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CONSULTATION
P O U R Pierre Pailler ,
*
C O N T R E Raimond Durand.
L E Confeil fouff i g n é , qui a examiné la procédure faite
en la Sénéchauffée d’Auvergne pour Pierre Pailler du Lieu
d’Efpinaffe, contre Raimond Durand.
• Eftime que la vente confentie par Marguerite Durand,
au profit de Pierre Pailler , devant Cofteraufte Notaire
R o yal à Chaudefaigues le 3 Mai 17 57 , eft bonne & vala
ble , & par conféquent, que Raimond Durand eft mal fondé
dans la demande en défiftement qu’il a formée.
O n ne doit pas s’arrêter aux moyens que Durand a fait
valoir dans fon Mémoire fignifié le 17 Mars 1 7 7 7 , tou
chant les formalités néceffaires pour l’aliénation des biens
des Mineurs : on établira bientôt qu’ils n’ont aucune appli
cation a l’efpece du procès
A
?
�t e teftament d’Antoine Durarrd du ra Janvier
ne r e n f e r m e aucune cliîpofition contraire aux loix ni dux
bonhes moeurs ; l ’idée naturelle qui fe-préfente éft donc
¡cjüëtout ce qu'il a voulu doit être exécuté. C ’eft une maxime
icerÇairïé que les diiippfitions du teftateùr 1 tiennent lieu de
ibix à l’héritier qui a accepté fà fucceffiori, & fit lex 'éjus
volüntas} dit TEmpereur dans la novelle 22. col. a. Exàmiriôns d’après ce principe là claufe du teftament d’Antoine
l3uraiid <^ui përîïiet a fa femme d’aliéner de fes biens-forids
pour l ’acquittement de fes dettes.
L e teftateùr fe rappelle avec inquiétude les dettes que
fes auteurs lui ont taillées ; il craint les pourfuites de fes
créanciers & les fuites des ventes judiciaires qui font ruineufes par les frais & la vilité du prix auquel les héritages font
vendus. Il fe rappelle qu’en l ’année 1 7 4 7 } fes biens avoient
été faiiis fur iimple placard à la requête de Jean V igouroux,
un de fes créanciers , qui nJétoit point encore payé lors du
teftament. Dans ces circonftances il fait une difpofition pleine
de prudence ; il ordonne l’aliénation d’une partie de fes
immeublesj pour aifiarer à fes enfants la poifeilion de l’autre,
& parce que le teftateùr, ( eft-il dit dans ce teftament ) doit
plufieurs dettes contractées par fe s a u te u r s & qu Un a aucuns
deniers pour les acquitter , qiîil prévoit que le paiement n en
peut etre fa i t quen fo n d s } & éviter les frais les pourfuites
des créanciers & le cours des intérêts} il a donné & par ces
préfentes donne plein pouvoir à ladite Marguerite Durand fa
fem m e} de vendre 3 aliéner & engager des biens immeubles de
la fucceffion du teflateur) à telles perfonries, & pour tel prix &
autres charges 6* conditions quelle jugera à propos} pour le
P i m e n t des dettes pajfives du teflateiir, qui veut que l e f
dues ventes, aliénations & engagements qui feront fa its par
�ladite Marguerite Durand , foient aujji valables que s'ils,
étaient faits par le tejlateur} qui charge fon héritier de les
entretenir félon leur forme & teneur 3 à peine .d’être prive de
fon hérédité} par le fe u l refus d'exécuter, lefdites ventes, alier
nations & engagements.
O u voit que l ’intention d'Antoine Durand étoit de laiifer
à Tes enfants fes biens quittes de dettes. A cet e ffe t, il or
donne qu’il fera vendu de fes biens fonds pour les éteindre x
& il charge expreffément fon héritier d'exécuter £> entrenir les
ventes félon leur forme & teneur, & cela comme une condi
tion de l’inftitution., à peine , eft-il d it, d’être privé de Vhéré
dité. C ’eft la même chofe quefi le teftateur avoit inftitué foin,
héritier dans tous les biens qui lui refteroient après la vente
des fonds, dont le prix devoitfervir à l’acquittement des dettes.
I l eft certain qu’un teftateur peut inilituer un de fes
enfants fous des conditions poteftatives., c’eft-à-dire, fous
des conditions qu’il eft en fon pouvoir d'accomplir. >CJeft la
difpofition précife de la L o i 4 , ff. Ha?red. Inft. fuus quoquç
hceres, fub conditione hœres potejl injiituu Sed excipiendus eft
film s j quia non fub omni conditione injtitui potejl, 6* quidem
fub eà conditione quee eft in potejlate ipfius, potejl. J)e hoc enim
inter omnes confiât. Ulpien fur cette L o i j nous attefte que
.cette réglé n’eft révoquée en jdpute ^.par aucun, jurifeon^
fuite ; que le fils ne peut pas être inûitiié héjriritier fou?
toutes fortes de conditions , niais feulement fous des con
ditions poteftatives}fub conditione quæ ejl in potejlate ipfius•
Ainfi , pour favoir fi Antoine Durand a pu impofer à
l ’inftitution qu’il faifoit en faveur d e l ’un,4,e /e sjilsj la con
dition d’exécuter la yente qui ferpit faite, ^e fesjbj.e_As P?r ^
femme j il fuffit de:vair qu’iljéfQit ;en ;jU-puHÎanjçe¿.4U.
titué de l ’exécuter.
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II n’en feroit pas de m êm e, fi l'aliénation de l’héritage
dont-il s 'a g i t , portoit atteinte à la légitime de Raimond Du
rand. Il n’y a pas de doute que dans ce cas, toutes les char
ges & conditions du teftament devroient être rejettées jufques & à concurrence de fa légitime. La loi quoniam inprioribus 3 2 , Cod. de inoff. tejiam. a poürVu à la confervation de
la légitime due aux enfants, en déclarant nulles toutes les
charges qui pouvoient la diminuer. Mais Godefroy fur cet
aiticle donne en maxime que les biens qui excédent la légi
time de d roit, font fufceptibles de toutes les charges & con
ditions que le pere veut y appofer. Poteft enim gravari quod
ejl fupra légitimant.
'• Cette do&rine eft encore confacrée par un Arrêt du y
•Mars. 1^48 j rapporté par Papon, Liv. 2 0 ,t it . 3 , art. 3. Dans l ’eTpece de cet A r rê t, un pere avoit inftitué tous fes
enfants j fes héritiers d’une fomme de 10000 liv. avec fubfti
tution en faveur de fon fils aîné qui étoit nommé héritier
~\iniverfel. Un des enfants puînés étant décédé fans enfants.,
l ’aîné fit valoir la fubftitution faite en fa faveur pour repren
d re la fomme de 10000 liv. qu’il avoit payée à fon frere ; les
héritiers du défunt foutenoient que cette fomme lui ayant
été laiifée à titre de légitim e, elle ne pouvoit être grevée
de fubftitution aux termes de la loi que Ton vient de citer ;
mais il fut jugé que, quoique la légitime fût exempte de tou
tes charges, cependant le fubftitué prendroit dans la fomme
de 10000 liv. ce qui excédoit la légitime de droit due à fon
frere.
* O n prouveroit par une foule d'autres autorités quJun pere
peut mettre à l ’inftitution d’héritier qu’il fait , toutes les
'eoi^itions quJil lui plaît pourvu qu’il ne blelTe ni les bonnes
moeurs
j a légitime qui eft due à fes enfants.
�A la rigueur, Marguerite Durand auroit pu aliéner lès
deux tiers des biens de fon mari fans toucher à la légitime de
Tes enfants, puifque n'étant qu'au nombre de quatre, la loi
■ne leur réferve pour légitime de droit qu’un tiers des biens
de leur pere, ôt il paroît qu’elle n’en a pas aliéné feulement
un douzième ; ce qui prouve que le teftateur avoit bien placé
fa confiance. En un m o t, dès-que le teftateur a voulu qu’il fût
vendu de fes immeubles pour le paiement de fes dettes, tous fes
biens difponibles font garants de l’exécution de cette volonté.
O n ne peut pas dire que l’intention du teftateur n'a pas
été exécutée, puifque l’entier prix de l’héritage d’ontil s’agit
a été employé à acquitter les dettes delafucceiTion, ainfi qu’il
eft juftifié par les quittances que les créanciers ont fournies
à Pailler, & par les titres de créance qu’il a retirés.
I l fe préfente encore un moyen invincible pour appuyer
cette vente. L a permiifion dé vendre qu’Antoine Durand a
donnée à fa femme pour l'acquittement de fes dettes,eft ii con
forme aux lo ix , qu’il auroit pu faire plus s’il avoit voulu. Il
auroit pu donnera fa fem m e, non-feulement l’héritage dont
il s’a g it, mais encore les deux tiers de fes biens j fans la char
g e r de fes dettes au-delà du prorata. O r , une telle diipofition
étoit permife par la loi & cependant elle eût été plus onéreufe à l’héritier ; le teftateur a donc pu faire moins j en per
mettant l’aliénation d’une portion de fes immeubles, pour un
emploi u tile , tel que l’extin&ion de fes dettes ; emploi d’au
tant plus intéreifant que la faifie fur fimple placard com
mencé du vivant du teftateur, lui faifoit craindre que les frais
de juftice ne confommaifent l’univerfalité de fes biens, fi l es
dettes n'étoient acquittées.
^ O n a voulu ailimiler la vente faite en vertu du teilament
pi une aliénation de biens des Mineurs , o n a foutemi que
�le pere n’avoit pas pu difpenfer par Ton teftament des forma
lit é s re q u ife s par les règlements de 1630 & 1722, pour ces
fo r te s de vente ; & l ’on a Cité un Arrêt rapporté par B r c deau & L o u e t, lett. A . S. j. qui a déclaré nulle une vente
de biens de fes mineurs quoique le pere en eût ordonné
l ’aliénation.
Quant aux Arrêts de règlement de 1630 ôc 1 7 2 2 ,
qui prefcrivent les formes néceiTaires pour l’aliénation des
biens des mineurs , ils ne peuvent pas s’appliquer à l’efpece p r é f e n t e p u ifq u e les biens vendus par la veuve D u
rand à P a iller, n’étoient pas dans le patrimoine des mi
n e u rs.
A ux termes du teftament dJAntoine Durand j fes enTt*
fants ne devoient recueillir dans fes immeubles’"*que ce
qui refteroitj après ce qui auroit été vendu pour étein
dre les dettes. C e teftament ordonne virtuellement que
celui de fes fils qui fera inftitué héritier par' fa fem m e,
prendra la fucceflîon dans l ’état où elle l’aura mife par
Jes aliénations qu’il Tautorife de faire pour Textinclion
de les dettes $ il a pu difpofer ainfi de fes biens & les
aliénations font valables tant que l’exécutrice du tefta
ment n’en a pas ab u fé, tant qu’elle n’a pas bleÎTé la
■légitime due aux enfants.
Rien n’eft plus • favorable que les teftaments ; les L oix
veulent que les volontés des teftateurs foient exécutées
_6c qu'on leur donne la plus grande extenfion poilible.
In tcjlçLmaitis plenius voluntates tejlantium interpretamur f
dit la L o i 12 j, ff. Reg. Ju ris , & quelle que foit la fa
veur des mineurs , leur intérêt n’eft jamais préféré à ce«;
M des teftateurs. Les Loix permettent de réduire les
à la légitime i il feroit bien contrgdi&oire qu’elles
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pas permis aufïi la iage difpofition dun pere
q u i , craignant que Tes enfants ne foient ruinés par les frais
qu’entraînent les dettes, ordonne l’aliénation d’une petite
partie de fes immeubles pour aiTurer la paifible poflefiïon du furplus de fa fucceiTion à fes enfants.
Quant à l ’Arrêt de i j 88 cité par L o u e t, en voici
l ’efpece. Le bien ordonné être vendu par le tejlament du
n ’ e u fle n t
pere 3 ejl aliéné par le fils mineur, jans les formalités requifes.
Dans l’efpece de cet A r r ê t, s’agiiToit-il d’emplôyer les
deniers à acquitter des dettes ? L e pere avoit-il autorifé
fon fils à ven d re, avoit - il pu le faire ? les raifons de
l ’Arrêt je trouvent dans l’efpece même dans laquelle il
a étéj rendu. C e n’eft pas une perfonne majeure qui
vend dans l’efpece de l’Arrêt ; cJeft le mineur lui-même.,
un mineur incapable de jugement , auquel la foibleiTe
de fon âge ne permettait. pas de difpofer de fes immeu
bles. L a volonté du pere ne pouvoit pas en ce cas va
lider la vente, parce qu’il avoit fuppofé dans fon fils un
jugement , une capacité de contracter, que les jTLoîx ôc
la nature ne lui avoient point encore donnés. L a L o i eft
venue au fecours de celui qui ne pouvoit être que
trompé dans une aliénation.
Mais quel rapport peut-il y avoir de cet ëfpece à la
nôtre ? L e pere ne donne pas à fon fils un pouvoir d’a
liéner. C e n’eft pas le mineur qui a vendu ; c’eft une
veuve dans laquelle le teftateur a mis fa confiance, une
perfonne capable de contra&er, à qui l’affedtion m a te r n e lle
rendoit chers les intérêts de les enfants. Dans l ’e fp e c e de
\A rrêt 3 le teftateur avoit interverti les L o ix c iv ile s &
celles d e la nature, en ,.perrjiettant à junj m in e u r dalié
ner fon bien; dans notre efpece la fage prévoyance du
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teftateur a ordonné une aliénation que les cîrconftances
rendoient néceffaire; mais il a ordonné qu’elle feroit faite
par une perfonne capable de contracte r, à laquelle il a
légué toute fa confiance.
Sans doute, dans les cîrconftances de l’Arrêt de 15 8 8 ,
il y avoit léfion énorme contre le m ineur, ce que l’Arrêtifte ne dit pas j mais on le préfume naturellement,
puifque les L o ix préfument toujours la déception dans
les aliénations que font les mineurs. Dans notre efpece ,
au contraire , les biens ont été vendus à leur jufte va
leur; l’héritier n’articule point la léfion. Il eft donc ininconteftable que l'Arrêt de 1588 eft fans application à
l ’efpece, & que la vente faite par Marguerite D urand
doit être exécutée.
r
Délibéré à R iom le 12 Mai 1777. Signés,
G R E N IE R Aîné ,
CH ABROL , DUCROHET , CATH O L,
G R A N G IE R , P R A D IE R , F R E S S A N G E S ,
G A SC H O N , L O N G P R É , JA FFE U X ,
T A C H A R D , G R E N IE R Jeune.
A.
“
R I O M , de l’imprimerie de M a r t i n D É G O U T T E ,
I mprimeur-Libraire, rue du Palais, 1777,
�
Dublin Core
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Factums Baron Grenier
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Title
A name given to the resource
[Factum. Pailler, Pierre. 1777]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Grenier, aîné
Chabrol
Ducrohet
Cathol
Grangier
Pradier
Fressanges
Gaschon
Longpré
Jaffeux
Tachard
Grenier, jeune
Subject
The topic of the resource
volonté du testateur
testaments
droit écrit
créances
testaments
successions
Description
An account of the resource
Consultation pour Pierre Pailler, contre Raimond Durand.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1777
1757-1777
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
BCU_Factums_B0101
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
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fre
Relation
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BCU_Factums_B0102
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Chaudes-Aigues (15045)
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