’avocat
peut , en cette matière , se charger ou refuser de plaider selon qu’il le juge h
propos ; ensorte que personne n’a le droit de l’ in te rro g e r, ni de lui demander
compte de sa déterm ination ; il est entièrem ent libre et exempt «le toute espèce
de c o n trô le ; c ’ e s t ce qu’établit parfaitem ent la consultation à laquelle j ’adhère
com plètem ent.
Paris , le 24 juin 1828.
A R C H A M B A U L T , ancien bâtonnier.
�L a liberie dont l'avocat doit jou ir dans l’excrcice do ses fonctions civiles, et
le secret qui doit ûlre observé sur ce qui s’est dit et passé entre lui et son c lie n t,
s’ opposent égalem ent à ce qu’il lui soit demandé com pte des m otifs qui le dé
term inent à refuser la défense d’une cause civile. C ’est un principe universel
lem ent adm is, et qui ne peut ôtre révoqué en doute par ceux qui ont appartenu
à cet ordre.
A Paris , le 24 juin , 1828.
jîu a q gjtfopjoi £ i l .oàbnol îw silo ¿brjp ^ l m
#
T R IP IE R .
0 0 ^
¡ani* «aowafe-w
Le soussigné adhère com plètem ent à la consultation ci-dessus.
P a r is , le a 5 juin 1828.
H . Q U F /N A U L T .
i t o i ^ l o i q sîcfon' £2 :'f> vu& rm i ‘A sup enoeir.': , •iornuolbij no': Jn-ivüyq iup
�PIECES JUSTIFICATIVES
. > nj-ji ' *) i
i
r i :} î ••
• t.
DES
F A ITS ÉNONCÉS DANS LE M ÉM OIRE A CONSULTER
ET
DANS
X.A C O N S U L T A T I O N .
IV
i.
Lettre cle M . D o r l i i a c , bâtonnier de l ’ordre des avocats près le
tribunal civil d ’issoire , à M ° T r i o z o n - S a u l n i e r , avocat.
L<- 19 Fevrier i8a8.
Monsieur ,
M . le président vient de m’inviter à désigner un avocat pour plaider la cause des Cothon, Pètres et autres, contre Mc Lemoine, avoué ; les parties m’ont en même temps
témoigné le désir de voir confier leurs intérêts à vos soins et à vos lumières; j ’ai donc
cru devoir vous commettre pour les débattre et les soutenir.
Agréez, Monsieur, l’assurance de la plus parfaite considération avec laquelle
j ’ai l’ honneur d’être, votre serviteur,
Signé DORLHAC,
Bâtonnier de l'ordre.
N°
Réponse de M e
T
r io zo n
-S
2.
au ln ie ii
à M'
D
o r liia c
.
Le icr Mars 1828.
Monsieur,
J ’avais prévenu les Cothou qu'il m’etaii impossible tic icpondre à la confiance dont
�iis voulaient m ’ honorer, je dois leur savoir grc' de leurs nouvelles instances par votre
intermédiaire; mais je crois d evo ir, par des motifs que je suis libre d’ apprécier, per
sister dans ma résolution. Il ne leur sera pas difficile de trouver plus de lumières et au
tant de zèle que j ’eu-a lirais mis à l<?s défendre. Je dois faire observer <jue par mon refus
je n’entends rien préjuger sur le mérite cle leur cause.
A gréez, Monsieur, l’assurance de la considération la plus distinguée de votre
très-liumble serviteur,
Signé T R IO Z O N -S A U L N IE R .
ct ,î T TIT?y:n i / rM
r ffIAT/TÎi !.f
..........
„
Lettre de
"
M .
M
N°
a g a u i)
f
3.
d ’A u b u s s o n
tribunal civil d Issoire , à
,
Procureur du R o i près le
M ‘‘ T r i o z o n - S a u l n i e r .
Le 22 Mars 1828.
Wonsieur,
Monsieur le Président ayant fait connaître au tribunal, réuni en conseil de discipline
de votre-Qrdre, qu'ayant été invité par l’organe de M . le bâtonnier,, à prêter votre m i
nistère aux Pêtres, Cothon et autres, en procès avec M . Lem oine, avoué, vous lui
aviez répondu que vous ne pouviez vous charger de cette affaire par des motifs que
vous étiez seul en droit d’apprécier : il a pensé q u e s i dans l’ctat actuel de la législa
tion, qui a déterminé lès devoirs et les prérogatives du b arreau , il ne pouvait être en
joint à nn a v o c a t, en matière c iv ile , de plaider d ’office, il existait pour lui une obliga
tion m orale, dérivant du droit naturel de la défense, et des sentimens courageux et dé
sintéressés dont il a toujours fait p reuve, de prêter son ministère aux parties qui le ré
clament , à moins qu’il n’ait des motifs fondés pour s’y refuser. Que le seul moyen de
concilier ce qui est dû à ce droit sacré de la défense, et à l’indépendance reconnue de
l’a v o ca t, était de l ’iuviter à faire connaître les motifs de son refus au conseil de disci
pline de son o rd r e , il a en conséquence été pris le 19 de ce mois p ar le conseil de disci
plin e, une délibération par laquelle vous êtes appelé à comparaître le 17 avril prochain
à 4 heures, devant lui à iin de déduire les motifs de votre refus.
Bien persuadé, Monsieur , que vous ne verrez là , de sa part qu’ une mesure comman
dée par le besoin d ’assurer un défenseur aux parties qui réclam ent, et qui paraissent
devoir en être privées, tant qu’elles conserveront l’espoir que vous pourrez leur en ser
v ir , je n’hc’site pas à penser que vous voudrez bien vous trouver suffisamment prévenu
par ma lettre, de l ’invitation qui vous est faite. Le désir que j ’ai de conserver avec les
�membres du barreau de ce siège, les relations agréables que permet l’accomplissement
de devoirs quelquefois pénibles, m’ engagera toujours à n’em ployer à leur égard de
mesures plus officielles, qu’ autant qu’elles deviendraient indispensables. Tels sont
mes seuls sentimens avo ues, qui seront toujours ma règle de conduite.
A gréez, M onsieur, l’ assurance de ma considération ti'cs-distinguée,
. . .
,
r
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. •, . *
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.
L e Procureur du R o i,
Signe M A G A U D n ’A U B U S S O N .
N«
4.
C O N S U L T A T I O N des Avocats près le tribunal civil de
Clerm oni-Ferra nd .
•
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*î ' -.l,!.;i /”! ■
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.:•<
1er A v r il 1828.
- n o s u n ï ’ i ' 1 o j j ï i u e ^ p a o ja i : c a iu / ijflp p J a sh sq *« i : k !o vçJu ioq :»
Les soussignés, avo ca ts, exerçant près le tribuual d ’arrondissement de ClennontFerran d , auquel il a été exposé par Mu Triozon-Soulnier, a vo ca t, exerçant près Je tri
bunal d ’Issoire , que sur l ’invitation adressée par M . le président au bâtonnier des a vo
cats , de commettre un avocat pour se charger de la défense des héritiers Cotlion , qui
ont un procès pendant devant ce tribunal, contre Mc Lcm oine, a v o u é ,
yb Ki,-j v 1 jaowiM’. onoiq lup , w à u a 'ii..'tiiw o , i ï l *WV'\ teüaKjaînn«» i» Vj
V»
11 s’est refusé à accepter celte mission.
Que cette réponse ayant été rendue à M . le président, il a cru devoir réunir les mem
bres du tribunal, q u i, aux termes de l ’ordonnance du 30 novembre 1 8 2 2 , étaient en
droit de se former en conseil de discipline.
)
Q u’il a été arrêté, que lu i, Triozon-Saulnier serait appelé à com paraître le 1 7 avril
prochain , à
4
heures, à ce conseil de discipline., qfin de déduire les m otifs dç son
refus.
u;
r c: ■ ,
Que M. le procureur du Roi 1a instruit de cet a rrê té , avec invitation de s ’y rendre.
-inl'i • m, jlo 'b buinioii liiauvu’i *41I0(£ -jIJi»io«oil o i t i o Ô cl ¿ 9B:ior »b alUOi
Consultes sur la question de savoir s’ il peut être obligé de déduire les motifs de son
têtus
,
ÜJi 1) HO UjU-»*'-» i-ci JU Jb.J
<
-1' - '
l
1
'i r ,
Estiment que celte prétention est contraire a la dignité et \ l'indépendance de sa p ro
fession , et qu’ il est en droit de se refuser à déduire les motifs de son refus.
Il est d ’abord essentiel d ’ observer qu’ il n’ est d ’tisape de' donner d ’olliee des jfvoe^ts
�aux parties qui le demandent, que dans les causes des pupilles, veuves, insensés, et
personnes misérables ,/eminis vel pupillis, v el alias debilibus, vel qui sanœ mentis
non sont: On peut voir à cet égard , L aroche-F lavin , dans sou T raité des parlem ensde
F rance, liv.
3 , titre
des a vo ca ts, pag.
238.
I c i , il ne s’agit ni de p up illes, ni de veu ves, ni d ’inseiisés, ni de personnes miséra
bles y il s’agit au contraire de personnes aisées qui ont les moyens de pourvoir à leur
défense, et d ’avoir recours soit à des avocats de la Cour ro y a le, soit à des avocats de
tous les tribunaux de son ressort.
Mais lors même qu’il en fut autrem ent, peut-on forcer M® Triozon-Saulnier à d é
duire les motifs de son refus , de se charger de la cause des héritiers Cothon, contre
Me Lqmoine ?
Quoique l’ ordonnance du dernier m inistère, du lo novem bre 18 2 2 , ne soit rien
moins que favorable à l ’ ordre des avocats, et qu’ on doive espérer qu’elle sera réform ée
en beaucoup de points, elle est cependant contraire à l’injonction faite à M c T riozon Saulnier, de se présenter.à Rassemblée du tribunal d ’ Issoire, réuni en conseil de disci
p lin e, pour y déduire les motifs de son refus.
■
*, V>! • :' L ' ' :;
11. ,
■
’
'
On lit dans l ’art. Li de cette ordonnance, que l’ayocat nommé d ’ olüce pour la dé!!,
.
. .
fense d un accuse, 11e pourra refuser son ministère , sans fa ir e approuver ses motifs
d ’excuse et d'empêchement par les cours d ’assises , qui prononceront en cas de résis
tance, l ’une des peines déterminées par l ’art. 18 qui précède.
A insi, d ’une p a rt, il ne s’agit dans celle ordonnance que de la défense d'un accusé,
d ’autre p a rt, cette nomination d ’ollice paraît réservée à la Cour d ’assises.
/HiiiqnKib ;»h li»«noa no umnot 0?. :>b îio-il
D ’autre p a r t , enfin , c’est à la Cour d ’assises seule qu’ il appartient d ’exiger que
l ’avocat refusant déduise les motifs de son refu s, et c’est à la Cour d ’assises seule,
qu’il appartient de les approuver ou de l'es désapprouver.
Il ne faut pas s’étonner que cela soit ainsi en matière ciiuiinelle.
Toute défense à la Cour d ’assises, est honorable pour l’ avocat nommé d ’oflice : l ’ huinanité lui fait un devoir de prêter son ministère à l’accusé pour le ju stifier, s’il est in
nocent ; et s ’ il a des empêchemens pour s’y refuser, comme l’état de sa santé ou d ’aurcs c m p i'c h c in e n s de ce genro, il doit les faire connaître à la Cour d ’assises à laquelle
il appartient de les approuver ou de les désapprouver.
Mais cette ordonnance n’a rien de commun avec le cas qui se présente, où il s’agit
l
�uniquement d ’une cause civile, où l’ avocat nomme d ’ o fiice, peut avoir pour refuser son
ministère une multitude de motifs qui ticuuent à la délicatesse, qu’ il peut seul ap p ré
cier , et qui peuvent être de nature à en rendre la publicité dangereuse soit pour l ’ a v o
cat lui-même, soit pour les parties.
-SiuyJl v 'i 11
Le chapitre des motifs que peut avoir un avocat pour se refuser à plaider une cause
pour tel on tel individu . ou contre tel ou tel individu est inépuisable.
n i; *. i! tlifoiil
Ils peuvent être personnels à l ’avocat.
v • liul ■
. - .I f lO f ü > o ! 3* t i n b ;j b i i 'j ’i ; J a r i b i c l q « b a K î o i uc>i ¿ n i i b
il
Ils peuvent l ’êlre aux parties qui veulent le charger de plaider leur cause.
Ils peuvent l’être à leurs adversaires.
Dans l’un comme dans l ’autre cas, de quel danger ne serait il pas d ’exiger de lui des
aveux propres à compromettre sa délicatesse?
Ce serait bien pis si non content de se nuire à lui meme on veut le forcer de de'voiler
les secrets des autres, de rendre compte
au
public des aveux qu’ ont pu lui faire ses
clients, aveux qui peuvent être de nature à nuire à leur réputation et à leurs intérêts, et
peut-être même à les déshonorer-
,
E t si l’adversaire de scs clients est son am i intime, ou son ennemi im placable , si Ce
même adversaire lui a fait des confidences dangereuses, ou s’il tient ces confidences de
personnes tierces, sous le sceau du secret, sera-t-il obligé de les divulguer et de com
promettre ainsi, légèrement peut-être, l ’ honneur, la réputation et la fortune de cet ad
versaire?
-/
;
'i ü v jo I
. u ic y jI
, i: -1/fT
, wohowôD .t !
Il y a mille autres cas im prévus où l ’avocat peut sc trouver dans une position telle
qu’il ne puisse ni plaider telle cause, ni en rendre publics les m otifs; il n’ a d ’autre juge
que sa conscience dans ces matières.
Il
n 'y a aucune loi qui l’oblige à déduire scs m otifs, et l’ordonnance rendue au crimi
n el, est une exception qui confirme la règle pour le civil.
L ’insistance du tribunal d ’Issoire , pour exiger que M® Triozon-Sauluier déduise les
motifs de son refu s, est donc un acte arbitraire, une violation de la l o i , ou si l’on veut
pour adoucir les term es, une fausse interprétation de l’ordonnance.
■ou1 b î ii'jiniiitî toluoD ¿■ixilWiipaiti ->F) îi*>p,iioa n»
Au surplus, la question n’est pas nouvelle.
Elle s’est présentée tout récemment au tribunal de Brioüde.
•'
�l\Ic R o ch ette , a v o ca t p rès ce tr ib u n a l, a v a it été désigné d ’ oflice p ou r plaider pour
M adam e P o n s-L ig o n e t, contre le sieur C lio m ette, a v o u é , son m a r i, a vec lequel elle
était séparée de corps.
Il s ’y refusa.
L e trib u n a l, faisant les fonctions de conseil de d is cip lin e , v o u lu t le con train dre à
déduire les m otifs de son refus.
Il persista dans son re fu s d e p la id er et d ’en déduire les m otifs.
M° L)upin a în é , c o n su lté , a d é cid é q u ’ une p a re ille exigence était in co n ciliable avec
l ’indépendance de la profession d ’a v o c a t.
L a G azette des trib u n a u x du 8 fév rier d e rn ie r, n° 780 , rend com pte de cette affaire
et ra p p elle les passages les plus saillans de la con sultation de M c D u p in a în é , qui a p r o
du it son e ffe t, et fait cesser les prétentions du tribunal de B riou d e.
Il y a tout lieu de croire que le tribu n al d ’ Isso ire im itera son e x e m p le , et tout bien
c o n sid é ré , les tribu n aux quels qu’ils so ie n t, s’ hon oreron t toujours eux-m êm es en re s
pectan t l’ indépendance des a v o c a ts , qui est l ’a ttrib u t le p lu s p récieu x de leur p ro fe s
sion , le seul p ro p re à leur in sp irer des sentim ens é le v é s , et à les rendre dignes de la
con sid ération et de la confiance de leuxs con citoyens.
- lííJ )
1
;
D élib éré
í .T / ¡ j j
■>■
*
ThTüO
i î - r . » r>? . J’. V i '- i t ; h n u '/o f î :>! ï t ' a t
à C lerm ont - F e r r a n d , le
M au gu e-M
a s s s is ,
1 e1 a v r il
18 2 8 . Sign é
J e u d y - D u m o n t e ix , G a u l t ie r - B
II. C o n c iio n , M a l l e t , T i x i e r , F o u r n e t , E
tour,
ïm a r d
¿ O íU IO ¿’W ‘l
B o i r o t , bâtonnier,
ia u z a t ,
B o ir o t neveu ,
, Jouvet , V
e r d ie r - L a -
B ksse -B e a u r e g a r d , H. D. D e p a ig n e .
»
?
IV
5.
j ,
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Décision du 'l ribunal réuni en consed de discipline.
2 a Mai 1828.
A u jo u rd ’ h u i , vin gt-d eu x n ia i, mil hu it cent v in g t-h u it, le tribunal de prem ière in s
tance d ’ Isso irc , réuni en conseil de d iscip lin e , conform ém ent à l’a rt. 10 de l’ordonnance
du 20 n ovem bre mil huit cent v in g t-d eu x , et com posé de M M . M olin p résid en t, M ont e i l, G rc llic h e ju g e s , P ic h o l, B ou tarel ju g e s-a u d ite u rs, M agaud d ’ A u b u sso n , p ro cu
�reur du Roi et Fayolle greffier, pour entendre M c Triozon-Saulnier, a v o c a t, appelé en
vertu des délibérations prises les 19 mars et 17 avril derniers.
Vu la lettre écrite par M. le bâtonnier des avocats à M. le président du tribun al, en
date du 10 m ars 1828.
Vu l’avis écrit de M. le bâton nier, donné par sa lettre du 1 5 , dudit mois d ’avril.
Attendu qu’ il résulte en faits, des lettres précitées de M. le bâtonnier, des dires et
déclarations des héritiers Cothon , Pêtres et autres, faits à M . le présid en t, ainsi que des
explications données en personne par M° Triozon-Saulnier devant le conseil de disci
pline, que les héritiers C othon, Pêtres et autres se présentèrent dans le courant de l ’année
1 8 2 7 , dans le cabinet de Mc Triozon-Saulnier pour le consulter sur une demande en
dommages-intérets qu’ils étaient dans l’ inlention de former contre M e Leinoyne , avoué
près le tribunal d’ Issoire, pour a v o ir, selon e u x , négligé ou compromis leurs intérêts
dans un ordre dans lequel il occupait pour eu x; que ¡VIe Triozon-Saulnier, après les
avoir entendus, leur conseilla de former la demande et les engagea même à se rendre
chez un avoué pour faire dresser l’exploit introduclif d ’instance, sans que M e TriozonSaulnier, suivant son allégation, se fût expliqué sur le point d esavoir s’il se chargerait
ou ne se chargerait pas de l’ affaire, q u e, d ’après ce conseil, les héritiers Cothon, Pêtres
et autres n’ hésitèrent pas à suivre la marche tracée par l’a v o c a t, et furent trouver aus
sitôt Mc B o ry , pour le charger d ’intenter l’ action en dommages-intérèts contre M r Lemoyne , ce qui fut fait par cet avoué.
Que quelque temps a p rès, lorsque les héritiers Cothon voulaient hâter la décision
de leur affaire, ils se rendirent de nouveau chez M° Triozon-Saulnier qui avait leur
coufiance; qu’ alors cet avocat leur déclara qu’ il 11c voulait plus se charger de l'a ffa ire ,
sans toutefois leur expliquer les motifs de son refus ; que dans les premiers jours du
mois dernier, les Cothon et autres s’étant présentés chez M . le président du tribunal pour
a v o i r 1111 avocat qui pût plaider leur cause , inscrite alors depuis plusieurs mois sur le
rô le, ce m agistral pensa qu’ il ne lui appartenait pas de commettre un avocat en ma
tière civ ile, et adressa ces parties à M. le bâtonnier des a vo ca ts, en lui écrivant d'inviler un de scs confrère» à se charger de la défense des héritiers Cothon ; que INT. le bâ
tonnier, d ’après le désir que lui exprimèrent ces derniers, d ’avoir pour soutenir leur
cause, celui qui les avait engagés à l ’entreprendre, crut devoir commettre par une
lettre, M® Triozon-Saulnier pour se charger de cette cause; mais que cet avocat lui
ayant répondu qu’il 11e pouvait se charger de l'a ffa ire , par des raisons q u ’ il était seul
en droit d’a p p récier, sans donner d’autres
e x p lic a t io n s
,
il pensait qu il 11 était pas
�oblige de désigner un autre de ses confrères avant que le tribunal se fût prononcé
à
cct
égard.
L e refus pur cl simple de IVIC Triozon-Saulnier de continuer à prêter ses conseils et
son assistance aux héritiers C o th o n , parut de nature à compromettre la dignité et
l’ honneur des a v o ca ts , et le tribunal, formé en conseil de discipline, p rit une délibéra
tion le 19 mars dernier, pour que M c Triozon-Saulnier comparût à jour fixe devant lui ,
pour expliquer les motifs de son refus.
L a question sur laquelle le conseil de discipline est appelé à d élib érer, est donc de
savoir s i , dans la position où Me Triozon-Saulnicr se trouve p la cé , il doit faire con
naître les motifs de son refus , ou expliquer les raisons qui l’empêcheraient de faire con
naître ces motifs.
M c Triozon-Saulnicr interrogé sur les motifs qui l ’avaient porté à refuser de conti
nuer à prêter son assistance aux héritiers Cothon, a répondu que pour la dignité et
l ’honneur des avo cats, il ne pouvait ni ne croyait devoir fournir d ’explications pour
m otiver sa résolution dans cette circonstance, et qu'il persistait purement et simple
ment dans sa première détermination.
Sur quoi le conseil de discipline, après avoir ouï M PTriozon-Saulnicr en ses observa
tions , et M. le procureur du Roi dans ses conclusions, M. le procureur du Roi et le gref
fier s’étant re tiré s,et après en avoir délibéré,
Attendu qu’ en principe général, la profession d ’avocat est lib r e , et qu’ il est permis
à celui qui l’exerce de refuser ou d ’accepter en matière civile les causes qui lui sont
présentées ;
Attendu que dans l’espcce, M° Triozon-Saulnier a pu se refuser de se charger de la
cause des héritiers Cothon, l’êtres et autres, même après a v o ir c o n s e illé l ’alïairc qui fait
aujourd’ hui l’objet du procès contre Mc L cm o yn c, et après avoir été commis p a r le
bâtonnier de sou ordre , qu’ on ne peut lui demander compte des motifs de son refus , ni
même exiger de lui qu’il fournisse des explications sur les motifs de ce refus, parce que
ce serait gêner la liberté et l’indépendance inhérentes à la profession d ’avocat ,
Est d ’avis que M c Triozon-Saulnier s'est renfermé dans ces circonstances dans l’exer
cice des dioits qui sont attaches a sa profession et qu il n’y a lieu à lui appliquer aucune
des peines portées par 1 ordonnance du 20 novembre 1822.
Signé , Moi.u* , M o n te il , P ic ii o t , G r e l u c h e , Jules B o u t a r e l ,et
K a y o l i .e
greffier.
�-*)b
Jnr.hr.. j en , U iu!
9( t 9i< .*
laiijJosô-ntosohT »M iibaî sup niUlM
N °
6.
.nu jo uii>i fcliLasI
!■
» oui
Citation de M . le Procureur - général près la Cour royale de
liio m , à M . T r i o z o n - S a u l n i e r , pour comparaître devant
ladite cour.
6 J u in 1838.
iw to .'i'W m w p , w o u V \ î \ W n W \ iu W \ \
«A na ïi|& w » K t a b S w A i i h d
L ’an mil huit ccnl ving-huit et le six juin , à la requête de I\I. le procureur-général
près la Cour royale de R iom , lequel élit domicile en son parquet, j e , Christophe Serv o lle s, hu issier, reçu au tribunal de première instance de l’arrondissement d ’ Issp ire,
patenté sous le n° G , résidant audit Issoire, soussigné ,
Ai notifié à M c T riozon -Sauln ier, avocat audit tribunal de première instance d ’Issoiî.c, habitant à Issoire , en son domicile , où je me suis transporte, parlant à sa per-,
sonne,
L ’appel que le requérant interjette par le présent, conformément à l’art.
25 de
l'o r
donnance du Roi du 20 novembre 1822 , de la décision dudit tribunal d ’ Issoire, rem
plissant les fonctions de conseil de discipline de l'ordre des avo ca ts, laquelle porte que
ledit M° Triozon n’a encouru aucune peine de discipline.
E l à même requête et élection de dom icile, en parlant comme il est d it, en vertu de
l ’ordonnance décernée par M. le premier président de ladite Cour ro y a le, le
4
du pré
sent m o is, ai ciîé ledit M° Triozon à comparaître devant ladite Cour royale de Riom ,
toutes lescliambres assembléesau palais deju sticeà Riom, le vendredi 1 t juillet prochain,
cinq heures de relevée, à l’ effet de répondre aux ¡interpellations qui lui seront faites Sur
sa couduite, et se vo ir appliquer l’une des peines de discipline énoncées en l ’art. 18
de l ’ordonuance royale susdatée, rou u
f r a n c h is e
et
de
lo y a u té
s ’ê t r e
éc a r té
des
s e n t im e n s
d
’u o n n e u r , d e
, qui sont l’ une des bases de la profession d ’a vo cat, soit en
refusant de défendre la cause des sieurs Pêtrcs, Cothon et autres, contre Me Lem oine,
avoué, cause qu’il avait d ’abord conseillée, soit en ne v o u la n t pas déduire au conseil
de son ordre les motifs de son refus, après la désignation faite de sa personne par le
bâtonnier; ce qui a m isses clients dans l’impossibilité A’¿Ire d éfendus, et leur a
causé le plus notable préjudice (1).
(1) Voir le certificat ci-après des avocats d’ Issoive qui prouve l’inexactitude «1e cette
assertion.
�Et afin que ledit ¡VIe Triozon-Saulnier n’ en ign ore, je lui a i , en parlant comme des
sus, laissé copie du présent, dont le coût est d ’un fran c, non compris les frais de tim
bre et d ’enregistrement, lesdits jour et an.
Signe S E R V O L L E S .
\\o'i
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N °
7
i
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T
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L
.
Certificat des Avocats près le tribunal civil d Issoire , qui attestent
que les sieurs C o t h o n et P ê t r e s n ’ont jam ais réclamé leur mi
nistère pour L'affaire qui les concerne et qui est encore indécise.
16 Juin 1838.
N ous, soussignés inscrits au tableau de l’ordre des avocats près le tribunal civil de
l’arrondissement d ’Issoire, et avocats stagiaires près ledit sièg e, certifions que les nom
més Cothon et Pêtres en instance à Issoire , contre M e Lem oine, avoué , n’ ont jam ais
réclamé notre assistance pour soutenir la demande en dommages et intérêts qu’ils ont
formée contre cet avoué , et que nous sommes disposés à l’accepter dans le cas où ils
la réclameraient.
Issoire, le seize juin mil huit cent vingt-huit.
COTHON , ¡VIo n e s t i e r , A
ltaroche,
M
albet,
observant néanmoins qu’ayant un intérêt
dans l’ordre qui donne lieu à la contestation , je n’aurais pu me charger de la d é
fense.
V
erny
, L
e v e -Bo n f il s ,
T
r io z o n -Co u r b a y r e
, D
albtne,
observant néanmoins
qu’ayant renoncé depuis long temps à la p laidoirie, je n’aurais pu me charger de
leur défense.
G
r e n ie r,
C oustand , F
abre
, B
ar tin
.
1
P A R IS ,
É VEH A T,
IM PRIM EUR
OU MONT
D E P I E T E RUE DU C A D R A N ,
N°
16,
�
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A name given to the resource
Factums fonds privés
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Triozon-Saulnier. 1828]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tardif
Delacroix-Frainville
Berryer père
Delvincourt
Gayral
Hennequin
Dupin ainé
Tripier
H. Quenault
Subject
The topic of the resource
avocats
refus de plaider
déontologie
doctrine
conseil de discipline
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter et consultation pour Me Triozon-Saulnier, avocat près le tribunal civil d'Issoire. [suivi de] Pièces Justificatives des faits énoncés dans le mémoire à consulter et dans la consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Everat (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1828
1828
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV20
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issoire (63178)
Rights
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Domaine public
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