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f70cd495f8620ec58848de7c26c8e5cb
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MÉMOIRE
POUR
L e Sieur F é l i x T O U R N A D R E de N O A L H A T ,
Propriétaire , habitant de la Ville de Cebazat ; et
D am e M a r i e T O U R N A D R E , procédant sous
L'autorisation du Sieur Baron Simmers, son ép o u x,
Officier de l’Ordre royal de la Légion d’h o n n eu r,
Chevalier de L'Ordre royal de Saint-Louis, Maréchal
de Cam p des Armées du R o i ,, habitant de la Ville
de Clermont-Ferrand ; iceux en qualité d’héritiers
d’Antoine T o u r n a d r e , leur père; et, par repré
sentation d’icelui, d’autre Antoine T o u r n a d r e et
de Marie J u g e , leurs ayeul et a y e u le , appelans;
CONTRE
D am e
M a rg u e rite
T O U R N A D R E , veuve
du
sieur R o d e * d e L a m a r g e ■A n n e - B e r n a r d i n e ~
A m a b l e T O U R N A D R E , épouse du sieur C h â
teau
; dame
M a rg u erite
T O U R N A D R E , veuve
�d u sieur J o u R D E j dam e M a r i e - G a b r i e l l e
T O U R N A D R E , épouse d u sieur T r é n io l e ; ei
dem oiselle M a r g u e r it e T O U R N A D R E , fid e
m a je u re , toutes héritières lég itim a ire s d ’A n to in e
T o u r n a d r e et de M a rie J
uge,
leurs père et m ère,
in tim é s .
C
e t t e
cause présentait, en première instance,
plusieurs questions dont la solution semblait d’abord
assez facile, mais q u i, s'étant compliquées de plusieurs
incidens et de difïérens faits nés on avancés à l’au
dience, n’ont pu être décidées avec toute la maturité
qu’elles exigeaient, faute peut-être d’explicalîon. Les
appelans ont été obligés de déférer ce jugement à
l ’examen de la Cour; ils sont dans la nécessité de faire
connaître tous les faits du procès, mais ils en élagueront
toutes les difficultés qui paraîtraient d’un faible intérêt,
et ne se plaindront du jugement que dans les chefs où
Terreur des premiers juges leur paraît évidente.
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M' ' ) £
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Il s’agît d elà succession de M. Antoine Tournadre ,
ancien magistrat, auteur commun des parties; il avait
survécu à la dame Marie Ju ge , son épouse; et la dot de
cette dernière est restée confondue dans sa succession.
Les appelans, comme représentant le sieur Antoine
Tournadre leur père, héritier institué de M. Antoine
Tournadre et de Marie Juge, demandent à prélever
la dot de leur ayeule sur la succession de leur ayeuL
�Jjes intimés * héritiers légitimaires de M . Antoine
Tournadre et de Marie J u g e , soutiennent qu’il n’y a
point de prélèvement à faire de la part de l’héritier
institué, ou de ses représentans, parce qu e, d’une part,
la dame Juge avait employé et épuisé sa dot en dotant
ses filles, et que, de l’autre, l’héritier avait re çu , au
décès de sa m ère, tous les biens alors existans, dotaux
ou paraphernaux, et qui n’avaient pas été aliénés par
elle.
D e ces prétentions respectives naissent différentes
questions en fait et en droit.
EN
D R O IT .
L a fem m e, en pays de droit écrit d’A u v e r g n e , peutelle aliéner sa dot pour doter ses filles, lorsque le père
a des moyens suffisans pour les établir suivant son
état ?
En a-t-elle sur-tout la faculté lorsqu’elle peut établir
ses filles en employant ses biens paraphernaux, et sans
recourir à l'aliénation de sa dot?
E N F A I T E T S U B S ID IA IR E M E N T .
L a m ère, en mariant ses filles, a-t-elle disposé de sa
dot en leur f a v e u r , et sur quels objets porte cetto
disposition ?
lies effets dotaux dont la mère n’a point disposé ontils, k l’ époque de son décès, été remis à son héritier?
�Quel est le prélèvement que les appelans ont le droit
de demander sur la succession de leur ayeul?
L e contrat de mariage du sieur Antoine Tournadre,
père des appelans, présente un second objet de dis
cussion.
M . Antoine Tournadre , de c u ju s , était propriétaire
d’ un office de Conseiller en la Cour des aides. Par le
contrat de mariage de son fils, du 2 mars 1783, il
lui transmet celle charge moyennant la somme de
3 o,ooo francs, en avancem ent de sa fu tu re succession,
est-il dit; cependant la clause termine en ces termes :
u4.il m oyen de qu oi te f u t u r demeure pleinem ent p r o
p riéta ire d u d it office.
Les intimés demandent le rapport des 3o,ooo francs,
ce qui leur a été accordé.
Les appelans soutiennent qu’ils ne doivent que le
rapport de la valeur réelle de la charge, c’est-à-dire
le montant du remboursement qui en a été fait lors de
la suppression.
D ’où naît la question de savoir si le sieur Tournadre
était, par la clause de son contrat de mariage, donataire
de l’office de manière à ce qu’il en dût la valeur réelle
au tems de la donation?
Ou si, au contraire, n ’ayant reçu cet office qu’en
avancement d’hoirie, et conséquemment à la charge
de le rapporter à la succession, il doit autre chose que
la valeur a 1 époque de l’ouverture, c’est-à-dire la valeur
du remboursement qui en a été fait après la suppression?
�Une troisième difficulté naît entre les parties,du tes
tament olographe de M . Antoine Tournadre, de cujus.
Il a été jugé que ce testament contient plusieurs
avantages indirects en faveur des légitimaires; cepen
dant il les admet h la preuve que l’héritier a reçu de
son père la somme de 5o,ooo francs, employée à
l’acquisition du bien de Cebazat.
Les intimés demandent ce rapport; ils soutiennent
qu’ils ont le droit de l’exiger, soit en vertu de la dis
position testamentaire, soit parce qu’il existe un acte
émané du père des appelans, qui est un com mence
ment de preuve par écrit de la réception qu’il a faite
de cetle somme de 5o,ooo francs. Ils ont été admis à
la preuve de ce fait.
Les appelans refusent ce rapport. Après avoir dé
claré quils n’ont aucune connaissance de cette récep
tion de la somme de 5o,ooo francs, ils soutiennent que
la déclaration contenue au testament de leur ayeul
n’étant justifiée par aucun titre, ne peut produire aucun
e ffet, et qu’elle n’est elle-même qu'un moyen employé
par le père, ou plutôt par ceux qui maîtrisaient ses
volontés dans les derniers momens de sa v i e , pour
anéantir l’institution d’héritier. Ils combattent cette
déclaration en prouvant, par les actes de famille d ’abord,
qu Antoine T o u rn ad re, de c u ju s , ne s'est jamais pré
tendu créancier de son fils; ensuite, que le bien de
Cebazat a été acquitté avec d’autres deniers que les
5o,ooo francs réclamés. Ils soutiennent que l’écrit
émané de leur père n’est point un commencement de
�preuve, et qu’il ne porte ni directement ni indirecte
ment sur le fait qu’il s’agit d’établir ; enfin ils prétendent
que leurs adversaires s’en étant référés, sur ce point,
à un interrogatoire sur faits et articles, qui a été prêté,
ne peuvent aujourd’hui être admis à le prouver par
témoins.
DE
LA
PLU SIEU RS
QUESTIONS :
En principe : quel effet peut produire la déclaration
contenue au testament de M. Antoine T o urn ad re,
de eu j u s ?
Est-elle justifiée par titres? n'est-elle pas, au con
traire, contredite par les actes de famille et les faits
constans de la cause?
Les intimés s’en étant référés à un interrogatoire sur
faits et articles, sur la réception des 5o,ooo francs ,
peuvent-ils être admis à la preuve testimoniale?
L ’écrit du 22 pluviôse an i 3 est-il le com m en ce
ment de preuve par écrit, exigé par la loi, pour être
admis à la compléter par témoins?
Une quatrième difficulté divise les parties.
Il est reconnu que les légitimaires, et notamment
demoiselle Marguerite T o u rn a d re , ont habité avec
l’auteur commun jusqu’ à son décès. Il a été soutenu
que ce dernier avait un porte-feuille d’une grande
valeur, et des sommes en argent provenant du prix
de la vente de diiFérens im meubles, du prix desquels
grt ne voit pas l’emploi. Il est certain que pendant la
�dernière année de sa v ie , l'état de maladie et de fai
blesse du sieur Tournadre ne lui permettait pas de gérer
ses affaires, et que l'administration en était entièrement
confiée à la demoiselle Tournadre, q u i , suivant ses
affections, faisait participer ses sœurs aux bénéfices
qu’elle pouvait faire. A u décès du sieur T o u rn a d re ,
de c u ju s , et lors de l’inventaire, il ne s’est tro u vé ,
excepté deux obligations et un billet de 10,000 francs,
souscrit par le sieur F é lix , ni argent, ni effets de porte
feuille ayant quelque valeur; il était naturel de sup
poser que ces objets étaient au pouvoir de ceux de ses
enfans qui n’avaient cessé d’habiter avec lui. Les ap
pelans leur en ont demandé le rapport. Un interroga
toire sur faits et articles a été prêté; il en est résulté
l ’aveu que la demoiselle Tournadre a reçu du père
une somme de 6000 francs, .pour la transmettre à la
demoiselle Zélie Tréniole, sa-petite-fille. Les appelans,
en déférant le serment dérisoire sur la partie de leurs
réclamations quia été désavouée, ont au moins réclamé
le rapport des 6000 fr. Il ne leur a point été accordé.
D e là deux questions.
L e père, ayant fait une institution d’héritier avec
réserve, pouVait-il disposer, en faveur de qui que ce
fu t, d’antre chose que de sa réserve?
Jetant reconnu que la. demoiselle Tournadre a à sa
disposilion une somme de 6000 francs, provenue de la
succession du père, n’est-elle pas tenue d’en faire le
rapport, sauf à Zélie Tténiole à prendre sur la réserve
le don qui Jui a été fait par son grand-père?
�T e l est l ’ensemble de cette cause, dont il faut ex
poser les détails.
F A IT S .
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Six enfans sont nés du mariage d’Antoine Tournadre
et de Marie Juge.
A n toin e, héritier institué de ses père et m ère, re
présenté par les appelans ;
M arguerite, veu ve du sieur R od e-L a marge; AnneBernardine-Am able, épouse du sieur Château ; M ar
guerite, veuve du sieur Jourde; M arguerite-Gabrielle,
dame T rén iole, intim ée; et demoiselle M arguerite,
in tim ée, et incidemment appelante.
L e contrat de mariage d'Antoine T o u rn a d re , de
c iiju s , est du 6 juillet 1760. A cette époque, la mère
de la future était décédée. Son père lui constitua, ou Ire
un trousseau évalué
bration devait tenir
48,000 francs, dont
ternel, et 41,000 du
2000 francs, dont l’acle de célé
lieu de qu ittan ce, une dot de
7000 provenaient du ch e f m a
c h e f paternel.
L e paiement de cette dot fut effe ctu é , ou devait
avoir lieu ainsi qu’il suit :
L e contrat porte quittance de 12,020 francs, payés
en argent, et de 15,980 francs payés en contrais de
rente, scrupuleusement énumérés et détaillés, les
deux sommes montant ensemble à 28,000 fr.
11 est dit que les 20,000 fr. restant ne seront exigibles
qu au décès du père, et payables à cette époquef sans
intérêts, en fonds et effets de la succession.
�Suivant le co n lra t, la conslilulion de dol n’eniportait
renonciation à la succession du père, qui se ré
servait, au contraire, la faculté d'en disposer.
point
Il y eut entre les époux stipulation d’un gain de
survie m utuel, de la somme de 3ooo fran cs, avec
convention que le mari gagnerait en outre le trousseau.
L e sieur Juge père est décédé le 26 janvier 1772.
L e partage de ses biens, qui est du 14 mars suivant,
contient différens faits qu’il est important d’analyser.
.
.
.
L e sieur Juge laissait deux enfans, Marguerite,, qui ,
le 3 o décembre 1770 , avait épousé le sieur PicotL a co m b e , et la dame Tournadre.
Les constitutions de dot des deux filles étaient égales.
A l’époque de leur mariage, elles avaient reçu 28,000 {r.
chacune, mais il y avait différence dans le mode de
paiement : la constitution de la dame Picot-Lacom be
lui avait été payée par le délaissement du domaine de
Ternan. lie père lui abandonna en outre les meubles
meublant la maison et la chapelle de cette propriété,
moyennant la somme de 1200 francs, que la dame
Picot fut chargée de rapporter au partage.
L e sieur Juge avait fait un testament olographe,
contenant legs, en faveur de la dame Picot-Laçon1^ »
de sa maison, grange et jardin situés à Clermontj de
son argenterie, et tous ses meubles* même de quatre
charges de vin, à condition que la dame Picot-La^*
combe payerait à la daine T o u rn a d re, ça sœur^ la
somn^e de i 3ooo lianes. *
......... , -] . ,
.»,1*'
�( IO )
• L e sieur Juge institua d’ailleurs ses deux filles hé
ritières universelles, et par égales portions.
C ’est en cet état de choses que les dames PicotLacom be et Tournadre procèdent à leur partage.
Elles conviennent d’abord qu ’elles ne rapporteront
point ce qu’elles ont reçu par contrat de mariage, et
conserveront la propriété irrévocable des objets qui y
sont compris.
Il est ensuite dit que la dame Picot-Lacom be rap
portera les 1200 francs de mobilier qu’elle a reçu en
excédant de la dot constituée à la dame Tournadre.
L a masse est composée.
D e u x lots en valeur égale, de 48,000 francs chacun,
sont formés; le premier , composé du domaine de
N oalhat, estimé 27,000 francs, et de trois rentes,
montant ensemble à 21,200 francs, est attribué à la
dame Tournadre.
L e second, composé de différens im m eubles, de
huit contrats de rente, et d'un retour de lot de 200 fr.
dû par la dame Tournadre, est attribué à la damePicotLacom be.
Cette dernière, pour s’acquitter envers la dame
Tournadre des i 3,ooo francs qu’elle était chargée de
lui payer par le testament de son père , lui délaisse
deux contrats de rente qui étaient échus à son lot ;
savoir, celui dû par le sieur L è l a r g e , au capital de
10,000 francs, et celui dû par D u fau t, au capital de
3 ooo irancs.
Les copartageans finissent par reconnaître que les
�dettes de la succession ont été payées en com m u n ,
et qu'antérieurement à l'acte, il y avait eu partage
de l’argent com ptant, qui avait produit 3ooo francs
pour chacun. Il est reconnu que la dame Tournadre a
reçu cette somme.
Il est à propos de composer ici la fortune de la dame
Tournadre, et d’établir, s’il est possible, la distinction
et la valeur de ses biens paraphernaux.
Son contrat de mariage apprend que sa constitution
dotale était de 48,000 francs, outre son trousseau; que
sur cette somme elle avait reçu 28,000 francs en argent
ou contrats; que les 20,000 restant devaient lui être
payés au décès de son père; ainsi il n ’est pas douteux
que 20,000 francs des biens advenus à la dame Tou r
nadre, p a rle partage du 14 mars 1 7 7 2 , devaient servir
à compléter la dot qui lui avait été constituée par son
contrat de mariage.
Il est convenu que le domaine de Noalhat était
paraphernal à la dame Tournadre; elle en a toujours
perçu les revenus. L a rente au capital de 17,000 f r . ,
due par le sieur J a b y , lui était aussi paraphernale; elle
en a joui depuis 1 7 7 2 , et a fini par en recevoir le
remboursement îl la fin de 179^*
Ainsi il ne restait dans le lot de la dame Tournadre,
que deux rentes, montant ensemble à 4200 francs en
capital, qui pussent être confondues dans sa dot; mais
on doit la compléter avec les contrats de rente dus
par les sieurs Lelarge et D ufaut, que la dame PicotLacombe lui avait délaissés en paiement, et une partie
�(
des 3 q o o
partage.
)
franGs argent q u ’elle avait reçus avant le
‘
: ■'>
O r, la dot de la dame Tournadre mère se compose :
i° des objets compris au contrat de mariage; savoir :
4'vl ; i f <t
i° Argent comptant. . . . . . . .
1 ‘ à 0 Effets ou contrats......................
üOi, -)!!! '.ïÀ\>
2° Des objets compris au pait.ige :
• *:
12,020 fr.
i 5,o 8 o
i° Rentes Tronet et Fou niai. . .
noi.m.»
«
20 Rentes Lelarse et Dufaut. . .
i 3,ooo
3 ° 2800 francs d’argent pai tagé. .
2,800
oi;p :
i
°
4,200
48,000 fr.
Les biens paraphernaux se composent du restant des
objets compris dans le partage; savoir :
11° L e domaine de Noalhat.
20 L a rente due par le sieur Jaby.
3 ° 200 francs, restant de l’argent partagé.
Il est aussi important de se faire une idée des revenus
para plier nauk de la dame Tournadre.
L e domaine de N oalhat, échu à son l o t , est estimé
27,000 francs, valeur partage; mais celte estimation
n ’avait rien de réel, si ce n’est qu’elle était en rapport
avec les autres biens de la succession; sa valeur vénale
était bien plus considérable, même en 17 7 2 , puisqu’il
est prouvé, par les baux à ferm e, notamment par celui
de l’année
1793 , que ce domaine a constamment
rapporté . . . . . . . . . . . . . . .
L a rente J aby donnait un revenu de
3 100 fr.) 3 8 5 o fr.J
On pourrait ajouter à ce calcul le produit du reslant
�( *3 )
de l’argent partagé; mais s'il convient de négliger ces
détails, il est au moins très-vrai de dire que madame
Tournadre avait, en. paraphernal, un revenu de plus
de 3 ooo francs, dont, elle a joui pendant trente-quatre
à, treqle-cinq ans, c’est-à-dire depuis 1 7 7 2 , date du
partage, jusqu’en 1807, époque de son décès.
L e but de ces observations est de prouver que la
dame Tournadre avait, dans ses biens paraphernaux,
des ressources suffisantes pour marier ses filles, sans
être obligé d’y employer ses biens dotaux. Mais cette
vérité deviendra plus sensible encore, si l ’on considère
que la dame Tournadre avait l'habitude d’une éco
nomie rigoureuse; que tous ses plaisirs se bornaient à
faire des capitaux de ses revenus; que cependant il ne
s’est trouvé, à son décès, aucune trace de cette jouis
sance si fructueuse , si Ton en excepte une bourse
contenant une somme assez considérable, qu’elle
donna, la veille de sa mort , à la demoiselle Marguerite
Tournadre, sa fille, après en avoir prévenu son héritier
institué, par une lettre que les appelans sont en état
de représenter.
L e premier contrat de mariage des enfans T o u r
nadre est du 3 i août 17 7 9 ; c ’est celui de Marguerite
avec le sieur Rode-La marge.
A cette épo qu e, la dame T o u r n a d r e mère avait
joui pendant six ans de ses biens paraphernaux. Cette
jouissance avait produit plus de i&,ooo francs. Ainsi
ces ressources la mettaient à même d e c o n c o u r r i r à
�( *4 )
l'établissement de ses filles, sans qu’il fût nécessaire de
toucher à sa dot.
Cependant les père et mère de la future lui « cons«- tituèrent respectivement, et par moitié, pour toute
« légitime paternelle et maternelle, et pour tout ce
« qu’elle pourrait espérer et prétendre dans leur suc* cession * , i° un trousseau non évalué ; 20 une dot
de 3o,ooo francs, sur laquelle 20,000 francs sont payés
comptant, savoir, 17,780 francs en contrats de rente,
et 2,320 francs en argent, compté par moitié par les
deux conslituans. L es 10,000 fr. restant sont payables
sans intérêt, après le décès des père et m ère, toujours
par moitié.
L a dame Tournadre dit ensuite qu’elle veut em
ployer à la dotation de sa fille 10,000 francs de ses
biens paraphernaux, et 5,000 francs de ses biens dola u x , de manière que la succession du père doit né
cessairement compte delà somme excédant les 5,ooofr.
dotaux, pour lesquels la mère entendait contribuer à
l’établissement de la dame Lamarge.
Une contre-lettre du m êm e jour ( 3 i août 1779 )
apprend que la dame Tournadre s’engagea envers son
gendre à lui payer, sur ses biens paraphernaux, et en
cinq paiemens é ga u x, dans Tannée d e là majorité, les
10,000 francs restant de la d o t, et qui ne pouvaient
être exigés qu’après le décès des deux constituans. C e
paiement a été effectué. L a quittance pour solde est
du i 1 novembre 1789.
Ainsi le mode de paiement de la dot de la dame
�Lamarge se réunit aux termes du contrat, pour con
firmer cette vérité, que la dame Tournadre n’entendait
employer que 5,ooo francs de ses biens dotaux pour
l’établissement de sa fille.
E n effet, la dot avait été constituée par les père et
m ère, et par moitié; la mère n’était donc obligée que
pour 1 5,ooo francs. O r, au moyen de 10,000 francs
qu’elle acquittait avec ses biens parapbernaux, elle
ne pouvait être tenue de fournir sur sa dot que les
5,ooo francs restant.
Ces résultats sont certains; cependant, si l’on examine
le paiement de la partie de la dot qui a été fait le jour
du contrat, on voit que sur 17,780 francs de contrais
de rente délaissés, 14,400 fr. appartiennent à la mère;
savoir, le contrat Lelarge, montant à 10,000 francs;
celui du sieur Tronet à 2400 francs, et celui des Beraud
et Mallet à 2000 francs. On voit également que la
dame Tournadre a payé 1160 francs argent, ce qui
fait en total i 5, 56 o francs. Or ^ comme la mère ne
devait, pour sa portion de cette dot, que 5 ooo francs,
au moyen du paiement qu’elle avait fait avec ses biens
parapbernaux, il est évident qu'elle a acquitté la dette
de son mari jusqu’à i o , 56 o francs, dont ce dernier ou
sa succession doit compte.
1 .. ,
eu
Ce contrat se réunit aux actes qui sont déjà connus^
pour prouver que les contrats de rente Lelarge et
Tronet avaient été extraits du partage des dames PicotLacom be et T ournadre, pour concourir à compléter
la dot de cette dernière, et être mis à la disposition du
�mari, comme maître des biens dotaux de sa femme.
Sous ce rapport, c’est M. Tournadre qui en a disposé,
qui les a employés au paiement de sa dette person
nelle, et qui conséquemment en doit la valeur à la
dame Tournadre, ou à sa succession. Enfin, si l’on
pouvait supposer que ces contrats de rente fussent paraphernaux à la dame Tournadre, ayant servi à ac
quitter la dette personnelle du m ari, ce dernier n’en
devrait pas moins la valeur.
Ainsi il est évident jusqu’ici ^ et en fait, que la suc
cession du sieur Tournadre est débitrice de la succession
de la dame Tournadre m ère, de i o , 56 o francs, pour
la dot constituée, par m oitié, à la dame Rode de
L a m arge, et p a y é e , en majeure partie, par la dame
Tournadre seule.
L e 2 mars 1 7 8 3 , îe sieur Bernard-Antoine-M arie
Tournadre contracta mariage avec demoiselle Marie
Lucas.
Les père et mère du futur l’instituèrent leurhéritier,
à la charge de payer à leurs autres enfans 3 o,ooo francs
ch a cu n , pour légitime paternelle et maternelle, moitié
de l’irn et l’autre ch ef, si fait n’a été de leur vivant,
en deniers, fonds, contrats de re n te , ou effets des suc
cessions, bien et dûment garantis.
L é p&re se T éserve , même à l'égard de son üls^ l ’ usu
fruit légal des biens de son épouse.
L e p6re e t }a mère se font une réserve de 10,000 fr.
éhacun, avec convention que le survivant pourra dis—
.......
! » • !'.*;> r;
;dëux:
’
�( i7 )
L e père transmet au futur l’ofTice de Conseiller à la
Cour des aides. Com m e le rapport de cet office esl un
des objets de la contestation, il est essentiel de faire
connaître textuellement les termes du contrat sur ce
point.
« E t en avancement de sa fu tu r e succession, le sieur
» Tournadre donne au futur la finance de l’office de
« Conseiller en la Cour des aides, acheté de ses deniers,
« et touteslessommesqu’il a fournieset déboursées pour
« ses provisions et réception, montant à 3 o,ooo f r . ,
«• au moyen de quoi le futur demeure pleinement proprié taire dudit office. »
D eu x remarques se placent naturellement ici : la
première est que le père exigeait plu' que la valeur de
la charge qu’il délaissait en avancement d’hoirie à son
fils, puisqu’elle ne lui avait coûté que 22,000 francs; la
seconde, que la mère ne donnaiL absolument rien de
son chef, quoiqu’elle eût à sa disposition des sommes
considérables provenant de ses biens paraphernaux.
On arrive au troisième contrat de mariage; c'est
celui d'Anne-Bernardine-Amable Tournadre avec le
sieur Pierre-Charles Chateau. Il est sous la date du
3 r décembre 1786.
Huit années s'étaient écoulées, du contrat de ma
riage de la dame L a m a r g e ¿1 celui de la dame Chateau.
I^a jouissance qu’avait faite la dame Tournadre m ère,
de ses biens paraphernaux, avait singulièrement aug
menté ses ressources. 11 serait facile de prouver qu'elle
pouvait alors disposer de plus de 40,000 francs. Ainsi
3
�( 18 )
elle n ’avait pas besoin de recourir à l’aliénation de sa
dot pour l’établissement de sa fille.
Quoi qu’il en soit, la constitution de la dameChateau,
comme celle de la dame Lam arge, est moitié paternelle
et moitié maternelle.
L e trousseau est évalué à 2000 francs, la dot fixée
à 3o,ooo francs, y compris le trousseau, dont 20,000 fr.
sont quittancés p a rle contrat, e lle s 10,000 fr. restant
payables au décès des deux constiluans.
Les 20,000 francs payés le son !, savoir, 12,980 fr.
en contrats de rente appartenant à M. Tournadre père,
et 7,064 francs en argent.
Les 10,000 francs, qui n'étaient exigibles q u ’au décès
des deux constituans, ont été payés au décès de la mère.
Les appelans rapportent une quittance du i 3 floréal
an i 3 , établissant que leur père a payé à la dame
Chateau les 5ooo francs qu’elle pouvait exiger de l’estoc
maternel.
L a dame Tournadre n’a disposé d’aucun de ses effets
dotaux pour marier sa fille ; elle n’a point non plus
manifesté l’intention de les employer pour cela. Elle
avait alors des moyens personnels plus que suffisans
pour remplir le devoir qu'elle s'était imposé. Comme
il a été rem arqué, les revenus de ses biens paraphernaux lui avaient produit des capitaux considérables,
qui lui permettaient de payer en argent la portion de
la dot qu’elle avait constituée; et peu importe qu’il pa
raisse qu’au moyen du délaissement des contrats de
rente appartenant au père, ce dernier aurait payé une
�C 19 )
somme un peu plus forte que son épouse, puisqu'il
résulte des termes du contrat que la dot a été acquittée
par moitié, et que tout tend à prouver que le père a
été remboursé de la différence que l’on peut remar
quer dans les paiemens.
Cinq ans se sont écoulés, de ce contrat de mariage
à celui de Marie-Gabrielle Tournadre avec PierreJoseph de T rén iole, qui est sous la date du a 3 mars
1791. Il est sensible que les jouissances que la dame
Tournadre mère avait perçues de ses biens paraphernaux pendant ce laps de tems, devaient avoir singu
lièrement accru ses ressources, et qu’elles étaient suf
fisantes pour l’établissement de sa fille.
Aussi voit-on, comme dans le précédent con trat,
que le père et la mère constituent la dot par moitié;
qu’elle est de 3o,ooô fr. , savoir, 20,000 francs, dont
le contrat porte quitlance, et 10,000 francs payables
après le décès des deux constituans; mais la mère
n’oblige point sa dot au paiement de la constitution
qu elle fait à sa iille; le contrat n’énonce aucun effet
dotal à la m ère, qui ait servi à l’acquitter; de manière
qu’il est certain que cette constitution a été faite et
payée avec les biens paraphernaux de la dame Tour
nadre.
v II faut d ire, pour l’explication des f a i t s q u e les
10,000 francs exigibles au décès dés deux constituans,
ont été payés aussitôt après la mort de la mère; et les
appelans rapportent, sous la date du 21 juillet 1 8 1 3 ,
�( 20 )
la quittance des 5ooo francs qu'ils ont donnés pour
Cet objet.
|;
, •
; ,
!'
A l’époque du mariage de Marguerite Tournadre
avec Jean-Baptiste Jourde, du 2 5 thermidor an 6, les
facultés pécuniaires de la mère étaient encore de beau
coup au g me n té es, puisqu'elle avait cumulé les jouis
sances de ses biens paraphernaux pendant cinq autres
années. Cependant elle ne paya à celte dernière fille,
que mille francs sur sa constitution dotale , qui était
de 3o,ooo fr., y compris le trousseau; et les 14,000 fr.
restant du chef maternel ont été acquittés par l’héritier
institué, après le décès de la m ère, ainsi que l’établit
la quittance du 14 novembre 1814/
La dame Tournadre mère est décédée en 1807. Les
revenus de ses biens paraphernaux sont connus ; elle
en avait joui pendant plus de trente-quatre ans; ses
habitudes et ses goûts ne lui permettaient point de les
dissiper : elle les a v a it, au contraire, constamment
accumulés. Cependant , à l’exception de la somme
qu’elle remit à la demoiselle Tournadre, sa fille, il ne
s’esL trouvé à son décès ni porte-feuille ni argent.
M. Tournadre père se croyait usufruitier des biens
de sa fem m e, soi 1 en vertu de la coutum e, soit en
Vertü de la disposition du'contrat de mariage de son
lils, où il s’était réservé l’usufruit légal de ces biens. 11
paraissait disposé à soutenir cette prétention. Quelque
peu fondée qu elle fût, son fils, héritier institué, crut
devoir y acquiescer, et consentit, en recevant l’aban
don du domaine de N oalhat, à laisser à sou père la
�( 21 )
jouissance de la dot maternelle, et à payer de suite tout
ce qui pouvgit être dû sur les dots constituées à ses
4 & ^ M r i o œ l'sîtdqqn?. il*
;;;iÎ0
Cette convention était très-avantageuse aux intimés,
puisqu’elle mettait à leur disposition des sommes qu'elles
ne pouvaient exiger qu’au décès du père, et sans in
térêt; elle privait l’héritier institué du bénéfice des
termes et des intérêts des sommes qu’il s’engageait à
payer p a r anticipation ; aussi fut - elle promptement
acceptée. Les intimés voulureni bien se contenter de
leur légitime; et au moyen du paiement qui en a été
fait, même à la demoiselle Tournadre, qui, le 2 avril
1807, a fourni quittance de i 5,ooo francs, l’héritier
i n s t i t u é s’est trouvé irrévocablement saisi d e là totalité
de la succession 1. maternelle.
. fT)(T, ' .
/;
*v, ^ j 'v>^
. »i
Il contient de placer ici deux états, celui des sommes
payées par l’héritier aux légitimâmes, et celui des
sommes employées par la mère sur ses biens parapliernaux ; leur rapprochement: fera sentir combien il est
invraisemblable que la dot de la dame Tournadre ait
été absorbée pour rétablissement de ses filles? sur-tout
si l’on considère et la valeur de ses biens paraphernaux,
et le soin qu’elle a pris de ne consentir à j ’aliénation
de sa dot que dans un seul contrat, et pour une somme
déterminée de 5oûo' franCs.
L a jouissance que là mère aVaïf faite, pendant trentequatre ans, de ses biens parapherriàufc,' avait produit
ï o o ^oqo,;fiapcs
au moin,9; elle nedépensait absolument
rien,: cette somme n q .^ va it donc être employée qu'à
�( Sî )
la dotation de ses filles. L a dame Tournadre avait cinq
enfans légitimantes ; leur dot était de 3 o,ooo francs
chacune, dont la mère devait supporter moitié, c'està-dire 75,000 francs pour les cinq enfans. Ses biens
paraphernaux étaient donc sufïïsans.
Cependant qu’a-t-elle payé sur ses biens parapher
naux ?
i° A la dam eLam arge.
20 A la dame Chateau.
« *1 1
rr. , - ,
3 ° A la dame Tremole.
40 A la dame Jourde. .
.
.
.
.
. 10,000 fr.]
. iO,ooofr.| _
^
r > 3 1,000 francs.
. 10,000 fr.l
. 1,000 fr.)
Q u ’a payé l’héritier?
i° A la dame Chateau. . . 5,ooofr.]
2 0 A la dame Tréniole. . . 5 ,000 fr.l
3 ° A la dame Jourde. . . . 14,000 fr.i ^9’° 00 ^rancs'
4° A D 1Ie Marguerite. . . i 5,ooofr.J
T o t a l . ......................... 70,000 francs.
A quoi il convient d’ajouter les
5ooo francs de biens dotaux aliénés
par la mère pour l’établissement de la
,
dame L a m a r g e l ......................................
5 ,000 francs.
1 ■ 1■■1
1
,
Ce qui donne pour total.............. 75,000 francs ,
montant des cinq constitutions dotales faites par la mère
en faveur de ses filles.
L e rapprochement de ces faits prouve qu'il est im
possible que les biens paraphernaux et dotaufc de la
�mère aient été épuisés pour l’établissement de ses enfans. Tout concourt également à démontrer que l ’hériiier institué n’a reçu de sa mère que le domaine de
N oalhat, qui lui était paraphernal. Les biens dotaux
sont restés confondus dans la succession paternelle, à
l ’exception de la rente Fournial, qui a été reçue par
les appelans, et par eux donnée à demoiselle M ar
guerite Tournadre, pour le paiement de sa légitime.
Com ment donc pourrait-on refuser à l ’héritier institué
de la mère la faculté de prélever ceux dont elle n’a
pas disposé ?
L ’exposé de ces faits était indispensable pour faire
apprécier la demande en prélèvement des appelans;
mais on a dû élaguer quelques détails qui trouveront
leur place dans la discussion.
Pour rendre intelligible la demande en rapport de
5o,ooo francs, formée par les intimés contre les ap
p e l a i , il convient d’interrompre le récit des faits, pour
les reprendre un peu plus haut, et exposer dans leur
ordre ceux qui s’appliquent directement à cette de
mande.
M. Tournadre, de c u ju s , était propriétaire d’un
domaine situé dans les appartenances de Blanzat ,
Cebazat et Nohanent ; le sieur Antoine T o u r n a d r e ,
son fils, y avait fait quelques annexes, montant en
semble à la somme de 2,5oo francs.
L e 4 frimaire an 7 , M M . Tournadre père et fils,
réunis, vendent au sieur Pierre L egay cette propriété,
moyennant la somme de 44,000 francs, payable en
�( *4 )
trois termes; le premier de 20,000 francs, à échéance
le i er prairial suivant; les deux autres, de 12,000 fr.
chacun, payables de n e u f mois en neuf mois, à dater
du I er prairial, époque du p r e m i e r p a i e m e n t .
U n des articles de cette vente est ainsi conçu :
flf Déclarent lesdits vendeurs que T ou rn adre J i l s ne
» doit toucher, sur le prix de la présente vente, que
« la som m e de ssôoo francs en principal, ensemble
«
te
ir
«
les intérêts d ’icelle, ainsi qu’ils auront lieu, pou r
raison d a cq u isitio n qu’il a f a ite d ’objets d a n s les
dépendances de Blan% at, q u i sont de la com prise de
la présente vente. L e surplus du prix sera touché par
« le sieur Antoine Tournadre père , comme proprié« taire du restant.-»
Ainsi le fils ne figurait dans la vente que pour la
portion qui lui appartenait dans le domaine vendu, et
11e devait en toucher le prix que jusqu’à concurrence
de son droit de propriété.
L es quittances confirment les idées claires et précises
que fait naître le contrat de vente.
L e 4 messidor an 8, le sieur L e g a y paye la somme
de 7,3^i francs 35 c., à imputer sur les intérêls.et lo
capital de la ven te; la quittance qu’il reçoit est de
l’écriture dü sieur Tournadre fils, et signée par son
père et lui; mais pour qu’il ne reste aucun doute sur
celui des deux qui a reçu les fonds, le père ajoute de
sa m ain, au bas de la quittance : « J ’approuve la pré« sente quittance, comme ayant reçu la sommes, Celte
déclaration est signée de lui.
li* •.
�L e i 3 vendémiaire an 9 , le sieur L e ga y fait encore
un à-compte de la somme de 3652 francs, et reçoit
une quittance écrite de la main du père, et signée de
lui.
Enfin, le 6 frimaire an 10, M. Tournadre père
donne au sieur L egay quittance finale des 44,000 fr.',
prix de la ven te, et il est dit que toutes quittances
antérieures ne serviront, avec celle-ci, que d ’un seul
et même acquit.
Ainsi, en consultant les titres relatifs à la vente du
domaine de Blanzat, en lisant les écrits et déclarations
émanés du père lui-m êm e, on acquiert la certitude
que le prix de cetle vente a été reçu par lui; il faut
m ê m e convenir q u ’il ne se présente aucun moyen pour
détruire des résultats aussi évidens.
Cependant les intimés invoquent à l’appui de leurs
prétentions un écrit émané du sieur Tournadre fils ?
et dont les appelans ne connaissent ni l’origine , ni
l ’objet. Il est à propos de le détailler.
Cet écrit est du 22 pluviôse an 1 3 , c ’est-à-dire postérieur de six ans et quelques mois à la vente de
Blanzat, et de plus de trois ans à la quittance finale.
L e fils s'y exprime ainsi :
«■Antoine G o y , fermier de N o a lh a t, paiera à mon
« père 700 francs sur le terme de sa fe rm e , qui échoira
r au 9 niai prochain.
<r 2° Sur les termes à venir, pendant tout le tenu du
« b a il, celle de 1,200 francs, et lui délivrera, en outre,
K toutes les réserves échues et à écheoir qui sont
4
�( 26 )
« portées, tant dans le bail ancien que nouveau , y
«• compris la moitié des bois morts, à la seule excep
te tion des échaias. Je tiendrai compte du tout sur la
« quittance de mon père. »
A u dos de cet écrit se trouve de la main du père :
«■J ’ai reçu assez exactement les réserves d’autre part ;
« mais depuis quelques années, les 1200 fr. ne m’ont
« point été payés. »
Après la signature, le père ajoute r
«■C ’est un compte à faire sur le rapport des quit<r tances. •»
Il est difficile de trouver dans cet écrit quelque chose
de favorable au rapport du prix de la vente du do
maine de Blanzat, demandé par les intimés. La dis
tance des dates, la propriété sur la ferme de laquelle
portait la convention, la durée qu’elle devait a v o ir,
le montant du revenu cé d é, mis en rapport avec le
capital dem andé, tout s’oppose à ce que Ton puisse
penser que cet écrit a une relation direcle ou indirecte
avec la vente de Blanzat.
En eifeî, !* vente de Blanzat est du 4 frimaire an 7;
la quittance finale du prix de cette ven is est du 6 fri
maire an 10. Pour qu’il y eût affinité entre ces actes et
l ’écrit produit, il faudrait qu’il y eût concordance de
date; o r, la distance de l’écrit ¿1 la vente est de plus
de six ans; elle est de trois ans entre l ’écrit et la quit
tance tinale. A in s i, sous le premier rapport, aucun
rapprochement à faire.
Les intimés soutiennent que le prix de la vente de
�( 27 )
Blanzat a été employé à payer Facquisilion faite, par
le fils, du domaine de Cebazat. Pour que l’écrit rendit
cette assertion probable, il faudrait que la convention
portât sur les revenus de Cebaz=at; or, elle s’applique
au bail à ferme du domaine de N oalhat, propriété
paraphernale à la mère : donc, bien loin de justifier
l’allégation des intimés, cet écrit la repousse.
L a durée de la convention est aussi contraire à ce
système. Si M. Tournadre père eût donné à son fils le
prix de Blanzat, il se fût assuré un revenu pour tout
le tems de sa vie. Cependant l’écrit ne contient un
délaissement de revenu que pendant tout le cours d u
bail de Noalhat. L a durée de cette convention n’a
donc aucune espèce de rapport avec le don du prix de
Blanzat.
Enfin, si l’on compare le capital donné avec le re
venu cédé , il n’y a aucun rapprochement à f a ir e ,
aucun équilibre à établir. D ’après la ven te, ce capital
serait de 44,000 francs; les intimés et les premiers
juges le portent de 5o à 60,000 francs; le revenu cédé
par l’écrit est de 1200 francs : il ne peut donc se rap
porter au prix de la vente de Blanzat.
Il paraît donc impossible de regarder l’écrit du 22
pluviôse an i 3 comme la présomption ou le com men
cement de preuve que le sieur Tournadre fils ait reçu
le prix de la vente du 4 frimaire an 7 ; mais l’exam en
de quelques faits subséquens détruit absolument les
doutes que les intimés ont cherché à faire naître.
M . Tournadre père a survécu a son fils. Ce dernier
�( 28 )
est décédé le i 5 juin 1808. Il était naturel que le
père fît valoir ses préteniions contre la succession, ou
qu’au moins il demandât le règlement de compte qui
est indiqué au verso de l’écrit du 22 pluviôse an i 3 ;
le père garde le silence : de là deux inductions forcées:
la première, que tout avait été consommé entre le
père et le fils avant la mort de ce dernier, relative
ment à la convention du 22 pluviôse an i 3 , et au
compte auquel elle pouvait donner lieu; la seconde,
que cet écrit ne se rapportait point à la vente de
Blanzatj puisque le père n’ayant point été remboursé
du vivant de son fils du prix de celle vente, l’aurait
réclamé contre les appelans, ou au moins aurait exigé
qu’ils continuassent d’exécuter la convention du 22
pluviôse an i 3 , si elle eût représenté le revenu de la
somme donnée par le sieur Tournadre père.
Il ne faut pas que Ton puisse penser que si M. T o u r
nadre père n’a rien dem andé, c’est ou parce que Toccasion de réclamer ne s’est point présentée, ou par
négligence de ses propres intérêts. Un acte de famille
et un fait particulier au sieur Bernard-Félix Tournadre,
appelant, ne laissent aucun équivoque sur ce point.
L e 19 septembre i 8 i o , l a famille se réunit; il était
question de régler les droits de Marie Lucas, veuve
Tournadre, mère des appelans, et usufruitière de la
moitié des biens de son mari. Bernard-Félix était mi
neur, et procédait en présence et sous l’autorité d’A n
toine Tournadre, son ayenl et son curateur. La mère
des appelans réclamait ses reprises contre la succession
�de son mari., et notamment i 3o?ooo francs, prix de
la vente de ses propriétés dotales, qui avait été em
ployé à l'acquisition du domaine de Cebazat. Cet acte
règle ces reprises et la jouissance que feront les enfans
des biens paternels. Pour cela il fallut composer la
masse de la succession en a c t i f et en passif. M. T o u r
nadre, ayeu l, était présent à tout; c’ était bien, sans
doute, le moment de faire connaître ses prétentions.
IL signe sans rien réclamer.
Il n ’y avait point de négligence de la part de
M. Tournadre père; il était très-soigneux de ses in
térêts, même vis-à-vis ses proches. M. Bernard-Félix
Tournadre, appelant, eut, à l ’époque de son mariage,
besoin d’une somme de 10,000 francs; il s'adressa à
son ayeul : celui-ci fit d’abord beaucoup de difficultés
pour les lui prêter. Enfin il céd a , mais il lui fit sous
crire, sous la caution de son beau-frere, un billet,
qui, avec les deux obligations, sont les seules créances
de valeur réelle qui se soient trouvées à l'ouverture
de la succession.
Il n’existe donc dans la cause aucune circonstance,
aucune présomption, aucun indice, aucune adminicule
même qui puissent iaire naître 1 idee que M. Tournadre,
de c u ju s , avait donne ou conlié a son fils le prix du do
maine de Blanzat. T o u t, au contraire, se réunit pour
détruire cette étrange assertion. Comment donc se
trouve-t-elle consignée dans le testament de M. T o u r
nadre père? Il serait facile de répondre, dès l’instant
m ê m e , à celte question j mais il vaul mieux laisser au
�( 3o )
lecteur le soin de la résoudre, et continuer l'exposé
des faits et des circonstances qui ont entouré le tes
tament.
Depuis l’époque du décès de la mère * M. T o u r
nadre, d& ca ju s y fat livré aux soins de demoiselle
M arguerite, sa fille, qui n’a cessé d’habiter avec lui.
Cette demoiselle se trouva bientôt à la tête des affaires
de la maison, et dut sans peine maîtriser la volonté
d’un vieillard infirm e, dont la mémoire et les facultés
intellectuelles étaient sensiblement altérées.
L ’influence de Marguerite se fit bientôt sentir d’ une
manière très-avantageuse pour ses sœurs.
L a dame de Tréniole vint dans la maison paternelle;
elle y conduisit ses deux enfans, qui y ont reçu une
éducation soignée et brillante. Z é lie, Tune d’elles, a ,
même de l’aveu de mademoiselle Tournadre, pris part
aux bienfaits de son ayeul.
L a dame Rode vint bientôt, avec ses quatre enfans,
chercher un asyle chez son père. L a dame Jourde, à
son tour, après y avoir fait, à différentes époques, des
séjours très-prolongés, a fini par s’y établir depuis le
décès de son époux.
Si ces dames n’avaient été réunies sous le toit pa
ternel que pour y trouver des consolations ou des se
cours, les appelans ne leur feraient aucun reproche.
L a demoiselle Tournadre mériterait même des éloges
pour avoir ainsi consolé ou secouru ses soeurs.
Mais si, abusant de l'influence qu’elle avait toujours
eue sur l’esprit de son père, la demoiselle Tournadre
�n’a appelé ses sœurs auprès d’elle que pour servir h
l'exécution de ses projels; si ces dames, esclaves des
volontés de leur bienfaitrice, ont, par nécessilé peutêtre, contribué à maîtriser la volonté d’un vieillard
débile et souffrant; si, pendant leur cohabitation, le
sieurTournadre père a été dépouillé de Tadministralion
de ses biens; si la demoiselle Tournadre a eu à sa dis
position un porle-feuille considérable, dont l’existence
et la valeur étaient publiquement connues; si cette
riche partie de la fortune mobiliaire du sieur T o u r
nadre a disparu dans le tems m êm e où la demoiselle
Tournadre gérait en maîtresse absolue toute la fortune
de son p ère; si le sieur T ou r n ad r e, parvenu au der
nier degré d'infirmité, livré à un état de faiblesse
morale qui ne lui permettait de reconnaître et distin
guer ni les personnes, ni les objets, incapable de m a
nifester aucune volonté, a cependant copié un tesment ayant pour objet d'anéantir l’institution d’héritier
qu’il avait faite en faveur de son fils, institution qui,
peut-être, était effacée de sa m ém oire; si tout cela a
pu être connu des sœurs de la demoiselle Tournadre;
si, depuis le procès, elles ont refusé de répondre sur
des fails aussi pertinens, et que leur sœur devait désirer
si ardemment voir ensevelis dans l’oubli; si enfin, de
venues parlies au procès, elles ont négligé leurs in
térêts vis-à-vis de leur sœur, et se sont jointes à elle
pour demander que la déclaration contenue au testa
ment du p ère, destructive de l’institution d’héritier^
eut son effet ! . . . . comment les appelans p o u r r a i e n l - i l s
�( 32 )
supposer que les dames T ré n io le, Lamarge et Jourde
ont été étrangères aux moyens employés par la de
moiselle Tournadre pour se rendre la maîtresse et la
dispensatrice de la fortune du père? comment pourraiton les blâmer de faire connaître l’objet d'une réunion
si préjudiciable à leurs intérêts?
Il faut placer ici une anecdote de fam ille, person
nelle à la demoiselle Tournadre et au sieur F é lix , son
neveu; elle pourra servir à donner une idée de la va
leur du porte-feuille. Il a été dit que le sieur Félix
voulut , h l ’époque de son mariage, emprunter à son
ayeul une somme de 10,000 francs; le père refusait,
et donnait pour excuse que ce p rêt déran gererait Le
com pte ro n d de 100,000 f r a n c s com pris d a n s
son
porte-feuLUe. Il fallut s’adresser à la demoiselle T o u r
nadre, qui tout aussitôt releva l’erreur de son p è re ,
et lui prouva, au contraire, qu’au moyen de ce prêt
il réduisait son porte - feuille au compte rond de
100.000 francs. Il n’en fallut pas davantage : les
10.000 francs furent prêtés.
Il était donc certain, pour le public et pour la fa
m ille, que le sieur Tournadre père avait une fortune
mobiliaire très-considérable, et qui, depuis long-tems,
était livrée à la surveillance et à la discrétion de ma
demoiselle Tournadre ; mais personne ne pouvait penser
qu’elle fût capable d en abuser; sa délicatesse et ses
sentimens religieux repoussaient toute idée de dé
fiance : on aurait craint de lui faire injure en prenant
la plus simple précaution.
�L ’époque du décès de M. Tournadre père est du
I er octobre 18 16 ; il est mort, ou plutôt s’est éteint,
entre les bras de ses filles, qui ont continué d’habiter
la maison paternelle. On peut penser qu’il n'y eut
point d’apposition de scellés : tous les effets mobiliers
restèrent ¿1 la disposition de la demoiselle Tournadre et
de ses sœurs jusqu’à l’inventaire.
Cet acte apprit bientôt que le porte-feuille avait dis
paru 011 avait été enlevé; pas un seul effet de com
m erce, pas un seul billet, pas une seule créance active
n’est énumérée dans cet inventaire, si l’on en excepte
les obligations qui ne pouvaient être dissimulées, et
les billets de 10,000 francs dont le sieur Félix est dé
biteur. Ce dernier, présent au procès-verbal, y lit con
signer ses protestations.
Cet inventaire fit découvrir une nouvelle preuve de
l’influence que les demoiselles Tournadre exerçaient
sur l’esprit de leur père : c’est le testament olographe
du 19 avril 1 8 1 1 ; toutes ses dispositions annoncent
qu’il n ’est pas l’ouvrage de M. Tournadre; la faiblesse
de son esprit s’opposait à ce qu’il manifestât aucune
volonté, et il est certain que s'il eût été en état de le
f a i r e , son testament aurait été enharm onie avec l'ins
titution d’héritier, contenue dans le contrat de mariage
de son fils, et bien loin de l’anéantir, aurait contribué
à en assurer Texécution.
Que dicte-t-on, ou plutôt que fait-on copier à ce
vieillard?
i° Il reconnaît devoir aux dames B œ uf et Bergier
5
�une somme de 5,000 francs, outre ce qu'elles ont reçu,
pour le logement, la nourriture et l’entretien de sa
sœur ;
2° On lui fait disposer par égalité, et en faveur de
ses cinq filles, de sa réserve et de celle de sa fem m e;
3° On lui fait écrire : « Je veux et entends que les
rr enfans de mon fils prédécédé rapportent à la masse
«■de ma succession la somme de 5o,ooo francs, que
« je Lui a i avancée pour l’acquisition du bien de C e
rf bazat. Ne prévoyant pas que je Lut survivrais, j e n a i
« point pris de reconnaissance ,* mais ses enfans et
« Leur mere ne L’ignorent pas : ils sont incapables de le
«• désavouer ( i ) ;
4° L e père veut que la maison de Clermont, jouie
par son fils, soit comptée dans la succession pour la
somme de 8ooo francs, en déclarant toutefois que les
réparations qui y ont été faites appartiennent au fils;
5° L a demoiselle Marguerite reçoit pour sa légitime
le domaine de Varennes. L e père estime cette propriété
à 70,000 fr., et veut que Marguerite paye aux autres
enfans, dans les trois ans de son décès, la somme ex
cédant sa légitim e, avec intérêts (2);
6° L e père fait différens legs qui doivent: être pris
ft' «ùicin ■
.'»* 5rviifto').oi -iiiiD ‘v *ii j ’ *iO')
- .n »' fiOîti. y.
(1) l ° C ’est le premi er acte où il «oit question d 'avances.
a 0 L a raison d on n é e du défaut de reconnai s sance, est des plus mauvai ses.
C ’ est préci sément parce que le père ne prévoyait pa^ q u ’i l survivrait à
son f i l s , q u ’ il devait prendre une reconnai ssance de lui.
3°
C o m m e n t les appelans ont-ils pu connaître ce f a i t , lorsque tous les
actes de famille le repoussent? M . T o u r n a d r e père n’ a jamais rien récl amé,
(a) I l suf f i t, pour se c onvai nc re de l'avantage indirect que renf erme
�et prélevés sur la masse de sa succession, et termine
par inviter ses enfans à soumettre les difficultés qui
pourraient s’élever entre eux, à la décision des juris
consultes de leur famille.
Les appelans suivirent cette direction; ils ne pou
vaient penser que le rapport du porte-feuille fût sé
rieusement contesté;ils imaginaient,au contraire^ qu’il
serait suffisant de le réclamer pour l'obtenir. Ils eurent
un instant l’espoir de réussir; l’intermédiaire qu'ils
avaient e m p l o y é croyait arriver à des résullats heureux :
il se trompait, et fut bientôt obligé de déclarer que la
demoiselle Tournadre ne voulait pas se rendre justice.
Il
était dès-lors impossible d ’éviter un procès. Les
appelans avaient beaucoup de renseignemens sur l’exis
tence et la valeur du porte-feuille. La renommée s’ex
pliquait à cet égard d’ une manière non équivoque; ils
pouvaient même prouver ces faits par une foule de
circonstances particulières et pertinentes : il leur ré
pugna d’employer ce moyen contre une parente qu’ils
avaient l’habitude de respecter, et ils aimèrent mieux
s’en rapporter à son serment. Ils pensaient, et croient
encore que la sainteté du serment sera suffisante pour
.
celte dest i nati on, de se mettre sous les y e u x l’extrait du bail du 2 2 ' a v r i l
i
8i 5
C e d o m a i n e , qui est pourvu de k â t i me ns de maîtres et de m é t ay e r s »
en bon é t a t , bien s i i u é j et très-agréable, pr odui t , impôts payés :
C e n t cinquante septiers froment., vingt septiers s e i gl e, dix septicis orge ,
dix septiers a v o i n e , vingt quintaux de l o i n , trente pots de vin , cinquante
livres d ’h u i l e , vingt hottées de p o t n m e s , huit paires de poulets, huit paires
iie c ha p o n s , six paires de d i nd on s , huit douzai nes d’ œufs.
�( 36 )
obtenir de la demoiselle Tournadre une déclaration
qu’elle ne peut refuser en sûreté de conscience.
L a demande en partage du sieur B e rn a rd -F élix
Tournadre et de la dame Simmers sa sœur , est du
mois de décembre 1816. Ils demandent, enlre aulres
choses, i° qu’il soit fait distraction de la dot malernelle
sur la succession du père; 20 que la demoiselle T o u r
nadre et ses sœurs rapportent au partage la somme
de 100,000 francs, pour la valeur du porte-feuille ap
partenant ¡1 la succession du sieur Antoine Tournadre *
de eu j u s .
Les appelans présentèrent une requête ayant pour
objet de faire interroger leurs adversaires sur faits et
articles pertinens. Cet interrogatoire fut prêté le 27
février 1 8 1 7 , par tous les intimés; et quoiqu’il porte
sur des faits nombreux et qui tendent lous à établir
l’existence du porte-feuille, dont le rapport est de
m an dé, le j iige-commissaire ne put obtenir que des
réponses insignifiantes, dont il serait inutile de parler?
s’il n’en était résulté l’aveu que la demoiselle T o u r
nadre avait reçu de son père une somme de 6000 fr,
pour la remettre à Zélie T rén io le, sa petite-fille.
Celte cause fut plaidée au tribunal civil de Clerniont
pendant plusieurs audiences. Les intimés ont comparu
par le ministère de trois avoués. 11 faut se faire une
idée exacte des conclusions respectivement prises.
A la première audience, les appelans (demandeurs)
conclurent, i° à ce qu’il fût fait distraction, en leur
�faveur, sur la succession paternelle, de la dot de la
mère, avec intérêts depuis son décès.
2° Ils demandèrent le partage de la succession pa
ternelle offrirent de rapporter l’office, suivant la va
leur des assignats à l’époque de son remboursement,
et la valeur de l’emplacement de la maison.
Ils conclurent à ce que les défendeurs fussent tenus
de rapporter, pour la valeur du porte-feuille., la somme
de 60,000 francs, en argent ou effets, avec intérêts
depuis l’ouverture de la succession; en cas de déné
gation , et subsidiairement, ils leur déféraient le serment
dérisoire,en demandant toutefois le rapport des 6000 fr.
reconnus avoir été confiés à la demoiselle Tournadre,
pour être remis à Zélie Tréniole, sa nièce.
3 ° Ils conclurent à ce que les legs compris au tes
tament fussent, prélevés sur le revenu du père; h ce
q u e , sans avoir égard aux attributions d ’immeubles,
faites en faveur de demoiselle T o urn ad re, tous les biens
composant la succession fussent partagés suivant les
dispositions du Code civil; et enfin, à ce que les dé
fendeurs fussent déboutés de leur demande en rapport
de la somme de 64,000 fr ., nonobstant la déclaration
consignée au testament du père.
Les dames Lamarge et C h ateau , réunies, conclurent
au débouté de la demande en distraction de la dot de
la mère.
E n donnant les mains au partage, elles offrirent de
Apporter la moitié de la dot qu’elles avaient
demandèrent leur portion dans la réserve.
re çu e ,
et
�Venant ensuite aux rapports respectivement de
mandés, elles s'en remirent à droit sur le rapport du
porte-feuille^ exigé de la demoiselle Tourn adre, et
conclurent à ce que les r e p r é s e n ta i de Fhéritier fussent
tenus de rapporter à la succession du père : i° le
trousseau de la mère et les 3 ooo fr. que le père avait
gagnés pour sa survie; 2° 3o,ooo fr., prix de l’office de
Conseiller; 3 ° 64,000 fr. provenus du prix d elà vente
de Blanzat, et reçus par l'héritier, suivant la déclara
tion testamentaire du père;. 40 8000 fr. pour la valeur
de la maison ; 5° elles demandèrent contre le sieur Félix
Tournadre personnellement, la somme de 10,000 fr.,
qui lui avait été prêtée par son ayeul.
Passant au testament,. elles demandèrent qu e, sans
avoir égard à la désignation faite par le père, le do
maine de Varennes fût compris dans la masse des biens
à partager, et conclurent à ce que tous les legs parti
culiers fussent prélevés sur la masse de la succession.
Pendant les plaidoiries, ces deux dames ajoutèrent
à leurs conclusions l’offre de la preuve que 5o,ooo fr.
ou une plus forte somme, provenant de la vente de
Blanzat, avait été versée par le sieur L e g a y , acqué
reur desdits biens, par les ordres du sieur Tournadre,
de e u j lis, entre les mains de son iils, héritier institué,
et que ce versement avait été fait à diverses reprises,
il y a environ vingt ans.
L a dame Tréniole et demoiselle Marguerite Tour
nadre, comparant par un même avoué, prirent, sur
différens chefs, les mêmes conclusions que les dames
�( 39 )
Chaieau et Lam arge, mais elles demandèrent positique les appelans fussent déclarés non recevables dans leur demande en rapport de la valeur du
tivem ent
porte-feuille; que le testament du père fût exécuté,
et que conséquemment le domaine de Varennes fût
attribué au lot de la demoiselle Tournadre. Cette der
nière demanda à être autorisée à payer à Zélie T r é niole la somme de 6000 francs., qui lui a été donnée
par son ayeul.
Enfin , sur le rapport de la somme de 5o^ooo francs,
demandé contre les appelans, en cas de dénégation,
elle conclut à ce qu ’ils fussent interrogés sur faits et
articles pertinens (1).
L e j u g e m e n t qui statue sur toutes ces demandes est
du 28 j u i n 1817. Il faut l’analyser exactement.
10
77 déboute Les appeLans de Leur demande en d is
traction de la dot de Marie J u g e , Leur ayeule, sur Les
biens composant La succession du sieur A ntoine Tour
nadre, de eu jus.
( 1 ) Il faut r emarquer que l’ interrogatoire sur faits et articles fut de m a nd é
par la demoi sel l e T o u r na dr e aux premières a u d i e n c e s , et q u e ce ne fut
qu’ après plusieurs plaidoiries que les dames Chat ea u et L a m a r g e p r o p o
sèrent la pr euv e par témoins. L e s appelans soutinrent que l’ interrogatoire
était excl usi f de la preuve 5 qu’ en admettant l’ un 011 devai t rejeter l’a u t r e ,
et q u e , dans l’e s p è c e , tous les i nti més ayant un intérêt c o m m u n , étant de
la m ê m e f a mi l l e, et ayant une égale connaissance des f aits, ne pouvai ent
recourir à une pr euv e par t é moi ns, qui serait o d i e u s e , puisqu’ elle tendrait
à anéantir les eitiels de l’ interrogatoire sur faits et art i c l es , dont le suppl é
ment nécessaire est le s erment
décisoire,
ex c l usi f de toute autre preuve.
C e fut la matière d’ 1111 incident qui fut v i dé par un j ugement ordonna»*
1interrogatoire. L e
j ugeai ent définitif a ensuite a dmi s la p r e u v e p a r témoins*
�Les motifs sont ;
Que la mère peut, sur-tout en pays de droit écrit,
disposer de ses biens dotaux et paraphernaux pour
doter ses filles ;
Que l’héritier institué a été astreint, par son contrat
de mariage, à payer à chacune de ses sœurs une dot
de 1 5,ooo francs; que le père s’est, en outre, fait une
réserve de 10,000 francs, que la loi et le testament du
père ont transmis aux légitimâmes ;
Q u ’au décès de la m è r e , il a été fait remise à l ’héritier de tous les biens maternels existans et non trans
mis, à la charge de payer ce qui restait dû. sur les
légitimes ;
Que le fils héritier a acquitté ces légitimes; qu’il n’a
rien réclamé de son père au-delà des biens qui lui ont
été remis; qu ’ainsi il a entre les mains tous les biens
maternels, et qu'aucun d’eux n’est resté confondu dans
la succession paternelle. — Il y a appel de cette dis
position.
20 L e partage est ordonné, et les rapports fixés ainsi
qu’il suit :
R apports
de
l ’h é r i t i e r
:
i° Trente miite fra n cs pour Le p rix de La charge,
Parce que son contrat de mariage lui en transmet
la propriété moyennant cette somme; qu’ainsi le rap
port est dû suivant l’estimation du contrat.— -rll y a
appel sur ce chef.
20 Rapport de 8000 f r . pour La valeur de La m aison}
�si m ieux a aime Les rapporter en nature; e t, en ce c a s ,
il prélèvera, suivant Cestimation, La plus-value des
reconstructions q u il ij a faites.
Parce que la maison n’ a point élé aliénée, et que
la valeur en a été augmentée par les constructions et
réparations de l'héritier;
Parce que le père n’a p u , par son testament, fixer
irrévocablement à 8000 francs la valeur de cet objet.
3° L es dames Lam arge et Ckateau sont admises à
prouver que la somme de 5 0,000 fr a n c s, et même plus
f o r t e , a été versée, par ordre du père, et de ses deniers
propres, entre les mains du f i l s héritier, par le sieur
Legai/ de B Lafixâ t, et ce, à diverses reprises, il y a
entour vingt ans.
Les motifs sont : Q u ’aucun titre n’établit que cette
somme fût due à la succession; que l’interrogatoire des
enfans de l’héritier ne prouve rien ;
Que la preuve offerte par la veuve Lamarge et la
dame Chateau se fortifie par un acte émané de l'hé
ritier, contenant, en faveur de son père, mandement
de la somme de 1,200 francs et des réserves à percevoir
sur le domaine de Noalhat, sans que cet acte indique
l ’origine de la dette;
Que l’héritier a joui du domaine de Blanzat depuis
la Cession qui lui en avait été faite parson père, jusqu'à
la vente consentie au sieur L e g a y ; que celle jouissance
u eu lieu sans que lien n’apprenne quelle portion de
revenu le iils devait rapporter au père, ni quelle in-
6
�( 42 >
demnité il a reçue quand, par l’effet d e l à vente, il a
été privé de celte jouissance ;
Que le mandement donné par le fils étant postérieur
à la vente consentie à L e g a y , et les héritiers n’élablissant en aucune manière l’origine de la dette qui en est
l'objet, se réunit aux autres circonstances pour fortifier
la déclaration consignée au testament du père, et faire
ordonner la preuve du fait qui y est énoncé.
Il y a appel de cette disposition.
4° Ordonne le rapport des 3ooo f rancs gagnés par
le pèreypar le fa it de sa survie.
5° Ordonne que le sieur Bernard-Félicc Tournadre
rapportera personneUement la somme de io ;ooo fran cs
q u il avait empruntée à son aijeul, avec intérêts depuis
la demande.
R apports
des
lég itim air es
:
1° Chacun rapportera à la masse la moitié de sa
constitution dotale.
2.° L es appelans sont déboutés de leur demande en
rapport de 60,000 fr a n c s , s a u f l’affirmation de leurs
cohéritiers.
Les motifs sont : Que l’on ne rapporte aucune preuve
de l’existence de cette somme en argent ou effets; qu ’il
n ’est résulté des interrogatoires aucun aveu qui pût la
faire supposer; qu’enfin, sur ce point, les appelans ont
déféré le serment décisoire à leurs adversaires.
�C 43 )
3 ° Les appelans sont également déboutés de leur
demande en rapport de 6000 fra n cs, confiés par le
sieur lo u rn a d re, de cujus, à demoiselle Tournadre,
sa fille , pour être remis à Zélie Tréniole, sa petitefille .
Les motifs sont : Que ce fait n'étant prouvé que
par l’interrogatoire sur faits et articles, et notamment
par celui prêté parla demoiselle Tournadre, son a v e u ,
à cet égard, est indivisible;
Qu’il résulte de cette déclaration que cette somme
lui avait été confiée cinq ou six ans avant le décès du
père ; qu ’ainsi elle n’avait jamais fait partie de sa
succession ;
Que d’ailleurs ce don était d’une somme modique,
fruit des économies du père, et la récompense des soins
que lui avait donnés sa petite-fille ;
Q u’enfin ce don, qui n ’avait pas eu lieu en faveur
d’ un successible, ne pouvait être regardé comme fait
en fraude de l’institution.
11 y a appel sur ce point.
P rélèvement
en
faveur
des
l é g it im â m e s
:
Orc/onne que la réserve du père sera prélevée sur la
masse de ta succession ,• et pour la reserve maternelle,
condamne les appelans à payer à chacun des intimés
la somme de 2o o o jr a n c s , avec intérêts à compter du
décès.
�Prélèvement
des
legs
particuliers
:
filtr a Lieu sur La masse de La succession.
D om ain e de
V arennes :
L a demoiseLLe Tournadre est déboutée de sa demande
en attribution du domaine de Varennes à son lot.
Par les molifs : Que cette estimation et attribution
sont querellées, tant par les représenlans de l ’héritier
institué;, que par les légitimaires ;
Que le père ayant épuisé la quotité disponible, par
l ’institution d ’héritier, ne p o u v a it , par testament,
former un lot d'attribution en faveur de l’un de ses
enfans, au préjudice de l ’égalité de droits acquise à
chacun des autres.
L a demoiselle Tournadre a interjeté appel incident
de ce ch ef de jugement.
Enfin, ce jugement surseoit pour les opérations de
partage, jusqu’après l’enquête ordonnée; compense
les trois quarts des dépens; réserve l’autre quart pour
y être statué en définitif.
Il y a appel de ce jugement sur les difïérens chefs
qui ont été indiqués. T e l est l’état de la cause»
�D ISCU SSION.
demande
DE
A
ET
LA
LA
en
rapport
DOT DE
MARIE
SUCCESSION
AYEUL.
, f o r m é e p a r les a p p e l a n s ,
d
JUGE,
’ANTOINE
BIERE E T A Y E U L E ,
TOURNADRE,
PERE
V
PREMIÈRE QUESTION EN DROIT.
L a fem m e, en pays de droit écrit d ’Auvergne, peutetie aliéner sa dot pour doter ses f il le s , lorsque le
père a des moyens sujfisans pour les établir suivant
son état ?
L e droit romain, dans sa pureté, ne laisse aucun
doute sur cette question. Il répond négativement, soit
que l’on considère celui des ascendans auquel l'obliga
tion de doter est imposée, soit que l’on fixe son atten
tion sur les règles qui prohibent l’aliénation de la dot.
En effet, la loi 1 9 , ff. de ritu nuptiarum , impose
au père le devoir de doter sa fille. L a même loi ap
prend que s’il refuse, sans juste cause, de la marier et
de la doter, il doit y être contraint par le magistrat.
L a mère, au contraire, n'est astreinte à aucune obli
gation pareille, si ce n’est en certains cas, et pour des
causes d’une nécessité absolue, ou prévues par une loi
expresse : Neque mater pro JiUa dotem dare cogitur,
m si est tnagnâ et probabili causa, vel lege speaaUtcr
expressa, 1. 14? au code de ju r e dotium.
�{ 46 )
On sait que les causes qui nécessitent la dotation des
filles de la part des mères, sont l’état de pauvreté des
ascendans paternels, et l’impossibilité où se trouve la
fille de se doter elle-me me ; Ergo dotes ojjicium est
m aternum, si pater sit inops.
Celte maxime a été adoptée dans la coutume d ’A u
vergne, et a servi de fondement à l’art. 6 du chap. 14:
« F e m m e , constant le mariage, peut disposer, par
« contrat entre-vifs, de la quarte partie de ses biens
« dotaux pour le mariagp........ Là où te mari ri aurait
«■de quoi marier ses dites filles........ suivant son état.»
Ainsi le droit ro m a iu , comme la coutume, impose
au père seul le devoir de doter ses filles.
L e droit romain, comme la coutume, 11e permet à
la mère de participer à cette dotation, que dans le cas
où la tille ne pourrait, sans ce secours, s’établir suivant
son état.
D o n c , en pays de droit écrit d’A u v e r g n e , il faut ,
comme en pays coutumier, reconnaître que la mère ne
peut employer sa dot à rétablissement de ses filles, que
lorsque le père est dans l’impossibilité de les marier
convenablement.
Ces idées, qui naissent de l’examen des obligations
différentes imposées par les lois aux pères et mères, se
fortifient au point de devenir des vérités évidentes, si
l’on fixe son attention sur les principes relatifs à Tinaliénabilité de la dot.
On sait que la loi JuU a défend d’aliéner le fonds
dotal sans le consentement de la fe m m e , et de l’by^
�polhéquer, quand même elle y consentirait. Justinieri
r e n d i t générale celte prohibition, qui d’abord n’avait
eu lieu que pour l ’Italie, et ajouta que le mari ne pou
vait aliéner le fonds dotal, même avec le consentement
de la femme. Ce sont les termes de la loi i 5 , au cod.
de rei actione.
Les motifs de cette loi sont des plus respectables; il
fallait garantir les femmes des dangers de leur propre
faiblesse : N e seociLs muliebris fra g ilita s in perriiciem
substanlice earum convertatur j il fallait sur-tout m é
nager une ressource aux familles dans les événemens
malheureux, et, sous ce rapport, la conservation des
dots est d’intérêt public : Reipublicce interest muLieres
dotes saLvas habere. .Aussi le droit romain frappe-t-il
de nullité toutes les conventions, tous les actes à titre
onéreux ou gratuits, qui ont pour objet l’aliénalion
du bien dotal; il les comprend dans la même défini
tion, et les prohibe tous également : E s t autem alié
na tio omnis actus per quem dom inium transferetur,
1. i y au code de fu n d o d o ta li; et pour qu'il ne reste
aucun doute sur la donation en elle-même, la loi 7 ,
ff. de doriationibus, définit ainsi la donation : Donare
est perdere.
•
•
•
%
Comment pourrait-on résister h des principes aussi
certains ?
L e droit romain prohibe en termes absolus 1 aliéna
tion du bien dotal : cette prohibition frappe tous les
actes qui transfèrent la propriété ; la donation est com
prise, puisque son efïet est de faire perdre la dot de
�la femm e; donc elle ne peut ni vendre ni donner qu’a
vec la permission de la loi; o r , la loi ne lui permet
d’aliéner sa dot pour l’établissement de ses filles, que
lorsqu'elles ne peuvent se doter elles-mêmes, et que
leur père est dans l’impossibilité de les marier conve
nablement.
Ces maximes conservatrices doivent sur-tout être
admises en pays de droit écrit d’Auvergne. Les dispo
sitions de la coutume étant rédigées dans le même
esprit, elles se prêtent un mutuel secours, et se servent
réciproquement de règles d’interprétation. Cette sage
combinaison établit aussi une jurisprudence uniforme,
dont les heureux effets se font bientôt sentir à une
population réunie sur le même sol, vivant sous le même
climat, et ayant les mêmes intérêts et les mêmes ha
bitudes.
Cependant quelques jurisconsultes ont voulu établir
une différence entre le pays de coutume et le pays de
droit écrit d’Auvergne, et ont pensé qu’en pays de droit
écrit, les femmes peuvent aliéner leur dot pour l ’éta
blissement de leurs filles. Les raisons qu’ils donnent à
l ’appui de leur opinion ne peuvent convaincre; elles
se réduisent à des considérations plus ou moins puis
santes, et qui ont pour objet d’écarter les applications
d’une loi qu ’ils trouvent trop rigoureuse; mais si ces
considérations ont pu prévaloir dans des pays de droit
écrit, voisins de pays coutumiers, où les époux , vivant
en communauté, étaient par cela même chaigés de
contribuer également à l’établissement de leurs enfans,
�( 49 )
elles ne peuvent produire aucun effet dans les pays de
droit écrit, entourés de coutumes où le régime dotal
est exclusivement établi, avec les lègles relatives à
l ’inaliénabililé de la dot. On doit même dire que pour
ces contrées, ce système serait dangereux , puisqu’il
contrarierait les habitudes et les principes les plus gé
néralement reçus; il faudrari donc des règles bien po
sitives pour l’y faire admettre.
Ou sont ces règles? Les lois, bien loin de faire naître
ces idées, les repoussent absolument; la jurisprudence
est à peu près muette sur ce point. L ’on trouve avec
peine deux arrêts rendus sur cette question par le par
lement de Paris, et encore aucun n’est applicable au
pays de droit écrit d’Auvergne. L e dernier, qui est de
37 76, et rapporté par M. Bergier sur Ricard, pag. 4 1 9 ,
a été rendu pour le Lyonnais; or, on sait que la d é
claration du 21 avril 1664 abroge la loi Jutia dans les
provinces du Lyonnais, F o re z, Maçonnais, Beaujolais,
et autorise les femmes à engager et hypothéquer leurs
biens dotaux, tandis que dans le pays de droit écrit
d'A u vergn e, celle loi subsiste dans toute sa vigueur.
Il paraîtrait donc que le sieur Tournadre, de cu ju s,
ayant des moyens suffisans pour établir ses filles cl une
manière couvenable et suivant leur état, son épouse
ne pouvait aliéner sa dot pour cet objet, el que son
engagement à cet égard, lors même qu’il aurait été des
plus
positifs, ne pouvait produire aucun effet.
Mais tous les doutes se dissipent, si l’on considère
7
�( 5® )
que ïa mère avnit, dans l’espèce, des biens paraphernaux plus que sufBsans pour doter.1
.
, -■*
?
1
'7
*
DEUXIÈME QUESTION EN DROIT.
L a fem m e, en patjs de droit écrit d ’Auvergne, peut-elle
employer ses biens dotaux à Cétablissement de ses
f ille s , lorsquelte a a sa disposition des biens parapkernaux suffisans ?
L a négative de cette question ne peut souffrir de
difficultés. On a développé les motifs qui ont fait ad
mettre de la manière la plus absolue la prohibition de
l’aliénation du bien dotal.
Ils se reproduisent ici avec plus de force.
En effet, la mere n e st admise à doter sesJ illes que
lorsque le pere est dans Cimpuissance de le faire. Or y
plus fortement encore, si la femme a à sa disposition
des biens paraphernaux, ne doit-elle pas les épuiser
avant de loucher h sa dot?
L a loi a voulu garantir la femme des effetsfu n estes
de sa
propre
faiblesse.
Ne
serait-ce pos lui faire entière
ment manquer son but, que de permettre l aliénation
de
la d o t ,
là où les biens paraphernaux peuvent suffire?
Ainsi la femme, en même tems qu’elle pourrait dissiper
ses biens paraphernaux, les a n é a n t i r suivant ses ca
prices, les employer
in d irectem en t
au profit de son
mari, aurait encore l a f a c u l t é de disposer d e ses biens
dotaux pour rétablissement de ses filles ; elle pourrait,
cédant à des idées peu réfléchies, à des impulsions
�( 51 )
étrangères, au d o l , peut-être même à la violence,
consommer elle-même sa ruine, et arriver à l ’âge des
infirmités, dénuée de toutes des ressources que sa fa
mille lui avait préparées, et que la loi lui avait ga
ranties........Un pareil système se détruit lui-même.
E n fin La dot est ta ressource des fa m illes dans les
événemens malheureux ; sous ce -rapport, leur conser
va tion intéresse Co r d r e pubUc: pourquoi donc permet Ire
d'en disposer pour les événemens les plus ordinaires ?
Pourquoi ne pas conserver pour l’instant du naufrage
cette planche que la loi a placée dans les familles comme
la dernière ressource contre les périls auxquels elles
peuvent être exposées? Que la femm e use de ses biens
paraphernaux, qu’elle les utilise pour l’établissement
de ses eufans, cet emploi est aussi honorable que na
turel; mais qu’elle conserve sa dot, ou si elle doit en
disposer, qu’elle y soit contrainte par la nécessité, et
qu'il n’y ait pas d’autre moyen de se secourir ou de
sauver sa famille.
Mais encore , de quel droit la femme disposerait-elle
de sa dot, lorsqu’elle a des biens paraphernaux? L a
dot est établie pour supporter les charges du mariage;
l ’administration et les revenus en appartiennent au
mari, qui ne peut en être privé que par les moyens
et dans les circonstances que la loi indique. Plus la
fortune du mari est b o r n é e , plus les revenus d e l à dot
de son épouse lui sont nécessaires; et sei ait-il juste de
l’en
priver légèrement, lorsque la loi ne lui donne
aucune indemnité, laissant à la femm e la libre dispo-
�sifion de ses biens paraphernaux, la faculté d'en user
et d ’en abuser, et ne lui en demandant aucun compte»
si Temploi qu’elle en a pu faire n’a point tourné au
bénéfice du mari.
Ainsi tous les principes, toutes les considérations se
réunissent pour .exclure l’idée que la femme puisse
aliéner sa dot, même pour l’établissement de ses filles,
lorsqu’elle a des biens paraphernaux à sa disposition.
L a dame Tournadre avait-elle de cette espèce de
biens? étaient-ils suffisans pour lui permettre de doter
ses filles ?
Les faits ont répondu. La dame Tournadre jouissait
d’ un revenu considérable. A u mariage du premier de
sesenfans, elle avait des capitaux d’ une grande valeur;
les établissemens successifs de ses autres filles ont eu
lieu à des époques assez éloignées les unes des autres,
pourque ses économies pussent suffireà les doter. Fn(in r
la jouissance de ses biens paraphernaux pendant plus
de trente-quatre ans lui avait produit un capital de plus
de 140,000 francs; elle nra cependant employé que
3 1,000 f'r. au paiement de la dot de ses filles; comment
concevoir que ses biens dotaux seraient encore ab
sorbés ?
Mais l’examen des questions de fait prouve qu’ils
existent encore, et qu'elle n ’en a point disposé.
,
�PREMIÈRE QUESTION DE F A IT.
L a dame Tournadre a-t-elle disposé de sa dot pour
marier ses f ille s , et sur quels objets porte cette dis
position ?
Si l’on ne s'éloigne pas des principes qui viennent
d’être établis, et si l’on fixe son attention sur la po
sition de la dame Tournadre, cette question est facile
à résoudre.
Celte dame avait des biens parapbernaux et desbiens
dotaux; elle ne pouvait disposer des seconds qu’après
avoir épuisé les premiers. Il faut donc que l’on accorde
qu’ayant des ressources autres que sa dot, elle n’est
censée l’avoir aliénée que lorsqu’elle l’a expressément
d é c l a r é e t que cette aliénation ne peut s’étendre audelà de la quotité qu’elle a elle-même fixée.
Ainsi , il faut tenir pour règle certaine que l’aliéna
tion de la dot ne peut résulter que d’une déclaration
expresse de la part de la mère; que sans cette circons
tance, les constitutions dotales de ses filles sont censées
faites et acquittées avec ses biens parapbernaux.
Si l’on applique cette règle aux difïérens c o n tr a ts de
mariage, on voit que celui de la dame L a m a r g e est le
seul où la mère ait employé une portion de sa dot a
l’établissement de ses filles; elle a eu même grand soin
d’indiquer jusqu’à quelle somme elle l’aliénait.
I-a constitution dotale de la dame Lamarge était de
3 o;ooo francs, moitié paternelle9 moitié maternelle;
�ainsi la mère était débitrice de i 5;ooo fr. Elle paye
10,000 fr. avec ses bi ^ns paraphernaux; il ne restait
donc que 5ooo francs à prendre sur sa dot; mais comme
le mari disposait des effets dotaux pour acquitler sa
propre dette, et qu’il donnait pour 14,400 francs de
contrats de renie appartenant à la mère, celle-ci a
grand soin de dire qu'elle n’entendait les aliéner que
jusqu’à concurrence de 5ooo francs, ce qui se réunit
aux termes de la constitution dotale et au mode de
paiement fait par la dame Tournadre , pour apprendre
que le père, ou sa succession , devait restituer la valeur
des contrats de rente excédant les 5ooo francs pour
lesquels la mère avait restriclivement obligé sa dot.
Les contrats de mariage des autres enfans 11e con
tiennent^ de la part de la mère, ni déclaration qu’elle
entend employer sa dot à leur établissement, ni dé
laissement d’effets dolaux. Les constitutions sont faites
par moitié, et partie de la p o r t i o n à la charge de la
dame Tournadre a été payée en argent provenant des
revenus de ses biens paraphernaux. On a en effet vu
que la mère ne s’étail libérée de ses dots que jusqu'à
concurrence de 3 i,ooo francs, el que les 39,000 francs
restant avaient été acquittés9 après son décès, par son
héritier.
Ainsi il est évident que la dame Tournadre 11’a aliéné
que 5 ooo francs de sa dot pour établir ses filles; que
le surplus a été constitué sur ses biens paraphernaux.
S ' i l fallait ajouter à la preuve de ce fait, il serait au
besoin confirmé par le tableau , qui prouve que le
�( 55 )
montant de la moitié des cinq constitutions dotales à
la charge de la dame T o u rn a d re a été p a y é , savoir,
3 1.000 fr. du vivant de la mère,, et en argent prove
nant des revenus de ses biens p ar ap h ern au x, 09,000 J'r.
après son décès; c e q u i , joint aux 5ooo francs de biens
dotaux aliénés par le contrat de mariage de la dame
L a m a r g e , complète les 75,000 francs dont la dame
Tou rn ad re était tenue.
Cette dot existe donc; et comment se soustraire au
prélèvement
demandé par les appelans, s’il ne peut
être établi que ces Liens sont en leur pouvoir?
DEUXIEME QUESTION DE FAIT.
L es effets d ota u x dont ta mère n a point disposé,
o n t-ils, à l'époque de son décès, été remis à son
héritier ?
Il ne peut s’élever de doute sur la quotité de la dot,
ni sur le fait de la réception de la part du mari.
L e contrat de mariage établit que la dot est de
48.000 francs; il prouve également que la majeure
partie en a été p a y é e comptant.
L e s principes établissent c o m m e p r é s o m p t i o n d e
droit que dix a n s 7 écoulés depuis le m a r i a g e , suffisent
pour que la dot soit censée r e ç u e ; de manière q u ’à
dater de celte é p o q u e , le mari en est responsable; il
est tenu d e l à restituer, q u ’il l ’ait touchée 011 n o n ,
devant supporter tous les effets et toutes les suites de
sa n egligçuce . Exceptiô non numeratœ dotis cessât
�advarsùs securitates dotlutn fa cta s , post confectLonem
dotaUian ¿nstrumentorum, dit la loi 1 4 , au cod. de
non numerata pecunia.
Ainsi les appelans trouvent dans le contrat de ma
riage, et dans les principes, un double titre servant à
prouver que la dot constituée à la mère a été reçue
par son mari; et s’il en était besoin, ils peuvent encore
établir cette réception par un rapprochement qui a
déjà eu lieu; l’on veut parler du contrat de mariage de
la mère, du 6 juillet 1760, combiné avec le partage
du 26 janvier 1772^ qui, rapprochés du contrat de
mariage de la dame Rode-Lamarge , établissent in
vinciblement la quotité de la dot, les objets qui la
composent, la réception et l’emploi que le père en a
fails.
Cette quotité et cette réception étant établies par
tilres, il est certain que le père était tenu à la restitution
envers sa femme ou ses héritiers. Il est également évi
dent qu ’il ne pouvait se libérer que de la même ma
nière qu’il s'était obligé, et qu’élant, par son contrat
de mariage, débiteur et responsable de la dot, il ne
peut être libéré et dégagé de sa responsabilité que par
le rapport d’une quittance qui établisse que la restitution
a été effectuée.
O r , les intimés sont bien loin de cette preuve. Ils
ne rapportent aucune quittance, Depuis la mort du
père, et bien antérieurement à son décès, tous les titres
de la famille étaient à leur disposition; ils en ont été
les gardiens nécessaires : ils ne peuvent prétendre qu’ils
�aient été confiés un seul instant aux pppelans ; et
cependant ils ne produisent aucun écrit, aucune men
tion établissant même que celle dot a été remise à
l’héritier.
Ce n’est pas tout : on peut encore , à l ’aide de
quelques réflexions, se convaincre de l ’impossibilité
que la restitution ait eu lieu.
En effet, le contrat de mariage de la mère prouve
qu’il y avait eu 2 8 , 0 0 0 fr. de payés sur la dot, savoir,
1 2 , 0 2 0 francs en argent, et 1 6 , 9 8 0 lrancs en contrats
de rente, qui sont énumérés. O r , comment établir,
autrement que par une quittance, que l’argent a été
restitué? L a remise des contrats pouvait laisser quel
ques traces, mais le paiement du numéraire ne pouvait
être établi que par un écrit; et le sieur Tournadre,
de c u ju s 3^n’aurait pas omis de retirer quittance, s’il se
fût libéré de cette somme envers son fils.
Pour les contrats de rente, il est certain qu’ils n’ont
point été restitués; il ne faut pas d’autre preuve de ce
fait, que le contrat de mariage de la dame Rode-Lamarge. Il lui a été constitué 1 7 , 7 8 0 francs de contrats
de rente appartenant à la mère, et énumérés, soit dans
son propre contrat de mariage, soit dans le p a r t a g e du
janvier 1 7 7 2 . Il est prouvé que la m è r e n ’avait
employé que 5ooo francs de ces c o n t r a t s à l a dotation
de sa fille; que le reste avait été constitué par le père
en acquittement de sa propre dette. Comment donc
26
la restitution de ces objets aurait-elle eu lieu? Comment
les appelons auraient-ils reçu des contrats qui sont lu
8
�( 58 )
propriété de la dame La m a rg e, et qu’elle a à sa dis
position ?
Les appelans ayant prouvé que la mère n’avait pas
disposé de sa dot, devaient en exiger la restitution; et,
pour l’obtenir, la production du contrat de mariage,
et l ’application de quelques principes devaient suffire.
C ’était aux intimés à prouver leur libération, puisqu’ils
étaient constitués débiteurs; cependant, par l’inter
version la plus singulière, les rôles ont été changés., et
on a voulu astreindre les appelans, non seulement à
prouver qu ’ils sont créanciers, mais encore qu ils n’ont
reçu n i pu recevoir le montant de leur créance. Celte
idée, nouvelle en jurisprudence, imposait aux appelans
une tâche difficile à exécuter; ils sont cependant par
venus à le faire, et à prouver que leur père n’a reçu,
ni pu recevoir la dot qu’ils réclament. Si donc ils exa
minent les présomptions qui ont servi de motifs au x
premiers juges pour les débouter de leur demande ,
c ’est moins dans l’intérêt de leur cause, que pour faire
remarquer les égaremens auxquels l’oubli des principes
peut quelquefois entraîner les meilleurs esprits.
L e premierde ces motifs consiste à dire, que Chéritier
était astreint par les contrats de manage à payer à cha
cune de ses sœurs i 5 ,ooo fr . pour la succession ma
ternelle, et qu en outre la loi et le testament du père
attribuaient à ces dernières le revenu de lo^ooo jr a n c s .
Comment l’énumération des droits des légilimaires
pourrait-elle servira la recherche qu ’il s’agit de faire?
L ’héritier a rempli ses obligations : il a payé tout ce
�qui pouvait encore être dû au décès de la mère, sur
la légitime de ses sœurs ; les dames Tournadre ne ré
clament rien pour cet objet; si l’on veut que l’héri
tier soit obligé de respecter et de remplir les engagemens pris par sa mère, comme il est évident qu’elle
n ’a aliéné que 5ooo francs de la dot pour l’établis
sement delà dame R o d e - L a m a r g e , il est aussi certain
que les appelans ont le droit de demander la restitu
tion de cette dot, moins les 5ooo fr. aliénés.
L e jugement dit ensuite, qu’ au décès de la mcre, il
a été/ait remise à l’héritier, de tous les biens mater
nels} existant et non transm is, à la charge par Lui de
payer Le restant des légitimes.
Il est vrai que le restant des légitimes, dû aux
demoiselles Tournadre a été payé; les appelans sont
porteurs des quittances qui établissent ce fait; mais
comment est-il prouvé que la dot maternelle lui a
été restituée? a-t-on produit quelques quittances, quel
ques titres ou même quelques documens, qui puissent
permettre de regarder ce fait de remise delà dot comme
certain?....R ie n , absolument rien.
Mais les premiers juges continuent : le j i l s héritier
n a rien réclamé de ce qu il a reçu au décès de sa mère;
il a entre les mains tous les biens qui s o n t provenus de
cette succession ; rien ri est donc d e m e u r é confondu dans
les biens p a t e r n e l s ; il n ' e s t donc aujourd h u i recevable
à présenter aucune réclamation.
: L a réponse est facile : il n’est pas établi que l’hé
ritier oit reçu
les biens maternels, et il a franchement
, j
�( 6o )
déclaré qu'à l’époque du décès de sa mère , il ne lui
avait élé fait remise que du domaine de Noalhat. Bien
loin que Ton ail prouvé qu’il ait reçu autre chose, il
résulte au contraire des faits qui ont été exposés que
le sieur Tournadre, de cu ju s, avait disposé des deniers
dotaux, et que la plus grande partie des effets qui
composaient la dot, se trouvent entre les mains de la
dame R o d e - L a m a r g e ; ainsi le motif porte à faux,
puisqu’il repose sur une erreur de fait évidente. L e dé
faut de réclamation est aussi insignifiant dans la cause,
puisqu’il a été expliqué que par respect pour son père,
et pour éviter les contestations qui pouvaient naître
entr’e u x, le sieur Tournadre fils se contenta de la re
mise du domaine de Noalhat, et laissa à son père la
disposition de la dot maternelle.
Ainsi, les faits ne laissent aucun doute sur le point
qu ’il s’agit d’éclaircir : la dot a été reçue par le père,
et n’a point été restituée; ses héritiers sont obligés de
faire la preuve de la reslilution ; ils ne rapportaient au
cune quittance ^ils sont donc dans la nécessité de libérer
la succession paternelle de celte dette sacrée; et il ne
peut plus être question que de régler ce qui est dû pour
cet objet.
�TROISIÈME QUESTION I)E FAIT.
Quel est te prélèvement que les appelans ont le droit de
demander sur la succession de leur ayeuL?
Un simple calcul résout celte question :
On a vu que la dot maternelle se portait à 48,000 fr.;
les faits ont aussi appris de quels objets se co m
posait cette dot. L a discussion établit que la succession
paternelle doit compte de tout ce qui n’a point été
aliéné par la mère, et que les appelans ont le droit de
prélever, ou les effets dotaux, ou leur valeur.
La mère n’a disposé sur la dot que de 5 ooo fr. pour
l ’établissement de la dame L a m a r g e ; le sieur T o u rnadre, de eu j u s , devait, en cas de survie, gagner
3ooo fr. ; ces deux sommes réunies donnent un total de
8000 fr. qui doit être déduit sur la dot maternelle;
ainsi le prélèvement des appellans sur la succession
paternelle est de la somme de 40,000 fr.
Il est aussi évident que les intérêts de cette dot sont
dus depuis le décès de la mère; elle est décédée sous
le Code civil; et l'usufruit légal qui était établi par
l’art. 2 du titre I I de la coutume d’Auvergne en faveur
du père , étant un statut personnel, a été abrogé par les
lois qui ont aboli la puissance paternelle.
• Ainsi, sur ce point de la cause, il est prouvé que
la dame Tournadre mère, dans la circonstance sur-tout
où elle avait des biens parapliernaux suffisans pour
doter ses filles, ne p o u v a it , même en pays de droit
�( 62 )
écrit d’A u ve r gn e , aliéner sa dot, ou qu’au moins elle
ne l’a aliénée que jusqu’à concurrence de 5 ooo fr. ;
que le restant est demeuré au pouvoir du sieur Tour
nadre , de eu /u s; qu’ainsi sa succession en doit compte
aux appelans.
Il faut actuellement s’occuper des autres difficultés
qui se présentent.
R apport
de
l ’o f f i c e
de
DES AIDES DE
conseiller
en
la
cour
CLERMONT.
L es appelans doivent-ils rapporter sa valeur réelle au
te/ns de la donation, ou à £ époque de l'ouverture
de la succession ?
Cet office a été supprimé et remboursé en assignats;
de manière que le mode du rapport n’est pas indiffé
rent dans les intérêts des parties. Il faut se rappeler ici
les termes du contrat de mariage du sieur Tournadre
héritier; les premières lignes attestent que son père
lui avait délaissé celte charge en avancement de sa
future succession, d’où naîtrait l’idée qu’elle n’avait
point cessé d’en faire partie; qu’ainsi,suivant la maxime
res périt dom ino, la perte devait en être supportée
par la succession elle-même.
Mais la stipulation finit en des termes qui annon
ceraient que la propriété en a été irrévocablement
transmise à l'héritier; au moyen de quoi, est-il dit, le
fu tu r demeure pleinement propriétaire d u d it office.
�L a raison de ce mode de transmission se trouve dans
l ’état de la famille à cette époque. Les filles étaient
forcloses; le sieur Tournadre, leur frère, était héri
tier, et n’était tenu que des légitimes de ses sœurs : il
n’était donc pas étonnant que, même à titre d’avance
ment d’hoirie, on le déclarât propriétaire d’un des ob
jets
d’ une succession qui lui était destinée en totalité,
et exclusivement. 11 faut même ici convenir que si
les dames Tournadre s’en étaient tenues à leur Iégitim%ftOiiventionnelIe, les appelans n’auraient point le
dioit
de demander aucune réduction, sous le prétexte
qu’ une partie de la succession aurait péri, ou qu'il se
rait arrivé des pertes considérables depuis l'institution
d’héritier ou la constitution des légitimes; dans ce cas,
les appelans n’auraient d’autre moyen que celui de
renoncer à l’institution, si elle leur paraissait oné
reuse , et se ranger parmi les légitimâmes, pour partager
par égalité.
Mais les demoiselles Tournadre ne s’en tiennent point
à leur légitime conventionnelle ; elles usent de la faculté
qui leur a été accordée par la loi, et viennent prendre
leur légitime eu corps héréditaire. Pour connaître leurs
droits, il iaut donc former la succession; et sa compo
sition ne peut avoir lieu qu'au moment du décès; c ’est
le principe général; dès-lors, les ter ni es du contiat de
mariage du sieur Tournadre, père des appelans, doivent
être entendus en ce sens, que l'office dont il s’agit ne
lui avait clé donné qu’en avancement d ’hoirie ; que.cet
office n’avait jamais cessé de faire partie de la succès-
�sion du sieur Tournadre, de c u ju s , et que conséquent
ment les appelans ne doivent y rapporter que ce qui
représente réellement cet office, c'est-à-dire, la valeur
du remboursement qui en a été fait.
Celte difficulté avait été résolue dans ce sens par
l’ancienne jurisprudence; deux arrêts, Fun du parlement de Bretagne, sous la date du 17 octobre 1 6 5 4 ,
et l'autre du parlement de R o u e n , sous la date du i 5
septembre 1699, ont jugé
que le rapport d’un of
fice devait se faire d’après sa valeur au tems\ou La
succession s'était ouverte\ ainsi les anciens principes ne
laissaient aucun doute sur cette question.
Il faut cependant convenir que le Code civil a fait
naître à cet égard des difficultés assez sérieuses. L ’ar
ticle 8 5 1 dit que le rapport est dû de ce qui a été em
ployé pour rétablissement d’ un des cohéritiers, ou pour
le paiement de ses dettes ; quelques arrêts et quelques
auteurs ont pensé que les offices et charges n’étant don
nés que pour l’établissement des enfans, ces derniers
devaient le rapport de leur valeur à l’époque de la
donation.
Il semble que l’on s’est mépris sur le sens de cet ar
ticle. H ne veut ..en effet., parler que d’une somme d’argent
ou autre chose fongible, qui n'est pas susceptible de
changer de valeur, et qui^ d ailleurs, a été consommé
D
. . . .
par le donataire; mais ici il s’agit d’un office, d’un
être moral physiquement non JongibLe, et q u i , lors de
la donation, était réputé immeuble ■or, ne serait-ce
pas le cas d’appliquer le principe consacré par l'article
�cle 855 du code qui enseigne que l’immeuble qni a
péii par cas fortuit et sans la faute du donataiie, n'est
pas sujeI à rapport.
Dans l’espèce actuelle, il est évident que l'office a
péii en partie; que cette perte a eu lieu par force ma
jeure; qu’il n’y a aucune faute à imputer au sieur Tournadre, héritier, el que conséquemment, dans les règles
de l’équité, il ne peut être tenu de rapporter à ses co
héritiers que ce g u i reste de cette charge, c’est-à-dire,
la
valeur
réelle du remboursement qui en a été fait à
l’époque de sa suppression.
R
apport
IN TIM ÉS
de
5 o,ooo
AUX
francs
APPELANS,
DÉCLARATION EAITE
de
demandés
par
ET R E S U L T A N T
les
DE L A
P A R LE SIEUR T O U R N A D R E ,
Cil JU S , DANS SON T E S T AM E N T .
PREMIÈRE QUESTION.
Q uel e jje t peut p rodu ire La déclaration contenue a n
testam ent d u sieur Tournaclre, de eu jus ?
11 faut se rappeler que le sieur Tournadre de c u j u s ,
avait fait en faveur de son fils une institution d’hé
ritier, et que celle institution, enlr’aulres charges, élait
grevée d’une réserve; or, c ’est un principe certain en
seigné par L e brun, Atiroux, sur la coutume de Bour
bonnais, cl Chabrol, sur l’article 26 du chapitre 14 de
bi coutume d’A u vergn e, que celui qui s’est fait une ré
serve ne peut l’excéder; il s’est imposé des bornes, il
9
�ne pent les dépasser, ce qui fait dire à ces auteurs qu’il
est quelquefois plus avantageux à un instituant de n'a
voir pas fait de réserve,puisque souvent elle restreint
plus la liberté qu’elle ne ré te n d ; ainsi le sieur T o u r nadre de cu ju s ne pouvait donc faire aucune dispo
sition au-delà de la réserve; il ne lui était pas permis
d’avantager ses légitimâmes, au préjudice de son h é
ritier, et tous les actes émanés de lui qui feraient naître
l ’idée qu’il a voulu amoindrir l’institution qu ’il avait
faite en faveur de son fils, doivent être rejetés par la
justice.
L a déclaration contenue en son testament l’établitelle créancier de son fils? Pour que cela fût, il faudrait
rapporter un titre ou une reconnaissance émanée de
ce dernier; autrement, la* déclaration ne peut être re
gardée que comme une avantage indirect, puisqu’elle
est censée n’avoir eu d’autre objet que d ’anéantir l’ins
titution d’héritier, et de transmettre la meilleure partie
de sa fortune à ses légitimâmes, au détriment de son
fils. 11 est évident que si de pareilles déclarations pou
vaient faire titre en faveur de ceux qui les ob tiennent,
le père pourrait constamment se jouer de ses promesses,
disposer de sa fortune tout autrement qu ’il ne se serait
engagé à le faire, et éluder toutes les prohibitions de
la loi.
Dans cette cause, les faits se réunissent aux consi
dérations générales, pour empêcher que la justice n’ait
aucun égard à la déclaration du sieur Tournadre, de
cu ju s. Il n’avait aucuu titre de son fils; au décès de
�ce dernier., il n’a rien réclam é, il ne s’est trouvé dans
les papiers de leurs successions respectives, aucunes
notes, aucuns renseignemens qui puissent faire supposer
que le père des appelans fût débiteur; les appelans ont
constamment déclaré qu’ils n’avaient aucune connais
sance de ce fait : comment une dette aussi considérable
serait-elle restée inconnue à toute la famille, et com
ment le sieur Tournadre, de euj u s , ne s’en serait-il
rappelé qu’à l’époque de son testament? Tout concourt
à faire penser que cette déclaration n’a rien de sincère,
et qu’elle a été dictée à un homme infirme, dont les
facullésintellectuelles étaient absorbées et anéanties par
ceux qui s’étaient emparée de lui pendant les dernières
années de sa vie , qui géraient sa fortune et maîtrisaient
sa volonté, au point de le porter, au mépris de ses
propres engagemens^ è leur faire des avantages que
les actes de fa milles et la loi leur défendaient d'accepter.
Ainsi la déclaration du p è r e , isolée, ne peut être
la
preuve de ce qu’elle contient, ni même un com
mencement de preuve; réduite à e lle - m ê m e , elle ne
montre autre chose que l’état de faiblesse d’esprit du
disposant. Pour qu’elle pût avoir quelque valeur, il
faudrait qu ’elle eût pour soutien une reconnaissance
émanée du père des appelans; or, on ne rapporte rien
de pareil.
Les intimés ont voulu y ’ suppléer de différentes ma
nières; ils ont d’abord demandé que les appelans fus
sent interrogés sur faits et aiticles pertinens; cet inter
rogatoire a été prêté; mais les appelans n’ayant aucune
�( 68 )
connaissance de l’objet sur lequel on les interrogeait,
ce mo ye n n'a produit aucun efFet.
Les intimés ont ensuite proposé une preuve : elle a
élé accueillie par le jugement dont est appel, mais il
faut voir si l'interrogatoire sur fails et articles, n’est
point exclusif: de la preuve par témoins.
%
DEUXIÈME QUESTION.
L
intim és s ’en étan t référés à un interrogatoire su r
f a i t s et articles , peuvent-ils être a d m is à la preuve
testim oniale ?
es
L a loi a établi pour les conventions, différens genres
de preuves; celle qui résulte d’un titre est la seule qui
lui inspire une confiance entière, et elle n’admet la
preuve par témoins qu’avec beaucoup de répugnance;
ii défaut de titre, le législateur a permis de recourir à
l ’interrogatoire sur faits et articles, qui peut être suivi
du serment décisoire; il était naturel que là où une des
parties conlractanles avait négligé d’assurer ses droits
par un titre, là où elle s’en était rapportée à la bonne
foi de celui avec lequel elle stipulait, elle eût la faculté
de l’interpeller sur les faits et circonstances relatives à
leurs conventions.
Mais lorsqu elle a use de cette iacully^ elle ne peut
plusêlre admise à la preuvepar témoins; en emploj'ant
cette mesure, elle reconnaît qu'elle n'a d’autre moyen
pour justifier sa prétention; et com ment, après s eu
�être référée à la bonne foi de son adversaire, pourraitelle venir prouver contre une déclaration qu’elle a ellemême provoquée; et à l’aide de quelques témoins
suspects, attaquer ainsi la moralité de celui auquel elle
s’en est entièrement rapportée? Il est facile de voir
combien un pareil système serait immoral, et quelles
conséquences fâcheuses pourraient en résulter ; la justice
ne saurait se prêter à ce que l’on se tende des pièges;
elle ne peut permettre que Ton épuise simultanément
des genres de preuves exclusives les unes des autres.
Cette opinion est celle de Boiceau, dans son Traité
de la preuve par témoins. Elle est trop conforme aux
idées les plus saines de morale et de législation, pour
que l’on ne pense pas que l’interrogatoire sur faits et
articles ne peut avoir d’autre complément que le ser
ment décisoire, et que, dans aucun cas, il ne peut être
permis d’en détruire les effets par la preuve testimo
niale.
Ainsi il faut dire que celui qui n’a pas de titre peu t,
ou invoquer la preuve par témoins, s’il a un commen
cement de preuve par écrit, ou faire interroger son
adversaire sur faits et articles, et lui déférer ensuite le
serment décisoire; mais que lorsqu’il s’est a r r ê t é à ce
de rnier parti; que déjà , sur sa réquisition, son adver
saire a répondu à la justice, il esl impossible qu’il soit
admis à une preuve testimoniale, à laquelle il a ainsi
implicitement renoncé.
Mais il faut d’ailleurs examiner si les intimés rap
portent le commencement de preuve exigé par la loi.
�TROISIÈME QUESTION.
L é c r it du 22 pluviôse an i 3 présente-t-il les conditions
exigées par la Loi, pour être considéré comme com
mencement de preuve par écrit ?
Il faut se fixer sur les principes. L ’ordonnance de
Moulins et celle de 1667 on* été conçues dans le même
esprit ; et pour éviter les inconvéniens des p re u v e s,
elles ont exigé qu’il soit* passé acte par-devant notaire,
de toute chose excédant la valeur de 100 francs. L ’or
donnance de 1667 ajoute à celle de Moulins que lors
qu ’il y aura un commencement de preuve par écrit,
la preuve par témoins sera reçue. Celle de Moulins
n’avait pas fait cette restriction en termes si précis; mais
elle n’excluait pas la preuve des conventions sous signa
ture privée.
D a n t y , sur Boiceau , exam ine ce que c ’est q u ’ un
com m en cem en t de preuve par écrit. « Il est ce rta in ,
« dit-il, que toute écriture p r iv é e , de l'un de ceux qui
<r ont intérêt dans le fait q u ’il s'agit de p r o u v e r , quand
« celte écriture concerne précisément le f a i t en question,
« est un com m en cem en t de preuve par é c rit, supposé
« néanmoins qu on puisse présumer quelle a été écrite
« avec réjlexion .......... a
« En effet, à bien examiner l’esprit de l’ordonnance
« de 1 6 6 7 , il semble, dit cet auteur, qu’on peut re« garder un commencement de preuve par écrit au
« moins comme une demi-preuve, ou une preuve im -
�( 7r )
<r parfaite du fait dont il s’a g i t , c’est-à-dire comme
« quelque chose de plus qu'une simple présomption
<r de droit, parce qu’ une simple présomption de droit
<r n’esl pas un commencement de p re u v e , à proprement
« parler; ce n’est qu’ une conjecture qui peut être, et
« qui est souvent fausse; mais qui dit un commence« ment de preuve marque déjà quelque chose de cer« ta in , et sur ta vérité duquel ou peut compter, quoi<r qu'il n'y en ait pas assez pour se déterminer; c’est
« pourquoi l’ordonnance a voulu qu'il y eût déjà une
<r preuve de commencée, et que celte preuve fût par
<f
fr
«*•
«
écrit; elle a laissé seulement aux juges à déterminer
de quelle qualité devait être ce com me nce me nt de
preuve; et bien loin que la ligueur de l’ordonnance
doive être adoucie comme odieuse,, sa disposition
contraire, est toute favorable, et lesera toujours,
«■tant qu’il y aura à craindre delà facilité des témoins.»
a
au
L ’auteur s’applique ensuite à déterminer ce qui doit
passer pour un commencement de preuve par écrit; il
exige quatre conditions principales; la première, que
le commencement de preuve soit écrit de la main de
quelqu’un de ceux qui ont quelque intérêt dans la con
testation; la seconde, que l’écrit concerne le fa it dont
il s’a g it , ou du moins que quelques circonstances dé
cisives y soient énoncées,• la troisième, qu il ne contienne
rien dopposé et de contraire à Cintention de celui qui
s’en sert; enfin, la quatrième, qu’il s’accorde avec les
circonstances manifestes du f a i t , parce que la vérité
est une, et ne se peut diviser.
�( 72 )
Pour donner encore une idée plus précise de ce qu’on
doit appeler un commencement de preuve par écrit,
l’auteur regarde celte exception de l’ordonnance de
1 6 6 7 , comme les jurisconsultes regardent la déposition
d’ un témoin en matière criminelle ; quand elle est
unique, ils conviennent tous que cette déposition seule,
quelque précise qu'elle soit, ne fait point une preuve
entière, mais ce qu ’ils appellent une demi-preuve ; et
que quand elle est soutenue par d’autres présomptions,
si elles sont du nombre de celles que l’on appelle de
d ro it, et autorisées par Le d r o it, elles suffisent pour
décider. Si, au contraire, ce sont de simples présomp
tions, celte déposition 11e suffit pas; il faut informer
plus amplement; mais au moins cette déposition seule
d’un témoin suffit toujours pour donner lieu aux juges
de prononcer un plus ample informé, quand il nJy au
rait môme aucune autre présomption, ni d’autre preuve
du fait que cette déposition.
Mais pour cela il faut, i° que ce témoin parie préci
sément du f a i t en question, de telle sorte qu’il y ait
lieu de présumer que la chose s’est passée ainsi qu’il la
rapporte; 20 il faut que sa déposition ne soit pas dé
truite par quelque circonstance certaine et manifestement
contraire. Enfin, il faut que ce témoin ne soit point
suspect, et que ce qu'il dépose soit vraisemblable, et
ne se détruise point lui-même par sa variation. Ainsi
est-il du commencement de preuve par écrit. Il faut
que l’écrit qu ’on rapporte parte
p r é c is é m e n t
duJ'ait
qu il s’agit de prouver j car s’il ne ..parle que d ’un f a i t
�( 73 )
étranger, duquel, par induction, on prétend tirer la
vérité de celui dont il s’agit, cela ne suffirait pas, parce
que ce serait admettre toutes sortes d’écrits vagues et
indéfinis, et ouvrir la porte à la multiplicité des faits
que le raisonnement pourrait trouver pour faire voir
la liaison et la dépendance de ce fait étranger, avec
celui qu’il s'agit de prouver. 11 faut également que ce
que porte cet écrit ne soit pas manifestement contraire
aux circonstances certaines du fait; car c o m m e il ne
fait qu’ une présomption, et qu’ une présomption est
aisément détruite par une autre, si cet écrit est con
traire à un fait certain et évident, il ne mérite plus
aucune foi. Il ne doit aussi avoir rien d'opposé dans les
termes de cette énonciation; car la vérité ne peut se
diviser, puisqu'elle ne consiste que dans l’unité du
fait.
Telles sont les conditions exigées par les auteurs du
traité de la preuve par témoins, pour que le commen
cement de preuve par écrit soit suffisant pour faire ad
mettre la preuve par témoins; ce sont aussi celles qui
nous sont indiquées par Pothier, aux n0s 767 et suivans
de son traité des obligations. Enfin, le code civil nous
ramène à ces principes dans son article 4 7 , en définis
sant le commencement de preuve par écrif : t o u t
qui
est é m a n é
jo rm ée ,
ou
d e c e lu i contre lequ el la
de
v r a is e m b la b le
c e l u i q u i le r e p r é se n te
dem ande
e t
q u i
acte
est
r end
le / a U a l l é g u é .
11 faut appliquer ces principes à l’écrit que les intimés
10
�( 74 )
veulent faire regarder comme un commencement de
preuve.
Et d’abord il s’agit de savoir si le prix du domaine
de Blanzat a été reçu par le sieur Tournadre de cu ju s,
ou par son fils.La vente de ce domaine et les quittances
se réunissent pour établir que la vente a été consentie
par le sieur Tournadre de e u ju s , et le prix touché par
lui j il en a fait la déclaration expresse, de manière qu’en
consultant ces premiers élémens, il y a certitude que
le père des appelans n’a rien reçu pour cet objet.
Cependant on invoque un écrit du 22 pluviôse an 1 3 ;
et déjà si on le rapproche de la vente et des quittances
du domaine de Blanzat, on est convaincu qu’il ne peut
point s’y rapporter, puisque l’écrit est postérieur de
six
ans et quelques mois à la vente, et de plus de trois ans
à la quittance finale, qui est du 6 frimaire an 10. Ainsi
première présomption que l’écrit dont il s’agit ne peut
s’appliquer au prix provenu de la vente de Blanzat.
Cet écrit ne rappelle en aucune manière la vente
dont il s’agit : pas un seul mot qui la concerne; il n'é
nonce aucune circonstance décisive qui puisse la faire
supposer; il ne s’occupe que d’ un fait absolument étran
ger à la vente et aux quittances; donc impossible d ’en
tirer aucune induction applicable au fait qu'il s’agit de
prouver.
En effets le système des intimés est de soutenir que
le prix de la vente de Blanzat a payé l’acquisition du
domaine de Cebazat, faite par le père des appelans ;
�( 75 )
or, l’écrit no dit point un mot de cela : il n’énonce ni
capilai ni emploi ; fl ne se rapporte donc pas aux faits
gissant en preuve ; il ne se rapporte point non plus à
l ’acquisition du domaine de C e b a z a l , puisque il ne parle
que des fermages du domaine de N oalhal, propriélé parapbernale à la mère; ainsi bien loin de justifier les pré
tentions des intimés, il les repousse.
C o m m e n t , sous ce premier rapport , parviendrait-on
à appliquer au prix de la vente de Blanzat, l'écrit dont
il s'agit ? comment pourrait-il servir à prouver que
ce prix a élé employé au paiement de Cebazat, lors
qu ’il ne contient aucune mention qui puisse s’appli
quer à ces faits? et s’il fallait se livrer à des raisonnemens
ou à des inductions, ne serait-il pas plus probable que
cet écrit qui ne concerne que les fermes du domaine
de Noalhat,pour un tems déterminé, n’a été consenti
par le sieur Tournadre fils ¿1 son père, que par suite et
comme convention du délaissement que ce dernier lui
avait fait des biens paraphernaux de sa mère?
Si l’on examine de plus près : la durée de la conven
tion exprimée en cet écrit, détruit également le sys
tème des inlimés; il faut au moins qu’ils conviennent
que si le revenu qui y est indiqué devait représenter
un capital donné par le père au fils, le père se serait
assuré ce revenu pour tout le tems de sa vie. Cepen
dant l'écrit se réduit à la perception de quelques fer
mages pendant le cours du bail, ainsi il ne peut se
rapporter au don d’une somme aussi considérable que
celle qui est réclamée; il annonce une convention qui
�( 76 )
lie peut s’appliquer qu’à un objet peu important et
qui doit finir à une époque positivement déterminée.
Enfin, quel rapprochement à faire entre le prix du
bail à fe rm e , cédé par l’écrit dont il s’agit, et le ca
pital demandé? Que peut avoir de commun un revenu
de 1200 francs avec un capital de 5 o à 60,000 francs ?
Pour établir quelques rapports entre des choses aussi
différentes, ne faudrait-il point que l’intention des par
ties fut clairement énoncée? et s’il était permis de se
livrer à des inductions et à des raisonnemens là où la
loi et la raison se réunissent pour les exclure, ne fau
drait-il pas convenir que bien loin que l’écrit qui est
produit puisse être considéré comme un commence
ment de preuve du fait qu’il s’agit d’établir, il est au
contraire la preuve complète que ce fait n’a jamais
existé ?
Ainsi cet écrit ne rend pas vraisemblable le fait allé
gué ; il ne renferme aucun des caractères qui nous sont
indiqués par les auteurs; il ne concerne ni le fait ni
aucune circonstance décisive de ce fait ; il contient des
conventions opposées et contraires à l’intention de ceux
qui veulent s’en servir; il ne s’accorde avec aucune des
circonstances qui seraient propres à manifester le (ait
qu’il s’agit de prouver; il doit donc être rejeté, puisque
les tribunaux ne peuvent admet lie comme commen
cement de preuve des écrits vagues et indéfinis; ouvrir
la porte à la multiplicité des faits que le raisonnement
pourrait trouver, pour Faire voir la liaison et la d é p e n
dance de ce fait étranger avec celui qu ’il s’agit d’éla-
�( 77 )
blir : abus que les ordonnances et les lois ont voulu
prévenir.
Mais si l’on examine les faits postérieurs au décès du
sieur Tournadre fils^ on y verra que son père n’a élevé
aucune prétention contre sa succession; qu’il a gardé
un silence absolu, quoique l’écrit dont il s’agit an
nonçât quelque règlement à faire entre son fils et lui.,
ce qui prouve tout à-la-fois et que l’écrit ne concerne
point la vente du domaine de Blanzat et que tout ce
qui était relatif entre le père et le fils, avait été con
sommé entr’eux avant le décès de ce dernier.
Les appelans n'en sont pas réduits à invoquer le si
lence de leur ayeul; le récit des faits a appris que le
sieur Tournadre, d e c u j u s , avait assisté et pris part
à un acte de famille qui avait pour objet de régler
les droits et les reprises de dame Marie Lucas, veuve
Tournad re, de composer la masse de la succession
de son fils en actif et passif. Il y a figuré comme
curateur
du sieur
Bernard - Félix
Tournadre ; et
pourrait-on supposer qu ’il eût à cette époque né
gligé de faire connaître ses prétentions, s’il eût été
réellement créancier d'une somme aussi considérable?
et sa signature apposée à cet acte de famille sans ré
clamation, sans protestation, sans réserve aucune,
n’est-elle pas destructive de Ut déclaration faite ensuite
dans sou testament, et une lin de non-recevoir invin
cible contre la demande des intimés?
Ainsi, il n’existe donc en droit aucun moyen pour
faire admettre la preuve demandée; elle est détruite
�( 78 )
par toutes les circonstances da fait et les inductions
qui naissent soit de l’écrit du 22 pluviôse an i 3 , soit
de la conduite du père, postérieurement au décès de
son fils.
Ce serait ici le moment d’examiner ce que doit de
venir la somme de 6000 francs que la demoiselle
Tournadre reconnaît avoir à sa disposition, comme
provenant de la succession de leur père, et qu’elle pré
tend devoir être remise à Zélie Tiéniole.
Il est trop clair qne le père ayant lait une institution
d’héritier avec réserve, ne pouvait disposer en faveur
de qui que ce fût, d’autre chose que de la somme ré
servée , pour qu’il puisse être douteux que la demoi
selle Tournadre soit tenue de rapporter à la succession
une somme qu’elle reconnaît devoir en faire partie.
Il
faut terminer la discussion. Il est évident que la
mère ne pouvait disposer de sa dot; sa disposition ne
porte d’ailleurs que sur une somme de 5 ooo francs; il
serait i n j u s t e que les appela us rapportassent à la suc
cession le prix d’une charge dont i l n’ont point profité,
et que la force majeure a anéanti entre leurs mains.
To ut repousse la preuve testimoniale que les appelans
veulent faire admettre. Dans la position où se trouver t
les parties, elle serait immorale; les principes la ré
prouvent; les circonstances du fait l’excluent.
Mais s'il était permis de se fixer sur la position du père,
à l’époque de son testament, on le verrait entouré de
séduction ; incapable de manifester aucune volonté;
livré aux insinuations de ses héritiers légitimâmes, qui
�( 79 )
ont abusé de sa faiblesse d’esprit et de son état de ma
pour captiver sa confiance, et arracher des dis
positions qu'il s’était interdites par le contrat de mariage
ladie,
de son fils; à son décès, on retrouverait les mêmes per
sonnes dansla maison , s’emparant des objets qui étaient
le plus à leur convenance ; l’on verrait un homme
opulent, connu pour avoir un riche porte - feuille,
mourir sans arge nt, et sans aucun effet actif; toutes ces
circonstances réunies ne prouvent-elles point que les
raisons d ’équité viennent donner une nouvelle force
aux moyens de droit invoqués en faveur des appelans?
et n’est-il pas de justice que l’on rétablisse les choses
dans la position où le père les avait mises lors du con
trat de mariage de son fils, et que la cour anéantisse
les dispositions d’un jugement à-la-fois contraire aux
principes, aux actes de familles et aux faits les plus
certains ?
J
Ch. B À Y L E , aîné, ancien A v o ca t
M e GARRON, Avoué-licencié.
A RIOM,
DE
L’IMPRIMERIE DE J.-C. SALLES, IMPRIMEUR
DU
PALAIS.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums fonds privés
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Tournadre de Noalhat, Félix. 1817?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
J.- Ch. Bayle ainé
Garron
Subject
The topic of the resource
successions
ventes
dot
droit écrit
domaines agricoles
doctrine
contrats de mariage
testaments
gain de survie
biens paraphernaux
témoins
gardes particuliers
émigrés
forêts
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Félix Tournadre de Noalhat, propriétaire, habitant de la ville de Cébazat; et dame Marie Tournadre, procédant sous l'autorisation du sieur Baron Simmers, son époux, officier de l'Ordre royal de la Légion d'Honneur, chevalier de l'Ordre Royal de Saint-Louis, Maréchal de camp des armées du Roi, habitant de la ville de Clermont-Ferrand; iceux en qualité d'héritiers d'Antoine Tournadre, leur père; et, par représentation d'icelui, d'autre Antoine Tournadre et de Marie Juge, leurs ayeul et ayeule, appelans; contre dame Marguerite Tournadre, veuve du sieur Rode de Lamarge; Anne-Bernardine-Amable Tournadre, épouse du sieur Chateau ; dame Marguerite Tournadre, veuve du sieur Jourde, dame Marie-Gabrielle Tournadre, épouse du sieur Tréniole; et demoiselle Marguerite Tournadre, fille majeure, toutes héritières légitimaires d'Antoine Tournadre et de Marie Juge, leurs père et mère, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa 1817
1760-1817
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
79 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_DVV26
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Don Vendrand-Voyer
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cébazat (63063)
Noalhat (domaine de)
Malintrat (63204)
Blanzat (63042)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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biens paraphernaux
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émigrés
forêts
gain de survie
gardes particuliers
Successions
témoins
testaments
ventes
-
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4644854efc5f8ad59f2c6fea925107b3
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MÉMOIRE
POUR
J oseph
D A U B I N , P i e r r e M O U R G U Y E et G a b r i e l l e
B A R E Y R I E , fe m m e B A P T I S T A L , cu ltivateu rs,
habitant au village de M o n c e l, co m m u n e de SainteEulalie, appelans et défendeurs en pérem ption ;
CONTRE
L e sieur A n d r é C A B A N E , se d isa n t ancien ferm ier
de La terre de S a in t-C h a m a n t, in tim é et demandeur.
IVV%W VVW\VWVV\»WV^
L
E sieur Cabane prend le prétexte d ’une péremption
pour poursuivre l ’effet de plusieurs sentences féodales,
contre les appelans, qui cependant ont régulièrement
p a yé ce q u ’ils doivent eux-m êm es, mais que la pagésie
forcerait de p a y e r des sommes considérables p o u r les
cens de tout leur village.
i
�( o
L a révolution a éteint la pagésie et la féodalité; le
sieur Cabane l’avou e : il avou e aussi q u’ une dem ande
en pérem ption d ’appel a pour résultat d’obtenir la
confirmation de la sentence attaquée; d’où il faudrait
conclure que si le législateur a annullé la sentence et
l’a p p e l, il s’ensuit nécessairement q u’il ne reste plus
de procès en pérem ption.
Mais ce n’est pas ainsi que raisonne le sieur Cabane.
I l dit que des sentences rendues au.profit du seigneur
peuvent n’être pas féodales ; que d ’ailleurs il n’y a
procès que sur la pérem ption d ’ un a p p e l, ce qui est
un procès indépendant de l’a p p e l; d’où il conclut que
la Cour doit juger la p é re m p tio n , sans s’inquiéter de
l ’objet pour lequel on plaide.
V oilà tout le système que les appelans ont à com
battre ; mais en prouvant q u ’il n’y a ni pérem ption
de f a i t , ni procès à ju g e r , ils se préserveront d’ une
injustice criante qui aurait pour résultat de les forcer
à payer la dette d ’autrui, sans avoir aucun m o y e n de
recouvrem ent.
F A IT S .
L e s agens du sieur de L ig n era c, seigneur de SaintCham ant et Sain t-M artin , formaient presque annuel
lem ent des demandes contre plusieurs censitaires, et
obtenaient sentences sur sentences.
C ette multitude de poursuites, gardées par devers
eux , n’est certainem ent pas une preuve de n on paiement. Ori sait que le moindre retard occasionnait
�(3 )
des diligences, toujours en pagésie contre les prin
cipaux len an ciers, et toujours avec des réserves des
condamnations précédentes.
L e 6 février 1 7 6 4 , G abrielle Berghaud et L ouis
M o u rg u y e furent assignés à la requête du marquis de
L ig n e r a c , seigneur de S a in t - d ia m a n t , devant le juge
de Sain t-M artin , com m e tenanciers de tout ou partie
du village M o n c e l, pour p ayer audit seigneur trentehuit seliers seigle, trente setiers a vo in e , sept livres un
sou a r g e n t , e t c . , pour les c e n s , rentes et droits sei
gneuriaux d u s a u d it seigneurf sur ledit v illa g e, par
reconnaissances solida ires, et c e , par chacune des trois
dernières années éch u es, avec l ’intérêt : le sieur de
L ign erac termine par in d iq u e r le paiem ent à faire
entre les mains du sieur C a b a n e , son ferm ier-gén éral,
a vec réserve de tous autres dus, droits de lods, etc.
Sur cet e x p lo it, le juge du seigneur rendit une
sentence par défaut le 17 mars 1764« L e sieur Cabane
en rapporte une copie in fo rm e, et sans form e exécu
toire.
^
Aussitôt que les autres censitaires du village furent
informés de cette dem ande en pagésie qui allait re
tom ber sur e u x , ils s'en plaignirent. On vo it par une
requête du 17 mai 17 6 6 , que les nom m és L a b ru n ç,
A lzia c , L ouis Berghaud et M e y lia c articulèrent avoir
payé exactem ent leurs cens au sieur Cabane , qui
endossait leurs paiemens sur les liéves sans donner de
quittances; ils d em a n d èren t, en c o n s é q u e n ce , p e rZ
�m
mission de l’assigner po u r vérifier le fait ^et leur donner
quittance des sommes par lui reçues.
L e juge donna
une simple ordonnance portant
permis d ’assigner; et ce qui ne sera pas vu sans éton
n e m e n t, le sieur Cabane interjeta ap p el, au parlem ent,
de cette ordonnance du ju g e , qui permettait de l’as
signer pour déclarer ce q u’il avait reçu. C e ne serait
donc pas lui qui aurait obtenu les sentences qu’il s’ad
juge aujourd’h u i? car a u r a it-il osé étouffer la voix
de ceu x q u ’il poursuivait indirectem ent en la personne
de leurs co-paginaires.
L e 18 janvier 1 7 6 8 , Louis Bareyrie et Louis M ourg u y e furent assignés à la requête du seigneur, pour p aye r
solidairement les dernières années des cens du village. L e
29 février 1 7 6 8 , le juge du seigneur rendit une autre
sentence par d é fa u t, qui adjuge lesdites conclusions.
Elle est dans la m êm e form e que la précédente.
Pendant que ces poursuites étaient dirigées à la re
quête du seigneur, contre Bareyrie et M o u rg u y e , il
en existait d’autres contre François D au b in en vertu
de sentences obtenues contre lui en 176 9 et 1 7 6 1 ,
pour la m êm e pagésie. Ses meubles et ses bestiaux
furent exécutés le 14 mars 1 7 7 1 , avec dép lacem en t,
toujours cl ici requête d u seigneur.
L e 4 mars 1774, Louis M o u rg u ye et ledit Joseph
D aubin furent assignés en pagésie pour payer les trois
dernières années du t é n e m e n t, toujours à la requête
du seigneur, et ils y furent condamnés par d é fa u t, par
sentence du 27 août 1774*
�(55
Ils ont été encore assignés en 17 7 8 et 178 1
condam nés par sentences des
19
décem bre
et
17 7 8
et 17 décem bre 178 1 ; toutes ces sentences sont sans
form e e x é c u to ire ; la dernière seule est signée du
greffier, mais en seconde expédition. Il paraît que
ces mêmes sentences furent successivement attaquées
par appel porté à Salers ; aucune des parties n ’a les
procédures qui y furent faites.
• L e 2 n ovem bre 1 7 8 4 , le sieur C a b a n e , en qilalité
de ferm ier général des terres pour tors appartenantes
a u sieur de L ig n e r a c , fit signifier les sentences de
>1768, 1 7 7 4 , 1 7 7 8 et 178 1 à Louis- B a r e ÿ r ie , Louis
M o u r g u y e et Joseph D a u b i n y a v e c somïnation de. lés
e x é c u t e r , ret- assignation en liquidation des grains.
C e u x - c i notifièrent au sieur C a b a n e , par exploit du
1 7 no vem b re 1 7 8 4 , qu'ils persistaient dans l’appel déjà
interjeté des deu x premières sentences, èt q u’ils inter
jetaient appel des d eu x dern ières, corn m e nulles, in
compétentes et attentatoires à l’autorité de la sénéchaus
sée d ’A u vergn e , saisie de la contestation ; en consé
q u en ce, ils assignèrent le sieur Cabane h y p r o c é d e r ,
co m m e se d isa n t ancien ferm ier et aux droits du sieur
de L ig n e r a c , tant pour lui que pour ledit s e ig n e u r,
dont il prenait le f a i t et cause.
L e sieur Cabane se p résen ta, sur cet a p p e l, le 10
février 1 7 8 5 ; il dit que sa présentation ne fut suivie
d ’aucunes autres procédures.
L e i 3 août 1 7 8 8 , il demanda la pérem ption de
l ’a p p e l, et obtint sentence par d é fa u t, le 1 4 juillet
�•i 6 )
1 7 8 9 , qui prononça ladite p é re m p tio n ;le 4 août 1 7 8 9 ;
les Bareyrie en interjetèrent appel situ pie au parlement.
On ignore s’il fut pris des lettres de relief sur cet appel,
et si le parlement fut saisi. L a révolution a dévoré
ou paralysé tout ce qui tenait aux matières féo d ales,
et il n ’est pas su rp ren an t, ni que la trace de ce qui
a pu exister soit perdu, ni que toutes les parties aient
gardé le silence depuis. 1789.
L e s lois de 179 3 ayant condam né aux flammes les
titres et sentences qui porteraient signe de féodalité
ou qui la renseigneraient, certainem ent le s.r Cabane
a dû s’y con form er , et voilà pourquoi il n ’a plus les
•expéditions exécutoires dés sentences du sieur de L i gnerac ; .voilà pourquoi ne, réclam ant rie n , pendant
vingt an s, contre des censitaires qui avaient payé leur
¡item ré g u liè re m e n t, et qui ne devaient plus p ayer la
portion des autres, tous les d o c u m e n t,to u te s les traces
de leurs procédures se sont pierdues en presque totalité*;
et aujourd’hui on veut q u’ils en soient victimes.
.
L e sieur Cabane s’est souvenu en 1809 de l ’appel
de 1 7 8 9 , et il a pensé que s’il pouvait l’attaquer par la
pérem p tio n , il obtiendrait par cette voie indirecte une
confirmation de se n ten ce, que la C our ne pourrait .pas
prononcer directement.
En conséquence, par exploit du 22 février 18 0 9 ,
le sieur Cabane' a assigné en la C our d ’appel Joseph
D u u b in , et Louis M ou rguye ( d é c é d é ) , pour voir dé*
clarer l’appel sim ple, du 4 août 1 7 8 9 , n u l , périmé et
com m e non a v e n u , et voir ordonnev l’exécution de
la sentence attaquée.
�(7 )
P a r autre exploit du i 3 juillet 1 8 0 9 , il a assigné
M o u rg u y e fils , et G abrielle B a r e y r ie , fille de L ouis ,
po u r voir déclarer le m êm e appel de 1 7 8 9 , p éri, désert
et n u l, voir en conséquence ordonner l ’exécution de
la sentence attaquée.
L e s parties en sont venues à l ’audience de la C o u r ,
le 10 mars 1 8 1 0 ; les appelans ont soutenu qu’un
appel sim p le, et non suivi d’ajo u rn em en t, ne pouvait
pas tom ber en pérem ption , et que la désertion ne
pouvait jamais avoir lie u , sans que l ’appelant eût droit
de ren ou veler son appel.
L a C our n’a pas d ébouté expressém ent le s.r Cabane
de ses demandes en p érem ption et désertion , mais
elle a ordonné que les parties mettraient leur procé
dure en é t a t , sur l ’appel du 4 août 1 7 8 9 , et a remis
la cause d ’ un m o is, pour y statuer.
L e sieur C a b a n e , en notifiant cet arrêt, le 22 m a i,
a u x a p p e la n s, les a assignés co m m e co-débitcurs so
lidaires , pour lui voir adjuger les conclusions prises
par les deu x exploits de 1 8 0 9 ,
en tout cas, pour
procéder sur l’appel de 1 7 8 9 , et voir prononcer le
b ien -ju gé de la sentence du 14 juillet 1789.
Ces conclusions prouvent que le s.r C aban e n’aban
donne pas sa prétention de faire déclarer cet appel
péri et désert. C ep en d an t, quoique l’arrêt de la C our
ne soit pas m o tiv é , et ne statue pas e x p r e s s é m e n t sur
ses premières conclusions, il est évident que la C o u r
n ’a pas entendu les a d o p ter, ni m êm e les laisser re
�( 8 )
p ro d u ire, car elle n ’aurait pas ordonné de faire une
procédure sur un appel périm é ou désert.
'
Mais puisque le sieur Cabane ne veu t pas se croire
jugé sur ce poin t, les appelans le prendront au m ot
pour demander eux - mêmes un arrêt positif sur ses
demandes en pérem ption et d ésertio n , qui étaient la
seule chose a ju g e r, f a u f à lui à recom m en cer toute
procédure nouvelle q u’il avisera.
..
;
MOYENS.
»
I l ne peut y avoir lieu à pérem ption pour un appel
simple : car l ’ordonnance de Roussillon ne fait périm er
que les in sta n ces, et un appel simple n’en est pas
u n e , dès q u ’aucun juge n ’en est saisi. T e lle a été sur
ce point la jurisprudence constante.
Quant à la d ésertio n , elle n ’est point opposée à
D a u b in , assigné par le prem ier exploit du n
février
i 8 ° 9 , qui ne contient aucunes conclusions à cet égard.
11 suffît donc d’y répondre au nom des M o u rg u y e et
Bareyrie.
D ’abord la désertion est incompatible ave<j: la p é
rem p tion ; car si un appel pouvait périm er, il ne serait
pas désert. L e sieur Cabane devait d ’abord conclure à
la désertion, qui était la première fin de non-recevoir
ù opposer dans l’ordre de la procédure; il a dem andé
q ue l’appel fût déclaré p én et désert. A i n s i , en s’o c
cupant
�( 9 )
cupanf de la pérem ptio n , il a renoncé à la désertion;
de m êm e que s’il eût conclu au bien jugé et à la p é
remp tion, il aurait renoncé à la pérem ption : à plus
forle raison f a u t - i l lui dire qu’ ayant assigné D au b in
et M o u rg u y e p è r e , en fé vrier 1 8 0 9 , sans parler de
désertion, il n ’a pu y conclure contre M o u rg u y e fils,
par un exploit postérieur.
L a désertion, au reste, n’est plus prononcée par les
tribunaux depuis 1790 ; lorsque des tribunaux
ont
vou lu renouveler cet ancien u sa g e, la C our de cas
sation n ’a point approuvé leurs décisions, et cela par
un m o tif bien sage et bien simple.
f
!
C ’est q u ’avan t la r é v o lu t io n , la jurisprudence g é '
nérale était d’accorder trente ans pour interjeter appel,
en sorte que la désertion prononcée ne produisait que
des eifets frustratoires, puisqu’elle n’em pêchait pas
de refaire l’appel : aussi plusieurs parlemens avaient
l ’ usage de converir en anticipation les demandes en
désertion q u i , d ès-lo rs, se réduisaient à des dépens,
com m e le dit B r o d e a u , lettre P , n.° 14.
Mais depuis que les appels sont limités à un délai
plus c o u r t, c ’e st-à -d ire , à trois mois et à dix ans, la
désertion a paru un abus à r é f o r m e r , puisqu’on ne
peut pas la faire m arch er avec le droit de recommencer
un appel pendant trente ans. V o ilà pourquoi la dé
sertion est ab so lum en t to m b ée ien désuétude : on en
est convaincu p a r le grand nom bre d ’arrêts qui se
trouvent aux Bulletins de cassation.de l ’an 7 , de l ’an 9,
de l ’an 10 et de l’an 1 1 . Par-tout on voit les désertions
3
�C 10 )
proscrites ; et nulle part on ne voit q u ’il en ait été
toléré yne seule , m êm e par simple rejet.
Il y ;a donc lie u , en statuant sur les demandes du
sieur C a b a n e , de le débouter de ses conclusions en
pérem ption et désertion. O r , on le r é p è t e , c’était là
l ’objet unique de ses conclusions avant l ’arrêt du 10
mars 1 8 1 0 ; et il ne peut pas les confondre a vec le
b ien jugé de la sentence de 1 7 8 9 , puisqu’au lieu de
se départir de sa prem ière d em a n d e, qui y était en~
core plus in com p atib le, il la renouvelle et y persiste.
1.
...
•
. . .
C ep en d a n t, si la C o u r croyait devoir statuer sur les
nouvelles conclusions du sieur C aban e , il s’agira de
savoir an fond s’il a pu reprendre une procédure de
pérem ption en m atière fé o d a le , au préjudice des lois
qui ont éteint tous les procès y relatifs; et subsidiai.rem ent, s’il y a pérem ption.
¡
; .
/
; 1 *. ,.
A b o r d o n s , dès à présent , le subsidiaire, qui sera
plus brièvem ent e x p é d ié , et disons q u ’il n ’y a pas de
pérem ption.
;
I / a p p ë lp o r t é e n la sénéchaussée d’A u v e rg n e , était un
appel d'incom pétence. On soutenait que les .premiers
appels ayant saisi la sénéchaussée, le s.r Cabane n’avait
revenir devant le juge du seigneur pour dem ander une
; pagésie en vertu de reconnaissances de cens soumises
.au juge supérieur. E n effet, la sénéchaussée seule était
com péten te pour accorder ou refuser les arrérages de
ces mêmes c e n s , échus pendant le procès ; il fallait
�( n )
y conclure devant e l l e , el' non saisir un juge déjà
dépouillé, pour multiplier les sentences et les appels.
Cet appel d’in com p élen ce n’était pas susceptible de
p é re m p tio n , suivant l’opinion des auteurs, conform e
au texle m êm e de la loi.
B o u s s e a u - L a c o m b e , v .ù péremption , 'n.° 1 2 , dit
q u ’elle n’a pas lieu ès-causes ou procès du dom aine,
n i es-appels d ’incom pétencè, parcè que cela regarde' le
d r o it’public.
C ètte décision est conform e à la loi Properandum
d ’où est tirée l’ordonnance de Roussillon. Censetnus
itaque omnes lites non ultrà triennii meta s , post litem
contestatam , esse protrahendas ( except is tantum m odo
c a u s L s quœ a d /u s J is c d le p ertin en t , vel quai a d p u blicas respiciunt fun ctiones).
N ’y a u r a i t - i l pas en effet un inconvénient grave
que le silence d ’ une partie, souvent occasionné par la
difficulté dç-réunir des co-intéressés, ou par des pour
parlers d ’arrangemeris, p û t donner la force de chosejugée h des sentences rendues par des personnes sans
caractère, et peut-être quelquefois dans des matières
o ù il serait choquant que ces sentences ne fussent pas
réform ées?
C ertes, les juridictions sont de droit p u b lic, cela est
incontestable; et s’il est encore incontestable qu’une
partie ne peut déroger au droit public par une con
vention p a rticu lière, com m ent le poU rrait-elle par
son silence? C ’ést donc une monstruosité que la loi
a voulu prévoir et é v ite r, en disant que la pérem ption
4
�(
12
)
n ’aurait pas lieu pour ce qui tient au droit p u b lic, aux
fonctions publiques ; en un m o t , à l’ordre des juri
dictions.
Mais quand la pérem ption e û t pu exister ic i avant
1 7 8 9 , il est impossible d’adopter que la procédure y
relative ait seule resté d e b o u t , quand l ’appel et les
sentences sont anéantis com m e chose féodale.
A cela le sieur Cabane o b je c te , i.° q u ’il ne s’agit
pas de féodalité , parce que c ’est uu ferm ier qui est
cré a n c ie r, et que la suppression n ’atteint pas les fer
m ie rs; 2.0 que quand l’objet du procès serait féo d a l,
il n’est queslion que de juger s’il y a pérem ption ; ce
qui est une procédure indépendante.
Répondons d’abord que le sieur C aban e se dit fer
m ie r , sans l’établir par des b a u x de ferm e. I l a pris
ce lle qualité dans une signification des sen ten ces, en
1 7 8 4 , et l’appel lui en a été notifié, co m m e se d isa n t
ferm ier et a u x droits d u sieur de Lignerac.
Q uoiqu’il en s o i t , com m en t l’objet du procès ne
serait-il pas fé o d a l, lorsqu’ il s’agit de cens demandés
à trois censitaires, par le seigneur, et en cette qualité,
pour la totalité de la redevance assise sur un ténemerit.
A la v é r ité , il y a des cas où les fermiers ne sont
pas atteints par la suppression féod ale, mais c ’est quand
ils se sont procuré un titre personnel, em portant no
vation.
U ne lettre du com ité de législation, écrite au tri
bun al du district de Riorn, le 9 prairial an 2 j a décidé
qu’ une rente constituée au profit d ’ un fermier, en 173 0 ?
�( I3 )
devait être p a y é e , quoiqu’elle dérivât d ’arrérages de
cens. U n e lettre du ministre de la justice , écrite au
commissaire du d irectoire, à P a u , le 22 pluviôse an 7 , '
décide de la m êm e m an ière,
pour une obligation }
consentie à un f e r m ie r , pour cens. R ien n’ est plus
légal que ces décisions, puisque le ferm ier était censé
avoir touche ce q u i lut éta it d û , et l ’avoir échangé
contre une obligation q u i, par cette fic tio n , rentre
d a n s la classe des autres obligations. M ais cette r é
flexion du ministre prouve par e lle -m ê m e que le fer
m ier n ’aurait pas été ex e m p t de la suppression, s’il
n ’y avait pas eu engagem ent personnel à son p r o fit,
,
dônt l ’effait aVait été de dénaturer Corigine féodale
et é v i d e m m e n t le titre ne cessait d ’être féodal que
par novation.
L a n o va tio n , en e ffe t, peut seule em pêcher de re
garder c om m e féodal ce que la loi déclare tel. Novatio
est p rio n s d e b itiin alùum debitum trans/usio
p m rim a tu r.
u t p rio r
Si donc la prem ière dette est étein te , il
n ’en reste q u ’ une entre de simples particuliers, et la
féodalité est évanouie. M a is , hors ce cas d irim ant, la
règle générale reste; et il est aisé de m ontrer que les
fermiers ne sont pas à l ’abri des suppressions féodales.
L a loi du 2 5 août 1 7 9 2 , supprime tous les droits
féodaux. L ’art. 10 porte que les arrérages, m êm e ceu x
dus en vertu de ju g e m e n s , ne sont pas exigibles; l’art,
12 éteint tous tes procès relatifs aux droits féodaux.
O n a quelquefois argum enté de l ’art. i 3 , qui c o n
serve aux fermiers lès actions qui leur sont réservées
�(. *4 y
par l’art. 3 7 .d e la loi du i 5 mars 1 7 9 0 , de se faire
restituer les sommes payées aux seigneurs, pour les
droits écliu s, depuis Le,4 août 1789.
M ais en lisant cette loi de 1 7 9 0 , on rem arque q u’elle ,
est
relative aux. droits de bannulilé; et de justice, sup
prim és Le. 4 aoû,t 1 7 8 9 ; il y est dit que les b aux sont
résiliés
depuis la suppression, et que si les fermiers ont
p a y é au seigneur des pots de v in , ils les répéteront au
prorata de la non jouissanceU n e dernière loi du 28 nivôse an 2 , a déclaré ne
pas com prendre d a n s l’annullation des procès fé o d a u x ,
ce u x in ten tés, i.° par des vassaux ou censitaires, pour
restitution des droits.exigés d’e u x ; 2.0 par des ci-devant
ferm iers, pour restitution des pots de vin qu'ils ont
avancés, ou des fermages q u ’ils ont payés à raison des
droits qui leur étaient afferm és, et dont ils n’ont pu
jouir.
• . 1
1.
A in si, bien loin q u ’il résulte de l ’ensemble des lois une
exception pour les fe rm ie r s , et un droit subsistant en
leur fa v eu r, contre Les censitaires, il faut en con clure,
au contraire, que la loi ne s’est occupée d ’eux pendant
lfo is.fo is, que pour leur donner une action contre Le
seigneur seulement, et que,, par co n sé q u e n t, elle les
a laissés pour tout le reste dans la règle générale de
la suppression, a moins qu ils n’eussent, c o m m e 'o n
l a déjà d i t , un titrç. nouyel et personnel.
C ç point; dej(drpitj£g confirme’ quand ,011 suit les lois
pQ^tqrieiu’es^; Coü^ du', 1.7 juillet. ^ 7^ 3, en ordonnant
le bj-ulemqnt de, toq$. les, titres fé o d a u x , y assujétit
�( :* 5_)
tous les dépositaires desdits titres, e t 1déclare q u îe lle:y
com prend tous jug em en s et arrêts qui porteraient re
connaissance des droits féodaux , o u q u i les rensei
g nera ient. Les registres et cueilleretsisont désignés en
core pour le brûlem ent. Or, fout, Immonde se rappelle
q u e lès fermiers furent les premiers à brûler leursTre
gistres de recettes.
-
'
'
(
U n e autre p re u ve qup la loi n’excep tait personne,
c ’ est q u’il fallut une exception expresse j l e >9.frimaire
an 2,' par esprit^d’équité en
CQ^-dèbitéurs
qui avaient p ayé la part dé leurs
co - obligés en
-vertu de lâ pagésie; et e n c o r e , ce droit ne fut ouvert
‘Cju’ a itelui qui prouverait a v o ir 'p a y é par autorité de
ju s tic e . C o m m e n t d o n é :un ferm ier aurait-il un pri-vilége, sous prétexte q u ’il a payé son ferm age (m ais
^volontairement), lorsque le co-débiteur p o u r s u iv i m a is
non c o n d a m n é , n ’aurait pas d ’action en pareil c a s , et
supporterait la suppression.
■
P eu t-être bien aurait-on pu accorder ce privilège
à un ferm ier, dans un tems où la jurisprudence exa
minait la vraie qualité du d e m a n d e u r, pour savoir
•s’il était seigneur ou n o n ; car lorsqu’ on adm ettait le
propriétaire lui-mêm e à dem ander un cens sous p ré
texte que l ’abolition n ’était p ro n o n cée que
c o n tr e
les
seigneurs , il était très - conséquent que les fermiers
réussissent par le m êm e motif.
Mais aucun tribunal ne reviendrait h cette jurispru
dence, depuis l ’avis du conseil d’é t a t , du 3o pluviôse
�( 16 )
an i * , et sur-tout depuis les décrets im périaux des i 3
messidor an i 3 , et 2 5 avril 1807, portant que Lorsque
le titre ne présente aucune a m b ig u ité, celu i auquel ce
titre est opposé, ne peut pas être a d m is a soutenir q u ’il
n ’ avait pa.s de seigneurie. . ) i
-
.. ¡i. i ■ ; •■'q
l i e sieur C aban e ne. se dissimule |jas qiie cës décrets
le condam nent visiblement ; mais il croit y échapper,
en disant q u ’il y a cHose ju g é e par les sentences q u’il
produit. C ’est une double erreur,; c a r , i . ° i c ’est dé
cider la question par là question e lle rm ê m e , puisqu’il
y a appel de ces sentences , et que la pérem ption
- q u ’il dem ande est dirigée contre cet appel j 2.0 il crée
u n e autre exception im a g in a ire , puisque quatre lois
successives ont annullé ’positivem ent Les ju g em etis et
arrêts portant condam nation de droits fé o d a u x , ce qui
prouve que la chose jugée n ’est pas pour elle un titre
m eilleur.
' -'h
¡' ..
■
;/=; .
•-* 1 •
R em arquons en core, quoique ce soit sans une grande
u tilité , que ces sentences sont rendues a u p r o fit du,
sieur de L ig n èra c, seigneur, pour les cens de sa terre;
à, la v é r i t é , on voit à la fin du dispositif, que ce
seigneur indique le sieur Cabane co m m e devant re
c e v o ir le paiement des condamnations : mais quel tour
de force ne faudrait-il pas pour profiter de ce bout
d ’o reille, afin de changer le rôle des parties et effacer
les qualités du dem andeur! Cette argutie mesquine
peut-elle être proposée sérieusem ent, et ne serait-elle
pas indigne de la C our?
Il
�( *7 )
I l suffit, sans d o u te , de rem arq uer que /c seigneur
seul est en q u a lité dans les sentences. Elles em porten t
donc tout le privilège du cens.
E nfin, que le sieur Cabane réponde à cette question:
Si les censitaires avaient fait débouter le dem andeur de
sa d e m a n d e , contre qui auraient-ils eu action pour les
dépens ?
Concluons d o n c , sur cette prem ière partie des p r é
tentions du sieur C a b a n e , que l’objet des sentences
q u ’il poursuit est f é o d a l , et que rien ne peut les faire
excep ter de la suppression.
V o y o n s actuellem ent co m m e n t un e pérem ption
aurait le privilège inoui de neutraliser toutes les lois
féodales, et de ressusciter, pour le sieur C aban e seul,
un genre d ’action abandonné par tout le m onde et
par lu i- m ê m e , depuis la ré v o lu tio n , lorsqu’il s’est agi
purem ent de cens.
Retenons bien que la loi a supprimé non-seulement
les droits f é o d a u x , mais encore tous les procès y re
latifs.
A p rès les lois des 25 août 1 7 9 2 , et 1 7 juillet 1 7 9 3 ,
qui portaient expressém ent cette suppression, il paraît
q u e , sous divers prétextes, des poursuites eurent lieu
de la part de quelques ferm iers, et que des censitaires
eux-m êm es voulurent faire prononcer par les tribunaux
q u ’ils ne devaient rien. Alors une loi du 9 brum aire
an 2 , déclara de n ouveau nuls et com m e non a ven u s,
tous jugem ens sur les procès intentés à raison des droits
féodaux ou censuels, /ensemble les poursuites fa ite s en
5
�t j l * )■
exécution desdits ju g e n ie n s; ordonna qué'les frais'pos*
térieurs aux lois d ’aboliliôn seraient à la charge des
avoués qui les auraient faits
et défendit au x ju g e s ,
à: peine de forfaiture, de prononcer sur les instances
indecises.
'-S
-A |) !••••.■ ;
lit U-.-y.- *■:'.>! vi
Trës-certûinemen^‘, a|jrès 'cètte l o i , le ^sieùr'Ccibàne
n e se serait pas cru fondé à poursuivre les censitaires1
d e 'S a in t - d ia m a n t ; et il ¡a bien prouvé , par le fa it,
qWil partageait sur ce point l'opinion générale. C orn -'
m e n t d o n t'a u rait-il aujourd’hui5 un drüit Iqii’il n’ava it pas alors, et en quoi les lois'seraient-elles devenuesplus 'indulgentes sur la féodalité ? *
!i
f
fclJamîlis , au contraire^'ellës n rdht ' é t é 1 fiioiris éqirî-’"
vaq ues depuis que lés décreis' impériaux-'on't tpre’scrit1*
de ne: pas! considérer•'s i ' ( é 'vàëhictiidèur''ësè seigneur fniais 'àeulernèrit si leHttré de sa dem andé est féo d a l:
car s’il n’y a pas d’am biguïté sur le •litre ^ il ÿ :a ''s u p -:
p r io ri;* '
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ii;M '" H
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"E qu iv oq ii er a it -o n' en co rf e ^s iir fc'è’ff e 1rfYnbrgüi t é ë ri; dt - 1
sant q u ’un ferm ier peut po u rsu ivre? Mais a v e c ' c e
cercle vicieux où a r riv e ra it-o n
si cV '^ est^ if 1juger
dé1 la féodàlit'é'par Ld jpér50/i/ze';du??cféarifcier?'eltf c’estP
ce qùô la loi prbâcrii absolument.’ Sa s é v é r ité èitctelle y >
q u ’ il n ’y a pas seiilémènl siippression par le signe féo
dal, mais encore par le mélange de féodalité’.
Dès q u ’il y a dans les litrés oiipôsés par le sieur C à - :
b n n e , signe ou m élange 'de féodalité ,l il në reste à eri
tirer que deux conséquences'incontestables; ‘
-'i -
j.° Si les sentences sont féodales, la loi les a déclarées
�C 19 )
nulles et com m e lion aven u es, y eût-il arrêt ou 'ch oseju g ée ( L o i , 17 juillet 1 7 9 3 , art. 3 , 6 et 8 .) ;
1
.
2.0 L ’annullaiion ne se borne pas aux se n te n ce s’ et
arrêts; elle s’étend aux-'poursuitespostérieures ( L o i , 1
9 brum aire an 2 , art. i . e ,) .i!
'
.Ainsi, toute procédure tendant à rappeler ou faire
rev ivre ce que la loi a a b o li, est rép rou vée et inadmis
sible.
*>'»«;«!
; :
D ’après de telles lois, n ’ëst-cé^doné pas une p u é
rilité que de dire à une C o u r soütyëraine : V o u s 'n ’aurez
pas à juger l'appel <£une Seritencé féo d a le ■vous aurez
seulement à' juger la péremption de l\'appel d ’u'ne sen
tence f é o d a le ?
'■
1:1 ■
'
ol ?
iji A b u s des mots1 et pure cacop'hdnie. 11
i i't
Quand il existe un ap p el, l’intim é n’est pas réduit à
*r r
■
,
.
j
f
}
un seul m o yen de défense; il pdut 1 attdquer par des
vices 'dé f o r m e / ‘ des fins de nôn-receVÔir,: làn là pé^
rem ptioiî : tout cela est égal au± ÿ ë u i de la'{loi;; tout
cela rentre ddris les exceptions dür défendeur.*'5' :
;
“ L e résultat uniform e dè cès éxcèp tio n s‘est'rd 5arriver
à ia cdnformation}de La
al la q u é e 'jla f uH'&ppël ;
o t j cëTréèültat'est-l&' b u t'd u p r o c è s : Cn bm>nibuiyrk'spicë
J in e m .
• ^11slv i Y b q q r, i-. <h
■Il n ’est donc pas permis de croire que la C o u r veuille
juger un-fragm ent de procès*sans regarder iYson::ori“
gind et à èës conséquences. ^ ::J :H >
J «. ■
i* •
U n e péremption d ’ailleurs'est si peu un prdcès nou
veau, q u’elle ne s’introduit^pas par un exploit à domi
cile , et en i . M instance. L'usage a toujours été de c o n -
�( 2° )'
d u r e par r e q u ê t e , quand il n’y a pas de décès su rven u ;
et le code a c tu e l, article 4 0 0 , en fait un devoir. L e
sieur C ab an e a lui-même constaté cet usage, en signi
fiant sa demande en p é r e m p t i o n , 'par req uête signi
fiée à procureur le 12 août 1788.
I l a donc lu i-m ê m e considéré la pérem ption com m e
un m o y e n de procès.
I l l ’a proposée co m m e un e exception.
I l a con d am n é son propre système.
M ais quand on serait privé de le citer lui-m êm e pour
prou ver q u ’ une pérem ption d’appel n ’est pas un procès
nouveau, et indépendant , la raison seule dirait que
quand le fonds du procès est a b o l i, il n ’est pas plus
perm is de plaider po u r la pérem ption q u e pour la
prescription. ,
\
L a féodalité n’est pas la seule m atière abolie par la
révolution ; et il est sans exem ple que des procès re
viven t sous prétexte de savoir s’ils sont périmés. N e
trouverait - on pas rid ic u le , par e x e m p le , que par
suite d ’un procès en m atière b én é fic ia le , un d é v o lu tairç qui aurait obtenu un b énéfice con testé, vînt re
prendre devant les tribunaux actuels la pérem ption
d ’un appel y rela tif?
L a loi n’a permis q u ’en u n seul cas de plaider sur
les matières supprimées ; c ’est dans les retraits lign a g e r s , et seulem ent pour les dépens. L à on pourrait re
prendre une dem ande en pérem ption; mais l’exception
confirme la r è g l e , q u i de uno d i c i t , de aitero negat.
Au demeurant, l’idée conçue par le sieur Cabane,
�' ( 21 )
d ’isoler une pérem ption , n’est q u ’ un piège contre des
censitaires qui ne doivent r i e n , et qui seraient plus
victimes de la suppression de la féodalité, que si la fé o
dalité existait encore.
' En effet, un arrêt de pérem ption emporterait de plein
droit la confirmation de cinq sentences féodales.
L e s censitaires n’auraient aucuné voie pour en em
pêch er l’exécution. I/accès au x tribunaux leur serait
ferm é ; fous les degrés de juridiction seraient épuisés,
et le prem ier juge ne pourrait réform er une décision
ém an ée de lui. L e sieur C aban e ferait donc exécu ter
sans obstacle des sentences dont l’arrêt aurait prononcé
im plicitem ent la confirmation : car quel juge pourrait
arrêter des poursuites faites par suite d ’un arrêt de la
C our ?
Ces poursuites forceraient les appelans à p ayer la
dette d’a u t r u i, sans m oyens de répétition. O n dit la
dette d ’a u tru i, c a r , encore une fo is , les censitaires,
poursuivis par le sieur C a b a n e , ont p a yé régulièrem ent
leur portion des cens.
Ils prouven t par les quittances de cens à eux données
chaque année par les préposés du seigneur, sur un cahier
particulier, savoir,par le sieur C a b a n e , j usques et compris
1 7 8 0 ; p a r l e sieur L a d e n , depuis 1780 jusqu’à 178 6;
et enfin par le sieur Coudert , pour les années posté
rieures.
Ainsi ce n ’est que par la force de la solidarité et de
la pagésie que le sieur Cabane veut faire p a ye r a u x
D a u b in , M ou rgu ye et B areyrie ce q u ’ils 11e doivent pas»
6
�( 22 )
Mais une loi du 20 août 1792 a supprim é la soli
darité; c ’est donc pour l ’éluder qu’il veu t se prévaloir
de sentences qui com prennent le cens de tout un
ténement.
Si la solidarité existait encore , l ’action serait re
poussée par l’exception cedendarum a ction um . L e sieur
C aban e ne pourrait se faire p a y e r , q u ’en subrogeant
à ses actio n s, pour être remboursé du co - débiteur
solidaire. ( C o d e civil, art. 2037.)
O r , co m m en t pourrait - il subroger à une action
é te in te ? com m en t serait-il en état de justifier ce que
doivent les co-débiteurs ? com m ent et par quelle vo ie
les forcerait-on de p ayer une portion de cens inconnue?
Ces difficultés a ch èven t de m ontrer q u ’il est toujours
im prudent d’éluder les l o i s , m êm e les plus sévères.
Chacun en profite dans ce q u ’elles ont d ’avan tageux
pour l u i ; et souvent hors de l à , les taxe d’injustice.
A u reste, il ne s’agit pas de m ontrer que la dem ande
du sieur Cabane causerait aux appelans un tort consi
dérable : il suffit d’avoir prouvé q u ’elle tend à la v io
lation de la lo i, et ce serait s’aveugler vo lo n ta irem en t,
que d hésiter à s’en dire convaincu,
»•
M .e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . e G A R R O N , licencié-avoué.
A RIOM , de l'imprimerie du Palais, chez J.-C. SALLES.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daubin, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
pagésie
cens
contentieux post-révolutionnaires
droits féodaux
ferme
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Joseph Daubin, Pierre Mourguye et Gabrielle Bareyrie, femme Baptistal, cultivateurs, habitant au village de Moncel, commune de Sainte-Eulalie, appelans et défendeurs en péremption; Contre Le sieur André Cabane, se disant ancien fermier de la terre de Saint-Chamant, intimé et demandeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1764-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0625
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0420
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53885/BCU_Factums_M0625.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainet-Eulalie (15186)
Montcel (63235)
Rights
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Domaine public
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contentieux post-révolutionnaires
droits féodaux
ferme
Pagésie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53870/BCU_Factums_M0610.pdf
31894240645d041af2ef8195d72e0c13
PDF Text
Text
COUR
IMPERIALE
MÉ M O I R E
DE RIOM.
EN R ÉPO NS E,
cha m b r e s
RÉ U N I E S .
POUR.
Les frères D E S T A I N G , appelans ;
CONTRE
A n n e soi-d isant
D e s ta in g
NAZO,
et tutrice de
se disant V E U V E du général
M a rie ,
s a f i l l e , intimée.
V o u le z - v o u s a v o ir id é e des m œ u rs des G r e c s ? Ils fo r m e n t
u n e u n io n q u ’ils n o m m e n t m a r i a g e d e c a p i n . Ils c o n v ie n
n e n t a v e c u n e fe m m e de v iv r e a v e c elle tan t q u ’il le u r p la ira ;
ils se p ré se n te n t au ju g e et à l ’é v ê q u e , p o u r o b te n ir la p e r
m issio n de l ’ u n , et la b é n é d ic tio n de l ’a u tre . L e s
lois et la
r e lig io n s’ a c c o rd e n t à a u to rise r ce d é rè g le m e n t.
Voyage en Grèce , 1794 1795, lett. 35. Scrofani,
Sicilien , traduit de l ’italien par B lanvillain ,
Paris, 1801.
Q
u e l l e est donc cette fem m e qui s’obstine
du général D estaing, prétend avoir
reçu
à
se dire veuve
c e nom avec solennité
sur les rives du N i l, soutient être née dans une condition d is
et veut soulager ce u x qu’elle appelle ses beaux-fréres ,
du p oid s d'u n e m ésalliance ?
Jusqu’ici elle s’étoit annoncée com m e fille de J o a n n y N a z o ,
commandant d’un bataillon grec. A u jo u rd ’h u i elle est obligée
de convenir qu’elle n’e st point fille de N azo ; elle avoue qu elle
tin g u ée,
A
X
�(
2
)
a usurpé c e n o m , qu’ elle est née d ’un premier mariage de S ophie
M jscii , d ’une m ère qui a encore d e u x m aris vivans et un de
mort. Et c e n ’est point à sa bonne foi qu’on doit c e t aveu ; les
fem m es grecques ont l’habitude de feindre et de dissimuler.
Mais elle a eu la maladresse d’assigner pour témoin un certain
B a r t h é le m i S e r a . Cet individu est un des maris de Sophie Misch.
Il raconte avec ingénuité qu’il a épousé cette Sophie, alors veuve
de J oseph T rtsoglow , Arménien de nation, bijoutier de son
m étier, et catholique rom ain de religion. Anne étoit née lors
du mariage de S è ra. Il y a vingt-quatre ans que S e r a a quitté
sa Sophie; i l la q u itta , e t Joanny N a zo Vépousa. C ’est avec
cette légèreté que S e r a parle de la dissolution de son mariage.
C ’est une union de capin : en voici un exemple dans la famille
à' A n n e ; et c ’est cette a llia n ce distin g u ée, c e m ariage p o litiq u e ,
cet honneur insigne dont on veut accabler les héritiers Destaing.
Q uoi ! lorsque les héritiers Destaing font leurs efforts pour
repousser de leur famille une étrangère audacieuse, méconnue
de celui qu’elle appelle son é p o u x , qui l’avilit aux ye u x de son
p è re , traite sa liaison d 'arrangem ent o r ie n ta l , A n n e ose crier
à la ca lo m n ie! une Egyptienne parle le langage des m œ urs,
vante les vertus d o m estiqu es, ces vertus paisibles et pures ,
bannies de ces parages lointains , où régnent impunément la
dépravation et la lic e n c e , où la dissolution est à son comble !
Anne s’agite en tout sens pour parvenir à son b u t, et faire
croire qu’elle a été élevée au rang d’épouse légitime d’un général
français.
Elle a su profiter avec art de tous les m ouvem ens, de toutes
les circonstances. L ’armée d’ Orient a été divisée dans ses projets,
dans ses moyens d’exécution : ces discussions ont été portées à
un tel degré d’exaspération , que le général Destaing en a été
l’une des victimes.
C ’est aux ennemis connus et déclares du général qu’elle a eu
l’adresse de r e c o u r ir , pour obtenir des déclarations conformes
à ses projets; mais le mensonge, les contradictions, les incon-
/
�)
( 3
séquences de ses témoins sont à un tel degré d’é v id e n c e , que
les enquêtes deviennent l’arme la plus puissante dans les mains
des héritiers Destaing , pour repousser les prétentions d une
femme obscure, am bitieuse, à qui il ne restera bientôt que le
repentir et les regrets. Et qu’Anne ne ch erch e pas à faire valoir
le sentim ent, en invoquant les noms sacrés d’épouse et de mère!
Si le général Destaing l’avoit élevée jusqu’à l u i , pourquoi
auroit-il pris une marche opposée à celle usitée par les Français
qui ont contracté des mariages en Egypte? comment l’acte de
mariage n’auroit-il pas été transcrit sur les registres des com
missaires des guerres ? C ’est ainsi qu’en ont usé les généraux
L a n t i n , D elzons et B onne -C ar iiè r e , conformément aux ordres
du général français.
L e général Menou lui-méme, dont le mariage avoit été célébré
antérieurement à ces ordres qui ne remontent qu’à l’an 8, s’ est
empressé de faire transcrire l’acte de son mariage sur les registres
de l’état civil du C aire. Enfin , il n’y a pas eu un seul mariage
légitime qui n’ait été suivi de cette formalité ; et par quelle
fatalité celui du général Destaing seroit-il le seul e x c e p t é ? _____
A n n e voudra-t-elle prétendre que les troubles de l’Egypte
n’ont pas permis de suivre toutes les formalités prescrites pour
assurer l’état des personnes ; mais pendant la cohabitation d’ANNE
avec le général Destaing, l’Egypte étoit dans un état de tran
quillité parfaite , et les troubles n’ont com m encé que lors du
débarquement des Anglais, bien postérieur à son prétendu m a
riage.
T o u t est invraisemblable dans le récit d’ANNE ; c e sont les
aventures d’une héroïne de ro m a n , où on fait figurer les tem
pêtes , les naufrages , les corsaires , et tout ce qui tient du
merveilleux.
Mais un arrêt de la C o u r , du 11 juin 1808, l’a admise à
prouver la légitimité de son mariage. La C o u r , en confirmant
le jugement de Mauriac, du i août 1807, e t réduisant l inter
locutoire , ordonne qu’ ANxn fera preuve devant les premiers
3
A
2
�( 4 )
juges, que depuis que le général Destair.g fut appelé au Caire,
et pendaht q u ’il y étoit en activité de service, elle a été mariée
avec lui publiquem ent e t so len n ellem en t, par le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rite g r e c , e t les fo rm es e t usages
observés dans le pays.
Elle est autorisée à faire entendre les parens tant d’elle que
du général Destaing , ainsi que toutes les personnes qui ont
déjà donné des attestations par forme d’acte de notoriété , à
Marseille et à Paris, ou des certificats sur les faits dont il s’agit
dans la c a u s e , s a u f tous autres reproches de droite et sa u f aux
héritiers Destaing la preuve contraire.
En exécution de cet arrêt, et par suite de commissions rogatoires du tribunal de M auriac, il a été procédé à des enquêtes,
à Paris, à Marseille, et les héritiers Destaing ont fait une en
quête contraire, à Mauriac et Aurillac. Il faut nécessairement
se livrer à l’examen de ces enquêtes , entrer dans une discus
sion qui va devenir fastidieuse. Les héritiers Destaing feront
en sorte d’ëtre rapides dans ces d étails, pour ne pas lasser
l’attention.
O n commence~par l’enquête de Paris.
L e premier témoin est le général Lagrange. Il fut reproché
par les héritiers Destaing , sur le fondement qu’il étoit d’un
parti opposé au général leur frère. Le général Lagrange étoit un
des signataires de la capitulation d ’Alexandrie , que le général
Destaing avoit refusé de signer ; il avoit même fait consigner
son refus dans le procès verbal du conseil de guerre ; et cette
divergence d’opinion avoit excité des haines et des inimitiés
particulières entre les opposans. Le juge-commissaire ne crut
pas devoir consigner ce reproche, qui n’étoit pas prévu par le
Code. La Cour l’appréciera dans sa sagesse.
C e témoin déclare qu’il étoit lié d ’amitié avec le général
Destaing ; qu’il vint lui dire qu il avoit le projet de se marier
en Egypte. L ’amitié lui suggéra des observations pour s’opposer
à ce dessein. Il c r o it , sans pouvoir l ’affirm er, que le général
�(
5
)
s'autorisent de l’exemple du général en c h e f, et de leur séjour
futur en Egypte. Quelcjue temps après , le général Destaing
l’invita à assister à la cérémonie de son m a ria g e , cjui eut lieu
dans une église grecque. L e témoin avoit promis d’y assister ;
i l en f u t em pêché par les occupations qui lui survinrent, et à
cause de l’heure , qui n’étoit pas com m ode pour lui ; parce
qu’il croit que le mariage fut célébré le soir.
La première conversation au sujet du mariage eut lieu dans
ses bureaux, en présence de ses aides de camp et de son secré
taire. Les représentations qu’il fit pour le détourner de ce
projet, donnèrent lieu à une discussion animée. L e lendem ain
du jour indiqué pour le mariage , il fut invité au repas de
noces. L à , il vit le commandant d’un bataillon grec , N a z o ,
qu’il crut être le père d’ANNE, laquelle lui fut présentée com m e
l’épouse du général Destaing. A nn e étoit présente lors de sa
déposition ; i l croit la reconnoitre. Il a vu depuis le général
D e s ta in g , tant en Egypte qu’en France ; il l’a toujours consi
déré comme marié. P e n d a n t leur séjour au C a ire , il a vu fré
quemment le général Destaing ; mais ce temps n’ a pas été bien
long.
On observe au commissaire Cju’on avoit consigné dans la d é
position du té m o in , que la cérémonie avoit eu lieu dans une
église g r e c q u e , et qu’il ne l’avoit pas ainsi déclaré ; il répond
que le général Destaing lu i avoit d it que la cérémonie devoit
avoir lieu en effet dans une église grecque ; qu’il le crut ainsi
lorsqu’il alla au repas.
On lui demande s’il ne s’étoit pas écoulé un intervalle de
quinze jours entre l’époque de la prétendue cérémonie et
le dîner. Il ne se rappelle pas précisément les d a te s , mais il
croit bien qu’il a été chez le général Destaing le soir m<3ino
de la cérémonie.
O n lui demande encore si le repas en question ne fut pas
donné a occasion du baptême du fils du général Delzons , qui
avoit pour parrain le général Destaing. S a inemoire ne lu i
1
�(
6
)
rappelle p as ces circonstances ; il a mangé à cétte époque plu
sieurs fois ave c le général D e s ta in g , et ce dernier lui dit qu’il
avoît une double féte à cé léb re r, celle de son mariage, et celle
du baptêm e.
Il paroît, sur c e point, que le général Lagrange a manqué
de mémoire : car il sera bientôt établi que la dame Delzons
n’est arrivée au Caire que les derniers jours de nivôse an g.
Elle apprit qu’AwNE avoit été conduite chez le général, à l’entrée
de la nuit, la veille de son a rriv ée; et l’acte de naissance du
fils du général D elzons n’est que du 10 pluviôse an 9. Il n’est
donc pas possible que le général Destaing ait donné une double
féte le jour de son prétendu mariage ; aussi le témoin déclaret-il bientôt a p r è s , q u ’il ne croit pas avoir vu le patriarche
d ’Alexandrie, ni le soir de la cérém onie, ni le jour du repas.
Sur une dernière interpellation qui lui est faite, de déclarer
si le mariage n’étoit point de notoriété publique, il déclare qu’il
ne peut pas répondre de la conviction des autres chefs de l’armée;
mais il en avoit lui la conviction intim e, et il mentiroit à sa
conscience s’il disoit le contraire.
C e premier témoin qu’on a interrogé dans tous les sens, ne
parle que p a r ou ï-d ire, et 11’à pas été présent à la célébration
du mariage : sa déclaration est donc peu im portante, puisque
A n n e doit prouver qu’elle a été mariée publiquement et solen
nellement par le patriarche d’Alexandrie.
L e second tém o in , Henri-Gatin B ertrand , général de division,
n ’a pas de m ém oire; i l ignore si A n n e a été mariée civilement
ou religieusement. Ilpassoit pour constant, à ce q u ’i l croit, que
le général Destaing étoit marié : le général a donné à ce sujet
un repas auquel i l croit avoir assisté; mais il ne peut rien af
firmer , ni sur le fait du re p a s, ni sur le fait de sa présence à
c e repas. Il Iie reconnolt pas A n n e ; il a bien vu au Caire une
dame q u ’on appeloit madame D estaing, mais ¡j ne pouvoit reconnoltre la dame ici présente pour la même femme. Il est
probable que le général lui a dit qu’il étoit marié , mais i l ne
�( 7
)
se le rappelle p a s. Sa mémoire ne lui fournit rien sur la nais
sance du fils du général Delzons ; et lorsqu’on lui demande si
le général Destaing passoit pour être m a r ié , il croit se rap
peler (jue oui. O n sent qu’il n’ y a pas d’observations à faire sur
une semblable déclaration.
Un artiste m usicien, appelé R ig e l, est le troisième témoin.
Il passoit pour constant, suivant lu i , au C a ir e , que le général
D estaing ¿toit m arié; mais il ne sait pas com m ent le mariage
a eu lieu. Il en fit compliment au général Destaing , qui ne lui dit
n i ou i n i n o n , mais seulement le remercia. Il fut invité quinze
jours après à un repas qu’il présumoit être un repas de noces.
Il n’a pas entendu dire que le mariage ait été célébré dans une
église grecque ; il n Ta jamais vu A n n e . Il rapporte la date du
mariage à deux ans environ après l’arrivée de l’armée française.
Ü iL«L.P.?\nt entendu parler du fils Delzons. L e patriarche
d’Alexandrie n’étoit point $u repas en q u e s t i o n , ___
L a seule réflexion q u ’on se p e rm e ttra sur cette d é c la ra tio n ,
c ’est q u ’elle est c o n tra d ic to ire avec celle d u général L agrange. Ce
d e rn ier plaçoit l’ép o q u e d u repas le soir mame d e la c é ré m o n ie ,
et celui-ci dit q u e le repas n’a eu lieu que quinze jo u rs après.
Il n’a point vu au repas la mariée ; le général Lagrange dit c e
pendant qu’elle lui fut présentée : mais jusqu’ici personne n ’a
assisté à la cérémonie.
Le
quatrième témoin, le sieur Jacotin, colonel des ingénieurs-
géographes, ne sait encore rien que par ouï-dire. Il étoit blessé
alors et ne sortoit pas. Il ne connoissoit pas particulièrement
le général D esta in g ; mais son mariage passoit pour avoir eu
lieu devant le patriarche d’Alexandrie. Il n ’avoit su c e fait que
com m e nouvelle. On lui avoit dit que le .général Menou et
plusieurs autres avoient assisté à la fé te , sans qu’il puisse spé
cifier si c ’est au mariage ou à la cérémonie. 11 croit pouvoir
placer l’époque du mariage à deux mois environ avant la
bataille d A le x a n d rie , c e q u i répondroit à nivAse an g , sans
pouvoir en d é term in e r p ré c isé m e n t l’époque. Il a vu là dame
�C 8 )
W
Nazo à Paris une fois ou d e u x , mais il ne l’a pas vue au Caire.
L e sieur B ea u d e u f, cinquième té m o in , lié particulièrement
avec A n n e , a cependant déclaré qu’il n ’avoit été témoin d’au
cuns faits. Mais le mariage étoit public ; tous les chefs com m e
tous les prêtres grecs avoient assisté au repas. A l’entendre,
tout le monde y é t o it , excepté lui ; car il n’y a pas assisté.
L e général Destaing ne lui a pas même parlé de son m ariage;
mais il a vu sa femme dans la citadelle du Caire , et il la reconnoît très-bien à Paris. O n lui demande si on auroit admis
toute sorte de femmes dans la citadelle ; il répond que celles qui
y étoient, étoient reconnues pour femmes légitimes. A la vérité
il y avoit quelques viva n d ières, mais très-peu , à raison du petit
détachement qui y étoit. Il porte la date du mariage au c o m
m encem ent de l’an 9. Il a toujours regardé A n n e comme fdle
d’un sieur N a z o , G re c d’origine, fermier général des liqueurs
for t e s , commandant d ’u n bataillon (*rec ; mais il ne sait pas si
A n n e est sa fille adoptive, ou si elle est née de son mariage.
Jl n’a aucune connoissance de l’époque de la cohabitation de
Nazo avec Sophie Misch , mère d’Anne. Les mœurs de l’Egypte
ne permettent pas de connoitre ces d étails, attendu le peu de
com m unication des femmes avec la société.
On ne voit rien de remarquable dans cette déposition , si
on excepte la circonstance qu’on ne recevoit à la citadelle que
des femmes légitimement mariées. Mais ce témoin a menti à
sa conscience , parce qu’en e ffet dans la citadelle il falloit
principalement y recevoir toutes les femmes qui avoient eu
quelques liaisons avec des Français; et il le falloit bien ainsi, car
autrem ent toutes c e lles qui avoient connu des Français auroient
été exposées à j i n e m ort certaine de la part des i W c s .
L e sixième tém oin, liartnelemi V id a i, a déposé qu’il n’étoit
pas au Caire à l’époque du m a ria g e , mais que tout le monde
lui a dit que le général Destaing étoit marié. Il a su de ses
y
deux aides de camp que le général Destaing avoit fait un ma
riage légitime ; à H i a JtTïïlais ouï dire, ni aux. aides de c a m p ,
ni
�(
9
)
ni à personne , rien qui piit faire élever le moindre doute sur
la légitimité du mariage. Il prétend m ême que ce dernier avoit
invité à diner, pour faire connoissance avec sa fem m e; mais il
ignore par qui le mariage a été célébré. Il ne peut même se
rappeler positivement l ’époque ; il faudroit pour cela qu’il fit
1
quelques rech erch es; il croit cependant que c ’étoit au com
m encement de l’an g.
T o ute indifférente qu’est cette déposition , on doit remarquer
cependant que le témoin en impose évidemment lorsqu’il pré
tend que le général vouloit lui faire faire connoissance avec sa
femme. On voit par la déclaration précédente, et on verra bientôt
par des dépositions subséquentes , que cette assertion est ab
solument contraire aux mœurs d’E g y p te , et que les femmes
n ’ont jamais aucune communication avec les hommes.
D o m Raphaël de Monachis est le septième témoin ; il a été
reproché com m e signataire d’un certificat donné à Paris , devant
le juge de paix, le 29 mars 1806. Et ce reproche est fondé sur
la disposition de l’art.
du Code de procédure, §. 2. C e témoin
est professeur de langues orientales ; il déclare qu'il étoit au
Caire à l’époque du mariage i il n’en a pas été témoin oculaire,
83
mais il a ouï dire à Antoine D o u b a n é , actuellement négociant
à T rie ste , qu’il avoit été témoin de ce m ariage, qui avoit été
célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans l'ég lise de sa in t
G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Il a ouï dire la m ême chose à trois,
quatre , dix , trente personnes ; il a ouï dire également que
ce n’a été qu’a v e c _peine que le sieur Nazo avoit déterminé le
patriarche à c onsentir au mariage ; que cette répugnance étoit
fondée sur la différence de religion , et sur ce que le général
Destaing étoit Franc , c ’est-à-dire, Européen et militaire, parce
que c ’étoit un grand déshonneur de donner sa fille à un militaire,
et plus particulièrement à un Européen. luette répugnâlîcen’existoit cependant pas chez les catholiques romains; plusieurs m i
litaires a y o ie n t, quoique mariés en F ra n c e , pris des iemmes
B
�( IO )
en Egypte , et les avoient quittées après q u in z e , v i n g t , ou trente
jours.
On lui demande si ces mariages étoient faits à l’église ; il répond
que o u i, mais qu’ils ne ressembloient pas au mariage de la dame
Interrogé pourquoi cette différence entre les mariages,
dit que premièrement le général Destaing n ’étoit pas marié
en France , com m e certains autres militaires ; 2°. que le général
Destaing n’étoit pas un homme in con n u , comme un petit sergent,
ou un petit capitaine ; que le général M enou s’ëtoit rendu garant
du général Destaing auprès du père de la dame N a z o , et qu’il
TET avoit dit : JN’ayez p eu r, le g én éra l n'abandonnera pas votre
f ille . L e témoin soutient qu’on ne connoissoit pas, en E gypte,
Destaing.
il
les mariages à temps ; il a tte s te , comme naturel d’E g y p t e , et
comme curé catholique romain , que jamais ces mariages n’avoient e x is té ; qu’il en faisoit le serinent par-devant D i e u , et
qu'il le prouveroit par sa téte. N on d a tur divortium in ecclesiâ!
s’écrie-t-il ; la dame Nazo a été mariée ju x ta usum ecclesiœ; et
si le père N azo avoit cru donner sa fille à temps , il ne l’eût pas
donnée. Les femmes qui s’étoient mariées à plusieurs militaires
n’avoient point obtenu la permission d ’aucuns prêtres. I l fait
concorder le mariage avec le commandement du général Menou.
On voudroit obtenir quelques renseignemens de lui sur l’origine
de la dame Nazo : H oc non p ertin et a d nostram causam , r é
pond-il. On insiste pour avoir des détails ; alors il déclare que le
père de la dame Nazo étoit A rm é n ien , catholique rom ain, bijou
tier, et que Nazo n’étoit pas son père, mais son beau-père. On
lui demande s’ir n’y avoir •paîT ïi ri "autre beau-père, qui étoit Barthélem i, Génois de nation, et si
n’étoit pas là le véritable
beau-père d’A n n e ; il difqiT après la mort du père d'A n n e , sa
ce
v e u v e a épousé ce B arthélem i, qu’ils se sont quittés quelque
temps après, et qu’eHe s’eS lrem ariée avec Nazo.
Sur l’interpellation qui lui est faite s’il est sûr que Barthélemi
a épousé la mère d ’ANNE, s il est vrai qu ensuite elle s’est mariée
�a vec N a z o , il répond qu’il ne connolt ces faits que par ouï dire.
Il dit encore que les simples prêtres célèbrent les mariages de
condition ordinaire, et le patriarche celui des personnes distin
guées ; mais qu’à raison de l’esclavage causé par l’empire des
T u r c s , il n’y a que trois églises grecques, et que le patriarche
p e u t , en p la ça n t son a u tel clans une m aison , la rendre son
église. Il prétend que les prêtres grecs ne tiennent pas de registres,
parce qu’ils ont peu d’instruction et peu de liberté.
On observe au témoin que cette assertion est contraire à c e
qu’il avoit déjà dit. Il avoit déclaré en commençant qu’il existoit
des registres pour les naissances et les m ariages, et maintenant
il semble être en contradiction ; il répond giors que les prêtres ne
rédigeoientpoint de contrats, mais tênoient de simples mjémoires.
Cette déposition’’mérite cTëtre attentivement exam inée ; elle
ne s’accorde pas avec l’acte de notoriété que Te térnoîn à signé,
et où il disoit q u ’il avoit assisté au mariage. Maintenant il l’a
seulement entendu dire , à la vérité , par beaucoup de monde ;
m ais les tren te personnes au m oins q u i lui en ont p a rlé , lui ont
attesté q u e c e m ariage avoit été céléb ré par le p atria rc h e , dans
l’église de sa in t G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Voilà une particu
larité remarquable. L e local est spécialement d ésign é, et on ne
se trompe pas ordinairement sur cette désignation : le V ie u x Caire est séparé du Grand-Caire par une branche du N il; et on
verra bientôt que les témoins de Marseille ont prétendu que ce
mariage avoit été célébré dans l’église d e sa in t N ico la s du
Grand-Caire.
D ’ un autre c ô t é , c e témoin apprend qu'A n n e N azo est née
d’un père catholique romain. Elle a dit elle-méme qu’elle professoit cette religion ; c ’étoit aussi celle du général Destaing : il
est dès-lors impossible que le patriarche grec ait marié des cath o
liques romains; c e seroit contraire à tous les principes des scmsmatiques grecs , dont l’aversion est connue pour tout c e qui tient
au rite romain. Cependant le témoin, qui est lui-même prêtre
catholique, ne dit pas un mot sur cette différence de religion;
B 2
�( 12 )
et s’il déclare que le patriarche grec s’étoit déterminé avec peine
à faire ce m aria g e , ce n ’est pas à raison de la différence de la
religion , mais seulement parce que le général étoit Européen et
m ilita ire , et que les filles ne p o u v o ie n t, sans une espèce de
déshonneur , épouser des Européens et des militaires. Cette
espèce de honte ou de préjugé qui rejaillissoit sur les filles ,
n ’avoit d ’autre origine que l’inconstance ou l’abandon des per
sonnes de cette profession; et le bon Monachis, sans s’en aper
c e v o ir, nous atteste qu’il se faisoit des mariages à temps, qu’ils
étoient m ême fort communs. Il n’avoit pas besoin de nous dire ,
car nous savons t o u s , que l’église romaine n’admet point de
d iv o rce ; et n e ^ s g m j^ c e pas une raison pour que le général
D estaing eût v oulu s’adresser «à un prêtre grec? Il trouvoit dans”
la famille d’Anne des exemples qui pouvoient l’autoriser : aussi
est-ce avec bien de la 'p e in e que le témoin s’explique sur les
hauts faits de Sophie Misch ; il faut qu’il y soit contraint par
l’autorité; jusque-là il s’étoit renfermé à dire : H oc non pertinct
a d nostram causant.
On aura occasion de revenir sur cette déclaration très-impor
tante et très-remarquable.
L e huitième tém oin, Joannes C h e p te c h i, prêtre cophte, c a
tholique romain , dépose avoir ou ï dira par le public que le
général Destaing avoit été marié par le patriarche g r e c , solen
nellem ent, avec la fdle de la femme de Jean Nazo. Il dit qu’elle
s’appelle Marie : mais sur l’observation que lui fait A nnk ellem êm e , que Marie n’étoit pas son nom , il ne s’ en est pas rap
p e l é , quoiqu’il la connoisse depuis l’âge de trois ans; d’ailleurs
il n’étoit appelé que pour déposer de son mariage. Il atteste que
les père et mère d’Anne étoien t catholiques romains. Il sait
q u ’après la mort de £on_preimer j n a r i S o p h i e Misch épousa
Barthélem i, L a tin ; mais pour épouser Nazo elle se fit schismatique g rec q u e , et le patriarche déclara son second mariage in
valide. Nazo fut si content, qu il dépensa cinquante mille écus
pour son mariage. D ’ailleurs, ajoute-t-il, la liberté des mariages
�J3
(
)
existe en Egypte : les prêtres catholiques n’ont pas la liberté de
p a r le r , mais ils n’approuvent pas pour cela les mariages c o n
tractés par ceux qui quittent leur religion. Il n’a pas entendu
dire que l’on pouvoit divorcer et contracter de nouveaux mariages
dans la m ême religion, mais seulement qu’on pouvoit, à cause
de la liberté civile des cultes , quitter la religion latine pour
embrasser la religion schismatique grecque ; et que le mariage
contracté par une femme latine avec un homme de sa religion,
étant déclaré nul par les G r e c s , cette dernière pouvoit, en em
brassant la religion g recq u e , faire déclarer nul son mariage avec
un la tin , et en contracter un second. Il atteste cependant que
les prêtres grecs com m e les prêtres cophtes étoient dans l’ usage
de ten ir des registres des m ariages.
Cette dernière déclaration ne convient pas à A n n e ; son avoué
prétend qu’il n’est pas bien informé des usages, q u ’il est étranger
au rite grec , et que dès-lors il ne peut savoir si en effet ces
prêtres tenoient des registres. L e témoin répond qu’il parle avec
peine la langue française ; q u ’on ne d onnoit pas en E gypte le
nom de registre a u x notes que ten o ient les prêtres ; mais que
ces notes contenoient la date des mariages et les noms des
parties, et que dans aucune religion ces notes n’étoient signées
des parties.
O n lui demande s’il n’étoit pas d’usage, dans les mariages
r é e l s , de promener solennellement la dot et les époux sous un
dais. Il prétend que cela n’est usité que pour les T u rc s ; que
les autres religions n’ont la liberté de le faire que par la per
mission du souverain.
Cette déposition est essentielle sur un p o in t, malgré les in
terrogations captieuses J ’Anke ou de ses conseils. Il est cons
tant , d’après ce té m o in , que les prêtres de toutes les religions
tiennent en Egypte des registres ou des notes sur les mariages.
Comment se l'ait-il qu’on se soit écarté de cet usage pour le
général Destaing seulement ; et par quelle fatalité ce mariage
est-il le seul qui 11’ait point été inscrit, ni sur les
des
notes
�4
( i
)
p rêtres, ni su r les registres des actes civils? D ’ailleurs, sur le
fait p rincip al, ce témoin ne parle encore que par ouï-dire.
L e n e u v iè m e témoin est L u c D u ra n te a u , général de brigade.
Il a été reproché com m e étant l’un des signataires de l’acte de
n o to riété dont A nne a fait usage. A u surplus , il s’est trouvé
dans une réunion à l’occasion du mariage du général Destaing
avec la fille de Joanni Nazo ; mais il n’a point connoissance
de la célébration du mariage par le patriarche d ’Alexandrie ,
seulement il étoit de notoriété qu’Anne étoit mariée. Autant
qu’il se ra p p e lle , le mariage a dû avoir lieu sous le com m an
dement du général Menou. Mais il ne sait préciser, ni l’époque
de la réunion dont il a parlé, ni combien a duré la cohabita
tion ; il ne sait pas m ême si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur des registres tenus a d hoc par les commissaires
des guerres.
L a seule remarque qu’on se permettra sur cette déposition,
c ’est qu’elle est en contradiction avec l’acte de notoriété qu’il
a signé. Suivant ce c e r tific a t, le mariage avoit été célébré en
présence du déclarant, en l’an 8.
Dans sa déposition , il n'a pas connoissance de la célébra
tion du mariage ; il n’a été fait que sous le commandem ent du
général M enou, c ’est-à-dire, en l’an 9. Ainsi la déclaration est
tout autre chose que l’attestation. C e témoin , qui veut tout
ignorer, ne sait pas m êm e si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur les registres des commissaires des guerres.
L e dixième témoin est Joseph Saba , réfugié de Jérusalem ;
il é t o i t , en qualité d’interprète , chez le général Dupas. Ce
dernier fut invité par le général Destaing à assister au m a ria g e ,
et y alla. L e mariage d’un Français avec une femme grecque
parut une chose remarquable. Il entendit répéter qu’il avoit été
célébré par le patriarche g re c , dans l’église de sa int N ic o la s,
au G r a n d - Caire. Mais il n a pas été témoin personnellement
de la cérém onie; et voilà une nouvelle version. Suivant le sep*
tième té m o in , qui a dit tant de c h o s e s , le mariage avoit été
�5
( ï
)
célébré dans l’église de saint G eo rg e s, au V ie u x -C a ire . Celui*
c i veut que ce soit dans l’église de saint N ic o la s , au Grand*
Caire. Au surplus, il a procuré à madame Destaing une maison
propre dans la citad elle, lorsque le général partit pour Alexan
drie. Il sait encore que le père d’Anne Nazo est mort. Mais
quand une veu ve ayant des petits enfans se remarie, les enfans
donnent le nom de pére au nouveau mari. Il connoit Barthélem i ; mais il ignore si ce Barthélemi est le mari de la mère d’Anne
Nazo. Il n’est pas Egyptien, il est de Jérusalem, et n’a pu savoir
ces détails. L e mariage d’Anne Nazo avec le général Destaing doit
remonter à huit ans , tout au plus , sans qu’il puisse dire pré
cisément l’ année.
C e témoin , q u i n e parle encore q u e par ouï-dire, prétend
que le général D upas a assisté au mariage ; et le général a luiinéme a tte s té , dans un certificat de notoriété qu’il a délivré à
A n n e , qu’il n’a eu connoissance de ce mariage que par c e que
en o n t d it plusieurs p erso nn es distinguées d ’E gypte. 11 est
d ’ailleurs co n stan t îju’A nn e n ’est pas fille de N azo , q u o iq u ’elle
ait toujours p ré te n d u l’é tre ; et il n e faut pas aller en E g yp te
lui
pour savoir que les enfans d’un premier lit donnent quelquefois
le nom de père â un second ou troisième mari de leur mère ;
c ’est aussi l’usage en France. Mais c e qui n’est pas vra i, c ’est
que le second, mari donne son nom aux enfans d’un premier lit ;
et A n n e seroit bien embarrassée s’il falloit appuyer cette asser
tion de quelque autorité.
,
L e onzième témoin est un sieur D a u r e , commissaire-ordon
nateur. C e témoin a été reproché , comme signataire de l’acte
de notoriété, fait à Paris devant le juge de paix, le 29 mars
1806; il étoit d’ailleurs l’ennemi personnel du sieur D e s ta in g ,
et il en convient dans la suite de sa déclaration. I l ne sa it
p oint si le général Destaing s’ est marié à l’église ou devant le
cgmmissaire des guerres, mais il fut invité au repas et au bal
donnes à cette occasion. Il n’assista pas au repas ; il se rendit
au bal avec d autres généraux q u ’il nomme. Il étoit alors très-i
�C ^ )
lié avec le général; il s’est ensuite un peu brouillé avec l u i ,
par suite des discussions qui ont eu lieu à l’armée. Il ignore le
nom de la femme que le général Destaing épousoit ; mais ses
fonctions le mettoient dans le cas d ’avoir quelques rapports avec
les parens. L e général Destaing l’a présenté à son épouse- Il
le considéroit comme marié légitimement. Il ne se rappelle pas
la date du mariage, mais il se trouvoit ch ez le général Destaing
deux mois environ avant la descente des Anglais. Il convient
que les commissaires des guerres tenoient des registres pour
inscrire les mariages ; mais il renvoie à l’ordonnateur Sartelon
pour donner sur c e point d’autres renseignemens. Il ajoute que
la cohabitation entre le général D estaing et A n n e avoit pu durer
environ trois mois.
Cette déclaration, qui est en contradiction avec l’acte de no
toriété , ne présente rien de saillant sur le fait. L e témoin ne
raisonne que par ouï-dire ; et jusqu’ici on n’a aucune donnée
pour prouver que ce mariage a été célébré par le patriarche
d ’Alexandrie.
L e douzième témoin est encore un réfugié d’E gypte, Gabriël
T a c k , natif du Caire. Il n’a point assisté personnellement au
mariage du général Destaing ; mais étant interprète du général
Lamusse , ce dernier lui avoit dit : G abriël, vous n’étes donc
pas venu à la noce avec nous? et lui avoit ajouté que le général
D estaing avoit épousé la fille de N a z o ; que le mariage avoit été
célébré par le patriarche g r e c , qui avoit donné la bénédiction.
L ’interprète du général Destaing lui a dit que ce m ariage avoit
été célébré par le patriarche. Cet interprète du général D e s
taing étoit lu i-m ê m e présent à la cérémonie. C e mariage a fait
beaucoup de bruit dans le quartier des chrétiens ; il a eu lieu
dans l’église de saint N ic o la s , au C a ir e , et dans un temps
voisin de arrivée des Anglais. Il a ouï parler de Barthélemi,
1
second mari de Sophie M isch , mais il n a jamais vu cette der
n ière; il avoit m êm e un domicile séparé. Il a vu Nazo dem eu
rant avec la mère U’A n n e , ici présente.
Il
�( 17 )
Il ne sait pas si la mère est d’origine grecque c n p h te , il sait
seulement que le patriarche ne maricroiù pas une fe m m e q u i
ne seroit pas G recque. O n lui observe que le général Destaing
n’étoit pas lui-méme Grec ; il répond que cela n’empècholt pas
le patriarche de donner la bénédiction , parce que la femme
étoit G recque , et que le mari étant Latin et la fennne G recque,
celui-ci avoit le droit d’emmener la fem m e à son église , ce
qui n’avoit cependant lieu qu’autant qu’il le vouloit. On lui
demande quelque explication sur les cérémonies des Grecs pour
les mariages. T o u t cela , suivant l u i , consistoit à aller à l’é g lis e ,
et chez les Latins on écrivoit les mariages sur des registres ;
il le sait parce que lui étant L a t i n , il a été marié dans une
église catholique ; mais il ignore si cela avoit lieu ch ez les
Grecs. Il ignore encore s’il étoit d’ usage de promener la dot et
les époux sous un dais. Et enfin il dit que l’interprète du général
Destaing s’appeloit Massara. Ce témoin, com m e on voit, ne parle
encore que par ouï-dire, et n’a fait qu’une déclaration remar
quable , c ’est que le patriarche grec n ’auroit pas donné sa bé
nédiction à une fem rjie q u i n ’etoit pas Grecque. On a vu plus
haut qu’ANNE et son père étoient catholiques romains. L e géné
ral Destaing étoit de la m êm e religion, par conséquent le pa
triarche grec n ’a pu être le ministre du mariage.
L e treizième, le sieur E stève, trésorier général de la couron ne,
est un des signataires de l’acte de notoriété dont A nnb a fait
usage ; il a été reproché à raison de ce. D ’ailleurs il n’a point
été témoin de la cérémonie du mariage; il l’a appris com m e
une nouvelle de l’armée et du Caire. L e général le lui a éga
lement annoncé. Il a ouï dire que le mariage avoit été célébré
selon le rite grec , q u ’il y avoit eu un repas de noces au qu el
il n’avoit pas assisté. Mais quelques jo u rs après il fut invité chez
le général Destaing avec sept ou huit autres Français. L e général
en dînant annonça son mariage. L e témoin l’en félicita et em
brassa. Il n’a cependant pas vu la fem m e du général : en Egypte
les fem m es ne m angent p o in t avec les hommes. Le mariage a eu
1
c
�( x8 )
lieu peu de temps avant l ’arrivée des Anglais , vers le commen
cem en t de l’ an 9 , autant qu’il peut se le rappeler. Il croit que
la cohabitation n’a pas cessé pendant tout le temps du séjour
du g énéral en Egypte ; il ignore s’ils sont venus en France en
semble. Un ordre du jour avoit ordonné que les commissaires
des guerres tiendroient un registre pour inscrire les mariages
et les naissances; mais il ne sait pas si ces commissaires les
tenoient; il croit qu’en général ils ne sc sont pas conformés à
l’ordre. Le général Menou avoit donné un ordre pareil ; mais
c e t ordre ne regardoit que les musulmans. Il n’est pas à sa
connoissance que le général Menou ait fait inscrire son mariage;
il sait seulement qu’il a fait inscrire la naissance de son fils ,
et que les généraux ne l’ont point imité en cela. Enfin il ignore
si le général Destaing s’est fait des ennemis par ses opinions.
Cette déclaration est en contradiction avec l’acte de notoriété.
D ans cet acte le témoin connolt parfaitement nne
, épouse
du général Destaing ; il a assisté à la cérémonie du m ariage,
A
Nazo
qui a eu lieu en présence d ’un grand nombre de Français ; il
atteste également que ce mariage a eu lieu en l ’an 8. Dans sa
déposition il n ’a appris le mariage que com m e n ouvelle; il n ’a
assisté ni à la cérémonie ni au repas : ce 11’cst que huit à dix
jours après qu’il a diné chez le g én éra l, et il
point vu sa
femme. Le général Menou n ’a donné ordre de tenir un registre
qu’au divan et pour les musulmans. N ’est-ce pas une raison de
penser que toutes les autres sectes tenoient des registres. Il est
d’ailleurs reconnu que le général Menou avoit fait transcrire
l’acte de son mariage contracté en l’an 7 , à R o sette, sur les
registres du commissaire des guerres du Caire.
n’a
L e quatorzième témoin , le sieur Sartelon, commissaire-ordon
n ateur, a été reproché de deux manières, et comme signataire
d ’un acte de notoriété au profit d’A^NE, et comme ayant été
l ’ennemi personnel du général D e s ta in g , par suite de division
à l’occasion de la capitulation du Caire. Il dépose d’ailleurs
qu’entre le i cr. brumaire et le i cr. ventùse an 9 , le général
�D estaing lux
nommé Nazo
Destaing lui
moine invité.
( 19 )
fît part de,«on mariage avec la fille d nn G rec
, commandant en second d’ un bataillon. Le général
parla de ce mariage tant avant qu’après*, il la v o it
Nazo lui fit également part du mariage de sa fille;
il la nomma ainsi, quoique depuis il ait ouï dire qu’ANNE n étoit
pas la fille de N a z o , mais sa belle-fille ; il a assisté au repas de
noces, mais non à l'église. Q uoiqu’il eût été invité à la cérémonie
avec le général Lagrange, à ce q u 'il croit; il pense m êm e , sans
pouvoir l ’a ffirm er, qu’il y a eu des billets de communication
de ce mariage ; que la nouvelle en a été insérée dans la gazette
du Grand-Caire, rédigée par le sieur D esg en ette , médecin de
l’arm ée; q u i l n ’affirm e pas non plus c e dernier fait, mais dans
la société il le diroit sans hésiter; qu’il a vu au repas de noces
la femme du g é n éra l, et il la reconnolt pour la dame présente
aux débats. Lorsque le général Destaing fut blessé dans l’affaire
contre les Anglais , il lui parla de sa fem m e com m e d’une femme
légitime. Il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres de m ariage ; mais cet visage a lieu chez les prêtres
catholiques latins, qui sont beaucoup plus instruits. Il a signé
l’acte de mariage du général B a u d o t, célébré dans une église
latine, à peu près à la même époque. Il croit toutefois im pos
sible que les prêtres grecs ne tiennent pas des notes ; mais ces
notes ne seroient pas des registres civils. Il est à sa connoissance qu’ il n’y a pas en E gypte d’officiers de l’état civil. Il
a vu le général Destaing à P aris, qui lui a dit qu’il attendoit
sa femme. E n fin , d’après la notoriété, le mariage en question
avoit été célébré par le patriarche grec , et suivant le rite grec.
Le
commissaire lui demande d’office s’il n'a pas eu quelques ini
mitiés avec le général Destaing ; il répond négativement. In
terrogé s’il n’a pas tenu quelques propos injurieux h la m ém oire
du général; il ne le croit pas. D ’ailleurs quand son opinion ne
seroit pas lavorable au général, cela ne l’e m p éch ero it pas de
deposer la vérité, et il croyoit honorer la mémoire du général,
en déposant en faveur du sa femme et de sa fille.
r *>
�( 20 )
On lui rappelle qu’il a refusé de communiquer des registres,
et d’y faire des recherches; qu’il s’est même répandu en propos
très-injurieux contre le général. Il prétend n ’avoir rien dit d’in
jurieux, mais il a soutenu qu’aucun ordre du jour n’avoit prescrit
la te n u e des registres; que cet usage s’étoit établi, de faire écrire
les a c te s , soit par les commissaires des guerres, soit par les chefs
des corps; que d’autres s’étoient contentés de se présenter aux
prêtres du pays; qu’enfin les commissaires ne tenoient point de
registres , mais de simples procès verbaux : d’ailleurs les trois
quarts de ses papiers ont été perdus.
On lui demande à quelle église il fut invité pour assister à la
cérém onie; il répond que c ’est probablem ent à l’église grecque;
que d ’ailleurs sa mémoire ne lui rappelle rien autre chose , que
seulement le général D estaing lui a dit que c ’étoit le patriarche
grec qui avoit fait le mariage.
On l’interpelle encore de déclarer si après le mariage de m a
dame B a u d o t, fem m e du général de c e nom , ce dernier ne
présenta pas l’acte latin qui avoit été rédigé et signé des parties
contractantes, à lui Sartelon , pour qu’il en dressât l’acte c iv il,
et assurer l’état des parties.
Il convient, en.effet avoir rédigé cet a c te , non sur un registre,
mais sur une simple feuille, et en forme de procès v e rb a l, après
la célébration religieuse q u ’en avoit faite un prêtre catholique
romain. C e fut le déposant lui-m ém e qui engagea le général
Baudot à faire faire cet acte pour plus grande sûreté : le général
croyoit que la cérémonie religieuse suffisoit. Mais c ’est le seul
acte de mariage que le témoin ait jamais rédigé. C ’est encore
lui déposant qui fit enregistrer la m inute, pour se conformer à
l’ordre du jour de l’arm ée, qui ordonnoit l’enregistrement de
les actes
tous
qui y seroient passés, non-seulement pour les
mariages, mais pour toutes les transactions sociales, cet enre
gistrement étant une imposition indirecte créée tant pour le
pays que pour les Français.
On ne peut pas se méprendre a cette déclaration ; elle porte
�(
21
)
le caractère de la haine contre le général D estaing; elle prouve
un entier dévouement à la cause d’AuNE, que le témoin a mal
adroitement servie, en tombant à chaque pas dans des contra
dictions choquantes. Il avoit été plus positif dans son acte de
notoriété. Dans sa déposition il n’a pas assisté à la cérém onie;
il n’a été qu’au repas de n o c e s , où il a vu Anne ; et le précé
dent témoin nous a dit qu’en E gypte les femmes ne paroissoient
jamais à table avec les hommes. Les prêtres grecs com m e les
latins tenoient des notes des mariages , mais les commissaires
des guerres n ’avoient point de registres civils pour les inscrire;
et cependant il a rédigé celui du général Baudot : c ’est lui qui
l’a provoqué à cette mesure pour plus grande sû re té , qui a fait
enregistrer la m inute, parce qu’ un ordre du jour ordonnoit l’en
registrement de tous les a c t e s , pour les mariages comme pour
toutes les transactions. D ans quelle incertitude ne laisse-t-on pas
les esprits, avec des déclarations aussi incohérentes; et par quelle
fatalité Anne n e tro u v e -t-e lle pas parmi tous c e u x que leurs
fonctions ra p p ro ch o ien t le plus du général D estain g , u n seul
tém oin q ui ait assisté h la p ré te n d u e cérémonie du mariage?
L e quinzième témoin , le sieur M a r c e l, directeur général de
l’imprimerie, encore signataire de l’acte de notoriété, et reproché
en conséquence , dit que dans le com m encem ent de l’an g ,
quelque temps avant la mort du généial K léb er , le général
Destaing épousa la dame Anne Nazo : le témoin la reconnolt
en la voyant assister à l’enquéte. Il y eut à cette époque un
repas auquel furent invités les officiers généraux et les princi
paux chefs de l’administration; que ce repas,’ le plus solennel
qui ait eu lieu alo rs, fut donné comme festin de noces ; que
dans ce repas on disoit que le mariage avoit été célébré par
le patriarche grec d’Alexandrie , résidant au Caire ; et le témoin
a^ entendu dire que la célébration avoit eu lieu à l’églîsë~ttea
Grecs; qu ils ne désignent pas leurs églises sous la dénoihi»àl.iOn
d un s a u tt, mais seulement sous le nom de l’église ; c o m m e ,
par exemple , Yéglise des cophtes. Il connoissoit cette église
�(
22
)
grecque nmir v avoir été rendre visite au patriarche. Il peut se
Fau-ëluï
que les Grecs entr eux d é s ig n e n tc e tte église
sous le nom d’un saint. Il croit se rappeler qu’il y e ut des billets
de ™ rnmurçication imprimés; mais sa mémoire ne lui présente
pas c e fait avec assez de certitude pour pouvoir l’affirmer.
Peu après l’arrivée des F ia n ç a is , un ordre du jour avoit
ordonné qu’il seroit tenu des registres pour constater les
mariages et les naissances; mais cet ordre ne fut exécuté que
dans les derniers te m p s, que le général Menou le renouvela.
Le témoin a perdu trois enfans en Egypte. L ’acte de naissance
et de décès du dernier seulement a été dressé ; pour les autres
enfans, il n’a eu d’autre note de leur naissance que le certificat
surplus
de leur baptême donné par le supérieur des c a p u c in s , prêtre
catholique, qui en tenoit note; mais note incomplète et inexacte.
A la vérité le témoin convient que c e t ordre avoit été donné
par le général Menou. L ’ordre donné pour la tenue des registres
n ’a point été e x é c u té ,
s’imprimoient
à
à
ce qu’il croit, parce que tous les registres
l’imprimerie nationale , qu’il dirigeoit alors, et il
ne se rappelle pas avoir vu le registre en question. Si les G recs
et les cophtes eussent tenu do ces registres, on n’ auroit point
demandé leur déclaration. Lors du diner ce u x qui avoient parlé
de cette cérémonie en av oient é té , à ce q u ’il c ro it, témoins
oculaires ; il ne peut cependant se rappeler c e u x des convives
qui y parloient, quoiqu’aucun d’eux ne lui fût , à ce qu’il
pense, inconnu; il n’a d ’ailleurs jamais entendu élever des doutes
sur l’existence du mariage, que la notoriété publique présentoit
com m e mariage légitime. Il ne se rappelle pas d’ avoir vu le
patriarche d’Alexandrie au diner de noces ; il ne croit pas m ême
q u ’il y fut. Il ignore combien a duré la cohabitation ; il n’a
point connu de mariage h temps en E g y p te , ou du moins le
cas est rare,
et n a
lieu qu entre musulmans, mais point entre
chrétiens.
Encore Incertitude sur cette déposition; il ne sait le .mariage
que par ouï-dire.
�23
(
)
Le seizième témoin, Jacques C lé m e n t, déclare, sur le l'ait
dont il s’agit, qu’en 1801 , six à sept mois avant le départ des
Français , sans pouvoir autrement préciser l’époque , la voix
publique lui apprit le mariage du général Destaing. I l n ’est pas
sûr que ce mariage ait été célébré p a r le patriarche c l'A le x a n
drie; il l’a seulement ouï dire par tout le monde. L e jour même
ou le lendemain du mariage, voyant un grand nombre de per
sonnes réunies, parmi lesquelles se trou voient des officiers gé
néraux , des officiers de tous grades, des T u r c s , des G r e c s , il
apprit que cette réunion avoit pour cause le mariage du géné
ral. Comme il l’avoit beaucoup connu à Rozette et au C a i r e ,
il crut de son devoir d’entrer chez lui et de le féliciter. L e
général l’invita à rester, pour lui servir d’ interprète auprès des
personnes du pays qui pourroient se présenter chez lui pour
le visiter. Il y eut le soir un très-grand repas; mais le patriarche
n’étoit pas au diner : il y avoit cependant un ou deux prêtres
grecs. L ’ usage de dresser les actes de mariage, chez les G re cs,
n ’est pas général. Il n ’existe pas chez les T u r c s ; et les p rêtres
grecs ne font des actes de m ariage que lorsqu’on leur en de
mande. A l’égard des mariages à temps , ils sont extrêm em ent
rares; on en^trouve à peine un exem ple en dix ans. Ils ne
sont "pratiqués que~par Tes T u rc s ou des libertins. Il n’en a, vu
que deux ou trois exemples parmi lès catholiques et les cophtes,
qui ont été excommuniés. Ces mariages avoient été célébrés par
des cheiks turcs. Il croit avoir connu le père d’Anne ; il étoit
Arménien de n a tio n , et bijoutier. Mais il appelle A n n e fille
adoptive de N azo , parce que Nazo avoit épousé sa mère.
Relativement à la pompe extérieure des m a ria g es, on étoit
obligé d’aller à l’église. Chez les T u r c s , et non chez les chrétiens,
on promenoit le trousseau et la fem m e sous un dais ou dans
une voiture.
C e témoin se présente officieusement com m e l’interprète
du général D es ta in g , ce qui est contraire à la déposition de
Gabriel T a c k , douzième témoin, qui a déclaré que interprète
1
�( *4 )
du général Destaing s’appeloit Massara. L ’im deux n ’a donc pas
dit la vérité. Au surplus , cet interprète ne sait encore rien que
par ouï-dire.
L e dix-septième et dernier témoin de l’enquéte de Paris, est
un sieur Dominique-Jean L a r r e y , reproché com m e un des certificateurs de l’acte de notoriété, et com m e ayant manifesté
de grands mécontentemens de c e qu’il prétendoit que ses soins
et ses services , dans la maladie du g én éra l, n’avoient pas été
payés. Il déclare que dans le com m encem ent de l’an 9 , il avoit
reçu un billet d’invitation du général D estaing, son a m i, pour
assister à ses noces ; il s’y r e n d it, et y trouva plusieurs amis
du g é n é ra l, entr’autres les sieurs E stève, Lagrange, et le général
M e n o u , avec lequel il s’entretint de son service. Anne Nazo
y étoit en costume t u r c , et parée de tous ses ornemens. ( Il
est bien extraordinaire que ce soit le premier témoin qui ait
parlé de cette circonstance. ) T o u t le monde y étoit en grande
tenue; il adressa ses félicitations au général, et lui fit ses excuses
de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de l’église, d ’où l’on
sortoit en ce moment. Comm ent savoit-il qu’on en sortoit en ce
moment? Il répond que c ’étoit le bruit général de l’assemblée.
C e mariage avoit été célébré dans l’église du patriarche des Grecs*
mais il ne se rappelle pas du nom de l’église. Il a vu le général
après la descente des Anglais ; il s’est trouvé avec lui au siège
d’Alexandrie, et depuis à Paris. Le général lui a parlé plusieurs'
fois de sa fe m m e , et s’occupoit de la faire revenir en France
( elle y étoit avant lui ). Il 11e se rappelle pas de la teneur du
billet d invitation ; il c r o i t , sans pouvoir le dire au ju s t e , que
les mots noces et cérémonies s’y trouvoient. Il a assisté aux fé
licitations des personnes qui se trouvoient à l’assemblée; il étoit
au re p a s, et A n n e s’y trouvoit également. Il se retira avant le
b a l , à cause de ses occupations qui l’avoient également em péché
d’assister à la cérémonie nuptiale. Ce mariage étoit de notoriété ,
et 011 disoit qu’il n’y avoit que le général Menou et le général
Destaing qui voulussent conserver la c o lo n ie , parce qu’ils avoient
épou sé
�(
25
)
épousé des femmes égyptiennes. Il a pansé Joannÿ Nazo d’une
plaie q u ’il avoit à la jambe , et l’a vu plusieurs fois chez le général
D esta in g , où il étoit reçu avec les égards dûs à sa profession.
Il dit que l’église des Grecs étoit située dans la ville du Caire.
Il n’a point connoissance des mariages à temps ; mais lorsqu’on
vouloit acheter une esclave ou une autre femme , cela ce pratiquoit secrètement : les fem m es entroient dans les m aisons
où on les fa is o it ven ir v o ilé e s , ou bien on les achetoit chez
des marchands d ’esclaves.
1
T e lle est l’enquête faite à P a r is , où sans contredit on avoit
de grands moyens pour se procurer des témoins. A n n e en avoit
fait assigner un grand nombre , que dans la suite elle n’a pas
jugé à propos de faire entendre : on le lui a reproché lors de
la clôture du procès verbal d’enquéte; mais elle a cru devoir se
borner à ceux qui avoient signé les actes de notoriété , et ne
s’attendoit pas à les voir tomber en contradiction avec leurs pre
miers certificats. A-t-elle prouvé qu’elle avoit été mariée avec le
général D e sta in g , publiquem ent et so len n ellem en t , p a r le p a
triarche d ’sîleæ andrie , suivant le rite g r e c , et les form es et
usages observés dans le pays ? ( C e sont les expressions littérales
de l’arrét de la Cour. ) A n n e ne peut pas s’en flatter ; aucun de
ses témoins n’a été présent à la cérémonie. Les ouï dire ont des
différences notables ; tantôt c ’est au V ieux-C aire, et tantôt c ’est
dans la ville du Caire que le mariage a été célébré ; les uns
veulent que ce soit à l’église de saint G e o rg e s, d’autres à l’église
de saint Nicolas : pas la moindre instruction sur les mœurs et
les usages des G r e c s , incertitude sur le sort, la naissance et la
religion d’Anne ; ce u x qui la connoissent le mieux disent qu’elle
est catholique romaine ; ceux qui la disent catholique romaine
soutiennent que le patriarche des Grecs ne marieroit pas une
Latine. Sophie M isc h , sa m è re , qui n’éloit pas v e u v e , a quitté
la religion romaine pour prendre un troisième mari. Voilà donc
cette famille qui offroit tant d’agrémens et d'avantages au général
Destaing, qui lui faisoit oublier les égards et le respect qu’il deD
�( 26 ')
volt à son père, méconnoitre les convenances sociales, mépriser
les appas de la fortune , oublier son r a n g , son p a y s , sa nais
sance , pour lier son sort à la fille d’un Arménien. Et c ’est cette
femme qu’on veut légèrement introduire dans une famille , qui
viendroit usurper non-seulement la fortune du général, mais
encore partager les dépouilles du sieur Destaing pè re , de ma
dame Destaing et de Pascal Destaing, morts pendant l’instance.
Lorsque l’immortel d’ Aguesseau s’écrioit que ce n ’étoit qu’en
tremblant, et avec toute la démonstration de l’é viden ce, qu’on
pouvoit se permettre d’introduire dans une famille un individu
dont l’état est contesté, ce magistrat avoit cependant des don
nées certaines : c ’étoit en F r a r c e , à Paris, sous Iss yeux des
magistrats, que se trouvoient les registres et les preuves.
Ici une étrangère arrive de parages lointains, dont elle a fui
dans un moment de troubles; elle n’ est point accompagnée de
celui qu’elle appelle son é p n u x ; elle n’en a point reçu le titre
de femme légitime. Les écrits qui émanent de lui l’avilissent
aux yeux de sa famille et de son père ; il désavoue l’existence
d ’an lien lé g a l; il traite cette union d 'arrangem ent oriental.
Et A n n e voudroit être élevée au rang d’épouse ! et Anne a osé
penser que quelques témoins officieux ou indifférens pourxoient, avec de simples ouï-dire, la faire reconnoltre pour épouse
légitime d’un général français !
Non ; elle a senti toute l’insuffisance de son enquête de P a r is ,
où cependant on trouve plusieurs noms recommandables ; elle
est allée chercher à Marseille, dans quelques réduits obscurs, des
Grecs réfugiés ou ignorans , qui ne peuvent parler que par in
terprètes , à qui il est facile de faire dire tout ce qu’on v e u t ,
q u a n d il faut s’en rapporter à la foi d’un seul homm e, d’un
mercenaire à g a g e s, qui traduit com m e bon lui semble. Il faut
donc encore parcourir cette enquête de Marseille, avant d’en
venir à l’enquête co n tra ire , faite à Aurillac et Mauriac , à la
requête des héritiers Destaing.
Le premier témoin est un nommé Michel C h a m , natif de
�27
(
)
D amas en S y r ie , se disant ancien négociant, et ancien inter
prète de Son Altesse le Prince de N e u fc h â t e l, aujourd’hui sans
profession. Il a déposé que se trouvant au Grand-Caire, dans le
courant de l’an 9 , n’étant pas m ém oratif des jours ni du mois,
et à l’époque à laquelle le général Menou commandoit l’a rm é e ,
il^entendit dire que le général Destaing devoit épouser la demoi
selle N azo , fîlle du commandant de c e n o m ; que passant quel
ques jours après devant le domicile du général D estaing, il vit
des préparatifs de f ê t e , plusieurs c h e va u x , des généraux et of
ficiers en grand c o s t u m e , et s’étant informé quels étoient les,
motifs de ces préparatifs, on lui dit que c ’étoit pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle N azo ; que s’étant ensuite
de nouveau informé comment le mariage avoit été f a i t , on lui
dit q u Jil étoit venu un patriarche g r e c , et que ce mariage avoit
été célébré selon le rite et les usages grecs ; mais il n’y a point
assisté. Le domicile du général Destaing étoit sur la place A t a b e l Ezaixgua, à côté de la mosquée d u Ghahaybe. Il est à sa connoissance que les p rêtres chrétiens, de quelque secte q u ’ils
s o ie n t, ne tiennent point de registres pour la célébration des
mariages ; que les mariages se célèbrent par quelque prêtre que
ce s o i t , et sans distinction du culte que professent les époux ;
que cette célébration se fait par l’un d ’e u x , au choix des parties
contractantes, pourvu néanmoins que le prêtre soit chrétien.
Il est douteux que ce témoin soit bien instruit des usages
d’E gypte , ou du moins il est en contradiction avec tous les
voyageurs qui ont observé les mœurs de c e pays. L a différence
des cultes, loin d ’être un moyen de rapprochement, n’est qu’ un
sujet continuel de scandale et de persécution. Il est inoui qu’un
G rec ait marié un Latin ; et il seroit peut-être plus extraordi
naire encore qu’ un G rec schismatique eût été marié par un
prêtre c o p h t e , tant il y a de division et d’acharnement entre
ces différentes sectes. Est-il croyable d’ailleurs q u ’un général
catholique ro m ain , qui devoit se marier avec une femme de la
m ême religion ( car Aime professe ouvertement le culte cathoD 2
�C ^8 )
ïique ) , ait été choisir un prêtre g re c , lorsqu’il étoit environné
de prêtres latins? Mais ce témoin va plus loin que les autres.
L es uns ont entendu dire que le mariage avoit été célébré dans
l’église de saint Georges, au Vieux-C aire; les autres d ans. l’église
de saint N icolas, au Grand-Caire; et c e lu i-c i prétend que le
patriarche grec est venu chez le général Destaing. Mais en même
temps il voit dans la rue des c h e v a u x , des officiers généraux
en grand costume : il ne falloit pas tant de préparatifs, si le
mariage s'est fait à huis clos , et dans la maison du général.
L e deuxième témoin est B a rth élem i S e r a , natif de l’île de
Siam. Il déclare qu’il avoit épouse Sophie Misch , qui étoit alors
veuve de Joseph Trisoglow ; qu’il la quitta il y a environ vingtquatre ans , et que celle-ci épousa ensuite le sieur Nazo. Il
prétend. que sur la fin d e j ’an 8 , ou au com m encem ent de l’an
9 , étant nu graud-Caire, le général Destaing lui dit qu’il vouloit
épouser la iille du commandant Nazo ; qu’alors il lui observa
q u e lle n’étoit point fille de N a zo ; que lui déposant avoit épousé
la mère de cette dem oiselle, qui étoit veuve de Joseph Trisoglow,
et qu’Anne étoit née A l’époque de son mariage. L e général
Destaing lui répondit que cela étoit indifférent; mais il lui
demanda si cette fille étoit sage, si elle avoit de bonnes mœurs,
à quoi B arthélem i répondit affirmativement. Il demuuda au
général comment il se proposoit de faire célébrer son mariage ;
le général lui lépondit qu’ il avoit déterminé de le faire célébrer
selon le rite f'rec. Barthélemi lui observa qu’il y avoit au GrarulCaire des prêtres latins, et qu’il devroit se marier selon c e rite;
mais le général Destaing persista dans son intention. Il invita
Bnrlbélemi A assister au m ariage; Barthélemi le rem ercia, et
ne voulut point y assister , parce qu’ il ne vivoit pas bien avec
la famille Nazo; il prétexta dt:s nffaires; et quelques jours après,
..yant passé devant la maison du général D esta in g , il aperçut
beaucoup de chevaux au-devant de la porte, des généraux’ et
officiers qui en tro ien t et sortoient : on lui apprit que clétoit A
l'occasion du mariage du général avec la demoiselle Na*o. Il
�( 29 )
rencontra bientôt après le g é n é r a l, qui lui dit que son mariage
avoit été célébré par un patriarche g r e c , et selon le rite grec.
Barthèlemi cru t devoir lui réitérer l'observation qu’il lui avoit
déjà f a it e , qu’il auroit dû faire célébrer son mariage par l’église
latine ; le général lui répondit qu’il avoit voulu se conformer à
l’usage du pays. Suivant l u i , il n’y a que des prêtres latins qui
tiennent des registres, les prêtres des autres sectes chrétiennes
n’en tiennent pas ; mais il atteste qu’il est d’usage dans le Levant
que le mari fait célébrer son mariage par un prêtre de sa religion.
II ajoute cependant que cela n’est pas toujours rigoureusement
o b se rv é , et que les mariages se célèbrent indistinctement par
quelque prêtre chrétien que ce s o i t , au gré et au désir des
parties contractantes.
On voit avec quelle légèreté ce témoin parle de Ta dissolution
de son m a ria g e , et ’que Sophie Misch n’a pas été long-temps ù
le remplacer. Il ne reste plus de doute sur l’origine d ’ANNE,
ni sur sa religion , puisqu’elle étoit née de deux catholiques
romains ; et il paroltra nu moins bien ¡nvinisemblnhlc qu'on ait
choisi un patriarche grec , lorsqu’il y avoit autour du général
tant de prêtres latins. N ’est-ce pas vouloir se jouer d’un enga
gement de ce genre, et aller contre l’ usage du pays, loin de s’y
c o n fo r m e r , puisque le mari a le droit et l’ usage de choisir un
prêtre de sa religion.
.
L e troisième témoin, le sieur Antoine Ila m a o n y , négociant,
natif de D amas en S y r ie , déposant, com m e le p récéd en t, sur
l’interprétation du sieur N e y g d o rff, déclare qu’ il se trouvoit au
Caire à l’époque à laquelle le général Destaing y étoit en a c
tivité de service. Il apprit par la notoriété publique que ce
général avoit épousé la fille de la dame N a zo , que ce m ariage
avoit été célébré selon le rite prec et par le patriarche; qu'il
lit à cette époque beaucoup de bruit. Suivant lu i, il n’y a quo
les prêtres latins qui tiennent dus registres et qui en délivrent
des extraits : c est ordinairement et le plus souvent un prétro
do la religion du uiuri qui célébré le mariage t
que uéaix-
�( 3° )
moins cela soit obligatoire. C e témoin ne fait que répéter c e
qu’a dit le précédent : c ’est le m êm e interprète ; par conséquent,
la m ême déclaration.
L e quatrième témoin est un sieur Hanna À d a b a c h i , natif
d’Alep en S y rie , qui va encore déposer à l’aide du m êm e in
terprète. Il étoit établi au Grand-Caire trois ans avant l’entrée
de l’armée française ; il y a resté jusqu’à l’époque de l’éva-f
cuatiou de l’armée. Pendant que^ le général Destaing y étoit
en activité de serviceu i l rem plissoit les fonctions go c ommissaire
de police : ayant des liaisons d amitié" avec Te' commandant
Jean N a z o , celui-ci l’invita au mariage de sa fille avec le géné
ral Destaing. C e mariage fut célébré dans l’égl'se saint N icolas,
„„par le patriarche d’A le x a n d rie , e t selon le rite grec : le témoin
y assisfa’sur l’invitation qui lui avoit été faite par Nazo. L e
général Destaing fit et donna ensuite un repas de n o c e s , auquel
il assista é g alem e n t, y ayant été conduit par le commandant
auprès duquel il tenoit en sa qualité de commissaire de police:
Ce témoin répond, comme les précédens, sur la tenue des
registres , et sur l’ usage où sont les maris de faire célébrer les
mariages par un prêtre de leur religion.
V o ilà le premier témoin qui ait parlé de sa présence à la
cérémonie ; les vingt précédens n’avoient déposé que par ouï*dire. Celui-ci est un des signataires de l’acte de notoriété donné
à Marseille, et cette circonstance rend déjà sa déclaration sus
pecte ; d'ailleurs elle est vague et inexacte. Il est singulier que
c e témoin ne précise ni l’année ni l’époque ; qu’il garde le si
lence sur les personnes qui devoient être à cette cérém onie;
qu’il n’y ait pas un seul officier général qui y ait assisté, et
qu ’on ait donné la préférence à un homme sans profession,
pour l’inviter à j i n acte si solennel, tandis qu’il n’y auroit eu
aucun officier français.
Les prêtres grecs entendus à P a r is , ont dit que le mariage
avoit été célébré à l’église de saint G eorges, au Vieux-C aire, et
celui-là prétend que c'est à l’église de saint N ic o la s , au Grand-
�( 3* )
Caire. Q uelle confiance peut mériter une pareille déclaration ?
L e cin q u ièm e témoin , Michel Rozette , âgé de vingt-sept ans ,
natif d u Grand-Caire, bijoutier et ex-ca p o ra l, déposant encore
à l’aide de l’interprète N e y g d o rff, prétend que sa famille étoit
intimément liée avec celle de Nazo ; que la fille de celui-ci
ayant épousé le général Destaing pendant qu’il étoit en activité
de service au Grand-Caire, le témoin et sa famille furent invités
à assister à ce mariage ; déférant à cette invitation , ils assistèrent
à la célébration, qui fut faite dans l’église saint Nicolas du rite
j*rec , et par un^patriarche grec ; que~selon l’usage pratiqué
par les chrétiens de cette s e c t e , Nicolas Papas O uglou fut le
parrain de la fille Nazo.
;
Il y a une certaine fatalité attachée à l’enquête de la fille
N a z o ; c ’est que pas un seul des témoins, qui par la nature de
leurs fonctiens étoient plus rapprochés du général, n’ait honoré
c e mariage de sa présence, et qu’on voit au contraire un caparol invité à cette solennité. Il prétend que Papas Ouglou a
été le parrain de la fille N a z o ; et ce Papas O u g lo u , qui a signé
l’acte de notoriété de Marseille , ne dit pas un mot de cette
circonstan ce, qui étoit assez importante. Il est plus aisé de
gagner un caporal qu’un général; et il ne faut pas s’étonner
que ce témoin avance un fait avec tant d’assurance, mais sans
aucuns détails qui puissent donner quelque croyance à sa dé
claration.
Le sixième témoin est Sophie M is c h , mère d ’A n n e ; elle a
été reprochée en cette qualité. Mais elle raconte que le géné»
ral Destaing, pendant qu’il étoit en activité de service au C a ire r
lui demanda sa fille en mariage ; qu’elle et son mari y don
nèrent volontiers les mains; mais en même temps ils exigèrent
que ce mariage fût célébré par un patriarche du rite grec
qu’ils professent. Le général Destaing y consentit; et après les
préparatifs en pareil cas nécessaires, le mariage fut célébré en
sa présence, celle de son é p o u x , de sa fa m ille , de diverses
personnes du pays , de divers généraux et autres militaire»
�C 32 )
français, notamment du général D e lz o n s , dans l’église de saint
N ic o la s, par un patriaiche g r e c , et selon le rite de l’église
grecque.
Il n’est pas étonnant que Sophie M is c h , mère d’ÂNNE , vienne
soutenir que le mariage a été célébré ; mais ce qu’il y a de
rem arquable, c ’est que l’arrét de la Cour ordonnoit qu’ANNE
feroit preuve qu’elle avoit été mariée par le patriarche d ’A lex a n d rie; et ces trois témoins qui se suivent, qui tous trois
prétendent avoir assisté au m a ria g e , affectent de dire que
c ’est un patriarche qui les a m ariés, sans jamais désigner 1§
patriarche d’Alexandrie. Cependant le patriarche d’Alexandrie
réside au Grand-Caire; il s’ arroge la suprématie de l’église grecque :
c ’ est lui qui a le titre le plus éminent. Aussi avoit-il toujours
été désigné exclusivement par Anne , comme ayant été le m i
nistre du mariage ; et ce n’est pas sans raison que l’arrét de
la Cour l’avoit ainsi particularisé, et avoit spécialement ordonné
la preuve qu’Anne avoit été mariée par ce patriarche d 'A le x a n
drie. Comment Sophie Misch n ’a-t-elle pas fait attention à cette
circonstance ? il lui en coûtoit si peu de désigner c e ministre.
Cependant elle ne parle que d’ un patriarche grec ; et sa décla
ration ne remplit pas le but de l’arrét.
L e septième témoin est le beau-frère de Sophie Misch , par
conséquent oncle d’Anne. Il est reproché en cette qualité , et
il convient du degré de parenté.
Il rapporte que le général Destaing avoit demandé la fdle
Nazo en mariage ; que les parens y co n se n tire n t, et y mirent
seulement pour condition que le mariage seroit célébré par
un prêtre grec , selon le rite et usages de cette religion. L e
général Destaing parut d’abord désirer que son mariage fut
célébré par un prêtre latin ; mais enfin il se rendit aux vœux
de la famille; il consentit que le mariage fût célébré comme on
le désiroit, et il le fut en effet le lendemain du jour des Rois,
correspondant, dans église g r e c q u e ,
]anvier. L e Témoin
1
ai^ 7
fut invité com m e p a r e n t, et assista à Ja cérémonie , qui eut
lieu
�( 33 )
lieu dans l’éfllise d e^ aint ‘N ico las, au'lGrand-Caire , put üii pa*\
triarche grec. Après )a'célé;bïationq les épdux furent ncconvj
pagnésdans la’maison do gétfêlral-,; o ù Til y eut un grand repas au
quel assista également le'-'dépbsantP II y ' ’avoit à ce.repas divers«
g é n é r a u x , e n tr’a u tre s'|le s,généi'aux!i&lënou,jrlDelzonsi,'Lagvange;
et Régnier. C e témoin ajoute' qu'il >'partit à l’époque de l’éva
cuation des Français du C aire, kvec la famille N a z o , sur un
bâtim ent-grec qui.relâcha à Céphalonie ; que la dame Nazo y
accoucha d ’une fille qui fut baptisée en ladite île de (Jélaplio^
n i e , dans l’église grecque , et par un prêtre grec ; et que le
'
parrain de l’enfant fut un officier des chasseurs d’O r ie n t , nom
mé Joseph Syffi.
Cette déclaration ne s’accorde pas avec c e lle 'd e Barthélemi
Séra. Suivant c e dernier , ' c est le'g én éra l Destaing qui voulut
un prêtre grec , malgré les ré’m ôntrahcës de Barthélemi ; et suivant l’oncle d’Anne , le général liestain g vouloit un prêtre latin,
et la famille N azo exigeoit un prêtre grec. O n ne sait plus à qui
entendre ; et il est malheureux pour A nne d ’étre réduite à sa
propre famille , pour prouver1 le seul fait intéressant dans sa
cause—Suc.ls~ baptême de la fille , il y a encore quelque chose
qui cloche. Suivant c e té m o in 1, Anne â acco u ch é dans l’jje de
Céphalonie. D ’après A n n e elle-même , elle ne put re lâ c h e r, et
accoucha à bord du navire.
L e baptême eut lieu dans une
chapelle isolée sur le bord de la mer ; ici c ’est dans une église
grecque de l’île de Céphalonie.
Le huitième témoin est Ibrahim T u tu n g i ; c’est le fr è r e utérin
de Sophie M i s c h , épouse Nazo. Il a été reproché à raison de
cette parenté ; mais il a assisté au mariage de sa nièce avec le
général Destaing , et ce mariage a été célébré dans l’é l i s e de
saint Nicolas , p ar un patriarche grec. Il alla de là au repas de
noces ; mais il étoit trop jeune , pour se rappeler quelles étoient
les personnes qui y étoient. Il se rappelle cependant qu il y avoit
divers généraux. Il raconte , com m e le précédent témoin , que
sa nièce relâcha à Céphalonie , où elle accoucha d’une fille,
E
-x
�( 34 )
qnî fu t baptisée ; ¿n sa présence , dans u n e 'égliae grecque ¡et
par un prêtre grec ; mais il ne s é~rap pe ï ï ê p a s q i\e 1 iut le parrain.
V ie n t ensuite un autre Joseph Tutungi. ,r;marÀide la,mère de
Sophie Misch ( i l p a r o itq u e les femmes de cette famille se
m a rie n t souvent ). S uivant'lui , il y eut quelque difficulté pour
le mariage. Le g é n é ra l voulait un prêtre latin , et la famille
Nazo vouloit un prêtre,grec. L e général se rendit enfin , et ce
fut un patriarche grec qui le maria dans l’église saint Nicolas.
T h t u n g r y 'ëTmK'J'G’e fut Papas .Ouglou , colonel de la légion
grecque i qui fut parrain. V in t ensuite le repas , où il assista avec
quantité de généraux et d’Egyptiens notables.
Après l’évacuation du Caire , T u tu n g i s’embarqua avec la
famille Nazo sur un bâtiment grec , qui relâcha à Céphalonie.
Là , Anne Nazo y accoucha d’une fille , qui fut baptisée dans
une église grecque et par un prétrë'grëc : le parrain est Joseph
S y f ï ï T é >l¡TTrïnrr îfr?‘ta_; feffTÏÏfG' Nazo , aïeule de l’enfant,
i L e d ixièm e-tém oin est Joseph Misch , fr è r e de Sophie et
7
3
oncle d ’Jdrme.\ Sa déclaration est littéralement copiée sur la
précédente ; seulement il a vu au repas les généraux Lagrange
et Delzons ; et c e dernier * parent du général D e s ta in g , assistoit à la cérémonie. M êm e déclaration sur l’accouchem ent
d’Anne dans l’île de Céphalonie.
T e ls sont les témoins de Marseille. Sur dix té m o in s, cinq
sont les plus près parens d’Anne ; deux autres sont signataires
de l’acte de notoriété. Trois , parmi lesquels est un des m aris
de Sophie Misch , ne déposent que par o u ï-d ire ; et sur les
cinq qui prétendent avoir assisté au mariage , pas un n ’a
désigné le patriarche d ’ A le x a n d r ie , quoiqn’Anne ait toujours
cmirenu nue c ’étoit ce patriarche qui avoit célébré son mariage,
et quoique l’arrêt lui ordonnât expressément de prouver qu’elle
avoit été mariée par le patriarche d’Alexandrie.
A n n e a voulu se faire un moyen dans son dernier mémoire ,
de ce <]ua la Cour , par son a rrê t, avoit réduit l’interlocutoire
prononcé par le tribunal d e Mauriac ; mais il semble que cet
�35
(
)
argum ent doit se rétorquer contre elle a vec beaucoup d avan
tage ; car si la Cour a voulu abréger les détails et prononcer
dans l’intérêt d'ANNE , il faut convertir aussi qui; plus elle a
voulu faciliter les preuves et les m o ye n s., plus elle doit s en
tenir à l’exécution littérale et rigoureuse der son arrêt. Il est
évident que la Cour a fait dépendre sa conviction de ce fait
unique et e x c l u s i f , q u ’ANim avoit' été mariée avec le général
Destaing , publiquem ent e t so le n n e lle m e n t, p ar le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rit grec , et lesnformes et usages
observés dans le pays..
;p ; ;
.ii
•'
L e patria rche d ’A le x a n d r ie étoit exclusivement en vue ,
désigné par la partie intéressée / co m m e iayantiété le ministre
du mariage , parce qu’il étoit plus élevé en dignité , et q u i !
-vouloit ou devoit honorer un gén éral’ français, a.
O r , sur sept témoins de'Marseilletqui'prétendent avoir assisté
à la cérémonie , pas un n’a nommé ce patriarche d A le x a n
drie ; c ’étoit cependant une anecdote remarquable , qui ajou
tait à la solennité , et qu’on n’auroit pas manqué de relever si
en,- effet cela avoit eu lieu.
'
Mais comment se fait-il surtout , .qu’il ne se soit trouvé à
une cérémonie a u ss i’auguste et aussi imposante, qui faisoit ,
suivant quelques!témoins , tant de bruit au Caire , dont tout
le monde s’o c c u p o it, qu ’un c a p o r a l, un b ijo u tie r , un aven
turier sans p r o f e s s i o n et les-plus près parens d ’A n n e ; q u ’auc n n homme de marque ,
c h e f de l’état major ou de
l’administration n y ait assisté? c ’est là c e qui est absolument
invraisemblable, et prouve l’imposture de quelques misérables
réfugiés dans un réduit obscur à Marseille , tous déposant sous
le m ême interprète et> d ’ une manière uniforme , tous , même
Sophie Misch , requérant taxe. Ajsjse ne devroit-elle pas rougir
d en être réduite à ce s petits moyens , pour s’in tro du ire dans
une famille,qui la repousse justement de son sein?
lit qu Anne ne dise pas qu’elle a ù combattre des colla téra u x
avides / ces déclamatious .bannalcs ne peuvent faire impression.
E 2
�30
((¡
»
Ces i colla téra u x ¡ne cherchent! pointpà envahir la fortune de
leur frère ; mais ils défendent le patrimoine de leur père ,et de
leur mère , l’honneur ide leur famille , et ne veulent pas ad
mettre légèrement.des êtres obscurs et inconnus qui* n’ayant
rien à perdre , chèrclient à dépouiller des héritiers légitimes.
Il reste à parcourir les enquétesiqui ontieu lieu à Aurillac et
à Mauriac / discussion aride dans une cause d’-uri grand intérêt.
La premièré-est celle»faite à A u r illa c ..
• Antoine Delzons j président du tribunal , déclare qu’il a
été assigné fort inutilement ; qu’il n’a aucune iconnoissance
personnelle des faits interloqués; mais qu’étant à Paris lors de
l ’arrivée du général Destaing ,,il ignora pendant long-temps les
bruits >de son. prétendu i mariage. Ces . bruits se répandirent
environ six semaines après, à l’occasion de quelque lettre écrite
de T arente par un habitant d’Aurillac , qui avoit vu arriver à
T arente la famille N a z o , dont tune fdle se disoit épouse du
général Destaing. La dame Delzons , belle - fille du témoin ,
demanda au général s’il étoit effectivem ent marié ; celui - ci
répondit en plaisantant , que sa femme pouvoit l’être , mais
q u e lui ne l’étoit pas..'M. Delzons n’étoit pas présent à cette
réponse ; mais quelques jours après le général étant venu chez
l u i 1, la dame Delzons lui dit , en présence du général : « Vous
« ne savez pas , Papa , c e que dit M. Destaing ; il prétend
« n’être pas marié , et que sa /emme l’est. A quoi le général
« répondit : Cela vous é to n n e . ; i l y en <a bien d'a utres. .»
M. Delzons prenant alors la parole , dit à son neveu que
c ’étoient là de mauvaises plaisanteries. Si c ’est votre femme ,
lui dit-il , vous devez la garder ; si elle ne l’est pas , vous ne
deviez pas la prendre. Le général savoit bien que son oncle
n ’approuvoit pas ces sortes de plaisanteries ; en conséquence il
ne. lui en parla'plus , et M. Delzons évita aussi de lui en parler.
Mais quelque temps après r le général Destaing ayant appris
que la famille Nazo étoit arrivée a L yo n , vint trouver son oncle ,
pour le prier de demander à un sieur Fulsillon qui avoit une
�(
37
)
i maison de banque à L y o n , s’il pouvoit lui procurer une lettre
de change de 1,000 fr a n c s , payable à vue. Il vouloit envoyer
■'Cet argent ¿1 cette fe m m e pour se rendre à M a rseille . Ils sont
là une troupe , dit-il ; quand j’aurois pris la füle , je n’ai pas
épousé tout cela ; i l y a un enfant , j ’a urai soin de la mère
et de Venfant ; c ’est tout ce que j e dois. Depuis il ne fut plus
;question de ce mariage , ni de la dame Nazo ; d’autant mieux
que le déposant avoit demandé au g é n é ra l, lors de la dernière
'con ye£ ja tion , si son mariage avoit été fait'devant un Commis
saire des guerres ou ordonnateur , _comme l’ciyp.it.été celui du
général Delzons son fils , et Je général Destaing répondit que
non.
M. Delzons est interpelé sur un point très-im portant. A n n e
vouloit tirer de grandes inductions de ce que M. Destaing père
s’éioit fait nommer tuteur de l’enfant. Elle insinuoit que M. D e s
taing père ne s’étoit porté à cette démarche que par le conseil
de M. Delzons, son beau-frère, et parce que sans doute le g é
néral Destaing, avant sa mort, avoit fait à son oncle des révé
lations sur ce prétendu mariage; révélations qui étoient de
nature à faire solliciter M. Destaing de recevoir et de reconnoitre A n n e pour sa belle-fille.
M. D e lz o n s , requis de s’expliquer à ce s u je t, répond que la
conversation dont il vient de rendre compte , est la dernière
dans laquelle le général Destaing lui ait parlé de la famille
Nazo ; au point que quoique Joanny Nazo fût arrivé à Paris
plusieurs jours avant la mort du g é n é r a l, qu’il logeât dans le
même h ù t e l, et quoique M. Delzons eût passé une partie de
la soirée avec le g én éra l, la veille de sa m ort, il ignoroit l’arrivée
de N azo, et n’en fut instruit que le lendemain pendant l’appo
sition des scellés. Nazo entra chez le général pendant l’opération ;
il ignoroit sa m o r t , et il fit insérer au procès verbal du juge
de paix que le général avoit épousé une de ses filles , âgée de
seize ans , devant le p a triarc h e d ’A lexandrie ; circonstance que
Delzons avoit ignorée jusqu’alors. Mais allant iaire
le
M.
avec
�C 38 )
sieur M eot, maître de l’h ô tel, la déclaration du décès à la m u
nicipalité, il fut jnterpelé de déclarer si le général étoit marié;
la déclaration de Nazo l’engagea à répondre qu’o n .le croyoit
marié avec A nne N a zo ; ce qui fut inséré dans l’acte de mort';
q u ’au surplus le général Destaing ne lui a fait aucune autre
déclaration.
M. Delzons ajoute que le général son fils avoit quitté Paris
lorsque le bruit de ce mariage se répandit; il ne put dès-lors
lui demander ce qui en étoit. D e retour à A u rilla c . celui-ci lui
dit qu’il y .avoit eu une cérémonie religieuse dans la maison
Nazo, à laquelle il avoit assisté , mais q u’il étoit seul de Français ;
que queîqïïë- temps après le général jjesta in g étant le parrain
de son fils , il donna à cette occasion un grand souper aux prin
cipaux officiers qui étoient au Caire , disant que c ’étoit pour
le baptême d’Alexandre D e lz o n s , petit-fils du témoin.
M. D elzo n s, dans cette déclaration , s’est exprimé avec autant
de franchise que de loyauté. On voit qu’il n’a eu de son neveu
aucune confidence; que le général se permettoit des plaisan
teries sur ce prétendu mariage ; il est bien éloigné de faire venir
A nne à Paris, il veut au contraire qu’elle se rende à Marseille-:
on sait même qu’il en avoit donné l’ordre à A n n e , qui s’est bien
gardée de montrer cette lettre. On y auroit vu qu’il ne la traitoit
pas en épouse ; et le secours qu’il lui fait p a rve n ir, annonce
plutôt un sentiment de compassion que de tendresse. M. Delzons
n a parlé de mariage que sur la déclaration de N a z o , qui alors
ne pouvoit être contredit; il ne l’a donné que com m e un doute;
et c e qu’il a appris de son fils sur une cérémonie qui avoit eu
lieu à huis clos, donneroit le démenti le plus formel à toutes
les déclarations.faites à Marseille par toute la famille d ’ANNB.
A u surplus, cette famille ne néglige pas les petits détails, car
to u s , jusqu’à Sophie M isch , se sont fait taxer à 6 francs pour
leur déposition.
Anne Julie V a r s i, épouse du général Delzons, second témoin,
déclare que le 29 nivôse an 9 , elle n’étoit pas dansjla ville du
�( 39 )
3
Caire ; elle y arriva le lendemain o , pour y joindre le général
D e lz o n s , son mari. A son arrivée au C a i r e , elle avoit appris
qu’Ai<NE Nazo avoit été conduite à l’entrée de la n u i t , la v e ille ,
dans la maison du général Destaing-, mais qu’il n ’y avoit eu
aucune pompe ni cérémonie d’usage pour les mariages qui se
font dans le pays, suivant le rite g r e c ; il n ’y eut m êm e le soir
de l’introduction d’Anne Nazo dans la maison du général D e s
taing , aucune espèce de fêtes qui sont en usage dans le pays.
U ne douzaine de jours a p r è s , la dame Delzons ayant un enfant
de d eu x m ois, voulut le faire baptiser suivant les usages observés
dans la religion catholique; le général Destaing fut choisi pour
parrain, et donna à cette occasion un grand souper et un bal
chez lui. Les officiers de l’état major, et notamment le général
M e n o u , y assistèrent. A n n e Nazo , sa fa m ille , et plusieurs autres
liabitans du Caire, y étoient aussi. A n n e Nazo occupa la place
de la maitressede la maison. L e patriache d ’Alexandrie n’assista
pas à cette fête. 11 n’y eut ce soir là aucune cérémonie reli
gieuse ; mais elle a ouï dire que le jour qu’ANNs N azo avoit
été conduite chez le général, il y avoit eu une cérémonie faite
par le patriarche d’Alexandrie , à laquelle peu de personnes
avoient assisté. Cependant elle observe que ces sortes dé cé rém o
nies religieuses se faisoienten présence de toutes lespersonnesjde
la n o ce, et très-publiquement. Elle a resté au Caire jusqu’à son
départ pour la F ra n ce, et pendant ce temps le général Destaing
ne donna pas d’autre fête que celle du baptêm e; il n’avoit
même donné jusque-là aucune fête ni repas p o m p eu x , et la
dame Delzons n’avoit pas vu A n n e avant cet époque.
La dame Delzons ajoute qu’il y a des églises au Caire pour
le culte grec ; mais que pour l’ordinaire les cérémonies du ma
riage se font dans la maison.
1
Elle sait aussi qu’ Anne et sa sœur Marie ne sont pas filles
de N a z o ; qu’elles sont filles de Sophie Misch et d’un bijoutier
Arménien dont elle ignore le nom. Elle déclare encore q u ê ta n t
à Marseille, Joauny Nazo lui avoit dit qu’il avoit écrit au Caire
�( 1 ° }
pour avoir une expédition de l ’acte de célébration du mariage
de sa fille, mais q u ’on lui avoit fait réponse que le patriarche
étoit mort et l ’église brûlée.
Sur l’interpellation que lui fait l’avoué d’ANNE, si elle étoit
regardée com m e la femme du général D estaing, et si on lui
rendoit les honneurs dûs à ce titre, elle croit qu’on la regardoit
comme telle, et qu’on lui rendoit à cet égard les honneurs qui
lui étoient dûs: elle-méme la croyoit femme du général ; mais il y
avoit plusieurs officiers français qui vivoient avec des femmes
qui portoient leurs n o m s , quoiqu’elles ne fussent pas mariées.
Elle les a vues dans les sociétés, com m e femmes de ces officiers,
et traitées com m e telles.
T e lle est la déclaration de la dame D elzons , qui ne laisse pas
que d’avoir quelqu’importance dans la cause. E t d’abord , elle
prouve qu’il n’y a pas eu de féte le jour des prétendues n o ces,
quoi qu’en aient dit quelques officieux. C e n’est que quelques
jours après qu’il y eut un grand r e p a s , et à l’occasion du bap
tême de son fils. La dame Delzons assure bien positivement
q u ’il n’y a pas eu d’autre féte chez le général Destaing. Elle a
dû croire sans doute qu’ANNE étoit m a rié e , parce que l’épouse
légitime d’un général ne devoit pas se trouver avec une co n
cubine ; qu’on a dû le lui faire entendre ainsi. Mais on savoit
déjà par la lettre du général Destaing que la jeune G recque
fa is o it les honneurs de sa m aison; et la dame Delzons nous
apprend bientôt après qu’il y avoit au Caire beaucoup de femmes
de c e genre.
L e troisième témoin est Françoise Grognier ; elle s’est trouvée
à Lyon lors de l’arrivée du général Destaing dans cette ville ,
à son retour d’Egypte ; elle fut invitée par lui à dîner dans son
hôtel ; e t , pendant le d in e r , elle demanda au général quand
il mèneroit sa femme ; qu’on disoit à Aurillac qu’il avoit épousé
une belle G recque. L e général lui demanda qui lui avoit dit
cela ; elle lui répondit que c étoit un bruit public. L e général
lui dit : Elle est passée d un coté et moi de l’autre, en'montrant
les
�(4 0
les deux points opposés ; c e n’est pas le moyen de se rencon
trer. La conversation changea , et il në fut plus question de
cela.
Etant un jour dans la chambre de la dame N azo , à Àurillac,
M. Destaing le père étoit présent, et lui dit tout bas de deman
der à A n n e de quelle manière elle avoit été mariée. L ’ayant
fait , la dame Nazo lui répondit qu’étant devant le prêtre ou
patriarche, il lui avoit mis au doigt un anneau jusqu’à la pre
mière phalange, et que le général avoit fini de l’enfoncer jus
qu ’à la fin du doigt. M. Destaing ayant prié de lui demander
si le prêtre avoit écrit sur le registre, la dame Nazo lui répondit:
O u i , p rêtre, grand livre, écrire. La déclarante a entendu dire
par la dame D elzo n s, qu’AîiNF. avoit été mariée, que son mari
y étoit présent. E t lui ayant demandé si on avoit fait quelque
ié te , elle lui répondit qu’il n’y en avoit eu aucune ; que quelque
temps après, le général Destaing donna une grande fê te; mais
c ’étoit pour le baptême du fils D e lz o n s; et le général Destaing
avoit dit à la fam ille Nazo que c ’étoit sa noce q u ’il célébroit.
O n l ’interpelle de déclarer si madame Delzons avoit entendu
elle - m êm e ce propos du g é n é r a l, elle répond que la dame
Delzons ne s’étoit pas autrement expliquée ; que d’ailleurs elle
ne lui avoit fait aucune question à c e sujet.
Cette déposition est à peu près indifférente pour les faits in
terloqués. C ’est une femme d’Aurillac , qui n’a aucune connoissance de ce qui s’étoit passé en E g y p te ; et la seule induc
A nn e
tion qu’on puisse en tirer, c ’est q u e , d ’après
elle-même,
les prêtres grecs avoient des registres pour inscrire les mariages.
E
nquête
de
M
auriac
.
Joseph Fel , demeurant à Maurs , a fait partie du premier
bataillon du Cantal. Le général Destaing le prit a son service,
pour avoir soin de ses c h e v a u x ; il l’a accompagné en Egypte ,
et demeuré à son service continuellem ent, jusqu’au départ du
F
�42
(
)
général pour la France. D ans le temps qu’il étoit au C a ire , le
cuisinier du général lui apprit qu’on avoit amené une fem m e
au général Destaing; que quelques jours après le général donna
un grand repas où assista tout l’état major de la division du
C a ir e , notamment le général Menou. Cette fem m e, dont il ne
se rappelle pas le n o m , y étoit; il l’a entendu appeler madame
Destaing. A la suite du repas il y eut un bal. Il partit ensuite
a v e c le général pour Alexandrie ; mais cette fem m e resta au
Caire ; et deux mois après le repas et le bal dont il vient de
parler, le général Destaing partit avec lui d’Alexandrie.
On demande au témoin s’il sait ou s’il a ouï dire qu’Anne
N azo ait été introduite chez le général Destaing avec pompe
et magnificence ; il n’en sait rien : le cuisinier lui a appris que
cette femme avoit été amenée dans la maison du général; il ne
lui a donné aucuns détails; il croit au contraire que ce cuisinier
lui a dit qu’il n’avoit pas vu entrer cette fem m e chez le général.
L e jour de son en trée, il n ’y a eu aucune fé t e , et il ne s’est
rien passé d ’extraordinaire dans la maison. L e jour du repas , il
n’a aperçu aucune cérém onie religieuse; il n’a vu que boire,
manger et danser. Il n ’a pas vu donner d’autre repas ou d’autre
bal que celui dont il vient de parler. On disoit publiquement
que Joanny Nazo n’étoit que le parâtre d’AnNE ; pour elle il ne
l’a jamais vue ; elle ne s’est jamais promenée sur les chevaux
du général; et com m e le général n ’a pas habité sous la tente au
C a ire , Anne Nazo n’a pu se trouver avec lui. On demande au
témoin s’il a vu faire des mariages suivant le rite grec ; il répond
qu’étant à la croisée de la maison du général D estaing, il a vu
passer deux personnes bien p a r é e s , sous un dais et à pied ;
elles étoient accompagnées aussi de plusieurs personnes aussi
bien p a ré e s, et précédées par des musiciens montés sur des
cham eaux : ce cortège se promenoit dans les rues ; et on dit au
déclarant que c ’étoit un mariage.
Il est assez singulier qu on veuille que le général Destaing
se soit marié sans que ses domestiques s’en soient aperçus ; et
�( 43 )
il est maintenant bien prouvé qu’il n 'y a eu aucune féte le jour
du prétendu mariage d’ANNE.
1
Jean Biron , autre témoin , menuisier de profession, a fait
partie du premier bataillon du G antai, et de l’armée d’Egypte, ou
il est arrivé en l’an y. Il étoit sergent ; il fut blessé ; on lui permit
de travailler de son état de menuisier. Il fut souvent employé
par plusieurs officiers de l’état major , et notamment par le gé
néral Destaing. Un soir qu’il alloit souper avec les domestiques
du général, se trouvant avec le valet de chambre et le cu isin ie r,
l’un d ’eux lui dit que l’on amenoit une femme au général ; il
se plaça à l’endroit où elle devoit passer ; il ne put voir sa figu re,
parce qu’elle étoit voilée : elle étoit avec une autre également
voilée. Il y avoit des esclaves dans la cour ; il n a pas vu le
général l’aller p re n d re , ni monter dans le degré : il ne sait pas
m êm e si le général étoit dans son appartement. Il se retira de
suite dans la c u is in e , pour n’avoir pas l’air de s’occuper de ce
qui se passoit. Il ne crut pas devoir témoigner de curiosité ,
parce que cette introduction fut faite à l’entrée de la nuit. Il ne
sait pas s’il y a eu un m ariage entre A n n e et le général ; il n’a
pas connoissance qu’il ait été donné une féte ou un repas à cette
occasion. D ouze ou quinze jours après , il fut employé pour
dresser des tables pour un grand repas qu’il y eut ch ez le général;
il apprit des domestiques de la dame D elzo ns, que c e repas étoit
donné pour le baptême du fils de cette d a m e, dont le général
Destaing étoit le parrain. L e général Menou , le général D elzons,
et plusieurs autres qu’il n o m m e , assistoient à cette féte ; il y
avoit aussi des femmes ; et lorsqu’ils se levèrent de ta b le , le
témoin aperçut A nne N azo auprès du général Menou. L e bal
com m ença de suite, et il ne s’est aperçu d’aucune cérém o n ie
religieuse. Lorsque le général Destaing partit pour A lex an drie,
Anne Nazo n’étoit plus dans sa maison. Le général chargea le
témoin et le valet de chambre de veiller à sa maison. Quinze
jours après, l’aide de camp du général Destaing, nommé M a u r y ,
vint chercher du vin et autres provisions pour transporter à
F
2
�( 44 )
A.lexatidrie ; en m ême temps cet aide de cam p fît emballer les
objets les plus précieux , les fit porter chez le général Dupas ,
commandant'la citadelle du Caire : le témoin les a vu déposer.
L ’aide de cam p lui dit que le,général lui recommandoit sa maison
et ses chevaux., et ¡que s’il avoit besoin de quelque c h o s e , il
pouvoit s a d r.esse r ;a capitaine
son corps.
Q uatre on cinq jours après, le déposant s’apercevant qu’il n’y
avoit pas dft $ùrqté au C a ire, conduisit les c h e v a u x , l’orge et la
paille à. la- c ita d e lle , et s’aperçut-qu’ANNn Nazo , sa mère et sa
s'œtfr,.¿toient dans un appartement à côté de celui de la dame
Pelzon s. Il n,e sait pas si la personne voilée, qui s’étoit introduite
u
d’habillement de
ch ez le général Destaing, étoit A isn e , mais il l’a ouï d ire; il a
aussi ouï dire que Nazo n’étoit que son paratre ; néanmoins il
l’ a vu dans le même appartement de la citadelle, où étoit A n n e .
Il n a pas connoissance qu’il ait été donné d’ autre fête dans la
maison du général Destaing , que celle dont il a parlé , quoiqu’il
fut très-habituellement dans cette maison, et qu’il fût particu
lièrement appelé toutes les fois qu’il y avoit quelque chose d’ex
traordinaire.
Il ¡y a eu environ deux mois d ’intervalle entre l ’introduction
d’ANNK et le départ du général Destaing.
Il a vu une fois trois ou quatre personnes sous un dais, suivies
d ’un grand nombre d’autres à pied, précédées par une trentaine
de musiciens montés sur des chameaux. Il vit passer ce cortège
dans la r n e , des fenêtres de la maison du général D estaing; il
se rendoit vers le quartier de l’état major. Une autre fois il a
entendu beaucoup de cris et de grosse joie dans des maisons :
on lui a dit dans l’une et l’autre circonstance que c ’étoit des
mariages.
Il a assisté à la messe du patriarche d’Alexandrie, dans une
chapelle à côté du cam p; mais il n’a point aperçu ce patriarche
au repas dont il s agit.
Il étoit présent a 1 acte civil du mariage du sieur Miquel avec
une Italienne. C et acte fut reçu par le commissaire des guerres
�45
(
)
Deliard , et signé en sa présence par Remondon,- commandant,
Grand, quartier-maître, et par C o u d ert, capitaine, tous de la
quatrième demi-brigade d’infanterie légère. L ’usage des oificiers
étoit de vivre avec des femmes, sans qu’il y eût d’ union légitime;
et cet usage s’étendoit même jusqu’aux bas oificiers. Enfin il
atteste que le jour de l’introduction des femmes voilées il n y
eut aucune féte chez le général.
Cette déposition a un ton de vérité qui s’accorde parfaitement
avec les relations des Français qui ont fait le voyage d’Egypte.
Ils en ont rapporté une bien mauvaise idée des mœurs et des h a
bitudes des G recs , qui en général ont emprunté des T u rc s tout
ce qu’ils ont de licencieux , et surtout leur mépris pour les
femmes. Il n’en est pas un qui n’ait parlé de ces liaisons tem
poraires et déréglées, dont on pouvoit calculer le prix sur la
durée du marché et sur les charmes de celle qui se prostituoit.
Il manquoit à cette enquête la déclaration du général Delzons,
cousin germain du général Destaing , et qui ne l’avoit pas quitté
pendant son séjour en Egypte. L ’arrét de la Cour sembloit exiger
qu’il lût entendu , soit à la requête d’ANNE , qui avoit invoqué
son témoignage, soit à la requête des héritiers Destaing.
Mais ce fut impossible : le général Delzons est retenu par soi
service à C a t t a r o , ville de la Dalmatie , dépendante autrefois
des Vénitiens. Il n’ y avoit alors rien d’organisé ; on ne savoit à
qui adresser une commission rogatoire , à plus de trois cents
lieues de distance. Une lettre lui parvient. Informé par sa famille
qu’il doit être assigné pour déposer juridiquem ent, et déclarer
tout ce qu’il sait sur le prétendu mariage du général Destaing
avec A nne , mère de M arie , il donne toutes les explications
qu’on pouvoit désirer.
Sa lettre, en date du 17 janvier 1809, a été signifiée à A n n e ,
comme pièce du procès. Il répond qu’il auroit bien désiré ne
pas. être cité dans cette affaire ; il avoit eu le m alh eu r d agir
pour engager M. Destaing père à recevoir chez lui A n n e et s a
iille, et à leur donner les secours hospitaliers dûs au malheur.
�( 4 6 }
Il s’attendoit alors qu’ÂNNE, mieux conseillée, et connaissant
l ’avantage insigne qu’on lui avoit fait, se conduiroit de manière
à le m ériter, à ne pas obliger les frères Destaing de rechercher
son état et celui de sa fille. Il espéroit aussi que par attachement
pour e l l e , par respect pour la mémoire du g é n é ra l, les frères
Destaing auroierit consenti à faire le sacrifice du peu qui leur
revenoit dans cette succession, pour la laisser en partage à cette
M a r ie , et au premier fils naturel du général , qui étoit à
Carcassonne.
Le général Delzons apprend qu’il s’aperçut bientôt de son
erreur. « A n n e ( écrit-il aux frères Destaing ) oublia le service
qu’on venoit de lui rendre ; et par sa m auvaise h u m e u r , le
d éfa u t de son é d u c a tio n , les conseils d’un misérable D upin ,
qui gouvernoit à Paris N a z o , mari de la mère d ’ANNE , elle
apporta le trouble , le désordre et la division dans une famille
p a is ib le , fit le tourment de tous , et principalement de votre
respectable m è re , encore si affligée de la perte de son fils.
« D ès-lors, ajoute le général , je pris le parti de ne plus me
mêler de ses affaires. Mes représentations souvent réitérées ,
celles de mon épouse qui la fré q u e n to it, ne purent prévenir
les scènes scandaleuses qui se renouveloient à chaque instant et >
sous les prétextes les plus frivoles. Nous dûmes nous reprocher
nos démarches pour Anne , un sort malheureux qui lui étoit ré
servé , et qu’il n’avoit pas dépendu de nous d’éviter.
« Le général entre ensuite dans les détails ; il raconte que
N a zo et D u p in se rendirent à Aurillac. Q uelque temps après
ils annoncèrent leur départ pour Marseille. A n n e voulut les
s u iv r e , sous prétexte d’aller voir sa mère. Au lieu de prendre
]a route de Marseille , ils prennent celle de Bordeaux. Annk
laissa à Aurillac M a rie , sa fille , en promettant de revenir
bientôt. Elle "étoit arrivée à Aurillac sans être attendue d’au
cun des parens Destaing ; ils ne furent prévenus de son arri
vée que lorsqu elle étoit A peu de distance de la ville.
- « Bourdin avoit mal interprété une lettre de M. Delzons
�/
( 47 )
père. Il prit sur lui de faire partir de L yon A u n e sans en avoir
reçu aucun ordre. C e fut alors que le général Delzons crut
devoir faire des démarches pressantes auprès de M. Destaing
père ; il n’y avoit pas de temps à perdre , et M. Destaing ne
consentit à recevoir A n n e et sa fdle , qu’ au moment où on fut
averti que la voiture qui les portoit étoit déjà à la porte de la
ville.
« Relativement à c e qui s’est passé au Caire , le général
atteste q u ’i l est f a u x qu’il y ait jamais eu île m ariage lég i
tim e entre le général Destaing et A n n e ; aucun acte civil ni
religieux n’a été rédigé ; et il sa it très-positivem ent que le
général Destaing s’est constamment refusé à ce qu’il en fut
rédigé d’aucune espèce , disant à qui vouloit l’entendre , qu il
n 'è to it p as m arié. C ’est ainsi qu’il s’est expliqué souvent en
présence de son c o u s in , en s’entretenant avec différentes per
sonnes qui lui demandoient s’il étoit marié avec A n n e ; il
répondoit ainsi au Caire , à .A lex a n d rie et à P a n s , à toutes
les questions semblables q ui lui étoient faites ; c ’est ainsi et
dans les mêmes termes qu’il répondit à son père , qui lui avoit
écrit pour s’assurer de la vérité de ce mariage.
« L e général Destaing n ’avoit voulu contracter avec A n n e
qu’un de ces arrangemens fort en usage en E gypte ; une sorte
de concubinage toléré dans ces contrées. Cependant , voulant
q u ’ANNE fut respectée dans sa maison , il consentoit qu’elle se
qualifiât du titre d ’épouse ; aussi n ’étoit-elle connue que sous
le nom de m adam e D estaing.
«
A nne
n’est entrée dans la maison du général au Caire que
le 29 nivôse an 9 , à huit heures du soir. P eu de temps aupara
vant le général Delzons étoit au théâtre avec son cousin ; ils
sortirent ensemble ; ils ne s’étoient pas quittés de toute la
journée. Personne ne sait m ieux que lui (D elzo n s ) tout c e
qui eut lieu ; il n’y eut aucune cérémonie à l’église des Grecs ,
com m e on le prétend. A n ke se rendit sans p o m p e et sans bruit
chez le général , accom pagnée d ’une partie de ses pareils. L e
�général étoit seul avec son cousin ; aucun de ses aides de camp
ne s’ y trouvoit dans ce moment.
<c A l’armée d’Orient il n’y a pas eu un mariage légitime
ontre un Français et une Française , ou habitante du pays ,
l’importe de quelle religion qu’elle fût , qui n’ait été reçu par
>n commissaire des guerres, faisant fonction d’officier civil. Le
¡énéral Delzons dit q u ’il peut citer un grand nombre d’exemples
Je ce qu’il avance : chaque commissaire des guerres chargé du
service d’une place im portante, tenoit un registre a d h o c , sur
lequel tous les actes civils étoient inscrits. Son mariage, reçu
par le commissaire des guerres A g a r d , étoit sur le registre de
la place de Rozette ; l’acte de naissance de son fils, reçu par le
commissaire des guerres P i n e t , étoit sur le registre de la place
du Caire. T o u s les actes reçus par les commissaires faisant
fonctions d officiers civils, étoient soumis à l’enregistrem ent,
conform ém ent à l’ordre de l’armée , des o fructidor an 6 , et 21
vendémiaire an 7 , sous peine de nullité. Les ordonnateurs Remon-
3
don et Sartelon ont reçu des actes de mariage. Les commissaires
des guerres D e lia r d , à Alexandrie ; A g a r d , à Rozette ; P in e t, au
C a ire, en ont reçu plusieurs. L e commissaire des guerres T a r
d ieu , qui s’est marié à D a m ie tte , avec une G r e c q u e , a fait
recevoir son acte de mariage par un de ses collègues. C ’est
ainsi que se sont célébrés tous les mariages légitim es, et aucun
différemment.
cc Mais on trouvera dans cette armée un grand nombre de pré
tendus mariages, qui n’ont eu de durée que le séjour de l ’armée
en Egypte ; celui du général devoit être de c e nombre : on en
pourroit citer beaucoup d’autres. Un accord entre les p a re n s,
une somme d’argent comptée d’ava n ce , une pension promise en
cas de séparation, ont fait plusieurs de ces unions, communes
en E gypte et dans tout Orient. C est par suite d un pareil arran
1
gement que N azo décida sa fem m e a donner sa fille au général
D estaing; et il n’en a pas existé d autre qui ait pu lier le général
a vec
A nne.
Dans
�(49 )
D ans le courant de pluviôse an g , le général en c h e f Menou
dut o rd o n n er que dans les principales villes de l’Egypte il seroit
tenu registre de l’état c i v i l , tant pour les nationaux que pour
les individus attachés à l’armée. L e registre du Caire a dû être
com m encé par la transcription de l’acte de mariage .du général
en c h e f , et l’acte de naissance de son fils.
« Il est de la connoissance du général Delzons , que le général
en c h e f pressa souvent le général Destaing de faire dresser son
acte de mariage, et de le faire transcrire sur son registre, ce
que celui-ci refusa constamment.
« Madame D elzo n s, remise de ses co u ch e s, vint au Caire au
commencement de pluviôse. L e général Destaing fut parrain
de son fds : l’acte de naissance fut rédigé dans la maison du
père , par le commissaire P i n e t , chargé du service de la place
du Caire. L e général Delzons réunit ses amis à cette occasion :
A s n e n’y vint pas , quoiqu’elle fût chez le général depuis une
quinzaine de jours.
« Après cette cérémonie , le général Destaing donna une
féte à laquelle le général en c h e f , plusieurs généraux et offi
ciers supérieurs furent invités : il a pu dire à A nne que cette
féte étoit pour elle; il disoit le contraire à son cousin, et assuroit à la dame Delzons qu’elle étoit pour elle et pour la nais
sance de son fils. En e f f e t , ce ne pouvoit être pour célébrer
le prétendu mariage, puisque la féte a eu lieu plus de quinze
jours après qu’ANNE étoit entrée chez le général. Il y eut à la
même époque plusieurs fêtes au C a ire , chez les généraux Lanusse, Belliard, l’ordonnateur en c h e f D aure : A nne n’a paru
dans aucune.
« Anne n’est point fille de N a z o , com m e elle le préten d ,
mais bien du premier mari de sa mère : celle-ci épousa Barth é le m i, aujourd’hui retiré à. Marseille. N a zo l’enleva de chez
Barthélemi, et a depuis vécu maritalement avec elle. Anne a
une sœur du premier mariage de sa mère.
G
�C 5° )
« L e général Destaing avoit rendu des services à N azo ; il
l’avoit fait nommer c h e f de bataillon d'une légion g rec q u e , en
récompense de son zèle et de son dévouement aux Français.
N azo en a conservé une grande reconnoissance.
« Il est^faux que Nazo passât pour un homme riche ; tout le
monde savoit qu il étoit prodigue à l’e x c è s , donnant au premier
venu tout ce qu’il avoit quand il étoit ivre; et cela lui arrivoit
presque tous les jours. Il dissipoit ainsi en peu de temps le
profit des fermes qu’il avoit prises. Sa famille a souvent éprouvé
des besoins par son inconduite. Il ne jouissoit d’aucune consi
dération , parce qu’il n’en méritoit aucune. Sa bravoure et ses
services étoient ses seuls titres à la protection de l’a r m é e , et
lui avoient valu son grade dans la légion grecque que le général
Destaing avoit organisée.
« L e général Destaing a quitté le Caire le 20 ventôse an g ,
pour se rendie à Alexandrie ave c une partie de l'an n ée; depuis,
il n’a pas vu A n n e ; il n’a donc vécu avec elle que du 29 ni
vôse au 20 ventôse an 9. Toutes les attestations délivrées à
A n n e, portant son mariage en l’an 8, sont erronnées. Le général
Delzons se borne à une seule observation que lui fournit le
certificat du général Menou. Ce général atteste qu’étant général
en c h e f de l’armée d’Orient , le général Destaing s’est marié
en l’an 8. Le général en c h e f K leber ne fut assassiné qu’en
prairial an 8. Le général Menou prit alors le commandement
de l'armée. L e général Destaing commandoit la province de
Rozette ; il n’ a été rappelé de cette province qu’en brumaire an
g , lorsque la division L anusse se rendit d ’A lexandrie au Caire,
et qu’elle lut remplacée par celle du général Friant. Le général
'¿ayouchck releva à Rozette le général Destaing. Ce m ouve
ment est assez connu de l’armée d’Orient, pour n’étre contesté
par personne. Le général en c h e f Menou est encore dans l’er
reur
q u an d
il dit : D opres cette déclaration solennelle (~ du
général D e s t a i n g J » Jti m engageai à y a ssister , a in si q u ’ au.
�(5r)
repas, q u i eu t lieu après le m ariage; je remplis ma promesse :
to u t s ’y passa avec la plus grande rég u la rité, et te l q u ’i l d e
voir. ê tr e , sous les rapports civils e t relig ieu x.
« L e général Delzons répète qu’il n’y a eu aucune cérémo^
nie de mariage; que le général en c h e f Menou n’a pu assister
à aucune ; que le repas dont il parle n’a eu lieu que plus de
quinze jours après l’entrée d’ANNE chez le général Destaing.
L e général en c h e f ne peut pas dire que tout s’y passa avec la
plus grande régularité, sous les rapports civils et re lig ie u x , puis
qu’il ne fut dressé aucun acte civil de mariage, qu’on n’eût pas
manqué de faire rédiger par l’ordonnateur Sartelon , signer du
général en c h e f et des généraux invités, comme cela s’est pra
tiqué pour les mariages légitimes auxquels le général Menou
avoit assisté auparavant. »
T elle est la déclaration du général D elzons; il annonce que
c ’est là la déposition qu’il fera en justice ; et il atteste qu’elle
ne contient que la plus exacte vérité.
Il est donc certain qu’AuNJB ne fut jamais unie en légitime
mariage avec le général D estaing; qu’elle n’a été considérée
comme son épouse , ou qualifiée telle que par complaisance
( ou par foiblesse ), et pour qu’elle ne fût pas avilie pendant
sa cohabitation; que la qualification, o u , si on v e u t, l’usurpa*
tion du nom de celui avec lequel on cohabite, ne peuvent tirer
à conséquence, e t, malheureusement pour les m œ urs, ne sont
que trop communes , même en F r a n c e , à plus forte raison
dans un pays où la licence des camps ajoutoit encore à la dé
pravation qui règne dans ces contrées.
T ous les doutes doivent s’évanouir aujourd’ h u i, qu’il est re
connu qu’Anne étoit fille de père et mère catholiques romains,
qu’elle a été élevée dans cette religion. B a rth élem i y son p rem ier
parAtre, s’explique assez disertement ; et ce n’est que par ce
qu’il insistoit auprès du général pour q u ’il épousât A nne
devant un prêtre latin.
Il savoit que les prêtres grecs ne pouvoient ni ne vouloient
m o tif
G 2
�52
C
)
marier des personnes d’un culte différent. Les héritiers Destaing
n ’en sont pas réduits à de simples assertions , sur c e point de
discipline parmi les Grecs ; ils se sont procuré une expédition
délivrée sur l’expédition originale, du certificat du patriarche
d’ A lexand rie, donné par lui le 10 février 180g, dans la cause
du général Faultrier. C e certificat s’exprime en ces termes ( on
ne rappelle que ce qui est relatif à la cause ) :
« Théophile, par la grâce de D ieujj ape et patriarche d’Alexnn« d r ie , par la "présente, notre é c riture, certifions, qu’aucun prêtre
« quelconque de nôtre dépendance ne peut célébrer dé mariage
« entre personnes de religion d ifférente ;
« Q u e la célébration de mariage entre personnes de même
« culte ne peut être faite sans la permission patriarchale, et que
te l ’acte desdits m ariages est écrit sur un registre tenu à cet
« effet, -ii
Ce certificat, signé du patriarche, et scellé du sceau de ses
armes, est légalisé par le consul de France; il est écrit en grec
moderne, et traduit par le sieur Bourlet, interprète assermenté
près le conseil spécial des prises : son authenticité ne peut être,
contestée.
La preuve que les prêtres grecs tiennent des registres , est
encore ndmini&tiée par A kne elle-même , qui a rapporté en cause
principale un acte de naissance de M arie, sa fille. Cet a c t e ,
qu’elle a l'ait sTgiilfier le~ ï juillet i»oq , ne contient autre chose
que la déclaration de deux prêtres grecs qui disent avoir baptisé
en janvier 1803, une fille qu’on leur a dit être issue du mariage
du général Destaing avec A n im e N azo. Ils ajoutent que l’acte
de naissance ne fut pas ré d ig é , parce que c ’étoit une chapelle
isolée : donc les prêtres grecs tenoient des registres dans l’église
5
principale»
Les incertitudes , les contradictions qui
régnent dans la
défense d’Anne , fatiguent également et l’esprit et le cœur.
Quel est celui qui oseioit prononcer q u A n n e est la femme
légitime du général Destaing ?
�(
53
)
T o u s les Français qui se sont mariés en E g y p te , rapportent
des actes qui constatent la célébration du m a ria g e , assurent
leur état et celui de leurs enfans.
A nne ne rapporte aucun écrit, aucunes traces de ce prétendu
mariage ; oubliant elle-même l’époque où elle a eu l’honneur
de s’unir à un général français , elle a osé dire qu’elle s’étoit
mariée en l’an 8 , que sa cohabitation avoit duré un an.
Il est prouvé qu’il y a impossibilité que le mariage ait été
fait en l’an 8, et que la cohabitation n’a pu durer que deux mois.
Elle se dit fille de Joanny N a zo , vante le rang et la fortune
de son père , la considération dont jouissoit sa famille.
Il est prouvé q u ’elle n’est pas fille de N a zo , qu’elle doit le
jour à un Arm énien, qu’elle est fille d’une mère qui a encore
deux maris vivans.
Il est établi que N a zo étoit un fabricant détaillant d’eau-devie ; et à son arrivée à Marseille , il a sollicité et obtenu un brevet
de fabricant d’eau-de-vie de raisins secs : son brevet est dans
le bulletin des lois de l’an n .
Elle prétend ê tre G re c q u e d’origine et de religion.
Il est prouvé qu’elle est née de père et m ère catholiques ro
m a in s, et q u ’elle a eu le bonheur d’étre élevée , et de professer
la m êm e religion.
Elle veut avoir été mariée par le patriarche d’A le xa n d rie ,
quoique le général Destaing fut catholique romain.
Il est établi que le mari a le droit et l’usage de choisir pour
cette cérémonie un prêtre de sa religion.
Il est prouvé par le certificat du patriarche, qu ’aucun prêtre
de sa dépendance ne peut célébrer de mariage entre personnes
de religion différente.
Elle entreprend de prouver qu’elle a été mariée
publiquem ent
et solennellement par le patriarche d’A lexan d rie, suivant le rite
grec , et les usages accoutumés.
Un cap otai ¡1 été présent au mariage d ’un gênerai de divi
sion i et il ne s’est trouvé à cette cérémonie auguste, qui faisoit
�une si grande sensation, que la m è r e , le frère et le beau père
de sa mère.
Elle devoit établir qu’elle avoit été mariée par le patriarche
d ’.A lexa n d rie : ses témoins de visu ne parlent que d ’un p atria r
che grec. O r , on sait qu’il y a plusieurs patriarches grecs en
E g y p t e , et que le patriarche schism atique est celui qui s’a r
roge exclusivement ce titre pom peux, cette espèce de supré
matie que les autres G recs traitent de jonglerie. N ’est-ce pas
encore une affectation de n ’avoir pas fait expliquer les témoins
d’une manière précise?
Elle avoit fait assigner Joanny N a z o , elle s’en est départie;
elle a craint que dans un moment d’iv r e s s e , Nazo ne fit une
déclaration contraire à ses intérêts.
Elle n ’a point appelé en témoignage son aïeule m a te rn elle ,
femme de Joseph T u tu n g i, désignée par le général sous le nom
de la bonne v ie ille , parce que cette fem m e, catholique rom aine,
fidèle à sa religion, connoît toute la force d’ un serment devant
D ie u et les h o m m e s , et n’auroit rien déclaré de contraire à
la vérité.
Elle soutient, qu’elle a été mariée en présence du général
Delzons ; elle invoque son témoignage.
Le général désavoue q u ’il ait existé un lien lé g a l, et qu’il
y ait eu aucune cérémonie religieuse.
Elle veut être l’épouse du général D estaing; et celui-ci dé
pose dans le sein paternel la déclaration qu’il n’est pas m a r ié ,
qu il n y a entre A n k e et lui qu’un arrangem ent oriental. Il
la repousse de son s e in , et désavoue son mariage jusqu’au dernier
ni ornent.
Ses parens les plus pro ches, et dans l’intimité des confidences,
n’ont entendu de lui que des plaisanteries sur le genre de liai
son qu’il avoit avec Anne.
Q ue reste-t-il donc à Axwe? un procès verbal où M. Destaing
père a accepté la tutelle de sa petite-fille.
Elle abuse de la foiblesse d un vieillard qui lui a accordé
�55
(
)
l’hospitalité, qu’elle a trompé ou intéressé dans lé t a t d aban
don où elle se trouvoit alors.
Mais cet acte de tutelle est fait hors la présence des frères ,
qui ne furent point appelés , quoique plusieurs d’entre eux ,
majeurs , se trouvassent à Aurillac.
Mais les reconnoissances du père ne peuvent nuire aux frères,
qui étoient exclusivement appelés à la succession du général.
Elle fait parade d ’une lettre du maréchal Soult, qui l’a traitée
avec civilité , parce qu’elle lui a été présentée com m e femme
d’un général ; et le maréchal Soult ne devoit pas , sans doute ,
exiger qu’elle justifiât de son acte de mariage.
Elle n’a été admise à la preuve testimoniale qu’à raison de
ce qu’elle soutenoit qu’il n’y avoit aucun registre , et qu’il n’étoit
pas d’ usage d’inscrire les mariages.
Il est prouvé que les prêtres de toutes les religions, et notam
ment les g r e c s , tiennent exactement des registres.
Q ue demande donc cette femme ambitieuse? Les frères Destaing pourroient-ils redouter ses démarches? Viendra-t-elle leur
enlever les biens de leur père , de leur m è r e , de leur f r è r e ,
et d’une tante morte pendant le procès?
Non : les héritiers Destaing ont cette conviction , que dans
une cause de ce genre tous les esprits s’élèvent à ces vues supé
rieures du bien p u b lic , qui forment le premier objet de la justice.
C ’est ici la cause de toutes les familles. Les citoyens de toutes
les cla sses, de tous les é ta ts , sont intéressés à l’arrêt que la
Cour va prononcer.
Monsieur R O C H O N D E V A L E T T E , avocat général.
M*. P A G E S , ancien avocat.
M*. G A R R O N , avoué.
A R I O M , de l 'i m p . de T H IB A U D , im p rim . d e la C o u r im p é ria le , e t lib r a ir e ,
r u e des T a u le s , m aison
L
a n d r io t
.
— J u in
1811.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, frères. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rochon de Valette
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour les frères Destaing, appelans ; contre Anne soi-disant Nazo, se disant veuve du général Destaing, et tutrice de Marie, sa fille, intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud, maison Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
55 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0610
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0609
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53870/BCU_Factums_M0610.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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MÉMOIRE
EN
RÉPONSE,
t
POUR
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’E S T A IN G , ancien
commandant d’armes à Cham béry , J a c q u e s T h é o d o r e , P ie r r e - G a b r i e l , C a t h e r in e e t
D ’E S T A IN G , frères
et sœurs,
t
intimés et appelans ;
E l iz a beth
c
A
n n e -,
o
n
t
r
s o i- d is a n t N A Z O
e
s o i - d is a n t Grecque
d'origine, se disan t veuve du général d ’E s t a i n g ,
, safille,
appelante d'un jugement rendu au tribunal de
M auriac, le 1 3 août 1807, et intimée.
se disant pareillement tutrice de M
Q U E S T IO N
a r ie
D ’É T A T .
C e t t e cause est de la plus haute im portance, et
doit exciter vivem ent la curiosité p u b l iq u e .
U ne Égyptienne, musulmane de religion, échappée à.
A
/
�(2 )
la servitude d’an harem , a goûté quelques instans les
chax*mes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce g én éral, après la capitulation d’A lex a n d rie, a
repassé en France. U n événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa fam ille, à ses amis.
L ’ A fricaine réfugiée a cru trouver les circonstances
favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veu ve, et donner son
nom à une fille dontelle estaccouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
E lle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
vieillard respectable e't crédule, q u i, dans sa douleur,
trouvoil quelque consolation à accueillir ceux qui avoient
eu des relations avec son fils chéri.
Cet acte de bienfaisance lui a été reproché : on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G recque, qui réclame'2toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p è re , décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles.dont
il n’est pas permis de s’écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des êtres obscurs et dépravés.
F A I T
J a c q u e s -Z a c lia rie
S.
d’Estaing, général de division , eut
l’honneur d’être Domine de 1 expédition d E gyp te, sous
�( 3 )
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Français.
A p rès quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de là place du (jaire ; il s’y lit distinguer
par sa bravoure et ses manières généreuses. Les Grecs
qui habitoient le Caire voulu ren t, suivant l’ usageT'ofiVfr
une somme d’argent au com mandant. JLl la retu sa avec
noblesse.
L e nommé J o a n ny N a z o , q ui va figurer dons cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivi’antes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Cophtes et les Grecs qui se trou voient au Caire,
étoient tous dans le partT des français. JLe commandant
fut chargé d’organiser des bataillons_parmi eux. Jo a n n y
JSazo étoit un de ;eux qui m ontroient le p lus de chaleur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
"
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’inform ent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de cam p, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnée.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. O n ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(4 )
empressement : N a z o envoie au général , A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a z o avoit épousé la veuve d’un
m usulman; A nne étoit provenue de ce premier mariage,
et a voit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-m êm e convenue, et l ’a. ainsi déclaré en p résence
de plusieurs personnes.
G o m m e n t pourroit-elle le désavouer? S i, comme elle
le d it, elle étoit G recque d’origine et de relig io n , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Parabe, langue féconde et har
monieuse, que parlent en général les T urcs qui habitent
cette contrée de l’A friq u e, et dout les prêtres grecs n’en
tendent pas vin mot.
~;;U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne Egypte * jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres -par l’aiitiq uitéde leur origine',
la sagesse de leurs règlem ens, l’étendue de leurs connoissances , n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples d ivers; les C op lites,les M aures,
les A rab es, les G recs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
‘
• r,:' '
Ce mélange de tant de nations, la diversité des cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les vices les plus honteux y règuçnt avec impunité.
�(5 )
u in n e , soi-disant N a z o , fut donc livrée au général
, d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-mêm e à son père d’un événem ent qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
C aire, le z 5 pluviôse an 9 , il ne craint pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon k une jeune
« G recq u e, q u i, d’après un arrangement orien ta l, fa it
« les honneurs de chez l u i , depuis près d'un m ois. »
C ertes, si le général d’Estaing avoit eu des vues h o
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
y eu x de son p è re; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté , surtout dans une lettre où il fait mention du
mariage de son paren t, le général D elzo n s, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencemens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qxi’A.nne étoit venue'
habiter chez le général d’Estaing.
O r , depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’E gyp te, un
bureau d’enregistrem ent, où tous les titres de propriété,
et les actes Susceptibles d’etre produits en justice, devoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 30
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un o r d r e du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
. Ge chef illustre > dout la sage prévoyance embrassoit
�.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez; il falloit donner
aux actes civils la plus, grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’arméé
a fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des gu erres, ceux qui seroient
a passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
a par-devant les notaires du pays, étoient nuls en F rance
« comme en E g y p te, s’ils n’étoient enregistrés confor« mément à l’ordre du général en ch ef, en date du 30
cc fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzon s, parent
du général d’E stain g, a contracté mariage avec dem oi
selle A n n e V a j'sy , née à A lexan d rie, il a été dressé un
acte civil.
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brum aire an 8 : il est reçu par Joseph A g a r d , com
missaire des g u e rres, faisant fonctions d’olïicier c i v i l ,
avec mention « que Vacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conform ém ent a u x ordres du
« général en c h e f : » et cette form alité d é l’enregistrement
a été rem plie à R o zette, le 22 brum aire, six jotrrs après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine; natif
de B ite t, département de la M o selle, avec Catherine-
�(7 )
Sophie V a r s y , fille d’un négociant de R ozette : l ’acte
également reçu par Joseph A g a r d , le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain.
L e général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’ un fils; l’acte de naissance
de l’enfant a été x*eçu par le sieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
En un m o t, tous ceux qui se sont mariés en E gypte
ont pris la même précaution; et ils y étoient tenus d’après
les ordres du g é n é ra l, à peine de nullité.
Ces obsérvations préliminaires trouveront leur place
dans la suite. L e général d’Estaing ne cohabita pas long
temps avec A n n e. Les Anglais débarquent à A b o u t ir :
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendre à A lexandrie
en ventôse an 9. A n n e reste au C a ire , et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
*
A insi Varrangement oriental n’a pas eu deux mois
de durée;
A près la capitulation d’A lex a n d rie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Par un des articles de la capitulation les Anglais
s’obligèrent dé faciliter ce passage.
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
Nazo~, A n n e , sont du nom bre des réfugiés. D ’après le
récit dA n n e , « elle fut embarquée à A b o u k ir, sur un
K petit navire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
« elle est saisie des douleurs de l’enfantement dans le
« navire: le patron prend terre, et jette l’ancre sur la.
k côte de Céplialonie,
x î Tv''k
�(8 )
« A im e accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fat
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
IL faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A n n e est obligée
d’en convenir.
' Cependant « le consul français l’honora de sa visite. »
E h quoi ! le consul ^français fait visite à une femme
qui se dit l ’épouse d’un g é n é ra l,'q u i n’est pas remisé
des’ douleurs de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas représenter l’enfant ! il ne dresse p oint d’acte de
naissance, tandis que son devoir l’y obligeoit! Il est sans
contredit difficile de faire croire à une pareille omission :
le prêtre au Vnoins auroit dû constater par écrit le bap
tême de reniant*
Enfin voilà A n n e remise de ses douleurs, et débarquée
à T a ra n te , dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout, se trouve un A u vergn at, de la ville m êm ed’A u rillac,
dppôlé L a ta p ie , qui ,^Omme cu rieu x, voit ces nouveaux
débarqués. Latapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille viennent de débarquer, d’après
la capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mari.
Cette lettre se répand dans la ville d’A u rillac; le sieur
d’Estaing père en est in form é, et en écrit bien vite à
son fils.*Celui-ci rép on d, le 13 ventôse an 10 : « Quant
« à mon m ariage, vous ne devez pas plutôt croire la
« lettre
�( 9 )
lettre de Latapie que la mienne ; il rfy a aucun lien
légal; je ne l’aurois pas contracté sans vous en prê
venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient peutêtre bien amener celui-là. A u reste f ai é c rit à cette
famille de se rendre à M arseille, et d’y attendre do
mes nouvelles. »
U ne lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas ime possession d’état. Il semble assez naturel qu’ une
femme ne puisse prétendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancedecelüi qu’elle dit être son mari.
L e général d’E staing, arrivé à Pai*is, y a trouvé là
m ort, le i 5 floréal an 10. O n a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l ’ex tra it, prouve
«
«
te
«
«
«
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire, que toujours en activité do service, il attéil-
doit du gouvernem ent une destination ultérieure.
.Le sort en a décidé autrement ; il a v écu. M . D elzons,
législateur, oncle d u général d’Estaing. étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il tait prendre routes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du défunt.
M . Delzons savoitqu’^ ; ? e devoit se rendre h Mnrspillff,
ville assignée aux Egyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à L yon pour raison de santé, et y avoit pris un
logem ent commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur B onrdin . marchand cliapelier, originaire d’A u rilla c , et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer à A n n e
�( IO )
JajnQrt_dtvg£péval d’Estaing, et de lui procurer un loge
m e n tplus économ ique que celui qu’elle occupoit. Boui'din
excéda ses instructions ; il crut qu’il valoit m ieux encore
faire partir cette femme pour A u rillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A u rilla c, A n n e , sa fille, et une nourrice.
M . d’Estaing père n’a aucune coniioissance de cette
dém arche; il n’en est inform é que par Bourdin lui-m êm e,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
üt~précède de deux jours la prétendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
recevoir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
que sous des rapports peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. L a charité ou la compassion
l’obligeoient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
O n chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A n n e. L a
résistance du p è r e , pour recevoir cette femme dans sa
m aison, est connue de toute la ville.
M ais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiïerens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différons des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés ; et soit curiosité,
pitiç ou faiblesse, le sieur d’Estaing, dans ce moment
de d o u l e u r , atterré p a rla nouvelle fatale de la mort de
son fils,-accable sous le poids des ans, se laisse,subjuguer;
il admet, cette fcimnc dans sa maison.
�Son arrivée à A u rillac date du I er. prairial an 10 ,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a d it, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps inform é, et de la m ort de son fils, et de l’arrivée
de l ’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
A p rès une quinzaine accordée à A n n e , pour la reposer
des fatigues de son v o y a g e , il lui fait part de la lettre
du g é n é ra l, son fils , et lui communique ses doutes :
A rm e soutient qu’elle est l’épouse légitim e du général;
qu’elle a été mariée au Caire , au com m encem ent de
Tait 8 ; que sa famille, qui est à Marseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille.
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse d'A n n e , de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin cPun secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire , ni ecrire cn"llililiWi;^
Dans l’in tervalle, M . Delzons arrive de Paris ; il est
inform é de ces détails. Il connoissoit!l’état des affaires
du gén éral; il observe à son beau-frère qu’il est Tinrent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du m obilier : mais comment faire? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit Agée
de dix-sept ans seulement; elle n’a aucun titre pour deB 2
�( * o
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineui’e : le sieur d’Estaing père ne
c o u r t aucun risque à accepter la tutelle de M a r ie , qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillai’d respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres en fans ne sont pas de cet
avis ; ils représentent à leur père l’inconséquence de cette
dém arche : ils ne sont pas écoutés on les é v ite , on les
fu it; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
• L e 5 messidor an 10, le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’ Aurillac ; on lui fait ex
poser « que Jacques-Zacliarie d’Estaing, son fils, général
« de division,, est décédé à Paris le i 5 floréal an 10,.
« laissant une fille u n iq u e , alors âgée de cinq m o is,
a nommée M a rie, p ro ven u ed e son mariage avec A n n e
« JS a zo, Grecque d'origine ; que la loi défère à lui ,
« a ïe u l, la tutelle de sa petite-fille, attendu surtout la
« m inorité d'A n n e JSazo , sa mère ; et désirant cire’
« confirmé en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
« pour délibérer tant sur la confirmation de la tutelle,
a que sur la fixation de la pension de la p u p ille , sur
« les Iiabits de deuil , et pension viduelle de la dame
« veuve d’Estaing ; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure, d e
« la m è re , depuis L yo n jusqu’à A u rilla c , ainsi que des
« frais dûs pour salaires à une nourrice provisoire, depuis
�( 13 )
« Tarente 7 ville du royaume de Naples, y compris urr
c mois de séjour à L y o n , jusqu’en là ville d’A urillac ;
« lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
« de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
« comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
cc qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
<x tant par lui-mêm e que par ses fondés de pouvoirs. »
U présente ensuite pour composer le conseil de fam ille,
des parens éloignés, si on en excepte les sieurs Delzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans,-frères du d éfu n t,
dont quatre majeurs ; il étoit tout n atu rel, et la loi le
commandoit im périeusem ent, de con voqu er.à cette as
semblée les frères du défunt : ils étoient essentiellement
membres du conseil de fam ille; on les écarte avec le plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’E stain g, aïeul de la m ineure, daus
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bon
et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la suc
cession du défunt général d’E staing, faire procéder à la
vente du m obilier, et de faire l’em ploi utile du prix en
provenant, conformément à la lo i, après avoir prélevé
tous frais, dettes et charges de la succession.
2°. Ces parens estiment que la pension de la m ineure,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellem ent, que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette des revenus..
30. Ils portent les habits de deuil de la dame veuve
�( J4 )
d’Estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n ,
et qui ne sont point encore acquittés, à une somme de
io o o francs : le tuteur est autorisé à fournir ces habits,
en retirant quittance des marchands et fournisseurs.
4 0. Quant à la pension viduelle de la v e u v e , et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tu te u r, leur fournit en n atu re, nourritu re, logem en t,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de io o o francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. p ra iria l an 10, époque de son arrivée ci A u rilla c.
Ils allouent au tuteur la somme de 604 francs, avancée
par lui pour frais de voyage de la v e u v e , et salaire de
la nouri’ice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.
5°. Ils autorisent le tuteur à traiter, tant par lui-mêm e
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fait des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le m ontant, soit
que ces fournitures aient été faites à P aris, à M arseille,
au défunt g én éral, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
Ce procès verb al, si indiscrètement l'édigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyplienne.
Il en résulte, suivant elle, une l’econnoissance formelle
de sa qualité de veuve d"E sta in g , une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è r e , étranger à la suc
cession de son fils, puisque le général est m ort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession
une inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. T o u t
�( i5 )
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu im porte que le général
ait désavoué son m ariage, qu’il ait attesté qu’il n'y açoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue G recque; le
,père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civ il, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V o ilà l’étrange l’aisonnement dûA n n e et de ses conseils.
M ais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbal.
Gomme Egyptienne réfugiée, elle a voit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’A lexan d rie; seulement
la pension à?Aizjic étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées.
Mais A n n e , munie de cette délibération de fam ille,
qui la traite comme veuve d’un général français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de l’étal ; e t , en
cette qualité de veu ve, elle obtient de notre magnanime
Em pereur que sa pension sera portée à la somme de
2000 francs.
Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing père que pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore profiter de la bienfaisance
du souverain, pour en induire une reconnoissance solen
nelle de son état par l’Em pereur lui-m eine; ce qui doit
imposer silence à des collatéraux importuns.
11 faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque plus ruséo
�( 16 )
tiî plus adroite. O n examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d 'A n n e contre les frères d’E stain g, et si ce brevet est
(encore une possession d’état.
D e u x jours après l’acte de tu telle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne une procuration au sieur
D elzo n s, résidant à P aris, pour faire procéder à la ré
motion des scellés apposés sur les meubles et effets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-^
ventaire du m obilier, le 24 messidor et jours suivans. 11
est dit dans le procès verbal que c’est à la requête de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de M arie
d’Estaing , sa petite - fille , enfant mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’A nn e N azo,
sa v e u v e , Grecque d’origine.
O n y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et porter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
ta in g , son père.
O n remarque que le général d’Estaing ayant été marié
au C aire, en E g y p te , il n’a point été fait entre lui et sa
veuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing; que ce domicile étoit à A u rillac, pays soumis
à la coutume d’A u v e rg n e , qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
L e sieur D elzon s, fondé de p o u vo ir, devoit au moins
savoir qu’Aunllac est en droit ecnt.
Parm i les papiers du défunt on ne trouve aucun acte,
aucunes
�, ( h )
aucunes pièces relatives à son prétendu m ariage; i l 'n y
a pas le plus léger renseignement, si ce n’est' deux lettres
récentes, écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : Yune e s t , dit-on , écrite par
le père de la darne d 'E sta in g , q u i apprend au défunt
Y accouchem ent de son épouse, et Y autre d'un sieur Latapie, q u i annonce ait général d'E staing Varrivée de sa
Jem m c ¿1 Tarente.
■
■
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire
du m obilier; on a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignoré
ces démarches,' et n’ont été appelés à aucune opération1.’
- En attendant, et pendant que tout ceci se passoit à
P a ris, A n n e ne recevoit rien de Marseille ; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduite dans la
famille les augmente : on avoit a|Dpris qu’elle n’étoit pas
même fille de Joanny N azo; elle n’avoit pas reçu l ’acte
de naissance de M a r ie , qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
n a v ire, le con sul, ou le p rê tre, il étoit naturel de le faire
au moins à T aren te, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
L a famille du général m urm ure: A n n e s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer; elle écrit à Jo a n n y N a zo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
svir la demande d’A n n e , relative aux actes qui dévoient
constater son é ta t, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�( i8 )
arrive à A u rillac, et emmène à M arseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant ; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
, E lle im agin e, le 5 fructidor an n , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà muros: E lle lui expose « qu’il lui im« porte de foire connoître son origin e, qu’elle ne peut
« le faire par pièces probantes, attendu que dans sa patrie
t«ril n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ellç .requjert le juge paix de recevoir les déa clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se ren d re, relatives à son o rigin e,
q ret q u i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
et est impassible de produire, »
0.A l’instent se présentent N ico la s Pappas O n glou, se
disapt chef de brigade, commandant les chasseurs d’Orient,.
âgé do 45 ans, né k Scheraet, en A sie ; G a briel S a n d ro u x,
aussi chef de brigade du même corp s, âgé de 36 an s,
i>é au G rand-Caire ; A b d a lla M a n ou r, chef de bataillon,
âgé. de 34 ans, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5o ans; A lla Odab a c h i, né à A le p , réfugié d’E gyp te; Joseph D ir fa m ,
#é à Con&tantiuople > réfugié d’Egypte ; et Constanti
K ir ia k a , pé à Schemet* en Asie.,
Il c¡st djt que toute cette;w m pagm e a g it nycc la pré
sence. et sous. VautQi'isatÂQu d,e Jaquís d?A c o m ia s , irtfgr,-»
U
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarant * par l’or
gane de l’in terprète, « qu’ils ont résidé habituellement
ce en E gypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfaîte« ment connu J ea n JSàzo et Sophie M is c h e , son épouse,
« père et mère d'A n n e - qu’ils sont bien mémoratifs de la
« naissance d ’ A n n e ISaZo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es* taing. w
Josep h Tutcmgi\ C o n sta n tiK iria k o et J o s e p h D u ja in *
déclarent de plus. « qu’étant passés en France avec A n n e ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céphalonie dans le
« mois de nivôse an 10 , ladite dame y accoucha d’unê
« fille, qui fut tenue sut les fonts baptismaux par ld sietff
« N assif, officier de chasseurs, et par-la dame M arie
« M ische, son aïeule, a
*
A n n e se faisoit ainsi rédotmoîtx'e par ces réfugiés sans
avertir personne, et ne donna plug d<? scs nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille y qu’elle avoit laissée à
A u rilla c; encore eut-elle recours au min'istrd dé la justice
pour faire cette demande. E lle a fait im prim er qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordrefs supérieurs pou r avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclam ation, le m inistre'écrivit pour
avoir des renseigneimens ; et le sieur d’Èstaing père!, fort
étonné d’apprendre qu’on se fût adressé au m inière, répond
sur le champ qu’il est prêt ù remet trie un dnfant qu’on lui
«voit laissé, et qu’il n’avoit gardé que par humanité.
Les frères dt soeurs du général d’Ëstairig, à qui 011 ¿voit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
de le u r côté des informations ; l’un d'eux, commandant
G 2
�( 20 )
d’armes à Cham béry, avoit vu le gén éral, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit rien dit sur son
prétendu m ariage; il étoit plus à portée qu’ un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. 11 est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les,
autres pour la conservation de leurs droits.,
. Tous^se déterminent à faire faire entre les mains de
leur p è re , par acte du 20 thermidor an n ( une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est provenu de la succession du généi’al.
L e 7 ventôse an 1 2 , cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing p ère, pour se concilier sur la demande
tendante à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la totalité de la succession de leur frère , sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’E stain g, leur frère, encore mineur.
< L e 11 ventôse même m ois, procès verbal du bureau de
paix-: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
« enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de. ses liaisons
« avec Catherine P on talier, originaire de Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce m o« ment entre les mains de P ierre M a rcero n , jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier..
« L e sieur d’Estaing père observe que la loi donne des
« droits à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecque, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
« L e sieur d’Estaing ajoute qu’il, voulut bien accepter la
�( 21 ]
«tutelle de cet en fan t, attendu que sa reconnoissance ne1
« pouvoit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« ta in g , soit comme se disant créancièi'e, soit comme
« com m une, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordon n er, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant n a tu re l, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendem ain, 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(m ajeurs) présentèrent l’equête au tribunal d’A u rilla c,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
b ref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
.délaissé à chacun un sixième de la succession, suivant
l’inventaire qui sera représenté ; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de i2000fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
M êm e jour , assignation aux fins de cette'requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’A u rillac un juge
ment contradictoire qui ordonne q u 1A/m e N azo , Em ile
d’Estaing, enfant naturel du d é fu n t, Jean-Baptiste et
A n to in e Pascal’ d’Estaing, ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u rilla c, Anne n e1
perdoit pas son temps : elle s’étoit imaginée que le tri—
.bunal de la Seine devoit seul connoîtrc de toutes les con—
�( 2 2
)
(estations qui pouvaient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
,
Q uoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12 : elle ne savoit pas trop encore ce qu’elle
devoit dem ander; mais par Une requête du i 5 messidor
an 1 2 , elle règle définitivement ses conclusions.
E lle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidorî elle expose « q u ’après la m ort du gé~
« néral d’E stain g, décédé à Paris le iô floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
«-d’E stain g, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« l'ejoindre son m a ri, pour se ¿faire nom m er tuteur de
« Tenfant m ineur du général,, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
.;
•.
E lle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ;: qu’il ne doit plus retenir l’administration
«des b ien s, dont m oitié lui appartient'à elle comme
« commune.
« Q u’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre resî«• soui'ce qu’une pension sur l’é ta t, de 5 2 0 fr. ^qui a été
« portée ù 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le prem ier terme de quelque temps,
« E lle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N ap o léo n , lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
• « Il s’est trouvé,dans l’actif du défunt général,.trois ins«* criptions du tiers-consolide sut l’état y faisant'ensemble
�C 23 )
« 2000 fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« h être autorisée à les p ercevo ir, à faire faire toutes mu
et tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de io o o o fr. »
A u p rin cip a l, elle conclut à ce que M . d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
m uniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débta9, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
U n jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M . Uestaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à P aris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte à A u rilla c .il n’a voit en effet d’autre domicile qite
celui de son origine.
M . d’Estaing décline la ju rid iction , et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlem ent de jtig£&
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13 , décide que la 9utí-*
cession du général est ouverte à Aurillocij et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et *8 mes
sidor an 12 , qui sont déclarés mils et comme non
avenus , ainsi que' tout de qui a précédé et suivi f f&n-*
voie la couse et les parties à procéder devant le tribunal
¿ ’arrondissement d’A u rïïla c , pou# leu r être fait droit Sur
leurs ctemande* rcspectivca.
; ¿
a
t çilO la:
�( 24 )
A n n e , à son to u r, suspecte le tribunal d’A u rilla c;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la co u r, pour être renvoyée devant tout autre
tribunal.
M . d’Estaing se prête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrê t du 2.6 thermidor
a n ' 1 3, qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
11 n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, qu'A n n e , soi-disant N a z o , et le sieur d’Es
taing père : la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à A urillac. Ce tribunal, investi
de la cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
A n n e ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M a u ria c, contre le sieur d’Estaing p è re, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle,, ne se prétend plus
commune avec le gén éral, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u v o ir ,
déclare « qu’A n n e le fait citer sans fondement et sans
«c raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
« se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
« prétentions j
�( 20 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’ un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayaus droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritier« du général;
et d’abord c’est Em ile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m in eu r, puis les frères et sœurs du général; il expose
q u ’A n n e n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les m ains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un m otif de plus
pour qu’elle s’adresse à e u x , afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de M arie, et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit a par fraude, çuppQ« sîtion de personne, et par des insinuations per/Ides. »
A n n e seule l’excita à toutes ces démarches, q u 'il
rétracte et désavoue fo rm elle m en t, ne v o u la p t'p a s
qu’ une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour f ille de
Jo a n n y N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M a riey
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu piariage,
et l’état de M a rie , sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A n n e pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing p è re; elle roçoonpît la néces-
D
�C rf)
. •
sité de rapporter des actes'authentiques qui établissent
son origine et son m ariage: elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’ irnngine-t-elle pou r y suppléer ?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge de
paix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitim e mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10 ; que
« son mariage a été célébré religieusem ent, et d’après
« les rites du pays, devant le patriarche d’A lex a n d rie,
« habitant au G rand-Caire ,- mais que n’étant point en
« usage en E gypte de tenir des registres des actes de
« l’état civ il, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
•f
« la déclaration des personnes qu’elle présenloit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
I.arrey de B ea u d ea u , ex-chirurgien en chef-de l’armée
d’Egypte; dom R ap haël de M o n a ch is, membre de l’ins
titut d’E gypte; un sieur A ntoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur H ector
JJaure, ex-inspecteur général aux revues de la même
armée.; un sieur L u c D uranteau, général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
im périale; un sieur M artin-R och-X avier Estave, ex-di
recteur général des- revenus publics de l’Egypte. •
' Tous ces témoins réu n is, et par une déclaration eol* lë ctiv e , attestent, « pour notoriété publique, connoître
�(
*7
)
« parfaitement A n n e N a z o , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au G rand-Caire, clief
« de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e , pendant le cours de fa n 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusem ent, et d’après les
« rites du pays, en légitim e mariage avec Jacques-Zac? cliarie d’Estaing, par le patriarche d’A lexa n d rie, ha« bitant du Grand-Caire ; que l’acte de célébration n’en
« a pas été ré d ig é , n’étant point d’usage en E gypte de
« tenir un registre de l'état civil ; mais que le mariage
« n’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’ un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’.Esiaùig, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a z o , veuve d'Estaing,
* Ji’a pas cessé d'habiter avec son m a r i, q u i Va tou« jo u r s traitée com m e son épouse légitime. »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal d elà Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
O n ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour hom ologuer une
enquête à fu tu r, faite sans ordonnance de justice, sans
jugement préalab le, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout.curieux d’entendre ces t é m o i n s officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an
sans déD a
�( 28 )
signer aucune époque p récise, lorsque la lettre du gé
néral, du 2.5 pluviôse an 9 , annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un m ois; de les vo ir déclarer
que le mariage a été célébré parle patriarche d’A lexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester opüAnne n’a cessé
d’habiter avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à A lexan drie, lors du débarquement des Anglais
à À b o u k ir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M . d’Estaing père au tribunal
de M a u ria c, par exploit du 30 mai 18 0 7 . M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de ses protestations contre tous aveu x, toutes
dém arches; que ce n’est que par erreur et par fraude
qu’ il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont A n n e pourroit inférer une reconnoissance de
son état ; il conclut enfin à ce qu'‘A n n e , comme étran
gère, soit tenue,,aux termes du Code, de donner caution
judicatum suivi.
L a cause portée à l'audience au provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le 12 août 1806, par lequel
le tribunal de M a u ria c, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ordon n e, avant Faire d ro it, que les parties feront dili
gences pour mettre en cause les prétendons droit à la
�( *9 )
succession du général d’E stain g, en se conformant à l'a;
loi ; et néanm oins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à A n n e Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugem ent, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
O n ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance ; les plus petits détails peuvent être précieux :
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterm iné ce jugement, auquel les héritiers d’Estaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les éti’angers à donner caution du
judicatum solvi. ^inne se disant ëpouse d’un général
français , i l est incertain si elle sera regardée comme
étrangère', ou si elle se trouvera dans l’exception de
l’article 12 du même C o d e; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage
on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n?a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement l’aisonner; car s’il faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une cau tion , la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès q u'A n n e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son é ta t, elle d e v o i t être*
assujétie
cette formalité..
Les premiers juges ajoutent qui!A n n e ? 601^ comme;
�C 3° )
com m une, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père , lui sont
étrangères, et ne peuvent m ériter aucune litispendance
q u i la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « niais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p è re , qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N a zo
« et le sieur d’Estaing père seulement-, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u rillac, entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Q ui croiroit qu’avec ce m otif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des prétendans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’eiTet sur une pension alimentaire , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
T els sont les motifs de ce prem ier jugem ent; ils pouvoient être plus conséquens, et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges hésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils u’etoieut, dans l’espèce parti-
�( 3l ) ^
cu lière, que des juges d’exception ; ils n’avoient récit
d’attribution qu’entre A n n e et le sieur d’Estaing pèrer
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’Aurillac ,
juge naturel des frères d’E stain g, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure, .
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le p a rti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’A urillac , d’intervenir en l’instance , et de
form er tierce opposition au jugement précédent : leu rrequête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qu'A n n e soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur p è r e , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au partage de la succession du général
d’Eslaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé k
Aurillac..
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A u rilla c, le 13 août 18 0 7,il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoit
« été mariée avec le général d’E stain g, au C aire, en!
« E g y p te , par le patriarche d’A lex a n d rie, en présence
« des principaux oiïiciers de l’armée française en Egypte,,
« en l’an 8, sans désigner le mois n i le jo u r de cette année ;
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées •, et que d’après ces usages,,
il ne se faisoit jamais d’acte écrit du mariage ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quii
« attestent le mariage et l’ usage du pays;
�.-
( 32 >
« Attendu que les tiers opposons ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver , par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à A lexan d rie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
c< Attendu que la dame Nazo prétend que la reconnoissance de son mariage, et même la reconnoissance de la
'« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« résultent de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
'« i 5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
c< de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénom m e, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’E staing, de l’aveu de
« toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , h la
v citoyenne d’E s ta in g , à.la citadelle du C aire, et datée
« d’Alexandrie ;
' v« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
« son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
« plaindre de ce que son père ajoutoit plus de foi à une
a lettre d’un sieur L a tap ie, qui lui avoit mandé que le
« général d’Estaing étoit marié en E g y p te , qu'à lu i çt même ; il continue par dire à son père qu’il rfy a
a aucun lien légal entre la dame Nazo et lui ; qu’il ne
« l’eût
�( 33 )
« l’eût pas contracté sans le prévenir -, et il finit cepen« dant.par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famille de se rendre à
« M arseille, et d’y attendre de ses nouvelles';
« Attendu qu’après le décès du général d’ E stain g,
« arrivé le i 5 floréal an 1 0 , le sieur d’ E sta in g ’père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du g é n éra l, et présentées dans'toute la
« ville'en ,cette qualité pendant'huit mois ;
-r
« Attendu que le sieurtd’Estaing père a requis, dans
« un procès verbal tenu devant le juge de paix d’A u « r illa c , et composé de ce qu’il a de plus «clairé et de
« plus recommandable dans sa fam ille, le 5 messidor an
_« 10, .et»a obtenu la qualité de tuteur-deM arie d’Estaing,
« sa ¡petite-fille,1 p ravçn u e, y est-il dît , *du mariage du
« général d’Estaing avecila dame Na»o;¡dans lequel procès
« verbal il ;a fait fixer >les frais par Hui -avancés pour leur
« yoyage de L yo n à A u rillac , les ha’biis <îe deuil de la
* idame ,N a zo , et une pensiari>pbur elle ét sa fille ;
« Attendu qu’en)vertu'de ce¡procès veri5aî,!,'le sieur
« d ’Estaing père a fait procéder à la rém otiôn des scellés
« apposés à Paris sur les effets du géûéral’d’ Estaing, son
* fils ., À laquelle le père de la dame Nazo', *et le sieur
D elzo n s, législateur^ ^ont assisté, et’le^ieur d’Estaing
« a r£ait ensuite procéder à '^inventaire dé 'Süri' m obilier
k par le sieur D e lzo n sfils, son iondé^de p o u v o ir, ler24
* messidor an æo ;
r
1 '■
« A ttendu que (lorsque la >dame Nazo , après un
« séjour de h u it mois chez le 'sieur id’Estaing p ère, l’a
•k quitté ce 4 ejcnier a gardé M arie d’Eataing, sa fille0,
E
�f 34 )
« et.ne ¡Ta remise à sa mère*qu’en vertu d’ordres supé« rieurs;
.
* .
t « Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
cc d’Estaing, et l’état de M arie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne luifétoit plus permis de varier; '
« ; Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance form elle que par sa réponse au bureau
*: rde paix du pauton de M auriac; ' ■
,ct Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des au très ¡pièces produites par la dame N azo;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenü de registres,
« l’arlicle 7 du titre: 2.0 ide l’ordonnance .de 1667 , dont
« a été ¡pris l’article 46 du C ode, perm et ddiprouver par
■
a\ témoins la célébration du m ariage, et.la'naissance des
«r enfansjqui en sorit'.provemis^iet que,’ dans l’espèce,
cette preuve^téstimoniale est. d’autant plusiadmissible,
« que; le. procèsaYerbal;jdejlai.tutelle :déférée au sieur
« d’Estaing pève peut être considéré comme un cominen.« cernent de preuve par écrit de la possession d’état'de la
« dame N azojet fie.sa^ fille; .
« L e trib u n a l,.sa n s préjudice, etc., et sans rien pré«. ju g e r, ordonne, ayant fairejd ro it,'q u e la dame Nazo
.« ferafpreuve;parrdevant le président du tribunal, dans
« les six mois à' com pten de .la^signification du présent
k jugement à personne ou dom icile, etceitant par'titres
,« que par témoins, 1°. qu’il n’étoit pas .d’usage au Caire,
« e n l’an 8 , soit, .pour; les' militaires îfrdnçais , ou [tous
« autres, de tenir des registres d e l’é ta t ici viL, ni de rédiger
�c 3 0 }
« par écrit les actes de m ariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céphalonie de rédiger par écrit des actes
t< de naissance; 2°. que la dame Nazo a été mariée en
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’A lexan d rie, avec les cérémonies usitées
« dans Ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps 'elle a été publiquement
« reconnue, pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céphalonie , d’une fille
« provenue de ce mariage , dans le mois de nivôse an i o ,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing ; sauf au
« sieur d’Estaing p ère, et aux tiers opposans , la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
L a dame A n n e a fait signifier les qualités de ce juge
ment , sans aucune protestation ni réserve , le 22 août
18 0 7 .
L e 5 décembre suivant , A n n e interjette appel’ de ce
jugement interlocutoire : ellela renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; e t, pour la prem ière fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
m ariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800; fête qui arrive douze jours plus ¡tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répon d, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on Passujétit ù une
p reuve; elle n’en avoit pas besoin. :•
Les frères d’E stain g, à leur to u r , jtant en leur nom
personnel que. comme héritiers de leur père , décédé
pendant l ’instance , se rendent m cidcm i»^11 appçlans du
E 2
�( S<5 )
même jugem ent, notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667 , de l’article 46 du C ode, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 1 7 0 , 1 7 1 , 194
et 195 du même Code»
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en form e de m ém oire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tom bée, et d’ap
précier le m érite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
r U ne étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère , noms chers et sacrés, d*où naissent
les plu^doux charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer ! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui les.
a produits.
'
'
1
^
Point de précision sur les faits, contradiction sur les
dotes, exagération dans les circonstances, erreur sur led
uages ou les mœurs du pays*
Com m ent p o u rro it-o n accorder quelque confiance à
des actes extrajudiciaires, sollicités, m endies, obtenus,
contre tous les principes et touies les formes ?
‘L a faveur disparoît, l’illusioiï cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte de terreur,
d’admettre, au détriment d’une fam ille, une usurpatrice,
une c o n c u b i n e , qui mettant peu de prix à ses charmes „
a Cédé facilement aux appas de la v o lu p té s
r
A n n e pourroit-elle se faire un titre d’un procès verbal
�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foiblesse ou de Terreur
d’un vieilla rd , dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils; qu’elle n’a obtenu que par un men
songe , et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny Nazo
avoit dans les mains tous les actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e ?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son m ariage; elle se renferme
dans une assertion m ensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’usage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
E lle en impose évidemment et sciemment. Q u’on ouvre
l’histoire de tous les peuples policés, des T u rc s , par
exem ple, qui régnent dans le pays qui l’a vu naître.
O n sait que les Turcs admettent la pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves : cependant il se con
tracte des mariages parmi eux ; et celles qu’ils ont légi, timement épousées jouissent de tous les droits d’épouses;
il leur est- dû un douaire et une pension.
T o u rn e fo rt, si bien instruit des usages de ce peu ple,
d i t , lettre 1 4 , que « les T urcs ne considèrent le mariage
«
«t
a
ée
*
«
«
ce
a
que comme un contrat civ il; cependant qu’ils le regardent comme un engagement indispensable, ordonné
par le créateur à tous les hom m es, pour la m ultipli
cation de leur espèce. Quand on veut épouser une filler
on s’adresse aux pareils pour obtenir leur consentem ent; et lorsque la recherche est agréée , il en est dressé
un contrat en présence du ca d i et de deux témoins,
Zj(i ca d i délivre- a use parties la, copte de teur con trat
do mariage» L a fem m e n’apporte point de d o t, mais
�C 38 )
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12 , page 112 et suivantes.
L e môme auteur parle du mariage des G recs, dont le
patriarche reçoit les conventions, dont il est à la fois
le ministre et le juge. « L es G recs, dit-il même tom e,
« page 297, regardent le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne croient pas que ses nœuds soient indissolu.« bles. Un mari mécontent de sa femme obtient, sur une
« simple requête , une sentence de séparation, que .le
« patriarche lui fait payer dix écus : alors les deux parties
« peuvent form er un autre engagement, sans que per« sonne s’en formalise. »
T o u rn e fo rt, lettre 3 , dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des E gy p tien s, et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en E gyp te, pag. 12 8 , art. 6 , en parlant
de d iv o rce, répudiation, atteste que lorsque le mari
veut se séparer, il le déclare devant le ju g e, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M a rc y , qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commeuce
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les conc< duisant à l’a u tel, il leur met sur la tçte une couronne
�«
«
«
«
«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
( 39 )
de feuilles de v ig n e , garnie de rubans et de dentelles;
il passe, un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui d elà fille; puis il change
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari* et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
et font le même changement d’anneaux. Celte cérémonie finie, les parrains ôtent aux mariés leur couron n e............L e papas coupe ensuite des mouillettes
de p ain , et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
il en mange u n e, en présente une autre à la m ariée,
puis au m ari, et enfin à tous les assistans. Les parens
et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande p u b licité,, de promener les époux
pendant trois jo u rs, sous un dais.
L e prétendu m ariage-à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. T o u t est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’A lexan d rie, demeurant au Caire. Cela e s t impossible;.
L ’auteur déjà cité sur les mœurs et les usages des
É gyptiens, apprend qu’il y a en E gypte des ministres.
�( 4° )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
n’est pas celui des G re c s, il est le prêtre des
Uophtes. « C e u x -c i, dit cet auteur, sont chrétiens, de la
« secte des Jacobites ou E utychéetis. Leurs opinions
« religieuses les rendent irréconciliables avec les autres
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement. .L e s
« Cophtes ont un patriarche qui réside au C aire, et
« qui prend le titre de patriarche iVAlexandrie. » 3
Par quelle singularité A n n e , qui se dit Grecque d’ori-?
gine et de relig io n , au roit-elle choisi un prêtre persé-?
cuteur de sa secte ? Comment le patriarche des Cophtes
auroit-il consenti à bénir un prétendu mariage -entre
deux époux d ’une religion différen te,dont aucun d’eux
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale,
>
L e mariage d’un général français étoit un événement
rem arquable; on devoit y .mettre la plus grande pom pe,
y donner la plus grande-publicité. Q u o iq u ?en dise A n n e 9
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a z o , q u i, si on l ’en cro it, ¿ e st f a i t . valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour -assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisoit partie de l’armée ; il connoissoit les ordres du général en chef,, traduits dons
toutes les langues usitées : la prem ière chose à lu quelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte c iv il
devant le commissaire des guerres., officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il n’y a eu aucun acte
dressé J
:: ; •
_
Les
�(40
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquetes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. O n ne
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n n e elle-m ême a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage.
Elle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu'elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugem ent, et dans la consultation, qu’on a pensé q u ’il
falloit préciser le jo u r, et on a imaginé le jour des rois,
q u i, d’après le calendrier g re c , se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que îo » arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
A n n e veut être mariée en l’an 8 , le 17 jan vier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette é p o q u e , le général d’Estaing n’étoit pas au
C aire; il commandoit l’avant-garde de l’armée en statiott
à C ath ié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la S yrie, près de Suez, à plusieurs journées du Caire.
L e service ou le commandement du gén éral, au fort
de C a th ié, a commencé le 17 brum aire an 8, et n’a fini
que le 16 pluviôse an 8 , époque de l’évacuation de ce
fort.
L a preuve de cette continuité de service, résulte de
son registre de correspondance officielle; registre écrit
F
�(40
en grande partie de la main du gén éral, qui p ro u v e ,
jour par jo u r, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an i<3, du même lieu de Cathié , démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son pré fendu mariage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
C ath ié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général'de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. L e gé
néral d’Estaing se rendit de là à R ozette, où il a resté
jusqu’en vendém iaire an q
. . ____________ *
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
C a ire , où il a résidé jusqu’en ventôse an g , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Àboukir:
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général'.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n n e nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces contradictions ? l’assertion
drune inconnue d o it-elle l’emporter sur les écrits du
d éfu n t, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qurA n n e veut en imposer à la
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’ un
roman mal conçu , qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Mais A n n e a , dit-on, une possession (l'état invariable.
Q u’èst-ce qu’une possession d’état ? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
1
�( 43 )
L ’état des liommes se forme sous l ’autorité des lois;
il s’établit de deux m anières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C ’est ainsi que s’exprirrioit M . l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougeinont. « La
« possession, disoit ce grand m agistrat, l i e, unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« dém arches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant p rim itif, jusqu’au moment actuel de notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêm es, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose , soit par Vhabitude de
« nous connoître , soit par l'habitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » E t M . Séguier
invoque la doctrine du magistrat im m ortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n n e peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle, in variable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? U ne liaison crim inelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son ép o u x, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
F 2
�( 44 )
bruit se répand qu’il est m arié; le général le désavoue,
et soutient qu’il r t j a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son é ta t,
de celui qui y avoit le plus grand in té rê t, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession d'un état que son pré
tendu mari d ésavoue, et ne veut pas lui accorder ?
Une possession d’état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n n e et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se confirment de jour en jour entre les
parens r p a r la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
beaux-frères, cette habitude journalière de se traiter ré
ciproquement comme frères et soeurs ? c’est cependant
ce que désire C ochin, à l’endroit cité dans la consultation;
et il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ru ix , baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la
possession d?état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit êti’e un obstacle insurmontable
h. la prétention que la dame de Bruix osoit élever, de se
dire fille du sieur marquis de Boudeville de la Ferté. Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme lo n g u e, constante et invariable.
E t d’après Cochin lu i- m ê m e , une possession d’état
pourroit-elle être l’eifet de l’erreur d’un m om ent, d’uu
acte isolé et fu g itif, obtenu dans un moment dîurgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui aasuroient à
A n n e un titre légitim é ;
�( 45)
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tu telle, qui émane du sieur
d’Estaing p è re , étranger à la succession de son fils; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus p ro ch es, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal on
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénom m és, le sieur d’Estaing p ère, et le sieur D elzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient présens sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a été
appelé.
L es sieurs T e r n a t, petits-fils de la dame d’Estaing ,
Veuve T ernat, en ont été écartés»
Les sieux-s ¿4.ngelergues, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d 'E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de cette assemblée.
O n convoque dans la ligne paternelle, des sieurs LaOroi;
parens au sixième degré du d éfu n t; un sieur F o rte l 7
allié encore plus éloigné que les sieurs L a b ro . . .
Dans la ligue m aternelle, on néglige les sieurs T A p p a r a oncles bretons du défunt : on affecte d’appeler les
sieurs M a ilhes, père et fils, alliés très-éloignçs, Et-vpi^A
les individus qu’^/*«e traite ou Meut faire reg-ardçrjco^^e
les plus proches parens de ¡son prétendu mari ; il ne faut
pas s?en étonnerç; elle nfapas eu Ie; temps dp, fai^C-pon*
noissauce avec la fam ille de son prétendu m ari.
�'( 46 )
Elle a été reconnue dans la fa m ille , dans la v ille ,
dans h s so ciétés! E lle n’a été présentée nulle p art; ne
pou voit’ l’ê tre , à moins de* l’a v ilir , puisqu’elle n’a voit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
connoissoit aucun des agrémens d’une vie policée.
E levée dans la classe du p eu p le, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
là fem m e'de son ch o ix , et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
; ‘
Peut-on pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l’aveu même dûA n n e ,* et huit
in oiŸ n ’ont jamais donné une possession d’état constante
et invariable.
;
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves'-de son m ariage; et à défaut
de titres , elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rriv é e à M a rseille, - elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
?
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à P aris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
; E lle les conduit devant le juge de p a ix , qui les admet
sans autre form e; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’E staing, qui n’en avoit
aucune connoissance, s’inquiétoit peu de ses démarches,
�( 47 )
et n’avoit garde de s’y opposer* puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à ¿futur, qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abus? Q u’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 ; 01a y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes,. dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13 , qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, à peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles
et même dangereux dans la cause1, ils ne seroient d’au
cune im portance, quand ils pourroient être de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les ^4.11a ou ^ibdaïïa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu J ea n N a z o et Sophie M isch e , son épouse, père
« et mère d 'A n n e , et qu'A n n e fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C ’est bientôt dit : mais où est la preuve de la filiation,
du m ariage? U ne simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des>
dates, peut-elle faire quelqu’impression ? A n n e a-t-elle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vagu e, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état dTépouse et veuve
du général d’Estaing, et l’admettre dans cette famille?.»Et.
si quatre d’entre eux ont ¡déclaré qu 'A n n e accoucha: à:
C eph alouie, ils disent le contraire de ce que racoutei
�( 48 )
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendre
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coûtoit si
peu de s’accorder avec les déclarans, qu’elle auroit dû
au moins dire la même chose.
Son. acte de notoriété fait à Paris est encoi'e plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
A la fo is , que « dans le cours de fa n 8 , A n n e a été
a unie religieusem ent, et d’après les rites du pays, en
« légitim e mariage , avec le général d’E stain g, par le
« patriarche d’A lexa n d rie, habitant du Grand-Caire.
« L ’acte de célébration n’en a pas été ré d ig é , n’étant
« point d’usage en Egypte de tenir un registre de l’état
« civil ; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
a militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se so n t-ils pas
nom m és? quels sont ceux qui sont compris dans ce la
plupart? D ès que ces témoins poussoient si loin la com plai
sance pour la jeune E gyptienne, ils auroient pu circ.onstancier davantage leur déclaration; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne'craignent pas
d’ajouterque «pendantsonséjouren Egypte, la dame Nazo,
« veuve d’E stain g, n’a pas cessé d’habiter avec son m ari,
a qui l’a toujours traitée comme son épouse légitim e. »
C e séjour a-t-il été plus ou moins lo n g ? pas un mot
sur sa durée. O n a vu ou pu voir , chez le général
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épousef dans un pays aussi corrom pu, où presque tous
�( 49 )
_
les militaires avoient trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens o rien ta u x , des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une fam ille, d’y introduire une
étrangère! O n doit gém ir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernem ent : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute , que le ch ef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernem ent ne peut nuire aux droits des
familles. 11 est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit été p o rté e , en prem ier lie u , qu’à une somme
de Ô20 francs; l’Em pereur rem plit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d’Eslaing ; les
joui’naux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit ; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on vo it qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général M enou vient ensuite ; il an
nonce, de la part de ce brave g é n é ra l, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M en ou , lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. P o u r les rapports civils, il auroit.fallu
un acte authentique qui constatât le m ariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit c o n f o r m é m e n t aux
lois, règlemens et usages de l’année. L e gênerai Menou
devoit principalement les faix-e exécuter; et'il est constant
G
�, c 5 0 }
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en existoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général M enou a épousé une m usulm ane,
il a embrassé le mahométisme. On est autorisé à le dire
a in si, d’après des instructions précises. Son mariage a
été célébré par le M o u p h ti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. L e général a donné à son union un
caractère lé g a l, et n ’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c i v i l , conformément aux ordres qu’il avoit lu imême fait publier de nouveau. V o ilà le rapport civil.
O n ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre c ô té , le général M enou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit même général
en ch ej au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t A n n e , à son to u r, a été mariée le jo u r des rois de
la même ann ée, qui répond au 17 janvier 1800.
P ou r le coup veritatem qucerendam.
L e général M enou ne commandoit pas l’armée en nivôse
ap 8 ; c’étoit le général K léber. C e lu i-c i a commandé
jusqu’au 25 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général M enou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général K léb er avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M e n o u , en germinal et floréal an 8 , prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de R ozette : le
général M enou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D u p a s ne parle de ce mariage prétendu
que par ouï-d ire; on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s , qui étoit alors
au C aire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
m andem ent, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ou ï-dire de
ce -prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avo'ir assisté à ce m ariage,
on attendroit long-tem ps. A n n e a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Q u’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au c o m m a n d a n t du Caire ;
il etoit honorable dans ses goûts; il teuoit au Caire table
�( 52 J
o uverte, donnoit souvent des bals, des. fêtes ; et si on
veut que des bals des dîn ers, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
E gyp te, cp ïA n n e faisoit société avec les dames M enou r
D e lz o n s , L a n tin , connoissent bien peu les usages orien
taux. L à les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et alors sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
Ce n’est pas en O rient où on peut jouir des agrémensde la société, et surtout de la compagnie des dames; on
sait môme que madame M enou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et A n n e elle-m ême,
pendant le court séjour qu’elle a fait à A u rillac, n’a pas’
quitté son voile , et n’a été vue de personneLa dernière pièce imprimée en la consultation , est
une lettre du général d’Estaing à A n n e. O n observe
que l’adresse est de la main du g é n é ra l, et porte pour
suscription : A la citoyenne iVKstaing, à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qurA n n e , dans son m ém oire, ait
tant parlé de la correspondance de son époux ■¡familière
avec décence,. tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C ’est le ton d’un homme poli
et fam ilier, à qui on n’a rien refu sé, qui ne parle pas
même des ascendans d 'A n n e avec le ton de considéra-
�( 53 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qyüAnne appelle son père,
il se contente de dii’e Jo a n n y ,* lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il cfit, la bonne vieille. E st-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p r e n d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charm e, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e ? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à toutes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Venveloppe de la letti’e : mais n’est-ce pas
l ’usage? ne vo it-o n pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les noms de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donne ce nom. Lorsqu’il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le gén éral, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette fem m e, après le départ du gén éral, n’a jamais
tiré avantage d’une suscription sem blable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
O n trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres a ra bes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
dŒ sta in g , mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire , puisqu’on ne connoît pas l’arabe;,
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�( 54 )
idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit har
monieuse , poétique , tout en figu res, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’ un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A n n e : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
n éral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e ? T o u t est extraordinaire et inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore , dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur G iane , clief de bataillon de la légion
gre cq u e, à bord du bâtiment le Jea n , en rade à T á
rente : cette lettre est en rép onse, et annonce que G iane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pou voir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, à madame
d’Estaing. Il n’y a rien d’étonnant dans ces offres géné
reuses ; on doit des égards et des services à une femme,
A n n e se disoit madame d’Estaing *, on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si A nne
avoit son contrat de mariage ou non, Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar^
�( 55 )
quan t, aujourd’hui m aréchal de l’em pire, une reconoissance et une possession d'état en faveur dCA m ie , relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un -gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprim er , du certificat d’un sieur Sartelon , ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d ’A n n e. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, ce que quoiqu’il n’existât à l’armée
« aucun ordre du général en chef pour régler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y être
« reçus , Yusage paroissoit s’être établi de lui-mêm e pour
« les officiers, ou individus attachés à l’arm ée, ne faisant
« point partie des c o rp s, de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, m êm e quelquefois
« de leurs divorces • ce qui n’a jamais été g é n é r a l,
« surtout pour des mariages contractés avec les fe m m e s
« du pa ys ( i l n’y en a voit pas d’autres), qui se sont
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient purement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé aucun procès verbal relatif à l’état civ il; il ne s’en est pas
même tro u vé, notamment du commissaire d e s guerres
A g a r d , qui est m ort dans la traversée. En foi de q u oi,
sur la demande de la dame veuve d’Estaing, il a déliv r é , etc. »
�( 5 6 }
O n ne voit pas trop quelles inductions l’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourroit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent m ontré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le f a it , puisqu’on rapporte les ordres
du général en ch ef, et les actes civils des sieurs D elzo n s
et L a n t in , reçus par le commissaire Agard.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes d'‘ A n n e.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p e u t-o n pas
dire avec vérité qu’elle n’a n i titres n i possession ?
Comment a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveur insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins , qu’elle a été mariée en
l’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de m ariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugem ent, au contraire, n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou m endiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si intéressans, dit le célèbre C o ch in ,
« doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
« du bien p u b lic , qui forment toujours le premier objet
a de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les fam illes,
« compromis dans une seule cause. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’ un juge
ment
�( S? )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement ne peut subsister, et
qu’A nnè doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
O n trouve dans les recueils, tant anciens que nouveaux ,
une multitude d'arrêts su r les questions d’état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes : le 2e. , le 6e. , le 12e. le 17°. plai
doyer de ce grand m agistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son m inistère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se déterm ine; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude de faits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre ; en un mot ,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volum e de ce m émoire par
des citations d’arrets ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nom breux exem ples, une conséquence claire qui
pût servir de m otif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui n e sera
pas contesté, c’est que pour un m ariage fait en France,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été ten u , 011 qu’ils sont
II
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 16 6 7 ,
n’a entendu parler que dès mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code Napoléon ; et la preuve que le législateur a seu' lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et 48 du môme Code.
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étran ger, fera f o i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
parlesagen s diplom atiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lo is, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testim oniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d 'éta t’, on croit l’avoir p ro u vé, puisque
le général lui'a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne,
poin t da commencement de preuve par écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls q u i’existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( 59}
de possibilité d’admettre une preuve par tém oins; il faul
représenter l’acte civil. O n a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n n e n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appela donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce.jugement est évidem ment en opposition avec
les articles 17 0 , 17 1, 194 et 195 du même Code.
En effet, par l ’article 170, cele mariage contracté en pays
« étranger entre Français, et entre Français et étranger,
« est valable, s’il a été célébré dans les formes usitées
« dans le pays,.pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
ce chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette form alité la plus grande
importance. O n n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parm i les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 1 7 0 , on y trouve principalement la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ême majeur, de contracter
mariage sans le consentement de ses père et mère.
H a
�(6o)
Bien vite A n n e s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le C o d e, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut prom ulgée dans un
instant de d élire , qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
L o i immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tons les jours gém ir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
M ais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. N e mar
que-t-il pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le p réven ir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n n e en seroit-elle réduite à
ce p o in t, qu’elle fût o b lig ée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernem ent, dans ses
premiers p a s, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
P o u r cette fois, A n n e ne peut se tirer de cette dis-
�( 60
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de mal’iage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
E t lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
19 5 , qui veulent que nul ne puisse réclam er le titre
d’ép o u x, et les effets civils du m ariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l ’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c i v i l , elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
ne pouvoit établir son titre d’épouse ¿légitime, qu’en jus
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré? D iront-ils que
le Code Napoléon n’a été promulgué q u e postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient cl’autre boussole que ln
loi du 20 septembre 179 2; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette l o i , A n n e ne pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvaient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale.
Un mot sur l’enfant naturel ,con n u sou sle nom & E m ile
�(6 2 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant d o n t on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
U n enfant a été présenté à l’officier c iv il, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-m ême. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire v a lo ir , il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant,
Anne
n’est pas réduite à un sort funeste; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre,
M e. P A G E S ( d e R io m ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeu n e, avoué licencié,
A RIOM , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste D'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53865/BCU_Factums_M0605.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53848/BCU_Factums_M0537.pdf
97d4b5d4c0523d8c63e8174b49a7d913
PDF Text
Text
u/l
■
■
I I if,a
M
E
M
O
I
R
E
' EN RÉPONSE, •
POUR
.
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’EST A I N G , ancien
commandant d’armes à Chambéry , J a c q u e s T h é o d o r e , P i e r r e - G a b r i e l , C a t h e r i n e et
E liza b eth
D ’E S T A IN G , frères et sœurs,
intimés et appelans ;
V.
.
.
.
C
O
N
•
Tac- R
E
1-
A N N E , soi-disant N A Z O , soi disant Grecque
d'origine, sè disant veuve du g énéral d ’E s t a i n g ,
se disant pareillement tutrice de M a r i e , safille ,
appelante d’un jugem ent rendu au tribunal de
M a u ria c, le i 3‘ aout 1 8 0 7 „et intimée.
Q U E S T I O NE
T
D
'A
_
C
E T T E cause est de la plus haute importance . et
doit exciter vivem ent la curiosité publique.
U ne Égyptienne, musulmane de religion éch ap p ée à
.
.
A
�c 2
la servitude cl’ua harem, a goûté quelques instans les
charmes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce général, après la capitulation d’A lexan drie, a
repassé en France. Un événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa famille, à ses amis.
L ’Africaine réfugiée a cru trouver les circonstances
I favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veuve,-et donner son
nom à une fille dont elle est accouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
a
Elle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
v ie illa r d respectable et crédule, q u i, dans sa douleur,
trou voit quelque consolation à accueillir ceux qui a voient
eu des relations a v e c son fils chéi’i.
Cet acte de bienfaisance “lui a été reproché: on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G r e c q u e , qui réclame toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p ère, décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles dont
il n’est pas permis de s'écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des etres obscurs et dépraves,
F A I T S .
'
Jacques-Zacliarie d’Estaing , général de division, eut
l’honneur d’être nommé de l’expédition d’Egypte, sous
�(s)
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Fi’ançais.
Après quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de la place du Caire ; il s’y fit distinguer
par sa bravoure et scs manières généreuses. Les Grecs
qui liabitoient le Caire voulurent, suivant l’usage, offrir
une somme d’argent au commandant. Il la refusa avec
noblesse.
L e nommé Jaaiiny N cizo, qui va figurer dans cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivrantes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Coplites et les Grecs qui se trouvoient au Caire,
étoient tous dans le parti des Français. L e commandant
fut chargé d’organiser des bataillons parmi eux. Joanny
ISazo étoit un de ceux qui montroient le plus de cha
leur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’informent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de camp, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnee.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. On ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(
4)
empressement : N a zo envoie au gén éral, A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a zo avoit épousé la veuve d’un
musulman; A n ne étoit provenue de ce premier mariage,
et avoit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-même convenue, et l’a ainsi déclaré en présence
de plusieurs personnes.
Comment pourroit-elle le désavouer? Si, comme elle
le d it , elle étoit Grecque d’origine et de religion , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Varabe ^langue féconde et har
monieuse, que p a rle n t en général les Turcs qui habitent
cette contrée de l’A friqu e, et dont les prêtres grecs n’en
ten dent pas un mot.
U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne E gyp te, jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres par l’antiquité de leur oi’igine,
la sagesse de leurs règlemens, l’étendue de leurs connoissances, n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples divers; les Go pli tes, les Maures >
les A rabes, les Grecs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
Ce mélange de tant de nations, la diversité dès cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les yices les plus honteux y régnent avec impunité.
�( 5 )
A n n e , soi-disant N azo , fut donc livrée au général
d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-même à son père d’un événement qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
Caire, le 25 pluviôse an 9 , il ne craint -pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon à une jeune
« Grecque , q u i, d’après un arrangement oriental, fait
« les honneurs de chez lu i, depuis près d’un mois. »
Certes, si le général d’Estaing avoit eu des vues ho
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
yeux de son père ; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté, surtout dans u n e lettre où il fait m e n tio n du
mariage de son parent, le général D elzons, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencèmens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qu'’A nne étoit venue
habiter chez le général dTEstaing.
O r, depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’Egypte, un
bureau d’enregistrement, où tous les titres de propriété,
et les actes susceptibles d’être produits en justice, dévoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 301
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un ordre du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
Ce chef illu s t r e r o n t la sage prévoyance embrassoit
�'.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez -, il falloit donner
aux actes civils la plus grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’armée
« fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des guerres, ceux qui seroient
« passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
« par-devant les notaires du pays, etoient nuls en France
« comme en E gypte, s’ils n’étoient enregistrés confor« inément à l’ordre du général en chef, en date du 30
« fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzons, parent
du général d’Estaing, a contracté mariage avec demoi
selle A n ne V arsy, née à Alexandrie, il a été dressé un
acte civil.
;
. .
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brumaire an 8 : il est reçu par Joseph A g a rd , com
missaire des guerres , faisant fonctions d’officier civil ,
avec mention « que Pacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conformément aux ordres du
« général en c h e f : » et cette formalité de l’enregistrement
a été remplie à R ozette, le 22 brumaire, six jours après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine, natif
de B itet, département de la M oselle, avec Catherine* *
�(7 )
Sophie V a r sy , fille d’un négociant de liozette : l’acte
également reçu par Joseph ¿égard, le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain. '
Le général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’un fils ; l’acte de naissance
de l’enfant a été reçu par leAsieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service<de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
'
En un m ot, tous ceux qui se sont maries en Egypte
ont pris la même précaution; et ilsy'étoient tenus d’apres
les ordres du gén éral, à peine de nullité.
Ces observations préliminaires trouveront, leur place
dans la suite. L e général d’Estaing necohabita pas long
temps avec AnnC. Les; Anglais débarquent à Aboukir:
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendreà Alexandrie
en ventôse an 9. A n ne reste au C aire, et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
Ainsi Varrangemei.it oriental,n’a pas eu . deux mois
de durée..
•• '
?• • ). •
-*r- •
Après la capitulation d’A lexandrie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Bar'un des articles 'de la capitulation les Anglais
s’obligèrent de; faciliter ce passage. ;J,
-,-ü
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
îïa zo , A n n ey sont du nombi’e des réfugiés. D ’après Ie
récit & A n n e , « elle fu t embarquée à A b o u k i r , sur un
« pëtitrnavire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
of, ellt? est, saisie des douleurs der Penfantem ent dans le
« navires le patron prend terre, et jette l’ancre, sur la
a:fcôte (Je Céphalonie,.
; . .;ov
.*■
:
�( 8 ) <
« A n ne accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fut
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
Il faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A nne test obligée
d’en convenir.
, Cependant « le consul f r a n ç a i s 1 honora de sa visite. »
E h q u o i ! l e c o n s u l , f r a n ç a i s fait visite à u n e femme
qui se d i t l ’é p o u s e d’un général, qui n’est pas remise
d e s d o u l e u r s de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas r e p r é s e n t e r l’enfant ! il ne dresse point d’acte de
naissance, tandis que son devoir l ’y obligeoit! 11 est sans
contredit difficile de f a i r e croire à une pareille omission :i
le prêtre uu moins auroit dû constater par écrit le bap
tême de l’enfant.
x
Enfin voilà Anne remise de ses douleurs , et débarquée
ù Tarente, dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout , se trouve ün Auvergnat, de la ville mêmed’Aurillac,
appelé L a ta p ie, qui*, comme curieux, voit ces nouveaux
débarqués.^JLatapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille' viennent de débarquer, d’aprèsla capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mark
r
Cette lettre se répand dans la ville d’Aurillac ; le sieur
d’Estaing père en est informé', et en écrit bien vite k
son fils. Celui-ci répond, le 13 ventôse an 10 : ‘«‘Quant
« à mon mariage, vous ne devez-pas plutôt croire la
« lettre
�C9 )
« lettre de Latapic que la mienne ; il n’y a aucun lien
« légal; je ne Paurois pas contracté sans vous en prê
te venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient pei/t« être bien amener celui-là. A u reste j’ai écrit à cette
« famille de se rendre ¡4 Marseille, et d’y attendre de
« mes nouvelles. »
' Une lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas une possession d’état. Il semble assez naturel qu’une
femme ne puisse pré tendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancé de celui qu’elle dit être son mari.
L e général d’Estaing, arrivé à Paris, y a trouvé la
mort, le i 5 floréal an 10. On a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l’extrait, prouve
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire , que toujours en activité de service, il atten
dait du gouvernement une destination ultérieure.
lie sort en a décidé autrement ; il a vécu. M . Delzons,
législateur, oncle du général d’Estaing, étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il fait prendre toutes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du ‘défunt.
M . Delzons savoitqu’^/me devoit se rendre à Marseille,
ville assignée aux Égyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à Lyon pour raison de santé, et y a v o i t pris un
logement commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur Bourdin, marchand cha
pelier, originaire d’A urillac, et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer h A n n e
B
�( 10 )
la mort du général d’Estaing, et de lui procurer un loge
ment plus économique que celui qu’elle occupoit. Bourdin
excéda ses instructions; il crut qu’il valoit mieux encore
faire partir cette femme pour Aurillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A urillac, A n n e , sa fille, et une nourrice;
M . d’Estaing père n’a aucune connoissance de cette
démarche; il n’en est informé que par Bourdin lui-même,,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
et précède de deux jours la pretendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
r e c e v o ir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
q u e sous des rapports, peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. La charité ou la compassion
l’obligeaient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
On chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A nne. La
résistance du p è re , pour recevoir cette femme dans sa
maison, est connue de toute la ville-.
Mais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiférens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différens des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans .pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés;iet-soit curiositéj
pitié ou foiblesse, le sieur-d’Estaing, dans<ce moment
dq douleury atterré par la nouvelle fatalô de la irçortide
son'fils, accablé sous le poids des ans, so.laissçlsubjuguèrj
il admet'cette femme dans sa maison.
�( 11 )
Son arrivée à Aurillac date du I e r. "prairial a n 10,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a dit, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps informé, et de la mort de son fils, et de l’arrivée
de l’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
Après une quinzaine accordée à A n n e, pour la reposer
des fatigues de son voyage, il lui fait part de la lettre
du gén éral, son fils , et lui communique ses doutes :
A n n e soutient qu’elle est l’épouse légitime du général;
qu’elle a été mariée au Caire , a u C om m encem ent de
Tan 8 ; que sa fam ille, qui est à M arseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille. ^
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse à!Anne, de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin d’un secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire, ni écrire eu français.
Dans l’intervalle, M. Delzons arrive de Paris; il est
informé de ces détails. Il connoissoit l’état des affaires
du général ; il observe à son beau-frère qu’il est urgent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du mobilier : mais c o m m e n t faire ? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit âgée
de dix-sept ans seulement ; elle n’a aucun titre pour dé
fi 2
�C 12 )
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineure : le sieur d’Estaing père ne
court aucun risque à accepter la tutelle de M a rie, qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillard respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres enfans ne sont pas de cet
avis; ils représentent à leur pere 1 inconséquence de cette
démarche ; ils ne sont pas écoutes ; on les évité, on les
fuit ; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
L e 5 messidor an io , le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’Aurillac } on lui fait ex
poser « que Jacques-Zachàrie d’Estaing, son fils, général
« de division, est décédé à Paris le i 5 floréal an. io ,.
r laissant une fille un iqu e, alors âgée de cinq m ois,,
« nommée M an'e, provenue de son mariage avec A n ne
«y JSazo, .Grecque d’origine ; que la loi défère à lui
c< aïeul, la tutelle) de sa petite-fille, attendu surtout la
a minorité. (FAnne N azo sa mère ; et désirant étro
it confirme en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a, amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
a pour délibérer .tant sur la confirmation de la tutelle,
« que sur la fixation de la pension de la pupille, sur
« les habits de d e u il, et pension viduelle de la damo
w veuve d’Estaing; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de>la mineure, do
« la m ère, depuis Lyon jusqu’i A urillac, ainsi que des
« frais dûa pour salaires à une nourrice provisoire, ,depuis
�( J3 )
Tarejite, ville du royaume de Naples, y compris un
mois de séjour à L y o n , jusqu’en la ville d’A urillac;
lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
tant par lui-même que par ses fondés de pouvoirs. »
Il présente ensuite pour composer le conseil dè famille,
des parens éloignés, si on en excepte les siêurs Délzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans, frères du défun t,
dont quatre majeurs; il étoit tout naturel, et là loi lè
commandoit impérieusement, de convoquer à Cette as
semblée les frères du défunt : ils étoîent essentiellement
membres du conseil de famille ; on les écarte avec lé plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’Estaing, aïeul de la mineure, dans
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bbrl
et fidèle inventaire de tous les.effets dépendait dé la suc
cession du défunt général d’Estaing, faire procéder à ht
vente du mobilier, et de faire l’emploi utile du prix-eu
provenant, conformément à la l o i, aprèis avoir prélevé
tous frais , dettes et charges de la succession.
20. Ces parens estiment que.la pension de lu initieiu'e,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellement', que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette dés revenus.
3a. Ils portent les habits de deuil dè'lu'darne Veuve
«
«
k
«
a
«
«
�( i4 )
(TEstaing, ,y compris ceux qui lui ont été fournis à Lyon ,
•et quijne sont point encore acquittés,.à une somme de
'looo francs : le tuteur est autorisé à fournir, ces habits,
:en .-retirant quittance des marchands et fournisseurs.;
o; 40. Quant à la pension viduelle de la veuve, et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tuteur , leur fournit en nature , nourriture 7 logem ent,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de ioôo francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. -prairialan 10, époque de .son arrivée ¿1 ¿4.urillac.
Ils allouent au tuteur -la somme de 604 francs, avancée
par lui ¡pour frais de voyage de la veuve , et salaire.de
la nourrice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.' ,l...
^
jv: 5 °*autorisent le, tu leur à traiter, tant par lui-même
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fîiit des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le montant, soit
que ces fournitures aient été faites à Paris, à Marseille^
au.défunt, général, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
procès verbal, si indiscrètement rédigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyptienne.
Il en résulte, suivant elle, une reconnoissance formelle
de sa qualité de veuve à Estaing, une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è re , étranger à la suc
cession de sou fils, puisque le général est mort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession à u n e inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. Tout
�.
(
i
5
)
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu importe que le général
ait désavoué son mariage, qu’il ait attesté qu’il rfy avoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue Grecque ; le
père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civil, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V oilà l’étrange raisonnement à'Anne et de ses conseils..
Mais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbalGomme Egyptienne réfugiée, elle avoit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec- tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’Alexandrie; seulement
la pension d’’A n ne étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées. .
- Mais -A n n e , munie de cette délibération de famillèy
qui la traite comme veuve d’un général.français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de Fétat ; e t , en ^
cette qualité de veuve, elle obtient de^otre magnanime
Empereur que sa pension sera.-portée à la sommewde
2000 francs.
; .
v vj
^
' Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing ¡père;qüe pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore fprofitcr de la bienfaisance
du souverain , pour en induire uncreconnoissance solen
nelle* de sonvétat. parvl’Empbrèür! lu i-m êm ei ceuqüi- doit
imposer silence à des collatéraux importuns.!/. :rp 'i-o , ;v.
^ Il faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque ftlùa rtisée •
�Ç.6).
ni plus adroite. On examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d'A n n e contre les frères d’Estaing, et si ce brevet est
encore une possession d’état.
D eux jours après l ’acte de tutelle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne uné procuration au sieur
D elzons, résidant à Paris, pour faire procéder à' la réniotion des scellés apposés sur les meubles et eifets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-»
ventaire du m o b i l i e r , le 24 messidor et jours suivans. Il
est dit dans le procès verbal que c’est à la requêté de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de Marie
d’ Estaing, sa petite - fille e n fa n t mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’Anne Nazo,
sa veuve:, Grecque d’origine.
On y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et por.ter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
taing, son père.
On remarque que le général d’Estaing: ayant été marié
au Caire, en E gypter il n’a point été fait entre lui et sa
yeuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing*, q u e ce domicile etoit a Aurillac, pays soumis
à la coutume d’A uvergne, qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
Iicisieur Delzons, fondé de pou voir,) de voit au moins
savoir qu’Aurillac est en droit\écrit.
!
Parm i les papiers du défunt'od. ne trouve audun acte,
aucunes
�( i7 )
aucunes pièces relatives à son prétendu mariage; il n’y
n p;is le plus léger renseignement, si ce n’est deux lettres
récentes; écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : tune est, dit-on, écrite par
le père de la dame d’E stain g, qui apprend au défunt
Taccouchement de son épouse, et Vautre d’un sieur Latapie, qui annonce au général d’ Es tain g l'arrivée de sa
J e mine à Tarente.
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire,
du mobilier; on. a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignore
ces démarches, cl n’ont été appelés à aucune opération.
En attendant, et pendant que tout ceci se passôit à
Paris, A nne ne recevoit rien de M arseille; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
'
'
i
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduité dans la
famille les augmente : on avoit appris qu’elle n’étoit pas
m ê m e fille de Joanny Nazo-; elle n’avoit pas reçu l’acte
de naissance de M a rie, qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
navire, le consul, ou le prêtre, il étoit naturel de le faire
au moins à Tarente, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
La famille du général murmure: Anne s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer ; elle écrit'à Joanny N azo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
sur la demande dA n n e , relative aux actes qui devoient
constater son état, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�c 18 )
arrive à A urillac, et emmène à Marseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
Elle imagine , le 5 fructidor an 1 1 , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà mur os. Elle lui expose « qu’il lui im« porte de faire co n n o ître son origine, qu’elle ne peut
« le faire pat pièces probantes >attendu que dans sa patrie
ce il n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ; elle requiert le juge paix de recevoir les dé« clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se rendre, relatives à son origine,
« et qu i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
« est impossible de produire. »
c A l’instant se présentent Nicolas Pappas Onglou, se
disant chefdebrigade, commandant les chasseurs d’Orienty
figé de 45 ans, né à Schemet, en Asie ; Gabriel SandroUx,,
aussi chef de brigade du même corps, âgé de 36 ans r
né au Grand-Cairc ; Abdalla M anourychef de bataillon r
âgé de 34 arls, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi. y
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5 o ans; Alla Oda~
bachiy né à Alep,. réfugié d’Egypte; Joseph B u fa in y
né à Gonstantinople, réfugié d’Egypte; et Constanti
Kiria/co , né à Schemet, en Asie*
:.1II est dit que toute cette compagnie agit avec la pré
sence et bous l’autorisation de L ou is iVAcornias, inter^
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarent ¿ par Torgane de l’interprète, c<qu’ils ont i'ésidé habituellement
c en Egypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfoité« ment connu Jean N azo et Sophie M isch e, son épouse,
« père et mère d'Anne; qu’ils Sont bien mémoràtifs dé 1»
« naissance d'A nne ISazo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es« taing. »
Joseph Tatangt, CdtistàntiKiriàJco et Joseph T)ufain\
déclarent de plus ce qu’étant passés en France avec Anh& ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céplialonie dans le
«mois de nivôse an 10, ladite dame y accoliclia d’uné
ce fille, qui fut tenue sui*les fonts baptismaux par lë sieüi
t< Nassif, 'officier de chassetirs , et £>ar l'a dariiëf Mdrié
« M ische, son aïeule. »
‘
A n ne se faisoit ainsi r'ëc'oiïnoîti'e par eèd réfugiés sani
avertir personne , et ne donna plus dë ses nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille, qu’eïlé ¿voit laissée à
Aurillac; encore eut-elle recours au ministre de la justice
pour faire Cette demande» Elle a fait ittipi-îmer qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordres supérieurs pour avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclamation, le ministre écrivit pour
avoir des renseignemerts ; et le sieur d’Estaing père, fort
étonné d’apprendre qu’ort se fût adressé au ministre:, répond
sur le champ qu’il est prêt à remettre tift enfant qti’on ltii
avoit laissé, et qu’il n’avoit gard'é q u e par humanité.
Les frères et sœurs du général d^Ësfaing, h qui ori aVoit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
dtf leur côté des infoïmations; i’un d’eux, commandant
G 2 '
�( 20 )
d’armes à Chambéry, avoit vu le général, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit l’ien dit sur son
prétendu mariage; il étoit plus à portée qu’un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. Il est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les
autres pour la conservation de leurs droits.
Tous se déterminent à faire faire entre les mains de
leur père, par acte du 20 thermidor an 1 1 , une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est p r o v e n u de la succession du général.
L e 7 v e n t ô s e an 12, cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing père, pour se concilier sur la demande
t e n d a n t e à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la .totalité de la succession de leur frère, sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’Estaing, leur frère, encore mineur..
L e 11 ventôse même mois, procès verbal du bureau de
paix: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
5 enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de ses liaisons
«,avec Catherine Pontalier, originaire de,Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce mo« ment entre les mains de Pierre M arceron, jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier.,
• « Le sieur d’Estain^père observe que la loi donne des
«
à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecquo, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
*
« Le sieur d’Estaing ajoute qu’il voulut bien accepter la
d
r o i t s
�(2 1 )
cc tutelle de cet enfant, attendu que sa reconnoissance ne
« pou voit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« taing, soit comme se disant créancière, soit comme
« commune, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordonner, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant natui'el, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendemain , 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(majeurs) présentèrent requête au tribunal d’Aurillac,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
bref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
délaissé à chacun un sixième de la succession, su iv a n t
l’inventaire qui sera représenté; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de 12000 fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
Même jour, assignation aux fins de cette requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’Aurillac un juge
ment contradictoire qui ordonne qxCAnne Nazo, Emile
d’Estaing, enfant naturel du défunt, Jean-13aptiste et
Antoine Pascal d’Estaing , ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u r illa c , Anne ne
perdoit pas son tem ps: elle s’étoit im aginée que le tri'buiial de lu Seine devoit seul connoîtrc de toutes les cocu-
�C 22 )
testaticns qui pouvoient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
Quoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12: elle ne sa voit pas trop encore ce qu’elle
devoit demander ; mais par une requête du i 5 messidor
an 12 , elle règle définitivement ses conclusions.
Elle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidor : elle expose « qu’après la mort du gé« néral d’Estaing, décédé à Paris le i 5 floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
« d’Estaing, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« rejoindre son m ari, pour se J^aire nommer tuteur de
«Tenfant mineur du général, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
Elle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ; qu’il ne doit plus retenir l’administration
a des biens, dont moitié lui appartient à elle comme
i<commune.
« Qu’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre res« source qu une pension sur l’état, de 5zo fr ., qui a été
« portée à 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le premier terme de quelque temps.
« Elle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N apoléon, lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
« 11 s’est trouvé, dans l’actif du défunt général, trois ins¿k-criptions du tiers-consolidé sur'l’état r faisant ensemble
�( 23 3
« 2ooo fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« à être autorisée à les percevoir, à faire faire toutes mu
te tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de ioooofr. »
A u principal, elle conclut à ce que M. d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
muniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débtas, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
Un jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M. D estaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à Paris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte h A u rillac.il n’avoit en effet d’autre domicile que
celui de son origine.
M. d’Estaing décline la juridiction, et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlement de juges.
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13, décide que la suc
cession du général est ouverte à Aurillac ; et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et 18 mes
sidor on 1 2 , qui sont déclarés nuls et comme non
avenus , ainsi que tout ce qui a précédé et su ivi, ren
voie la cause et les parties à procéder devant le tribunal
d’arrondissement d’ Aurillac, pour leur être fait droit sur
leurs demandes respectives»
�( 24 )
A n n e , à son tour, suspecte le tribunal d’Aurillac ;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la cour, pour être renvoyée devant tout Autre
tribunal.
M . d’Estaing se pi'ête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrêt du 2.6 thermidor
an 13 , qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
^
Il n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, c^xA-tmc, soi-disant Ncizo, et le sieur d’Es
taing père: la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à Aurilkic. Ce tribunal, investi
d elà cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
Anne ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M auriac, contre le sieur d’Estaing p ère, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle ne se prétend plus
commune avec le général, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u vo ir,
déclare « qu’Anne le fait citer sans fondement et sans
« raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
a se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
fc prétentions j
�( 25 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayans droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritiers du général;
et d’abord c’est Emile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m ineur, puis les frères et sœurs du général ; il expose
qu’Anne n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les mains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un motif de plus
pour qu’elle s’adresse à eu x, afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur. d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de Marie', et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit « par fraude, suppo« sition de personne, et par des insinuations perfides. »
A nne seule l’excita à toutes ces démarches, q iiil
rétracte et désavoue form ellem ent, ne voulant pas
qu’une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour fille de
J o a n n j N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M arie,
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu mariage,
et l’état de M arie, sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A nne pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing père; elle reconnoît la nécesD
�C * )
sîté de rapporter des actes authentiques qui établissent
son origine et son mariage : elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’imagine-t-elle pour y suppléer?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge depaix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitime mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing-,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10; que
son mariage a été célébré religieusement et d après
a les rites du pays? devant lepatriarche d Alexandrie^
« habitant au Grand-Caire ; mais que n’étant point en
« usage en Egypte de tenir des registres des actes de
« l’état civil, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
« la déclaration des personnes qu’elle présentoit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
Larrey de Beaudeau, ex-cliirurgien en chef de l’armée
d’Egypte; dom Raphaël de M onachis, membre de l’ins
titut d’Egypte; un sieur Antoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur Hector
B a u re y ex-inspecteur général aux revues de la même
arm ée; un sieur Luc Duranteau,.général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
impériale ; un sieur Martin-Roch-Xavier Estave, ex-di
recteur général des revenus publics de l’Egypte.
- Tous ces témoins réunis, et par une déclaration col
lective, attestent, « pour notoriété publique, connoître
«
,
�C ¿7 )
« parfaitement A n ne N a zo , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au Grand-Caire, chef
a de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e, pendant le cours de Tan 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusement, et d’après les
« rites du pays, en légitime mariage avec Jacques-Za« charie d’Estaing, par le patriarche d’Alexandrie, lia« bitant du Grand-Caire; que l’acte de célébration n’en
« a pas été rédigé., n’étant point d’usage en Egypte de
« tenir un registre de l’état civil mais que le mariage
« 11’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’E staing, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a zo , veuve d'Estaing,
« 7l ’a pas cessé d’habiter avec son m a ri, qu i Va tou« jours traitée comme son épouse légitime, »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal de la Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
On ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour homologuer une
enquête à futur, faite sans ordonnance de justice , sans
jugement préalable, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout curieux d’entendre ces témoins officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an 8, sans déD 2
�( a8 )
signer aucune époqtte précise, lorsque la lettre du gé
néral, du 25 pluviôse an 9, annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un mois; de les voir déclarer
que le mariage a été célébré par le patriarche d’Alexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester qu"'Anne n’a cessé
d’habifer avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à Alexandrie, lors du débarquement des Anglais
à Aboukir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M. d’Estaing père au tribunal
de M auriac, par exploit du 30 mai 1807. M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de se?protestations contre tous aveux, toutes
démarches ; que ce n’est que par erreur et par fraude
q’u’il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont Anne pourroit inférer une reconnoissance de
son état j il conclut enfin à ce qu '‘ A m ie , comme étran
gère, soit tenue, aux termes du Gode, de donner caution
judicàtum Sûlvi.
La cause portée à 1 aüdience ati provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le ïa août 1806, par lequel
le tribunal de M auriac, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ôrdonne, avant faire droit , que les parties feront diligettcids pour mettre en caüse les prétendans droit à la
�(29 )
succession du général d’Estaing, en se conformant à la:
loi ; et néanmoins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à Anne Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugement, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
On ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance; les plus petits détails peuvent être précieux r
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterminé ce jugement, auquel les héritiers d’Eslaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les étrangers à donner caution du
judicatum soîçi A m ie se disant épouse d’un général
français, il est incertain si elle sera regardée comme
étrangère, ou si elle se trouvera dans l’exception,.de
l’article 12 du même Code; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage : on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n’a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement raisonner; car sTil faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une caution, la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès qu'A nn e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son état, elle devoit être
assujétie à cette formalité.
Les premiers juges ajoutent qu'Anne soit com m e
.
?
�( 3° )
commune, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père, lui sont
étrangères, et ne peuvent mériter aucune litispendance
qui la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « mais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p ère, qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N azo
« et le sieur d’Estaing père seulement, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u r illa c , entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu ’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Qui croiroit qu’avec ce motif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des préten
dans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’effet sur une pension alimentante , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
Tels sont lés motifs de ce premier jugement ; ils pouvoient être plus conséquens , et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges liésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils n’étoient, dans l’espèce parti-
�( 3 0 ^
culière, que des juges d’exception; ils n’avoient reçu’
d’attribution qu’entre A nne et le sieur d’Estaing père.
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’A u rilla c,
juge naturel des frères d’Estaing, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure,
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le parti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’Aurillac , d’intervenir en l’instance , et de
former tierce opposition au jugement précédent : leur re
quête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qii''Anne soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur père , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au .partage de la succession du général
d’Estaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé à
Aurillac.
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A urillac,.le 13.août 1807, il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoitf
« été mariée' avec le général d’Estaing, au Caire, en
« Egypte, par le patriarche d’Alexandrie, en présence
« des principaux officiers de l’armée française en Egypte,
« en l’an 8, sans désigner le 7iiois ni le jou r de cette annee ,*
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées -, et que d ’après ces usages,,
« il ne se faisoit jamais d’acte écrit du maringe ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quit
« attestent le mariage et l’usage du pays j,
�(
3 2
)
« Attendu que les tiers opposans ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver, par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à Alexandrie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
« Attendu que la dame N azo prétend que la reconnoisk sance de son mariage, et même la reconnoissance de la
« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« r é s u l t e n t de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
« i5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
« de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénomme, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’Estaing, de l’aveu de
k toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , à la
v citoyenne cPEstaing, à la citadelle du Caire, et datée
cc d’Alexandrie ;
« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
c< son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
cc plaindre de ce que son pere ajoutoit plus de foi à une
cc lettre d’un sieur La tapie, qui lui avoit mandé que le
c<général d’Estaing étoit marié en E gyp te, qu’à luïcc même ; il continue par dire à son père qu’il n'y a
cc aucun lien légal entre la dame Nazo et lui j qu’il ne
« l’eût
�(
33, )
« l’eût pas contracté siins le prévenir-; e$ il finît cepen« dant par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famjlle de se rendre à
* Marseille , et d’y attendre de ses nouvelles *
Attendu qu’après le décès du général. d’Estaing,
« arrivé le i 5 floréal an 10 , le sieur d’Estaing père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du général,. et présentées dans toute la
« ville en cette qualité pendant huit mois ;
« Attendu que le sieur d’Estaing père a requis, dans
« un procès yerbal terçu devait le juge de paix d’A u« rilla c, et composé de ce qu’il a de plus éclairé et de
« plus recommandable dans
fam ille, le 5 messidor an
« 10, et a obtenu la qualité de tuteur de Marie d’Estaing,
« sa petite-fille,, proyenue, y est-il dit,, du mariage du
« général d’^staingavec dame Na?o; dans lequel procès
« verbal il a fait fixer les frais p£*r lui avancés, pour leur
« voyage de Lyon à AuriU ac, les habits de deuil de la
« dame N azo, et une pension pour elle et sa fille ;
« Attendu qu’en vertu de ce procès verb al, le sieur
« d’Estaing père a fait procéder à la rémotion des scellés
« apposés à Paris sur les effets du général d’Estaing, son
c< fils, à laquelle le père de la dame N azo, et le sieur
« D elzons, législateur, ont assisté, et le sieur d’Estaing
« a fait ensuite procéder 4 l’inventaire de son mobilier
« par le sieur Delzons fils., son fondé de p o u vo ir, le 24
« messidor an 10 ;
« Attendu que lorsque la dame N azo, après un
« séjour de huit mois chez le sieur d’Estaing père, l’a
« quitté, ce dernier a gardé Marie d’Estaing, sa fille f
E
�C 34 )
« et ne l’a remise à sa mère qu’en vertu d’ordres supé-,
« rieurs;
« Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
« d’Estaing, et l’état de Marie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne lui étoit plus permis de varier ;
« Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance fo r m e lle que par sa réponse au bureau
« de paix du canton de Mauriac;
« Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des autres pièces produites par la dame Nazo ;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenu de registres,
« l’article 7 du titre 20 de l’ordonnance de 1667, dont
« a été pris l’article 46 du Code, permet de prouver par
« témoins la célébration du mariage, et la naissance des
« enfans qui en sont provenus; et q ue, dans l’espèce,
« cette preuve testimoniale est d’autant plus admissible,
« que le procès verbal de la tutelle déférée au sieur
« d’Estaing père peut être considéré comme un commen
te cernent de preuve par écrit de la possession d’état de la
« dame Nazo et de sa fille;
« L e tribunal, sans préjudice, etc., et sans rien prê
te juger, ordonne, avant fair^droit, que la dame Nazo
« fera preuve par-devant le président du tribunal, dans
« les six mois à compter de la signification du présent
« jugement à personne ou domicile, et ce tant par titres
« que par témoins, i°. qu’il n’étoit pas d’usage au Caire,
« en l’an 8 , soit pour les militaires français, ou tous
« autres,.de tenir des registres de l’état civil, ni de rédiger
�( 3 5 }
« par écrit les actes de mariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céplialonie de rédiger par écrit des actes
« de naissance; 20. que la dame Nazo a été mariée eu
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’Alexandrie, avec les cérémonies usitées
a dans ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps elle a été publiquement
« reconnue pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céplialonie , d’une fille
k provenue de ce mariage, dans le mois de nivose an 10,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing; sauf au
« sieur d’Estaing père, et aux tiers opposaus, la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
La dame A n ne a fait signifier les qualités de ce juge
m en t, sans aucune protestation ni réserve, le 22 août
1807.
L e 5 décembre suivant, Anne interjette appel de ce
jugement interlocutoire : elle a renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; et, pour la première fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
mariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800 ; fête qui arrive douze jours plus tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répond, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on l’assujétit à une
preuve; elle n’en avoit pas besoin.
Les frères d’Estaing, à leur to u r, tant en leur nom
personnel que comme héritiers de leur p è re , décédé
pendant l’instance, se rendent incidemment appelans du
E 2
�t. (
. ( 36 )
même jugement , notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667, de l’article 46 du Code, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 170 , 1 7 1 , 194
et 196 du même Code.
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en forme de mémoire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tombée, et d’apprécier le mérite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
Une étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère, noms cHers et sacrés, d’où naissent
les plus doux.charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui lès
a produits.
(
Point de précision sur íes faits, contradiction sur lès
dates, exagération daôs lès cïrconstancéS, erreur sur lés
uages ou les mœurs du pays»
( Comment pourroit-on accorder quelque1confiance à
des actes' êxtrajudiciaireà, ' sollicités, 1menidiés, ¿¿'tenus
contre tous les principes' et toutes‘lès formés ?
La faveur disparoit , 1 ilÎusibn cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte dé'terrëür,
d’admettre, au détriment ¿ ’une famille,‘'uneusurpatrice,
r. Il,7» J
I . .
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lil/ 'i . ,c>» ••
une concubine^ <jui mettant peu' de prix à sès charmes r
a cédé facilement aux appas de la votùpté..
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A n n e pourroit-elle se taire un titre d un procès verbal
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�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foibIesse>ou de l’erreur
d’un vieillard, dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils ; qu’elle n’a obtenu que par un 'men
songe, et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny iNazo
avoit dans les mains tous Tles 'actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son mariage; elle se renferme
dans une assertion mensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’ùsage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
'Elle en impose évidemment et sciemment. Qu’on ouvre
Jl’histoire de tous les peuples pôlicés, des T urcs, par
'exem p le,'tjüi régnent dans le pays qui l’a vu naître.
On sait que les Turcs admettent la'pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves: cependant il se con
tracte des mariages parmi7eux ; et celles* qu’ils ont Iégitimemênt épousées jouissent d e’tous les droits d’épouses;
il leur est d û ’ un dotiaire è tl une pension.
T o u rtièfo tt,'si1bien1instruit des usages de ce*peuple,
d i t , lètfre 14,' que! « les Turcs ne considèrent le mariage
!a que comtae un contrat civil; Cependant qu’ils le regar
de' dent corrime *un engagement »indispensable, ordonné
« par le créateur à tous les hommes, pour la mültipli*« ’cation Jde leùr’espèfcej Quand ôn 'Veut épouser une fille,,
o n 1s’adrësse; aux >parens 1j x > u r é b t è n i r 'leur consenterrient*,ei lorsque la rèbhèrùheest'agréée^il en ésPdresse
un 'C6 n t?a t‘en. ^ é s e n ^ ’du cadi et de deux-témoins.
'L e rcâdi délivre' aüa)¡parties la côpie 'de leur oontràt
dé tnariage: L a feribile1‘n’iippoïte point de^dot ,-mais
«!
-<«
�(33)
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet. acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12, page 112 et suivantes.
L e même auteur parle du mariage des Grecs, dont le
patriarche reçoit les c o n v e n tio n s , dont il est à la fois
le ministre et le juge. « Les G recs, dit-il même tome,
« page 297, r ega rd en t le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne c r o ie n t pas que ses nœuds soient indissolu« bles. U n m ari mécontent de sa femme obtient, sur une
«•simple requête, une sentence de séparation, que le
« patriarche lui fait payer dix écus: alors les deux parties
« peuvent former un autre engagement, sans que per
te sonne s’en formalise. » r
Tournefort, letti’e 3, dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des Egyptiens , et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en Egypte* pag. 128, art. 6 , en parlant
de divorce, répudiation, atteste que lorsque le mari
.v e u t se séparer, il le déclare devant le juge, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M arcy, qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commence
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les con« duisant à l’autel, il leur met.our la tête une couronne
�( 39 )
«
«
«
«
«
«
de feuilles de vigne, garnie de rubans et de dentelles;
il passe un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui de la fille; puis il changé
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari, et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
« et font le même changement d’anneaux. Cette céré« monie finie, les parrains ôtent aux mariés leur cou« ronne...........L e papas coupe ensuite des mouillettes
« de pain, et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
« il en mange une, en présente une autre à la mariée,
et puis au mari, et enfin à tous les assistans. Les parens
k et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
cc provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
k deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande publicité, de promener les époux
pendant trois jours, sous un dais. •
L e prétendu mariage à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. Tout est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’Alexandrie, demeurant au Caire. Cela est impossible;
L ’auteur déjà cité sur les moeurs et les usages des
Égyptiens, apprend qu’il y a en Égypte des miuistues.
�( 40 )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
A n n e n’est pas celui des G recs, il est le prêtre des,
Cophies. « C eux-ei, dit cet auteur, sojU chrétiens., de.la
k secte des Jacohites ou Eutychéen,s. Leurs opinion^
« religieuses les vendent irréconciliables avec les, autres^
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement, L es
« Cophtes ont un patriarche qui réside au Caire> et
« qui prend le titre de patriarche d'Alexandrie. ».
Par quelle singularité A n n a r q u i se dit Grecque d’orig i o e et de religion, auroit-elle choisi un prêtre persé
cuteur de sa secte? Comment le patriarche, des Cophtes.
auroit-il consen ti à bénir un prétendu mariage entre
deux époux d’une religion différente,,dont aucun d’eujj;
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale.
L e mariage d’un général français étoit un événement;
remarquable; on devoit y mettre la plus grande pompe,
y donner la plus grande publicité. Q uoiqu’on dise A n n e %
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a zo , q u i, si on l’en croit, s'est f a i t valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisait partie de l’armée ; il con*
noissait les ordres du général en ch ef, traduits dans
toutes les langues usitées : ja première chose à laquelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte civil
devant le commissaire des guerres, officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il xty 3 çti aucun acte
drqssé !
Les
�(
41 )
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquêtes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. On nQ
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n ne elle-même a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage,
ïîlle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu’elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugement, et dazis la consultation, qu’on a pensé qu il
falloit préciser le jour, et on a imaginé le jour des ro is,
q u i, d’après le calendrier g rec, se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que son arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
Anne veut être mariée en l’an 8 , le 17 janvier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette époque, le général d’Estaing n’étoit pas au
O u re; il commandoit l’avant-garde de l’armée en station
à Cathié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la Syrie,'|>rès de Suez, à plusieurs journées du Caire.
Le service ou le commandement du général, au fortde Cathié, a commencé le 17 brumaire an
et n*a
que le 16 pluviôse an 8 , époque de J’évacuation de ce*
fort.
La preuve de cette continuité do service, résulte de
con registre de correspondance officielle j registre écrit
F
�(4 0
en grande partie de la main du général, qui p rouve,
jour par jour, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an 10, du même lieu de Cathié, démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son prétendu maiûage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
Cathié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. Le gé
néral d’Estaing se rendit de là à Rozette, où il a resté
juseju^én v e n d é m ia ir e s u C),
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
Caire , où il a résidé jusqu’en ventôse an 9 , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Aboukir.
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n ne nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces*contradictions? l’assertion
d’une inconnue doit-elle l’emporter sur les écrits du
défunt, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qu'A nne veut en imposer à la»
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’un
roman mal conçu, qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Niais A nne a, dit-on, une possession d’état invariable.
Qu’est-ce qu’une possession d’état? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
�( 43 )
L ’état des hommes se forme sous l’autorité des lois;
il s’établit de deux manières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C’est ainsi que s’exprimoit M. l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougemont. « La
« possession, disoit ce grand magistrat, lie , unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« démarches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant prim itif, jusqu’au moment actuel de.notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêmes, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose, soit par T habitude de
« nous connoître, soit par Vhabitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » Et M. Séguier
invoque la doctrine du magistrat immortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n ne peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle , invariable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? Une liaison criminelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son époux, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
�C 44 )
bruit se répand qu’il est marié ; le général le désavoue,
et soutient qu’il n’y a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son éta t
de celui qui y avoit le plus grand intérêt, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession.d’un état que son pré
tendu mari désavoue, et ne veut pas lui accorder?
Une possession d'état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n ne et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se c o n firm en t de jour en jo u r entre les
parens, par la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
b e a u x -f r è r e s , cette habitude journalière de se traiter ré
c ip r o q u e m e n t comme frères et sœurs ? c’est cependant
ce que desire Cochin, à l’endroit cité dans la consultation;
çt il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ruix, baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la,
possession d’état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit être un obstacle insurmontable
à la prétention que la dame de B r u i x osoit élever,-de se
dire fille du sieur m arqu is d e •B o udeville de la Ferté.
Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme longue, constante et invariable.
Et d’après Cochin lui-m êm e, une possession d’état
pourroit-elle être l’effet de l’erreur d’un moment, d’un
acte isolé et fugitif, obtenu dans un moment rl’urgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui nssuroient à
A n ne un titre légitim e;
,
�( 45 )
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tutelle, qui émane du sieur
d’Estaing p ère, étranger à la succession de son fils ; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus proches, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal ou
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénommés, le sieur d’Estaing père, et le sieur Delzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient préseDS sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a étc
appelé.
Les sieurs Ternat, petits-fils de la damé d’Estaing,
veuve T ern at, en ont été écartés.
Les sieurs Angelergueè, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d’E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de Cette assemblée.
On convoque dans la ligné paternelle, des sieurs Labro,
parens au sixième degré du défunt ; un sieur F o rtet,
allié encore plus éloigné que les sieurs Labro.
‘
Dans la ligne maternelle, on néglige les sieurs TA p p ara, oncles bretons du défunt : on aiFecte d’appeler les
sieurs M ailhes, père et fils, alliés très-éloignés. Et voilà
les individus qu'A nn e traite ou veut faire regarder comme
les plus proches parens de son prétendu mari : il ne faut
pas s’en étonner ; elle n’a pas ou le temps de faire con
naissance avec la famille de son prétendu mari»
�(
4
6
}
Elle a été reconnue dans la fam ille, , dans la v ille,
dans les sociétés! Elle n’a été présentée nulle part; ne.
pouvoit l’être, à moins de l’a v ilir, puisqu’elle 11’avoit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
eonnoissoit aucun des agrémens d’une ^vie policée.
Elevée dans la classe du peuple, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
la femme de son. ch oix, et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
P e u t-o n pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l ’aveu même d'A nn e ,• et h u it
mois n’ont jamais donné une possession d’élai constante
et invariable.
•
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves de son mariage ; et à défaut
de titres, elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rrivée à M arseille, elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à Paris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
Elle les conduit devant'le juge de p aix, qui les admet
sans autre forme; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’Estaing, qui n’en a voit
aucune connoissance, s’inquiétoit'peu de scs démarches,
�C 4-7 )
et n’a voit garde de s’y opposer, puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à fu tu r , qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abtts? Qu’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 •, on y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes, dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13, qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, a peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles,
et même dangereux dans la cause; ils ne seroient d’au
cune importance, quand ils pourroient êti*e de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les 'A lla ou Abdaüa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu Jean N azoetSophie M ische, son épouse, père
« et m è re d 'A n n e , et qu'Am ie fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C’est bientôt dit : mais où est la'preuve de la filiation,
du mariage? Une simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des
dates , peut-elle faire quelqu’impression ? Am ie a-t-qlle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vague, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état d’épouse et veuve
du général d’Estaing, et ^admettre dans cette famille? E t
si quatre d’entre eux ont déclaré qu'Anne accoucha à
Céphalonie, ils disent le contraire de ce que raconte
�u
a ) '
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendres
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coutoit si
peu de s’accorder avec les déclarons, qu’elle aurojt dû
au moins dire la même chose.
Son acte de notoriété fait à Paris est encore plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
à la fois, que k dans le cours de Tan 8 , A n n e a été
« unie religieusement, et d’apyès les rites du pays, en
« légitime m ariage, avec le général d’Estaing, par le
« patriarche d’Alexandrie, habitant du Grand-Cairç.
« L ’acte de célébration n’en a pas été rédigé, n’étant
« point dhtsage en Egypte de tenir un registre de l’état
« c iv il; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
« militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se sont-ils pas'
nommés? quels sont ceux qui sont compris dans c e la
plupart? Dès que ces témoins poussaient si loin la complai
sance pour la jeune Egyptienne, ils auroient pu circonstancier davantage leur déclaration ; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne craignent pas
d’ajouterque «pendant son séjour en Egypte, la dame Nazo,
«; veuve d’Estaing, n’a pas cessé d’habiter avec son mari,
<* qui l’a toujours traitee comme son épouse légitime. »
Ce séjour a-t-il été plus ou moins long? pas un mot
sur sa durée. On a vu ou pu voir , chez le gériéral
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épouser dans un paya aussi corrom pu, où presque toua
les
�. .. .
les militaires avoïent trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens orientaux, des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une famille, d’y introduire une
étrangère! On doit gémir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernement : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute, que le chef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernement ne peut nuire aux droits des
familles. Il est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit e té p o rte e , en premier lieu , qu’à une somme
de 520 francs ; l’Empereur remplit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d ’iJstaing ; les y
journaux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on voit qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général Menou vient ensuite; il an
nonce, de la part de ce brave général, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M enou, lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. Pour les rapports civils, il auroit fallu
^
un acte authentique qui constatât le mariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit conformément aux
lois, règlemens et usages de l’armée. Le général Menou
devoit principalement les faii’e exécuter; et il est constant
Q
�( 5o )
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce. pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en cxistoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général Menou a épousé une muzulmane,
il a embrassé le m a h o m é tism e . On est autorisé à le dire
ainsi, d’après des instructions pieciscs. Son mariage a
été célébré par le M ouphti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. Le général a donné à son union un
caractère légal, et n’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c iv il, conformément aux ordres qu’il avoit luimême fait publier de nouveau. Voilà le rapport civil.
On ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre côté , le général Menou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit môme général
en chef au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t jln n e , à son tour, a été mariée le jour des rois de
la même année, qui répond au 17 janvier 1800.
Pour le coup veritatem quœrendam.
L e général Menou ne commandoit pas l’armée en nivôse
an 8; c’étoit le général Kléber. C elu i-ci a commandé
jusqu’au 20 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général. Menou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général Kléber avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M enou, ea germinal et floréal an 8, prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de Rozette : le
général Menou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D upas ne parle de ce mariage -prétendu
que par ouï-dire ,• on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquement, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s, qui étoit alors
au Caire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
mandement, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ouï-dire de
ce prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avoir assisté à ce mariage,
on attendroit long-temps. A n ne a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Qu’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au commandant du Caire ;
il étoit honorable dans ses goûts; il tenoit au Caire table
G 2
�( 52 )
ouverte, donnait souvent des bals, des fêtes ; et si on
veut que des bals des dîners, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
Egypte, qu’A nne faisoit société avec les dames M en ou ,
D elzo n s, L a n lin , connoissent bien peu les usages orien
taux. Là les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et a l o r s sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
'
Ce n’est pas en Orient où on peut jouir des agrémens
de la s o c ié té , et surtout de la compagnie des dames; on
sait même que madame Menou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et Anne elle-même,
pendant le court séjour qu’elle a fait à Aurillac, n’a pas
quitté son v o ile , et n’a été vue de personne.
La dernière pièce imprimée en la consultation, est
une lettre du général d’Estaing à Anne. On observe
que l’adresse est de la main du général, et porte pour
suscription : A la citoyenne d1E s ta ing , à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qu’’A n n e, dans son mémoire, ait
tant parlé de la correspondance de son ép o u x, fam ilière
avec décence, tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C’est le ton d’un homme poli
et familier, à qui on n’a rien refusé, qui ne parle pas
même des ascendans d'Anne avec le ton de considéra-
�(¿ 3 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qu'A nn e appelle son p ère,
il se contente de dire J o a n n y ; lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il d it, la bonne vieille. Est-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p ren d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charme, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à tontes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Pençeloppe de la lettre : mais n’est-ce pas
l’usage? ne voit-on pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les n o m s de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donné ce nom. Lorsqu'il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le général, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette femme, après le départ d.u général, n’a jamais
tiré'avantage d’une suscription semblable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
On trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres arabes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
cPEstaipg, mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire, puisqu’on ne connoît pas l’arabe ;
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit h a r - '
monieuse, p oétique, tout en figures, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A nne : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
néral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e? Tout est e x trao rd in a ire el inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore, dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur Giane , clief de bataillon de la légion
grecque, à bord du bâtiment le J e a n , en rade à T á
rente : cette lettre est en réponse, et annonce que Giane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pouvoir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, h madame
d’Estaing. Il n’y a rien d étonnant dans ces offres génér
reuses ; on doit des égards et des -seryiees à une femme.
A m ie se disoit madame d’Estaing; on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si Anne
avoit son contrat de mariage ou non. Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar-
�(55)
quant, aujourd’hui maréchal de l’empire, une reconoissance et une possessiun d’état en faveur à?A nne $ relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprimer , du certificat d’un sieur Sartelon, ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d'Anne. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, « que quoiqu’il n’existât a l’armée
« aucun ordre du général en chef pour regler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y etre
« reçus, Yusage paroissoit s’être établi de lui-même pour
« les officiers, ou in d iv id u s attachés à l’armée, ne faisant
« point partie des corps , de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, mème quelquefois
a de leurs divorces ; ce qui n’a jamais été gén éral,
« surtout pour des mariages contractés avec lesfin îm es
« du pays ( il n’y en avoit pas d’autres ) , '•qui se sont
« faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
« et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
« toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient pu« rement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
« et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé au« cun procès verbal relatif à l’état civil; il ne s’en est pas
« même trouvé, notamment du commissaire des guerres
« A gard, qui est mort dans la traversée. En foi de quoi,
« sur la demande de la dame veu,ve d’Estaing, il a dé*»
« liv ré , etc. »
�( 56 )
Un ne voit pas trop quelles inductions ¡’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourvoit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent montré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le fa it, puisqu’on rapporte les ordres
du général en chef, et les actes civils des sieurs D elzons
et L a n tin , reçus par le commissaire Agarâ.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes à'Arme.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p eu t-on pas
dire avec vérité qu’elle n’a ni titres n i possession ?
Com m ent a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveu r insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins, qu’elle a été mariée en
l ’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de mariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugement, au contraire , n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou mendiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si interessans, dit le célèbre Cochin,
a doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
a du bien public, qui forment toujours le premier objet
« de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les familles,
« compromis d a n s une seule causé. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’un juge
ment
�C 57 )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement .ne peut subsister, et
qu’Anne doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
>
On trouve dans les recueils -, tant anciens que nouveaux,
une multitude d'arrêts sur les questions d'état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes: le 2e. , le 6e., le 12e. le 17e. plai
doyer de ce grand magistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son ministère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se détermine ; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude défaits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre; en un m o t,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volume de ce mémoire par
des citations d’arrêts ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nombreux exemples, une con séq u en ce claire qui
pût servir de motif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui ne sera
pas contesté, c’est que pour un m aria ge fait en F rance,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été tenu , ou qu’ils sont
H
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 1667,
n’a entendu parler que des mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code N apoléon ; et la preuve que le législateur a seu
lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et ffid a même Code. .
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étranger, fera fo i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
par lesagens diplomatiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lois, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testimoniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d’état ; on croit l’avoir prouvé, puisque
‘le général lui a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne.
Point de commencement depreuçepar écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls qui existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( % )
de possibilité d’admettre une preuve par témoins; il faut
représenter l’acte civil. On a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n ne n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appel a donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce jugement est évidemment en opposition avec
les articles 170, 171, 194 et ig 5 du môme Code.
En effet, par l’article 170, « le mariage contracté en pays
« é tran g er entre F r a n ç a is , et entre F rançais et é tr a n g e r ,
« est valable, s’il a été c é l é b r é dans les formes usitées
« dans le pays, pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
« chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette formalité la plus grande
importance. On n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parmi les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 170 , on y trouve principalem ent la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ê m e majeur, de contracter
mariage sans le consenlexneut de ses père et mère.
II a
�( 6o )
Bien vite A nne s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le Gode, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut promulgée dans un
instant de délire, qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
Loi immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tous les jours gémir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
Mais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. Ne mar
q u e - t - i l pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le prévenir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n ne en seroit-elle réduite à
ce point, qu’elle fût obligée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernement, dans ses
premiers pas, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
Pour cette fois, A nne ne peut se tirer de cette dis-
�( 6i )
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de ma
riage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
Et lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
195, qui veulent que nul ne puisse réclamer le titre
d’époux, et les effets civils du mariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c iv il, elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
lie pouvoit établir son titre d’épouse légitime, qu’en jus-'
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré ? Diront-ils quo
le Code Napoléon n’a été promulgué que postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient d’autre boussole que la
loi du 20 septembre 1792; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette lo i, A n n e 11e pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvoient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale. .
,[ :. »n •
'
Un mot sur Feûfant naturel , cdnnu soui le nom à'Em ile
�( 62 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant dont on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
Un enfant a été présenté à l’officier civil, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-même. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire valoir, il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant, qu’ Anne
n’est pas r é d u ite à un sort funeste ; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre.
!'J
M e. P A G E S ( d e Riom ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeune, avoué licencié,
A RIOM , de l'imprimerie de T hibaud - L andriot , imprimeur
de la Cour d’appel,
Mai 1808
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste d'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0537
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53848/BCU_Factums_M0537.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53839/BCU_Factums_M0528.pdf
27c592197791afe49eb2971ab19c8065
PDF Text
Text
; -ï
MÉMOIRE
POUR
Sieur J o s e p h D E G R E IL S D E M ISSILIA C,
appelant d’un jugement rendu par défaut, au
tribunal civil de Saint-Flour, le 22 ventôse
an 7;
CONTRE
La dame M a r i e D E G R E I L S , sa tante,
intimée.
1
D a n s ces temps m alheureux de troubles et d ’orages
qui fuient déjà, loin de nous , les lois révolutionnaires
ont décidé du sort et de la fortune d ’une foule d’indi
vidus.
Ces lois étoient diversement jugées, exécutées dans
A
•
�( 2 )
toute leur rigueu r, ou quelquefois modifiées, suivant
le caractère ou l’opinion de ceux qui dorainoient alors :
mais on a observé qu’en général les personnes-les plus
opposées à ce système destructeur , sont précisément
celles qui ont voulu tirer le meilleur parti de ces lois
oppressives, et qui en ont en effet profité dans tout ce
qu’elles présentoient d’avantageux à leurs intérêts.
Cette cause en est un nouvel exemple. Un arrangement
avoit eu lieu, depuis loggxjes années, dans une famille
honorable : des filles âgées et célibataires avoient traité
avec leur frère ; elles avoient cédé leurs droits successifs
m o y e n n a n t une somme certaine qui les mettoit à l’abri
de toute inquiétude, et au-dessus des besoins de la vie.
Contentes de leur sort, elles n’eussent jamais osé se
plaindre dans l’ancien ordre de choses, et toute récla
mation eût été vaine.
/
On sent que parmi des gens bien nés on ne prend pas
toutes les précautions légales : les cessions étoient sous
seing privé. La l’évolution arrive; les enfans du cédataire
émigrent ; les Hiens du père sont séquestrés. Quel avan
tage pour lui de n’avoir traité que sous seing privé avec
ses cohéx-itiers !
On peut dissimuler ces actes, demander un partage à
la nation, soustraire une portion des biens. On use de
ce moyen , qui paroît infaillible : les sœurs cédantes
0 obtiennent leur part héréditaire. La mort a frappé plu
sieurs d’èntr’elles*, une seule survit, elle est nonagénaire :
l’exploitation des biens est au-dessus de ses forces; elle
n’a jamais usé du droit ou de la faculté qu’elle avoit
obtenue de l’administration. Mais aujourd’hui elle a
�( 3 )
d’autres idées, d’anciens souvenirs, ou plutôt e’ Ie est
dm gée et séduite par un ambitieux. B ref, elle a pris
goût à la propriété; elle veut que le délaissement qui
lui a été fait soit sérieux ; elle ne craint pas d’accabler
un neveu, un père de famille dont les pertes sont im
menses , et que cette nouvelle prétention réduiroit à la
misère.
La demoiselle de Greils p e u t-e lle espérer quelque
succès d’une démarche aussi téméraire? L ’appelant ne
fait pas cette injure aux magistrats qui doivent prononcer
sur son sort.
F A I T S .
r i anço is de la Volpilière et Marie Vedelène, auteurs
communs des parties, eurent cinq enfans; savoir, Fran
çois, Guillaume, Claude, Honoré et Marguerite.
François, l’aîné, marié à Louise Brugier, a donné le
jour à trois enfans, Gaspard, Madeleine, et Claude, se
cond du nom.
D u mariage de Gaspard de la Volpilière avec demoi
selle Marguerite Cat de Rastinliac, sont issus q u a t r e
enfans; Bertrand, père de l’appelant, M arie, q u i est
l’intimée, Magdeleine et Anne : les trois filles n ’o n t pas
été mariées; l’une d’elles, M agdeleine, est décédée en
l’an 2 ; Anne est morte en l’an 10.
Bertrand de la V olpilière, marié à Jeanne Rastinhac,
a donné le jour à trois enfans; Joseph, a p p e l a n t , marié
a Louise-Rose de P estel, François et Anne : les deux
puînés ne figurent pas dans la cause, ou du moins François
A 2
�( 4 )
ne se montre que sous le nom de sa vieille tante, à qui
la nature a départi un grand brevet de. longévité.
Suivant les énonciations qui se trouvent dans le juge
ment dont est appel, François de la Y olp ilière, second
du nom , aïeul et bisaïeul des parties, étoit donataire de
ses père et m ère, à la charge de payer une légitime
conventionnelle à ses frères et sœ ur, légitime fort audessus des forces réelles des successions.
Un traité du 24 septembre 1694, énoncé dans le môme
jugement, porte délaissement de la part du donataire aux
puînés, d’un d o m a i n e appelé du Bousquet, pour les l’emplir
de leur a m e n d e m e n t .
L e 1 3 juillet 1698, Claude, premier du nom , l’un de
ces puînés, fit donation entre-vifs à François, son frère,
de tous ses biens présens, qui consistoient principalement
dans le quart du domaine du Bousquet, délaissé par l’acte
précédent.
( Mais le donateur grève cette disposition d’une substi
tution en faveur de l’aîné des enfans mâles de son frère;
à son défaut, à la fille aînée, ou tel autre enfant, de
degré en degré, qui seroit encore vivant.
François, donataire, fit son testament en 1716; légua
pour légitime, une somme de 1200 francs à Magdeleine ,
sa fille; celle de 600 francs à Claude, deuxième du nom,
son fils puîn é; institua la dame Brugierj son épouse,
h é r i t i è r e . universelle, à la charge de remettre son hérédité
h Gaspard, son fils aîné.
Gaspard de la Volpilière, après le décès de son père,
devoit être appelé à l’ecueillir la succession de Claude,
premier du nom , son oncle, qui lui étoit substituée.
�( 5 ),
Mais il prédécéda
son
oncle,
et alors * O
A
7 donateur;
i
deleine, sa sœur, en vertu de la clause de la donation
qui appeloit la fille aînée à défaut de l’aîné des mâles,
recueillit le bénéfice de la donation du 13 juillet 1698.
L e 2Ô avril 1747, Bertrand de la Volpilière, frère de
l’intimée, et père de l’appelant, contracta mariage avec
Jeanne Rastinhac : la dame de Brugier, son aïeule, lui
fit donation de tous ses biens, sans autres charges que de
payer à ses sœurs une somme de i 5o francs chacune;
Magdeleine de la V olpilière, tante de Bertrand, lui fait
donation de tous ses biens et droits, et par exprès de la
portion qu’elle amendoit dans le bien du Bousquet, pour
avoir recueilli l’effet de la substitution portée en la do
nation de Claude, premier du nom.
V oilà donc Bertrand de la Volpilière propriétaire de
tous les biens et droits de son aïeule, du quart du do
maine du Bousquet, en vertu de la donation de sa tqnte;
ce qui lui donnoit des prélèvemens considérables sur la
succession de son p è re , dont il amendoit également sa
p ortion, et qui n’étoit rien moins qu’opulente.
C ’est en cet état que le 20 avril l'jBg, il fut passé un
traité sous seing p rivé, entre le sieur Bertrand la V o l
pilière et les dames ses sœurs-, traité qu’il est i m p o r t a n t
d’analiser, pour en faire connoître toute la force, et l’in
fluence qu’il doit avoir dans la contestation s o u m is e a u
jugement de la Cour.
Par cet acte, les trois filles majeures f a i s a n t des vœux
pour la conservation des biens dans leur famille , et
voulant éviter toutes discussions, r e n o n c e n t ail partage
quelles avoient droit de prétendre sur Jcs successions des
�(
6
)
père et m ère, et s’en démettent au profit d e ‘Bertrand la
V o lp iliè re , leur frère.
Cette renonciation est faite moyennant la somme de
35 oo francs, que le frère s’oblige de payer à chacune
d’elles, en sept termes égaux de 5oo francs chacun, avec
les intérêts à compter du jour du traité.
L e premier terme échoira à la volonté des renonçantes,
lorsqu’elles en feront la demande, ou lorsque le cédataire voudra se libérer; mais comme 1 interet est cependant
fixé à i 5o fr. par année, ce qui 11e fait pas précisément
le revenu de la totalité du principal, cet intérêt sera
payé sans retenue.
Il est ajouté : « Afin que mesdites sœurs puissent
« vivre de leurs revenus, et ne touchent point à leurs
« capitaux, je promets payer la somme de ^5o francs en
« trois termes ég a u x , de quatre en quatre m ois, dont
« le premier doit échoir au I er. mai lors prochain, sans
« imputation sur le capital. »
D e plus, le sieur de la Volpilière du Bousquet, cède
et abandonne à ses sœurs, pendant leur v i e , l’entière
jouissance de la maison de Vi'gouroux, de l’écurie, bassecour et jardin potager : les grosses réparations restent à
la charge du cédataire ; tous les meubles doivent aussi
rester aux renonçantes, sauf l’inventaire, mais sans qu’elles
soient tenues à aucune indemnité pour cause de dépé
rissement.
L e frère leur cède encore, pendant leur v ie , vingtcinq à trente charretées de bois que les fermiers de
Roupon et du Bousquet sont tenus de porter, chaquo
année, dans la maison de Vigouroux : il promet de
�( 7 )
faire obliger et contraindre à l’avenir, à cette conduite,
tous métayers ou fermiers.
A u moyen de ces conventions, les demoiselles de la
V olpilièrc tiennent leur frère quitte de tous droits légitim aires, tant paternels que maternels, de ceux échus
des oncles, tantes, aïeuls et aïeules; le sieur Bertrand de
la Volpilièrc devient responsable de toutes les dettes
contractées jusque hui, de même que de toutes créances
légitimes, pour dépenses, réparations, nourriture de ses
sœurs, et généralement pour quelque cause que ce soit.
Cet acte est fait en présence de la famille, et revêtu
de la signature des parties comme des parens, tels que
M M . Lastic de la Vergnette, Lastic de l’Escures , la
T e r risse, etc.
L e 3 mai 1769 , le sieur Joscpli Cat de Rastinliac
fuit son testament olographe, par lequel il institue pour
son héritier universel le sieur Bertrand de la V olpilière,
son neveu.
La cession de droits dont il vient d’être parlé a eu
sa pleine et entière exécution du jour de sa date. Il est
même fait mention dans l’acte que ces arrangemens de
famille avoient eu lieu depuis plus d’un an avant leur
rédaction.
Les demoiselles de la Volpilière firent un inventaire
des meubles, aussi sous seing privé; elles ont r e ç u leurs
intéi’êts, ainsi qu’il résulte d’une foule de quittances,
également sous seing p riv é , dont l’appelant est porteur.
Le i 5 janvier 17775 Joseph de la V o lp iliè re , appelant,
épousa dem oiselle Louise-Rose de Pestel ; son p ere lui
fit donation de la m oitié de ses biens , et promit de
�(8)
n’instituer d’autre héritier que lui dans le surplus, sous
la reserve de ses effets actifs, et d’une somme de 14000 fr.
La dame de Rastinhac , sa mère , fait une semblable
disposition en sa faveur, sous la réserve d’une somme
de 6000 fr. Le contrat contient encore une donation de
la terre de Roupon au profit de l’appelant. '
Tels sont les règlemens de famille : l’union y avoit
toujours régné. Lorsque la révolution arrive, l’appelant
et son frère émigrent : tous les biens du père sont sé
questrés en vertu des lois du temps. Il étoit alors septuagénaire, et se voyoit sans ressource.
Les p a r e n s et les amis conseillent au sieur Bertrand
de G r e i l s de mettre de côté les actes souscrits par ses
s œ u r s , et de leur faire demander le partage des biens
des auteurs communs , pour sauver du naufrage cette
partie, avec d’autant plus de raison qu’on craignoit qu’il
ne fût procédé à la vente des objets donnés au fils aîné,
qui est l’appelant.
On présente une pétition sous le nom de deux sœurs
du sieur Berterand de Greils, qui étoient alors vivantes
(M agdeleine, l’une d’elles, étoit m orte), à l’adminis
tration centrale du département. Cette pétition reste
quelque temps dans l’oubli ; mais enfin après la loi qui
obligeoit les ascendans- d’émigrés de faire le partage avec
la nation, il devint pressant de faire statuer sur la de
mande des sœurs. L ’administration prit un arrêté, le 29
o-erminal an 4 5 Par lequel il est dit que la demande en
partage formée p;ir les demoiselles de Greils ne concerne
pas les corps administratifs : c’est une discussion qui est
toute entière du ressort des tribunaux ; en conséquence
les
�(9)
les demoiselles de Greils sont renvoyées devant les tribu
naux compétens , pour se pourvoir contre leur frère;
et à cet effet sont autorisées à citer le commissaire près
l’administration ; mais en même temps l’arrêté autorise
les Fermiers du domaine de Roupon et de la montagne
de Trilissons , à faire compte provisoirement aux péti
tionnaires, de la moitié des fermages de ces biens.
L e 20 messidor an 4, les demoiselles de Greils citent
leur frère devant le tribunal civil de Saint -F lo u r;
elles assignent pareillement le commissaire du gouver
nement.
Elles concluent à ce que leur frère soit tenu de venir
h division et partage des biens meubles et immeubles
dépendans des successions de Gaspard Greils et Margue
rite Rastinhac, pour leur en être expédié à chacune un
quart, et un tiers du quart revenant à M agdeleine, dé
cédée ab intestat.
Elles demandent la nullité de la substitution prétendue
faite par Claude, leur grand-oncle, le 13 juillet 1698;
elles prétendent que cette substitution n’a pu profiter à
Magdeleine Greils, tante des parties, mais qu’elle a dû
revenir à Gaspard G reils, fils à François, et à ses descendans.
Elles soutiennent n’avoir reçu aucun mobilier ; que
tout celui qu’elles possèdent est le fruit de leur économie.
Cependant l’inventaire qui fut fait, à la suite de leur
cession est entre les mains de l’appelant.
Elles demandent en conséquence le rapport du mobiliei suivant l’inventaire ou suivant la commune renomïn ee, la institution des jouissances, le payem ent des
B,
�( 1° )
dégradations; elles concluent
ce que ces jouissances
leur soient payées en biens-fonds , attendu la maxime :
F ructus augent hozreditatâtn.
Elles demandent aussi, i° . le payement d’une somme
de i5o francs pour chacune d’elles, montant du legs de
Louise Brugier, leur aïeule, et énoncé au conti’at de
mariage de le ur frère; 2°; celle de 100 francs pour les
deux tiers de pareille somme de i 5o francs donnée à
M agdeleine, leur sœur; 3 °* une sotnme de 1000 francs
léguée à chacune d’elles par Joseph Cat de Rastinhac,
dans son t e s t a m e n t du 3 mai 1769 ; 40. les deux tiers
de pareille somme de 1000 francs, du chef de Magde
leine. Toutes ces sommes doivent leur être payées en
biens-fonds.
Elles offrent de tenir en compte la somme de i 5o fr.
qui leur a été payée chaque année par leur frère , de
déduire sur les jouissances celles qu’elles ont faites de la
maison de V igou ro u x, du jardin, et d’un pacage y at
tenant.
On sent que Bertrand de Rastinhac se garde bien de
contester : il ne comparoît pas sur cette demande; la lutte
ne s’établit qu’avec le commissaire du gouvernement.
Celui-ci demande acte de ce que, tant sur la demande
en payement du legs de Joseph Rastinhac, que sur celle
en partage de la succession de Gaspard G reils, il s’en
rapporte à la prudence du tribunal; mais il soutient
qu’avant tout partage il doit être prélevé au profit de
Bertrand G r e i l s , comme donataire de Magdeleine Greils,
sa tante, et de Louise Brugier, son aïeule, i° . le quart
des héritages dépeudaus du domaine du Bousquet, énoncés
�en la donation et substitution de 1694, parce que le
commissaire trouve cette substitution très-valable.
20. Il consent qu’il soit procédé à ce partage des biens
dépendans de la succession de François Greils, aïeul des
parties, consistansdans le surplus du domaine du Bousquet,
celui deR oupon, la maison des Vigouroux et ses dépen
dances, ensemble du mobilier énoncé en l’inventaire
porté au testament de François G reils, pour en être
délaissé un neuvième du chef de Magdeleine Greils,
tante, deux tiers de neuvième revenans à Claude Greils,
dans la môme succession, lesquelles portions revenoient
à Bertrand G reils, comme donataire de sa tante.
30. Que Bertrand Greils sera également autorisé à
p rélever, avant tout partage, les reprises matrimoniales
de Louise Brugier, son aïeule, à la charge néanmoins
de payer à chacune de ses sœurs la somme de iô o fr .
à elles donnée par leur aïeule.
L e commissaire du gouvernement consent que le sur
plus de la succession de Gaspard soit partagé en trois
portions égales, pour en être attribué aux deux deman
deresses chacune un tiers , h la charge de rapporter les
meubles et immeubles dont elles sont en possession,
et de contribuer, dans la proportion de leur amende
ment , aux dettes de la succession.
Mais il s’élève fortement contre la prétention des
deinanderesseâ, qui vouloient qu’il leur fût expédié des
biens-fonds pour le montant de leurs legs, ou pour la
restitution des jouissances ; elles sont simplement créan
cières de deniers pour tous ces objets.
. On ne doit pas dissimuler qu’on trouve dans les faits
B a
�( 12 )
énoncés nu jugement, la mention d’ un exploit sous la
date du 14 juin 1786, et qu’il y est dit que par cet
exploit M arie, Anne et Magdeleine de Greils avoient
formé contre B e r t r a n d , leur frère, au ci-devant bail
liage de V ie , la demande en partage des successions des
père et mère communs , pour leur en être délaissé à
chacune un quart, avec offres de se restreindre à un
supplément de légitime, s’il étoit justifie de dispositions
valables de la part de Gaspard Greils et Marguerite
Rastinhac, père et mere communs.
Cette c i r c o n s t a n c e est assez indifférente, et n’auroit
pas eu b e s o i n d’être relevée, si o n n’étoit prévenu que
l’iutiinée entend s’en faire un moyen.
Quoi qu’il en soit, le 22 ventôse an 7 , fut rendu le
jugement qui est aujourd’hui soumis à l’examen de la
Cour, et dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que d’après la clause insérée dans l’acte
« de 1698, Gaspard la V o lp ilière, fils aîné de François,
« devoit recueillir l’eiîet de la substitution, et après
« son décès, Magdeleine la V o lp ilière, fille aînée dudit
et François;
« Attendu que François et Gaspard la Volpilière ont
« prédécédé Claude, donateur; quelesenfans de Gaspard
« ne se trouvent ni dans la condition ni dans la disposi« tiou ; d’où il suit que Magdeleine la Volpilière a
« recueilli l’effet de la substitiou, surtout Agissant d’une
« donation en collatéral, et hors contrat de mariage;
oc Attendu que Magdeleine la Volpilière et Louise
« Brugier ont valablement disposé de leurs biens au
<r profit de Bertrand Greils, par son contrat de mariage
�( i3 )
« de 1747 5 qu’ainsi il doit être fait distraction , avant
« partage, sur les Liens dont il s’agit, des portions
« revenantes à Magdcleinela Volpilièreet Louise Brugîer;
■« Attendu que d’après tous les principes du droit, Je
« montant des legs est payable en deniers et non en,
« fonds, que d’ailleurs Louise Brugier n’avoit qu’une
« dot mobiliaire ;
« Attendu que les fruits augmentent l’hérédité et en
« font partie , d’où il suit que le légitiinaire a le droit
« de les demander en biens-fonds ;
« Attendu les offres faites par les demanderesses de
« rapporter ce qu’elles ont re çu , et les jouissances par
« elles perçues ;
« Attendu qu’il n’est pas établi que les demanderesses
« aient .fa it aucune cojivention avec Bertrand Greils,
« pour raison des restitutions de jouissances, ni qu’elles
« aient profité d'aucune espèce de mobilier ;
« Le tribunal donne défaut, faute de com paroir,
« contre Bertrand Greils ; et pour le profit, sans s’arrêter
« ni avoir égard à la demande en nullité de la substi« tution portée en l’acte de 1698, dont les demanderesses
« sont déboutées , condamne Bertrand Greils à venir à
ci division et partage avec ses sœurs, des biens meubles
« et immeubles dépendans des successions de Gaspard
« Greils et Marguerite Rastinliac, auteurs communs, pour
« en être expédié à chacune des demanderesses un tiers,
« tant de leur chef que de celui de Magdeleine, leur sœur;
« Ordonne qu’avant partage distraction sera faite au
« profit de Bertrand G reils, i ° . du q u a r t des butimens
« et héritages dépendons du domaine du Bousquet ?
�C 14 )
« délaissés par l’acte de 1694-, 20. du neuvième, et d’un
« autre tiers de neuvième revenant à Bertrand Greils
« dans la même succession, du chef de Louise Brugier,
k comme ayant succédé pour un tiers à Claude la V ol« pilière, son fils; ordonne que les parties conviendront
k d’experts, etc. » Le rapport du mobilier est ordonné
suivant l’inventaire , ou suivant la preuve par commune
renommée, avec l’intérêt de ce mobilier depuis l’ouver
ture des successions.
Bertrand Greils est c o n d a m n é à restituer les jouissances
depuis la m ê m e époque, avec les întcrets de ces jouissances
depuis la d e m a n d e d e 1786.
Les demanderesses sont tenues de rapporter , i° . la
somme de 1 5o francs qu’elles ont touchée chacune depuis
vingt-neuf ans avant la demande de 1786; 20. les deux
tiers de la" même somme touchée par Magdeleine, leur
sœur ; 30. la valeur de dix chars de bois par elles perçus
depuis la même époque; 40. les loyers et restitutions de
jouissances de la maison, jardin et pré situés à V igouroux.
Ces jouissances doivent être compensées jusqu’à due con
currence avec le montant de la restitution qui leur est
allouée ; l’excédent doit leur être ï>ayé en biens-Jbnds
de la succession.
B e r t r a n d Greils est condamné à payer à ses sœurs,
1°. à chacune d’elles i 5o francs, légués par Louise Bruo-ier ; 20. celle de 100 francs pour les deux tiers revenans
à M agdeleine, leur sœur , avec intérêt du tout depuis la
demande ; 30. la somme de 1000 francs ù chacune d’elles,
montant du legs du sieur Cat de Rastinhac ; 40. les deux
�(i5)
tiers de cette somme du chef de Magdeleine, avec intérêt
depuis l’échéance des termes.
Les demanderesses sont condamnées à payer à leur
frère les deux tiers des reprises matrimoniales de Louise
Brugier, les dettes par lui acquittées sur les successions,
avec intérêt depuis la même époque que les restitutions
de jouissances : les sœurs doivent contribuer dans la pro
portion de leur amendement aux dettes non encore ac
quittées.
Sur le surplus des demandes, les parties sont mises hors
d’instance ; les dépens sont compensés, pour être em
ployés en frais de partage et supportés par les parties au
prorata de leur émolument: le jugement est déclaré com
mun avec le commissaire du pouvoir exécutif près l’ad
ministration centrale du département.
Cette opération term inée, le sieur Bertrand de Greils
p ère, crut devoir se rassurer sur les événemens : les lois
devinrent moins rigoureuses-, l’année qui suivit ce juge
ment fut une époque heureuse pour la France. L e héros
magnanime qui nous gouverne parut dans toute sa gloire;
les proscrits furent rappelés, et retrouvèrent une patrie;
enfin le sénatus-consulte de floréal an 10, ordonna la res
titution de tous les biens des émigrés qui n’avoient pas
encore été vendus.
Les sœurs de Greils se félicitèrent elles-mêmes de ces
cliangemens avantageux : leur frère conservoit sa fortune;
elles laissèrent dans l’oubli ce jugement que les circons
tances leur avoient fait solliciter.
Elles n’ont rien réclamé ; l’une d’elles est décédee avant
�C 16 )
s011 frère , qui a vécu jusqu’au 14 avril 1806, et a poussé
sa carrière jusqu'il l’âge de quatre-vingt-cinq ans.
Pendant toute sa vie , le jugement de l’an 7 a resté sans
exécution. Le sieur Bertrand deGreils jouit comme de cou
tum e, donna, à titre de ferm e, pour sept ans, les biens
que convoite l’intimée : ce bail est du 2 nivôse an 9, et
a eu sou exécution. Mais un an après le décès de Bertrand,
et le I er. décembre 1807, M a r i e de Greils a imaginé de
faire signifier ce jugement au sieur Joseph de Greils,
son neveu , trouvé et compris dans une auberge de
Pierrefort.
On lui notifie en même temps le testament d’Anne de
G reils, sa tante , en date du 8 ventôse an 10, par lequel,
usant du bénéfice de la loi du 4 germinal an 8 , elle lègue
en préciput à M arie, sa sœur, la moitié de tous ses biens,
et fait quelques autres legs particuliers fort insignifians ,
puisqu’ayant un frère, elle ne p o u vo it, aux termes de la
même lo i, donner que la moitié de ses biens.
La demoiselle Marie de Greils , par cette signification,
fait commandement à son neveu de satisfaire à ce juge
ment , et de lui payer toutes les condamnations qu’il
prononce en principal, intérêts et frais, tant de son chef
que comme héritière de sa sœur Anne.
L e sieur Joseph de G reils, étonné de cette démarche,
qui est une perfidie , et qu’on a arrachée à la foiblesse
d’une fille nonagénaire , prend le parti d’interjeter appel
de ce jugement par exploit du 12 février 1808.
L ’appelant, par cet acte, rend un compte exact des »
arrangeinens de fam ille, rappelle l’exécution constante
do
�( i7 )
de ces actes, observe que le partage n’a été demande
par ses tantes, que de concert avec leur frère; qu’elles y
avoient été admises contradictoirement avec le commis
saire du gouverment, mais par défaut contre le frè re,
qui étoit alors obligé, pour son propre intérêt, de dis
simuler la cession de 1759.
Mais il a ajouté que jamais ses tantes n’ont réclamé
l ’exécution du jugem ent, qu’elles n’ont fait aucun acte
de propriété sur la portion qui leur avoit été destinée
par le partage national ; que le tout a resté dans les mains
de son p ère, et après sa mort entre celles du fils, son
donataire.
Qu’il est bien fondé à se plaindre de cette démarche
hostile; qu’il entend faire valoir la cession de 17^9,
qu’il a soumise à la formalité de l’enregistrement ; faire
réformer un jugement qui n’a plus d’objet, et qui n’existeroit pas si son père avoit fait connoître la cession de
droits successifs qu’il avoit dans les mains.
La demoiselle de Greils n’a pas moins insisté dans ses
prétentions, ou plutôt celui qui la dirige a fourni des
moyens que la moralité repousse, que l’équité proscrit,
et que la justice ne peut accueillir.
E t d’abord, que toute idée d’opulence et de grandeur
disparoisse au plus léger examen de la valeur des biens
de cette famille.
L e traité de 1694 prouve que François de la Volpilière se plaignoit de ce que les légitimes convention
nelles excédoient la disposition qui avoit été. faite a son
profit; les cohéritiers en conviennent e t acceptent le de-
�( 18 )
laissement du domaine du Bousquet pour les remplir de
tous leui’S droits.
Bertrand de la V olpilière, son petit-fils, n’étoit pas
plus opulent : les dettes étoient considérables, et le bien
m odique; la valeur ne s’élevoit pas à 30000 fr. T out
étoit dans un état de délabrement et de ruine ; les ré
parations nécessaires étoient au-dessus de ses forces. Ces
trois sœurs expriment leux* intention de conserver les
biens h leur frère ; elles prennent des arrangemens en
pleine m a j o r i t é , en présence de leurs parens et d’un
conseil éclairé.
'
Elles c è d e n t tous leurs droits successifs, jus et nomen
Jicercdis ; elles se dégagent de toute inquiétude, des
embaiTas d’une liquidation, du payement des dettes dont
le frère devient seul responsable.
Une convention de cette nature est nécessairement irré
vocable, et ne peut être sujette à restitution ; c’est un
acte aléatoire, incertain dans ses effets, et l’incertitude
de l’événement rend nécessaix’ement le marché égal.
Comment apprécier le gain ou la perte, lorsque l’évé
nement le plus commun peut réduire le cédatairp à un
état fâcheux ? Il ne faut qu’une promesse, un billet ignoré
du d éfun t, pour absorber la fortune qui paroît le plus
s o l i d e m e n t établie. Les créanciers ont trente ans pour
former leur demande, l’action en restitution ne dure que
dix ans; il est donc impossible de vérifier la lésion: une
s e m b l a b l e p r o p o s i t i o n n’a pas, besoin d’un grand déve
loppement. Dans tous les cas, on peut invoquer sur ce
point la doctrine des auteurs, de Legrand sur Troies,
�( i9 )
de Lebrun dans son Traité des successions, au titre des
renonciations, de M . Daguesseau dans son onzième
plaidoyer. Ce magistrat immortel compare le cédataire
de droits successifs à un homme qui marche sur un
feu caché sous la cendre, incedit super ignés suppositos cmere doloso ; il pense qu’on ne peut jamais consi
dérer une cession de droits comme un partage sujet à
restitution, parce que la cession est précisément déné
gative de tout partage, et que celui qui vend ju s et
nomen hœ redis, déclare qu’il ne veut pas être héritier.
Cette doctrine admise dans l’ancienne jurisprudence,
est devenue une règle de droit d’après l’article 889 du
Code N apoléon, qui porte que l’action en restitution
n’est pas admise contre une vente de droits, successifs
faite sans fraude à l’un des cohéritiers, à ses risques,
périls et fox*tunes , par ses auti-es cohéritiers ou l’un
d’eux.
Dans l’espèce, la cession est faite par tous les cohé
ritiers ; elle est aux risques, périls et fortunes du sieur
de Greils. Ses sœurs abandonnent la qualité d’héritières,
elles le chargent de toutes les dettes de la succession ,•
il est donc impossible de revenir contre un acte qui les
met à l’abri de toute incertitude et de toutes recherches.
L a demoiselle de Greils sera forcée de rendre hom
mage à ces principes , puisqu’elle renferme sa défense
dans des moyens de forme et des fins de non-recevoir.
Suivant elle, cette cession de 1769 est nulle; c’est un
acte synallagmatique ; il y avoit quatre parties contrac
tantes , les trois sœurs cédantes , et le frère cédataire.
Cependant il est seulement exprimé que l’acte a été fait
�C 2° )
double, tandis qu’il devoit être quadruple; dès-lors il n’y
a point d’engagement valable.
Ce moyen poarroit-il être sérieusement proposé ? En
général, avant la promulgation du Gode, on tenoit pour
c o n s t a n t , dans l’usage, qu’il suflisoit pour la validité d’un
actesynallagmatique qu’il contînt la mention f a i t double;
011 11’avoit aucun égard, on ne considéroit pas môme
le nombre des parties c o n t r a c t a n t e s ; on n’exigeoit pas
qu’il fût expressément dit qu’il avoit été fait triple., qua
druple , quintuple ou s e x t u p l e : des qu il étoit mentionné
f a i t double, on devoit l’exécuter, parce qu’on supposoit que chacune des parties le connoissoit suffisamment.
Mais pour exiger un double pour chacun, faudroit-il
que chacune des parties eût un intérêt distinct? O r ,
ici il n’y avoit véritablement que deux parties : les sœurs
cohabitoient ensemble, et devoient continuer cette vie
commune; c’étoit le même intérêt, la même habitation,
les mêmes clauses, les mêmes sommes étoient stipulées
pour chacune d’elles ; les trois filles réunies traitoient
avec leur frère dans les mômes intentions, pour la même
chose, pour le môme intérêt; il n’y avoit donc besoin
quô de deux doubles , l’un pour les trois sœurs, afin
qu’elles eussent les moyens d’obliger leur frère à remplir
scs engagerons, et l’autre pour le frère , afin de repousser
toute demande en p a r t a g e de la p a r t de ses sœurs. Dèslors avec deux doubles le but de la loi étoit rem pli,
et l’intérêt des parties contractantes étoit à couvert.
Mais on va plus lo in , on supposera même qu’il n’y
eût dans l’acte aucune mention qu’il a été f a i t double,
Marie de Greils n’en seroit pas mieux fondée dans sa
;
�(21
)
prétention. En effet, le Gode Napoléon, qui a réduit
toutes ces réclamations à leur juste valeur, contient en
l’article 1325, §. dernier, ces expressions remarquables:
« Néanmoins' le défaut de mention que les originaux
« ont été faits doubles, triples , etc. , ne peut être
« opposé par celui qui a exécuté de sa part la conven« tion portée dans l’acte. »
O r , Marie de Greils est bien forcée de convenir que
cet acte de 1 7 % a eu sa pleine exécution : son aveu est
consigné partout, dans l’inventaire, dans les quittances
qu’elle a fournies, dans le jugement même dont est appel,
où elle offre de tenir à compte les i 5o francs qu’elle a
reçus par année , les jouissances de la maison de V igouroux, jardin, écurie, et le bois qui lui a été livré;
de manière qu’il n’y a aucune incertitude sur ce point
de fait.
Eli ! qu’elle ne dise pas que le Code Napoléon fait en
ce point un droit nouveau ; qu’il ne peut avoir d’eflet
rétroactif sur une convention qui remonte à cinquante
ans! D ’abord ce seroit une erreur, parce que le Code doit
régler le sort des actes ordinaires sur lesquels il ne s’élève
des discussions que depuis sa promulgation : et il y a
bien moins de doute, lorsque le Gode ne fait que se ré
férer aux anciennes lois ; il en est alors la meilleure in
terprétation : et dans l’espèce particulière, sa disposition
est tellement raisonnable, qu’il semble qu’on a toujours
dû penser et juger de m êm e, parce que l’exécution des
actes est le guide le plus certain, l’interprétation la plus
sûre qu’on puisse leur donner. D ’ailleurs, dans l’ancien
ordre, il suflisoit de la mention du double, en quelque
�( 22 )
nombre que fussent les contractons, parce que cette men
tion supposoit que chacun avoit dans les mains tous les
moyens d’exécution.
Ainsi disparoît ce premier m oyen , qui ne fait point
honneur à la loyauté et à la bonne foi de l’intimée.
Elle oppose ensuite que le jugement dont est appel
a aujourd’hui passé en force de chose jugée-, elle sou
tient, i° . que l’appel est non recevable, parce qu’il a
été rendu contradictoirement avec le commissaire du
pouvoir exécutif; a°. que le sieur Bertrand Greils l’a
ex’écuté : et on veut faire résulter' un acquiescement, de
ce que le sieur Bertrand Greils a fait le partage avec la
nation , qu’il a pris l’expédition du jugement qu’avoient
retirée ses sœurs, et enfin que par une lettre du 8 vendé
miaire an 8 , il a écrit qu’il ne contestoit pas à ses sœürs
la portion qui leur avoit été attribuée. Il faut examiner
séparément chacune de ces objections.
En premier lieu , comment l’appel du sieur Joseph
de Greils seroit-il non recevable? le jugement est rendu
par défaut, faute de comparoir, contre son père; il n’a
jamais été signifié au sieur Bertrand de Greils.
A la vérité , et quoique l’intimée ne rapporte aucun
exploit de signification , elle veut y suppléer par une
prétendue saisie qu’elle dit avoir faite entre les mains
d’ un débiteur de son frère.
Mais d’abord, dans tout ce qui est rigoureux, rien ne
peut suppléer à une signification ; z°. rien n’empêclie
de faire une saisie-arrêt entre les mains d’un tiers, en
vertu d’un jugem ent, avant qu’il ait été signifié î\ la
partie, parce qu’une saisie-arrêt n’est qu’un acte con
servatoire,
�( 23 )
On va plus loin , on supposera même qu’il ait été
signifié, celte précaution n’en seroit pas plus importante
clans la cause. En effet, la loi du 16 août 1790 dit que
l’appel d’un jugement contradictoire ne sera pas reçu ,
s’il n’a été interjeté dans les trois mois à compter de sa
signification à personne ou domicile.
Il ne s’a g it, dans la lo i, que d’un jugement contra
dictoire , et on ne peut raisonner d’un cas à un autre.
Ij’appel d’un jugement par défaut n’est donc nullement
lim ité; il seroit recevable après les trois m ois, même
dans les dix ans, à compter de sa signification, aux termes
de l’ordonnance de 1667.
Cela est si vrai, que la question s’est élevée, non sur
un premier jugement par défaut, mais sur un second,
également par défaut, qui déboutoit de l’opposition au
premier. On vouloit considérer ce second jugement
comme contradictoire et définitif, dès qu’on ne pouvoit
l’attaquer que par la voie de l’appel; cependant le direc
toire exécutif, par un arrêté très-précis, décida que la
rigueur de la loi ne pouvoit s’appliquer à un jugement
de ce genre, et la jurisprudence des temps se conforma
à cet arrêté, même après la suppression du directoire,
et jusqu’à la promulgation du Code de procédure, qui
établit de nouvelles règles pour l’appel des jugemens
par défaut. La Cour l’a ainsi jugé par p lu s i e u r s arrêts,
notamment dans la cause du sieur Mazeyrut contre les
héritiers Barba t.
Ainsi quand bien même on rapporteroit aujourd’hui
la signification de ce jugement au sieur Roupon luimême , l’appel seroit toujours recevable, car il ne s’est
�(H )
pas écoulé dix a n s ’ depuis l’obtention du jugement jus
qu’à l’appel ; et si on vouloit user des nouvelles dispo
sitions du Gode de procédure, l’appel de Joseph de
Greils est venu dans les trois mois de la signification :
il n’y a donc pas de fin de non-recevoir.
M ais, d it-o n , ce jugement est contradictoire avec la
partie publique, qui représentoit alors le sieur deRoupon.
O ù l’intimée a-t-elle trouvé que le commissaire du gou
v e r n e m e n t représentât lë sieur Bertrand de Greils? Si le
sieur Bertrand de Greils eût été émigré lu i-m ê m e , si
s e s
b i e n s eussent été confisqués au profit de la nation,
on p o u r r o i t rigoureusement dire que; l’émigré a é t é re
présenté par la partie publique.
• Ici le sieur de Roupon étoit seulement ascendant d’é
migré ; ses biens n’étdient nullement confisqüés. Une
loi dé l’an 3 vouloit què les ascendans fissent le partage
de leurs biens, âpres un prélèvement de 20000 francs,
parce que la nation pren oît, à titre de présuccession ,
la portion revenante auxjémigrés. Dans ce cas, la pré
sence du commissaire étort essentielle ou nécessaire, non
pour représenter l’ascendant contre lequel il étoit partie,
mais pour veiller à l’intérêt du gouvernement et pour
empêcher les fraudes.
L e sieur Roupon, au lieu d’être représenté par le com
missaire , avoit au contraire à le combattre ; c’étoit sa
partie adverse, et la plus redoutable, parce que les armes
n’étoient pas égales; et ce combat, cette discussion qui
s’élevoit entre l’ascendant d’émigré et la partie publique,
répugne à toute idée de représentation, puisque les in
térêts étoient si fort opposés.
Le
�(
)
L e jugement dont est appel, est donc purement et sim
plement un jugement par défaut, faute de comparoir,
contre le sieur Roupon -, par conséquent il a pu l’attaquer
par la voie de l’appel ; et son fils, qui le représente, a
eu le même droit que lui.
L ’intimée ose ensuite prétendre que le sieur Bertrand
de Greils, son frère, a acquiescé à ce jugement, et l’a
pleinement exécuté ; elle a conservé fidèlement deux
lettres, dont elle ne rougit pas de faire usage.
Dans l’une, sans date, son frère lui demande l’expé
dition de ce jugement, pour l’envoyer au département,
afin que le partage se fasse avant la fa ta le loi qu'on
nous annonce.
Eli quoi ! ce père infortuné craint qu’on ne le dé
pouille entièrement ; il veut conserver quelques débris
de sa fortune; il presse l’exécution d’un partage qui lui
présente au moins une planche dans le naufrage : il l’é
crit ainsi A ses sœurs ; il leur recommande même de plier
cette pièce devenue si précieuse, pour qiùelle ne se gâte
p a s , et c’est là ce qu’on veut faire regarder comme un
acquiescement! mais n’est-ce pas au contraire la preuve
la plus certaine de la simulation de cet acte : quelle étoit
l’intention du sieur Bertrand de Greils ? de perdre le
moins possible; de damno vitando. Il a assez de confiance
en ses sœurs pour se servir de leur nom , afin^d’arcacher
à la nation une partie de sa fortune; et ses sœurs veulent
en profiter! elles viennent dire â leur frère : vous nous
avez crues sensibles et probes; les plus douces affections,
la confiance la; plus, entière dans les liens du sang vous
ont fait penser que nous compatirions à vos peines, que
ü
�( 2 6 )
nous chercherions à vous soulager; vous vous êtes trom
pé : en vous livrant sans réserve à notre fo i, vous avez
trouvé de nouveaux ennemis, pins dangereux encore que
la nation elle-même : elle vous auroit laissé des alimens;
vous auriez conservé un prélèvement de 20000 francs:
mais nous, nous voulons consommer votre ruine, vous
accabler, réduire un père octogénaire à la misère, ses
enfans au désespoir, et se.s petits-enfans à la charité pu
blique. Voilà ce que veut prétendre l’intimée, et tel est
son langage, en o p p o s a n t un prétendu acquiescement,
N on , la p e r v e r s i t é des hommes ne peut aller jusque là;
ou si la dépravation est portée à ce point, ceux à qui
il r e s te quelques idées de vertu doivent frémir d’indigna
tion et d’horreur............
La seconde lettre, du 8 vendémiaire an 8 , seroit-elle
plus déterminante? Qu’on écoute le langage d’un père
suppliant, qui veut ménager de vieilles filles célibataires,
chez qui le sentiment est au moins émoussé. Il ne se
plaint qu’en tremblant de la saisie - arrêt faite par ses
sœurs sur un bien qui lui appartient. Il ne veut pas
leur disputer les deux tiers que la nation leur a accordés,
il réclame un certain nombre de vaches qui sont à lu i;
et si ses sœurs prennent sur elles de faire saisir son
revenu, il charge son p e tit-fils , porteur de sa lettre,
de passer h Roupon , de dire au métayer de lui apporter
tout de suite cette saisie pour y répondre : ses sœurs dé
duiront leurs moyens, et lui les siens ; mais cela ne l’em
pêchera pas de vivre en bon frère.
Il ajoute avec sensibilité que ses sœurs lui marquent
que leur âge et leurs infirmités ne leur permettent pas
�C 2i )
cles sacrifices. Il leur observe, à son tour, que son âge,
ses infirmités, et la façon avec laquelle la nation l’a
traité, ne lui permettent pas aussi d’en faire. Il veut ce
pendant leur faire voir qu’il est prêt à en faire; il leur
ofFre 600 francs de pension, une charretée de b lé , une
pièce de beurre de cinquante livres, le bois qu’elles de
mandent, et le voyage au vin ,* le tout pendant leur vie
et la sienne.
- S’adressant ensuite à la sœur récalcitrante, « Et vous,
« ma chère sœur de R oupon , calculez bien h combien
« cela va ; plus , 200 francs de taille, la grange que
« je suis obligé de construire, etc. : vous verrez que
« mon tiers se réduit à rien. » Il offre de leur rembour
ser les frais faits à Saint-Flour, etc.
Une lettre confidentielle, écrite dans un moment de
douleur et de chagrin , avec les plus gi’ands ménagem ens, pour n e pas blesser leur a m o u r - p r o p r e ou leur
insensibilité , seroit opposée comme une fin de nonrecevoir ! Mais il n’est pas dessaisi ; il leur offre seule
ment une pension, parce qu’il craint de ne pas pouvoir
lutter avec avantage, dans un temps où les lois existoient
encore dans toute leur rigueur.
Il étoit forcé de respecter, ou au moins de feindre
d’adopter tout ce qui étoit fait, jusqu’à un temps plus
heureux : et on a l’impudence de dire qu’il est non
recevable ! N on , il n’y a pas d’acquiescement, loi’squ’il
n’y a pas de liberté ; il n’y a pas de consentement, lorsqu’il
y a contrainte : et tout ce qu’a pu dire ou écrire le sieur
Bertrand de Greils ne peut lui nuire, parce qu’il n’y a
�( 28 )
pas d’engagement, toutes les fois qu’il n’y a pas l’exer
cice de la volonté.
C’est le texte de toutes les lois, et la doctrine de tous
les auteurs. Et que Pintimée ne dise pas qu’elle ne s’est
prêtée h aucune simulation; qu’elle étoit dans l’intention
de réclamer contre l’acte dé 1769 ; que la preuve en résulte
de l’assignation donnée le 14 avril 1786.
C ’est le comble de la démence : il faut pardonner cette
assertion à sa vieillesse ou à sa nullité; car elle 11’agit pas
par elle-même.
En effet, sa demande de 1786^ puisqu’on en parle,
étoit un acte extravagant : 011 a dém ontré, d’après les
principes, que 'l’acte de^ 1769 n’étoit pas sujet à resti
tution pour cause de lésion.
On prouveroit par lé fait que la lésion même n’existoit pas, d’après la modicité des biens, et les charges dont
ils étoient grevés.
Mais la lésion fû t- elle admissible, l’exploit de 1786
n’est venu que vingt-huit ans après l’acte, et la demande
en institution ne peut avoir lieu que dans les dix ans
k compter de la majorité. Telle est la disposition de
l’ordonnance de 1649, renouvelée p31’ le Code Napoléon,
qui veut même que les actions en nullité soient réduites
à ce ternie, sans préjudiciel’ ni déroger aux statuts qui
auroient abrégé la durée de l’action.
Que signifie donc un exploit fugitif sans aucune suite,
qui n’est pas même précédé de lettres de rescision, qui
étoient alors indispensables; dont la copie a été souillée
dans le tem ps, ainsi qu’on le trouve énoncé dans un
�( «9 )
écrit de défunt Bertrand de G reils, et que se,s sœurs
ont laissé absolument dans l’oubli?
Il faut être bien ingénieux., pour troiiyer dans cet
exploit un moyen d’excuser la conduite du moment,
et prouver qu’il n’y a pas eu de simulation dans le
partage fait avec la nation, en vertu d’une loi promul
guée contre les émigrés et leurs ascendans, et qu’on a
prévue en 17186,.
Honneur au génie de la vieille tante, dont la pré
voyance ou l’esprit prophétique a deviné la révolution,
et qui pourroit obtenir une place à côté de Nostradamus!
La tante dira-t-elle qu’elle veut profiter de l’avantage
d’une loi l'évolutionnaire, pour dispenser ses bienfaits
avec justice , dépouiller l’un pour enrichir l’autre ,
pour marier des nièces, etc.
On la dispense de ce soin obligeant; et l’appelant aussi
a des enfans ! des filles à marier ! il avoit des moyens
honorables d’exister : il les a perdus. Il est époux et père;
ses ressources diminuent, lorsque les besoins augmentent.
Il ne veut être à charge à personne; mais il a droit de
conserver ce qui lui appartient légitimement.
Lorsqu’il réclame ce qui doit lui revenir , ce qui n’est
jamais sorti de ses mains, il n’a jamais élevé de prétentions
déraisonnables. Le legs fait par l’oncle commun, le sieur
Cat de Rastinhac , est échu après la cession ; il n’a pas été
compris dans cet acte ; l’appelant 11e l’a jamais refusé à ses
tantes; mais c’est à quoi doit se borner la demande de
J’intiiW'e ; e t , mieux conseillée, elle in’auroit jamais fait
usage d’un jugemeai de circonstances, dont l’effet est
�( 30 )
f
détruit par le rapport des lois qui l'avoient nécessite , qui
ne fut jamais qu’un remède à un grand m al, et qui ne
doit plus avoir d’effet lorsque la cause n’existe plus.
-,
Signé D E G R E I L S D E M I S S I L I A C .
M e. P A G E S (de R io m ), ancien avocat
G A R R O N
jeune, avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de Thibaud-Landrio t , imprimeur
de la C ou r d’appel. — Décem bre 1808.,
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Greils de Missiliac, Joseph de. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
séquestre
renonciation à succession
successions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Sieur Joseph de Greils de Missiliac, appelant d'un jugement rendu par défaut, au tribunal civil de Saint-Flour, le 22 ventôse an 7 ; contre la dame Marie de Greils, sa tante, intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1694-1808
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0528
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Murat (15138)
Bousquet (domaine du)
Roupon (domaine du)
Montagne de Trilissons (domaine de la)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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émigrés
renonciation à succession
séquestre
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53823/BCU_Factums_M0512.pdf
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PDF Text
Text
L E C O N S E Î L SO U SS IG N É , qui a v u le testament
et les codiciles dé m ad am eR olet de-Chazerat, ensemble
un jugement du tribunal de première instance, séant à
R io m , du 22 juin 1808, 'et deux consultations délibé
rées à Clermont-Ferrand
et à Paris, l es 29 juillet e t.8
novem bre 1808, en faveur des légataires universels de
madame de Chazerat e t u n m ém oire à consulter:
Répondant à la question proposée dans le m é m o ire ,
et qui fait l’objet des deux consultations ci-dessus énon
cées, et qui est de savoir si;l' o n doit consid érer comme
v alable le legs universel, fait par m a d a m e de C h a zerat,
dans son testament olographe du 26 messidor an 9, au
p r ofit de ceux de ses parens qui s e r a i e n t en ordre de lui
succéder, suivant les règles de la rep résen tation a l' inf i n i telle qu’elle avait l i e u dans la ci-devant coutume
d A u vergn e; e t si l’on est bien fondé a-espérer que le
�jugement du tribunal civil de R io m , qui a déclaré nul
ce legs universel, sera confirmé sur l’appel qui a été
interjeté de ce jugem ent par les légataires universels;
.*
E
s t im e
*
, que le legs universel fait par madame de
C h azerat, ayant réellement pour objet de faire revivre
une distinction pro h ibée, sur la nature et l’origine des
bien s, et de créer un ordre de succéder, suivant les règles
d’une coutume abolie, sa disposition qui est contraire
aux lois et à l’ordre public est nulle; et que le jugement
du tribunal de R io m , qui en a prononcé la nullité, ayant
fait une juste application des véritables principes du
droit, ainsi que des règles particulières établies p a r le
code N apoléon,.le sieur Mirlavaud n’a rien à redouter
de l ’appel qui a été interjeté de ce jugement par les
légataires universels.
r
Celte décision est facile à justifier par les plus sures
maximes du droit, et par des principes qui n’ont jamais
souffert aucune atteinte. M ais, pour exposer ces prin
cipes avec plus d’ordre, la discussion sera divisée en
deux paragraphes.
On fera voir dans leiprem ier, que nul ne peut rap
peler l ’ancienne distinction sur la nature des biens
propres paternels ou maternels,, ou acquêts, ni créer
un ordre de succéder, autre que celui en vigueur lors
de l ’ouverture de lo succession. Il sera démontré dans
le second que le testament de madame de Chazerat est
en opposition avec ces principes, ou, en d’nuti es termes*
que madamç de Chazerat a ordonné la distinction do
�( 3
)
ses biens en propres, paternels ou m aternels, et eu
acquêts, et qu’elle a voulu cré e r, et qu’elle a créé en
effet un ordre de succéder, autre que celui qui était
en vigueur à l'époque de son décès.
§ . I - er
y
N u l ne peut créer un ordre de succéder, autre que celui
en vigueur Lors dz Couverture de La succession.
L e C o n s e i l , avant d’entrer en matière sur ce pre
mier paragraphe, croit devoir faire quelques réflexions
sur certains principes qui sont avancés dans la consul
tation de Clerm ont, avec une confiance apparente qui
pourrait en imposer.
>
■
»
Prem ièrem ent, de ce que l ’art. 916 du code N apo
léon dispose qu’à défaut d ’ascendans et de descendansj
les libéralités par actes entre-vifs ou testamentaires pour
ront épuiser la totalité des biens du' disposant, les au
teurs de la consultation de Clermont en ont' conclu
qu’on pouvait appliquer à la testatrice, dans toute sa
force, cette maxime du droit rom ain, dicat testator,
et erit Lex. E t selon e u x , c’est dans ces deux mois que
consiste toute la théorie ^de la législation, en matière
de successions collatérales.
Eu premier lieu, cette règle n’a jamais été admise
qu avec la condition que la volonté du testateur serait
conforme à la l o i , et qu’il n ’aurait voulu que ce que
la loi lui permettait. C ’est ce qu'on expliquera plus
particulièrement dans la suite.
2
�C4 )
En second lieu, cette rè g le , dicat testator, eterlt leocy
est plus propre au droit romain qu’à notre législation,
ainsi qu'à l’ancienne législation coutumière.
Dans le droit romain , on ne recourait à la succes
sion ab intestat, que lorsqu'il n’y avait pas de testa
ment , leg. i * f f . si labdL testament, null, ex tab. ; le
pouvoir du testateur y était sans bornes. C ’était un des
p rin c ip a u x chefs de la célèbre loi des douze tab les,
paterfatnilias u ti legassit super pecunia tutela ve suœ
reí, ita j u s estoi et Ju stin ien ., dans sa novelle 22, chap. 2 ,
n’a fait que ra p p e le r ce droit ancien, lorsqu’il a pro
clamé la m a x im e invoquée ddns ld consultation de
C le r m o n t , et dont le texte est disponat unusquiscjut
super su cs, et sit Leoc ejus voluntas. Cette puissance
du testateur tenait à des^réglemens politiques, et à des
usages qui nous, sont étrangers.
C ’était une règle incontestable du droit coutum ier,
qu’il n’y avait d’autres héritiers que les proches, que
la coutume appelait à la succession. L'héritier légitime
était fait héritier au moment de la mort de celui à
qui il succédait, quoique môme cette mort lui fût incon
nue. C ’est cette règle que les coutumes exprimaient
par ces termes : L e mort saisit le v i f son prochain,
lignager hübile
,
cl
lu i succéder.
E t c’est d’après cette 'différence que l’auteur du
nouveau traité des donations et testamens (M .Grenier),
dit avec justesse, tom. 3 , p. 240 ; «dansle droit romain,
« la volonté de l'homme faisait les héritiers; la liberté
-
* de disposer était sans bornes....... Dans les coutumes
�.
(
5
}
« de F railce, au contraire, c’était la loi qui faisait les
« héritiers, et non la volonté de l’homme. Les dispo« sitions testamentaires éfaient réduites à la nature de
« legSj'^arce que les testamens étaient assimilés aux
« codiciles. Les héritiers du sang étaient saisis par la l o i ,
«■et ceux qui a v a ie n t pour eux des libéralités testamen«■taires étaient obligés de leur en demander la déli« vrance
O r, tels sont les principes du code N apoléon, ainsi
que l ’observe le mêm e auteur. Cela résulte, i.° de ce
que le code commence par traiter des successions lé
gitimes avant de régler les successions testamentaires;
2.0 de ce que les héritiers légitimes ont la saisine légale
(code Nap. art. 7 2 4 ); 3 .° de ce q u e , lorsqu’il y a des
héritiers auxquels un droit de réserve est accordé, ces
héritiers ont la saisine légale^ et le légataire universel
est obligé de leur demander la délivrance des biens
compris dans le testament (art. 1004), et à défaut d’hé
ritiers h réserve, et de légataire universel, celui qui a
en sa faveur une disposition à titre universel, est obligé
de demander la délivrance des biens qui en sont l ’objet,
aux héritiers légitimes (art. 10 1 1).
Il s’en faut bien que ces observations soient oiseuses.
Elles conduisent ¿1 la conséquence certaine que lorsque,
sur un testament, il s’élève des difficultés, dans le doute
Tneme, la balance doit pencher en faveur de 1 héritier
du san g, contre l’héritier testamentaire ou légataire,
et il n y a rien de plus vrai que ce que disait le judi
cieux D o m a t , dans une dissertation, en s’expliquant
�.
(
6
}
même d ’après les principes du droit romain, L o is ci
viles, 2.e partie, lii>. i.'% préface, §• 3 , à LaJ in : «Dans
« les doutes où la faveur de l’ une ou l ’autre de ces
« deux sortes d’héritiers (testamentaires ou^du ¡sang)
«■peut être considérée, on doit décider pourjcelui du
« sang. »
Secondem ent, 011 a avancé dans la consultation de
Clerm ont, pag. 8, «qu’il est de principe incontestable
« que la loi qui est en vigueur au décès du testateur,
«• règle uniquement la quotité disponible, et que tout
« ce qui intéresse la confection du testam ent, ses
«• form es, ses expressions, et 1Q'mode de disposer, se
<r règle par les lois en vigueur au moment ou il a été
« fait
On accorde sans difficulté que tout ce qui concerne
les formalités extérieures du testam ent, est réglé par
la loi observée au moment où il est fait; mais pour les
conditions et le mode de la disposition, elles se rè
glent par les lois qui régissent la disposition elle-même,
c'est-à-dire, p arla loi en vigueur au moment du décès:
toute proposition contraire est une erreur.
L e mode de disposition, ainsi que les conditions im
posées à la disposition, n’ont aucun rapport avec les
formalités de l’a c t e , pour lesquelles on ne s u it , à la
vé rité ,
d ’autres
règles que celles observées lors du tes
tament. Les formalités n ’ont trait qu’à la forme exté
rieure de l’a c t e ;le mode et la condition font partie de
la disposition, et lui sont inhérentes. Il n’existe aucune
raison de soustraire le mode et la condition de la dis-
�position à l’empire de la loi qui régit la succession. C e
principe évident a au surplus été consacré par plusieurs
arrêts.
Quant à la condiiion, on peut citer un arrêt de la
Cour de cassation du 2,3 messidor an 9 , qui est rap
porté-par Fauteur qu’on ¿1 déjà c i t é , tom. 3 , n.° 534.
L a question était de savoir si le rapport d’ une dona
tion , lorsqu’il n’y en avait pas de dispense, devait avoir
lie u , ayant été faite à un successible'sous la loi de 1789,
dans la coutume de Nivernais, où le rapport n avait
point lieu dev droit entre les collatéraux, et la succes
sion du donateur s’étant ouverte sous l’empire de la
loi du 17 nivôse an 2.
On disait, pour affranchir le donataire de la néces
sité du rap p o rt, que la loi qui régissait la donation,
lorsqu elle avait été faite, ne la soumettait pas au rap->
port dans le cas ou le donataire viendrait à la succes
sion du donateur ; que c ’ était là une condition im
posée seulement par la loi qui gouvernait la succession.
. A quoi on répondait, de la part des héritiers, que
le droit de succéder était sans contredit su b o rd o n n é à
la loi qui règle la succession lors de son o u v e r t u r e ; et
qu’il en était de m êm e des conditions sous lesquelles
on succédait.
Sur celte question, le tribunal civil de la Nièvre avait
ordonné le rapport; mais sur l'a p p e l, le tribunal civil
de 1 Y on n e ayant jugé différemment, le pourvoi en
cassation fut admis contre son jugement.
L arrêt de la Cour de cassation fut fondé sur le prin-
�( 3 )
cipe que tout ce qui concerne, la succession,'n’existe'
qu’en vertu de la loi qui règle lorsqu’elle s’o u v r e , et;
sur ce que l ’article 8 de la loi du 17 nivôse ne permettait,
de succéder qu’à la charge du rapport des donations
anciennes. L ’auteur qui rapporte cet arrêt, remarqué'
avec raison qu’il es t indifférent que la succession s’ouvre
sous l’empire du code N apoléon, le principe étant le
mêm e que celui de la loi du 17 nivôse. On pourrait
citer plusieurs arrêts de différentes Cours souveraines/
qui ont consacré le même principe. Il faut donc tenir
pour une maxime in c o n te s ta b le , que la condition im
posée à une disposition testamentaire, se règle par là
loi du décès du testateur.
.
.
Quant au mode de la disposition, il est également
soumis à la loi existante à l’époque du décès ; c’est un
des points jugés par l'arrêt célèbre, rendu par la Cour
de cassation, le 18ja n v ier 180 7, dans l ’affaire des frères
Rayet. Dans l’espèce de cet arrêt, la charge imposée
par le testateur.à son héritier, de rendre l’entière héré
dité à l’aîné de.ses enfans milles, èt à défaut de milles,
à l’aînée de ses filles, était valable, et autorisée par les
lois au mois de j u in 17 8 7 , époque du testament ; mais
parce que le mode de la disposition était prohibé par
l ’art. 896 du code Napoléon, en vigueur lors du décès,
la disposition principale, indépendamment de la subs
titution, a été déclarée nulle par un arrêt de la Cour
d’appel d’A g e n , du 3 o avril 1806; et J e a n - P ie r r e
R ayet s’étant pourvu en cassation contre cet arrêt, son
pourvoi a été rejeté par la section c iv ile , conform é
ment
�( 9 )
ment aux conclusions de M.' le Procureur - général
Merlin.
>
1
Les explications dans lesquelles on vient d entrer,
ont pour objet de faire disparaître, sans îe to u r , les
sophismes dont les légataires se sont aidés dans la dis-’
cussion, et de fixer d’une manière positive les points
de législation qui tiennent a la question.
. On a opposé au consultant une fin de non-recevoir,
sur le mérite .d e laquelle le conseil doit s’expliquer
avant de passer à la discussion du fond. Cette fin de
non-recevoir est tirée d’un prétendu défaut d intérêt
et de qualité dans la personne du consultant.
L a disposition principale du testament de madame
de Chazerat, relative au legs universel fait à ses parens,
est valable en elle-m êm e, dit-on, et indépendamment
de l’énonciation, su rab o n d an te qui a pu la suivre. I<es
descendans de Philibert M arcelin, aïeul maternel de
madame de Chazerat ( l e sieur Mirlavaud est un de
ces descendans), se trouvent sans qualité et sansûntérêt
à constater la prétendue validité ou invalidité de cette
énonciation secondaire, puisqu’elle n ’a pour objet que
le mode du partage entre les individus des trois bran
ches , auquel les descendans de Philibert M arcelin ne
peuvent avoir aucune part ( i . re consultation, pag> I ^’)*
L e même raisonnement est reproduit, sous une autre
forme, dans la seconde consultation (pag* i 5 -)*
L a plus légère attention fait connaître 1 illusion de
cette fin de non-recevoir; la nullité reprochée a la dis
position de madame de Chazerat, est une nullité prin-
3
�( ÏO )
cipale et absolue qui vicie le legs universel dans son
essence ; pour être recevable à la proposer, il suffit
d’avoir un intérêt à la faire prononcer. O r, on ne peut
nier que le sieur Mirlavaud ait un véritable intérêt à
faire déclarer nul le legs universel fait par madame de
Chazerat; car si ce legs universel est annuité , la suc
cession de madame de Chazerat étant partagée suivant
les règles introduites par le code Napoléon, sera d ivisée -en deux parts égales; l ’une pour les païens de la
ligne paternelle, l’autre pour les parens de la ligne ma
ternelle (art. 7 3 3 ) ; et le sieur Mirlavaud sera appelé
à recueillir une portion dans la part attribuée aux pa
rens de la ligne maternelle de la testatrice. Il a donc
intérêt et qualité pour demander lai nullité des dispo
sitions faites par madame de Chazerat, et la fin de
n o n - recevoir jqu’on, l u i. oppose est évidemment mal
fondée. ;
,
.
* Ce que l’o n vient de dire par rapport au 'sieur M ir
lavaud, s’applique également h ceux des autres héri
tiers, à l’égard desquels le jugement n’est pas contra
dictoire. Qu’après rinfirmdtion de ce jugem en t, pour
en revenir aux .règles dii cbde: N apoléon, certains hé
ritiers ou légataires universels, veuillent superstitieuse
ment exécuter les dispositions de madame de C ha
zerat , et qu ’ils veuillent venir à la succession, selon les
principes de la coutume d’A u vergn e, on ne peut sans
doute leur contester cette faculté ; mais ils ne peuvent
l’exercer qu’en ce qui concerne leurs portions hérédi
taires , et ce c o n se n te m e n t ne peut lie r, en aucune
�( iO
manière, ceux des héritiers de droit, a qui la loi con
fère le pouvoir d ’attaquer, par voie de nullité, les dis
positions testamentaires de madame de Chazeiat.
Après avoir ainsi relevé les erreurs, que la moindre
attention fait rem arquer, dans les consultations qui
sont mises sous les yeu x du conseil, et après avoii dé
truit la fin de n o n - r e c e v o i r , opposée au sieur M irlava u d , le conseil v a passer à la démonstration du grand
principe de droit qu’il a annoncé, savoir , que nul ne
peut creçr un ordre.de succéder autre que celui en
vigueur lors du décès.
Cette vérité frappe d ’abord par sa seule évidence;
car l’ordre de succéder é ta n t de droit, public, il n est
pas au pouvoir des particuliers d’en établir un autre
qu e celui q u e les lois o n t institué. Il est bien permis,
dans le cas ou on n ’a ni ascendans, ni, descendansA de
tester de là totalité de ses b ien s>c’est-à-dire, d’en faire
des libéralités en faveur dë.personnes certaines et dé
terminées, au préjudice de stes héritiers légitimes; mais
il n’appartient qü’à la loi. d’établir un ordre de succes, sion ab intestat. Quelqu’étendue que soit, d a n s ce cas,
la puissance du testateur, on est obligé de re c o n n a ître
que celle de la lo ivlui est supérieure.
’ Si la volonté, du testateur est o b s e r v é e , c est parce
que la loi le veut ainsi; c’est parce qu’elle lui donne le
pouvoir qu’il exercé : par c o n sé q u e n t 1 empire qu a la
volonté du testateur, n’est' pas un empire absolu , puisqu il est dépendant de la loi, et qu*il releve d elle.
Pour confirmer cette décision par 1 autorité du droit
4
�( 12 )
romain lui-m êm e, dont on a invoqué les principes dans
la consultation de Clerm ont, on fera remarquer que
les lois ne permettent pas de déroger au droit public
par des conventions particulières. Privatorum p a ctis}
J u s publicum m utari non potest. Leg. 38
D e p a ct.j
que c’est par cette autorité que la loi s’est réservée,
que les sages empereurs Diocletian et M axim ian, dans
la loi 1 3 , cod. de testament. , décident qu’il est bien
permis à chacun de tester comme il veut de ses biens,
et d’imposer telles conditions que bon lui semble; mais
pourtant qu’il n ’est pas permis, ni de changer la forme
des testam en s, ni de déroger au droit public; que
c ’est par la mêm e raison qu’en la loi 5 , §.
ff. D e
adm inist. et pericul. tutor. , un testateur ayant ordonné
que les tuteurs qu’il avait donnés à ses enfans ne
seraient point com ptables, le .jurisconsulte Julien ré
sout qu’ils ne laissent pas d ’être obligés de rendre
compte de leur administration, parce( q u e , dit ce cé
lèbre jurisconsulte : Nemo J u s publicum remittere potest
fiujusm odi cautionibus, nec m utare form am antiqui
té s constitutam. On pourrait citer un grand nombre
d’autres lois qui renferment la même règle de droit:
P lu s potest /us publicum quanti privata conventio. V id .
C u ja s , a d quœst. papîn. , lib. a , a d leg. 38 }Jf. D e pact.
principalement sur les dispositions de ces lois
C
’ e s t
que se fondent ffen ry s, et les auieurs qu’il cite ( i) , pour
(i) Vasquins , de successionum creatione , lib. i , mimer.
5
3,
et sequent.
Crave.Ua., consil. 1 7 4 et consit. 9 7 5 . Cavaruvias, de testibus,
cap. 1. Surdus, decisio 3o.
�(i3)
décider que le testateur ne peut pas défendre à son
héritier d’accepter la succession par bénéfice d ’inven
taire ( H e n r y s , liv. 5 , chap. 4 , quest. 3 o.). E t il.rap
porte un arrêt du parlement de Paris, du 7ju ille t 1625,
qui l’a ainsi jugé sur les conclusions de l ’avocat-général
Bignon ; ces conclusions sont remarquables par leur
énergie : te Ouï Bignon, pour le procureur-général du
« ro i, qui a dit que la clause apposée au testament dudit
« d é fu n t étant contraire au, droit, est nulle».
Si la défense de'faire usage du bénéfice d’inventaire
est contraire au droit public, que doit-on décider d’une
disposition qui établit un ordre particulier de succession
ab intestat?
>
, D o m a t, en expliquant les règles qui veulent que le
testateur ne puisse empêcher par,son testament que
ses dispositions ne soient sujettes aux lois, ni rien or
donner qui y soit contraire, dit ; «Ainsi un testateur
* ne peut défendre à son héritier de se déclarer h é « ritier bénéficiaire (L ois civiles, liv. 3 , titre i. er, sec
tion 7 , n.° 24.).
Furgole, dans son traité des testamens (chap. 7, n.° 3),
s expliquant sur la question de savoir si le testateur
peut déroger à la lo i, et si sa puissance doit être con
sidérée com me plus forte que celle de la loi, après avoir
cité les textes des lois romaines qui traitent du pouvoir
des testateurs, ajoute : « Mais on ne peut pas induire
T 4 ? ces textes, ni d’aucun autre,.que la volonté du
" ^ t a t e u r doive prévaloir sur la puissance de la loi.
« La loi 2 3 , cod. D e légat., dit nettement le contraire,
�( H )
r en ce qu’elle exige que la volonté du testateur soif
* légitime , quœ légitima est, c'est-à-dire, conforme
« à l’esprit de la lo i, ou que du moins la loi ne rétc prouve p a s , afin qu’elle puisse dominer et être
« exécutée ».
L a n o v e lle , chap. 2, le dit encore d'une manière plus
expresse : «Siquodprœ cipitur legitimum s it, dut s i’non
« illu d aliqua lexprohibeat». Et la novelle 2 2 , cliap. 2,
qui veut qu’on considère com m e une loi la volonté
du testateur, y ajoute cette condition : «Pourvu qu’il
« dispose d ’une manière qui ne soit pas contraire aux
« lois; disponat ut dignum est -»: et cela est ordonné
de même par les lois 7 et
D e condit. instit. , et
par la loi 1 1 2 , §. 3 ¡J f. D e légat. , 1 °. C e dernier texte
dit : « S i quis scripserit fie r i testamento quod conlrà
«■j u s est vel borios mores, non valet; veluti si quis script
« serit contra legem, aliquid vel contra edictum prœ« toris, vel etiam turpe aliquid».
Ces sages dispositions des lois romaines ont été con
firmées par les lois générales et particulières dont ce
compose le code Napoléon ; l’article 6 pose le principe
général «qu’on ne peut déroger par des conventions
» particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public
a et les bonnes mœurs*. Cet article prononce implici
tement la nullité de toute disposilion testamentaire 'y
par laquelle le testateur aurait dérogé à des lois d’ordre
public ; c ’est par une conséquence du même prîncipë
que les conditions contraires aux lois sont réputées rioiï
écritesidans les testamens ( Cod. N ap ., art 900. ).
’ s
�( i5 )
Il ne reste plus pour faire une juste application de
ces principes généraux et particuliers, qu'à déterminer
ce qu’il faut entendre par une disposition testamentaire,
qui déroge à des lois d’ordre public, et par une condi
tion contraire aux lois.
O r , il est incontestable q u e , créer un ordre de
su ccéd er, différent de celui établi par la loi en vigueur
à l’époque du décès, c ’est non-seulement tout à la fois
déroger aux lois d’ordre public, qui prescrivent l’uni
formité dans le mode de distribution des successions
ab intestat - et imposer une condition contraire au
vœu d'uniformité de législation manifesté par le légis
la te u r, mais encore, que c ’est excéder le pouvoir du
testateur-; que c ’est vouloir faire dans un testament,
ce qui ne peut se faire que par une loi; que c ’est usur
per le pouvoir du législateur.
Ces considérations sont si puissantes, et il est si vrai
que l ’ordre légal des successions est de droit p u b lic,
qu il est formellement défendu de faire , m êm e dans
les contrats de mariage, aucune stipulation qui tende
à le changer; cependant il a loujours été de prin
cipe universel, dans la jurisprudence française , que
les-conirats de mariage sont susceptibles de toutes les
stipulations qu'il plaît aux parties de former, pourvu
que ces stipulations ne contiennent rien de contraire
aux lois et aux bonnes mœurs (co d e Napoléon, art.
1 ^®7 )î e t le code Napoléon donne pour exemple d’une
sti
pulation contraire aux lois, celle dont l’objél serait
de changer l’ordre légul des successions, soit par rap-
�C 16 )
port aux époux eux-m êm es, dans la succession de leurs
enfans ou descendans, soit par rapport à leurs enfans
entr’eux (art. 1889).
C ’est encore une stipulation contraire aux lois, et
par conséquent interdite mêm e aux époux, dans leur
contrat de mariage, que celle par laquelle il serait con
venu que leur association sera réglée par l ’une des cou
tum es, lois ou statuts locaux qui régissaient ci-devant
les diverses parties du territoire français, et qui sont
abrogés par le code Napoléon (art, 13 9 1).
-t
Celte p ro h ib itio n des stipulations qui auraient pour
objet de c h a n g e r l’ordre légal des successions, ou qui
te n d ra ie n t à faire revivre 1 une des coutumes abrogées,
résulte suffisamment du principe g< néral exprimé dans
l ’article 6 , et si le législateur a jugé nécessaire de décla
rer expressément, et en termes formels, la nullité de
pareilles stipulations, on ne peut attribuer cette mesure
qu’à sa volonté ferme que l’ordre légal des successions,
qui est de droit public, ne pût être changé p a r aucune
stipulation, et que les coutumes abrogées ne fussent plus
la règle des conventions matrimoniales, ou des succes
sions.
Les législateurs du code Napoléon furent frappés dé
cette id ée, que les contrais de mariage ayant constam
ment joui de la plus grande faveur dans notre juris
prudence, qui en protégeait toutes les stipulations qui
n’étaient pas contraires à 1 ordre p u b lic, quelques per
sonnes, trop prévenues en faveur des coutumes abro
gées, pourraient se faire illusion, au point de ne point
voir
�( I? )
voir une dérogation à l’ordre p u b lic, dans des stipu
lations entre é|50u x , j j u i Je.ndraient à perpétuer l’exis
tence d’une législation abolie. Les dispositions des art.
1389 et 1390 n’ont d’autre but que de prévenir ceux
que leur affection, pour les coutumes_abrpgées, entraî
nerait à eu faire la règle de leur succession, ou de leurs
conventions matrimoniales; qu’il n’ est pas en leur puis
sance de faire dominer leurs préjugés ou leurs habitudes
sur des lois qui sont d’ordre public, et qu’ils ne pourront
pas invoquer, pour faire maintenir de semblables stipu
lations, la faveur que nos lois accordent aux conven
tions matrimoniales.
L e conseil conclut donc, avec une entière confiance,
que les successions sont de droit public ; que s’il est per
mis , dans certains cas, de disposer de tout ou de partie
de ses biens, en faveur de personnes certaines, et selon
des quotités ou des portions d e .k _ succession, que le
testateur a fixées lui-m êm e; il n’appartient qu’à la loi
civile de faire des héritiers ab intestat, et parla même
raison qu’il est hors de la puissance du testateur de
créer un ordre de succéder, autre que celui que la loi
a institué, ou ce qui est la m êm e chose, de prendre,
pour régler l ’ordre de la succession, une des coutumes
abolies.
Ainsi le Conseil regarde comme vrai, comme fon
damental et élémentaire, le principe posé par l ’auteur
du nouveau traité des donations, dont il a été déjà
parlé, 3 .e vol. n .° 525 .
K II est bien permis de disposer à son gré de ses
5
�( i8 )
« biens, d’après la faculté qu’en donne la loi; mais il
* ne l’est pas de créer u n ordre de succéder, autre que
k celui qu’elle établit. Il n’y a pas de différence entre
* la disposition testamentaire, qui porterait que la sucif cession serait réglée suivant les lois d’Angleterre ou
« de Constantinople, et celle par laquelle il serait dit
« que la succession serait déférée djiprès une des anor ciennes coutumes de France. Les juges ne sont pas
« obligés d’étudier toutes ces législations étrangères ou
«■supprimées pour en faire 1 application, et c’est le cas
« d ’invoquer non-seulement l’art. 3 du code Napoléon,
« où il est dit, les immeubles, meme ceux possédés par
« des étrangers, sont régis par les lois françaises j mais
« encore 1 art. 6 ainsi conçu : On ne peut pas déroger
« par des conventions particulières a u x lois qui intéir ressent l’ ordre public et les bonnes mœurs. L ’ordre
K
«
cr
«
4t
de succéder est sans contredit de droit public, et l’on
a toujours appliqué à ce cas la règle consignée dans
la loi 38 , ff. de pact. dont l’art. 6 du code est l’expression , ju s publicum privatorum pactis m utari non
potest •».
C ’est avec raison que l ’auteur a invoqué, à l ’appui
de son o p in io n , la disposition de l’art. 7 de la loi du
3o ventôse an 12 , et les art. 1389 et 1390 du code
N a p o léo n , ces derniers articles sont autant de consé
quences, appliquées par formes d’exemples, du prin
cipe qui était nécessairement le résultat de l’ensemble
de la législation.
Il n’est pas inutile de reprendre successivement cha-
�( *9 )
cune des objections par lesquelles les auteurs de la
première consultation ont cru combattre victorieuse
ment le principe. Ils le font en répondant aux expres
sions dans lesquelles l’auteur, qu’ils ont cherché à réfu
ter, a expliqué son opinion, et quoique ces objections
soient présentées avec le ton d’une grande confiance,
on ne craint pas de dire qu’elles ne laissent pas d’être
autant d’erreurs.
« S’il est permis de disposer à son gre de ses biens
«■(disent les auteurs de cette consultation), ce ne peut
" être que pour changer l’ordre de succéder établi par
« la loi ».
Lorsque la loi permet à la personne , ’ qui n’a ni
ascendans ni descendans, de disposer à son gré de ses
b ie n s, bien loin que cette faculté ait pour objet de
changer 1 ordre de succéder, son effet est au contraire
de faire cesser cet ordre.
C est une erreur manifeste que d’assimiler les disposi
tions testamentaires a la création d’un ordre desuccéder,
différent de celui que la loi a établi; ces deux idées
sont contradictoires, il ne saurait y avoir disposition
testamentaire, là où on ne voit qu’ un ordre de succéder
d’après une loi abolie.
* Si la loi lui donne cette faculté de disposer à son
* g ré , ce ne peut être que pour faire cesser son empire-».
Sans doute, le tçstaieur à qui la loi permet de dis
poser de tout ou d’ une partie de ses biens, a la faculté
de faire cesser l’empire de la loi, qui établit l ’ordre de
succession entre les héritiers légitimes; mais il ne suit
8
�( 2° )
pas de là qu’il paisse se faire un code à lu i, comme
l ’ont très-bien remarqué les juges de Riom. L a loi qui
lui donne le pouvoir de disposer de ses b ie n s , y met
la condition nécessaire, que la disposition qu’il fera
n ’aura rien de contraire aux lois, ni à l’ordre public;
et il est contraire aux lois, de faire revivre une légis
lation abolie; il est contraire à 1 ordre public de créer
un ordre de succéder, autre que celui de la loi obser
vée lors du décès.
« Si on ne p e u t , en effet, créer en ligne collatérale un
« ordre de succéder, autre que celui que la loi établit,
« il faut retrancher du code, le titre entier des donair tions et des testamens , puisque les 'donations et les
«■testamens n’ont d’autre b u t tque d’intervertir l’ordre
« établi par la loi, pour la transmission des b ien s, et
« y substituer la volonté de l’homme
Les auteurs de la consultation n’ont cessé de con
fondre un donataire ou un légataire avec un héritier
ab intestat ; cependant il existe entre ces deux qualités
autant de différence, qn’i l y en a entre la donation ou
le testament , et un ordre de succéder ab intestat.
XI y a testam en t, lorsque la personne, qui fait la
libéralité, désigne elle-m êm e, par leurs noms, ou par
une indication précise, et sans équivoque, ceux en
faveur de qui elle fait des legs universels ou particu
liers, et qu’elle indique les biens 011 les quotités des
biens, que chacun viendra prendre dans sa succession.
L e testament,, suivant la définition que les juriscon
sultes donnent de cet a c te , est l ’expression exacte de
�( 21 )
la volonté du testateur, sur la distribution de ses bien s,
après sa m ort; testamentum est volantatis nostrœ ju sta
sententia, leg. i , ÿ . qui testament, facer. poss. Il suit
de cette définition du testam ent, que la volonté du
testateur doit être certaine et déterminée, tant à l'égard
des personnes, au profit desquelles il dispose, qu’à l’égard
des biens qui sont l’objet de ses dispositions. C ’est pour
cette raison qu’Ulpien décide , que nul ne peut être
institué héritier dans un testament , s’il n’est désigné
d ’une manière certaine, hœres in stitu i, n isi ut certe
démonstretur nemo potest; leg. g , §. 9, ff* de hered.
instit. et que le mêm e jurisconsulte déclare nulle, l’ins
titution d ’héritier d’une personne incertaine; comme
par e x em p le , si le testateur avait institué héritier, celui
qui se serait rendu le premier à ses funérailles, qidsquis primus a d fu n u s meum venerit hœres esto, et le
m o tif que le jurisconsulte donne de cette décision, est,
que la volonté du testateur doit être certaine, quoniam
certuni consiliutn debet esse testcintis. UIpian. fragm en.
tit. 22 y §. 4,* on sent que ces règles, établies pour la
désignation des héritiers, s’appliquent aux légataires,
par identité de raison. Ainsi, il n’y a pas de tesfamment dans un acte où on ne voit pas la désignation
certaine des personnes qui sont l’objet des libéralités
du testateur, et l ’indication précise de ce que chacune
d elles est appelée à recueillir dans la succession.
Il y a ordre de succéder, toutes lès fois que le testa
teur ne faisant aucune distribution particulière de ses
bien s, se réfère pour cette distribuiion, à des règles
�( 22 )
établies, ou par une coutum e, 011 par des statuts par
ticuliers. Car qu’est-ce que créer un ordre de succé
d e r a i ce n’est établir des règles générales, suivant les
quelles les parens, à tel ou tel degré du défunt, el d’après
tel ou tel mode de représentation,partageront entr’eux la
succession? Les lois qui règlent les successions a b inte stat
ont-elles un autre b u t?
Autre cliose est donc de faire une donation ou un
t e s t a m e n t , et autre chose est de créer en ligne colla
térale un ordre de su ccéd er, différent de celui que
la loi établit.
Quoique les donations et les testamens n’aient d’autre
objet que d’intervertir 1 ordre établi par la loi, pour la
transm ission des b ien s, on ne p e u t , ni par d o n a t i o n ,
ni par testament, créer un ordre particulier de succé
d e r , et il n’y a en cela rien de contradictoire; car
créer un ordre particulier de succession, suivant une
coutume ancienne, ce n’est pas substituer la volonté
de l’homme établie par la loi, pour la transmission des
biens, c ’est substituer une loi à une autre loi; c’est subs
tituer un ordre de succéder établi par une coutume
abolie, à l ’ordre de succéder institué par la loi nou
velle.
Ce que les auteurs de la première consultation ont
dit, page 19, contre l’application au lestamenl de ma
dame de C h azerat, des articles 1389 et 1390 du code
N apoléon, n’est pas mieux fondé, et leurs raisonnemens sont tellement faibles qu’on pourrait p eu t-ê tre
se dispenser de les réfuter.
�( 23 )
Il est dit d ’abord dans l’article 1389, que les époux
« ne peuvent faire aucune convention, ni renoncia«■tion, dont l’objet serait de changer l’ordre légal des
« successions, soit par rapport à leurs enfans entr’eux ■
>
■
.
L e législateur pouvait-il dire plus clairement qu'on
ne pourrait substituer un ordre de succéder émané de
toute loi quelconque qui était abolie, a celui qui est
établi par la loi actuelle? Et si le législateur a montré
cette sévérité, à l ’égard des contrats de m ariage, qui
sont les actes les plus favorables dans la société, n ’estce pas raisonner avec sûreté que de dire que cette même
sévérité s’appliqu e, à plus forte raison, au testament
qui est un acte pure/nent de droit civil, et qui doit être
jugé avec une rigueur toute particulière?
L e législateur ajoute ensuite dans le même article ,
« sans préjudice des donations entre-vifs ou testamen» taires qui pourront avoir lieu selon les formes , et
« dans les cas déterminés par le présent code ».
Par ces dernières expressions, le législateur fixe la
ligne de démarcation que les auteurs de la consulta
tion s efforcent de faire perdre de v u e , entre une dis
position q u i, en se référant ¿i une loi ancienne, crée
un ordre de succéder aboli comme celte loi, et une
disposition qui constitue un don direct et précis de la
part d’un testateur, une libéralité qui est l’eflet de sa
volonté bien déterminée. 11 n’y a de disposition tes
tamentaire que dans le second cas, il n’y en a point
dans le premier. C ’est alors la loi abolie qui défère les
biens, et non le testateur. Celui-ci a bien voulu oï don-
�( H )
ner cetle déférence prescrite par la loi abolie. Mais il a
voulu ce qu’il ne pouvait p a s , et il n’a pas voulu ce
qu’il pouvait; et c ’est le cas d’appliquer cette maxime
vulgaire, souvent citée au palais, volait quod non potu it, et quod p o tu it, non voluit.
S i , relativement aux dispositions pour lesquelles
madame de Chazerat s’en réfère sous un rapport gén é
ral, à la coutume d’A u vergn e, il faut opérer com me
si madame de Cliazerat fût décédée, sans avoir testé,
sous l’empire de la coutume d ’Auvergne ; quelle diffé
rence peut-on faire entre ce cas et celui de l’exécu
tion de ses dispositions? On n’apperçoit, en cette partie,
aucunes traces de la volonté personnelle de madame de
Chazerat ; mais pourquoi? c’est parce que dans la réa
lité , cette volonté personnelle n’existe pas. Elle n ’a eu
d’autre volonté que de donner vigueur à une loi éteinte,
et qu’il ne lui était pas permis de faire revivre. T oute
volonté personnelle à madame de C h a ze ra t, sur la
distribution de ses biens, à titre de legs, qui seule au
rait pu être la marque caractéristique d’un testament,
cette volonté , disons-nous, disparaît et so fond dans
la volonté de la coutume d’Auvergne ; elle est une
avec cette volonté. C ’est tester sans avoir testé, que
de ne pas connaître ceux qui doivent venir à la suc
cession; o r , on est autorise a croire que madame de
Chazerat ne connaissait pas ceux qu’elle appelait h lui
succéder ; elle s’en est rapportée, à cet é g a rd , à la
coutume d’Auvergne : dans une pareille position, où
peut-on reconnaître le caractère d’une véritable dona
tion testamentaire ?
Quant
�( 25 )
Quant à l’article 1390 du code N apoléon , il y est
dit: « les époux ne peuvent plus stipuler d’une m a
te nière générale que leur association sera reglée par
'« l’une des coutumes, lois ou statuts locaux qui régis« saient les diverses parties du territoire français , et
'« qui sont abrogés par le présent code ».
Ici on retrouve, et par forme d’exem ple, le même
esprit du législateur, qui s’est déjà manifesté, et dans
l’article 6 du code Napoléon, et dans l’article 7 de la
loi du 3 o ventôse an 12.
Vous pourrez, a dit le législateur aux époux, fixer
à votre gré les conventions qui devront faire la règle
de votre communauté. Mais ces conventions doivent
émaner d’une volonté précise que vous aurez mani
festée; et vous ne pourrez, par une relation générale
à une loi a b o lie , subordonner le règlement de votre
communauté à la disposition de cette loi. Vous vous
réserveriez le pouvoir de faire revivre ce qui est éteint;
et ce pouvoir vous est refusé, parce que l’intérêt général
serait blessé par la confusion de législation qui en serait
le résultat, et que l’intérêt général est supérieur aux
intérêts, et à plus forte raison aux caprices des parti■culiers.
Est-il possible de donner un autre sens à cet article
x 39 o , d’après les motifs de son admission exposés par
M. le président M alleville, dans les observations qu’il
y a faites? «On répondit que, permettre aux époux do
« se référer pour leurs conventions à telle loi ou a telle
*■coutum e, ce serait perpétuer l’existence de ce nom -
7
�(
*6
)
« bre infini de lois et de statuts qui se partageaient la
« F rance, et manquer le but qu’on s’était proposé en
a- promulganl le code civil; que les parties pout raient
« en détail modeler leurs conventions sur telles lois ou,
a coutumes qu ellesju g era ien t à propos ; qu’il y aurait
*• même un autre inconvénient à permettre cette re« lation générale à une coutume. C ’est qu'il pourrait
« arriver que ses dispositions ne pussent plus s'exécuter».
Mais si telle a été la pensée du législateur, par rap
port aux é p o u x , le législateur n a-t-il pas eu la même
pensée respectivement aux testateurs? ne leur a-t il
pas dit: disposez a votre gré de vos biens; donnez une
quotité à un tel, un corps de biens à un autre, une
somme à un autre., etc.; qu’il y ait de votre part une
volonté connue et fixe sur vos libéralités, et sous le
rapport de la fixation des dons, et sous le rapport des
individus qui doivent les recueillir. M odelez m ê m e , si
vous vo u lez, vos dispositions sur telle loi ou sur telles
coutumes que vous aviserez , et que vous aurez dans
la pensée; mais expliquez vous-même vos dispositions
sur ce plan qui peut être le vôtre , mais qui ne peut
jamais être celui des juges. Détaillez vos dispositions,
mettez-les à découvert; ayez une volonté propre, per
sonnelle; appropriez-vous le plan sur lequel vous dis
poserez, dessinez-le avec des lignes qui partent de votre
main; mais si vous abandonnez simplement votre v o
lonté d’une manière générale, à celle d’une loi abolie,
alors vous ne faites pas de dispositions, vous manifes
tez seulement le vœu de remettre en vigueur cette loi
�( n )
abolie; alors vous sortez du pouvoir que la loi vous
confère; vous mettez vainement en opposition la loi
éteinte et la loi vivante.
On sent aisément les inconvéniens graves qui résul
teraient de la liberté qui serait accordée a chaque F ran
çais de remettre en v ig u e u r, par des dispositions tes
tamentaires, la loi ou l ’ancienne coutume sous laquelle
il aurait vécu ; ce serait admettre le concours de légis
lations diverses dans le même empire; ce serait intro
duire un vrai désordre dans la société ; les contesta
tions jenaîtraient en foule au lieu de diminuer, et le
résultat le plus certain de cette confusion, serait le m é
pris pour la législation actuelle qu’on ne saurait envi
ronner de trop de respect. C ’est cette liberté contre
laquelle le législateur s'est é le vé, et une sage politique
lui en imposait le devoir.
E n fin , dans la vue d’écarter .l’application de l ’art. 7
de la loi du 3 o çentôse an 1 2 , qui abolit toutes les an
ciennes lois et coutum es, les auteurs de la première
consultation s’expliquent ainsi:
« Mais en prononçant que les lois romaines , les
a ordonnances et les coutumes cessent d’avoir force de
* l o i , on a si peu entendu proscrire la citation des anK ciennes lois, et frapper d ’anatliême tousles actes dans
^ « lesquels on a pu les rappeler, ou même, si 1 on veut
« les prendre pour règles de ses dispositions ou de ses
« conventions dans ce qui n ’est pas formellement pro“ llibé par le code , que le droit ro m ain est encore
« 1 objet principal des cours de législation; que le gou-
8
�( 2 8 }
« vernerhent a établis pour ren seign er, des écoles pu-« bliques dans toutes les parties de l’Empire, et que
a nul ne peut avoir entrée au barreau, ou être admis
« à une place de magistrature, qu’autant qu’il est muni
« de diplômes aulhentiques qui constatent qu’il en a
a- fait une longue étud e, et qu’il y a acquis de vastes
« connaissances».
L a réponse à ces raisonnemens nJest pas embarras
sante. Ce ne sont pas les actes dans lesquels on se serait
borné à citer ou à rappeler les anciennes lois, qu’on a
dit être entachés d’un vice principal qui en entamait
la nullité, mais bien ceux par lesquels on ferait renaître
une distinction défendue sur l’origine et la nature des
biens, ou q u i, ayant pour objet de faire revivre une
coutume abolie, ne présenteraient, dans leur résultat,
aucune disposition sur les personnes ou sur les biens,
personnellement indiquée par le testateur.
L e législateur a pu vouloir l’enseignement du droit
rom ain, parce qu’il est reconnu pour être l’origine
le plus sûr fondement de toute législation civile, et
que pris comme raison é c rite , il peut donner matière à
une extension de décisions sur des cas omis, et cepen
dant il n’est personne qui ne sente qu’il ne peut plus
être rigoureusement suivi comme loi.
Aussi r e m a rq u e -t-o n q u e,si les auteurs de la pre
mière consultation ont nié le principe, qu’ on ne peut
c ré e r, par un testament, un ordre de succéder autre
que celui établi par la loi en vigueur lors du décès,
-parce qu’ils n’ont pas cru pouvoir échapper aux con-
�( 29 )
séquences qui en découlaient contre leur décision, dans
la seconde consultation, on a reconnu la vérité du prin
cipe en même tems qu’on a cherché a en montrer le
défaut d’application à l’espèce.
Q’gsl; dans cette vue .que les auteurs de la seconde
consultation font observer que le. tribunal de Riom a
confondu la disposition de madame de Cliazerat^ avec
celle par laquelle «elle aurait purement et simplement
« subordonné sa succession à la coutume d’A u v erg n e ,
«■et elle aurait laissé aux dispositions de celte coutume
« à lui donner des héritiers ; par exemple , si madame
« de Chazerat eût dit qu’elle entendait que sa succes« sion fût gouvernée par cette coutum e, alorselle n eut
« par là désigné, aucun héritier ni légataire. Elle n’eût
« fuit par elle-même aucune disposition de ses biens;
« elle aurait attribué à cette coutum e, non-seulement
« la répartition, mais la disposition ; elle aurait établi
«■pour sa succession db intestat un autre ordre que
« celui déterminé par la loi; c’est en ce cas, tout au
* p lu s, qu’on pourrait dire q u e lle aurait violé la loi
* des successions en prétendant introduire un autre
* ordre de succéder que celui établi par elle-« (Seconde
« consultation, pag. i 3.).
Ainsi, on voit les auteurs de la seconde consultation 3
obligés de reconnaître la vérité du principe de droit,
que nul ne peut créer un ordre de succéder autre que
celui établi par la loi en vigueur lors du décès. A la
vérité, ils réunissent tous leurs efforts pour écarter les
conséquences qui en résultent dans l’esp è ce , en pré-
�T
( 3 0 ).
lendanf que madame de Chazerat n’a pas voulu in
troduire un ordl-é de succéder autre que celui établi
par le code Napoléon; mais outre que le contraire sera
démontré jusqu’à l'évidence dans le paragraphe sui
vant, il suffit, pour le m om ent, de tenir pour certain
que les auteurs de la seconde consultation, qui ont
déclaré partager l’opinion émise dans la première, ad
mettent formellement un principe que les auteurs de
celle-ci réprouvent, et qu’ils qualifient d’abus étranges
des mots et des choses (Consultation de C lerm on t,
pag. 19.).
Quelles peuvent donc être les raisons q u i, sur le
même exposé des faits, et pour en veïiir à une »décision
unique, déterminent les auteurs de la première conèultation à présenter comme faux et erroné un prin
cipe de droit, que les.auteurs de la seconde consulta-*
tion reconnaissent comme vrai et inébranlable : cette
contradiction sur un principe aussi important pour la
décision uniforme des deux consultations de Clermont
et de Paris, n’anhonce-t-elle pas l’erreur de cette dé
cision qu’on cherché à rendre vraisemblable? Et la v é
rité d’une proposition est-elle bien sûrement établie,
quand ceux qui s’efforcent de la démontrer, sont ré
duits à invoquer des principes directement contraires?
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.. . effet un ordre de succéder, autfg quei çelui établi par
La loi en vigueur à l’époque de. son décès ■elle a or
donné la distinctionLde ses biens en propres et en
,
acquêts ; et ses dispositions testamentaires ne peuvent
être exécutées sans fa ire revivre /e mode dé{succéder,
établi par une coutume abolie
sans,Remonter a
une origine de biens que la loi ne permet plus de
rechercher.
• ; -'iir
i;
j
I) Ic.i
, i
jiii-
! >jr
>
Cetl.e proposilion se prouve|cqm plé(em ent, et sans
réplique, par les observations suivantes :
. }
i.° En analysant les dispositions de maçlame de Çhazerat en elles-mêmes;
,2.° E n analysant mêm e les termes dont elle s’est
servie dans son second codicile;
' •
1
3 .° E n énonçant les demandes des héritiers, qui
tendent toutes a un partage de succession, c o n fo rm é
ment à la loi ancienne;'
l
4-° En établissant que, dans le fait comme dans le
droit, il y a , dans les dispositions de madame de Cliazerat, ordre de succession.
Développons ces qualre réflexions qui concourent
•également à la ruine du système formé par les léga
taires universels.
»■>0« dit en premier lieu, qu’en analysant les dispo-
�( 32 )
sifions de madame de Cliazerat en elles-mêmes, on y
trouve la preuve qu’elle a voulu établir un ordre de
succéder autre que celui déterminé par le code N apo
lé o n , et qu’ elle a ordonné une distinction de biens,
interdite par la loi observée tant à l’époque du testa
ment qu’au moment du décès.
Commençons par rapporter le texte de ces disposi
tions : «Quant a la propriété de mes biens, mon in « tention é ta n t, autant qu'il dépend de m oi, de les
«■faire retourner h ceux de mes parens qui descendent
<r des estocs desquels ils me sont parvenus, je donne
«• et lègue tout ce dont il m'est permis de disposer
k suivant la loi du 4 germinal an 8, à tous ceux de
tr de mes parens de la branche de mes aïeul et aïeule
« paternels, et dè celle de mon aïeule maternelle, qui
« seraient1 en ordre de me succéder suivant les réglés
tr
«
«
a
«
«
de la représentation à l'in fin i, telle quelle avait lieu.
dans' la ci-deva n t coutume d ’Auvergne, pour être
partagé , entre les trois branches, au marc la livre
de ce qui m ’est parvenu de chacune desdites branches, et être ensuite subdivisé dans chacune d’elles
suivant les règles de la représentation à l’infini
L a première idée qui domine madame de Chazerat,
est que ses biens retournent, autant qu’il est en sa puis
sance, à
c e u x
de ses parens qui descendent des estocs,
ou lignes desquelles ils lui sont provenus.
Ainsi, la testatrice veut faire revivre, dans le partage
de sa succession, cette antique et fameuse règle du droit
coutumier, qui affectait les biens propres aux parens
de
�¿ 3 3 N)
de la ligne .d’o.ù. ils élâieji^bvçmis .1
materna mater tiis.' t ^ W * < p o u r çlé,t;ernuner la proportion* suivant laquelle clia,qü^,branche
appelée à la succession viéndi’cijreGueillii'JjRÎiie! çle la dis
position', il sera inévitable de F^çQUiir*irl anc ienne Ju
risprudence, et aux> règles qui y iétaieni'suivies., pp.ur
décider si des biens devaient être réputés acquêts, 011
propres parternels ou maternels. Ces règles, il s en faut
bien , n’étaient ni certaines, ni uniformes dans tous les
pays coutumiers; on peut s'en convaincreipar ce qu en
disent de Pvenusson, dans son traité des propres ,-sec
tion 10 , et .Lebrun, des successions, liv. 2, cbap. i. er
sect. i . re
k
•Indépendamment des difficultés générales qui résul
taient de la distinction des biens en propres fit én ac
quêts , la coutume d’Auvérgne avait encore, sur cette
matière , des difficultés qui lui étaient propres. La dis
position de cette coutume est 'iiinsi ^¡ojq^ivgsI : «Audit
<* pays coulumier d 'A uvergne* ÿ a deüx manières d ’hé* ritiers*, l ’ un du côté paternel^.et l’autre du Cylé. m a « ternel, et retournent les biens ¿1 l’estoc dont ils sont
« provenus, tellement que les,;procliûins lignagers, du
,r côté paternel , succèdent ab intestates biens provenus
« dudit estoc, et non les pàrens du côté maternel '.et
« contra.» (Coutum e d’A u vergn e , cliap- 12 > ?ect. 2 ;
art. 4. ).
C h a bro ly sur cet article, observe que la coutume
établit la règle générale desiipaÿscoûtuiniers : Palerna
"paternis, materna ma ternis; niais que celle îegle ne
9
�( *4 )
s’y pratique pas comme dans les autres coulumes. Il
fallait toujours dans la coutume d'Auvergne remonter
à celui qui avait p orté-l’héritage dans la fam ille, et
voir qui lui aurait succédé', si, au lieu d ’avoir des desCeUidans pendant cinq et dix générations, il fût mort
sans postérité; ce qui dérivait de ce principe général,
fondement de l’ordre de la succession des propres en
A u vergn e, qu’on devait diviser et subdiviser à l’infini
les biens de chaque estoc. Toutes les coutumes admet
taient bien une première division entre les parens pa
ternels et les parens maternels, suivant la maxime gé n é
rale : Palerna paierais, materna materais; mais non
pas ces sous-divisions à 1 infini, qui constituaient l’es
prit de la coutum e d ’Auvergne dans cette matière: il
y avait fictivement autant de successions que le défunt
avait laissé de lignagers de toutes les familles qui
avaient pris alliance avec la sienne, et qui y avaient
apporté les biens qu’il laissait. Chacun reprenait, par
représentation , les biens venus de son côté^ comme
s’ils avaient appartenu , en dernier l ie u , à celui qui
les avait portés le premier dans cette famille, et qu’il
fû t question toujours de lui succéder immédiatement.
Mais com me dans cette multiplicité de branches ,
il n’était guère possible qu’il ne s’en trouvât quelqu’une
d’éteinte, ou par une défaillance effective, ou par L’im
possibilité de fournir des preuves d’une parenté qui
remontait trop loin, il se présentait souvent la question
de savoir quelle était la ligne qui succédait, en cas de
défaillance, de celle où les biens étaient provenus, si
�( 35 )
c’était la plus proche du défunt, au tems qu’il était
décédé, ou s’il fallait remonter plus haut.
Cette question importante ne trouvait pas sa solution
précise dans la coutum e, et on était réduit à s en ré
férer sur ce point «Via jurisprudence des arrêts. Chabrol,
sur l’article ci-dessus cité,rapporte trois arrêts célèbres,
rendus dans des espèces où des difficultés de cette ria
ture avaient été agitées ; ce sont les arrêts des R e n a u d ,
des Lescalopier et des Postoly. Ce n est pas tout . la
distinction des biens auxquels les collatéraux paternels
et maternels succédaient, selon les principes d e là cou
tume d’A u vergn e, donnaient lieu à un très-grand nom
bre de questions difficiles, pour la décision desquelles
on n’avait, le plus souvent, d'autre guide qu’une juris
prudence d’arrêts, flottante et obscure. Chabrol pro
pose, sur celte matière, quatorze questions principales
qu'il serait trop long d’énoncer; mais il suffira de re
marquer que les unes ou les autres de ces questions se
présentaient dans presque tous les partages de succession,
et que Chabrol ne les résout qu’en rapportant labo
rieusement des arrêts, ou en interrogeant les disposi
tions des coutumes qui avaient quelque conformité
avec celle d’Auvergne.
D ’après les idées que l’on vient de donner des em
barras inextricables de la législation despayscoutumiers,
en matière de distinction des biens en acquets ou en
propres, on doit reconnaître qu’il était sage d abolir
cette législation, comme le fit la loi du 17 nivose an 2.
L ’article 62 de cette loi porte que «■la loi 11e reconnaît
10
�( 36 )
« aucune'différence dans la nature des biens ou dans
k
leur origine, pour en régler la transmission ». L e
code N apoléon, art. 7 8 2 , renferme une disposition
con forme.
_ Lès expressions du législateur sont remarquables :
« L a loi ne reconnaît aucune différence dans la nature
«• des biens ou dans leur origine»; c’est-à-dire, que la
loi n’admet plus, qu’elle' n’autorise plus aucune diffé
rence' dans la nature des biens ou dans leur origine,
pour en régler la transmission. D evant la l o i , il n’est
plus permis de rappeler la différence dans la nature
des biens; elle ne le souffre plus.
Ainsi , a disparu pOur jamais cette distinction des
biens'qui devait sa première origine à la féodalité, et
qui éta it, pour les familles des pays coutumiers, la
source de mille difficultés interminables, pour la déci
sion desquelles on était liv ré , le plus souvent, à l’arbi
traire des juges, ou aux caprices de la jurisprudence.
Madame de Chazerat se met en opposition avec une
loi que la sagesse et l’intérêt public ont dictée. Elle
réunit tous ses efforts pour qu’une loi aussi utile de
meure sans exécution ; elle ne craint pas de fronder
hautement le précepte de la loi, en ordonnant qu’on
fasse dans la succession la distinction de plusieurs patri
m o in e s ; qu’on fasse une différence de la nature de ces
biens, et dans leur origine; qu’on y distingue, selon
les principes de la coutume d’A uvergn e, les acquêts,
les propres paternels et les propres maternels.
En un m o t, elle établit entre ses biens une diffé-
�( 37 )
rence que n on -seu lem en t la loi ne reconnaît plus,
mais encore qu’elle défend.
L a séparation des patrimoines paternels et mater
nels étant une fois o p é ré e , quelles sont les personnes
que madame de Chazerat appelle a recueillir la portion
de ses biens, dont la loi du 4 germinal an 8 lui laisse la
disposition? Ce sont ceux de ses parens de la bianche
de ses aïeul et aïeule paternels 3 et de celle de son aïeule
maternelle « qui seraient en ordre de lui succeder sui« vant les règles de la représentation à 1 in fin i, telle
«■qu’elle avait lieu dans la ci-devant coutume d A u « vergn e, pour être partagés entre les trois branches,
« au marc-la-livre de ce qui lui est parvenu de chacune
desdites branches, et être ensuite subdivisés dans
« chacune d’elles, suivant les mêmes règles de la re« présentation à l’infini».
E n d’autres term es, madame de Chazerat établit
entre ses parens l’ordre de succéder tel qu’il était pres
crit par la ci-devant coutume d’A uvergn e; elle n ’aura
pas d autres liéritieis que ceux de ses parens qui seraient
en étal de lui succéder, suivant les règles de celle cou,lume ; d’où il suit que relativement aux biens dont la
loi permet à madame de Cliazerat de disposer, el quant
a ceux de ses parens qu’elle appelle a recueillii ces
biens, la coutume d’Auvergne doit conserver tout son
empire , et régler la succession de la même manière
qu’elle l’aurait ré g lé e , si elle fût décédée ab in testa t,
avant 1 abolition de celle co u tu m e , ce-qui est bien
�( 38 )
évidemment établir mi ordre de succéder, suivant les
dispositions d’une coutume abolie.
En second lieu , en anatysant même les termes dont
madame de Chazerat s’est servie dans son second codic i l e , on demeure convaincu que sa volonté était de
partager sa succession entre les héritiers que lui don
nait la ci-devant coutume d’A u vergn e, et selon le modo
que celte coutume établissait.
On ne peut mieux interpréter ou concevoir l’esprit
des dispositions de madame de Chazerat, que par ce
qu’elle dit e l le - m ê m e , par la manière dont elle les
présente.
D ans son second codicile, madame de Chazerat
voulant désigner ceux de ses parens qu’elle a appelés
à recueillir la portion de ses b ien s, dont la loi lui donne
la facullé de disposer, n ’emploie pas d’autres expres
sions que celles de ses héritiers, c’est-à-dire d'héritiers
appel és à la succession par la coutume d’A u v e rg n e , et
non par son testament, autrement elle se serait servie
du terme de ses Légataires universels. Sa pensée n'est
pas équivoque dans le passage suivant de son second
codicile : «secondement, comme il pourrait se faire,
« qu’au moyen des dispositions par moi faites, en faveur
«■de mes parens de 1 estoc de mon aïeul et aïeule pa« ternels , et celui de mon aïeule m aternelle, il ne
« restât pas à quelqu’ un de mes cousins germains de
« l'estoc de mon aïeule maternelle, appelés par la loi
« à ma sucaession, une somme suffisante pour leur
�(
39 )
r subsistance, désirant venir à leur secours, et faire
« partager mes libéralités à ceux qui en auront besoin,
« je veux et entends que si quelques-uns de mes cou« sins ou cousines ne trouvaient pas dans leur portion
« héréditaire, jointe avec ce qu’eux 011 leurs enfans
« auront d’ailleurs, de quoi former un revenu de cent
« francs, tant pour eux que pour chacun de leurs en« fans qui existeront au jour de mon d e ce s, il soit
« distrait annuellement de monlegs universel la somme
« nécessaire pour compléter ledit revenu de cent francs
« h chacun de mes cousins et cousines, et chacun de
« leurs enfans, compris ce qu’eux ou leurs enfans pour« raient avoir d'ailleurs; et ce, pendant la vie de mesdits
« cousins ou cousines et de leurs enfans; h l’égard des
<
*■enfans de cousins germains qui pourraient être ap« pelés, de Leur c h e f, a ma succession, je veux éga<f lement que si Leur portion hereditaire, réunie à leurs
« autres facultés, 11e se porte pas à un revenu de cent
« francs, je veux que la leur soit com plétée aux dépens
« de mon legs universel pendant leur vie
11 est sensible que ces mots, mes héritiers, qu’em
ploie constamment madame de Chazerat, dans son tes
tament et dans son premier codicile, mais s u r - t o u t
dans le second, pour désigner ses légataires universels,
Veulent diie les héritiers du sang, suivant 1 ordre de
succéder prescrit par la coutume d’Auvergne. C etta
idée se confirme encore par ce que dit la testatrice,
dans son second codicile, de ses parens appelés par La
loi a sa succession (cette loi est la ci-devant coutume
�( 40 )
d'A uvergn e, autrement il faudrait convenir que la suc
cession de madame de Chazerat doit être partagée entre
lesliériliérsque lui donne le code Napoléon) de leuf por
tion héréditaire ; ort sent qu’il n’y a de portion hérédi
taire que dans le cas'où on succède ab intestat. Si ma
dame de Chazerat eût entendu parler d’une portion
ou d’une quotité déterminée de ses biens qu’elle d o n
nait, par testament , à ceux de ses parens désignés par
elle individuellement, o u , ce qui est la même chose, si
madàoie de Chazerat eût voulu faire un testamenl ,
elle n ’eût pas'appelé sa libéralité une portion hérédi
taire. Sa volonté de faire revivre la ci-d e v a n t cou
tume d’ A u vergn e, de la donner pour loi de l’ordre de
sa succession entre ses paren s, éclate donc de toutes
parts; et soit qu’on s’attache à la lettre de son testa
ment et de ses codiciles, soit qu’on considère leur es
prit, cette volonté, contraire aux lois et à l’ordre pu
blic, ne peut être équivoque. ' '
'
'
]
En troisième lie u , dans l’énonciation des demandes
des héritiers, et de leur but, tout y comporte un par
tage de succession, conformément à la coutume d’A u
vergne.
Par les conclusions prises par les héritiers devan't
le tribunal civil de llio m , les uns ont demandé acte
de ce qu’ils donnaient les mains au partage de ladite
succession, à faire conformément aux bases déterm i
nées par le testament , et par les codiciles qui l’ont
suivi; en conséquence qu’il fût ordonné, que par trois
experts convenus, ou pris et nommés d’oflice, il serait
procédé
�(4 0
procédé aux.opérations de ce piartage ; qu il serait formé/
par ces experts, la massé générale de la succession a
diviser, à laquelle masse chacune des parties ferait tous
rapports et prélèvemens de droit ; que les mêmes e x
perts seraient chargés de déterminer la nature et la
valeur de,tous les biens meubles et immeubles qu’a
vait reçus la dame de Chazerat des branches de son
aïeul et aïeule paternels, et de son aïeule maiernelle;
« soit que ces biens existent encore en nature dans la
«■succession, soit qu’ils ne s’y trouvent plus; qu ensuite
« il serait fait par les experts , distraction de la masse
« générale de la succession, comme ayant été attribuée
« aux héritiers des trois branches, exclusivement par le
« troisième codicile; que sur les trois quarts de ladite
«■masse, il serait fait distraction de tous les legs parti« culiers, soit en nature, soit en valeur; que sur le sur« plus desdits trois quarts, il serait attribué un sixième
« de ce surplus aux sieurs Farradesche de Gromond et
« Ducoraii, et que le legs de ce sixième et les autres legs
«• particuliers s e ro n t, autant que possible, payés en
*
«
*
”
"
acquêts de La succession; que le reste des trois quarts
f f
serait remis au quart de la masse générale, precedemment distrait, pour le tout former une masse particulière qui serait divisée et subdivisée entre les lien
tiers des trois branches ; c o n f o r m é m e n t aux bases
* fixées dans le testament ; ordonner en conséquence
« qu’il sera attribué a u x héritiers de chaque branche
* tes immeubles provenus de cette branche, et qui s&
» trouveraient en nature dans la succession ,* que pour
11
�C 4^ )
« remplacer les immeubles qui ne se trouveraient plus
if en nature, ou qui auraient été employés en paiement
« des legs particuliers, ilsera attribué a u x héritiers clela
a branche de Laquelle ces immeubles proviennent,.des im«■meubles d ’une valeur éga le , pris parmi les acquêts de la
«, succession ; qu’à l'égard des meubles qu’avait reçus la
« défun te, de chacune des mêmes branches, il en sera
«■payé la valeur a u x héritiers de chaque branche, soit
<r aux dépens des meubles de la succession, soit aux
<
*■dépens des acquêts-immeubles,■qu ensuiteles meubles
*
*
«
«•
«
et les acquêts restans seront divisés entre Les trois
branches d ’héritiers au marc le fr a n c , de la valeur
des biens propres, tant meubles qu’immeubles; qu’après la division générale entre les trois branches d’/zeritiers, il sera fait, d’après les mêmes bases, de la
« même m anière, une subdivision particulière entre
« les héritiers de chaque branche
D ’autres héritiers ont conclu à ce q u e , par experts
convenus, ou nom més d’office , « il fût procédé au par
te tage de La propriété des. biens demeurés du décès de
u ladite dame Rollet, épouse de Chazerat, pour d’iceux
« en être expédié à chacune des parties leur portion
<r- ajjf'érente, conformément auxdits testamens et codi* ciles; qu’à cet effet, lesdits experts seraient tenus de
« distinguer les biens provenans des estocs de M ichel
« R o lle t, François V ig o t, et Gilberte Gros, a ïeu x de
u Ladite défunte dame R o lle t, pour iceux être expédiés
« à chacune des parties, comme représentant Lesdits
« estocs j ordonner pareillement que le surplus des biens
�( 4.3 )
« serait partagé, conformé ment auxdits testament et
« codiciles, au marc le franc, entre les trois branches,
« R o lle t , Vigot et Gros ».
Il résulte clairement de ces demandes et conclusions,
que les parens, appelés à recueillir le legs universel fait
par madame de Chazerat, ont demandé un partage de
succession plutôt que la délivrance d’un legs fixé et dé
terminé ; qu’ils ont senti eux-mêmes que c ’était le cas
d’un partage de succession entre des héritiers du sang,
comme si >la testatrice fût décédée ab Intestat, et sous
l’empire de la coutume d’A u ve rgn e; il ne p.'ut s’éle
ver à cet égard, le moindre doute, lorsque les héritiers
énoncent dans leurs conclusions qu’il y a une masse
générale de la succession ; que les legs particuliers faits
par madame Rollet de Chazerat, doivent ê tre , autant
que possible, payés en acquêts de la succession; qu’ils
demandent qu’il soit attribué aux héritiers de chaque
branche, les immeubles provenus de cette bran ch e,
et qui se trouvaient en nature dans la succession; qu’il
soit procédé au partage de la propriété des biens demeurésdu décèsde la dame R o lle t, épouse de Chazerat;
que les experts soient chargés de déterminer la nature
de tous les biens meubles et immeubles qu’avait reçus
la dame de Chazerat des brandies de son aïeul et aïeule
paternels, et de son aïeule maternelle; c ’e s t - à - d ir e de
faire la distinction des acquêts et des propres, tant pa
ternels que maternels, suivant les estocs ou les lignes
d ou ils étaient1 provenus. Toutes ces demandes ne
peuvent convenir qu’à un partage de succession, selon
12
�( 44 )
l ’ordre de succéder de la c i-d e v a n t coutume d’A u
vergne, et c’est en vain qu’on y chercherait les carac
tères d’une demande en délivrance de legs.
Mais si les juges pouvaient faire droit à de sem
blables demandes, il n’est personne qui ne voie qu'ils
seraient obligés de faire une étude particulière des prin
cipes de l’ancienne coutume d’A uvergne; la distinction
seule des biens, qui n’ est qu’une opération prélimi
naire du partage, serait la matière d’une multitude de
contestations, pour la décision desquelles on n’aurait
d ’autres secours, que des arrêts, et l'opinion des com
mentateurs.
Si les demandes des héritiers de la dame de Chazerat
pouvaient être accueillies, les tribunaux retentiraient
encore pendant trente ans des procès qui s’élèveraient
sur la distinction des biens auxquels les héritiers pa
ternels et maternels succèdent, d ’après les règles de la
coutume d'Auvergne.
Comment concevoir que nos lois nouvelles se prê
tent à de pareils égaremens ? Comment soutenir ,
qu'ayant abrogé formellement toutes les anciennes
coutumes, elles ont cependant donné à un testateur la
puissance dangereuse d’en perpétuer l ’existence par
l ’effet seul de sa volonté? Il est impossible d’admettre
jamais de telles idées.
Après ce que Ton vient d’établir, on pourrait re
trancher la quatrième proposition que l’on a énoncée,
ou regarder cette proposition comme complètement
démontrée. Les réflexions précédentes ont suffisam-
�<
)
ment prouvé q u e , dons le fait comme dans le droit,
il y avait dans le legs universel de madame de C h azerat,
création d’un ordre de succéder ; si on ajoute de nouvelles
réflexions à ce qui a été dit, c e 'n ’est que pour achever
de mettre dans tout son jour la vérité d’une propo
sition qui est le point fondamental de la cause.
Commençons par rappeler les termes de la dispo
sition : « Je*donne et lègu e, etc. à tous ceux de mes
«■paren s, etc. qui seraient en ordre de m e succéder
* suivant les règles de la représentation à 1 in fin i, telle
«r qu’elle avait lieu dans la ci-devant coutume d A u
« vergn e, pour être partagé entre les trois branches,
« etc. et être ensuite subdivisé dans chacune d elles,
« suivant les mêmes règles de la représentation a
« l’infini».
Remarquons que , ni l’ordre de vocation entre les
h éritiers, ni la quotité qui est attribuée à chacun
d ’e u x , ne sont réglés par la testatrice. M adam e de
Chazerat ne sait pas quels seront ceux de ses parens
qui lui succéderont, et la portion de sa succession
qu’ils seront appelés à recueillir in d iv id u e lle m e n t ,
pour fixer l’ordre de ses héritiers entr’e u x , e t les droits
de chacun dans sa succession ; il faudra nécessaire
ment en venir à fixer les principes de la re p ré s e n ta tio n ,
selon la ci-devant coutume d ’A u v e rg n e . Ce sera cette
coutume et sa jurisprudence, en matière de représen
t a t i o n , en ligne collatérale, qui régleront 1 ordre de
succéder entre les héritiers; ce sera la ci-devant coutume
d Auvergne qui déterminera les droits des héritiers, qui
�( 46 )
fixera lu pari q u ’ils devront prendre dans la succes
sion; en un m ot, ce sera la coutum e d'A uvergne qui
fera les héritiers de madame de Chazerat.
Suivant l’article 9, chap. 12 de la ci-devant coutume
d ’Auvergne : «-Représentation a lieu, tant en droite ligne
«■que collatérale, usque in ¿rifinitum, audit pays coutumierj>.
Voilà la règle que madame de Chazerat adopte pour
déterminer l'ordre de vocation de ses héritiers; elle veut
que ses biens soient subdivisés entre ses héritiers, sui
vant les règles de la représentation à l’infini.
if
, Mais en matière de représentation,la coutume d’A u
vergne avait encore sa jurisprudence particulière; par
exem ple, il s’y agissait souvent de savoir si , lorsque
différens héritiers sont au m êm e d egré, et qu’ils n’ont
pas besoin de la représentation pour se rapprocher du
d éfu n t} ils doivent succéder par t ê t e , et par égale porlio n , ou par souches; d ’autres fois, il était question de
décider si l’un des cohéritiers venant à renoncer, son
fils ou son petit-fils, par représentation ou autrement,
pourrait venir à la succession. Ces difficultés et plusieurs
autres, dont on peut voir les détails dans Chabrol, sur
l’article 9 , cliap. 12 de la coutum e, se reproduisent
nécessairement dans le partage de la succession de m a
dame de C h azerat, et les juges se verraient contraints
à en chercher la solution dans la jurisprudence incer
taine d’une coutume abolie.
Si le partage demandé par les héritiers de madame
de C h azerat, pouvait être autorisé, il faudrait donc
�G 47 )
qu’on vît la Cour de cassation réduite à examiner si
•un jugement ou un arrêt aurait ou non violé les prin
cipes, o u , pour m ieux d ire, la jurisprudence admise
dans la coutume d’Auvergne.
E n fin , il y a vraisemblablement des héritiers de m a
dame de Chazerat, q u i, parce qu’ils descendent de filles
forcloses, aux termes de la coutume d’A u v e r g n e , pour
raient être exclus; la dame de Chazerat ne s’est point
expliquée à cet égard : elle s’est entièrement référée à
la coutume d’Auvergne ; en sorte qu’on aurait encore
à agiter des questions relatives à l’ancienne forclusion.
Ce serait inutilement que le législateur aurait mani
festé, de la manière la plus expresse, sa volonté d’abolir
les anciennes coutumes et leur jurisprudence incohé
rente. L e pouvoir d’un testateur qui n’aurait ni descendans, ni ascendans, s’élèverait au-dessus de la loi ; et
plus puissant q u e lle , il ferait rentrer la législation
civile dans le cahos et dans l’arbitraire dont elle a été
si heureusement tiree. On ne pense pas qu’un aussi
étrange système soit jamais accueilli par les tribunaux,
à qui la conservation des lois est confiée.
On a cru pouvoir justifier madame de Chazerat du
juste reproche d’avoir pris pour règle de vocation de
ses héritiers, ou pour l’ordre de sa succession, le mode
de représentation à l’infini, établi par la ci-devant cou
tume d’A u v e r g n e , en faisant observer qu’elle écrivait
son testament sous l’empire de la loi du 17 nivôse
an
qui admettait la représentation à l’infini (art. 82
et qu’il n’y a aucune différence assignable entre les divi-
�( 43 )
sioas et subdivisions à faire, conformément à la repré
sentation à l’infini, telle qu’elle avait lieu dans la cidevant coutume d’A u v e rg n e , et celles qui étaient or
données suivant le mode de représentation, introduit
par l’article 82 de la loi du 17 nivose.
« D e sorte que ces expressions de la ci-devant cou<r tume d’ Auvergne, ou de la loi du 17 nivôse, étaient
« absolument synonimes » ( i . re consultation, pag. ib .).
Cette objection est facile à détruire en peu de mots.
P re m iè re m e n t, on a démontré qu il est de principe in
contestable que le mode d une disposition ne peut etrçî
régi que par la loi en vigueur à l’époque du décès du tes
tateur; que si la confection du testament, c ’est-à-dire, la
formalité extérieure de l’a c t e , n ’est soumise à d’autres
règles qu’à celles en usage lors du testament, le mode
de disposer est essentiellement gouverné par la loi
existante lors du décès ; ainsi c ’est au code Napoléon
que la disposition de madame de Chazerat doit être
conform e, et non à la loi du 17 nivôse an 2.
Secondement, il n’est pas exact de dire que le mode
de représentation, ordonné par madame de Chazerat,
est le mêm e que celui qui était établi par la loi du
17 nivôse an 2 ; cette lo i, dans toutes les lignes, et
dans toutes les branches, établit la représentation sous
le rapport de la proxim ité du sa n g ; au contraire, la
coutume d’Auvergne , attachait la représentation h
l ’origine, et à la nature des biens ; ce mode de repré
sentation tirait son origine du régime féodal : il fallait,
pour être admis à la représentation, suivant les prin
cipes
�( (.49 - ) ,
cipes de celle coutume j avoir,pour auteur celui duquel
les biens provenaient.
:ui;
Ce système de représentation jusqu a l infini, en ligne
collatérale, est une source de difficultés, en faisant
m êm e abstraction de celles qui résultent de la dis
tinction des biens pour les afïecter ensuilô a chaque
ligne.
On connaît la c élèb re question qui s’était élevée sur
le véritable sens de l’art. 7 de la loi du 17 nivôse an 2 ,
et qui consistait à savoir si les descendans des ascendans
les plus proches devaient exclure ceux des ascendans
les plus éloignés dans chaque ligne paternelle ou mater
nelle ; ou bien si on devait admettre les descendans
des ascendans plus éloignés à concourir avec ceux des
ascendans les plus proches dans chacune de ces deux
lignes.
Cette question, connue dans la, jurisprudence sous le
nom de question de refente, avait divisé les juriscon
sultes, les .tribunaux et les législateurs e u x - m ê m e s j
elle fut, en l a n 6 , l’objet d’un référé du tribu n al de
cassation au corps législatif, sür lequel il fut statué par un
décret d’ordre du jour, du 8 nivôse an 7. Et la jurispru
dence , plusieurs années va cillan te, ne fut fixée que
par un arrêt de la Cour ¡de cassai ion, du 12 brumaire
ûn 9. Ce seul exemple fait voir la sagesse du code Na-r
poléon, qui a abrogé la représentation h 1 infini en ligne
collatérale.
'
•>De tout ce qui vient d’être dit,dansce second para-*
graphe, il résulte cette conséquence q u i, pour la déi3
�( 5° )
cision de la question soumise au conseil, est de la plus
liaule importance, que madame de Chazerat, en ce qui
concerne les dispositions de son testament, qui sont at
taquées par voie de nullité, n’a point fait, à propre
ment parler, de dispositions testamentaires; elle n’a
point légué à des particuliers indiqués et nom més, à
tels ou tels connus même par elle, telle som m e, tel
objet particulier, telle portion ou quotité de ses biens;
elle a simplement voulu une distribution réglée par la
coutume d'A uvergne : ce n est point elle qui don n e,
c ’est la coutume.
Pour q u e les vérités que l’on a déjà établies restent
dans toute leur force , et pour qu’elles ne puissent être
susceptibles d'aucun d o u t e , il ne s’agit plus que de
réfuter quelques objections auxquelles ont n ’a pas en
core répondu, et qu’on va extraire des deux consulta
tions délibérées pour les légataires universels.
PREMIÈRE
OBJECTION.
M adam e de Chazerat n’ayant ni ascendans, ni descendans, le code Nap. lui donnait la faculté de disposer
de la totalité de ses biens ( i . re consultation, pag. 5 ) ,
* soit sous le titre de l’institution, soit sous le titre de
<r le g s , soit sous toute autre dénomination propre à
« manifester sa vo lo n té * ( i . re consultation, pag. 8).
Elle n’avait à observer dans la répartition de ses biens
aucun ordre qui fut du domaine public; «elle avait
*■l’entière disposition de sa fortune. Il n 'y avait point
�( 5i )
« de barrière pour elle.... la lo i'n e'lu i en avait imposé
a d’aucune espèce (2.e consultation , pag. 3 ). Il n existe
« aucun article du code qui règle la manière dont un
« testateur, qui donne ce que la loi lui permet de
« donner à qui b on lui semble, le repartiia entre ses
a légataires, parens ou étrangers, qui determine, par
« exem ple, comme il divisera son bien dans les diffe« rentes lignes de la parenté, s il veut donner a des
« parens de diverses lignes (2.e consultation, pag. 5 ).
« L a coutume d’Auvergne n a pas été le guide de
«■madame de Chazerat; et pour le choix de ses héri« tiers, elle n’a cherché d’autre loi que sa volonté
« ( i . re consultation, pag. 14)? lorsqu’elle a pris pour
« règle de la répartition de ses b ie n s, la représentation
« telle qu’elle était établie p arla coutume d’A u vergn e;
«■cette coutume ne prend pas pour cela aucune force
« de loi :1a disposition reçoit toute son autorité d e là
« volonté de madame de C h a ze r a t, et du code qui
« laissait cette volonté entièrement libre (2 .e consul«■tation, pag. 9) ».
•
RÉPONSE.
O u i, sans doute, il y a une volonté, mais ce n est
pas la volonté que la loi permet d’émettre : on paile
de volonté permise à la testatrice ; voila précisément
ce qui est en question. On remarque, toujours deux
points essentiels dans la disposition de madame de Cha
zerat : qu elle ne donne' point personnellement ^mais
�( 52 )
qu’elle veut qu’ on distribue ce que la coutume d’A u
vergne déférait à titre de succession ; qu’elle ne désigne
pas personnellement l’ordre de vocation de ses héritiers
entr’eux , mais qu’elle veut qu’on règle leurs droits à
sa succession , d’après l’ordre établi par la coutume
elle-même. L ’on est sans cesse ramené au point de
savoir si une pareille volonté est admissible d’après la
loi. A in si, tout ce qui est dit dans les deux consultations
sur cette volonté, ne tranche point la difficulté, et ne
tend qu’à résoudre la difficulté par la difficulté même.
M adam e de Chazerat était libre de disposer de la
totalité de ses biens, sous toute dénomination propre à
manifester sa volonté : on le veut; mais cette volonté,
pour qu’elle pût être observée, ne devait rien contenir
de contraire aux lois ni à l ’ordre public.
L a loi de qui la testatrice tenait le pouvoir de faire
un testament, y avait mis cette condition nécessaire;
elle y avait mis, pour condition nécessaire, de ne pas
faire revivre une distinction de patrimoine qu’elle avait
proscrite : elle y avait mis, pour condition nécessaire,
de ne pas perpétuer l’existence d’une coutume abolie,
en rappelant un ordre de succéder qui ne devait plus
être toléré; elle y avait m is, pour condition nécessaire,
de ne pas apporter d obstacle a l’uniformité de la légis
lation, dont l’avantage inappréciable était depuis si
long-lems réclamé pour l'intérêt de tous.
Comment a-t-o n pu dire que la coutume d ’A u v e r
gne n ’a pas été le guide de madame de Chazerat? lors
que c’est cette coutume et sa jurisprudence qui doivent
�( 53 )
être suivies pour la distinction des biens propres et ac
quêts paternels et maternels j lorsque c est d après les
règles établies par la coutum e, que les héritiers seront
appelés à la succession, et que l’ordre de succéder sera
formé.
D ’ailleurs, ce serait abuser d u n e manière bien
étrange de ces termes de 1 art. 967 du code Napo^
lé o n , «soit sous le titre d institution d héritiers, soit
«• sous le titre de legs, soit sous-toute autre dénomma-'
«■tion propre ii manifester sa volonté
, que d en tirer
la conséquence absolue, que madame de Chazeiat a
pu au fond disposer sous tel mode que bon lui a semblé.
Personne n ’ignore q u e , par les expressions que I011
■vient de rapporter, le législateur a seulement voulu
faire cesser les différentes acceptions attachées dans 1 an
cienne jurisprudence, aux mots leg s 3 institution d 'h é
ritiers, donation à cause de m ort} et qu’il a entendu
écarter à jamais les conséquences qui en résultaient. H
ne s’agit , dans' cet article , que de la dénomination
donnée à la disposition, et non du mode de la v o lo n t é ,
ce qui est bien différent.
On a vainement o b je c té , dans la seconde consulta
tion, que la coutume ne reprenait pas pour cela foice
de loi ; que la disposition recevait toute son autorité
de la volonté de madame de Chazerat, et du code qui
laissait cette volonté entièrement libre.
Cette volonté de madame de Chazerat, ayant tou
jours 1 effet de remettre en vigueur une coutume cibrog é e , puisque la vérité force de c o n v e n ii, (Lins la se—-
�( 54 )
conde consultation (pag. 6 ) , quo madame de Cliazerat
«• a indiqué l'ancienne coutume , comme étant celle
«• qu’elle entendait donner pour règle à ses légataires ».
11 faut encore en revenir au point de savoir si madame
de Cliazerat a pu donner pour règle du partage entre
' ses héritiers ou légataires, l'ancienne coutume d’A u
vergne.
Mais c'est là un paradoxe qu’il n’est pas permis
d’avancer sérieusement, autrement il faut accorder aussi
qu’un testateur a la faculté, sans faire aucune disposi
tion personnelle de ses biens , d en ordonner simple
ment la distribution entre ceux qui devraient lui suc
céder, suivant telle ancienne coutum e, ou tel ancien
statut qui seraient abolis, ou selon les lois d’Angleterre,
ou de Constantinople ; ou , en d’autres term es, que l’on
peut créer un ordre de succéder autre que celui établi
par la loi; ce qui serait renverser les maximes les plus,
sures de la jurisprudence.
Faut-il le redire? c’est une erreur de prétendre que
la volonté de la testatrice était entièrement libre, qu’elle
n’avait aucune limite; elle avait pour limite les lois
d’ordre public auxquelles il était défendu à la testaIrice de porter atteinte; elle a exprimé sa volonté, il
est vrai, mais quel secours peut-on tirer d’une volonté
contraire aux lois?
C ’est donc inutilement qu’on a invoqué dans les deux
consultations, la volonté de la testatrice; on ne voit là
que des efforts iinpuissans, de la part de leurs auteurs,
pour se dérober à l’évidence qui les poursuit.
�( 55 )
SECONDE OBJECTION.
a L a seconde objection consiste à dire que la cou« tume d’Auvergne n’est rappelée dans le testament de
« madame de C h a ze ra t, que comme une indication
« surabondante ( i.ere consultation, page 1 4 ) ; pour dé« monstration plus ample de la volonté de la testatrice,
« qui aurait pu écrire dans son testament tout ce que
« la coutume diposait sur ce p o in t, et qui s’en est dis« pen sée, en déclarant qu’elle voulait faire comme
« faisait autrefois la coutume d’A uvergn e; ce qui est
« la mêm e chose que si elle en eût couché les dispo«• sitions dans ce testament ( 2.e consultation, p. 8.)».
RÉ P ONS E .
Il n y a dans cette seconde objection que sophisme
_et confusion d’idées.
Il faut bien distinguer la simple désignation d’une
coutum e, dont les dispositions auraient servi de m o
tifs et de base au règlement des libéralités contenues
dans le testament, lesquelles libéralités néanmoins se
raient explicitement et positivement développées avec
indication explicative des objets légués, et des indivi
dus appelés à les recueillir; d’ une disposition testamen
taire , par laquelle la testatrice appelle seulem ent, et
d une manière confuse , ceux qui lui auraient du suc
céd er, suivant une coutume abolie; d’une disposition
�( 136 )
par laquelle la testatrice veut faire revivre une origine
de biens, heureusement abolie par la loi actuelle; d’une
disposition dont le résultat est que des juges étudient,
et appliquent une jurisprudence de représentation rela
tive h celle coutum e; dans ce dernier cas, il n’y a pas
de volonté personnelle de la part du testateur ; il ne
reste que la volonté ou l’empire d’ une coutume abolie.
Ce n’est pas tout ; dans ce dernier cas en core, les juges
seraien t obligés de faire eux-m êm es, ou de faire faire
par des experts ce que la loi défend; c e s t-à - d ir e , de
distinguer une origine de biens,proscrite , et p a rla loi
du testament, et par la loi du décès.
M a is réplique-t-on, madame de Chazerat aurait pu
écrire dans son testament tout ce que la coutume dis
posait sur ce point,*et sa disposition aurait été valable.
Sans doute, la loi donnait à madame de Chazerat
la faculté de disposer elle -m ê m e de ses biens, entre
ses parens, dans l’ordre qu’elle aurait voulu adopter.
Sans doute que si elle eût fait elle-même le partage
de ses biens, entre tous ses parens , tel que la coutume
d’Auvergne l’aurait fait, en les appelant tous, non en
- Jermes généraux et en masse, mais individuellement,
'et en assignant nommément à chacun les biens ou la
quotité des biens qu’elle donnait, une semblable dis
position n’aurait pas été nulle, quoique par le fait là
testatrice eût réglé la distribution de ses biens, sur le
mode de succéder établi par une coutume abolie.
On va plus loin , et on accorde que madame de
Chazerat, après avoir fait elle-même la distribution des
biens
�( 57 0
biens paternels et maternels, qui lui étaient provenus
de chaque estoc, aurait été libre d appeler les parens
de chaque branche à les recueillir entr’eux, suivant les
règles de la (représentation a 1 infini, et a les partager
d'après un mode dont elle aurait pris les réglés dans
les dispositions de la ci-d e v a n t coutume d Auvergne.
Dans l’un et l’autre de ces deux cas, la disposition
deuPiadame de Chazerat aurait pu avoir son effet ;
car dans le p r e m ie r, il n’y aurait pas eu de partage
à faire selon les principes d’une coutume abrogee ;
chaque héritier trouvant dans le testament la désigna
tion des biens, ou de la quotité des biens qui lui étaient
assignés, la coutume d’Auvergne n’aurait pas repris son
empire.
Dans le second, madame de Chazerat ayant fait ellemême la distinction de ses biens paternels et maternels,
on n’eût pas été dans la nécessité, pour faire cette dis
tinction, de recourir à la grande règle du droit coutum ie r , paterna paierais , ' materna maternis , et aux
règles particulières qui étaientisuivies dans la coutume
d ’Auvergne.
L a disposition de madame de Chazerat n’eût pas été
eu opposition avec cette grande règle du code Napo
léon, et de la loi du 17 nivôse an 2 , suivant laquelle
a la loi ne considère ni la nature, ni 1 origine des
« biens pour en régler la succession (code Napoléon,
ait. 732.
règle qui est d’ordre public, et a laquelle
les particuliers n’ont pas la faculté de déroger par-leurs
testamens.
i5
�( 58 )
Q u’importe quels eussent été les motifs, la pensée
de madame de C lm zerat, s’il y avait de sa part des
dispositions personnelles qu’on pût regarder comme
produites par le seul mouvement de sa volonté; il ne
serait permis que de s’én tenir aux dispositions nettes
et précises qu’elle aurait faites.
Ce n’est pas parce qu’elle a rappelé le nom d’une
coutu m e, que sa disposition est contraire aux lois; mais
parce qu’elle a déclaré q u ’elle voulait faire, par forme
de disposition t e s ta m e n ta ire , ce que faisait autrefois la
coutum e d’A u vergn e , et que ce mode de disposer tend
à remettre en vigueur la coutume et sa jurisprudence
auxquelles elle se l’éfère. En un m ot, la coutume d’A u
vergne n’est pas seulement indiquée, elle devient l’uni
que règle de la disposition testamentaire.
TROISIÈME OBJECTION.
.
« Comment l’intérêt public serait-il compromis, par
« la manière quelconque d’appliquer une libéralité permise qui ne touche que celui qui la fait et celui qui la
« reçoit ?
« Quand la volonté du testateur est constante, en la
« forme exigée par la^loi pour rendre cette volonté
« certaine, l ’application de cette volonté ne présente
« plus qu’un intérêt privé (2.® consultation, page 3 ).
« Enfin, l’art. 1890 lu i-m ê m e ne prohibe que la
« stipulation faite d ’une manière générale de se régler
« dans les conventions matrimoniales par une des cou-
�( 5 9 }
« tûmes.abolies, mais non.point de stipuler nomina*■tivement telle ou telle disposition portée pur les
« cou lûmes......... O r, madame de Chazerat n ayant pas
« rappelé dans son testament la coutume d’Auvergne
« d'une m a n iè re générale, et comme règle unique de
« la succession, mais d’ une maniere particulieie , et
« seulement pour désigner avec clarté et précision, le
* mode dans lequel elle voulait que ses biens, une fois
« dévolus aux branches qu’elle appelait pour les re*■cu e illir, fussent divisés entre tous les individus qui
« les composaient, il s’ensuit que la disposition de l’article
« 1390 ne serait pas applicable à son testament ( i.recon« sulalion, p. 12; 2.* consultation, p. n)->.
«■La loi de la com m unauté, qui renferme l’art. 1890,
« est du 20 pluviôse an 1 2 , le testament de madame de
« Chazerat est du mois de messidor an 9......... On ne
* peut raisonnablement exiger que madame de Chazerat
« ait dû s’y conforrqer avant qu’elle existât. ( i.ere con-*
« sultation, page 8 )..v
'
•
'fri [
»
*
R É P ONS E .
On ne cesse de supposer que la libéralité de madame
de Chazerat est une libéralité p e r m i s e mais on a deja
établi qu elle ne l’était pas. Les au teu rs des deux con
sultations, mises sous les y e u x du conseil, ne cessent de
nietlre en proposition ce qui est en question; et on 11e
voit pas qu ils aient fait une seule réponse aux principes
qui sont établis par le jugement du tribunal de Piiom.
16
�( 6o )
Il ne suffît pas qu’une volonté soit constante; elle
doit encore se coordonner avec la loi.
D e la disposition testamentaire de madame de C h a
cera t à la coutume d ’A u vergn e, il y a une relation
générale. Elle n’a point
fait de dispositions parti
culières ou personnelles. Elle n ’a même pas pris la
peine de les modeler sur les principes de la coutume
d’A u v e r g n e , en les expliquant, les détaillant d’après
le type qu'elle aurait pu prendre dans celle coutume
ou ailleurs. Elle a simplement ordonné l’exécution de
la coutume d’A uvergne.E lle a renvoyé aux juges l’étude
et l’application de cette coutum e, et de sa jurispru
dence incertaine qui s’était efforcée d’en fixer le sens.
C'est ce qui a été déjà établi.
L e mode et les conditions, dont les dispositions tes
tamentaires peuvent être susceptibles, sont du ressort
de la législation existante lors du décès du disposant ; les
formes du testament appartiennent seules à la législa
tion qui est en vigueur à l’époque où il est fait.
Les articles 1389
1390 reçoivent donc leur appli
cation au testament de madame de C h a z e r a t, dès
qu'elle est décédée postérieurement à la promulgation
du code Napoléon.
A u surplus, on l’a déjà d it, ces articles ne sont que
des exem ples, des développemens fortuits du principe
qui sort de l'ensemble de notre législation, et sur-tout
des articles 6 et 900 du code Napoléon.
Les auteurs des consultations mettent en opposition
les intérêts privés avec l’intérêt public.
�( 6i )
•'Mais qu’importe au fond q u e la nullité du testament
de la dame de Chazerat tienne à l’ordre public ou!non?'
Cette nullité est-elle certaine? On a établi qu’elle l’est,
et la vérité est encore que l’ordre des successions étant
de droit p u b lic ,’ celui qui substitue à l’ordre des suc
cessions j établi par la loi en vigueur au moment de son 1
d é cè s, qui est la véritable époque de son testament,
un ordre de succéder établi par une loi abolie, tombe
dans une contravention à une loi d’ordre’ public.
Q UA T R I È M E
OBJECTION.
« P a r exem p le, y au ra it-il contravention à l’arti«
«
«
«
cle 13 9 0 ,.s’il était dit que le mari venant a prédéc&der, la femme aurait un douaire de La moitié des biens
de son mari en usufruit, tel qu’il était réglé p a rla
coutume de Paris (2.' consultation, page 6.)»? 1
R É P O N S E .
Si dans cette hypothèse l’exécution; de la disposi
tion était ordonnée, quelle*en serait la raison?
C est parce qu'elle présente un don net et précis,
qui est l’eflet de la volonté p ersonnelle du disposant.
C e don est de la moitié des biens en usufruit. Il n ’y
aurait alors qu’ une simple indication ou citation de la
coutume de Paris.
* Mais il n’y aurait pas une disposition qui se référât
uniquem ent, sous un rapport général, h' une coutume
�( 6* )
abolie q u o n dût étudier et appliquer. 11 y .aurait une
disposition personnelle et particulière; c’est cette dis
position dont l’exécution pourrait être ordonnée, abs
traction fuite de la loi ancienne qui serait citée : ^’in
dication de cette loi ne pourraitêtre qu’un motif; mais le
m o tif est indépendant de la disposition qui est claire
ment énoncée.
O n pourrait encore combattre cette comparaison
par d’autres m oyens; mais cela devient inutile : il faut
se renfermer dans la difficulté relative au testament de
madame de Cluizerat.
L ’ e x e m p l e présenté parles auteurs de la consultation,
prouve
cependant
qu’ils ne: se sont pas suffisamment
pénétrés de l’état de la question, et qu’il leur est im -,
possible de citer un exemple qui rentre dans les dispo- .
sitions de madame de Cliazerat, et d ’après lequel on
pût les justifier.
'
CINQUIÈME
■
'
i
■■
OBJECTION.
«■Madame de Çliazerat prend si peu la coutume d’Au«■vergne pour règle générale et unique de sa succès-.
<r sion, que, loin.de se conformer à cette coutum e, elle
a s’en éloigne en tout point.
« Xiü coutume d’Auvergne interdisait à madame de
« Chazeral la plus légère libéralité en faveur de son .
« mari, et elle lui lègue l’usufruit de tous ses, biens.
*
L a coutume d’Auvergne ne permettait de disposer,
« par testament, que du quart de ses b ien s, et elle dis-
�( 63 )
« pose des trois quarts, etc.» ( i . re consultai ion, pag. 12
et i 3 ; 2.c consultation, pag. 14.)-
r,‘ ::
i
•
,
X .¡i.M i;: j )i; ' R
O N SE.
.•
Il
• i,i 11 :>•
i >i ' ' . 1
1• •
ne résulte de tout c e l a 'd ’autre conséquence-,'si
ce n’est qu’il n’y a de nulles que les dispositions pour
lesquelles madame, defChazerat s en est rapportee sous
un mode général à l’empire de la coutume d’Auvergne.
On ne disconviendra pas qu’on ne.puiss^- scinder les
dispositions d’ un testam en t, annuller celles qui sont
proscrites par la lo i, et conserver celles qui lui sont
conformes. C ’est aussi ce .qu’a faitjleJribunaJ de R.iom;
a annullé les-dispoçitions qui.étaien^vicieqses, en ce
qu’on n’y voyait p(oint sa ^volonté, m^js, seulement celle
d e l à coutumç d’A u v e r g n e , dont elle voulait,l’appli
cation, en la laissant aux juges qui devaient n’ordonner
autre chose que^l’exécution de cette coutume y et il a
maintenu celles qui émanaient de la volonté.directe de
la testatrice.
•
...
■; . I • •
¿1 :
!-i
CONCLUSION.
D e tout ce qui a été dit, il résulte cette conséquence,
que les moyens proposés, tant dans la première que dans
la seconde consultation, ne détruisent pas la vérité des
deux propositions établies dans les deux paragraphes
précédens.
Dans le droit, nul ne peut créer un ordre de succé
der, autre que celui établi par la loi existante lors de
�( 64 )
son décès, ni prendre pour règle de la répartition ou
de la distinction de ses biens, les dispositions d’une cou
tume abolie.
Dans le fait, le legs universel fait par madame de
Chazerat, est en opposition avec ces maximes qui sont
d’ordre public ; car il a été démontré 1.° que madame
de Chazerat a voulu rétablir, entre ses héritiers, l’ordre
de succéder établi par la coutume d’A uvergne; qu’elle
avait pris cette coutume pour règle générale de la dis
tribution de ses biens;
2.° Q u’elle a voulu une distinction de ses biens e n
acquêts et en propres, suivant les principes et la juris
prudence de ce tte coutume ;
3 .° Q u’elle a voulu un mode de représentation à l ’in
fini, tel qu’il était suivi dans cette même coutume.
L e jugement du tribunal civil de R iom , du 22 juin
1808, q u i a prononcé la nullité de ce legs universel, a
donc fait, en décidant ainsi, une juste application des
principes; et le consultant est bien fondé à espérer
qu’ une décision aussi sage, et aussi conforme à l ’esprit
qu’à la le ttre de la l o i , sera confirmée par la Cour
d’appel de Biom.
D é l i b é r é par les anciens jurisconsultes soussignés, à
Paris, ce 24 janvier 1809.
D A R D , DESÈZE, L A C A L P R A D E , B E LLA R T.
A R IOM,
DE L ’IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J. C. SALLES.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Dard
Garron
Lacalprade
Bellart
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
Chazerat (Madame de)
Description
An account of the resource
Consultation [Chazerat]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1801-1809
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
64 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0512
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0517
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Entraigues (63149)
Joze (63180)
Maringues (63210)
Ménétrol (63224)
Riom (63300)
Saint-Agoulin (63311)
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Chazerat (Madame de)
Code napoléonien
conflit de lois
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legs universels
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Successions
testaments
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ARRÊT
D E LA
COUR D’APPEL SEANT. A RIOM,
POUR
M .e P
i e r r e
- A
l e x i s
- L o u is
BRU,
Avocat,
i . er Suppléant au T r ib unal civil de S a in t - F l o u r ;
c o n t r e
L es H é r i t i e r s
de F r a n ç o i s
D A U B U S S O N , de
C le rm o n t, et J e a n M E Y R E , Greffier au T ri
bu na l de commerce de S a in t-F lo u r.
N a p o l e o n , par la grâce de D i e u et les constitu
tions , E m p e r e u r des Français, R o i d ’Italie, P r o
t e c t e u r de la Confédération du R hin , à tous pré
sens et à v e n i r , S a l u t :
L a C o u r d ’ A p p e l séant à R i o m , département du
P u y - d e - D ô m e , a rendu l’ Arrêt su ivant:
A u d ie n c e de la première C h a m b r e , du m e r c r e d i ,
8 n o ve m b re 1 8 0 9 ;
Séant Messieurs R e d o n , premier P r é s i d e n t , C h e
valier de la L é g i o n d’h o n n e u r ; B o n a r m e , d o y e n ; M a n d e t , Chapsal, Coinch on - L a f o n t , Br anche et BarretD u c o u d e r t , juges de la première C h a m b r e ;
Assistans Messieurs V e r n y et Calmard , j u g e s - a u d i teurs; M . T o u t t é e , Substitut du Proc ur eur -gén éra l ;
Entre P i e r r e - A l e x i s - L o u i s B r u , avocat et premier
suppléant au T r ib un al civil de l'arrondissement de St.F l o u r , appelant de jugeme nt rendu audit T r i b u n a l ,
le 9 août 1808, aux fins de l’exploit du 6 déc em b re
1808 , de la requête et ordonnance du 8 du m e m e
mois, et autres exploits des 10 et i 5 aussi du m ê m e
m o i s , et demandeur a u x fins d ’autre req uê te , signifiée
�----- ?--------------- -
ç-x j
à avo ué le 12 janvier 1809 , comparant par Je a n Baptiste M a r i e , son a v o u é , d’ une part;
F t Tean M e v r e , greffier du T r ib u n a l de co m m erc e
d e ladite ville de Sain t-F lou r, habitant de la m ê m e
vi lle , intimé et d é f e n d e u r , comparant par Philippe
D a u d e , son a v o u é , d’autre p a r t ;
Et Joseph Daubusson p è r e , Daubusson fils, n é g o
c i a i , habitans de la ville de Clermmit-Ferrand ; A n t o i n e - B e r n a r d M a g o t , propriétaire ; Marie Daubusson
son ép o u s e , autorisée en ju s ti c e , habitans du lieu et
c o m m u n e de C h a n o n a t ;
.
^
A r c h i m b a u d
L a g a r d e , propriétaire, et autre M a ri e
Daubusson son é p o u s e »autorisée en j u s h œ , habitans
du lieu et c o m m u n e de St.-Gervais;lesdits Daubusson,
bénéficiaires de François Daubusson leur fils
e t f r è r e , et ayant été repris avec eux en son lieu et
p l a c e , par arrêt du 9 juin 1809., aussi intimés, comparant
par A n t o in e B a y l e , leur avo ué , aussi d’autre part ;
Et ledit Jean M e y r e , appelant du m ê m e ju g e m e n t ,
aux fins de l ’exploit du 26 dudit mois de d é c e m b r e ,
comparant par ledit M . e D a u d e , son avoué , d ’ une part ;
Et ledit B r u , i n t i m é , comparant par ledit M .e M arie,
son a v o u é , d’une'part ;
Et lesdits Daubusson,Mag ot et A r c h im b a u d -L a g a rd e ,
encore appelahs du m êm e ju g em e nt , et demandeurs aux
fins de la requête signifiée à avoué le 18 janvier 1 8 0 9 ,
c o m p a r a n t par ledit M . e B a y l e , leur a vo ué , d’autre part ;
E| ledit Bru, intimé et défendeur, comparant par ledit
M e M a r i e , son a v o u é , d ’autre part.^
h
é
r i t i e
r s
L e s c o n c l u s i o n s d e B r u , s o n t : Q u ’il p l a i s e à l a C o u r
~ u, ’ .'1
m al
dvi r e q
il a1 ¿t t é ^
ji u g
&é
p
1 a r le T r ib
^ u n a l c i v_i l d e S t . -#
Elour en ce qu ll 11 a été accorcle amB r u > m délai ni
dommages et intérêts; ém endan t, lui accorder le délai
qu’il plaira à la Cour fixer pour le paiement des c o n
damnations contre lui prononcées p a r le jugement dont
est appel ; c o n d a m n e r M e y r e et les héritiers Daubusson,
à 10,000 f. de dommages et intérêts applicables, du con
sentement de B r u , au x hospices de R i o m et de Saint-
�< 3 )
F l o u r ; supprimer les mémoires imprimés de M e y r e *
ordonner l’impression de l ’arrêt à intervenir au n om bre
de 3 5 o exe m plaires, et condam n er M e y r e et les hér i
tiers Daubusson a u x dépens.
L e s conclusions de M e y r e tendent à ce q u’il plaise
à la C o u r , sans s’arrêter à l ’appel de Bru, dans lequel
il sera déclaré n o n - r e c e v a b l e ; sans s’arrêter pareille
ment à la dem ande en suppression de mémoires, de la
quelle il sera d é b o u t é , dire q u ’il a été m al jugé par le
jug em ent dont est appel, en ce que la créance dont il
s’agit a été réduite à la somme de 8,240 fr. ; en ce
que les intérêts n'ont été adjugés à M e y r e que depuis
la demande; en ce que M e y r e a été condamné aux dépens;
é m e n d a n t , condam ner Bru à p a y e r à M e y r e la somme
de 20,240 fr. ave c les intérêts à com pt er du jour du
protêt des effets dont il s'agit; le conda m ner en outre
en tousles d ép en s, tant en cause principale que d ’appel;
ordonner que l ’am ende consignée sera re ndue ; ordonner
encore que les mémoires publiés par B r u , seront et de
meureront supprimés c o m m e injurieux et c a l o m n i e u x ,
a v e c dommages et intérêts.
L e s conclusions des héritiers Da ub uss on, sont : Q u ’il
plaise à la C o u r dire q u ’il a été m al jug é p a r l e j u g e
ment dont est appel; é m e n d a n t , les r e n v o y e r de toutes
les demandes formées par Bru ; ordonner la suppres
sion des libelles distribués ; le condamner en 1 0 ,0 0 0 fr.
de dom mages et intérêts applicables de leur consen
tement aux hospices de Riom et de Clermont; condamner
Bru en tous les dépens des causes principales et d ’appel»
et ordonner que l’am ende consignée sera rendue.
FAITS.
En l’an 10 et en l ’an 1 1 , Bru avait emprunté di
verses sommes à M e y r e , et avait souscrit, pour ces
emprunts, des letlres de ch an ge, dans lesquelles Bru
prétend q u ’élaient compris les iniérêts calculés sur le
taux de v i n g l - q u a l r G pour ce n t; ces le tl r e s de c h a n g e ,
à leur é c h é an c e, avaient été renouvelées et re m pla-
�(4 )
céesj suivant B r u , par de nouvelles lettres de change
qui se c o m p o s a ie n t , et des sommes portées dans les
précédens effets, et des intérêts de ces sommes, cal
culés aussi au tau x de vingt-quatre pour c e n t , en sorte
que les capitaux et les intérêts étaient confondus dans
les lettres, et formaient une masse qui, à chaque r e
nouv elle m en t , produisait de n ou ve au x intérêts aussi
h vin^t-qualre pour cent. Ces renouvellemens d ’effets,
le taux de l ’intérêt e x i g é , et la confusion des capitaux
et des intérêts dans les lettres de ch an ge, sont indi
qués par plusieurs notes écrites de la main de M e y r e ,
et produites au procès par une série de lettres de
chancre que B ru avait retirées de M e y r e . Les. mêmes
notes*, écrites par M e y r e , indiquent aussi divers paiemens faits par B r u , durant le cours de cette opéra
t i o n , et Bru prétend en avoir fait plusieurs autres.
L e s renouvellemens d effets ont eu lieu jusqu’au 9
août 1 8 0 7 , date de l ’éc héance des dernières lettres de
change ; et selon Bru , les intérêts avaient toujours
été exigés à vingt-quatre pour ce nt, exc ept é depuis
le 9 mai 1806 , époque à laquelle ils ava ie nt été
réduits à dix - huit. Dans cette série de lettres de
ch a n g e , renouvelées de l’an 10 à 1807, celles anté
rieures au 9 mai 1806 avaient toutes été consenties
au profit de M e y r e , et toules passées par M e y r e , à
l ’ordre de D au b u sso n , revêtues au dos de la signa
ture de M e y re . De pui s le 9 mai 1806, elles avaient
été consenties au profit de Daubusson ; et c ’est à
l ’ordre de Daubusson q u’avaient été tirées nota m ment
dernières lettres de change payables le 9 août 1807.
Ces différentes lettres de c h a n g e , depuis les premiers
mois de l’an 1 2 , étaient revêtues de deux n u m é r o s ,
l'un renvoyant au registre de M e y r e , et l’autre à celui
de Daubusson.
L e 11 a oût 18 0 7 , protêt à la requête de Daubusson
des lettres de change tirées en sa faveur par Bru , et
s’élevant à la so mme de 20,240 fr. Bru est assigné
devant le Tribunal de c om m erce de Saint-Flour, tou
l e
s
�(
5 )
jours à la requête de D a u b u s s o n , et le 24 août il
oblient contre lui un ju geme nt par d é f a u t , qui le
c o n d a m n e , par corps, au paiement de 20,240 f r . , et
qui ordonne une exécution provisoire.
Br u fo rm e opposition à ce jugement , soutient que
les lettres de change sont simulées, q u ’elles ne sont que
des billets de prêts usuraires, et que le T r ib u n a l de
c o m m e r c e est inc ompétent. U n second jugement du
7 septembre déboute Bru de son opposition, et B ru
en interjette app el, par requête et exploit des 11 et
12 septembre.
Sur l ’a p p e l , arrêt contradictoirement rendu en la
C o u r , le 20 n o v e m b r e 1 8 0 7 , qui par les motifs que
les lettres de change n ’étaient que de simples billets,
et n ’avaient eu pour objet q u ’un simple pr êt, et que
la série de ces lettres de change n ’était que la suite
d ’ une seule négociation dans laquelle Daubusson et
M e y r e étaient ou c o m m u n s , ou prête-noms l’ un de
l ’a u t r e , prononce q u ’il avait été nullement et in c om p é t e m m e n t jugé par le T r ib u n a l de c om m erce de
S a in t-F lou r; et p o u r être fait droit aux parties, les
r en v o ie devant le T r ib u n a l civil de S a i n t - F l o u r , , où
était déjà pendante une dem ande fo rm ée par B r u ,
contre M e y r e et D a u b u s s o n , en réduction des inté
rêts usuraires, et en imputation de la valeur de ces
intérêts usuraires sur le montant des lettres de change
dont on lui demandait le paiement.
Cette d e m a n d e , qui avait été soumise à la conci
liati on, avait été formée par exploit du 5 octobre pré
cé d e n t, et Bru avait conclu à 12,000 fr. de réduction,
si m ie u x n ’aimaient Daubusson et M e y r e en venir à
un c o m p t e , en représentant leurs registres. Bru offrait
dans ce dernier cas de leur allouer l ’intérêt à cinq
po u r cent.
On remarque que dans l’arrêt dont on vient de
rendre c o m p t e , Daubusson était seul partie contre Bru.
t<’aiïaire poursuivie devant le Tr ibun al civil de St.F l o u r , Daubusson n’est plus la partie principale contre
�( 6 )
B r u , c ’est M e y r e ; celui-ci, par exploit du 3 o janvier
1808 , expose à Bru : « Q u ’il ne peut disconvenir q u’à
« diverses époques il ne lui ait fourni des fonds; q u ’à
« raison de c e , Bru n’ait fourni des lettres de ch ange ,
« au nom de François Daub uss on , de C l e r m o n t , et
« que par l ’arrêt du 20 n o v e m b r e , ces lettres de change
« ont été considérées c o m m e de simples promesses ».
E n conséque nce , M e y r e , en son'p ro pre n o m , appelle
B r u devant le T r ib u n a l de Saint-Flour, en reconnais
sance de l ’écriture et signature mise au bas des lettres
de c h a n g e , et en paiement des 20,240 francs, montant
'd’icelles, ave c intérêls depuis le protêt.
Ces lettres de c h a n g e t i r é e s a 1 ordre de D a u b u sso n ,
n ’ ont cependant jamais été passées a celui de M e y r e ,
et l ’aval de celui-ci n’y avait pas été apposé.
P a r act e signifié à a v o u é le 6 février 180 8, et par
r e q u ê t e signifiée aussi h avoué le i 5 mars suivant ,
B r u fo rm e contre M e y r e et Daubusson une dem ande
en pai em ent de 1 5 ,ooo fr. de dommages et in t é r ê l s ,
h raison des poursuites ve xat oire s, et des injures q u’il
a essuyées de leur part.
L ’affaire portée à une première audience le 23
'lüars 1808 , Daubusson n ?y paraît que pour dem ander
son r e n v o i , parce que l ’affaire ne le concerne pas.
B r u dem and e le rapport des registres de M e y r e et de
Daubusson depuis l ’an 1 0 , et le T r ib u n a l de SaintF l o u r , sans avoir égard à la demande en renvoi de
D au b u sso n , ordonne q u ’ils seront tenus de représenter
les registres q u ’ils avaient^tenus ou dû* tenir, par suite
d u c o m m e r c e auquel ils s étaient livrés; et c e , depuis
et compris Fan 10 jusques et compris 1807. Ce j u g e
m e n t est signifié à av o u é le 29 m a r s , et aux d om i
ciles de M e y r e et D a u b u s s o n , par exploits du m ê m e
jour 9 avril 1808, a vec sommation de s’y conformer.
'Cbjligemerit n’est e xé cuté ni par M e y r e ni par D au b u s•son; ce dernier ne se présente plus, et M e y r e se co n
tente de produire do simples registres d ’annotations,
indiquatitisculement les lettres de change qui lui ont
été faites, et 11e co m m en ça nt q u ’en l ’an 12.
�C7 )
_ En cet é t a t , la cause portée d e nouveau à l’audience
du T r ib u n a l civil de S a in t - F l o u r , il y est r e n d u , le 9août 1808, le ju g em e nt dont est a p p e l , ainsi conçu :
« L e T r i b u n a l , considérant q u ’a n c i e n n e m e n t , en
matière c i v i l e , l a stipulation d’intérêt pour simple prêt
n’était pas perm is e, q u ’ elle ne l’a été que par le d é
cret du 3 octobre 1 7 8 9 , au taux déterminé par la loi;
« Considérant que le taux légal était alors de cinq
pour c e n t , sans re t e n u e , et depuis la loi du 23 n o
v e m b r e 1 7 9 0 , avec la faculté de stipuler la non retenue;
« Considérant que si Ton ex c e p t e la fameuse l o i ,
presqu’aussilôt rapportée que p r o m u l g u é e , qui décla
rant l’argent marchandise , semblait autoriser to u te
espèce de traiic , auc une loi n’a changé le taux légal
de cinq pour cent en matière civile, pas m ê m e la der
nière loi du 3 septembre 18 07;
« Considérant que l'intérêt con ventionnel qui, jus
q u ’à la publication du code N a p o l é o n , devait être le
m ê m e que l’intérêt lé gal, devait être stipulé par écrit;
qu'il n y a de différence entre cette loi et l’art. 1907
du c o d e , q n ’en ce q u e des intérêts stipulés en co n T
séquence de cet article, et excédant le taux légal, doi
v e n t ê t œ n o n - s e u l e m e n t stipulés par écrit , mais e n r
core indiquer le taux de l’intérêt c o n v e n u , tandis q u e ,
d ’après la loi de 178 9 et de 1790, il suffisait de s’obliger
par écrit à payer l’intérêt, a v e c ou sans r eten u e;
« Considérant en effet que sans cet e n g a g e m e n t écrit
et spécial, pour l’ intérêt du capital p r o m i s , devenait
parfaitement inutile la loi de 1 7 8 9 , dont un des prin
cipaux objets était sans doute d ’éteindre ou au moins de
restreindre cette cupidité g é n ér ale , signe non équivor
que de la décadence des mœurs qui a va it , antérieu
re m en t à sa pr omulga tion, fait imaginer divers m oye n s
détournés de faire produire intérêt aux contrats de
simples prêts, contre le vœu de la loi qui le déf endait
alors; q u ’en effet en présentant, par e x e m p l e , une
obligation où tout paraît capital,, le prêteur pourrait
a son gré alternativement soutenir, ou que réellement:
�( 8 }
tout est ca p it al , on s i, par des circonstances particu
lières et autres que l'obligation, il était prouvé q u ’elle
re n f e rm e des intérêts , excip er de la convention ; que
cette manière de contracter ne serait qu'un m o y e n
facile d ’ex éc uter une loi rapportée (celle qui avait
déclaré l’argent m ar ch an dis e), et pr ouve dès-lors suf
fisamment la nécessité de la stipulation par écrit pour
les in térê ts, avant c o m m e depuis le code;
« Considérant que des principes posés, il résulte
q ue tout intérêt q u e l c o n q u e , excessif'ou n o n , qui n’est
pas stipulé par é c r i t , est par cela m ê m e illégi tim e,
et ne peut être alloué par les Tr ib unaux ;
«• Considérant q u ’excip er de prétendues négocia
tions publiques qui ont excéd é de beaucoup pour les
intérêts le taux de cinq poui ce nt, a moins q u ’il ne
s’ agisse d ’intérêt légitimement stipulé par éc ri t, c ’est
vouloir présenter c o m m e l o i , la contravention à la
l o i , et moins offrir un m o y e n , que rappeler le sou
ve nir des m au x qui ont désolé la F r a n c e , et que le
héros qui la g ouv ern e fait si heureusement réparer
chaque jour ;
n- Considérant que l’anatocisme fut toujours sévère
m e n t réprimé par les lois; q u’il n ’est p a s , c o m m e on
a voulu le donner à ente ndre , autorisé par les arti
cles i l 54 et 1 1 55 du code Nap oléon ; que l’article
1 1 6 4 forme à la vérité droit n ou ve au , e n f e r m e ! t a n t
q u e l’intérêt d’ un capital échu produise intérêt; mais
q u ’in dépen dam m en t de ce que cela doit s’entendre
S e u l e m e n t d ’un intérêt légitimement acquis et échu ,
et au moins pour une année entière, com m e le dit
l ’article, il faut encore que si c ’est par convention ,
elle soit é c r i t e , et fasse distinguer l’intérêt con venu
de celui qui devient capital; que dès-lors les articles
précités 11e pe uvent s’applique1’ a des intérêts illégagalement exigés ou pe rçus, confondus et amalgamés
avec d’autres intérêts et capitaux dans le m ê m e titre,
sans quoi il faudrait regarder c o m m e inuliles ou mal
conçus les articles e u x - m ê m e s n 5 4 , 1 1 55 et 1907^
�( 9 )
et dire q u ’ils auraient dû être remplacés par la dis
position de la loi qui déclarait l ’argent marchandise
puisqu'ils devaient avoir le m ê m e effet ; Nc ’est-à-dire
celui dans tous les tems employé, par les usuriers ,
pour ruiner les familles ;
« Attendu que l ’article 190 6, qui a introduit un droit
nouveau au moins pour le ci-devant parlement de Paris,
n ’a d ’application qu'à l ’intérêt et au taux fixé par la l o i ,
lorsqu’il a été volontairement p a y é et q u’il n’avait pas
été st ip ulé, et nullement à des intérêts excessifs, non
librement stipulés, impérieusement co mmandés au be
soin, et q u ’on ne prétend acquittés que p a r c e q u ’ils
se trouvent compris dans des effets renouvelés, et a m a l
gamés avec de n ou ve au x capitaux ou intérêts;
« A tte n du que l’art. 5 de la loi du 3septem bre 1807,
ainsi que l’arrêt de la Cour de cassation, du 9 mai der
nier , invoqués par M e y r e , sont sans analogie ave c la
cause actuelle ;
«-Attendu, par application à l’espèce à ju g e r , q u ’il
est constant que les effets dont le paiement est r é c l a m é ,
sont la suited une négociation c o m m u n e à Daubusson et
M e y r e , ayant eu pour objet de simples prêts faits à
P i e rre -A le x is -L o u is B r u , a v e c anatocisme et cu m u la
tion d intérêts excessifs; que cette c o m m un auté d’in
térêts deja tenue pour constante par l’arrêt de la Cour
d appel de R i o m , ne peut laisser aucun d o u t e , si l ’on
considère, d ’ u n côté, le refus de Daubusson de présenter
ses registres, l ’affectation de M e y r e de ne présenter que
des registres q u ’il n o m m e annotations, et ceux depuis
a n 1 2 se u l e m e n t, q uo iqu’il soit prouvé q u ’il en tenait,
ou devait tenir en l’an 10; et que sur ce m otif il ait été
c o n c a m n é à les représenter; si l’on considère sa preen l i o n , de n’avoir été que l’agent de Daubusson, et
.e C ls^, *^u *enr des deniersde celui-ci clans les fonds prêtes
au s. B i u ; e t , d ’autre p a r t , le paiement ou rembourse
m ent qu il prétend avoir fait audit Daubusson, et sur
lequel il fonde sa demande contre le sieur B r u , quoi
que Daubusson en ait fait sa propre aflàire, en accep
tant les lettres de change en son n o m , en en poursui
�( 10 )
vant aussi le paiement en son nom au Tr ibun al de c o m
mer ce et à la C our d ’app el, et a v e c tout cela nulle g a
rantie ex er cé e par M e y r e , contre Daubusson, dans le
cas où la demande du sieur Bru serait accueillie;
«■A l l e n d u que M e y r e se plaint mal à propos du d é
faut de com m un icatio n des lettres de change et notes
dont excipe le sieui' B r u , pu isque 4ci représentation des
registres n’ étant ordonnée que pour l a b u tt e m e n t a vec
c e s lettres de change et notes, la communication de cellesci était par cela m ê m e indirectement ordonnée; que
rien n'empêchait q u ’elle eut lieu devant le juge-com
missaire qui avait été n o m m é pour c e , si la représen
tation des registres de Daub u ss on, et de tous ce ux que
M e y r e était tenu de produire eût été faite;
«Att en du que Me}rre n’a pas dénié avoir remis à Bru,
et les lettres de change et les notes écrites de la main
dudit M e y r e , que ledit Bru rapporte;
« A t ten d u que les premières lettres de change rappor
tées ne pr ésentent'qu e des capitaux; niais.que la suite
des opérations rend vraisemblable, et laisserait croire,
c o m m e l ’a prétendu le sieur B r u , qu'on y avait a m a l
gamé un intérêt à 24 pour ce n t; q u ’il résulte en effet
de la note d e u x iè m e , écrite de la main du sieur M e y r e ,
que'trois lettres de change retirées p a r l e sieur Bru, et
par lui rapportées, l’ une de 5 ,000 f., l’autre de 3 ;o o o f . ,
et l ’autre de i ,338 f r . , toutes sous-la date du 21 nivôse
an 12 , et formant un total de 9, 338 francs, furent co n
senties eu remplacement d’autres effets de l ’an 10 et
de l'an 1 i , e t desquelles l’intérêt à 2 4 pour cent se trouve
calculé dans la note pour former le total de 9, 338 fr.;
que la note troisième énonçant de nouveau les trois
]ülires de change de 0,000 f i , de 3 ,000 fr. et i , 338 f r . ;
plus, d ’autres effets retires et îapportés par B r u , a v e c ,
pour chacun de c e u x - c i , un calcul partiel d ’intérêt à
24 p o u r c e n t , contient un total de 16,436 fr., a vec un
nouveau calcul, pour six mois, de cette s o m m e, se por
tail! à celle de i 8 , i 5 i fr. ; que le tout calc ulé, avec
addition du prix du papier des billets, est ensuite de
ven u l'objet de nouvelles lettres de chan ge ; que la 4.*,
�( II )
5 .eet 6.e notes contiennent également des calculs à 24p ou r
c e n l , en rappelant successivement des effets p r é cé d e m
m en t cons enti s, prou ve nt q u ’ils ont été le r e m p l a c e
ment les uns des autres; que l'intérêt déjà très-fort dans
la première opération , allait toujours croissant; q u ’il
semblerait m ê m e , par le soin que l’on avait mis de
comprendre le prix du papier des billets, que ce prix
produisait aussi un intérêt excessif;
« A t ten d u que si aux époques de renou vellement
O n rem arq ue quelque différence, c o m m e dans le total
de la dernière note qui paraît exc éder de quelque chose
le montant des lettres de change aujourd’hui réclamées,
qui n ’est que de 20,240 fr., cela peut provenir de q u e l
ques paiemens faits, ledit Bru ayant déclaré n avoir la
note de tous ce ux qu'il a faits;
« A t te n d u que ces différences prouven t la nécessité
de la représentation des registres de Daubusson et M e y r e ,
et d ’un c o m p t e à faire par abutte m ent de ces registres
a v e c les let tres de change et notes de la main de M e y r e ,
rapportées par B r u ;
«A t te n d u enfin q u ’à défaut d’en venir à ce c o m p t e ,
Daubusson et M e y r e doivent être condamnés à faire
raison au sieur Bru de la so m m e de 12,000 f r . , à la
quelle ledit Bru s’est r e s t r e i n t , a v e c d ’autant plus de
raison, que par apperçu ce lte so mme de 12,000 fr. pa
raît être plutôt au-dessous de la restitution à laquelle
ledit Bru a droit de p r éten d r e, déduction faite de l ’in
térêt à 5 pour cent q u ’il a consenti d ’allouer; q u e si elle
était au-dessus, lesclits M e y r e et Daubusson o n t m o y e n
de se réditner de tout excédant en v e n a n t à c om p te;
« Par ces divers motifs, le T r ib un al donne défaut
contre ledit Daubusson ; faisant droit sur les demandes
réciproques des parties , qui ont été jointes par ju g e
ment contradictoire du 23 mai dernier ; co nd am ne
François Daubusson et M e y r e , conjointement, a faire
raison a Pierre-Alexis-Louis Bru, de la somme de 12,000 f.
a laquelle ledit Bru a voulu se restreindre pour resti
tution d ’intérêt excessif et usuraire, de lu i, par e u x
p e r ç u , et exigé depuis et compris l’an 1 0 , jusques et
�( 12 )
compris les lettres de change du i 5 mai 1807, dont le
paiement est r é c l a m é ; lesquelles ont été rec on nu es ,
p a r arrêt de la C our d’app el , n ’être le résultat d ’aucun
c om m erce entr’eux et ledit B r u , mais la suite d’ une
négociation dans laquelle Daub uss on et M e y r e étaient
c o m m u n s , qui n’ a eu p o u r objet que de s im p le s prêts;
si m ieux n ’aiment lesdits Daubusson et M e y r e , suivant
le com pt e qui sera fait devant le commissaire qui avait
été con v en u p o u r la r e p r é s e n t a t i o n des registres et
leur abutement ave c les lettres de change et notes de
M e y r e , r a p p o r t é e s par B r u , avec d i s t i n c t i o n de ce qui
était capital ou intérêts; et c e , sur la représentation
e f fectiv e , tant de la part de Daubusson que de M e y r e ,
des r e g i s t r e s t e n u s par chacun d e u x , depuis et compris
l ’an 10 et l’ab utte m en l qui en sera fait a vec les lettres
de ch ange et notes rapportées par B r u , à la déduction .
néa n m oin s sur les intérêts dont la restitution est or
d o n n é e , de l’intérêt à 5 pour cent de chaque c a p i t a l ,
j u s q u ’a u jour dudit c o m p t e , que ledit B r u , par ses cita
tions des 29 octobre et 29 décembre 1 8 0 7 , a consenti
d ’allouer auxditsDaubusson et M e y r e ; et pour parvenir
à la restitution c i -dessus p r o n o n c é e , ordonne que la
s om m e de 20,2.40 fr., montant des e f f e t s du i 5 mai
1807 , désignés sous la couleur de letlre de ch an ge, sera
r é d u it e , déduction faite de celle susdite de 12,000 f r . , à
celle de 8,240 f r ., sauf erreur de calcul, ou à lelle autre
som m e que donnera pour résultat le com pt e or d on n é,
s’il est p r é f é r é par lesdits M e y r e et Daubusson ; ce fais-int co ndam n e ledit B r u , d ’après le consentement de
■n-mhiKwon à c e que M e y r e louche le montant des efïets
souscrits au nom de Daubusson, réclamés aujourd'hui
par M e y r e seul, ledit consentement constaté par le j u
g em en t contradictoire du 23 mars dernier, h payer audit
M e y r e , la somme de 8,240 i r . , avec intérêt de ladite
so n im eà
de la demande formée par ledit M e y r e ,
le 3o janvier de rnie r, ou celle totale, a laquelle se Irouvera monter le compte ordonne des capitaux îec.uspar
ledit B r u , avec les intérêts à 5 pour c e n t , dont ledit
Bi 11 a offert la déduction sur c e u x dont la restitution est
c
o
m
p
t
e
r
�( i3 )
ordonnée ; ordonne, du consentement dudit Daubusson,
égal em ent consigné dans le ju g em ent du 2.3 m ar s , que
Finscription hyp othécai re faite en son nom sur ledit Bru,
sera rayé e des registres du bureau (des h ypoth èques sur
la représentation qui sera faite au conservateur du pr é
sent ju geme nt ; ordonne en outre que celle no uve ll e
ment laite sous le nom dudit M e y r e , sera et d e m e u
rera réduite au montant des condamnations prononcées
par ledit ju geme nt au profil dudit M e y r e ; et pour tous
dommages -intérêts envers ledit B r u , c e lu i- c i, quoique
restant déb it eu r, et n’ayan t fait des offres réelles de
ce qui reste d û , mais ayan t soutenu une contestation
juste et nécessaire, condamne envers lui Daubusson et
M e y r e , chacun à leur é g a r d , en tous les dépens, m ê m e
en ceux réservés, hors le coût du présent jugement dont
ledit Bru sera tenu de fournir expédition à ses frais audit
M e y r e , pour servir de titre à ce dernier, pour ce qui
lui reste d û ; et attendu que le d e m a n d e u r , outre la
déduction de 12,000 fr. sur les 20,240 f r . , montant des
effets dont il s’iigit, r e s t e débiteur du surplus ; le T r i
bunal ord onne, quant à la condamnation qui en est p r o
noncée p a r l e présent j u g e m e n t , q u ’il sera ex é c u t é par
provision, nonobstant tout a pp el, et sans y p r é j u d i c i e l
« Sur le surplus des d e m a n d e s , fins et conclusions
des parties, les met hors d ’instance».
Sur l ’appel , M e y r e ayant publié d eu x m é m o i r e s
imprimés signés de l u i, et contenant des faits inju
rieux contre Bru, celui-ci, par requête signifiée à avoué
le 12 janvier 1 8 0 9 , en a demandé la s u p p r e s s io n en
concluant à des dommages-intérêts, et à l ’impression
et afliche de l’arrêt à intervenir.
L e 18 du m ê m e m o is , arrêt contradictoire qui or
donne l ’exécution du ju gem ent du 23 mars 1808, et
le rapport des registres et livres de commerce de M e y r e
et Daubusson , depuis et compris l ’an 10.
M e y r e n’a rapporté en la Cour que les m ê m e s r e
gistres d ’annotations depuis l’an 12 , q u ’il avait déjà
présentés en première instance.
L e s héritiers Daubusson, de leur c ô t é , n ’ ont pro-
�r T4 ;
duit q u ’ un registre de c om pte co u ra nt, qui ne remon te
aussi qu'à l’an 12.
D a n s les registres de D au b u sson , ne sont pas énon
cées les dernières lettres de change qui sont l ’objet
d e l à cause, souscrites par B r u , en faveur de François
D a u b u s s o n , et les registres de M e y r e en contiennent
la mention a v e c ces m ots: Traites de B r u , au nom
de F ra n çois D a ubusson.
A l’audience de la C o u r , l ’avoc at des héritiers D a u
busson a d éc lar é, a u nom de ses parties, et d ’après les
instructions q u ’il a dit avo ir reçues de défunt François
Daubusson l u i - m ê m e , que celui-ci n’avait jamais prêté
à B r u , q u ’il n’avait jamais entendu être le créancier
de B r u , ni être le propriétaire des lettres de c h a n g e ,
dont le paiement est de m andé ; et que ces lettres de
change , quoique faites sous le nom de Daubusson
a va ie nt toujours appartenu à M e y re .
’
QUESTIONS.
XjE ju g em ent dont est appel d o i t - i l être confirmé
dans ses principales dispositions relatives à la r é d u c
ti o n , ou au co m pte q u ’il o rd o n n e?
L e s intérêts sont-ils dus depuis le protêt ?
D o i t - o n accorder uu délai à Bru pour le paiement
des condamnations prono nc ée s?
L a suppression des m ém oire s, signés B r u , doit-elle
être ordonnée ?
D o i t - on ordonner la suppression des mémoires ,
signés M e y r e , com m e renfermant des imputations
étrangères à la cause , et qui excédaient les bornes
d ’ une légitime défen s e?
Y a-t-il lieu à accorder à Bru de plus amples dommages-inlérêls ?
Est-ce le cas d ’ordon ner l ’i m pression e t a ffiche de l ’arrê I?
Signifié les qualités ci-dessus à P h i l i p p e D a u d e ,
a v o u é de M e y r e , et à An toin e B a y l e , avoué des h é
ritier.^ D aub uss on ; fait le 25 novembre 18 0 9 ; signé
Ma§sis, huissier audiencier de la C o u r ; enregistré à
Riorn , le 27 novembre 1809, reçu 55 c e n ti m es,s ig n é
P o u g h o p , commis.
�( i5 )
Ap rès avoir ouï à l ’audience du 6 du présent les
avoués des parties, en leurs conclusions; A l l e m a n d ,
avocat de B r u , P a g è s - V e r n y , avocat de M ^ r e , et
B a y l e fils , avocat de Daubusson et F a v i e r , en leurs
plaidoiries ; après avoir o u ï , à l’audience d e c e j o u r d ’hui,
M e y r e en ses observations, et M. T o u t t é e , subslitut
du P r o c u r e u r - g é n é r a l impérial en ses conclusions;
L A C O U R , statuant sur les app el s, principal et
incident respectivement interjetés par les parties, du
ju g em e nt rendu au T i i b u n a l civil de Saint-Flour, le
9 août 1 8 0 8 , met les appellations au n é a n t ; ordonne
que ledit jugeme nt sortira son plein et entier effet, et
néanmoins que les intérêts de la som me de 8,240 fr.
qui n’ont été adjugés que depuis la d e m a n d e , seront
payés à co m p t er des époques des protêts des effets
dont il s'agit ; ordonne q u e dans la q u i n z a i n e , à c o m
pter de ce jour , M e y r e , partie de P a g è s , fera son
option de la so m m e ci-dessus réduite à 8,240 fr. ou du
c om pte ordonné par le ju gem ent dont est appel, sinon et
faute de ce faire dans ledit délai, et icelui passé, q u’il
demeurera déchu de ladite option; et que de cette é p o
que l ’inscription dudit M e y r e demeur era réduite à ladite
so m m e de 8,240 f r . , et sera r a y e s , en vertu du présent
arrêt, pour tout ce qui ex cédera cette s o m m e ; ordonne
aussi q u e , dans trois mois, à co m pt er de ladite réduc
tion d ’inscription, B r u , partie d ’A l le m a nd sera tenu de
p a y e r à M e y r e ladite so m m e de 8,240 fr. et les intérêts.
Statuant sur les demandes de M e y r e , partie de
Pa gès , et des D a u b u s s o n , parties de B a y l e ; en sup
pression des mémoires de B r u , partie d ’A l l e m a n d ;
A tte n du que Bru n ’a proposé que des moyens sor
tant de sa cause ; que s’il s’est servi d ’expressions
a m è res, du moins elles ne sortaient pas des bornes
d une légitime défense , et q u ’il n’y a mêlé a u c u n e
personnalité étrangère à la cause ;
L a C our déboute M e y r e et les Daubusson de leur de
m ande, quant à ce.
Faisant droit sur la dem ande de
Bru , partie d ’A l l e m a n d , en suppression
mémoires
et libelles de M e y r e , partie de Pagès;
des
�-
(
1
0
)
At te n d u que ledit M e y r e s’ est livré , dans ses mémoires,
à des injures grossières, outrageuses et personnelles qui,
n ’ayant aucun trait à la cause, ne p o u v a ie n t a v o i r d ’a u tre
but que la diffamation de la parlie d ’Allemand,
L a Cou r ordonne que les deu x m é m o i r e s , signés
M e y r e , l ’un i n t i t u l é , M ém oire pour Jean M eyre,
greffier a u tribun al de commerce établi à S t.-F lo u r
contre M * P ie r r e - A le x is -L o u is B r u , avocat et pre
m ier suppléant de ju g e au tribunal de première in s
tance de l ’arrondissem ent de S a in t-F lo u r , c o m m e n
çant par ces mots : B r u a ,f a i t imprimer d eu x mé
moires contre m o i, « et finissant par ceux-ci : D es
négociations d o n t j ' a i été chargé par B r u l ’autre
i n t it u lé , L e G ea i d ép lu m é, ou dernières observations
p our J ea n M ey re, g reffier d u tribunal de commerce
de S a in t-F lo u r , contre P ierre -A lex is-L o u is B r u , avo
cat et premier suppléant de ju g e au tribunal de pre
mière instance de l ’arrondissem ent de S t.-F lo u r co m
m e n ç a n t par ces mots ! B r u n a cesse de me traiter
d ’e s c r o c et de v o l e u r et fin is s a n t par la sig n a tu re,
D a u d e , apposée au bas d'un e lettre. Lesdits deux mém o i res imprimes a Saint-Flour, de l ’imprimerie de V . e
Sardine, 1809, seront et dem eureront supprimés; per
m e t à B r u , partie d A l l e m a n d , de faire imprimer et
afficher le present arrêt jusqu’a concurrence de cen t
e x e m p l a i r e s , aux frais de M e y r e , parlie de Pagès.
Sur le surplus des demandes , met les parties h o rs
de C o u r ; e t , pour plus amples dommages-intérêts, con
dam ne M e y r e aux dépens des causes d ’appel et de
mandes envers Bru , m êm e en ce ux réservés par les
arrêts préparatoires, et au coût entier du présent arrêt •
con dam n e les parties de Bayle , en ce qui l e s c o n
cerne , aux dépens envers Bru , et condamne tant
M e y r e que Bru et les D aub u ss on, respectivement en
l ’amende de 10 francs. A la minute ont signé R e d o n
premier président, et G A R R O N , greffier.
M a n d o n s et o r d o n n o n s à tous huissiers, etc.
C oll a tionné , signé G A R R O N ; Greffier.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la Cour d'Appel de Riom. Audience du 8 novembre 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garron
Subject
The topic of the resource
libelle
diffamation
diffusion du factum
censure
Description
An account of the resource
Arrêt de la Cour d'Appel séant à Riom, pour Maître Pierre-Alexis-Louis Bru, Avocat, 1er suppléant au tribunal civil de Saint-Flour ; contre les héritiers de François Daubusson, de Clermont, et Jean Meyre, greffier au tribunal de commerce de Saint Flour.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
An 10-1809
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0509
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0506
BCU_Factums_M0505
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chanonat (63084)
Clermont-Ferrand (63113)
Saint-Flour (15187)
Rights
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Domaine public
Censure
diffamation
diffusion du factum
libelle
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5fee17be7f0064cbb3460e8a5199fe32
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Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
Dame M a r i e - U r s u l e S A L V A I N G D E
B O I S S I E U , et sieur J e a n - P i e r r e
S A U Z E T DE S A I N T - C L E M E N T ,
son m ari, appelans d’un jugement rendu au
tribunal du P u y, le 9 mai 1807;
c o n t r e
J e a n -A n d r é - G u illa u m e
SOUTEY-
R A N , ancien avocat, intimé;
e t
e n c o r e
c o n t r e
L e c u r a t e u r a la succession vacante du sieur
Pierre-Antoine
aussi intimé.
B r u n e l de S a i n t - M a r c e l,
L A dame de Saint-Clément devoit avoir une fortune
considérable; elle s’en voit tout à coup dépouillée par
trente-trois ventes qu’on a arrachées à la foiblesse d’un
vieillard nonagénaire. Toutes ces aliénations ont eu lieu
A
�( 2 )
sans nécessite et sans cause légitim e; un moment de ca
price ou de contrariété les a déterminées : il y avoit
même une certaine combinaison dans le choix des acqué
reurs. Il est pénible pour la dame de Saint-Clément de
se voir obligée de dire que son aïeul, sans autre motif,,
se félicitoit d’avoir trouvé des moyens plus sûrs de dé
pouiller sa petite-fille, parce qu’il avoit vendu à des
hommes de loi qui saui'oient bien se défendre. E t ces
hommes de loi devraient être bien humiliés de se voir
signaler comme des gens redoutables; ils devroient se
reprocher d’avoir accepté une vente faite dans un moment
d’humeur et de colèi’e , par un vieillard dont ils étoient
les conseils, qu’ils dirigeoient dans toutes ses démarches,
et dont les manœuvres étoient tellement connues, que
déjà ils avoient dans leurs mains une opposition qui -les
avertissoit de l’incapacité ou de l ’impuissance du vendeur.
lies sieurs Souteyran, père et fils, ont négligé ces
avertissemens ; ils ont méprisé les avis d’une mère alar
mée; ils ont voulu courir les risques de ce qu’ils appeloient une bonne affaire , et ne rougissent pas d’avoir
dans les mains un bien aussi mal acquis.
Les premiers juges leur ont été favorables : mais ce
succès ne sera qu’éphémère ; et la cour proscrira avec
indignation un contrat frauduleux et nul.
F A I T S .
Thomas-François Arcis,'et Marîe-Thérèse Bossolade,
ont eu de leur mariage M ane-Claire A rcis, qui épousa
le sieur Antoine Brunei de Saint-Marcel.
�( 3 }
Son contrat
m ariage, du 13 juin 1735, contient les
conventions suivantes :
Marie Bossolade, veuve A r c i s , donne à sa fille la
maison et jardin qui lui appartiennent en la ville du Puy,
au-dessous de la porte de Vienne.
Elle se départ en faveur de sa fille, et du sieur SainlM a rcel, son ép ou x, de l’habitation à elle léguée par le
sieur A r c i s , son m ari, dans la maison située rue de la
Courrerie.
Elle se démet en faveur de sa fille, et du sieur SaintM a rc e l, son é p o u x , de l’hérédité du sieur A rcis, dont
elle étoit chargée par son testament, sans se rien ré
server ni retenir.
Ee sieur Saint-Marcel décharge sa belle-mère de lu
somme de 18000 francs portée en l’inventaire du sieur
A r c is , au moyen de la remise et délivi’ance que lui fait
la dame A r c is , des meubles, argent, argenterie, pro~
messes, obligations, contrats de vente qui provenoient
du défunt.
L e sieur Saint-Marcel, pour augment de dot et gain
de survie, donne à son épouse une somme de 4000fr.,
payable en cas de prédécès.
D u mariage du sieur Brunei de Saint-Marcel, et de
la dame A r c is , sont provenues deux filles; l’une ClaireT h é r è s e , qui a épousé le sieur Surel de S a i n t - J u li e n ;
la seconde, M arie-Françoise-Eouise, qui s’est niariee
avec le sieur Salvaing de Boissieu. C ’est de ce dernier
mariage qu’est née Marie-Ursule, épouse du sieur S a u zet
de Saint-Clément.
Par le contrat de mariage de Claire-Thérèse, femme
A 2
�( 4 )
Saint-Julien, en date du 17 février 17^ 9, ses père et
mère la légitimèrent à une somme de 40000 francs pour
ses droits paternels et maternels. L e contrat de mariage
porte quittance d’ une somme de iôooo francs ; et le
surplus de sa constitution dotale, qui est de z 5ooo f r .,
est stipulé payable , savoir : 10000 francs dans Vannée
du décès du prem ier m ourant des père et mère , et
i5ooo fr. dans Tan révolu après le décès du survivan t,
sans in térêt, qu’à compter de l’échéance des termes.
Par le contrat de mariage de la dame de Boissieu ,
du 8 juin 176 2 , ses père et mère lui font donation
entre-vifs , irrévocable, contractuelle et dotale, de tous
et chacun leurs biens meubles et immeubles présens
et à venir, sous la réserve expresse que se font les do
nateurs de la jouissance des biens donnés pendant leur
vie; laquelle jouissance sera réversible de l’un à l’autre.
Ils se réservent un capital de 12000 fr. pour pouvoir
s’en servir dans leurs besoins , et en disposer tant à la
vie qu’à la m ort, en faveur de qui ils jugeront à propos.
[I est dit que cette somme de 12000 francs, également
réversible de l’un à l’autre , sera prise sur les biens à
■venir, s’ il leur en échoit, et subsidiairement, sur leurs
biens actuels.
Les sieur et dame Saint-Marcel se réservent aussi tout
ce qui peut leur être du provenant d’arrérages de fermes,
censives, obligations, comptes de leurs journaux, et gé
néralement toutes les dettes actives.
En attendant que l’usufruit soit consolidé h la pro
priété des biens donnés , ils donnent et constituent en
d o t, à leur fille, en avancement d’hoirie, et pour sup
�( 5 )
porter les charges du mariage, la somme de 20000 f r . ',
plus , d ix- neuf marcs et deux onces d’ai'genterie : ils
payent 11000 fr. à compte, et s’obligent d’acquitter dans
un an la somme de 9000 fr. pour parfaire l’avancement.
« Mais comme ils n’ont deniers en mains pour le
« payement de la somme de 9000 francs, non plus que
« pour acquitter la constitution de la dame Saint-Julien,
« dont il reste dû 12600 francs, nonobstant la quittance
« insérée dans son contrat de mariage, du 17 février
« 1 7 5 9 , insi que les termes qui écherront à l’a v e n ir,
K et pour acquitter leurs autres dettes passives, il a été
« convenu et accordé qu’il sera libre aux sieur et dame
« Saint-Marcel, de vendre et aliéner les domaines de
« Rocharnaud, Mons et Orzillac, champs et vignes de
« Couchât, au terroir de Chadrac; les fonds dépendans
« du domaine de Pouzarol , situés ès-mandemens de
« cette v i ll e , consistans en m a is o n , prés , vergers , et
« champs-, les prés situés au terroir de Ceissac ; et fin a
ls. lem ent\e domaine de Chaspuzac, à leur juste valeur,
« et su r le pied de l estim a tion , p o u rservir au payement
« desdites créances , c o n c u r r e m m e n t aux susdites
« constitutions , et autres dettes connues des parties
« intéressées ; ensemble, pour remplir la réserve du
cc capital de 12000 francs , s i les donateurs sont dans
K le cas de s'en servir ,* le tout suivant le payement,
« et délégation q u i en sera J a ite . »
O n s’oblige de fournir au sieur de Boissieu , futur
époux, un double de la quittance du produit des ventes.
L excédant du produit des ventes au-delà des créances
et reserve ? doit être placé, du consentement du sieur de
�( 6 )
Boissieu et de sa femme, cliez des personnes solvables.
L e revenu en sera payé aux donateurs pendant leur vie,
sans que les acquéreurs puissent être recherchés , en
rapportant néanm oins un légitime emploi de conform ité
à l'état connu des parties.
Si l’intérêt des futurs époux peut exiger l’aliénation
des biens qui l’esteront à la future, il est convenu que
le sieur de Boissieu pourra les vendre à leur juste valeur,
après le décès des donateurs, sans que les acquéreurs
puissent être recherchés par la demoiselle de St.-Marcel,
ou les siens, qui ne pourront répéter dans les biens du
vendeur que le juste prix des fonds par lui aliénés.
O n e x c e p t e des ventes permises à l’époux , le moulin
appelé de Saint-M arcel, et la maison du Puy. Ces objets
ne pourront être vendus que dans le cas où on en
trouveroit un prix avantageux.
En ce qui concerne le mobilier ou meubles meublans,
il est convenu, sans en faire un inventaire plus détaillé,
qu’ils seront remis à la dame de Boissieu dans l’état où
ils se trouveront au décès du dernier mourant de scs
père et mère ; ils sont cependant évalués, dans l’élat
actuel, à la somme de 6000 francs.
I,e même jour 8 juin 1762,. il fut fait un état double
entre les. sieur et dame de Saint-M arcel, et le sieur
Sàlvaing de Boissieu, leur gendre, des dettes qu’avoient
alors les père et mère : cet état se porte à la somme
de 49600 francs, sans y comprendre les 9000 fr. faisant
partie de l’avancement d’hoirie de la dame de Boissieu’*
et qui dévoient être payés dans l’année du contrat 4$
maïiage. Mais, on porte dans cet état une somme q u i
�n’étoit pas exigible ; on veut parler de celle de 2.5ooo f.
due sur la dot de la dame de Saint-Julien, dont io o o o f.
étoient payables après l’an révolu du décès du premiei
mourant des père et m ère, et i 5ooo francs n étoient
exigibles qu’après l’an révolu du décès du sui vivant.
On ne parle pas dans cet état de la somme de 1 2000 f . ,
montant de la réserve, parce qu’on se rappelle que cette
réserve ne devoit être prise que sur les biens a t enir Les sieur et dame de Saint-Marcel se dépouilloient
donc irrévocablement de leurs propriétés, au profit de
leur fille, par ce contrat de mariage. S ils se îeservoient
la faculté de vendre une portion des biens donnés, ils
ne pouvoient le faire q u ’ e n acquittement de leuis dettes.
L e s biens dévoient être vendus à leur juste valeur ■
, et
sur le pied de Vestimation. Ils .étoient obliges d?en dé
léguer le prix aux créanciers; ils étoient tenuside fournir
à leur gendre un double du produit des ventes; .enfin,
-ils devoient rapporter la preuve d ’un légitime em ploi
des deniers de ces mômes ventes.
? . ;i: ••■iG
Les père et m è re , au moyen".de ces conventions,
n’étoient plus que de simples mandataires, qui devoient
à leur fille un compte rigoureux de leur mandat; encore
cette faculté de vendre, réservée par le contrat,• étoitelle exorbitante et contraire au droit jcommun. iCétoit
donner et retenir : o r , ¡en g é n é r a l, donner ¿ t retenu
ne vaut. Si on excepte les contrats <ie mariage de cette
prohibition , c’est qu’ils sont susceptîblos'ide toutes des
conventions qui ne blessent pas le«'
-mœurs.-Mais
■toujours on doit restreindre ce quUedt exo.rbit«in t , et
b o n n e s -
lorsqu’ une faculté de ce genre est subordonnée à de cei>
�( 8 )
tain es conditions , on doit les remplir avec exactitude.
La dame A rcis, femme Saint-Marcel, est morte le 16
juin 1784. L e sieur Saint-Marcel a parcouru une très1on°1ue carrière; il a survécu vingt-un ans à sa femme;
il est décédé le 24 octobre i 8o 5 , âgé de quatre-vingtdix-sept ans.
Il semble qu’aussitôt après le mariage de la dame de
Boissieu, les père et mère ont aiï'ecté de se jouer de leurs
engagemens. Les ventes se sont multipliées : depuis le 27
juin 1762, jusqu’au 18 novembre 1782, les sieur et dame
Saint-M arcel ont vendu successivement des immeubles
donnés, pour la somme de 47^®9 f^ncs.
L e sieur de Boissieu voyoit avec regret toutes ces
aliénations ; il se permettoit à cet égard quelques obser
vations respectueuses : elles étoient mal accueillies.
Plusieurs lettres du sièur Saint-Marcel annoncent de
sa part un changement d’affection, des regrets amers et
peu flatteurs pour sa fille, d’avoir légitimé la dame SaintJulien , et institué la dame de Boissieu.
Ce fut bien pis encore après la mort de la dame son
épouse. Il se mit dans la tête de payer par anticipation,
à la dame Saint-Julien, la somme qui n’étoit exigible
q u ’ u n , an après ;sa mort. Il écrivoit à la dame de Bois
sieu qu’elle seroit encore la mieux partagée; qu’il auroit
dû laisser ses deux filles égales. Cependant la foi des
contrats de mariage doit être gardée : sans la donation
faite à la dame de Boissieu, son mariage n’eût pas eu
lieu;.ses enfans n’auroient pas vu le jour.
jjj Ce fut avec desi-peines infinies) que le sieur de Bois
sieu obtint de son beau-père la préférence pour un jardin
appelé
�( 9 )
appelé de V ien n e, que son b e a u - p e r e lui délaissa avec
hum eur, pour une somme de 3500 francs, a condition
que son gendre seroit tenu de p r é c o m p t e r j o o fumes
sur celle de 12000 francs, montant de sa reseive. L af
fection qu’avoient montrée le sieur de Boissieu e t la dame
son épouse pour ce jardin déplut au sieur de SaintMarcel : il ne destinoit point cet objet à son gendre*, il
se crut humilié en a c c é d a n t à ses d é s i r s .
L e contrat de mariage de la dame de Boissieu contient
l’énumération des biens qui poui'roient etie aliènes pour
cause légitime. A la suite de tous les immeubles désignés,
on lit ces mots : H t fin a lem en t le domaine de Chaspuzac.
Il n’y a rien d’inutile dans un contrat. Ces expressions
limitative^ mettoient le domaine de Chaspuzac au der
nier l’ang; il ne pouvoit être vendu qu’après que tous
les autres objets désignés auroient été épuisés : il y avoit
même de gi’ands motifs p o u r conserver cette propriété',
elle étoit à la bienséance du sieur de Boissieu , près de
ses autres possessions, et en augmentoit la valeur. L e
domaine d’Orzillac étoit un des premiers destinés à la
vente ; il restoit dans les mains du sieur de Saint-Marcel :
par contrariété, le sieur Saint-M arcel veut vendre le
domaine de Chaspuzac. Déjà le nombre des ventes pai
lui consenties se portoit à trente-deux, toutes sans esti
m a tio n : plusieurs avec cession de plus-value; toutes sans
épingles-, la plupart sans cause, sans n é c e s s i t é , « créa it,
au comptant, sans jamais justifier de l’emploi ; toutes sans
aiïiches, sans formalités quelconques, et à vil prix.
Les sieur et dame de Boissieu apprirent avec eflioi que
Je domaine de Chaspuzac alloit encore leur échapper, ils
�( 1° )
furent instruits que les sieurs Soutcyran , père et fils, l’un
procureur, l’autre avocat, se présentaient pour acquérir..
L e 31 mars 1791? les sieur et dame de Boissieu prirent
le parti de faire notifier un acte extrajudiciaire aux sieurs
Souteyran, par lequel ils déclarent « qu’étant venu à
cc leur connoissance que les sieurs Souteyran étoient sur
« le point d’aclaetcr le domaine de Chaspuzac, ils leur
« dénoncent que la propriété leur appartient; qu’il ne
« dépend pas du sieur S a i n t - M a r c e l de les en dépouiller;
cc que par les ventes qu’il a déjà faites, il a plus qu’abcc sorbé les réserves contenues dans leur contrat de ma« riage ; que par ce moyen , et autres à d éd u ire, ils
cc entendent se conserver ce domaine ; qu’ils n’auront
cc aucun égard à toutes les sûretés que les d«mes Soucc teyran pourroient prendre, et terminent par leur laisser
« copie du contrat de mariage de la dame Boissieu. »
Cette déclaration d’une mère de famille qui voit dis
siper sans nécessité le bien de ses enfans, auroit dû
arrêter des personnes délicates, surtout des hommes
d’affaires. Mais les sieurs Souteyran bravèrent l’opposition
des sieur et dame de Boissieu, et ils n’en furent que plus
empressés de terminer. U occa sio ii cVim bon m a r c h é ,
et la facilité que donnoient alors les assignais pour les
payemens, les déterminèrent.
L e 25 octobre 179 1, le sieur Brunei de Saint-Marcel,
excipant des clauses du contrat de mariage de sa fille,
qui lui permettent de vendre le domaine de Chaspuzac,
dépendant de son patrimoine, et autres immeubles y
désignés, pour payer ses dettes, acquitter 12000 francs
qui restent dûs de la dot faite à son autre fille Saint-
�( 11 )
J u lie n , et se retenir et disposer de 12000 francs par lui
réservés , vend au sieur Souteyran , ci-d eva n t procu
reur, et à la dame O b rier, son épouse, l’entière pro
priété de son domaine de Chaspuzac, deux petites rentes
en dépendantes. Cette vente est faite par le sieur SaintMarcel, comme seigueur haut-justicier, avec les charges,
pour l’a v e n ir, de la taille et des dîmes ( supprimées
par la loi du 14 avril 179°)*
Cette vente est faite moyennant 2o5oo f r . , et 600 fi.
pour épingles ; sur lequel prix la dame S a i n t - Julien
reçoit la somme de 12000 francs sans aucune garantie^
et les 9100 francs restans, le vendeur déclaré les avoir
reçus à compte de sa réserve , ou autres hypothéqués
par lui acquises sur les biens des sieur et dame de Boissieu, suivant l’état par lui tenu, subrogeant les acquéreurs
à tous ses droits.
L e sieur Saint-Marcel se félicite d’avoir si bien choisi
ses acquéreurs; ce sont, écrit-il à sa fille, des hommes
de loi, qui sauront bien se défendre, q u i vous mèneront
dur. Il mêle l’ironie à ses menaces; il trouve plaisant que
son gendre, qui est attaqué de cécité, et ne peut avoir
aucune jouissance, soit encore assez téméraire pour se
plaindre des ventes que fait son beau-père.
Ces hommes de l o i , si fort vantés par le sieur SaintM arcel, ne voulurent pas lui donner le démenti. L e sur
lendemain de la vente, c’est-à-dire, le 27 octobre 1 7 9 1 1
ils firent citer le sieur de Saint-M arcel, pour qu il fût
tenu de faix*e valoir la vente qu’il leur avoit consentie,
et de faire donner main-levée de l’opposition iormee par
les sieur et dame de Boissieu.
V> z
�( 12 )
Les sieurs Souteyran étoient assez maladroits dans cette
démarche précipitée. C ’étoit reconnoitre qu’ils avoieiït
acquis des droits litigieux , ce qui est vigoureusement
prohibé aux gens de loi. Mais tout se faisoit concurrem
ment avec le sieur S a in t - Marcel. L e gendre du sieur
Souie37ran devient l’avoué du vendeur ; 0n assigne les
sieur et dame de Boissieu en main-levée de leur oppo
sition; on fait joindre les d e u x . demandes; et le jugement
de jonction est notifié aux sieur et dame de Boissieu le
30 janvier 1792.
L e 3 février suivant, on leur fait notifier 1°. l’état des
ventes consenties tant par la dame Saint-Marcel que par
son m ari, conjointement ou séparément, depuis le con
trat de mariage des sieur et dame de Boissieu , du 8
juin 1762.
2°. L ’état général des payemens faits par le sieur de
Sa in t-M a rce l, depuis le mariage du sieur de Boissieu,
pour fo rm er Pemploi des sommes provenantes des ventes
faites depuis la môme époque.
L e 5 mai 1792, les sieur et dame de Boissieu signifient
aux sieurs Souteyran le contrat de mariage de la demoi
selle de Boissieu, leur fille, avec le sieur Sauzet de SaintClément, en date du 8 janvier 1792; et comme ce contrat
de m a r i a g e contient une donation universelle au profit
de la dame de Saint-Clément, les sieur et dame de Bois
sieu d é c l a r e n t qu’ils n’ont plus d’ intérêt dans la cause,
qu’ ils doivent être mis hors d’instance, et que les sieurs
Souteyran peuvent, s’ils le jugent à propos, diriger leurs
poursuites contre les sieur et dame de Saint-Clément.
O u profite bien vite de cet avis. L e 9 du même mois
�( 13 \
,
i>.
de m ai, les sieur et dame de Saint-Clement sont appelcS
en cause. On obtient contre e u x , par défaut, un juge
ment de jonction, le 30; il leur est notitié sous le nom
de leur aïeul, le 9 juin suivant, avec un memoiie expli
catif vraiment in ju rieux, et qu’on pourvoit qualifie! de
libelle, si on ne s’étoit servi du nom du grand-pere.
En tête de cette signification se trouvent deux pieces
bien essentielles au procès.
La première est un acte notarié, du 20 avril 1792,
par lequel les acquéreurs et le vendeur reconnoisjent ne
s’être pas conform és a u x clauses du contiat de maiiage
des sieur et dame de Boissieu, lors de la vente du domaine
de Chaspuzac. Ils dérogent au prix exprime dans cette
vente ; ils conviennent mutuellement que la vente du
domaine de Chaspuzac sortira son plein et entier effet,
pour son prix et valeur , siiivant l’estimation qui en
sera faite par le sieur R eco u les, expert, habitant de la
ville du P u y , qu’ils ont amiablement nommé pour leur
expert commun. Ils le dispensent de toute formalité ,
de toute prestation de serment; ils s’obligent d’acquiescer
à l’estimation qui sera faite à frais communs. Si elle
excède la somme de 21100 francs, portée par le contrat,
les acquéreurs rembourseront sans délai l’excédant au
sieur S a in t-M a rce l, qui promet à son tour de rendre
2e m o in s , s’il y a lieu.
L a deuxième pièce est le procès verbal d ’ e s t i m a t i o n du
sieur R eco u les, du 14 mai 1792. On v o i t par ce procès
verbal que le domaine de Chaspuzac se c o m p o s e de
quatre-vin gt-sep t pièces d’immeubles : son estimation
est portée à la somme de 21427 fr. ; de sorte q u il y «
�( l4 )
un accroissement de prix de 327 fr. Mais 011 remarque
que l’expert a négligé d’estimer les bois pins, les arbres
enradiqués autour des héritages, les meubles, la maison
de lu ferme, etc. On voit au bas de ce rapport que les
acquéreurs et les vendeurs l’approuvent et le confirment
dans tout son contenu, et veulent qu’il sorte son plein
et entier effet; et cette approbation, en date du 16 mai
1 79 2 , n’a j)as même étéJ a itc double.
O n élague les incidens de procédure qui eurent lieu
depuis cette signification ; on se contentera d’observer
que le 18 mai 179 3, intervint jugement qui appointe les
parties en droit : le procès fut distribué le 17. Là se ra
lentit l’ardeur des sieurs Souteyran. L e sieur de Boissieu
mourut le 6 ventôse an 5 : bientôt les sieur et dame de
Saint-Clém ent apprennent que leur aïeul étoit circon
venu , et qu’on vouloit encore arracher à sa foiblesse les
derniers immeubles qui lui restoient. Ils prirent le parti
de le faire citer de nouveau, ainsi que les sieurs Sou
teyran , devant le tribunal civil du P u y , le 28 messidor
an 6 , pour voir prononcer sur les conclusions déjà prises
ou à prendre , avec déclaration expresse faite au sieur
Saint-Marcel, que les sieur et dame Saint-Clément s’op
posent formellement à ce qu’aucune nouvelle vente soit
par lui consentie , et avec protestation de se> pourvoir
par les voies de droit contre toutes les ventes qui avoient
été faites par
passé, ou qui pourroient l’être à l’avenir.
L e sieur Souteyran père est décédé le 10 nivôse an 1 3 ;
le sieur de ‘S a i n t - M a r c e l , âgé-de quatre-vingt-dix-sept
ans, est m ort le 2 brum aire an 14.
L e lendemain de son décès, les scellés furent apposés
�C 15)
sur ses meubles; il fut procédé à la rém otion, eL à l’in
ventaire du mobilier , le 6 du même m o is , et jours
suivans»
Cet inventaire prouve que le mobilier est réduit à un
état pitoyable ; que tout étoit à l’abandon , et dans un
état de dégradation absolue.
La dame de Saint-Clément , sous l’autorité de son
m ari, en sa qualité de donataii’e contractuelle de tous les
biens présens et à venir de la dame Françoise-Louise
Brunel-Saint-Marcel, sa mère, mit un acte au greffe du
tribunal civil du Puy , par lequel elle déclare qu’elle
s en tenoit à la donation de biens présens faite à sa mère
par feu Sain t-M arcel, son a ïe u l, dans son contrat de
mariage du 8 juin 1 762 ; qu'elle renonce à tous biens
« v e n ir , et répudie la succession du sieur Saint-Marcel,
son aïeul.
Cette répudiation a été réitérée le 20 février 1806 ;
et le 25 mars suivant la dame de Saint-Clément et son
mari ont fait citer le sieur Souteyran, avocat, au bureau
de p a ix , pour se concilier sur la demande tendante à
reprise et continuation de l’instance pendante entre
les parties, et à ce q u e , ayant égard à ce qui résulte des
actes y énoncés, et à la répudiation par elle faite des
biens à venir de son aïeul, p o u r s ’eu tenir à la donation
dotale faite à sa mère le 8 juin 176 2 , la vente du do
maine de Chaspuzac, consentie par feu sieur Saint-Marcel
au s^eui'Souteyran , le 20 octobre 1791» solt déclarée
nulle , comme faite à non domino , pro non debito ,
par contravention formelle au contrat de mariage de la
dame de Boissieu, sa m è r e , et au mépris de l’acte d’op
�( i6 )
position du 31 mars 1791 ; qu’en conséquence le sieur
Souteyran soit condamné ù se désister du domaine de
CJiasuuzac, à en restituer les jouissances ainsi que de
X
’
*
d ro it, etc. L e sieur Souteyran comparoît au bureau de
paix; il s’étonne que la dame Saint-Clément veuille at
taquer la vente du domaine dont il s’agit ; il argue la
procédure de nullité; il prétend cjue la dame SaintClément n’avoit rien à faire dans toutes ces demandes ;
qu’en vertu de l’art. 1649 du Code Napoléon, le mari
seul avoit le droit de poursuivre les détenteurs des biens
dotaux de sa femme ; que celle-ci ne pouvoit figurer
au pi’ocès. Ce moyen étoit assez mal imaginé pour un
avocat, parce que le Code s’applique principalement à
l’administration, et que la présence de la femme ne
vicioit pas la procédure , dès que le mari étoit en qua
lité. Cependant le sieur de Saint-Clément, effrayé de cette
demande en nullité, peut-être parce qu’il plaidoit contre
un avocat, a cru devoir renouveler la citation, inter
venir dans l’instance; ce qui a donné lieu à un nouveau
procès verbal du bureau de paix, où le sieur Souteyran
a répété ce qu’il avoit déjà dit. Il y a eu ensuite assi
gnation aux fins de la cédule; jugement qui,donne acte
de l’intervention, et ordonne la reprise ; et enfin autre
jugement du 13 août 1806, qui a nommé pour cura
teur à la succession vacante du sieur Saint-Marcel, la
personne du sieur Belledent, avoué. Bientôt il s’est ouvert
une longue discussion sur les prétentions respectives des
parties.
L es sieur et dame Saint-Clément ont soutenu que la
vente du domaine de Chaspuzac, consentie au sieur
Souteyran,
�( 17 )
Souteyran, étoit nulle ; que l’aliénation avoit été faite
au préjudice des véritables propriétaires-, qu’elle avoit
eu lieu sans cause comme sans nécessité, en contraven
tion formelle aux clauses du contrat de m ariage, du 8
juin 1762; qu’elle avoit été l’eiï'et du repentir, d’ une
humeur injuste, de la haine, de l’intrigue et de la col
lusion.
L e sieur de Saint-Marcel avoit fait une donation uni
verselle en faveur de sa fille, sous la réserve de l’usu
fruit : s i, en attendant que cet usufruit f û t consolidé
à la propriété, les donateurs s’étoient reservé la faculté
de vendre certaine partie de leurs biens, ce ne pou voit
être que pour acquitter des dettes exigibles, après une
estimation préalable , et à la charge d’un emploi dont
il seroit justifié.
Il falloit suivre dans les ventes l’ordre établi par le
contrat.
L e domaine de Cliaspuzac étoit le dernier objet qui
de voit être atteint : tout le reste devoit être épuisé avant
qu’on pût songer à l’aliénation de cette propriété.
Cependant la vente est faite pour payer à la dame S a in tJulien une somme qui ne concernoit pas le sieur de
Saint-Marcel : c’étoit la dame de Boissieu qui en étoit
tenue; sa sœur ne pouvoit l’exiger qu’un an après le
décès du sieur Sain t-M arcel ; cette s o m m e ne devoit
pioduiie d interet qu’à défaut de p a y e m e n t à 1 époque
de l’exigibilité.
D ’un autre c ô t é , le surplus du prix de cette vente est
employé à payer une réserve qui, aux termes du contrat
de mariage, ne devoit être prise que sur les biens à venir.
G
�( *8 )
X/es ventes ne contenoient aucune délégation au profil:
des créanciers ; la délégation étoit une des conditions
essentielles de la vente.
Les acquéreurs a voient donc interverti l ’ordre prescrit
par le contrat de 1762. Ils avoient acquis sans estima
tion , et à vil prix ; ils avoient reconnu le vice de leur
contrat, puisque , par un acte postérieur , ils avoient
dérogé à toutes les clauses de la vente, et s’en étoient rap
portés à l’estimation d’un tiers. Cette estimation , faite
sans formalité, erronée et partiale, auroit dû au moins
être contradictoire avec les donataires , et n’a été approuvée entre les acquéreurs et le vendeur que par un
acte sous seing privé non fait double.
Les acquéreurs ont eu sous les yeux le contrat de ma
riage de 1762; ils ont connu la nécessité et le mode de
l ’emploi ; ils s’en sont écartés en connoissance de cause.
Les acquéreurs ont su que le sieur de Saint-Marcel
avoit plus qu’absorbe, par ses aliénations, le montant
des dettes connues et énoncées dans l’état joint au contrat
de 1762.
En effet, suivant cet état, il étoit d û, i ° . au sieur de
Saint-Julien, pour reste de la dot promise par son con
trat, la somme de douze mille six cents fr., nonobstant
la quittance insérée au même acte, ci. . . .
12600
2°. A Messieurs du chapitre de la cathé
drale du P u y , pur billet du 28 décembre
2000
174 6, deux mille francs, ç i .........................
30. A u x darnes religieuses de Vais, par
14600 fr.
�( i9 )
C i-co n tre..................
14600 fr.
contrat du 10 avril 1737 , pareille somme
de deux mille francs , c i ................................
2000
4 °* A u sieur Farense, prêtre, de Cliarantus, par contrat du 14 octobre 1733, deux
mille francs, c i ........................... ......................
2000
5 °. A u même sieur Saint-Julien, la somme '
de vingt-cinq mille fr. énoncée payable aux
termes portés par son contrat de mariage, ci. . 2Ô000
6°. A u sieur de St.-M arcel, prêtre, frère
du donateur, par billet sous seing p r iv é ,
du 24 janvier 1738 , pour ses droits suc
cessifs paternels et maternels, la somme de .•
t <_
six mille francs, c i .................................. .
6000
T o ta l
.....................................
49600 fr.
T e l est l’etat annexé au contrat. A u bas sont ajoutés
ces mots ;
« Nous soussignés , certifions que l’état ci-dessus est
,« celui dont il a ete fait mention dans le contrat de
« mariage de cejourd’l i u i , auquel nous offrons respec« tivemûnt de nous conformer. Fait d o u b le , ce 8 juin
« 1762. » Suivent les signatures.
Il est dém ontré, d’après cet acte fait double, que les
donateurs ne pouvoient vendre aux conditions exprimées
au contrat, que jusqu’à concurrence i° . de la somme de
neuf mille francs payable au sieur Boissieu dans un an,
c i . . . . ....................... ............... .......................... ..
9000 fr.
2°. A u sieur Saint - Julien > douze m ille_________
9000 fr.
G 2
�( 20 )
D e Vautre p a r t . . . .
9000 fr,
six cents francs, c i ...........................................
3°. Que le sieur S a in t-J u lien n’a pu
exiger qu’une somme de dix mille francs
sur les 2Ôooo francs promis l’année d’après
la mort de la dame Saint-Marcel; c’est-àdire, le 16 juin 178 5, attendu que la dame
Saint-Marcel est décédée le 16 juin 1784,
12600
ci............................................................................
40. A u x chapitre et «l’cligieuses, quatre
10000
mille francs, c i ..................................................
5 °. A u sieur Farense, ou au sieur SaintM arcel, prêtres, huit mille francs, c i . . . .
6°. Enfin, si l’on veut, pour remplir la
réserve de 12000 francs que s’étoit faite les
donateurs, la somme de neuf mille francs,
4000
ci.......................................................................... ..
O n ne trouvera que la somme de cin
quante-deux mille six cents francs, c i . . . .
8000
9000
62600 fr.
Jusqu’à concurrence de laquelle les donateui's avoient
la faculté de vendre, à la charge de l’estimation et de
l’emploi.
On a restreint ci - dessus la réserve de la somme de
12000 francs, a celle de 9000 francs; et il faut expliquer
la cause de celte réduction.
On n’a pos oublié que cette réserve de 12000 francs
ne de voit être prise que sur les biens à v en ir, et subsidiairernent seulement, sur les biens actuels, en cas de
besoin. O r , le 17 septembre 1 7 7 3 , la dame Arcis a re-
�(2 1 )
cueilli un legs de 3000 francs, de la part de la dame
P eyret, veuve C alm ard, par son testament mystique,
du 5 février 1 7 7 3 , ce qui réduit bien évidemment la
réserve à 9000 francs ; de sorte que les donateurs ne
pouvoient donc rigoureusement aliéner que jusqu’à con
currence de 52600 francs.
Qu’on compare maintenant l ’état des ventes qui ont
été faites depuis 176 2 , par les sieur et dame de SaintMarcel, conjointement ou sépai'ément, et antérieurement
à la vente du domaine de Chaspuzac, on voit par l’état
des ventes, signifié le 3 fé v r ie r 179 2, état infidèle dont
on a relevé les omissions avec exactitude,
i° . Une vente par la dame Saint-Marcel,
d’un cliamp compris dans la donation , au
prix de sept cents francs, en faveur de Jean
Arnaud, le 27 juin 176 2 , ci.........................
700 fr.
20. A u t r e v e n t e d e la m ê m e a u m ê m e ,
^ le 29 août 1762, au prix de cinq cent qua
rante francs, c i ..................................................
30. A u tre vente sous seing p rivé, par la
dite dame, en faveur de M . Raymont, prêtre,
le 16 octobre 176 2, au prix de huit mille
francs, c i ..............................................................
540
8000
Nuta. P l u s , une somme de deux cent
cinquante fr. pour épingles, ainsi qu’il est
prouvé au procès, ci........................................
4°. Autre vente de deux prés, par la dame
Saint-Marcel, en faveur de Marie Enjolras,
949° fr.
�C 22 )
D e Vautre y a r t....................
949 ° fr-
veuve Gallien, le 7 décembre 1762, au prix
de deux mille francs ( P ic lio t , notaire ) ,
ci............................................................................
5°. A u tre vente par la même, à Claude
Bernard , le 2 5 avril 1763 , au prix de
six cents francs, c i ......... .................................
6°. V ente par M . Saint-Marcel, au sieur
B r u n e i, le 5 septembre 17 6 3 , au prix de
2000
six cents francs, c i ...........................................
7 0. A u tre vente par le sieur Saint-Marcel,
à un sieur V incent, le 4 novembre 1763 ,
au prix de trois mille deux cents francs, ci.
8°. A u tre vente par M . Saint-Marcel, à
Jean V ianis, de plusieurs fonds à Farreivoles, le 11 décembre 1762 (V a le tte , no
t a i r e ) , au prix de quatre-vingt-dix-neuf
600
francs, c i .............................................................
90. A u tre , par*lc même au m ême, d’ un
c h e z a l, le 1 5 mars 1763 (m êm e notaire ) ,
au prix de neuf francs, ci.............................
io °. A u tre, par le même au même, d’une
maison et grange à Fa rreivoles (même no
taire ) , au prix de cent francs, c i ........... .. .
110. A u t r e vente par M . de Saint-Marcel,
à V idal Masson , le 6 avril 1 7 6 4 , pour
seize cents francs, c i .........................................
12°. A u tre vente par le même, à J.-Pierre
600
3200
99
p
100
1600
17698 fr.
�C 23 )
C i-con tre. . ................
17698 fi<
B u rre l, le 28 août 1 7 6 4 , avec cession de
toute plus-value, au prix de trois cents f i . ?
C i ............................................................................................ ...
130. Autre vente à Jean-Pierre Sicard,
le i i mars 1765, pour trois cents francs, ci.
140. A u tre vente p ar le même, a Matthieu
R o u x , le 30 janvier 1770 ? pour six cent
•«
cinquante francs , c i .
...........................
i 5°. A u tre vente par les sieur et dame
Saint-Marcel, au sieur B ru n ei, le 21 avril
1765, pour sept cent cinquante francs, c i . .
160. A u tre , par le sieur Saint-Marcel, à
Pierre R o c h e , le 10 décembre 176 6, pour
trois cent quatre-vingt-quatorze francs, ci.
17 0. A u tr e , par le m êm e, à Hyacinthe et
Marie Rotidil, le 7 mars 1767 , pour quatre
cent quatre-vingts francs , c i .........................
180. A u tr e , par le sieur Saint-Marcel, au
sieur B runei, le 18 mars 1767, au prix de
sept cents francs, c i ............................................
190. A u tre vente -privée, par le m êm e,
le 23 mars 1768, à Jean-Pierre Pages, pour
quatorze cents francs, ci..................................
200. A u tre, à A ndré R o u x , du 13 novem
bre 1769, avec cession de plus-value, pour
cinq cent cinquante francs, ci.........................
2 i° . A u tr e , en faveur de la dame veuve
300
3° °
- 7 ^°
394
480
700
1400
55o
___
23222 fr.
�( M )
JDe Vautre p a r t....................
B o u lh io l, le 23 décembre 1 7 7 0 , au prix
de trois mille huit cents francs, c i ................
220. A u t r e , à Matthieu A l y r o l , le 21
janvier 1772 , pour quatre cent cinquante
francs, avec cession de plus-value, ci........
23'’. Autre, au sieur Flori, du 30 septembre
1771 , au prix de trois mille francs, c i . . ,
2 4 ° . A u t r e , au profit du sieur SaintM arcel, curé de l’Hôtel-Dieu, le 4 décembre
1 7 7 2 , pour sept mille huit cents francs, ci.
25°. A u tr e , au sieur Chaumel, le 21 mars
1 7 7 3 , pour neuf cent cinquante francs, ci.
26°. A u t r e , à Louis B le u , le 1er. décernbre 1 7 7 6 , pour quatre-vingt-seize f r . ,
ci...................................................... ......................
27 0. A u tre vente privée, au sieur F lo ri,
23222 fr.
3800
4^0
3000
7800
960
96
le i er. décembre 1 7 8 1, pour quatorze cents
francs, c i ........................................................... ..
1400
28°. A utre, du 8 novembre 1782, au prix
de cinq mille six cents francs , c i ................ 56 oo
290. A u tre , du 19 avril 1786, pour quatre
400
cents fran cs, c i ......... ........................................
30°. Expédition du jardin d eV ien n e, par
le sieur Saint-Marcel, au sieur de Boissieu,
son gendre , le 28 mai 1788 , pour trois
t
mille cinq cents francs, c i .............................
3600
31°. Délaissement de fonds par le sieur
50218 fr.
�( 25 )
C i-con tre.......................
St.-Marcel, en faveur du syndic de l’hôpital
du P u y , le 6 novembre 1782, au prix de
trois cents fr., avec promesse que les pauvres
assisteront i\ son décès, ainsi qu’est d usage
d’y assister lors du décès d’ un bienfaiteur,
ci.............................................................................
5 o 2 i 8 fr.
300
320. Autre délaissement de fonds, par le
même , en faveur du directeur de 1 HotelD ieu , le 9 février 1783, au prix de quatorze
cents francs, c i ..................................................
1400
T o t a l .............................................
5 i9 i 8
fr.
À
Qu’ on ajoute les 3000 f r . , montant du legs fait a la
dame Saint-M arcel, le 5 février 1 7 7 3 » e*- recueilli Ie 170 t«. 1 3 - n i 7 /_ —
décembre suivant, l’on verra qu’il y avoit entre les mains
J2.
du sieur de Saint-Marcel, -5^yt 8 -fr. pour f<nre face aux
dettes exigibles de son vivant^
Par quel inconcevable caprice le sieur Saint-Marcel
a-t-il donc vendu le domaine de Chaspuzac ? L e sieur
Souteyran , sous le nom du sieur Saint-M arcel, voulut
justifier cette vente, en donnant un état des prétendus
payemens faits par le sieur S a in t-M a rc e l, et qu’il fait
porter à la somme de 76619 fr. •, de sorte que m ê m e en
«joutant le prix de la vente de Chaspuzac, le sieur SaintMarcel se trouveroit encore en avance.
, ,
M a i s de quel droit le sieur S a i n t - M a r c e l se seroit il
permis de payer des prétendues dettes non c o m p i is e s e n
l’état fait double entre son gendre et lu i ? d un a u t ie côte,
comment ces payemens sont-ils justifies? la ph*Pa it p^ï1
�(
)
des quittances sous seing p r i v é , qui n’annoncent que des
dettes fictives ou des dettes postérieures au contrat ; par
des remboursemens de capitaux aliénés à titre de rentes
constituées avec toutes retenues ; dettes qui ne pouvoient
exiger l’aliénation des immeubles. Ce seroit de la part
du sieur de Saint-Marcel la plus mauvaise administra
tion , s’il eût été propriétaire : c’est un mandataire infi
dèle , qui a excédé ou abusé de son mandat, dès qu’il
n’avoit qu’un titre précaire.
D e v o it- il encore aliéner des immeubles pour remLoui’scr à la dame Saint—J uIicj , sa fille , un capital qui
ne produisoit aucun in té rê t, qui n’étoit exigible qu’un
an après son décès, qui par conséquent n’étoit pas sa
dette personnelle? C ’est à sa iille de Boissieu qu’il devoit
laisser ce soin ; c’est elle seule qui étoit chargée de cc
remboursement.
L e sieur de Saint-Marceljétoit d’autant moins excusable,
qu’indépenàamnient des sommes provenues des ventes
multipliées qu’il a faites, il avoit encore tous les effets,
meubles et bijoux de la dame Arcis , son épouse, qui
avoit joui de ses biens aventifs considérables, puisqu’elle
avoit recueilli la succession de la dame Bossolade, sa
m ère, et de deux oncles. L e sieur de S a in t-M a rce l ne
s’ é t o i t - i l pas réservé encore ses contrats, les arrérages
des rentes, des baux de ferme, toutes ses dettes actives?
N ’étoit-il pas plus naturel d’utiliser ces objets , de les
vendre, et eu employer le prix à l’acquittement des dettes?
Toutes ces circonstances établissoient que la vente du
d o m a i n e de Chaspuzac avoit été faite sans nécessité comme
sans cause; qu’elle étoit le fruit de l’intrigue, de la pré-
�( 27 )
vcntion et de l’artifice; qu’elle avoit été Consentie par
une personne incapable ; que dès-lors elle devoit être
déclarée nulle.
Les sieur et dame Saint-Clément donnoient une nou
velle force à ces moyens, en argumentant de la vilité du
prix de cette vente. Cette vilité est démontrée par les
baux de ferme. O n voit en effet que ce domaine étoit
affermé sous la réserve du bâtiment du m aître, de tous
les bois pins, de toutes les plantations qui sont autour
¿es propriétés, et du verger qui environne les bâtimens,
moyennant 5oo francs argent, vingt-deux setiers seigle,
de seize cartons le setier ; quatre setiers o r g e , même
mesure; huit cartons de pois blancs, cinquante livres
beurre, et cinquante livres de fromage, quatre paires de
chapons, dix-huit livres chanvre, deux charges de raves,
d une charge pommes de terre, le tout portable au P u y ;
dix journés de bœufs , la moitié de la tonte des arbres ,
tous les plançons à planter par le ferm ier, le chauffage
a la ville et à la campagne.
Si on ajoute qu’à l’époque de la vente la dîme étoit
suppi im ee, on verra qu’un domaine qui rapporte plus
de 2000 francs de revenus n’a été vendu, le 21 octobre
I 79 I j que 21100 fr. assignats, n’a été estimé, le 14 mai
I 79 2 ? qu’ une somme de 21427 fr, assignats, q u i , d’après
1 échelle du tem ps, donne la somme de 14784 liv. 12 sous
en numéraire.
après ces détails , ilsembloit que la n u l l i t é delà vente
ne pouvoit faire la matière d’un doute : cependant la
cause portee à l’audience du tribunal du P u y , le 12
m;u i 8o7 , les siçur et dame S a i n t -Clément ont sncD 2
D
�(
2
8
)
combé. l î est indispensable de connoître les motifs et
le dispositif de ce jugement. Les premiers juges posent
trois questions.
i° . L e sieur de Saint-Marcel a-t-il été autorisé, en exé
cution des clauses insérées au contrat de mariage des sieur
et dame de Boissieu, à vendre le domaine de Chaspuzac?
2 °. L ’opposition faite de la part des mariés de Boissieu
et Saint-Marcel peut-elle être considérée comme un moyen
suffisant pour opérer l’annullation de la vente?
3°. Cette vente peut-elle êti’e considérée comme faite
à v il p r i x , en ce qu’elle n’a pas été précédée d’ une
estimation contradictoire avec les parties intéressées; et,
sous ce rap port, doit-elle être déclarée n u lle ?
« Attendu qu’il résulte des clauses insérées au contrat
« de mariage du sieur Salvaing de Boissieu , et de dame
« Marie-Françoise-Louise de Saint-Marcel, qu’il fut con« venu entre les parties contractantes, que le sieur de
«
«
«
<f
«
«
«
«
«
«
«
Saint-Marcel et son épouse, donateurs, aïeuls des demandeurs , auroient la faculté de vendre les domaines,
champs et vignes spécifiés au contrat de mariage,
parmi lesquels se trouve compris le domaine de Cliaspuznc , vendu au sieur Souteyran ,
o
i n. Pour le payement de la somme de 9000 francs,
restée due au sieux- de Boissieu, pour la constitution
de dot de son épouse; 20. pour la somme de 12600 fr.
du premier payement de la dot de la dame SaintJu lien , outre ceux qui écherront à l’avenir; 3°. pour
les autres dettes passives des donateurs; 40. pour la
réserve de 12000 francs faite par les donateurs, à
« la charge que les ventes seroient faites à leur juste
�« valeur et sur le pied de l’estimation ; à la chaige encore
« d’en rapporter un légitime em ploi, de conformité à
«l’état connu des parties;
.
« Attendu qu’il est indifférent que le domaine de
« Chaspuzac ait été rappelé le dernier des ° je s
« vendre, puisqu’on n’avoit pas obligé les donateurs
« l’aliéner qu’après avoir épuisé les autres héritages rap« pelés en ordre a n t é r ie u r e m e n t ; q u ’il étoit par conse« quent libre à ces derniers de vendie le domaine contei
« tieux avant les autres objets dont l’aliénation etoit
« autorisée ;
« Attendu qu’il résulte de la combinaison des clauses
« insérées au contrat de m ariage, avec 1 état connu es
« parties dont il y est fait mention , que les donateurs
« pouvoient aliéner des biens dependans de leur patii
« m o in e , jusqu’à concui'rence, i° . d’une somme de
« 4960 0 fr. ; 2°. (le celle de 9000 francs , pour reste de la
« dot d e là dame de Boissieu; 3°. de celle de 1200 fr.
« pour la réserve stipulée par les donateurs; 40. enfin
« pour la somme de 4000 francs additionnée à l’effet
« connu des parties, ain si que les demandeurs en
« conviennent ;
« Que ces diverses sommes s’élèvent à celle de 74 6 0 0 fi.
« Attendu que d’après les états produits des ventes,
0 le prix total d’icelles ne s’élevoit p as, lors de la vente
« de Chaspuzac, à beaucoup pi’ès, à la s u s d i t e somme
« de 74600 francs; que dès-lors , en exécution du conlia
« de mariage, l e s . donateurs ou l’un deux étoient auto« risés à vendre le domaine contentieux , poui p u venir
« au payement des dettes dont étoient g r e v é s les biens par
« eux donnés ; qu’en supposant qu’après les dettes payées,
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( 30 )
il se fût trouvé de l’excédant, la vente du domaine
n’en seroit pas moins v a la b le , puisque les vendeurs
n’auroient été obligés que d’en faire un e m p lo i, ou
de placer cet excédant en mains sûres, du consentement des donataires ;
« Attendu qu’on ne peut pas soutenir raisonnablement
que les sieur et dame S a i n t -M arcel ne fussent autorisés à anticiper les termes de la dot de la dame de
Saint-Julien , puisqu’il résulte tant du contrat de mariage que de l ’état y m en tion n e, qu’il etoit libi'e aux
donateurs de vendre j u s q u ’ à concurrence de 20ooo fr.
qu’ils restoient devoir pour cet objet, et qu’on ne
les avoit restreints par aucune clause prohibitive dans
ce même contrat, à attendre l’échéance de tous les
termes de la constitution
de dot y;
«
« Attendu qu’il seroit également injuste de prétendre
« qu’il devoit se faire une compensation du produit des
«
«
«
le
«
«
«
ventes des biens de la dame de Saint-M arccl, faites
par son mari antérieurement au contrat de mariage
des sieur et dame de Boissieu, avec la réserve stipu
lee au contrat d’une somme de 12000 francs , puisqu’il
résulte de l’esprit et de la lettre de ce dernier contrat
que les donateurs avoient entendu n’être pas recherchés
à raison desdites ventes par les donataires.
« En ce qui touche l’opposition faite par les mariés
« de Boissieu et Saint-Marcel, envers la vente du domaine
a de Chaspuzac ;
« Attendu qu’étant établi que le sieur de Saint-Marcel
« étoit suffisamment autorisé à vendre le domaine con« tentieux, et qu’à l’époque de la vente les dettes dé« clarces tarit dans le contrat de mariage que dans l’état
/
/
�( 31 )
« y énoncé, n’étant pas entièrement payées, on doit né
cessairement convenir que l’opposition dont il s’agit
ne devoit pas arrêter la vente du domaine, et qu’ainsi
cette opposition ne sauroit être un motif suffisant pour
constituer l’acquéreur en mauvaise fo i, et opérer la
nullité de la vente.
« En ce qui touche le moyen de nullité proposé sur
la vilité du prix de la vente, et du défaut de l’esti
mation préalable faite contradictoirement de l’objet
dont il s’agit;
« Attendu qu’en supposant qu’il y eût de l’irrégula
rité quant au défaut d’estimation, et que la vente eût
ete faite à vil prix,.ces deux circonstances ne sauroient
en faire prononcer la nullité ; que les demandeurs ne
pourroient tout au plus qu’être reçus à faire procéder
à une nouvelle estimation , eu égard à la valeur de
l’objet vendu à l’époque du-contrat de ven te, pour
en réclamer l’excédant, si toutefois il étoit établi qu’il
n’a pas été vendu à sa juste valeur.
« D ’après ces motifs , le tribun al, faisant droit aux
conclusions prises par M e. Souteyran, sans avoir égard
à celles prises par les demandeurs, non plus qu’à l’op
position faite par les sieur et dame de Boissieu, à la
vente du domaine de Chaspuzac, les a démis de leur
demande en nullité de la vente par fin de non-valoir;
ce faisant, a maintenu M«. Souteyran dans la propriété
et jouissance du susdit domaine; demeurant néanmoins
lé se rjé aux sieur et dame de Saint-Clément de faire
procéder, si bon leur semble, à leurs frais avancés,
1 estimation du susdit domaine, eu égard à sa valeur
�( 32 )
« à 1 époque du contrat de vente, et ce par experts con« venus ou pris d’office : les condamne en tons les dépens
« tant envers le sieur Souteyran qu’envers le curateur à
« l’hoirie vacante. »
Cette rédaction n’est pas un effort de génie; elle est
un tissu d’erreurs et d’absurdités. Les sieur et dame de
Saint-Clément n’ont pas hésité à en interjeter appel. Ils
vont démontrer que ce jugement a tout à la fois consacré
l’injustice, et violé les principes les plus connus.
C ’est dans le contrat du 8 juin 1762 qu’il faut chercher
la solution des questions à juger. Les premiers juges disent
qu’ils en ont combiné les clauses , qu’ils ont apprécié
Tesprit et la lettre de ce contrat, et que le résultat est
tout en faveur du sieur Souteyran. Il s’agit donc d’analiser
cet acte, qui ne laisse point de louche dans son interpré
tation.
Il contient d’abord une donation entre-vifs, irrévocable
et dotale, au profit de la dame de Boissieu, de tous les
biens meubles et immeubles, présens et à v en ir, des sieur
et dame Saint-Marcel, donateurs.
Cette donation emporte dessaisissement actuel de tous
les biens présens, puisqu’elle est accompagnée de la tra
dition la plus ordinaire, la réserve de Cusufruit au profit
des donateurs.
A la vérité , elle est tout à la fois de biens présens
et à ven ir, ce qui nécessite la survie du donataire pour
en calculer les effets, mais n’emporte pas moins la tra
dition de tous les biens présens ; puisque le donataire,
comme on le sait, a le droit d’abdiquer à la mort du
donateur les biens à v e n ir, pour s’en tenir aux biens
présens.
Au
�( 33 )
A u moyen de cette abdication, le donataire a le droit
de conserver la propriété de tous les biens qui existoient
lors de la donation, sans autre charge que de payer les
dettes antérieures à cette môme donation.
Tels sont les principes certains en cette matiere, con
sacrés par l’ordonnance de 1731.
Les sieur et darne de Saint-Clém ent, par représen
tation de la dame de Boissieu , leur m ère, o n t déclare ,
au moment de l’ouverture de la succession du sieur Saint"M a rc e l, qu’ ils abdiquoient les biens à v e n ir , pour s’en
tenir aux biens présens : les voilà donc irrévocablement
propriétaires de tous les biens qui existoient le 8 juin 1762.
11 est vi'ai que lors de ce contrat de mariage les dona
teurs se sont réservé,7*nonobstant la donation ,* la faculté
de vendre certains biens qui en faisoient partie.
Mais cette faculté exorbitante est subordonnée à des
conditions et à des causes disertement exprimées , et dont
il etoit impossible de s’écarter : dicta lex est contractui.
Dans un contrat de m ariage, tout est à l’avantage des
époux ; tout doit être largement et libéralement inter
prété pour eux : le père lui-même est présumé s’être
conduit avec des intentions libérales pour l’avantage de
ses enfans ; et tout ce qu’il a fait ou voulu faire est
toujours censé en leur faveur.
Les conditions apposées à la vente ne sont pas des
conditions potestatw es, elles sont irritantes. On ne peut
séparer la faculté de la condition; l’une ne peut subsister
sans l’autre. Tels sont encore les principes généraux.
O r , peut-on dire que la fa c u lté de vendre, réservee
dans le contrat de mai’iage de la dame de Boissieu, soit
E
�( 34 )
une faculté absolue et illimitée ? N ’est-il pas évident,
au contraire , qu’elle est restreinte à un objet prévu ,
passé ou présent, c’est-ù-dire, le payement des dettes
contractées antérieurement à la donation, et qui existoient
alors ? Dans ce cas, l’événement ou la cause étant déter
miné , la condition en est inséparable ; elle anéantit ou
fait subsister la faculté , sans qu’elle puisse être étendue
d’un cas à un autre. Conditio in prœteritum non tantum
in prœsens tempus rela ta , statim a ut peremit obligatio n em , ant omnino non diff'ert. L . 100, ff. Ü ü verb.
obligat.
En effet, les sieur et dame de Saint-Marcel ne se ré
servent la faculté de vendre que pour certains objets :
i°. pour le payement de la somme de gooo francs, qui
faisoit le complément de l’avancement d’hoirie de la
dame de Boissieu ; 2°. pour la somme de 12600 f'r. due
à la dame de Saint-Julien, et pour acquitter les autres
dettes passives des donateurs.
Si le montant de ces dettes passives n’est pas exprimé
au contrat, c’est parce qu’il est dit et répété que cet état
est connu des parties. On voit en effet que le même
jour cet état a été donné au sieur de Boissieu, et que
les père et mère ont certifié qu’il étoit le même que celui
dont il a été fait mention dans le contrat de mariage,
et auquel on s'oblige de se conformer.
Si les père et mère, en se réservant la faculté de vendre
pour acquitter le premier terme de la dot de la dame
Saint-Julien, ont ajouté ces mots : Outre ceux q u i écher
ront à l'a v en ir, ils n’ont pu nécessairement entendre
que le premier terme qui devoit échoir un an après la
�( 35 )
mort du premier d’entr’e u x , c’est-à-dire, ioooo francs :
il est impossible qu’ils aient eu en vue celui qui ne devoit
être payé qu’après le décès du survivant. Cependant on
v o it, dans l’état annexé au contrat, qu’ils y ont compris
ces deux termes; e t, malgré cette cumulation, l’état des
dettes ne se porte qu’à 49600 francs.
Ce seroit donc donner une grande latitude à la faculté
reservée, que d’autoriser les ventes jusqu’à concurrence
de 49600 francs, en les employant à l’acquittement de
ces dettes connues.
Mais encore à quelle condition devoient être faites ces
ventes ? Suivant le co n tra t, on ne pouvoit les faire
qu’avec délégation aux créanciers; ët la plupart des ventes
ne contiennent aucune délégation.
Les sieur et dame de Saint-Marcel ne pouvoient vendre
les immeubles qu’à leur juste valeur, et sur le pied de
I estimation : partout il y a vilité de p r i x , et jamais on
n’a pris la précaution de faire estimer.
Les donateurs devoient rapporter un légitime em p lo i,
de conformité à l’état connu des parties, et aucun acqué
reur n’a veillé à cet emploi.
La première somme qui devoit être acquittée étoit
celle de 9000 francs, servant à compléter l ’a v a n c e m e n t
d hoirie de 20000 francs, constitué à la dame de Bois
sieu; et le sieur de Boissieu n’a jamais reçu cette somme;
II n’a touché sur celle de 20000 francs', c o n s t i t u é e en
avancement d’h oirie, qu’une somme de 12000 francs,
en payemens m orcelés, o u , comme il le dit, et comme
e Pkre en convient dans ses lettres, à parties brisées.
yns le contrat on désigne par ordre les immeubles
E 2
�( 36 )
qui doivent être vendus. L e domaine de Chaspuzac est
le dernier qui peut l’être : il faut épuiser tous les autres
avant d’en venir à celui-ci; et cependant il a été vendu,
tandis que les autres, notamment O rzü la c, un des pre
miers désignés, est encore existant dans la succession.
Les premiers juges, à la vérité, sont peu touchés de
cette circonstance. Peu im p orte, disent-ils, que Chasp uzac soit le premier ou le dernier; il auvoit fallu une
prohibition expresse d’aliéner celui-lu avant les autres;
et comme il n’existe pas de clause de ce genre, le sieur
de Saint-Marcel a pu faire comme il lui a plu.
C ’est étrangement raisonner. Il n’y a rien d’inutile dans
un contrat de mariage. N ’est-il pas raisonnable de penser
que lorsque les donateurs se sont réservé la faculté de
v en d re, ils ont dû d’abord penser aux objets les moins
importans et les moins précieux? Et ils ont bien claire
ment stipulé que le domaine de Chaspuzac ne pourroit
être vendu que le dernier, par ces expressions limita
tives, et finalem ent : ce qui veut dire, en bon français,
qu’une'chose doit être fajte avant l’autre; c’est-à -d ire,
que les premiers immeubles désignés doivent être épuisés
avant d’en venir au dernier. .
En un m o t, les pèi’e et mère donateurs n’avoient plus
sur les biens donnés qu’un titre précaire : s’ils en conservoient l’administration par leur réserve d’usufruit, ils
ne pouvoient plus en disposer à titre gratuit.
S’ils se sont reserve la f a c u l t é de vendre une portion
de ces biens donnés, ils se sont imposé des conditions
dont ils n’ont pu s’écarter. Ils ne pouvoient aggraver la
condition des donataires, sans manquer à la foi promise.
�C 37 )
Ils sont devenus de simples mandataires, les procureuis
constitués de leur fille, et ont dû se renfermer dans leur
mandat. Personne n’ignore que le mandataire qui a ex
cédé ses pouvoirs, ne peut engager le mandant : la loi 10,
au cod. D e p ro cu r, en a une disposition expresse. ^
Quelle étoit la charge des mandataires ? Us devoient
vendre pour cause légitime ; ils devoient déléguei le p iix
des ventes aux c ré a n c ie rs connus •, ils devoient iaiie un
emploi des deniers -, ils devoient vendre les immeubles
à leur juste valeur, et sur le prix de l’estimation. Toutes
les ventes sont faites sans délégation, sans em ploi, sans
estimation ; donc toutes les ventes sont nulles.
Celle consentie au sieur Souteyran a des ciiconstances
particulières auxquelles l’acquéreur ne peut échapper.
Il a connu le vice de son acquisition; il a été aveiti de
l ’incapacité du vendeur; il a acheté sciemment un procès j
comment p o u rro it-il donc résister à la demande en
nullité ?
Il faut se rappeler que les sieur et dame de Boissieu
avoient été prévenus des manœuvres pratiquées auprès
du sieur de Saint-Marcel par le sieur Souteyran père,
pour se faire vendre le domaine de Chaspuzac.
Les sieur et dame de Boissieu, pour l’é v ite r , firent
notifier une opposition au sieur Souteyran , le 3 1 mars
1 7 9 1, et lui donnèrent copie du contrat de mariage , du
8 juin 1762 , qui étoit le pacte de famille.
Par cette notification , les sieur et dame de Boissieu
apprenoient au sieur Souteyran que le sieur Saint i
étoit dans l’incapacité d’aliéner ; qu’il »voit épuisé la
�( 38 )
quotité permise ou réservée, et que désormais toute vente
par lui consentie seroit absolument nulle.
La première idée que devoit faire naître cette décla
ration , surtout à un homme d’affaires, étoit d’abandonner
tout projet d’acquisition.
En effet, c’étoit acquérir un procès; c’étoit entrer en
litige sur le fo n d du d ro it, puisqu’on contestoit la capa
cité du vendeur.
A u m oins, si on ne v o u l o i t pas acheter de procès,
devoit-on, avant tout, faire statuer sur l’opposition qui
avoit été formée par le sieur de Boissicu : les tribunaux
en a u r o i e n t apprécié le mérite. C ’étoit un procès de fa
mille une discussion qui nécessiloit l’examen des droits
du s i e u r de S ain t-M arcel, de l’état des ventes par lui
faites, des dettes par lui payées; en un m o t, des affaires""
les plus secrètes de l’intérieur de cette fam ille, dans les
quelles le sieur Souteyran ne devoit pas pénétrer.
Mais celu i-ci croit pouvoir tout braver. Un procu
reur qui a de l’empire sur son c lie n t, le détermine à lui
v e n d r e , pour avoir le droit de plaider le surlendemain, ,
e t d’entamer un procès qui dure depuis cette vente. Aussi
voit-on le plaisir qu’avoit le sieur Saint-Marcel d’avoir
si bien choisi son acquéreur. Par une première lettre
du 27 octobre 1 7 9 1 , le père écrit à sa fille qu’ il a dé
pouillée deux jours auparavant, q u 'il lu i sera f o r t a isé
de fa ir e valoir cette vente.
Plusieurs lettres ensuite, des 5 , 9 , 1 9 , et jours snivans
dii mois de
novem bre,
portent « q u ’il a fait cette vente
« pour se libérer envers sa fille d’une somme de 12000 f . ,
�( 39 )
quoique non payable q ua p rès l u i , qu’il a bien voulu
gi'atuitement lui payer, parce q u i l lu i a plu a in si ;
que sa fille et son gendre se souviennent qu’ils auront
affaire cï un hom m e de loi entendu, q u i saura bien
donner au contrat de vente toute l ’authenticité et
valeur qu’il mérite. »
Dans une autre il écrit que « les sieur et dame de
« Boissieu auront affaire à un homme de loi q u i les
« mènera dur • que de son côté il a tant de moyens
« de faire repentir M. de Boissieu de tout ce qu’il a osé
« entreprendre, qu’il en sera toujours la d up e, et en
« payera la façon. »
L e sieur Souteyran donne bientôt cette satisfaction à
son vendeur, puisque le surlendemain il assigne le sieur
de Saint-Marcel pour faire valoir la vente , donne son
gendre pour avoué au sieur de Saint-Marcel, et fait mettre
en cause les sieur et dame Boissieu.
Mais cet hom m e de l o i , q u i d e v o i t si b i e n s a v o i r son
métier, qui devoit donner à cette vente une s i grande
«
«
«
«
«
«
authenticité et v a leu r, qui avoit sous les y e u x le contrat
de mariage de 1 7 6 2 , s’aperçoit cependant qu’il ne s’est
pas conformé aux clauses du contrat, et que la vente est
nulle.
Il croit réparer sa faute en dérogeant à cette vente
par un acte postérieur, et en faisant estimer pour la forme
le domaine qu’il venoit d’acquérir. Mais s’il s a v o i t si
bien son m étier, comment n’a-t-il pas vu que cette esti
mation devoit être contradictoire avec les sieur et dame
Boissieu ; qu’elle ne pouvoit etre faite amiablement, sans
form alité, et par un seul expert. O n ne voit là que ma-
�( 4° )
la dresse , embarras d’ un liomme incertain , comme on
l ’est toujours quand 011 achète un procès ; et le sieur
Souteyran a évidemment trompé le sieur de Sainl-Marccl
dans son attente.
Cet homme de loi si instruit croit justifier d’un em ploi,
en payant à la dame de Saint-Julien une somme qui ne
lui étoit pas due; en faisant porter le surplus du prix
sur une réserve qui ne devoit être prise que sur les
biens à v en iri et il étoit échu des biens depuis la do
nation , notamment le legs de 3000 fr. de la dame veuve
Calmar.
Cet hom m e de lo i ne s’est pas dissimulé le vice de
son acquisition, puisqu’il a essayé de le réparer : il
s’est jugé lui-même; comment donc pourroit-il échapper
ù la nullité ?
Il
étoit homme de lo i; le sieur de Saint-Marcel étoit
son client ; il a acquis un procès : il y avoit contestation
sur le f o n d du d r o it, puisqu’on attaquoit la capacité
du vendeur. La chose étoit donc litigieuse, d’après l’art.
1-700 du Code N ap oléon , qui ne fuit, en ce p o in t,
que rappeler les anciens principes. L e sieur Souteyran
n’a donc pu acquérir ; sa vente est réprouvée par les
lois anciennes et nouvelles. Les lois P e r d ¡versos mettent
au dernier rang de la société ceux qui achètent des procès;
l ’article 54 de l’ordonnance de i 56o défend à tous juges,
avocats, procureurs, d’en acquérir. Colle prohibition est
renouvelée par l’article 1697 du Code Napoléon. Et
ce n’est point ici le cas d’une subrogation; c’est un vice
radical, qui entraîne la nullité de la vcnle : il y a iucapacité absolue de la part de l’acquéreur.
Le
�( 41 )
L e sieur Souteyran ne justifiera jamais cette acquisition.
Quels sont en effet les moyens qu’il a proposés pour
sa défense ? O n les trouve répétés dans les inotifs du
jugem ent, qui les a adoptés dans leur entier.
Il
prétend, i ° . que les père et m ère, lors du contrat
de mariage de 1762 , stipulèrent la faculté de vendre et
aliéner les immeubles y désignés, parmi lesquels on trouve
le domaine de C haspuzac ,• il en tire la conséquence
que la propriété de cet immeuble ne quitta jamais le
donateur; et si le sieur de S a in t-M a rce l a voit ju s in
7'c , pourquoi le sieur Souteyran père n’auroit-il pas
acquis?
L e sieur Souteyran, en proposant ce moyen , ne s’aper
çoit pas qu’il commet une erreur évidente. La donation
portée au contrat de mariage de 1762 est universelle; les
donateurs ne se réservent que l’usufruit, ce qui est une
tradition feinte qui emporte le dessaisissement de la pro
priété : et si les donateurs conservent.la faculté d’aliéner
certains im meubles, ce n’est que comme mandataires de
leur f ille , et en remplissant toutes les conditions qu’ils
se sont imposées.
L e sieur Souteyran rit de l’opposition qui a précédé
la vente ; il trouve plaisant que les appelans aient la
prétention de penser qu’avant d’acquérir le domaine de
Chaspuzac il auroit fallu faire statuer sur l ’o p p o s itio n :
le sieur Souteyran ne trouve aucune loi qui l’y ait oblige.
Il semble cependant que la loi se trouvoit dons le contrat
môme qu’il avoit sous les yeu x; qu’ un donataire universel
a lè droit de s’opposer à ce qu’on vende les objets qui
font partie de la donation. L e contrat fait la loi des parties :
F
�( 42 )
dicta lex est contractai. S’il restoit des dettes à acquitter,
le sieur de Boissieu n’avoit-il pas le droit d’arrêter les
ven tes, en offrant de payer les dettes ? Son opposition
avoit pour objet de prouver qu’il n’existoit pas de dettes,
et que la faculté de ven d re, réservée par le contrat, étoit
absorbée.
L e sieur Souteyran répond à cet argument, en disant
que M . de Boissieu s’appeloit Monsieur court d’argent;
qu’il avoit été obligé de stipuler dans son contrat la
permission honteuse d’aliéner des immeubles de son
épouse ; que lui Souteyran avoit prêté 3000 francs au
sieur de Boissieu, en 1780, et avoit été obligé de lui
envoyer les huissiers.
Ce n’est là qu’une grossièreté qui ne répond ni au
point de fa it, ni au point de droit. Tous les jours on
voit dans les contrats de semblables permissions d’aliénei*,
sans qu’on ait jamais regardé des clauses de ce genre
comme honteuses. Elles sont plutôt des clauses de con
venance , pour faciliter des reviremens de fortune , et
annoncent au contraii'e une grande confiance dans la
solvabilité du m ari.
L e sieur Souteyran veut prouver la légitimité de cette
vente, par l’état des ventes précédentes, et des payemens
qui o u i été faits par le sieur de Saint-Marcel. Mais on
a vu au contraire, par ces états, que le sieur de SaintMarcel avoit abusé de la permission , et excédé son
mandat, p u i s q u ’ il avoit vendu au-delà des sommes portées
en l’état donné au sieur de Boissieu, le jour du mariage;
état qui se réfère sut contrat , et ne fait qu un seul et
même acte.
�( 43 )
L e sieur Souteyran approuve le sieur de Saint-Marcel
d’avoir anticipé le payement de la dame de Saint-Julien,
comme d’avoir pris les 12000 francs de sa réserve. L e
contrat lui en donnoit le droit; et s’il avoit pris un terme
avec la dame de Saint-Julien , c’étoit un avantage qui
lui étoit personnel ; il étoit le maître d’en user sans que
la dame de Boissieu pût s’en plaindre. Mais comment
accorder cette proposition avec ce qui est exprimé dans
l ’état, que la somme de 25 ooo francs due à la dame de
Saint-Julien , est payable a u x termes portés p a r son
contrat de mariage. Telle est la loi des parties. 11 ne
pouvoit y avoir qu’un seul terme exigible, c’étoit celui
payable un an après le décès du premier mourant. Ce
terme étoit échu depuis le 16 juin 178 5; il étoit payé
depuis le mois de novembre 1784, ainsi que la quittance
en fait foi : le payement du surplus, fait à la dame de
Saint-Julien, n’a donc pas été une cause légitime de
vente , ni un légitime emploi ?
L a réserve ne devoit être prise que sur les biens à
venir, et il en étoit échu de cette nature : on ne pouvoit
donc vendre pour cet o b je t, sans avoir épuisé les pre
miers. D ’ un autre cô té, le sieur de Saint-Marcel avoit
déjà employé sur cette réserve, partie du p rix du jardin
de V ie n n e , qu’il avoit délaissé à son gendre : il l’avoit
ainsi exigé. Coinmentdonc a-t-il pu vendre ainsi p o u r cet
objet ? E n vain le sieur Souteyran diroit-il que le sieur
Saint-Marcel s’étoit réservé la faculté de disposer de cette
somme, tant à la vie qu’à la mort : en vain accuseroit-il
les appelans d ’a v o i r tronqué cette clause du co n tra t,
quoiqu ils aient fait imprimer le contrat en entier. Une
�( 44 )
disposition gratuite ne s’en lend ordinairement que pour
avoir effet après la mort. Auroit-elle dû avoir effet pendant
la v i e , que le sieur de Saint-Marcel devoit, dans tous
les cas, épuiser les biens a venir échus avant la dona
tion ; et c’est ce qu’il n’a pas fait.
L e sieur Souteyran prétend que les appelans usent dé
la chicane la plus rafinée, en soutenant que le domaine
de Chaspuzac ne pou voit être vendu que le dernier. L ’or
dre énoncé au contrat lui paroît la chose la plus indif
férente. L e sieur de Saint-Marcel a bien fait de garder
O rzilla c, qui est plus avantageusement situé que Chas
p u za c : d’ailleurs Chaspuzac a été vendu à son p r i x , et
le sieur Souteyran consentiroit même à une nouvelle esti
mation. Il se fait ensuite des complimens sur sa proposi
tion honnete et lo y a le, et termine par se répandre en
injures contre les sieur et dame de Boissieu, qui ont fait
mourir leur père insolvable. Comme il faut être consé
quent, il vante ensuite la fortune qu’il leur a laissée, en
faisant avec emphase l’énumération des immeubles qui
leur restent.
Cette diatribe ne vaut pas la peine d’une réponse. On
croit d’ailleurs' avoir prouvé , par ce qui précède, qu’en
effet le domaine de Chaspuzac étoit le dernier en ordre,
et ne pouvoit être vendu qu’après que les autres auroient
été épuisés.
Q u ’importe que ce domaine de Chaspuzac fût un patri
moine du sieur Saint-Maicel, des qu il 1 avoit déjà d on n é,
ou qu’il ne p o u v o i t vendre qu’à des conditions qu’il n’a
pas remplies? Si la dame Saint-Clément a déjà échoué
dans une demande en nullité de vente d’un bien dotal de
�( 45 )
la dame Saint-Marcel, le sieur Souteyran ne peut in vo
quer ce préjugé, puisqu’il y a appel en la cour de ce juge
ment qui choque ouvertement les principes, et qu’il y sera
nécessairement réformé.
O n ne doit pas passer sous silence l’énonciation qui se
trouve dans un des motifs du jugement. Il y est dit qu’il
avoit été additionné à l’état connu des parties une somme
de 4000 francs, et que les demandeurs en conviennent.
C ’est une fausse énonciation, qui ne peut être que le
fruit de l’erreur ou de la surprise. V oilà l’inconvénient
de laisser rédiger les jugemens par les parties intéressées.
Il n’y a aucune trace de cet aveu dans toute la procé
dure. Ce seroit d’ailleurs contre toute vérité, parce qu’il
n’y eut jamais d’addition à l’état annexé au contrat, et
remis au sieur de Boissieu. C ’est une allégation controuvée
du sieur Souteyran, et qui doit être effacée du jugement.
En résumant : les circonstances, les motifs de considé
ration , ainsi que les moyens de droit, tout se réunit en
faveur des sieur et dame de Saint-Clément. Ils réclament
le patrimoine de leur mère : ils n’en ont été privés que
par caprice ; et la cupidité des acquéreurs ne doit pas leur
profiter.
Signé S A U Z E T D E S A I N T - C L É M E N T .
M e. P A G E S ( d e Riom ) , ancien
a v o c a t.
M e. G A R R O N jeu n e, avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de
T h ib à u d - L a n d r io t , im p r im e u r
de la Cour d ’appel. — Avril 1808.
�
Dublin Core
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Factums Marie
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Salvaing de Boissieu, Marie-Ursule. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
abus de faiblesse
successions
Description
An account of the resource
Mémoire pour Dame Marie-Ursule Salvaing de Boissieu, et sieur Jean-Pierre Sauzet de Saint-Clément, son mari, appelans d'un jugement rendu au tribunal du Puy, le 9 mai 1807 ; contre Jean-André-Guillaume Souteyran, ancien avocat, intimé ; et encore contre le curateur à la succession vacante du sieur Pierre-Antoine Brunel de Saint-Marcel, aussi intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1735-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0507
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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abus de faiblesse
Successions
-
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2368609c44d58c6a947b05db130540c3
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Text
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M É M O IRE.
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�MEMOIRE
POUR
Joseph
A
D U B I N , P i e r r e M O U R G U Y E et G
a b rie lle
B A R E Y R I E , fem m e B A P T I S T A L , cu ltiv ateu rs,
habitant au village de M o n c e l, com m un e de SainteEulalie, appelans et défendeurs en p é rem p tio n ;
CONTRE
L e sieur A n d r é C A B A N E , se d isa n t ancien ferm ier
de La terre de S a in t-C h a m a n t, in tim é et dem andeur.
;
‘
7
'
L e sieur Cabane prend le prétexte d’ une pérem ption
pour poursuivre l’effet de plusieurs sentences féodales,
contre les appelans, qui cependant ont régulièrem ent
payé ce q u ’ils doivent eux-m êm es, mais que la pagésie
forcerait de p a ye r des sommes considérables p ou r les
cens de tout leur village.
i
�Ca )
L a révolution a éteint la pagésie et la féodalité; le
sieur Cabane l’avo u e : il avou e aussi qu’ une dem ande
en pérem ption d’appel a pour résultat d’obtenir la
confirmation de la sentence attaquée; d ’où il faudrait
conclure que si le législateur a annullé la sentence et
l ’appel , il s’ensuit nécessairement qu'il ne reste plus
de procès en pérem ption.
Mais ce n’est pas ainsi que raisonne le sieur Cabane.
Il dit que des sentences rendues au profit du seigneur
p e uven t n’être pas féodales ; que d’ailleurs il n’y a
procès que sur la pérem ption d ’ un a p p e l, ce qui est
un procès indépendant de l’appel ; d ’où il conclut que
la Cour doit juger la p é rem p tio n , sans s’inquiéter de
l’objet pour lequel on plaide.
V o ilà tout le systèm e que les appelans ont à co m
battre ; mais en prouvant q u ’il n ’y a ni pérem ption
de f a it , ni procès à ju g e r , ils se préserveront d’une
injustice criante qui aurait pour résultat de les forcer
à payer la dette d’a utrui, sans avoir aucun m o yen de
recouvrem ent.
FAITS.
L es agens du sieur de L ig n e ra c, seigneur de SaintCham ant et S a in t-M a rtin , formaient presque annuel
lem ent des demandes contre plusieurs censitaires, et
obtenaient sentences sur sentences.
Cette multitude de poursuites , gardées par devers
eux , n’est certainement pas une preuve de n on paiement. On sait que le moindre retard occasionnait
�(3)
des diligences, toujours en pagésie contre les prin
cipaux tenanciers, et toujours avec des réserves des
condamnalions précédentes.
L e 6 fevrier 1 7 6 4 , Gabriélle Berghaud et Louis
M o u rg u y e furent assignés à la requête du marquis de
L ig n e ra c, seigneur de S a in t-C h a m a n t, devant le juge
de Sain t-M artin , com m e tenanciers de tout ou partie
du village M o n c e l, pour payer audit seigneur trentehuit setiers seigle, trente setiers a vo in e , sept livres un
sou a r g e n t , e tc ., pour les cen s, rentes et droits sei
gneuriaux d u s a u d it seigneur, sur ledit v illa g e , par
reconnaissances solidaires, et c e , par chacune des trois
dernières années échu es, avec l ’intérêt : le sieur de
L ign erac termine par indiquer le paiem ent à faire
entre les mains du sieur C a b a n e, son ferm ier-g én éra l,
a vec réserve de tous autres dus, droits de lods, etc.
Sur cet ex p lo it, le juge du seigneur rendit une
sentence par défaut le 17 mars 1764. L e sieur Cabane
en rapporte une copie in fo rm e , et sans form e exécu
toire.
Aussitôt que les autres censitaires du village furent
informés de cette demande en pagésie qui allait re
tom ber sur e u x , ils s'en plaiguirent. O n voit par une
requête du 17 mai 1 7 6 6 , que les nom m és L a b ru n e ,
A lz ia c , Louis Berghaud et M e y lia c articulèrent avoir
p ayé exactement leurs cens au sieur Cabane , qui
endossait leurs paiemens sur les liéves sans donner de
quittances; ils dem an dèren t, en c o n s é q u e n c e , p e r-
�( 4 )
mission de l ’assigner pour vérifier le fait; et leur donner
quittance des sommes par lui reçues.
Le
juge donna
une simple ordonnance portant
permis d ’assigner; et ce qui ne sera pas vu sans éton
nem ent , le sieur Cabane interjeta ap p el, au parlem ent,
de cette ordonnance d u 'j u g e , qui permettait de l’as
signer pour déclarer ce q u ’il avait reçu. C e ne serait
donc pas lui qui aurait obtenu les sentences qu’il s’ad
juge aujourd’h ui? car a u r a it- il; osé étouffer la voix
de ceux q u ’il poursuivait indirectement en la personne
de leurs co-paginaires.
>
L e 18 janvier 1 7 6 8 , Louis Bareyrie et Louis M ôurg u y e furent assignés à la requête du seigneur, pour p a ye r
solidairement les dernières années des cens du village. L e
29-février 1 7 6 8 , le juge du seigneur rendit une autre
sentence par d é fa u t, q u i'a d ju g e lesdites conclusions.
Elle est dans la m êm e form e que la précédente.
Pendant que ces poursuites étaient dirigées à la re
quête du seigneur, contre B areyrie et M o u rg u y e , il
en existait d ’autres contre François
D aub in en vertu
j
de sentences obtenues contre lui en 17 5 9 et 1 7 6 1 ,
pour la m êm e pagésie. Ses meubles et ses bestiaux
furent exécutés le 14 mars 1 7 7 1 , avec dép lacem en t,
toujours à la requête du seigneur.
L e 4 mars 1 7 7 4 , Louis M o u rg u ye et ledit Joseph
Daubin furent assignés en pagésie pour payer les trois
dernières années du ténem eut , toujours à la requête
du seigneur, et ils y furent condam nés par d é fa u t, par
sentence du 27 août 1774»
�l 5)
Ils ont été encore assignés en 177 8 e t 1 178 1 , et
condam nés par sentences des
19
décem bre
177 8
et 17 décem bre 178 1 5 toutes ces sentences sont sans
form e e x éc u to ire; la dernière seu le-est signée du
-greffier, maïs en seconde expédition. Il paraît que
ces mêmes sentences furent successivement attaquées
par appel porté à Salers ; aucune des parties n ’a les
procédures qui y furent faites.
L e 2 n ovem bre 1 7 8 4 ,
'
,
4e sieur C a b a n e , en qualité
de ferm ier générai des terres- pour lors appartenantes
a u sieur de L ig n e r a c , fit • signifier les sentences de
1 7 6 8 , 1 7 7 4 , 1 7 7 8 et 1 7 8 1 ’ à L ouis B a r e y r ie , Louis
M o u rg u y e et Joseph D a u b in , a vec som m ation de les
e x é c u te r, et assignation en liquidation des grains.
'
C e u x -c i1notifièrent au sieur C a b a n e , par exploit du
1 7 novem bre 1 7 8 4 , qu'ils persistaient dans l’appel déjà
interjeté des deux premières sentences, et q u ’ils inter
jetaient appel des d eu x d ern ières, co m m e n u lle s, in
compétentes et attentatoires à l’autorité de la sénéchaus
sée d ’A u vergn e , saisie de la contestation ; en consé
q u en ce, ils assignèrent le sieur Cabane à y p r o c é d e r ,
com m e se d isa n t ancien ferm ier et aux droits du sieur
de L ig n e r a c , tant pour lui que pour ledit s e ig n e u r ,
dont il prenait le f a i t et cause.
L e sieur Cabane se présenta, sur cet a p p e l, le 10
février 1 7 8 6 ; il dit que sa présentation ne fut suivie
d’aucunes autres procédures.
L e 1 3 août 1 7 8 8 , il demanda la pérem ption de
T a p p e l, et obtint sentence par d é fa u t, le 14 juillet
�(,6)
1 7 8 9 , qui prononça ladite pérem ption; le 4 août 17 8 9 ;
les B areyrie en interjetèrent appel simple au parlement.
O n ignore s’il fut pris des lettres de re lief sur cet appel,
et si le parlement fut saisi. L a révolution a d évoré
ou paralysé tout ce .q u i tenait aux matières féodales,
et il n'est pas surprenant , ni que la trace de ce qui
a pu exister soit ¿perdu, ni que toutes les parties aient
gardé le silence depuis 1 7 8 9 .
... :
..
L es lois de.r.793 ayant ;cc>ndamné aux flammes les
titres et sentences qui porteraient signe de féodalité
ou qui la renseigneraient, certainem ent le s.r Cabane
a dû s’y - c o n fo r m e r , ely.vpilà pourquoi il n ’a plus les
expéditions exécutoires des sentences du sieur de L i gnerac ; voilà ,pourquoi ne . réclam ant r ie n , pendant
vingt an s, contre des censitaires-qui avaient payé leur
item ré g u liè re m e n t, et qui ne devaient plus payer la
portion des autres, tous les d ocum ens, toutes les traces
de leurs procédures se sont perdues en presque totalité;
et aujourd’hui on veut qu’ils en soient victimes.
L e sieur Cabane s’est souvenu en 1809 de l ’appel
de 1 7 8 9 , et il a pensé que s'il pouvait l ’attaquer par la
pérem ption , il obtiendrait par cette voie indirecte une
confirmation de se n te n c e / q u e la C our ne pourrait pas
prononcer directement.
En con séquen ce, par exploit du 22 février 1 8 0 9 ,
le sieur C abane a assigné en la C our d’appel Joseph
D a u b in , et Louis M o u rgu ye ( d é c é d é p o u r voir dé
clarer l’appel simple-, du 4 !aout 1 7 8 9 , n u i, périmé et
com m e non a v e n u , et voir ordonney l ’exécution de
la sentence attaquée.
�(7 )
P ar autre exploit du 1 3 juillet 1 8 0 9 , il a'assign é
M o u rg u y e fils , et Gabriellë B a r e y r ie , fille de L o u i s ,
pour voir déclarer.le m êm e appel de 1 7 8 9 , pêri> désert
et n u l y v oir en conséquence ordonner ¡’exécution de
la sentence attaquée.
1: L es parties en sont venues à l ’audience de la C o u r ,
le 10 mars 18 10 ; .les appelans ont soutenu q u ’ un
appel sim p le, et non suivi d'ajo urn em en t, ne pouvait
pas tom ber en pérem ption , et que la désertion ne
pouvait jamais avoir lie u , sans que l'appelant eût droit
de ren o u veler son appel.
; L a Cour n ’a pas débouté expressém ent le s.r Cabane
de ses demandes en pérem ption et désertion , mais
elle a ordonné que les parties mettraient leur procé
dure en état* sur l ’appel du 4 août 1 7 8 9 , et a remis
la cause d'un m o is , pour y . statuer.
L e sieur C a b a n e , en notifiant cet arrêt, le 22 m a i,
a u x appelans ¡( les a assignés co m m e cor-debiteurs so
lid a ir e s , pour .lui voiii a d ju g e r 'le s conclusions prises
par lesi deux exploits,de 18 0 9 , ¡et ew tout cas, pour
procéder sur 1’appel >de 1789 7 et vo ir prononcer le
bien -ju gé de la senlence du 14 juillet 1789.
..
Ces
conclusions prouvent que. le s,r C aban e n ’ab an
donne pas sa prétention de faire, déclarer cet appel
péri et désert. C epen dan t, quoique, l ’arrêt de la C ou r
jie soit,pas m o tiv é , et ne statue pas expressément sur
ses premières conclusions, il est évident que la C o u r
n'a pas entendu
les
adopter,; ni m êm e les laisser re*
�(8 )
p ro d u ire; eau elle n ’aurait pas ordonné, de «faire une
procédure sur un appel périm é ou désert.
\ Mais puisque le sieur Cabane ne veu t pas se,croire
ju g é sur ce point, les appelans le prendront au.m ot*
pou r dem ander eux - m êm es un 'arrêt»¡positif sur sesf
dem andés.ën pérem ption et désertion y qui étaient la
seule chose à ju g e r , f a u f à lui à recom m encer toute
procédure nouvelle qu’il avisera.
•
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M O Y E N S .'. •
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Il né p e u t y . avoir lieu à pérem ption pour un appel
simple : car l ’ordonnance de Roussillon ne fait périm er
que yles \ in sta n ces} et un appel 'simple n ’en est- p a s'
une , dès; q u ’aucun juge n ’e n est saisie T e lle a été sud
ce point la jurisprudence constante.*
*
r
■ : .
n ¿.
.
- *■
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.
. "il. !
.
Quant à.'la désertion , elle n'est point opposée à.
D a u b in y assigné par le premier, exploit du n février
18 0 9 , qui rie contient aucunes conclusions à cet égard;
I l suffit donc d ’y répondre au nom des M o u rg u y e et
B areyrie.
11
■
> ; {-W
'
- D ’abord la désertion est incom patible a vec la p é
rem p tion ; car si un appel pouvait périmer^ il ne serait
pas désert. L e sieur C abane devait d ’abord conclure à
la désertion, qui était la prem ière fin de non-recevoir
à opposer dans Tordre de la procédure; il a dem andé
que Fappel fû t déclaré péri et désert. A i n s i , en s’oc
cupant
�( 9 )
■
cnpant de la p é rem p tio n , il a renoncé à la désertion;
de m em e que s il eût conclu au bien jugé et à la p é
rem p tio n , il aurait renoncé à la pérem ption : à plus
forte îaison faut —il lui dire qu ayan t assigné D aubin
et M o u r g a y e p è r e , en février 1 8 0 9 , sans parler de
désertion, il n ’a pu y conclure contre M o u r g u y e fils
par un exploit postérieur.
L a désertion, au reste, n’est plus prononcée par les
tribunaux depuis 1790 ; lorsque des tribunaux
ont
vo u lu renouveler cet ancien u sag e, la C our de cas
sation n ’a point approuvé leurs décisions, et cela par
un m o tif bien sage et bien simple.
C ’est q u ’avant la révolu tio n , la jurisprudence gé nérale était d’accorder trente ans pour interjeter appel,
en sorte que la désertion prononcée ne produisait que
des effets frustratoires , puisqu’elle n’ em pêchait pas
de refaire l ’appel : aussi plusieurs parlemens avaien t
l ’ usage de converir en anticipation les demandes en
désertion q u i , dès-lors, se réduisaient à des dép en s,
com m e le dit B r o d e a u , lettre P , n.° 14.
Mais depuis que les appels sont limités à un délai
plus c o u r t , c ’e st-à -d ire , à trois mois et à dix ans, la
désertion a paru un abus à r é f o r m e r , puisqu’on ne
peut pas la faire m arch er avec le droit de recom m en cer
un appel pendant trente ans. V o ilà pourquoi la dé
sertion est absolum ent to m b ée en désuétude : on en
est convaincu par le grand nom bre d arrêts qui se
trouvent aux Bulletins de cassation de Fan 7 , de l ’an 9,
de l’an 10 et de l ’an 11. Par-tout on voit les désertions
3
�( IO )
proscrites; et nulle part on ne voit q u ’il en ait été
toléré une s e u l e , m êm e par simple rejet.
Il y a donc lieu , en statuant sur les demandes du
sieur C a b a n e , de le 'd é b o u te r de ses conclusions en
pérem ption et désertion. O r , on le répète , c’était là
l ’objet unique de ses conclusions avant l’arrêt du. 10
mars 1 8 1 0 ; et il ne peut pas les confondre avec le
bien jugé de la sentence de 1 7 8 9 , puisqu’au lieu de
se départir de sa’ prem ière d em a n d e, qui y était en
core plus in com p atib le, il la renouvelle et y persiste.
«
C ep en d an t, si la C o u r croyait devoir statuer sur.les
nouvelles conclusions du si’e ur C abane , il s’agira de
savoir au fo n d ;s’il ,a p u reprendre une procédure de
pérem ption en m atière fé o d a le , au préjudice des lois
qui ont éteint'tous les ptocès y relatifs; et subsictfairement,- s’il y a pérem ption.
.
, . . ?.
- A bordons , ^dès à’ présent , le subsidiaire, qui sera
plus briévem ’eiU e x p é d ié , et disons qu'il n ’y a pas de
pérem ption.
’
*
'J
»I
,
il-
r
*
l
*
L îappielportéén la séfléchauss<$6 d ’A u v e rg n ç , était un
•appel'¡d'incompétence. On soutenait que l$s premiers
appels ay a ni saisi la séuéchapsséë', le ç.r Cabane n ’avait
revenir devant le juge du seigneur poui* dem ander une
-pagésie;en vertu de reconnaissances de cens soumises
ou juge supérieur.' En effet, la sénéchaussée seule é tci.it
'Compétente p o u r accorder ou refuser les arrérages de
ces mêmes c e n s , échus pendant le p ro cès; il fallait
�(II )'
y conclure devant e l l e , et. non saisir un juge déjà
dépouillé, pour multiplier les sentences et les appels.
Cet appel d incom pétence n’était pas susceptible de
péremption , 'suivant l’opinion »des auteurs, conform e
au texte m êm e de la loi.
Rousseau -X a c o m b e ., ; v.° péremption , n.°* 1 2 , dit
q u ’ elle n’a pas lieu è's-causes o u :procès du d o m ain e,
n i ès-appeLs ci’incom pétence, parce que cela regarde; Le
droit pubLic. n ,
'
■
’
“ C ette décision est'co n fo rm e à la loi Prpperandum
d’où est tirée l’ordonnance de Roussillon. Censemus
itaque omnes Lites non ultra triennii meta s , post Litem
contestatam , esse protrahendas. {ecccëptis tantum modor
causis quœ a d \ ju s JiscàLe pertin en t, v'eL quœ a d p u bLicas respiciunt fun ctiones).
r
• , - j :;
N ’y a u r a i t - i l pas en effet un in con vénient graye .
que le silence d ’ une p artie, souvent occasionné par la
difficulté de réunir des co-intéressés, ou par des .pour
parlers d ’arrangem ens, pû t donner la force de choseju gée à des sentences rendues par des personnes sans
ca ractère, et peut-être quelquefois dans dés matières
où il serait choquant que ces sentences ne fussent pas
réform ées?
^
!
C ertes, les juridictions sont de droit p u b lic, cela est
incontestable ; et s il est encore incontestable q u ’ une
partie ne peut déroger au droit public par une co n
vention
particulière, com m ent le p o u rra it-e lle par
son silence ? - C ’est donc une monstruosité que la loi
a voulu prévoir et éviter, en disant que la pérem ption
4
�( 12)
n ’ aurait pas lieu pour ce qui tient au droit p u b lic, aux
fonctions p u b liq u e s; en un m o t , à l’ordre des juri
dictions.
Mais quand la pérem ption eû t pu exister ic i avant
1 7 8 9 , il est impossible d ’adopter que la procédure y
relative ait seule resté debout , quand l ’appel et les
sentences sont anéantis co m m e chose féodale.
A cela le sieur Cabane, objecte, i.° q u ’il ne s^agit
pas de féodalité , parce quë c ’est uu ferm ier qui est
créancier, et que la suppression n ’atteint pas les fer
miers 5 2.0 que quand l ’objet du procès serait féod al, )
il n’est question que de juger s’il y a pérem ption ; ce
qui est une procédure indépendante.
R épondons d’abord que le sieur C abane se dit fer- >
m ie r, sans l’établir par des b a u x de ferm e. Il a pris,
celte qualité dans une signification .des senten ces, en
1 7 8 4 , et l’appel lui en a é té : notifié, co m m e se disant*
ferm ier et aucc droits du sieur de Lig n erac,
>
Q uo iq u’il en ' s o i t , com m ent l’objet du procès ne
serait-ii pas fé o d a l, lorsqu’il s'agit de cens demandés
à trois censitaires, par le seigneur, et en celte qualité,^
pour la totalité de la redevance assise sur un iénem ent.
A la v é r i t é , il y a des cas où les fermiers ne sont*
pas atteints par la suppression féo d a le, mais c ’est quand
ils se sont procuré un titre personnel, em portant no
vation.
-i
•Une lettre du com ité de législation, écrite au tri-,
bun al du district de R io m , le 9 prairial an
a décidé
q u ’ une rente constituée au profit d ’un fermier,, en 1 7 3 0 ,
�(.
13
)
devait être p a y é e , quoiqu’elle dérivât d’arrérages de
cens. U n e lettre du ministre de la ju s tic e , écrite au
commissaire du d irectoire, à P a u , le 22 pluviôse an 7 ÿ
décide de la m êm e m an ière,
pour une obligation /
consentie à un f e r m ie r , pour cens. R ien n ’est plus
légal que ces décisions, puisque Le ferm ier était censé
avoir touché ce q ui lu i était d u , et l ’avoir échangé
contre une obligation q u i, par cette fic tio n , rentre'
d a n s la classe des autres obligations, 'M ais cette r é
flexion du ministre prouve par e lle -m ê m e que le fer
m ier n’aurait pas été exem p t de la suppression, s’il
n ’y avait pas eu engagem ent personnel h son p r o fit,
dont refiait 'avait été de dénaturer Corigine fé o d a le ,
e t évid em m en t le titre ne cessait d’être féodal que
par novation.
L a n ovatio n , en effet, peut seule em pêch er de re
garder com m e féodal ce que la loi déclare tel. N ovatio
est p rio n s d e b itiin aluum debitum tra n sf usio
p erim a tv r.
ut prior
Si donc la prem ière dette est étein te , il
n ’en reste q u ’ une entré de simples particuliers, et la
féodalité est évanouie. M a i s , hors ce cas dirim ant, la
règle générale reste; et il est aisé de m ontrer que les
fermiérs ne sont pas à l’abri des suppressions féodales.
L a loi du 2 5 août 1792 , supprim e tous les droits
féodaux. L ’art. 10 porte que les arrérages; m êm e ce u x
dus en vertu de ju g e m e n s , ne sont pas exigibles; l’art.
12 éteint tous les procès relatifs aux droits féodaux.
On a quelquefois argumenté de Fart. i 3 , qui c o n
serve au x fermiers les« actions qui leur sont réservées
�( H )
par Fart. 3 j de la loi du i 5 mars 1 7 9 0 , de se faire
restituer, les sommes payées aux seigneurs, pour les
droits é c h u s , depuis Le 4 août 1789.
f M ais en lisant cette loi de 1 7 9 0 , on rem arque qu’ elle
est relative aux droits de bannalité et de justice, sup
primés le 4 août 178 9 ; fil y est dit que les b au x sont
résiliés depuis la suppréssion > et que si les fermiers ont
p a y é au seigneur.des pots de v i n , ils les répéteront au’
prorata de la non jouissance.
,
, , '
?
U n e dernière loi du 28 nivôse an 2 , a déclaré ne
pas com prendre dans l ’annullation des procès féo d a u x ,
ceux intentés, i.° p ar:des vassaux ou censitaires, pour
restitution des droits exigés'd’e u x ; 2.0 par des ci^deyant
ferm iers, pour, restitution des pots dé vin qu'ils .ont
avan cés, ou des fermages qu’ils ont payés .à raison des
droits qui leur étaient afferm és, et dont ils n’o n t pu
jo u ir...
' ;< 'j fu!-;- b u>* p,i -■
■
; (!
;.r . h -h w )' 1 .•*> .
A in s i, bien loin q u ’il résulte de ¡’ensemble des lois une
exception pour les fermiers 9 et un droit subsistant en
leur fa v e u r, contre Les censitaires, il faut en conclure,
au contraire^ que la loi ne s’est occupée d ’eux pendant
trois.fois>, que. rpour leur donner une action contre L&
seigneur, seulement y--et■
■
que , par conséquent , elle les
a laissés pour tout; le reste dans la règle générale de
la suppression,
à
moins? q u ’ils
n ’e u s s e n t,
com m e on
l'a diéjà dit ,. un titre nouvel et. personnel: . \ t
1 .>
C.e,'»point de droit se co n firm e quand* oit suit les lois
postérieure^ C elle !du 1.7rjuillet 179.3, en ordonnant
le brûlem ent de tous les titres i é o d a u x , y assujétit
�( ,i 5 )
tous les dépositaires defcdits titres f et:déclare qu3e.lle;y
com prend t o u s ju g em en s 'et a r r ê ts,qui porteraient re
connaissance des d ro its. féodaux , pu qui les rensei
gneraient. Ixes registres et cueillerets*sont désignés en
core pour le brûlement. Or, tout le. m o n d e se rappelle
que les ^fermiers furent les 'prem iersià brûler leurs re
gistres ' de recettes,
‘
•; :
\] •. î :
...s.
U n e autre p reu ve que la lo i r i exceptait personne,
•c ’ est qu’il fallut une exception -expresse^le <9 .frimair.e
an 2 y par esprit d ’équité en Sayem idhsoco-déàitéùns
jqui avaient p a yé la part de leurs- co>-.obligés: en
v e r tu d e1 la pagésie; et e n c o r e , ce- droit ne fut ouvert
q u ’ à celui qui p rouverait a vo ir.payé par autorité de,
\ ju s tic e . e i i t
: donc iin ferm ier ¿,aurait.-iL iun'>pri
v i l è g e , --sous p rétex te q u ’i l a '-payé son- ferm age (m ais
volon tairem en t), lorsque le co-débiteur poursuivi ^ mais
non c o n d a m n é , n ’aurait pas d’action en pareil cas, et
■¿supporterait la suppression.rx
;
P eu t-être bie h. élira it-o n ;pu^ accorder ce,, privilège
;à un fe rm ier, dans un tems où la jurisprudence exa
minait la vraie quaLité du: d e m a n d e u r , “ pour savoir
•s’il était seigneur ou non ; ca r'lo rsq u 'o n adm ettait le
-propriétaire lu i-m êm e à dem ander un cens sous p r é
t e x t e que l-abolition: n ’était p ro n o n c é e que contre Les
seigneurs , il était très-co n séq u en t que les ferm iers
réussissent par le m êm e motif.
Mais aucun; tribunal ne reviendrait à cette jurispru
dence, depuis l ’avis du conseil d ’é t a t , du
3 o pluviôse
�(
)
an i- r , et sur-tout depuis les décrets im périaux des i 3
messidor an i
3 , et 2 5 avril 1807, portant que Lorsque
Le titre ne présente aucune a m big u ité, ceLui auquel ce
titre est opposé, ne peut pas être a dm is a soutenir q u i l
n avait pas de seigneurie.
r
'
L e sieur C abane ne se dissimule pas que ces décrets
le condam nent visiblement ; mais il croit y échapper,
en disant qu'il y a chose jugée par les sentences qu’il
produit. C'est une double e r r e u r; car, i.° c'est dé
cider la question par la question e lle - m ê m e , puisqu’il
-y a appel de ces sentences , et que la pérem ption
q u ’il demande est* dirigée contre cet appel; 2.0 il crée
' une autre exception im a g in a ire , puisque quatre lois
successives ont annulié positivem ent le s ju g e m e n s et
arrêts portant condam nation de droits fé o d a u x , ce qui
p r o u v e que la chose jugée n ’est pas pour elle un titre
meilleur.
:
’
t
R em arquons encore , quoique ce soit sans une grande
u t ilit é , que ces 'sentences sont rendues au p r o fit d u
sieur de L ig n e r a c , seigneur, pour les cens de sa terre;
à la vérité , on voit à la fin du dispositif, que ce
seigneur indique le sieur Cabane com m e devant r e
cevo ir le paiem ent des condamnations : mais quel tour
de force ne faudrait-il pas pour profiter de ce bout
d’oreille, afin de changer le rôle des parties et effacer
les qualités du dem an deur! Cette argutie mesquine
peut-elle être proposée sérieusem ent, et ne serait-elle
pas indigne de la C o u r?
Il
�( i 7 J
I l suffit , sans d o u t e , de rem arq uer que it seigneur
seul est en qualité dans les sentences. Elles em portent
donc tout le privilège du cens.
Enfin, que le sieur Cabane réponde h cette question:
Si les censitaires avaient fait débouter Le dem andeur de
sa d e m a n d e, contre qui auraient-ils eu action pour les
dépens ?
Concluons d o n c, sur cette prem ière partie d e s .p r é
tentions du sieur C a b a n e , que l’objet des sentences
q u ’il poursuit est f é o d a l , et que rien ne peut les faire
excep ter de la suppression.
V o y o n s actuellem ent co m m en t une pérem ption
aurait le privilège inoui de neutraliser toutes, les lois
féodales, et de ressusciter, pour le sieur C aban e seul,
un genre d’action abandonné par tout le m onde et
par lu i- m ê m e , depuis la ré v o lu tio n , lorsqu’il s’est agi
purem ent de cens.
,
Retenons bien que la loi a supprimé non-seulement
les droits f é o d a u x , mais encore tous Les procès y r e
latifs.
A p rès les lois des 2.5 août 1 7 9 2 , et 17 juillet 1 7 9 3 ,
qui portaient expressément cette suppression, il paraît
q u e , sous divers prétextes, des poursuites eurent lieu
de la part de quelques ferm iers, et que des censitaires
eux-m êm es voulurent faire prononcer par les tribunaux
q u ’ils ne devaient rien. Alors une loi du 9 brum aire
an 2, déclara de nouveau nuls et com m e non aven u s,
tous jugernens sur les procès intentés a raison des droits
féodaux ou censuels, ensemble les poursuites fa ite s en
5.
�( i8 )
exécution desdits ju g e m e n s , ordonna que les frais pos
térieurs aux lois d'abolition seraient à la charge des
avoués qui les auraient fa ils , et défendit au x ju g e s ,
à peine de fo rfa itu re , de prononcer sur les instances
indécises.
T rès-c erta in em en t, après cette lo i, le sieur C abane
ne se serait pas cru fondé à poursuivre les censitaires
de Sain t-C h am ant ; et il a bien prouvé ^ par le f a it,
q u ’il partageait sur ce point l'opinion générale. C o m
m en t donc aurait-il aujourd’hui un droit qu’il n’avait
pas alors, et en quoi les lois seraient-elles devenues
plus indulgentes sur la féodalité ?
J a m a is , au co n tra ire , elles n ’ont été moins équi
voques depuis que les décrets im périaux ont prescrit
de ne pas considérer si te dem andeur est seig n eu r,
mais seulement si Le titre de sa dem ande est féodal :
car s’il n ’y a pas d’am biguité sur le t i t r e , il y a sup
pression.
E q u ivo q u eraît-o n encore sur cette ambiguïté , en di
sant q u ’un ferm ier peut poursuivre ? M ais a vec ce
cercle vicieux où a r r iv e r a it-o n , si ce n ’est à jugèr
de la féodalité par La personne du créancier? et c ’est
ce que la loi proscrit absolument. Sa sévérité est te lle ,
q u ’il n ’y a pas seulement suppression par le signe féo
dal, mais encore par le mélange de féodalité.
D ès q u ’il y a dans les titres opposés par le sieur C a
b a n e , signe ou m élange de
féodalité,
il ne reste à e n 1
tirer que deux conséquences incontestables;
i.° Si les sentences sont féodales, la loi les a déclarées
�( 19 )
nulles et co m m e non a ven u e s, y eût-il arrêt ou choseju g é e ( L o i , 17 juillet 1 7 9 3 , art.
3 , 6 et 8 .) ;
2,° L annullation ne se borne pas au x sentences et
arrêts ; elle s étend aux poursuites postérieures ( L o i*
9 brum aire an 2 , art. i . er).
A in si, toute procédure tendant à rappeler ou faire
rev iv re ce que la loi a a b o li, est rép rou vée et inadmis
sible.
D ’après de telles lo is, u’ est-ce donc pas une p u é
rilité que de dire à une C ou r souveraine : Vou s n ’aurez
pas à juger l ’appel cPune sentence féo d a le • vous aurez
seulement à juger la péremption de l ’ appel d ’une sen
tence f é o d a le ?
A b u s des mots et pure cacophonie.
Quand il existe un ap p el, l ’intim é n'est pas réduit à
tin seul m o y e n de défense; il peut l’ attaquer par des
vices de f o r m e , des fins de n o n - r e c e v o ir , ou la p é
rem ption : tout cela est égal aux y e u x de la lo i; tout
cela rentre dans les exceptions du défendeur.
L e résultat uniform e de ces exceptions est d ’a rriver
a la confirm ation de la sentence attaquée par un appel j
o r , ce résultat est le but du procès : in oninibus respice
J în e m .
I l n’est donc pas permis de croire que la C o u r veuille
ju ger un fragment de procès sans regarder à son ori
gine et à ses conséquences.
U n e pérem ption d ’ailleurs est si peu un procès nou
veau, q u ’elle ne s’introduit pas par un exploit à domi
cile, et en i . re instance. L'usage a toujours été d e c o n -
�( 20 )
d u r e par r e q u ê t e , quand il n ’y a pas de décès survenu ;
et le code a c tu e l, article 4 0 0 , en fait un devoir. L e
sieur C ab a n e a lui-mêm e constaté cet usage, en signi
fiant sa dem ande en p é re m p tio n , par requête signi
fiée à procureur le 12 août 1788.
Il a don c/lui-m êm e considéré la pérem ption com m e
un m o yen de procès.
11 l’a proposée co m m e un e exception.
I l a condamné son propre système.
M ais quand on serait privé de le citer lui-m êm e pour
pro u ver qu’ une pérem ption d ’appel n'est pas un procès
nouveau et indépendant , la raison seule dirait que
quand le fonds du procès est a b o l i , il n'est pas plus
perm is de plaider pour la pérem ption que pour la
prescription.
,
f>
L a féodalité n ’est pas la seule matière abolie par la
révolution ; et il est sans exem ple que des procès re
v iven t sous prétexte de savoir s’ils sont périmés. N e
trouverait - 011 pas ridicule , par e x e m p le , que par
suite d’ un procès en m atière b én éficiale, un d é v o lu taire qui aurait obtenu un bénéfice co n teslé, vînt re
prendre d evant les tribunaux actuels la pérem ption
d ’ un appel y rela tif?
L a loi n’a permis q u ’en un seul cas de plaider sur
les matières supprimées 5 c ’est dans les retraits lignagers , et seulem ent pour les dépens. L à on pourrait re
prendre une dem ande en péremption ; mais l'exception
confirme la règle , q u i de uno d i c i t , de altero negat.
,Au d em eu ra n t, l ’idée conçue par le sieur C a b a n e,
�( 21 )
cPisoler une pérem p tio n , n ’est q u ’ un piège contre des
censitaires qui ne doivent r i e n , et qui seraient plus
victimes de la suppression de la féod a lité, que si la fé o
dalité existait encore.
E n effet, un arrêt de pérem ption emporterait de plein
droit la confirmation de cinq sentences féodales.
L es censitaires n ’auraient aucune voie pour en em
p êch er l ’exécution. L ’accès aux tribunaux leur serait
ferm é ; tous les degrés de juridiction seraient épuisés,
et le prem ier juge ne pourrait réform er une décision
ém anée de lui. L e sieur C abane ferait donc ex écu te r
sans obstacle des sentences dont l’arrêt aurait prononcé
im plicitem ent la confirmation : car quel juge pourrait
arrêter des poursuites faites par suite d ’un arrêt de la
C o u r?
Ces poursuites forceraient les appelans à payer la
dette d 'a u tr u i, sans m oyen s de répétition. O n dit la
dette d ’a u tru i, c a r , encore une fois., les censitaires,
poursuivis par le sieur C a b a n e , ont p a y é régulièrem ent
leu r portion des cens.
Ils prouvent par les quittances de cens à eux données
chaque année par les préposés du seigneur, sur un cahier
particulier, savoir 7par le sieur C a b a n e , j usques et compris
1 7 8 ° ; p a r le sieur L a d e n , depuis 1780 jusqu’à 1 7 8 6 ;
et enfin par le sieur C o u d e r t , pour les années posté
rieures.
Ainsi ce n’est que par la force de la solidarité et de
la pagésie que le sieur Cabane veut faire p ayer aux
D a u b in , M o u rgu ye et B are yrie ce q u ’ils 11e doivent pas»
4,
6
�( 22 )
Mais une loi du 20 août 1792 a supprim é la soli
darité; c’ est donc pour l ’éluder qu’il veu t se prévaloir
de sentences qui com prenn en t le cens de tou t un
ténemerit.
Si la solidarité existait encore . l'action serait re
poussée par l’exception cedendarum a ction u m .L e sieur
C aban e ne pourrait se faire: p a y e r , qu'en subrogeant
à ses action s, pour être t rem boursé du c o - d é b i t e u r
solidaire. ( C o d e civil, art. 20 37.)
O r , co m m en t pourrait - il subroger à une action
é te in te ? com m en t serait-il en état de justifier ce q ue
doivent les Ço-débiteurs? co m m en t et par quelle v o ie
les forcerait-on de p ayer une portion de cens in con n u e?
Ces difficultés ach èven t de m ontrer q u ’il est toujours
im prudent d'éluder les l o is , m êm e les plus sévères.
C hacun en profite dans ce q u ’elles ont d ’a van tageu x
pour lui ; et souvent hors de là , les taxe d ’injustice.
A u reste, il ne s'agit pas de montrer que la dem ande
du sieur Cabane causerait aux appelans un tort consi
dérable : il suffit d ’avoir prouvé q u ’elle tend à la v io
lation de la lo i, et ce serait s'aveugler v o lo n ta irem en t,
que d’hésiter à s’en dire convaincu.
M . e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . e G A R R O N , Licencié-avoué.
A RIO M , de l'Imprimerie du Palais, chez J.-C. SA LLE S.
�
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Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daubin, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
cens
contentieux post-révolutionnaires
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Joseph Daubin, Pierre Mourguye et Gabrielle Bareyrie, femme Baptistal, cultivateurs, habitant au village de Moncel, commune de Sainte-Eulalie, appelans et défendeurs en péremption; Contre Le sieur André Cabane, se disant ancien fermier de la terre de Saint-Chamant, intimé et demandeur.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1764-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0420
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0625
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53804/BCU_Factums_M0420.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainet-Eulalie (15186)
Saint-Chamant (15176)
Rights
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Domaine public
cens
contentieux post-révolutionnaires
-
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21cef8c74614dfdb8e594b983983a918
PDF Text
Text
P R E C IS
POUR
Jean-P
ie r r e
^ ^ l}buy
U t o 'C i - u w ù J .
/tyu<+rfc4li_ /[iiH f^ ,
■
‘ '
' ■IMcu/ulJ
A S S E Z A T , de la ville du P u y ,
! a p p e lan t ;
\
CONTRE
Matthieu
J E A N , de la même Ville, intimé.
LE sieur Assezat est propriétaire d’une tannerie pour
l’usage de laquelle il a une prise d’eau qui ne lui est
pas contestée , mais que le sieur Jean veut partager
avec lui.
Le seul motif du sieur Jean , pour prétendre à ce
partage; est de dire, 1.° que sa maison provient originairement du même propriétaire, et.qu'elle était aussi
une tannerie, il y a 2 5o ans; 2.0 que le même proprié-
�( O
_
faire l’a ensuite réduite en boutique à teinture , et
qu’en pratiquant, il y- a seize ans, un aqueduc,
autre que celui cju7ilfi;éclame ,'il a repris et conservé
le droit dey redemander^ l’ancienne.* p r is e d ’eau telle
qu’il la suppose,_l
A cela le sieur Assezat répond, i.° que de tems
immémorial il a joui seul de la prise d’eau, et que si
l’ancien propriétaire des deux maisons a aliéné celle de
Jean, sans prise d’eau, la retenue qu’il a faite de cette
eau pour' lui-même ne peut être disputée aujourd’hui à
ceux qui le représentent ; 2.0 que c’est lui qui a permis
au précédent propriétaire de la maison Jean, d’établir
un aqueduc fort différent de celui qu’on voudrait au
jourd'hui, puisque n’étant accordé que pour une simple
teinture, et pour le trop plein de l’eau, Assezat n’était
privé de rien.
Telles sont en abrégé les prétentions des parties qui
_
p la id e n t; il fallait les a n n o n c e r p o u r ren d re intelligible
la localité qui va être indiquée, et appeler rattention
de-la Cour sur les circonstances qui s'appliqueront
aux difficultés de la cause.
Les deux maisons d’Assezat et Jean, sont situées
en la ville du P u y , faubourg de St. Barlhélemi. Elles sont
séparées par une branche de ruisseau appelée le Béaidu-Breuil ; il passe sous une voûte qui lie les deux
maisons.
Ce n’est pas ce ruisseau qui fournit à la prise d'eau
en conteslation ; elle vien t au contraire le couper en
ligne droite par des aqueducs en maçonnerie , qui dis-
�( 3 )
iribuent ensuite les eaux, par des gargouilles en pierre y
dans les tanneries voisines qui 'sont en possession immé
moriale d’en user ainsi.
L e dernier embranchement de cette distribution est
celui qui nous occupe. Ayant à traverser un chemin
public, l'eau passait dans un aqueduc , couvert d’une
voûte assez é le v é e , de laquelle sortait une autre gar
gouille qui menait l’eau h la tannerie d’Assezat.
On a fait assez récémment une grand’route sur
l ’emplacement de ce chemin, et les ingénieurs y fai
sant un pont et une chaussée, ont néanmoins respecté
cette ancienne vo û te, qui est restée sous l’arche du
pont, telle qu’elle était; ensorte que cette réparation
publique n’a rien dérangé à l’ancien cours des eaux.
La tannerie d’Assezat, achetée par son aïeul, n’a
jamais cessé de jouir de cette prise d’eau. Encore une
fois on ne le nie pas, mais voyons ce qu’il en a été
de la maison voisine, pour laquelle le s.* Jean reven
dique une portion de l’eau.
L e sieur Jean nous apprend que sa maison et celle
du sieur Assezat appartenaient en 1544 au même pro
priétaire, Michel Pendraud qui était coLratiery ou tan
neur, et qui dans un cadastre se reconnut possesseur
d’un oubradoar en deux parties.
Si cela est exact, il paraît que ce Pendraud vendit
ensuite la portion de bâtiment située sur la rive gauche du Béai, et qu’il garda toute la prise d’eau pour lui • car
le sieur Jean nous prouve par un autre cadastre de
16 78 , que François Entier, possesseur de la même'
�{4 )
maison à cette époque , en fit réduire l’impôt de
moitié, attendu (porte le cadastre ) quelle riest plus
un ouvroir,
Cependant, il.paraît que depuis cette date on avait
voulu’rendre quelque activité à cette maison (Jean);
on y établit une teinture, et'personne n’ignore que
cet établissement, dans l’usage à-.peu-près général,
n’a besoin que d’avoir un ruisseau à sa proximité : or
p r é c i s é m e n t , le Béal-du-Breuil en baignait les murs.
. On voit dans un 3 .« cadastre de 1730 , que Jacques,
Soulier ( propriétaire’ de la maison. Jean ) avait alors
y ne maison et boutique à teinture, tandis que François
Balme (propriétaire de la maison Assezat ) avait tou
jours une' tannerie, et par conséquent la prise d’eau
nécessaire.
■
1
. Aussi remarque-t-on , que ce François Balme ven
dant à Pierre Assezat sa maison et tannerie, le 6 avril
1-739, comprit dans’ la vente la prise d ’ea u , comme
une chose sans laquelle Assezat n’aurait pas voulu
acquérir.
On voit encore dans un acte de 1747 que le seigneur
du lieu, en donnant ¿1 Assezat l’investiture, y dit que
le béai est pour le service des tanneries.
Il paraît que le sieur' Ameline acheta de Jacques
Soulier sa maison et teinture ; il n’en acheta d’abord
que la moitié et un huitième, par ac^ du 11 janvier
17 9 3 , et quoiqu’il fût très-important de désigner la
prise d’ea u , non - s e u l e me nt comme acquise, mais
e-ocore par lu quotité et le mode de cette prise d’eau>
�(5 )
■puisqu’ elle.aurait dû se diviser à raison de chaque part,
si elle était inhérente à la maison.
Les autres portions de ladite maison furent achetées
par Âméline des autres héritiers Soulier , savoir, un
seizièm e,île 4 ventôse an 2’, et trois seizièmes, le 4
complémentaire an 1 1 ; ensorte que ce n’est que le
dernier jour de Tan 1 1 , qu’Ameline à été propriétaire
de toute la maison. Quoiqu’il en soit, c’est le s.r Ameline qui, après 179 3, fit un nouvel œuvre, dont il est
nécessaire de bien entendre le placement et le motif.
La maison Jean, baignée à l’orient par le Béal-duBreuil, a deux entrées,l’une au midi, qui se rapproche
beaucoup de l’aqueduc voûté auquel il veut participer ÿ
l ’autre au nord, et c’est là que s’exploitait la teinture.
A côté de la porte du midi était un ancien puisard,
bâti dans le m ur, ■saillant en dehors, et exhaussé par
une mardelle couverte tantôt par des dalles de pierres ?
tantôt par des planches.
Si ce puisard avait eu une destination dans le tems
que la maison était oubradour , en 1544, au moins
est il constant qu’il devint inutile lorsque le tanneur
Pendraud ou ses successeurs la vendirent. En e ffe t,
de quelque loin que les voisins se souviennent ce
puisard n’a toujours servi qu’à tenir du fumier.
Soulier et Ameline ne purent pas même Futiliser
pour leur teinture, car il demeura fosse à fu m ier, et
aujourd’hui même il ne sert à rien.
Le voisinage de l’aqueduc donna une idée à Ameline;
�c 6 }
il la communiqua à Assezaf, qui n’y voyant aucun'dé
triment réel pour lui, s’empressa d ’y souscrire.
Il s’agissait d’établir un tuyau en bois, non pas vers
la voûte même’ de l’aqueduc, ce qu’Assezàt n’aurait
pas souffert ,' mais dans un angle par lequèl une gar
gouille , portant les eaux chez Assezàt, en laissait
aller Ië trop plein dans le ruisseau, par une autre gar
gouille inférieure.
’
'
Ce tuyau de bois devait fournir à la teinture une
eau plus claire ; son nivellement le portait au-dessus
du puisard qu il n’était pas possible d'utilisèr, et ce
tuyau traversant le mur de la- maison Jean , se pro
longeait hors de la maison , jusques à la boutique à
teinture, qui*était comme on l’a déjà dit , à l’autre
extrémité vers la porte du' nord. Là le tuyau rentrait
par le m ur, dans l'intérieur de cette boutique, où il
venait verser l’eau dans un nouveau puisard. '
V o i l à ce q u ’ A ssezal perm it à A m e l i n e / l l le d e v a it
en b o n voisin, p u isqu ’il n ’ e»ût pu refu ser que par mé
chanceté ce qui ne lui nuisait pas. Assezàt restait le
maître de l ’eau, et lorsqu'il la voulait toute entière,
il lui suffisait de faire mettre un bouchon au tuyau
de bois.
!
r '
C ’est ainsi que la chose's’est pratiquée amiabl'ement
pendant toute la durée de la possession d’A m elin e,
et si le sieur Jean ne lui eût pas s u c c é d é , il n ’y aurait
pas de procès.
Le'sieur Jean, acquéreur d’Ameline, a débuté par
�(7 )
un coup d’autorité, ou plutôt par un tour d’adresse
qui aurait dénaturé les lieux de manière à ne plus
reconnaître le droit de chacun , si Assezat ne s’y fût
pris à tem s, pour arrêter cette voie de fait.
Il ne s’agissait plus de prendre l’eau dans un tuyau
de bois , ni même de la mener à l’ancien puisard,
auquel Jean veut se borner aujourd’hui. Pour établir
une tannerie et conduire l’eau dans le derrière de la.
maison, il y avait bien des obstacles à vaincre; car
l’ancien puisard est beaucoup plus bas que -le sol de la
maison Jean ; alors, au lieu de conduire l’eau par là ,
le sieur Jean conçut l’idée de la faire dévier par un
autre angle de sa maison; mais pour cela,-au lieu de
la prendre dans la gargouille d’Assezat, il fallait aller
yusques sous la voûte du grand chemin , enlever les
pierres trop larges de l’aqueduc d’Assezat, et partager
l ’emplacement , de manière à faire deux aqueducs,
dont l’un aboutirait chez Jean.
Telle était la conception de ce s.r Jean, et déjà il avait
débâti l'aqueduc d’Assezat, lorsque celui-ci le cita au
possessoire le 6 juin 1809; et comme il y avait grande
urgence , le juge de paix cita Jean à comparaître
sur les lieux dans la même journée; il y dressa un
procès-verbal, et néanmoins Jean continua son nouvel
oeuvre, malgré le juge de paix; il fut cependant arrêté
par un jugement possessoire, qui ordonna la remise
des lieux au même état.
Alors Jean se pourvut au pétitoire; il conclut à
être autorisé à prendre les eaux au même point où
�(3 )
Assezat les prenait, sous l’arcade du pont’ : subsidiai—
rement il conclut au partage des eaux.
L e 2,6 juillet intervint un jugement interlocutoire
dans un sens qu’il était difficile de prévoir. En effet,
le sieur Jean étant demandeur avait tout à prouver,
et en efïet il offrait la preuve directe, i.° que depuis/?/^
de trente ans il y avait dans sa maison une fabrique
a tannerie , et des fosses de tanne rte dont Les- traces
subsistent encore ,* q u ’ elle était alimentée p a r l’aqueduc
dont partie subsiste encore, et qui fournit l ’eati aux
deux maisons; 2.0 que ce n’est que depuis vingt-quatre
ans qu’Ameline changea le mode de prise d'eau j qu’il
bâtit et ferma dans son mur un ancien aqueduc en
pierre, et qu’en place dudit aqueduc, il plaça l’arbre
percé; 3.° que l’arbre percé prenait Feau dans le même
aqueduc principal et au même point où Assezat la
pren d , et où l’aqueduc la conduisait précédemment
dans la m aison de Jean,* 4.0 qu’Ameline et ses pré
décesseurs ont de tems im m é m o ria l c o n t r ib u é , h raison
de ladite prise d’eau, à l’entretien de l ’aqueduc du pont.
Assezat n’étant que défendeur soutenait que la de
mande n’était pas établie, et au surplus offrait la preuve
contraire desdits faits, et notamment qu’il a toujours
joui de l’eau ; que ce n’est que depuis dix- huit ans
qu’il donna La permission à Ameline d’établir un cor
en bois, et qu’il en fermait l’orifice toute les fois.qu’il
avait besoin de la totalité de l’eau.
Par un renversement dont 011 ne peut pas trop se
rendre raison, le tribunal du Puy chargea Assezat de
la
�( 9 )
la preuve directe, qu’il avait toujours joui de l’eau, et
donné à Ameline la permission d’établir le cor en bois.
Et ce qui est peut-être plus inexplicable encore, Jean,
dans son enquête contraire, fut dispensé de l’art: i .er ,*le
plus important de sa preuve , c’est-à-dire qu'il ne fut
pas astreint à prouver que depuis plus de trente ans il
y avait dans sa maison une fabrique à tannerie. Ce
pendant il était demandeur au pétitoire, il devait éta
blir sa demande par titre ou possession de trente ans, et
il avait bien compris qu’en l’absence d’ un titre yil devait
en première ligne offrir la preuve de celte possession.
J L a preu ve, exigée du sieur Jean , se borna aux
trois autres articles par lui articulés ; mais la diffé
rence était essentielle; car prouver l’usage d’une prise
d'eau, ou ses vestiges, n’était pas lever.la difficulté de
savoir s’il fallait de l’eau pour une teinture ou pour
une tannerie, ce qu’il était de la plus grande impor
tance de distinguer.- :
Ainsi, la première impression que laisse ce jugement
interlocutoire, c’est de s’étonner que Jean ait à prou
ver moins qu’il ne le devait, c’est de s'étonner encore
qu’Assezat soit astreint a prouver sa possession, quoique
défendeur, et malgré un jugement possessoire qui l’avait
déclaré maintenu.
v
Il faut ajouter que le même jugement interlocu
toire ordonne que M. le commissaire - enquêteur sera
assisté du sieur Gendriac, architecte, lequel lèvera un
plan, et fera la description des lieux à M. le commis
saire, qui en dressera procès-verbal.
3
�( IO )
Celte mesure était absolument nécessaire pour l’in
telligence et même la rédaction des dépositions; car,
les témoins ayant à parler d'aqueducs, de vestiges et
de nivellemens, il était difficile de tout comprendre ,
sans cette opération préalable, ou sans s’interrompre
à chaque instant pour aller voir les divers points dé
crits par les dépositions. Il était plus difficile encore
de rédiger ces dépositions d’une manière intelligible
pour ceux Fqui auraient , à les lire , si le local décrit
n’était à l’instant désigné par les signes d'un plan.
Voilà ce que le sieur Assezat désirait , ce qu'il de
manda, et ce qu'il n’obtint pas, malgré son insistance
pour ne rien laisser d’équivoque dans toutes les expli
cations qui devaient être données.
Quoi qu’il en soit,-voyons ce qui est résulté de cet
interlocutoire, et sachons si c’est le demandeur au
■
.
.
pétitoire qui approuvé sa possession, aaimo çLomini,
ou si c’est au contraire Assezat qui a prouvé que cette
possession n’a eu lieu que par sa permission et tolé
rance.
On voit dans l'enquête ¿ ’Assezat , les i.er, 2 e, 3 .%
5 «, 7.%8.®, 12.*, i 3.c, i 5 .e et 17.* témoins déposer una
nimement avoir toujours vu Assezat jouir des eaux
en maître, ouvrir et fermer le canal quand il le vou
lait , placèr des moites pour e m p ê c h e r qu’il ne s’en
échappât dans le ruisseau, et les ôter quand il n’en
avait plus besoin; que les lieux étaient toujours comme
a u jo u rd ’h u i , et qu’ils n’ ont changé que depuis le iems
qu'Ameline plaça un tuyau de bois.
�( 11 )
L e 9.% le io,e et le i y . e témoins parlent de la per
mission donnée par Assezat à Ameline d’établir un
tuyau de bois pour prendre l’eau ( ils étaient ap
prentis d’A m e lin e ); le g.e dit qu’avant cet établisse
m e n t , Ameline avait une pompe pour entretenir sa
chaudière; qu’ensuite en ayant monté une seconde,
il envoyait ses ouvriers chercher l ’eau au ruisseau, et
que ce ne fut qu’après ladite permission qu’Ameli.ne
prit l’eau à l'aqueduc; que lorsque Assezat avait be
soin de l'eau, il venait boucher le tu}^au; que cepen
dant, lui déposant allait quelquefois la reprendre fur
tivement, mais qu’alors Assezat s’en plaignait. L e 10.%
qui n’a quitté Ameline que. lorsqu’il vendit sa maison
à Jean., ajoute qu’Ameline disait quelquefois, qu'Assezat était un bon voisin de lui avoir donné la facu lté
d’établir ce tuyau de bois;-il ajoute que lorsqu’Assezat le bouchait, Ameline ne s’en.plaignait pas.
L e 17.' dit qu’Ameline prenait l’eau avec ïagrément
d'Assenât y lorsque celui-ci n'en avait pas besoin.
Les 7-e et 8.® témoins disent que lorsqu'Ameline
acheta la maison Jean, il n ’y avait de fabrique d’au
cune espèce.
Le 1 i.e et le i 3.e ont vu deux puits dans la maison
Ameline (ce qui eût été assez superflu, si l ’eau y fût
venue par des aqueducs); ce n . e témoin est l’ouvrier
qui a placé le tuyau de bois; il dit avoir vu dans le
même alignement une gargouille en pierre de taille
qui traversait le mur, et le dépassait de quatre pouces.
E n fin , le 3 .®et le i6.e témoins déposent un fait assez
4
�( 12 )
essentiel, et qui prouve que tous les moyens sont bons
à Jean pour en venir à ses fins; il avait prétendu que le
déversoir d’Assezat menait jadis les eaux chez lui 3 mais
une des pierres était coudée, ce qui était l’idée qu’il
•veut donner; or, ces deux témoins disent que pendant
le procès Jean a enlevé cette pierre coudée.
Voyons maintenant si l’enquête;de Jean détruira les
faits de tolérance ci-dessus établis. Tout ce qu’il paraît
avoir prouvé c’est la coopération d'Ameline aux frais
de nettoiement du canal, ce qui était fort naturel,
puisque l’eau lui était utile, mais ce qui n’a rien de
commun avec le mode de jouissance.
Les 3 .e , 9-e et io.e de lia .première enquête, les s.e
et 5.e de la seconde disent bien qu’Ameline et Assezat
jouissaient de Téau concurremment, mais il n^y a rien
là qui caractérise une possession de propriétaire plutôt
qu une possession de tolérance, en sorte que l’enquête
directe reste dans toute sa force sur ce point principal.
Les 3.e, 4.% 7.® et n . e témoins de la première en
quête de J e a n , les
4.% 5.e et 6.e de la seconde font
la description'des lieux, et ne sont rien moins que d’ac
cord dans leur obligeance; les uns disent que le cpnal
en pierre, qui fait le déversoir d ’Âssezat pour jeter le
trop plein dans le béai, se pro lo nge ai t autrefois jusqu’au
puisard ancien de la maison Jean , H y en a même qui
disent avoir vu tomber l’eau dans le puisard (chose phy
siquement impossible, mais d’ailleurs inutile au procès) 3
�( i3 )
d ’autres n’ont toujours vu ce puisard que plein de terre
et de fumier. Il n’y a pas jusqu'à la veuve Ameline qu'on
n ’ait fait entendre, et qui, sansdoule, pour se préserver
d'une menace de garantie, arrange les lieux d’une ma
nière toute particulière. Ce puisard, toujours à sec et plein
de fumier, était, suivant elle, un bon aqueduc il y a
vingt-quatre ans, et l’eau parcourait l’intérieur par des
conduits en pierre. Malheureusement le sol de la mai
son est plus élevé que le puisard ; mais elle y a réfléchi,
et elle nous apprend que c’est elle qui a fait élever le pavé
il y a quatorze an s, et qu’ensuite on remplaça ces
aqueducs de pierre par des tuyaux de bois qui eurent
une autre direction5 puis, elle nous révèle aussi qu’elle
a vu sous la terre des débris de fossés à tanneurs. E n fin ,
perdant un peu de vue tout le bouleversement qu’elle
vient de faire, elle termine par dire qu’elle a toujours
vu les lieux au même état, excepté le placement du
tuyau de bois qui a remplacé la prise d’eau ; du reste,
elle déclare que son mari et Assezat vivaient en trèsr
grande intimité.
L e témoin qui vient après veut bien un peu s’ac
corder avec elle pour trouver des conduits au-delà du
puisard, mais ce qui ne va pas avec les vingt-quatre
ans, c’est que ce témoin dit avoir été localaire de la
maison Jean , il y a vingt-deux ans, (ce qui prouve
qu’Ameline.n’ y était pas encore alors), et après avoir
parlé d’un conduit de pierre dans 1 intérieur, il dit que
ne se faisant aucune fabrique dans celle maison, le pui
sard était plein d’ordures. Quand 011 l’interroge ensuite
�( i4 )
sur Assezat, il avoue qu’Assezat plaçait des mottes
quand il voulait pour ôter l’eau au voisin, et que
Bartliélemi (ouvrier d’Assezat), donnait des coups de
poings à ceux qui venaient la lui couper. Ce dernier
fait est encore attesté par d’autres témoins.
L e procès-verbal de description des lieux, et le
plan qui auraient dû précéder les enquêtes ne furent
dressés que le 21 novembre 1809, et la Cour pourra
y voir si les descriptions de la veuve Ameline ont quel
que réalité.
L ’expert, après avoir parlé de l’état actuel des lieux
et du déversoir en pierre , qu’on disait mener au pui
sard, et de là dans la maison Jean, fait creuser la terre
dans cet alignement ; au lieu de trouver un canal en
pierre, il ne voit sous le pavé qu’une pièce de bois de
sapin de trente-sept pouces, pourrie et informe, tiab ou tissa n t p o in t a u p u isa rd .
Il constate que la gargouille dont on voulait faire
l ’ancien aqueduc de Jean est plus basse que celle qui
conduit l’eau chez Assezat.
11 fait creuser derrière la porte de la maison Jean, il
trouve un pavé en pierre de taille; il trouve aussi un
canal en pierre, mais il vériiie le le n d e m a in qu’il ne
dépasse pas Fépaisseur du mur (ainsi ce ne peut pas
être un aqueduc de tannerie). Au-dessus de ce canal
il voit encore une gargouille, q iJi a la vérité traverse
le mur , mais qui n’a de saillie dans la maison que de
quelques pouces.
�( i5 )
Il a cherché dans toutes les tanneries voisines quelle
est la position des conduits dans l'intérieur , et il a vu
que 1 eau rentre par un coin de la porte; ensuite il vient
faire fouiller chez Jean , le long du m u r , et n’y trouve
aucune gargouille.
Il remarque que Faire de la boutique du côté de
midi a été déblayée de la hauteur de huit décimètres.
Il trouve cinq fosses en pierre de taille, mais elles
sont neuves, et Jean est obligé de convenir que c’est
lui qui les a fait b âtir, sans articuler même que c’est
sur d’anciens vestiges.
Enfin il nivelle le terrain pour savoir si l’eau récla
mée peut aller jusques dans Fintérieur de la maison ,
et il trouve que Faire de la première boulique est plus
élevée que la gargouille où Jean veut trouver l’origine
de son ancienne prise d’eau. L ’expert fait même un
nivellement plus essentiel qui prouve que la partie du
pavé près le puisard (celui découvert plus haut) est
encore plus élevé que Faire de ladite boutique ( ce
qui prouve forcément que l’eau n’a jamais pu monter
ni à la boutique qu’on sou lient avoir été une tannerie,
ni même au pavé ancien qui la précède >puisqu’il est
encore plus élevé que la boutique.
Aussi quand il serait vrai que la veuve Ameline
aurait fait élever Faire de la maison , quand le nou
veau déblaiement vu par 1 expert n aurait pas rebaissé
le sol , le pavé découvert est toujours la pour atlester
Fancien état des lieux ; et prouver évidemment que
�( 16 )
l ’eau n’a pas pu remonter du puisard jusques aux
boutiques de ¡’intérieur.
Quoi qu’il en soit , le tribunal du Puy n’a pas jugé
à propos de faire toutes ces remarques, il a cru voir
au contraire dans ces éclaircissemens une preuve complette que Jean et ses prédécesseurs avaient joui cons
tamment de l’eau , et c o n c u r r e m m e n t à titre de pro
priétaires. Il a cru v o ir e n c o re q u e le tuyau de bois
n’a été que le remplacement d’un ancien aqueduc ;
en conséquence il a ordonné le partage de l’eau dont
il a néanmoins proportionné le volume à la dimension
comparative de la gargouille d’Assezat y avec le pré
tendu conduit de Jean , d'où il suit que Jean est auto
risé à avoir le tiers de l’eau , et ce qui est plus extraordinairë, à la prendre à l’embouchure de l’aqueduc (in
novation qui suffit seule à prouver que ce n’est point
un ancien aqueduc qu'on veut conserver à Jean / mais
u n e n o u v e lle concession q u e la m u n ific en c e du tri
bunal du Puy lui octroie ).
Cette décision est-elle tolérable lorsqu’elle n’est ap
puyée ni sur les faits, ni sur les actes, ni sur des prin
cipes ?
•
Des faits? La Cour verra par la lecture des enquêtes
comparées à la description des lie u x , s’il est possible
de penser qu’avant rétablissement d Ameline , tein
turier, il pût y avoir une prise d eau dont le tuyau en
bois n’ait été qu’un remplacement. Elle verra s'il n’est
pas
�( 17 )
pas clairement prouvé que jusqu’alors rien n’avait l’ap
parence d une tannerie, ni même d’une teinture ; que
le puisard même était encombré ^ que loin de cher
cher des vestiges d aqueducs dans l’intérieur, Ameline
fût forcé de conduire par des tuyaux en bois, et par un
nivellement cherché hors de sa maison, l’eau qu’Assezat lui permettait de prendre.
Tout les faits constans sont en faveur du s.r Assezat ;
il n’a pas seulement contrarié la preuve de son adversairepar une preuve de permission qui s’attache à la
possession de Jean et lui donne un caractère de tolé
rance, mais il a lui-même prouvé sa. possession et son
dioit. Cependant il n’avait rien h prouver, car il était
défendeur. Son adversaire avait à établir sa demande,
et sans discuter les enquêtes dont on vient de donner
le précis, il suffit de dire comme chose constante, que
le droit de Jean à réclamer une prise d’eau pour une
tannerie, n’est pas prouvé.
Des actes? Mais Jean n’en a d’ aucunes espèce, et
tous ceux qui sont produits en la cause détruisent son
système de fond en comble.
Car si Michel Pendraud a eu les deux maisons Asse
zat et Jean en i 544 >il n’est pas prouvé d’abord que
ces deux maisons fussent tanneries; et il n’est pas prouvé
qu’un ouvroir veuille dire uue tannerie : mais quand ce
serait prouvé, il en résulte quelque chose de plus fâcheux
encore pour Jean, c’est qu’il est constant que l’une des
deux a été tannerie,au moins depuis 1678, et c’est celle
5
�( 18 )
d’Assezat, tandis que l’autre est prouvée ne Tavoir
été ni en 1678, où elle était en ru in e, ni en 1730,
où elle était teinture, ni avant A m e lin e , où elle n'é
tait rien du tout.
A moins de contester tous les usages en fait de titres,
il est bien évident que lorsqu’il s’agit d’une prise d’eaù,
divisible entre plusieurs , et conduite par des embranchemens de canaux, la première règle pour un acqué
reur est de faire exprimer qu’il en achette une part.
Et c’est ici où les comparaisons deviennent essentielles.
Assezat, plus ancien acquéreur, prouve par les titres
qu’il rapporte qu’on n’a jamais parlé de sa maison , sans
parler de la prise d’eau comme partie intégrante.
A u contraire, Jean a une multitude de titres frap
pant sur sa maison, et la prise d’eau n’y est mentionnée
nulle p art, pas même lorsqu’il achetait des quarts et
seizièmes de maison , et lorsqu’il avait intérêt de faire
expliquer le mode de prise d’eau et son volume.
Dirait-il que l’usage dans les actes est de parler va
guement de servitudes sans s’inquiéter de leur détail,
et que les précautions prises dans les titres dAssezat
sont insolites. On lui répondra à l’instant par le relevé
qui a été fait de tous les actes relatifs à l’aqueduc qui
distribue ses eaux aux tanneries du faubourg St.-Bartliélem i, et il y verra que nulle part il n’est parlé de
ventes de maisons, sans ajouter en meme tems que la
prise d'eau en faisait partie.
Ainsi les actes produits condamnent le sieur Jean,
et ce qui en résulte de plus clair, c’est que l’une des
�( 19 )
.
parties veut conserver ce qu’elle a , tandis que l’autre
ne veut pas s’y ten ir, et bouleverse tout, pour aug
menter sa propriété aux dépens d'un voisin.
Ceci nous mène à Fexamen des principes, et c’est
là ce qui a donné le moins d’inquiétude aux i . ers juges
ou peut être le plus d’embarras; car, sans cela, com
ment concevoir qu’ils fussent allés chercher dans une
enquête contraire ce qui était démenti en fait par
l ’enquête directe, et ce qui était démontré impossible
par un nivellement. Gomment adopter sur-tout qu’ils'
aient pu donner à Jean une prise d’eau tout autre
que celle dont ils s’attribuaient la possession.
l a aquœductu nihiL est Lnnovandum contcà veterem
formam. Voilà un principe élémentaire enseigné par
un grand m a ître , il renferme toute la doctrine des
prises d’eau, et déjà nous y voyons que Dum oulin,
s’il eût été le juge de cette cause, n’aurait pas consenti
yolontiers à ôter à Assezat un tiers de l’eau nécessaire
à une tannerie de trois siècles, pour donner à Jean le
droit nouveau de faire un établissement qu’il n’a jamais
eu, et de (métamorphoser une teinture en tannerie.
Si le sieur Jean voulait persister à soutenir qu’il ne
réclame qu'une ancienne possession d'aqueduc , et qu’il
en a fait la preuve , il est inutile de revenir à une
démonstration contraire, puisqu elle ne serait prise que
dans ce qui vient d'être lu, et que ce serait se répéter;
mais quand on lui ferait grâce de la vérité pour sup
poser qu’il a eu une ancienne possession d'aqueduc,
6
�( 2° )
que pourrait-il en résulter, si ce nJest qu’il doit con
server , par la prescription, ce que la possession lui a
donné. Tantum prœscriptum quantïnm possessum.
Or, quelque étendue qu’on puisse donner à la pos
session du sieur Jean , quelque disposé qu’on soit à
fermer les yeux sur la tolérance qui la dénature, le
maximum pour lui serait d’ajouter aux quinze 'ans de
prise d’eau, p a r u n tu yau de bois, autres quinze ou
vingt ans d’ une prise d’eau précédente, dont il a pré
tendu que le tuyau n’était que le remplacement, il est
visible qu’il ne naîtrait pas de cette possession trentenaire le droit de prendre l’eau nécessaire à une tan
nerie, et sur-tout de la prendre en un autre lieu, par
un aqueduc nouveau, et en remontant jusqu’à la voûte
du pont.
Il ne peut pas en résulter non plus la privation au
sieur Assezat de prendre toute l’eau quand elle lui sera
nécessaire, puisqué la possession du sieur Jean, en la
supposant trentenaire, a toujours été conditionnée de
cette charge.
Si le sieur Jean, remontant à des époques plus loin
taines, voulait s’emparer des rêveries de l’un de ses té
moins, pour dire que sa maison avait jadis des canaux,
et même des fosses, dont les débris ont été vus sous
la terre, et pour en conclure, que, par la destination
du père de famille, ces vesliges o n t conservé sa posses
sion, le système du sieur Jean n en serait pas meilleur.
Faisons lui g r a c e e n c o r e sur ces débris de fosses et
de canaux, invisibles pour l expert qui les a cherchés,
�( 21 )
et pour Jean lui-même qui n’a su montrer que des
fosses nouvelles, supposons qu’il a fait réellement l’heu
reuse découverte de vestiges bien apparens, que fau
dra-t-il en conclure?
• T^estigia possessîonem réitnent, cela est* vrai.^Mais,
qu’on lise Dargëntré, [ auteur d’une dissertation sur
cette matière, et on y sera convaincu que la possession
•*
1
•
.
.
n’est conservée par des’ vestiges que lorsque l’état des
lieux reste v a c a n t, lorsqu’il n’y a aucun changement
qui les dénature, lorsque sur-tout le rétablissement des
choses ne nuirait pas à l’occupation d'un tiers.
%
I
r
L e tems qui dénature tout/ ne veut point être in
terrogé sur ‘cè qu’il n’a- pas jugé* ;V propos de nous
révéler par, des signes cértains. Celui qui prétend
lire dans le passé, avec des conjectures, est aussi in
sensé que celui qui veut lire dans l ’avenir; tious avons
assez de'sujets d’erreur dans le présent/sans" en cher'icher de plus grands hors la sphère de notre intelli'i
,
gence.
'■
! ::Que le propriétaire d ’un bâtiment en ruine , em
pêche un usurpateur de s’en approprier le sol, sans
doute nous comprendrons qu’il est resté le maître de
rebâtir, parce que cette idée juste1 et naturelle n’est
contrariée par aucune autre.
' Mais, si un sentier, un pont, un aqueduc, marquent
un droit pour vous, même à titre de servitude sur mon
fonds, de simples vestiges en ruine ne vous donneront
pas le droit de rétablir les lieux comme ces vestiges
l ’indiqueraient, parce que cette idée est contrariée par
�(
)
la présomption, que la servitude n’a été détruite qu’à
titre de convention, ou comme usurpation empêchée.
C ’est par ce motif que les servitudes sont censées
éteintes, non utendo; et ce que disait, à cet égard, le
droit romain, est ratifié .par l’art. 706 du Code civil.
Remarquons à cet égard combien ce principe est fa
vorable, puisque la coutume d e P a r is ,, qui n’admet
tait pas les servitu d es sans titre , voulait cependant
qu’elles pussent être perdues par la prescription. Autre
preuve convaincante que le législateur ne veut pas
qu’on porte ses regards trop en arrière, pour que nous
„soyons forcés de prendre les choses en l’état où nous
les vo yo n s, sans déranger l’ordre établi.
Ou parle de destination du père de famille ; mais
.si Michel Pendraud a été le propriétaire des deux inaions, est-il prouvé d’abord qu’elles furent toutes lesdeux
tanneries? ne faut-il pas plutôt présumer le contraire?
J)ans tous les cas il n’a voulu conserver qu’ une tan
nerie, et, à cet égard ,sa volonté est écrite sur la pierre,
de manière à ce que la postérité ne s’y trompe pas. S’il
faut remonter jusqu’à lui, et croire qu’il a mis les choses
jen l’état où nous les voyons, il sera évident qu’il a fait
une tannerie pour la maison Assezat, et qu’il n’en a
pas fait une pour la maison Jean. Si nous supposons
que c’est après lui que les prétendus aqueducs de Jean
ont été détruits (s’i l ,y en avait eu à sa maison) „ i l
faudra nécessairement croire que cette destruction a
été exigée par le père de famille lui-même, quand il
a mis hors sa main la maison qui n’a plus d’aqueducs.
�( 23 )
.Toutes ces présomptions sont légales ? car le Code
civil les adopte, même en fait de servitudes; il dit que
la destination du père de famille conservera les servi
tudes continues et apparentes, ce qui prouve, qu’à
défaut de titre, celui qui voudrait en exciper ne doit
pas laisser détruire la servitude , sans quoi la loi la
supposerait éteinte par convention.
Concluons de toutes ces hypothèses que le sieur Jean
n’est pas plus fondé à vouloir une prise d’eau , en disant
qu’il veut la faire revivre, qu’il ne l’est en demandant
franchement à la créer. Concluons encore que s’il est
possible de se tromper sur le droit des parties, il ne
peut y avoir qu’une très - grande injustice d’ôter h
Assezat ce qu’il avait, s’il n’est pas évidemment cer
tain qu’il doit le perdre ; tandis qu’en laissant à Jean
ce qu’il a v a it, et sans aucune innovation , il n’y a
violation d'aucun titre, d’aucun droit r é e l , d’aucune
possession, et que c ’ est véritablement, d’après D u
moulin , laisser les choses en l ’état où les parties les
avaient mises. D e telles vérités n’ont pas besoin d ’exem
ples , mais s’il était permis de détourner un peu
l ’app^cation d’un grand principe, Domat nous prê
terait sa première pensée et la citation par laquelle "
îl a jugé à propos de commencer son immortel ou
vrage. Q u i d em im tà m congruum est fid e i hum anw ,
quàm servare €d
cjucb
inter eos pLacuerunt.
M. D E L A P C H I E R , A vocat
M .é G A R R O N , Licencié- Avoué.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Assezat, Jean-Pierre. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
tannerie
témoins
jouissance des eaux
Description
An account of the resource
Précis pour Jean-Pierre Assezat, de la ville du Puy, appelant ; contre Matthieu Jean, de la même ville, intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1689-Circa 1810
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
23 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0416
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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Jouissance des eaux
tannerie
témoins
-
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6ca8a80a3be30a24eb331e1873abf0a3
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Text
PRECIS
EN R É P O N S E
POUR
T h é o d o r e et J u l e s d e V E Y R A C , in ti m és;
CONTRE
M ar ie
G I N O U X , Veuve de J
ean
- J acques de
V E Y R A C , appelante.
E s t - c e
bien d’elle-m êm e que la veuve V e y ra c a
voulu parler, quand elle imprime qu’elle ne désire que
la paix et le repos., qu’elle a toujours voulu être juste,
et qu’usant de tous les ménagemens q u ’exigeait sa
qualité de seconde m ère, elle en a rempli les devoirs
avec bienséance?
Il faut donc que les enfans V eyrac oublient que
depuis neuf ans elle relient la fortune de leur p è re ,
z
�v.
(a )
«ans qu’ils aient pu toucher aulre chose que quelques
minces revenus, arrachés en partie parties saisies-arrêts,
qu’elle a su encore neutraliser.
•
!
Il faut donc qu’ils oublient quatorze jugemens ou
arrêts qu’il a fallu obtenir contre elle , dans lesquels
elle seule a été condamnée aux dépens, et trois fois
en son nom personnel.
Il faut donc qu’ils oublient l ’expoliation m éditée,
sous son n o m , par un certain Lam bert, que la coup
a.condamné à restitution.
'
Il faut donc qu’ils oublient les calomnies et les li
belles qu’elle a plps d’une fois répandus contre une
famille respectable, à l’égard de laquelle elle devait
effectivement user de ménagemens, parce qu'indépen
damment même de ses chicanes, elle avait beaucoup
de choses à faire pardonner.
son
v i s a g e , et étudiant un rôle nouveau, a cru se rendre
plus recommandable en la cour, les enfans V eyrac ne
M a i s si la v e u v e V e y r a c , c o m p o s a n t a u j o u r d ’ h u i
sont point dupes de cet astucieux travestissement. Sa
conduile soutenue, pendant huit a n s , leur a prouvé
qu’une belle-mère n’est , le plus souvent, qu’un être ,
incorrigible et malfaisant, dont il ne faut attendre ni
procédés ni contrilion.
Ainsi la veuve Veyrac peut cesser la contrainle qu’elle
s’est imposée, et reprendre son caractère. Ceux qu’elle
a si long-iems outragés lui pardonneraient tout, si les
larmes dont elle se dit a b reu vée, étaient celles de la
�( )
3
pénitence ; mais quand des larmes ne font qu’un moyen
de procès , elles ne séduisent p o in t, et ne sont que
ridicules.
L ’objet principal de la contestation était terminé
entre les parties, après toutes les chicanes qu’il était
judiciairement possible de susciter aux enfans Veyrac.
Il était jugé qu’ils auraient 10,000 francs de rente
perpétuelle sur la succession de leur a ïe u l, outre les
droits de leur mère, et la succession d’un oncle.
L e tribunal du P u y , la cour d’appel, la cour de
cassation avaient décidé que cela serait ainsi ; mais la
veuve V eyrac a médité un m oyen de paralyser une
décision aussi bien consolidée; et cette attaque indirecte
de la chose jugée , est aujourd’hui l’objet du procès
pendant en la cour.
C ’est dans le contrat de mariage de François-Camille
de V e y ra c , et dans la clause même jugée p a rla cour?
que la veuve V eyrac puise ses moyens d’attaque.
Par l ’article 2 de ce contrat, du 19 janvier 1 7 8 5 ,
Jean-Jacques de V e y ra c , donne et constitue à Fran
çois-Camille de Veyrac son lils (père des intimés), d ix
mULe Livres de rente annuelle et perpétuelle, avec son
hôtel au P u y , et la moitié de ses meubles.
lui assure
de plus la moitié des biens dépendans de la succession
de la dame de Maison-Seule, mère du futur, pour en
11
j°uir après son décès; et enfin il lui donne la faculté
prendre dans ses bois celui nécessaire a l’ usage de
sa maison.
2,
�3
«
«
«
«
«
«
'
.
.
(
4
}
L'article
est ainsi conçu : <rDans la donation et
constitution ci-dessus de 10,000 francs de rente est
comprise la substitution faite au profit du futur par
le sieur de V eyrac de Maison-Seule son aïeul, dans
son testament. Comme aussi le fu tu r ne pourra point
rechercher ledit, seigneur son père, relativement à
l’inventaire de M. son oncle le chevalier de Veyrac*.
A rticle 4. «rLes autres biens dudit sieur de V eyrac,
«■en quelques nalures qu’ils soient , terres , contrats
« et autres, lui demeureront réservés, ainsi que les
« fruits des autres biens propres du fu tu r , desquels
« ledit seigneur son père a droit de jouir en vertu de
« sa puissance paternelle ; lesquelles clauses ont été
« expressément requises par ledit de Veyrac père (1)».
.Après le décès de François-Camille de V e y r a c , en.
l’an 6 , la famille, présidée par l’aïe u l, lui-m êm e, crut
devoir déférer la tutelle au sieur de G laven as, le beaufrère et le meilleur ami du défunt.
( 1 ) Ce contrat de mariage a une clause dé réversion, stipulée
au cas où le futur ayant des enfans, ils décéderaient. L a veuve
V e y ra c a jugé à propos (p ag. 6 de son mém oire) d’y lire : dé
céderait ; ce qui ôlerait aux enfnns de Camille tout l’effet du
contrat de mariage de leur père : cependant elle n’y insiste pas.
Mais elle devait dire à la cour que celte découverte n’est pas
nouvelle de sa part ; q u ’elle proposa ce moyen en l’an 7 , et
rendit nécessaire un compulsoire de la minute du contrat de
mariage. Il fut reconnu qu’il y avait ils décéderaient , et alors
la clause est devenue sans effet, parce que les enfans vivent. L a
veuve s’est tue depuis cette époque. Comment donc revient-elle
sur ses pas, quand tout est ju g é ?
�( 5 >
.
.
- Ce n’est pas sans adresse et sans mauvaise foi que
la veuve V eyrac parle de manœuvres employées par
la famille pour contrarier le vieillard sur ce point ;
elle sait mieux que personne que tout se passa de son
a v e u , parce qu’il partageait sincèrement les craintes
de toute la famille sur l’avenir que préparait sa seconde
femme aux enfans de son fils. Elle sait encore que le
sieur de Glavenas n ’ a c c e p t a , pour ainsi dire que malgré
lu i, une tutelle onéreuse; et les mineurs V eyrac se
plaisent à déclarer que sans lui ils n’auraient pas eu les
moyens de vivre, malgré leurs 10,000 fr. de rente, puis
que, pendant les interminables procès, suscités par leur
marâtre, elle a trouvé le secret de retenir leur fortune.
Voilà l’explication de l’une des calomnies de la veuve
Ve37rac : revenons maintenant aux premières causes du
procès, avec la b riévelé que com porte une cause , dont
tous les détails ont été rappelés dans des imprimés précédens , et qui n’a besoin que d’être réduite au seul
point de vue sous lequel elle se présente en la cour.
Jean -Jacques V eyrac é ta it, avant sa m o rt, livré
exclusivement aux volontés de sa femme et de ses con
seils. Contrariée de ce qu’il n’avait pas voulu la tutelle,
elle l1engagea à ne rien payer de la pension des mineurs,
ou plutôt elle refusa pour lui : et le tuteur se vit obligé,
plus d’un an après son entrée en exe rcice, d’obtenir
Une sentence le 2y thermidor an 7, pour se procurer le
paiement de la rente de 10,000 f r ., et faire régler ce
�•
( 6 }
,
dont le sieur de V eyrac père ne s’était pas retenu
l ’ usufruit.
Mais il est faux de dire que les saisies-arrêts furent
accumulées sur le sieur de Veyrac pour le priver de
tous ses revenus , et qu’il passa ses dernières années
dans un dénuement absolu. Ces faits sont de la pure
invention de Marie Ginoux; aucune saisie-arrêt n’eut
lieu pendant la vie du sieur de V eyrac ; on l’a défie
d’en produire une seule.
A compter du décès du sieur de Veyrac ( i . er bru
maire an 8 ) , il a fallu se résoudre h plaider avec la
v e u v e , pour ainsi dire, jour par jour.
Verbalisations sans fin à tous les actes et inventaires;
refus de délaisser le mobilier même des mineurs ; oppo
sitions sur oppositions h toutes les procédures et à toutes
les saisies-arrêts5 offres de payer tantôt les arrérages de
la renie de 10,000 fr. , tantôt le capital, puis révoca
tion de ses offres et désaveu : opposition à des jngemens passés en chose jugée , et appel de ceux qui la
déclaraient non-recevable : voilà en bref comment
s’est passé l’an 8.
I/an 9 fut employé h des discussions plus sérieuses,
mais moins rapides. Les mineurs avaienl pris des con
clusions générales pour le règlement de leurs droits j
la v e u v e , à la vérité , contesta tout > forma des de
mandes incidentes, mais sans concevoir même l’idée
de répéter les sommes énormes qui font le sujet de
sa demande actuelle.
�.
( 7 }
.
Cependant c’était alors le m om ent; car les mineurs
avaient conclu au paiement de toutes leurs reprises dans
tous les estocs de la famille de Veyrac.
Condamnée par défaut le 21 nivôse an 9 , la veuve
V eyrac forma opposition, et fut déboutée par jugement
du 14 germinal suivant; elle en interjeta appel.
L ’an 9 fut encore consacré à l’épisode de L am b ert,
qui ne dut pas préparer la cour à être très-favorable
à la veuve Veyrac.
L e jugement du 14 germinal an 9 fut confirmé par
la cour, le 28 pluviôse an 10 ; et la veuve V eyrac fut
condamnée aux dépens de la cause d’a p p e l, en son
nom personnel, et sans répétition, comme elle l ’avait
été déjà au P u y , pour les dépens de l’opposition. Elle
s’est pourvue en cassation, où elle a encore succombé.
Les points principaux du procès étaient jugés, ce
pendant il restait sept articles non éclaircis ; mais la
veuve V eyrac n’entendait pas se contenter d ’un aussi
petit nombre de difficultés ; aussitôt après son appel,
elle présenta requête au P u y , pour plaider en même
tems sur plusieurs nouvelles prétentions de sa part.
A v e c cette découverte inopinée, la veuve V eyrac a
trouvé le secret de prolonger la contestation pendant
près de sept ans; c’était là tout son but.
Car elle a eu la satisfaction de dire qu’avec tant de
j ugeniens et d’arrêts, les mineurs V eyrac ne sont pas
plus avancés en 1808 qu’en l’an 8.
�( 8 )
^
Ceci paraîtra sûrement une fable ; cependant rien
n’est plus réel> et voici par quel secret la veuve Veyrac
est parvenue à paralyser les arrêts de la cour.
•
En faisant donation de 10,000 fr. de rente à son
fils, M. de V eyrac père dit que dans La donation,
est comprise La substitution faite au profit du futur
par son aïeul,
' C'est là où la veuve V eyrac a pris son texte; elle
a dit aux mineurs V eyrac : « A y e z votre rente, j’y
« consens, puisqu’on m’y force ; mais dans votre renie
«
«•
«
«
est une substitution. D a n s cette substitution, se trouvent des dettes; et non-seulement ces dettes se com
posent des dots et légitimes que vous d e m a n d e z,
mais vous me devez vous-m êm e une foule d’arti^
* d e s , notamment la dot de votre bisaïeule, etc.»
C ’est dans ce raisonnement que le procès actuel a
pris sa source. Il est inutile de rappeler tous les chefs
de demandes décidés p arle jugement du P u y ; il suffit
de dire que les mineurs V eyrac s’en sont tenus de leur
part aux articles restés indécis en l’an 9.
Elle a formé six nouveaux chefs de demande qui
sont de prétendues dettes dé la substitution , et qui
sont au reste énumérées dans son mémoire (page 17).
L e tribunal du P u y a statué sur le tout, le 26 prai
rial an 12; il a pensé que les mineurs devaient avoir
leur rente franche et quitte, et en outre les succes
sions dont leur père ne s’était pas départi par son con
trat de mariage.
�.
(
9
}
A vant de suivre la veuve V eyrac dans ses demandes
et moyens, il faut d’abord savoir ce qui a été demandé
et jugé entre les parties avant ce procès, pour éviter
la confusion, et mettre la cour à portée de vérifier
tout d’ un coup ce qui a été jugé ou préjugé.
En Tan 9, les mineurs Veyrac demandèrent, i.° acte
de leur option de s’en tenir aux 10,000 fr. de rente ;
2.0
j oo fr. pour la moitié de la dot et reprises de la
38 5
3 5
dame Morges leur mère ; .° ,ooo fr. pour moitié de sou
mobilier ; 4.0 la moitié du mobilier délaissé par Jac
ques-Antoine de V e y ra c , bisaïeul; .° 22,000 fr. pour la
5
légitime de Jean-Hugues de V eyrac; 6.° l’exéculorialité du jugement du 27 thermidor an 7 , pour ladite
rente de 10,000 fr., paiement des arrérages et conti
nuation du paiement à ven ir; 7.0 le partage de la suc
cession deM arie-Anne Belut de Trinlinliac leur aïeule;
8.° la moitié des sommes reçues par Jean-Jacques
V e y ra c , pour les biens aventifs de la dame de Morges,
aïeule des mineurs; 9.0 la distraction définitive du m o
bilier de leur père; io.° i o fr. montant d’un billet
fait au tuteur pour vente d’un cheval ; n . ° la faculté
de prendre du bois à perpétuité , conformément au
contrat de mariage.
5
Loin de proposer aucuns moyens de compensation
conlre ces demandes, voici les conclusions que prit la
y^uve V e yra c, telles qu’elles sont consignées dans le
jugenQent définitif du 14 germinal an
A- ce qu’il lu i
3
�( IO )
fu t donne acte de ce que sur les articles i , 4 et 10, elle
s’ en rapportait à La prudence du tribunal, ainsi que
sur le paiement de la rente de 10,000 fr. et de ce quelle
consentait leur délivrer des à présent les titres en bonne
form e d ’ une créance de 2 ,000 fr . en capital} due par
la maison V o g u ié; sur le surplus des demandes à ce
que les mineurs en fussent déboutés, attendu qu’elles
n étaient pas établies.
5
E n expliquant ces conclusions, elle fit plaider sur
l’art. 2 des demandes, que si les mineurs établissaient,
par des quittances, que le défunt eût reçu 70,000 fr.
de la dame de Morges, elle ne ferait aucune difficulté
sur ce ch ef de demande; elle dit la même chose sur
l ’article .
3
Sur l’art.
5, elle objecta qu’on
11e justifiait ni le tes
tam ent, ni la consistance des droits de Jean-Hugues ,
et que d’ailleurs François - Camille de Veyrac avait
répudié à ladite succession.
Sur l’art. 6 , qu’elle ne contestait pas le paiement
de la rente de 10,000 fr. mais que les arrérages anté
rieurs à l’an 7 étaient surpayés.
1
Sur art. 7 , elle pretendit que la succession Trin tinhac était bien assurée pour moitié au père des
mineurs , par son contrat de m ariage, mais que ce
mot n’opérait pas une donation, sur-tout en D au phiné. Cet article fut au reste discuté par elle; en
point de droit, avec une extrême longueur.
�(II )
Sur l’art.-8 , elle dit qu’il fallait prouver que Jean
Jacques V eyrac avait donné des quittances.
Sur l’art. 9 , elle soutint que le père des mineurs
s’était emparé de la maison du P u y 5 et en avait dis
sipé la majeure partie.,
Sur l’art, i i , elle prétendit que la faculté de pren
dre du bois était personnelle au père des m ineurs, et
qu’il était ridicule de vouloir qu’elle s’étendît à sa
postérité.
¥
Voilà tout ce qui fut soumis aux premiers juges, et
par suite à la cour d’appel.
.
1
Les mineurs obtinrent la rente de 10,000 francs , a
faculté de prendre du bois, le partage des immeubles
Trintinhac, et une partie du mobilier. U n e preuve
fut ordonnée à l ’égard d’une autre partie dudit m o
bilier , et sur tout le surplus, il fut ordonné plus
ample contestation.
Comment donc la dame V eyrac , après des con
clusions et une plaidoirie aussi précises, a-t-elle pu
se démentir elle-même, au point de prétendre ensuite
. que la remise de la substitution mettait, sur le compte
de François - Camille de V e y r a c , toutes les dettes de
son ^aïeul?
Si cela eût été ainsi, comment donc la veuve V eyrac
a~t-elle consenti à subordonner le paiement de plu
sieurs deües à un simple rapport de quittances; c’était
■
4
�(
12
)
îë cas au contraire de soutenir qu’ elle ne devail rie n ,
et d’opposer des compensations.
Les demandes pendantes en l’an 9 présentaient le
cadre général de toutes les prétentions respectives; les
mineurs, qui n’avaient rien, étaient demandeurs, et
avaient réuni tous leurs chefs de demande. La tutrice
était défenderesse contr’eux, et demanderesse en par
tage conlre l’interdit ; elle avait aussi présenté à la
fois toutes ses prétentions.
Ses demandes ultérieures formées après Leju g em en t'
d é fin itif, où elle emploie quarante rôles à faire valoir
ses m oyens, sont donc des prétentions de mauvaise
f o i , et non-recevables?
Elle ne les présentait, disait-elle alors, que parce que
te jugem ent était exécutoire nonobstant Cappet. Elle
n'avait donc d’autre but que de paralyser des créances
Certaines par des prétentions imaginaires : et ce qu’elle
ne mettait en a v a n t. que comme une chicane a vo u é e,
elle le soutient aujourd’hui avec obstination.
Mais qu’est-il besoin de lins de non-recevoir contre
des demandes aussi déplorables? Suivons les moj^ens
de la veuve V e y r a c , et quelques réflexions suffiront
pour montrer qu’elle ne peut pas être de bonne foi
elle-même dans sa découverte.
La principale question à traiter n’est pas de savoir
si le contrat de mariage de 1787 contient La remise de
la substitution de l’aïeul, par Jean-Jacques V e y r a c , à
�( 13 ) _
.
son f i l s , mais si au contraire il ne contient pas la
remise de cette substitution par le f ils t au-profit du
père (i).
L a clause du contrat en effet ne laisse pas d’équi
voque, comme le dit fort bien la veuve de V eyra c
(page 39 de son mémoire),' «le sieur de V eyrac ne
«• donne 10,000 fr. de rente à son fils que pour s’ ac« quitter envers lui. Nemo liberalis, n isi Liberatus ».
Il est difficile d’être plus d’accord sur les principes,
et de l’être plutôt. Car les mineurs V eyrac adoptent
parfaitement celte première et fondamentale pensée
de leur adversaire.
Que résulle-t-il en effet de la clause du contrat, qui
ne peut pas s’interpréter de deux manières? C ’est que
Jean-Jacques de V e y r a c , grevé ou débiteur d’ une subs
t i t u t i o n , s’ e n est acquitté p a r le moyen du contrat.
C ’est là le contrat do ut des ; et comment conce
voir que celui que la veuve V eyrac dit acquitté par
le moyen d’une rente, qui est le prix de sa libération,
11’ait pas retenu pour son compte la chose même qu’il
payait de son argent?
Il faut encore ajouter, avec la veuve V e y r a c , que
sans cet arrangem ent, et si François-Camille V eyrac
n’avait pas eu droit à la substitution, son père ne lu i
aurait pas fa it une constitution aussi forte.
s
(0
T_.es motifs du jugement dont est appel, sur cette ques-
tl0" , sont au mémoire de la veuve V e y r a c , page a 2 , dernier
alinéa; \Q dispositif est page 3 z.
�(
*4
)
‘
.
L e p è r e a donc bien entendu s’ acquitter tout à la
fois des droits de son fils à,1a substitution, et de sa dette
paternelle pour l’établissement de ce fils ; c’est-à-dire,
qu’il a entendu payer ces deux objets.
;
Et de quelque terme qu’on se soit servi pour expri
mer cette intention, n’est-il pas de principe qu’elle se
détermine par la nature de l’acte, plutôt que par les
expressions dont on s’est servi. Potiùs id quod actum ,
quàrn quod dictum est.
'
I c i , ce qui a été convenu n’est obscur pour personne.
L e père s’est acquitté de la substitution en la payant
par une rente. L e fils y a consenti • et par conséquent
le père n ’a plus été grevé de cette substitution.
S’il n’en a plus été g r e v é , le fils a cessé d’y avoir
des droits; et dès-lors la mutation s’est opérée par cet
échange entre une rente et les droits dont il .donnait
quittance au père.
Si donc il y a dans cette convention res, consen
sus et pretium, comment s’obstiner à vouloir que celui
qui est devenu le propriétaire libre des biens substitués,
en ait cependant laissé toutes les charges à un autre?
Il serait inutile, d’après ces observations, de suivre
la discussion à laquelle s’est livrée la veuve V eyrac
pour prouver, par des lois romaines, qu’on peut faire
une restitution anticipée de fidéicommis, et que dès
cet instant les dettes de l’hérédité ont passé sur la tête
du propriétaire des biens substitues.
Certainement tout cela est incontestable; mais ou
en est l’application?
'
�( i5 )
Toute cette discussion est fondée sur un seul mot,
restitution anticipée des biens substitués; et ce mot est
de la pure invention de la veuve V e y r a c , car il n’est
pas au contrat de mariage.
A u contraire, il en résulte que le père a retenu pour
lui les biens substitués; et la veuve V eyrac en jouit.
Il suffit donc de lui rétorquer ses propres citations,
et de dire avec elle que les dettes et charges de l’h é
rédité sont à la charge de celui qui est devenu proprié
taire des biens substitués.
Jean-Jacques V eyra c fut libéré de la condition de
rendre; dès-lors les biens substitués ne sont restés dans
ses mains que deducto œre alieno.
C ’est une idée bien étrange que celle de la veuve
V eyrac : lorsqu’elle ne peut plus résister à payer la
r e n te , elle veu t la couvrir par des dettes. Elle prétend
que le donateur de la rente a sous-entendu que le
donataire resterait son débiteur d’une somme inconnue,
et que la chose donnée en resterait grevée. Conception
véritablement sans exemple.
■
Et si les dettes des biens substitués se fussent portées
à 240,000 fr., il en résulterait que le s.r de V eyrac aurait
donné la somme de 240,000 fr., sur laquelle il aurait
retenu 240,000 fr. ; c’est-à-dire, qu’il aurait donné zéro.
Si la veuve V eyra c avait transcrit (pag. 39) la fin
de l ’article 2 du contrat de mariage, cette fin aurait
évité le sens forcé qu'elle y donne. Comme aussi le
fu tu r ne pourra rechercher Ledit seigneur son père pour
�C 16 )
C inventaire de son oncle : cela suppose nécessairement
que si quelque chose est sous-entendu, c’est la répétition
de la même convention pour ce qui précède ; c’està-dire, q u il ne pourra rechercher son pere pour les
biens de la substitution.
L a veuve V eyrac a bien copié cet article 2, en la
page 5 ; mais les mots comme aussi y ont été négligés ;
cependant ils expliquent toute r i n t e n t i o n , et ils ôtent
absolument l’équivoque qu’elle a voulu faire naître
d’une remise anticipée de la substitution.
Il y aurait encore bien des choses à dire pour for
tifier cette démonstration \ mais ce ne serait que ré
péter ce qu’ont dit les mineurs, dans leur mémoire
publié en première instance (pag. 18 et suivantes), et
ce qu’a dit le curateur de l’interdit, en son mémoire
3
(pag. i ); il suffit d’y renvoyer. L a cour y appercevra
un fait très-important, c’est que la succession du substi
tuant a été évaluée à 867,499 livres ; ce qui faisait
pour la substitution 433,749 liv. 10 sous, que le père
des mineurs a abandonnés pour une rente de 10,000 fr.
Il pouvait aussi demander les fruits faute de publica
tion ; de sorte que son père ne lui donna pas même le
produit net de ce qu’il lui devait.
La veuve Veyrac criait ¿1 la collusion contre le cura- 1
leur de l’interdit , parce qu’il ne voulait pas être de
moitié dans s e s paradoxes. Mais le curateur lui répondit
qu’avant de plaider comme elle au hasard, il avait
consulté trois anciens jurisconsultes de Toulouse (mes
sieurs
�( 17 )
/■
.
sieurs G a r y , Lespinasse et L aviguerie), qu ils avaient
décidé en faveur des mineurs , et que cela faisait loi
pour lui, parce qu e, en le nommant curateur, on lui
avait recommandé d'être circonspect , et de ne pas
élever de difficultés déplacées. (Cette recommandalion
avait été faite aussi à la veuve V e y ra c , en la condam
nant trois fois aux dépens en son nom 5 mais elle n’en
a pas été corrigée.)
Les premiers juges ont donc déclaré qu’il ne résul
tait de la donation de 10,000 fr. de rente, aucune
charge de payer les dettes de la substitution au dona
teur. En conséquence , ils ont mis hors de cour la
veuve V eyrac sur tous ses chefs de demande, qui ne
prenaient leur source que dans ladite prétention.
Ainsi les mineurs V eyrac ne s’occuperont plus de
ces chefs de d em a n d e , que la veuve Veyrac a ren
voyés à la fin de son mémoire (pag. y ) 7 et qu’elle
5
ne fonde sur aucun moyen.
\
La première conséquence que tire la veuve V eyrac
de la démonstration q u ’elle croit avoir faite de la
remise de substitution , est de dire (pag. 46) que toutes
les demandes relatives à la restitution de la dot de la
dame de Morges (première femme de Jean-Jacques
V e y ra c ), s’écroulent, d’elles-mêmes.
Ceci était en effet très-conséquent. Mais la veuve
Veyrac avait, oublié que, lors du jugement de Tan 9 ,
e^e avait soumis ces chefs au rapport des quittances.
-
5
�( i8 j
: Aujourd’hui'ces quittances sont rapportées ; donc les
mineurs ont droit de réclamer cette dot, parce que
leur père ne s’est pas départi de la succession de sa
mère.
Il importe peu que les quittances aient été données
par Jean -Jacques V eyrac ou par son p è re , puisque
c ’est là une succession dont aucune l o i , ni aucune
convention ne prive les mineurs. Mais si cela impor
tait, il faudrait rectifier la citation que fait la veuve *
V eyrac : Pater pertes quetn est adm inistrado prœsumitur totum récépissé. Dumoulin dit : V ir penès
quem , etc. A la vérité, il ajoute une comparaison re
lative au père qui s’oblige avec le fils, c’est-à-dire, le
fils sous La puissance paternelle, comme la femme sous
la puissance maritale; et ce qui le p ro u v e , c ’est que
Dumoulin ajoute qu’il parle des femmes dont les biens
sont dotaaoc, et q u’il en serait autrem ent si elles étaient
communes.
Après avoir contesté la dot de la dame de M orges,
la veuve V eyrac dispútele trousseau (pag. 47 ) , parce
q u e , d it - e ll e , le mari l ’a gagné par sa survie, à la
charge des funérailles, ce qui est, si on l’en croit, une
une règle de droit commun.
L a veuve Veyrac ne se serait-elle point accom
modée en cela de la coutume d’Auvergne? Mais cette
coutume est étrangère à la cause : c’est le droit ro
main qui régit les parties; et il ne donne pas le trous-
�19
(
)
v
seau au mari. L a novelle 1 1 7 exprime les cas ou un
mari a quelque chose à espérer sur la succession de
sa femme ; mais il n’y est question ni de trousseau, ni
d’enterrement.
L a veu ve V eyra c combat le gain de survie de 7,000 f.
stipulé au profit de ladite dame de Morges. Ici c’est
dans une loi romaine qu’elle puise le principe que les
donations entre époux, quoique faites entre-vifs, sont
révocables, et qu’il faut la survie de 1 époux.
Cela est très-vrai pour les donations faites pendant
le mariage, constante matrimonio j mais quand il s’agit
d’ un don fait par le contrat de mariage l u i - m ê m e ,
tout est perpétuel et irrévocable , sur-tout quand on
en est ainsi convenu.
O r , le contrat de m ariage porte que le sieur de
V e y ra c donne à la dame de Morges la somme de
7,000 f r ., qui Lui appartiendra, et dont elle pourra d is
poser à sa volonté,
qu ’e l l e
s u r v iv e
ou p r é d é c è d e
,
qu’ il y ait des enfans ou non.
'
L à le m otif de prohibition des lois contre les dona
tions"^ conjugales n’existe plus, rie mutuo amore sese
invicem spolientur. D ’ailleurs, ce qu’a voulu une loi
générale cède à une convention sous la foi de laquelle
un mariage a été contracté, legem contractus d ix it.
1
/
Nous ne suivrons pas la veuve V eyrac dans sa dis
cussion sur divers articles des biens aventifs de la dame
f
6
�( 20 )
.
'
de Morges (pag. 49 et o)- les premiers juges s’en sont
retenu la connaissance ( pag.
).
. Elle adopte le legs de 10,000 fr. fait à la dame de
5
35
Morges , et offre de payer sous déduction d’un neu
vième. C ’est précisément ce qu’ont décidé les premiers
juges (pag. 3 4 ).
.
Quant au ch ef relatif à la légitime du chevalier de Veyrac, l ’adversaire la contesté par deux moyens; i.° parce
que c’est une delte de la substitution ; 2.° parce qu’il est
à présumer qu’elle a été payée,, et qiCelle croit être
certaine que la quittance est dans les papiers de la suc
cession. ’
D éjà il a été prouvé que ce premier moyen était
un songe, et le second est de la même nature.
C a r ia veuve Veyrac n ’a pas encore, donné assez de
gages de sa véracité, pour qu’on doive la croire sur pa
role dans ses simples présomptions. N ’a - t - e l l e pas eu
assez de neuf ans pour chercher dans les papiers de la
succession ?
•
'
Il s’agit d’une légitime due et non prescrite : il n'y
avait donc de griefs à proposer qu’avec une quittance?
C'est bien assez que les premiers juges n’aient pas
adjugé les 6,000 fr. demandés de plus. Mais si la veuve
a osé nier l'écriture du défunt, l ’interlocutoire qu’elle
a rendu nécessaire ne lui aura valu, que le plaisir de
plaider un peu plus long-tems, sans lui épargner une
condamnation.
�( 21 )
Faut-il la remercier de ce qu’ elle ne dispute pas
53
la condamnation de 75 fr. (page
); il semble qu elle
se fait violence en ne contestant pas cet objet ; mais
il est constaté par un billet du défunt.
L a veuve Veyrac se plaint d’être condamnée aux
intérêts des intérêts (page
) ; et elle prétend que
c’est un anatocisme, à la vérité adopté par le Code civil ,
54
mais qui en cela établit un droit nouveau.
,
C’est au contraire un bien vieux principe en F ra n c e ,
l
t
que les intérêts qui courent, ex natura rei, peuvent en
produire eux-m êm es, du jour de la demande : et pré
cisément les dots et les légitimes sont de ce nombre.
En cela les intérêts qui courent sans demande, ne
sont , à proprement parler , que Les fru its dus à la
fem m e et au légitimaire, du jour de l’ouverture de leurs
droits; et il n’y a pas d’anatocisme à ce que des fruits
produisent des intérêts.
'
Ce n’est point assez à la veu ve V eyrac de gloser
contre le jugement dans ce qu’il d it, il faut encore
qu’elle le blâme dans ce qu’il ne dit pas. » Les prê
te miers juges, d it-e lle (page
), ont bien imaginé
« de condamner la veuve Ginoux solidairement et
«■hypothécairement. Entre cohéritiers, il n’y a pas
55
. ff d’action solidaire ; mais on a pris à tâche de l’accacc hier par les condamnations les plus injustes».
/ *»
v
lamentation aurait dû être réservée pour un
�(
22
)
cas plus réel. Car précisément les premiers juges n’ont
pas condamné la veuve V e yra c solidairement.
Ils l’ont condamnée pour m oitié, et hypothécairement pour le tout. Cela est ainsi répété trois fois dans
le ju g e m e n t, c’e s t - à - d i r e , à chaque condamnation
(pages
,
et 37).
34 36
Cette disposition n’est-elle pas conforme aux anciens
principes, et à l’art. 873 du Code civil? la veuve Veyrac
a moitié dans la succession; donc elle doit supporter
les dettes personnellement pour sa part et portion , et
hypothécairement pour le tout.
L a veuve V eyra c n’a point encore assez d’un adver
saire, et elle rompt encore une lance contre l ’interdit,
parce qu’il a obtenu une condamnation d’intérêts de
puis le 28 août 1792.
Mais la veuve V eyrac, qui le met en qualité dans son
m ém oire, com m e intim é, n ’a point interjeté appel
contre lui. Sans doute elle l’avait oublié, ou elle s’en
repent ; et pour se consoler, elle crie dans le désert.
Théodore
de
VEYRAC.
M. e D E L A P C H I E R , ancien A vocat.
M. e G A R R O N , L icen cié-a voué.
A R I O M , D E L ’IM P . D U P A L A I S , C H E Z J.-C. S A L L E S .
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Veyrac, Théodore de. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
successions
rentes
contrats de mariage
substitution
droit romain
anatocisme
Description
An account of the resource
Précis en réponse, pour Théodore et Jules de Veyrac, intimés ; contre Marie Ginoux, veuve de Jean-Jacques de Veyrac, appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
Circa 1785-Circa An 12
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0401
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Rights
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Domaine public
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anatocisme
contrats de mariage
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rentes
substitution
Successions
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MEMOIRE
C O U R D ’A P P E L
P our . A n t o i n e B E R N A R D , appelant;
DE R I0 M 1 re
C o n tre V i t a l
CHABANON,
.
et J a c q u e s
C H A M B a E.
AVIT,
,
intimes.
QUALITÉS POSÉES
v
pour
le 22 fév rie r.
D
E toutes les contestations dans lesquelles les tri
bunaux peuvent être induits en erreur par les appa
rences, il n’en est pas où une méprise soit plus cruelle
que dans les procès d’incendie; car celui qui perd sa
cause par des présomptions, a souvent été la victime de
l ’incendie dont on le croit auteur; et ainsi, au lieu d’un
secours qu’il avait droit d’attendre, il voit consommer
sa ruine, sans qu’il ait pu, ni prévenir son malheur, ni
trouver des moyens de défense : lu i- m ê m e , en effet,
n ’a é té , comme les autres spectateurs, averti de l''in
cendie que lorsque sa maison en était dévorée.
Cependant, on a vu maintefois les procès de cette
nature n’être soumis qu'au simple examen d ’un fait
�( 2 }
matériel. Lorsqu’ un incendie a consumé plusieurs mai
sons , on appelle des témoins pour savoir dans laquelle
le feu a éLé vu premièrement ; et ainsi, avec la plus équi
voque des preuves, on se croit forcé de dire que le
propriétaire de cette maison est présumé l’auteur de
l ’incendie: en conséquence, outre la perte qu’il éprouve,
on le condamne à supporter celle de ses voisins.
Si celte rigueur excessive était fondée en droit, il serait
certain au moins que la loi n’a entendu l’appliquer
qu’au cas d’ une conviction certaine et palpable. Il faut
en effet qu’il ne soit pas même possible de présumer que
le feu ait pu venir aussi de chez celui qui réclame une
indemnité.
L e tribunal du P u y a cédé trop légèrement à ce
préjugé qui aurait de si funestes conséquences, et son
embarras l ’a conduit à être injuste. Ce n’est pas que ce
t r i b u n a l puisse être justement accusé d’avoir examiné
les faits trop superficiellement ; il s’est au contraire en
touré de toutes les lumières qui pouvaient éclaircir les
faits : mais ensuite lorsqu’il a connu tout ce q u i . après
le tumulte d’un incendie , avait resté imprimé sur le
local, ou dans la mémoire des tém oins, le tribunal du
P u y a presque mis de côté les éclaircissemens qu’il
avait cherchés , pour retomber dans la chimère des pré
somptions, et juger d’après les apparences les plus sut
perficielles.
Les bâlimens que les parties possèdent au village de
Vais, sont contigus; la maison de Bernard, dit Gardés,
�( 3 ),
esl attenante à sa grange \ et celte grange est séparée par
un mur mitoyen d’une cuisine appartenant à Vil al
Chabanon 3 et dans laquelle se font ses lessives. L a
cheminée de celte cuisine est encastrée dans le mur
m itoyen; les murs n ’en sont pas même crépis, et le
tuyau ne dépasse pas.le toit qui couvre la grange de
Bernard.
C'est dans la.soirée du 18 novembre 1806 , que l ’in
cendie éclata. Ce jour-là Cliabanon faisait faire la les
sive dans sa cuisine, en brûlant des feuilles el des
cosses de fèves.
v Aucun danger n’avait paru en résulter ; chacun s’était
retiré chez soi à Feutrée de la n u it, lorsque, sur les
Six heures du soir, des cultivateurs, revenant des
champs, vinrent avertir Bernard qu’on voyait de la
fumée dans sa grange.
Il y entra avec précipitation , île vit rien dans lé
bas ; mais étant monté au-dessus, il vit une grande
quantité de bottes de paille ou foiti, placées à côté
de la cheminée de Chabanon , qui commençaient à
s e n ila m m e r.il crut pouvoir préserver les autres de la
communication ; mais il avait perdu la tête j et dans
kon trouble, il agilait le f o i n , et accélérait l ’incendie
ou lieu de l’arrêter.
Enfin cet incendie é cla la , et Bernard, pourèa propre
sûreté, fut contraint de fuir pour tacher de sauver le
pou de linge qu’il pourrait e m p orter, avant que les
flammes eussent tout consumé.
Une parlie des bâlimens allenans d’A v it , et de Cha3
�( 4 )
ban on, fat brûlée : on prétend qu’ une partie de ceux
de Chabanon fut coupée pour empêcher la com m uni
cation du feu avec les maisons voisines.
11 n’y avait qu’ un cri dans le village sur la cause de
cet incendie; il n’était généralement attribué qu’à la
lessive de Chabanon, et aucun fait d’imprudence n ’était
même reproché à Bernard : ses adversaires n’ont pas
m êm e tenté encore de lui en imputer.
• Bernard avait perdu sa m aison, sa grange et ses
réco ltes, ce qui était incalculable pour sa fortune ;
aussi se proposait-il de réclamer des donmiages-intérêts.
Mais Chabanon imagina de le prévenir, croyant sans
doute q u e , dans une matière de conjectures, le juge
penche naturellement en faveur de celui qui se plaint
le premier.
Chabanon fit donc citer Bernard au bureau de p a ix ,
le 2.6 novembre 1806; mais Bernard ne comparut que
pour déclarer que lui-m êm e entendait demander des
dommages-intérêts; en e ffe t, il fit expédier le procèsverbal de non-conciliation, et assigna Chabanon, qui,
de son c ô té , prit des conclusions semblables contre
Bernard.
U n jugement du 20 mars 1807, ordonna tout h la
fois une enquête et une expertise, à laquelle il fut dit
qu’un juge assisterait, et entendrait aussi les témoins sur
les lieux incendiés.
Ces précautions étaient très-sages, aussi en est-il ré
sulté de grands éclaircissernens, et il est précieux de
Jes
4 recueillir.
�(
5 )
D ’abo rd , q u a n ta l’en q u ête, il faut franchement
convenir que la majorité des témoins se réunit à dire
que les premières flammes ont été vues dans la grange
de Bernard.
Mais de quel côté v en aien t-elles? c ’est là ce qu’il
est important de rechercher ; car, comme aucun té
moin n’indique de cause à l’incendie , et quJil faut
cependant lui en supposer u n e, il s’agit d’orienter l’incendievlui-même, et de le suivre dans la route qu’il a
parcourue.
Les témoins de l’enquête de Cliabanon ne s’en oc
cupent pas, ils s’attachent seulement à établir de leur
mieux que la grange de Bernard était déjà en flammes
avant qu’on vît du feu chez Cliabanon. Cependant le
seul témoin qui parle de la direction du feu (le 2.')^
dit avoir apperçu que la grange de Bernard était en
flammée du côté droit du portail ( c ’est le côté de
Cliabanon), et que l’incendie se dirigeait du côté du
couchant, où se trouve la maison A vit.
Dans les deux enquêtes de Bernard, les traces de
1 incendie se remarquent mieux encore; et sa source,
si on peut s'exprimer ainsi, y est clairement marquée.
Les 8.e, g.e} io.«, 11
i2 .c témoins de la première en quete, les i.«^ 3,e e j 5 e ¿g ]a seconde enquête ont vu
les premières flammes de la grange Bernard, et tous
que le J e u
Cliabanon.
d is e n t
venait d u
côté de la cheminée de
L e 6.e tém oin, venu aux premiers cris d’alarm e, a
V u que 1 arb re-m a ître d e l à grange Bernard, placé
�( 6 3
près de la cheminée de C ha ba non , était enflammé.
Quatre témoins de ladite enquête déposent qu’on
disait que le Jzu venait de La Lessive de Chabanon. Un
témoin de sa propre enquête a entendu que le pre
mier m ouvem ent de la femme Bernard fut de s’écrier :
c'est cette maudite Lessive.
L e i i . e témoin de l’enquête directe constate que les
Chabanon furent très-pressés de faire remarquer que
le feu n’avait pas pris à la cheminée de leur lessive,
pour persuader qu’il ne s’était pas communiqué par là.
L a fem m e, qui conduisait la lessive ( i . ei tém o in ),
a été aussi appelée en témoignage par Chabanon ;
et elle ne manque pas de justifier ses précautions et
sa prudence; elle avoue cependant qu’ une voisine se
plaignit de ce qu’elle faisait trop de fe u , au point de
chauffer considérablement un pilier de bois qui soute
nait la chem inée; mais elle ajoute que le pilier n’a
pas été brûlé ; elle dit avoir fait sa lessive avec des
cosses de fèves et p o is, et qiuà chaque instant elle
retirait ce qu i était brûLé sous Le chaudron, pour fa ire
place a ce quelle mettait pour alimenter Le J eu , et Lui
donner le clair.
T e l est le résumé des enquêtes; et les réflexions
qu’elles font déjà naîlre vont être corroborrées par
l ’experlise qui eut lieu en présence du même juge.
L e rapport constate plusieurs fuils imporlans, qui
sont décisifs dans celte cause; car l ’étal des lieux aidera
singulièrement à faire comprendre pourquoi les té
moins ont dû voir le feu d’abord dans le haut d’une
�( 7 )
grange plutôt que dans les lieux habités, et du côté de
la cheminée de Chabanon, plutôt que du côté de l'ha
bitation de Bernard.
i.° L e mur m ito yen , auquel est adossée ladite che
m inée, a paru en mauvais état.
2.0 Ce mur n’a été crépi du côté de Bernard que
jusqu’à sept pieds du sol et à pierre vue : et il n’a
jamais été crépi en aucune partie du côté de Chabanon.
3 .° On allume du feu dans la cheminée de Chabanon,
et on la bouche par le h a u t; aussitôt on voit la fum ée
sortir dans Cendroit où était placé le second arbre (de
la grange de Bernard) , et se perpétuer a u -d e ssu s en
plusieurs endroits ju sq u ’ au sommet.
4
0 On trouve dans Couverture faite en cette partie
d eu x ou trois épis un peu calcinés, sans pouvoir dé
cider si cela provient du côté de Bernard ou Chabanon.
5.° On trouve de la syiie et des araignées dans les
angles de la c h e m in é e , ce qui fait penser que le feu
n ’y a pas pris.
6.° On mesure le canon ou tuyau extérieur de la
cheminée : elle a dix-huit pouces au-dessus du toit
de Chabanon; mais le même canon se trouve de niveau
au toit de Bernard.
7.0 On vérifie que si le feu a dû venir de chez
Chabanon , ce nya pu être que par l ’extrémité du
tu yau , a la supposer incendiée, attendu que Carbremaitre venait aboutir contre ce tuyau j ou bien si le
feu n’a pas pris à la ch e m in ée , ce n’a pu être que
par des bluetles sortant du tuyau de la cheminée de
�(
8
)
' ..........................................................................................................................
Chabanon, qui auraient passé à travers Les vides qui
auraient pu se trouver entre les tuiles, ou entre le toit
et la muraille. On termine par remarquer qu’au reste
le mur mitoyen , entre Bernard et Chabanon , était
m auvais, même avant Cincendie qui n y a porte aucune
atteinte.
8.° Quant à la maison d’A v i t , on déclare qu’elle a été in
cendiée sans qu’on puisse savoir d’où l’incendie est venu.
Une vérification aussi concluante devait, ce semble,
accumulertouteslesprésomptionssurChabanon, et ôter
toute idée que l’incendie provînt de l’imprudence de
Bernard. Mais ce n ’est point ainsi qu’a voulu le dé
cider le tribunal du P u y , par son jugement définitif
du 3 i août 1808 ; il a considéré que le feu s’étant
premièrement manifesté dans la grange de la maison
habitée par Bernard, c ’était à lu i, d ’après M . M erlin,
au répertoire , et d’après la loi 3 de off. prœf. vigil.
à prouver que ni lu i, ni ceux dont il est responsable,
ne sont en faute, à peine d’être tenu des dommagesintérêts ; en conséquence, le tribunal du P u y a con
damné Bernard à payer les dommages-intérêts dus à
A v it et à Chabanon pour les pertes par eux éprouvées,
et c e , d’après l'estimation à faire par Irois experts;
il a condamné Bernard en tous les dépens.
Ce jugement n’est pas seulement rigoureux, il est
injuste; et Bernard ne peut adopter, sans en être
révolté, qu’après avoir le plus souflert de l’imprudence
de Chabanon, il soit tout à la fois sa victime et le répa
rateur de ses dommages.
�( 9 )
Voyons d’abord quels sont les moyens de Cliabanon
pour faire condamner Bernard ; nous examinerons en
suite si Bernard n’a pas été mieux fondé lui-m êm e à
•
r
réclamer.
.
Cliabanon ne propose qu’ un seul moyen.
Il dit que le feu a été vu d’abord chez Bernard, q u i,
comme habitant, est présumé auteur de l ’incendie.
Sans doute, celui qui, par sa faute ou son impru
dence, a causé un tort quelconque à a u tru i, en est
responsable; et de-là vient, que d’après la jurispru
dence m o d e rn e , celui qui est réputé l’auteur d’un
incendie doit indemniser ceux à qui il a communiqué
ün incendie venu de sa maison.
'
L a loi 3 , citée par les premiers juges, suppose que
l’incendie arrive Le plus souvent par la faute de ceux
qui habitent : incendia plerumque fia n t culpâ inhabitantium ; ce qui ne veut pas dire que c’est le pro
priétaire d’ une maison habitée, q u i, dans le d o u te ,
doit subir la condamnation : le législateur, dans ce titre
du digeste, s’occupe seulement de prescrire les devoirsdu préfet de police; et il lui recommande de châtier
ceux qui ne soigneraient pas le feu allumé chez eu x,
parce qu e, dit-il, c’est souvent par la faute des habitans que les incendies ont lieu. Mais qu’y a-t^il là qui
prescrive aux tribunaux de s’écarter des règles ordi
naires pour condamner aveuglém ent, et sans connais
sance de cause?
i/'
-■
! r Irx ;
G odefroi, sur ce mot plerumque, ajoute non semper ;
su r-to u t, d i t - i l , si l’habitant est ujn père de fam ille,
3
�(
)
intéressé à porter du soin à sa maison , prœsertim sc
paterfamUias diligens.
i • '
Quand nous avons parlé de la jurisprudence m o
derne, c’est qu’en effet ce n’est que depuis peu de tems
qu’on a accordé des dommages - intérêts à ceux chez
qui l’incendie s’était com muniqué, parce qu’on regar
dait comme assez puni celui qui avait perdu ses pro-,
près bâtimens, et on ne supposait pas qu’il y eût de
sa part même de faute légère. Car, comme le dit Balde j
nemo corisuevlt res suas combiirere.
Cœpola pensait qu’il y aurait de la barbarie à con
damner encore celui qui avait eu le malheur de perdre
sa maison à un incendie, nullum gravamen super hoç
debetiriferri, quoni&m satis dolore concutituret tristitiâ.
Bardet rapporte sur cette matière deux arrêts rendust
dans des espèces très-fortes ; car un propriétaire habi-,
tant avait com muniqué un incendie à quatre maisons
voisines, et quoiqu’il lut constaté qu’il y avait de sa
faute, il fut jugé par arrêt du 7 décembre 16 28 , qu’il
ne devait pas de dommages-intérêts. Peu de tems après,
un second incendie eut lieu chez le même individu, et
consuma encore quatre maisons, cependant il fut jugé
de nouveau qu’il n’était tenu d ’aucuns dommagesintérêts, par arrêt du 22 juin i 633 .
C ’était même une maxime de droit en Bretagne ;
l’art. 599 de cette coutume y était exprès:
« Quand le feu ard la maison d’au cu n , et la maison
« d’un autre perille par le même fe u , si lui ni ses
«■adhérens ne les y mettent pour faire dommage à
�( ri )
o* celui à qui elle est, ou à autres, il n’est tenu en
« rendre aucunes choses
L e savant commentateur de cette coutum e ajoute
seulement que cet article ne doit pas s’appliquer aux
locataires, qui ne sont pas présumés avoir les mêmes
soins qu’un père de famille.
' C ’est aussi l’opinion d’H enrys, en la question 49
du livre 4, tome i.eV lo rsq u ’il examine le sens de la
loi romaine ci-dessus citée, incendia plerum quefiant
culpâ inhabitantiunu Ces termes de la lo i, dit-il, s’en
tendent plutôt des locataires que des propriétaires, parce
ceux-là ont toujours moins de soin et de précaution
que ceux-ci. ' • :
~ L a réflexion judicieuse de cet, auteur est devenue
aujourd’hui une loi par le code civil; et il est essen
tiel de remarquer que lé code civil ne parle de rincendie qu’au titre du Louage, aux articles i y 33 et 1734,
sur lesquels M . Malleville se contente de rapporter en
’„concordance la loi romaine ci-dessus.
-:
.Ainsi on peut, sans le hasarder, dire avec assurance
que lé code civil à pleinement adopté la doctrine
d ’H enrys, et qu’il n’a‘ pas consacré la jurisprudence
frop sévère qui, sans être appuyée d’aucune loi, con
damnait l'habitant propriétaire à indemniser les vo i
sins, sans les obliger même à prouver qu’il y eût de
sa p a r t , ou fau te, ou imprudence.
Non-seulement aucune loi n’obligeait de condam
ner ainsi l’habitant sur simple présomption; mais au
contraire toutes les lois ordonnaient aux tribunaux de
4
�C 12 )
n ’adjuger les demandes que lorsque le fait articulé
serait prouvé par le demandeur. A cto ri onus probandi incumbit ; les auteurs disaient la même chose
sur la matière des incendies; le voisin ne devait être
reçu à agir qu’en prouvant la faute ou l’imprudence
de celui chez lequel l’incendie était n é , sans quoi elle
ne se présumait pas-, debet prob'are latam veL leçem
culpam , quœ non prœsiimitur.
Ainsi Chabanon, comme dem andeur, n’a aucuns
moyens équitables à proposer; il ne prouve aucune
im prudence, il n’en articule même aucune, et le code
civil, sous l’empire duquel a eu lieu l’incendie, n’ou
vre en sa faveur aucune présomption ; le code adopte au
contraire l’ancienne jurisprudence, favorable aux pro
priétaires; car il ne permet de supposer de l’impru
dence qu’aux habitans locataires, et qui de u n o d ic it,
de aUero negat.
Combien en effet serait aveugle et insensée la pré
somption qui réputerait, de plein droit, auteur d’un
incendie celui chez lequel il se serait manifesté le
premier! L e moindre accident peut produire cet effet
les exemples en sont fréquens ; et la seule possibilité
d ’une erreur doit faire repousser comme une maxime
fausse tout ce qui tend à établir des règles générales
et d’habitude, dans une matière aussi conjecturale.
Ce n’est pas par de simples conjectures, que la cour
a voulu se décider dans une cause récente, d’entre les
nommés M o n t e l , Gaillard et jRodde, sur appel de
Murât.
�(
i 3
}
.
D eu x maisons adjacentes avaient été brûlées, et les
deux parties s’imputaient le tort respectif d’avoir porté
de la lumière dans les granges, pendant la nuit.
Cependant le feu avait été vu d’abord chez Gaillard.
Néanmoins la cou r, par le seul motif de l ’incertitude,
et du tort respectif des deux parties, les mit hors de
cause, et adjugea seulement à Rodde des dommagesintérêts très-m odiques; sa maison étant séparée des
deux autres.
Maintenant changeons les qualités des parties, et
voyons si Chabanon, défendeur, ne sera pas plutôt
réputé l’auteur de l ’incendie.
Quand il faudrait lui passer ses propres moyens ; ils
se. rétorqueraient contre lui; car le mot d e là loi ( m habitantium ) ne s’applique pas seulement à celui qui
a un domicile d’ usage, mais à celui qui a habité le
jour de l’incendie.
O r, il est constant que Chabanon habitait ce jour-là
sa cuisin e, mitoyenne de la grange de B ern ard , et
qu’il y faisait faire une lessive.
‘
C ’est donc lui qui est prouvé être habitant, avec
du f e u , tandis que rien ne prouve que Bernard eût
du feu ce jour-là , ni dans sa grange où les flammes
ont paru d’abord , ni même dans sa maison située à
l’autre extrémité. Si donc la loi veut qu’on présum e,
ce.sera contre Chabanon que sera la i . re présomption.
Mais ce n’est point à de simples conjectures qu’il y
a lieu de se réduire ; l’apparence et le raisonnement
�( 14 )
sont d’accord à reconnaître que l’incendie n’a'pu venir
que de chez Chabanon : toutes les circonstances le
prouvent.
•
U n mur m itoyen en mauvais état : un feu ardent
- d’ un côté, et des matières combustibles de l’autre. Q u i ,
à ce premier s i g n e , s’aveuglera au point de ne pas être
déjà préparé à concevoir ce qui a dû en résulter ?
Des ouvertures et crevasses dans ce m u r, la fumée
s’échappant en plusieurs endroits, marquent à l’œil une
route que le feu, trop pressé d’un côté, a dû suivre.
Des épis calcinés, gissant encore dans ces'crevasses aux
y e u x des experts, n'étaient-ils pas les témoins muets
de ce qui s’était passé, et le signe le moins équivoque
de la vérité?
' U ne maîtresse poutre est brûlée la première, et il
est reconnu qu’elle aboutit à la cheminée. Cette che
minée ne dépasse pas mêm e le toit de Bernard ; et com
ment donc , avec tant d’élémens d’incendie , peut-on
douter de son origine; ne faut-il pas s’étonner au con
traire qu’il n’ait pas plutôt fait ses ravages?
Si quelqu’un doit être taxé d ’imprudence, certesi
Chabanon ne peut s’en défendre ; car un homme qui
a fait une cheminée dans un mur m itoyen, et qui n'a
pas même pris la précaution d’en élever le tuyau audessus du toit , devait-il s’en rapporter à une fem m e
é t r a n g è r e , sans venir au moins la surveiller lui-m êm e,
pour empêcher qu’elle ne fît un feu tel, que les voisins
s’en étonnèrent?
Les cosses de fèves qu’il avait'foiirnies pour la les-
�C i5 ) _
sive, n ’étaient, avec leurs feuilles adjacentes, que des
matières légèresetsans consistance, qui, susceptibles do
devenir plus légères que la fum ée, m êm e avant leur
entière combustion, devaient nécessairement être em
portées par le courant d’air, h moitié brûlées, daus le
tuyau de la cheminée jusqu’à son e x t r é m i t é o ù la co
lonne d’air ne les soutenait plus.
,
Où pouvaient-elles donc se reposer im m édiatem ent,
si ce n’est dans les interstices des tuiles qui, com me on
l’a v u , étaient de niveau avec le faîte de la chem inée?
Ainsi, ou le feu a passé dans les fenies du m ur, soit
par sa trop grande activité , soit par la simple attrac
tion des matières combustibles , ce qui n’est que trop
probable et fondé en fréquens exemples; ou bien les
feuilles à demi-torréfiéesse sont insinuées entre les tuiles,
et de là dans le foin et la paille : cela était inévitable.
L a roule de l ’incendie le démontre. Ce n’est pas par
la maison'habitée par Bernard que le feu est v e n u ;
c’est du côté de la cheminée de Chabanon.
Ce n’est pas au rez-d e-ch a u ssée que les premières
flammes ont été vu es; c’est par la paille de la grange
et par la maîtresse poutre du toit. Est-ce ainsi qu’au->
rait commencé un incendie cutpâ Lnhabitantium?
ü Chabanon se croit fort en faisant remarquer que le
feu n a pas pris à la cheminée de sa cuisine, et que sa
maison n a été en proie aux flammes qu’après l’in
cendie de Bernard.
Mais plût à Dieu que cet incendie eût commencé
par un feu de cheminée ! cet avertissement eût mis
�(i6 )
Bernard en garde, et p eu t-être il se fût procuré des
secours plus efficaces.
Quant à la priorité de l’incendie, il y a plutôt de la
turpitude que du raisonnement dans une semblable
observation. E n effet, celui qui a adossé une cheminée
à un mauvais m ur, porte tout le danger du côté du
mur auquel il applique des flammes, tandis que de
son côté le manteau de la cheminée lui présente un
rempart contre le danger \ et d’ailleurs, n'est-il pas cons
tant que le côté de Bernard était garni de paille, tandis
qu’il n’y avait rien de combustible du côté de Chabanon?
Appliquons maintenant des principes moins vagues
que les siens, et il sera évident que c ’est lui seul qui
doit porter la peine de sa faute grossière ; car il n'est
pas possible de ne le taxer que de simple imprudence.
D ’après la coutume de Paris, et l’art. 674 du code
civil, Chabanon ne pouvait avoir une cheminée contre
le mur mitoyen, sans la fortifier d’un contre-mur. •
Il devait en élever le tuyau en saillie au-dessus du
toit.
Il devait s’abstenir d’y faire du feu tant qu’il ne se
conformait pas aux règles et aux usages h cet égard,
ou au moins tant qu’il ne s’assurait pas de la solidité
du mur ; et au contraire, il ne l’avait pas même fait
crépir, de son côté, en aucune partie.
Quelle est la peine de la loi pour de telles négli
gences? I c i, par exemple , elle sera un peu plus claire
et précise que la loi 3 , D e ojf. prœf. vigil., et il ne
s’agira pas de simple police. L a Cour y trouvera une
disposition
�C 17 )
disposition expresse dont il sera difficile à l ’adversaire
d ’esquiver l’application.
C ’est la loi 2 7 , au ^ A d legem aquiliam , dont
le titre en tier, destiné aux dommages faits à a u tru i,
ne permet pas de douter que Chabanon ne doive des
dommages-kitérêts, par cela seul qu’il a édifié une che
minée contre un mur commun qui a été brûlé. S i j i i r nam s e c u n d u m parietem communem habeas, scilicet
paries exustus s i t , domuL in juria tenearis.
.>
Il ne faut pas s’étonner de cette rigueur, car c'est
la peine de l’inobservation d’une autre loi qui défen
dait de faire des cheminées contre un mur m itoyen,
par le m otif qu’à la longue la flamme brûlait les murs.
N on Licet autem tubuLos habere admotos a d parietem
communem, quodpereosJlam m âtorreturparies, loi 1 3 ,
D e servit, prced. urbanorum.
-.
-i
A la vérité , suivant l ’art. 189 de la coutume de
Paris, il était permis d’adosser des cheminées et âtres
contre le mur mitoyen ; mais seulement à la charge
de faire un c o n tre -m u r en tuileaux d ’un d em i-p ied
d’épaisseur. Par conséquent, celui qui néglige de pren
dre cette précaution reste dans les termes du droit, et
s expose aux dommages-intérêtsdelaloi,y^i//ég'. a q uil.,
s il y a incendie, parce que la loi présume que l’adossement de la cheminée contre le m ur, sans le fortifier,
a suffi pour torréfier et endommager le mur.
L es commentateurs disent que ce contre-mur ne peut
pas meme être fait en moellon de p lâtre,parce que ce
naoellon, par la chaleur3 se réduit en poudre. C ’est
�( 18 )
pourquoi aussi les rédacteurs ont voulu des briques,
parce que ces matériaux ont déjà subi l'action d’une
grande chaleur.
Comparons maintenant la position de Chabanon, et
celle de Bernard. D ’un c ô t é , simples conjectures sans
aucun fait d’imprudence, m êm e soupçonné; et point
de loi à l’appui. D ’un autre c ô té , cause préexistante
d ’incendie, faute et n égligen ce, présomption Légale,
et disposition de la loi.
Il
faut donc conclure qu’il y a eu de l’injustice à
condamner Bernard, victime d’un incendie, à en payer
le dommage aux voisins ; et qu’au contraire l’équité
veut que ce soit Chabanon à supporter ce dom mage,
parce que c’est lui qui a à s’imputer une imprudence
impardonnable qui doit le faire considérer com me l’au
teur de l’incendie, lorsqu’il n ’articule aucune preuve
contraire.
M.e D E L À P C H I E R , ancien Avocat.
M.® G A B . R O N , Avoué.
_
__________ —
-
•
*■
----
A RIOM, DE L ’IMPR. DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bernard, Antoine. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
incendie
dédommagement
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour Antoine Bernard, appelant ; contre Vital Chabanon, et Jacques Avit, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
1806-Circa 1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
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Format
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application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0304
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vals-près-le-Puy (43251)
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dédommagement
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incendie
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E X T R A I T
D e s r e g i s t r e du. g r e ffe d u tr ib u n a l d ’a p p e l, sé a n t
à
A
R io m
dép a rtem en t d u P uy - d e - D o m e .
U N O M D U P E U P L E F R A N Ç A I S , le tribunal
d’appel , séant à R i o m , département du Puy-de-D ôm e,
a rendu le jugem ent suivant :
Entre A n to in e -B e rn a rd Chassaing, propriétaire, ha
bitant de la ville de R io m , appelant de jugem ent rendu
au tribunal civil de prem ière instance dè l’arrondissement
de-R io m ; le vingt-cinqt pluviôse dernier, suivant l’exploit
d u v in g t-s e p t ventôse aussi dernier, comparant par
A ntoine B a y le son a v o u é , d’une part;
E t A n toin e-E tiEnne Chassaing , propriétaire; P errette
Chassaing
,fille m a je u re ;C a th e rin e C hassaing
A
veuve
�C2 )
B ergounioux ; Elizabeth Chassaing, Jean-G ilbert Chas
saing, son m ari, de lui autorisée, et Jean ChassaingJourdan, aussi propriétaire, tous habitans de la ville de
R io m , intim és, comparant par Jean-Baptiste M andet,
leur avou é, d’autre part.
O u ï les avoués des parties, et le citoyen A rm and, juge,
en ses conclusions pour le commissaire du gouvernem ent,
attendu l’abstention du commissaire .et du substitut.
P a n s le. fa it, il s’agit du-partage, i<>r de- la succession
de M arie Jou rd an , m ère com m un e, etc. 2°. de celle
_
•
*•
r
•
•
d’Elizabetlr Chassaing , sœur commune des- parties, dé
cédée femme G erle; 30; "de/celle .d’Antoine ■Chassaing,
père commun.
L a cause présentoit à juger les questions suivantes :
10. Si Elizabeth Chassaing, femme G e r le , ayant été
m ariée, père et m ère v iv a n s , sous la loi de la forclusion-coutum ière, etc.
;
:
:
20. Si les légitim aires, préférant leur légitim e de droit
à la légitim e conventionnelle qui avoit été réglée par le
père com m un , dans le contrat de mariage de l’héritier
institué, pouvoient aussi prétendre, exclusivement à l’hé
ritier institué, et en vertu de la loi du dix-huit pluviôse
an c in q , l’entière réserve de trente m ille francs, que
s’étoit faite l’instituant, ou si cptte réserve ne devoit pas
être em ployée d’abord à parfaire la différence de la lé-
�.
(
3
)
gitime conventionnelle réglée par le contrat, à la légitim e .
de droit exigée par les légitimâmes, pour leur être ensuite
attribué le restant seulement de lâdite réserve, si restant y
avoit, après le parfournissement de ladite lég itim e, et s’il
a été bien ou mal jugé par la disposition du jugem ent dont
est appel, qui leur attribue la réserve en tière, outre leur
C
*
^
^ à
légitim e de droit prise m êm e en partie sur cette réserve.
• *
.
*
‘ *
F A I T
.
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1
*
!
**
)
‘
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S.
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'
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I
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• * * *'
-
l
D u m ariage d’A ntoine Chassaing issurent sept enfans,
etc,
,
.
.
i
L es avoués des parties, dans leurs plaidoiries1 respec
tives, ont fait v alo ir différens m oyens tendans à p r o u v e r ,
sa v o ir, de là part de l’a p p e la n t, que les intimés ayant
opté pour leur légitim e de rig u e u r, ne peuvent avoir
en m êm e temps la réserve ; que la loi du dix-huit plu
viôse an c in q , n’attribue les réserves aux légitimaires
qu’autant qu’ils s’en tiendront à la légitim e convention
n elle, et que lu i, appelant, ne conteste pas en effet de
payer aux intimés leur légitim e conventionnelle, et de
leur délivrer en m êm e temps la réserve ; mais qu’ils ne
peuvent pas avoir tout à la fois, et la légitime de droit,
et la réserve, parce que ce seroit porter atteinte aux dis
positions faites par le père à lui appelant, dispositions
A a
�(4^
sont maintenues, ¡par l’article >pvemlût delà' loi,duxlix4im t
pluviôse, an cinq*,
,•
*• '*• 'u' i ?î "‘M 0 1 ,v"
J
E t de la'part des intim és, que 1 article ¿eux de la loi
du
dix-huit pluviôse an cinq,’ en attribuant exclusivement
aux légitimaires l’objet''dela réserve,,-sms imputation sur
ieur légitim e ou portion de légitime / com prend, ‘ dans
sa
d isp o sitio n
, la légitim e de droit comme la légitim e
c o n v e n tio n n e lle ,
parce que l’héritier institué ou donataire
est grevé de l’une comme de l’autre de ces légitimes ; que
les dispositions de cette loi sont claires et précises, et que
ce seroit^les enfreindre que de ne pas confirmer le ju
gement dont est appel, qui est1basé sur le texte même
de la lo i, et sur les principes.
'
E n ce qui toxicKc Ici disposition du jugement dont est
appel, qui ordonne*que la portion, qu a'uroit amendée
-
•
*
1
j
L
■
*
Elisabeth Chassaing, femtne G erle, dans la succession de
la Jourdan, sa mère , décédée en 1771 , etc. .
E n ce qui touche la déposition ' du même jugement,,
qui -ordonne que des sept, douzièmes revènans à Antoine*
Bernard Chassaing dan6 la succession paternelle, il en sera
distrait la somme de trente mille francs réservée par l ’ins
titution contractuelle dudit Antoine-Bernard Chassaingj
conime servant à composer la succession cib intestat du
p£re 3 pour t e
ladite somme divisée .en cinq portions
�($))
¿gales yqui seront délaissées ôux ^ itùüïu'i-cs, à i’iXtlusîoi*
de l’;hérititir. institué. ^ v P
' ■ . .■.
.
•
A tten du1 quë lés réfeé^vêâ dôivént servir,' com m e le
surplus des biens de l’instituant, à la computation de la
lé g itim e , e t que la légitim e ainsi computée doit ensuite
■etre prise^sur cette universalité dé biens dont la réserva
fait partie. '
r
. • '
‘
*.î.
e
' "Attendu que les légitim aires ne peuvent avoir deux
Fois la même chose dans ladite réserve, si après avoir pris,
j i j ■•
■
■ ■. .
1.
"
comme dans l’espèce, cinq douzièmes de cette réserve
dans la formation de leurs légitimes par la force de leur
d r o it, et le fait m ême de la l o i , ils venoient encore après
la prendre tout entière dans les biens restans.
.
Que ce seroit admettre un double emploi évidemment
injuste, et supposer qu’un tout reste entier , m algré la
séparation de ses parties ; ce qui répugne :
Q u’outre l’injustice de ce double em p lo i, il en résulteroit encore q u e , contre le vœ u form el de la loi du 18
t
pluviôse, l’institution d’héritier ne seroit plus maintenue
comme elle doit l’être,'conform ém ent à l’ancien droit: '
Q u’ainsi tout ce que le légitim aire a droit de prétendre
en-vertu de la loi du 18 pluviôse , c’est ce qui reste de la
réserve-après qu’elle a-co n trib u é, concurremm ent avec
les autres biens , »au1fournissement de la légitime.
Par ces*motifs ,1 e tribunal dit qu’il a été aussi mal jugé
�pour la computation des légitimes dues aux parties de
Mandet j et qu’après que ces légitimes auront été fournies
par la totalité des biens , les parties de Mandet prendront
sur le surplus desdits biens ce qui restera de la réserv e,
déduction faite de la partie proportionnelle pour laquelle
iadite réserve sera entrée dans le fournissement des légi
times , si m ieux n’aime la partie de Bayle payer ledit
excédant en n um éraire, ce qu’elle sera tenue d’opter
et effectuer lors du p a rtage, sinon déchue, pour ledit
excédant être partagé égalemeiit entre lesdites parties de
M an d et, à l’exclusion de celle de Bayle.
O rdonne' qu'au résid u , et par les mêmes motifs ex
primés au jugement dont est a p p el, ledit jugem ent sortira
çifet.
Dépens compensés entre les parties, qui les prélève
ront comme frais de partage, même le coût du présent
jugem ent, qui sera aussi prélevé par celle des parties qui
l’aura avancé.
Fait et prononcé publiquement à l’audience de la pre»
m ière section du tribunal d’appel séant à R io m , dépar
tement du P u y-d e-D ô m e, tenue par les citoyens R e d o n ,
président dudit tribunal; I ’ab.b.ADESChb d e G h o m o ^ t,
�C athol
,T
L
, B ranche
afont
urraut
( 7 )
, juges de ladite section ; C o i n c h o n et L A n d o i s , juges de la seconde
section , appelés en remplacement des autres juges de la
prem ière section, légitim em ent em pêchés, le sept prairial
an neuf de la république française, etc.
Au
nom du peuple
FRANÇAIS
, il est ordonné à tous
huissiers sur ce requis de mettre à exécution ledit juge
ment , à tous commandans et officiers de la force publique
de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis,
aux commissaires du gouvernem ent d y tenir la main. E n
foi de quoi le présent jugement a été signé p a r le président
et par le greffier. C ollationné, signé G A R R O N , greffier,
dûment enregistré par P o u g h o n , qui a reçu les droits .
A R iom , de l’imprimerie de L andriot , imprimeur du tribunal
d’appel, — An 9,
�
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Extrait des Registres du greffe du tribunal d'appel de Riom
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Garron
Poughon
Subject
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partage
successions
conflit de lois
rétroactivité de la loi
Description
An account of the resource
Extrait des Registres du greffe du tribunal d'appel, séant à Riom, département du Puy-de-Dôme.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1781-An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
7 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0107
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0106
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53648/BCU_Factums_M0107.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Rights
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Domaine public
conflit de lois
partage
rétroactivité de la loi
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53545/BCU_Factums_G2708.pdf
54dddb68315c62c7a0f65fe196fe5208
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ETUDE
D E Mc L O U I S
BARSE,
A V O U É P RÈS L A C O U R R O Y A L E DE R IO M .
A R R ÊT ONSLOW .
• L O U I S - P HI L I P P E , r o i d e s f r a n ç a i s , à tous c e u x q u i ces p r é s e n t e s v e r r o n t ,
sa lu t
:
L a C o u r r o y a le sé a n t à R i o m , d é p a r t e m e n t du P u y - d e - D ô m e , a r e n d u l ’ a rré t s u iv an t :
■A u d i e n c e p u b liq u e d e l à p r e m iè r e c h a m b r e c i v i l e , du m ard i se pt a vril m i l huit ce n t
trente-cinq;
sié g e a n t M M . A r c h o n - D e s p e r o u s e , c h e v a lie r de l ’ o rd re r o y a l d e la lé g i o n
<d'h o n n e u r , p r é s i d e n t ; V e r n y , P o r r a l - d e - S a i n t - V i d a l , G r e l l i c h e , D o m i n g o n , M o l i n , M e i l h e u r a t , c h e v a lie r de l ’ ord re r o y a l de la lé g io n d ’ h o n n e u r , c o n s e i l l e r s ; V i d a l , c o n s e i l l e r a u d i t e u r , to us m e m b r e s d e la dite ch am b re ;
A s s i s t a n t , M . S a l v e t o n , p r e m i e r a v o c a t - g é n é r a l p o u r M . le p r o c u r e u r - g é n é r a l ;
T
E n t r e M. A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , pr op rié taire , h ab it an t d e l a v i l l e d e C l e r m o n t F e r r a n d , a p p e la n t a ux fins d ’ exp loits des 27 j u i n , 1834 et 6 j u i l l e t 1835, d e j u g e m e n t r e n d u
au t r ib u n a l ci v il d e p r e m iè re in st an ce d e l’ a r r o n d isse m e n t d e C l e r m o n t - F e r r a n d , l e 25
m a rs m ê m e a n n é e , in t im é e t d é f e n d e u r e n i n t e r v e n t i o n , a ux fins d e r e q u ê t e s si gn if ié e!
p a r ac tes d’ avoué à a v o u é s , le s 27 ju in 1 8 3 4 , et 14 ja n v ie r 1 8 3 5 , a y a n t M» S a v a r in p o u r
av o u é , d ’ u n e pa rt ;
E t 1° M . G a b r i e l - A m a b l e - A u g u s t e O n s l o w , p r o p r ié t a i r e , h a b it a n t de la d it e v il l e d e C l e r
m o n t - F e r r a n d , et M m e M a d e le in e - C l a ris s e B e c - D u t r e u i l , v e u v e d e M . F r a n ç o is - M a u r ic e
O n s l o w , agissant tan t e n so n n o m q u e c o m m e t u t ric e d e leur» e n fa n s m in e u r s , p r o p r i é
t a ir e , h ab it an te de la v ille d e B l e s l e , d é p a r t e m e n t de la H aut e - L o ir e , in t im é s et d é f e n
d eu r s en in t e r v e n t io n , aux fins d ’ ex p lo it s et d e r e q u ê t e s su sd até s, c o m p a r a n t p a r M c L o u i s
B a r s e , l e u r a v o u é , d ’ autre p a rt ;
a» M . A r t h u r O n s l o w , officier r e t ra it é , c h e v a lie r de l ’ o rd re r o y a l de la lé g i o n d’ h o n n e u r ,
e t p r o p r ié t a i r e , h a b it a n t d e la dite v il l e de C l e r m o n t - F e r ra n d , i n t i m é , a p p e la n t et d éfe n
d e u r en i n t e r v e n t i o n , a ux fins d ’ ex p lo it s e t de r e q u ê t e s su sd até s, c o m p a r a n t p a r M c G la d e l ,
s on a v o u é , d’ a utre p a r t ;
3 " M me M arie d e B o u r d e ille , v e u v e d e M . E d o u a r d O n s l o w , h ab it an te de la dite v i l l e d e
C l e r m o n t - F e r r a n d , in t im é e e t d é f e n d e r e s s e e n i n t e r v e n t i o n , aux fins d 'ex p lo it s e t d e r e
q u ê t e s s u s d a t é s , c o m p a r a n t par Me B o n j o u r , son a v o u é , d ’ autre p a r t ;
/)• M. F o r t u n é - P i e r r e Hue , l i c e n c i é e n d r o i t , hab itan t d e la v ille de Pa ri s , a utre fo is r u e
do la L u n e , n ° 4 0 , aujo u rd 'h u i r u e du P a r a d is - P o is s o n n iè r c , m ê m e
agissant eu q u ali té
�de li q u id a t e u r d e la fa il li te du S ' . A r m a n d , c o m t e d e F o n t a in e - M o re a u , n é g o c i a n t , h a b i
tan t d e ladite v il le d e P a r i s , in tim é e t d e m a n d e u r en i n t e r r e n l i o n , aux fins d’ exp lo it s et
d e r e q u ê t e s susdatés , co m p a r a n t par M e J o b a n n e l , so n a v o u é , d 'au tre pa rt j
5 ° M ll e A n n e -M a r ie * P a m é I a de M o n g la s , p r o p r ié t a i r e , h a b it a n t e d e la v il l e de B o r d e a u x ,
fossé des C a r m e s , n® 2 3 ; M m e J e a n n e - C a t h e r i n e - A l b i n e de M o n g l a s e t l e si eu r E m i l e d e
G e r m a i n , son m ari , qui Pa uto ris e, in s p e c t e u r de la l o t e r ie , h ab it an t de la v ille d e P a l is, ru e
S a i n t - N ic o la s - d ’ A n t i n , n» a i j e t M« B e rt ra n d G é r u s - d e - L a b o r i e , arb itre de c o m m e r c e ,
h a b it a n t d e la v il le de B o r d e a u x , fossé des C a r m e s , n° 23 , ag issa nt e n q u a li t é de t u teu r de
d e M l l e A n n e - M a r i e G é r u s - d e - L a b o r i e , du S*. J e a n - B a p t i s t e - C h a r l e s G é r u s - d e - L a b o r i e ,
e t du s i e u r J e a n - B a p t i s t e - E r n e s t G é r u s - d e - L a b o r i e , ses e n fa n s m i n e u r s , hé ri tie rs d e
M m e A n n e - M a r i e - A d è l e d e M o n g l a s , le u r m è r e , tous d e m a n d e u r s e n i n t e r v e n t i o n , a ux
fins d e re q u ê t e s u s d a t é e , co m p a r a n t pa r M e D e b o r d , l e u r a v o u é , d ' a u t r e pa rt ;
POINT DE FAIT.
L e m ar ia ge de G e o r g e s L o r d c o m t e O n s l o w - C r a n l e y , p a ir d’ A n g l e t e r r e , e t ge n t ilh o m m e
d e la c h a m b r e d e sa m aje sté b r i t a n n i q u e , a v e c H e n rie t t e S c h e l l e y , d o n n a l e j o u r à d e u x
fils : T h o m a s e t E d o u a r d O n s lo w .
F a r t o n c o n t r a t d e m ari a ge , l e fils aîn é r e ç u t des p i r e et m i r e u n e c on stit u tio n sur la
v a l e u r de l a q u e l l e ils se r é s e r v è r e n t l e d roit d e fa ire n n e disposition de l 5 ,o oo li v . st e rl in g.
E d o u a r d O n s l o w v in t e n F r a n c e . Il ré si d a it e n A u v e r g n e a va nt I j 83 .
L e 6 m ars d e c e t t e a n n é e , e n pr é s e n c e de ses p è r e e t m è r e , so n c o n t r a t d e m a r ia g e
a v e c M l l e M arie d e B o u r d e ille , fran ça is e d e n ais sa n ce , m in e u r e é m a n c i p é e d 'â g e , p r o c é d a n t
sous V a l o r i s a t i o n du c o m t e d e L a i z e r , son cu ra te u r, fut p a s s é d e v a n t C h o r o n , n o t air e à P a r i s .
— L e fu t u r d é c la ra q u 'il résidait a c t u e l l e m e n t à C l e r m o n t ,
e t la fu tu re qu’ e ll e h ab it ait à
S a i n t - G e r m a i n - L e m b r o n , d e u x vil le s d ' A u v e r g n e .
-— L o r d O n s l » w e t sou épou»e c o n s t it u è r e n t » l e u r fils pu în é la so m m e de 20,000 liv r e s
st e rli n g fa isant e n a r g e n t de F r a n c e c e l l e d e 453>542 liv r e s 10 sols , à p r e n d r e savoir :
ï 5 ,o o o liv re s sur l es b i e n s co n stit u é s à T h o m a s O n s l o w , 22oo liv re s sur le m obil ie r que les
c o n sli t u a n s l a is se ra ie n t a le u r déc ès , a m o in s q u e l e fils a în é , v o u l a n t l e g a rd er e n n a t u re ,
p r é f é r â t p a y e r a son frère I«$ 2200 li vre s en a rg e n t et 3800 li vre s sur tous le s b ie n s e n c o r e
l ib re s e t a p p a rt e n a n t a ux c o n s t i l u a n s , mais q u ’ ils la is se ra ie n t à l e u r décès»
— 11 fut c o n v e n u q u e su r le s 20,000 l iv r e s s t e i l i n g les p è re ei m è r e du futu r ré a li se ra ie nt e n
b ie n s im m e u b le s sit u é s e n F r a n c e une so m me de 10,000 liv re s avant l ’ e x p ir a lio n d e d eu x
a n n é e s lors p r o c h a i n e s } q u e , ju sq ue s à c e l t e a c q u is it io n , il» p a y e ra ie n t aux futu rs u n e
•o n im e de 800 liv re s p o u r l e u r t e n i r li e u des in térê ts des 20,000 li vre s , mais qu ’ après les
a cqu is it io n s d ' i m i u c o b l c i situés en F r a n c e , ils ne p a y e r a ie n t plus q u e 3 oo l iv r e s par an
�^11
( 3 J
p o u r l ’ in t é ré t des t o , o o o li v r e t n o n e m p lo y é e s e t q u i n e se ra ie n t exig ib le s qu ’ après l e décès
des c o n s t i t u a n s ; il f u t d it que l e p a i e m e n t d e c e r e v e n u s e r a i t fait à E J o u a r d O n s l o w ,
lo r sq u ’ il sera it en F r a n c e , p a r te l b an q u ie r do Pa ris qu’ il l u i plairait ch oisir e t in diquer à
G e o r g e s lo r d O n s l o w son p è r e . L e s é pou x O n s l o w s’ o b lig è r e n t s o li d a ir e m e n t à faire c e t e m p lo i
d ’ u n e so m m e d e 10,000 liv re s st e rlin g en im m e u b le s situés e n F r a n c e . L e c o m t e d e L a i z e r
f u t m ê m e autorisé à po u rs u iv re p e r s o n n e l l e m e n t l ’ e x é c u t i o n d e c e t t e o b li g a t io n n o n o b st a n t
l a ce ssa tion d e sa q u alité de c u r a t e u r p a r l e m ar ia ge de M l l e d e B o u r d e ille , le s futurs l u i
d o n n a n t , à c e t e f f e t , tous pouvoirs n é ce ss aires. C e t t e c l a u s e , re la t iv e à l ’autori satio n d u
Comte de L a i z e r , fut d é c la r é e faire e s s e n t ie lle m e n t part ie du c o n t r a t .
— M l l e de B o u rd e il le se con st itua tous le s b ie n s à e l l e é c h u s pa r le d é c è s de «on p è r e , de
(a m èr e e t d e s o n fr è r e , et il fut dit q u e c o m m e il p ou rr ait a r r iv e r q u e , p o u r l e b i e n c o m m u n
d es é p o u x , il c o n v î n t d ’ a li é n e r le s p r op rié té s r é e lle s d e la f u t u r e , e l l e pou rr ait , lors d e sa
m ajorit é t le s a lié n e r à titre d e p a r a p h e r n a l , a v e c l e c o n co u rs e t le c o n s e n t e m e n t d e so n
m a r i , mais e n faisant e m p lo i du p r ix q ui en p r o v ie n d r a it e n a cqu isition s d e fonds ce rt a in s
situ és e n F r a n c e .
— O n c o n v i n t qu'au cas de p r é d é c è s d u m ari s a n s e n f a n s du m aria ge , la f u tu re aurait, p o u r
d o u a ir e , gains et ava ntages m a t r i m o n i a u x , la p le in e e t e n t iè r e p r o p r ié t é d ’ u n e m oitié d e la
so m m e co n st it u é e au fu tu r, e t profiterait des ava nta ge s q u e ce d e r n i e r a urait p u faire à so n
pr ofi t to u ch a n t l ’ autre m oit ié d e cette m êm e s o m m e , mais q u e , si, e n p r é d é c é d a n t , le m a r i
laissait des e n fa n s d u m ar ia ge , M ll e d e B o u rd e ille aur ait l ’ usufruit d e tous le s b ie n s d e son é p o u x
»ous la con d it io n do n o u rrir e t e n t r e t e n ir ces enfans et de v o ir r é d u ir e c e t usu fruit d e m oitié
lo r sq u e l ’ un d 'e u x aurait a tt e in t sa m a jo r it é ; q u ’ au su rp lus , soit qu ’ il y e û t , soit qu ’ il n ’y
eû t p a s , lors du pi-édécès d u m a r i , d 'e n f a n s nés d u m ari a ge , la fu tu re se re t ie n d r a it ses
b i j o u x , b ag ue s , jo y a u x e t d i a m a n s , lin g e s , effets et b arde s à son usage , e t ré a li se ra it le s
dro it s q u 'e l l e aur ait v is -à -vis la su cc ess ion de son m ari sur le s b ie n s situ és en F r a n c e , q u e
le s p è re et mèr o d e c e l u i - c i , e n e x é c u t io n d e l e u r e n g a g e m e n t solidaire , y a u r a ie n t acquis
aux d ép e n s des 20,000 l iv re s ste rl in g à lu i p a r e u x c o n s t it u é e s e n dot.
— C e s der n ie r s d é c la r è r e n t I ” q u e , p o u r la n u e p r o p rié t é d e c e t t e s o m m e , il y aur ait
substitution des enfans nés du m a ria g e , e t e n cas d e p r é d é c è s d e l ’ un ou de q u elqu e s- un s
d’ eu x, su b st it u ti on des surv ivans ou du s u rv iv a n t , q u e c e p e n d a n t E d o u a r d O n s l o w pou rr ait
a p p e le r u n de ses enfans à r e c u e i l l i r dans le b é n é f i c e d e ce t t e su b sii lu li o n u n e pa rt plus
g r a n d e que c e lle des a u t r e s ; e t a» q u e , s’ il 11’ y avait pas d ’ enfans p o u r r e c u e illir l e b é n é
fice de la subst ituti on en e l l e - m ê m e , il y a u r a i t , mais s e u le m e n t p o u r la n u e p ropri é té d*
10,000 liv re s s t e r l i n g , su b stitution d e la v e u v e , qui ne ver rait pas pou r ce l» d im p u e r son
ga in de s u r v i e .
�►,
(
4
)
_ L e s p^rc e t m è r e du futu r s’ o b lig è r e n t d e r a p p o r t e r , dan? un délai d é t e r m in e , la ra tifi
ca ti on po u r T h o m a s O n s l o w , l e u r fils a în é , des clauses le c o n c e r n a n t , à sa vo ir : c e lle s re la
ti v es aux s om m e s q u e son frèr e aur ait à p r e n d r e su r lu i ; e t à la ga ran tie de le u rs dons e t
pr om e sse s a ff e ctè re n t s o li d a ir e m e n t tous le u rs b ie n s .
L e s n o u v e a u x é p o u x v i n r e n t fixer le u r d o m ic il e à C l e r m o n t - F e r r a n d .
( S ’ il faut e n cr oir e M . G e o r g e s O n s l o w ) E d o u a r d O n s l o w c on d uis it sa j e u n e é p o u s e e n
A n g l e t e r r e au m ois d e s e p t e m b r e *7845 ils y c o n t r a c t è r e n t d e n o u v e a u l e u r u n io n su i
v a n t le r ite p r o t e s t a n t , e t ils n’ e n r e v i n r e n t q u e dans l ’ é t é d e 178 5.
L e 12 m a i 1 7 8 9 , E d o u a r d O n s l o w a c q u i t , dan s le s e n v ir o n s de C l e r m o n t , u n e m aison
de ca m p a g n e a p p e lé e T e r r e d e C h a lc n d r a t.
D a n s l e co u rs d e l a m ê m e a n n é e , il fu t in c o rp o ré dans l e s ra n gs d e la ga rd e n a t io n a le .
L e 37 d é c e m b r e , à la r é u n i o n g é n é r a l e e t s o l e n n e lle de c e t t e g a r d e , sous le s d ra p e a u x
fr a n ç a i s , il pr êta se r m e n t de b ie n e t f id è le m e n t s e rv ir p o u r l e m a in t ie n de la p a i x , p o u r
l a d é fe n s e des c i t o y e n s , e t c o n t r e le s p e r t u r b a t e u r s du re p o s p u b lic , d e s o u t e n ir l a c o n s t i
t u t i o n e t le s d éc re ts d e l ’ a sse m b lé e n a t i o n a l e co n st it u a n t e . A c t e d e c»
se r m e n t lu i f u t
d o n n é pa r le s officiers m u n i c i p a u x . I l s i g n a l e p r o c è s - v e r b a l d e ce t t e p r es ta t io n de s e rm e n t .
L e 8 nivô se an 1 1 , il fu t in sc ri t pa rm i le s plus im posé s du d é p a r t e m e n t du P u y - d e - D ô m e ,
l ’ autor ité a dm in istra tiv e l e co n sid é ra n t c o m m e a ya n t son d o m ic il e p olit iq u e à C l e r m o n t .
( S u i v a n t M M . A u g u s t e e t'Maurice O n s l o w ) E d o u a r d c x e r ç a m è i n e l e s f o n c t i o n s d ’ é l e c t e u r .
E n l ’ an 3 , l e d ir e c t o ir e e x é e n t i f m it l e sé q u es tr e su r ses b i e n s , e t , e n l ’ an 6 lu i e n jo ig n it
d o q u it te r
i m m é d ia t e m e n t
lo terr it oir e fr a n ça is . E d o u a r d O n s l o w o b é it , mais n ’ a ll a
point en A n gleterre.
( D ’ après M . G e o r g e s O n s l o w ) E d o u a r d re n tra e n F r a n c e p e n d a n t la m ê m e a n n é e m u n i
d 'u n e p i c c c ainsi c o n ç u e :
«
G E O I I G E S II.
C o n s i d é r a n t q u e l ’ h o n o ra b le E d o u a r d O n s l o w so ll ic it e h u m b l e m e n t n o t r e r o y a le p e r
m ission d e r é s id e r e n F r a n c e ;
E n v e r t u des po u voir s don t nous avo ns été in ve sti par un a cte pa ssé dans l a d e r n iè r e
session du p a r l e m e n t , et intitulé : A c t e d es tiné à e m p ê c h e r plus eff ic ac em en t p e n d a n t la
g u e r r e , tout i n d i v i d u , su je t do sa m aje st é , do se tra nsport e r v o lo n t a ir e m e n t ou de ré sid e r
e n F r a n c e ou d a m t o u t a utre pays ou li e u allié d e la F r a n c e , e t o c c u p é par le s a rm ées
fr ançaises, e t à p r é v e n i r tonte co rr e s p o n d a n c e a v e c les susdits individus et a ve c les e n n e m is
de sa m aje sté ;
�(
5
)
N o u s autorisons l e susdit h o n o r a b le E d o u a r d O n s l o w à ré sid e r en F r a n c e c o m m e il l’ a
dem andé.
B o n n e à n o t r e palais d e S a i n t - J a m e s , le 13 o ct o b re 1 7 9 8 , dan s la 3 Se a n n é e d e n o t r e
règne.
P a r t o r d r e d e sa m a je sté :
S ig n é P O I V T L A N D . »
R e n t r é dans ses f o y e r s , E d o u a r d O n s l o w a d m in is t ra sa f o r t u n e ; r e ç u t u n e p a rtie des
ao ,o o o li vre s ste rli n g que ses p a re n s lu i a va ie n t pr om is, e t r e c u e i l l i t u n h é rit a g e c o n s id é r a
b l e q u e lu i lé g u a un p a re n t é lo ig n é , et q u i co n si st a it e n u n e t e rre a p p e lé e L i l l i n g s t o n n ,
e t situ ée dan s le s co m t és de B u c k i n g h a m e t d’ O x f o r d ( A n g l e t e r r e . )
L e a6 floréal an i 3 , u n e m ais on dans la v il l e d e C l e r m o n t fut a c h e t é e p a r l u i .
C e p e n d a n t so n épou se l ’ ava it r e n d u père d e qu at re fils n o m m é s : A n d r é - G o r g e s - L o u i s ,
G a b r i e l - A m a b l e - A u g u s t e , F r a n ç o i s - M a u r i c e , et A r t h u r , Il le s avait to us fa it b a p ti se r e t
é l e v e r dans la r e l i g i o n c a t h o liq u e .
C h a c u n d’ e u x fu t, c o m m e c it o y e n fran çais, soamis a la l o i du r e c r u t e m e n t . D e u x d e n t r e u x
p r i r e n t m ê m e d u se rv ice dans le s armée3 fran ça is es . ( A u dire d e M M . M a u r ic e e t A u g u st e )
l e s doux autres s’y fir ent r e m p la c e r .
L e 18 j u i l l e t 180 8 , par a cte r e ç u T i s s a n d i e r , n o t air e à P a r i s , fu t passé l e c o n t r a t do
m a ria g e d e G e o r g e s O n s l o w a v e c M l l e C h a r l o t l e - F r a n ç o i s e - D e l p h i n e d e F o n t a n g e .
E d o u a r d O n s l o w d o n n a e t co nst it ua à son fils a î n é , d 'a b o r d à titre d ’ a v a n c e m e n t d’ h o ir ie ,
l a n u e p ropri é té d e sa maison d e C l e r m o n t , de sa t e r r e d e C h a l e n d r a t e t du m o b il ie r g a r n i s
sa n t ces d eu x h ab it atio n s; e t , e n se con d lie u , à tit re de p r é c ip u t , la n u e p r o p r i é t é des b ie n s
q u ’ il ava it re cu e illis dans la su cce ss io n d e W i l l i a m W i n h w o r t h , c on si st a n t n o t a m m e n t en
la te rr e d e L i llin g s t o n n , si tu ée dans le s c o m t é s d e B u ck in g li ar a e t d ’ O x f o r d e n A n g l e t e r r e ,
et en u n m o b il ie r co m p o sé de m e u b le s m e u b la n s , é q u ip a g e s de fe rm e , o u t il s et i n t r u m e n s
a r a t o ir e s , b e s t ia u x , e t c. e t c. — L e d o n a t e u r se ré se rv a l ’ usu fruit d e tous le s b ie n s d o n t il
v e n a it de d o n n e r la n u e p r o p r i é t é , mais s’o b lig e a de p a y e r au futur , à c o m p t e r du jour du
m a r i a g e , u n e pe n sio n d e 5 ooo f r . , qui s’ a u g m e n t e r a it d e 3 ooo fran cs lo r s du décès d e l o u l
O n s l o w ju sq u ’ à la ce ssa tion de c e t u su fru it ; p o u r sû ret é du
p a iem e n t
de
ce lte
p e n s i o n , le
d o n a t e u r h y p o t h é q u a sp é c ia le m e n t son usufruit r é s e r v é , tan t d e la m aiso n de C l e r m o n t ,
q u e de la te rr e de C h a le n d r a t . E d o u a r d O n s l o w se ré se rv a la fa cu lt é d e f.iire , à cause de
m o r t , des dispositions qu i fr a p p er a ie n t su r les b ie n s d ' A n g l e t e r r e ,
n u e p ropri é té au futur. Mais il fu t a m p le m e n t e x p liq u é q u e ces
ê t r e te lle s q u e , par le u r e f f e t , il ne re stâ t p a s , «n b ie n s
dont
il ava it d o n n e la
d isp o sitio n s
d’A n g leterre
ne pou rraien t
f a o ,o o o l i v r e s d e
re n t e à G e o r g e s O n s l o w , L ’ on d éc la ra m ê m e , et c e la par u n e cla use dite e s s e n t ie lle au
c o n t r a t , que s i ,
au
d éc ès d ’E d o u a r d ,
Ici
b ien s
d’ A n g l e t e r r e é t a i e n t insuÛisans
à
p r o d u ir e
�30,000 li v r e s d e r e n t e , G e o r g e s sc r e t i e n d r a i t , su r le s Lien s de la s u c c e s s i o n , situé«
en F r a n c e ,
des v a le u rs
suffisantes
à fo r m e r le
capital ,
d e v a n t pr odu ir e ce r e v e n u .
— A fi n d e m ie u x e x p liq u e r ses in t e n t i o n s , E d o u a r d O n s l o w s 'e x p rim a ainsi : « L e p è re du
f u t u r d o n n e e t con stit u e e n d o t a M . G e o r g e s O n s l o w , son fils , fu t u r é p o u x , en a v a n c e m e n t
d ' h o ir ie d e sa fu tu re s u c c e s s io n , la n u e p ropri é té i» de la m aiso n d e C l e r m o n t j 2° de la
t e r r e d e C h a le n d r a t . C e t t e d o n atio n est fr ite sous la r é s e r v e , p o u r M m e O n s l o w , m è r e d u
f u t u r , d e son h ab it atio n p e r s o n n e lle dans le sd it e s m aiso n e t te rre ave c la fa cu lt é d e choisir
te ls a ppa rt e m e n s q u ’ e lle ju g e ra à p ropos dans c h a c u n desdits b ie n s , e t aussi l ’ usage d es
j ardin s-pota ge rs e t b os quets, m ais, c o m m e il est d it , p o u r so n h ab it atio n p e r s o n n e l l e , sans
p o u v o ir c é d e r ce d roit à q u i qu e ce s o i t , e t sans p o u v o ir p r é t e n d r e à a u c u n e in d e m n it é e n
ca s d 'in c o m p a t ib ilit é d’ h um e u r; p o u r m o n d it s» G e o rg e s O n s l o w , avo ir dès à p i é s e n t , e t s o u s
la dit e r é s e r v e , l a n u e p r o p rié t é des dite s m aison e t t e rre , e t n é an m o in s n’ y r é u n i r l’ usu fruit
e t jo u is sa n ce q u e du jou r du d é c è s d e M« E d o u a r d O n s l o w ; d e plus M . E d o u a r d O n s l o w
d o n n e et con stit u e e n d o t à M . G e o r g e s O n s l o w , son fils, par p r é c ip u t e t hors part , su r sa
su c c e s s io n futu re , la n u e p ropri é té d es dites terres e t p ropri é té s à l u i a p p a rt e n a n t s it u é e s en
A n g l e t e r r e e t p r o v e n a n t d e l à su ccess ion d e W i l l i a m W i n t h w o r t h à lu i é c h u e s p e n d a n t son
m a ria g e , co n sist an t , e n t r'a u t re s c h o s e s , dans le s te rr e s d e L i ll in g st o n e t d e C h a r l e s l o w n ,
sit u é e s dans le s co m t é s de B u c k i n g h a m e t d ' O x f o r d , et e n toutes autres p r op rié té s t e ll e s
qu ’ ell e s se c o m p o r t e n t e t en tels endr oits q u 'e l le s so ie n t situées , p r o v e n a n t d e la s u cc e ss io n
d e M . " W in th w ort h, e n s e m b le tous les m eu b le s m e u b la n s , e t c . ; p o u r , par mond<t sr G e o r g e s
O n s l o w , avoir dès à p r é s e n t d ro it à la n u e p r o p rié t é desdites terr es et ob je ts e n d é p e n d a n t , e t
y r é u n ir l' u su fr u it à c o m p t e r du jour du d éc ès d e son p è r e . C e t t e s e c o n d e d on at ion est faite à
la ch arg e p a r M . G e o r g e s O n s l o w , qui s'y o b li g e , d e p a y e r dans q u atre a ns, du jou r du d éc ès do
son p è r e , le s s om m e s d o n t c e d e r n i e r sc r é s e r v e d e disposer« l e s q u e lle s p r o d u ir o n t in t é r ê t à
c o m p t e r du jou r de so n d é c è s , le tout ainsi qu'il va ê t re e x p liq u é , M . E d o u a r d O n s l o w e n t e n d
d o n c p o u v o ir d isp oser, à cause d e m o r t , sur le s b ie n s d 'A n g l e t e r r e qu’ il d o n n e p a r l e p r é s e n t
c o n t r a t à son fils G e o r g e s , de t e ll e s som m es q u 'il ju g e ra à p r o p o s, mais de m a n iè re q u e
M . G e o r g e s O n s l o w , futur é p o u x , ait dans le s b ie n s d o n n é s un r e v e n u d e s o , o o o f r a n c s ,
a rg e n t d e F r a n c e , aux titres et poids a c tu e ls de F r a n c e , e t l e d i t r e v e n u « e t e t fr a n c de
t o u t e s c o n t r ib u t io n s p u b liq u e s e t taxes anglaises.
S i , lors du p r é d é c è s d e M . E d o u a r d
O n s l o w , lesd its b ie n s d ' A n g le t e r r e p rodu is a ie n t m oin s d 'u n r e v e n u n e t a n n u e l d e 2 o ,o o o
f r ., M. G e o r g e s O n s l o w fils se r e m p li ra it de U d iff é re n ce en r e t e n a n t e n t r e s ses inains d es
som m es suffisantes po u r fo r m e r l e ca p it a l au d e n ie r v in g t do la p or ti on d e r e v e n u n é c e ssa ir e
au c o m p lé m e n t des a o ,o o o fr. d e r e v e n u e n A n g le t e r r e , q u e son p è r e e n t e n d lu i ussurer
c o m m e co n d it io n e s s e n t ie lle du p r é s e n t co n t ra t ; e t U so m m e , ainsi r e t e n u e p a r le d it futu r
�(7 )
é p o u x , lu i app a rt ie nd ra e n t o u t e p r o p rié t é e t sans re t o u r . A c e t e f f e t , M . s o n p è r e lu i eu
fa it des a p r é s e n t i r r é v o c a b l e m e n t t o u t e d on atio n n é c e s s a ir e . C e qui r e ste ra en sus des 20,000
fr. d e re v e n u c o m p le t dev ra seul ê tre assigné à r e m p lir le s disp os itio ns , à ca use de m ort, q u e
M . E d o u a rd O n s l o w aura fa ites. Il est b ie n e n t e n d u q u e to u t ce d o n t M . E d o u a r d O n s lo w
n ’ aura pas disposé sur le s b ie n s d’ A n g l e t e r r e a p p a rtie n d ra aud it G e o r g e s O n s l o w son fils ,
a u q u e l il en fait dès à p r é s e n t d on atio n e t re m ise . E t M . E d o u a r d O n s l o w , e x p liq u a n t e n c o r e
son in t e n t io n , d é c la r e q u e m ê m e le s som m es d o n t il aura disposé r e s t e r o n t e n t r e le s mains
d e M . G e o r g e s O n s l o w son fi l s , q u i en paie ra l ’ in t é r ê t à 5 p. o/o sans r e t e n u e , p o u r sû re t é
du se rv ic e e x a c t ju sq u ’ à d u e c o n c u r r e n c e des a rr éra ge s du dou aire d e M m e M ari e d e Bou rd e i lle sa m è r e , s a u f l e c o n s e n t e m e n t d e ce t t e d e r n iè r e po u r fa cil it e r l e r e m b o u r s e m e n t , e t
sa u f a u s s i , e n ce c a s , l e c o n s e n t e m e n t d e c h a c u n d e scs autres e n f a n s , autres q u e le d it s*.
G e o r g e s On slo w« E n a tte n d an t q u e l ’ usufruit e t jou issa nce des ob jets d o n n é s p a r M. O n s l o w
a M . son fils, so ie n t acquis p a r ce d er n ie r , M. E d o u a rd O n s l o w d o n n e audit fu tu r épo ux d è s k
p r é s e n t , e t s’ o b li g e à lu i p a y e r a n n u e l l e m e n t , en quat re te rm e s é g a u x , de trois mois e n trois
m ois à c o m p t e r du jou r du m a r i a g e , u n e pe n sio n d e 5 oo o fr . sans a u c u n e r e t e n u e , qui se ra
a u g m e n t é e d e 3 ooo fr. à c o m p t e r du jo u r où M« E d o u a r d O n s l o w r e c u e ille r a la su cce ssio n
d e L o r d O n s l o w son p è re .
— L a fa m il le de F o n t a n g e co n st it u a u n e d o t c o n sid é rab le à la future»
— L e s futurs d é c l a r è r e n t a d o p te r l e r é g i m e de la c o m m u n a u t é d e b i e n s , e t v o u l o ir s’y
so u m et t re alors m ê m e qu ’ ils h a b it e r a ie n t en pays é t r a n g e r .
— E d o u a r d e t G e o r g e s O n s l o w s’ o b lig è r e n t r e s p e c t iv e m e n t , e t d ’ h o n n e u r , à in d iq u e r ,
faire et faire faire tous acte s e t r e m p li r to utes le s fo rm a li té s pr es cri te s p a r le s lois d ’ A n g l e
t e r r e po u r q u e M . G e o r g e s O n s l o w , fu t u r , a cqu it d ’ u n e m a n iè re ir r é v o c a b l e et i n c o m m u *
tab le la p r o p rié té e t l a s a is in e des b ie n s situés en A n g l e t e r r e , et à lu i d o n n e s par l e c o n t r a t,
e t po u r q u e M lle d e F o n t a n g e eût h y p o t h è q u e e t sû re té sur tous le s b ie n s d ’ A n g l e t e r r e
pouT
ra ison d e ses droits , r e p r is e s e t c o n v e n t io n s m a t r i m o n i a l e s .
( S ’ il faut en cro ir e M . G e o r g e s O n s l o w ) p o u r re m p lir c e t e n g t g e m e n t d 'h o n n e u r , d eu x
actes f u r e n t souscrits à Pa ris , le s 18 e t a 5 d u m ê m e mois d e ju i l l e t 1808, d e v a n t le con su l
des Etats-U nis.
D a n s l e p r e m i e r , il serait é c r it : — att e n d u qu ’ un m ar ia ge d o i t , pa r la pe rm is sio n de
D i e u , être b ie n t ô t c é l é b r é e n t r e A n d i é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w et
F ran ço ise -D elp h in e
de
F o n t a n g e ) — et attendu que le d it A n d r é - G e o r g c s * L o u i s O n s l o w , en con sid é ratio n d u d i t
n ia r ia g e , a, p j r le s ar ticles signes dans le s fo rm e s f r a n ç a is e s , con stit u é u n d ou air e à la dit e
C h a rlo t t e -F r a n ç o is e - D c - lp h in e d e F o n t a n g e , la q u e lle c o n s t it u t io n p o u r r a i t , à ca use de sa
fo rm e é t t a n g è r e , ê tre p e u t - ê t r e a n n u l é e e n A n g l e t e r r e
où
est situ ée la m a je u r e p a t l i e d t
�%v / \
• )
(8 )
la fo r tu n e d ud it A n d r é - G e o r g e s - L o u is O n s l o w , c e que le s pa rties d és ir e n t p r é v e n i r ; i l est
en c o n s é q u e n c e c o n v e n u p a r l e s pr és en te s de la m a n iè re e t d a n s l e s f o r m e s su iv an te s, s a v o ir :
q u e
si le d it m ar ia ge s’ a c c o m p l i t , e t q u e si le d it A n d r c - G c o r g e s - L o u i s O n s l o w v i e n t à d é
c é d e r du v i v a n t d e l a d it e d lle C h a r lo t t e - F r a n ç o is e - D e lp l iin e d e F o n t a n g e , so n é p ou se , alor*
la d it e C h a r lo t le - F r a n ç o i s e - D e lp h i n e de F o n t a n g e , ou ses a y a n t - c a u s e , a u i o n t l e d ro it
d u r a n t sa vie d’ avoir e t r e c e v o i r , sur le s m e u b le s e t im m e u b le s d ud it A n d r é - G e o r g e s L o u is O n s l o w , u n e so m m e a n n u e lle en m o n n a ie s t e r lin g é g a l e , au co u rs du c h a n g e alor*
e x i s t a n t , à c e l l e d e 6,000 f r . , p a y a b le e n q u a t re te rm e s ég a ux d e l , 5 oo fr. c h a c u n , dep uis
l e j o u r du décès d ud it A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , s e ra p a y é e à titre d e d ou air e à la dit e
C h a r l o t t e - F r a n ç o i s e - D e l p h i n e d e F o n t a n g e f au p a ie m e n t fidèle e t c e r t a in d u q u e l d o u a ir e ,
e t g é n é r a l e m e n t à l ’ e x é c u t io n v é r it a b le des p r é s e n t e s s’ ob li ge le d it A n d r é - G e o r g e s - L o u i i
O n s l o w , pou r l u i , ses héritie rs , e x é c u t e u rs e t a d m in is t ra t e u rs; e n t é m oig n a ge d e quoi le s
p a rtie s o n t r é c i p r o q u e m e n t apposé l e u r s ig n a tu r e e t sceau , à P a r i s , l e 18 ju ille t
1808.
S i g n é A n d r é - G e o r g e s - L o u i s . O n s l o w ; C h a r l o t t e - F r a n ç o i s e - D e l p l i i n e d e F o n t a n g e ; Ju stin
d e F o n t a n g e . S i g n é , s c e llé e t d é l i v r é , en p r é s e n c e d es soussigné s , à Pa ri s; signé P a u l
B e n f i e l d , T h o m a s Jlion C l a v e r i n g , A l e x a n d r e Ilu m p h ry s. Q u ’ i l s o i t c o n n u q u e , l e a 5 j u i l l e t
180S, et la 33 * a im é e de l' in d é p e n d a n c e A m é r i c a i n e , s’ est p e r s o n n e l l e m e n t p r és en té d e v a n t
m o i , F u l w a r S k i p r i w i t h , con su l des E t a t s - U n i s , à Paris, A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , de
C l c r h i o n t , qui a r e c o n n u q u e le co n t ra t ci-de ssus est l ’ e x p r e s s io n de sa l ib r e v o l o n t é , et
q u ’ il l’ a signé et d é l iv r é c o m m e t e l. D e m ê m e s ’ est p e r s o n n e l l e m e n t p r é s e n t é Justin d e
F o n t a n g e , du Pa ri s , qui a d é c la r é le p r é s e n t c o n t r a t ê t r e l ’ e xp re ssio n d e sa l ib r e v o lo n t é
e t d e c e l l e de sa fille C h a r lo t t e - F r a n ç o is e - D e lp l iin e d e F o n l a n g e , m a in t e n a n t l’ épou se d ud it
A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , et q u e le m ê m e c on tra t a v a i t , c o m m e t e l , été e x é c u t é e n
sa p r é s e n c e e t a v e c so n c o n s e n t e m e n t ; qu ’ il l’ avait en c o n s é q u e n c e sig n é ave c e l l e . E n
foi d e q u o i , j ’ ai apposé ma s i g n a t u r e , et mon sc eau offic ie l, le s jou r e t an q u e dessus, signé
l ' u l w a r S k i p r i w i l l u — D a n s l e se con d d e ce s acte s, if se rait dit (t o u j o u r s d ’ a prè s M . Ç e o r g e a
O n s l o w ) : C e c o n t r a t , fait c l co n c lu e n t r e l'h o n o r a b l e E d o u a r d O n s l o w , d ’ u n e p a r t , et
A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , fils aîn é
et h é ri tie r p r é s o m p t if dud it E d o u a r d O n s l o w ,
d’ a utre p a r t , t é m o ig n e q u e le d it É d o u a r d O n s l o w , e n co n sid é ra t io n de l ’ afl'ection qu’ il
p o r te aud it A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , en fa v e u r de so n m a r i a g e , et aussi dans le b u t
d 'a c c r o î t r e les m o y e n s d ' e x is t e n c e et le b ie n -ê tre d ud it A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , a
donné, concédé,
a l i c u e , c o m m e il d o n n e , c o n c è d e , a l i è n e ,
par ces p i é s e n t e s , aud it
A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , son fils aîné , à te s héritie rs et a ya n t -ca u se , le s b ie n s c i dessus d é s ig n é s , sa vo ir : la te rre d e L i llin g s t o n n , e t c . , e t c . ; le d it É d o u a r d O n s l o w , p o u r
l u i , scs hé ri tie rs e t e x é c u t e u r s et a dm in is tra te u rs , c o n v i e n t pa r ce s p r é s e n t e s a v e c l e d i t
�(9)
A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , ses héritiers e t aya n t-c a u se , que l a i , A n d ré -G e o rg e s- L o u i»
O n zlo w ,
ses héritiers et aya nt-c aiis c p o u r r o n t , a v e c le s restrictions c i- a p r è s , possé der
et o c c u p e r à l ’ a ve n ir l é g a le m e n t e t p a is ib le m e n t le s terres e t h é i i t a g e s ci- de ss us d és ig n é s
e t con fi rm é s par le s p r é s e n t e s a v e c toutes le u r s a p p a r t e n a n c e s , titres cla irs e t dégagés
d e tous e m p ê c h c m e n s et ch arg es q u e l c o n q u e s , tels que d onat ions , v e n t e s , d o u a ir e s , su bs
t i t u t i o n s , r e n t e s , a rr éra ge s d e r e n t e s , jtigemens , saisies, imposé» pa r le d it E d o u a r d
O n s l o w , ses héritiers et ayant-cause , ou tout autre agissant lé g a l e m e n t e n l e u r n o m ; e t il
e st c o n v e n u d e p l u s , entre les pa rties co n tra ct a n tes des p r é s e n t e s , q u e la jo u is sa n ce e t l es
profits et fe rm a g e s , qui so n t pr ove n u s ou qui p r o v ie n d r o n t des susdites te rre s et ap pa rte*
n a n c e s co n c é d é e s e t d on né e s so n t ré se rv é s audit E d o u a r d O n s l o w ou ses a ya n t-c a u se , pou *
la d u r é e de sa vie , à la fin d e la qu e ll e lesdits prof its, fe rm ag es e t jouissa nces e t toute«
ch oses qui y o n t r a p p or t se ron t d é v o lu e s , et a ppa rt ie nd ro n t de d ro it audit A n d r é - G e o r g e s L o u is O n s l o w , à ses h éritiers et a ya n t-c a u se , e n v e r t u de la q u e lle r é s e r v e ledit E d o u a r d
O n s l o w aura l e p o u v o i r e t l’ autori té de faire ou r e n o u v e l e r tous b a u x q u elco n q u e s p o u r uni
t e m p s , n ’ e x c é d a n t pas c e lu i perm is p a r l e s lois e t usages , r e c e v o ir les fernTes e t g é n é r a l e
m e n t ê t r e con sidéré c o m m e le ferm ie r à v ie des susdites terres sur le d it A n d r é - G e o r g e s L o u i s O n s l o w , ses héritiers ou a ya n t c a u s e , g é n é r a l e m e n t q u e l c o n q u e s , sans au cu n e m
p ê c h e m e n t de la p a rt d’ au cu n d’ e u x ; et, dans le b u t d’ offrir une c om p e n satio n po u r u ne
p o r ti o n de la dit e r é s e r v e ,
et pou r po u rv o ir à l ’ e n t re t ie n dud it A n d r é - G e o r g e s - L o u i *
O n s l o w , l e d l t Ë d o u a r d O n s l o w p r o m e t par ce s p r és en te s et s’ o b l i g e , p e n d a n t sa v i e , à
p a y e r e x a c t e m e n t aud it sieur A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , ses h éritiers ou a ya n t-c a u se ,
l a som m e a n n u e l l e , en m onn a ie s t e r l i n g , é g * l e à c e l l e de 5 ,o oo fr . arg ent d e F r a n c e , e n
q u atre pa ie m e n s ég a ux à c o m m e n c e r du l 5 du p r é s e n t mois de ju il le t . E t il est d e plus
c o n v e n u e n tre l es parties q u e ladite so m me a n n u e lle , a in s ip a y é e par le dit É d o u a r d O n s l o w ,
sera é le v é e à la so m m e, en m onn aie sterlin g, é ga le à c e lle de 8000 fr ,, im m é d ia te m e n t après
la mort d e lo r d O n s l o w , p i r e d ud it É d o u a r d O n s l o w , e t du jou r d e ( o n déc ès . L a q u e l l e
so m m e sera é g a le m e n t p a y é e par q u artie r audit A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , le s h é r i
tie rs ou a y a n t -c a u s e ; b ie n e n t e n d u q u e l e pa ie m e n t desdites som m es de 5 et 8000 fr.
cessera à la m ort diulit É d o u a r d O n s l o w , de m êm e q u e la jou issan ce et profit desdUes terres
r e v ie n d r o n t et a p p a r t ie n d r o n t , par ces p rés en te s , aud it A n d r é - G e o r g e s - L o u is O n s l o w , à
«es héritiers et a ya n t -c a u s e ; et il est é g a le m e n t co n v e n u e n t r e les parties des p r é s e n t e s ,
qu ’ il sera lé ga l aud it É d o u a r d O n s l o w , p a r so n t e s t a m e n t 011 tout autre con tra t qui ne
p ou rr a a vo ir d’ effet qu ’ après son d é c è s , de l é g u e r ou d is pose r, en fa ve u r do te ll e ou do
te ll e s pe rs onn e s qu ’ il lui plaira , de toutes som mes d’ argent ù pa y e r sur l e i terres d o n n é e !
e t c o n cé d é e s par les p r é s e n t e s, le sq u e ll e s som mes l e r o n l b ie n et d u e m e n t pa yé es ave c leur»
�'** A
* *
'
( i°)
in té rê ts à 5 p . o/o par an par le d it A n d r é - G e o r g e s - L o u is O n s l o w , ses héritie rs ou ayaittc a u s e , e x é c u t e u rs ou a d m in is t ra t e u rs, à te ll e s p e rs o n n e s qui y a uront droit , en q u atre
p a ic m e n s an n u e ls à part ir du jour du déc ès dud it É d o u a ic T O n s lo w ; et le dit A n d i é - G e o r g e s L o u i s O n s l o w s ’ ob lig e pour l u i , ses h é r it ie r s , e x é cu t e u rs ou adm inistrateurs , à e x é c u t e r l e
p a ie m e n t de la m an iè re ci-dessus m e n t i o n n é e , la re g a rd a n t en pa rtie c o m m e co n d it io n des
pr és en te s ; pourra n é a n m o i n s , e t c’ e s i la v é r it a b le signification des p rés en te s , faire que la
s o m m e ou les som mes d o n t le d it É d o u a r d O n s l o w pou rr a disp oser se ro n t li m it é es de m a
n iè re à laisser audit A n d r é - G e o r g e s - L o u is O n s l o w , sur le s terr es ici co n c é d é e s <t d o n n é e s ,
u n re v e n u c la ir e t n e t d’ une so m m e , en m o n n a ie sterlin g, é g a le à 20,000 f ï , , le susdit r e v e n u
é t a n t é tab li d ’ après le s b a u x e n v ig u eu r lors du déc ès dud it É d o u a r d O n s l o w . I l est e n
t e n d u et c o n v e n u q u ’ après avo ir d é d u it la susdite so m m e d e 30,000 fr. de la total ité d u
su sdit r e v e n u é t a b li par le s b a u x , le surplus sera con si d é ré c o m m e l 'in t é r é t ¿ 5 p. ojo de
l a so m me dis pon ib le e n v e r t u de c e l l e r é s e r v e , d e m a n iè r e q u e la so m m e don t le d it
É d o u a r d O n s l o w est autorisé par les p rés en te s à disp oser sera égale à 20 fois le d it su rp lus
<lu r e v e n u après a voir d éd uit la so m me d e 20,000 fr . co m m e il a é t é d it . C e t t e r é s e r v e é tan t
n u l l e de d r o i t , dans l e cas o ù la totalité du re v e n u n ’ e x c é d e ra it pas la dite so m me de
20,000 fr . e t d e v a n t ê t r e re g a rd é e c o m m e n o n a v e n u e ; e t vu que M arie d e B o u r d e i lle ,
é p o u se d u susdit É d o u a r d O n s l o w , e t m è r e dud it A n d r é - G e o r g e s - L o u is O n s l o w a u r a ,
après l e d é c è s d ud it É d o u a r d O n s l o w , droit à u n e so m m e a n n u e lle d e
i a ,n o o livres e n
m o n n a ie fr a n ç a is e , à titre de d o u a i r e , d u r an t sa v i e , l e q u e l dou aire d oit être d’ après l e s
io is français es pris s u r to utes les p r o p r i é t é s , e t se rv i pa r tous le s h é rit ie rs n at ure ls dud it
É d o u a r d O n s l o w , il est de plus c o n v e n u q u e , dans le cas o ù le d it É d o u a r d O n s l o w d é c é
derait a va nt la dite Marie , son é p o u s e , le susdit dotiaire serait dù alors e t non a u tre m e n t;
l e d i t A n d r é - G e o r g e s O n s l o w , ses hé ri tie rs , e x é c u t e u r s ou a d m in is t ra t e u rs, a u r o n t d ro it
de r e t e n ir t e lle part ie de la so m me ou des som mes don t le d it É d o u a r d O n s l o w se r é se rv e ,
p a r ces p r é s e n t e s , de d i s p o s e r , qui se ra ie n t nécessaires , au taux de l’ in té rê t à 5 p. o jo ,
po u r assurer le p a ie m e n t de te ll e s por ti on s d ud it d ou air e q u i ne sera pas à la ch ar ge d u d it
A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w ou d e ses r e p r é s e n t a i , la q u e ll e so m me ainsi r e t e n u e , il
aura la lib e rt é de ga rd er et d e re t e n ir ju squ’ au décès de ladite M ari e ou jusqu’ à ce qu ’ il
trou v e d ’ u n e a utre m an iè re sù re lé pour le p a ie m e n t exa ct d e ladite pa rt ie du d ou aire d o n t
il n e serait pas ch ar ge c o m m e il avait été dit. Il est enfin c o n v e n u e n lr e lcsd ile s parties que
dans le cas où le d it É d o u a r d O n s l o w déc éd e ra it sans a voir, par son t e s t a m e n t , ou par
tout autre ac te , di»posé d ’ une p aitio ou de la
totalité de ladite r é s e r v e , la parti» d o n t il
n'aura pas été disposé sera j o in îe aux termo s et objets donne» e t co n c é d é s de m an iè re à
d é c h a rg e r le d it A n d t c - G e o r g c s - L o u i * O n s l o w , ses h éritie rs , e xé cu te u rs e t administrateur»,*
�( 11 )
»le toutes c o n v e n t i o n s , p r o m e s s e s et o b li ga tio n s c i- d c s a u s , rela tiv e s au p a ie m e n t de U
s o m m e ou d es som mes des qu elle s le d i t E d o u a r d O n s l o w avait le d roit d e disposer com m e
fo rm a nt l e s urp lus ci-dessus m e n t io n n e . E n té m oig na ge d e tout ce q u e dessus les parties o n t
m u t u e l l e m e n t apposé le u rs si gn a ture s e t le u rs sc eaux , à P a r i s , l e a 5 j u ille t 180S. Sig n é
A u d r é -G e o r g e s - L o u is O n s l o w j signé E d o u a r d O n s l o w . S c e l l é , e x é c u t é e t d éliv r é , e n p r é
se n c e des soussignés : signé Pa u l B e n fie ld ; signé T h o m a s Jh on C l a v e r i n g ; signé A l e x a n d r e
H u m p h ry s . Q u ’ il soit co n n u q u ’ à la date ci-dessus se so n t p r é s e n t é s p e r s o n n e l l e m e n t d e
v a n t moi, F u l w a r d S k i p i i w i t h , c o n su l des E t a t s - U n i s , à Pa ris , l ’ h o n o r a b le E d o u a r d O n s
l o w , d e C l e r m o n t , e t A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w , du m êm e l i e u , qui o n t l' u n e t l' a u tr e
r e c o n n u que l ’ ac te ci-dessus avait été e x é c u t é e t dél iv ré r é e l l e m e n t p o u r e u x .
A u c u n e s autres d é m a rch e s ne fu r e n t faites p o u r faire v alo ir e n A n g l e t e r r e l e c on tra t
4 e maria ge d e G e o r g e s O n s l o w .
L e a 5 d é c e m b r e t 8 l i y E d o u a r d O n s lo w fit à M o u l in s u n t e s t a m e n t pa r l e q u e l , co n fi r
m a n t , en tant q u e d e b e s o in , to utes le s dispositions qu ’ il ava it faites en fa ve u r du mariage
d e son fils a î n é , il d éc la ra qu ’ il vou la it q u e c e l u i - c i h é rit ât d e toutes ses p r op rié té s m o b i
liè re s e t im m ob ilière s t a n t e n F r a n c e q u ’ en A n g l e t e r r e , à la ch ar ge pa r l u i , 1® île p a y e r la
co m m e d e 60,000 f r . à c h a c u n de ses trois fr èr es ) 2® de p a y e r l a m oitié du d ou aire m a t é r
i e l } 3« de pa y e r toutes les dettes du d éf u nt ; e t 4 ° enfin d e laisser jo u ir M “ * v e u v e O n s l o w ,
sa v ie durant, de la m aison d e C l e r m o n t e t de la te rre de C h a l e n d r a t , le t o u t après l e déc ès
d u t e s t a t e u r , e t qu’ il vo ulai t d e plus q u e ses trois fils pu în é s h é r it a s s e n t , po u r ch acu n un
t i e r s , des
i 5 , ooo livres st e rlin g lors e n c o r e d u e s au te stateur su r sa c on stit u tio n dot ale
d e ly S S , mais à la c h a r g e , par les p u î n é s , d e p a y e r à l e u r m èr e l ’ a u t r e m oitié des droits
v iage rs q u ’ ell e pou rr ait p r é t e n d r e au d éc ès du test ateu r. E d o u a rd O i . s l o w e x p liq u e ensuite
q u e si le s puîn és p r é t e n d a ie n t q u e l q u e chos e su r le s p r o p rié t é s im m ob il iè re s d o n n é e s e n
F r a n c e au fils a î n é , ils p e rd ra ie n t le s G o , o o o fr. à eux promis. C e t ac te se t e r m i n e ainsi ;
S cellé e t signé en p r é s e n c e de nous s o u ssig n é s , J h o n vr t z- W il li a n is D e s r o y s , R e v e r l e y ,
A
Percy, Am ery P crcy. A M oulins, ce
décem bre l 8 n . Edouard O n s’ ow .
L e x 4 a vr il i 8 i a , en e x é c u t io n de l ’ art, i l do P a c t e des con stitu tion s d e l ’ e m p i r e , du iG
t h erm id or an l o , e t des a rt ic le s ^5 , 7 G , 7 7 , 7 8 , 79 et 80 du r è g l e m e n t du 19 fructid or de la
m ê m e a n n é e , l e p r é f e t du d é p a r te m e n t d u P u y - d e * D ô m e dressa la liste des plus fort imposés
d u d é p a r t e m e n t , sur la q u e lle il in sc rivit E d o u a r d O n s l o w c o m m e p a yan t dans le d é p a r te
m e n t G01 fr. 7& c . d 'im p ôts fonciers .
( S u i v a n t M M . M au ri ce et A u g u s t e O n s l o w ) , l e u r p ère e x e r ç a , « T a n t e t après l 8 i a , les
fo n ctio n s d’ e l e c t e u r .
P a r acLe notarié du l\ juin i 8 i 3 , E d o u a r d O n s l o w créa son m an da tair e g é n é r a l et sp écial
�( 12 )
M . G e o r g e s O n s lo w son 111* a î n é , a uq u e l il d on n a po uvoir d e , pou r lu i et en son n o m ,
g é r e r e t a dm in is tre r ses b ie n s e t affaires g é n é r a l e m e n t q u e l c o n q u e s , soit d a n s le d ép a r te m e n t
du P u y - d e - d ô m e , soit par-tout ailleurs où beso in se ra it ; passe r et si gn er tous b au x à ferm e
e t à l o y e r , aux pr ix , charg es e t c o n d it io n s le s plu s a va n t a g e u x q u e faire se po urrait et
p o u r t e l te m s que le p r o c u r e u r co n st it u é j u g e r a it c o n v e n a b l e ; r e c e v o ir le p r is aux termes
c o n v e n u s ; d o n n e r ou r e c e v o ir to utes q u itta n ce s ; t o u c h e r toutes cré a n ce s actives duc s au
co n s t it u a n t ; p a y e r to utes c e lle s p a s s iv e s ; faire to us e m p ru n t s au no m du s ' O n s l o w p è re ,
soit par ac tes a u t h e n t iq u e s , soit su r l e t t i e s de c h a n g e , b i l l e t s à or d re ou simples promesses ;
co n se n t ir h y p o t h è q u e p o u r la ga ra ntie desdits e m p ru n t s sur tou t ou pa rtie de ses b ie n s
i m m e u b l e s ; t ir e r t o u t e s le t t re s d e c h a n g e ou man da ts sur tous b an q u ie rs c hargés du re eou v r e m e n i des re v e n u s e t cré a n ce s du m a n d a n t , p r o v e n a n t des états d ’ AngleterTC ; re c o u v r e r
to u t es autres s o m m e s dues au m a n d a n t ; a c c e p t e r toutes d onat ions entre-v ifs ou te stam e n
t a i r e s , m ob iliè re s ou im m ob il iè re s , soit à titre gr atu it , soit à titre o n é r e u x , ainsi que tous
le gs, soit part ic u li ers , soit u n iv e rse ls, soit à t it re u n iv e rse l e t tou tes in st it u t io n s d’ héritiers •
e n u n m o t et g é n é r a l e m e n t r e p r é s e n t e r l e m a n d a n t p» r- to u t où beso in se ra it , et faire ce
q u ’ il aur ait pu faire l u i- m ê m e s’ il e û t été p r é s e n t , p r o m e t t a n t tout a p p ro u v e r et l e ratifier
a u b e s o in .
E n e x é c u t io n de c e t a c t e , G e o r g e s O n s l o w d e v in t l ’ a drain istra teur d e la fo rtu n e d e son
p è r e , e t r e ç u t d’ A n g l e t e r r e le s po rti ons e n co re dues de la dot de a o ,o oo liv re s s t e r lin g ,
co n s t it u é e e n 1^83 , en m ê m e tems qu ’ il p e r ç u t les r e v e n u s d ’A n g le t e r r e et de F r a n c e .
E n 1814 e t en 1 8 1 g , e u r e n t l i e u le s mariages d e M a u ric e e t d’ A r t h u r O n s l o w . L ’ un d e u x
épousa une française, e t l ’ autre u n e a ng laise.
A p r è s son m ar ia ge , A u h u r co n t in u a d e p r e n d r e du s e r v ic e dans le s a rm ées françaises.
L e 19 o c t o b r e d e la m ê m e a n n é e 1 8 1 9 ,
passé le co n t ra t de maria ge de G a b r i e l - A m a -
b l e - A u g u s t c O n s l o w ave c M a rie - A in ab le - A li x D é s a ix -d e -l lo c h e g u J e , dans l e q u e l 011 lit : —
— M . E d o u a r d O n s l o w co n st it u e au futu r épou x la som m e de Go,000 fr. u p r e n d re sur le s
180,000 à lu i e n c o r e dus par L o r d T h o m a s O n s l o w , son fr è r e aîné, po u r ses droits lé git im air e s dans le s b i e n s de L o r d - G e o r g e s O n s l o w ave ç M ila d y - H c n r ie t l e S c h e l l e y , scs père
e t m è r e , la qu e ll o so m me de Go,000 Ir. sera p a y ab le au futu r é pou x lo r squ ’ il tro u v era à en
f a ir e e m p lo i en fonds ce rt ains pu rg és de toute h y p o t h è q u e , et trois mois après qu ’ il en
aura d o n n é l'aVis a son p è re . Jusqu'au p l a c e m e n t de c e l t e
so m m e en f o n d s
SI. E d oua rd O n s l o w p a y e ra au fut ur é pou x la so m m e de 3ooo fr .
ce rt ain s ,
a n n u e l l e m e n t et sans
r e t e n u e , par m oitié, d e six mois en six mois. — M. E d oua rd O n s l o w d o n n e et co n st it u e en
outre a u fut ur é p o u x la t o m m e de 120,000 fr. a pr en dre sur la terre de L i l l i n g s t o i m , située
<11 A n g le t e r r e ; e t c o m m e elle a été d o n n é e à G e o r g e s O n s l o w par son c o n t r a t de 111 a iia gc ,
�ce lui-ci ratifie la donation de 120,000 f r . , e l s’ ob li ge p e r s o n n e l l e m e n t à la fa ire v aloir . L a
t e rre de L illin g s t o n n n e p o u v an t ê tre a lié n é e qu ’ en i 844 > l®5 120,000 fr. n e se ro nt exigible»
q u ’ après cette é p o q u e , et si alors M . O n s l o w père n'e xis te p lu s . Mais M . G e o r g e s O n s l o w
paie ra à ch acu n de ses frères, jusqu’ à l ’ exi gibilité e t à partir du d é c è s du p è r e , l e re v e n u e x c é
dan t 2o,o oofr .j et si ce re v e n u e x c é d a n t est m oin d re de 4.000 fr ., il c o m p lé te ra ch aq u e a n n é e
lu i - m ê m e cette so m m e . D a n s l e cas où E d o u a rd O n s l o w d é c é d e ra it s e u le m e n t après >8 4 4 ,
c e serait s e u le m e n t du jou r d e son d éc ès q u e les 120,000 fr. se ra ie n t e x i g ib le s .— A l ’ e x é c u
tion de to utes les cla uses e t c o n d it io n s du c on tra t, c h a cu n e des pa rties c o n t r a c ta n t e s ob li ge
ses b ie n s. M . A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w h y p o t h è q u e s p é c ia le m e n t à la ga rantie pr om ise
*
p a r l ’ a i t . G du c on tra t sa te rre de C h a le n d ra t avec toutes Ses cir con st a n ce s e t d é p e n d a n c e s ,
plu s sa m aison d ’ habitation située à C l e r m o n l - F c r r a n d , le sq u e ll e s te rr e e t m aison lu i o n t été
assurées p a r l e c on tra t pr éd até d e son m ari age . Mais il fut e xp li q u é q u ’ il sera it li b re n é a n
m oin s à A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w d ’ e xig e r la m a i n - l e v é e d e l ’ inscrip tion qui serait prise
e n v e r t u d e ce t t e clause en é t a b l i s s a n t e m êm e h y p o t h è q u e s u r le s bie ns d’A n g l e t e r r e co n fo r
m é m e n t aux lois anglaises, et d e m an iè re à assurer l ’ e x é c u t io n de ses e n g a g e m e n s en F r a n c e .
D a n s u n a cte à la c o n fe c t io n d u q u e l E d o u a r d O n s l o w a c o n co u ru , il est dit :
« L e p r é s e n t co n t ra t a été fait e n tre ci n q parties c o n t r a c t a n t e s , le a ju in i i h 4 ,
E n t r e l e n é s - h o n o r a b l e T h o m a s d’ O n s l o w
e t l ’ h o n o ra b le A r t h u r - G e o r g e s , v ic o m t e
C r a n l e y , fils a în é , h é rit ie r prés om ptif du d it T h o m a s co m t e d’ O n s l o w , d’ une p r em iè re part j
L ’ h o n o ra b le E d o u a r d O n s l o w d e L ill in gsto n n L o w e l dans le co m t é d’ O x f o r d , ré sidant
a c tu e lle m e n t à C l e r m o n t e n A u v e r g n e , ro y a u m e d e F r a n c e , d’ u n e se c o n d e part }
Ja mes S e l o n , d e m e u r a n t dans G e o r g e s - S t r e e t , A d e l p h y , com te de M id d le se x , g e n t il
h o m m e , d’ une tro isiè m e p a r t ;
^
James Bogi e D r l a p s , d e m e u r a n t dans H a r l e y - S t r c e t , paroisse de S a i n l - M a r i - le - B o n c ,
c o m t é d e M id d l e s e x , é c u y e r , d’ une q u at rièm e p a rt ;
E t E d o u a r d P l o t n e r , d e m e u ra n t dans G e o r g c s - S t r c c t , A d e l p h y , com te de M i d d l e s e x ,
ge n t ilh o m m e , d’ u n e cin q u ièm e pa rt ;
A t t e n d u qu ’ il a été fait u n co n t ra t de ce ssion e t de rétroc ess ion ( L e a s e and r e l e a s e )
le s 34 et 25 juin i 8 o 5 , ou e n v ir o n ;
q u e c e t acte est e n tre trois parties, est fait ou e xp rim e
com m e fait e n tre le d it E d o u a r d O n s l o w d’ une p a r t , le d it James S e l o n s u s n o m m é , d’ autre
part , et le d it T h o m a s , com te d ' O n s l o w , susn om mé , d é s ig n é audit c on tra t sous le n om
de très- ho norab le v ic o m t e C r a n l e y , fils aine e t h é rit ie r p r é s o m p t if de trè s-ho no ra ble com te
d’ O n s l o w d é c é d é d e p u is , e t le d it A r t h u r - G e o r g e s v ic o m t e C r a n l e y , d’ une troisi ème p a rt ;
que ce t ac te ra pp or te que par un autre a c te fait le ao avril 17*)', e n tre le dit L d o u a i d O n s l o w
et Marie Hoia lie sa feu iu m, d’ une p a r t , c l le dit James S e ton de l ’ s u l r c p a r t, par suite d’ une
�(
>4
)
so m m e e o n v e n n e tous e i un ch ac u n des manoirs» m aisons d'h ab it at io n s, fe rm es , t e f r c i e t
h é rit age s s p é c ia le m e n t d és ign és dan s le d it a cle e t dans ce lu i qui va suivre ave c le u rs d ép e n dan ce s, fu re n t r é s e r v é s et assures c n t r'a u ir e s h éritag es à l ’ usage et jouissa nce dud it E d o u a r d
OnsloTv, e t confiés à l'a dm in istra tion de James S e t o n et ses héritie rs dans l'i n t é r ê t e t pour
l e c o m p t e dudit E d o u a rd O n s l o w , ses h éritiers e t a y a n t d r o it ;
A t t e n d u que c e t a c le ( c e l u i des 2/} et a 5 ju in i 8 o 5 ) ajo ute q u e le d it E d o u a r d O n s l o w
a y a n t b c s o i n d 'u n e so m me d e 4 ° o o li vre s ste rli n g (96,000 fr. e n v i r o n ) , s'étai t adressé audit
T h o m a s co m t e d ’ O n s î o w , alors v ic o m te C r a n l e y et aud it A r t h u r G e o r g e s , v ic o m t e C r a n l e y ,
e t les avait prié s de lu i a v a n ce r e t d e l u i p r ê t e r c e t t e s o m m e sous l a gara n tie de*d it s m an oirs ,
h é rit age s e t b â ü m e n s , ce à quoi ils a va ie n t con se n ti, et q u e ce t a cte con st at e q u 'e n e x é c u t io n
d e ce t t e c o n v e n t i o n , e t en c on sid é ratio n d e la so m me de 4 ° ° ° li vre s fourn ie e t pa y é e
«udit E d o u a r d O n s l o w , par le d it T h o m a s co m t e d 'O n s l o w
et A r t h u r G e org e» v ic o m te
C r a n l e y , ou l'un d 'e u x , e t de dix sch ell in gs p a yé s audit Jam es S e t o n par eux o u l ’ un d 'e u x ,
ed it James S e l o n , sur la d em a n d e c l par la dir ectio n ou l' o r d r e dud it E d o u a r d O n s l o w ,
v e n d , c è d e , d éla is s e, et le d it E d o u a rd O n s l o w ga ra n tit , v e n d e t ratifie e n v e r s le d it Thomas,'
c o m t e d ' O n s l o w , e t A r t h u r - G o o r g e s , v ic o m te C r a n l e y , leurs héritiers et a y a n t -c a u s e , les
m a n o ir et se ign vurie de L i llin g s t o n n L o w e l , d an s l e com té d ’ O x f o r d , ave c les droit s, d é p e n
d a n c e s e t a ppa rt e na n ce s e n se m b le le s diffé re n tes m a i s o n s , f e r m e s , terres et héri tages,
situés dan s les co m tés d ’O x f o r d , B u c k i n g k a m et N o r l h a m p t o n , qui sont sp é c ia le m e n t dés i
g n é s dans ce t acte , et ce ave c leu rs droits , d ép e n d a n c e s e t a ppa rte n a n ce s po u r é lr e tenus
avec le s m êm e s a ppa rt e na n ce s par l e d i t T h o m a s , co m te d ' O n s l o w , et A r t h u r , v ic o m te
C r a n l e y , le urs héritiers et a ya n t-c a u se , à toujours ave c c e p e n d a n t la clause ou co n d it ion de
ra ch a t des m ê m e s b i e n s , en , par U d it E d oua rd O n s l o w , ses héritie rs, e x é c u t e u r s t e s t a m e n
taires et adm in istra teurs de scs b ie n s ou a y a n t -c a u se , p a y a n t audit T h o m a s , co m t e d’ O n s
l o w , et A r t h u r - G e o r g e s , vic om te C r a n l e y , ou à l' u n d 'e u x , ou à le u rs e xé cu te u rs te stam e n
taires, admin istrateu rs ou a y a n t - c a u s e , la so m m e p r in cip ale d e 4 ° oo liv res avec les in t é rê t s
a u x é poq u e s in d iq u ées dans le d it ac te j
A t t e n d u que s u r c e l t e h y p o t h è q u e , il est e n c o r e du la so m m e pr in c i p a l e d e 4000 l i v r e s ,
m a is q u e le s in té rê ts o n t été d u o m e n t pa yes jusqu'à la d a t e des p rés en te s c o m m e le sd il s
T h o m a s , c o m l e d ’ O n s l o w , e t A r t h u r - G e o r g e s , v ic o m t e C r a n l e y , le r e co n n ais se n t.
A t t e n d u q u e le dit E d o u a r d O n s l o w é tan t r é c e m m e n t c o n v e n u ave c le d it James Bo gie
D e l a p s de
lu i faire v e n t e abso lu e
m a is o n s , t e r r e s , fe rm e s
et
du m an oir de L i l l i n g s t o n n - L o w e l e t des différente s
h é ri tage s situés dans
les e o m lés d ' O x f o r d ,
Buckingham
et N o r l h a m p t o n , ave c le u rs a p p a rt e n a n ce s et le fief sim ple e t son droit de transmission
)ib re de tous droits e t ch arg e s, e x c e p té c c q u i est désign é aux p r és en te s, e t ce po u r le p r is
�'V&'V
(
>5
)
J e 35,000 liv r e s , il a été c o n v e n u e n t re le s pa rties que la so m me de ¿}oo° liv re s sur l e pr ix
d ’ acquisition sera e m p lo y é par le d it Ja m es Bogi e D e la p s à p u rg er la prop riété
d e l a d it e
hypothèque.
E n c o n s é q u e n c e l e p r é s e n t a cte fait foi qu’ e n e x é c u t io n desdite s c o n v e n t io n s , c l en c o n
s id é ra tio n d e l à so m me d e 4000 liv r e s p a y é e , soit a v a n l le s p r é s e n t e s , soit au m om e n t
m ê m e en m onn a ie de la G r a n d e - B r e t a g n e aya n t cours l é g a l , pa r le d it James B o gie D ela ps,
par l ’ or d re exp rè s d odit E d o u a r d O n s l o w , auxdits T h o m a s com te d’ O n s l o w , e t A r t h u r G e o r g e s , v ic o m te C r a n l e y , qui c o n s e n t e n t q u it ta n ce e t d éc ha rge d e la dit e so m me tan t au ■
dit E d o u a rd O n s l o w , scs h é r it ie r s ,
e x é c u t e u r s te st am e nta ir e s ou a y a n t - c a u s e , qu ’ aud it
Ja m es Bogi e Ü e l a p s , scs h é r i t i e r s , e x é c u t e u rs te stam e nta ir e s ou a y a n t -c a u s e , e t a us si e n
con s id é ra t io n d e la so m m e de 3 ij0 0 0 livres é g a l e m e n t de m on n a ie a ya n t co u rs l é g a l , b ie n
p a y é e audit E d o u a r d O n s l o w ava nt ces p r é s e n t e s , et en m ê m e teins par l e d i t Ja mes B o g i e
D e l a p s , le s q u e lle s dites som m es de 4000 li vre s .et 3 1,000 l i v r e s fo n t e n s e m b le c e l l e de
35 , o o o liv re s, pr ix e n t ie r desdils m an oir, e t c . ; et le d i t E d o u a r d O n s l o w qu itta n ce et d éc h a rg e
Je d it James Bogi e D e l a p s , ses h é r i t i e r s , e x é c u t e u r s t e s t a m e n t a i r e s , a d m i n i s t r a t e u r
et
a y a n t -c a u s e , e t c h acu n d ’ e u x a b so lu m e n t et à t o u j o u r s , c l e n ou tre e n con sid é ra tio n de
l a ‘ so m m e d e
10 sch ell in gs é g a l e m e n t d e b o n n e m o n n a ie p a y é e de la m ê m e m a n iè re par
l e d i t J a m e Bogie D e la p s audit Ja mes S e l o n , q u i l e r e c o n n a ît .
E u x , lesdits T h o m a s , com te d ’ O n s l o w , e t A r t h u r - G e o r g e s , v ic o m t e C r a n l e y , e t aussi
l e d i t Ja m e s S e l o n , d’ après l ’ or dre e x p rè s e t l ’ in d ic atio n d ud it E d o u a r d O n s l o w o n t et
c h a c u n d’ eux a v e n d u e t a lié n é e t c é d é , e t par ce« p r és en te s v e n d e n t , c è d e n t , a liè n e n t c o n
f o r m é m e n t aux q u ali té s a ux q ue ll e s c h a cu n d’ e u x agit e t à le u rs in té rê ts r e s p e c t if s , e t c h a
cu n d’ e u x v e n d , a l iè n e , c è d e et ratifie, e t l e d i t E d o u a r d O n s l o w a c o n c é d é , v e n d u , alié né ,
et déla issé , ratifié et con fi rm é , e t , par ces p r é s e n t e s , v e n d , a l i è n e , ratifie e t c on fi rm e e n
f a v e u r dud it James Bogi e D e la p s e t ses h é r it ie r s , l e d i t Ja mes B o gie D e la p s ét an t déjà e n
possession en v er tu d’ une cession p o u r l e t e rm e d’ u n e a t m é c , à lui con s e n t ie par lesdits
T h o m a s , co m t e d ’ O n s l o w , A r t h u r G e o r g e s , v ic o m t e C r a n l e y , James S e l o n et E d o u a r d
O n s l o w en c o n s i d é r a t i o n d’ une so m m e de 5 sch e llin g s s u iv an t un ac te à la v e il le d e ces
p r é s e n t e s et en v e r t u du statut fait p o u r co n v e r ti r les jo u is sa n ce et pos session et l ’ assurer
aux héritiers :
C ’ est à savoir le m an oir et se ig n eu ri e de L i l l i n g s l o n n - L o w e l , e t tout ce qui est ré pu té tel
a v e c le s droit s, e t c .
T o u s lesd its o b j e t s , m an oir , f e r m e s , p ropri é té s e t c . , fu re n t p r é c é d e m m e n t la p r o p r ié t é
e l h é rit age do W i l l i a m W in lh w oi' th, e n der nier lie u de L i l liiig s lo n n - L o w e l c i- d e s s u s n o m m e ,
é c u y e r a c t u e lle m e n t d é c é d é , et fu re n t par l ’ acte de scs dern iè re s v o lo n t é s c l t e s t a m e n t
�l é g u é » aud it E d o m r d O n s l o w ou à scs h é rit ie rs après l e d é c è s , e l à défaut de d e s c e n d a n c e
de Francis D r jc k , écuyer, lequel
a q uitté c e t t e v ie sans la isse r d e p o s t é r i t é et dep uis lon g-
teras.
Xjcsdits obje ts c o m p r e n a n t toutes le s d iv e r s e s , etc.
S e r o n t l e s d it s m a n o ir , d é p e n d i n c c s , ferme», te rr ains, h é ri tage s e t p r o p r ié t é s q u i , par l e
p r és en t a c t e , so n t co n c é d é s
e t délaissés o u e n t en d u s l 'é t r e a v e c tous e t un c h a cu n de
l e u r s d r o i t s , parties et d é p e n d a n c e s , aud it Ja mes B o gie D e la p s ou ses h é rit ie rs, pos sédés et
te n us p o u r ê tre jouis c o m m e il suit , savoir : par t e lle p e rs o n n e ou te ll e s p e r s o n n e s , p a r
r a p p o r t à t e lle p r o p rié t é , à te l p r o d u i t , dans t e l dessein et dans te ll e s vues e t s o u s t e l l e s
c h a r g e s , a u t o r i té s , c l a u s e s , c o n d it io n s, re st rictio ns e t lim it a t io n s , d e t e l l e s for mes e t e n
t e ll e s m an iè re s q u e le d it James B o gie D e la p s , à q u e l q u e ép o q u e q u e ce soit e t su c c e s s iv e
m e n t par la s u i t e , d é t e r m in e r a , r é g l e r a , d éc id e ra par un ou plusi eurs a c t e s , un écrit ou
plusi eu rs écrits a v e c ou sans po u v oir de r é v o c a t io n , destiné à ê tre sce ll é et remis pa r l u i
en p e r s o n n e e t s u r l ’ attestation d e d eu x ou plusieurs témoins d ignes de foi, c l à défaut d e
t e ls r é g l e m e n s , d ire c t io n s o u in d ic a t io n s , co m m e a u s s i , ju squ’ à ce qu ’ il ail été fait et mis
n e x é c u t io n , mê m e a u -d e là de ce à quoi pou rr aie n t »’ é te nd re le sd il cs dir e ctio n s, in dicat ion s,
réglem ens,
s’ ils é taie n t i n c o m p l e t s , po u r ê tre jouis par le d it James Bo gie D e la p s et scs
« yan t-c a u se pou r et pe n d an t la dur ée de sa vie n a t u re lle , sans être passible de dég radati ons
p o u r é l r c jouis à l’ ép o q u e e t ap rès l ’ e xp irati on de la con cess ion de la dite prop riété audit
E d o u a r d l ’ Ioraer et scs héritie rs e n qu alité d’ a dm in istrateu r pou r l e co m p t e et p e n d a n t la
v ie dud it Ja mes
Bogie D e la p s , enfin pou r ê t re jouis dep uis et après le déc ès dudit James
B o g ie D e la p s par le s h éritiers et a ya n t -c a u se dud it James B o g ie D e la p s à p e rp ét u it é .
Ticsdits T h o m a s co m t e d ' O n s l o w , A r l h u r - G e o r g e s v i c o m t e C r a n l e y ,
et James S e l o n ,
ch a cu n e n c e qui l e c o n c e r n e , savoir, c h a c u n d’ e u i po u r lu i- tné m e , ses héritiers , e s é c u te ur s test am enta ir es et administrateu rs s e u le m e n t en ce qui c o n c e r n e ses pr op res faits et
o m issions c o n v i e n n e n t a v e c le dit James Bo gie D e l a p s , se» hé ri tie rs c l a y a n t - c a u s e , et lu i
d éc la r e n t qu’ eux susdits T h o m a s , com te d ' O n s l o w , A r t h u r - G e o r g e s , vicom te C r a n l e y , e t
James S e l o n r e s p e c t iv e m e n t n 'o n t fait ni laissé fait e à le u r con naiss an ce ou v o lo n t a ir e m e n t
a uc un a c te » effet ou choso q u e l c o n q u e t pa r la q u e ll e ou au m oyen de la qu e ll e ou par suite
de la q u e lle l e s d i t s m a n o i r , d é p e n d a n c e s , f e r m e s , t e r r a i n s , héritages et propri é té s p r é c é
d e m m e n t indiques« s e r a i e n t , p e u v e n t ou d o iv e n t ¿ i r e sous le poids d 'u n e co nfis cation ,
gre v é s, saisis ou h y p o t h èq u e s quan t au t it re , à la prop riété ou de q u e l q u e m an iè re que ce
•oit tant en droit q u ’ en é q u it é .
L e d it Kdn uard O n i î o w po u r ses h é r it ie r s , e xé cu te u rs testam entaires et adm in is tra te u r* ,
ppnttn rte ave c ledit James Bogie D e l a p s , scs héritiers ou ayant«causo , lui p r o m e t e l s’ ac*
�.> ,
(
T7
)
cord e de la m an iè re su iv an te , sa vo ir que n o n o b st a n t to u t f a i t , acte , cir con st an ce ou chose
q u e l c o n q u e qu’ il s u r f i t f a i t , a c c o m p l i ou e x é c u t é , ou qui aurait été souffert v o lo n t a ir e
m e n t e t ave c con n ais s an ce d e ca use par le d it T h o m a s
lord O n s l o w , A r t h u r - G e o r g e s ,
v ic o m t e C r a n l e y , Ja mes S e l o n e t E d o u a r d O n s l o w , et qui pe u t te n dre à é tab li r le c o n
traire , e u x susdits T h o m a s , co m te d’ O n s l o w , A r t h u r - G e o r g e s , v ic o m t e C r a n l e y , James
S e l o n et E d o u a rd O n s l o w s o n t , au j o u r du s c e lle m e n t et de la clô t u re du présen t a c t e , soit
tous soit plu si eu rs d ’ e n tr’ eux , soit u n seul d ’ e u x , l é g a le m e n t saisis ou a u t r e m e n t b ie n e t
suffisamment fondés à la posse ss ion desdits m a n o i r , d é p e n d a n c e s , f e r m e s , t e rra in s, h é rit a
ges e t prop riétés , par le p r é s e n t a cte , co n c é d é s e t délaissés ou e n t e n d u s l ' é t r e dans toutes
l e s parties et p a rc e ll e s a vec tout ce q u i co n st it u e une b o n n e , sûre e t i r r é v o c a b l e prop riété d e
fa m il le e n fie f sim ple sans a u cu n e e sp è c e de co n d it io n d 'h y p o t h è q u e , de re st rictio n d e
jou issa nce ou de q u e l q u e c ir c o n s t a n c e , m o ti f ou ch os e q u e l c o n q u e qui puisse a lt é r e r , c h a n
g e r , g r e v e r ou a n é a n t ir ladite p r o p r i é t é , et qu’ eux susdits T h o m a s ,
co m t e
d’ O n s l o w ,
A r t h u r - G e o r g e s , v icom te C r a n l e y , James S e l o n et E d o u a rd O n s l o w , tous ou q u elqu e s- un s
ou ch acu n d ' e u x a ou ont p le in e p u is s a n c e , d ro it lé ga l et abso lu d e c o n c é d e r , déla isser o a
a u t r e m e n t d’ assurer lesd its m a n o i r , d ép e n d a n c e s , t e r r a in s , héritages e t p r o p rié t é s , ainsi
q u e toutes le s part ies e t p a r c e lle s d’ iceux audit James Bog’ e D e la p s e t ses h é r i t i e r s , pou r e n '
jou ir de la m an iè re et dans la forme c i- d e ss u s , c o n fo r m é m e n t aux vraies in te ntio n s e t au
sens du p r és en t ac te , en sorte q u e le d it Ja mes Dog le D e l a p s , ses héritiers, fon dés de po u v oir
e t a ya n t-c a u se puissent a v o i r , t e n i r , u s e r , o c c u p e r , possé de r, jouir lé g a le m e n t , pa is ib le
m e n t et tra n q u ille m e n t , en tout le m s et à p e rp ét u it é desdits m a n o i r , d é p e n d a n c e s , ferm es,
te rra ins e t prop riétés c o n c é d é s , délaissés ou e n t en d u s l’ étre ave c tous le urs accessoires et
eurs parties , r e c e v o ir e t tou ch e r po u r le u r prop re usage les l o y e r s , re ven u s e t profits et
ce u x p r o v e n a u t de ch aq u e part ie et p a r c e lle sans qu’ ils é p ro u v e n t a u cu n e pou rs uite l é g a l e ,
a ucu n t r o u b l e , e m p ê c h e m e n t , m o le s t a t io n , in te rru p tio n , r e f u s , é v ic tio n ou embarras do 1»
pa rt de lu i E d o u a rd O n s l o w ou ses h éritiers , ou de toute autre p e rs o n n e se p orta n t ou pr é
te n d a n t se p or te r aux droits de lu i E.lou a rd O n slo w ou ses h é rit ie rs , ou acquis de lu i ou par
scs o r d r e s , ou en qu alité do m an da tair e p o u r son c o m p t e .
D é c l a r e n t l i d i t c pr op rié té lib re et c la ir e , lib r e m e n t e t c la ir e m e n t a c q u i t t é e , li b é ré e , d é
la issée e t d é c h a r g é e , a u t re m e n t pa r le sd ii t Ed ouard O n s l o w et ses h é r it ie r s , exécu te urs et
administrateurs, b ie n et suffisamment c o n s e r v é e sans d om m ag es et tenue lib re de tous dons,
co n cess io n s
,
b a u x , h ypoth èq u e s, co n d am natio n s e t de toute
a u tr e
propri été, titre , ch ar ge e t
ernpé cheinens q u elco nq u e s qui puissent avoir été fait», com mis ou soufferts par les susdits
E .lo u a r d
O n s l o w ou toute autre p e rs o n n e p ié t o n d a n l l é g a le m e n t agir pou r lu i ou en son
n o m ou e n ver tu do pouvoirs é m a n an s de l u i , ou e n v e i l u d e t s u t autre m o y e n ou omit»
�(
«8
)
l i o n s , Co ns en te m e n t , adhésion ou d ém a rch e d e sa p a r t , e x c e p té tou tef ois l e p a ie m e n t d t
9 l iv r e s , e t c . , e t c . , etc.
C o n v i e n n e n t e n ou tre q u e le d it E d oua rd O n s l o w , ses h é r i t i e r s , on to ute e t c h a cu n e
a utre p e r s o n n e a ya n t ou p r é t e n d a n t l é g a le m e n t avo ir , tan t par son n o m q u e par scs ord re s,
ou c o m m e m an da taire p o u r son co m p t e , d r o i t , titre ou in t é rê t dans ou sur lesdits m a n o i r ,
d é p e n d a n ce s , t e r r a i n s , hé ritag es ou p r o p r ié t é s , par l e p r é s e n t a c t e , con cé dé s, délaissés ou
e n ten d u s l' é t r e dans toutes le u rs parties e t pa rc e ll e s d e v r o n t , à q u e l q u 'é p o q u e q u e ce soit, et
s u cce ssiv e m e n t à p e rp é t u it é sur la d em a n d e ra is on n ab le dud it James B o gie D e la p s , ses h é
ritie rs , agens ou ayant«cause , et m o y e n n a n t le p a ie m e n t des frais et charge» d ét e rm in é s par
l a lo i, faire r e c o n n a ît r e , e x p é d ie r, p e r m e t tr e e t e x é c u t e r ou faire en sorte qu 'il soit fait, r e
c o n n u , e x p é d ié , pe rm is ou e x é cu t é tous actes , co n v e n t io n s , a rra n g e m e n s, trans fert e t c o n firmations q u e lc o n q u e s e xigé s pa r le s lois po u r p a rv en ir à m e i l l e u r e , p lu s c o m p le t t e ou plus
a bso lu es co n ce ssio n s , tra ns fe rt e t con fir mation de tous et un c h a c u n des m an oir , d é p e n
d an ce s , f e r m e s , terrains, héritages e t propri é té s ave c le u rs d ép e n d a n c e s dan s tou tes le urs
parties e t p a r c e l l e s , en fa v e u r desdits Ja mes Bogi e D e l a p s , ses h é r it ie r s , agen s ou a y a n t cause , suiv an t son vrai sens e t sa v ra ie s ig n if ic a t io n , le tou t ainsi qu 'il sera é q u il a b le m e n t
r e c o n n u et ré c la m é par le d it James Bogi e D e l a p s , scs h é r it ie r s , agens ou ayant-c ause , par
son c o n se il ou le u rs con se ils lé g a u x .
E n fo i d e ce q u e dessus lesd ites part ies o n t apposé au p r é s e n t acte le u rs sc eaux e t signa*
t u r c s , le s jo u r e t an p r é c é d e m m e n t m e n t io n n é s . »
C o m m e m an da tair e de son p è re , M . G e o i g e s O n s l o w qu i ( suiv an t M M . M a u ric e e t A u
guste O n s l o w ) avait n é gocié ce t t e v e n t e en r e ç u t l e prix , eu pl a ça u n e pa rt ie sur les fonds
p u b li cs , savoir 300,000 fr. en son n o m p e r s o n n e l , e t le su rpl us au n om d e son p è r e , t a n t
s u r tes fonds pu blic s q u e sur ob ligations que sousc rivirent n ot a m m e n t M m e e t M . C h a b r o l*
d e - V o l v i c , M . et M m e M e s l i e r , M* e t M m e G a n n a t , et en e m p lo y a u n e autre part ie d e d i
verses m an iè re s.
L e 8 ja n v ie r i 8 a 5 , il acquit de M. le marquis de T o u r n o n , par acte n o t a r i é , la te rr e de
P é iig n a t - « u r - A llie r , m o y e n n a n t la l o m m c île i 5o , o o o f l . p a y é e co m p t an t , aux d ép e ns ( s'il
faut l'e n c r o i r e ) des ao o.o oo ft. qu'il »'était l e t e n u s sur l e pr ix .le la terre d e L i l l i n g t l o n n .
(A u d ire d e M
Le 7
G e o r g e s O n s l o w ) son p è r e jou it de la te rr e de P é i i g n i t .
ja n v ie r l 8 a 8 , par acte r t ç u D e v o u c o u x , n ot aire
à Clerm ont,
G a b r ie l
A m a b le
O n s l o w re c o n n u t avo ir reçu de ton p ère E d o u a i d , sur sa su cc e ss io n futu re e t en d é d u c tioti de l 'a v a i .c é m e n t d'hoirie con stitu é d^m »on con tra t de m a r ia g e , savoir : i* la so m m e
d# ( 1 , 5 nn f r . , 1» 8 ju ille t 181G J 2* la so m m e de 3 ooo f r , , l e 5 août 1808 j 3 * la t o m m e d e
4 >5oo i i . , le 3 u o ve m b re 1819 , 4 * t* so m m e d e Go 00 fr., le 1»* fé v rie r i 8 j 9 , et 5 ° la so m m e
�'b í
de 5 ooo fr. , l e 4 n o v e m b r e 182.}» le sq u e ll e s c i n q som mes , m o n t a n t en tout à c e l l e de
3 o,oo o f r . , fu re n t d é c la ré e s avoir été remises aux ép oq u es in d iq u ées a r e c les d en ie rs de
M . É d o u a r d O n s l o w , e t sur so n autorisation , p a r son fils aîné G e o r g e s O n s l o w . ch ar gé de
l ’ ad'n in istra tlon d e ses bie ns et affaires t l e q u e l , p r é s e n t e n l ’ acte , d é c l a r e q u e l ’ i n t e n t i o n
fo r m e lle de M . O n s l o w son p è r e est q u e ce s 3 o ,o o o fr. s o ie n t im pu tab le s sur le s droits de
M . G a b r i e l - A m a b l e - A u g u s t e O n s l o w dans sa su cce ssion future*
L e 14 ja n v ie r i 8'j 8, G e o r g e s O n s l o w re m it à son p è re u n a c te ainsi c o n ç u :
« C o m p t e des ca pit au x re çu s e t e m p lo yé s par m oi dep uis l e 4 ju in i 8 i 3 , jusq u’ au 3 i d éc e m b r e 18517.
L a lé g it im e d e m on p è r e con sistait en 20,000 livres s t e r l i n g , q u i o n t é t é t ou ché e s en
d iflere ns p a ie m e n s e t on t p r o d u it le s so m mes suivantes*
S o m m e s re çu e s
f l e 26 a o >“ ' ’ 8 o . ,
la o.ooo. 1
a v a n t m a ge stion.
^ le 3^août i8n,
§3,550*J
le i3 février l8l5(
le aGjuin i 8 i 6 ,
le î5 juin 1819,
# J le i3 juillet 1819,
le l3 novembre 1819,
le 3 février i8ao,
le iSmars i8a3f
le 34 novembre 1817 ,
4, i000*
a,400.
5o,4oo.
aa,o3o.
31,094
41>4^1
3,656.
?4'975.
Sommes reçues
p e n d a n t ma ge st io n .
a i j S5oi
367,97 6.
48i,5aG.
Total........
M on p è re posséda it d e plu s la te rre d e L i llin g s t o n n si tu ée en A n g le t e r r e dans l e com té
de B u ck in g h a m ;
il
e u avait h é r it é
d';tn p a re n t é l o i g n é , e t 1'« v e n d u e c n j u i n i 8 a 4 .
840,000 francs.
F o r t u n e pa tri m onia le ,
l 8 l , 5 a6
F o r t u n e acquise par su cce ss io n .
84 o ,o o o
To ta l. . . . .
I , 3 a i , 5 a6 fr .
M o n p è re m ’ a ch ar gé de l ’ adm in istra tio n d e ses affaires, l e 4 ju in 181 3 - Il avait alors re çu
su r sa lé g it im e , la som m e de a i 3 , 55 o fr. qu ’ il avait e m p lo y é e à u n e partie de 1 acquisition
d ’ u n e pr op riété te rr itor iale et d’ u n e m ai so n . Il d ev a it en ou tre 155,717 fr.» détaillé» ainsi
q u 'il suit :
( S u i t le d ét ail des dettes parm i le sq u e ll e s figure la so m me de 3 ooo fr. du« au r e m p la ça n t
d 'A r t h u r O n s l o w ) .
�( 20 )
J ’ ai p e r ç u dans l e co u rs d e ma gestion , sur la lé git im e d e m on p ère , p o u r l a so m me de
267 # 6 fr. \ j’ a» p ayé :
( S u i t ln d étail tles sommes dites p a y é es par M. G e o r g e s , et parm i le sq u ell es figur e, co m m e
s old ée , l e 4 d é c e m b re i 8 i 5 , au r e m p la ça n t d’ A r t h u r O n s l o w , u n e so m m e de 3 ooo fr.
J ’ ai de plus p ayé à mes frères et pr is pou r m oi les som mes suiv an te s :
( S u it le détail de ces som mes s'é le v a n t e n to t a l à c e lle d e 2 3 ^ 1 6 6 fr. ).
S o m m e s p a yé es c o m m e il a été d éta il lé ,
>55,717 fr '
a 34 >iGG fr.
S o m m e s p a y é e s à mes frères ou à m o i ,
389 , 883 .
T o t a l ................
L a diffé re nce entr e cette d er n ièr e so m m e de 389,883 f r . , e t ce lle de 767, 976 fr. reçu e
dans l e cours de ma gesti on , est de 121,907 fr* j ce tte diffé re nce a été p a y é e su r l e prix de
la terre dç L i ll i n g s t o n n . C e prix de 84 o ,o o o f r , , co m m e il a été dit pl«is haut, a été em p lo yé
ains i q u ’ il suit •
210.000 fr . rem is e n tre m es mains.
166.000 fr» placés sur le tiers co nsolidé.
320.000 fr. plac és sur les obligations.
121,90 7 fr. d 'e x c é d an t m en tio n n é plus ha nt.
ï 5 ,ooo fr. ret en us par l'a c q u é r e u r de la terre de L i l l i n s g s l o n n , co m m e d é
d o m m ag e m e n t d ’ une dune sur la qu e lle il n e c om pt ai t pas .
7,093 fr. p a y é s sur les frais d’ un pr ocès sou te nu p en d an t plusieu rs ann ée s
en A n g l e t e r r e .
To tal.
840,000 fr.
F ai t à C l e r m o n t- F er r a n d , l e x 4 ja n v i e r 1828. — S ig n é G e o r g es O n s l o w . »
A u -desso us est é c r it : «
Je reco n n ai s avoir pris com m unic at io n du c o m p te qui pr éc è d e , l ’ avoir e x a m i n é , article
par article , tant en xecette qu ’ en d ép ens e , et avoir r e co n n u le tout pa rfa itement ex act. E n
c o n s é q u e n c e , je quitte et déc ha rge mon fils aîné G e o r g es O n s l o w , de toutes choses q u e l
co n q ue s relati ve s à l’ emploi de ces capitaux jusqu’ à ce j o u r , déclaran t qu ’ il m’ a rem is toute*
les
pi èces a l ’ appui du co m pt e ci-dessus. F a it à Clei i n o n t - F e r r a u d , ce i 5 ja n v ie r i 8 a 9 .
— A p p r o u v é ce que dessus.
Si^tté E d o ua rd O n s l o w ; u
L e m i m e j o u r , i 5 jan v ie r 18 2 8 , G e o r g es On»)ow re ndit le c o m p te gé n éral des dép^n*es
e t r e c e l i t i a nn u elles faites par lui, po ur sou p è r e , d fp n is i 8 l 3 ju s q u ’ à 18^7 in clu siv em ent ,
ces recet te s e l dépendes n e ( o n c c i u a n t que les rev enus de M . E d o u a id O n »lo w ,
�( 31 )
C e co m p te est ainsi c o n ç u :
Revenusprov.
llevenusprov.
T o t a u x des
T o ta u x des
de capitaux.
d ' im m e u b le s.
re v en u s.
dép enses g é o .
AN3 ÉES.
O b i crvat.
.!
1
18 15
13 ,4 0 0
2 5 ,o 53
5 8 ,4 5 3
3 8 ,1 1 2
18 14
1 3 ,4 8 0
- 3o ,5oo
4 3 ,7 8 0
4 0 ,3 4 0
18 15
12 ,7 7 0
3 2 , i 5o
4 4 , 9 ÎO
3 3 ,7 4 2
4 0 ,6 6 0
3 7 ,9 0 4
1817
1 1 , 7 10
1 1 ,0 7 0
2 8 ,9 5 0
2 1,0 7 5
3 2 ,1 4 5
3 8 ,8 o 3
1818
11 ,0 2 0
i 3 ,8 2 5
2 4 ,8 4 5
3 i ,5o 8
18 19
1 0 ,8 9 5
2 9 ,7 7 5
4 0 ,6 7 0
3 5 ,9 7 0
1820
6 ,5 6 5
4 5 ,9 ^ 0
52,5 i 5
3 3 , I2D
1821
1 ,5 15
i 8 ,3oo
ig ,8 i 5
2 8 ,6 6 0
1822
I ,2 l 5
2 4 ,2 5 0
2 5 ,4 6 5
2 8 ,4 4 8
1823
8 10
2 2 ,2 2 5
2 3 ,o 35
2 7 ,1 8 0
1824
85o
i 6 , i 5o
1 7 .0 0 0
2 7 ,3 0 7
1825
a 4 »3 o o
7 ,2 7 5
3 i ,5 7 5
1826
2 4 ,3 0 0
7 ,0 9 3
3 i ,5g 3
3 3 ,7 4 9
5o ,5o 5
1827
2 4 ,5 0 0
7 ,8 3 3
3 2 , i 53
3o ,7o 3
4 9 8 ,4 0 4
4 9 6 .4 9 8
1816
( A u dire d e M . G e o r g e s O n s l o w ) le s s om m e s i n d i q u é e s , aux an n é e s l 8 î 5 e t s u i v a n t e s ,
c o m m e produ it des bie ns im m e u b le s, re p r é s e n t e n t l e r e v e n u de la te rre de P c r i g n a t ,
do n t ( s u iv a n t l u i ) son p è re jouissait.
L e m êm e jou r, l 5 ja n v ie r, E d oua rd O n s l o w r e c o n n u t avoir pris co n n ais s an ce d e ce c o m p t e
l ’ avoir e x a m i n é dan s ses détail« , tant en re c e t t e qu’ en d ép e ns e , et avoir r e c o n n u le tout
pa ifa it e i n e n t e x a c t j en c o n s é q u e n c e fixa déf in it iv e m en t la re ce t t e à la so m me d e 4ÿ8,4o4 fr-j
l a d ép e ns e à 4y 6 . 4'j 8 fr. , e t le r e li q u a t a cti f à la som m e de itjoG f r . , e t d éc la ra que 1»
m an da tair e ne pou van t pr oduire ce re liq uat n i r e n d r e c o m p t e d e son e m p lo i , le m an da n t
l ’ attribuait, c o m m e sou (ils l’ avait lu i-méiu e a tt r ib u é , à l’ ou bli de
q u e lq u e s
articles de d ép ense,
qu i p r o b a b le m e n t avait été c o m m is p e n d an t les l5 an n é e s d e sa g e s t i o n , et par c o n s é q u e n t
qu itta e t déc ha rg e a l e m an datai re de l'a dm in is tra tio n , et r e co n n u t avoir reçu le s piè ce s à
l ’ appu i du co m p te des re c e t t e s e t des d é p e n s e s .
Le il
avril 1 8 1 8 , u n acte fu t passé d e v a n t D e v o u c o u x , notair e à C l e r m o n t - F e r r a n d ,
e n tre E d o u a rd O u s l o w et >ci qu air e iil», duq u el il r é i u l l e ;
�e.-CÇ
-
(
2 2
)
— I* Q u e l e p è r e d é c la r e q u e son in t e n t io n a t o u j o u r s é t é de foire à c h a c u n de ses fils
M a u r i c e et A r t h u r un ava ntage d e 180,000 f r . , tel qu ’ il e n a fait u n de ce t t e so m me à son
fils A u g u s t e , lors de son mariage e n 1819, e t de r e n d r e G e o r g e s O n s l o w , son fi's a î n é , p r o
p r ié t a ir e d éfinitif de sa f o r t u n e , c o n fo r m é m e n t au co n t ra t d e mariage d e 1808, e t d'après
l e s lois ang la is es, aux q uell es se t r o u v e n t soumis le s bien s de M . E d o u a r d O n s l o w , situés en
An gleterre.
—
3° Q u e p o u r a r r iv e r a c o n s a c r e r ces in te ntio n s d e M . E d o u a r d O n s lo w ,'q u i so n t c e ll e s de
ses quatre enfans , le s parties fixen t l ’ a c t i f de sa f o r t u n e , en y c o m p r e n a n t le s a v a n c e m e n t
d'hoir ie con stit u é s, à la so m m e d e i , i 55 ,ooo fr ., dans la q u e ll e la m aiso n d e C l e r m o n t entre
p o u r 4 o,o oo fr ., et la te rr e de C h a l e n d r a t p o u r 160,000 fr.
— 3 » Q u e sur c e t t e so m me , e n p r é l e v a n t 540,000 fr. fo r m a n t le s 3 s om m e s d e 180,000,
re v e n a n t à c h a cu n d es fils pu în és, il rest e p o u r l e fils aîné 6 i 5 ,o oo f r ., so m m e in fé rie u re ,
e st - il d it, à c e lle d o n t M. E d o u a r d O n s l o w p ou v ait disposer e n sa fa v e u r aux term es des lois
a n g la is e s .
_4 ° Q u e toutes le s pa rties so n t c o n v e n u e s de co n sid é re r G e o r g e s c o m m e pr op riétai re de
l a n u e pr opriété d e l à maison de C l e r m o n t , d e la te rre d e C h a l e n d r a t , du m obil ie r garnis«
sa nt ce s deu x h a b it a t io n s , de la so m me d e 35o, oo o fr. qui lu i a été re m ise par son p è r e , et
d e la so m m e de 140,000 fr. p la c é e sur l ’ é tat ( A ’ o t a : en réunissa nt ce s diverses valeurs , on
r e c o n n a î t q u ’ e n se m b le elles 11e f o r m e n t un total q u e d e 590,000 f r . , au li e u d e s’ é l e v e r à
G i 5 , o o o f r . S u iv a n t M. G e o r g e s O n s l o w , c e l t e d if fé re n ce p r o vie n d rait de ce q u e l e r é d a ct e u r
d e l’ a cte a urait o u b li é de faire f ig u r e r , au n o m b r e des objets réunis po u r faire le s 6 1 5 ,000 fr .,
une
so m m e d e 3 5 ,o o o fr p la c é e sur la b a n q u e d ’ A n g l e t e r r e , la q u e lle som m e de a 5 ,o oo fr.
a ppa rtie nd ra it aussi a udit G e o rg es ). Q u e toutes l e s parties so n t e nsu ite é g a l e m e n t co n v e n u e s
d e con sid é re r les trois fils puîn és c o m m e pr op riétair es, par éga le p or ti on , de la n u e p r o p r ié t é
de 3 3,ooo fr- p la cé e sur ob li ga tio n s, et de 36,000 fr. placés sur l ’ état .
— 5 ° Q ' i ’ il a été ar rê te q u e si M me E d o u a r d O n s l o w , n é e B o u rd e ille , su rvivait à son mari,
l e dou aire de 12,000 fr. par a u , à e lle con stitué p a r son c o n t r a t d e m a r i a g e , se ra it serv i
p a r G e o r g e s O n s l o w po u r 6,000 fr. et par c h a c u n de ses trois frères po u r 2000 f r . , et qu ’ il
a e i a i t fait, à la p r e m iè re d em a n d e de M m e O n s l o w , u n e d élé gatio n d e 6,000 fr. à p r en d re
a n n u i' ll e iu e n t s u r les intérêt s de 320 ,000 fr . p la c é e sur ob liga tio n .
_6*
Q u e
le sd il e s parties re con n ais se nt q u e M . G e o r g e s O n s l o w n’ a au cu n co m p t e q u e l
c o n q u e à te n d re à M. son p è re , p o u r raison de la p rocuratio n q u ’ il lu i a d o n n é e p a r a c t o r e ç u
C h e v a l i e r , notaire à C l e r m o n t , le 4 ju in i 8 i 3 .
— " • Q u ’ au m o y e n do ce t a cte , c h a c u n des e n fa n s O n s l o w se re co n n a ît p le in e m e n t ré glé
ot satisfait au sujet do ses droits dans les bien» que possède t o n p è r e , et n 'av oir aucunes
�<Ÿï\
( 23 )
r é p é tit io n s q u elcon q u e s à e x e r c e r à c e t é g a r d co n tre ses fr èr es , ¿ q u e lq u e titre et pou r q u e l q u e
cause q u e ce soit, l e to u t a ya n t é t é ainsi c o n v e n u e t arrêté à titre de pa ct e de famille , e n t r e
M . E d o u a rd O n s l o w c t s e s ^ e n f a n s , qui »’ o b li g e n t de l ’ e x é c u t e r , de b o n n e foi, com m e c o n t e r
u a n t l ’ e xé cu tio n des v o lo n t é s d e M . E d o u a r d O n s l o w , l e u r p è r e , et leurs pr op re s intentions#
L e iS 8bre 1 8 2 9 , e u t li e u le déc ès d e M* E d o u a r d O n s l o w , dan» la v ille de C l e n n o n t ,
q u e dep uis so n mariage il n ’ avait cessé d’ h a b it e r a v e c sa fa m il le .
( A d dire de G e o r g e s O n s l o w ) G a b r i c l - A m a b l e signa un é crit ainsi c o n ç u : « N o u s sous*
s i g n é s , F r a n e o is -M a u iîc e O n s l o w , G a b r i e l - A m a b l e O n s l o w , d éc la ro n s q u e n ou s n’ avons
au cu n droit q u e l c o n q u e sur le s 1009 li vre s ste rli n g , faisant pa rtie de la lé g it im e de fe u
n o t re p è re E d oua rd O n s l o w , et a c tu e lle m e n t p la c é e sur le s 3 p . o jo d’ A n g l e t e r r e . N o u s d é
cl aro n s de plu s q u ’ en ver tu de l ’ ac te d e p a r t a g e , passé e n tre n ot re dit fr è r e e t n ou s, l e 1 i avril
1828, n otre fr ère A n d r c - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w est le se u l qui puisse faire v a lo ir des droit»
su r la d it e so m m e de I009 livres s t e r l i n g , qui fait pa rtie d e son patrim oine. N ou s supplion»
e n co n s é q u e n c e M sr le C h a n c e l i e r d’ A n g le t e r r e d’ autoriser le p a i e m e n t de la d it e so m m o
e n tre le s main s de n o tre dit fi è re A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w . F a i t , a ppro u v é et signé1
à C l e r m o n t - F e r r a n d , dép* d u P u y - d e - D ô m e , ro y a u m e de F r a n c e , l e 2 8 S b i e 1829 #•
L e 3 o mars i 83 o, par e x p lo it notifié au dom ic il e d ’ A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w et d’ Ar*
th ur O n s l o w , le u rs d eu x f r è r e s , F r a n ç o is -M a u r ic e et G a b r i c l - A m a b l e O n s l o w les c it è re n t
*11 concilia tion sur la d em a n d e t]u’ ils se proposa ie nt d e fo r m e r en j u s t i c e , et t e n d a n t e i» à
l e s faire c o n d a m n e r à v en ir a v e c e u x à division et part ag e de tous les b ie n s m eu b le s et i m
m e u b l e s , cré a n ce s et r e n i e s , en q u elq u ’ e n droit e t lie u q u e l e tou t fut situé , co m p o sa n t la
tu cc ess io n d ’Ed o u a rd O n s l o w p ère c o m m u n , lors duq u el pa rta ge c h a cu n e des parties serait
t e n u e d e faire tous rapport» et p r é l è v e m e n s d e d r o i t , p o u r , d e la masse ainsi c om posé e en
¿ ir e attribu é à c h a c u n e des parties sa po rti on a ffé r e n t e ; 2° à fa ire co n d a m n e r G e o r g e s 4
r e n d r e c o m p le de ce qu’ il avait fait en ver tu de la pr ocur atio n qui lu i a v a it été d o n n é e pur
M , O n s l o w p è r e , et à ra ppor ter toutes le s som m es qu 'il avait re çu e s pa r su it e , et ave c le s
intérêt s ainsi que de droit.
S u r ce t t e cit a tio n, les part ies ne s’ é la n t pas c o n cil ié e s, assignation par e x p lo it du 17 avril
fut d o n n é e k MA1. G e o r g e s et A r t h u r O n s l o w à la re q u ête de leur» frères M au ri ce et A u
gu ste , à co m paraît re d ev a n t le irilmtiul civ il de C l e r m o n t - F e r r a n d , p o u r , l ’ un et l’ antre
d é f e n d e u r , voir statuer sur la dem a nd e é n o n c é e en la citatio n , et M. G e o r g e s O n s l o w s t
voir co n d am n e r à p a y e r a ch acu n de» dem and eur» la so m m e d«? 20,000 li vre s à litre de
provision.
M. G e o r g e s O n s l o w co m p a r u t seul sur c e ’. te d r m a n d * .
U n ju g e m e n t d e d é f a u t ,
profit j o i n t , fut ren du le 5 mai co n t re A r t h u r , q u i , après en
AYuir re çu la signification , con tin ua de faire défaut.
�( 24)
L e 9 août, M m e O n s l o w , n é e B o u r d e i l l e , par exp lo it notifié au dom ic il e île ses d eu x fils,
M a u ric e et A u g u s t e , le s assigna p o u r le s faire co n d am n e r à lu i p a y e r , aux termes de son
c o n t ra t de m a r i a g e , c h a cu n a o o o fr . pa r an , à titre d e gain d e s u r v i e , et po u r voir dire
q u 'e l le serait auto ri sé e à tou ch e r p r o v is o i r e m e n t e e s sommes a ct u ell es sur le s re v e n u s d’ une
so m m e p la cé e sur ob lig ation e n tre les main s des é pou x C h a b r o l de V o l v i c , et faisa nt part ie
d e la su cc ession du père c o m m u n .
L e 24 du m ê m e m ois , M. G e o r g e s O n s l o w signifia d e s co n clu sio n s dans le sq u e ll e s il
d éc la ra co n s e n t ir à ce q u e ses d e u x frères t o u ch a sse n t , sur le u rs qu ittan ce s, les in té rê ts de
dive rs es so m m e s p la c é e s sur l ’ é tat e t su r o blig ation s, à leurs é c h é a n c e s , p e n d a n t to ute la d ur é e
du p r o cès , et ce à titre de pr ovi si on , ju sq u ’ à c o n c u r r e n c e des re v en u s de l e u r lé gitim e ,
sans que c e co n s e n t e m e n t p u t p r é ju d ic ie r e n rie n à ses m o y e n s sur le fo nd du l i t i g e , n i
ê t r e co nsid éré c o m m e u n e a p p r o b a t io n de la fixation de la lé git im e fa ite a ses freres dans
l e pa rta ge e n t re -v ifs d u père c o m m u n , n i c o m m e u n e a tt e in t e aux droits d e la d am e O n s l o w ,
n é e B o u rd e ille .
A l’ a ud ie n ce , le s sr» M au ric e e t A u g u st e O n s l o w d é c la r è r e n t n e pas s’ o pp ose r à ce q u e
l e u r mère fut autorisée à p r en d re son d ou aire jusqu’ à d ue c o n c u r r e n c e sur les som mes p la
c é e s pn tre le s mains d e M . C h a b r o l d e V o l v i c , e t d e m a n d è r e n t que M . G e o r g e s O n s l o w ,
c o m m e d é t e n t e u r de to u te la s u c c e s s io n , fût te nu d e p a y e r p r o v is o i r e m e n t seul tout le
d o u a i r e , et de ga ra ntir scs frères de toutes le s co n d am na tio n s qui p o u rr a ie n t in t e rv e n ir
co n t r ’ eux à ce t égard.
L e d i t j o u r , 2 5 a o û t , fu t r e n d u un ju g e m e n t c on tra dic toir e e n t re le s d e m a n d e u r s , le u r
m èr e e t l e u r f i è r e aîné, p a r défau t, n o n s u sce p tib le d’ opposition c o n t r e A rt h u r, qui joignit
la d em a n d e en pa ie m e n t d’ une pr ov isio n à la d em a n d e en p a ie m e n t du d ou air e , e l, statuant
survie t o u t , sans rie n p r é j u g e r sur le p a rtag e te st am entaire d e i 8 i 8 , c o n t r e l e q u e l tous le s
droits et m oy en s des parties d e m e u r e n t r é s e r v é s , c o n d a m n e les *»• F r a n r o is - M a u ric e et
G a h r i c l - A m a h l e O n s l o w à p a y e r a n n u e l l e m e n t , e t à c o m p t e r du décès d e le u r p è r e , à la
d ame O n s l o w m è r e , ch ac u n la so m me de 2000 fr. à valoir sur ses gains de survie ou pe n si on
v i d u a i r e , e l c e , ju sq u’ à la fin du litige p e n d a n t e n t i e ses e n f a n s , sous la d éd u ctio n n é a n
m oins de la so m me d e 1000 fr. q u e la dite d am e a re çu e d e G a b N e l- A m a b le - A u g iis t c O n s
l o w l’ un d’ eux ; d o n n e ac te à ladite d ame des rése rv es expresses qu ’ e lle s’ est faites d e laire
valoir tous ses droits ré su lt a nt tant de son co n t ra t de m a r ia g e , que d ’ autres d Up osilious ,
•oit au p art ag e de la succession de M . O n s lo w p è r e , soit d e louto autre m a n i è r e , r t les e x
ceptions con tra ires d e m e u i a n t re se rv e e s } e l pour p a rv en ir au p a ie m e n t des som mes d o n t
la co n d am natio n v ie n t d’ étre p r o n o n c é e , o rd o n n e quo U d ame O n s l o w mèr o toucher a an*
p u e l l r m c n t et sur sa q u ii t a u cc , p e n d a n t to ute la d u i c e du p r o c è s , et jusq u’ à d uc c o n c u r -
�( *5 )
r e n c e , le s re v en u s d e la so m me de 100,000 f r ,, d ue par les cp o u x Ch a brol de V o i r i e , et a m
é c h é a n c e s desdits in té rê ts ; fait d éfens e aux s» e t d ame de C h a b r o l de p a y e r à d’ autres qu 'à
la dite dame ju squ’ à c o n c u r r e n c e de la so m m e s u s - é n o n c é e , e t o rd o n n e qu ’ à c e t effet sign i
fication du j u g e m e n t le u r 6cra faite à la re q u ê t e de la d a m e : O n s l o w ;
O r d o n n e q u e le s frères M a u r ic e e t A u g u st e O n s l o w t o u c h e r o n t , à titre d e pr ovis ion , et
jusqu’ à l a , fin du pr oc ès , le s intérêts , 1® de la so m m é d e i 5 o ,o o o f r . , p r ê t é e à M . G a n n a t d e
Brassac p o u r G ans , l e p r e m ie r août 182J), le sq u els inté rêts s o n t pa yab le s à C l e T m o n t , c h e z
M . C a v y ; 2“ d e l à s o m m e d e
100,000 fr. p r ê t é e à M . l e c o m t e C h a b r o l de V o l v i c e t à
son épou se , soas la d éd u ctio n tou tef ois d e la so m me a n n u e lle q u e doit t o u c h e r la d a m e
O n s l o w m èr e sur ce s i n t é r ê t s ; 3 ® d e la so m m e de i8,C68 f r . , p la c é e c h e z MM. P o u r r a i
f r è r e s , b an q u ie rs à P a r i s , la q u e lle est pa y a b le le !•» mars 1 83 X ; e t 4° u n e r e n t e d e 5 p o u r
«70 sur l ’ é t a t , d e 870 fr ., d o n t un terme é c h u , le 22 mars d e r n ie r , est a c t u e lle m e n t à r e c e
v o ir c h e z le r e c e v e u r gé n é ra l ; e t c e , sur le u rs q u it ta n ce s et a ux époq u es ét lie u x où ces in
té rê ts se ron t k é ch éa n ce s e t pa yab les.
R é s e r v e aux parties tous leurs m o y en s ainsi que l es d é p e n s , m ê m e c e u x faits p a r la d ame
v e u v e O n s lo w , mère.
L e 22 août i 83 i, M M . F ra n ç o is -M a u r ic e e t G a b r i e l - A m a b l e O n s l o w signifièrent d es c o n
clu sio n s dans l e sq u e ll e s ils d e m a n d è r e n t à être autorisés à tou ch e r l e capital d’ u n e so m m e
d é p e n d a n t e d e la succession , et p la c é e sur u n b a n q u ie r de Paris , e t d é c la r è r e n t con se n tir
à c e q u e le u r fr è r e aîné tou châ t é g a le m e n t u n e s o m m e d é p e n d a n t e d e la m ê m e su ccession ,
e t p la c é e sur la b a n q u e d’ A n g le t e r r e ,
L o m ê m e j o u r , G e o r g e s O n s l o w signifia aussi d es con clu sio n s co n t e n a n t son adhésion à
c e lle s d e ces frères, sous r é se rv e des droits re sp ectifs sur l e fo nd du procès.
L e m ê m e jo u r e n c o r e ,
un j u g e m e n t aa dm it ces con clu sio n s r e sp e c t iv e s, d on n a ac te à
G e o r g e s , de Polir e par lui faite de re m e t t re à ses dou x frères les p iè ce s rela tiv e s à la c r é a n c e
q u e c e u x - c i d e v a ie n t to uch er , e t de c e qu ’ il re con n ais sa it a vo ir re çu de scs fr èt es l e u r si
g n a tu re sur u n e r e q u êt e au m aître des rôles d’A u g l e t e r r e , à PcÎTet d’ ob te n ir de c e d e r n ie r
l e p a ie m e n t des fonds placés sur la b a n q u e d e ce p a ys, et l e u r p r o m e s t c d e »¡¿,11er tous
autre s acte s n é ce ss air e s à ce t effet-sous ré s e r v e des d io ils respectifs des p a r t ie s , q u an t au
fon d du proc ès .
L e 18 juin i 8 3 i , un M . F o r l u n é - P i e r r e Hüe , se d isan t li q u id a t e u r d e la faillite d ’ un sr
A r m a n d co m te d e F o n t a in e - M o re a u , n é g o c ia n t à Pa ris , signifia a ux d e u x frères Oin»low ,
d em a n d e u rs, u n e re quêt e où il est dit qu’ A r l h u r O n s l o w avait e m p ru n té en 1820 u n e som m e
d e 1 5 ,ooo fr. d e la maison F o n t a in e - M o r e a u , e t n 'avait p oin t re m b o u r sé c e l l e so m m e 4
l ’ é ch é « n c e f ce q u i Pavait exp osé à des p ou rs uit e s do la pa rt de son c ré a n cie r ; q u e , par le ttre s,
�+
\9
. *
( =6 )
il avait r e c o n n u ces poursuite» lé gitim es , mais q u 'elle s n 'e n é t a ie n t pas moins re st ées sans
ré su lt a t j que la m aison F o n t a in e - M o re a u a v a i t , d e p u i s , fait fa ill it e ; que le c h e f d e
cetts
m aison avait fait cession de bie ns à ses c r é a n c i e r s , et q u e le liq u id ate u r n om m é par le c o n
c o rd a t avait fait le com pte du s r A r t h u r O m d o w , par l'ciTet d uq u e l c o m p t e c e l u i - c i était
con stitué d éb it e u r de 35 , 3 1 7 fr. au 20 j u il le t 1 8 3 1 j q u e le liq u id ate u r inlcr> ient au part age
de la succession de NI. E d o u a rd O n s l o w po u r qu ’ il ne soit po rté a ucu n e a tt e in t e aux droits
du s* A rt h u r O n s l o w , e t d e m a n d e r que le s som mes qui p ou rr on t r e v e n ir audit A r t h u r
O n s l o w eu dim in u tio n e t jusqu'à c o n c u r r e n c e de sa c r é a n c e , tan t en prin cipal q u 'e n in
t é r ê t , se ron t payés à la faillite F o n t a in e - M o r e a u , la q u e ll e dans tous les cas serait autorisée
à pou rs uiv re la v e n t e des im m e u b le s qui sera ient mis au lo t dud it A r t h u r O n s l o w , le tou t
sans s'a rr êter ni avoir égard aux a ir a n g e m e n s qui aur aient pu avoir été faits au p r éju d ic e des
droits des cr é a n cier s F o n t a i n e - M o r e a u , le sq u els a rr a ng em en s et p a ie m e n s qui aur aient pu
s'e nsu ivre se ra ient déc la ré s nuls et de nul effet.
C e t t e r e q u êt e n 'é tait pas r é p o n d u e d e l' o r d o n n a n c e de M . le p r és id e n t du trib u n al civ il.
E l l e 11e fu t pas signifiée à A rt h u r O n s l o w .
L e 7 avril i 83 a, G e o r g e s O n s l o w signifia des conclusion s dans le sq u e ll e s t» il d éc la ra q u e ,
puisque ses frères voulaie n t an é a n tir le s a rr a ng em en s de f a m i l l e , pris du v iv a n t e t en p r é
se n ce du père c o m m u n , il ne s'o p pose ra it pas à l'a dm ission de le u r d em a n d e en pa rta ge ,
mais q u 'e n v e n a n t à un n ou ve a u pa rtage il aurait , en v ertu de son con tra t de mariage et d u
t e s t a m e n t d e M. E d o u a rd O n s l o w , le d ro it de r é c la m e r le prix de la terre de L i llin g s t o n n ,
sou* d éd u ctio n s e u le m e n t de la so m me de 120,000 fr. assurée à G a b r ie t - A m a b l e O n s l o w p a r
son co n t ra t d e maria ge ; que l e surplus des bie ns d 'E d ou a rd O n s l o w é t a n t situé en F i a n c e ,
G e o r g e s d ev ait p r é l e v e r sur ce s bie ns un quart d e p r é c i p u t , et p a rtag er le restant par p o r
lio n égule ave c ses fr èr es ; et 2* d em and a en c o n s é q u e n c e qu'il plu t au tribunal d 'a b o id lu i
d o n n e r a cte de ce q u e , sans a vo ir nul égard à l'acte de partage du 1 1 avril 1 8 j 8 , il c o n s e n t a it
à v e n ir à division «*t part age des b ie n s de d éfu n t L d o u a i d O n s l o w , son p è r e , auqu el il serait
p rocéd é d'apr ès les forme» o ï d i i m i e s et accoutum ée » ; ensu ite dire et o rd o n n e r en p ie tu ie r
lieu que , sur ta masse de la »ucce»tion, G e o r g e s O n s l o w p rél èv era it la so m me de 840,000 fr.
po u r l 'in d e m n is e r de la v en te indu me ut faite par 1 auteur com m u n d e l a t e r r e de L i ll in g st o n n ,
d on t la p r o p r i é t é , est-il dit, appai tenait au d éfe n d e u r j en se co n d lie u , q ue, sur la niasse res
t a n t e , G e o rg e» O n s l o w fei ail envoi e pi é l è v e m e n t du quai t ; et , en troisième l i e u , q u e le
Sut plus des
b ie n s
se, ait partagé éga le m e n t m t r e le» quatre coliéiitier» j enfin n o m m e r des
e x p e r t s , un notaire et un juge-co mm is»aire pour p r o c é d e r aux opéra tion s «lu p a r t jg e et aux
(Ompi<>», dej c m ré se rv é s.
L e t i ju il le t, M au ri ce et A u g u s t e O n s l o w signifiè rent des con cl u si on s où ils deinandèt en t
�(
2 7
)
acte de ce q u e le u r fr ère con se n tait à l' a n n u la t io n du part age de 1 S 2 8 , et sou tin re n t q u ’ il,
était inadmissible à se p r és en t e r au n o u v e a u part age à faire p o u r y pren d re plus d’ un q u a rt
à titre d e précip u t, et plus d e sa por ti on virile dans les autres 3/4 à titre d’ h éritie r; qu’ ainsi
le trib unal d e v a i t , sans avoir éga rd au pa rta ge te stam entaire fait par M . E d o u a r d O n s lo w ,
l e q u e l c o n fo r m é m e n t aux offres de M* G e o r g e s O n s l o w e t aux dispositions des l o i s , serait
d é c la ré nul et r e s c in d é , les parties v ie n d ra ie n t à divis ion et part age d e tous les b ie n s m e u
b le s et im m e u b le s , c r é a n c e s , o r , a rg e n t et r e n t e s , en q u e l q u ’ e n d r o it e t li e u que le tout fût
s it u é , co m posa nt la succession d 'E d o u a rd O n s l o w , père c o m m u n , lors d uq u e l le s parties
fe ra ie n t tous rapports et p r é l è v e m e n s de d r o i t , e t n o t a m m e n t M . G e o r g e s O n s l o w ra p p o r
te ra it toutes les som mes d o n t il serait d éc la ré d éb it e u r par suite de la gestion qu’ il a v a i t e u a
d e la fortu n e de son p è re en v e r t u de sa p r o c u r a t io n ; p o u r , la masse d e l à succe ssion ainsi
c o m p o s é e , en être attribu é à c h a c u n sa po rti on affé re nte c o n fo r m é m e n t aux lois françaises»
e t pou r pr océd e r aux opéra tion s du pa rtage et des com pte s, n o m m e r , eic .
L e 2 4 , M m e O n k lo w , n ée B o u r J e i l l e , signifia des conclusion s ou e ll e d em and a ac te de
c e qu ’ e ll e d éc la ra it e n t e n d re ne vou lo ir p r e n d re a u cu n e part aux questions e t contestation«?
n é e s entre scs e u f a n s , sous la ré se rv e trè s- e xp re ss e qu ’ e lle se faisait de fo rm er a va n t la fin
du l i t i g e , toute d em a n d e en con d am na tio n au pa ie m e n t d e ses droits e t reprises co n tre les
hé ri tie rs d e son m a r i , con jo in t e m e n t e t so lida ire ment.
E n c e t état la cause fut p o r té e à l ’ aud ie n ce .
L e i * r a o û t , le s d em a nd e u rs en pa rta ge f i r e n t , par a cte d’ avo ué à a v o u é , so m m ation à
M . G e o r g e s O n s l o w de c o m m u n iq u e r à l’ avo ué des d r m a n d e u r s , sur récé pis sé ou par la
vo ie du g r e f f e , 1* l ’ acte de v e n t e de la te rr e de L i ll in g st o n n ; 2° u n e obligation du 10 août
182.I j 3 ®le s litres établissant les rente s sur l ’ état p o u r un ca pit al de iGo,ooo fr. j 4 e l ° 8 titres
ét ab liss an t la prop riété des 25 ,000 fr. pla cé s en A n g l e t e r r e sur le 3 p . 0/0 c o n s o lid é ; 5 *
l ’ob lig ation re çu e C a v y notair e , l e i*r août 1 82 9 , et souscrite par M . G a n n a t de Era ss a c;
G* l’ ob lig ation con se n tie pa r le com te de C h a b r o l et son é p o u s e ; 7* les actes co n st a t a n t le
p l a c e m e n t fait c h e z M M . Po urr at f r è r e s , b anquie rs à P a r i s ; et 8° tous le s autres actes et
titre s relatifs à la su cc ession de l ’ auteur co m m u n .
Le
, M au ri ce e t A u gu st e O n s l o w signifiè rent do n o u v e l l e ! c o n clu sio n s don t le dispositif
est ainsi con çu :
« A d ju g e a n t le s c o n c lu s io n s p r é c é d e m m e n t p rises, et y aj o u tan t, d éclare r n u lle e t de n u l
e f f e t la d i s p o s i t i o n p o r t é e au c o n t r a t d e m a r i a g e d e M . G e o r g e s O n s l o w ; s u b s i d u i i c m o n t ,
d ire q u e c e lt e disposition n e saurait valoir q u e ju sq u ’ à c o n c u r r e n c e d ’ un capital p r o d u c t if
d e 2 n , o o o l i v r e s d e r e n t e ; o r d o n n e r e n c o n s é q u e n c e q u e , c o n f o r m é m e n t ¡1 l a l o i du 1 4 j u i l
l e t i 8 i y , le s c n f a i i s p u î n é s p r é l è v e r o n t , p o u r s e l e p a r t a g e r p a r é g a l i t é «nu-’ e u x , s u r U suc-»
�( ^8 )
cession de l e u r p è re un capital ¿ g a i } o rd o n n e r aussi que l e surplus des b ie n s, ce p r é l è v e m e n t
o p é r é , sera divisé e n t re le* q u atre enfans d e M, E d oua rd O n s l o w ; et p o u r cc qui coticef n e l e
douatro de M m e O n s l o w , o rd o n n e r que c e do uaire ^cr a pris sur r u s u f r u i t d u quart des b ie n s
q u e son m<tri pouvait lui d o n n e r ) q u e si ce quar t ne suffit pas , le su rp lu s sera su pp orté par
l e p r é c ip u t du H ls a in é , e t que dans l e cas c o n t r a ir e , c'est-à-dir e si le d ou aire n 'e x cè d e pas
le quart en usu fr u it , les qu at re enfans su ppo rt e ro n t c e lt e ch ar ge par é ga li té . »
L e s plaidoiries d e la ca use c o n t in u è r e n t aux audie nces des G et i 3 août; et k c e l t e d er n iè r e
a u d i e n c e , M e Jo u v e t , avocat du sieur G e o r g e s O n s l o w , Gt la p r o d u ct io n e t don na l e c t u r e
an trib u n al du co m p t e r e n d u par ce d er n ie r , l e i 4 jan v ie r 1808, à M E d o u a i d O n s l o w , son
p è r e , des ca pit au x q a ’ il avait reçu s c l e m p lo y é s pou r lui d ep u is l e 4 )•**■* t S 13 , jusqu'au 3 k
d é c e m b r e 1S 27 , e t de la d éc h a rg e d o n n é e au bas do ce c o m p t e l e i 5 du m êm e mois d e ja n
v i e r . L e s puîn és d e m a n d è r e n t im m é d ia t e m e n t acte de ce t t e p r o d u ct io n et de ce t t e le c t u r e ;
l e p r o c u r e u r du Roi dem a nd a c o m m u n ic a t io n de la piè ce . G e o r g e s O n s l o w l u i en r e m i t lui*
m ê m e u n e c o p ie n on si gn ée e t su r pa pier libre« L e 23 août, les d em a nd e u rs par a cte d 'avou é
k a vo ué , so m m è r e n t l e u r frèr e aîné d e d o n n e r co p ie du co m p t e p rodu it à l' a u d ie n c e ; ce t t e
so m mation n e f u t s u i v i e d 'au cu n ré su lt a t. L e i 5 d é c e m b r e , dans de» co n clu sio n s signifiées,
ils d e m a n d è r e n t nele d e la pr od u ct io n du co m p t e e t qu 'il fut d éc la ré q u e , dans ce t a c t e , la
ré c e p t io n et l' e m p lo i du pr ix des biens d*Edouard par G e o r g e s , é t a ie n t a v o u é s} que d e plu s
il fut o r d o n n é q u e la co p ie re m ise au p r o c u r e u r du Roi se ra it soumise à l ' e n r e g is t r e m e n t
p a r les seins du grefïïer du t ribun al.
E11 c e t é tat e t à l' a u d ie n c e du a 5 mars »833 , f ut r e n d u le j u g e m e n t d o n t est appel qui ,
« A d ju g e a n t le profit d u défaut joint à la ca use p r o n o n cé co n tre
A r t h u r O n s l o w , pai‘
j u g e m e n t du 5 mai x 83 o , d éc la re re sc in d é e t no n aven u T a c le de p art ag e du u a vr il 1828 ;
dit q u 'E d o u a r d O n s l o w e s l d é c é d é naturalisé fran ça is, dom ic il ié à C l e n n o n l ; en c o n s é q u e n c e
o r d o n n e q u e le s pa rties v ie n d ro n t .1 division et partage de sa su ccession c o n fo r m c m e n t
aux lois fr a n ç a is e s ; d é b o u t e le sr G e o r g e s O n s l o w de sa d em a n d e en pi é l è v e m e n t de la
so m m e de 8 } o ,o o o fr. ( G e o r g e s , à l'a u d ie n c e , n 'avait plu» pa rl é de la ré d u cti on que devfait
subir ce p r é l è v e m e n t d’ apiè * l e c on tra t de mariage d 'A u g u st e , et dont il avait pa rlé d.^ns ses
c o n c lu sio n s du *j avril i 83 a ) pour 1 in d em n is er de la v e n t e d e la te rr e de Lîllin gftlonn ; l'y
d é c la r e n o n - r e c e f a b l e ; réduit au q u art en p r in cip u t les ava ntage s faits audit G e o r g e s O n s lovr dans son c o n t r a t de mariage du 8 ju il le t 1808; o rd o n n e q u 'e n v e n a n t au p a it a g e , les
pa rties feront tous rapports et prcle ve m eti» de droit j dit que sur la masse de la su cce ssio n ,
G eor ge» O n s l o w pr élèv e ra le quart po u r son p r écip u t, c l q u e les ¿mite» trois quarts se r o n t
pa rtagés par é ga 'ité e n t re le* enfans O n s l o w ; o rd on n e que p o u r 'p r o c é d e r au p a r t a g e , les
parties c o n v ien d ro n t d 'e x p e rt s dan s les trois jours de la »igtufic.iiion du ju g e m e n t sinon
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qu'il y sera p r o céd é par le s s " C h a m p o m ie r , Uavel et I m b c r t fils, arc hi tect es, q u e l e t r ib u n a l
n o m m e d’ olfice; dit que les e xp e rt s eetim ero n t le s im m e u b le s d é p e n d a n t de la su cce ss io n
don t ¡»’ agit; in d iq u e io n t s'ils p e u v e n t é lr e ou non co m m o d é m e n t partages sans perdrp de l e u r
v a l e u r ; en cas de part age p o s s ib le , fix ero n t ch acu n e des paris q u e l' o n p e u t en fo r m e r , et
le u r va’ c u r ; l e lout en se co n fo r m a n t aux a m e n d e m e n s, ci-dessus in d iq u é s , des parties ; esti
m e r o n t les jouissances et ¡«»dé gradations ; in d iq u e ron t par qu i ell e s o u i é t é perç ues ou cnniinise^j en fin , (V rou tt ou t ce qui sera néce ss aire p o u r p a rv en ir au pa rta ge c o n f o r m é m e n t Aux
lo is ; n om m e po u r p r o cé d e r aux com ptes que les parties a uront à faire e n t r ' e l l e s , M* V a z e i l l e , notair e .iC leriuou<; n o m m e aussi M . Bl a n cha rd , ju g e , à r e f l e t d e r e c e v o ir U se r m e n t
des e x p e r t s , et faire au tribunal le ra pport des difficultés qui po u rr aie n t s’ é le v e r d u r a n t 1*
cours de* o pé ra tion s des exp ert s ou lors des co m pte s d e v a n t U* not aire} su rse oit à faire d i o i i
sur la d em a n d e en re d J it io u de co m p te de m an dat d irigée c o n t r e le s* G e o r g e s O n s l o w ,
ju sq u 'a p rè s les co m pte s ord on n é s d e v a n t le notair e V a z * i l l e .
O r d o n n e que le dou aire d e l à d am e v e u v e O n s l o w
m èr e sera p a yé par égalité par ses qnatre
enfatis dan s le cas où ce d ou aire n ' e x c é d e r a it pas l e re v en u du quart de la totalité de> îa
succession ; e t dons le cas où ce dou aire e x c é d e ra it l e re v e n u «lu q u a r t , d i t q ue l' e x c é d a n t
sera su pp orté par G e o r g e s O n s l o w sur l e quar t à lu i attribu é e n p r é c i p u l , c o n fo r m é m e n t
aux con clu sio n s des enfans pu în és. F a i t rése rv e à ladite d ame O n s l o w d e tous ses autre»
droits co n tre scs enfans pou r les faire valoir ainsi qu’ e ll e avisera , e t d éc la re le j u g e m e n t
co m m u n avec e lle .
D o n n e a cte à F o r t u n e - P i e r r e U ü e d e son i n t e r v e n t io n ;
en c o n s é q u e n c e , o rd o n n e qu ’ i l ’
sera p r o céd é a ux op éra tions dudit partage en sa p r é s e n c e , ou lu i d ûm e n t app e lé ; l e d é e l a r c
n o n r e c e v a b le dans le su rpl us do se sd e m a n d e s ; lui fuit n é an m o in s r é s e r v e d e tou» scs droits
po u r les faire valoir d ev a n t tous juges co m pé le n » ; rése rv e é g a le m e n t à A r t h u r O n s l o w se j
m o y en s et e xc e p ti o n s c o n tr a ir e s , et c o u d a m n e l e d i t F o r t u n é - P i e r r e llü e aux d ép e n s , c o n f o r
m é m e n t aux dispositions de l’ article 882 du cod e civil ;
F aisan t droit aux co n clu sio n s signifiées l e 1 5 d é c e m b r e , d a n s l'in t é r é t d e M a u r ic e et A u gu st e
O n s l o w , le u r d on ne ac te de la produ ctio n faite à l ' a u d ie n c e du i 3 a o û t , lors d er n ie r , par
Va v ocal »le M. G e o r g e s O n s l o w , d ’ un arrêté de co m pte sous-sein g pr ivé f a i l l e 1S jan v ie r i 8 j & ,
e n tre le s r G e o r g e s O w d o w et le s» E d oua rd O n s l o w , »011 p è r e , à l’ oc ca sion du m an da t
q u ’ il avait r e r u d e lui en i 8 l 3 ; dit que d a m ce co m p t e se trouve e m p loyé « la totalité du
prix de la terre de L ill in gston n , c o m m e to uché par le s* G e o r g e s O n s lo w ; o rd o n n e que 1a
c op ie sans signa tur e de ce co m p t e , qui a c l é rem ise e n tre les main» «lu tribunal par G e o r g e s
O n s l o w p e rs o n n e ll e m e n t , sera nouniUo par le greffier, avant ou en mémo teins que le ju ge
ra« n i à lu formalité de l' e n re g is t r e m e n t, A U charge do qui de d ro it e u d é f in it if; d o n n e a d *
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ik M au ri ce et A u gu st e O n s lo w de la d éc la ra tio n qu ’ ils Ont f a i t e , à 1’a u d ie n ce du 4 m a r s , de
ce q u e , re la t iv e m e n t au co m p t e d o n t s’ agit ils so co n t e n t a ie n t d 'u n e cop ie certifiée par
Georges O nslow .
C o n d a m n e les enfans O n s l o w aux d ép e ns e n ve rs le u r n iè re ;
E t dit q u e ces d ép e ns , aussi b ie n q u e c e u x faits e n tre eu x, d e m e u r e r o n t e o m p e n s é s pou r
ê t r e suppo rté* au prorata de l 'é m o l u m e n t de ch acu n . »
L e m o ti f de ce j u g e m e n t e n ce qui t ou ch e l'a n nu la tio n du p a r t t g e de 1828 e t l'op portu n it é
d 'u n n o u v e a u p a it a g e est q u e toutes les p a r t ie s d o n n e n t le s mains à ce t t e a n n u l a t i o n , et
c o n s e n t e n t à ce qu ’ un n o u v e a u pa rta ge soit o r d o n n é . Q u a n t au c o m p t e du m an dat d em a n d é
par les pu în é s au frère a în é , le tribunal siir seoit pa rc e qu’ il lui se m b le à pr opos de r e n v o y e r
à sl a tu er sur ce c h e f , lors des c o m p t e s qui se ron t à faire d e v a n t le n o t a ir e ; e t à l' é g a r d du
d ou aire de M m e O n s l o w , l e t r ib u n a l p e n se q u e le s enfans pu în és aya n t d em a n d é dans leurs
c o n clu sio n s signifiées le 4 août» q ue ce d ou aire fut su pp orté par égalité e n tre le s enfans dans
l e cas où il n ’ e x c é d e ra it pas le quart en usufruit» il y a lieu de st atuer c o n f o r m é m e n t à
c e s con clu sio n s, G e o r g e s O n s l o w n e p o u v a n t dans au cu n cas p r é t e n d re à u u e distribution
plu s favo ra ble pour lu i.
M . G e o r g e s O n s l o w a in te rje té a ppe l d e ce j u g e m e n t , par exp lo it s des 27 juin , 1 *r et
G ju il le t 1 833 , co n t re ses trois f r è r e s , co n t re sa m è r e , et co n tre le
F o r t u n e - P i e r r e Hiie.
T o u s le s i n t i m é * o n t c o m p a r u .
A r t h u r a in te rj e té appel in cid e n t du ju g e m e n t pour le faire r é fo r m e r en ce que l’ in t e r v e n
tion du sr Hue , fo rm ée p a r re q u ê t e , n u l l e c o m m e lion r é p o n d u e d ' o r d o n n a n c e et n on s ig n i
fiée à l u i , A r t h u r , a ta it c e p e n d a n t été admise.
L e s r Hue a signifié u n e n o u v e l l e r e q u êt e d’ in t e r v e n t i o n , cette fois r é p o n d u e d’ o r d o n n a n c e ♦à toutes les parties en cause.
D a n s u n e p a re il le re q u ê t e aussi r é p o n d u e d ’o r d o n n a n c e , et é g a le m e n t signifiée à toutes
les parties en ca use sur l’ appel par acte du 37 juin i b 34 »les héritiers de Motiglas o n t e s p o s é
q u ’ en 18iO, ils a va ie n t v en d u p a r a d e a u t h e n t iq u e u n dom ain e à A r t h u r O n s l o w , m o y e n n a n t
Go,000 fr. ; q u e la plus g ra n d e pa rtie du pr ix le u r était e n co re d ue ; qu ’ il était de le u r in
t é r ê t p o u r la con se rv at ion de leu rs droits d'assister soit à l ’ in st an ce en pa rtage in trod uite
e n tre les enfans O n s ' o w , soit aux op éra tion s u ltérieu re s du pa rtage; qu’ ainsi i !s d e m a n
d aien t l'a utor isa tion d’ y assister , sauf à eux à p r e n d r e teltes autres con cl u si on s qu ’ ils avise
r a ie n t.
L e 1 5 o ct o b re i 83 . j , M. Mau ric e O n s lo w est d é c é d é , laissant sa v e u v e et le u rs quatre en**
fan« mmeur» pour ses héritiers. E l l e a repr is à son lie u et p la c e l'in sta n ce en sa qualité d*
t u t ric e et en suit nom pe rs on n e l.
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( 3' )
E n ce t é t a t , la ca use a été p o r té e à l’ a u d ie n ce d e la C o u r , où M . G e o r g e s O n s l o w a p r o d u i t l e s deu x actes, en fo rm e ang la is e , faits en 1 808 d e v a n t le cousu l des E u t s - U n i s , ù Pa ris ,
e t a d éc laré qu'il e n t en d a it v o u lo ir n e faire aucun usag e de l'a cte q u e , su ivant l u i , son fr c r c
A u g u st e aurait 6igné le 28 octob re 1839 , e t où les parties ont pris le s co n cl u si on s suivantes
q ui on t p r é s e n t é à j uge r les ques tions ci- a p rè s :
CON CLU SIO N S.
M* S a v a r i n , po u r l ' a p p e l a n t , a d em a n d é qu’ il plû t ù la C o u r dire tuai ju gé par l e juge»
m e n t don t est appel ; é m o n d a n t e t faisant ce que les p rem ie rs juges auraie n t du fa ire , o r d o n n e r
q ue sur la masse de la su cc ession , G e o r g e s O n s l o w prél èv era l e pr ix de ses im m e u b l e s
d ’ A n g le t e r r e qui on t été v e n d u s, m oin s la so m m e d e 120,000 fr. d o n n é e à son fr ère G a b r i e l À m a b l e a v e c sa gara n tie j fixer en c o n s é q u e n c e ce p r é l è v e m e n t à 720,000 f r . , y co m pri s le s
a 10,000 fr. reçus d ir e c t e m e n t de l' a c q u é r e u r , par G e o r g e s O n s l o w , et e m p lo y é s à u n e ac
quisition d o n t son père a eu l 'u s u fr u it ; o rd o n n e r que sur le s autres b ie n s co m p o sa n t la s u c
ce ss ion , G e o rg e s O n s l o w p r é l è v e r a l e quart co m m e p r é c ip u é , et que le surplus sera p a r t a g é
p a r égalité e n t re les quatre cohéritie rs ou le u rs re p r é s e n t a n s , si m ie u x n ' a i m e n t l es colié rilie rs d e G e o r g e s O n s l o w e x é c u t e r c o m p lè t e m e n t l e p art ag e du 11 avril 18.28 \ o rd o n n e r la
res tit u tio n de l ' a m e n d e , et c o n d a m n e r le s in tim és aux d ép e n s d e la ca use d 'a p p e l.
M« L o u is B a r s e , po u r M me v e u v e M au ri ce O n s l o w e t M. A u g u s t e O n s l o w , a c o n c l u à ce
qu 'il plu t à la C o u r dire b ie n jugé , mal et sans cause a p p e l é ; o rd o n n e r en co n s é q u e n c e que
l e jugeirient de p r em iè re in st an ce sortira son p le in e t e n t ie r e f f e t , e t c o n d a m n e r l 'a p p e la n t
en l' a m e n d e et aux d ép e ns de la ca use d ' a p p e l.
M e B o n j o u r , p o u r M me O n s l o w , n é e B o u r d e i l l e , a dem a nd é q u 'e n ce qui la c o n c e r n e il
fut dit b ie n jugé , mal et sans ca use a p p e l é ,
et que c e lle des pa rties qui su ccom be r a fut
c o n d a m n é e aux d é p e n s .
M e G îa d e l . pour le sr A r t h u r O n s l o w , a c o n c lu à ce qu1il lu i fut d on né ac te d e ce que so it
sur le s d em a n d e s eu i n t e r v e n t io n de l a d am e d e M o n g l a s et con sorts, et du s* Il ü e, ès qualité
qu'il a g i r , soit sur l' a p p e l du s* G e o r g e s O n s l o w , il s’ en re m et à d ro it sans au cu n e appro*
b a t io n d e s cr éance» qui o n t d o n n é lie u aux in te rve n tio n s en e lle s - m ê m e s ou en le u r q u a
lité ; et faisant toutes ré se rv e s u t i l e s , c o n d a m n e r c e l l e des parties qui succom be ra aux d é
p e n s d** la cause d'appel , si m ieu x n 'a im e la C o u r les
c o m p e n s e r pour être e m p lo yé *
en
frais de partag e, à l 'e x c e p t io n toutefois «le c e u x e xp os és par les in te rv e n a ns, qui sero n t laissés
à le u r ch ar g e, c o n fo r m é m e n t à l'a rtic le 88a du cod e civ il .
Mo J u h a n o ' l » pour le s» lliie , a co n c lu à ce qu'il plû t à la C o u r d é b o u le r le s* A r l l or
O n s l o w de la d em a n d e en n u lli té , par lui fol race dans son appel ii.c id e n l de la d em a u d e
�f?
C ' [i '
( 32 )
e i r i n l e r c e n t i o n de p r em iè re in s U n c e , l e c o n d a m n e r a ux d é p e n s d c l . V n o u v c l l e i n t e r v c n i i o n j
e t , st a tu a n t sur c e l l e * c i , r e c e v o ir d e n o u ve a u en tan t que de be so in et su ra b ond am m en t l e
*r Hue, aux q ualités q u ’ il agit, in t e rv e n a n t dans l'in sta n ce en p a rtag e de la succession de d é
fu n t E d o u a r d O n s l o w , p e n d a n t e e n t r e les fi e re s O n s l o w en pr é s e n c e des antres parties de
la cause ; ce f a i s a n t , o rd o n n e r q u e le s som m es qui p ou rr on t r e v e n i r audit A r t h u r O n s l o w
'
p a r suite dud it pa rta ge se ron t v er sé es e n t r e les main s du sr l l ü e , e n dimin ution et jusqu'à
c o n c u r r e n c e de sa c ré a n c e tant en prin cipal »q u ’ en inté rê ts et fr ais; o rd o n n e r que le sr Hue
pourr a pou rs uiv re dans tous les cas le p a ie m e n t de la c r é a n c e F o n t a in e - M o re a u sur tous les
b ie n s qui é c h e o i ro n t audit A r t h u r O n s l o w sans s’ a rr ê te r ni avoir éga rd aux a rr a ng em en s
q u 'au ra it pu faire ou ferait le sr A r t h u r O n s l o w au préju dic« des droits du s* F o n t a i n e - M o
r e a u ou ses cré a n c i e r s , le sq u e ls se r o n t d éc la ré s nuls ; c l au su rpl us dire qu’ il a é le b ie n jugé
p a r l e j u g e m e n t d o n t est appel ; o r d o n n e r on c o n s é q u e n c e que ce d o n t est appel sortira
¿o n p le in et e n t ie r efl’et, e t c o n d a m n e r les appela ns en l’ a m c u d c et aux d ép ens.
E n f in M* D e b o r d , p o u r la famille de M on glas, a d em a n d é que la C o u r v oulut b i e n r e c c v o î r
l'in t e r v e n t i o n des d am es de M on glas et co nso rts ¡l e s a utorise r en c o n s é q u e n c e a assister pou r
l a co n se rv atio n d e le u rs droit», e n qualité d e cré a n cier s du sr A r t h u r O n s l o w , à l'in s t a n c e
qui existe e n t r e lui et ses coliéri ii ots re la t iv e m e n t au pa rtage de la su cce ssion du sr Ed ouard
O n s l o w , ainsi q u ’ aux op éra tions u lt é ri e u re s du pa rt ag e, qui n e p o u ir a ê tre fait q u 'e n le u r
p r é s e n c e , po ur, p e n d a n t la dite in stan ce , et lors d es dites o p é r a t io n s , p r e n d re te lle s c o n c l u
sions q u 'ils a vi se ro nt dans le u r s in té rê ts , e t en cas d e con te statio n s , c o n d a m n e r le
S' O n s l o w aux d ép e n s .
POINT
DE DROIT.
JCn c c q u i to u ch e la s u c c e s s io n :
L e pa rtage entre-vif» du u a v iil 182S doit-il ê t r e a n n u lé ?
D o i t- o n o r d o n n e r un n o u v e a u pa rta ge e n t re le s quat re fils O n s l o w de la su cc ession d r
l e u r p è re ?
E n c c q u i to u ch e les d i'o its d es p a r tie s s u r lu s u c c e ssio n :
S i c’ est la loi fran ça is e qui dnil régir le pa rta ge ; si a uc un des co héritie rs ne petit se dire
d on ataire » ou c r é a n c i e r d une po rti on de l ’ hoirie qui en e x c é d e r a it le q u a r t , et ne p e u t
r e c l a m e r po u r lu i c e l l e por tion à titre du d o n m ia g e s - i n t é r ê t * , l' u n d 'e u x est-il en droit de
p r é t e n d r e au p r é l è v e m e n t de cellft portion sur la masse q u a n d il 110 »’ att ribue ce droit
q u ’ en
v ertu
d e c e t t e q u alité p r é t e n d u e de d o n a t a i r e , ou do c r é a n c i e r , ou d 'ay a n t- d roit »
des dommages* intéi éts ?
K c la tiv en ie ii t à la loi qui doit ré gir le part age :
S i E d o u a rd O n s l o w est m o rt naturalisé fia n ç a is et domicil ié e u F r a n c e ; si ses héritiers
�( 33 )
t o n t F r a n ç a is ,
e t si sa succession é t a i t , lors de so n d é c è s , ' toute entière en F r a n c e ,
n ’ esWce pas la lo i française qui doit régir le pa rtage ?
Q u a n t à la n at ion alit é du d éfu nt :
E d o u a r d O n s l o w , q u o iq u ’ anglais de naissance , é t a i t - i l , lors d e son d é c è s ,
naturalisé
fr an ça is ?
L a lo i d e 1 790 e x ig e a it - e ll e un s e rm e n t de l 'é t ra n g e r qui vo ulai t se n at ura lis er français ?
L a constitution de 1 7 9 1 qui exi ge ait ce se ri n e n t po u r natura liser l ’ é tran ge r en F r a n c e ,
a -t - e l le dû être o b se rv é e pa r E d o u a r d O n s l o w , s’ il a v o u lu a cqu é ri r la qualité d e fran çais?
E d o u a r d O n s l o w a-t-il m an ifest é, pa r tous le s actes civils e t pol itiques d e sa vie , sou in
t e n tio n d’ ê tre naturalisé fran ça is ?
Q u a n t au dom ic il e du d éfu nt :
E d o u a rd O n s l o w c t a i t - i l , lors de son déc ès , dom icilié e n F r a n c e ?
P o u r acquérir dom ic il e en F r a n c e , est-il néce ss aire sous l ’ em p ire du co d e civ il d ’ ob le n ic
l ’ autorisation du g o u v e r n e m e n t ?
E d o u a r d O n s l o w , v e n u en F r a n c e lon g- tero s a va n t l'émission d e ce co d e , a-t -il dû ob te
n ir ce t t e autori sation s’ il a v o u lu é tab li r sou d om ic il e en F r a n c e ?
Q u a n t à la n ationalité des héritiers :
T o u s les héritiers d’ E d o u a rd O n s l o w ne sont -ils pas français ?
Q u a n t à la situation des ob jets com posa nt la succe ss ion :
A u d éc ès d’ Ed ou ard O n s l o w tous ses b ie n s n’ étaien t-i ls pas en F r a n c e ?
R e la t iv e m e n t à la qualité sur la q u e ll e G e o r g e s O n s l o w base sa d e m a n d e en p r é l è v e m e n t
du prix de la te rr e de L i ll in g st o n n , en sus du quar t d e la su cce ssion et J e sa p or tion virile :
C e t t e qualité de don atai re , de c r é a n c i e r et d’ a ya n t -d ro it à des d on im a ge s- inté ré ts , pe u te ll e fo n d e r la d em a n d e en p r é l è v e m e n t du prix d e la te rr e de L i lli n g st o n n ; 10 si la d onat ion
est aujou rd ’ hui n o n -a v e n u e , soit pa rc e que le d o n a t e u r et le don atai re l ’ aur aient a né a ntie
pa r c o n s e n t e m e n t m u t u e l , soit pa rc e qu ’ e lle serait n u l l e en F r a n c e , h cause des disposi
tion s re strictives du cod e c i v i l , e t en A n g le t e r r e pour ne pas y avo ir été soum ise aux fo rm e s
q u ’ e lle aurait dû y subir pou r y être v a l a b l e , si d’ ailleurs e ll e 11e p e u t avoir d e réalisation
sur les biens d on né s e u x - m ê m e s , ni fr ap per la v ale u r de ces b ie n s, tra ns po rt ée en F ra n c e ¿
1* si la c ré a n c e n'e xis te p a s , soit pa rc e q u e G e o r g e s O n s l o w n’ est pas don ataire , soit pa rc e
qu’ il ne sa u r a it , m êm e alors qu ’ il le f û t , a voir d ro it qu ’ au dés iste ment de l’ ob je t d o n n é ;
3 * si enfin G e o r g e s ne peu t se pl ain d re d’ une v e n t e qu ’ il a sa nc ti o nn é e en y p r e n a n t p a r t ?
Q u a n t à la donation :
L e d on ate u r et le don atai re on t-ils m o n t r é , par leur c on d uit e pos té ri eu re à la d onat ion ,
l e u r in t e n t io n de l’ an é a n tir ?
�( H )
G e o r g e * »-t-il c o n n u et n é gocié la v e n t e <le i 8 î»4 ?
L e s t e n u e s d e l'a cte de v e n t e e x c lu e n t - ils l ’ idée qu ’ E d o u a r d se cru t d ép ou il lé pav la do
n atio n de 1 808 ?
E n tant q u 'e l le e xc éd e ra it la quotité d i s p o n i b l e , la d onat ion d e 1808 se ra it -e ll e valable
aux y e u x de la loi française ?
N e s e r a i t - c e p a s s e u l e m e n t d a n s l e c a s où e l l e s e r a i t v a l a b l e a u x y e u x d e s lo i s anglaises ,
q u e Cfrtte d o n a t i o n p o u r r a i t s o r t i r q u e l q u ' e f f e l ?
O r , aux y e u x do ces lois » ce t t e d o n atio n e st - e lle vala b le ?
E d o u a r d ava it -i l capac it é p o u r f a i r e , e t G e o r g e s po u r r e c e v o ir c e l t e do nation ?
C e l t e d onat ion a -t - e l le été re v ê t u e d*s form alités anglaises n éce ss aires à lu i faire pu iser
fo r ce d a n s c e s l o i s ?
S i ce t t e do nation est v a la b le aux y e u x d es lo is a ng la is e » , n ' e s t - c e pa s s e u le m e n t parce
qu e so n o b je t la sou m ettra it h l’ e m p ir e du sta tut réel «l'Angleterre ?
S i e ll e ne tie nt sa for ce q u e du statu t r é e l a n g la is , p e u t -e ll e avoir u n e réa li sa ti on q u e l
c o n q u e lo rsq u e le s ob jets d on né s ne so n t p l u s , à ca use d e le u r m ob il is at io n , sous l' e m p ire
de c c statut ?
L e d o n a t a i re p e u t - i l , en v e r t u du sta tut r é e l , saisir co m m e é q u iv a la n t de l'o b je t don né
en nat u re , la vale u r d e c e t o b j e t qu i se trou v e e n F r a n c e sous for me niobit.è* e ?
L e s trib u n au x français po u rr a ie n t -il s d o n n e r fo r ce d 'e x é c u t io n , sur des valeurs t ro u v ée s en
F r a n c e , à un statu t é lt a n g e r ?
Q u a n t à l.i p r é t e n d u e c r é a n c e :
S i la d o n atio n est v a l a b l e , G e o r g e s pe u t-i l dire q u 'il est pr opri é taire du prix d e la terre
de L i ll in g st o n n , pa rce que ce pr ix re p r é s e n t e la te rre qui lui appa rte na it par l'effet de la
d o n a t i o n ) qu ’ ainsi il est c r é a n c i e r d e ce prix vis-à-vis de la su cc ess ion ?
TJh d o n a t a i r e p e u t - i l p u i s e r u n e q u a l i t é d e c r é a n c i e r v is - a - v i s l e d o n a t e u r d a n s l ' a c t e de
bien fa isan ce pas-c e n tr'e u x ?
C o m m e pro prié taire de la t e r r e , G e o r g e s ne ponrrait-il pas se u le m e n t agir par v o i e de
d é s is t e m e n t c o n t r e l ' a c q u é r e u r , e t sans ten ir c o m p t e de ce qu'il puise sou droit de pro
priétaire*
dan s un b i e n f a i t , par voie de
d on mia ge b- inté rê ts c u i i l t e l e v e n d e u r , aulc ui du
b ie n fa it ?
Mais c»»tte a ctio n en d ésis te m e n t n e se ra it-e lle pas rep ou ssée par le d éfau t de v a l i d i t é , en
An ^ l. -t r ir e , de sa d on at ion , défaut q u i , en A n g le t e r r e et vis-V vU T a r q u é r e u r , ferait dispa 1 ailre sa qualité de pr oprié taire ; par les t e n u e s du la v en t e de i 8 j /| , et par la i.tlilic.ilion
qu'il aurait laite de ce t t e v e n t e ?
Q u e si, la do nation ét an t n u l l e , G e o r g e s ne p e u t sc dire p r o p u é l a i r c de la te rre , peu t-il
so d u e c r é a n c i e r du prix ?
�V
( 35 )
Q u a n t au p r é t e n d u droit à des d o m m age s- in té rê ts •
S i la d onat ion e st v a la b le , G e o r g e s p e u t -il r é c la m e r des d om m age s-in té rê ts c o n t r e la
succ ess ion d e non p è r e , pa rc e q u e c e lu i- c i a ali é né la te rr e de L i ll in g st o n n ?
L e p e u t - il s’ il lu i est in te rd it d'agir c o n t r e l ’ a cq u é re u r par v o ie de dés iste ment:?
L e pe u t-i l s'il a pa rticipé à la v e n t e ?
L e p e u t -il si l e droit de p r o p rié t é , en v e r t u d u q u e l il a g i t , n e ré su lt e q u e d 'u n e d on at ion
à lui faite pa r c e lu i auqu el il d em a n d e ces d o m m a g e s - in t é rê t s ?
E t si la d on atio n est n u l l e , q u e l d ro it à des d o m m a g e s - in t é rê t s p e u t avo ir G e o r g e s
O n s lo w ?
Q u e si l ' o n suppose q u e des dom m age s- in té rê ts lu i so n t dus , la su cc ess ion se ra it-elle
o b li g é e en ve rs lu i po u r ce c h e f , do t e lle sorte q u 'il e u t droit de p r é l e v e r sur e lle l e p r i t de
la te rr e de L i llin g s t o n n ?
E n c e q u i to u c h e le co m p te d u m a n d a t :
N e doi t-o n pas a jo urne r la red dit io n de ce co m p t e ?
E n c e q u i to u c h e le d o u a ir e :
L a fixation du dou aire de M me O n s l o w m è r e e st - e l le c o n y e D a b l e ?
E n c e q u i to u ch a le s in te r v e n tio n s :
L ’ in t e rv e n t io n du s*- Hcie en p r e m iè re in st an ce est- elle n u l l e po u r v ic e d e fo rm e ?
L e s d e u x in te rve n tio n s de ca use d ’ a pp el s o n t - e lle s r é g u l i è r e s ,
et< loiv e n t-e ll es être
adm ises ?
E n ce q u i to u c h e l'a p p e l in c id e n t d 'A r t h u r O n s lo w :
C e t appel est-il fo n d é ?
E n ce q u i W u che les d ép en s :
Q u i doit su pp ort er les d ép e ns de M m e O n s l o w ?
Q u e l s d ép e ns d oiv e n t-être com p e n sé s pour être e m p lo y é s en frais de pa rta ge ?
Q u i doit su pp ort er 1es d ép e n s d ’ in t e rv e n t io n ?
P o u r m in u t e : ( s i g n é ) L o u i s B A R S E , a vo u é.
M * Lo uis B . i r t e , a vo ué près la C o u r r o ya le d e R iorn, y o ccu p a n t po u r M m e v eu v e
M au ri ce O n s l o w , n é e D cc- d u - T re u il , et pour M . G a b r i e l - A m a b l e - A u g u s t e O n s l o w , signifie
les qualités ci- dessus, e t en d o n n e co p ie :
I® A M » Sav arin, a v o u é p r è s la m ê m e C o u r , e t d e M . A n d r é - G e o r g e s - L o u i * O n s l o w ;
a* A Me G b d e l , avoué p r è s la m ê m e C o u r , e t do M. A rt h u r O n s l o w ;
3 ° A Me B o n j o u r , a vo ué près la m êm e C o u r , e t de M me v eu v e Ed ouard O n s l o w } n é e
de Bo u rd e il le ;
4 « A Me J o h a n n e l , avoué près la m êm e C o u r , et do M. F o r t u n é - P i e r r e Hue ;
�(
3G
)
E t 5 ° A M e D e b o r d , avoué pr ès la rocme C o u r , et d e M ll e de M on glas ; M . et M m e de
G e r m a in e l M . G c r u s - d e - L a b o r ie .
S a n s q u e le mod e de ré d act io n desd iles qu alités puisse nuire ni p r cju d ic ic r aux droits
d 'a u c u n e des pa rtie s.
D o n t ac te ; fait à R i o m , l e 1 4 mai i 835 .
S ig n é P E Y R I N , huissier.
M e S av ari n d é c la re fo r m e r opp os it ion aux p r é s e n t e s qualités.
H io m , ce 14 mai i 835 .
S ig n é P E Y R I N , huissier.
E n r e g is t r é à R i o m , l e i 5 mai i 8 3 5 , folio 1^3 , v e r s o , case i l.
R e ç u 5 fr an rs 5 o c e n tim e s.
S ig n é P E Y U O N N E T , r e c e v e u r .
S u it P ord o n n an ce in t e r v e n u e sur l' op po sition ci- dessus m e n t i o n n é e .
« V u les qualités ci-dessus e l des a utre sp art s transcrites, signifiées p a r l e ministère de P e y r in , huissier, le «4 ma» p r és en t mois; vu é g a le m e n t Pop p o sil io n fo rm é e à ic e llc s p ar M e S a
va ri n , a vo ué de M A n d r é - G e o r g e s - L o u i s O n s l o w ; et vu la so m m ation fa ite le i 5 de ce
m ois, audit Me Sav a ri n , à la r e q u êt e de Me Uarse, aussi a vo u é, et de la d ame v e u v e Maurice
O n s l o w et d e M. G a b r i e l - A m a b l e O n s l o w , de se t ro u v e r p a r - d e v a n t nous et en notre hôtel ,
ce jo u rd 'h u i à trois he ur es de r e l e v é e , pou r voir statuer sur ladile o p p o s i t i o n ; a tt e n d u
q u e l’ h eure ca p t é e par la d it e so m m a t io n osl plus que passée; c l attendu la non c om parutio n
d ud it Me
S av ari n , n ou s P ie r r e - A m a b le A r c h o n - D e s p é r o u s e , c h e v a li e r de l' o r d re ro y a l de
la lé gion d 'h o n n e u r, présid e n t de la i " ch am b re ci v il e d e la C o u r r o y a le d e Riom , don non s
d éfau t c o n t r e le d it M e S a v a r in , a vou é , e l , p o u r le profit, m a in t e n o n s le s pr és en tes qualités
t e ll e s q u 'elle s o n t été signif iées. F a it et d o n n é en n otre h ô t e l , à R i o m , le iG mai ¡835 , i
5 h eures du soir.
S ig n é A R C H O N - D E S P É R O U S E , p i é s i d e n t . »
'
ARRÊT.
O u i aux aud ie n ces <lp» i 3 , i!\, >5 , 19 , 3 0 , 31, 32, af> c l 37 jan vie r d e r n i e r , les avo ués en
le u rs c o n c lu s io n s , MM»* D u c l o z e l , a voca t île M. G e o r g e s O n s l o w , a p p e la n t } D e Vissac ,
avoc at du »' G a b r ie l- A m a b le O n s l o w , i n t i m é ;
C lia lu s.
Dernet , avocat du s* A i t l i u r O n s l o w ;
avo ca t du »' l l u e , e n l e u i » plaidoiries; à l’ aud ie n ce du 11 fe v iie r a u s s id e in ie r , M. S a l -
• v e t o n .l" a v o ca t -g é n é ra l, en ses oh scrv ali ons et conclusion»; et, après qu’ à ladile a u d ie n ce
du 11, la ca use a ¿ le re n v o y é e à l' a u d ie n ce de ce jour , po u r la pi onon ci.ition île l’ arrêt :
JCn f f fjtti to u c h e /<4 co m p é te n ce j
A tte n du (|uc toutes les p a llie s inté ressé es ont r e c o n n u la c o m p é t e n c e du trib u n al d e
O le in io n l, savoir : 1"S s'* G a b r ie l- A m a b le et M j u r ic e O n s ' i i w en foi 111a 111 le u r d em a n d e en
partage de la su cccssio n d’ i^douaid O n s l o w , con tre les »'• G e o r g e s et A r l liu r O n s l o w , leurs
�*
(
3 7
)
frèresj et c e u x - c i , en comparaissant, en d é f e n d a n t sur ce t t e d em and e , et en no d é c li n a n t
on a u cu n e m an iè re la juridiction du tribunal d e v a n t le q u e l ils avaient été assignés j
A t t e n d u q u e cette re con n ais sa n ce ré su lte e n c o r e , de la pa rt du sr G e o r g e s O n s l o w , partie
de D u c l o z e l , des conclusion s qu’ il a fait signifier par a cte du 7 avril 18^2, e t qu'il a ensuite
ré it é ré e s à l’ aud ie n ce des pr em ie rs juge s , co n cl u si on s par le sq u e ll e s il a dem a nd é que
l e part age fût fait d'après des bases co n form es à ses p i é t e n t io n s ;
A t t e n d u que s’ il est une fois r e c o n n u que la su cce ssion du s* E d o u a rd O n s l o w s’ est
ou ve r te en F i ance dans la v il le de C t e r m o n t ; que c’ était dan s c e l t e v il le où le s* O n s l o w
ava it sou dom ic il e de fdit e t d e d r o i t , il ne p e u t alors ê tre d o u te u x que ce n e .fut d e v a n t le
t r ib u n a ld e C le rra o n t que dût être porté e la dem a nd e en p art ag e, le li e u de l’ o u v e r t u r e d e la
su cc ession ét an t ce lu i du d om ic il e du défunt ;
A t t e n d u qu’ en a p p e l , aucu n e part ie n ’ a co n c lu à l ’ in c o m p é t e n c e d e l à C o u r , et que les
pu în é s O n s l o w , parties de De V is sa c, se so n t b orn é s à dire q u e s’ il y avait lieu d’ ap pliq uer
la lé gis lation anglaise, ce t t e a pp lic ation échap per ait à la c o m p é t e n c e de la C o u r ;
A t t e n d u que ce ne po urr ait être que dans ce cas, que la c o m p é t e n c e pou rr ait é p r o u v e r
q u elq u e difficulté»
E n ce q u i to u ch e le p rem ie r c h e f d u ju g e m e n t d o n t est a p p e l, r e l a t i f à la r e sc isio n de
V-acte d e p a r ta g e d u 11 a v r il 1828.
P a r l e m o ti f exp ri m e dans le d it ju g e m e n t .
E n ce q u i to u c h e le d e u x iè m e c h e f ou il s* a g it d u n o u v e a u p a rta g e à o r d o n n e r d e la
c o m p o sitio n d e lu m a sse d e la s u c c e s s io n d e ¿J7 . E d o u a r d O n s lo w 9 et d es d r o its des
co p a r ta g e a n s d a n s c e lte m a sse ;
. S u r la p r em iè re ques tion de ce c h e f , la q u e lle est rela tive à la natura lis ation d’ E d oua rd
O n s l o w e n Fi a n ce ;
A t t e n d u q u e la loi du 3 o avril (2 mai) 1790, ré p u t e français ce u x qui, nés hors du r oya u m e
de parons étra nge rs, son t étab lis en F r a n c e , e t q u ’ e lle le » adm et en p r êta n t l e s e rm e n t c iv i
q u e à lV x e r c i c o des droits de c it oye n s actifs après cin q ans de dom ic il e con tin u en F ia n ce »
s’ ils on t acquis de» i m m e u b l e s , ou épou sé u n e française , ou formé un é t a b li ss e m e n t de
com m erce j
A t t e n d u que ce t t e loi présen te deux dispositions d is t in c t e s , l’ une r e la t iv e aux étrangers
qu ’elle
d éc la re natura liser de pl e in d r o it , l ’ a uire r e la t iv e aux étranger» qu ’ e ll e a dm et à
l ’ e x e ic t c e des droits de c it oy e n s actif» en prêt an t le se rm e n t civ iq u e ;
A t t e n d u que c e t t e loi, en e xig e a n t îles é tra n gers qu’ e lle naiur«disait la pres tation du ser*
m e n t civiq ue pour être admis aux a va nt age s de la qualité de cit o y e n act if, ti’ a fait qu’ e x i g e r
la m êm e con dition qu’ ell e im po se aux pers onn es nées en F ra n c e }
A t t e n d u qu ’ à la qualité de fran çais est attachée la jouissa nce des droits c i v i l s , et que c ’ est
�( 38 )
l e í c i i l ^ a v a n U g P q u e la l o i a e n t e n d u c o n f é i e r a u x é t r a n g e r s q u ’ e l l e r é p u t a i t f r a n ç a i s , e n n e
l e s a d m e t t a n t à l ’ e x e r c i c e d e s d r o i t s p o l i t i q u e s , q u ' a u t a n t q u ’ ils s e s o u m e t t r a i e n t au s e r m e n t
e xigé ;
A t t e n d u q u e si l ’ o n s e p é n è t r e d e l a d i s t i n c t i o n q u i e x i s t e r n g é n é r a l e n t r e le s d r o i t s ci vil »
e t l e s d r o it s p o l i t i q u e s ,
p r e s c r i t e s p a r l a lo i d u
on
3o
n e p e u t d o u t e r q u e l ’ é t r a n g e r q u i r e m p l i s s a i t le s c o n d i t i o n s
a v i i l 1 79 0 , n’ ait été n a tu ra lisé d e p le in d r o i t , sans q u 'i l lu t ten u
d e p rê te r le ssi inent civ iq u e j
'
A t t e n d u que si des lois pos téri eu re s, te ll e s que l a con stitution d e 1 7 9 1 , on t
exi gé des
é tra n gers la co n d it io n du s e r m e n t , ces lois u ’ ont pu e t 11’ o n t e n t e n d u disp oser que po u r
l ’ ave nir , ell es n’ o n t pu ré gir l e passé , e n le v e r des droits acquis à c e u x qui a u x te rm es d e
la loi du 3 o avril 1790 é t a ie n t d e v e n u s français sans p r ê t e r de se rm e nt ;
A t t e n d u que la co n st it u tio n de 1791 n ’ e st n i in t e rp ré t a tiv e n i d éc la ra tiv e de la lo i d u
3o avril 1 "90 , e t qu’ e lle doit ê t re co n sid é ré e co m m e a ya n t statué par un droit n o u ve a u ;
A t t e n d u que la loi qui ré p u t é français , m êm e sans le u r c o n s e n t e m e n t , le» é tra n gers é t a
blis en T r a n c e , est con fo rm e aux droits des g e n s,
les droits de s o u v er ain e t é de ch aq u e
natio n s’ é t e n d a n t no n s e u le m e n t sur c e u x qu i y so n t n é s , mais e n c o r e sur le s é lia n g e r s qui
»'y son t établis ;
A t t e n d u q u e l ’ é t r a n g e r p a r l e fa it s e u l d o s a l é s i d e n c e se s o u m e t a u x lo i s d u p a r s q u ’ il
v ien t h ab iter,
e t q u ' i l e s t l i b r e à c h a q u e é t a t d e d é t e r m i n e r l e s c o n d i t i o n s a u x q u e l l e s il
a d m e t u n é t r a n g e r à s’ é t a b l i r s u r s o n t e r r i t o i r e ¡
A t t e n d u que ce serait m éco n n a ît re l e d ro it de s o u ^ r a i n e t é a p p a rte n a n t à ch aq u e é t a t ,
q ue de p r é t e n d re qu ’ un é tat ne puisse pas d éfé re r à u n é t ra n g e r la qu alité de re g n ic o l e , sans
l e c o n s e n t e m e n t ou la volon té de c e l u i a uq uel u n e p a re ill e qualité est d éfé ré e ;
A t t e n d u que c’ est à l’ é l i a n g e r qui ne v e u t pas a c c e p t e r le s titres qui lui sont co n fé ré s , à
qu itter le te rr itoire sur l e q u e l il est v e n u s’ é tablir ; e t q u e si au c on tra ir e il co n t in u e <1 y
d e m e u r e r , il est ce n sé s’ ôir e soumis à la lo i qui lu i att ribue de n ou ve a u x droits en lu i d o n
n a n t une n o u v r l l e q ualité ;
A ttendu
qu e le s' L d o u a rd O n slow de
cv jit s , n é a n g l a i s , a é t é n a t u r a l i s e e n F r a n c e
c o m m e sc t r o u v a n t d a n s le» ca s p r é v u s p a r la l o i d u
é t r a n g e r s ; q u ’ il ¿ l 3'* 1 ^o r s
3o
a v r i l 1 7 9 1 , p o u r la n a t u r a l i s a t i o n d e s
p r o m u l g a t i o n d e l a l o i , é t a b l i e n F r a n c e ; q u ’ il y a v a i t u n
d u n i c i t é c o n t i n u d e p u i s c i n q a n s ; q u ’ il y a v a i t é p o u s é u n o f r a n ç a i s e , c o n d i t i o n s q u i suffi
saien t p o u r le
fa ire
rép u ter français;
A t t e n d u q u T .d o u a id
O n s l o w tie n t no n se u le m e n t sa natura lis ation de l ’ effet de la l o t ,
n a i s qu’ il a ( n c o t e m an ife st é , par plusi eurs actes de sa vio pu b li q u e et p r iv é e , l’ in le n lio n
d ’ é t ie français;
A t t e n d u qu’ après la pu b li catio n d e l à l o i , il a co n t in u é do ré sider e n F r a n c e , ce qui
�( 39 )
fo r m e ra it , s’ il en était b e so in , u n e e sp èce d’ a ccep tation de la qualité de fia nçais q u 'il ven a it
d e r e c e v o ir ;
A t t e n d u qu ’ il paraît que la ré sid e n ce du s* E d o u a rd O n s l o w en F i a n c e est antérieure à
son m a r i a g e , c l q u e son in te ntio n fut d’y fixer sou d om ic il e en con t ra c ta n t mariage , le
G mars
83 9 n v e c l a D l l e de B o u rd cil le , n ée fr an çais e;
A t t e n d u q u e les dispositio ns du c on tra t d e m ar ia ge des futurs é pou x r é v è l e , de la part tle
l ’ un co m m e de l'a u t r e , l ’ in t e n t io n de n ’ avoir d’ autre d om icile qu ’ en F r a n c e ; le p r ix des
bie n s q u e la D lle de
B ou rd e il lc s’ était rése rv é d e v e n d r e devait ê tre e m p lo y é à a cq u é rir
d es im m e u b le s eu F r a n c e , et la dot du s» E d o u a r d O n s l o w d ev a it , jusq u’ à c o n c u i r e n c o de
10,000 li vre s s t e i l î n g , r e c e v o ir la m êm e destina tion ;
A t t e n d u que les dispositions de ce c on tra t de m ar ia ge o n t été e x é c u t é e s e t que le sieur
E d o u a r d O n s l o w eût d e v e n u a c q u é r e u r d ’ i m m e u b le s situés en F r a n c e , s a v o i r : d e la te rr e
d e C h a l e n d i a t et d’ une maison si tu ée à C l e r m o n t ;
A t t e n d u que depuis son m ar ia ge le sr O n s l o w dem e u ra a C l e r m o n t - F c r r a n d , vu que
«on m ! m ^ e ^ n A n g l e t e r r e , en 1784 » époq u e r a p p r o ch é e de son m ar ia ge , n ’ é t a it qu ’ une
sim ple visite qu ’ il était dans son d ev oir de faire a v e c son épou se 9 à ses pa re n s qui é t a ie n t
v e n u s e u x - m ê m e s à Paris po u r la c é lé b ra t io n de son m ar ia ge ; qu ’ a i n s i , ce v o y a g e qui fu t
fa it ave c l ’ espr it de re to ur, ne m o n t r e au cu n e i n t e n t io n , de la part du s ' E d o u a r d O n s l o w ,
de c o n se rv e r son d om ic il e d 'o ri gin e en A n g l e t e r r e ;
A t t e n d u qu’ E d ooard O n s l o w a fait partie en 1789 de la ga rde n at io n ale de C l e r m o n t »
e t que dans u n e r é u n io n s o l e n n e lle de cette ga rd e it a prêté , le 20 d é c e m b r e de la m êm e
a n n é e , le se rm e n t prescrit par les l o i s , ce qu i est con st até par un e x tr ait des registre s de la
mairie de C l e r m o n t ;
A t t e n d u q u e l’ ord re que r e ç u t E d o u a rd O n s l o w en 1798 de qu itter l e terr it oir e français
n e fut qu’ une sim ple meaure d’ or d re pu b li c qui t e n a it aux circo n st an ces du l e m s , et d o n t
on ne p e u t in duire que ce lu i c o n t r e l e q u e l e ll e était prise, ne fût pas natura lis é fran ça is , la
loi lui ayan t co n fé ré une q u alité qui n’ a pu lu i ê tre p o s té rieu re m e n t e n le v é e par u n e mesur e
de h au te po lice ;
A t t e n d u q u e le s* E d oua rd O n d o w a été por té en l’ an I r , en i 8 l 2 et en 1820, sur les
listes d i s plus forts im p o s é s , et les listes d o c t o r a l e « ; et que s’ il a été ainsi inscrit f c'e st
pa rce que l’ opin ion pu b li q u e , les agens du g o u v e r n e m e n t le répu la ie iU fr a n ç a is , et c apab le
d 'e x e r c e r des droits po lit iq u es;
At t e n d u q u e le s» Edou ard O n s l o w a fuit é l e v e r se« e n fin * dans la re li g io n c a th o liq u e ; et
q u e c e u x - c i ont t r l l r i n e n t été con sid é ré s co m m e fr an çais , q u e l’ on a e xigé d’ eux qu ’ ils sa
tisfissent aux lois de la con sc ri p tio n et du r e c r u t e m e n t ;
�( 4o )
A t t e n d r i que la perm ission qu’ ob tin t en 1798 E d o u a rd O n s l o w , du roi d’ A n g le t c rr o , de
ré sid e r en F i a n c e , ne peu t être c o n sid é ré e q u e c o m m e u n e p r éca u t io n qui fui prise dan*
F i n t c i è l du sr O n s lo w po u r con se rv e r ses droits en A n g l e t e r r e , et que d’ ailleurs cet acte no
pou rr ait détruire l'ciTet de la loi qui l'ava it d éc laré naturalisé en F ra n c e ;
A t t e n d u que lors de son v oyage e n A n g l e t e r r e , le sr O n s l o w a pu y faire c é l é b r e r son
maria ge su iv an t 1 e rite p rote st a n t , ce qui n ’ a été de sa part qu ’ un h om m age pu b li c re n d u à
la re li g io n dans la qu e ll e il était né , sans que d e c e lt e c é lé b ra t io n on puisse in d uir e qu’ il
ait m an ife st é l 'in t e n ti o n d 'ha b it er l’ A n g l e t e r r e ;
A t t e n d u que q u elle s que so ie n t le s induc tion s que l ’ on p e u t tirer du m ode suivi par le
s* O n s l o w , po u r faire son te st am e nt e n
i 8 i t d’ après les statuts a n g la is , et d e l' in t é r ê t
qu ’ il avait d e c o n s e r v e r í a qualité d’ anglais p o u r r e cu e il li r u n jour par lui ou par se* d es
c e n d a i s , s’ il y avait lie u , la pairie et les ava ntages qui y é t a ie n t a t t a c h é s , elles 11c p e u v e n t
jam ai s d étruir e ce qu i ré su lte d 'u n e ré sid e n ce de fait en F r a n c e qui a duré depuis 1^83 ,
é p o q u e d e *on m a r ia g e , ju sq u’ en 1829 > 18 o c t o b r e , é p o q u e de son décès^ ré sid e n ce qui a
été a c c o m p a g n é e d e plusieurs actes d ém o n t ra n t son in te ntio n d’ a c c e p t e r la Œ u a W n ^ u o u
q ui lu i avait été a cc or d ée pa r la loi j
S u r la *2e ques tion r e la t iv e au dom ic il e du s r E d o u a r d O n s l o w à C l c r m o n t :
A t t e n d u qu’ à supposer qu ’ il put s 'é l e v e r q u elq u e difficulté sur la naturalisation du sT O n s l o w
en F r a n c e , il n'en faudrait pas m oins r e co n n aît r e, d ’ après les pr in ci pes de la matiè re et l e u r
a pp lic ation aux faits d e la c a u se , qu ’ il aurait acquis un v ér it ab le d om ic il e dans le l o y a u m e ;
A t t e n d u qu'il était admis par pres qu e tous les a u t e u r * , que l ’ étra n ge r qu oiqu e no n n a t u
r a l i s é , a cq uéra it un dom ic il e e n F i a n c e , pou rv u que deux choses c o n c o u r u s s e n t , l e fail et
l ’ in t e n t i o n , la loi c o m m u n e n ' e i i g c a n t de l’ é lr a n g e r , pou r l'é tab li ss em en t de son dom ic il e,
q ue le fait d 'u n e habitation r é e lle jo in t à l' in t e n tio n de l’ é tablir ;
A t t e n d u q u e ce t t e d o c t rin e qui e j l pu isée dans le droit co m m u n a été plusieurs fois
con sa cré e par la ju ri sp ru de n ce ;
A t t e n d u que le *f E d o u a rd O n s l o w avait un v ér it ab le d om icile en F r a n c e avant le codo
c i v i l , par cela seul qu’ il y avait trans porté sa r é s i d e n c e , et qu ’ il avait manifesté par plu iio u r s acte s so n in te ntion d’y rester à p e r p é t u e lle d em e u re j
«
A t t e n d u q u ’ en e xa m ina n t la vie du s ' O n s l o w , il e it impossible ilo ne pas co n v e n ir qu’ il
n ' c ù t transporté l e siège de ses affaires en F i a n c e ; q u e ce p a j s ne fût ce lu i qu'il ne pouvait
( p i l i e r tan s que l’ on dit qu ’ il était a l u n i t ,
r i ne fût ce lu i où il re v e n a it sans q u e l’ on dit
qu'il était do re tou r , ainsi que s’ en e xp liq u e la loi lo m a in e ;
Attem lii que en d om ic il e é la n t une fuis acqu is, le s' O n s l o w n ’ en a pu é t i c pr ivé par des
loi» p o s té rieu re » , qui aur aient e s ig é des étran ger s d ’a u lr c s conditions U l l r s que c e lle do
l ' a u l o n ia lio ii du g o u v e r n e m e n t .
�( 4i )
A t t e n d u q u e l ’ art. i 3 du co d e c i v i j f p a r l e q u e l un é t r a n g e r , qu i a ¿té a d m is par l ’ autoiisation du Roi à é t a b li r so n dom ic il e en F r a n c e , y jou it de tous les droits c i v i l s , n e dit pas
q u e l 'é t r a n g e r q u i n'au ra pas o b t e n u ce t t e autorisation n e pourra pas acqu éri i de dom ic il e
enFrance;
A t t e n d u q u e c e t a r t ic le , q u i se tro u v e sous la ru b riq u e des droits c i v i l s , n ’ a pas eu po u r
o b j e t d e d é t e r m i n e r les c o n d it io n s q u e d e v a it r e m p l i r un é t r a n g e r p o u r a c q u é rir u n d o m i
c il e e n F r a n c e )
A t t e n d u q u 'il a été r e c o n n u p a r l a ju ris p ru d e n ce q u e l'é t r a n g e r q u i a v a it fixé son h a b i
tation r é e lle e n F r a n c e , e t qui avait eu l'i n t e n t i o n d e l ' j f i x e r , mais sans autori sation du
g o u v e r n e m e n t , n 'e n ava it pas moins u n d o m i c i l e lé ga l e n F r a n c e ,
e t n 'e n p ou v ait pas
m o in s ê t r e tradu it d e v a n t les t rib u n au x français , d o n t il était d e v e n u ju st ic ia ble par le fa it
d e son d o m ic il e ;
A t t e n d u q u e si l' é t r a n g e r d om ic il ié e n F r a n c e pe u t-ê tre ci té po u r acti on p e r s o n n e lle d e
v a n t un trib u n al fr a n ç a i s , on n e v oit pas d e ra ison p o u r q u e la su cc ess iou m obil iè re d e
l ' é t r a n g e r d om ic il ié e n F r a n c e n e fut pas ré gie par la lo i française , puisqu’ il e st d e p r in
cip e q u e 1<* m o b il ie r d 'u n e su cc ession e&L régi pa r la lo i d u dom ic il e ;
A t t e n d u que le s» E d o u a rd O n &low , après a voir lixé , dès 178 3, son d om ic il e à C l e r m o n t ,
n e s ' e n e s t abse n té que ra r e m e n t e t toujours a v e c esp rit de re to u r, n 'a y a n t po u r lui n i p o u r sa
f a m i l l e , aucûn é t a b lis s e m e n t ail le u rs , a ya n t co n se rv é ce m ê m e d om ic il e jusqu’ au d e r u ie i
in st an t de sa v i e , puisq u'il est d é c é d é dan s la v ille qui était le li e u d e sa ré b id eu ce h a b i
t u e l l e , c e lle de sa fe m m e ; de ses e n fa n s, et où il avait le siège d e sa forLune et d e ses affaires;
At t e n d it que toutes les parties in t é r e s s é e s , et le s' O u s l o w l u i - m ê m e ,
en p r o céd a n t
v o lo n t a ir e m e n t d e v a n t le t ribunal de C l e r m o n l* F e r r a m l, su r la d em a n d e en part ag e des b ie n s
*
d u s ' E d o u a r d O u s l o w , et en re c o n n a is s a n t la c o m p é t e n c e de ce t r i b u n a l , o n t pa r-là re^
c o n n u q u e le u r p è re était d o m ic il ié à Cl erm on t#
S u r la tro isiè m e q u es ti on re la t iv e au p r o d u it d e la v e n t e des b ie n s d 'E d o u a u l O n s l o w f
aitucs e n A n g l e t e r r e )
A t t e n d u que la su cce ss io n d 'E d o u a rd O n s l o w , n é anglais , mais naturalisé f r a n ç a i s , s est
o u v e i t e le 18 o ct o b re l S a y , r u F r a n c e , où il avait é t a b li d ep u is lo n gu e s ann ées »011 d o ïn ic il e de fait et de droit , et q u e les swuls a y a n t -d ro it à cc t t o succe ssion so n t les rtifans du
d é f u n t , tous nés fia n ç a is )
A t t e n d u q u e cette su cc e ss io n se co m p o se d e b ie n s im m e u b le s et d e bie ns m e u b le s d’ unj;
v a le u r c o n sid é rab le ) que les im m e u b le s é tan t tous situés en I 'ra n ce ne p e u v e n t ê t re l é g i j
qui» par la loi du lien do le u r situation*, que le s b ie n s m e u b le s ne p e u v e n t a vo ir d ’ autro
rè g le q u e la loi de dom ic il e du défunt) et qu 'ain si ces b ie n s im m e u b le » et ces bien» m eu bles
�( 42 )
so n t é g a le m e n t soumis a ux lois fr ançaises , e t que l e pa rta ge doit e n ê t re ord o n n é d’ après
l e co d e c i v i l , sa u f les droits que les co h é ri tie rs a u r a ie n t à faire v aloir e n vertu de disposi
tion» v a la b le s faites p* r l e u r père ;
A t t e n d u qn’ entre les bie ns m e u b le s d 'E d o u a rd O n s l o w , il ne sa ur ait y avoir de d is t in c
tio n po u r ce qui c o n c e rn e le p r ix 'd e l a t e rre d e L ill it ig st o n n , e t autres im m eu b le s situés
e n A n g le t e r r e , pr ix qui a é t é tra nsport e e n F r a n c e et q u i se tro uve dans la s u cce ssio n m o
b il iè re d o n t il s'a git ;
A t t e n d u qn e G e o r g e s O n s l o w n e p e u t a u jo u rd 'h u i r é c la m e r l e p r é l è v e m e n t du pr ix do l a
t e rre d e L i ll in g st o n n , d o n t s o n p è re lui avait d o n n é , po u r p r é c ip u t, la n u e p r o p rié t é pa r
s o n co n t ra t de m ari a ge , du t8 ju il le t 1808 , e t q u 'il no p e u t p r é t e n d r e qu.e c e pr ix doit l u i
a p p a r t e n ir c o m m e p r o p rié t a ire de la dite t e rre , e t sans q u 'il fut s u je t à au cu n re lr a n c h e m e n t
pa r suite du p r ivilè ge du statut r c e l d e l’ A n g l e t e r r e ;
'►
A t t e n d u q u e c e l t e t e r r e a été ven due» l e 2 ju in 18^4• par E d o u a r d O n s l o w , au c o lo n e l
D e l a p s ; q u e l e prix e n a é t é pa y é par l ' a c q u é r e u r , trans po rté e t p la cé en F r a n c e ; qu'ain si
. t
i l y aur ait eu u n e m obil is atio n q u e , d'ap rès plu si eu rs faits e t c ir co n st a n ce s d e l a ca use ,
Georges
O n s l o w paraîtrait n 'avoir pas ig n o r é e ,
et à la q u e lle
il paraîtrait m ê m e a v ç ir
concouru;
A t t e n d u q u e l'i m m e u b l e a ya n t été d é n a t u r é , a ya n t été c o n v e r ti eu u n e so m m e d 'a rg e n t ,
l e statut r c e l d e l ' A n g l e t e r r e n e p e u t ê t r e app li q u é au p r ix d e v e n t e c o m m e à l ' im m e u b le
mêm e ;
A t t e n d u q u e ce sta tut ne t ro u v e pas d e m at iè re à la q u e lle il puisse s ' a p p l i q u e r , le s im *
m eu b le s d o n t il s’ a g it r a c la n t pas dan s la succe ss ion de l'a u t e u r c o m m u n ;
A t t e n d u d o n c . q u e la co n d it io n e sse n t ie ll e po u r ré c la m e r l' a p p li c a t io n d 'u n sta tu t é t r a u g e r étan t que les im m e u b le s d o n n é s n ' e u s s e n t pas été m obil is é s, la m o b il is a t io n q u i s'e n est
«ipérée e n s ou m et l e prix à la toi du lie u d e l ’ o u v e r t u r e d e la su cce ssion}
A t t e n d u q u e la c o u r n e peu t avo ir à s t a t u e r sur l a p r o p rié t é d ' im m e u b le s qu i n e s on t plus
au po u v o ir d 'au cu n des m em b re s de la fa m il le O n s l o w , mais a s e u le m e n t à st atuer sur le p r i s
p r o v e n u de la v e n t e d e ces im m e u b l e s , e t qui est v e n u a u g m e n t e r d 'a u t a n t la fo r t u n e m o
b iliè r e d e M . O n s l o w p è re ;
A t t e n d u que si le sieur G e o r g e s O n s l o w n e p e u t pas s’ a p p u y e r sur le sta tut r é e l , il i n
v o q u e r a i t
i n u t ile m e n t sa d o n atio n du 18 ju il le t 1808 f pu isque c t s deu x é lé m e n s qui s o n t
nécess aires pou r é t a b li r sa p r é t e n t io n
f illingatonn ayan t
é té
n e P e u v e n t plu s c o n c o u r i r e n s e m b l e ,
la te rre d t
a lié n é e .
A t t e n d u que ta d on atio n faite h G e o r g e s O n s l o w ne p e u t , dans les te rm es où U cause se
p i é j f n t r , avoir l' e fl c t q u 'il v ou dra it lui a tt r ib u e r ;
�(
43
)
A t t e n d u qu ’ il est à pr és um e r, tVapiès le s ra pports d’ intimilé et cVaifcciioii qui o n t existé
c o n s t a m m e n t e n t re le s s T* L d o u a r d et G e o r g e s O n s l o w , q u e le p ère n e se sc ia pas d éte rm in é
à v e n d r e la t e i r c de L i llin g s lo n n sans l e c o n s e n t e m e n t ., sans l e c o n co u rs de son f i l s , au
q u e l il avait d o n n é la n u e p r o p iié lc * G e o r g e s O n s l o w a d m i n i s t r a i t , gé ra it les aiT.ûtesde
son p è r e ; et u n e négoci a ti on aussi c o n sid é ra b le e t aussi difficile , à raison de l ’ é lo ig n e m e n t
d es l i e u x , q u e c e l l e de la v e n t e d e la te rre d e L i lli n g s lo n n , n e po u vai t g u è re se faire sans
l ’ aide et s a n s la pa rt icipation de ce lu i qui avait l e plus d’ in lé ré t à ce q u e la n é g o cia tio n fût
fa ile d ’ une m an iè re a v a n t a g e u s e 5
A t t e n d u q u e G e o r g e s O n s l o w n ’ a pas con te sté t e l l e v e n t e ; qu'il en a, en q u elq u e m a n iè re ;
r e c o n n u la val id it é , soit po u r en a vo ir r e ç u le prix en q u alit é de m a n d a t a ir e d e son p è r e ,
s o it po u r l u i en avo ir T e n d u c o m p t e sans se faire a u c u n e r é s e r v e , s u iv an t les acte s des 1 4 et
l 5 j a n v ie r 1828-, qui on t é lé pr od uits en p r e m iè r e instance,*
A l t e n d u q u e r é n o n c i a t i o n p o i ï é e dans la v e n t e faite au c o lo n e l D e l a p s , que les im m e u
b l e s vèn d u s é t a ie n t lib res de to us d o n s , ainsi que le s faits e t .-¡clos qui o n t eu lieu p o s té rieu
r e m e n t e n t re E d o u a r d O n s l o w et so n fils s e m b l e r a ie n t f a ir e croir e q u e c e lu i- c i n ’ e n t en d a it
p l u s faire usag e de la disposition qui était p o r té e dans son co n t ra t d e m a ria ge ;
A t t e n d u q u e si ces p r és om p tio n s de r e n o n c ia t io n é taie n t é c a r t é e s , la d e m a n d e en p r é l è
v e m e n t ou en dispense du ra pport du pr ix de la te rr e d e L i llin g s t o n n n ' e n serait pas plus
fo n d é e si la v e n l e de c e l l e t e i r e , co m m e v e n t e «le la ch os e d’ a u t r u i , n e p o u v ait d o n n e r lieu
q u ’ à u n e action en d és is te m e n t c o n t r e l’ a c q u é r e u r , c l à u n e acti on en d o m m a g e s- in t é ré ls
c o n t r e le s c o b é r i l i c i s du d on at ai re ;
A t t e n d u que tan t q u e la v e n t e subsiste , tant q u e G e o r g e s O n s l o w n ' r x e r C e pas d ’ action
e n d és is te m e n t , il ne peut se c i é e r un droit de gara n tie ou h de* d »in m age s-in té ré ts e n
c x c i p a n l d’ u n e législation é tra n gè re qui est sans appli ca tio n aux im m e u b le s qui se tro u v e n t
dans la su cce ssion a p a r t a g e r ;
A t t e n d u q u e l ’ action d ir e cte que C c o T g e s O n s l o w a e x e r c é e c o n t r e ses c o li tr itier s , en
p r é l è v e m e n t d e la terre dp L i l l i n g s l o n n , s e m b le r a it a n n o n c e r qu*il a d o u té l u i- m é m e de
la légitim ité de son droit, ce qui s e r a î l u n e raison de plus po u r n e pn s a c c u e ill ir sa dem and ai
A t t e n d u que le s r G e o r g e s O n s l o w ne se ra it pas m ê m e fo n d é à ré c la m e r des dou»mage«in térê ts s'il a co n s e n t i à ce que le prix d e la te rre d o n t il s'agil se trouvât en vale u r m o b i
liè r e d ans la su cc ession de son père j et s’ il a a ppro u v é et r ali fié la vpn te «pi en avait été faite.
L e t o it qu ’ il
aurait é p r o u v é n e lui aurait pas c l é causé c o n t r e »a v o lo n té et malgr é son
c o n s e n t e m e n t ; il n’ aurait qu ’ à im p u t er à son pr op re fait la non e x é c u t io n de la d on atio n
q u ’ il ava il o b t e n u e de la lib éra li té de sop p è i o ;
A l t e n d u que la qualité de cré a n c i e r doit ré su lt er d’ un c o n t r a t à litre o n é r e u x ; qu'il serait
�c o n t ra ir e ¿ l ' é q u i t é e t à V csse n ce des choses qu’ e l l e p û t ré su lt e r d’ un co n t ra t de b ie n fa is an ce
q u i r e n fe r m e un a v a n t a ge p u r e m e n t g r a t u i t , le s d onat ions n e p o u v a n t pr od uire e n fa v e u r
des d o n ataire s les m ê m e s effets que le s don atio n s e n fa ve u r d es cré a nci er s ;
A t t e n d u q u e le s* G e o r g e s O n s l o w ne p e u t , à l’ aide d’ u n e q u alit é d e c r é a n c i e r qui n e lu i
a p p a rtie n t p a s , v en ir a bso rb er la plus gr a n de pa rtie de l ’ hoirie p a t e r n e l le au préju d ic e de
'ses coh éritie rs s u r - t o u t après a vo ir laissé m ob il is er l ’ im m e u b le à lu i d o n n é , après e n a voir
p e r ç u le p r ix , e t après avo ir re ndu co m p t e en q u alité d e m a n d a t a i r e , sans se faire a u cu n e
ré s e r v e j
A t t e n d u q u e le titre d e G e o r g e s O n s l o w n e lu i d o n n e d 'au tre droit q u e ce u x de d on at ai re
ou h é r it ie r p r é c i p u é , et que ces q «alités e x c lu e n t é v id e m m e n t dan s sa p e r s o n n e la q u alit é
d e c r é a n c i e r q u M voud rait s'a ttr ib u e r par suite d 'u n e disposition p u r e m e n t gr ù lu il c ;
A t t e n d u q u e le d on ataire pa r p r é c ip u t est te nu d e ra p p o r t er au p a it a g e tout ce q u i exc èd e
la q uotité dis pon ib le , e t que q u e l le que soit l' é t e n d u e de sa d on atio n , il ne p e u t r i e n p r é l e v e r
de plus q u e la qu oti té d is po nib le;
A t t e n d u q u e G e o r g e s O n s l o w , v e n a n t a v e c ses fiè re s en pa rta ge d e la su cce ss io n d e le u r
p è r e , d o m ic il ié en F i a n c e , d 'u n e su cc ess ion don t to utes les valeurs tant m obil iè re s qu’ im
m o b il iè re s se tVouvent en F r a n c e , et par c o n s é q u e n t régie par les lois f r a n ç a is e s , doit se
co n fo r m e r aux d is posit io n s des article» 9 1 3 e t 920 du co d e c iv il; e t , tou t en fa isa nl usage de
sa d o n atio n pa r p r é c i p u t , ne rie n p r e n d i e qui puisse e n t a m e r la rése ï v e q u e la l o i fait à si »
c oli é ii tie rs ;
A t t e n d u q u e l e s* O n s l o w pèt e , eu égard au n o m b re de ses e n fa n s, n'a pu disp oser au-d elà
du quart d e scs b ie n s m e u b le s et i m m e u b l e s , et que c'e s t à ce p r é l è v e m e e t ou d is pe n se de
ra p p or t q u e doit se b o r n e r l'e ff et de la d on atio n faite par p r é c i p u t , au profit d e son fi!»
G e o r g e s , de la n u e p io p r ié t é dt*s im m e u b le s et de» objet* m o b il ie rs qu’ il possédait en Fi anc e
et en A n g l e t e r r e , p r é l è v e m e n t qui d'.iilleurs n'eut pas c o n t e s t é , le su rpl us des biens d e v a n t
ê t re partagé é g a le m e n t c n tre tous les a^ant*droit.
E n ce q u i to u ch e le co m p te d e m a n d a t d e m a n d é a u s* G eo rg es O n s lo w t et en ce q u i
^ to u ch e l e dtxtiàtire
l k d a m e O/i^/dju
^
*/
r
**
V « -
F a r le s motifs e xp rim és dans le j u g e m e n t don t e»t,appel ;
t■ f
. f
"m
•
E t a tte ndu q u 'il 11e s e l è v e a u cu n e difficulté sur ce d ou aire .
E n ce q u i to u ch e le s in tc t'u e n t.o n s d u »r f in e , liq u id a te u r d e la J u i l l i t e d u s 1 F o n ta in e »
jM orca u , c r é a n c ie r d u s r A r t h u r O n slo w ’ ) et l* a p p cl in te r je té c o n tr e le s* H u e p a r le d it
s 1 s î r t h u r O tts lo w ;
A t t e n d u que l i n t c i v e n t io u du »» H ü e , en p r em iè re in s t a n c e , n'était pa i régu lici c , faute
�' (
4 5
)
pa r lui «l’ avoir fait r é p o n d r e ca re q u ê t e d’ in t e rv e n t io n par l e juge , e t de l ’ avo ir fait signifier
à la p a i t i e in té re ss é e ;
A t t e n d u qu ’ il y a e u néce ss ité d e la pa rt du s* IIüc d’ i n t e r v e n i r d e nou ve a u e n la C o u r ,
et q u e les frais J e ce t t e in t e i v e n t i o n ainsi q u c c c u x de la p r em iè re d o iv e n t rçj>ler à s a pl>arS*)
A t t e n d u q u e ta se co n d e in t e rv e n t io n est ré g u liè re c o m m e a y a n t été
suivie] de l ’ ordoiy-
n a n c e du j u g e , et a ya n t été signifiée ; e t qu’ au su rp lus la régu la ri té n ’ e n est pas co n t e s t é e ,
ainsi q u e le droit du »' Hiie d ’ i n t e r v e n ir .
\ > i.'r
E n c e q u i lo u c h e l ’ in te r v e n tio n d e la d a m e y in n e - M a n e - P a m è la
d e M o n g la s e t
c o m o r ts , c o m m e c r éa n c ier s d u s ’ A r t h u r O n s lc w ;
A t t e n d u q u e ce t t e in t e rv e n t io n q u i a en lie u e n a p p e l , c l qui a é t é fo r m é e par re q u ê t e
suivie d’ o r d o n n a n c e du ju ge e t n o t ifié e , n’ est co n t e st é e n i e n l a forme ni au f o n d , A r t h u r
O n s l o w n e s o u le v a n t a u c u n e difficulté sur le s i n t e r v e n t io n s .
; _
•*
■
: : -, i : ‘
'
L \ C O U R dit qu’ il a été b ie n j u g é pa r l e j u g e m e n t du î 5 mats i 8 3 3 , d o n t est a pp el ;
o r d o n n e q u e le d it j u g e m e n t sortira son pl ein e t e n t ie r effet dan s toutes ses dispositio ns , à
l ’ e x c e p ti o n c e p e n d a n t d e c e lle qui r e ç o it l’ in t e rv e n t io n du sr H iie , c r é a n c i e r d u s ' Artlrnr
O n s l o w ; é m e n d a n t , d é c la r e la dite i n t e r v e n t io n n u ll e et ir rég uliè re en la fo r m e ; d o n n e
acte au s ' l l i i e e l à ’ a d am e M ongla s e t con so rts de le u rs in t e rv e n t io n s en cause d ' a p p e l , les
autorise à a ss is ter,
à le u rs f i a i s , au pa rta ge o rd o n n é de la su cc ess ion d’ E d o u a r d O n s l o w ,
et à toutes o p é r a t io n s u lt é ri e u re s , e t c e po u r faire v a lo ir tous le u rs droits e n ' q u a l i t é d e
cr é a n cier s d’ A rt liu r O n s l o w , un des c o p a rla ge an s ; d é c l a r e , q u a n t i p r és en t , le s' llü e 11011r e c e v a b le dans le su rpl us d e se s d em a n d e s qu ’ il pou rr a c e p e n d a n t faire v alo ir dans le cou: s
l ’ in st an ce en pa rtage e t p a r - d e v a n t qu i de d ro it ; fait n é a n m o in s r é s e r v e au s ' A r t h u r O n s lo w ,
pa rtie d e B e r n e t ,
de tous se s m o y e n s et e x c ep tio n s con tra ir e s c o n t r e le d it s' l l ü e ,
partie d e C h a l u s , la d ame d e M o n g la s e t a n tre s, part ie s de D e b o r d ;
C o n d a m n e la p a r t ie de D u c l o z e l e n l ’ a m e n d e et a ux d é p e n s de la ca use d’ a p p e l envers
l a d ame O n s l o w sa mère , pa rt ie d e B o n jo u r ;
•
e n t re la pa rlie de D u c l o i c J « Ç l y . ’f a r U a s V l g J ^ y ^ < \ c t I . ^ y y ? ^ V . iie " l c t .
p ou rêtie
e m p lo y é s en frais de partage e^ ê t r e su pp orté s d’ après l ’ étn oli k ne ii t d e y c h a c u n des
lagrans;
autoriso la pa rtie d e
D u c l o z e l a faire c o m p r e n d r e
c o m p e n s é s les d ép e ns auquel» e llo a été p e r s o n n e lle m e n t
copar-
dans la nia>se des d é p e n s
co n d a m n é e e n v e rs l i pa rtie de
B o n j o u r ; c o n d a m n e le sieur ll iie, pa rtie de C h a l u s , aux d ép e n s occa sio n n és par l ’ a ppe l d*
�(
la
4 6 ’0
pa rtie d e B e r n e t ; o r d o n n e la re stit u tio n de l* amende co n sig n é e p a r c e t t e d e r n iè r e j
m a i n t i e n t la disposition des p r e m ie rs ju ge s , r e l a t i v e m e n t aux d é p e n s d e la p r e m iè re i n t e r
v e n t i o n ; c o n d a m n e , c o n fo r m é m e n t à l'a rt ic le 882 du co d e c i v i l , la p a rt ie de C h a lu s aux
d é p e n s d e son in te rve n tio n e n a p p e l ,
et le s parties de D e b o r d a ux d é p e n s d e l e u r i n t e r
v e n t io n e n la C o u r .
A la m in u t e o n t signé A r c h o n - D e s p é r o n s e , p r és id e n t , e t L a m o u r o u x , commis-greffier.
E n r e g is t r é à Ri o m , l e 18 a vr il 1 8 3 5 , fol io g o , v e r s o , case 6 . R e çu I I
com pris*
francs,
dixièm e
S ig n é P E Y R O N N E T , r e c e v e u r .
1
M an d o n s e t o rd o n n o n s à tous huissiers sur c e re q u is d é m e t t r e l e p r é s e n t a r r ê t à e x é c u
t io n ; à nos p rocure urs g é n é r a u x , e t à nos p r o c u r e u r s p r i s le s t rib u n au x d e p r e m iè r e in st a n c e d ' y t e n ir la m a i n ; à tous cora m an dan s e t officiers d e la fo r ce p u b liq u e d e p r ê t e r
m ain forte l o r s q u ’ ils e n se r o n t l é g a l e m e n t requis.
E n foi d e quoi l e d i t arrêt a é té sig n é p a r M , l e p r é s id e n t , et p a r l e greffier,
i.
P o u r e x p é d it io n c o n fo r m e d é l i v r é e à M e Ba rse , avo ué du sieur G a b r i e l - A m a b Ie O n s l o w ,
e t d e là d am e v e u v e M a u r ic e O n s l o w , n é e D u t r e u il.
L e greffier e n c h e f de la c o u r r o y a le d e R io m .
S ig n é G A R R O N .
.1 1 - 1
'
r! i
.11.
■ n.
'
ni
E n m a rg e d e l'e x p é d i tio n est é crit :
R e ç u , p o u r d r o it de gre f fe , 26 0 fr. 3 o c.
R i o m , le 22 m ai 1 8 3 5 S ig n é P E Y R O N N E T , r e c e v e u r.
J lii
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�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la Cour. Onslow. 1835]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garron
Subject
The topic of the resource
successions
succession d'un français né à l'étranger
naturalisation
serment civique
étrangers
droit d'aubaine
douaire
jurisprudence
ventes
mariage avec un protestant
expulsion pour raison politique
double nationalité
primogéniture
droit anglais
droit des étrangers
droit des catholiques en Angleterre
Description
An account of the resource
Titre complet : Etude de Maitre Louis Barse, avoué près la Cour royale de Riom. Arrêt Onslow.
annotation manuscrite : « 28 avril 1836, arrêt de rejet, chambre des requêtes, Sirey, 1836-1-719 (?) ».
Table Godemel : Etranger : 1. pour qu’un étranger devint français, sous l’empire de la loi du 30 avril-2 mai 1790, était-il nécessaire que, outre les conditions de domicile et autre voulues par cette loi, il prêtât le serment civique ; ce serment n’était-il exigé que pour acquérir le titre de citoyen et les droits politiques attachés à ce titre ?
l’étranger qui avait ainsi acquis la qualité de français, a-t-il été soumis, pour la conserver, à l’obligation de prêter le serment exigé par les lois postérieures ?
l’étranger établi en France qui remplit toutes les conditions exigées pour être réputé français, est-il investi de plein droit de cette qualité, sans que son consentement ou sa volonté soient nécessaires ? Est-ce à lui de quitter le territoire, s’il ne veut pas accepter le titre qui lui est déféré par la loi ?
l’ordre donné, par mesure de haute police, à un étranger naturalisé de quitter la france, enlève-t-il à cet étranger sa qualité de français ?
l’étranger qui a fixé son habitation en France, avec intention d’y demeurer, doit-il être réputé domicilié en France, bien qu’il n’ait pas obtenu du gouvernement l’autorisation d’établir ce domicile ? Le fait de l’habitation réelle, joint à l’intention suffisent-ils ?
l’étranger qui aurait acquis, d’après les lois alors éxistantes, son domicile en france, a-t-il pû en être privé par des lois postérieures qui auraient éxigées pour cela d’autres conditions ?
2. la succession mobilière de l’étranger en france, est-elle régie par la loi française ?
en est-il de même du prix d’immeubles situés en pays étranger, si ce prix a été transporté en france et se trouve ainsi mobilisé ?
spécialement : le prix de vente d’un immeuble appartenant à un français, mais situé en pays étranger et dont la nue-propriété avait, avant la vente, été l’objet d’une donation par le vendeur à l’un de ses enfans, devient-il par son placement en france une valeur mobilière de la succession du vendeur, soumise à la loi française ?
en conséquence, l’enfant donataire peut-il, lors de l’ouverture de la succession paternelle, réclamer sur de prix de vente au-delà de la quotité disponible dont la loi française permettait à son père de l’avantager ? importe-t-il peu que la donation de l’immeuble eut pû avoir son effet pour le tout en pays étranger ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1835
1783-1833
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
46 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2708
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2701
BCU_Factums_G2702
BCU_Factums_G2703
BCU_Factums_G2704
BCU_Factums_G2705
BCU_Factums_G2706
BCU_Factums_G2707
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53545/BCU_Factums_G2708.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Blesle (43033)
Bordeaux (33063)
Clermont-Ferrand (63113)
Paris (75056)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
douaire
double nationalité
droit anglais
droit d'aubaine
droit des catholiques en Angleterre
droit des étrangers
étrangers
expulsion pour raison politique
jurisprudence
mariage avec un Protestant
naturalisation
primogéniture
serment civique
succession d'un Français né à l'étranger
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53469/BCU_Factums_G2415.pdf
ec30d65876520538345fcda261c6c79c
PDF Text
Text
rimmmaméuÊB
' MÉMOIRE EN RÉPONSE,
• ’
courroyale
DE
'
PO U R
'
R IO M .
PREMIÈRE CHAMBRE.
’r
L e
sie u r
A L B E R T , Appelant,
4
. . . .
.
CONTRE
; * ;i ;.
'*r
Les Héritiers D A U B U S S O N , Intimés.
S ’ il fallait juger la cause des héritiers Daubusson
d’après le ton d’assurance qui règne dans leur mémoire,
le sieur Albert devrait non seulement se déclarer vaincu,
mais encore demander grâce à ses adversaires.
Le premier mode adopté par le sieur Albert pour
faire connaitre ses moyens, a permis aux sieurs Daubusson de présenter leur cause sous des couleurs favo
rables ils ont nié des faits évidens, parce que le sieur
Albert n avait pas cru devoir détailler toutes ses
preuves.
Ils ont même présenté le sieur A lbert comme un
V
�r*
( o
importun q u i, créancier d’une somme très-modique,
ne plaide que pour la différence d’un pour cent d’in
térêts par àn.~
' ■
.
Ils ne disent pas- queï âort ils préparent au sieur
A lb ert, si la qualité d’héritiers bénéficiaires leur est
maintenue*, mais le sieur Albert voit clairement que
sa créance est perdue, si le jugement dont est appel
est confirmé. Les sieurs Daubusson semblent avoir fait
les parts, et déterminé ce que chacun doit perdre.
Le sieur Albert est si pénétré de cette crainte, il
plaide si peu pour une modique différence d’intérêts,
qu’il a offert à l’audience de la Cour, et qu’il offre
encore d’accorder cinq ans, même huit ans de délai,
sans aucune espèce d’intérêts, si les héritiers Daubusson
veulent lui garantir sa créance. .
Cette créance n'est pas réduite, comme on le dit, à
un capital de 2000 francs*, en cela, comme en bien
d’autres choses, les sieurs Daubusson dénaturent les
faits. La créance a été réglée, en i 8 i 3 y à un capital
de 8811 francs, produisant intérêt à -5 pour cent :
elle s’élève aujourd’hui à plus de 11,000 francs, parce
que depuis 18 13, le sieur Albert n’a rien reçu.
Pour redresser toutes ces. erreurs et détruire une
impression qui l i e serait produite que par un défaut
d’explication, il est essentiel de faire connaître l ’en
semble des circonstances.
•
/
Il est devenu indispensable d examiner de* nouvenii
les livres produits par les héritiers Daubusson. S’il est
résulté de cet examen <juer dan^ un premier travail ,
� *f
(3 )
le sieur Albert avait commis quelques erreurs, il en
est résulté aussi la certitude que le travail et les opé
rations des héritiers Daubusson ne présentent qu’ un
cahos impénétrable 5 qu’ils ont eux-mêmes formé le
labyrinthe dont assez mal-k-propos ils demandent le
fil au sieur Albert.
F A IT S.
François Daubusson faisait la banque à Clermont :
ses opérations étaient nombreuses y il dirigeait ses a f
faires d'une main sure et habile / il ne voyait presque
personne et n’était .distrait d ’aucune manière............
Ses héritiers le publient eux-mêmes.
Le 8 avril 1809, il quitta son comptoir, par suite
d une maladie qui le conduisit à la mort : il expira le
i 3 avril.
. - ■
Il n’est pas croyable qu’une 'banque aussi considé
rable ait été livrée à des commis, pendant les quatre
ou cinq derniers jours de 1g. maladie, qui avait étéjugee
mortelle. Puisque le défunt dirigeait tout par luimême, il n’avait pas une .confiance absolue dans ses
employés, et la famille ne leur en accorda pas davan
tage. Le sieur Louis Daubusson remplaça son frère ;
et quoiqu’il s’en défende, personne ne croira qu’il soit
demeure nidifièrent au mouvement d’une machine aussi
importante et aussi susceptible d’altération. Le sieur
Albert prouverait, s’il en était besoin, que, dès le 8
.ou le q avril, Louis Daubusson dirigea les affaires de
�( 4 )
son lrère; il avait de plus grands motifs pour ne pas
s’en abstenir après le décès.
;
Les sieurs Daubussonhésitèrent, dit-on, sur le parti
qu’ils devaient prendre; la hardiesse des opérations de
leur frère les épouvantait, mais Yhonneur leur défen
dait de répudier sa succession.
Cette crainte ne s’allie point avec l’idée déjà donnée
de l’habileté et de l’exactitude du défunt; mais qu’im
porte?............ Le sieur Albert ne se prévaut pas de ce
qu’on a accepté ;sous bénéfice d’inventaire; il se plaint
de ce qu’on n’a pas rempli les devoirs de cette qualité :
il laisse à l ’opinion publique le soin de juger tout le
reste; seulement il croit, et les liabitans de Clermont
croient aussi que tous les créanciers seraient payés, si
les sieurs Daubusson avaient un peu moins honoré la
mémoire de leur frère.
Pendant qu’on délibérait, les héritiers présomptifs
laissèrent (dit-on encore) tout entre les mains des
com m is, en leur recommandant cependant de ne dis
poser de rien en faveu r de qui que ce f u i.
Cette recommandation ne fut pas observée : les sieurs
Daubusson le savent bien; ils cherchent seulement à
insinuer qu’ils étaient étrangers à ce qui se passait
alors, et que les commis agissaient sans leur participa
tion directe ou indirecte.
C est en éludant de cette manicrc, que les héritiers
franchissent 1 intervalle qui s est écoulé entre la mort
et l’acceptation faite au greffe; mais une marche aussi
rapide dans l’exposition des faits ne peut éclairer la
�/
e 5 )
justice. Il est de l’intérêt du sieur Albert .dô faire
connaître tout ce qui a été fait depuis l’instant de la
mort; il examinera ensuite si, en point de droit et en
point de fa it, les héritiers sont réellement étrangers
aux opérations qui*ont eu lieu.
Le premier fait connu est un devoir de piété, auquel
le sieur Albert n’a jamais attaché l ’idée d’une adition
d’hérédité; il a dit seulement que si les héritiers étaient
en doute sur la solvabilité, ils ne devaient pas se per
mettre de dépenser près de iooo francs pour les funé
railles de leur frère; qu’une pareille ostentation était
de nature à faire présumer qu’on avait le dessein d’in
duire les créanciers en erreur, et le désir d’éloigner
leur surveillance.
Quant aux faits caractéristiques, on les trouve écrits
dans tous les livres produits, et ils sont aussi nombreux
qu ’importans ; mais ils se rattachent à divers tems et
à diverses questions. Il paraît convenable de n’en donner
d ’abord qu’un tableau abrégé, parce qu’il deviendra
indispensable de les présenter avec plus de développe
ment en examinant les questions auxquelles ils appar
tiennent.
Le sieur Albert avait parlé de faits qui se sont passés
le i 3 avril; mais il n’en parlera pas davantage, dès
qu on lui apprend que le sieur Daubusson est mort
le meme jour, à onze heures du soir : il se bornera
aux faits postérieurs.
Les opérations des i 5 , 16 et 17 avril peuvent, pour
le moment, etre expliqués en peu de mots. i° Divers
�correspondans ont été crédités pour des traites qui sont
arrivées à Clermont, qui ont été reçues, et qui ont
été ou acquittées, ou négociées, ou placées dans le
porte-feuille du défunt. Quelques-unes de ces traites
ont même été reçues et enregistrées avec convention,
d’un ou d’un demi pour cent de bénéfice pour la
banque Daubussblv?
2° Plusieurs créanciers ont été, par une opération,
opposée à la première, débités sur le livre, c’est-à-dire
qu’on leur a adressé des traites pour en toucher les
valeurs.
3 ° Le livre de caisse constate que diverses sommes
ont été versées dans le même intervalle, et que d’autres
sommes sont sorties de la banque.
A .1 égard de la correspondance., on voit dans le
livre intitulé : Copie de lettres, que la page 473 est
commencée à la date du i 3 avril ; elle est continuée
à la date du 17, sans aucun intervalle, par une lettre
adressée à Borelly, de Mendes. On l>ui annonce la mort
de François Daubusson^ un lui dit qu’après le premier
moment. de la douleur, la famille s’occupera des
affaires; et en attendant, on lui r e n v o i e des remises
q u ’il avait adressées au icléfunt par sa lettre æLu i i , le
priant -d’en décharger le (compte.
Le même jour, .011 écrit, h peu près dans les mêmes
ternies, à Colomb, et on lui renvoie également deux
effets adressés au défunt par une lettre du 10.
Tel est l ’ensemble des faits survenus les i£>, 16 et
17 avril.
�( 7 )
L ’acceptation sous bénéfice d’inventaire â eu lieu ïe
18 avril. Le même jour, un notaire a été commis pour
l ’inventaire, et les héritiers ont donné à Faure, ancien
caissier de la maison, une procuration pour gérer et
liquider la succession.
C ’est une question, de savoir si la déclaration faite
au greffe a précédé les actes et lesytfjSq^unonr, qui ont
eu lieu le même jour 18 avril. Il ne serait pas difficile
d’établir q u e , dans l’intérieur de la maison, on agis
sait le 18 comme on avait agiles i 5 , 16 et 17 , tandis
qu’à l ’extérieur on préparait les voies pour se préserver
personnellement des atteintes des créanciers-, mais cet
examen serait superflu^ car on n’est pas héritier sous
bénéfice d’inventaire par le fait seul de sa déclaration j
on ne l’est.réellement que quand on a rempli les con
ditions imposées par les lôis. Tout ce que l ’on fait
jusqu’à l ’accomplissement de ces conditions produit ,
à l’égard des tiers, les mêmes conséquences que si
c’était fait avant l’ acceptation. Il serait en effet trop
dangereux de donner à l’héritier le droit de disposer
des effets de la succession, avant d’en avoir fait fixer
légalement et invariablement la consistance.
Ainsi tout ce que les héritiers Daubusson ont fait
avant l’inventaire, même après leur déclaration au
greffe, doit être considéré comme adition d’hérédité,
si d ailleurs lus faits sont par eux-mêmes de nature à
le comporter.
On voit dans le livre intitulé Journal B (page 499),
et aussi au livre des Traites et remises3 que, le 18 avril,
�.(8 )
il a été remis à Bonfils et Blanc, de Clermont, trois
traites, faisant ensemble i o , 5 oo francs, l ’une sur
Bordeaux, échéant le 26 avril; l’autre sur Toulouse,
échéant le 3 o juin; et la troisième aussi sur Toulouse,
échéant le I er juillet. D ’autres traites ont été envoyées,
le même jour encore, pour des sommes assez consi
dérables.
Le même jour, on a continué'les écritures dans le
livre des comptes courans. On a crédité et débité de
la même manière, et par continuation des crédits et
des débits du défunt. Ce genre d’opération a même
été continué, à l’égard de certains des correspondans,
jusqu’au 3 o avril, e t, à l’égard de certains autres,
jusqu’au mois de mai, sans que le notaire ait vu et ait
etc mis a meme de voir et de constater l ’état des
livres, et des titres envoyés ou reçus.
Le même jour 18 avril, on écrit à plusieurs des
correspondais, débiteurs ou créanciers. On ne fait
nulle mention de l’acceptation sous bénéfice d’inven
taire; on dit à l ’un que, malgré la stagnation mo
mentanée des opérations de la maison , il n ’y aura
rien de dérangé à celles qui ont été faites j u s q u ’à ce
jo u r; on dit à. l’autre que les héritiers vont s’occuper
des affaires de la liquidation. On dit au sieur Albert
que les héritiers ont pris le parti de s occuper seule
ment de sa liquidation.
Ces lettres portent envoi d’effets sur diverses per
sonnes, avec invitation d’en créditer le compte du
�(
9)
défunt, ou d*en soigner la' rentrée, comme à l ’ordi
naire , au crédit de la maisorf.
' '
Il serait inutile de chercher la mention de ces effets
dans ün inventaire qui n’a été ooiftmertcé que le len
demain.
• Les sieurs Daubussori disfcnt que les termes de ces
lettres expliquent la qualité bénéficiaire, principale
ment celle adressée au sieur Albert : ce n’est là qu’une
«rreur. Le parti pris de liquider supposerait bien qu’on
ne voulait pas continuer la banque, mais il ne sup
poserait pas la qualité bénéficiaire, parce que l'héri
tier pur et simple peut, tout aussi bien que l’héritier
bénéficiaire, rompre les relations d’une banque, sans
prendre le parti de la répudiation, ou de l ’acceptation
sous bénéfice d’inventaire. L ’avis n’était donc q u ’.afin
d’empècher que les correspondans fissent des disposi
tions nouvelles.
Le 19 avril, l’inventaire est commencé. On donne
au notaire un porte-feuille fermant h clef*, et le no
taire l’ouvre pour faire la description des effets qui s’y
trouvent.........Il n ’est pas douteux que le porte-feuille
avait été ouvert, puisque, pendant les cinq jours pré-,
cedens, on avait envoyé un grand nombre d’effets qui
ne pouvaient avoir été pris ailleurs, parce qu’un ban
quier ne laisse pas circuler de telles espèces dans ses
bureaux et dans ses appartemens.
La seconde séance a lieu le 20 avril ^elle est employée
à la description des effets dii morne porte-feuille.
Le meme jour, on adresse à tous l<s coricfj ondans
�une circulaire imprimée, signée Faurc, dans laquelle
il dit que les héritiers n’étant pas dans l’intention de
donner suite aux opérations du défunt, l’ont chargé
de la*liquidation'de ses affaires. Il n’est pas dit un
mot de l’acceptation sous bénéfice d’inventaire, et la
signature de Faure est précédée de cette énonciation :
P a r ¡procuration des héritiers de François Daubusson
aîné.
•’ /
Ces lettres contiennent envoi d’effets, dont plusieurs
sont à des échéances reculées, au 3 o avril, aux i er, 8 et
3 o mai. Les ; envois n’étaient donc point urgens ;
d’ailleurs j on pouvait les porter ' dans l’inventaire ,
commencé dès la veille.
La troisième séance de l’inventaire eut lieu le 21
avril. Le notaire fait la description des divers autres;
effets qu’on lui présente.
Le 1 1 , le notaire continue la même opération, et
il ajourne son travail au 5 mai. On n’avait pas encore
songé ni à la caisse, ni au livre de caisse, ni aux autres
livres du défunt, sur lesquels les héritiers écrivaient
tous les jours.
suspension des opérations de l’inventaire pen
dant quatorze jours doit paraître étonnante; on n’avait
pas dessein de rien cacher au notaire, qui n’était que
le secrétaire bénévole des héritiers ; mais on ne savait
La
pas bien encore comment on arrangerait la partie des
livres; il fallait de la prudence; il fallait attendre des
réponses; et ce n’était qu’après avoir pris des renseigne*-
�( 11 )
mens, qu’on pouvait dresser, selon les occurences, un
tableau de la succession.
C ’est afin de dresser ce tableau, que les héritiers ont
pris un délai de quatorze jours, pendant lequel ils ont
continué de changer la face des choses, et constitué
créancier celui qui était débiteur, et v ic e 'versa.
A cette époque , les sieurs Daubusson flattaient
encore les créanciers ; témoin la lettre adressée au sieur
A lbert, le 25 avril, dans laquelle on vante le zèle et
l ’empressement de Louis Daubusson ; on dit qu’avec
un peu de patience on viendra à bout de tout, et que
tout le monde sera satisfait.
Mais à mesure que les travaux avancent, on change
de langage; on écrit, le G mai, que, pour le moment,
on ne paiera qu un quart.
!
Cette nouvelle étonne et épouvante le sieur A lbert,
qui était alors créancier d’une somme considérable. Il
répond, et demande si la succession est en état de
faillite?....... Il menace de se pourvoir, et il ne tarde
pas à effectuer son projet, puisqu’il assigne les sieurs
Daubusson comme héritiers purs et simples, le i craoùt
1809.
Pendant le cours de ces débats, les héritiers s’occu
paient de la copie du livre des comptes courans. Cette
fameuse copie parait devant le notaire le 5 mai : elle
comprend deux parties; l’une est relative aux comptes
couiaus soldés. Cette première partie occupe cent quatre
feuillets. La seconde partie comprend les comptes cou
rans non soldés, et relatifs aux débiteurs de la succès- '
�sion seulement. Le notaire paraphe ce livre , après
avoir transcrit dans son procès-verbal tous les noms des
débiteurs, et le montant de leurs dettes.
Ce livre n’était pas terminé. On le remet à Bonadier
pour continuer son travail, et le représenter quand il
en sera requis. Pour donner le tems de combiner les
o p é r a tio n s le notaire ajourne la séance au a 3 mai.
La sixième séance a lieu le 23 mai. Bonadier re
présente de nouveau le livre intitulé ; Copie de&
comptes courans. Depuis la dernière vérification, di
vers articles y ont été portés : le notaire en fait le
relevé, et le consigne dans sou procès-verbal.
A la même séance, Bonadier présente un livre de
caisse, duquel il résulte (dit le notaire) que, le i3
avril, il y avait, en argent, ^o5 f r . , et le 19 avril,
43 oi fr.
, Çette opération n’est-elle pas dérisoire?....... Le no
taire devait voir la caisse, et non le livre ; il devait la
voir dès le premier instant. Pourquoi d’ailleurs les
héritiers se permettaient-ils de l ’ouvrir?...... Ils l ’ont
cependant ouverte, puisque les sommes ont varié dans
l’intervalle du dccès à l’inventaire.
„ Le 24 mai, on fait l’inventaire du mobilier. Le 25
mai > on se rend au domaine de Polagnat, pour
constater l ’état de quelques objets modiques, laissant
en arrière des objets plus précieux à Clermont.
L e 27 mai, on revient dans la maison du défuntr
a Clermont. Les héritiers présentent au notaire descarions, que l ’on examine avec un détail minutieux,
�pour se résumer à dire qu’ils ne renferment rien d’im
portant.
Toutefois, on fait déclarer au notaire que cent trois
pièces, consistant en traites, mémoires, bons au por
teur, ou autres objets, ont été acquittés, depuisl’ouverture de la succession, par les ayant-droit.
Précaution singulière, qui n’est propre qu’à inspirer
des soupçons ! ....... car pourquoi faire constater par le
notaire qu’on avait payé des dettes? Si le fait était
Vrai, la précaution était inutile. U n héritier qui paye
n ’a besoin que de s’assurer de la légitimité de la dette,
et de se faire donner quittance.
' N ’aurait-on pas eu l ’intention de faire reconnaître
en sa faveur des dettes qui auraient été payées par le
défunt?— Il serait très-possible que l ’on eût trouvé,
dans les papiers, des effets récemment acquittés 5 que
les créanciers eussent, pour constater l ’acquit, donné
de simples signatures en blanc, comme cela se pratique
assez fréqueminént dans le commerce, et que les héri
tiers eussent profité de la'circonstance pour faire dé
clarer par le notaire qu’ils avaient eux-mêmes compté
les valeurs.
Le notaire, fort complaisant, atteste un fait qu’il
ne connaît pas *, il n’a pas l’attention de déclarer à
quelles sommes se portent les dettes; il ne paraphe
point les pièces; en sorte qu’on peut présenter, ddiis
la suite, cent trois traites on bons au porteur quel
conques , et prétendre qu’on a libéré la succession
d autan t, à quelques sommes que cela puisse s’élever.
�( -4 )
Ce n’est point là un inventaire fait pour les créan
ciers et pour la justice; ce n’est qu’une pièce, de pré
caution en faveur des héritiers.
La dixième séance de l’inventaire a eu lieu le i er juin.
On y constate l’existence de quelques effets actifs ,
q u ’apparemment on n’avait pas jugé à propos d’in
ventorier les 19 et 20 avril, et on fait ensuite le dé
tail du passif de la succession. La copie du livre des
comptes courans sert encore de guide et de règle au
notaire, qui la transcrit littéralement dans son procèsr
verbal.
La continuation de l ’inventaire est renvoyée au 11
octobre, c’est-à-dire à quatre mois et demi. A celte
dernière époque, les héritiers affirment qu’ils n’ont
rien détourne de la succession, et que, depuis la
séance du i er juin, il n’est rien parvenu à leur con
naissance touchant l’actif...... Ils déclarent certaines
dettes passives.
Cet inventaire présente un volume considérable de
papiers et d’écritures , sans rien offrir d’utile, si ce
n’est le détail des effets du porte-feuille, ce qui serait
beaucoup cependant, si on avait agi en cela avec
scrupule et exactitude. . Quant à l’état des livres, le
travail du notaire ne signifie rien; et les cinquanteneuf heures qui ont été employées à des descriptions
inutiles, pour les trois quarts, auraient suffi, et audelà, pour arrêter et régler invariablement l’état des
livres du défunt.
Dans le cours de l’année 1809, les sieurs Lecoq ,
�( .5 )
Cellier et Albert avaient attaqué les sieurs Daubusson
comme héritiers^ purs et simples de leur frère. Le tri
bunal de commerce avait renvoyé les parties devant
les juges civils.
Au commencement de l ’année 1810, l'instance s’en
gagea au civil, et elle fut décidée en faveur des sieurs
Daubusson, par un jugement du 17 mars. La cause
avait reçu un assez grand développement; cependant
les livres de la banque ne furent pas produits, au
moins la question ni les motifs du jugement n’en font
nulle mention.
Il parait qu’on s’étaya uniquement des soustractions
ou omissions dans l’inventaire; elles furent si bien
détaillées, que les héritiers, profitant de l’avertisse
ment, essayèrent de réparer leurs fautes dans le compte
qu’ils rendirent ensuite.
Le 16 avril, Lecoq et Cellier se rendirent appelans
devant la Cour. Le sieur Albert interjeta lui-même
appel le 18 avril, et la cause fut placée sur le rôle au
mois de juillet.
Les sieurs Daubusson voulurent se débarrasser de
deux de leurs adversaires , et laisser le sieur Albert
dans l’isolement : la chose était facile; Lecoq et Cellier
ne plaidaient que pour être payés : ils furent satisfaits.
Les sieurs Daubusson disent que Cellier et Lecoq
ont été très-raisonnables; qu’ils ont pris des effets verreux, et qu il u’;i Unm q U’al, sieur Albert d’agir de la
même manière....... C et te proposition n ’est assurément
pas loyale ; des creancieis qui ont fourni leurs deniei’s
r
�pour alimenter une banque ne peuvent être réduits
à prendre des effets verretix; les héritiers, sur-tout
des héritiers comme les sieurs Daubusson, qui n ’ont
accepté que par honneur, rougiraient de l ’idée q u ’ils
vont se libérer de cette manière, en conservant ce
q u ’il y a de bon. Par Cette spéculation, les sieur9
Daubusson auraient plus de 200,000 fr. de profit ,
sans parler de ce qui a pu être omis dans l’inventaire,
et sans comprendre le domaine de Polagnat, qui vaut
plus de 100,000 francs, tandis que les créanciers qui
auraient compté leurs deniers n’auraient que la triste
perspective des insolvabilités.
Mais il leur est fort commode de dire que Cellier et
Lecoq ont pris pour leur compte des effets douteux :
ils n’en indiquent aucun. Ce ne serait pas sûrement
la rente acquise par Cellier, puisqu’elle était bien
hypothéquée; d’ailleurs, Cellier était créancier déplus
de 4000 francs : la rente n’a été vendue que 1700 fr.
Comment lui a-t-on payé le reste?....... Comment at-on payé à Lecoq 83 oo fr. ?
Cellier et Lecoq avaient commenté l’attaque; le
sieur Albert était seulement intervenu; ce n était pas
lui qui possédait les élémens de la défense, et on crut
qu’en désintéressant ceux qui connaissaient plus par
ticulièrement les circonstancesj on aurait moins à
craindre.
Q uant
au sieur Albert, on Fa d’abord appaisé par
des paiemens; il était créancier, au moment du décès,
d’une somme de 37,707 francs.
�;( *7 )
On lui avait transmis , dans le courant d ’avril ,
pour environ 8000 fr. d’effets, payables sur diverses
places : ils furent acquittés; et il <în résultait que la
créance était réduite à environ 3 o,ooo francs; mais
d’autres traites plus anciennes, et portées au débit du
sieur A lb e rt, ne furent pas acquittées ; elles étaient
de la même somme, ou à peu de chose près il devait
les répéter contre la succession, et de-là vint que la
créance remonta à son premier taux de 37,000 francs;
si bien qu’à l’époque du 12 mai 1809, le sieur Albert
n’avait réellement rien reçu.
Cet état de fluctuation ne tranquillisait point le
sieur Albert. La lettre du 5 m a i, qui lui annonçait
q u ’on ne paierait qu’un quart, n’était pas non plus
très-propre à le rassurer; et ce fut dans cette occurrence
qu’il intenta son action.
Dans les mois de ju in , octobre et novembre, les
héritiers payèrent pour lui ou lui donnèrent des effets
jusqu’à concurrence de 16,000 fr.
Au mois de juin 1810, les héritiers réglèrent un
compte de la créance. /
E t il est Trai que si ce règlement avait été exécuté,
le sieur Albert ne serait resté créancier ’ que de
144 francs , sauf là rectification d’une erreur de
46o fr . , commise à son préjudice. Il est vrai encore
que ce reliquat. de 2144 francs ne représentait que
1 intérêt des capitaux du sieur Albert : la-créance n’en
était pas moins légitime et moins .respectable.. Le sieur
Albert donnait des éens au défunt', ou lui ouvrait tljgs
3
�crédits; le défaut en retirait des bénéfices : la succes
sion en a profité, tandis que le sieur A lbert, de son
côté, payait les intérêts à ceux qui lui fournissaient
des fonds. Pourquoi cherche-t-on, dès-lors, à faire
une différence entre les capitaux et les intérêts?
Mais le règlement ne put avoir son effet. On avait
cédé au sieur Albert une créance de 18,000 francs sur
Altaroche : elle était exigible en 1 8 1 1; elle ne fut
point acquittée. Les héritiers en ont repris les titres,
et ont remis d’autres créances au sieur Albert, mais
pour des sommes moindres ; il a fallu , à cause de ces
retours, régler un nouveau compte le 3 i décembre
1 8 13. Le compte est dressé et signé par Louis Daubusson ; il constitue le sieur Albert créancier de
8811 f r . , produisant intérêt à cinq pour cent.
La créance du sieur Albert n’est donc pas composée
d’un modique capital de 2144 francs; il ne fallait
donc pas se donner tant de peine pour embrouiller
cette partie de la cause, et chercher à en tirer avan
tage, tout en reconnaissant que le fait était étranger
à la question que la Cour doit juger. Il ne fallait pas
sur-tout passer sous silence le compte qui émanait et
qui'était signé de Louis Daubusson, pour faire un
compte imaginaire, à la même époque du 3 i décembre
i 8 i 3 ; il était plus qu’inutile, encore d’afïecier , en
parlant d un redressement de ^62 fr.' , de présenter
cette somme comme provenant d’intérêts, tandis que
si on avait voulu voir ses propres livres, on aurait
reconnu que 3 oo francs avaient été touchés, par les
�( '9 )
héritiers, sur le capital de l’une des traites cédées au
sieur Albert.
Il était inutile encore de chercher a établir que le
sieur Albert aurait du garder à ses risques les effets
d ’Altaroche, parce q u’il les avait choisis dans le porte
feuille.
' j
Le sieur Albert n’a point c h o is i;-il aurait fait
d’ailleurs son choix dans un moment peu favorable :
en juin 1810, le porte-feuille était dépourvu de tout
ce qu’i l >y avait de bon; d’ailleurs, rles sieurs Daubusson conviennent qu’ils devaient rester garans de la
solvabilité. Eh bien! la garantie est ouverte au mo
ment de l ’échéance, et le sieür1 Albert n’etr'a pas
usé plutôt.
1
r 1,
E n fin, le sieur Daubusson est devenu adjudicataire
des biens d’Altaroche; il a dû recouvrer la créance;
et s’il est vrai qu’une partie du recouvrement dépende
de l’événement,d’un ordre, il ne dépend pas au moins
du sieur Albert d’en presser la clôture, ni de s’appro
prier la collocation qui pourra être faite eh faveiir dû
sieur Daubusson.
<
- ’
on Ces moyens de considération j; que les siëuis Dau
busson jettent au hasard, ne sont donc pas dernature
à faire la moindre impression, et il faut en revenir
aux véritables difficultés de la cause.
d A la fin de l’année 18 12 , les héritiers présentèrent
un compte de bénéfice d’ inventaire;' ils difeent qu’il a
etei homologue avec tous les créanciers présens, ou
dûment appelés; que les livres du défunt sont restés
�( 20 )
long-tems déposés au greffe du tribunal de Clermont,
Le sieur Albert ne connaît point le jugement d’ho
mologation ; il n’y a pas été partie, et ne pouvait y
figurer, puisque le procès actuel existait en la Cour,
et q u ’avant de discuter ou d’admettre un compte de
bénéfice d’inventaire, il faut nécessairement être réglé
sur la qualité, quand elle est contestée.
Ainsi le sieur Albert ne s’occupera pas de ce compte;
il croit pouvoir dire cependant, que le jugement d’ho
mologation , s’il existe, n’a pas acquis force de chose
jugée. Il peut en dire autant des jugemens rendus à
Clermont contre le sieur Salomon et le sieur Christal,
sur les demandes .qu’ils avaient intentées, et qui .ten
daient, comme celles des sieurs Lecoq, Cellier et
Albert, a la dechéance du bénéfice d’inventaire. Il
ignorçquel sort a eu une autre demande formée par
le sieur Paghon,
.
(
•>
Ce q u ’il y a de bien constant , c’est que le sieur
Albert n’a plus reçAi u n denier depuis le compte fde
18 1 3 ; il a attendu plusieurs années; et enfin, voyant
que les héritiers ne s’occupaient plus.de lu i, il a repris
la poursuite de sou appel de 1810 : peut-on d i r e que
cette demande,^oit indiscrète et importune?
1
■
La cause a été pla id ée , de la part du sieur A l b e r t ,
à l ’audience du jnercredi
■
18 18. Il
disait , eu preiîiiei .¡lieu , que les sieurs Daubusson
avaient} fait, $cte, d héritiers avant l’acceptation uu
greffe, et avant l inventaire. Il disait, en second lieu,
qu’ils n’avaient pas luit un inventaire complet «t
�( ■
■
" )'
fidèle, i a parce qu’ils avaient mis à l’écart les livres
du défunt, et en avaient substitué un de leur façon,
lequel ne pouvait suppléer à tous les autres*, 2° parce
qu’il y avait eu des soustractions d’effets. Il ajoutait
que les héritiers auraient même encouru la déchéance ,
en consentant, sans aucune formalité, vente de deux
contrats de rente.
Les sieurs Daubusson ne \produisaient , à cette
audience , que les deuÿ livres que le notaire avait
paraphés , savoir : un livre de caisse , et le livre de
copie des comptes courans ; mais k l’audience du ven
dredi f ils rapportèrent plusieurs autres livres. Ils
disaient que „ quoique ces livres n’eussent été cotés et
paraphés, ni pendant la v ie , ni après la mort de leur
frère, on ne pouvait douter de leur sincérité, d’autant
que presque tous renfermaient des écritures de la main
du défunt; que ces livres avaient été fidèlement copiés
ou résumés dans le livre de copie , et que lu concor
dance éloignait l’idée de toute espèce de soupçon de
fraude.
L ’audience du vendredi fut toute entière occupée
par le défenseur des sieurs Daubusson. Le sieur Albert
n’avait donc pu répondre à rien : la réplique lui était
réservée pour le lundi. De nouveaux élémens étant
produits, il émit assez naturel que le sieur Albert
désirât de les connaître : ce ne fut pas par un mou
vement spontané qu’il requit le dépôt des livres, niais
bien par suite de réflexions prudentes. 11 communiqua
ses désirs avant l’audience du lundi , et la Cour
*
�( 22 )
ordonna le dépôt pendant un mois. Ce ne fut pas
sans quelque résistance de la part des sieurs Daubusson,
qui prétendaient que les livres ayant été déposés à
Clermont lors de la présentation du compte de bénéfice
d’inventaire, ils. n’étaient pas tenus de les déposer de
nouveau. Us ne voulaient pas se rendre à cette idée,
que le sieur Albert n’ayant pu ni dù paraître au
compte , n’avait point profité du dépôt fait à cette
occasion. .
Le sieur Albert n’a rien promis, et la Cour ne l ’a
soumis à aucune condition : il eût été fort imprudent
de promettre un résultat quelconque, avant de con
naître les papiers dont on demandait communication.
11 serait plus difficile encore de penser que le ministère
public et la Cour elle-même, eussent été suffisamment
instruits, avant d’avoir entendu le sieur Albert dans
ses moyens sur l’état nouveau de la cause ; cependant,
d’après les sieurs Daubusson , les opinions étaient
fixées, et il n’y avait plus qu’à prononcer un bien
j ug^
Les livres sont restés en dépôt au greffe de la Cour
pendant un mois, après lequel les sieurs Daubusson
les ont retirés -, et si la cajise n’a pas été plaidée im
médiatement après, c’est par des circonstances parti
culières, étrangères aux cliens.
L ’inspection des livres produits a prouvé notamment
qu’on ne montrait pas le livre-journal. Une sommation
a été fuite, à ce sujet, aux sieurs Daubusson, qui n’y
�( =3 )
ont pas répondu. Leur réponse à des interpellations
postérieures n’a pas été plus satisfaisante.
r
MOYENS.
Le premier est tiré du défaut d’apposition de scellés.
Il est présenté dans les conclusions du sieur Albert :
il serait superflu de le détailler encore; mais il faut
répondre aux argumens proposés par les sieurs Dau
busson.
Il n’y a eu yni hardiesse ni témérité de la part du
sieur Albert,
présenter ce moyen, sur-tout d’après
la conséquence qu’il en tire. Car la conduite des
héritiers doit être, dans des causes de cette nature }
examinée sous tous ses points de vue.
Mais on s’étonne que ce soit le sieur A lbert, qui
se plaigne de ce qu’on a pris des précautions pour le
rassurer, pour l’emjiecher de requérir le scellé............
C ’est, dit-on, à la face des créanciers de C lerm ont,*
que les héritiers agissaient; quatre jours furent con
✓
sacrés à délibérer; il n’en fallait pas tant pour frapper
leur attention.... Le comptoir f u t occupé sans relâche
par les commis....... L ’acceptation fut faite en leur
présence au milieu d’eux ;fî>n jugement rendu publi
quement fut bientôt connu de tous; la procuration
donnée a Faurc, la circulaire, en un m ot, tout annon
çait nettement, la résolution.
Voila un singulier mélange de circonstances..........
D abord le sieur Albert pouvait ignorer ce qui se
�(
34
)
passait à C lerm on t, et s’il était vrai qu’un jugement
rendu sans contradiction, sans publicité, fut présumé
connu de toute une ville, on pourrait supposer au
moins que cette connaissance ne se serait pas si vite
propagée au loin.
Mais il s’agit bien moins de ce qui a eu lieu le 18 ,
que de ce qui .s’est passé antérieurement.
De pompeuses funérailles ont lieu le i 4 ; cela ne
pouvait annoncer ni aux habitant de la ville ni aux
étrangers, le danger d’une insolvabilité, l’idée de la
part des héritiers de répudier ou d’accepter sous
bénéfice d’inventaire.
Le comptoir constamment ouvert ne pouvait faire
présumer que les héritiers ctaient dans le doute, dans
1 incertitude, sur le parti qu’ils avaient à prendre;
on est censé avoir délibéré quand on agit; et on agit
réellement lorsque le comptoir d’un banquier est ouvert,
qu’on y paye , et qu’on y fait des négociations..........
Cette conduite seule était capable de faire croire ,
même aux créanciers de Clerm ont, que la succession
était déjà acceptée purement et simplement.
Quand on au rait, le 18 , donné toute la publicité
à 1 acceptation sous bénéfice d’inventaire, il y aurait
déjà sujet de soupçon p^TJr cela seul, qu’on se serait
donné toute espèce de latitude pendant cinq jours,
durant lesquels on aurait éloigné la surveillance.
Ce n est pas le 18, ni même le 19 , que la déter
mination a été rendue publique; la circulaire du 20
indique seulement qu’on liquidera les affaires sans
�0
5
)
\
continuer la banque, mais elle n’annonce pas la qua
lité bénéficiaire.
Mais au moins le sieur Albert a été averti, puisqu’il
est venu le 21 avril, au milieu du comptoir; il ne
s’est pas plaint, et n’a pas requis l’apposition du
scellé......
Le sieur Albert se souvient d’être entré dans le
comptoir; il n’a pas la mémoire assez heureuse pour
se rappeler, après dix ans, le quantième du mois;
il suppose néanmoins que ce soit réellement le 21 avril,
qu’il a fait cette courte apparition.
Il n’en résulterait pas la preuve qu’il était, dans
ce moment, sans inquiétude; il en résulterait bien
plutôt que sa visite aurait été plus prompte, s’il
n ’avait pas été averti trop tard;
Mais requérir le scellé à cette époque, eût été une
précaution inutile; huit jours s’étaient écoulés depuis
l’ouverture de la succession ; l ’inventaire des effets
actifs était déjà fait ou sur le point d’être terminé.
Le mal était opéré, si on avait la volonté d’en faire,
et le remède aurait été sans but.
Le sieur Albert n’a rien vu. Le caractère du sieur
Louis Daubusson n’est pas assez communicatif pour
laisser croire qu’il se soit livré au sieur Albert; il lui
a fait des promesses, et l ’a ainsi congédié; mais le
sieur Albert n ’a sans doute pas perdu, le droit d’exaininei , de critiquer ou d’apprécier ce qu’on ne lui a
pas lait connaître alors; il n’a pas approuvé ce qui
aurait été mal ou incompleltement l’ait.
4
�( 26 )
Les sieurs Daubusson ont-ils fa it acte d ’héritiers avant
leur déclaration au greffe, et avant l ’inventaire ?
Plusieurs faits sont présentés par le sieur Albert,
Le premier consiste dans la tenue et la continuation
des livres. Le fait est désavoué nettement; il faut donc
en établir les preuves.
/
Il est bon peut-être de séparer les époques, et de
distinguer ce qui a été fait depuis le décès jusqu’au
18 avril, de ce qui a été fait depuis le 18 avril jusqu’au
moment où l’état des livres a été constaté d’une ma
nière quelconque dans l’inventaire.
Le livre des copies de lettres a été continué, sans
interruption et sans séparation, par des lettres écrites;
k la date du i j avril....... Ce sont des lettres par les
quelles on renvoie k Borelly et k Colomb des effets
qu’ils avaient adressés au défunt, et qui étaient par
venus k Clermont le 16.
s Le sieur Albert avait dit que ces effets avaient du
être pris dans le porte-feuille. Les héritiers lui en font
le reproche, et lui apprennent que les effets n’arri
vèrent U Clermont que le 16 avril.
Ils ajoutent qu’on ne pouvait se dispenser de ren
voyer promptement ces objets, sans compromettre les
intérêts des correspondans, et que, considérée sous tous
scs rapports, l’opération ne peut présenter aucun ca
ractère de fraude.
Il ne s agit pas de savoir ici si 011 a commis une
�fo j
( 27 )
fraude, ou si on a agi avec sincérité et prudence. Les
fraudes ont pour résultat de faire décheoir du bénéfice
d ’inventaire, lorsque cette qualité a été prise en tems
opportun. Les aditions d’hérédité ont des conséquences
différentes ; elles rendent inhabile à profiter du béné
fice d’inventaire; en cela, les faits et les actes sont
absolument indépendans de toute espèce de fraude ,
de toute soustraction 5 ils peuvent être le résultat de
la démarche la plus franche ; cependant ils n’en pro
duisent pas moins l’effet d’annuller l ’acceptation sous
bénéfice d’inventaire, faite postérieurement.
Or, qu’a-t-on fait à l’égard de Borelly et de Co
lomb?...... On a ouvert les lettres qui étaient adressées
au défunt : il n’y a que l ’héritier qui puisse s’arroger
ce droit. Les lettres devaient rester closes jusqu’après
l ’acceptation, et jusqu’au moment de l ’inventaire. Si
on craignait de compromettre les intérêts ou de la suc
cession ou des correspondais, il fallait ou se déter
miner plutôt au parti du bénéfice d’inventaire, ou au
moins faire constater, par un officier public, l ’état
des papiers reçus, et le motif de leur renvoi. Il pou
vait se trouver , dans les paquets et dans les lettres
adressés au d éfu nt, des papiers faciles à distraire.
D ’un autre côté, l’héritier qui délibère né peut
impunément se permettre d’écrire sur les papiers et
les livres de la succession : ici on a écrit l ’opération
sur Son livre de lettres.
Le livre-journal l i présente, à la page
1;1 rc_
^ lation de douze opérations, datées des i 5 , iG et 17
�( =8 )
avril. Les héritiers ont crédité divers correspondant
jusqu’à concurrence de 1 5 , 3 gS f r . , en recevant d’eux
des traites sur diverses places. Il faut remarquer que
plusieurs de ces traites sont reçues par les héritiers,
avec mention d’un bénéfice d’un pour cent ou d’un
demi pour cent.
Ce sont des opérations tout-à-fait opposées à celles
qui ont eu lieu à l ’égard de Borelly et Colomb; là ,
on n’a pas voulu retenir des traites et en charger les
comptes du défunt, dans la crainte de demeurer ex
posé au reproche d’une adition d’hérédité; i c i , on
a agi dans un sens contraire.
On a donné, pour détruire l ’impression que pouvait
produire l ’opération de Borelly, divers prétextes qui
sont impuissans pour effacer le fait matériel d’adition
d’hérédité ; mais au moins ils ne sauraient être appli
qués aux opérations actuelles, sans tomber dans une
contradiction frappante; car le motif q a ’on donne pour
excuser le renvoi est exclusif de tout prétexte et de
toute raison pour légitimer une opération absolumen t
différente.
Plusieurs circonstances se réunissent d’ailleurs pour
eloigner toute idée de nécessité et d’urgence dans cette
opération.
i° Parmi les traites qui ont été acceptées le 15 avril
il en est deux qui étaient envoyées par des créanciers
de la succession; savoir, les sieurs Bertrand et Du —
doux. H aurait fallu agir a leur égard comme ou l’avait
fait à l ’égard de Borelly et Colomb, c’est-à-dire ren-
�fit
( 29 )
voyer les traites, et ne pas augmenter le passif de la
succession ;
,
2° Plusieurs des traites étaient çchues, même pro
testées; d’autres étaient k des échéance^ fort éloignées,
h la fin d’avril et au mois de mai....... . Il n ’y avait
donc aucun danger à les renvoyer; d’ailleurs, si les
héritiers voulaient obliger les correspondans, et ne pas
agir comme héritiers, ils pouvaient prendre les traites
pour leur compte personnel, et ne pas les mêler avec
les comptes et les affaires de la succession ;
3 ° Aucun inconvénient ne pouvait se présenter à
l ’égard du sieur Collangette, qui négocia, le 17 avril,
des traites sur Paris pour 2820 francs; le sieur Col
langette habitait Clermont. Si les héritiers avaient
refusé cette négociation, Collangette aurait sûrement
trouvé un autre banquier pour faire toucher ses fonds.
Les héritiers n’avaient aucun motif, aucun prétexte
pour accepter ces effets : ils entendaient donc agir
comme héritiers.
,
*
1
Le livre de caisse constate qu’on a reçu , chaque
jour, des sommes quelconques dues à la succession ;
et comme l’adition d’hérédité ne se détermine pas par
la plus ou moins grande importance desiactos ou des
opérations, i l fserait sans utilité de chercher à établir
ce que le sieur Albert a cru entendre à l’audience.do
la Cour. Il en avait gardé une note. Il y a eu cer
tainement erreur de part ou d’au ire; mais il 11e faut
pas qu’011 se prévale de ce que le sieur Albert n’en a
�(S o )
rien dit à l’audience même; il en aurait parlé, s’il
avait eu l ’occasion de répliquer.
En mettant ce fait à l ’écart, il demeure établi que,
depuis le décèsf qu’au 18 a v r il, il a été écrit, par
continuation, sur tous les livres du défunt; qu’on a
accepté des négociations pour le compte de la succes
sion, et avec profit^ qu’on a ouvert les lettres adressées
au défunt, disposé d’effets renfermés dans les lettres;
qu’enfin on a reçu des créances personnelles au défunt.
En faut-il davantage pour caractériser des aditions
d ’hérédité , et l’intention d’appréhender la suc
cession ?.........
Il
importe peu que tous ces faits aient été appris
au sieur Albert par l’inspection des livres qu’on lui
a communiqués. On accordera aux sieurs Daubusson,
puisqu’ils le désirent, qu’ils on t, en cela, agi avec
franchise; qu’ils n’ont pas voulu soustraire les sommes
et les objets qu’ils ont consignés dans les livres.
Mais les faits sont matériellement prouvés; et i l
serait ridicule de proposer que parce que la preuve
vient des héritiers eux-mêmes, la conséquence des faits
doit être écartée. Tous les jours on prouve des aditions
d’hérédité, par des actes authentiques, ou par des
actes SOUS s e i n g privé , et p e r s o n n e e n c o r e ne s’est avisé
de dire que l ’ hcritier doive en être relevé, par Cela
seul que sa conduite n’a pas été cachée et dissimulée.
Plus les faits sont ostensibles , plus ils prouvent
l ’intention
d’appréhender
la succession.
C ’est un
malheur pour l ’héritier, s’il s’est d’abord trompé; si,
�( 3 0
pendant qu’il pouvait délibérer, il a agi, mais lorsque
la qualité a été prise, elle est irrévocable, et l’accep
tation sous bénéfice d’inventaire ne peut pas être
admise.
Les sieurs Daubusson se défendent encore sous un
autre point de vue -, ils disent que tous les faits qu’on
leur oppose sont propres à F au re, rmi a continué les
opérations du défunt , comme il les faisait avant sa
m ort, c’est-à-dire comme son mandataire.
Mais il est certain que le mandat finit par la mort
du mandant. Faure ne pouvait ignorer la mort de
François Daubusson , et il n’a pu croire à la durée
prolongée d’une procuration inconnue , qui n’exista
peut-être jamais.
Les héritiers ont été saisis, de droit et de fa it, par la
mort de François Daubusson ; ils n’ont pas ignoré son
décès, puisqu’ils étaient sur les lieux, et qu’ils lui ont
rendu les derniers devoirs : dès cet instant ils ont su
que tout ce qui pouvait être fait reposait sur eux*'
Ils l’ont si peu ignoré, qu’ils nous disent eux-mêmes,
dans leur mémoire imprimé, que tandis qu’ils - déli
béraient , ils laissèrent tout entre les mains des commis,
leur recommandant de ne disposer de rien en faveur
de personne.
.
Les héritiers ont tout laissé entre les mains de Faure,
en lui faisuiit des recommandations. Ils l’ont, dès ce
moment, établi leur propre mandataire; et comme
^01} peut faire des: actes d’hérédité, non^seulement par
soi-mome7 mais encore par le ministère d’autrui, il
�lui-même. Le sieur Albert offre de prouver que tout
a été fait sous la direction et par les ordres de Louis
Daubusson, qui a constamment habité le comptoir,
18 avril, comme il l ’avait
Enfin, les héritiers se sont approprié les opérations
de Faure , puisque les livres ont été continués , par
eux, dans l ’état où ils étaient au 18 avril; puisque
plusieurs traites, entrées dans la banque dans l’inter
valle du i 3 au 18 , ont été prises par les héritiers, et
négociées par eux. Dès qu’ils ne veulent aujourd’hui
s’attribuer rien de ce qui a été fait avant leur accep
tation , pourquoi n’ont-ils pas été alors frappés du
danger dans lequel Faure les avait conduits, et pour
quoi n’ont-ils pas séparé leurs propres opérations, des
opérations du sieur Faure?
Tout est donc personnel aux héritiers ; et ils ne
pouvaient plus, le 18 avril, prendre une qualité à
laquelle ils avaient renoncé de tant de manières.
*
'
'
L
D ’autres'opérations ont eu lieu le 18 avril. Les
sieurs Daubitsson prétendent qu’elles ne peuvent point
être considérées comme imprimant la qualité d ’héritier, par deux raisons : la première, parce qu’à cette
époque ils avaient fa it!leur déclaration au greffe; la*
seconde , parce que Faure aurait outre-passé soir
�fi/
( 33 )
mandat, s’il eût fait quelque chose qui eût nui à
leur qualité bénéficiaire.
Le sieur Albert ne croit pas qu’il soit vrai que la
simple déclaration au greffe donne le droit à l’héritier
de disposer des effets de la succession. D ’après l’art. 794
du Code civil, la déclaration n’a d’effet qu’autant
qu’elle est précédée ou suivie d'uii^ inventaire fidèle
et exact. La déclaration n’a donc d ’autre but que
ce lu i de préparer à l ’inventaire et d’annoncer la cause
pour laquelle on va y procéder; mais tant que la conr
dition n’est pas accomplie, l’héritier qui dispose d’effets
de la succession, détruit lui-même l ’effet de sa décla
ration. Il ne faut pas, pour renoncer a l’effet de cette
déclaration, qui n’est encore qu’une chose de forme,
un consentement écrit et authentique. Cette rénon*ciation peut s’opérer comme toutes les aditions d’hé
rédité , expressément ou tacitement. S’ il en était
autrement, la condition de faire l ’inventaire serait
illusoire-, l’héritier a plusieurs mois pour y pourvoir,
et il pourrait, pendant ce d élai, faire disparaître tous
les titres et le mobilier.
Cette idée répugne à la raison. L ’héritier 11e doit
mettre la main sur la succession, au moins pour en
disposer, qu’après avoir assuré les droits des tiers, et
ils ne peuvent l'être que par l ’inventaire; jusqu’à ce
que cette assurance est donnée, la qualité bénéficiaire
n’existe pas aux yeux de la loi.
Ainsi, toutes les dispositions faites avant l ’inven
taire, peuvent et doivent entraîner avec elles l ’aditioa
5
�( 34 )
d’hérédité, car il faut qu’elles soient assujéties à une v
peine.
L ’autre objection des sieurs Daubusson est bien plus
singulière5 ils veulent, mettant toujours en avant le
commis Faure, que celui-ci n’ait pu les engager au-delà
des termes de leur mandat. Ce n’est là qu’une con
fusion de principe. Il est bien vrai que si les créanciers
excipaient d’une convention faite avec Faure, que les
créanciers eussent lu et dù lire, pour cette convention,
la procuration donnée par les héritiers, l’engagement
de Faure ne serait point valable, s’il excédait les
termes du mandat. Mais le sieur Albert n ’a point
traité avec Faure, et si dans ses opérations, qui ne
sont pas des traités, Faure a compromis ses mandans,
il leur doit des dommages-intérêts ; c’est à quoi peut
se réduire l ’objection des sieurs Daubusson. On peut
donc regarder comme certain que la qualité d’héritier
pur et simple a pu être prise tacitement le 18 avril,
comme elle pouvait l ’être ayant la déclaration au
greffe....... Voyons ce qui a été fait......
Diverses traites ont été négociées, savoir : à Boniils et
Blanc, de Clevmont, pour la somme de i o , 5 oo francs,
payables a Bordeaux, les 2 5 avril, 3 o juin et i " juillet;
à Sébau t, de Paris, pour
francs, payables les
20, 23, 27, 3 o avril et 10 mai; à Rédieux, pour la
somme de io5o francs, payables au 3o avril (1).
(1) C ’est par une erreur typographique que cet envoi avait clé d’aLord
fixé ¿1 la date du 17 avril. A la page 5 des conclusions, l ’envoi a été
indiqué à sa véritable date.
�w
( 35 ),
L ’envoi n’était pas si urgent qu’on fût dispensé
d’attendre l’opération de l’inventaire. Plusieurs des
effets étaient h des échéances longues.
D ’ailleurs, si on ne voulait pas faire acte d’héritier,
on avait deux moyens : celui de procéder à Tinven
taire plutôt ; celui enfin de faire constater l’extraction
des effets, conformément à l ’article 796 du Code civil,
et à l’article 4<->3 du Code de commerce.
Les sieurs Daubusson ne nient pas positivement
l ’omission de ces effets dans l’inventaire, mais ils disent
(p. 21), qu’ils sont portés à Vinventaire, au chapitre
des comptes courans.
Cela demande une explication.
Les effets paraissent avoir été portés aux comptes
courans, c’est-à-dire, que la chose e§t possible, si on
en juge par la comparaison des sommes; mais ils ne
sont pas détaillés dans l'inventaire, qui ne présente
que le résultat des comptes courans.
En supposant que les sieurs Daubusson fussent ad
missibles à se dire et porter héritiers bénéficiaires}
ont-ils rempli les conditions que la loi leur imposait?
L eu r inventaire est-il complet et fid è le ?
Ce n’est point par double emploi, ce n’est point
par envie de confondre et de répéter sans motifs, que
le sieur Albert a reproduit, dans celle question,
quelques-uns des faits rappelés dans la question pré
cédente; on l’a déjà dit : le même fait peut avoir deux.
�( 36 )
conséquences ; cela est vrai, sur-tout dans la cause
actuelle. Tel fait peut ne pas constituer une adition
d’hérédité, ne pas exclure du droit d’accepter sous
bénéfice d'inventaire, tandis qu’il peut être propre à
opérer la déchéance.
Il était encore nécessaire de distinguer plusieurs
genres d’omissions, puisqu’il est vrai qu’elles sont
plus ou moins absolues. Certains des effets omis dans
le procès-verbal d’inventaire, sont, dit-on, entrés dans
les comptes courans, d’autres, dans le compte du
bénéfice d’inventaire seulement , et d’autres ne pa
raissent figurer nulle part.
Le sieur Albert persistera donc dans cette méthode,
sauf à abréger, le plus possible, les détails.
L ’inventaire ne comprend poin t, i 0 les effets envoyés
le jour de l’acceptation5 beaucoup d’autres effets en
voyés le 20 et les jours postérieurs, n ’y sont pas non
plus mentionnés. •
A cet égard, les sieurs Daubusson objectent, i° que
ces opérations ne sont point dissimulées, puisqu’elles
ont été faites ostensiblement pendant l’inventaire ;
qu’elles ont été portées sur tous les livres, e t, par
suite, dans l ’inventaire, qui rappelle le compte cou
rant de chacun de ceux à qui les effets avaient été
envoyés 5 20 qu’une partie de ces effets a été envoyée
au sieur Albert lui-meïne, et qu on 11e peut être accusé
d’avoir voulu soustraire, lorsque l’envoi a été fait à
-la personne jnèûie à laquelle la soustraction aurait dû
iiuiïe.
a»
1
�( 37 )
Avec de pareils moyens, on parviendrait à boule-.,
verser toutes les règles.
Il faudrait d’abord pouvoir se persuader qu’il est
égal qu’un officier public procède à l ’inventaire*, qu’il
constate l’existence des effets actifs, leur nature et leur
objet; ou que les héritiers puissent le constater euxmêmes sur des livres non authentiques, sur des livres
qui peuvent être changés.
Mais alors il n’était pas nécessaire d’ordonner la
confection d'un inventaire ^ et de l’exiger d’une ma
nière absolue; il suffisait d’autoriser l ’héritier à faire
un état de la succession. Cette latitude ne lui a été
et ne pouvait lui être accordée. Le notaire doit voir
lui-méme les titres, pour éviter qu’ils soient dénaturés.
La circonstance de l ’envoi de quelques-uns des
effets au sieur Albert n’est pas considérable ; on pour
rait avoir été exact à son égard, et avoir été infidèle à
l ’égard de beaucoup d’autres, ce qui retomberait sur
la masse de la succession, et sur le sieur Albert comme
sur tous les autres créanciers.
Le sieur Albert n’a point su, dans l ’origine, si les
effets q u ’on lui a envoyés étaient ou n’étaient pas dans
l ’inventaire; on lui a en a payé les valeurs, et il ne
s’est point occupé du soin de'garder note de ces effets,
pour vérifier, plusieurs années après., s’il en résulterait
tin fait de soustraction. A insi, quoiqu’on lui eût mis
les effets dans les mains, il n’était pas impossible de
les soustraiie a la masse de la succession.
L ’inventaire ne comprend pas, deuxièmement, divers
�( 38 )
effets qui se trouvaient mentionnés clans le livre des
traites et remises......... On ne les voit pas figurer non
plus dans les comptes courans; en sorte que les héri
tiers ne peuvent donner à cette omission le même pré
texte qu’ils donnent à l’omission indiquée au premier
article. Voilà une preuve de la nécessité de distinguer
les espèces ou les genres d’omissions.
Trois traites ont été remises à Olier le 19 avril ;
l ’une, de la somme de £>200 fr.j l ’autre, de la somme
de i 5 oo fr. ; et la troisième, de 2400 fr. Cette remise
est constatée par le livre des traites et remises, sous les
numéros 4624, 5261 et 5344 Olier était en compte courant avec le défunt ; il
était son débiteur, suivant l ’état du compte au moment
du décès.
✓
Les traites qu’on a remises à Olier appartenaient au
défunt ; il fallait, dès qu’on croyait pouvoir se dispenser
de mentionner ces effets dans l’inventaire, les porter
en augmentation de la dette d’Olier, sur le compte
courant : on n’en a rien fait; on ne les a même pas
portés au livre-journal B .
A la vérité, les héritiers ont fait avec Olier d’autres
opérations depuis la mort de François Daubusson, et
ils l’ont constitué créancier de 947 1 francs, à la date
du i er juin 1809; mais, soit qu’on examine le livre
original des comptes courans, soit qu’on examine la
copic_derssée par les héritiers, on ne peut trouver au
cune mention des trois traites qui ont fait l ’objet de
la négociation du 19 avril.
�( 3g )
Il est possible, il est probable même que les héritiers
chercheront à expliquer cette opération ; mais si ce n’est
que par (les conjectures, il sera difficile de détruire le
fait d’omission ; il sera impossible de faire croire à un
oubli, la négociation ayant été faite le jour même où
l ’on commençait l’inventaire du porte-feuille.
Une autre omission est établie par le même livre des
traites et remises. Le n° 4383 indique un effet de
Bonnet et Labarthe sur Cherpal, à Paris, de la somme
de 3 ooo francs, payable le i 6r juin. Cet effet est entré
le 19 janvier 1809, et sa sortie n’est point mention
née....... Il était doîni:£fr^c)rte-feiiille au mois d’avril.
L ’inventaire n’en fait aucune mention.
Que deviendra donc cette réflexion, que les sieurs
Daubusson ne peuvent retenir, et qui est produite par
le sentiment de leur bonne foi, par la certitude q u ’ils
n ’ont rien omis, que tout est mentionné dans les livres,
que tout a été remis aux créanciers dans le mois de
l ’ouverture de la succession , au sieur Albert luimême ?
Les négociations faites à Olier ne sont point consignées
dans les livres. L ’existence de la traite de 3 ooo francs
n’y figure pas non plus; elles figurent bien dans le
livre des traites et remises, mais qu’importe?............
Elles 11 augmentent pas l ’actif de la succession;
elles
ne sont pas consignées dans rinvcnLaire, en sorte que,
si, au lieu de contester la qualité d ’héritier,
Albert
s était
borné
à
le sieur
examiner l ’inventaire
et
le
�( 4o )
compte du bénéfice d’inventaire, il n’aurait pas connu
ces omissions.
- On ne peut pas dire au sieur Albert qu’il aurait ,
en examinant le compte, trouvé les traces de ces omis
sions dans le livre des traites.
D ’ab o rd , les héritiers ne peuvent renvoyer les
créanciers à l’examen de livres non inventoriés.
D ’ailleurs, le sieur Albert y aurait d’autant moins
songé, que l ’inventaire relate des effets portés dans le
même livre.
Comment aurait-on pu imaginer que les héritiers
eussent fait des choix , des
et q u ’ils eussent
fait inventaire de cei’tains effets, tandis qu’ils en auraient
négligé d’autres, constatés par le même livre, égale
ment existans dans le porte-feuille?
Au surplus, il est des faits qu’il ne faut jamais
juger par leur résultat. En matière de bénéfice d’inven
taire il n’y a qu’une seule pièce à considérer, c’est
l ’inventaire lui-même; les moyens pris antérieurement,
quand ils auraient été ménagés depuis l’origine, ne
peuvent changer la situation de l’héritier.
Le sieur Albert ne sait pas pourquoi on a d it, à la
page 26 du mémoire des sieurs Daubusson , qu’il avait
été malheureux dans toutes ses découvertes, et que
l’efFet q u ’il indiquait comme entré le i5 février, et
sorti le iG m ai, était precisement compris à la cotte
10G de l ’inventaire.
Si on avait lu avec attention les conclusions (p. 10),
On se serait convaincu que le sieur Albert voulait seule
�ment faire' cojjftprendTq comment il é ta it,possible de
vérifier qu’unr effet sorti après le décèsj était entré,
pendant la vie. Il ne prenait pas. pour. exemple l’effet
de 63 a francs , afin de prouver-une omission positive;
il n’indiquait même pas cet effet, ni par son objet,
ni par son numéro.
5
Il serait possible, dans, une affaire où il faut vérifiertant, de livres, de commettre quelques erreurs sans
mériter beaucoup de blâme; mais, au moins, il ne
faut pas blâmer sans motif.
L ’omission de l ’effet Lassale, dans l ’inventaire, a des
caractères différens de toutes les autres.. La créance n’est
mentionnée dans aticinirij\*e; elle est seulement portée
dans le compte du bénéfice d’ inventaire.
Si les héritiers établissaient que l ’effet était ou
perdu ou adiré à l’époque de l’inventaire, ils pourraient
légitimer l?omission, au- moins jusqu’au moment où
l ’effet a été retrouvé.
Mais , sans examiner s’il est croyable qu’un banquier
place des effets ailleurs que d^p? soft j»orter feu ille,
au moins' est-il certain que cet, effet ayait reparu au
moment de son échéance , pw..ifqu’il a été protesté Lç
lendemain, rôt aoûfc
efc q u Jil a.éty* acquitté le
ü3 du même mois;: et il fflut qonvqnir cjme le hasar4
a bien servi, les sieurs Daubusiso^'j, puisque cet effet
perdu, a été retrouvé, à point nommé pour le jour du
protêt.
Pourquoi ne l ’a-i-oni pas pppté,, ou,sa valeur, daus
L’inventaire., à. la séance postérieure^....,
6
�' ( 4* )
De ce qu’on ne l ’a pas mentionné, faut-il, comme
on le prétend, en tirer la conséquence de la bonne foi
des héritiers, qui ont porté d’autres créances que
personne ne connaissait j ni ne pouvait connaître ?
Ce n’est pas à la séance du 11 octobre, qu’ils ont
porté d’autres effets actifs ; ils ne se sont occupés que
du passif : c’était bien plus intéressant pour eux. Ils
en ont porté ailleurs, qui n ’étaient pas enregistrés dans
les livres produits, mais qui devaient l ’être quelque
part. Nous ne tarderons pas à convaincre la Cour que
ces enregistremens devaient être précisément dans le
livre-journal, qui ne paraît pas.
Mais serait-il bien vrai que l ’omission de l ’effet Lassale
ait été faite de bonne foi et par oubli?
C ’est au hasrrd que les créanciers doivent la décou
verte de cette omission ; c’est à cette découverte ,
indiquée à l ’audience du 17 mars 1810, qu’est due la
réminiscence des héritiersLe protêt n’était point un acte public qui pût rem
placer la mention dans l ’inventaire , et même faire
connaître aux parties intéressées l ’existence du billet.
Tout le monde sait quel genre de publicité produit
un protêt datis «ne ville de commerce.
Ce que les héritiers appellent registre de recette a
pu en être charge en 18 1 2 , a l ’époque du compte
rendu, après que la soustraction a été découverte. Ce
registre , improprement nommé,
n’est autre chose
q u ’un compte tenu par lçs héritiers eux-mêmes , et
�( 43),
dans lequel il leur appartient de faire toutes les trans
positions qui leur conviennent. v
Ce n’est point une pièce authentique et publique :
ce n’est donc pas dans ce com pte, que les omissions
déjà révélées peuvent être réparées.
Il est constant, en d ro it, que l ’héritier qui découvre
de nouveaux effets, après l’inventaire, doit les y faire
porter par addition, avec les mêmes formes et solen
nités qui ont été ou dû être employées à l’inventaire ;
encore faut-il qu’on ne puisse pas présumer que la
découverte de ces effets a précédé de long-tems l ’addition
à l’inventaire. Il aurait été trop tard , peut-être, de
comprendre l’effet Lassale à la séance du 11 octobre ;
mais enfin il aurait fallu l ’y porter, pour avoir un
prétexte, une excuse à donner.
Il importe peu que la même, somme ait été payée
à Besseyre : tout cela ne répare point l ’omission.
D ’ailleurs Besseyre, en négociant cet effet, en avait
reçu la valeur en espèces ou en billets. Il avait d’autres
affaires avec le défunt; on lui a payé tout ou partie de
sa créance-, et à mesure des paiemens , il a rendu ses
litres. Les sieurs Daubusson ont bien pu se créer une
petite ressource, en écrivant dans leur compte q u ’ils
ont payé 3 ooo fr. à Besseyre, le jour même où l ’effet
de Lassale a été acquitté; mais ils seraient fort embar
rasses , si on leur demandait une quittance du même
joui et de la meme somme, signée de Besseyre.
Si pourtant cette quittance n’existait pas ; si la
mention du paiement de 3 ooo f r . , faite dans le compte
�( 44 :)
rendu en 1812 > était en contradiction avec les écrits
de Besseyre, il faudrait 'convenir que le moyen serait
fort mal imagine.
La Cour ne s'arrêtera pas’sans doute à cette idée ,
que Besseyre ne pourrait pas se prévaloir de la sous
traction , 'ét q u e les autres 'créanciers peuvent encore
bien moins‘en exciper.
Les faits de soustraction’,' et les moyens qui en
résultent-, appartiennent à tous les créanciers en
général ; ils produisent pour tous le même éifèt, qui a
consisté à diminuer la masSè.de la succession : la loi y
attache une peine , et n’interdit a personne le droit
d’en demander l ’application.
Bes^eyte pouvait rêt're trompé comme les autres
créanciers , si la soustraction 'n’avait pas été décou
verte. Il avait plus dé ressources pour s’apercevoir de
'cette fraude; 'mais il pouvait ne pas la remarquer ,
d ’ a u t a n t qu ’il était possible !qüe l’efFet'eiit été acquitté
avant son échéance, 'ou ^ u ’il ëut ete 'négocié et porté
dans d’autres 'comptes.
D ’ailleurs-, il faudrait aller jusqu’à-prétendre qu’il
n’y a pas de soustraction, là où il existe Une possibilité
quelconque de là découvrir et de la protrv’ér : rce serait
•une fin dè non^rëcevoir contraire à ttxtites -les idées
•
»
1
"reçues.
Enfin', ’il résulterait -dû système*dés rieurs Daubusson que l^hérîtiër'béhéficiaife pdüi*hiit impunément
■'soü9traire. tous 'lés ëffét's actifs-, dont l’un 'on l’autre
^ é s1créanciers aurait une connaissance quelconque : il
�n ’aurait qu’à désintéresser ces créanciers, et'opposer à
tous les autres qu’ils sont non-recevables a provoquer
la déchéance.
Le sieur Albert ne dira qu’un mot sur le quatrième
article d’omission , relatif aux sommes reçues par les
.héritiers, pour les créances non comprises dans l’in
ventaire.
Au lieu de 100,000 fr. , les héritiers se réduisent
à 10,000. On en trouverait bien davantage, si 011
.coûiparait le compte avec l’inventaire; mais la quotité
de la-somme ne change rien à la question.
Le rapport des sommes a la masse de la succession,
n’est pas en lui-même un fait de soustraction, mais il le
suppose nécessairement ; car toutes les créances d’un
banquier sont constatées, ou par son porte-feuille, ou
par ses livres. On a tout connu au moment de l’inven
taire. Si on n’a yas tout constaté, c’est parce qu’on ne
l ’a pas voulu; et si on a ensuite porté, dans le compte.,
des objets non portés dans l’inventaire , ce n’est que
parce qu’on a craint d’être pris ,en d éfaut, par l ’un
ou par l’autre des créanciers.
Les sieurs Daubusson devaient, pour détruire cette
présomption., se ¿mettre en peine d’établir comment
ils ont découvert l’existence des créances qui, font
l’objet du présent article.
Relativement .h. l?argenterie , qui forme un autre
objet de soustraction , les sieurs Daubusson donnent
une réponse peu satisfaisante.
Le 22 avril 18 12 , ils ont mentionne sur leur
�V i
( 4 0 ')
compte de bénéfice d’inventaire, qu’ils avaient reçu
de JDupic 1 1 43 fr a n c s, pour capital et intérêts d ’une
somme de 900 f r . , qui lu i avait été prêtée le 2 no
vembre 1808, et pour garantie de laquelle il avait
d o n n é de l ’argenterie en dépôt.
Le sieur Albert leur dit que la mention positive du
prêt et de sa date, suppose l’existence d’un b ille t, au
moins d’une note quelconque sur les livres du défunt.
Pourquoi l ’inventaire est-il muet sur cette opéra
tion ?... En supposant que l ’argenterie ait été soustraite
par une tierce personne, qui a bien voulu la rendre
ensuite , le billet ou le livre qui mentionnaient le
prêt n’ avaient pas été soustraits eux-m êm es, et ils
devaient figurer dans l ’inventaire.
La réponse des sieurs Daubusson, au sujet de l ’état
de la caisse, est seulement évasive. Le sieur Albert leur
a dit qu’il était étonnant que la banque fût dépourvue
de numéraire; mais sachant bien que cette observation
n’était peint suffisante pour conduire à une déchéance,
il a ajouté que les héritiers n’auraient pas dû se per
mettre de toucher à la caisse et au livre de caisse ;
qu’ils n’auraient pas dû attendre six semaines pour
faire constater leur état, et que si tout avait étc fait
en tems et d ’une manière convenables, il n’y aurait
eu aucun sujet de soupçon; mais que le soupçon était
quelque chose, lorsque l’ héritier n’avait pas satisfait
aux conditions de la loi.
On répond k cela, i° que le défunt ne retenait pas
habituellement ses fouds en caisse; que lorsqu’il en
�t*y
( 47 )
avait une certaine quantité, il les déposait à la caisse
du receveur général, ou chez d’autres banquiers, qui
étaient prêts à lui en fournir au besoin ; 2° que plu
sieurs créanciers avaient retiré leurs fonds le 10 avril
et les trois jours suivans.
La première idée n’est exacte sous aucun rapport ;
le défunt n’était en compte courant ni avec le receveur
général, ni avec aucun banquier de Clermont : ainsi
on ne saurait supposer des versemens habituels et fréquens; et s’il était vrai qu’il entrât dans les spécula
tions des banquiers de dépouiller leurs caisses, François'
Daubusson n’aurait pu compter sur la caisse de ses
confrères \ qui auraient probablement dû spéculer
comme lui.
L a seconde observation souffre une assez grande mo
dification; car si les créanciers ont retiré des fonds le
10 avril, il en est entré dans la caisse le même jour;
et dans les trois jours suivans, il en est entré pour
8700 francs, tandis qu’il n’en est sorti que jusqu’à
concurrence de 8455 fr.
Les sieurs Daubusstfïi, qui savent si bien lire dans
leurs livres , devraient, dans les moyens de considé
ration qu’ils en tire n t, ne pas se borner à donner le
résultat d’une page, en omettant ce qui, dans la page
voisine, opère la balance.
Ces moyens ne détruisent pas, d’ailleurs, le reproche
que fait le sieur Albert , qu’il puise dans Ja circons
tance qu on a négligé de faire constater l ’état de la
->
�C'48 )
caisse, et qu’on en a changé ou pu changer la situation
avant l ’inventaire.
L e sieur Albert présente , comme un moyen de
déchéance, la négligence, l ’oubli de faire constater
l ’état des livres.
On lui répond que tous les livres ont été présentés
au notaire; que s’il y avait faute, ce serait le notaire
lui-mème qu’il faudrait accuser de soustraction.
Ces observations ne paraissaient pas sérieuses d’abord ;
on y persiste cependant : il faut donc y répondre.
E n fait, le procès-verbal ne constate et ne laisse
même pas supposer que les livres du défunt aient été
présentés au notaire ; on ne lui a présenté que le livre
de caisse et la copie des comptes coura,ns ; il les a pa
raphés; et il aurait été assez docile pour parapher tous
les autres, si on lui en avait donné connaissance.
En d roit, il • t certain que les fautes commises dans
lin inventaire sont imputables à l’héritier; s’il en était
autrement, il n’y aurait jamais lieu à déchéance, même
quand on aurait omis la totalité des effets actifs; il
suffirait à l’ héritier de dire qu’il les a présentés au
notaire, qui n’a pas jugé à propos d’en faire inventaire.
Cependant, et même quand'o n pourrait aller jusquelà , il faudrait bien que le refus du notaire fût cons
taté : il ne l’est ici d’aucune manière.
Non seulem ent les, sieurs Daubussou, qui se disent
très-ignorans. en matière dç bénéfice d’inventaire,,
Yfiulent. rejeter leurs fautes sur autrui, mais encore ils.
�Çïl
( 49 )
veulent reprocher aux créanciers un défaut de vigilance;
ils pouvaient venir, disent-ils, à l ’inventaire, et re- ’
quérir que l’état des livres fût constaté. Le sieur Albert
y est venu le 21 avril, et il a eu, plus qu’aucun autre,
l ’occasion de surveiller ses droits; il pouvait même
laisser un procureur fondé.
S’il était vrai que tous les créanciers indistinctement
eussent le droit de faire des réquisitions, ce ne serait
qu’une faculté dont la négligence ne pourrait jamais
leur être imputée; mais ce droit ne leur est pas accordé
d’une manière absolue.
L ’article 941 du Code de procédure, ne donne le
droit de requérir l’inventaire qu’à ceux qui ont droit
de requérir la levée du scellé. D ’après l ’article 9 3 o ,
le droit de faire lever le scellé n’est accordé q u ’à ceux
qui ont le droit de le faire apposer; et ce droit est
restreint, par l ’article 909, aux créanciers fondés en
titre exécutoire , ou autorisés par une permission
expresse du juge. Le sieur Albert n ’était dans aucun
de ces cas : il ne pouvait donc faire aucune réquisition.
Cette réponse, tirée de la loi même, est suffisante
pour faire comprendre la futilité du moyen des sieurs
Daubusson. La loi met toutes les conditions à la charge
et sous la responsabilité de l ’héritier. Puisqu’elle lui
accorde une faveur personnelle, c’est à l u i, et à lui
seul qu il appartient de remplir les conditions, sans
lesquelles cette faveur cesse d’exsiter.
Les créanciers n’ont donc rien à requérir; mais ils
7
�ont incontestablement le droit de se plaindre de tout
ce qui reste, sans réquisition ou sans exécution.
D ’ailleurs, le sieur A lb e rt, dans une courte appa
rition qu’il fit à Clerm ont, n’a pu voir ce qu’on avait
fait, encore moins ce qu’on voulait faire; il n’adhéra
à rien. On ne s’occupait guère de lu i, puisque sa
présence n’est pas mentionnée dans le procès-verbal.
E t dès qu’on veut qu’il ait été accompagné d’un
conseil prudent et éclairé, ce n’est qu’un plus grand
m otif de croire que le sieur Albert s’est abstenu de
parler, sachant bien que si l ’inventaire était fautif, il
pourrait toujours s’en prévaloir.
Passons donc au véritable m oyen, d’après lequel la
question doit être jugée,
La loi veut (art. 94 ^ du Code de procédure, n° 6 ),
que s’il y a des livres et registres de commerce, l'état en
soit constaté ; que les feuillets en soient pareillement
cottés et paraphés, s’ils ne le sont , et s’il y a des
blancs dans les pages écrites, qu’ils soiént bàtonnés.
La loi a eu trois buts diflerens dans cette disposition:
i° d’éviter, au moyen du paraphe, la substitution soit
d’un livre entier, soit de quelques feuillets seulement.
C ’est déjà une précaution importante. Car il n’est pas
impossible d'opérer de tels changemens ;
2° De faire constater invariablement le nombre et
ta qualité de livres, afin qu’à chaque instant l’héritier
puisse être requis et tenu de les représenter; et si cette
condition n est pas remplie, les créanciers n’ont aucun
.moyen de s’éclairer; l’héritier peut impunément leur
�TP%
4
cacher l’un ou plusieurs des liyréS les .plus hripoitàns ;
3 ° D ’éviter, eu faisant bâtonuer les blancs, toute
espèce de mention frauduleuse, comme des antidates,
sur des opérations q u i, quoique du fait dôs héritiers»
seraient présentées comme faites par le défunt.
Le législateur a crain t, est dû craindre tous ces
abus; il reste à savoir si, par des considérations et par
des raisonnemens, on peut parvenir k se soustraire aux
conditions généralement et absolument imposées.
C ’est précisément à l ’égard des commerçan9, que le
n° 6 de l’article 943 dispose. Tout a été prévu et
calculé. Le conseil d’état a été touché même de la
situation des enfans qui voudraient continuer le com
merce de leur père; la faveur qu’ils devaient inspirerî
n’a pu produire ni changement ni exception; on a
seulement dit qu’il ne s’agissait pas de bàtonner les
feuillets sur lesquels il n’avait pas été écrit qu’on
s’arrêterait au dernier article du registre, et q u ’on ne
remplirait que les intervalles qui se rencontrei^aient
jusques-là.
;'
Il faut donc que les intervalles soient remplis; c’est
une condition devenue absolue ; il n’est permis h
personne de la méconnaître et de la mépriser^ elle
tient trop à l ’intérêt public : .en l’ éludant par ¡des
prétextes, on détruirait tous les fôndemens de la con
fiance qui règrui et qui doit régner dans le commerce.
; Le crédit, la! confiance, qu’on accorderait person
nellement a un banquier, à un négociant, seraient sans
cesse accompagnés de l’inquiétude d’une mort impré-
�^
( 5a )
tu e , et de l’idéé que des héritiers peuvent présenter,
comme insolvable, la succession la plus opulente.
L ’héritier ne peut donc pas raisonner avec les prin
cipes*, il doit s’y soumettre sans en examiner autrement
les motifs.
Il serait inutile, dès-lors, d’examiner avec détail,
si d’après les livres communiqués par les sieurs Daubusson, il est absolument impossible de prouver des
fraudes, des soustractions : il suffit d’établir que les
héritiers ont manqué h une condition essentielle, et à
l ’inaccomplissement de laquelle la loi attache une
présomption légale de fraude.
‘
Toutefois, le sieur Albert a démontré, dans ses con
clusions imprimées, qu’il y avait possibilité de com
mettre des fraudes; il sera peut-être aisé de rendre
les preuves plus sensibles encore, lors de la plaidoirie,
et avec le secours des livres.
Les sieurs Daubusson ont mis quelque complaisance
à s’occuper du plan d’attaque du sieur A lbert, et à
lui donner un certain ridicule; par exemple ils disentr
que depuis la page 20 jusqu’à la page 2 8 , le sieur
Albert a discuté sur les livres, et que, sans savoir
pourquoi, il a repris cette discussion depuis la page
28 jusqu’à la page 34.
S i, avant de critiquer, on avait voulu se pénétrer
du but de ces discussions, on aurait pu comprendre
leur différence. Le sieur Albert a voulu établir, i° la
possibilité de soustraire; et pour cela, il a fait connaître
la forme des différons livres produits ;
20
l’inutilité et
�l ’insuffisance dû'livre des copies de comptes courans;
et pour cela il a dit que ce livre n’était'point conforme
à son original ; 3 ° que tous les livres courans delà banque
de François Daubusson n’étaient pas rapportés; et pour
cela il a fait comprendre que l’ensemble des opérations
exigeait la tenue d’un livre général, qui ne parait pas.
Ce n’est donc pas sans m otifs, que le sieur Albert a
divisé ses moyens; ce n’est pas sans motifs non plus
que les sieurs Daubusson cherchent à les confondre et
à prouver en même tems que tous les livres produits
ont un rapport, une corrélation si intimes, qu’il serait
impossible de commettre la moindre fraude sans qu’elle
fût h l’instant dévoilée.
Une première observation des intimés consiste à dire
que l’exactitude des comptes courans peut être vérifiée,
parce que les correspondans sont connus; q u ’ils sont
porteurs de la copie de leur compte et des lettres
d’envoi. ;
^Ce serait renvoyer les créanciei’s , qui suspectent
l ’inventaire, à des démarches dont la loi a voulu les
dispenser, à des démarches probablement impuissantes,
puisqu’il n’existe aucun moyen de contraindre les cor
respondans à commi^iiquer leurs papiers.
Les héritiers donnent ensuite des idées générales sur
les élémens des banques; ils la divisent en deux parties:
le numéraire, et les effets.
Cette division n'apprend rien pour la cause. Tout
le monde sait que la banque se fait avec ces deux
espèces de monnaie; mais cela n’’indique pas le bu t,
�ï ’emploi des livres, et les rapports qu’ils ont avec telles
Ou telles opérations.
' - r r.
JLa banque se compose de deux branches distinctes;
la'première comprend toutes les opérations qui se font
par comptes courans, c’est-à-dire avec des' correspondans habituels, à l’égard desquels il y a une circulation
journalière d ’effets et de traites.
L ’autre branche se compose des opérations qui se
font avec des particuliers qui n’ont pas de comptes
coürans; elles consistent en placemens de'fonds ou en
emprunts, constatés par des billets ou lettres de change
qui ne doivent pas être et ne sont pas négociés : l ’in-r
ventaire en fournit des exemples. On peut voir, depuis
le commencement de ce procès-verbal, que les effets
trouvés dans le porte-feuille sont échus, pour la plu
p a rt, depuis 1807 et 1808, sans avoir été négociés.
Avec cette première idée cle division de la banque,
nous pouvons apprécier le degré de confiance que peuvent
inspirer les livres produits, et voir .s’ils sont suscep
tibles de dévoiler toutes les soustractions.
Le livre de copies de lettres, le livre-journal /?, et
le livre des comptes courans , que les héritiers appellent
le grand-livre-, sont corrélatifs, et^enseignent les mêmes
opérations; mais Us 11c sont destinés qu’à la'branche
des comptes courans.
Le livre d’annotations, autrement appelé des traites
et remises 1 a bien aussi des rapports avec les comptes
courans, ïnais il 11’est pas exclusivement affecté à cette
branche d’opéralion ; les effets qui y sont enregistré*
�p y
( îï }
négocies ou délivrés indistinctement à tout le
monde......Quand ils sont envoyés à des correspondans
en compte courant, ils sont enregistrés sur les comptes;
mais ils ne sont enregistrés sur aucun autre livre, lors
qu’ils sont remis à des négocians ou particuliers qui ne
tiennent pas de comptes courans; au moins les sieurs
Daubusson ne rapportent aucun livre susceptible et
d etin é à constater cette espèce d’opération.
Sont
Quant au livre de caisse, il est évident que son objet
n ’est pas de relater ni distinguer les opérations qui së
font par négociation d’effets; il a pour but seulement
de donner, jour par jou r, la situation du numéraire;
il ne peut pas faire mention d’un effet que le banquier
recevrait en échange d’un autre effet.
Il suit delà qu e, pour soustraire ou dénaturer la
partie d’une banque dans sa branche des comptes cou
rans, il n’est pas nécessaire d’altérer tous les livres; il
suffit, sans même en altérer aucun d’une manière ap
parente, que l’on écrive en deux endroits, sur le livrejournal B et sur le livre des comptes courans, ou sur
le livre des comptes courans et sur le livre de caisse.
r O r, la chose est possible; on a pu écrire sur les livres
des opérations faites après la mort, en les reportant à
des dates antérieures.
On est reste maître de tous les livres; on n’en a réglé
le résultat qu au mois de mai. On a p u , dans l’inter
valle' de près d’un mois, recevoir de l ’argent ou des
effets dont on a profité, et les porter néanmoins en
■
*>
�I
(,.5 6 )
diminution des créances ou en augmentation des dettes,
de la succession.
,
Pour supposer la possibilité de ces opérations , il
suffît d’imaginer que le livre-journal B n’était pas
Su courant ; qu’il était resté sans écriture pendant
deux jours, même pendant une journée : il en résultera
qu’on a pu y porter, à la date du i 3 , des sommes
reçues postérieurement. La même facilité a existé par
rapport au livre de caisse : elle a été bien plus grande
relativement aux comptes courans.
E t il ne faut pas q u ’on nous dise que toutes les
opérations sont écrites, à l ’instant même, sur tous
ces livres.
Il serait possible, dans le cas particulier, que l ’on
eût négligé les écritures pendant les derniers jours de
là maladie; en outre, c’est que tous les livres produits
ne sont que des livres auxiliaires. Les élémens qui les
composent sont puisés dans le livre-journal général :
lès écritures de ces livres peuvent donc être ajournées.
Ce que nous disons est puisé dans les auteurs qui
se sont occupés de la tenue des livres de commerce,
et qui s’expriment en ces termes :
« Le livre m émorial est ainsi nommé , à cause qu’il
sert de mémoire. On l’appelle aussi livre-brouillon ou
livre-brouillard, parce que toutes les affaires de négoce
s’y trouvent mêlées confusement, et pour ainsi dire
mêlées ensemble.
Le livre mémorial est le premier de tous, et celui
duquel se tire ensuite tout ce qui compose les autres, »:
�f
('Sj
)
Est-il bien difficile de croire, d’après cela , que les
livres que l ’on produit aient été écrits postérieurement
aux dates qui y sont énoncées?
'
Cette facilité d’opérer ne p ro d u it, il est vrai >
q u ’une présomption de fraude ; mais elle montre
davantage la nécessité de se conformer à la loi , qui
veut que l ’état des livres soit constaté. Si on avait
rempli cette condition d’abord après le décès, on se
serait privé de cette fatale latitude; car il est possible
'
que les paiemens et les négociations , inscrits sous la
date du i 3 avril, n’aient été faits que le 24, même
plus tard; et si les livres eussent été arrêtés, il aurait
été impossible d’antidater.
La facilité est bien plus grande encore à. l’égard de
la seconde branche d’opérations, c’est-à-dire, à l’égard,
des prêts et emprunts sur billets ou effets non négociés.
Ces effets ne sont portés sur aucun des livres produits’,
si ce n’est sur des carnets d’échéance, qui n’indiquent
ni la date des effets, ni l’époque de leur entrée dans
le porte-feuille, et se bornent seulement à l’indication
du nom du débiteur, de la somme due, et de la date
du paiement.
Ces carnets sont susceptibles de toute espèce d’alté
ration. Le sieur Albert en a indiqué quelques exemples
dans ses conclusions (pag. 24 et 25).
INous pourrions ajouter que l ’inventaire 11’est point
en concordance avec les deux carnets d’échéance que
l ’on proçluit. Ce£ carnets 11e commencent q u ’en 1808^
8
/
v
�. ( 58 )
et l’inventaire relate une foule d ’effets échus en 1807,
.même à des années antérieures.
.
.
Il 11e résulterait, de cette circonstance, rien ;qiû pût
présenter uu préjudice aux créanciers, si, en faisant in
ventaire des effets plus anciens,(on avait fait inventaire
aussi des effets nouveaux, de tous ceux, en un m o t}
qui. sont inscrits dans les carnets de 1808 et 1809;
jnais plusieurs de ces effets nouveaux ne figurent
.pas à-l’inventaire.
-,
_
E t par exemple lé carnet d ’échéance indique, comme
¡¿levant éeheoir en août 1809., plusieurs effets de
•Mandet et autres. L ’inventaire n’eç fait pas mention ^
il indique d’autres effets dus par les mêmes parties ^
mais à des échéances de 1806.et 1808 : les sommes ne
■sont pas les mêmes.
La même observation se présente à l’égard d’un effet
île Serve jeune. Le carnet l ’indique comme payable
en septembre 1809 ; L’inventaire énonce une traite
échue en 1808, et les sommes ne sont pas les mêmes.
Le même carnet mentionne quatre effets de Rodde, de
chacun 1000 f r ., payables en octobre 1809 : l’inven
taire ne relate que quatre effets échus en 1807.
f
Comment peut-on prétendre, après de telles confu
sions , qu’on a pu se dispenser de faire constater l ’état
des livres?.......
Puisque les livres n’ont pas été paraphés, qu’ils
n ’ont même phs etc présentes au notaire, ils ne peuvent
ûtre regardés comme pièces supplétives de l'inventaire.
Il serait dérisoire, en effet, de proposer à la justice
�fAi
(*9 )
d’admettre , après plusieurs années, comme légales, et
probantes, dés pièces qu’on s’est obstiné à retenir
lorsqu’il fallait les montrer. Les héritiers' Daubussoù
le pensent bien ainsi ; car c’est pour remplacer tous
ces livres qu’ils ont fait rédiger et parapher le livre
intitulé : Copie des comptes courans.
Est-il bien vrai, d’abord, qu’un tel livre entre dans
la tenue d’une banque ?
Nous ne le croyons pas, même d’après les explica
tions que nous en donnent les héritiers Daubusson.
Si la copie des comptes courans, qu’on renvoie, aux
correspondans, est levée sur le livre des comptes
courans, si elle en est l ’image fidèle, à quoi servirait
de rapporter sur un livro nouveau la copie de cette
copie?...... Ce ne serait qu’une répétition in u tile, un
double emploi de tems...... Il est donc au moins fort
douteux que ce livre ait été commencé par le défunt,
et qu’il ne soit pas au contraire de l’invention des
héritiers.
! Mais cette difficulté ne peut avoir aucun but dans
la cause. Il est constant que, depuis le folio 104, le
livre dont il est question est le propre travail des
héritiers.
' O r, il faut examinor si, en supposant que les héri■tiers aient pu faire l’inventaire eux-mêmes, et régler
1 état de là succession, en prenant leurs élémens dans
<fes livres susceptibles d?altération ; il faut examiner,
#lisons«-nous, si ce travail est exact. ‘
L a 1première partie de ce liv re , celle que les héritiers
-
�<tUo>
( 60 )
attribuent au défunt, et qui se termine à la page io 3 ,
a été présentée au notaire le 5 mai; l’inventaire
çnonce que les comptes qui y sont portes ont été
“soldés, ce qui veut dire que le défunt avait reçu luimême tout ce qui pouvait être dû d’après les comptes.
Cependaut le sieur Bataille est inscrit à la;page 3 5 ,
et il y figure comme débiteur de 992 francs, valeur
du i 5 février 1809.
- Pourquoi s’est-on permis de dire que cette créance
était soldée, et de la soustraire ainsi à l ’actif de la
succession ?
Ce ne peut être par l ’effet d’une erreur, car si on
avait consulté le second livre des comptes courans, on
aurait vu (folio 9), qu’à la date du i 5 février, Bataille
était débiteur de celte somme; on aurait vu qu’à la
date du décès, même à la date du 5 m ai, Bataille'
restait encore débiteur.
Si on suppose que l ’article inscrit à la page 83 de
la copie des comptes courans, ait échappé au notaire,
il faut en tirer d’abord la conséquence qu’on 11’a pas
été exact; qu’on a eu tort de libérer ainsi deux cents
correspondans; que ce travail est im parfait, infidèle.
Mais y a-t-il un m otif qui ait pu dispenser les hé
ritiers de porter sur leur propre copie la dette de
B ataille, mentionnée encore sur Voriginal des comptes
courans?...... Ils ne l ’ont cependant pas fait. Le nom
de Bataille ne figure ni dans cette copie, ni dans l’in
ventaire....... Il résulte donc de là une inexactitude et
une omission rtiellq et volontaire, omission qui n ’exis-
�terait pas si., au lieu de faire une copie ou un résumé,
on avait fait parapher, ét constater
des livres.
Une autre inexactitude qui constitue également une
omission, est prouvée par la comparaison du livre de
copie f folio io 5 avec le folio 7 du second livre des
comptes courans, à l’article de la Farge Ghaylade. '
La copie n’est pas conforme à l ’original ; l ’original
mentionne deux opérations qui ne sont pas dans la
copie. La différence existe au préjudice de la succession.
- Sur l ’original, Chaylade est porté débiteur a la date
du 8 novembre 1808, de [±6 o francs, et a la date du
27 mars 1809, de q44 francs-, ces deux articles sont
omis dans la copie.
« Nous pourrions donner- d’autres exemples de cette
nature; mais il faut borner et des recherches trèsennuyeuses, et des détails si stériles. Cependant il est
nécessaire de citer quelques-unes des imperfections qui
se présentent dans un autre genre.
Le livre des comptes courans présente, au folio 181,
un article de compte tenu avec Sébaut, de Paris. Si
on avait arrêté le compte au moment du décès, Sébaut
aurait été débiteur de i 3 ,ooo francs*, on ne l’a arrêté
que beaucoup plus tard, et la dette de Sébaut ne
figure à l’inventaire que pour 3/|56 francs. D ’où vient
cette différence?.... E lle vient de certaines opération^
faites depuis l’ouverture de la succession, jusqu’au
27 mai. •
,
Mais qui peut assurer aux créanciers que ces^ opé
rations sont sincères?......... On crédite Sébaut d’une
�somme de
( 62 )
francs pour intérêt ou commission', a$
3 o avril?...**•-.Comment était-il du. des intérêts h, un
débiteur?
»■ }
- On le crédite en outre d ’une somme de 1 6 , 366 ' fr,
poijr des traites .à ordre divers, qui sont censées aVoii:
fait,retour. Le sieur Albert ne peut prouver la fausseté
de ces deux opérations; mais il ne trouve nulle« part
le preuve de leur sincérité. Les héritiers) ne devaient
pas se permettre de changer ainsi l’état des comptes;
gi§pbau t, débiteur, d’une part, avait pu être créancier,
d’une autre p art, ce compte aurait été réglé postér
rieurement; il n’en fallait pas moins constater l’état
de la succession au moment de son ouverture,
L article de Louis Pons, de L yo n , présente les
memes difficultés» Suivant l ’originajj du livre
de$
comptes. Pons aurait été débiteur à l ’époque du décès,
d’une somme de 2600 francs. Dans la copie du livre
' et dans l’inventaire, il est créancier de 11,884 francs,
Cette différence provient encore d’opérations continuées
jusqu’au 17 maj.
1,.
Mais il se présente sur la sincérité dé tes opérations,
les mêmes difficultés qu’à l’égard de S é b a u t;il pour*
rait y avoir même un fait particulier : Pons a été
crédité le i 5 avril (suivant le livre journal 2T), i° pour
qpp remise sur Villefranche, que Pons a renvoyée;
30 pour une remise par lui tirée sur Limoges; Ces effets
seraient rentres dans 1 actif de la succession; oh ne les
y voit point figurer; on ne voit pas non plus à qui
¡1^ of)t.ét(iLreniis, eu. sorte qu’il paraît que les.héritiers
�;( 63 ))
en ont profité, tandis que les valeurs ont été em ployée
à diminuer l ’actif, ou k augmênter^le passif dé la suc*cession.
V - : f f ii:i
'(f
;■ .q
j , ; . ' *»•
En général, tous les comptes sont réglés de la mênie
manière. La copie n’est donc pas conforme k l ’original.
On voit dans cette copie des articles absolument différens de ceux de l’original.
. Si on. s’arrête au premier article, qui est celui de
Souchard, on remarque que le livre du défun,t men
tionne k la page du D O IT, cinq opérations qui aug
menteraient la dette de Souchard*, dans la copie, tous
ces objets sont omis, sans qu’on puisse en concevoir le
motif. Il .paraît bien que cette omission peut avoir eu
pour prétexte le défaut de recouvrement de traites
que le défunt avait données k Souchard; mais on est
bien embarrassé quand on veut vérifier si ces traites
n’ont ‘ pas- été portées ailleurs, car le livre où est lé
compte de Souchard, ne renvoie k aucun autre.
C ’est en jetant les créanciers dans une impossibilité
presque absolue de vérifier les comptes arrêtés par les
•héritiers eux-mêmes, qu’ils prétendentHéfier de toute
preuve de fraude
niais ’de cette impossibilité même,
il résulte que le travail des héritiers est incomplet,
inexact, infidèle.
1
Ce que nous venons de dire ne concerne que les
comptes courans; la branche des prêts et ¿es emprunts
reste sans aucune preuve, sans aucune présomption
de sincérité.
C ’est précisément'cette branche de la banque, qui
�tus
I
C c4 )
prouve l’existence nécessaire d’un livre-journal général.
L e sieur Albert s’est plaint avec raison de son absence.
On dit q u ’on ne peut pas lui pardonner ce soupçon;
il est grave, en effet; mais peut-être lui pardonnerat-on moins la preuve assez positive qu’il eu adminis
trera,
E n attendant, nous pouvons dire que la réponse
des liéritièrs n ’est point franche. Il ne s’agit pas de
savoir si le sieur Albert tient un livre du genre de
celui qu’il réclame; il s’agit de savoir si François Daubusson en avait un , et si les héritiers l ’ont eu eil
leur pouvoir; si ce n’est pas là qu’ils ont trouvé la
preuve de l ’existence de ces créances, q u i, suivant eux
n étaient connues de personne.
Il serait bien difficile d’imaginer q u ’avec le se
cours de deux carnets, le défunt eut,pu faire des
opérations qui présentaient un mouvement continuel'
de 5 oo,ooo francs au passif, et qui en font présumer
autant à l ’actif. Ces carnets n’indiquent pas les opéra
tions jour par jour; ils n ’indiqu.ent que les échéances,
de telle manière qu’un effet est porté au mois de
décembre (si c’est la date do, son échéance), quoique
le prêt ait été fait six mois ou un an avant. Mais sans
nous livrer davantage à cette démonstration, il suffira
de dire que 1 existence du livre général des opérations
journalières sera prouvée par l’appelant.
La question relative à la vente des contrais de rente
à donné lieu à beaucoup de réflexions de la part-des
�f a
{ <* . )
intim és; les unes sont puisées dans le droit) les autre«
dans des circonstances,
!
Quand au point de d ro it, les intimés veulent faire
une distinction que la loi ne fait pas*, la loi s’exprime
généralement et catégoriquement ; elle embrasse toutes
les rentes; et si celles dont il s’agit n’étaient pas com
prises dans la prohibition, il faudrait croire que toutes
les rentes -en sont exceptées.
Quant aux circonstances, les sieurs Daubusson pré
tendent qu’il est peu convenable que le sieur Albert
ose se faire un moyen de cette ven te, lui qui a exhorté
les sieurs Daubusson k traiter avec Cellier.
■Le sieur Albert doit s’étonner de l ’apostrophe qui a
pour but de le constituer de mauvaise foi. Il n’a point
conseillé, n’a point exhorté à vendre les rentes; il ne se
rappelle pas dans quels termes il s’est exprimé; mais il
voit dans une lettre du sieur Louis Daubusson luirçnême , datée du 3 i mai 1810 , le passage suivant :
« Nous avons vu hier M . C ellier, qui nous a paru
vouloir s’ arranger des créances que nous lu i avons
offertes. »
C ’est certainement à cette lettre, que le sieur Albert
a répondu. S’il a dit qu’il conseillait de terminer avec
Cellier, il a donné le conseil conformément à la pro
position qu’on lui faisait.. On ne lui disait pas qu’on
•se proposait de céder un contrat de rente; et ce n’était
pas a lui , d’ailleurs , qu’on devait s’adresser pour
savoir quelles formalités on devait employer.
Il n’a pas conseillé, et ençpre moins adhéré à la
9
�■ ,
.(66)
vente de l’autre contrat de rente, consentie en faveur
de LachaiTd.
‘
. Les fins de non-recevoir sont donc déplorables ; et si
on avait communiqué au sieur Albert les lettres où l ’on
prétend les ^puiser, peut-être faudrait-il examiner si,
à son tou r, il peut pardonner le reproche qu'on lui
adresse, en ne rendant pas les faits tels qu’ils sont.
E t q u ’importe, au surplus, que le sieur Albert ait
reçu des effets de la succession, et qu’il né s’en plaigne
p a s?...... Les effets de la succession ont pu être négo
ciés sans encourir la déchéance. La loi donne à>l’héritier
bénéficiaire le droit de recouvrer; mais les contrats de
rente n’ont pu être vendus sans formalités, parce que
la loi le défend.
•■■.
Il n est point exact de dire que le sieur A lbert-ait
pris a ses risques la créance sur Altaroche; les sieurs
-Daubusson lui en firent la proposition ; mais il ne voulut
pas y adhérer. Il les défie de justifier d’aucune conven
tion de celte nature, soit par traité', soit par lettres.
Pourquoi'donc revenir sans cesse sur une négociation
dont les conditions, d’ailleurs, ont été si bien appré
ciées, que les intimés ont repris les titres d’Altaroche?
Pourquoi cherche-t-on à torturer les faits, et à réduire
une créance dont ou a signé soi-même le règlement deux
ans après la négociation?'.__
Le sieur Louis Daubusson ne prétend pas , sans
doute, niei sa -signatuie; cependant il raisonne'comme
si Je règlement n’existait pas.
Il est bien étonnant, d’après cela , qu'’on mécon”
�<(. <'6 7 1)
_
^
Jnaisse le véritables'intéfcêt jclu procès -, qu’on se. .per
mette d’examiner si le sieur Albert a besoin de toucher
•sa créance, et quel emploi il veut en faire.* Ne diraiton pas que le sieur Albert est placé sous la tutelle de
ses adversaires, et qu’avant de réclamer ce qui.lui est
-légitimement dû, il doit prouver premièrement‘sés
besoins et sa situation personnelle?
i
> -¡6
, Ce ne sorit pas des moyens de cause : on le; sait
-bien; mais il faut (toujours,! quand on prend les de
d a n s, se rendre, favorable ,,!èt jeter sur les autres;un
-’peu ç de ridicule r ne [serait-ce que cette idée que le
sieur Albertmê plaidé que'pour la diiférence d’un pour
centid’ihtérêts! idée d’autant plus déplacée , cependant,
que le sieur Albert offre.de longs termes, si on veut
lu i donner une sûreté,'-et se; soumet.à n’exiger aucun
intérêt pendant cet intervalle.
!*
Pourquoi n’accepte-t-on pas cette offre?........ Dès
q u ’on est si certain que >le sieur Albert n’est pas en
danger de perdre, 011 ,he saurait se compromettre soimême. ■f •
•')'?,
.a n ;.-1 • .oSi on persiste dans le refus, il fa u trcroire qu’on
cherche à abuser, et à échapper à une condamnation
qu’on n’a pas la volonté de réaliser.
On fait, dans le même dessein, un grand étalage
du compte rendu en 181 2, et qui a été, dit-on, ho
mologué sans contradiction,( circonstance que le sieur
Albert ne connaît pas.
Mais qu a-t-on lait depuis cette époque?...... Le sieur
Albert^ a - t - i l reçu une portion quelconque, de sa
�(6 8 )
créance?. Cependant, depuis cinq ans o n a du
opérer: des recouvremens; il n’est pas q uestion d u plus
o u du moins de lenteur : il y a eu cessation absolue.
Les héritiers ont payé la totalité de plusieurs créances;
ils en ont agi ainsi à l ’égard de ceux qu’ils redoutaient.
Le sieur Albert est peut-être le seul, de tous les créan
ciers en compte courant, qui n’ait pas été entièrement
payé; et tout lui fait présager qu’il ne le sera jamais,
s’il est obligé de discuter un compte de bénéfice d’inventaire. Comment établirait-il que l ’actif est recouvré?
Cet actif consiste en billets ou lettres de change, qui.
peuvent ;toujours être représentés, quoique les valeurs
en aient été payées, parce qu’on peut retenir les titres
en donnant des quittances. Les héritiers peuvent,
d’ailleurs, retarder à leur gré les recouvremens, en
profitant des intérêts. Ils en ont d’autant plus la fa
cilité , qu’ils font eux-mêmes la banque.
L ’intérêt de la cause est donc de savoir si le sieur
Albert pourra espérer de toucher, ou s’il perdra une
créance de 11,000 francs. Il s’élève des procès plus
graves pour des intérêts moins importans.
A L B E R T aîné.
Me G A R R O N , Avocat.
Me V E Y S S E T , A voué-licencié.
R IOM , IMPRIMERIE DE SALLES
P RÈS LE PALAIS DE JUSTICE.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Albert, Claude. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garron
Veysset
Subject
The topic of the resource
successions
inventaires
scellées
bénéfice d'inventaires
conflits de procédures
livres de comptes
banquiers
banques
créances
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour le sieur Albert, appelant, contre les héritiers Daubusson, intimés.
Table Godemel : héritier bénéficiaire : - qui n’a point fait apposer les scellés sur les objets meubles de la succession ; qui a omis de faire comprendre dans l’inventaire certains de ces objets, lorsqu’il n’est point établi que cette omission fut volontaire ; qui a fait des paiements à divers créanciers, sans règlement du juge, et sans observer une juste proportion ; enfin, qui a cédé en paiement à des créanciers de contrat de rente, sans suivre les formes prescrites pour la vente des biens meubles dépendants d’une succession acceptée sous bénéfice d’inventaire ; est-il réputé héritier pur et simple, ou déchu du bénéfice d’inventaire ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1813-1819
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
68 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2415
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2413
BCU_Factums_G2414
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53469/BCU_Factums_G2415.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Chanonat (63084)
Saint-Gervais d'Auvergne (63354)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
banques
banquiers
bénéfice d'inventaires
conflits de procédures
Créances
inventaires
livres de comptes
Scellées
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53463/BCU_Factums_G2409.pdf
23f74758dc6bddb6428b123fe18e9b8b
PDF Text
Text
%6<
OBSERVATIONS
-• > :
I
PO UR
Le sieur B a r th é lem i G R E L E T , . appelant, ,J;
'■(iO:> r ;
CO NTRE
M onsieur le comte J O L Y D E
'
«
et a u tre s , intimés.
t.
*
Uî
FLEU RY ,
.,iH î..;
*i
U ne cause importante est sur le, point d’être examinée
de nouveau par la Cour. ,
Elle présente deux questions du droit transitoire ,
en matiere d hypothèque :
.
1° s ous le Code civil, et avant le Code de procédure,
la transcription était-elle nécessaire, pour arrêter le
cours des inscriptions ? . . .
.
2 Des conventions faites dans une première vente
�ont-elles pu déroger, à l’égard des seconds acquéreurs,
à la loi générale sur les hypothèques?
Ces deux questions avaient déjà été soumises à l ’une
des chambres de la C our, à l’audience du i!\ mai 1817.
L a première était la seule sur laquelle eût prononcé
le jugement dont il y avait appel : elle fut examinée
dans tous ses détails.
C.
",
'i
La seconde, élevée à l ’audience seulement, fut dis
cutée dans une réplique trop rapide pour maîtriser
l’attention.
A la même audience , la Cour , en rejetant les motifs
du jugem ent, se décida par les conventions particu
lières contenues dans le premier acte de vente.
Le sieur Grelet était étranger à l’arrêt. Depuis, lesmêmes difficultés ont été agitées avec lui. Développées
dans un m ém oir e imprimé , elles ont paru tellement
.graves, que les magistrats eux-mêmes , qui avaient
rendu l’arrêt du 14 mai 1817 , s’élevant au-dessus des
faiblesses ordinaires aux autres hommes, ont provoqué
la réunion des deux chambres ; et le résultat de cette
Téunion à été uri partage d ’opinions.
Aujourd’hui M. le comte Joly de Fleury et ses
consorts cherclient îi nous éblouir par le luxe d’une
consultation imprimée, signée de cinq jurisconsultes
de Parish
’ L ’auteur ^de1 la consultation traite l’une et l’autre
question 3 c est-a-dire qu il cherche à prouver non1r » ’ " 1’ i* 1■ - t
•
? •
seulement qu e, par des conventions particulières, on
�( 3 )
a pu déroger à la loi générale sur les hypothèques,
mais encore que la Cour de Riom a mal jugé en 18 17 ,
en ne déclarant pas la transcription nécessaire pour
arrêter le cours des inscriptions.
Cette question-ci est même traitée la première.
Pourquoi?
Parce q u e , nous dit-on, la stipulation s q u i a eu
p o u r but de conserver le droit des vendeurs dans son
intégrité acquerra d ’autant p lu s de fo r c e d e cette
démonstration prélim inaire.
Ne serait-ce pas plutôt parce qu’on a*’senti combien
serait faible le droit des vendeurs, s’il était privé de
cet appui qu’on cherche à lui donner?
'
Pour suivre dans ses raisonnemens l ’auteur de la
■consultation, nous serons donc obligés d’examiner
comme lui les deux questions, quoique la première ne
dût plus , il semble , diviser les opinions ; e t , dans
une discussion qui sera le complément de celle que
contient le mémoire imprimé du sieur Grelet (1) ,
nous ferons voir que si l’on n’avait pas négligé de
puiser aux sources, l’on aurait évité de grandes erreurs,
|:
•P R E M IÈ R E Q U ESTIO N .
"
!
Sous le Code civil, et avant le Code de procédure,
*a u’anscription a-t-elle été nécessaire pour arrêter le
cours des inscriptions?
(0
Voir le mémoire imprimé du sieur G rclct, pages 9 et suivantes.
�( 4 >
Le régime hypothécaire, établi par la'loi du 1 1 bru
maire an 7 , était d’une imperfection qui»avait frappé
tous les - bons esprits. ' L ’article : 26 de cette lo i, en
la is s a n t la propriété . suspendue entre les mains de
l ’acquéive'ur jusqu’à la transcription ; en déclarant que
jusque-là les actes de vente ne pourraient être opposés
a u æ jie r ^ j p r é s e n t a i t à Ja fraude une large voie, dont
elle ,n’ay,ait ;pa§-,manqué de profiter. On avait vu des
vendeurs‘Jminora.ux ^Jiypothéquer ; même après vies
ventes, des objets qui avaient cessé, d’ètre leur propi;iét¿ , .(et pendre ainsi leurs acquéreurs victimes d’une
i,nsi^ne, mauvaiBe foi.1 j
,
r'
C et article zfy avait cependant été inséré dans le
projet du Code civil 5 m ais, vivement attaqué au
conseil cl’jétat, ií fut supprimé, et remplâcé par l’àr'.-.r.;'-»
i>
ticle 21 01 de la rédaction d e h n it i v e .
•' r-f '»-7- . ; •'»t ■
* ■
* -, f--» -: !
....
D ès-lors, il .fut reconnu que les actes de v e n te -ili, 7 ,
; ,-ij.
„ 1
quoique non transcrits j pourraient ctre opposes a u x
tiers : e t d e .c e p r i n c ip e d é c o u la n a U L rellem en t la co n sé t v»
'«*> ", ' ' i-’’ • v ''"i
- -,i : ,
quence que les ,creancierst inscrits au moment des
ventes ^ 'seraient les seuls .qui conserveraient sur l'im
meuble vendu lin droit hypothécaire.
Cette conséquence était en harmonie avec l ’ensemble
.
(
» | ! ,J ’ j
);
'
’ T fT • ¡ j 1 y - • ; |f »'
d u n o uv e a u système h y p o t h é c a ir e . O n s a i t , en effe t,
que. fe
système repose, su r deux bases p r in c i p a l e s : la
.^péclvlitiî | q u i est étrangère a Ja question q u i nous
iit 'i'jjjiií. UK'j 0 i ¿ . l ,
' li'* ’
occupe-, la p u b l i c i t é , sur laqu el le cette,questlou roule
en entier.
. 1 u'ü.pukUçilé, prescrite paxj-nos législateurs, prosqu’à
�( 5 )
chaque article de la loi ; la p u b l i c i t é si importante
pour les tiers, et sans laquelle le Code .civil ne recon
naît pas de droits hypothécaires existans; la publicité
n’a pas même été l’objet de l ’attention du rédacteur
de la consultation : aussi a-t-il éludé la difficulté plutôt
que de la résoudre.
j Trois articles isolés du Code., et quelques arrêts de
Cours royales , forment tout le corps de la doctrine
qu’il établit.
Mais si l ’on se fut fixé sur un grand nombre d’autres
articles du Code civil même , ou du Code de procédure'
et sur les motifs qui les ont préparés} si l’on eut con
sulté, les auteurs qui traitent la question; si l ’on eut
recherché d’autres arrêts d’un plus grand poids , 011
aurait été nécessairement conduit a une conviction
contraire, et l’on serait convenu que les immeubles
yendus sous le Code civil ont été affranchis par l’alié
nation seule de toutes créances non inscrites.
On a opposé les articles 2 1 1 2 1 8 1 , 2182.
( L ’article 2x14 pose u n p r i n c ip e g é n é ra l r e la tifs
l'hypothèque, lorsqu’elle existe. Il ne s’occupe pas des
conditions nécessaires à son existence , à l ’égard des
tiers : il est donc étranger à la question. ’
Les articles 2181 et 2182 se rattachent l’im -krautre.
Il* disent q u e p o u r purger les privilèges et les hypo
thèques, il faut d’abord transcrire, ensuite notifier: la
transcription seule ne purgerait pas (Yo.y^ l’art, 2 1 ^ .) .
. L idee naturelle que présentent ces deux articles ,
c est qu ils ne s appliquent qu’aux créances ipsçwtes
�i^ar la notification est impossible à l ’égard des créances
non inscrites : d’où il suit que ce sont les premières
créances seulement que le législateur a considérées
comme charges de l’immeuble.
Aussi n’est^ce pas sans étonnement, que le sieur
Grelet a remarqué que l ’on s’emparait contre lui de
cet article 2182 même, qui lui avait fourni, dans son
mémoire, un moyen auquel on a cru cependant inutile
de répondre (1).
Qu a-tr-on prouvé^ au reste, par les raisonnemensque
l ’on a faits? Rien, si ce n’est que, comme l’a dit Montaigne,
sur toutes choses on peut p a r le r pour et contre (2).
On le pouvait d’autant plus aisément pour M, Joly
de F le u ry , que l ’on négligeait tout ce qui était propre
à jeter un grand jour sur la question,
Cette question était éclaircie ,
Par les articles 2 134 et 2 135 du Code, sur les simples
hypothèques l’un qui dit que l ’hypothèque n a de
rang que d u jo u r de l ’inscription ; l’autre qui déclare
qu’il n’y a que H y p o th è q u e légale des femmes et des
mineurs, qui existe indépendam m ent de toute . ins
cription,. Il est donc évident que toute autre hypo
thèque n existe pa s sans inscription; exceptio Jirm a t
régulant ;
Par les articles 210 6, 2108, 210 9, 2 110 , 2 1 1 1 ,
(1) Voyez page i 4 du mémoire.
(2) Il y a prou de loy de parler, par-tout, et pour et contre ( Essais
4c M o n ta ig n e , liv. 1” , cliap. 47)*
�( 7 )
^
S i i 3 , qui ont trait aux privilèges: l'article 210 6, qui
porte que les privilèges ne produisent d'effet 3 h l égard
des im m eublesj q u ’autant q u ’ils sont rendus p u b l i c s
p a r une inscription ; ce qui démontre que le privilège
n’existe pas sans inscription ; car là où il n’y a pas
d’effet, on ne peut supposer de cause : les articles 2108
et suivans, qui exigent une inscription pour les divers
privilèges auxquels ils se rapportent r enfin l’art. 2 1 13 ,■
qui dit que les créances, à l’égard desquelles les condi
tions prescrites pour en conserver le privilège n’ont pas
été accomplies, ne cessent pas néanmoins d ’être hypo
thécaires j mais que Vhypothèque ne d a t e 3 à Végard
des tiers j que de Vépoque des inscriptions.
Quoi de plus formel que ce dernier article ? Quoi de
plus décisif pour la question ? Le vendeur conserve son
privilège, aux termes de l ’article 2108, par une ins
cription d’office, prise lors de la transcription. Si cette
condition n’est pas rem plie, le privilège dégénère en
simple hypothèque ; et cette hypothèque ne date a
l ’égard des tiers, n’existe par conséquent, que d u jo u r
dè l ’inscription. O r, une inscription n’a été prise, par
les adversaires du sieur G relet, qu’en 1808 : comment
donc pourrait-elle conférer , à son préjudice, une
hypothèque sur des immeubles qu’il avait acquis
en 1806 ?
On pourrait aussi invoquer, pour le sreur G relet,
1 article 2166, qui n’accorde de droit de suite sur un
immeuble, qu’aux créanciers aya n t privilège ou h y
pothéqué inscrite ; 1 article 21G7 d’après lequel le tiers-
%
�détenteur est obligé , en cette qualité, p a r V ejfet Seul
des inscriptions y l ’articlé 2 17 7 , qui n’admet de préfé
rence sur les créanciers de l ’acquéreur qu’en faveui
des créanciers inscrits sur les précédons propriétaires;.
l ’arlicle 2182 déjà ci t é; l ’article a i 83 qui veu t que
les notifications soient faites a u x dom iciles élus dans
les inscriptions ; l’article 2 1 85 qui ne permet de sur
enchérir q u ’aux créanciers dont le titre est inscrit.
Tous ces articles démontrent la nécessité de donner,
par l ’inscription, de la p u b lic ité à la créance privilégiée
ou hypothécaire, et font voir que , sans cette publicité
si i m p o r t a n t e p o u r les nouveaux acquéreurs , ceux-ci
sont affranchis d’ une charge qu’on a négligé de leur
faire connaître.
Ces nombreux articles sur l’indication desquels on
a été si sobre dans la consultation imprimée, ne per
mettaient pas même de doute sur le vrai sens de la loi.
Mais toute incertitude, s’il en était resté, aurait dû
disparaître a la lecture des discours qui ont préparé l’ad
mission du projet présenté aux assemblées législatives.
Lesieur Grelet avait déjà rappelé , dans son mémoire
imprimé (l)> les expressions remarquables de M. Grenier,
dans son rapport atc tribunat. La transcription, avait
dit cet orateur, n’est p lu s nécessaire p o u r arrêter la
cours des inscriptions.
Il rappellera' ici le langage aussi décisif du conseiller
d ’état T h reillard .
'■
'1
•
(1) Voyez pages 15 et itf.
•
'>
!
�Après avoir remarqué sur l'ancien droit?qu ç.Vhypo-'
îhèque donnée p a r des actes occultes ne laissait au
cune garantie contre la mauvaise f o i , ce législateur,
en parlant du projet de loi qu’il présente, s’exprime
ainsi.:
« LThypothèque conventionnelle doit n é ce ssa ir e m e n t
« être r e n d u e p u b li q u e par l ’inscription, afin q u ’on
« ne puisse pas sans cesse tromper les citoyens. »
11 ajoute que l ’hypothèque judiciaire doit aussi ac
quérir la p u b lic ité par l ’inscription.
E n fin , traitant des privilèges ,• et après èn avoir
distingué quelques-uns, tels que les frais de justice,
de maladie, etc., c’est-à-dire, ceux qui-sônt compris
dans l’article 2101 du Code, il termine ainsi :
« A l ’égard des autres créances privilégiées, elles
« doivent, sans contredit, être renduùs publiques par
« la voie de Vinscription-, les tiers ne peuvent les
« supposer. »
A in si, la p u b lic ité était une condition inhérente àu
privilège ; elle était indispensable pour lui donner la
v ie , pour lui faire pioduit-e un effet, comme le dé
clare l’article 2106; e t, sans l’accomplissement de cette
condition, le privilège n’était , à l’égard des seconds
acqucfeul’â , qu’un droit imparfait et sans existence
légale, qui ne les avait grevés d’aufcune charge, pardfc
que he le trouvant pas inscrit, ils n’avâient pu le
Supposer.
*
i i
T >•
lnn°vation môme apportée à la législation du Code
civil par 1 article 834 du Code de procédure, prouve
�de plus en plus combien, antérieurement, la publicité
de l ’inscription était indispensable.
Nous avons démontré, dans le mémoire ( i ) , que
l’article 834 avait opéré un changement absolu de
législation ; c’est ce qu’avaient également déclaré et
l’orateur du gouvernement, et l’orateur du tribunat.
Mais on sera bien plus convaincu encore de cette
vérité*, si l’on considère les circonstances qui ont donné
lieu à cette innovation.
: M. Locré nous instruit de ces circonstances dans.
l’esprit du Code de procédure. L ’innovation fut pro
duite par un intérêt purement fiscal, soutenu d’une
autorité à laquelle rien ne résistait alors, celle du
chef de l’état.
La régie, alarmée de la vraie doctrine qui venait
d’être développée dans un article du journal du palais,
craignant que les bénéfices des transcriptions ne lui
' échappassent désormais, fit des réclamations, et provoqua
un examen de la question par le conseil d’état. L ’examen
ne fut pas à son avantage; il fut suivi, au- contrairer
d’un avis du conseil d’état, en datç du n fructidor
an i 3 , et qui décide,
« Que Ja transcription utile aujourd’hui pour purger
« l ’immeuble des hypothèques inscrites antérieurement
« à la vente, n ’est plus nécessaire, depuis le Code civil,.
q pour annuller l ’effet des inscriptions postérieures, v
P
•
« r
;
•
, I
»
»
<
• i: • f
( i) Poges 1G et suivantes.
'
:
.. . :
;
�.( 11 )
L ’avis avait même été approuvé et signé par le cliei'
du gouvernement.
Mais la régie fit de nouvelles représentations sur la
perte d’une branche de ses revenus : elles donnèrent
lieu à une nouvelle discussion du conseil d’é ta t, dans
la séance du 11 mars 1806.
L e conseil ne changea pas d’avis. Cependant il fallait
céder : le chef l ’exigeait. Alors on imagina de g lis s e r ,
dans le Code de procédure quelques dispositions 3 p a r
lesquelles on consacrerait ce changement f a i t au Code
civil.
.
'
y
D e là sont venus les articles 834 et 835 . r
\
C ’est ainsi que s’exprime M. Locré.
E t qu’on vienne encore prétendre que la transcrip-.
tion était nécessaire, avant le Code de procédure, pour
purger les créances non inscrites !
Même en ignorant peut-être ces détails , tous les
auteurs ,‘ qui ont traité la question , la décident en
faveur du sieur Grelet ; tous pensent que les créanciers
privilégiés , dont les titres n’étaient pas inscrits au
moment des vendes, avaient perdu le droit de suite ;
expressions de l’un de ces auteurs.
Le sieur Grelet a cité, dans son mémoire (page 18), »
les auteurs qu’il a connus ; et il est à remarquer
qu’on ne lui en a opposé aucun dans la consultation
imprimée.
Mais on a invoqué contre lui plusieurs arrêts de
Cours royales, et l’on s’est m ontré, à cet égard, fort
laborieux dans les recherches.
�Parmi* les arrêta cités , les uns jugent que , sous le
Code c iv il, la transcription avait été nécessaire pour
arrêter le cours des inscriptions; un autre est allé
jusqu’à décider que^ depuis le Code de procédure, la
transcription même d’une seconde vente n’avait pas
purgé le privilège non inscrit du premier vendeur.
Nous répondrons aux arrêts de la première espèce,
qu’ils ont été rendus, sans doute, parce qu^on ignorait
les causes qui avaient préparé l’article 834 du Code de
procédure, et parce qu’en appi’ofondissant trop peu la
question, on avait considéré l’article comme, seulement
interprétatif : erreur évidente que nous avons signalée,
en prouvant que l ’article avait opéré un changement
réel de législation ,
Nous leur opposerons d’ailleurs des arrêts contraires;
non-seulement l’arrêt de la Cour de Paris, du 22 dé
cembre 1809, et celui de la Cour de Poitiers, du 18
janvier 18 10 , mais encore deux arrêts de la Cour de
T u rin , l ’un du 23 novembre 18 10 , l’autre du n fdé7\
cembre 1812.
Nous invoquerons aussi l’arrêt de cassation, du i 3r
décembre 18 13 , déjà cité: dans le mémoire du sieur
G re le t, et dont les motifs décident en thèse que si la
seconde vente a eu lieu sous l'em pire d u Code civil,
Q U I n ’ e x i g e p a s l a t r a n s c r i p t i o n 3 alors le p r i
vilège du prem ier ven d eu r ne p eu t p lu s cire in s c r it^ )..
( t ) L c s arrêtsci-dessussc tro u v e n t au R e cu e il ile S ire y , t. 10, 2e p a r tie ,
p ag ’cs
et
t o m e 11 , 2 e p a r t i e , p a g e a 8.| ; to m e 14 , a ' p a r t i e r
p a g e 22 5 ; m i m e t o m e , i re p a r l i e , p a g e 4 (5..
�(
}
Nous rappellerons, enfin l’arrêt rendu par la Cour de
Kiom elle-même ^ le a3 avriLi8o6 , qui déclare qu e,
sous le régim e'du Code civil , et antérieurem ent au
Code de p rocédure, il n’y avait pa s besoin^de trans
cription p o u r arrêter le cours des. inscriptions.
Toutes ces décisions'souveraines, en harmonie' par
faite avec le texte de la Iol, balancent saris douta-avec
avantage par leur nombre, et par leui poids j les pré
jugés dont argumente M. Joly de Fleuryv.
Or, l’on remarquera que leurs motifs s’appliquent
aux privilèges comme aux hypothèques.
ii
"
Ce n’est)donc pas sans surprise, qu’on a.'lu dans la
consultation imprimée , que le ve n d eu r était dispensé
de}prendre lui-m êm e inscription / que la' 16i \ a pris
soin de conserver elle-m êm e son privilège ji.-. ..... Que
‘V ainement un second acquéreur chercherait à effacer
le privilège dont son acquisition est empreinte en f a i L
sant transcrire son propre contrat.
1
Cette étrange th é o r ie que l’on d évelopper d an s p l u
sieurs pages, et- de l a q u e l l e il r é s u lt e r a it q u ’ u n dixième
a c q u é r e u r se ra it oblige de faire transcrire tous les
contrats antérieurs au sien 5 cette théorie fiscale, que
la régie trouverait excellente, mais qui serait ruineuse
pour les acquéreurs; cette théorie, hasardée sans doute
parce qu’on en a senti le besoin , aurait dcv'deplorables
conséquences si elle, ^ c h a n g e a it (en doctrine. Heu
reusement qu’elle est.repoussée, par la, loi eller-même
et par de nombreux* arrêts ;• ’ e t , s’il' est v r a i‘ que
les talens de ]\je Tripier l’aient lait adopter pa,r la
�première chambre de la Cour de Paris, il faut le dire
avec franchise : ou Terreur a triomphé, ou il n’y a
rien de certain au monde que l’incertitude ; et cette
iière raison, dont on fait tant de b ru it, est un guide
souvent-infidèle (i).
-\. v. ' wv.
-'.»»’Vv:»
- Mais qu’un'arrêt isolé ne nous entraîne pas dans le
vague et le découragement du scepticisme, à l’occasionL
sur-tout d’une difficulté sur laquelle la jurisprudence
paraît aujourd’hui irrévocablement fixée,
r
r
o Indépendamment de plusieurs arrêts des Cours royales,
q u i , à des époques ou une transcription était nécessaire
pour arrêter le c o u r s ' des i n s c r ip t io n s , ont décidé que
la transcription faite par un second acqiiéreür seule-«
nient, .faisait disparaître le privilège non inscrit du
premier ven deur, on peut en indiquer trois de la
Cour de cassation, un premier du 28 mai 1807, un
second, celui du i3 décembre 181 3 , déjà cité, un troi
sième du 14 ja n v ie r 1818 (2).
Ces arrêts, quoique non relatifs à des ventes faites
sous la législation pure du Code c iv il, s’appliquent à
la cause actuelle .par les raisons même d’après les
quelles le rédacteur! de la consultation voulait y apN' ¿ '
. . i l
1!-
(1) Solàm ccrlum nihil cssc ccrti, et hominc nihil miscrius aut su*
pcrbius. Pline, liist. nat.
(2) Voir 16 1er árr¿t dans le journal de Denevers, volume de 1807,
page 295 ; et le troisième datis le journal de Sirey, tome 18 , page. 3oo.
Voir ausâi dans ce dernier journal, tome 11 , 2® partie, page 4 3^ ; un
arrêt de Turin, du 16 mars 1811 ; et tome 16, 2e partie, pago 1” , un
jurrôt de Paris, du 3 juillet 1815.
�pliquer le dernier arrêt de la Cour de Paris. Puisque,
sous les législations qui , pour arrêter le cours des
inscriptions, exigeaient une transcription, celle faite
par le second acquéreur a effacé le privilège du pre
mier vendeur, on doit convenir aussi que ce privilège,
n’étant pas inscrit, a disparu par une seconde vente
faite sous le Code c iv il, d’après les principes duquel
la simple aliénation, par acte authentique, tenait lieu
de transcription, et produisait le même effet.
i
C ’est assez et trop long-tems peut-être s’être arrêté
à la première question,
,
Reconnaissons donc, avec la loi, avec ceux qui l ’ont
rédigée, avec tous les auteurs, avec les Cours'royales,
et parmi elles la Cour de Riom , avec la Cour de cas
sation elle -même, que, depuis le Code civil et avant
le Code de procédure, la transcription cl’une seconde
'vente n'était pas nécessaire p o u r arrêter le cours des
inscriptions ;
Que la vente seule produisait ce salutaire effet;
Q u’enfin, après cette vente, le privilège d'un pre
m ier 'vendeur ne pouvait p lu s être inscrit .
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Des conventions!.particulières faites dàris uUne. preïuièievente, ont-ellés pu dérogerai l ’égard id’ün .second
acquereur à la.loi générale suri les.«hypothèquesPmi-' j ;
ci, La solution de cette seconde ^question découléi ntces»«
�( <6 )
,
sainement de l'opinion que l’on adoptera sur la première.
Il serait étrange, en effet, qu’ un second acquéreur fût
hypothécairement grevé par des conventions et des
c h a rg e s qu’une inscription -n’aurait pas rendues pu
bliques , et queden tiers cependant ne p euvent supposer,
suivant l’expression du lé g is la te u r Threillard.
Aussi le rédacteur de la consultation s’est-il princi
palement attaché à créer, sur la première question ,
une fausse doctrine qui pût lui éviter les difficultés de
la seconde.
Pour la discussion de celle-ci, des erreurs de faits
sont ses premiers élémens^ une confusion de principes
est ensuite son unique base.
Une ' première erreur de fait très-remarquable est
écrite dans plusieurs pages, de la consultation. On y
dit que l’arrét du i4 m ai 1818 avait été attaqué devant
la Cour de cassation, et que le pourvoi avait été
rejeté.
Il n’y «1 rien de vrai dans cette assertion.
Le sieur Grelet a dans ses mains la preuve contraire.
On conçoit cependant que ce1faux renseignement a
dû influer beaucoup sur l’opinion des jurisconsultes, et
leur faire considérer comme la plus juste, ce lle que la
Cour de cassation e lle - m ê m e a v a i t adoptée.
Une seconde erreur, c’est qu’ils ont cru que les deux
v e n te s
primitives étaient conçues dans les mêmes termes.
Cependant’ celle! du 19 brumaire an i 3 est pure
et simple’.»Seulement' elle charge les acquéreurs de faire
transcrire à leurs frais, sans exprimer de délai. Mais
�( >7 )
M
elle ne contient ni clause suspensive ni clause réso
lutoire.
La vente du 19 brumaire an i 3 , au contraire , .
charge les acquéreurs de faire transcrire, clans le délai
de siæ sem aines 3 avant aucune aliénation des biens
présentement v e n d u s c e qui est stip u lé comme con
dition essentielle des présentes, et suspensive de la
•vente , j u s q u à Vaccomplissement de cette fo r m a lité .
Cependant on a raisonné sur les deux ventes de la
même manière.
-i
On a soutenu, pour l’une' comme pour l’au tre, que
les premiers acquéreurs n’avaient pas eu le droit de
vendre*, que par la seconde vente, les seconds acqué
reurs étaient devenus personnellement chargés de trans
crire le premier contrat, et qu e, faute d’avoir rempli
cette obligation, on avait pu faire saisir sur eux, comme
détenteurs, les immeubles qu’ils avaient acquis.
Ces diverses propositions, qui sont sans aucune ap
plication à l’une des ventes, n’ont pu m ê m e être appli
quées à l’autre q u e par u n e étrange confusion des
principes sur les conventions avec ceux relatifs aux
privilèges ou aux hypothèques.
La confusion des principes doit être soigneusement
.évitée, dans l’examen de toute question de droit, si l’on
ne veut pas s’exposer à tomber dans de grands écarts.
M. D om at, dans son immortel ouvrage des Lois
civiles, recommande cette attention. On doit prendre
3
�rpfe
K *8 )
g a rd e} d it-il, en parlant des lois , à ne pas appliquer
une règle hors de son étendue et à des matières oie
elle n a point de rapport
Que l’on n’oublie pas cette vérité élémentaire, et
l ’on distinguera facilement la ligne de démarcation
que le législateur a tracée entre les principes sur les
conventions et les principes sur les hypothèques.
Dans la classe des premiers se trouve cette règle si
connue q u e , « Les conventions légalement formées
« tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. (Voyez
« Code c iv il, art. i i 3 4 ). »
Mais le lé g is la t e u r nous l ’ a p p r e n d lui-même ; c’est
entre ceux qui les ont fa ite s seulement, que les con
ventions sont des lois; elles n’ont pas la même force à
l ’égard des tiers.
De cette règle féconde découle la conséquence qu’une*
condition suspensive anéantit la convention, si elle
ne s’accomplit pas; qu’une condition résolutoire au
torise l’une des parties à faire annuller le contrat, si
l ’autre ne remplit pas son engagement.
Mais c’est contre les contractans seuls que de telles*
actions peuvent être exercées; et si, pour des contrats
de vente notamment, elles atteignent des tiers-acqué
reurs, c’ est s e u le m e n t lo r s q u e , la v e n te étant annulléer
le vendeur, qui en a provoqué la nullité, reprend sa.
(1) Voyez lois civiles, livre préliminaire, titre 1, section 2, note sur.
l’article 29.
�'
(
'9
.
)
chose, comme étant alors réputé n ’avoir jamais cessé
d’en être propriétaire. Les tiers-acquéreurs , dans ce
cas, ne peuvent la retenirj ils en sont dépouillés par
l’application de la maxime : dissoluto ju r e dantis, dis solvitur ju s accipientis.
Au contraire, si, en laissant subsister la vente, le
premier vendeur veut agir contre les tiers-acquéreurs,
il n’a d’autre droit que le di'oit de suite } dont la loi
sur les hypothèques règle l’exercice (voyez art. 2166
et suivans), mais qu’elle n’attribue qu’autant qu’on
le conserve en remplissant les formalités qu’elle pres
crit.
Ce serait donc une recherche moins utile que spé
culative, que celle qui aurait pour objet la dénomina
tion et le caractère de la condition attachée à la vente
de frimaire an i3 .
Quelle que soit sa nature, son inexécution ne peut
autoriser le vendeur qu’à demander que le contrat de
vente soit anéanti.
Considérée comme résolutoire, elle donne le droit
de provoquer la résolution du contrat.
E11 ta considérant comme mode d’exécution, le ven
deur peut exiger, mais contre son acquéreur seul, qu’il
s’y conforme. L ’obligation de transcrire est l’obligation
d un iait dont ne peut être tenu que celui qui s’y est
soumis.
✓
T1
est bizarre de soutenir que des tiers qui n ’ont
fait aucune promesse sont cependant liés par la pro
# 9
�messe d’un autre , par une promesse qu’on leur a
même laissé ignorer.
11 est plus bizarre encore de prétendre que par cela
»
même que la condition n’a pas été exécutée, l’exécution
doit être considérée comme effectuée. Il y a trop de
profondeur dans cette pensée : nos faibles regards n’y
peuvent pénétrer.
Si l’on 'considère la condition comme suspensive ,
cette condition venant à défaillir, il n’y avait plus de
vente; car les ventes additionnelles n’existent pas tant
q u e l a - c o n d i t i o n n ’ a pas é té r e m p lie . Conditionales
venditiones tune p erficiu n tu r ciun im pleta fu e r it
conditio. L . 7 , ff. de contrah. em pt.
Dans tous les cas que nous venons de parcourir, quel
est le droit des vendeurs?
Non celui de faire exproprier des tiers-détenteurs
par des poursuites hypothécaires; car agir ainsi, c’est
reconnaître que la vente primitive est parfaite ;
Mais celui de reprendre la chose vendue; or, on ne
dispute pas ce droit à M. Joly de Fleury et à ses
consorts.
Pourquoi donc n’en usent-ils pas?
P a r c e q u ’ ils a u r a i e n t à r e s t it u e r p lu s de 3 0 0 , 0 0 0 fr.
qu’ils ont touchés des deniers même fournis par les
t i e r s - a c q u é r e u r s , et qui serviraient au moins à indem
niser ceux-ci d’une partie de leurs pertes.
Pour obscurcir des idées simples, on fait un singulier
argument.
�( 21 )
La condition, a-t-on d it , n’est pas suspensive de la
vente, mais elle est suspensive du droit de revendre;
et la seconde vente est censée ne pas exister a l ’égard
des premiers vendeurs.
Ce système est plus ingénieux que solide.
Il est détruit par les termes de la clause , par la
nature des contrats de ventes, par le mode même des
poursuites exercées.
Les termes de la clause sont clairs.
» Ce qui est stipulé, est-il d it, comme condition
« essentielle des présentes, et suspensive cle la vente
« jusqu’à l’accomplissement de cette formalité (celle
« de la transcription). »
Il est d’ailleurs contrairë à la nature des contrats
de vente, qu’un acquéreur soit propriétaire et ne le
soit pas.
“ La vente peut être faite purement et simplement,
« O U sous une condition soit suspensive, soit résolu« toire (Voyez Code civil, art. i 58/f). »
On ne reconnaît pas, en droit, d’autre manière de
vendre.
Si la vente meme n est pas suspendue par une con
dition, elle est parfaite, et la propriété est acquise lv
l’acheteur (Art. 1 583).
O r , « ];i propriété est le droit de jouir et de disposer
' îoses de la manière la p lu s absolue (Code civil,
art. 5 /+4). «
�Donc si la compagnie Bravard était propriétaire ,
elle a pu vendre.
S i , au contraire, elle n’était pas propriétaire, pour
q u o i, vous qui n’auriez pas cessé de l’être, avez-vous
fait faire sur nous la saisie immobilière de votre propre
chose ?
E t remarquons que l’on a reconnu , par le mode
même des poursuites, que la compagnie Bravard avait
pu vendre; car ce n’est pas sur elle, c’est sur les ac
quéreurs, et notamment sur le sieur G relet, qu’on a
saisi, et qu’on, veut faire adjuger judiciairement , eil
exerçant les poursuites indiquées par les articles 2169
et suivans du Code.
On doit donc convenir que si la clause, qu’elle soit
suspensive, ou résolutoire, pouvait être opposée à des
tiers-acquéreurs, ce serait seulement en faisant an
nulier les premières ventes.
, L ’on devrait en convenir d’autant m ieux, que tous
les exemples que l ’on invoque, tels que les pactes de
rachatj les rescisions, etc., ne sont que des moyens de
résolution de contrat.
Mais dire qu’une condition opposée à une première
vente a pu grever hypothécairem ent des seconds acqué
reurs , c’est tout-U-fait méconnaître les règles de notre
système hypothécaire, c’est supposer qu’on peut le
détruire par des conventions particulières.
Noire système hypothécaire tient à l’ordre public j
c’cst pour cela même que la
publicité
en est la buse.
�( 23 )
W*
Des stipulations particulières n’ont pu y porter at
teinte. Ju s p u b licu m privatorum p a ctis m utari non
potest.
Notre système hypothècaii’e a pour but de faire
cesser les privilèges et les hypothèques occultes , de
mettre un terme aux fraudes nombreuses auxquelles
donnaient lieu des créances inconnues.
Ce b u t , que l’on a cherché pendant si long-tems ,
que l ’on est parvenu à atteindre si difficilement et
après tant d’essais infructueux, ce but équitable ne'
serait-il pas manqué, s’il était permis, dans les ventes,
de faire des conventions qui , en dérogeant à la loi
générale, frapperaient les tiers, quoiqu’ils les eussent
ignorées ?
Ne verrions-nous pas alors autant de règles sur les
hypothèques, qu’il y aurait de contrats?
Chacun ne se ferait-il pas un code hypothécaire à sa
manière , et non seulement pour son usage , mais
•encore pour celui des tiers qui ne l’auraient pas connu,
et qui cependant seraient forcés de s’y soumettre, et
de le prendre pour règle de leurs droits?
E n fin , la loi générale sur les hypothèques ne deviendiait-elle pas un m isérablejouet,destiné à tromper
les esprits simples et conlians, qui auraient eu la bon
homie de croire qu’une loi doit être exécutée parce
qu elle existe ^ qu'en s’y conformant soi-même, on n’a
pas a redouter l’attaque de ceux qui ont négligé do
servei, et qu en ne trouvant sur les registres pu-
�blics l ’indication d’aucune créance, un acquéreur n ’a
pas dù craindre des créances caché,es, et a pu payer
en toute sûreté le prix de son acquisition.
On doit s’étonner que les jurisconsultes, auteurs de
la consultation, n’aient pas remarqué les funestes con
séquences du systèmequ’ils adoptaient, et q u ’ils n’aient
pas senti que l ’absence de toute loi sur les hypothèques
serait préférable à un tel désordre; car enfin, les tiersacquéreurs ne trouvant plus alors de garantie dans la
lo i, la chercheraient dans la méfiance.
Ces jurisconsultes ont été entraînés sans doute par
l’idée tr o m p e u s e de l ’ e x iste n ce d’un arrêt de cassation
conforme à l ’arrêt du i4 mai 18 17; ils se sont peutêtre aussi laissé égarer par leur facilité et leur force
dans la lutte judiciaire, par leur érudition même;
car quelquefois l ’érudition sert moins à découvrir la
vérité, qu’à créer des difficultés : d ifficu lla tem f a c î t
ndoctrici, a d i t un célèbre rhéteur.
Quoi qu’il en so it, ils ont embrassé une erreur.
S’il est v r a i, comme nous l’avons prouvé en exami
nant la première question, qu e, sous la législation
pure du Code c iv il, la vente suffisait pour arrêter le
cours des inscr iptions ; si cette vente avait le même eft et que
p r o d u is a it a u p a r a v a n t , o u que p r o d u i r a i t aujourd’hui
la transcription; si toutes les inscriptions postérieures
'étaient nulles, comme l’a déclaré le conseil d’état, on
doit dire aussi que la clause ajoutée à la vente est
absolument insignifiante quant à^la question du pri
vilège ou de l’hypothèque.
�Cette clause, qui avait pour but le paiement du
prix, n’était que l’accessoire de l ’obligation de payer;
et l ’accessoire ne saurait avoir plus de force, ni plus
d’effet que1 l ’obligation principale qui , 1 cependant,
n’a pu grever les tiers sans la publicité d’une'ins
cription .
Une inscription a été prise , dit-on ;
Cela est vrai; mais en 1808 seulement, c’est-a-dire,plusieurs années après les ventes consenties au sieur
Grelet; à une époque où toutes inscriptions étaient
nulles, à son égard; à une époque où le privilège était
dégénéré en simple hypothèque, q u i, suivant la dis
position de l’article 2 1 13 du Code, ne d a ta it , a l'égard
des tiers, que du jour même où elle avait été prise,
e t , par conséquent, était sans force, sans existence
meme, a l’égard du sieur Grelet.
Cette inscription tardive et illégale n’a pu autoriser
des poursuites contre un acquéreur q u i, long-tems
auparavant, était devenu propriétaire, et avait payé
la totalité du prix de son acquisition.
Le sieur Grelet n’a connu ni la clause qu’on lui
oppose, ni la créance que l’on réclame. Dans les contrats
d’acquisition, on a même déclaré lui vendre les biens
francs et quittes de toutes dettes et hypothèques ; il
a dù cioirc a la vérité de cette déclaration qu’aucune
inscription publique ne démentait. Il a dù se reposer
aussi avec sécurité sur les dispositions de la loi; il ne
doit donc pas redouter l’abîme dans lequel 011 a menacé
�( 26 )
de le précipiter ( 1) ; il a peu sans doute à espérer de
la générosité de ses adversaires ; mais il compte beau
coup sur la justice de la C o u r, parce qu’il sait que
devant elle comme devant la lo i, l’homme faible et
l’homme puissant sont également forts.
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1 M* ALLEM AM D , A vocat.
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( 1) Voyez pago 6 du précis des intimés.
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ARIOM, IMPRIMERIE DE J . - C . S A L L E S , IMPRIMEUR DU P A LA IS
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Grelet, Barthélemi. 1818?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
hypothèques
ventes
conflit de lois
procédures
nullité
créances
saisie immobilière
Description
An account of the resource
Titre complet : Observations pour le sieur Barthélemi Grelet, appelant ; contre Monsieur le comte Joly de Fleury, et autres, intimés.
Table Godemel : Transcription : 5. l’obligation de transcrire avant aucune aliénation des biens vendus, imposée à l’acquéreur comme condition essentielle et suspensive de la vente jusqu’à l’accomplissement de cette formalité, a-t-elle l’effet de conserver le privilège du vendeur, sans qu’il ait besoin de prendre inscription, même à l’égard des tiers acquéreurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1818
An 13-1818
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2409
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2406
BCU_Factums_G2407
BCU_Factums_G2408
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53463/BCU_Factums_G2409.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Allègre (43003)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
Créances
hypothèques
nullité
procédures
saisie immobilière
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53460/BCU_Factums_G2406.pdf
0ae2bce0ac9941caeb49ac70e33599bb
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Text
MEMOIRE
!• O r '»I!
t :ü
POUR
i
■1 =1
Le
10 \m Ju r / * '%
(wiff
■i
..
Sieur B a r t h é le m i GR E L E T , Propriétaire ,
habitant de la Ville d’Allègre, appelant ;
¡a»*
CONTRE
M. A rm a n d - G u i l l a u m e - M a r i e , Comte J O L Y
d e F L E U R Y ; et Dam e A n g é liq u e - C la u d i n e
D O U E T d e L A B O U L A Y E , son E p o u s e les
Sieurs G a b r i e l D O U E T d e L A B O U L A Y E
Officier ; C h a r le s L H E R B E T T E 3 Notaire ,
L o u is V O L F L A N B E R T , Employé au Trésor
public; et P i e r r e - L o u is L A N G L A I S 3 P ro
priétaire tous habitans de la V ille de P a r is , intimés ;
E t contre Le Sieur de S A I N T - L A U R E N T , ancien
Officier- Général aussi intimé.
Un des principaux dangers à éviter dans l’application
d
es lois, est la confusion des principes qu'e lles renferm ent aussi, pour juger sainement, il n e suffit pas
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^2 )
• toujours de réunir la justesse du sens à la connaissance
7 des règles; et de leurs détiails; .il faut encore apporter
‘■la plus grande attention à rechercher l’esprit de chaque
;t règle i à en balancer l’usage, et à discerner l’étendue
et les bornes qu’elle doit avoir.
Aujourd'hui, pour nous, les difficultés de l'applica
tion ont été beaucoup diminuées par les heureuses
divisions que l’on remarque dans nos Codes, où des
ii)’ -<d
chapitres distincts présentent un corps de doctrine pour
Aw#.,.V>\‘yu*. chaque matière différente. Ces divisions, aussi natu.. - « . « i - - . . r e l i e s qu’ utiles, semblent indiquer aux magistrats qu’ils
ne peuvent, sans s’exposer à de graves'inconvëniens,
"■•«o ~SrV\ puiser des règles de décision dans des chapitres étrangers aux cas qui leur sont soumis.
C’est pour ne pas avoir, peut-être, assez réfléchi sur
ces idées simples, que le tribunal’ dont lé sieur Grelet
attaque le jugement, a confondu lès principes relatifs
aux résolution^’ des contrats, avec ceux qui ont trait
■aux privilèges Ou hypothèques.
’r
L e sieur Grelet possède, comme tiers-acquéreur,
des immeubles vendus originairement .par les intimés.
Ceux-ci ont négligé toutes les précautions que la loi
leur indiquait pour conserver, sur leur ancienne pro
priété, un privilège ou une hypothèque.
.
Cependant ils ont été admis à poursuivre hypothé
cairement des tiers-détenteurs, sous prétexte que, dans
l e s contrats de vente primitifs, ils avaient stipulé une
condition suspensive ou résolutoire.
s
**
�L e sieur Grelet résiste à des poursuites hypothécaires
exercées sans privilège et sans hypothèque.
Il demande que ses adversaires soient renvoyés a
intenter, si bon leur semble, unej action en résolution,
qu’il redoute peu.
,, : t
>,v ;
'
Telle est, en analyse, la cause sur laquelle la Cour
doit prononcer.
,(
F A IT S .
L a terre d’Allègre était indivise entre la dame AnneCatherine Douet, veuve de M. de Lamassée, et le
sieur Douet de Laboulaye, son frère.
‘
,,VI - • 'u. m. . i.
L e 19 brumaire an i , la dame Douet vendit la
moitié de cette terre au sieur Bravard-Faure et com
pagnie, moyennant le prix de 200,000 fï\, qui fut
slipulé payable à termes.
0 f|,,CT
Les acquéreurs furent soumis à la charge de faire
transcrire leur contrat au bureau des hypothèques, à
leurs frais.
■
r " 9
lie 2.3 frimaire suivant , les héritiers du’ sieür de
Laboulaye* vendirent à la même compagnie l’autre
moitié indivise de cette terre, pour un prix semblable
de 200,000 francs.
i nsh 'b • •
:\ v
; u ,..;
3
La charge de transcrire fut àussi imposée aux ac
quéreurs. Voici les termes de la clause :
t!'
Les acquéreurs feront transcrire le présent contrat,
« a leurs frais, au bureau des hypothèques qu’il ap« partiendra, et ce, sous six semaines, de ce jour, avant
« aucune aliénation des biens présentement vendus;
�( 4 )
* ce qui est stipulé comme condition essentielle des
« présentes, et suspensive de la vepte, jusqu’à l’ac*> complissement de celte formalité, »
L a formalité n5a pas été remplie; les acquéreurs
ont négligé la transcription, et les vendeurs ne l’ont
pas exigée; ceux-ci n’ont même pris que Irès-tard des
inscriptions pour la conservalion de leurs droits.
Cependant la compagnie Bravai d a revendu en détail
une partie de la terre d’Allègre. Un grand nombre
d’acquéreurs particuliers ont acheté et payé le prix de
leurs acquisitions.
L e sieur Grelet est du nombre de ces tiers-acqué
reurs, que les vendeurs originaires voudraient aujourjd’Jiui rendre victimes de leur propre négligence.
Par des actes authentiques des 2 germinal an i 3 ,
¿ 2 frimaire an^ 1 4 , 12 avril 1806, le sieur Grelet a
acheté de la compagnie Bravard divers héritages dépendans de la terre d’Àllègre, et il en a payé comptant
le prix, qui s’élève à 20,668 francs.
Qn remarque dans les contrats que les héritages lui
ont été vendus fran cs et quittes de toutes dettes , pen
sions et hypothèques ; déclaration qui devait d’autant
plus lui inspirer de contiance, qu’il n'existait sur ses
vendeurs aucune inscription.
Les acquisitions faites par le sieur Grelet avaient eu
lieu depuis l’émission du Code civil, et avant celle du
Code de procédure, c’esi-àKÜre sous une législation
qui, comme nous le verrons bientôt, affranchissait les
�CS )
acquéreurs de tous privilèges ou hypothèques non ins
crites au moment des ventes.
Tranquille sous la foi de cette législation, le sieur
Grelet n’avait cru devoir prendre aucune précaution,
soit pour payer le prix des acquisitions, soit pour s’as
surer le remboursement de ce prix, dans le cas d’une
éviction future qu’aucun indice ne lui faisait craindre.
L a sécurité du sieur Grelet a été confirmée pendant
un grand nombre d’années, par une jouissance pai
sible.
Tout-à-coup elle a été troublée; des poursuites hy
pothécaires ont été dirigées contre lui et contre beau
coup d’autres tiers-acquéreurs, par les héritiers du sieur
Douet de Laboulaye, et par le sieur de Saint-Laurent,
héritier de la dame veuve de Lamassée.
Créanciers seulement d’ une partie du prix des ventes
primitives, les héritiers des vendeurs originaires au
raient pu trouver, dans les biens qui restaient encore
à la compagnie Bravard, des valeurs suffisantes pour
ce qui leur était dû; et cette modération de leur part
eût été d’autant plus juste, qu'il paraît que ce sont les
deniers même des tiers-acquéreurs qui ont servi à leur
payer ce qu’ils avaient reçu.
Mais des poursuites simples ne convenaient pas à un
homme d’affaires, ardent, et venu tout exprès de Paris
pour déployer son zèle.
Plusieurs saisies immobilières, mises successivement
en activité, ont embrassé l’universalité des biens qui
composaient la terre d’Allègre, et ont porté la déso-
�( 6 )
la (ion dans les familles respectables d’une foule, de
liers-acquéreurs qui se sont vus tout-à-coup menacés
d’une ruine prochaine.
L e sieur Grelet a reçu lui-même, le 1 janvier 1 8 1 7 ,
la dénonciation d’une saisie-immobilière, du^io mars
1 8 1 , qui comprenait tous les héritages qu’il avait
.achetés.
Il a formé opposition aux poursuites, par requête du
r mars 18 17 .
Son opposition était fondée principalement sur ce
que les créanciers poursuivans avaient perdu , faute
d’inscription, leur privilège sur les immeubles qu’il
avait acquis.
Il invoquait secondairement une nullité de procé
dure, résultant de ce que l'huissier n’avait pas signé
la copie de la dénonciation qui lui avait été faite.
L e tribunal du Puy a rejeté le moyen principal. Il
a ainsi jugé que les poursuivans avaient le droit d’agir
hypothécairement contre le sieur Grelet et les autres
tiers-acquéreurs3 et il a ordonné l’adjudica lion des biens
de ceux-ci, en exceptant cependant les héritages du
sieur Grelet, à cause des irrégularités de la procédure
faite à son égard.
Voici les motifs de la décision sur le fond du droit :
«• Attendu que les ventes des 19 brumaire et
fri« maire an i ont été consenties sous la condition
«■ imposée aux acquéreurs, de transcrire au bureau des
* hypothèques, et que, n’y ayant pas eu de transcrip
t i o n , il n’y a pas eu de vente;
5
5
3
3
23
�( 7 )
« Attendu que dans le cas de ;la vente sous une
* condition suspensive, son effet est réglé par les prin« cipes généraux des conventions (article 1
du Code
«• civil); qu’il est deprincipe queles conventions doivent
« être, exécutées suivant leur forme et teneur; que,
« faute d’exécution de la part des acquéreurs, les ven
ir deurs ont le droit de suivre leur propriété en quelques
« mains qu’elle passe ;
534
3
«■ Attendu enfin que le jugement du o novembre
* 18 16 l’a jugé ainsi, par les motifs y mentionnés. »
3
Le jugement du o novembre 18 16 était étranger
au sieur Grelet; il avait été rendu avec d’autres tiersacquéreurs, et le tribunal avait décidé que, d’ après .la
loi du Code sur les hypothèques, le piivilége des pre
miers vendeurs subsistait tant que les tiers-acquéreurs
n’avaient pas transcrit.
Dans les motifs que nous venons de copier, c'est sur
la condition de transcrire, condition suspensive, et dont
l’inexécution a paru aux juges du Puy anéantir les
ventes primitives, que ces magistrats se sont fondés
pour déclarer les tiers-détenteurs passibles de poursuites
hypothécaires.
' ,J
Mais ils n’ont pas remarqué qu’il y 1'avait uhé con
tradiction frappante entre leur‘décision et 'sés motifs.
S’il n’y a pas eu de vente, comme il est,dit dans les
motifs5 il ne devait pas être question de poursuites
hypothécaires; les héritiers Douet devaient reprendre
1
1
•
■ sgisir
••
leur
cliose
en nature; ils ne pouvaient
la111faire
�( 8 )
et âcîjuger judiciairement, pour être
d’uhe vérité c£ui n’existait pas.
payés du
prix
Si, au contraire, il y avait réellement Vente, ce que
les vendeurs eux-mêraes avaient reconnu, soit par la
réception d’ une grande partie du prix, soit par leurs
poursuites comme créanciers du surplus ; s’il y avait
réellement vente , il fallait examiner comment les
vendeurs avaient conservé leur privilège ou leur hy£otïtèqùe sur les imïneübles qui avaient passé aüx tiersacquéreurs.
Ce jugement , par les principes qu’il posait, annonçait
au sieur Grelet de nouvelles poursuites qui se sont réa
lisées bientôt après*
Pour en détruire la base, le sieur Grelet a dû se
pourvoir, pàt appel, devant ïa Cour.
Son appel présente à juger deux questions.
i ° Abstraction faite de la condition de transcrire,
stipulée dans leurs contrats de vente, les premiers vendeursauraient-ilsconservé,sansinscription,unprivilége
„ou une hypothèque sur les immeubles acquis par le
sieur Grelet?
z° Cette condition a-t-elle pu les affranchir, à l’égard
des tiers, de Îa nécessité de l’inscription de leur privi
lège, et les autoriser à poursuivre des seconds acqué
reurs, par la voie de là sâisie immobilière?
L ’on examinera successivement ces deux questions *
]a solution de la seconde découlant nécessairement de
celle de la première.
�PREMIÈRE QUESTION.
^Abstraction faite de la condition de transcrire} les
premiers vendeurs auraient-ils conservé, sans ins
cription , un privilège ou une hypothéqué sur les
immeubles acquis par le sieur Grelet ?
Pour la solulion de celte question, il faut remarquer
d’abord les dates des premières et des secondes ventes,
et se fixer ensuite sur la législation alors en vigueur.
23
Les premières ventes sont des 19 brumaire et
frimaire an i ; celles faites au sieur Grelet ont eu lieu
les 2 germinal an i , 22 frimaire an 1 4 , el 12 avril
1806.
3
3
Ainsi, les unes et les autres ont été faites depuis
l’émission du Code civil, publié en l’an 1 2 , ou 1804,
et avant que nous eussions pour loi le Code de pro
cédure, qui n’a été en vigueur qu’ au i er janvier 1809.
C’est donc par les règles de cette législation intermé
diaire, que la difficulté doit se résoudre.
Ces règles n’étaient semblables ni à celles qui les
avaient précédées, ni à celles qui les ont suivies.
Avant le Code civil, la loi du 1 1 brumaire an 7 ,
par une innovation poussée beaucoup trop loin, avait
déclaré, dans son article 26, que, jusques à la trans
cription, la vente ne pourrait être opposée aux tiers
qui, même postérieurement à sa date, auraient con
tracté avec le vendeur. Cependant, sous celte loi, les
tiers seuls étaient autorisés à argumenter du défaut
�( 10 )
de transcription, L e contrat de vente n’ en existait pas
moins entre le vendeur et l’acquéreur.
Le Code civil fit disparaître la nécessité de la trans
cription pour la perfection de la vente.
L e Code civil fit plus; il posa pour règle que toute
créance, privilégiée ou autre, non inscrite au moment
de l ’aliénation, ne grèverait pas l’objet aliéné.
L a vérité de cette dernière proposition peut être
démontrée de plusieurs manières :
Par les termes de la loi ;
Par les discours des orateurs qui Font présentée ou
discutée ;
Par les dispositions nouvelles du Code de procédure ,
et les motifs qui les ont dictées ;
Par les opinions des auteurs ;
Enfin par la jurisprudence.
Les termes de la loi sont à considérer, soit au titre
de la vente, soit à celui des privilèges et hypothèques.
Au titre de La vente, on trouve l’article i
, qui
déclare La vente parfaite entre les parties, et La pro
priété acquise de droit à Cacheteur à Cégard du ven
deur > des quon est convenu de La chose et du prix.
Cet article anéantit le 26e article de la loi du 1 1
brumaire an 7 , et fait cesser les fraudes dont cette loi
était la source, en ne permettant plus au vendeur de
contracter après la vente, au préjudice de son ac
quéreur.
A ce moyen de prévenir les abus des contrats pos
térieurs, le législateur du Code se proposa d’ajouter
583
�( 11 )
celui d’éviter les dangers résultant des actes même
antérieurs, mais non connus; et ce second but, il le
remplit par les règles contenues au titre des privilèges
et hypothèques.
Tout le système hypothécaire établi dans ce titre
roule sur deux bases principales, L A p u b l i c i t é et L A
SP É C IA L IT É .
L a p u b l i c i t é sur-tout a été rigoureusement pres
crite , comme indispensable pour faire connaître aux
tiers les privilèges ou les hypothèques auxquels aurait
pu s’être soumis le propriétaire avec lequel ils vou
draient contracter.
Pour produire cette publicité, la loi a exigé une
inscription faite par les créanciers, dans des registres
toujours ouverts au public.
De là une foule d’articles d’après lesquels, à Fexception des hypothèques légales des femmes el des mineurs,
la loi ne reconnaît ni privilèges ni hypothèques, s’ils ne
sont pas inscrits.
L ’article 2106 du Code civil déclare que « les pri« viléges ne produisent d ’effet, h l’égard des immeubles,
«• qu’autant qu’ils sont rendus publics par inscription
«• sur les registres du conservateur des hypothèques,
« de la manière déterminée par la lo i, et à compter
« de ta date de celte inscription. »
L ’article 2107 n’excepte de cette formalité que
quelques privilèges particuliers et de peu d’importance,
énoncés dans l’article 2.101.
L article 2j 08 soumet expressément le privilège du
�( 12 )
vendeur à l’ inscription ; il charge l’acquéreur de trans
crire, et le conservateur des hypothèques de faire alors
une inscription d’office pour le vendeur. Il autorise
aussi ce dernier à requérir la transcription lui-même,
à l’effet d’acquérir Cinscription de ce qui lui est dû sur
le prix.
On remarquera qu’en autorisant le vendeur à re
quérir lui-même la transcription pour conserver son
privilège, et à Ceffet d ’acquérir l ’inscription de ce qui
lui est dû, le législateur l’a clairement averli que le
privilège pouvait se perdre même avant la transcrip
tion, et qu’il était important de ne pas négliger cette
formalité.
13
L ’article 2 1
dit que toutes créances privilégiées
soumises à la formalité de l’inscription, à l’égard des
quelles les conditions prescrites pour conserver le pri
vilège n ’ont pas été accomplies, dégénèrent en simples
créances hypothécaires, et que l’hypothèque ne d a te,
à Cégard des tiers, que de l ’époque des inscriptions.
Des observations semblables peuvent être puisées
dans les articles relatifs aux simples hypothèques;
Dans l’article 2 13 4 , notamment; où on lit que l’hy
pothèque n’a de rang que du jour de l’inscription ; d’où
il suit qu’il n’y a pas d’hypothèque, devant la loi, tant
qu’il n’y a pas d'inscription.
35
Dans l’article 2 1 , d’après lequel l’hypolhèqne des
femmes et des mineurs est la seule qui existe indépen
damment de toute inscription; expressions dont se lire
�( i3 )
la conséquence naturelle, que toute autre hypothèque
n’existe pas, si elle n’est pas inscrite.
A tous ces raisonneraens, qui démontrent la néces
sité de l’inscription du privilège ou de l’hypothèque,
pour leur donner de l’existence ou de l'effet, on ne
peut opposer qu’ une seule objection, savoir que la loi
ne prescrit pas de délai pour faire inscrire le privilège
du vendeur.
Mais le silence de la loi sur ce point, peut tout au
plus autoriser à dire que tant que l’immeuble vendu
est encore entre les mains de l’acquéreur, le privilège
peut être inscrit.
Cela n’empêche pas que l’inscription ne soit néces
saire pour prévenir, en faveur du premier vendeur,
le danger d’une seconde vente, et pour que le second
acquéreur soit grevé du privilège.
Si, au moment de la seconde vente, le privilège
n’est pas inscrit, il est réputé ne pas exister relativement
au second acquéreur-, il ne peut produire aucun effet
à son égard, parce que cet acquéreur a acquis de bonne
foi, et que l’on a négligé de l’avertir parla publicité
d’une inscription. (Voir l’article 2106 du Code).
ne
peut donc donner au premier vendeur le droit de suivre
l’immeuble dans les mains du second acquéreur.
11
C’est encore ce que d’autres articles du Code civil
peuvent servir à prouver de plus en plus.
L ’article 2166 n’accorde le droit de suite qu’aux
créanciers ayant privilège ou hypothèque inscrite.
Xi art icle 217 7 ne place avant les créanciers personnels
�4
( i )
du tiers-détenteur, que les créanciers i n s c r i t s su r les
précédens pro priétaires , en sorte que tout créancier
non inscrit ne peut réclamer de préférence.
Les articles 2 1
et 2 18 4 indiquent au tiers-acqué
reur le moyen de se soustraire au droit de suite, au
torisé par les articles 2166 et suivans; et quel est ce
moyen? celui de faire une notification aux créanciers,
aux domiciles élus par leurs in scrip tio n s , et d’offrir le
rapport du prix; cela ne prouve-t-il pas qu’à l’égard
du tiers-acquéreur, la loi ne reconnaît pour créancier^
que ceux dont le titre est inscrit ?
Aussi est-ce aux créanciers inscrits seuls que l’art. 2 185
permet de faire une surenchère.
Enfin, un dernier argument se tire même de l’ar
ticle 2 1 8 2 , ou la loi dit que la simple transcription ne
83
p u rg e pas les hypothèques et privilèges
immeubles.
é t a b l is
sur les
Personne ne contestera que la transcription purgeait
avant le Code, purge encore aujourd’hui toute hypo*Ihèque et tout privilège non inscrits, tandis que ceux
qui sont inscrits ne peuvent être purgés qu’à l’aide du
moyen indiqué par les articles 2 1
et suivans.
Ainsi, en disant que la transcription ne purgeait pas
les privilèges établis sur les immeubles, le législateur
a déclaré clairement qu’il n’existait, à ses yeux, de
privilège, qu’aütant qu’il était in sc rit; c’est-à-dire que
l’ inscription était indispensable pour établir un privilège
sur un immeuble.
On le voit, les raisonnemens fournis par la lettre
83
�( i5 )
même de la loi, abondent pour démontrer qu’en ache
tant, sous la législation pure du Code civil, un im- %
meuble non grevé d’inscriptions, l’acheteur l a acquis,
libre de toutes charges et de toutes dettes; il n’a pas
eu besoin de transcrire pour arrêter le cours d’inscrip
tions qui ne pouvaient pas être prises à son préjudice,
ni pour paralyser l’t'iïet de privilèges ou d’hypothèques
qui n’existaient pas à son é gar d, et qui ne pouvaient
plus être établis sur un immeuble dont le débiteur avait
cessé d’être propriétaire.
Tel est le vrai sens de la loi du Code sur les privi
lèges et hypothèques, sens que de nombreux articles
indiquent avec la plus grande évidence, sens que les
législateurs eux-mêmes ont déclaré dans les discours
lumineux qui ont préparé la rédaction définitive de
la loi.
Parmi ces législateurs, nous croyons devoir nous
borner à en citer un dont les lumières sont aujourd’hui
un des principaux ornemens de noire Cour. M. Grenier,
dans son rapport au Tribunat, sur la loi des privilèges
et hypothèques, au nom de la section de législation,
en parlant de la transcription, s’exprime en ces termes
remarquables :
»Mais cette transcription n’est plus nécessaire au« jourd'hui pour la transmission des droits du vendeur
* a 1 acquéreur, respectivement à, des tiers ainsi/que
« lavait voulu l’article 26 de la loi du 1 1 brumaire
an 7. Elle n’ajoute rien à la force du contrat, dont
« la validité et les effets sont subordonnés aux lois
» eénérales relatives aux conventions et ;i 1n —
�( i6 )
« en sorle qu'elle n'est plus nécessaire p o u r a r r ê t e r
« le
c o u r s d é s i n s c r i p t i o n s , qui, auparavant ,
« pouvaient toujours être faites sur l’immeuble ven d u ,
« m êm e après la vente. »
Ces expressions sont aussi claires que positives, la
transcription ri est plus nécessaire pour arrêter le cours
des inscriptions. Donc le contrat de vente seul a suffi
pour arrêter ce cours; donc toute créance non inscrite
avant la vente est sans force, sans existence, même à
l'égard de l’acquéreur.
Convaincus de la vérité de ces conséquences, mais y
ayant remarqué quelques inconvéniens, les législateurs
voulurent abroger le principe, et lui en substituer un
au tre , lorsqu’ils rédigèrent le Code de procédure.
C’est dans cette pensée qu’ils insérèrent dans la der
nière loi l’article
> Par lequel il est permis aux
créanciers, qui n auront pas f a i t inscrire leurs titres
834
antérieurem ent a u x aliénations q u i s e r o n t f a i t e s
A
L A V E N I R , de prendre inscription dans la quinzaine
de la transcription.
Cet article dispose tant pour les créanciers ayant un
privilège, qu’à l’égard de ceux qui n'ont qu'une simple
hypothèque (i) ; mais il ne dispose que pour les alié
nations futures ; et ses termes indiquent clairement que,
pour le passé, l’inscription a dû précéder la vente.
C'est aussi ce que fônt observer les orateurs du gou
vernement et ceux dtl Tfibunat, lorsqu ils examinent
la disposition de l’article
du Code de procédure.
834
( i ) V o i r , pont les privilège*, la second paragraphe de l’article 834.
�( T7 )
Les uns et les autres présentent cet article comme ren
fermant une nouvelle règle qui modifie celle établie
parle Code civil, mais qui, respectant le tems passé el
les droits acquis, doit atteindre seulement les aliéna
tions faites à l’avenir.
L e discours de M. Berlier, conseiller d’état, chargé
d’exposer les motifs de la loi, et celui du tribun T arrible, sont remarquables sur la question.
M. Berlier, notamment, après avoir rappelé l’opi
nion qui n’accordait Le droit de suivre Cimmeuble, en
quelques mains qu’il eût passé, qu’aux créanciers ayant
privilège ou hypothéqué inscrite au moment de la vente^
après avoir reconnu que cette opinion était la plus
conforme au Code civil, mais après avoir fait sentir
que l'opinion contraire avait un but juste et utile, et
présentait une modification qu’il était bon d ’accueillir,
ajoute ces expressions, décisives pour la question qui
nous occupe :
« Dans cette conjoncture, on a adopté, pour le passé
* et l’avenir, un parti qui respecte les droits de l’ un et
de l’autre tems.
« Comme la disposition nouvelle n’atteindra que Les
« aliénations qui seront faites à l’avenir, les tiers* acquéreurs qui auront contracté sous l’empire de La
« Loi qui nous régit en ce moment, n’en recevront
« aucun dommage. »
Les autours ne sont pas divisés sur la question; tous
décident que sous le Code civil, et avant le Code de
procédure, l’aliénation seule, quoique non suivie de
3
�( i8 )
transcription, faisait disparaître, à l’égard de l’acqué
reur, toute créance non inscrite. Tous appliquent la
règle aux créanciers privilégiés, comme aux simples
créanciers hypothécaires.
M. Chabot (de l’Allier), dans ses Questions transi
toires, dit que celte opinion est la seule qui puisse se
concilier avec les dispositions du Code. (Voir au tom. 2 ,
page 78).
M. Tarrible professe la même doctrine dans le
Répertoire de M. Merlin, au mot Inscription hypo
thécaire, § 4.
Telle est aussi celle enseignée par M. Persil, dans
son Régim e hypothécaire, sur l’article 2182 (p. 362)y
et dans ses Questions hypothécaires, au mot Inscription,
§ . Voici comment s’exprime cet estimable auteur,
dans le premier de ses ouvrages :
5
«Ainsi, sous le Code civil, et avant le Code de pro
ie cédure, s’il est arrivé qu’ une personne ait aliéné
« l’immeuble qu’elle avait précédemment hypothéqué,
«■ mais dont les créanciers n’avaient pas encore pris
«■ inscription, cet immeuble est passé, fra n c et quitte,
«■ entre les mains de Cacquéreur, encore que celui-ci
« n ait pas fa it de transcription. »
M. Mourre, procureur général de la Cour de cas
sation, a professé la même opinion dans une cause où,
examinant les effets du privilège du vendeur, et après
avoir déclaré en principe que le privilège du vendeur,
en quelque tems qu’il soit inscrit, prime toutes les
�C 19 )
créances hypothécaires, ce savant magistrat se haie
d’ajouter, pour prévenir toute équivoque :
«Nous devons dire que le principe n’a lieu que lorsque
«■ les choses restent dans l’état d’une première vente,
« et qu’il s’agit d’un conflit entre le vendeur et les
« créanciers du premier acquéreur; car s’il y a une
« seconde vente, et que le second vendeur ait fait
« transcrire sous l’empire de la loi du 1 1 brumaire,
« ou
bien, si La seconde vente a eu Lieu sous L’empire d u
« Code c iv il q u i n ’e x i g e p a s l a t r a n s c r i p t i o n
,
«
*
«
«
,
alors le privilège du premier vendeur ne peut plus
être inscrit, sauf, pour les contrats postérieurs au
Code de procédure, l’exécution de l’article
de
ce Code. ■»
A cette masse d’autorités pour prouver qu’une vente
faite sous le Code civil, et avant le Code de procédure,
quoiqu'elle n’ait pas même été transcrite, a purgé tout
privilège ou hypothèque non inscrite au moment de
1 aliénation, à cette masse d’autorités respectables vient
se réunir encore la jurisprudence, soit de la Cour de
Riom , soit de la Cour de cassation.
L a Cour de Riom a jugé la question relativement
aux créanciers du vendeur, par un arrêt du 1 1 mai
1 8 1 , dans la cause des sieurs Reynard et Faure.
Faure avait acheté un domaine de Lardi, le 23 avril
1806.
834
5
Reynard, créancier antérieur et hypothécaire du
vendeur, n’avait pas pris d’inscription avant l’aliéna
tion; mais l’acte de vente n’était pas encore transcrit,
�( 20 )
lorsque ce créancier fil inscrire son titre. Cependant
l’acquéreur a soutenu que l’hypothèque du créancier
était anéantie à son égard; et la seconde chambre l’a
jugé ainsi sous la présidence de M. V erny,en adoptant
les motifs d’un jugement de Riorn, qu'elle a confirmé.
Ces motifs ont pour base les principes que nous avons
déjà développés; on y lit :
«• Que sous le régime du Code civil, et anlérieure« ment au Code de procédure, il n'y avait pas besoin
« de transcription pour arrêter le cours des inscriptions;
« Que Reynard n’a pu s'inscrire utilement après la
« vente, et ne peut être considéré, par rapport à Faure,
« acquéreur, comme créancier hypothécaire sur le prix
«• de sa vente , puisqu’il n’avait qu'une hypothèque
« imparfaite qui, par rapport aux tiers, ne pouvait
« prendre rang que par l'inscription. *
La Cour de cassation, dans un arrêt du décembre
i i
consacré la même vérité, relativement au pri
vilège d’un, vendeur.
Cet arrêt présente un corps entier de doctrine sur la
question, qu’il examine en parcourant même toutes
les variations de notre législation en cette matière.
Les motifs de l’arrêt décident que le privilège du>
vendeur r i est conservé, à l'égard des acquéreurs, qu'au
tant q riil est inscrit, savoir :
*
Sous l’empire de la loi du 1 1 brumaire an 7 , avant
« la transcription des ventes ultérieures;
« Sous l’empire du Code civil, avant Le contrat de
r vente du, premier acquéreur au second ;
8 3, a
5
�• Sons l’empire du Code de procédure, dansles quinze
« jours après la transcription de la seconde vente.
Voici ce que porte un des motifs de l ’arrêt :
«■Considérant que, suivant le Code civil, l’inscription,
« pour être valable, devait être prise, par le créancier,
« dans le tems que l’immeuble était entre les mains de
« son débiteur; quq faite postérieurement tiL'aliéna« tlon de Cimmeuble , elle était nulle, soit que l'acte de
« mutation eût été ou non transcrit (i). »
Quoi de plus positif que de pareilles expressions?
quoi de plus conforme à la lettre de la loi, à son esprit,
à l’opinion unanime des auteurs? Quoi de plus propre
à faire disparaître tous doutes et toute hésitation, s’il
pouvait en rester, et à convaincre que, sous le Code
civil, antérieurement au Code de procédure, la simple
aliénation produisait absolument l’efîet produit au
trefois, celui qui serait produit aujourd’hui par la
transcription de l’acte, et que les créances, même pri
vilégiées, sur un immeuble, étaient effacées par le seul
fait de la vente de l’immeuble, si les créanciers avaient
négligé de les faire inscrire antérieurement.
C’est sous la foi de cette législation intermédiaire,
que le sieur Grelet a cru qu’il n’avait à redouter aucun
privilège, puisqu’il n’y en avait pas qui eût été rendu
public par une inscription.
v
(0
Voir cet arrêt, et les questions qui sont posées, dans le Journal do
*rey, tome 1 4 , i t» partie, page 4 6 ; et dans le Code civil annoté par le
même auteur, notes i 5 et 1 6 , sur l’article aio8.
�( 22 )
C ’est après s’être assuré au bureau des hypothèques
qu’aucune inscriplion ne grevait les héritages qu’il se
proposait d’acquérir; c’est aussi après avoir exigé de ses
vendeurs la déclaration que les héritages étaient fran cs
et quittes de toutes dettes et hypothéqués, que le sieur
Grelet, plein de sécurité, a acheté et a payé le prix
de son acquisition.
Examinons si une clause qui lui était inconnue, et
que renfermait un précédent contrat, a pu détruire, à
l’égard de ce tiers-acquéreur, tout le système de la
législation hypothécaire sous laquelle il contractait, en
conservant à un p re m ie r vendeur un privilège et un
droit de suite que, d’après la loi, sa négligence devait
lui faire perdre.
SECONDE QUESTION.
L a condition de transcrire, stipulée par les premiers
vendeurs, a-t-elle pu les affranchir, à l'égard des
tiers, de la nécessité de Cinscription de leur privilège,
et les autoriser à poursuivre des seconds acquéreurs
par la voie de la saisie immobilière ?
C’est dans l’examen de la nature et des effets de la
charge de transcrire, imposée par les premiers vendeurs,
que l’on doit se rappeler ce que nous avons dit en com
mençant, sur le danger de la confusion des principes,
et sur les erreurs dans lesquelles on tombe nécessaire
ment, lorsqu’on applique à une des matières du droit,
�C
23
)
des règles qui lui sont étrangères, en méconnaissant
celles qui lui sont pvopres.
Considérer la nature de la charge dont il s’agit ;
En déterminer les effets;
Démontrer qu’elle n’a pu être d’aucune influence
pour la conservation du privilège des vendeurs ;
Telle est la tâche qui nous reste à remplir.
Si l’on se fixe sur la nature de la clause insérée aux
contrats des ventes primitives, quels que soient les
termes dans lesquels celte clause est conçue, on re
connaîtra qu’elle caractérise un mode d’exéculion des
contrats, plutôt qu’ une condition suspensive des ventes.
En effet, une condition n’est suspensive qu’autant
qu’elle est subordonnée à un événement futur et incer
tain, indépendant de la volonté des parties.
L ’on appelle, au contraire, modes, dans le langage
du droit, tous ces pactes accessoires ou ces clauses
ajoutées à la convention principale, pour imposer aux
contractans certaines obligations, certaines charges (i).
Ce qui distingue le mode delà condition suspensive,
c’est l’exécution que reçoit le contrat.
Dans le cas d’une condition suspensive, le contrat
n'est exécuté qu’après l’événement de la condition.
C’est le cas prévu par l’article 1 18 1 du Code civil.
Dans celui du mode, ou de la condition modale,
exécution du contrat n’est point ^suspendue. Cette
1
( ) Voir ce que dit le professeur Toullier dans le Droit civil français,
n e ? , pages
a et6oo. Voir aussi le Répertoire de M . M erlin, au mot
M ode .
56
�(H )
exécution s’opère sur-le-cliamp; seulement le contrat
peut être résolu, si l’ une des parties ne satisfait pas à
la charge qui lui avait été imposée. C’est le cas dont
parle l’article n
du Code.
C ’est dans ce dernier sens que les parties ont en
tendu, ont exécuté elles-mêmes les contrats de vente.
Les acquéreurs se sont mis en possession au même
instant; et, loin de s’y opposer jusqu’à la transcription
des contrats, qui aurait dû être faite dans les six se
maines, les vendeurs ont participé à l’exécution autant
qu’il était en eux, soit en délivrant les immeubles
vendus, soit en recevant le prix des ventes.
Ce prix a été payé à diverses époques, la plupart
très-reculées du délai fixé pour la transcription; il a été
payé en totalité, à ce qu’il paraît, à l’un des vendeurs,
ou à son représentant, le sieur Saint-Laurent, qui
aujourd’hui ne réclame plus rien (i), et en très-grande
partie à l’autre vendeur.
N ’est-il pas singulier de voir ces vendeurs, qui ont
exécuté eux-mêmes les ventes, et qui en ont reçu le
prix, argumenter du défaut de transcription pour sou
tenir qu’il n y a pas eu de vente de leur part?
, Mais s i c o m m e ils le prétendent , et comme l’ont
83
( i) L e sieur de Saint-Laurent, unique représentant de la dam eD ouet,
qui a fait la première vente du 19 brumaire an x , est en cause sur l’appel,
3
parce qu’il y était entervenu en première instance; et cependant il ne lui
est tien d û , à ce qu’il paraît; ce qui le démontre, c’est que les nouvelles
poursuites dirigées contre le sieur Grelet ne sont faites qu’au nom des
héritiers du sieur de L ab o u la y e , et pour le prix de la seconde vente du
frimaire an i .
23
3
�( *5 )
pensé les premiers juges, il n'y a pas eu de vente, que
devaient-ils faire?
Ils devaient reprendre dans les mains de la compagnie
Bravard, les immeubles que désignaient des ventes res
tées imparfaites, sau fàag ir, au besoin, e n désistement
contre les tiers-détenteurs.
Telle était la conséquence, et tels devaient être les
eifels de la condition de transcrire apposée dans les
ventes, quelle que fût même la nature de cette con
dition, soit qu’on la considérât comme suspensive, soit
qu’on la considérât comme résolutoire.
Considérée comme suspensive, la condition aurait
empêché que les immeubles vendus ne fussent, devenus
la propriété des acquéreurs.
Considérée comme résolutoire, son inexécution au
torisait les vendeurs à rentrer dans leur propriété.
Sous l’un et l'autre rapport, les vendeurs auraient
pu demander à être renvoyés en possession de leur
chose, sauf à examiner les droits acquis aux tiers-ac
quéreurs.
Mais, sous aucun rapport, ils ne pouvaient être
admis à faire vendre cette chose par une saisie immo
bilière faile sur les premiers et sur les seconds ac
quéreurs.
En effet, poursuivre par saisie immobilière, c’est
agir, non comme propriétaires de la chose saisie, mais
comme créanciers ayant un privilège ou une hypo
thèque sur cette chose; c’est donc reconnaître qu’on
a cessé d’êlre propriétaire; c’est par conséquent avouer
4
�Ilf
î^ \
( 26 )
que les ventes primitives avaient transféré la propriété
des choses vendues aux acquéreurs originaires que l’on
poursuit.
Ainsi, il y a une contradiction choquante entre le
sens que les premiers juges ont donné à la condition
de transcrire, et les effets qu’ils ont attribués à cette
condition.
D ’un côtéj ils ont dit que la condition n’ayant pas
été remplie, il n’y avait pas eu de vente.
De l’autre, ils ont déclaré que les vendeurs avaient
pu agir comme de simples créanciers du prix, et pour
suivre^ contre les acquéreurs diverses expropriations
judiciaires qui ont été dirigées, non seulement sur la
terre. d’Allègre, mais même sur les biens propres des
acquéreurs originaires.
. Mais s’il n’y a pas eu de vente, il n’est pas dû de
prix,
• S'il n’y a pas eu de vente, loin d’être créanciers,
les vendeurs seraient, au contraire, débiteurs envers
les acquéreurs, de sommes considérables, s'élevant à
plus de oo,ooo francs, qu’ils ont touchées à compte
du prix d’une vente proposée, acceptée, mais non
consommée.
S il-n’y a pas eu de vente, les héritiers Douet et
Laboulaye auraient tout au plus droit contre la com
pagnie Bravard, à des dommages et intérêts dont la
valeur ne pourrait évidemment s’élever à celle des
sommes qu'ils auraient à restituer, et qui, n’étant ni
3
�27
.
(
)
cerlains ni liquides, n'auraient pu autoriser des expro
priations. (Voir le Code civil, article 2 2 i3 ) .
On le voit; il est incontestable que la décision du
tribunal du Puy renferme une erreur grave, ou dans
le principe qu’elle pose, ou dans la conséquence qu’elle
en lire.
Il faut nécessairement qu’il y ait eu vente, pour
que des vendeurs aient pu agir en paiement d’ un prix,
et poursuivre des expropriations dans l’unique but
d’obtenir ce qui, disent-ils, leur reste dû sur le prix.
Or, si les vendeurs sont forcés de reconnaître qu’il
y a eu vente; si cette vérité est le résultat nécessaire,
et des considérables à-compte qu’ils ont reçus sur le
prix, et des actions qu’ils ont formées, et des poursuites
qu’ils exercent encore aujourd’hui; si donc les vendeurs
ne sont réellement que de simples créanciers, privilégiés
même, il faudra au moins se résoudre à examiner com
ment leur privilège, quoiqu’il n’eût reçu aucune publi
cité, aurait cependant conservé toute sa force à l’égard
des tiers qui, au moment où ils ont contracté avec les
acquéreurs primitifs, n’ont pas trouvé ce privilège
inscrit sur les registres destinés à le faire connaître. t
Ces dernières réflexions nous ramènent à la première
question que nous avons traitée, et qui roule sur des
principes dont nous n’avons plus, il semble, qu’à faire
l’application.
Rappelons nous ici ce que nous avons démontré en
traitant la première question , savoir :
Que, sous le Code civil, et avant le Code de pro-
�( *8 )
cédnre, la simple aliénation produisait le même effet
que produisait antérieurement, ou que produirait au
jourd’hui la transcription du contrat; ‘
C ’est-à-dire, i° qu’elle effaçait, à l’égard des ache
teurs , non seulement les hypothèques, mais aussi les
privilèges non inscrits au moment des ventes ;
2.° Qu’elle arrêtait le cours des inscriptions, qui ne
pouvaient plus dès-lors être faites utilement.
Cela posé, comment concevoir que les héritiers
Douet et de Laboulaye puissent parler de privilège, et
agir hypothécairement contre des tiers-acquéreurs, en
vertu de ce prétendu privilège, qui n’était cependant
pas inscrit en i o et en 1806, au moment où les tiers
ont acheté?
*
Leur privilège, anéanti à l’égard des tiers parla loi,
et par la négligence des créanciers, est dans leurs mains
une arme inutile.
Leur privilège, d’ailleurs, ne pourrait être exercé
contre les détenteurs qu’autant qu’il aurait été inscrit 5
c'est ce que déclarent textuellement plusieurs articles
du Code civil; l’article 2 10 6 , d’après lequel les privi
lèges ne produisent d ’ejfet qu’autant qu’ils sont rendus
publics par l’inscription ; les articles 216 6 et 2 1 6 9 ,
par lesquels, pour être autorisés à suivre un immeuble
en quelques mains qu'il passe, et à le faire vendre sur
le t i e r s - détenteur, il faut être créanciers ayant un
privilège ou une hypothèque inscrite • les ariiçles 2 18 3
et 2 1 , qui ne reconnaissent de créanciers privilégiés
ou hypothécaires que ceux dont les titres sont inscrits,
85
85
�(
29
)
'
et qui n’attribuent qu’à ces créanciers seuls le droit si
important de surenchérir; l’article
du Code de
procédure, qui même en établissant, pour l’avenir, la
nécessité de la transcription , a cependant encore
confirmé celle de l'inscription des privilèges et h y
pothèques.
Convaincus eux-m êm es q u e, sans inscription, il
ne pouvait exister pour eux de privilège, ni par con
séquent d’action hypothécaire à exercer, les héritiers
Douet et de Laboulaye ont fait inscrire leurs titres.
Mais leurs inscriptions, prises en 1808 seulement,
ne pouvaient plus être faites utilement alors, parce
que les aliénations antérieures avaient arrêté le cours
des inscriptions.
Leurs inscriptions tardives n’ ont pas fait revivre
contre des tiers-acquéreurs un privilège anéanti depuis
long-tems à Tégard de ces derniers ; ces tiers-ac
quéreurs n’en ont pas moins le droit de dire que des
immeubles qu’ils ont achetés libres de toutes dettes ,
n’ont pu être grevés depuis !es ventes, et que les créan
ciers de leurs vendeurs n’ont ni privilège ni inscription
valable sur ces immeubles.
834
Si les principes que nous avons posés sont vrais, si
la publicité des privilèges et des hypothèques est réel
lement une des bases fondamentales du système hy
pothécaire tel qu’il est établi par le Code civil, il sera
difficile de concevoir de quelle influence a pu être, à
■p r
. J
1
°8ard des seconds acquéreurs, pour la conservation du
puvilégedes premiers vendeurs, la condition de trans
crire, insérée dans les contrats des ventes primitives.
�( 3o )
Les eiFets de cette condition pourraient être trèspuissans pour anéantir les ventes ; mais ils sont évi
demment sans force pour les maintenir, et pour con
server, même contre des tiers, un privilège et une
action en paiement du prix.
Dira-t-on que les tiers ont dû connaître la clause de
la première vente, et que s’ils ne l’ont pas connue, ils
ont à se reprocher leur imprudence? Rappellera-t-on
contre eux cette ancienne maxime : Nemo ¿gnarus
debet esse conditionis ejus cum quo contrahit?
t Invoquer une pareille maxime en matière hypothé
caire , ce serait en faire la plus fausse application.
Quel a été, en effet, le but de l’établissement du
régime hypothécaire?
Ce but a été précisément de dispenser les acquéreurs
de se livrer h des recherches toujours difficiles, souvent
impossibles, sur les dettes de leurs vendeurs.
Il
a été de mettre les parties contractantes à portée
de connaître l’état respectif de leurs fortunes, par la
simple inspection des registres destinés à rendre pu
bliques toutes les charges dont ces fortunes pouvaient
être grevées.
Il
a été d’assurer à chacun des contractans qu’il
n ’aurait à craindre ni recherche, ni privilège, ni con
currence de la part de toute personne qui n’aurait pas
donné à des droits antérieurs, cette publicité si impé
rieusement exigée par la lo i, comme étant la priùcipale
base de tout le système hypothécaire.
Admettre que l’on a p u , par les clauses d’une vente,
ou d’un autre contrat, déroger à la nécessité d’une
�( 3i )
publicité aussi importante , aussi formellement exigée
à l’égard des tiers, ce serait renverser tout le sys
tème de la loi, ce serait anéantir le code hypothé
caire lui-même, ce serait nous replonger dans l’ancien
chaos de ces privilèges et de ces hypothèques qui res
taient ignorés des acquéreurs, jusqu’à l’instant où une
action aussi imprévue que dangereuse venait les tirer
de leur sécurité, en consommant leur ruine.
Qu’on cesse donc de prétendre que la condition de
transcrire, stipulée dans les premières ventes, a pu
être de quelque valeur relativement à des tiers qui
n’étaient pas parties dans les contrats, à des tiers qui,
au moment où ils ont contracté eux-mêmes avec leurs
propres vendeurs, n’ont eu qu’une seule chose à con
sidérer, n’ont eu qu’à vérifier s’il y avait, sur les
biens qui leur étaient vendus, quelques créances ins
crites.
En ne trouvant aucune inscription sur ces biens, en
achetant sous l’empire d’une loi qui effaçait toutes
dettes, tous privilèges même, non inscrits au moment
des ventes^ ces liers ont acquis de bonne fo i, ils ont
acquis sous la foi même du législateur, qui leur avait
promis qu’ils n’avaient rien à craindre; ils ont acquis,
ils ont dû acquérir avec une sécurité parfaite; et ne
seraient-ils pas autorisés à se plaindre du législateur,
fct à lui reprocher de leur avoir tendu un piège , s i ,
«jprès avoir payé le prix entier de leurs acquisitions,
il-s pouvaient être aujourd’hui poursuivis par des créan
ciers! qui furent négligens lorsque la loi leur prescrivait
de ln vigilance; par des créanciers qui> sortant, enfin
�( 3^ )
de leur longue inertie, voudraient fbire retomber sur
eux le poids de leur propre faute ?
Nous disons Le poids de Lear propre fa u te ; car pour
quoi ces créanciers n ’ont-ils pas veillé à l’exécution
de la condition de transcrire, qu’ils avaient stipulée?
Pourquoi n’ont-ils pas usé de la faculté de transcrire
eux-mêmes, faculté que leur accordait l’article 2108
du Code? Pourquoi n’ont-ils pas, au moins, pris une
inscription , comme la loi et la jurisprudence les y
autorisaient ?
L a condition de transcrire, obscurément placée dans
un acte étranger au sieur Grelet, ne pouvait ni changer
la nature du privilège des premiers vendeurs, ni ajouter
à sa force, ni dispenser des formalités nécessaires à sa
conservation.
Remarquons aussi que cette clause n’était que se
condaire, et accessoire à l’obligation même de payer
le prix.
Or, l’obligation de payer ne pouvait grever les im
meubles et s'étendre à des tiers, sans etre rendue pu
blique par une inscription.
;
’
Comment l’obligation accessoire aurait-elle plus de
vertu, et produirait-elle plus d’efl’et que l’obligation
principale ?
Cette dernière observation nous conduit et s’ap
plique à une autre objection.
On oppose que la compagnie Bravard n’a pu trans
mettre au sieur Grelet plus de droits qu'elle n’en avait
elle-même, et que la propriété n’a passé à des tiers
�( 33 )
qu’avec les charges et sous les conditions stipulées dans
les premières ventes.
Ce que nous avons dit répond suffisamment à l’ob
jection.
Nous ajouterons seulement quelques réflexions sur
la nature des charges et des conditions.
Celles qui sont placées sur le fonds vendu, de manière
à diminuer l’étendue de la propriété, suivent ce fonds,
en quelques mains qu’il passe; il n’y a pas de doute :
une servitude, par exemple, imposée par la vente pri
mitive, reste toujours attachée au fonds; et c’est en ce
sens qu’il est vrai qu’un premier acquéreur ne peut
transmettre à un tiers plus de droits qu’il n’en a reçus
lui-même.
Mais les charges, les conditions qui augmentent le
prix, ou qui tendent à en assurer le paiement, ces
charges, ces conditions ne grèvent les tiers qu’autant
qu elles ont été rendues publiques par l’inscription. En
décider autrement, ce serait rayer du Code la loi sur
les privilèges et les hypothèques; car il n’est pas une
seule vente où la charge du paiement du prix ne soit
une condition essentielle de la transmission de la pro
priété ; et l’on pourrait toujours dire que les tiers-
acquéreurs n’ont pu devenir propriétaires que sous
cette charge.'
Or, on le demande, que deviendrait le régime h y
pothécaire avec un pareil système?
Convenons donc que si les charges inhérentes au
fonds, telles que les servitudes, subsistent toujours,
5
�34
(
)
et si elles suivent la propriété dans toutes ses mutations.,
il n’en est pas ainsi des clauses, des charges, et des condilions relatives au paiement du prix de la première
vente, et que ces dernières charges et conditions no
passent pas à des tiers-acquéreurs, lorsqu’elles n’ont pas
reçu la publicité exigée par la loi, sauf cependant Faction
en résolution de la première vente, action que la loi
réserve au vendeur, mais qui lient à d’autres principes,
comme nous l’avons déjà fait observer.
C’est trop long-tems, sans doute, s’arrêter à des dé
monstrations d’ une évidence presque mathématique,
qui signalent l’erreur et la confusion de principes, dans
lesquelles se sont égarés les premiers juges, en consi
dérant la condition de transcrire, et celle de payer le
prix des ventes, comme propres à rendre toute publi
cité. inutile, même à l’égard des tiers-acquéreurs, et
à conserver sans inscription le privilège des premiers
vendeurs.
Toutes clauses, toutes charges semblables sont évi
demment insignifiantes, à l’égard des tiers, dans des
questions de privilège ou d’hypothèque, si, par une
inscriplion, elles ne sont devenues publiques.
Qu’on les fasse valoir, si l’on veut, pour demander
la résolution ou la nullité des premières ventes, cas
régi par d’autres principes, et pour lequel des inscrip
tions ne sont pas requises.
Mais qu’on ne les invoque pas pour réclamer un
privilège qui n'a pu subsister sans inscription.
Mais, diront nos adversaires, que vous importe
�( 35 )
d'être dépouillés par une action en nullité ou résolution
de la vente,, ou par celle en paiement du prix?
Nous répondrons qu’il importe à toute personne de
repousser, dans le moment, une action illégale, sauf
à se défendre, à l’avenir, d’ une action nouvelle, si
elle était entreprise.
Or, l’action en résolution ou en nullité, qui n’est
pas celle dont il s’agit aujourd’hui, cette action fûtelle même fondée, il n’en serait pas moins vrai qu’on
n’a pas eu le droit d’agir contre le sieur Grelet par des
poursuites hypothécaires, en paiement d’ une créance
non utilement inscrite à son égard.
On sait, et la Cour de cassation nous l’enseigne
elle-même sur une question semblable, dans les savans
motifs de cet arrêt du
décembre i i , que nous
avons déjà cité; on sait «que l’action en résolution
« de la vente, et celle en paiement, sont essentielle«• ment distinctes; qu’elles produisent des effets et sont
« soumises à des principes difïérens; qu’ainsi, si l’une
« de ces actions n’est pas assujétie à telle ou tellè for«• malité, il n’y a aucune raison d’en conclure que
« l’autre en soit exempte. »
5
83
Que les héritiers Douet exercent donc, si bon leur
semble, une action en nullité ou en résolution des
ventes originaires, action pour laquelle l’inscription leur
est inutile.
Mais qu’ils soient, en attendant, déclarés non recevables dans l’action hypothécaire en paiement du prix,
puisqu une inscription prise avant les secondes aliéna
�( 36 )
tions aurait pu seule leur conserver le droit d’agir par
cette dernière voie.
Au reste^ le sieur Grelet redouterait peu Taction en
nullité ou en résolution des ventes primitives.
Fût-il atteint par cette action, le sieur Grelet trou
verait au moins un dédommagement dans le prix
qu’ont touché ses adversaires ; et qu’ils seraient certai
nement tenus de restituer, au moins en très-grande
partie; et le dédommagement serait d’autant plus
juste,, que si les héritiers Douet et Laboulàye, ont reçu
de grandes sommes, c’est aux dépens même de celles
qu’ont versées le sîeur Grelet et les autres tiers-acqué
reurs, que l’on veut cependant dépouiller aujourd’hui.
' L e sieur Grelet, fort des moyens nombreux fet puissans qu’il vient de développer, espère se garantir de
cette spoliation.
- Il a acquis à une époque où la simple aliénation
tenait lieu de transcription , en produisait tous les
effets, et purgeait toutes les créances non inscrites,
quelque privilégiées qu’elles fussent. Il n’a donc pas
dû être poursuivi en expropriation pour le paiement
d’ une créance à laquelle aucune inscription n’avait
donné la publicité exigée par la loi.
L a condition de transcrire lui est étrangère; cette
condition, placée dans un contrat qui ne lui a pas été
connu, et que la loi ne l’obligeait pas à connaître, cette
condition, imposée aux premiers acquéreurs, n’a pas
dispensé les vendeurs de veiller eux-mêmes ii la con
servation de leurs droits; elle n’a pu changer la nature
�■ ( 37 )
de leur privilège, elle n*a pu les affranchir de l’obli
gation de donner à leur créance de la publicité ; elle
n’a pu anéantir, dans un intérêt privé, tout le système
de ce salutaire régime des hypothèques, que l’intérêt
public a produit.
L e sieur Grelet doit s’attendre qu’on lui opposera
un arrêt de la Cour, rendu le 14 mai dernier ( 18 17 ) ,
en faveur de ses adversaires eux-mêmes, et contre
d’autres tiers-acquéreurs.
Cet arrêt a prononcé’sur l’appel d’un jugement dont
les motifs décidaient que, même relativement aux
ventes faites sous le Code civil, et avant l’émission du
Code de procédure, la transcription avait été néces
saire pour purger les créances non inscrites.
L ’erreur était grave; l’avocat des appelans s’attacha
à la démontrer.
L avocat des intimés, tout en cherchant à justifier
les motifs du jugement, proposa un moyen subsidiaire
qu il fit résulter de la condition de transcrire, imposée
dans les premières ven tes, en présentant cette condi
tion comme ayant dispensé les vendeurs de donner
de la publicité à leur créance pour en conserver le
privilège.
v
I/objection était spécieuse; elle roulait sur une ques
tion d’hypothèque, c’est-à-dire sur une des questions
les pltis ^difficiles jdans notre droit ; elle fit sur lu Cour
une impression imprévue, que ne put détruire une
léplique courte et rapide, dont une partie seulement
fut consacrée à .l’examen de ce nouveau .moyenne! la
�( 38 )
Cour l’adopta, sans s’arrêter aux motifs des premiers
juges.
Aujourd’hui que l’objection a été approfondie, et
que le faible en a été démontré, le sieur Grelet doit
peu craindre l’influence du préjugé qu'on pourra lui
opposer.
L e sieur Grelet sait que, si les dignités et les lumières
ne garantissent pas toujours de l’erreur, c’est le propre
des âmes fortes et généreuses de la reconnaître et de
la réparer, quand elle est signalée ( 1 ).
Déjà la Cour a donné plusieurs de ces nobles
exemples, en réformant sa jurisprudence, notamment
sur des questions d’hypothèque et de testament.
Plein de respect pour ses juges, plein de confiance
en ses moyens , le sieur Grelet attendra avec calme
l’arrêj qui doit prononcer sur son sort.
t
M e A L L E M A N D , Avocat.
.1.
* .
Me GARRON,
,
Licencié-Avoué.
Ho minis est errare at D ei aut hominis Deo proximi
emendare errores. E ra sm e .
( i)
,
A, R IOM, DE L’IMPRIMERIE DE J.-C. SALLES, IMPRIMEUR DU PALAIS.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Grelet, Barthélemi. 1818?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
hypothèques
ventes
conflit de lois
procédures
nullité
créances
saisie immobilière
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour le sieur Barthélemi Grelet, propriétaire, habitant de la Ville d'Allègre, appelant ; contre M. Armand-Guillaume-Marie, Comte Joly de Fleury ; et dame Angélique-Claudine Douet de Laboulaye, son épouse ; les sieurs Gabriel Douet de Laboulaye, officier ; Charles Lherbette, notaire ; Louis Volflanbert, employé au Trésor public ; et Pierre-Louis Langlais, propriétaire, tous habitans de la Ville de Paris, intimés ; et contre le sieur de Saint-Laurent, ancien Officier-Général, aussi intimé.
note manuscrite : 10 février 1819, audience solennelle, après partage, confirme, journal des audiences, p. ?
Table Godemel : Transcription : 5. l’obligation de transcrire avant aucune aliénation des biens vendus, imposée à l’acquéreur comme condition essentielle et suspensive de la vente jusqu’à l’accomplissement de cette formalité, a-t-elle l’effet de conserver le privilège du vendeur, sans qu’il ait besoin de prendre inscription, même à l’égard des tiers acquéreurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1818
An 13-1818
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
38 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2406
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2407
BCU_Factums_G2408
BCU_Factums_G2409
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53460/BCU_Factums_G2406.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Paris (75056)
Allègre (43003)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
Créances
hypothèques
nullité
procédures
saisie immobilière
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53445/BCU_Factums_G2216.pdf
8fdd33e5490f59f0c23d0943ca53a5b9
PDF Text
Text
•4 $
MEMOIRE
COUR
IMPÉRIALE
DE RIOM.
EN R É P O N S E ,
ch»,b„eï
REUNIES.
POUR
Audience du
A n ne - F rançoise N O Y E R DU S A U V A G E , 6mil‘8&
m in e u re , habitante de la ville de C lerm on t ,
et M e. G A R R O N , licen cié-av ou é en la C o u r,
son cu rateu r a d h o c , appelans ;
CONTRE
Sieur J e a n - C h a r l e s N O Y E R
VAGE
propriétaire, habitant de la ville
du Monastier
Loire
département de la H aute-
intimé
;
'
D U SAU -
EN
D u sieur H
onoré
PRÉSENCE
D E B R U S } notaire impé
rial, habitant du lieu d'A lle y r a t} commune
de S a lle tte } défendeur en assistance de
cause.
!
i
U
nE
jeune in fo rtu n ée , victim e de la co lère d’ un
ép o u x contre son épouse
est réd u ite à la triste néces-
�( 2 )
site de défendre devant les tribunaux son état menacé
par une action en désaveu.
On accuse sa mère de liaisons criminelles; on nomme
le complice ; et quoiqu’on soit forcé de reconnoître que
ces liaisons sont postérieures à la naissance d’Anne du
S auvage, le malheureux enfant est cependant enve
loppé dans la vengeance.
E t quel moment a-t-on choisi pour lui porter un coup
aussi funeste?
Celui où l’âge de la jeunesse est arrivé, où la facultéde raisonner et de sentir, déjà développée dans une jeune
personne de dix-sept ans, dont l’éducation a été soignée,,
lui feroit éprouver dans toute son amertume le sort affreux
qu’on lui destine.
Si l’action du sieur du Sauvage étoit fondée, n’auroitil pas à se reprocher d’avoir tardé srlong-temps à l’exercer?
Il connoissoit l’existence de l’enfant; il étoit allé sou
vent, il avoit habité quelque temps même dans la maison
où la jeune du Sauvage étoit élevée; il savoit enfin
qu’elle étoit née de son épouse.
Pourquoi donc garder un long silence, ou plutôt,
pourquoi rompre enfin ce silence, et porter le trouble
et le désespoir dans un cœur innocent ?
Assignée devant des premiers juges, la jeune personne'
est restée sans defense.
A lors elle a dû veiller elle-m ême à ses droits : et
quel intérêt plus c h e r, quel bien plus précieux aurat-elle jamais à soutenir ?
Cependant sa défense a paru un crime ; on lui a re
proché de l’audace.
�46r
< 3 )
A h ! l’audace lui est étrangère ; son âge est celui de
la pudeur et de la timidité.
Mais elle asentí que les lois ne pou voient être cruelles;
que les magistrats étoient les protecteurs naturels de la
foi blesse ; et elle est venue chercher un asile aux pieds
de la Cour.
F A I T S #
L e sieur du Sauvage épousa, en 178 2 , la demoiselle
Anne-Françoise de V eny.
L e contrat de mariage est du 5 août 1782; la dame
de V én y s’y constitue tous ses biens en dot.
D eux enfans mules étoient nés d’abord de cette union;
ils sont décédés.
Les événemens de la révolution firent inscrire le sieur
du Sauvage sur la liste des émigrés ;
Il prétend qu’il a quitté le sol français en 1791 ; qu’il
n’y est rentré qu’en l’an 9.
Quelle preuve administre-t-il de ces faits?
Son inscription sur la liste des émigrés;
Quelques arrêtés administratifs pris en l’an 3 , et dans
lesquels on le désigne comme ém igré;
Un jugement du 24 messidor an 4 , où on lui donne,
dit-on, la qualification d'émigré, ou réputé émigré (1).
Telles sont les preuves qu’invoque le sieur du Sauvage,
pour démontrer qu’il étoit absent, et que, suivant l’ex(1) Voir pages 5 et 6 du mémoire du sieur dn Sauvage.,
1 *
*<*>
�( 4 ) * .................................
pression de la lo i, il étoit dans Timpossibilité physique
de cohabiter avec sa fem m e.
Il sera sans doute permis à un malheureux enfant dont
on conteste l’éta t, d’examiner la force de ces preuves.
Qu’il nous suffise pour le moment de remarquer que
l’inscription sur la liste des émigrés , que les* énoncia
tions qui se trouvent dans les arrêtés administratifs et
dans le jugement, que tous ces indices, en un mot, sont
des présomptions morales et non des preuves physiques
de l’absence et de l’émigration.
Nous savons tous avec quelle légèreté, dans ces temps
d’agitation et de désordres , on inscrivoit sur la liste
fatale les personnes surtout attachées à la caste privi
légiée.
Nous savons aussi que l'inscription produisoit la mort
civile, et que, par un effet nécessaire de cette inscription,
on devoit, dans tous les actes administratifs et judiciaires,
considérer tous les inscrits comme émigrés.
Quel est aussi le Français qui ne se rappelle pas les
suites de la fameuse journée du 9 thermidor an 2 \ qui
ignore q u e , lorsque la nouvelle en fut parvenue dans
les contrées étrangères, lorsque quelques essais eurent
fait connoîtrc la diminution des dangers, beaucoup d’é
migrés rentrèrent en F rance, et y restèrent jusqu’à ce
que les événemens du 18 fructidor an 5 les eussent forces
de s’expatrier une seconde fois?
Pendant cet intervalle , les proscrits rentrés ne se
montroient cependant pas trop publiquement; ils a voient
des précautions ¿\ prendre ; les lois pénales subsistoient
�4% /
( 5 )
"
encore ; seulement un gouvernement plus doux n’en
commandoit pas l’exécution avec la dureté première.
D ’ailleurs, la rentrée des émigrés étoit plutôt tolérée
que permise 7 et ce n’étoit qu’avec un peu de prudence
et quelques déguisemens, que l’émigré rentré n’avoit
aucun péril h craindre.
Cette époque fut mémorable pour les affections; elle
a laissé de lon gs, de doux souvenirs dans les cœurs des
mères et des épouses ; combien d’elles ne vit-on pas alors
tâcher de se réunir à l’objet qu’elles chérissaient, et goûter
ce bonheur, les unes dans leur propre dom icile, lors
qu’il n’y avoit pas trop de danger, les autres dans une
autre partie de la France , partout enfin où elles pouvoient rencontrer le fils, l’époux qu’elles cherchoient.
L a dame du Sauvage voyageoit à cette époque ; peutêtre partagea-t-elle la félicité de tant d’autres épouses ?
Peut-être se réunit-elle à M . du Sauvage ?
Cette idée est douce et consolante pour une malheu
reuse fille ;
Elle se plaît à s’y arrêter;
Elle en a le droit ;
E lle n’a rien à prouver d’ailleurs.
C ’est h M . du Sauvage que la loi impose la preuve
de Pimpossibilité physique de cette réunion.
Ce fut i\ cette époque que s’annonça la grossesse de
la dame du Sauvage.
Elle revint bientôt après à Clerm ont, dans la ville où
elle étoit n ée, où elle étoit connue de tous les habitans,
où sa famille étoit domiciliée.
i
*«♦>
�( 6 )
C’eût été, pour une femme coupable, bien mal choisir
son asile.
La grossesse ne fut pas cachée ;
La naissance de l’enfant ne fut pas mystérieuse.
»
Il fut présenté à l’officier public sous le nom d’AnneFrançoise , et comme fille d’Anne V é n y , épouse du sieur
du Sauvage.
L e sieur du Sauvage a - remarqué avec amertume que
l’accouchement avoit eu lieu dans la maison d’un officier
de santé ; il en a conclu qu’il fut mystérieux.
;
L a conséquence ne seroit pas nécessaire.
L e fait, au reste, s'explique par les circonstances.
Ce fut au mois d’août que l’accouchement eut lieu.
A cette ép o q u e, toute la famille de la dame du Sau
vage habitoit la campagne, suivant son usage.
La dame de V én y étoit restée seule à Clerm ont, pour
y être à portée dos secours que son état exigeo it, et
elle avoit pris un logement chez le sieur Blancheton,
officier de santé.
D ’ailleurs elle ne se cacha pas un seul instant pendant
sa grossesse, et ses parens furent instruits sur-le-champ
de la naissance de l’enfant.
D epuis, cet enfant est toujours resté dans le sein de
la famille de sa mère.
Elevée dans la maison d’une tante q u i, par sa for
tune et son ran g, avoit des relations nombreuses, elle
a été considérée par tous les habitans d’une ville po
puleuse, comme fille de la dam e’du Sauvage; et nous
verrons môme que, si elle étoit connue sous son prénom
d'A n n a , elle l’étoit aussi sous le nom de du Sauvage,
�<7 )
L e sieur du Sauvage convient ( page 7 de. son mé
moire ) que ce fut seulement à une époque postérieure
à la naissance d’Anne-Françoise, que la dame de V én y
fit connoissance du nommé Guines.
Tirons un voile sur ce qui suivit : la personne d’une
mère même coupable est toujours sacrée pour ses enfans.
Q u’il nous soit permis cependant de rappeler que dans
aucuns des autres actes de naissance que le sieur du
Sauvage a transcrits dans son m ém oire, la dame V én y
n’a pris la qualité de son épouse.
Elle a donc, même dans ses égaremens, inspecté son
époux; •
E lle n’a donc pas voulu lui attribuer une fausse pa
ternité.
Pourquoi cette différence enti'e ces actes de naissance;
et celui d’Anne-Francoise ?
Une telle différence dans les expressions ne devoitelle pas faire supposer une différence dans l’état des enfans ; et leur sort pourroit-il être confondu dans les dé
cisions des magistrats ?
JNous avons dit que la jeune du Sauvage avoit été
élevée au milieu de la famille de sa mère.
On doit cependant convenir que le nommé Guines
étoit venu en l’an 10 la réclamer au nom de la m ère;
que meme elle lui avoit été rem ise, et qu’elle resta quel
que temps avec cet liomme.
Mais bientôt les mauvais traitemens, les outrages qu’elle
en reçut, excitèrent la sollicitude et la vigilance de ses
parens maternels; ils s’adressèrent aux tribunaux ; ils de
mandèrent qu’elle leur fût rendue ; et leurs réclamations
�Vu
furent accueillies par un jugement du 26 thermidor an io ,
qui ordonna que cet enfant seroit remis à sa tante.
L ’enfant est désigné sous le nom d’A n ne du Sauvage
en plusieurs endroits, dans les motifs comme dans le dis
positif du jugement.
C’est auprès de cette tante généreuse, c’est dans sa
maison m êm e, qu’Anne du Sauvage est toujours restée
depuis ce moment.
C ’est là que le sieur du Sauvage a pu la voir plusieurs
fois depuis l’époque à laquelle il fixe sa rentrée en
France.
C’est dans cette m aison, où il est demeuré quelque
temps lui-même auprès de sa belle-sœur, dans un de ses
voyages à Clermont 5 c’est dans cette maison , où il est
allé fréquemment dans d’autres voyages, qu’il a su que
Anne-Françoise du Sauvage existoit, qu’il a pu remar
quer sa grande ressemblance avec la dame de V é n y , et
qu’il a appris d’une foule de personnes qu’elle étoit née
de son épouse.
Tous ces faits sont antérieurs de plusieurs années au
désaveu.
A lors le sieur du Sauvage ne pensoit pas à désavouer
ce malheureux enfant.
Alors même cette jeune personne l’intéressoit, comme
il le témoigna à un de ceux qui ont déposé dans cette
triste cause.
A lors enfin il ne consultoit que son propre cœ ur, et
ne cédoit pas à de dangereuses suggestions.
M ais, depuis, quelques années se sont écoulées; ses
relations
�4 1 $.
rl -9 )
relations. avec'la famille de sonaépouse sonfo’devcnues
moins fréquentes; son cœur s’est isolé; ou plutôt, mal
heureusement subjugué, dit-on, par une affection étran
gère, il s’est laissé entraîner à former une action en
désaveu, et à envelopper Anne du Sauvage'dans ses
poursuites. '
• Un acte en désaveu est signifié le i 5 juin 1809 , et le
5 juillet suivant, le sieur du Sauvage fait réunir au M onastier, lieu de son dom icile, un prétendu conseil de
fam ille, où l’on n’a appelé aucun des paren s,-ni pa
ternels , ni maternels de l’enfant dont on se proposoit
d’attaquer l’état, et q u i, composé de voisins , d’amis du
sieur du Sauvage, choisit pour tuteur ad hoc un ha
bitant du Monastier, qui ne paroît pas avoir pris le
moindre intérêt à la défense de sa pupille.
.L’action en désaveu est formée contre ce tuteur, et
elle est jugée, le 30 août 1810 , par un jugement qua
lifié contradictoire, mais dont les motifs indiquent assez
que la contradiction fut dies plus légères.
Protégée par la justice de laiC our, Anne du Sauvage
a reçu un nouveau tuteur, par arrêt du 11 mai 1811.
Ses moyens de défenses ont été développés à l’audience
solennelle du 5 août 1812; et la C ou r, en réservant les
moyens respectifs des parties', ordonna, avant de faire
droit, que l’appelante ferait preuve que plus de deux
mois (1) avant la demande en désaveu de paternité, for
mée par le sieur du Sauvage, celui-ci, après sa rentrée en
(1) Il y a deux ans dans l’expédition de l'arrét ; c’est une '
¡erreur, sans doute'. ( V. l’art. 3iG du Code Nap. )
�' ( 10}
son domicile, et notamment en l’an î o , étoit venu cliez
la dame de M ariolles, qu’il y avoit vu Anne-Françoise, et
l’a voit reconnue pour être la fille de sa femme; 2°. qu’elle
étoit connue de lui sous le nom d’Anne-Françoise du
Sauvage; 30. qu’en présence de lui du Sauvage, et dans
la pension où étoit élevée l’appelante, elle a été ainsi
appelée et dénomm ée, et qu’il l’y a reconnue comme
la fille de sa femme ; sauf au sieur du Sauvage la preuve
contraire, dans le même délai.
En exécution de cet arrêt, des enquêtes ont été faites
respectivement.
Les dépositions qu’elles renferment sont transcrites
dans le mémoire du sieur du Sauvage, et il est inutile
de les rapporter ici.
Nous nous bornerons à rappeler ces dépositions dans
la discussion des moyens.
On verra qu’il est clairement prouvé que le sieur du
Sauvage a su, plusieurs années avant son action, qu’AnneFrançoise étoit la fille de son épouse.
A van t d’exam iner le m érite de l’action en elle-m êm e,
on pourroit faire des remarques sur ce qui l’a préparée,
et sur la singulière com position du conseil de fam ille,
du 5 juillet 1809; de ce conseil de fam ille, destiné ù
protéger la m in eure, et à lui nommer un tuteur éclairé
et vigilan tj de ce conseil de fa m ille, auquel cependant
n’ont été appelés aucuns parens, ni paternels, ni maternels
de l’enfant, et com posé, dit-on , d’amis qu’avoit la mère
au Monastier ; la mère q u i, depuis près de vingt ans,
a quitté cette ville.
La Courappréciera ces irrégularités, qui e n t r a î n e r o i e n t
�c II ) .
t. ; .
la nullité même d*une action formée contré un mineur
non valablement représenté.
O n ne donnera pas dans le moment plus de dévelop
pement à ces idées.
L e sieur du Sauvage attaque lui-même de nullité la
nomination du nouveau tuteur donné à l’appelante.
L a réponse à cette objection se trouve dans l’arrêt
qui a choisi ce tuteur ad h o c ; elle se trouveroit, s’ il
étoit nécessaire, dans la loi q u i, n’ayant prescrit aucun
mode pour la nomination d’un tuteur spécial, autorise
par son silence môme les tribunaux à le nommer.
Si l’objection est renouvelée, on la réfutera avec plus
de détail.
Examinons l’action même en désaveu, et démontrons,
i° . Q u’elle n’est pas recevable;
2°. Q u’elle n’est pas fondée.
P
r e m iè r e
q u e s t io n
.
I l action est-elle recevable?
Pleins de respect pour la dignité du m ariage, et Con
vaincus de la nécessité d’assurer sur des bases fixes la
conservation des familles, les législateurs de notre Code
ont adopté la règle ancienne : l*ater is est quem nuptice
demonstrant ; cette règle fameuse, fondement de la so
ciété, que l’assentiment de tous les peuples, que les suf
frages de tous les docteurs ont consacrée comme un prin
cipe inviolable.
Cependant, quoiqu’importante que fût la rè g le , elle
devoit être soumise aux exceptions que commande quel
quefois la force même des circonstances.
�» °
« S i- .1
C 12 >
v Nos législateurs étoient trop sages'pour'ne pas pré-*
voir ces exceptions; aussi ont-ils eu soin de décider que
la règle cessoit lorsqu’il y avoit eu impossibilité physique
de cohabitation entre le mari et la femme.
L ’article 3,12, qu i établit la règle, établit aussi l’excep
tion.
Mais les articles suivans restreignent l’exception même.
L e législateur a craint que les actions en désaveu ne
se multipliassent; il a pensé qu’elles devoient être li
mitées à certains cas- et à un certain délai.
S’il-lui-a paru juste de pourvoir à l’intérêt du mari,
il n’a pas cru devoir oublier Vintérêt de Venfant , dont
Vétat ne sauroit être trop t ô t j i x é , a-t-il dit.
- De: là. les dispositions de divers articles ; les uns qui re
fusent l’action en désavew dans plusieurs!cas,/les autres
qui n’accordent que le plus eourt délai pour agir/ *
Ces articles indiquent assez combien peu favorables ont
paru au législateur ces sortes d’actions, et quelle tendre
sollicitude olui inspiraient les innocentes victimes contre
qui elles seroient dirigées.
- L ’article 316 détermine1les? délais : voici comment il
s’exprime.
« Dans les divers cas ou le mari est autorisé à réa 'clam er, il devra le faire dans le mois1, s’il se trouve
« sur le lieu de l'a naissance de l’enfant;
« Dans les deux mois- après'son' retour, si à'ia même
époque' il est absent;
« Dans les deux mois après la découverte de la fraude,
e si on lui avoit caché' la naissance de l'enfant. »
• Supposons donc pour un instant que le sieur du Sau
vage soit autorisé à réclam erj c’est-à-dire, supposons
�C *3 )
(Ju’il ait prouvé que pendant le>;tetnj5s déterminé :paÿ
l’article 3 12 , il a été dans Pim possibilité‘physique de
cohabiter avec sa fem m e ; nous le demandons au sieur
du Sauvage, quél est celui-des paragraphes <de l’article
316. qu’il voudra; qu’on lui applique ? 01 'r¿ ú or' a;Ce devroit être, il semble, le § . 2 , celui où la lûi
parle dur mari absent. ‘
' -I ni ..
L e sieur du Sauvage ne peut sérieusement dire qu’oiï
ait employé la fraude pour lui cacher lzunaissaúce de
l’enfant»r' ’ ’T.
■
\ j . j / u f oup J-îiîo o
. ,»y
S’i l Bignóraf 'd?abordy' cé- ne! pütt ê t r e iju ’àv cause 1Ud'
son absences •* r ;[ j fj' . j i f t • : .
La grossesse d’ailleurs n’avoit pas été cachée.
L ’accouchement avoit eu lieu >dánsiila ville iriôme
qu’habitoit Ordinairement la dame de V én yt et! tóate sa
famille. ;ȟ
7*:..^ nu -¡ ¡‘.'s v.b e>o :
-;i .1 ' ni \
L ’enfant fut présenté à l’officier publie, comme né dé
J’épouse du sieur du Sauvage.
t n An ,,
-> L a légère erreuu de-prénom que l’on, remarque* dans
l ’acte, ne pouvoit faire naître aucune équivoque..''m p;
-' Car o ï ï y ‘désigne le* sienr du Sauvage ^ hàbitant du
M onasiier ,->le sieur du Sduvage-y époux'de la dame1de
V én y ; caractères d’identité qui ne ;pouvoient convenir
qu’au sieur du Sauvage qui plaide aujourd’hui.
L ’enfant, dès sa naissance, avoiü été élevé axi milieu
m êm e’derla fam ille'de su 1 mère# 1 '
r. : I \?
Les fllus- légères relations* aVec dette' famille y sufliï/oient
pour qu’on sût que cet enfant étoit celui de la dame
•du Sauvagel.l isq , niv;r ,. .r< ;,f,r>0 ut> ihi* vl'I
j -,
L e tribunal même de Cletrao\it l’avoit désigné soü6;
�C 14 )
le nom d’Anne du Sauvage, dans un jugement rendu à
une audience publique, en l’an 10.
En un m o t, il étoit'si facile de connoître l’existence de
cet enfant, que si le sieur du Sauvage l’avoit réellement
ignorée à son reto u r, c’est'q u ’il auroit refusé de voir
e t'd ’apprendre; . £
t>£ ç -U •; I‘ -?*• i> ■
'
'J '
Cependant, la loi lui ordonnoit de prendre des infor
mations ; elle ne lui accordoit qu’un délai de deux mois
pour-les obtenir,
l.;[ . h; .r :•" r '
'a
Quelque court que pût paroître ce délai dans cer
taines circonstances, le1 législateur, après de profondes
méditations, après les discussions les plus réfléchies,
n’avoit pasicru devoir en accorder un plus lon g; l’in
térêt de l’enfant l’a voit-déterminé. L ’état de l’enfant,
a voit-il j dit y ne saurait être trop tôt f i x é (i).
Ainsi la négligence du sieur du Sauvage ne pourroit
lui servir d’excuse. '
A
Il avoit p u , à son reto u r, demander et recevoir les
renseignemens qu’il prétend;n’avoir eus que long-tem ps
après./;..L ,i. ’ f
‘
II seroit donc, sous ce premier rapport, non recevable dans son action en désaveu. Vigilantibus non
negligentibus ju r a subveniant.
Mais considérons-le même comme placé dans le cas
prévu par le troisième paragraphe de l’article. ;;
Si la naissance de l’enfant lui a été cachée, s’il lui a
été long-temps impossible de la découvrir, au moins
( 1 ) Voir l’Esprit du Code Napoléon, par M. Locré , au*
l’article 316 J du mari absent.
�( i5 )
a-t-il dû se pourvoir dans les deux mois, du jour où
cette naissance lui a été connue.
Les termes de l’article sont formels.
L e mari doit réclamer dans les deux mois après la
découverte de la fraude.
'
C ’est encore l’intérêt de l’enfant qui a fait établir cette
règle salutaire.
« O n ne doit p a s, sans d oute, brusquer la fin de
« non-recevoir, disoit un des législateurs (M . R égnier)\
« mais il ne seroit pas moins dangereux de laisser l’état
cc de l’enfant trop long-temps incertain. »
Mais dans quel temps la fraude sera-t-elle considérée
comme découverte?
Cette difficulté est nulle.
<
L e délai doit courir, disoit un autre législateur, de
puis Je moment où le m ari a eu connoissance de Vac7
couchement de sa fem m e.
Depuis ce moment, il a deux mois pour réclamer.
O n proposoit même d’abréger ce délai, et de se con
form er, dans ce cas particulier, à la règle qui n’accorde
qu’un mois au mari présent \
Mais le consul Cambacérès observe avec sagesse « qu’il
« est juste de donner au père, après que h fa it est par« venu à sa connoissance , le temps de prendre des ren«r seignemens; car il voudra sans doute ne faire d’éclut
« qu’après s’être parfaitement convaincu. »
A in si, de l’observation même de cet illustre magistrat,
découle la conséquence évidente que dès l’instant où le
fait est parvenu ¿1 la connoissance du père, deux mois
seulement lui sont accordés pour prendre tous les ren-
�(.«)
.
éelgtiemeris qiï’il peut désirer, et pour former l’atkiôa
'
*
en désaveu.
•' f1'
'>•••.-r.<
Examinons donc lu1 question de fait.
^ C ’est daiis l’eriquête qu?on en trouvera la solution.
Si l’on excepte de l’enquête quelques témoins qui dé
clarant ne rien savoir,^ ou qui ne fixent pas les époques
des faits qu’ils indiquent, toutes les dépositions démon
trent, jusqu’à l’évidencè, que le sieur du Sauvage conrioissoit, plusieurs années avant l’action en désaveu ,
l’existence de l’enfant 'dont il attaque aujourd’hui l’étati
L e troisième tém oin, Victoire Vincens,Jnous apprend
« qu’il y a environ sept ans, ayant à dîner chez elle
« le sieur du Sauvage , le sieur Cellier et le sieur Gervis;
« dans le cours de ce dîner, lefsieur' du Sauvage, par
ie lantde son épouse^ dit qu’il lui’ seroit facile de rentrer
« dans ses^biens, mais pour ses en fh n s, il ne les re« connoîtroit jamais ; et c’étoit ce qui l’empêchoit de
«•poursuivre la rentrée desdits biens, a
_i Plusieurs conséquences résultent de cette déposition.
ü î'<*?!)L e sieür du Saunage ¿toit certain’ alors que son
épouse n’étoit pas divorcéè/''puisqu’il croyoit avoir le
droit de s’emparer de ses biens ; droit qui ne pouvoit
lui appartenir que comme m ari, et en qualité de maître
des biens dotaux de son épouse.
C ’est donc un vain prétexté que l’opinfon d’un divorcé
antérieur, opinion alftigucc par le éieurdü Sauvage, et
sùr’laquelle il insiste en plusieurs pages de son mémoire,
et notamment pages 2 et 40.
20. Le sieur du Sauvage savoit alors qu’il existoit des
enfans nés de sa femnfie^il le sdvàit puisqu’il le déclaré
lui-même j
�C 17 )
lui-même ; il ajoute, il est v r a i, qu’il ne vouloit pas
les reconnoître; mais il ne les désavoue pas judiciai
rement ; et la loi lui imposoit cette obligation, en lui
prescrivant même un délai de rigueur, non-seulement
pour le désaveu simple, mais aussi pour la réclamation
devant les tribunaux ( articles 316 et 318 du Gode Na
poléon ).
3°. Ce fait remonte à sept années environ , d’après la
déposition qui a été reçue le 7 septembre 1812; c’est-àdire, que déjà, en i 8o 5 , le sieur du Sauvage connoissoit
l’accouchement de sa femme et l’existence de l’enfant;
cependant son action n’a été formée qu’en juillet 180g.
Les dépositions qui suivent sont plus formelles encore.
L e quatrième témoin , le sieur Cellier, archiviste,
assistoit au dîner dont il vient d’être parlé ; il dit aussi
qu’il eut lieu il y a environ sept ans.
11 dépose «que le sieur du Sauvage, parlant de sa
« malheureuse situation à Fégard de son épouse, déclara
« qu’ils avoient eu deux enfans qui n’existoient plus;
« mais que depuis son émigration il y en avoit eu d’autres
« qui n’étoient point de lu i; que le déclarant ayant
« cherché à le réconcilier avec sa fe m m e , par des voies
« de douceur, il n’avoit pu y parvenir; qu’au contraire,
« le sieur du Sauvage avoit formellement déclaré qu’il
« ne reconnoîtroit jamais ses enfans, et qu’il ne verroit
« jamais sa femme; q u ’il savoit q u il y avoit un de ses
« enfans chez la dame de M a rio lles, sa belle-sœur ;
« mais qu’il ne le r e c o n n o i s s o i t pas pour le sien. »
Cette déposition fait naître les mêmes réflexions que
la précédente ; on y remarquera cette déclaration par-
3
�( »8 )
ticulière du sieur du Sauvage, qu'il savoit qu'il y avoit
un de ses eiifans chez la dame de M ariolles.
Il le savoit depuis i 8o 5 ; comment p o u rro it-il être
reçu h le désavouer aujourd’hui ?
L e sieur G iro n , cinquième tém oin, rappelle une
conversation qu’il eut avec le sieur du Sauvage, et qui
fut interrompue par Parrivée d’un tiers, dans un instant
où elle seroit devenue sans doute intéressante pour la
cause actuelle.
Mais il ajoute qu’à une époque q u i, d’après l’indice
qu’il donne, paroît se rapporter à l’an 10, temps auquel
la jeune du Sauvage fut retirée des mains de Guines,
« il lui fut présenté, ou p a rle sieur du Sauvage, ou par
« le sieur de T e i x , sans pouvoir assurer lequel des deux,
« trois extraits de naissance de trois enfans de l’épouse
« du sieur du Sauvage. Dans l’un de ces extraits étoit
ce le nom du sieur du Sauvage, comme père de l’enfant;
« dans le second, la paternité étoit attribuée au nommé
« Guines; dans l’autre, le père étoit déclaré inconnu. »
• Ce qui est dit sur le premier extrait ne peut évidem
ment s’appliquer qu’à l’acte de naissanced’Anne-Françoise
du Sauvage ( i) .
Cette déposition prouve, si c’est le sieur du Sauvage
qui a présenté les extraits, que tous les renseignemens
(ju’ il a aujourd’h ui, il les avoit il y a déjà dix ans; et
quand ce ne seroit que le sieur de T e i x , ne penserat-o n pas que celu i-ci, qui étoit le beau-frère du sieuir
(1) Voyez ces divers extraits dans le mémoire du sieur du
Sauvage, pages 6, 7 et 8.
�( *9 )
du Sauvage , qui était lié avec lui particulièrement,
lui auroit fait connoître les extraits qui étaient en son
pouvoir ?
L e sixième témoin, le sieifr de Vincens, parle notam
ment de plusieurs conversations qu’il eut avec le sieur
du Sauvage , sur l’enfant q;ui étoit chez la dame de Maxùolles, et qui ne paroissoit pas en sa présence.
' & Il dit qu’ayant eu à ce’ sujet plusieurs conversations
« avec le sieur du Sauvage , qu i »’ignorait pas Vexis« tence de cet en faht, qiCon lu i avoit dit appartenir
« à sa fe m m e , et être chez la düthe de M ariol/es,
« il lui avoit témoigné avoir' fefnatquê cet en fan t, et
« l’affectation de se cacher lorsqu’il se montfoit. »
Cette déposition ésf précieuse. Rien de' moins équi^
voque que ses termes.
L e sieur du Sauvage nignoroit pas Texistence de cet
enfant.
’ On lu i avoit d it qiüil appartenait à sa fem m e«
I l avoit remarqué cet erfant.
Qu’importe', après cela ,* le? surplus de la déposition
relative à' l’affectation que iWettoit l’enfant à se cacher,
au soin qu’on avoit de ne pas le faire' paraître eu pré
sence du sieur du Sauvage.
Ces circonstances ne détruisent pas; le moyen.
Le'sieur du Sauvage n’en avûit pas1 moins l’emarqué
l’enfant ;
Il n’en avoit pas moins connu son existence
Il n’en avoit pas moins su qn’il'apparténoit à sa femme.
Si donc la naissance’ lui a'Vbitf été dùcliée jusqu?alore,
elle cessa de l’ôtre £ cette époque \ la fraude lui fut dé
3 *
�couverte, et par conséquent dès ce moment commença
à courir le délai de deux m o is, fixé impérieusement
par l’art. 316 du Code Napoléon.
O r , à quelle époque le sieur de Yincens fait-il re
monter cette conversation ?
« A l’époque d’un procès que le sieur du Sauvage
« oncle avoit alors pendant en la Cour. »
T elle est la réponse du témoin à l’interpellation qui
lui est faite.
Cette époque est fixée par un arrêt même rendu par
la C o u r, dans la cause du sieur du Sauvage oncle. L ’arrêt
est du 29 messidor an 13.
A in s i, encore une fois ,, plusieurs années avant l’action
en désaveu, l’enfant étoit connu par le sieur du Sauvage.
A in s i, dès long-temps celui-ci avoit perdu le droit
de désavouer.
L e septième témoin , le sieur E sm elin, propriétaire,
habitant à A igueperse, nous apprend qu’il y a environ
dix ans, il a connu à'Aigueperse uneJille à laquelle
on donnoit le nom, de du Sauvage, qui étoit sous la
direction d’un nommé Guines ? alors logé dans l’auberge
de la veuve Tapon.
Il parle des mauvais traitemens exercés par Guines
sur l’enfant, et d’un jugement de police correctionnelle,
q u i, punissant Guines d’un an de prison, ordonna que
l ’enfant seroit remis à la dame de Mariolles,
Il ajoute
« Que depuis, ayant eu occasion de voir plusieurs
« fois le sieur du Sauvage, et lui ayant parlé de cette
« fille q u il croyoit être vraiment la sienne, il lui parla
�(21)
des mauvais traitemens exercés sur elle par Guines, et
de la punition qui lui avoit été infligée par le ju
gement de police correctionnelle; à quoi le sieur du
Sauvage ne répondit rien. »
L e témoin fait remonter cette conversation à entour
huit à neuf ans.
A in si, voilà encore un témoin q u i, quatre ou cinq
ans avant le désaveu , a parlé au sieur du Sauvage de
cette jeune fille, qui lui en a parlé la croyant vraiment
la sien n e, qui ne la connoissoit môme alors que sous
le nom de du Sauvage, et qui auroit évidemment appris
au sieur du Sauvage l’existence de cet enfant qui portoit
son nom , si déjà il ne l’avoit connue.
Nous disons, s’ilneV avoit connue, car le silence même
que garda alors le sieur du Sauvage indique assez qu’il
connoissoit alox’s l’enfant; sa curiosité eût été sans doute
vivement excitée, si déjà il n’avoit été instruit.
L e huitième tém oin, le sieur Chassaing, juge au tri
bunal de Clerm ont, déclare que dans une conversation
qu’il eut avec le sieur du Sauvage, il lui demanda s’il
étoit à Clermont avec sa femme; que le sieur du Sau
vage se récria , lui disant qu’il lui étoit impossible d’ha
biter avec elle;
Que le sieur du Sauvage ajouta
« Qu’il n’ignoroit pas que pendant son émigration,
« elle ( sa femme ) avoit eu deux ou trois enfans, dont
« notamment une fille , demeurant chez madame de
« M ariolles ; »
Que le déclarant lui ayant demandé s’il voyoit la
dame de M ariolles, sa belle-sœur, le sieur du Sauvage
répondit :
«
«
te
«
'
�( 24)
« Je la vois quelquefois, je la vois même avec plaisir;
« je fais cas d elà bonté de son caractère; mais par égard
'« pour moi elle a soin de faire disparoître l’enfant,
a lorsque j’entre dans là maison. »
L e térrioin, sur une interpellation relative à l’époque
de ces conversations , dit
•
«- Que c^toit plusieurs mois1 avant Tacquisition de sa
« nouvelle maison ; ce qui remonte à plus de cinq ans. »"
L ’extrait de l’enregistrement de l’acte d’acquisition,
constate que cette maison a été acquise le 21 thermidor
an 13 ( 9 août i 8o5 ).
L a demande n’est que de 1809.
Nouvelle preuve que plusieurs années avant cette a f
fligeante action, le sieur du Sauvage savoit que la jeune
infortunée qu’il poursuit étoit née d e son épouse.
Nouvelle preuve1 qu’il la- comroissüit alors comme il
l’a connue depuis, et que1le1 délai prescrit par la loi
etbit depuis long-temps expiré lorsqu’il a agi.
L e sieur T â p o n , receveur des contributions de la ville
de T h iers, déclare
ce' Qu’il a fréquenté la maison dé la dame de Mariolles-,
a depuis l’an 7 jusqu’en 1806-, momentanément e tp a r
« intervalle; que dans le courant de l’an 10, et années
« suivantes, il a eu occasion d’y voir à différentes fois
« le sieur Noyer du* Sauvage'; que même ledit sieur
«c d u S a u v a g e lui a dit souvent dans la conversation que
« si m a d a m e de F é n y , son épouse , n’irvoit cir des liaia sons avec le nommé Guines, il se seroit peut-être déoc cidê à fa ire du bien à A n na . »•
C e témoin ajoute « qu’il a vu Annci dans la maison
�( 23 }
« de madame de Mariolles ; qu’il l’a constamment en« tendu nommer A n n a , sans autre dénomination;
« Que ladite Anna appeloit madame de Mariolles sa
« tante, et madame de V én y du Sauvage sa mère ;
« Qu’à l’égard du sieur du Sauvage, il ne lui a jamaisr
% dit qu’Anna fût la fille de sa femme ; que quant à
o lui déposant, il est bien persuadé qu’Anna est la fille
« de la dame de Vény., femme du Sauvage; qu’il est
« d’autant plus fondé à le cro ire, que c’étoit là Popi« nion publique , et qiûuinna lu i ressemblait singu« lièremenl. »
i
Sur une interpellation qui lui est faite, le témoin
répond
«
«
«
«
ce
«
a
-
« Que le sieur du Sauvage ne lu i a pas dit préciser
ment qu’il crût Anna fille de sa femme ; que néanmoins il présume qu’il le savoit, parce que, malgré
le soin que l’on prenoit pour empêcher Anna de se
rencontrer avec le sieur du Sauvage , il rtavoit pas
laissé que, de la voir quelquefois, et ri*avoit pu fa ir e
autrement que de lu i trouver une parfaite ressens
blance avec la dame de V é n y , son épouse, »
L e sieur du Sauvage a vu Anna.
Il a du nécessairement remarquer sa parfaite ressen>
blance avec la dame de V ény.
Il a dû par conséquent la reconnoitre pour la fille de
son épouse.
Il l’a dû à cause de la ressemblance;
• Il l’a dû parce que Vopinion publique la désignoit
comme telle.
Il l’a reconnue, en effet, comme née de la dame V én y7
�.
(
2
4
)
puisqu’il a témoigné l’intérêt que lui inspiroit A nna,
puisqu’il a déclaré que sans les liaisons de son épouse avec
G uines, il se serait décidé à ¿faire du bien à A n na .
Par quelle fatalité cet intérêt touchant que lui ins
piroit la jeune fille a-t-il disparu ?
A h ! qu’il la voie aujourd’hui que les grâces brillantes
de la jeunesse ont embelli encore sa personne ; aujour
d’hui qu’une éducation soignée a développé ses vertus
et sa raison!
Qu’il la voie et'qu’il l’entende, et il sentira renaître
l’intérêt qu’elle lui inspira ;
E t son cœur désavouera une action cruelle ;
E t il retrouvera une fille qui sera la consolation de
sa vieillesse, et qui fera disparoître l’abandon qui menace
ses derniers jours.
Mais s’il faut que la loi prononce dans cette affligeante
cause, quelle plus grande réunion de preuves pourroiton désirer pour démontrer que plus de deux mois avant
le désaveu, le sieur du Sauvage a vu la jeune du Sauvage,
et qu’il l’a reconnue pour être la Jille de sa fem m e.
D ’un cô té, il a su , dès les premières années de son re
tour , que sa femme n’étoit pas divorcée. Plusieurs té
moins attestent qu’il la considéroit comme étant encore
son épouse; l’un d’eu x , le huitièm e, dit même qu’il se
proposoit de demander le divorce contr’elle ; fait im
portant dans cette cause, où le sieur du Sauvage allègue
comme un moyen puissant en sa faveur, qu’il croyoit
que depuis long-temps il existoit un divorce entre sa
femme et lui.
de
�( a 5 )
D e l’autre côté, il a connu Anne-Françoise du Sau
vage dès i 8o 5 , et même antérieurement;
Il a su qu’elle étoit la fille de sa femme;
Des témoins lui en ont parlé comme si elle étoit sa
propre fille ;
Lui-même en a parlé comme de la fille de son épouse.
Ainsi le fait principal, fixé par l’arrêt interlocutoire,
a été prouvé sans la moindre équivoque.
Quant au nom que l’on donnoit ordinairement à la
jeune fille, il est vrai que plusieurs témoins déclarent
qu’on la nommoit le plus souvent A n n a , sans autre dé
nomination.
Mais cela n’empêchoit pas qu’elle ne fût connue comme
la fille de madame du Sauvage, que l'opinion publique
ne la considérât comme telle, que les tribunaux même
ne la désignassent sous le nom de du Sauvage dans leurs
jugemens.
Si d’ailleurs on la nommoit ordinairement A n n a , c’est
par un usage admis depuis un siècle dans toutes les classes
aisées, où les jeunes personnes reçoivent un nom de fan
taisie , par lequel on les appelle toujours ; le nom de
famille n’est jamais em ployé, ou ne l’est que par inad
vertance , tant devient forte l’habitude de se servir du
prénom ou du surnom qu’on est convenu d’employer.
Quelques tém oins, et notamment les sixième et sep
tième , remarquent aussi que dans la maison même de
madame de M ariolles, la jeune demoiselle étoit quelque
fois appelée du nom de du Sauvage, soit par les per
sonnes de la maison, soit par la dame de M ariolles, par
inadvertance, si l’on veut, mais par une inadvertance
4
�( *6 )
qui prouve qu’on la regardoit comme un enfant du
Sauvage.
L e septième témoin ( le sieur Esmelin ) atteste même
que ce n’est que depuis cinq ans qu’il l’a entendu ap
peler seulement A n n a , et qu’antérieurement on l’avoit
toujours nommée du Sauvage.
« Il ajoute qu’à une époque où il ne la connoissoit pas
sous le nom d’A n n a , mais seulement sous celui de du
Sauvage, il parla an sieur du Sauvage de cette jeune
fille, qu’il croyoit être vraiment la sienne,
* Il en parla donc nécessairement en la nommant du
Sauvage; il apprit donc au sieur du Sauvage que la
jeune fille portoit son nom.
A in si, l’on peut dire que le second fait interloqué a
été également prouvé.
O n a remarqué dans îe mémoire du sieur du Sauvage,,
que pour le troisième fait interloqué, l’appelanten’avoit
fait entendre aucuns témoins.
Gela est v ra i, peut-être parce que ce fait paroissoit
peu important, d’après la preuve des autres.
Ce n’est pas qu’il n’eût été facile de prouver que dans
la pension m êm e, la jeune demoiselle étoit connue des
autres élèves sous le nom de du S a u v a g e.
Elle eût pu appeler en témoignage de ce fait plusieurs
daines de cette ville m êm e, les dames de Roclievert, de
R ignud, de Sam pigny-d’Isoncourt, les demoiselles du
V ivet,D u corail.
Ces jeunes dames se seroient sans doute souvenues de la
plaisanterie innocente qu’elles se pcrmeltoient à l’égard
de leur compagne, qu’elles appcloient quelquefois la
Sauvage.
�( =7 )
.
Mais qu’importe que ce fait secondaire ait été ou non
prouvé !
Qu’importe que les témoins entendus n’aient pas su
\tout ce qu’on leur demandoit, ou qu’ils ne se soient pas
rappelé tout ce qu’ils avoient su !
Qu’importeroit même que l’enquête ne fût pas rigou
reusement conforme à la lettre de l’interlocutoire, si elle
est conforme à la lettre de la loi !
L e système du sieur du Sauvage est de dire qu’on lui
a caché la naissance de l’enfant.
Que falloit-il donc p rouver, d’après l’article 316 du
Code ? '
Il falloit prouver que plus de deux mois avant son
action, il avoit découvert la fraude;
Qu’il avoit connu l’existence de la jeune fille;
Qu’il avoit su qu’elle étoit l’enfant de sa femme.
Ces faits ont été prouvés.
Ce que le sieur du Sauvage avoit intérêt h connoître,
il l’a connu plus de cinq ans même avant sa demande.
Ce long retard est aujourd’hui pour lui un obstacle
insurmontable.
La loi est claire;
La loi est formelle :
Elle ne peut se prêter à aucune équivoque, à aucune
interprétation.
Toute interprétation d’ailleurs, si elle en étoit sus
ceptible , devroit être faite en faveur de la foiblesse et
de l’innocence.
Et pour nous servir des expressions éloquentes du
tribun D uveyrier, le sieur du Sauvage, par le silence
4*
�qu’il a gard é, est raisonnablement supposé n'avoir pas
reçu d’offense, ou Vavoir par donnée ; et dans tous les
c a s, la loi y comme la raison , préfère le pardon à la
vengeance.
x
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
U action est-elle fondée ?
Cette question se résout par les termes de l’art. 312
du Code N apoléon, comparés aux preuves que rapporte
le sieur du Sauvage.
V oici comment est conçu l’article r
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« mari.
« Néanmoins celui-ci pourra désavouer l’enfant, s’il
« prouve que pendant le temps qui a couru depuis le
« trois centième jusqu’au cent quatre-vingtième jour
« avant la naissance de cet enfant, il é to it, soit pour
« cause d’éloignement, soit par l’effet de quelque acci« d en t, dans /’impossibilité physique de cohabiter avec
« sa femme. »
L e premier paragraphe de l’article pose la règle.
« L ’enfant conçu pendant le mariage a pour père le
« m ari ; pater is est quem nuptiœ demonstrant. »
L e second paragraphe établit l’exception.
Cette exception n’est admise que lorsqu’il y a eu im
possibilité physique de cohabitation entre le mari et la
femme.
Im possibilité physique : ces expressions sont de la
plus grande force comme de la plus grande précision.
�( *9 )
Elles renferment le résumé de la plus saine doctrine
de l’ancien droit sur cette matière.
L ’impossibilité physique, autrefois comme à présent,
étoit impérieusement exigée pour détruire la règle im
portante, pater is est, etc.
Ecoutons le langage d’un illustre orateur, l’honneur
de la magistrature, dans une cause où une foule de
circonstances, en démontrant l’adultère de l’épouse, sembloient autoriser le mari à désavouer l’enfant né depuis
des liaisons criminelles.
M . Daguesseau rappelle la définition de l’enfant lé
gitime , qu’il puise dans la loi 6 , ff. D e his qui su i
vel alieni juris sunt. Et il ajoute :
« Il n’y a donc que deux preuves contraires, qui
« puissent être opposées à une présomption aussi fayo
te rable.
« La longue absence du mari est la première ; et
« même nous pouvons ajouter, conformément.à l’esprit
« de la l o i, qu’il faut que cette absence soit certaine et
« continuelle.
« L ’impuissance, ou perpétuelle ou passagère, est la
« seconde : la loi n’en reconnoît pas d’autres. »
O r, quelles preuves le sieur du Sauvage rapporte-t-il
de rimpossibilité physique d’un instant de réunion entre
lui et son épouse; c’est-à-dire, d’une longue absence ,
qu’il prétend être certaine et continuelle?
Son inscription sur la liste des ém igrés;
Des arrêtés administatifs de brumaire et de frimaire
an 3 ;
Un jugement de messidor an 4,
�c 3° )
So7i inscription sur la liste des émigrés !
Est-ce là une preuve irréfragable de son absence?
Ne sait-on pas que des milliers de Français ont été
inscrits sur ces dangereuses listes, sans avoir jamais quitté
le sol de la France?
Ne sait-on pas avec quelle légèreté, quelle imprudence,
quelle facilité, dans ces temps de désordres, on signaloit
comme émigrés, par ces listes fatales, ceux qui ne s’étoient
absentés que momentanément même du lieu habituel
de leur résidence?
Ne sait-on pas enfin que pour éviter les dangereux
effets de l’erreur ou de la malveillance, les malheureux
proscrits, obligés de se cacher dans une retraite profonde,
n’y voyoient que leurs parens, leurs amis les plus proches?
Sera-ce dans ces jours ténébreux de nos dissensions
civiles, qu’on ira chercherla lumière propre à nous éclairer
sur la certitude, la continuité de l’absence du sieur du
Sauvage?
D e s arrêtés administratifs de brum aire, de frim aire
an 3 /
Mais ces arrêtés, conséquence nécessaire de l’inscription
sur la liste des émigrés, ces arrêtés sollicités pour pré
venir la vente totale des biens du présumé ém igré, ne
sauraient être une preuve eux-mêmes, tant qu’on ne
démontrera pas , par des preuves physiques, la réalité
et la continuité de l’absence.
A u reste, ces actes administratifs ont eu lieu au com
mencement de l’an 3; et comment prouveroient-ils que
le sieur du Sauvage a été aussi absent en l’an 4 , pen
dant cette année 4, où, les proscrits se pressoient en foule
�'(3 0
de rentrer dans une patrie q u i, devenue plus douce pour
eu x, n’attentoit plus à leur vie, pourvu qu’ils ne com
missent aucune imprudence, et qu’ils employassent quel
ques déguisemens.
O r, la naissance d’Anne-Françoise du Sauvage est de
la lin de l’an 4 , du 19 fructidor.
Un jugement de messidor an 4 /
Ce jugement n’est pas rapporté ; il n’a jamais été pro
duit : on s’étonne qu’il ait été invoqué comme preuve.
D e liis quœ noii sunt 2>el quœ non apparent idem ju diciurn.
A u reste, quand il seroit vrai que dans le jugement
le sieur du Sauvage est qualifié d’’émigré ou réputé émi
gré (1), cette qualification seroit-elle une preuve physique
de son absence, soit antérieurement, soit même à cette
époque?
Ne sait-on pas que tant que l ’inscription subsistoit,
l’inscrit ne pouvoit être désigné par les autorités admi
nistratives et judiciaires que comme émigré ou réputé
émigré.
D e tels indices ne sauroient être suffisans pour dé
montrer une absence longue, certaine et continuelle ;
Ils ne fourniroient que des présomptions d’absence.
O r , la loi n’admet pas l’arbitraire des présomptions,
en matière aussi grave.
Ce n est pas sur des présomptions que des magistrats
se décideront à livrer à l’infortune et à la honte la vie
entière d’un être innocent.
(1) Voyez page 6 du mémoire du sieur du Sauvage.
y'
�( 32 )
Il
faut des preuves de Pim-possibilité physique d’une
réunion même momentanée.
'
Mais que doit-on entendre par ces mots : L'im possi
bilité physique ?
Ecoutons le tribun Duveyrier.
« L ’impossibilité physique est absolue; elle tient toute
« sa force d’elle-même : c'est un fa it matériel et cons« t ant, qui n admet aucune autre supposition. »
Cet orateur ajoute plus bas :
a L ’impossibilité physique ne peut exister que par deux
« causes, l’absence, et l’impuissance accidentelle du mari.
« I c i, les anciens principes, conformes à la raison et
ff à l’équité , ne souffrent aucune altération. Il faut que
a l’absence soit constante, continue, et de telle nature
« que dans l’intervalle de temps donné à la possibilité de
« la conception, c’est-à-dire, dans l’intervalle de cent
« vingt jours, qui s’écoule entre le cent quatre-vingtième
« et le trois centième jour avant la naissance de l’enfant,
« Pesprit humain ne puisse concevoir la possibilité
« d'un seul instant de réunion entre les deux époux. »
• O r , L e sieur du Sauvage démontre-4 -il que l’esprit
ne peut concevoir la possibilité d’un seul instant de réu
nion enti’e son épouse et lui ?
Et la jeune infortunée dont on attaque l’état, n’at-elle pas le droit de dire
Q u’il est possible que le sieur du Sauvage ne fût pas
absent du territoire Français, en l’an 4 ;
Qu’il est possible, s’il avoit fui le sol français antérieu
rement , qu’il y fût rentré à une époque où tant d’émigrés
B’empresçoieat de profiler d’un teixips de calme et de tolé
rance f
�( 33 )
rance, pour revoir une patrie, objet de leurs souvenirs
et de leurs regrets ;
r Qu’il est possible qu’alors il se soit réuni à une épouse
près de laquelle ses affections comme ses devoirs semb loien tle rappeler;
•: Q u’il est possible m êm e, si le sieur du Sauvage n’étoit pas rentré en France, que cette épouse fût allée ellemême dans les contrées voisines, résider quelques temps
auprès d’un époux qui n’avoit alors à lui reprocher au
cunes liaisons avec Guines.
Ces possibilités sont dans l’ordre naturel.
• A insi', tant qu’elles ne seront pas détruites par une
preuve aussi claire que positive, le sieur du Sauvage
ne peut pas se placer dans le cas de Vimpossibilité phy
sique e x ig é e p a r l’article 312.
C e tte ’preuve n’est pas fa ite ;
u
;Cette preuve n’est pas même offerte.
Comment donc le sieur du Sauvage p o u rro it-il se
croire fondé-dans son action en désaveu?
On le v o it, des moyens puissans s’élèvent contre cette
action.
. :\\i
r
.
La loi protège une fille innocente ;
E lle ne permet pas d’accueillir la demande, tant qu’il
ne sera pas prouvé qu’il y a eu impossibilité physique
de cohabitation entre les deux époux.
Cette preuve même seroit insignifiante aujourd’h ui,
et elle n’empêclieroit pas qu’on ne dût rejeter une de
mande tardive, une demande formée plusieurs années
seulement après l’époque où Inexistence de l’enfant étoit
parvenue a la coimoissance du m an. iL! r :
�Mais qu’il est affligeant, pour la jeune du Sauvage,
d’être obligée d’invoquer la loi pour sa défense !
Q u’il lui seroit doux de devoir son salut au cœur seul
du père qu’elle réclame !
Par le long silence qu’il a gardé , le sieur du Sauvage
est présumé, ou n'avoir pas reçu d'offense, ou l'a voir
pardonnée.
S’il croit avoir reçu une offense, n’est-elle pas expiée
par les malheurs dont sa triste épouse est accablée depuis
long-temps ?
Qu’il ne révoque pas un pardon généreux!
Qu’il permette à une jeune infortunée de se jeter à
ses pieds, et de lui demander grâce pour sa m ère, grâce
pour elle-même !
Q u’il la reconnoisse pour son enfant ! et il trouvera en
elle une fille tendre et soumise, une fille dont les soins
touchans le consoleront, dont les vertus l’honoreront,
et qui répandra dans son âme le calme , la sérénité,
le bonheur que ne connut jamais l’homme isolé.
M e. A L L E M A N D , avocat.
M e. G A R R O N jeune, avoué licencié
A R IO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale,
rue des Taules, maison L amdriot. — A vril 1813 ~
et libraire
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Anne. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Allemand
Garron
Subject
The topic of the resource
émigrés
reconnaissance de paternité
tutelle
divorces
témoins
conseils de famille
absence
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse pour Anne-Françoise Noyer du Sauvage, mineure, habitante de la ville de Clermont, et Maître Garron, licencié-avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans ; contre sieur Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire, habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire, intimé ; en présence du sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Alleyrat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Table Godemel : Tutelle : la délibération du conseil de famille portant nomination d’un tuteur n’est pas nulle pour avoir été prise par un conseil composé uniquement de parents maternels, surtout, dans la circonstance où la nomination du tuteur a eu lieu à la diligence du mari, à l’effet de former contre les enfants de sa femme une demande en désaveu.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1791-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2216
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0617
BCU_Factums_G2215
BCU_Factums_G2220
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
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Domaine public
absence
conseils de famille
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
tutelle
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53434/BCU_Factums_G2205.pdf
94115787ebf16e3280da8fc1fba77413
PDF Text
Text
PRÉCIS
EN RÉPONSE,
POUR
Sieur
H
e n r i
-L o u is-
G
uy
DELOLM E
LA
L A U B I E , docteur en médecine, intimé;
CONTRE
D a me M a r g u e r i t e
DE
veuve de M . H e n ri-L o u is
force,
CH AZELLES ,
D e l o l m e d e L a.-
appelante.
L E sieur la Laubie ne devoit pas s’attendre à être
accusé d’avidité.
I l ne se croyoit pas davantage co u p a b le d’ingratitude
et d’un esprit de tracasserie.
i l n’a eu en sa vie que deux procès. L e premier lui
�lo i
Ÿ4
( 2 )
fut intenté par sa belle-sœur. Des demandes déraison
nables et exagérées l’auroient autorisé à le soutenir en
justice réglée : il lit tous ses efforts pour en éviter l’éclat,
et l’étouifer par des sacrifices.
Il proposa l’arbitrage de M . Guitard , substitut de
M . le procureur impérial, ami de son frère, dépositaire
de son testament, et de ses dernières intentions, q u i ,
à ce titre , lui paroissoit désigné à l’un et à l’autre comme
leur arbitre naturel : la dame Laforce s’y refusa.
Il proposa encore de soumettre ces difficultés, dans le'
silence du cabinet, à leurs juges naturels, s’ils vouloient
en avoir la complaisance; elle rejeta cette proposition.
Elle ne voulut d’arbitrage qu’autant que les médiateurs
seroient de son c h o ix ; elle indiqua jV'J. de Comblât;,
elle fit témoigner à M - la Laubie, par un de ses amis,
M . de la Condamine, qu’elle le désiroit pour second ar
bitre. L e sieur la Laubie les accepta avec empressement,
quoiqu’ils ne fussent gens d’affaires ni l’un ni l’autre,
parce qu’il préféroit encore une couciliation à un ar
bitrage réel..
C'est sous leurs auspices, et par leur médiation, que
fut fait le premier arrangement dont la dame Laforce
abuse aujourd’hui. Animés l’un et l’autre des meilleures
intentions, mais ne pouvant apprécier ni juger les droits
respectifs, ils ne virent qu’un b u t, celui de concilier
les parties sur les différens alors existans; et, pour y par^venir , ils n’aperçurent d’autre moyen que des sacri
fices : ils les obtinrent facilement du sieur la Laubie.
L ’ héritier du sieur Laforce ne se crut pas dès-lors
obligé d’exiger tout ce que la loi lui pcrmettoit de
4
�m .
.
*J>
demander. Plein de respect pour les désirs de son frère,
il se fit une espèce de devoir de ne pas exiger une cau
tion dans un moment où le besoin ne s’en faisoit pas
encore sentir; mais il n’en abdiqua pas plus le droit qu’il
n’en abandonna la faculté.
Malheureusement pour toutes les parties, le besoin de,
cette mesure ne tarda pas à se manifester. Une demande
toute naturelle, toute légitime, fut formée sans humeur,
et poursuivie sans animosité; elle a donné lieu à l’appel
qui est pendant en la Cou r, et aux reproches amers de
la dame Laforce. Bien sûr de ne les avoir jamais en
courus , le sieur la Laubie se félicite de ce qu’elle a publi é sa défense ; il ne demandoit rien tant que de mettre
au jour la conduite qu’il a tenue.
)
,
-
'
F A
I T S.
L e sieur la Laubie a toujoui’s habité la maison de son
frère , avec lequel il vivoit dans l’intimité ; il s’y est
m arié, et comptoit dès-lors se séparer de lu i; il avoit
déjà loué un appartement en ville ; son frère lui en
témoigna quelques regrets avec la plus grande délicatesse,
et il renonça à ce projet qu’il n’a voit conçu que par
égards.
L e sieur de Laforce avoit depuis son mai’iage un état
de maison considérable; il habitoit huit mois de l’année
à Aurillac et quatre mois h la Laubie. Ses deux habitations
étoient somptueusement meublées ; la fortune de son
épouse n’en étoit pas le principe : elle n'en étoit pas
�(41
<*
fa v o r isé e , comme elle le dit elle-même, puisque son père
n’en avoit aucune.
Son contrat de mariage, du 19 fructidor an 7, lui assuroit
un douaire de 1,200 francs, son logement dans la m aison
d’ A u r illa c , et l’usage de tout le bois nécessaire à son
chauffage, pris dans la cour de la maison.
Et comme son époux ne lui donnoit alors l’usufruit
d ’aucune quotité de son mobilier, le contrat ajoutoit que
le logement serait meublé de meubles m eublans, et
autres ^ nécessaires à son usage.
L e sieur de Laforce, n’ayant pas d’enfans, voulut
étendre les dispositions qu’il avoit faites au profit de sa
femme; il voulut en même temps disposer de sa fortune
et se donner un héritier. L e sieur la Laubie fut l’objet de
son choix. Plein de reconnoissance envers son frère, il ne
croit pas devoir à sa belle-sœur cette prérogative, ni etre
tenu par réciprocité d’abandonner à sa discrétion les pro
priétés qui lui ont été léguées.
Il faut rappeler ici quelques dispositions du testament.
T,e sieur de Laforce lègue d’abord à son épouse , « pour
9 lu i tenir lieu des 1,200 de pension, et du logem ent,
or q u 'il lu i avoit donnés par contrat de m ariage, la
0 jouissance de son domaine de la Laubie en tout son
c< entier, réserve comprise, sans en rien retenir ni ré« s e r v e r .. . composé de bûtimens, etc........., tel qu’il
a se trouvera lors de son décès, y compris les cheptels ;
a p lu s , il lui donne deux chevaux ou jurnens à son
« c h o ix , avec une voiture ou cabriolet, aussi à son
« ch o ix j voulaut que toutes les provisions de bouche, en
�« grains, vins, et ccetera, soient partagées entr’elle et
« son héritier. »
. Ni la désignation générale, ni l’énumération de ce qui
compose le domaine, ne comprennent le mobilier; et on
ne peut pas dire que ce soit ou b li, ou même une intention
évidente et inutile à exprim er; car le don taxatif des
cheptels, de deux chevaux et d’un cabriolet, qui faisoient
partie de ce mobilier, seroit exclusif du surplus, s’il n’y
avoit pas de disposition formelle dans la suite de l’acte.
Remarquons aussi que l’acte ne dit pas avec limitation
qu’on partagera les provisions de bouche seulem ent,
comme la dame Laforce sembleroit le donner à penser,
aux pages z 5 et 26 de son mémoire. L e testament lui
donne la jouissance du domaine, quelques meubles dé
signés , et dit qu’on partagera les provisions de bouche :
cela s’entend assez.
L e testateur continue :
« Elle aura de plus la jouissance à A u rilla c, de
t£ chambre, de la mienne, de celle qui est sur le jardin.
sa
«
«
«
«
«
«
«
«
............. Elle prendra les caisses d’orangers et vases
qu’elle jugera à propos vivant viduellem ent, elle
aura la jouissance de la moitié du mobilier, pour être
rendu, après son décès, en l’état où il se trouvera;
ledit legs franc et quitte de tous drois successifs ; et
il lui sera donné de suite, après mon d écès, une
somme de 1,200 francs, pour fournir à ses pressans
besoins. »
E u fin , le testateur prie ses frères d’avoir pour sa
femme toutes honnêtetés et complaisances, et de ne la
tracasser en rijen,
2
�Voilà l’intégralité de ce testament quant à la dame
Laforce; elle croit y voir tout à la fois un legs d’usu
fruit de tout le mobilier de la L a u b ic , et une dis
pense de donner caution; elle propose à la justice de le
décider ainsi, d’après l’intention présumée du testateur :
quoique connoissant bien elle-même cette intention, son
premier mouvement, exécuté avec réflexion, a été de
partager le mobilier , et d’offrir une caution qu’elle
n’a voit pas et qu’elle ne pou voit pas avoir.
L e sieur Laforce mourut le 14 juillet 1810 : trois jours
avant d’expirer, il dicta h M. Guitard, son ami, quel
ques lignes par lesquelles il exprime la volonté que son
épouse ait la grande voiture, la place pour trois che
vaux à l’écurie et pour la voiture dans la remise. Il dit
qu’il a fait écrire cette disposition par un ami, comptant
bien que son héritier ne fera pas difficulté de l’exécuter.
Il ne pouvoit pas se méprendre sur la fidélité de son
frère; il eût dicté de cette manière des dispositions con
sidérables, que son héritier les eût toutes religieusement
exécutées.
Un fait est essentiel h saisir aussi-bien que son époque.
L a première démarche des parties fut de partager le
mobilier ; elles en reconnurent l’une et l’autre la néces
sité. L e sieur la Laubie ne croit pas que son adversaire
désavoue que tout en reconnoissant-qu’elle ne devoit
avoir que la moitié du mobilier, elle témoigna l’envie
de beaucoup de meubles qui excédoient sa portion, et
que la condescendance de l’héritier l’amena h lui en céder
près des deux tiers, qu’elle a encore aujourd’hui eu sa
possession. Quoi qu’il en soit, l’époque de ce partage,
�et de' la délivrance réelle dii^mobilier.,. dont l’héritier
n’avoit aucune reconnoissance, ne fut ni celle de l’ai>
rangement, nivelle de l’inventaire, qui sont l’un et l’autre
de beaucoup postérieurs.
î
T r» p
L e sie u r la rLaubie.iavoit transporté à* Aurillac les
meubles avenus à son lot parmi ceux de la L a u b ie , et
il étoit fort éloigné de croire qu’on osât jamais le rede
mander comme une chose soustraite; néanmoins il y
fut bientôt exposé.
.
.
. r
- Il avoit payé-les 1,200 fr. dûs à sa belle-sœur ,j les
mémoires des'marchands d’Aurillac , le deuil des do-*
mestiques, et toutes les dépenses du moment. Il n’imaginoit pas que les pressons besoins de la dame Laforce
pussent avoir d’autre cause que ses habits de deuil ou
quelques dettes urgentes. Il étoit, il est v r a i d a n s l’er
reur; mais cette erreur étoit au moins pardonnable.
La dame Laforce réclamoit ses habits de d e u il, pour
lesquels elle demandoit modestement 6,000 francs. Elle
exigeoit de l’héritier qu’il courût chez tous les marchands
ët fournisseurs à qui elle avoit pu avoir affaire ; qu’il,
payât ayeuglément et indéfiniment toutes fo u rn itu res
à elle.faites avant le décès de son m ari, comme étant
des dettes de la succession , et qu’il lui rapportât leurg
mémoires acquittés.
'
'
,
Ce chapitre d’emprunts^ qui est souvent le fonds de
correspondance d’une femme du monde avec des mar
chands , est quelquefois dangereux pour un mari ; com
ment ne seroit-il pas effrayant pour un héritier qui n’en
connoît pus les bornes, surtout lorsqu’habitant A u rillac,
�(8)
il entend parler des marchandes de modes de Clermont
et de Paris ?
L e sieur la Laubie ne refusa pas de payer; mais il
exigea, qu’on lui fît connoître la nature et le montant
de ces1mémoires y 'et. certes rien n’étoit plus raisonnable.
Cela ne convint pas à la dame Laforce; elle prit les
voies judiciaires, et commença un procès par une ci
tation du i avril 1811.
Elle demanda, i° . 6,000 francs pour ses habits de
deuil. Rien 'n’étoit plus juste, quant au deuil en luimême : le sieur la Laubie étoit dans l’erreur en ne
croyant pas le devoir ; il a cessé de résister dès qu’on
lui a montré qu’il se trompoit. Mais la dame Laforce
se trompoit beaucoup plus' en exigeant 6,000 francs
pour sa personne seule, dès q u e , surtout, le deuil des
domestiques étoit payé.
20. Elle demanda le rapport des mémoires de four
nitures à elle faites par différons m archands, antérieu
rement au décès, avec l’acquit desdits marchands, no
tamment ceu* acquittés par M . de Sédage, à Clermont ;
30. Qu’il réintégrât les meubles et effets par lui en
levés du château de la Laubie, sinon à lui payer annuel
lement 300 francs pour l’usufruit desdits meubles;
4°. Qu’il convînt d’experts à l’effet de constater l’état
de tous les bâtimens Soumis à son usufruit ;
A u x offres que f a i t ta requérante de donner bonne
et solvable ca u tio n , à raison de son usufruit,
i Depuis neuf m ois, le sieur de Laforce étoit décédé ;
5
et sa veuve, connoissaut bico ses dispositions et scs in-r
�•. •
'
. C9)
tentions, voit dans la loi l’obligation de donner caution,
et ne trouve ni dans le testament, ni dans l’intention
de son m a r i, un seul mot qui l’en dispense.
Depuis neuf mois elle étoit v e u v e , et elle ne de
mande pas le partage du mobilier, même de celui d’A u rillac : donc elle en jouissoit déjà ; donc il étoit déjà par
tagé ; donc ce partage, cette délivrance de mobilier, et
cette convention qui lui étoit personnelle, n’étoient pas
à ses yeux une dispense de donner caution, comme elle
le prétend aujourd’hui.
Et certes , si elle eût pu s’en dispenser , elle n’eût
pas manqué de le faire; car elle convient elle-même,
page 21 de son mém oire, qiCelle étoit dans Pimpossibilité de fo u r n ir an cautionnem ent, et que c’est la
cause pour laquelle son mari Peu a dispensée j ce q u i,
d une part, est très-vrai en soi-même, et démontre, de
1 autre, la fausseté de l’imputation faite ailleurs au sieur
la Laubie , qu’il n’a pas demandé de caution dans le
principe, parce que le père de la dame Laforce auroit
1
pu ê tre , et qu’on vouloit lui ôter cette ressource. L a
dame de Laforce auroit-elle donc oublié déjà qu’elle et
ses sœurs n ont accepté la succession de leur père que
sous bénéfice d’inventaire?
>
Le sieur la Laubie comparut au bureau de paix; il
ne se crut pas permis de dire qu’il comparoissoit pour
obéir à la loi • il crut devoir aux circonstances quelques
explications de plus, et fournir par cela seul au juge de
P‘nx ^es moyens de remplir en entier son honorable
ministère. Il expliqua ses intentions, et donna les motifs
de sa conduite avec autant de franchise que de loyauté.
3
�Sa réponse est à peu près transcrite aux pages 7 et 8 du
précis de la dame Laforce. L ’intimé ne la rappellera
point ici; il lui suffit que son adversaire en ait rendu
compte. T o ut en se donnant le ton de jeter du ridicule
sur le sieur la L a u b ie , elle l’a par cela seul complète
ment justifié de ses propres imputations.
C ’est sur cette réclamation, peu considérable en ellemême, qu’a eu lieu l’arrangement des parties, par l’in
termédiaire de leurs amis communs, et non par l’eifet
d’aucune décision arbitrale.
Cette médiation kg pouvoit ‘a voir ni pour objet ni
pour résultat d’accorder les parties sur un différent
relatif au bail de caution ; car bien loin qu’il y eût
contestation entr’elles sur ce point, la dame Laforce
l’offroit, quoique, de son aveu , elle fût dans Vimpos
sibilité de la donner ; et le sieur la Laubie ne l’exigeoit
pas, quoique son droit fût incontestable. A in s i, à moins
d ’une acceptation de cette offre, ou d’une renonciation
formelle à son droit, il n’y a voit pas la moindre l’aisoil
pour qu’on s’en occupât dans l’acte d’arrangement du
I er. mai 1811 ; aussi n’en fut-il pas dit un seul mot.
Il faut cependant parler de cette convention, que la
dame Laforce dénature, au moins dans ses conséquences.
Il est dit en l’article 1e1'. que « Vinventaire du m obia lier et le partage f a it s k l’amiable entre les parties,
« demeurent définitifs......... il sera f a i t deux doubles
« de l’inventaire et du partage; ces doubles seront signés
« par les parties , et il en sera remis un à chacune
* d’elles, p ou r, par ladite dam e, être définitivement
r chargée de tout le m obilier compris dans son lot. »
�On le v o it, ce premier article, relatif au mobilier,
n’avoit pas plus de force que le partage qui en étoit
déjà fait ; seulement il devoit demeurer fait : mais tout
ne devoit être définitivement terminé que par la signa
ture des deux doubles de l’inventaire et du partage,
qui seuls fixant les droits des parties , et opérant la
délivrance légale, dévoient définitivement charger la,
veuve du mobilier compris dans son lot.
A coup sûr il n’y a pas là de dispense de donner
caution , puisque surtout, en signant les doubles, les
parties se sont réservé tous leurs droits ; ce qui d’ail
leurs étoit assez inutile, quant à la dispense de donner
caution.
Par l’article 2 , « le sieur Delolm s’oblige de faire
« porter annuellement à A urillac, dans la cour de la« dite dame, vingt charretées de bois à brûler, bon et
« de recette, qu’il pourra prendre, si bon lui semble,
k dans le domaine de la Laubie. »
Cette dernière faculté, dont le sieur la Laubie n’a pas
usé pendant ces deux années, lui devient désormais inu
tile, vu l ’état où la dame Laforce a mis les bois de ce
domaine depuis l ’arrangement.
Par l’article 3 , les parties donnent à M . Lasmoles ,
expert, le pouvoir de vérifier l’état des bâtiinens, et le
sieur la Laubie s'oblige à faire, sans délai, les répara
tions qui seront à sa charge.
• Par l’article 4 , les habits de deuil, et les sommes ré
clamées pour fournitures, sont fixés à 1,4^0 francs.
« E t au moyen de ce que dessus, ladite dame se re•t< conuoît satisfaite des avantages et legs à. elle faits par
�w
,
.
( 12 > .
« son défunt m ari, et renonce à toutes les demandes
« par elle form ées. »
Si le sieur Delolme, de sa port, eût fait une semblable
renonciation, on demanderont à quoi elle pourroit s’ap
pliquer.
;
Mais malgré une renonciation formelle de la dame
de Laforce à toutes ses demandes, elle n’exige pas que,'
par réciprocité, le sieur la Laubie renonce à quoi que
ce soit : la renonciation est taxativement restreinte à ellemême , et le sieur la Laubie reste dans tous ses droits.
Pourquoi cela?
Par cette raison toute simple, que le sieur la Laubie
¡ne demandoit rie n , qu’il n’exigeoit pas même le bail de
Caution qui lui étoit offert ; qu’ainsi il ne pouvoit et ne
devoit renoncer à rien.
>
E t pourquoi un silence affecté sur cette caution déjà
offerte ?
Parce q u e , tout en l’offrant comme suite forcée de sa
demande judiciaire , la veuve ctoit fort aise qu’on ne
l’exigeât pas;
Parce que la veuve n’ayant pas encore abusé de son
usufruit, au moins d’une manière ostensible et connue
de l’héritier, le sieur la Laubie se faisoit un devoir et
un point de délicatesse de ne pas prendre dès-lors une
mesure inutile pour lu i, et qu’il eût p u , en ce sens,
considérer lui-même comme une espèce de tracasserie7
ou , pour mieux dire, un manque de cette complaisance
que son frère lui avoit recommandée. Il en eût toujours
usé de m êm e, si la dame Laforce l’eût voulu.
Mais il ne s’interdit pas davantage de demander cette
�3
'
( i )
Caution lorsque le cas l’exigeroit, qu’il ne dispensa la
veuve de jo u ir en bon père de fa m ille , comme l’y oblige
l ’article 601 du Gode, et qu’il ne lui transmit, par son
silence, le ju s utendi et abutendi,• ce qui assurément
n’eût été que la même chose.
E n fin , comme nous l’avons d it, l’arrangement et la
délivrance furent définitivement consommés, le 17 oc
tobre , par la signature des doubles, lors desquels les
parties se réservèrent l’intégralité de leurs droits.
La dame.Laforce ne niera pas que, lors de cette signa
ture, le sieur la Laubie lui déclara formellement qu’il
se voyoit forcé à demander une caution. La connoissance
de quelques abus de jouissance, et la découverte d’ une
foule d’infidélités très-graves, commises dans les notes de
mobilier qui lui avoient été remises pour le partage, ne
lui permirent plus d ’hésiter.
Déjà la veuve commençoit à dévaster les bois. Quatrè
parcelles en composent toute l’étendue, et n’ont ensemble
que vin gt-d eu x septerées de quatre cents toises : cinq
ans de jouissance comme les deux- qui se sont écoulés,
en feroient disparoître la trace.
L e sieur la Laubie a su aussi que déjà le cheptel étoit
entamé, et que, par un bail à ferme nouvellement con
senti , l’usufruitière s’éloit réservé d’y porter de nou
velles atteintes.
Il a donc été forcé à la demande. Elle a pour objet,
i ° . L e bail de caution ;
, 20. L e règlement du droit de chauffage , propor
tionnellement à l’étendue et à l’état des bois du domaine.
Ce second chef étoit fondé,
i
4
�( * 4; )
i° . Sur ce qu’en fixant à vingt charretées la provision
d’Aurillac, les parties a voient pris pour base le temps
ordinaire de l’habitation, qui étoit de huit mois;
2°. Sur ce que n’ayant que l’usufruit des bois de la
Laubie, la veuve devoit en jouir sans les dégrader, et
comme le faisoit le propriétaire lui-même.
Devant le juge de paix , la dame Laforce répondit
qu’outre l’intention manifestée par le testament, il étoit
de principe, d’après l’article 6oi du Code Napoléon, que
celui qui veut exiger une caution de l’usufruitier, doit le
faire avant l’entrée en jouissance, et la clôture de l’in
ventaire.
Sur le second ch ef, elle dit qu’on ne pouvoitlui con
tester le droit d’habiter la Laubie autant de temps qu’il
lui çonviendroit, ni de prendre dans le domaine le bois
nécessaire à son chauffage pendant tout ce temps; et ne
trouvant pas cette autorisation dans le testament, elle
remonta jusqu’à son contrat de mariage: elle l’invoque
encore a u j o u r d ’ h u i .
C ’est ainsi que l’instance s’est engagée.
L e tribunal d’A u rillac, domicile môme des parties, a
jugé ces deux questions si simples, sur le texte même
de la loi.
Il a assujéti la veuve à donner caution; e t , dans le cas
où elle n’en trouveroit pas, il a appliqué la disposition
de l’article 603 du Code Napoléon; il a usé amplement
de la faculté que lui donne cet article, de laisser à l’usu
fruitier une partie des meubles nécessaires à son usage,
sous sa simple caution juratoire; il est allé plus loin,
et, outrepassant cette faculté; il a autorisé la dame de
�5
( i )
La fore à jouir par elle-m êm e, non-seulement de la
maison et jardin d’ Aurillac, maïs encore delà maison,
des jardins, du verger et de l’enclos, qui sont, hors les
bois, les objets les plus sujets à dégradation, et pour
lesquels la caution est le plus nécessaire.
Quant au second chef, il a fuit défense à madame
Laforce de couper, dans le domaine de la Laubie, aucun
arbre, ni autre bois, pour les porter c l A u r illa c ; l’a
autorisée seulement à user desdits bois pour son chaiifJage à la campagne, modérém ent, et de manière à en
tretenir les bois au même et semblable état qu’ils étoient
lors de l’ouverture de son usufruit; lequel état sera
constaté, si fait n’a é té , par Lasmoles, expert déjà con
venu entre les parties, pour dresser l’état des bâtimens
et autres immeubles sujets à l’usufruit ; lequel expert
donnera son avis sur la quantité d’arbres ou de c h a r
retées de bois que ladite dame pourra couper chaque
année dans lesdits b o is , sans les dégrader. •
>
Cette dernière disposition , entièrement conforme i\
3
l’article 600 du Code, maintient la dame de Laforce
dans la plénitude de son usufruit sur les bois seulement;
elle lui ordonne d’en user m odérém ent, et de n’en
prendre que la quantité qiielle pourra y couper chaque
a n n ée, sans les dégrader. C’étoient là-, en effet,.les
bornes naturelles et légales de son usufruit, ju s u te n d i'
' mais la dame de Laforce ne pouvoit pas en être satisfaite.;
elle croit avoir le droit d ’ a b u s e r : elle a interjeté appel.
Ces deux chefs font toute lu cause soumise à la déci
sion de lu Cour. Les premiers ju{?ps n’ont rien statué sur
la défense d’uü'ermer les prés, parce qu’il n’y en avoit pas
�C 16 )
de demande, le sieur la Laubie ne s’étant fait à cet égard
qu’une simple réserve, et la dame Laforce n’ayant pas
pris de conclusions de son chef.
La cause se réduit donc à deux points très-simples.
Après l’exposé du fait, le sieur la Laubie seroit assez
dispensé de rien ajouter : cependant il ne lui appartient
pas de juger les moyens de son adversaire; il va les par
courir et les réfuter,
P
r e m i è r e
q u e s t i o n
.
L a dame de Laforce est-elle obligée de donner
caution ?
O ù pourroit être le doute? Cette caution est, d’après
îa lo i, celle de jo u ir en bon père de fam ille. Par quel
acte la dame de Laforce a-t-elle été dispensée de cette
obligation sacrée ?
Elle en invoque deux : le testament, et l’arrangement
passé entre elle et le sieur la Lau bie, q u i, dit-elle, a
renoncé à la faculté que lui donnoit la loi.
Nous sommes donc réduits à l’examen d’une simple
question de fait. Ouvrons ces deux actes.
i° . L e testament.
L e testateur, qui pouvoit tout donner à sa veuve, a
voulu la réduire à un simple usufruit. On en convient.
Il ne l’a dispensée expressément, en aucun endroit,
de fournir la caution exigée par la loi. On en convient
encore.
; E t , sans autre discussion ? la conséquence naturelle de
�17
(
)
ces deux vérités de fait est que la caution peut être de
mandée , parce que le testateur a exprimé tout ce qu’i l .
vo u lo it, et qu’on ne peut suppléer à ses dispositions.
Les contrats sont de droit naturel , et cependant il faut
se renfermer dans leurs dispositions ; il n’est jamais per
mis d’y rien ajouter, même par induction; à plus forte
raison, cette règle doit-elle être strictement observée
pour le testament, qui est purement de droit civil.
Il faut, dit-on, consulter l’intention ; potiits voluntatem quàm verbet. Cela est v r a i , mais dans quel cas ?
La loi le dit dans la même phrase : in ambiguis ora
tionibus.
Si donc le testament, dans une de ses dispositions,
contenoit quelque chose d’obscur ou d’équivoque, il fau*
droit l’expliquer par l’intention la plus vraisemblable
du testateur, et la plus conforme à l’ensemble de ses
dispositions.
Mais, d’une part, la loi défend d’interpréter ce qui est
clair.
D ’un autre côté, le testament du sieur de Laforce n’a
rien de sujet à interprétation, et sa veuve ne propose
pas d’interpréter, mais de suppléer ; elle propose de créer
une disposition sur une intention présumée.
Q u’y a-t-il donc de si grave dans ce testament, pour
en induire forcément rinteution du testateur, que sa
veuve fut dispensée de donner caution ?
Eu le disséquant avec soin , la dame de Laforce n’a
pu y trouver que deux motifs de présomption ;
L ’un, que le mobilier ne doit être rendü par la suc
cession de sa veuve qu’eu l’état où il se trouvera •
5
�( i8 )
L ’autre , que le testateur prie ses frères d’avoir des
Complaisances pour sa fe m m e et de ne la tracasser' en
rien.
E t , suivant elle, en voilà assez pour ne pas douter de
Vintention j car son époux connoissoit Vimpossibilité où
elle étoit de donner caution , et il a voulu lu i éviter
ce désagrément. E t , en testament, prier c'est ordonner :
rogo seu jubeo.
S’il étoit vrai qu’au moment où le sieur de Laforce
écrivoit ces lignes, dans un testament olographe qu’il
faisoit avec méditation, il avoit la pensée que sa femme
pourroit être tracassée sur le bail de caution , il en sort
contre sa veuve la conséquence terrible que s’il n’en a pas
écrit la dispense, c’est qu’il ne l’a pas voulu.
N ’étoit-il pas plus simple, en effet, de le dire nettement,
que de chercher, pour exprimer sa pensée, des circon
locutions qui ne pouvoient pas la rendre ? Ce n’est pas une
omission ; le testament n’est pas fait dans un de ces der
niers inomens où la tête se perd , où les idées sont af
faiblies , et où la rédaction d’un testament se ressent
presque toujours de l’accablement du testateur; il est olo
graphe, écrit en 1807, trois ans avant sa m ort, par un
ancien magistrat qui connoissoit la valeur des termes.
Si donc en se réduisant à prier ses frères de ne pas
tracasser sa fem m e, il a eu en vue le bail de caution,
il faut convenir au moins qu’il a abandonné à leur dis
crétion l’usage de cette faculté.
Et lorsqu’il a dit que le mobilier seroit rendu en Vétat
où il se trouveroit, il a seulement exprimé une volonté
déjà écrite dans l’article 689 du Code, que l’usufruitier,
,
�(
*9
)
tenu seulement de cette obligation pour les meubles, est
cependant rigoureusement obligé de les rendre von dété
riorés par son dol ou par sa fa u te : ju s utendi et non
abutendi.
Et comme le bail de caution a précisément pour objet
de prévenir ce genre de dégradation, la conséquence
tirée par la dame de Laforce, de ces termes du testament,
est absolument fausse.
Et c’est ce qu’il faut dire aussi de sa citation : Nuîlam
lœsionem ex usu propcietati o ffert; car le législateur
ne présume de jouissance que celle qui est conforme
à la loi; celle-là seule ne préjudicie pas à la propriété;
et comme le bail de caution est précisément la garantie
qu’elle offre au propriétaire de ce mode de jouissance,
la vérité de cette citation ne peut être complète que par
suite du cautionnement.
11
n’37 a donc de la part du testateur, ni intention
exprimée, ni même présomption d’intention.
2°. L ’ arrangement.
La dame de Laforce prétend que par ce commence
ment de traité, qui ne doit être complet, qui 11e doit
charger définitivement la veuve du mobilier, qu’après
la signature de l’inventaire, le sieur la Laubie a renoncé
« la fa cu lté que lui donnoit la loi.
E t nous avons remarqué , en fait, que la dame de L a
force , renonçant expressément à toutes ses demandes
lors de ce traité, n’avoit pas exigé que le sieur la
Laubie renonçât à la moindre chose, au plus petit de
ses droits, se tenant fort satisfaite qu’il ne demandât pas
en ce moment le bail de caution, et ne se croyant pas
�0*1
( 20 )
en droit d’exiger de lui qu’il y renonçât pour l’avenir,
■Nous n’avons besoin d’aucune autre réponse ; car on
ne renonce pas, par son silence, à un droit positif et
dérivant de la loi, surtout à. un droit purement facul
tatif et^ conservatoire, comme celui dont il s’agit.
En matière de fins de non-recevoir, il faut bien dis
tinguer celle qui résulte d’un acte positif de la partie
à qui on l’oppose, de celle qu’on veut tirer seulement
de son silence. Dans cette dernière' espèce, la loi n’en
reconnoît d’autre que la présomption légale, produite
par la prescription.
L e silence même de trente ans ne p o u rro it, dans
notre cas, produire aucun effet, puisque le droit pure
ment facultatif dont il s’agit n’est pas sujet à prescrip
tion , et qu’il peut être exercé ou n égligé, au gré de
de celui à qui il appartient; qu’il ne peut cesser que
par l’effet d’une renonciation formelle : et on convient
qu’il n’en existe pas.
Ce moyen de droit est tellement certain, qu’on se
fait un devoir de n’y donner aucuu développement.
E t quant au fait en lui-même, les observations en
tremêlées plus haut dans le récit, démontrent avec évi
dence que jamais le sieur la |Laubie n’a entendu ni voulu
renoncer à son droit.
M ais, dit la dame Laforce, j’ai fait des sacrifices par
cet arrangement \ j’ai abandonne un mobilier considé
rable qui m’appartenoit par la volonté du testateur.
Quel sacrifice ! Mais ou est dans le testament ce legs
de tout le mobilier de la Laubie? Nous l’avons cher
ché soigneusement sans Yy trouver, L a dame de Laforce
«
�convient encore qu’ il n’y en a pas de disposition ^for
melle. M ais, d it - e lle , on ne donne pas la jouissance
d’une campagne, sans y comprendre le mobilier; et
si 011 ne trouye pas ce mobilier exprim é, il faut en
présumer l’intentioB.
A vec ces présomptions, nous aurions bientôt autant
de testamens divers qu’il y auroit de lignes dans l’acte ;
mais indépendamment de ce que l’intention présumée
ne fait pas une disposition, toutes les présomptions sont
contraires; car le testateur, pour que sa veuve ne soit
pas dans une maison démeublée, lui lègue la jouissance
de la moitié de son mobilier de toute espèce , qui étoit
fort considérable, sauf à elle à le distribuer à son gré
dans son appartement d’A u rilla c, et son habitation de
la Laubie.
Aussi la dame de liaforce remonte jusqu’à son contrat
de mariage, sans réfléchir que le legs lui est fait pour
lu i tenir lieu des 1,200 Jrcnics et du logement promis
au contrat; sans réfléchir aussi q u e , lors du contrat,
le sieur de Laforce avoit exprimé que ce logement sero;t
meublé, parce cju’il l’entendoit ainsi; qu e, par le testa
ment, il a exprimé que sa femme conserveroit la totalité
des cheptels, et prélèveroit quelques meubles désignés,
parce qu’ il le vouloi.t ; et qu’enfin, pour lui tenir lieu
.du logement m eublé, il lui lègue la jouissancp.de son
'habitation, et de la m oitié de son mobilier.
M ais, poursuit - e l le , je me suis contentée de vingt
charretées de bois pour huit mois d’habitation a Aur,illac,
c’est-à-dire, du dixièm e de ce qui vSètoit nécessaire ’
encore ai-je souffert qu’on le prît à la L a u b ie , où l ’hé-
6
�"^ 1
( 22 )
ritier n’avoit droit de rien prendre sans mon consente
ment.
Fort bien : dix fois vingt font deux, cents, pour huit
mois; les quatre derniers mois en exigeront cent autres;
en sorte que la modeste veuve ne compte brûler que
trois cents charretées de bois par an. L e sieur la Laubie
ne doit plus s’étonner que , pour le temps qu’elle a
resté à la Laubie pendant deux ans, elle ait déjà pres
que détruit la moitié de ceux qui sont attachés à cette
propriété; et il doit convenir aussi que les sacrifices de
la veuve sont énormes.
Q u’importe, au reste, qu’elle ait consenti que l’héri
tier pût les prendre à la Laubie ! O n avoit calculé que
cela seroit quelquefois possible, si les bois étoient bien
entretenus ; mais le sieur la Laubie a tellement peu en
tendu par là réduire à rien l’usufruit de la veuve, que
l ’état actuel des bois n’offrant pas le moyen de fournir
à l’un et à l’au tre, il n’en a pas usé.
« Enfin, dit-elle, j’ai m o d é r é à 1,400 fr . mon deuil
« et les fournitures antérieures au décès de mon mari :
'« pourquoi cette réduction, si ce n’est en considération
« de ce que le sieur la Laubie se départoit d’un cau« tionnement plus dangereux qu’utile, et qui pouvoit
« devenir embarrassant pour la veu ve? »
1 Une seule réflexion répond à cela : ou le deuil per
sonnel de la v e u v e, et les fournitures, n’cxcédoient pas
i,45o francs, et le sieur la Laubie s’est rendu justice en
les payant ; ou les mémoires et fournitures ctoient de
nature à ne pas être réclamés de l’héritier, et alors c’est
la veuve elle-même qui s’est rendu justice,
%
�^3
C
)
Mais comment tous ces abandons prétendus seroientils le prix de la renonciation de M . la Laubie, lorsque
cette renonciation n’a été ni faite, ni e x i g é e ? Quoi!
la dame liaforce, assistée d’un conseil assez difficile, a
fait des sacrifices immenses : la moitié du mobilier de la
L a u b ie , cent quatre-vingts charretées de b o is , des
sommes considérables qui lui étoient dues, elle n’a fait
tout cela que pour sc décharger d’un cautionnement
embarrassant pour elle ,* et la seule chose qu’elle ait
oubliée, c’est de stipuler cette renonciation! 11 est dif
ficile de né pas se révolter contre une proposition sem
blable.
L e jugement dont est appel est donc justifié en cc
chef.
Mais il renferme une contradiction qui viole la dis
position *tle la lo i, et le sieur la Laubie ne peut s’empê
cher d’en demander l’inflrnaation.
X/article 601 astreint l’usufruitier à donner caution
de jouir en bon pore de famille.
L ’article 602, prévoyant le cas où il ne trouvera point
de caution, veut que les immeubles soient mis à ferme
ou en séquestre;
•
‘ .
Que les sommes comprises dans l’usufruit soient pla
cées ; que les denrées soient vendues et que le prix en
soit placé; que les intérêts de ces s o m m e s appartiennent
à l’usufruitier.
oi- ^ ’si- ■o;»
1 L ’article 603 ajoute que, dans ce même cas,'les meu
bles qui dépérissent plir l’usage seront vendus, et que
le prix en sera aussi placé ¿ que cependant les juges
�( M )
pourront laisser à l’usufruitier, sous sa caution juratoire,.
une partie des meubles nécessaires à son usage.
. Cette dernière partie de l’article est une exception à
la règle générale posée par les articles 601 et 602; car,
sans e lle , tout ce qui est sujet à l’usufruit, immeubles
et meubles, devroit être affermé ou vendu ; ce n’est
que par une espèce d’égard qu’il est accordé à l’usufrui
tier une partie des meubles nécessaires à son usage,
sous sa caution juratoire. Cette exception confirme la
règle; et dès qu’elle a été bornée à une partie des
meubles nécessaires, il est évident que le reste de ce
qui est soumis à l’usufruit demeure soumis à cette règle:
d ’où il suit que tous les immeubles doivent nécessai
rement être affermés, et que le tribunal de première
instance a mal jugé eu distrayant de cette mise en ferme
la maison d’Aurillac, et l’enclos de la Laubie.
Pour la maison d’A urillac, M . Delolm ne veut pas
porter la sévérité des principes jusqu’à priver madame
de Laforce de cette habitation, parce q u e , demeurant
dons la même maison, il Bora à portée de surveiller
les abtis qu’elle pourroit commettre dans son usufruit.
Il n’en est pas de même à l’égard de l’enclos de la Laubie,
qu i, étant plus vaste, et composé de plusieurs bâtimensT
jardins et vergers, sont naturellement plus exposés à
desidégradations que M . Delolm ne seroit pas à même
de voir et de connoîlre.
L e -tribunal de première instance a bien senti qu’en
•ce point il s’écnrtoit du Code; car, dans scs motifs,
il a cherché ù icxcuser celle disposition , en disant que
�(
*5
)
plusieurs locataires qu’il faudrait mettre dans cet en-*
clos le dégraderaient beaucoup , et que d’ailleurs
dame de Laforce serait privée d’une habitation agréable
à la campagne.
Mais, en droit, des juges ne peuvent mettre leur opi
nion à la place de la lo i; en fait, il n’est pas exact de
dire qu’il faudra plusieurs locataires pour occuper l’en
clos, puisqu’il n’ est pas impossible d’en trouver un q u i
l ’occupe seul; il est même vraisemblable qu’il se trou
vera plusieurs enchérisseurs de cette espèce: et d’ailleurs,
fallût-il y mettre plusieurs locataires, la caution à laquelle
ils seront soumis sera une garantie contre les dégrada
tions. Mais il est de toute évidence qu’en laissant à la
dame de Laforce, sans caution , l’enclos de la Laubie,
par le motif supposé que plusieurs locataires y feraient
des dégradations , c’est autoriser la dame Laforce a y en
commettre impunément, et violer la loi q u i, pour les
éviter, ordonne la mise en ferme.
Tout ce qu’on peut opposer en faveur du jugement,
c’est de dire qu’en cas d’abus, on pourra priver la dame
de Laforce de l’usufruit de cet enclos , conformément
à l’article 618 ; mais il faut observer que cet article est
un dernier remède contre l’usufruitier qu i, malgré qu’ il
ait donné caution, abuse de l’usufruit, et contre l’usuiruitier qui est dispensé de la caution. I c i , au con
traire, il s’agit du ca6 où l’usufruitier n’en peut fournir.
La loi veut que l’immeuble soit affermé ; il faut donc
qu’il le soit ; et, certes, la dame de Laforce, par la maniéré
dont elle jo u it, ne mérite pas q u ’ o n crée une exception
pour elle ; car si clic ne veut fournir caution ,
c’est
7
�( ^6 )
pour dégrader à son aise; et si elle n’en peut trouver«,
ce ne peut Être qu’à cause du peu de confiance qu’on
a de son administration ; opinion qui n’est malheureu
sement que trop justifiée par les débuts de sa gestion.
. M . Delolm est donc fondé à demander en ce point
l’infirmation du jugement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
Madame Laforce peut-elle se plaindre de la
disposition qui Voblige , comme usufruitière 7
à user des bois modérément pour son chauf
fa g e à la campagne y et rien couper qu au
tant quelle pourra le fa ire sans dégrader.
L e jugement dont est appel lui fait défense d’y couper
aucun arbre pour porter du bois en ville, lui permet d’en
user modérément pour son chauffage à la campagne, de
manière à entretenir les bois en l’état où elle les a pris;
lequel état sera constaté par un expert, qui donnera
son avis sur la quantité de bois qu’elle pourra couper
chaque année sans dégrader.
La dame de Laforce est appelante de cette partie de
jugement, et ce ne peut etre qu’en ce qu’elle lui refuse
la liberté indéfinie de couper du bois ; mais ce système
est entièrement opposé au Gode. Les art. 690 et 591
disent que l’usufruit comprend les coupes de bois taillis
et de haute futaie, en suivant l’aménagement, ou ru sage constant des propriétaires.
�27
(
)
D ’après l’article Bgz , l’usufruitier lie peut, dans tous
les autres cas, toucher aux arbres de haute futaie; et,
suivant l’article 59 3, il peut prendre dans les bois des;
échalas ; il peut aussi prendre sur les arbres des pro
duits annuels ou périodiques, le tout suivant Vusage du
pays ou la coutume des propriétaires.
Cette dernière disposition renferme tout le droit que
peut avoir la dame de Laforce.
Il
n’y a jamais eu à la Laubie d’aménagement ni de
coupes réglées pour les bois et arbres du domaine; le
propriétaire y coupoit et y prenoit sur les ai’bres des
produits annuels pour le chauffage et l’exploitation , sui
vant l’usage du pays ; il sentoit la nécessité d’épargner
ces bois qui sont jeunes, de peu d'étendue, et insuffisans
pour tous les besoins du maître et du domaine : aussi
tiroit—il de ses autres biens tout son bois de chauffage;
ces bois ne fournissoient que de la ramée pour brûler,
et les arbres nécessaires à l’exploitation. C’est là tout ce
que peut exiger la dame de Laforce, d’après l’art. 593
du Code, d’après l’usage des propriétaires, et d’après
l’état actuel des bois.
Ils ne consistent qu’en vingt-deux septerées de quatre
cents toises, en quatre parcelles; deux sont déjà presque
rasées, les deux autres ne sont pas encore en état de
souffrir des coupes : il faudroit donc se renfermer stric
tement dans les bornes posées par l’article 593, et assujétir la dame de Laforce à ne couper des arbres de
haute futaie, que pour l’exploitation du domaine, et
à ne prendre, pour brûler, que des branches des produits
�annuels des arbres, suivant l’usage du pays et la cou
tume des propriétaires. Les premiers juges ne sont pas
allés jusque-là.
L u i donner , comme elle le prétend, la faculté illi
mitée de prendre du bois pour son chauffage, c’est con
damner les bois de la Laubie à une destruction totale
et prochaine ; ce qui certainement n’est pas dans l’es
prit ni dans la lettre du Gode. Il résulte d’une vérifi
cation des bois de la Laubie, faite le 26 décembre 1812,
et que la dame de Laforce n’osera contester, que, depuis
son administration, les bois de Gribet et de Peyrebeyre
sont presque détruits. Soixante arbres d’un pied et demi
de diamètre ont été coupés dans le premier de ces bois ;
et soixante-dix d’un pied de diamètre drius le second :
trente sont encore sur place, coupés depuis le jugement
de première instance ; dix autres ont été coupés dans
le bois de Puech-Meure. Voilà don c, dans deux ans,
une coupe de 'cent quarante arbres.
Ces arbres, d’un pied et demi de diamètre, donnant
au moins, l’un portant l’autre, quatre roulaux de bois,
ont dû fournir une énorme quantité de bois à brûler;
si maintenant on ajoute à cela le branchage de ces arbres,
les arbres arrachés, étêtés, émondés dans les haies du
domaine, la provision de bois que la dame de Laforce
u trouvée à la campagne, à l’ouverture de l'usufruit; vingt
charretées que le sieur Delolm a fournies l’hiver dernier;
vingt qu’il a fournies ou doit fournir dans le cours de
cet hiver : on ne peut qu’être efïrayé de cette consom
mation, qui, si elle étoit enepre tolérée quelques années,
�29
(
)
üchèveroit la destruction de tons les bois de la Laubie.
A u reste , le jugement ne lui fait aucun tort ; il ne res
treint pas sa jouissance, il n’annonce pas non plus qu’il la
restreindra dans la suite ; ca r, on l’a v u , il lui permet d’en
user modérément pour son chauffage à la campagne ; et il
ne demande à l’expert de renseignemens que sur la quan
tité qui pourra être coupée saiis dégrader. O r , à moins
que la dame Laforce ne veuille soutenir qu’elle a droit
de dégrader, môme de détruire les bois dont elle ri*a
que ru su fru it, comme elle prétend avoir celui de dé
tériorer le mobilier, il n’y a pas apparence qu’elle-même
puisse se prétendre lésée par cette disposition du juge
ment.
On ne fera plus qu’une observation.
L e sieur de Laforce, pendant sa v ie , faisoit surveiller
ses bois et ses propriétés par un garde : depuis son décès,
la veuve a prétendu que celte surveillance ne pouvoit la
concerner.
Dans l’usage des propriétaires soigneux, et les règles
d’exploitation des bois, on coupe les arbres jusqu’au sol;
et la dame Laforce met si peu de soin à ses coupes, qu’un
grand nombre de ces arbres ont été coupés négligem
ment, à quinze et seize pouces de terre. E s t - c e là la
conduite d’un père de famille ?
L e sieur de la Laubie est traité comme un avide colla
téral , qui mérite la défaveur de la justice. Celte impu
tation est-elle sérieuse? est-elle réfléchie? L e sieur de
Laforce, eu mourant, ne laissoit pas d’héritier plus
p ro ch e, de parent plus cher que son fr è r e , puisqu’il
n’avoit pas d’enfans. L e sieur de la Laubie avoit alors
�et il a le bonheur d’avoir encore un enfant que le sieur
Laforce chérissoit comme le sien.
L e sieur Laforce a remis dans les mains du sieur la
Laubie, sous des charges considérables, le patrimoine
de la famille, les biens de son père, qui lui étoient des
tinés, au moins en partie, par la nature et par la loi.
E û t - il été plus raisonnable et plus sage de les donner
en propriété à la dame de Chazelles?
L e sieur la Laubie n’ajoutera rien : satisfait que sa
cause et sa conduite soient connues, autant qu’il est
plein de confiance dans la sagesse de la C ou r, il attend
avec sécurité une décision qui ne peut être que celle
de la justice.
Signé D E L O L M
LA LAUBIE.
M e. V I S S A C , avocat
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M e. G A R R O N jeune, avoué licencier
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l ' imprim. de la Cour impériale, et libraire
rue des taukes maison Landr i ot. - J a n v i e r 1813.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delolme la Laubie, Henri-Louis-Guy. 1813]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
douaire
gain de survie
bois de chauffage
testaments
successions
carrosses
habits de deuil
experts
moulin à papier
cautions
arbitrages
bois
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour sieur Henri-Louis-Guy Delolme la Laubie, docteur en médecine, intimé ; contre dame Marguerite de Chazelles, veuve de M. Henri-Louis Delolme de Laforce, appelante.
note manuscrite. Motifs du jugement.
Table Godemel : Chauffage (droits de) : 1. les juges peuvent régler le mode d’exercice d’un droit de chauffage. Usufruit : 4. l’époux usufruitier est tenu de donner caution, s’il n’en a été dispensé par le titre constitutif de l’usufruit. la délivrance du legs par l’héritier n’emporte pas renonciation au droit d’exiger cette caution. si l’usufruitier ne peut donner caution, et qu’il y ait lieu à affermer, on peut excepter de cette mesure une partie des biens.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1813
1810-1813
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2205
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2204
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53434/BCU_Factums_G2205.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
La Laubie (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
arbitrages
bois
bois de chauffage
carrosses
cautions
douaire
experts
gain de survie
habits de deuil
moulin à papier
Successions
testaments
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53417/BCU_Factums_G2121.pdf
b89f963bc6f5af571d3730902c80bbea
PDF Text
Text
MÉMOIRE
.
EN
RÉPONSE,
~
DE r io m :
'
I re . CHAMBRH ü
POUR
Sieur Jean-Henry DES ISSARTS, intimé
incidemment appelant;
et
CONTRE
Les sieur et demoiselle BANCAL , les sieur
et dame DALBINE appelans et incidemment intimés.
■- *
*
«
*
î
L E sieur Bancal des Issarts n’eut pas eu l’idée de pu
blier sa d éfen se, si on ne lui en eût donné l’exemple.
Il n’en eût eu aucun besoin,, après le m ém oire de
ses adversaires, s’ils eussent fidèlement exposé les faits.
A
�•
.
.
.
(
2
}
E t même aujourd’h u i , quoique la cause soit dénatu
r é e , il y est moins forcé peut-être par le besoin de sa
défense, que pour justifier une conduite qu’il ose dire
sans reproche.
Il a demandé deux choses :
i° . Sa part héréditaire dans la succession paternelle.
2°. U n compte de l ’administration de ses bien s, qu’on
avoit faite en vertu de sa pi*ocuration.
O n lui a répondu par deux fins de nanrrecevoir.
A sa demande en partage on a opposé un écrit par
lequel il a déclpré tpnir quiftg la; §uccessipn de son p è r e ,
et consentir à l’exécution d’un testament qu’il ne connoissoit p a s, et par lequel il étoit prétérit.
E t au même temps on reconnoissoit, ce qui d’ailleurs
résulte clqiçenipnî de cet é c rit, qu’il l ’a voit donné sans
rien recevoir de
success/qp.
.; •
_•
O n a combattu la demande relative aux jouissances de
ses biens, par des arrêtés decpm pte sur des objets parti
culiers, et seulement pour les années postérieures à 1796.
.. 4\îais on n’a pas arficqlé, et on n’articulera pas même
aujourd’hui qu’aucune somme a it‘ été payée, ni aucun
compte rendu pour les années antérieures de la gestion,
ni pour la totalité des choses jouies. ‘
O n est allé plus loin ; on a formé contre le sieur Bancal
une demande incidente en remise d’ un acte qui n’a jamais
existé.
O n lui a imputé de l’avoir Soustrait.
■
?
• O n l’a accusé de m entir à sa conscience.
L e sieur Bancal l’avoue : il lui est difficile*de penser
que si ses neveux eussent été livrés à e u x -m ê m e s , s’ils
�( 3 )
eussent bien connu les élémens des comptes déjà rendus,
et auxquels ils n’ont jamais directement participé , ils
eussent élevé cette lu tte , bien moins encore qu’ils y
eussent ajouté l’outrage. Jusqu’à présen t, il les avoit
crus incapables de déguiser la v é r i t é , plus incapables
encore de la trahir par un mensonge. Il se plaît à leur
rendre ce témoignage ; il se plaît à penser que cétte
vérité a été cachée à leurs propres yeux par un tiers qui
seul l’a parfaitement connue, qui a fait toutes les affaii’es,
dressé tous les comptes, et abusé plus d’une fois de l’imprévoyanté facilité du sieur dés Issarts.
I *
Cette cause n’a besoin qiie d’être connue. L e sieur des
Issarts peut avoir fait des fautes dans son intérêt per
sonnel , en ne calculant pas assez, et n’exigeant pas en
même temps tout ce qu’il pôuvoit demander; mais quand
bien même ces fautes pourroient nuire à sa demande, ce
que ne permettent pas les principes, elles ne seroient
qu’un témoignage de plus de sa bonne foi et de sa trop
grande confiance.
L e fait est assez compliqué ; il 'deinande à être bien
saisi : on va l’exposer ici sans déguisement. L e feieiir
Bancal ne dissimulera pàfe ce qui peut en apparence se
présenter contre sa demande : la justice saura tout ap
précier.
Dominique-Françoifc Bancdl et Arine Cosse, auteüta
communs, eurent sèpt enfanâ ; six fils appelés Dortiini^uc-Jeany Antciine^-Frunçais^ Fulcrarid-Poscal, Joseph,
Jèa n -L o u is, Jetm-Henry* et urie fille appelée T h é r è s e
Aa
�o
\\
.
( f }
Ils ne firent aucune distinction entre leurs enfans quant
h l ’éducation qui leur fut donnée ; elle fut également
soignée pour to u s , et tous en profitèrent égalem ent,
chacun dans leur état. On se voit obligé de le démon
trer ; car les appelans ont recherché jusque dans une
prétendue différence d’éducation du sieui’ des. Issarts,
et dans une plus grande dépense faite exclusivement
p o u r l u i , le principe de l’oubli qu’en avoit fait le père
commun dans son testament de 1784.
L ’a în é , D o m in iq u e-J ea n , fut élevé dans la maison
paternelle \ il fut formé de bornée heure au commerce
intéressant que faisoit cette famille. On sait assez qu’ il
consistoit principalement en une belle manufacture de
bas de soie, et une vente habituelle de soies non ou
vrées. Destiné à être l’héritier de la famille, Dom iniqueJean Bancal se livra de bonne heure à ce com m erce,
que ses enfans tiennent encore aujourd’hui.
A n toine-François et J o s e p h , après avoir fait leurs
études, entrèrent dans la partie des domaines. O n sent
que les dépenses de leur éducation durent être longues,
puisqu’avant d’obtenir des emplois on est long-tem ps,
et très-long-temps surnum éraire, c’e st-ù -d ire, occupé
dans un bureau , sans recevoir aucun émolument. E n
1 7 8 4 , lors du testament du p è r e , l’un étoit contrôleur
ambulant des dom aines, et devint ensuite receveur de
l ’enregistrement à Dijon ; l’autre étoit contrôleur des
actes à A p ch o n , et y acheta ensuite un oüice de notaire.
Fulcrand-Pascal mourut sans postérité.
J e a n -L o u is fut élevé dans les écoles militaires; ses
dispositions naturelles et son application, engagèrent le
�( 5 0 .
père à le pousser dans une carrière brillante. En 1784,il étoit capitaine de génie.
T o u t ce que nous disons est établi par le testament
de 1 7 8 4 , ou d’autres actes que les appelans ont dans
leur dossier.
Jean-H enry, après ses études, entra chez un procureur
au cliâtelet ; après six mois d’exercice, il gagna sa pen
sion , et devint bientôt maître clerc. Il passa ensuite chez
M e. B eraud, n otaire, où il gagna 800 francs; il n’y
demeura qu’un an. Il désira faire son droit à Orléans :
son père eut la bonté de condescendre à ses désirs, et
de l’y entretenir pendant trois ans. Il revint ensuite à"
Paris ; et après quelque temps encore de cléricature,
il acheta l ’office de notaire au cliâtelet. M e. Beraud eut
la bonté de le cautionner; son père et son frère caution
nèrent M e. Beraud : le sieur des Issarts l’a payé de ses
propres deniers, sans q u’il en ait rien coûté à son père.
V o ilà la vérité ; le sieur des Issarts n’en parle que pour
démontrer que son père ne peut pas l’avoir prétérit avec
intention, et que certainement au moins il n’avoit pas
eu le motif qu’on lui prête. Il n’envie pas à ses frères
ce qu’ils ont reçu; mais il a voulu prouver qu’il n’avoit
pas reçu davantage.
Si on le n ie , le sieur Bancal n’a pas la prétention que
la justice doive croire à son assertion, plutôt qu’à la
négation absolue de ses adversaires; mais au moins devrat-elle cédor à des preuves, et certainement ce qu’on vient
de d ire, lui démontrera qu’elle a été trom pée, loi'squ’on
lui a insinué que lui seul avoit reçu une éducation so ig n e e , et avoit été ïo b je t de la plus grande affection j
�(6>y
lorsqu’on lui donne a croire que tous les autres avoient
été réduits à une éducation au moins m odeste, et lui*
seul élevé au com ble de la -prospérité par les énormes
sacrifices du père.
Les enfans de l ’héritier institué lui envieroien t-ils
donc la portion de tendresse que ses père et mère eurent
poür lu i? se seroient-ils persuadés que toute leur afTec-:
tion s’étoit concentrée en lui seul, parce q u ’il étoit le
plus jeu n e? Ils le rem arquent avéc affectation; cependant
l ’institution de leur p è re , et là prétérition du plus je u n e ,
leur démontrent le contrairè d’une fcnanière palpable.
Q ue n’orit-ils donc envié aux autres les efforts q u’avôit
faits le père pour en maintenir d e u x , pendant longues
années, dans des bui-eaux, comme surnuméraires, et leur
procurer des emplois; un aiitré dans les écoles et dans
le corps militaire du g é n ie?
Ê n 1 7 8 8 , Jean-Henrÿ Bancal së défit de sa charge
dè notaire; il y àvoit fait dëé économies, et se vit à
même de faire qüelquès ‘acquisition!?.
>
Il n’eh fit cejséndànt pa's jusqu’au moment de la rév o
lution. ËUes devinrent alors plus faciles et plus fructuéü&të, par la itiise èn vénte des domaines üàtionatix.
Projetant de revenir habiter son pays [natal, il donna »
ën 1 7 9 1 , à son frère a în é , ürié prôcüratiôn pour ache
ter des propriétés et g é ie r sês biefaé : le père cûmiiiun
¿toit alors décédé ‘depuis 1790.
S o n frèïé'èk& cüta le m aiïdatdV cc fidélité; fe siëur t]Cs
Issai’ts a souvent témôigrié p ar écrit lù réfcônnoîssahfcë
qu ’ il en avoit. Il est loin d e v o i r cîirfngé de penséë.
Ld pi-ëiniôre adquisitioü frit cellé d’un doriiainè à A u l -
�t 7 )
nat; elle fut faite le i juin 1 7 9 1 , moyennant 40,100 fr.;
les intérêts portèrent la somme à 41,297 francs, que le
sieur des Issarts paya en eptier, et qu’il a voit achevé de
5
solder le 27 mai 1793.
A cette ép oqu e, et dès 1 7 9 2 , il étoit députp à la con
vention nationale, par conséquent très-occupé des af
faires publiques et des mouvemens de la révo lu tion ,
et très-peu en état de donner le moindre soin à ses af
faires personnelles.
L e I er. juillet, fut acquis le pré-verger des Carmes,
moyennant , qo francs. L e 19 du même m ois, le sieur
des Issarts paya i , oo fr. L e surplus , montant à 4,712 f r .,
55
5
fut payé par le sieur Bancal, aîqé.
L e 27 juillet 1 7 9 1 , il .acquit le domaine de Bonneval. Cette acquisition' étqit considérable.; elle fut faite
moyennant 124,100 francs, q u i , cumulés avec les in
térêts à ven ir, prqduisirent 136,645 francs ; le sieur des
Issarts ne put en payer que ,086 fr ., dont p,ooo fr.
furent acquittés le 27 août 1 7 9 1 , un mois après l’adju
dication; le surplus, montant à 58,469 fr., fut acquitté par
l’aîné. Nous aurons bientôt occasion de faire une re
58
5
marque importante sur l’époque de ces ppyemens et de
ceux qu’il a faits pour les adjudications postérieures.
Six autres acquisitions furent successivement faites dp
divers héritages détachés dans la commune d’Aulnat.
L e sieur des Issarts paya 300 francs sur celle c}u pré L iand i e r , acquis le 4 mai I 7 9 2 i tout le reste été payé par
l ’aîné.
Observons ici que ce fut à peu près l’époque à la
quelle le sieur .Bancal fut livré aux A u trich ien s, chez
�( 8 )
lesquels il resta trois ans en captivité, et n’en revint
que pour passer au conseil des Cinq-cents. Pendant tout ce
temps il ne put ni payer, ni ré g ir , ni jouir ses proprié
tés; le sieur Bancal aîné, ou mieux encore le sieur L o u yrette, agent d’affaires assez connu, administra, perçut les
revenus et paya diverses sommes. C ’est ici le lieu de
faire une remarque essentielle sur l’époque des payemens
faits en papier-monnoie par le sieur Bancal aîné.
U n état de ces payemens, écrit de la main deL o u yrette,
apprend qu’il a versé 124,485 francs sur les diverses ad
judications. Il est essentiel de se fixer sur les époques.
E n 1791 il paya seulement 1,104 francs.
E n 1 7 9 a ..................................... 10,878
E n 1 7 9 3 ..................................... 8,410
E n l’an 2 ................................... 22,400
j
E n l’an 3 ................................... 81,693
E t de cette dernière somme, 57,693 francs furent payés
dans les six derniers mois de l’an 3 , c’e s t - à - d i r e , au
moment de la plus grande dépréciation des assignats.
O n voit que les payemens augmentoient à mesure
que les assignats perdoient davantage. O n sait que le
sieur Bancal ainé jouissoit de toutes les propriétés ac
quises pour son frère. Les revenus étoient considéra
bles; le prix des ventes seul démontre qu’ils devoient
l ’être. Une partie étoit en ferm e, une autre en régie ou
en réserve. Il ne falloit pas , à cette ép o qu e, une grande
quantité de denrées pour rem plir un portefeuille d’assi
gnats , et l’administration recevoit pour valeur nominale
•les assignats dépréciés. Il ne fut donc pas très-difficile
au sieur Bancal aîné de payer 124,485 fr. Les 10,878 fr.
payés
�4 fC > 7
9
(
) ..........................
payés en T792, quoique déjà dépréciés, avoient peutêtre plus de valeur que tout le reste ensemble.
L e sieur des Issarts rentra dans sa patrie dans le cours
de l’an 5 ; il vint momentanément dans sa fam ille, et
bientôt Louyrette lui pi’ésenta des comptes et des projets
d’actes qu’il est essentiel de connoître.
U n premier état porte le tableau de toutes les acquisitions
faites, de leurs dates, et de celles de chaque payement fait par
l ’un ou l’autre des deux frères : c’est dans ce tableau que
nous avons puisé tout ce que nous venons de direà ce sujet.
U n second porte la fixation des sommes payées par le
sieur Bancal a în é , pour Bonneval seulem ent, et leur
réduction en numéraire suivant les époques; on y ajoute
les intérêts à dater de chaque ép o q u e, et on forme un
total d e ............................................................ 18,647 f.
O n porte ensuite « les constructions,
« plantations, achats de futailles, impo
li s itio n s , faits a B on neval, en 1 7 9 2 , à.
» c*
ce 14,377 fr- 5 réduits , suivant l’é c h e lle. .
Les intérêts de cinq a n s .........................
»
»
•
»
•
-
«
.
8,463
2 ,1 1
5
2C},2251.
1
■ 1
■■ 1 ■
■
»C.
O n y ajoute la valeur de certains four
rages , prétendus tirés des prés acquis par
le sieur Bancal a în é , et consommés à
B o n n e v a l. . . . . . . W . v ......... .......................' 2, i 5 o
T o t a l ....................................................... 31,375 f.
»
» c.
V ien t ensuite une grave observation de la façon du
sieur Louyrette, qu’il est utile de transcrire littéralement.
« L e citoyen Bancal aîné seroit en droit de demander
B
�C 10 )
« une indemnité sur les pertes qu’il a éprouvées dans
« toute sa gestion, attendu que les sommes par lui ayan
te cées, pendant tout le temps de son administration,
« ne lu i sont rentrées que long-temps après , et par
« conséquent en valeur bien moindre que celles qu’il
« avoit avancées. Les dépenses étoient journalières, m o« mentanées; les recettes de ferm ages étoient annuel« les et toujours retardées ,* en conséquence, la perte
« qu’il annonce est vraie et sensible. I l est constant que
« les payemens des J e r mages de 1794 ne lu i ont été
« fa its qu’à Cépoque oit les assignats étaient sans va« leur, et que soixante mille livres qu'il s'est trouvé
« avoir reçues sur les arrérages , ne lui ont pas valu cent
« cinquante écus. L e citoyen Bancal aîné ne compte pas
« le linge qui s’est usé et p e r d u , les sacs, les dépenses
« qu’ il a faites pour d’autres petits objets, encore moins
« son travail, ses soins; «n portant le surplus à sa plus
«
«
«
«
juste valeur, après .ayoir épuisé, anéanti son commerce,
et avoir éprouvé la rigueur de la dépréciation du papier-m onnoie, il est créancier généreux et malheureux
IJ
f» » c.
de la somme d e .........................................
« P lu s , pour avances en num éraire,
« suivant le com pte.....................................
2,298
»
3 375
« P lu s, pour argent prêté à son frère.
600
T o t a l .......................................................
34>273
»
»c.
Ces avances en numéraire se réfèrent sans doute à un
compte particulier, fourni en même temps par le sieur
L o u y re tte , des revenus de 1796.
Ce co m p te , toujours émané du sieur L o u yrette , et
�# o a
( >1 )
écrit de sa m a in , est intitulé : Recettes faites en numé
raire, sur les produits des baux à ferme et denrées de
1796. Les détails n’y embarrassent pas; il a en tout trente
et une lignes.
L e total de la recette, pour Bonneval,
est d e ................................................................
E t pour A u ln at, un seul à-compte d e . .
15
2,914 f.
931
» c.
»
3,845
»
* L a dépense est portée à 5,963 . s.
E t dans cette somme on voit deux ar
ticles remarquables ;
2 81
i° . P o u r im positions. i , i . u s .
20. P o u r dépense de
jou rn ées d'ouvriers pour
les m oissons, battages, ven(
danges, depuis le 12 mai
1796, jusqu’au 30 août 1797 2,905
8
4>I23 I* *9 s*
E n sorte qu’une année de récolte de Bonneval n’avoit
produit que 2,914 francs, et les journées em ployées,
pendant seize mois , pour moissonner, battre et vendan
g e r , avoient absorbé, A 9 fr. près, la valeur des denrées et
des prix de ferme d’une année entiere, sauf le prix delà,
récolte en v i n , qu’on y dit perçu par le sieur des Issarts.
E t cependant il y avoit pour 1,218 francs d'impôts.
Compte fait des dépenses montant à . .
5,963b
s.
3^845
»
avec la recette montant à .........................
5
L e sieur des Issarts se trouvoit débiteur,
sur 179 6, d e ...................................................
2 ,11 8 !.
5 s.
�( 12 )
'Q uoique Bonnevnl rapporte environ ,ooo francs.
C ’est apparemment ce qui a fondé l’article des avances
en numéraire, porté au compte de Bonneval à 2,298 fr.
5
L e sieur des Issarts ne peut pas expliquer la différence
de 180 francs; il reçut ce compte de bonne f o i , croyant
bien qu’on le lui rendoit de même. S’il en parle aujour
d’h u i, ce n’est pas pour demander un nouveau compte
pour cette année particulièrement; il sait assez qu’il doit
le prendre tel qu’il est, puisqu’il l’a reçu les yeux fermés;
mais c’est pour ne rien taire, et pour prouver qu’à aucune
époque on n’a compté des revenus de 1 7 9 1 , 179 2 , 17 9 3 ,
1794 et 1 7 9 5 , que son frère aîné ou JLouyrette avoit
cependant perçus.
Revenons aux 'avances pour Bonneval, arrêtées à
34,273 liv. 19 s.
Remarquons bien que cette somme de 34,273 francs
est précisément celle qui fît le reliquat du compte pré
tendu fait double , le 13 messidor an , et dont on parle
aux pages 5 et 6 du m émoire des appelans; et dès quenous en avons les élémens, il nous sera facile de voir
si le fait articulé par les appelans est vraisemblable, ou
même possible.
Il y eut un compte, cela n’est pas douteux ; il fut p ré
senté par le sieur L ouyrette, écrit de sa main. L e sieur
B^ucal le représente ; on vient de le transcrire fidèlement.
A la vérité, si on se fût borné à ce projet, le sieur
5
Bancal aîné n’y eût pas trouvé de titre : et il devoit lui
eu être donné un ; mais cela fut fait : il reçut un billet
p u r et simple de 34,273 francs, que lui fit le sieur des
lssarts, lo 6 vendémiaire an 6 , et dont il a conservé
�( 13 )
la copie. Fixons-nous sur scs termes ; ils sont absolument
concordons avec la teneur du compte présenté par
Louyrette.
« Je soussigné reconnois que , compte f a i t des
« sommes qui ont été avancées par mon fr è r e a ¿né
« tant pour compléter le prix des sommes de mon ad« judication du domaine de Bonneval ,q u e pour recans
ie tructions, plantations , achat de fu ta ille s , contribu
ai tions publiques , et autres objets d’amélioration faits
« audit dom aine, ledit compte f a i t , tant des capitaux
« que des intérêts , jusqu’au I er. juillet d ern ier, je dois
7
à mon frère aîné, la somme de trente-quatre mille
deux cent soixante-treize livres d ix -n eiif so u s , que
je m’oblige de payer aux époques qui seront convenues entre nous, avec les intérêts à cinq pour cent,
c< à compter du I e r . juillet dernier. »
L e I er. juillet 1797 étoit précisément le 1 3 messidor
an 5 , jour auquel on rapporte cet arrêté de compte
prétendu fait double, avec des conventions si importantes.
S’il eût existé, il n’eut pu être que la copie fidèle du
«
«
«
«
projet de L o u yrette,q u e Jean-Henry Bancal a encoredans
les mains, car l’époque en est la m êm e, puisque les intérêts
sont arrêtés au
I er.
juillet 1797 ; le résultat en est le même,
puisque les appelans conviennent, et que tous les comptes
postérieurs établissent que la créance fixée au 13 messidor
5
an
fut de 34,273 francs : ainsi il est évident que ce ré
sultat égal n’eût pu être que le produit des mêmes
élémens.
O r , dans le projet de Louyrette, ni dans le billet, on ne
trouve rien qui ait rapport aux jouissances perçues par
�( *4 )
•
l’aîné, ni à l’abandon des adjudications partielles ; et si on
l’y eût com pris, on eût été obligé de retrancher de la
créance i , oo francs payés sur le pré des Carmes, 300 fr.
payés sur le pré L ia n d ie r, et les intérêts de ces deux
sommes; ce qui eût diminué d’autant les 34,273 francs.
L ’a-t-on fait?
Les appelans ont osé l ’affirmer, pages 23 et 24 de
leur m ém oire, et il le falloit bien ainsi pour donner
quelqu’apparence de vérité à leur assertion ; mais le
tableau de compte écrit de la main de L ouyrette , qui
contient tous les élémens de la créance de 34,273 livres
19 sous, dépose hautement d’une vérité contraii*e.
Il n’est donc ni vrai ni possible que cet arrêté de
compte eût compris l’abandon des adjudications par
t ie lle s , et cependant fixé la créance à 34,273 liv. 19 s.
5
D ’autres réflexions tirées du fait, et qu’il ne faut pas
en séparer, l ’établiront formellement encore.
Nous avons vu de quelles parties a été composé le
compte de L ouyrette; uniquement des sommes payées
par Bancal a în é , sur B o n n e v a l, des intérêts de ces
sommes ju sq u ’au I e r . ju illet 1 7 9 7 , des constructions,
réparations, plantations, achats de futaille, im p osition s,
faits à Bonneval , en 1792 , et des intérêts "pendant
cin q ans ; enfin de la valeur des foins prétendus tirés
des propriétés acquises par l’a în é , et consommés à Bon
neval.
T o u t cela réuni forme la créance de 34,273 liv. 19 i.
L e sieur des Issarts s’oblige ¿\ la payer sans q u’on lui
fasse aucune déduction.
E t cependant l’aîné avoit joui pendant tout ce temps
�if/ 5
( i )
des biens acquis ; il sembloit naturel de ne pas répéter
le prix des adjudications, moins encore les im positions
et les in térêts, lorsqu’on avoit été payé de tout ou par
tie, et peut-être surpayé par les jouissances. O n dit sur
p a y é , et cela n’étonnera pas; car le sieur Bancal aîné
5
n’avoit pas seulement joui de B onneval, mais encore
du domaine d’A u ln a t, qui ne lui devoit r i e a , puisqu’il
n’y a voit rien dépensé, et que le prix en avoit été to
talement payé par le sieur des lssarts, et aussi des autres
propriétés détachées, que ce dernier avoit payées en
partie.
D ira - t-on encore qu’il en rendit un compte p a r t i
culier ?
M a is , d'une part, si cela eût été, la créance de
34,273 fr. en eût été au moins diminuée de beaucoup,
sinon absolument éteinte.
D e l’a u tr e , cette idée est impossible à faire accor
der avec la circonstance prétendue que le sieur Bancal
devint en même temps propriétaire des héritages dé
tachés; car il est matériellement impossible qu’ il pût
tout à la fois conserver ces h éritages, sans rendre les
i ?8oo francs, avoir rendu compte des jouissances, et
cependant rester créancier de 34,273 francs.
Mais l’écrit de L ouyrette, dans les ,réflexions qui le
terminent, suffit pour tout expliquer.
Il convient que les som m es p a r lu i avancées dans
tou t le temps de son adm inistration lu i sont rentrées.
Il se plaint seulement qu’elles ne lu i sont rentrées
que long-temps après j p u r con séquent? en valeurs bien
m oindres.
�( 16 )
Il dît que les recettes de fermages étoient annuelles,
mais toujours retardées ; que les payemens de ceu x de
1794 ( an 2 ) lu i ont é t é ju it s au m om ent où les assi
gnats étaient sans valeur.
E n fin , il convient qiC il a reçu 60,000,fr a n c s sur les
arrérages ; mais, suivant l u i , ils ne lui ont pas valu cent
cinquante écus.
Cependant il compte tout ce qu’il a avancé, sans dé
duction des sommes rentrées.
Q u ’importent les époques de dépréciation ? n’avonsnous pas remarqué que l’an 3 , notamment les six derniers
m ois, furent celles où le sieur Bancal paya pour son
frère 81,693 francs, et qu’en l’an 2 , ou 179 4 , il avoit
payé 22,400 francs ?
O ù prit-il ces fonds? f u t - c e dans son portefeuille?
a l l a - t - i l jusqu’à é p u is e r , anéantir son co m m erce,
comme le prétendoit L o u yrette? Assurément 81,693 fi\
de l’an 3 , ne pouvoient pas y porter atteinte ; et il ne
seroit pas étonnant, d’ un autre cô té, que ce commerce
ne fût pas très-florissant, à une époque où il n’étoit pas
plus facile de vendre des bas de soie, qu’il n’étoit prudent
de s’en vêtir.
• •
Comment donc expliquer cette incohérence du compte
présenté par L o u y r e tte , si on ne reconnoît qu’en se res
treignant au remboursement des sommes payées sur Bonn e v a l, et en avouant que ces avances avoient é té , quoi
qu’on moindre valeur, couvertes par les jouissances et
la rentrée des arrérages, et ne les déduisant pas, il
entendit rejeter cette valeur sur les sommes qu’ il avoit
avancées pour les autres adjudications, et dont il ne demandoit
�¿ f(S
( 17 )
mandoit pas alors le compte ni le payement; qu’il en
tendit fixer seulement ses avances pour en avoir un titre,
comme le sieur des Issarts avoit dans sa procuration et
la jouissance publique de ses b ien s, qu’avoit faite son
fr è r e , un titre toujours v iv a n t, pour en demander le
com pte?
Cette id ée, la seule possible, est bien exclusive encore
de l ’existence d’ un abandon des héritages acquis partiel
lem ent; sans cela le compte de l’an
seroit inexact. L e
billet de l’an
su rpris, et l ’omission étant établie par
les détails du com pte, ce seroit une erreur toujours ré
6
5
parable; il faudroit revenir à com pte; et bientôt les élémens du billet de 34,273 francs, et des quatre obliga
tions qui le représentent, disparoîtroient entièrement. E t
c’est là ce qu’a demandé le sieur des Issarts, parce que
les sommes avancées pour les adjudications partielles ,
sont bien loin de couvrir celles reçues par le sieur Bancal
a în é , sur les cinq années de jouissances.
Il ne faut cependant rien taire. L ors du compte de
l ’an , ou du billet de l’an 6 , ou même après ( le sieur
5
des Issarts ne s’en rappelle pas ) , Louyrette lui présenta
un projet d’a cte , qu’il n’eut besoin que de lire pour le
refuser : il faut le faire connoître.
A p rè s un assez long préambule sur les qualités des
parties, et les événemens qui avoient précédé l’époque
des comptes, on faisoit parler ainsi le sieur des Issarts:
« Je reconnois que mon frère m’a présenté le com pte
« détaillé des avances qu’il a bien voulu faire pour m o i,
a ainsi que le compte des recettes q u 'il a fa ite s du
« produit de ces mêmes biens ju sq u 'il ce jo u r ; qu’ayant
C
%
�^
w
(
1 8
)
«. bien examiné et calculé le tout, j& me suis trouvé
« redevable envers lu i de 34,763 livres 19 s o u s, valeur.
« num éraire en écus. »
Rem aïquons la conséquence qui résultoit de cette pre
mière partie de l’acte. L e sieur des Issarts, constitué dé^
bileur de 34,273 livres 19 sous, par un compte qui ne
contenoit aucune déduction des sommes reçues pendant
tout le temps de la jouissance antérieure, reconnoissoit
que ce reliquat étoit fo r m é , non-seulement du compte
des avances, mais encore de la déduction des som m es
reçues.
Il fulloit bien un peu compter sur la confiance du sieur*
B ancal, et sur une vivacité de caractère qui ne lui permettoit jamais de réflexion envers les personnes qu’il ne
soupçonnoit p a s, pour lui tendre ce piège.
P o u r le libérer des 34,273 livres 19 sous, on lui faisoit
ensuite consentir pour 24,000 f r . , et avec pleine garantie,
une vente du domaine d’A u ln a t, qui lui coûtoit 41,297 f . r
payés par lui seul.
. O n lui faisoit faire un billet de i o , oo f r . , payable
dans uu an avec intérêt.
O n lui faisoit reconnoître que son frère aîné avoit payé'
la totalité du prix des adjudications partielles, notam —■
m ent du verger des C a rm es; et sans bourse d é lie r, ni'
lui rendre les 1,800 fr. par lui payés, 011 le faisoit re
noncer i\ la déclaration de m ie u x , faite à son profit.
O u faisoit accepter cette déclaration, cette vente e t
cet abandon par le sieur Bancal aîné.
5
E t on faisoit obliger le sieur des Issarts u en passée
acte par-devant notaire, à f r a i s communs..
�19
'(
)
L e sieur Bancal des Issarts se révolta contre cette pro
position.
/
P o u rq u o i, en effet, e iit-il reconnu que la fixation
de sa dette à 34,273 fr. étoit le résultat du compte dé
ta illé de toutes les avances et des recettes q ii’a ç o itfa ite s
le sieur B a n c a l du produit de ces mêmes b ien s, lorsque
le détail des comptes qu’il avoit entre les mains lui apprenoit que les recettes n’avoient été ni déduites, ni
précomptées ?
• Pourquoi e u t - il donné pour 24,000 fr. le domaine
d’A u l n a t , qui lui en coûtoit 4 1 ,2 9 7 , à celui-là même
qui en avoit joui cinq ans, sans lui rendre compte des
jouissances ?
- Pourquoi eût-il abandonné la déclaration de m ie u x ,
faite en sa fa v e u r , sans déduire sur sa dette 1,800 fr,
q u’il avoit avancés ?
E t surtout comment eût-il p u , dès qu’il s’obligeoit h
payer les 34,273 fr., abandonner ces héritages, sans rien
réclamer de ce qui devoit opérer compensation , et ab
sorber bien au delà ce que le frère aîné avoit payé pour
ces adjudications ?
E n fin , pourquoi se fût-il obligé à payer à frais com
muns le coût d’ un acte que la vente d’A u ln at devoit
rendre considérable ?
A u reste, il lui suffit de nier formellement que ce
double ait jamais existé ; et son assertion mérite autant
de f o i, elle vaut autant, pour la justice, que celle de
ses adversaires.
A la v é r ité , ils prétendent en établir l’existence par
des comptes postérieurs, qui parlent de ce compte verbal
G 2
�v>\v
5
(
20
)
J'ait en m essidor an
,* mais il y a loin d’ un com pte
verbal à un double qui contient un abandon de pro
p riété; et bien loin d e ji ie r le compte verb a l, le sieur
Bancal l’a toujours reconnu , puisque , dès le premier
instant du procès, ce compte, écrit de la main de L o u yrelte, a été attaché à son dossier.
Et on sait que ce compte fut suivi d’un billet pur et
simple de 34,273 fr. Il ne pouvoit y avoir aucun autre
acte pour cet objet.
Mais le sieur des Issarts a de meilleures preuves encore
à donner de ce qu’il avance.
Lorsque l’affaire a com m encé, il a produit non-seu
lement le compte des 34,273 liv. 19 s., mais aussi le
projet d’acte dont nous venons de parler : il l’a com
m uniqué sans défiance à ses adversaires.
E n réponse à cette communication'franche et amiabley
on trouve dans le dossier des adversaires une note écrite
de la même main ( celle de Louyrette ) ; et il le falloifc
bien ainsi, car lui seul a connoissance de ce qui s’est passé
à cette époque. L e sieur dès Issarts atteste qu’il n’a jamais
eu affaire qu’à lu i, que jamais il n’a ouvert la bouche à'
son frère des comptes qu’ils avoient ensemble. Son frère
¿toit dans un état d’infirmité assez g ra v e ; il ne s’occupnit pas d’affaires, et le sieur Louyrette lui a voit expres
sément recommandé de ne pas lui en parler; sa foible
santé n’étant p a s , d isoit-il, capable de le supporter.
Q u o i qu’ il en soit, voyons la réponse de Louyrette surla communication qui lui a été donnée de ce projet d’acte*
« Environ quatre m ois après le compte arrêté le«r 13 m essidor an
5 ? le sieur des Issarts, pour se libérer'
�4
é
«
«
«
«
«
«
«
«
«
cc
«
«
«
«
(y
( 2Ï ) ~
envers son frère du reliquat de Ta somme de 34,273 liv.
19 s . , lui proposa la cession du domaine tl’A u l u a l ,
pour la somme de 24,273 f r . , et promeüoit de payer
les 10,000 fr. restans en peu de temps. L e sieur Bancal
aîné refusa la proposition, en lui remontrant que l’eniploi qu’il avoit fait de ses fonds p a r ses a cquisition s
particulières , ou pour libérer celles faites pour le
sieur des Issarts, avoient altéré les fonds nécessaires à
son com m erce; qu’il ne pouvoit absolument faire de
nouvelles acquisitions; et la proposition en resta lù.
« Cette proposition étoit écrite d o u b le, sans date ni
signature : tous sont restés entre les mains du sieur
des Issarts. L ’ un a été produit à l’audience, et se trouve
encore dans le dossier remis à M'. G a r r o n , son avoué,
O n ignore l’usage qu’il en veut faire; mais, dans tous
les ca s, il est contre l u i , etc. »
Cette explication est curieuse.
Cette proposition dont parle la n ote, et qu’on a v u e
dans le dossier de l’intim é, n’est autre chose que le projet
de compte et traité dont on vient de parler.
Remarquons bien que Louyrette , qui doit m ieux
que personne en savoir l’époque, puisqu’il est écrit de
sa m a in , la fixe A quatre mois environ après le compte
de messidor an .
5
Remarquons aussi que c’est I,onyrette qui a fait tous
les comptes et tous les projets du sieur Bancal aîné, et
qui s’en est toujours occupé exclusivement à tout autre,
parce qu’ il faisoit tontes ses affaires.
Comment se fait-il maintenant, si cette proposition
étoit émanée du sieur des Issarts, et qu’elle fut faite:
.
^
�' v'
(2 2 )
'
à son f r è r e , 'c ’e s t - à - d i r e , au sieur L o u yrette, qui seul
traitoit des intérêts du* sieur Bancal aîné ; co m m en t, di
s o n s -n o u s , se f a it - il que cette proposition, présentée
au sieur Louyrette en deux doubles, se trouvât écrite
de sa m a in , et que déjà il y eût consigné l’acceptation
du sieur Bancal aîné , dont il dirigeoit toutes les démar
ch es? N ’est-il pas é v id e n t, au contraire, que ce projet
q u i se trouve dans le dossier du sieur des Issarts, lui fut
présenté comme une proposition de son fr è r e , par le
sieur L o u yrette, son intermédiaire?
E t si cette proposition fut faite quatre m ois après
le compte de m essidor an
, comment L ouyrette y
consigna-t-il comme convention nouvelle et non encore
écrite, l’abandon des héritages détachés, et l’acceptation
5
du sieur Bancal, si déjà cet abandon étoit consommé
depuis quatre mois ?
Comment le sieur Bancal aîné refusa-t-il cet aban
d o n , que cependant Louyrette lui faisoit accepter, et
po u r lequel on lui faisoit faire encore un sacrifice de
1,800 fr. payés en 1 7 9 1 , tandis que lui-meme avoit payé
ces propriétés en assignats dépréciés, et que le sieur des
Issarts eût trouvé un grand bénéfice à les reprendre?
Croira-t-on maintenant au double sous seing privé du
13 messidor an ?
Ce n’est pas que le sieur des Issarts conteste qu’il ait
5
voulu se libérer en abandonnant le domaine d’A uln at;
q u’il ait su gré à son f r è r e , de ses peines et de ses soins.
Il n’a jamais manqué d’exprimer une reconnoissance quiest encore dans son cœur : aussi n’a-t-il jamais regretté
à son frère ni à ses n e v e u x , les agrémens, les a van-
�42!
23
(
)
tages réels qu’ils trouvoient dans la jouissance de BonD e v a l ; mais il n’a jamais proposé de céder son domaine
d’Aulnat pour la moitié de sa va leu r, et de ce qu’il lui
coûtoit réellement. Il se persuade que si ses neveux
eussent réfléchi davantage, ils n’eussent pas cru, et n’eus
sent pas prêté leur nom aux imputations injurieuses
q u’on lui a faites.
D e tout ce que nous venons de dire résulte, ce semble,,
l ’éclaircissement d’un fait qui n’a pas besoin d’auti’es
preuves.
L e sieur Bancal aîné a joui de tout depuis chaque
acquisition.
5
Il a présenté , en messidor an
, un compte de ses
avances pour le domaine de Bonneval seulement.
Il n’y a pas compris ses avances pour les autres ac
quisitions.
11 n’en a pas déduit ce q u ’il avoit reçu pour les jouis
sances de cinq années.
Il a reçu un billet de 34,273 livres ig so u s, m on
tant de ses avances pour le payement de Bonneval.
E t il n’a été rendu à cette époque aucun compte ni
des autres avances, ni des sommes qui pouvoient les
compenser.
V o ilà en résultat la réalité du fa it; c’est à cela qu’il
faut le réduire. Il a été nécessaire de rétablir en commen
çant, afin de bien le fixer avant d’en voir la suite. Ce
récit, qui tient de la discussion , nous dispensera d’y re
v e n ir , et mettra à même de saisir beaucoup plus ai
sément le sens et les conséquences des actes postérieurs.
Nous arrivons à celui epu est le plus important de la
cause.
�C 24 )
L e sieur des Issarts avoit pour son frère le plus grand
respect et la plus teadre amitié ; il ne faisoit que lui
rendre un sentiment de tendresse, que son frère lui avoit
toujours témoigné ; aussi reçut-il sans examen le compte
que lui présenta le sieur L ouyrette, parce qu’ il avoit la
confiance de sou frère ; aussi signa-t-il sans réflexion l e
Lillet de 34,273 francs, lorsque le sieur Louyrette le lui
proposa , s’imaginant avec raison que ce compte des
avances pour BounevaJ. n’étoit pas exclusif du compte des
revenus qu’on ne cessoit pas un seul instant de lui devoir.
Il n’avoitpas davantage réclamé le principal ni les jouis
sances de sa portion héréditaire; il avoit été toujours et
exclusivement occupé des affaires pu b liqu es, et avo!t
abandonné à son frère le soin des siennes p ro p res, dont
il ne connoissoit pas la moindre chose,
L e billet de 34,273 fr. fut bientôt suivi d’un autre écrit,
U n projet d’alliance avoit été conçu entre sa nièce et lui;
son frère lui en avoit même écrit pendant qu’il étoit au
conseil des Cinq-cents. Il ne connoissoit pas alors le testa
ment de son père; mais il savoit que son frère ne se soucioit pas de démembrer ses propriétés, et de rendre un
com pte de jouissances. Plein de reconnoissance pour la
conduite de son f r è r e , et se laisant aller à un m ouve
ment irréfléch i, il remit un jour à sa nièce qui se trouv o it seule avec l u i , cette déclaration du i er. prairial an 6 ,
dont on tire une fin de non-recevoir contre sa demande
en partage : elle est, ù ce qu’il p aroît, entièrement écrite
de sa main.
« Je déclare, d it-il, que je consens à la pleine et entf tière exécution du testament de mon père ; que je f a i s ,
«c en
�$23
5
( î
)
« en tant que de besoin , toute délivrance de legs et
« dispositions fa ite s pat' mon père; et que je quitte
« aussi sa succession et celle de ma mère de toutes choses
« quelconques, sans réserve , en remerciant D i e u .d e
« toute la reconnoissance que je leur dois. »
Cet écrit ne lui fut dicté ni demandé par personne ;
il le donna par une impulsion dont il ne chercha pas
à se défendre; il le confia à sa nièce, et à sa nièce seule.
Il crut que son frère en éprouveroit du plaisir, qu’il y
seroit sensible; il trouvoit son indemnité dans les con
ventions du mariage.
L a simple inspection démontre qu’il fut l’ouvrage de
sa seule pensée, qu’il ne fut qu’ un véritable projet où il
consigna ses intentions que personne ne connoissoit, et
que personne n’accepta comme une obligation actuelle et
valable en soi.
Depuis , le sieur des Issarts continua la môme manière
de v iv r e ; il reçut des comptes partiels sans ombrage
comme sans défiance. Cet état de choses a duré jusqu’à '
son mariage avec la demoiselle Girard.
L e i er. floréal an 7 , il reçut du sieur Louyrette un
état de compte de tout ou partie de ses revenus, depuis
le i cr. juillet 1797.
7 499
,
l. 16 s.
L a dépense fut portée à .......................
La recette seulement à ............................ 7>3r9
»
Il se trouva débiteur de 360 livres 16 sous, qu’on
convint de porter au chapitre de dépense du com pte
suivant.
L e 20 thermidor an 8 , nouveau compte des recettes
et dépenses, depuis le I er floréal an 7.
D
�( 26 )
La recette fut d e ...................
La dépense d e ..........................
6,7
I.
4,684
2 s»
Il y eut donc excédant d e .....................
2,100 .
1
» s.
85
On compte ensuite trois ans (Cintérêts des 34,2731.19s.;
on eu déduit les 2,100 liv ., et ajoutant 3,0401. i s. 9 d.
qui restent, aux 34,273 liv. 19 sous, on l'orme un capital
de 37,314 liv. 5 sous 9 den., dont le quart produit chacune
des obligations de 9,328 liv. 11 sous, qui furent deman
dées au sieur des Issarts, et qu’il consentit à ses neveux,,
à la charge de l’intérêt à cinq pour cen t’, qu’il a servi
depuis.
L e billet de 34,273 francs comprenoit déjà 4,81 fr.
d ’ intérêts ; ils avoient produit d’autres intérêts qui sont
calculés avec ceux du capital, et montent, au 20 theivmidor an 8, toute déduction faite, à 3,040 liv. i sous;
5
5
5
et ces intérêts d’intérêts sont encore confondus dans le
capital des obligations, pour produire d’autres intérêts.
L e sieur Bancal a tout signé avec une confiance sans
bornes.
Toujours est-il démontré que l’arrêté de compte à
34,273 francs, a été la baSe de celui de l’an 8. Ce dernier
s’y r é i è r e ,e u le rappelant comme compte verbal fa it
au mois de messidor an 5 ,• il est établi sur les memes
bases, fait dans les mêmes expressions, et seulement pour
le temps postérieur au précédent.
Et ainsi-il demeure constant que les appelans, nantis
des jouissances qu’ ils ont faites pendant lecoursdu papîermonnoie , ont néanmoins contre leur oncle une créance
de 37,314 francs, dont ils pei’coivent les intérêts, quoi-
�271
(
que les Siemens qui en ont formé le capital, fussent plus
q u ’absorbés par ces jouissances.
?
C ’est à ce compte du 20 thermidor an 8 , que les appelans fixent l’époque à laquelle ils prétendent que le
sieur des Issarts redemanda le prétendu double de l’an ,
p our ne pas fa ir e double emploi.
Cette assertion est aussi impossible qu’inexacte.
D ’abord ce n’eût pas été avec le compte de l’an 8 ,
ni avec les obligations, mais bien avec le billet de ven
démiaire an 6 , que cet arrêté eût fait double emploi.
20. O n ne craignoit pas de faire double emploi de
l ’arrêté de compte de l’an 8, avec les quatre obligations,
puisqu’on laissoit subsister l’un et l’autre.
3°. Si même le double emploi eût existé entre un
compte de l’an , et celui de l’an 8 , ou les obligations',
il n’en étoit pas de même de l’abandon des héritages dé
tachés, qui emportoit tradition de p ro p rié té , et qui ne
se retrouvoit nulle part ailleurs.
Sans doute on ne pouvoit guère répéter cette trans
lation de propriété dans les obligations ; mais dès qu’in
dépendamment de ces titres particuliers, on conservoit
un compte sous seing p r iv é , on pouvoit tout aussi-bien
le faire d o u b le , en y transcrivant les conventions ex
primées dans celui de l’an .
5
5
5
E t qui doutera que les sieurs B an cal, ou pour eux
le sieur Louyrette, eût manqué à le faire, et à conserver
ce titre unique de propriété , q u e , suivant l u i , il avoit
cru devoir exiger en l’an ?
Qui croira qu’ il s’en fût départi au moment même
o u , donnant au sieur des Issarts une marque de défiance,
D 2
5
�.
' (28)
il exigeoit au nom de ses neveux des obligations nota
riées au lieu d’un b illet, et se hâtoit de mettre aux h y
pothèques des inscriptions qu’il avoit promis de ne pas
prendre?
^
D ’ailleurs, le sieur des Issarts a prouvé que ce compte
ne fut autre que le projet qu’il représente, de la main
de L o u yrette, et que le x’eliquat en fut fixé par un billet
pur et simple qu’il a retiré ou dû retirer ( il l’a perdu
de v u e ) en consentant les obligations.
L e sieur des Issarts avoit seul en son pouvoir tous les.
arrêtés de compte signés de sa nièce et de l u i , puisqu’ils
n’out pas été faits doubles; il a tout produit dès le pre
mier instant, quoique quelques-uns se présentent en ap
parence contre sa demande. Comment soupçonner qu’il
ait détourné la moindre chose ?
Comment surtout l’en accuser durement, sans preuves
et sans vi’aisemblance..
D eu x autres comptes ont été projetés, mais non arrêtés,,
en l’an ro et 11. L e sieur Bancal doit néanmoins convenir
qu’ il a payé 692 francs dont il n’a pas de quittance, et
qu’on lui a dit être avancés outre les jouissances de ces.
deux années : il n’y a vu aucune conséquence pour les
temps antérieurs.
Les choses ont resté en cet état, jusqu’à l’époque où
le sieur des Issarts a épousé la demoiselle G ii’ard d’A u Jjièrc.
- Les appelans disent qu?il a gardé long-temps le silence
qu’ ils alloient le poursuivre eu payement des obligations
la vérité est qu’il'a réclamé presqu’aussitôt. Des pou r
parlers, des projets d’arrangement, deux ans employés à
�( 29 )
~
un arbitrage in fru ctu eux, ont retardé les poursuites ;
elles n’ont commencé que le 11 octobre 18 11. Il faut se
fixer sur la demande.
E lle a deux objets très-distinctement énoncés.
i° . L e partage de la succession des père et mère. L e
sieur des Issarts demande sa portion afférente, et conclut
contre ses neveux au rapport du m obilier, du fonds de
com m erce, de l’ inventaire, etc.
20. Il demande le compte de la gestion et
tration des domaines nationaux acquis; savoir,
maine situé à A u ln a t,e £ autres héritages, du
de Bonneval, et du p r é - v e r g e r situé près les
adminis
d’un do
domaine
Carmes :
ladite a d m in istra tion , est-il dit, rem ontant à l'époque
de chaque adjudicationRemarquons bien ici que le sieur des Issarts, dans sa
demande, comprenoit tous les biens acquis, même les
héritages détachés , puisque tous ces autres héritages
situés ù A u ln a t, et le pré des Carm es, remplissent les
adjudications. Il les regardoit donc tous comme à lui.
Mais ce qu’ il y a d’étonnant, c’est que le rédacteur
de l'exploit, ignorant sans doute que le sieur des Issarts .
11e possédoit, ni ces autres héritages, ui le pré des Carmes,,
se borne à demander les jouissances passées, et ne con
clut pas au désistement.
Observons aussi qu’ il demande un compte g é n é r a l,.
sans prétendre rien changer aux comptes particuliers de
chaque année, qu.’il supposoit devoir y être portés tels,
qu’ils sont, saut les erreurs ou omissions reconnues.
Les défendeurs se présentent, concluent à c e q u ’ il soit
déclaré non recevab le, subsidiaircment débouté ; et c’est
�(3 0
en cet état que la cause ést' portée à l’audience du tri
bunal de Clerm ont, le 13 mars 1812.
L e sieur des Issarls, en renouvelant ses conclusions,
demanda subsidiairement le compte des cinq années an
térieures à 1796.
- Il demanda aüssi le désistement du verger des Carmes,
aux-offres de tenir en com pte les sommes payées; mais
sans demander celui des autres héritages détachés dont
il continua de réclamer les_ jouissances.
- Les défendeurs reprirent leurs conclusions tendantes
à la fin de n on -recevo ir, subsidiairement au débouté.
Ils opposèrent, quant aux com ptes, que le sieur des
Issarts n’étoit plus recevable, depuis les obligations de
l ’an 8 , à demander aucun compte antérieur.
»
E t quant aux comptes postérieurs, ils soutinrent,
d ’une p a r t , qu’ils ne pou voient concerner ni le sieur
Bancal ni la dame Dalbine, et que mademoiselle Bancal,
qui seule avoit g é ré , les avoit tous rendus.
O n ne trouve nulle part de conclusions tendantes à
la rertiise du prétendu acte double du 13 messidor an .
Mais ils semblent eu x -m êm es demander la révision
du com pte, en soutenant qu’on devoit leur tenir compte
du p r ix des bestiaux qui n’avoient pâs été compris dans
les comptes.
L e tribunal a ordonné le partage, le désistement du
p r é , et la révision des comptes par Boutai , notaire, à
l ’effet de savoir si le p ri* des bestiaux y est compris; et
il a rejeté la demande d’un compte général formée par
5
le sieur des Issarts.
Les adversaires ont interjeté appel,
«•
�(
3
1
}
i 0'. En. ce que l’écrit de l’an 6 a été rejeté;
2?. E n ce que le désistement du pré des Carmes a
¿té ordonné;
3°, Eu ce que le sieur des Issarts n’a pas été condamné
à remettre le prétendu double de l ’an ,
L e sieur des Issarts a lui-même interjeté appel inci
dent, en ce que le tribunal a rejeté sa demande en com pte;
il demande le compte gén éral, subsidiairement celui des
cinq années antérieures à 17 9 6 , et celui des héritages
détachés, pour tout le temps de la jouissance; enfin, il
réclame la procuration donnée en b la n c , pour vendrç
le domaine d’Aulnat.
5
T e l est l’état de la cause : nous pouvons la discuter
dans le même ordre que l’ont fait les appejans; c’est-ù-,
d ire, exam iner, i° . le mérite de la demande en partage,
et de la déclaration de l’an 6 , et en même temps la fia
de non-recevoir incidemment proposée contre la nul
lité de cette déclaration.
2°. La demande en désistement du verger des Carmes.3 9. L a demande en reddition de compte.
§. I er.
\
La déclaration de Tan 6 est-elle un acte va
lable qui puisse écarter la demande en par~
tage ?
A v a n t d’aborder cette question, le sieur Bnncal des'
Issarts n’a pas dû se dissimuler que les circoüi>tanceS'
exigeoient de lui une autre explication..
�(3 0
Il ne suffît pas, en effet, à l’homme probe et délicat,
de critiquer dans sa forme un acte qu’il a consenti en
m ajorité; car il a dû avoir des motifs de le consentir,'
il a dû savoir ce qu’il faisoit; et la solennité de l’acte
n’ajoute rien à la réalité de son engagement, s’il s’est
réellement et valablement engagé.
‘ -1A u ssi, le sieur des Issarts a suffisamment fait sentir dans
le récit des faits, dans quelles circonstances et par quel
mouvement il donna cette déclaration. Nous reviendrons
sur cette explication ; mais il im porte, avant to u t, de bien
conn oître, en d r o i t , quelle peut-être la valeur de cet
écrit : nous serons mieux à même d’en déterminer les
conséquences , surtout en le rapprochant des circons
tances qui y ont donné lieu.
O n le considère comme approbation du testament, et
abdication de la légitime : la simple réception du legs,
dit-on , vaut approbation form elle; et cette approbation*,
toujours considérée comme valable en soi, exclut la que
relle d’inofficiosité, même la demande en nullité du tes
tament.
• ,
O n cite des textes q u i , dit-on , le décident formelle
ment et pour tous les cas.
Il est très-vrai,en d ro it, que la réception du legs ex
clut la plainte d’inofficiosité ; mais c’est une erreur trèsgrave que de vouloir étendre ce principe à tous les cos:
l ’ordre môme des principes ne le permettroit pas; il
suffit, pour s’en convaincre, de les méditer un instant.
L ’ héritier de d r o i t , qui est réduit par le testament à
un legs moindre que sa légitim e, peut refuser le legs
et demander l’intégralité de ses droits! Néanmoins il
�33
(
)
n ’y est pas o b lig é , et il est absolument le maître d’exé
cuter le testament, si d’ailleurs il trouve en lui-même
des motifs de le respecter, ne fussent-ils puisés que dans
sa délicatesse ou dans les convenances. 11 est censé avoir
connu le testament, par cela seul qu’ il a reçu le legs.
A in si il ne peut pas dire ensuite qu’il a été induit en
erreu r, ou qu’il n’a pas connu les dispositions du tes
tament, puisque son approbation, accompagnée de la
réception du legs, démontre qu’il en a connu toute la
substance, et que la lecture du testament même ne lui
en eût pas appris davantage.
A llo n s plus loin. L ’héritier exhérédé par un testa
m ent, peut encore l’approuver, car l’exhérédation n’est
pas par elle-même un vice; elle peut être fondée sur
une juste cause , et dans ce cas l’héritier peut avoir pardevers lui des motifs de garder le silence, soit parce
que la cause étant vraie, l ’exhérédation est valable, soit
parce que des motifs de respect pour lu i-m ê m e peuvent
lui faire éviter avec réflexion de rendre p u b liq u e, et
l’exhérédation, et les motifs qu’on y a donnés.
Aussi la lo i, présumant ce m otif, dit-elle q ue, dans
ce c a s, l ’héritier qui a connu le testament, et qui en a
demandé l’exécution au nom d’ un autre dont il étoit
procureur fondé, a fait une approbation valable. A g n o visse enirn videtur qui quale quale ju d iciu m defuncti
comprobavit. Ce sont les textes dont s’autorisent les
appelans.
La raison de ces dispositions de la loi est bien simple.
Dans ces cas comme dans tous ceux d’inoiliciosité, la
disposition portée au testament est valable en soi ; elle
E
�.
f 34 5
n’est ni contraire aux bonnes mœurs, ni prohibée p a r
les lois : le testament peut subsister avec elle.
'
Mais il en est bien autrement des nullités intrinsèques;
par exem ple, la prétérition : c a r , soit d’après les lois
romaines, soit même d’après l’article 53 de l’ordonnance
de 173 5 ,1a prétérition est un vice radical et substantiel,
par la seule force duquel le testament est annullé d e
plein d roit; tellement que si l’enfant prétérit ne s’en
plaint pas, tout autre héritier non prétérit peut demander
la n u llit é , et la justice doit la prononcer.
Cela est fo n d é, non-seulement sur ce que la loi ne
permet pas qu’on touche à la légitime des enfans, mai&
encore sur l’injure qui résulte de l’omission. Elle ne
s’en remet plus à personne pour venger cette in ju r e ;
elle déclare qu’elle lui est insupportable; et pour la
bannir à jam ais, elle prononce elle-même la n u llité,
et déclaré sans force l’acte qui la renferme.
Cette doctrine nous est enseignée par les deux doc
teurs les plus solides et les plus lumineux du droit écrit,
D o liv e et Furgole. Elle est celle des lois comme celle
des principes et delà saine raison : nous allons le prouver
immédiatement.
Iiii loi i rp. ,ff. D e Jiis qvœ u t indign. au fe r ., s’ex
prim e ainsi : P o s t legatum acceptum , non tantùrn licebit fa is uni arguera testa mentum , sed etiarn non ju re
fa c tu m contendere : inojjiciosum autern dicere non perviittitu r.
V o ilà une disposition générale qui n’est faite pour
aucun cas particulier, mais qui prévoit les difficultés
et prévient les mauvaises applications, en établissant
une distinction de principe. .
�Ainsi l’héritier qui a reçu son legs ne peut plus cri
tiquer le testament comme inofficieux.
Mais il peut l’arguer de faux.
• E t il peut tout aussi-bien en demander la n u llité,
¿V/ est contraire a u x lo is , sans que la réception du legs
y fasse obstacle.
Il est cependant possible de rejeter certaines de
mandes en nullité ; par exem p le, des nullités pure
ment de forme extrinsèque, qui ne touchent pas à la
substance du testament, et que l’héritier peut négliger.
A in si on a vu des exemples qu’ une nullité de forme que
l ’héritier avoit pu ou dû connoître, étoit déclarée cou
verte par la réception du legs. C ’est dans cette espèce
que se range l’arrêt de la Y o lp iliè r e , cité par les appelans.
E t c’est aussi le cas dont parle R icard , lorsqu’il dit que
le testament peut subsister par la seule volonté du défunt,
si l’héritier le reconnoît et l’a p p ro u v e , quoiqu’il soit
invalide en solenn ité; parce q u e , dans ce cas, le tes
tament subsiste malgré la nullité d e f o r m e , tant qu’elle
-n’est pas prononcée. Mais ces sortes de nullités ne sont
pas de celles qui sont toujours réservées, parce qu’elles
vicient le testament, comme les cas de prohibition ab
solue, qu’exprime la loi par ces termes: N o n ju re fa ctu m .
L a loi
L e §.
I er.
5 , au
même titre , n’est pas moins formelle.
nous dit : D e eo vero q u ileg a tu m accepit f s i
' neget ju re fa c tu m esse testar/ientum , divus pins Uct
rescripsit : cognati Sophronis licet ab Jiœrede instituto
acceperunt legata , tarnen s i his ( hceres ) ejus condi
t io n s f u e r i t visus ut obtinere hœreditatem non p o ssit
<et ju re intestati ad eos cogna tos p ertin et, pet ere hœ re
dit a te t u ipso ju re potuerunt.
�i 3 6 },
V o ilà encore un principe général tracé par la loi. II
est toujours le même.
Il ne faut pas dissimuler cependant qu’ immédiatement
l’empereur semble apporter une modification à cette
règle qu’il vient de prescrire par ces termes rigoureux
ipso ju r e . O n n’y. auroit trouvé aucune conséquence, si
Güjas n’y avoit prêté un sens extrêmement étendu et
absolument contraire au texte. C ’est avec F u rg o le , et
sur l’évidence du f a i t , que nous le disons ainsi.
!La loi continue en ces termes :
P ro h ib en d i autem s in t, an non , ex cu ju sq u e.p eis o n a , con dition e, œ ta te, cognita causa à ju d ice constituendum erit.
Ces expressions ne doivent pas être séparées de la
phrase qui précède. Dans la première on trouve la
r è g le , et dans la suite on trouve l’exception ou plutôt
la modification. Et comme remarque F u rg o le, Cujas a
fait de l’exception la règ le , et de la règle l ’exception.
Ces derniers termes de la loi , traduits soit littérale
ment , soit dans leur sens naturel, semblent devoir s’ex
pliquer ainsi :
« Néanmoins ils seront repoussés ou non, suivant que
« le jug e en décidera en pleine connoissance de cause,
« en consultant l’â g e , la condition et la position des
« personnes. »
Assurément cela ne veut pas dire que la nullité ne
pourra être admise que dans le cas de m inorité, ainsi
que l’ont prétendu Cujas et quelques auteurs après lui;
car il eut été, d’une p art, tres-inutile d’une loi spéciale
pour dire que le mineur peut se faire relever d’une
�37
(
)
réception do legs et d’une approbation de testament ,
comme de tout autre acte; les principes généraux sur
la minorité le disoient assez : de l’autre , le premier
m em bre, qui à lui seul contient la rè g le , eût été inex
plicable. T o u t ce qu’on peut y v o ir , c’est qu’en ouvrant
la voie de la uullité malgré la réception de legs, la loi
ne veut pas cependant que cette règle soit absolue, et
elle donne au juge toute la latitude possible pour l’ad
mettre ou la rejeter , suivant que l’ùge et la condition
des personnes , et l’ensemble des circonstances donne
ront à la demande un caractère de bonne ou mauvaise foi.
C ’est ainsi, en effet, que l’explique la loi 4 3 , ff. D e
hœred. p e tit., qui rapporte le même rescrit.
Im perator A n to n in u s , rescrip sit, d i t - e l l e , e i , q u i
legatum e x testamento ab&tulisset causa cognita hœ~
reditatis petitionem negandam e s s e , SCILICET SI MA
NIFESTA CALUMNIA S ïf.
Cette interprétation de la loi elle-m êm e ne laisse sub
sister aucun doute sur le sens d’ailleurs simple et naturel
du rescrit d’Antonin ; évidemment il en résulte que le
juge peut toujours admettre la demande en nullité, mal
gré la réception du legs, a-moins que les circonstances et
la qualité des personnes ne lui démontrent qu’elle est
de mauvaise foi : Scilicet s i m anifesta calum nia sit.
Aussi Furgole a - t - i l professe celte doctrine avec as
surance; on trouve au cliap. 6 , sect. 3 , n°. 126 etsuiv. ,
une profonde et lumineuse dissertation , où il développe
les véritables principes de cette matière: il est impossible
de ne pas s’y rendre.
11 est vrai qu’ü combat l’opinion d’auteurs non moins
�»V
/
(
3
8
3
recommandables, Cujas, R ica rd , Brodeau; mais outre
qu’en droit écrit l ’autorité de F u r g o le , appuyée sur ta
loi m ê m e , est toujours plus imposante, il faut remar
quer que ces auteurs sont divisés sur un point qui n’est
pas le nôtre; car ils le sont principalement sur ce que
F urgole prétend appliquer à toute espèce de nullité ,
même à celles purement extrinsèques, le principe de la
l o i ; ce que les autres avoient nié ouvertement : et il est
vrai que quelques arrêts rapportés par L ouet et Brodeau,
comme celui de la V o lp iliè r e , les y avoient autorisés. >
Gela p o s é , de quelle conséquence peuvent être les lois
et les autorités citées par les appelans? Elles sont toutes
dans le cas de l’inofficiosité , ou de ces nullités extrin
sèques qui peuvent diminuer de la solennité, mais qui
ne touchent pas à la substance du testament. Que l’on
examine les textes et les opinions invoqués par eux
partout on verra que soit les textes, soit les arrêts qui
ont fondé les o p in io n s, notamment celle de L ou et et
B rod eau, ne se rapportent qu’aux cas dont nous venons
de parler.
E h ! comment l’appliquer au cas de la prétérition ?
a-t-il la moindre analogie avec l’approbation résultant de
la réception d’un legs? Non sans doute; car s’il dépend
de l’héritier de recevoir moins que sa légitime , et de
s’en contenter par des considérations quelconques, il n’a
pas la puissance de faire valoir un testament qui le frappe
de prétérition, puisque son propre sileqce n’empêcheroit
pas la nullité , et qu’ un autre pourroit aussi-bien que
lui la faire prononcer. C ’est ici qu’on va sentir l’im pos
sibilité d’appliquer au cas de la prétérition les lois et les
exemples invoqués.
�39
(
)
U n héritier peut en général approuver un testament :
cela est v r a i , lorsque le testament contient une disposi
tion quelconque qui le concerne; car il peut en recon
noitre la justice; encore faut-il que cette disposition soit
autorisée par la loi. Et voilà pourquoi l’exhérédation
ne peut donner lieu qu’à la plainte d’inofïiciosité, parce
qu’elle est permise dans un testament, à moins qu’elle
ne soit fondée sur une cause fausse; ca r, en ce cas, dit
encore F iirgole, elle est semblable à la p rétéritio n , et
entraîne nullité.
Mais si le testament est muet sur l’ un des héritiers
directs, il ne peut être un titre pour l’exclure, et aucune
approbation ne peut le faire valoir comme titre d’exclu
sion. Une approbation , pour être valable, et avoir un
effe t, suppose une disposition préexistante. E t de même
que la simple l’atification faite par un m ineur, d’un acte
essentiellem ent n u l, et auquel il n’étoit pas personnel
lement partie, comme émancipé, est un acte sans force
ni valeur, quia hujusm odi ratio n ih il ddt ; de même la
simple approbation par le prétérit d’un testament entaché
de prétérition , ne peut produire aucun effet ; car ce
testament n’est pas un obstacle à son droit de légitime.
Ce n’est pas que l’enfant prétérit soit obligé de récla
mer sa portion héréditaire; il peut l’abandonner, il peut
la ce der, il peut reconnoitre qu il l’a reçue; mais alors
lq titre de son cohéritier ne résulte pas du testament >
mais bien de l’acte consenti depuis l’ouverture de la suc
cession ; et voilà pou rquoi on exige que cet acte soit va
lable en lui-même , et emporte disposition , sans cela
l ’action en pétition d’hérédité est toujours admise.
�w
.
( 4 0 )
Cela est évident, cela est dans toute la rigueur des
principes; la loi les eût méprisés si elle eût dit le con
traire. Mais cela est aussi dans la l o i , comme nous l’avons
v u ; cela est dans la jurisprudence des arrêts, comme
l ’atteste F u rg o le , et comme le prouve un arrêt du 13
juillet 17 4 0 , rendu dans les plus forts termes.
A ntoine V iala avoit légué > oo francs à Antoine et
Jeanne, ses enfans, et 1,000 francs seulement à M arie,
femme F a u ré , son autre fille; sa femme fut instituée
h é r itiè r e , sans charge de fidéicommis. Les legs ne furent
pas faits à titre d’institution.
A p rès le décès d’A n to in e , le sieur F a u r é , époux de
M a r ie , reçut le legs de 1,000 francs, et en donna quit
tance. A ntoine etM arieform èrent demande en délivrance
du legs de 3,5oo francs, et obtinrent, le 10 septembre
1 7 3 6 , un arrêt qui le leur adjugea en principal et in
35
térêts. Antoine décéda avant de l’avoir reçu.
Bientôt a p rès, Jeanne et les enfans Fauré deman
dèrent la cassation du testament, et la délivrance de
leur légitim e, tant de leur chef que de celui d’A ntoine; et
malgré la quittance du sieur F a u r é , et l’arrêt de 1736,
leur demande fut adjugée, parce que les enfans du tes
tateur n’étoient pas institués, et que la nullité fut consi
dérée comme absolue.
Ce cas, assurément, est bien plus fort que celui ou
les enfans sont absolument om is, et où la prétérition est
complète. O n ne peut pas citer d’exemple plus tranchant.
Les principes une fois bien connus, et leur application
bien déterminée en gén éral, examinons l’écrit dont il
s’agit en la cause. V a u d r a - t - i l comme approbation?
comme renonciation ? comme quittance?
�4
( i )
- i° . Comme approbation !
- Nous l’avons déjà dit : on ne peut ratifier par une
simple approbation qu’un acte valable dans scs élémens,
et dans lequel on est partie ; on ne peut approuver un
testameot d’une manière valable respectivement à soi, que
lorsqu’on y est dénommé par une disposition quelconque.
Hors ces cas, il faut que l’approbation ne soit pas pure
et simple, mais qu’elle emporte disposition actuelle.
Encore fa u t-il, pour que l’approbation soit valable,
qu’elle soit faite en pleine connoissance de cause; ce que
l ’on ne présume jamais de d r o it, ù moins que l’acte ap-probatif ne le démontre : n i s i cognitis perspictisque
verbis testainçnti. Combien n’a-t-on pas vu d’exemples
d’approbations annullées par cela seul que le testament
n ’étoit pas daté , ni ses dispositions visées ; ce qui se
.rencontre dans l’espèce.
Cela est dans l’ordre des principes généraux du droit.
Q u ’est-ce, en effet, qu’ une approbation en g é n é ra l?
.que faut-il y trouver pour qu’elle valide un acte nul ?
-Il faut, dit D u m o lin , qu’elle soit faite cuni causœ co~
g n itio n e ; que celui qui approuve soit pleinement ins
tr u it du vice de l’acte, sciens nullitatem et vitium con jir m a t i : elle est sans force, si elle est faite seulement
in fo rm a com m uni.
Il explique ensuite à quels caractères on reconnoîtra
■
la n u llité, ou la validité de l’approbation.
Elle sera nulle comme faite in fo r m a com m uni, quando
non exprim itur ad longum , ténor con/irm ati, sed confir m a n s se refert ad illud et confirm ât sicut sine pra^vitate, vcl sicut jettte et légitima obtcntum f u i t .
�C 42 )
Elle sera valable, au contraire, comme emportant nou
velle disposition quando enarrato toto tenore confir7n a ti approbatur, recogniscitur et confu inatur ¿1 putestatem Icibente.
Les articles 13 3 8 , 1339 et 1340 du Code Napoléon r
ont érigé en loi positive ces principes que la jurispru
dence avoit jusqu’alors constamment adoptés; seulement
ils contiennent quelques exceptions qui ne s’appliquent
point à notre espèce, quoique les appelans aient l’air
de citer avec quelque confiance l’article 1340 ; car il est
toujours vrai qu’on ne peut approuver sans le connoître
un acte nul en soi ; et la connoissance n’est jamais p r é ’sum ée, si elle n’est positivement établie par l’acte approbatif.
Ces principes s’appliquent aussi-bien aux testamens
qu’à tout autre acte et à toute espèce de convention..
E t voilà pourquoi le testament nul pour cause de pré
te n t io n , ne vaut ni comme fidéicommis, ni même par
la force de la clause codicillaire. Ord. de 173^, art. 33.
* V o ilà pourquoi encore le testament imparfait en la vo
lo n té, n’est pas validé par un codicille parfait, à 7/ioins
que les dispositions ne soient répétées dans le codicille.
C ’est la doctrine de tous les auteurs, F u rg o le , Ricard^.
Henry s , Rousseaud-Lacom be, etc.
Comment donc concevoir qu’il soit validé par une
approbation pure et sim ple, qui ne constate même pas
que le testament ait été con n u ?
E t si l'h éritier, par respect pour la mémoire de son
p è r e , avoit voulu l’approuver sans le connoître, dans la
juste confiance q u’il étoit au moins honorable pour lui^
�43
C
)'
r
pourroît-on en tirer la conséquence qu’il a approuvé sans
le savoir l’injure qui lui étoit faite?
*Qu’il a entendu déverser sur lui-même tout l ’odieux
d’ une prétérition ?
Q u ’il a uroi t accepté, sans les avoir et sans le d ire, l ’injure
d’une exhérédation infamante, et fondée sur de fausses
causes?
Disons-le sans hésiter : cela n’est p a s, cela ne peutêtre ; et si une approbation n’apprend pas que celui de
qui elle est émanée a connu le testament, au moins en
le datant et en le visant d’une manière spéciale, elle ne
peut le faire valoir.
L e sieur des Issarts l’atteste, il ne connoissoit p a s,
en l’an 6 , le testament de son p è re ; il ne l’a v u , pour
la première fois , qu’après son m ariage, et lorsqu’il a
voulu connoître sa position et réclamer ses droits. Il ne
se x’appeloit pas du tout à cette époque la nature de
l ’écrit qu’il avoit remis à sa nièce, sans quoi son pre
mier chef de conclusions eût été d’en demander la remise.
I c i, les appelans ont fait leur thème avec beaucoup
d’aisance.
« L e p è re, disent-ils (page 3 ) , est m ort en 1790; après
« son décès, tous seà autres enfans se sont empressés d’ap« prouver et exécuter les volontés de leur père; ils ont
« reçu les legs sans réserve : les appelans ont les quit« tances en leur pouvoir.
« L e sieur des Issarts ne voulut pas être en reste, etc. »
Ailleurs ils disent encore ( pag. 17 et 18 ) : « Il savoit
« qu’il n’y avoit rien pour lui (dans le testament); il
« ne veut rien exiger. L e père étoit mort depuis huit
Fa
�44
(
)
« ans*; ses dernières volontés a voient été exécutées par
« les autres enfans; l’héritier institué étoit en possession
co de l’universalité des biens ; le sieur des Issarts étoit
« majeur depuis longues années : il a donc agi en con« noissance de cause. »
Il semble à ces mots que le sieur des Issarts habitoit
la maison paternelle, qu’il en connoissoit les moindres
détails; qu’immédiatement après le décès du père, tous.
' les enfans se sont réunis pour approuver ses dispositions,
et que le sieur des Issarts n’a fait que les imiter. O n a
leurs quittances I
*
Répondons par des faits.
, A v a n t et après la mort du père, le sieur des Issartshabitoit Paris; le père étoit mort le 2 5 novembre 1790,.
et dès 1791 il donnoit une procuration à. son frère pour
administrer ses biens. Il 11e connoissoit ni l’état de la
fortune ni les affaires de la fa m ille, auxquelles sa posi
tion antérieure n’avoit pas permis qu’il fût jamais initié..
Il ne connoît pas l’époque à laquelle tous les autres
enfans ont ou peuvent avoir cédé. Les appelans rap
portent deux quittances seulement ; elles sont à la date
des 20 frimaire an 7 , et 24 pluviôse an 8. Ils ne s’étoient
donc pas si fort empressés ! L e sieur des Issarts n’a donc
pas été seulement l’imitateur d’un élan qu’auroit dicté
à tous le respect filial, et la juste disposition du père!
L a première de ces quittances est de Bancal, notaire.
Il approuve le testament de son p è re , e tc« conséquence
reconnaît avoir reçu le m ontant du legs J a it par ledit
testam ent, etc.
L a seconde est du receveur de Dijon. 11 rcconnoît
�45
(
)
avoir reçu 3,000 fr a n c s pour ses droits lêgitim aires,
fixés p a r le testament du 31 août 1784, etc. L e legs
n’étoit pourtant que de s , oo francs.
Ainsi ces deux frères approuvent, au moyen de ce qu’ils
reçoivent leur legs, et le legs f i x é par ledit testament.
Ainsi ils ap p rou ven t, comme conséquence de la récep
tion du legs, et ils le font en connoissance de cause.
E t en effet, on ne conçoit pas d’approbation sans un
principe et un m otif pris hors d’elle-même. Celui qui
reçoit un legs s’en contente, et en donne quittance. L e
prétérit à qui on fait vaguement approuver un testament,
5
ne s’engage à r ie n , puisqu’il n’approuve rien qui le con
cerne.
Cependant le sieur des Issarts, long-temps avant ses frè
res , avo it, dit-on , approuvé le testament. Quel avoit été
le ¡principe de cette approbation ? Les appelans essayent
encore d’y donner un prétexte : il avoit reçu quatre f o i s
sa légitime. Mais où est le témoin qui dépose de cette v é
rité ? Ce n’est ni cet acte, ni aucun autre acte; cependant
cet écrit ne peut pas valoir sans cela.Cette vérité prétendue est d’ailleurs repoussée par le
moyen de fait dont on l’étaye. Nous avons prouvé que
l’éducation du sieur des Issarts n’avoit rien eu de plus
coûteux que celle des autres ; il avoit fait ses études et
son d r o it, comme le capitaine de génie avoit fait scs
cours de mathématiques; et avant de devenir notaire,
il avoit utilement employé son travail.
A u reste, on le répète, pour que la justice pût s’ar
rêtera ces motifs, il faudroit qu’elle rn puisât la source
dans l’acte m êm e, c’est-à-dire, qu’elle pût le considérer
comme valant cession, quittance ou l'cuoucûition,
�( 46 )
Com m e cession !
O ù en seroit le prix ? où seroit l’engagement réci
proque? où en seroit le premier élément ? cette cession
seroit-elle faite à une personne certaine? est-elle acceptée
par quelqu’u n ? le cédant est-il déchargé des dettes?
Non. L e frère a în é , dit-on , étoit en possession de tous
les biens : qu’importe! en é t o it - i l moins débiteur des
légitimes ou des portions.de ses cohéritiers ? Il n’en avoit
encore délivré aucune. O ù est donc le lien réciproque
entre cohéritiers ?
Comme quittance!
Il est très-vrai que pour faire valoir une quittance,
il n’est pas nécessaire d’exprimer qu’on a reçu la somme
Ôu la chose quittancée, mais il faut au moins qu’on la
reço ive; sans cela la quittance n’est plus qu’une abdica
tion de sa créance, une renonciation au droit de la
demander.
Il n’en est pas d’ailleurs de la quittance que donne un
individu d’une créance ordinaire, comme de la pétition
d’hérédité ; car l’héritier n’est exclu qu’après avoir
réellement reçu sa p o rtio n , ou l’avoir c é d é e , ou avoir
renoncé à ses droits avec une juste cause. Un partage
môme n’est pas un acte absolument définitif, car la pro
messe de ne plus se rechercher n’empêche pas l’action:
en rescision. Et une simple déclaration qu’on ne veut
rien de la succession de son p ère, ou qu’on la tient quitte
sans rien recevoir, sans la connoître, ni par soi-même,
ni par un inventaire fidèle et rég u lier, seroit un titre
irréfragable !
Com m e renonciation !
�47
(
)
Une renonciation à une succession, comme celle dont
on excipe, ne doit pas être l’ouvrage d’un seul; elle
est révocable tant qu’elle n’a pas été acceptée. Ne l’at-on pas soutenu avec succès, et la Cour ne l’a - t- e lle
pas textuellement décidé dans la cause du sieur de
Chalagnat , malgré une renonciation solennellement
faite au greffe, à deux successions, et rétractée pour
une seule?
M a is, dit-on, la renonciation d ’un héritier fait place
-à un autre; il n’y a pas d’engagemens réciproques.
Rien de plus singulier que cette application.
O u i , sans doute, la renonciation d’ un héritier fait
place à l’autre; celui-ci, quoique p lu s ilo ig n é , a le droit
d’exclure le plus proche, en acceptant à sa place : mais
d’abord il faut une renonciation valable .et régulière ;
et jamais on n’a considéré comme valable, en cette ma
tière, une simple déclaration unilatérale, sous seing
p r iv é ; 2°. si le plus éloigné ne se présente pas pour
accepter, le plus proche peut reprendre la succession ,
si bon lui semble; il n’a besoiu que de changer de vo
lonté.
Ici le sieur des Issarts auroit renoncé : sa renonciation
seroit valable, quoique non acceptée, et il seroit encore
h éritier; c’e s t - a - d ir e , héritier pour les créanciers, et
pas pour lui-mêm e. E u effet, l’acte de l ’an 6 contient
une véritable acceptation de succession, car le sieur
des Issarts f a i t délivrance de tous legs. Cette bizarrerie
exclut le moyen de renonciation, et démontre que le
sieur Bancal ne connoissoit pas le testament, puisqn’étant
prétérit et ne recevant rien , il ue pouvoit pas faire
�'
i. \ \
( 48 )
.
délivrance des legs ; puisqu’approuvant la p rétéritîo n ,
il ne devoit pas tenir quitte ;-car, en ce sens, on ne lui
devoit rien, et aussi il ne recevoit l’ien.
L ’approbation reste donc isolée; mais quelle sera sa
valeur? osera-t-on dire q u’elle en aura davantage qu’une
donation que le sieur des Issarts auroit faite le même
jour à son frère ? elle seroit révoquée par la survenance
d’enfans.
'
E t on voudroit qu’ une approbation pure et simple,
donnée sans rien recevoir, eût plus de force en ellemême!
Remarquons enfin qu’il s’agit moins ici d’une question
de renonciation, que d’ une action en pétition d’hérédité
d’un héritier contre l’a u tre, et que constamment cette
action ne peut être éteinte que par une quittance, une
cession ou une donation valable et non ré v o q u é e ; et
comme il n’y a pas de quittance sans payement, de cession
sans p r ix , de renonciation sans acceptation, de donation
valable lorsqu’il survient des enfaris, l’action en pétition
"d’hérédité du sieur Bancal est admissible.
E t comment ne le seroit-elle pas ? L a nature de l’é
c r it, ses termes, son contexte, démontrent qu’il ne fut
pas l’ouvrage d’une volonté réciproque, mais celui de
l ’impulsion d’un seul. L e sieur des Issarts, plein de res
pect pour son frère, disons-le, pénétré de reconnoissance
pour toutes les preuves de tendresse qu’ il en avoit reçues,
ne vouloit pas lui céder en générosité. Il connoissoit son
désir de conserver intacts les biens de la famille; espé
rant une union dont les conventions dévoient et au delà
l ’indemniser, il avoit cru prouver à sa nièce et à son
frère
�49
46?
(
)
frère sa confiance sans b o r n e , et son empressement à
leur être agréable. Sa nièce fut dépositaire de cet écrit ;
il le fit seul ; il étoit seul avec sa nièce lorsqu’ il le lui
remit. L ’union projetée n’eut pas lieu; un autre mariage
s’est fait ; des enfans sont survenus : et cet écrit seroit un
acte valable ! il auroit lié une partie et non pas l’autre !
Mais tout ce que nous avons dit seroit inutile, si le
temps pendant lequel l’action étoit ouverte s’étoit écoulé
sans réclamation , si cette action n’éloit plus recevable.
O n oppose une fin de non-recevoir de dix ans, et on
invoque l’article 1304 du Code Napoléon. Répondons
immédiatement à cette fin de non-recevoir, sans en faire
un chapitre particulier; elle ne demande pas une longue
discussion, et ne sauroit être séparée de ce qui précède.
D e quoi s’agit-il ?
»
D ’une action pure et simple en pétition d’hérédité.
Cette action dure trente ans : cela est incontestable, &
moins qu’ une convention intermédiaire ne la repousse.
P o u r lors l’action doit être précédée ou au moins ac
compagnée d’une demande dont le but soit d’écarter cette
convention , c’est-à-dire, d’une demande en nullité ou
rescision.* On voit en effet que l’article 1304 du Code
ne parle que d’une convention.
La Cour a appliqué ce princice à la cause du sieur
S au ln ier, parce que depuis une vente consentie sous
Fempire du C od e, dix ans s’étoient écoulés sans récla
mation de Jacquot , qui prélendoit la faire déclarer
frauduleuse. On a jugé que dix ans lui avoient suffi pour
se p o u rvo ir, depuis le jour où il avoit connu la fr a u d e ,
et qu’après ce terme il 11’étoit plus recevablç à demander
la nullité de la convention.
G"
�M a is, par arret du 22 février 1 8 1 2 , la Cour a jugé
aussi, dans la cause des Portas, que l'approbation donnée
à un acte n u l, et la réception du prix de cet acte par
celui-là même qui l’avoit consenti, n’étoit ni une ap
probation valable, ni un acte contre lequel il fallût se
p ou rvoir dans les dix ans.
« Attendu , porte l ’arrêt, que la cession de 1766 avoit
« pour objet les droits du vendeur dans la succession
« de ses père et mère vivans; qu’une pareille convention
« étoit prohibée par les lois; qu’elle n’a pu être validée
« par la quittance de 1788, puisque cet acte n’exprime
« ni la substance du contrat,’ ni le m otif de l’action en
« nullité, ni l’intention de réparer le v i c e . . . . et qu’il
« ne s’est pas écoulé un temps suffisant pour la prèscc cription de Paction en nullité. »
, L ’application de cet arrêt à la cause est un peu plus
facile que celle de l ’arrêt Saulnier. O n y voit au moins
que la simple approbation d’un acte nul n’écarte pas la
demande en n u llité, et ne la convertit pas en un simple
droit de rescision, quoique l’acte approbatif soit synallagmatiqur.
A plus forte raison, dès qu’on a prouvé qu’ il n’est
émané du sieur Bancal aucun acte, aucune convention T
pas même une simple disposition qui lui ait arraché sa
portion héréditaire, il n’a besoin de former aucune de
mande en nullité ni en rescision ; et en effet il n’a de
mandé ni l’une ni l’autre, mais seulement un partage de
succession. Et dès qu’il n’y a pas trente ans de prescrip
tion , sa demande est recevable.
O u lui reproche d’avoir gardé quatorze ans le silence*
�5
( i )
D ’abord, ce ne seroit pas une fin de non -recevoir;
E n second lieu, les appelans n’ignorent pas qu’après la
déclaration de l’an 6 , le sieur des Issarts a resté quelque
temps encore éloigné du lieu de sa naissance; que bientôt
après son mariage il a réclamé verbalem ent; que l’espé
rance de terminer à l’amiable, lui a fait long-temps différer
une action judiciaire; enfin, que plusieurs années se sont
passées à parler d’arrangemens, et à tenter un arbitrage.
L e délai de son action n’est donc pas un moyen à lui
opposer.
§. I L
Demande en désistement du pré des Carmes»
Ce chef ne demande pas une longue discussion.
L e pré-verger, situé sous les Carmes, a été acheté p o u r
' le sieur des Issarts; l’adjudication et une déclaration de
mieux l’attestent. L e sieur des Issarts a payé i , oo fr.
sur le prix de l’adjudication.
Quel acte l’a dépouillé de cet propriété ? comment
a-t-elle passé dans les mains d’un autre? qui lui a rendu
5
5
ses i , oo f r . ? Si ces questions restent sans répon se, la
demande est établie.
O n a tenté de les prévenir. U n abandon'de la décla*
ration de mieux a été supposé dans un compte du 13
5
messidor an .
O n a supposé encore que les i , oo fr. y a voient été
5
portés; les appelans l’ont cru et l’ont articulé.
Mais le sieur des Issarts est porteur du projet de compte
présenté par Louyrette à cette époque; et il n’y est qucsG- 2
�.
(
5 2
)
t io n , ni de la'déclaration de mieux , ni desri,5 o o fr.
qu’on prétendoit avoir comptés.
Cependant le résultat du compte ¡fo r m é (Vautres éïém e n s, est identiquement le même que celui dont les appelans conviennent. Il fit la matière d’un billet sous seing
privé ; il est rappelé dans le compte de l’an 8 , et fait
le fondement des quatre obligations consenties aux enfans
Bancal.
Il n’y a donc eu ni pu avoir d’autre compte, ni d’autre
co n ven tio n , puisque surtout le sieur des Issarts n’auroit
pu abandonner à son frère le profit de la déclara tion
de m ie u x , sans recevoir au moins ce qu’il avoit versé
en assignats de 1791 , tandis que le surplus n’a voit été
payé par son frère qu’en assignats dépréciés. E t certai
nement les i , oo'fr. ne lui ont jamais été comptés, pas
5
plus que les 300 f r . , payés sur les autres héritages acquis
partiellement à Aulnat. Nous croyons avoir suffisamment
établi tout cela dans le récit des faits.
O ù est donc le titre des appelons, pour détruire celui
du sieur des Issarts ?
Les appelans se sont fait un grief d’appel, de ce qu’on
n’a pas ordonné la restitution de leur prétendu double
de l’an ; mais on ne le pouvoit pas, sans qu’ils en eussent
légalement prouvé l’existence, et on le pouvoit encore
m oin s, parce qu’ ils se bornoient à en faire un moyen
d’éxception ; car on ne trouve ni dans la pro céd u re,
ni dans le jugement aucunes, conclusions sur cette remise.
5
Comment donc .prétendent-ils se les faire adjuger en la
Cour ?
'
. L e sieur des Issarts, qui n’a pas lui-m êm e rédigé ses
�53
(
)
conclusions, s’étonne qu’il y ait une demande positive
pour le pré des Carmes, et qu’on se soit b o rn é, pour
les autres héritages partiels, à demander la restitution
des jouissances. 11 a voit demandé d’abord cette restitu
tion pour le domaine d’Aulnat et autres héritages, le
domaine de Bonneval et le pré des C arm es, ce qui emportoit prétention de propriété du tout.
Cette prétention, appuyée sur un titre authentique,
ne fut pas formellement accompagnée de la demande en
désistement.
Elle a été ensuite positivement formée pour le pré
des Carmes seul.
j
L e sieur des Issarts ne peut pas aujourd’hui proposer
à la C our de recevoir et de juger une demande plus
am ple; il faut bien qu’il la prenne telle qu’elle a été
form ée; mais ce qu’on vient de dire démontre qu’on ne
peut tirer aucun argument contre lui de la forme de sa
demande, puisqu’il a prétendu à la propriété de tout;
.et, au surplus, ce qui sera jugé pour le pré des Carmes
entraînera une conséquence forcée pour les autres hé
ritages.
.
§.
IIL
f
Demande en reddition de compte.
Ce chef de demande est plutôt de fait que de droit j
il n’entraînera pas non plus une grande discussiou , puis
que nous en avons forcément mêlé quelque chose dans
le récit des faits.
Il est constant, en d ro it, que les erreurs et les omis
sions vérifiées dans des com p tes, peuvent toujours être
recliCces : ce principe ne sera pas conteste.
�5
( 4 )
II est constant, en fait,
*
Que le sieur Bancal a în é , et après lui la demoiselle
B an cal, sa fille, ont géré et administré, depuis 1 7 9 1 ,
les biens et les affaires de l’intimé ;
' Q u ’ils ont rendu, ou qu’un tiers a rendu pour e u x ,
des comptes de diverses espèces ;
D ’abord un compte de tout ce dont l’aîné étoit créan
cier pour les avances de Bonne v a l,
Ensuite un compte de diverses années de jouissances,
en commençant à 1796 seulement;
Que le sieur des Issarts a reçu ces comptes partiels
d’années détachées.
Mais il résulte de ces états de compte, q u ’il n’a jamais
} été question entre les parties des jouissances antérieures
à 179 6, non plus que de celles postérieures, pour le pré
des Carmes et les autres héritages : et en comparant les
comptes partiels, leurs résultats et les obligations qui
constituent sa dette, il est évident qu’on n’a jamais fait
déduction de ces jouissances, que les appelans ont ce
pendant perçues.
M a is , dit-on, ces comptes, ces obligations et le paye
ment de 692 francs, résultat des états de l’an 1 0 , cons
tituent autant de fins de non-recevoir contre une de
mande en reddition de compte.
Gela demande explication.
‘ O u i , sans doute, il y fin de n o n - r e c e v o ir pour les
comptes rendus, mais non pour ceux qui ne Io sont pas.
L ’omission une fois vérifiée, comme elle l’est certaine
m ent, le sieur des Issarts a le droit de la faire réparer ; et
cela no peut sc faire quo par un compte.
Mais ce compte no pouvant Être quo celui-dos chosos
�55
(
)
omises, le sieur des Issarts sera obligé de souffrir, quelle
qu’en puisse être l’exagération, la fixation faite pour cer
taines années -, ainsi les obligations seront portées en
compte comme créance arrêtée, et supporteront seule
ment la déduction des choses omises.
Cela ne semble pas douteux ; et c’est cependant tout
ce qu’a demandé le sieur des Issarts, et ce que lui a re
fusé le juge dont est appel.
S’il eût payé les quatre obligations dont il produit
les élémens, il pourroit, en vertu de l’art. 1257 du Code
Napoléon, répéter ce qu’il auroit payé sans le devoir.
Comment donc seroit-il non recevable à vérifier ces
comptes, pour avoir consenti des obligations? L e juge
pourroit-il trouver dans la loi une exclusion aussi ri
goureuse ? L e sieur des Issarts ne sauroit se le persuader,
et s’il en étoit ainsi, il s’y soumettroit sans m u rm u re,
satisfait de penser q u e , tout en prononçant la fin de nonrecevoir, le juge demeureroit persuadé qu’il n’a jamais
reçu ce qu’il demande.
On ne refusera pas au moins de lui rendre sa procu
ration.
L e sieur des Issarts ne s’arrêtera pas longuement ici
sur 1’observation de ses n eveu x, qu’il leur a occasionné
des dépenses considérables en vivant chez e u x , et d’une
manière qui n’étoit pas la le u r; 011 l’ticcoseroit de pe
titesse, peut-être, s’ il alloit jusqu’à contester cette vérité
prétendue. Il ne le fera pas moins, tout en avouant qu’il
a quelquefois vécu chez ses n eveu x, mais sans jamais don
ner lieu à aucune dépense extraordinaire.
Non , le sieur des Issarts ne m ent pas à sa conscience ;
il n’est pas dans l'égarement : il y fut un instant, peut-
�56
(
)
être, lorsqu’il livra l’écrit de l’an 6 à une nièce qu’il
affectionnoit, qu’il estimoit, et qu’il ne cesse pas d’es
timer. Ce mouvement spontané dût-il lui devenir nui
sible, il ne sauroit roug ir, ni de son irréflexion d’alors,
ni de sa conduite actuelle. La justice dût-elle condamner
sa prétention , elle ne s’armera pas contre lui d’une in
dignation qu’il n’a pas encourue; elle ne le repoussera pas.
Outragé par ceux qui lui appartiennent de plus près,
il auroit le droit de se plaindre des injures dont on l’a
accablé sans preuve comme sans utilité; il pourroit de
mander à la justice une réparation qu’elle ne lui refuseroit pas; m ais, fort de sa conscience, il dédaigne ces
moyens de la l o i , surtout envers des neveux qui sont
dans l'égarement. Il a exposé sa cause; il s’est fait un
devoir de la faire connoître telle qu’elle est; il a dit ce
qui lui a paru en sa faveur; il n’a pas dissimulé ce qui
présente contre lui des apparences : satisfait d’avoir
éclairé sa con d u ite, il livre maintenant sa cause à la dé
cision de la justice.
Signé J . H . B A N C A L .
M e. V I S S A C , avocat.
Me. G A R R O N jeune, avoué licencié.
A RIOM, de
l’imp. de TH IBAU D , imprim. de
la
Cour impériale, et libraire
rue des T aules, maison L andriot ., — Novembre 1812.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Issarts, Jean-Henry des. 1812]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
renonciation à succession
successions
notaires
biens nationaux
experts
testaments
créances
assignats
jurisprudence
administration de biens
manufacture de bas de soie
ventes
offices
domaines agricoles
industrie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour sieur Jean-Henry des Issarts, intimé et incidemment appelant ; contre les sieur et demoiselle bancal, les sieur et dame Dalbine, appelans et incidemment intimés.
Table Godemel : approbation. Voir mineur. Voir autorisation : 2. l’approbation d’un testament nul pour cause de prétérition rend-elle non recevable à l’attaquer ensuite ? la déclaration, de la part de l’enfant prétérit, qu’il consent la pleine et entière exécution du testament de son père, fait délivrance de toutes dispositions contenues sans ledit testament et quitte, si besoin est, sa succession de toutes choses quelconques, équivaut-elle à une approbation expresse ? quel délai l’enfant prétérit avait-il pour se pourvoir contre cette déclaration, devait-il agir dans les dix ou les trente ans ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1812
1785-1812
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2121
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2120
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53417/BCU_Factums_G2121.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Aulnat (63019)
Romagnat (63307)
Bonneval (domaine de)
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administration de biens
assignats
biens nationaux
Créances
domaines agricoles
experts
industrie
jurisprudence
manufacture de bas de soie
notaires
offices
renonciation à succession
Successions
testaments
ventes
-
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7c0d2d5aab8f51a73da758f28013bc69
PDF Text
Text
5
P R
E
C
I
S
POUR
L e Sieur C l a u d e U S S E , propriétaire et marchand,
habitant de la ville d’Aurillac, appelant d’ un juge
ment rendu au Tribunal civil de la même ville, le
1 2 décembre 1 8 1 2
CONTRE
L e Sieur J
ean
V A L E T , menuisier, habitant de la
même ville ;
ET E N C O R E C O N T R E
L e Sieur D I E U D O N N É - F L E Y S S A C , aussi intimé.
Q U E ST IO N S.
1.° L e
voisin qui s’est interdit la faculté de bâtir ,
et de faire construire dans sa cour , de manière que
l'autre voisin ne puisse, dans aucun tems, être privé
des jo u rs et vue qu'il a sur cette cour, a-t il p u au
//
�•
.
( o
é
préjudice de cette convention, fa ire construire un bâti«
ment dans cette même cour, qui gêne Les jours et La vue?
2.° Qu entend-on par vue d ’aspect et de prospect?
Ï i E S conventions faites entre les parties leur tiennent
lieu de loi, et doivent être exécutées de bonne foi. La
loi générale ne peut d é r o g e r aux conventions particu
lières : c’est un principe généralement réconnu.
L e sieur Usse, par un traité authentique, est con
venu avec son voisin, le sieur Fleyssac, que celui-ci
ne pourrait faire aucune construction dans sa cour.
Celte convention n’a pas été gratuite, le sieur CJsse en
a payé le prix : elle était d’autant plus importante
pour lui, que le plus grand agrément de sa maison
était la facilité d’avoir des vues dioites et étendues,
sans lesquelles sa maison deviendrait inhabitable par.
soii*obscuiité, . , - ,
, »
f.
Il
est tout à coup privé de cet avantage, par l’en
treprise téméraire d’ un nouvel acquéreur, qui, au
mépris de la prohibition, a construit un bâtiment dans
sa co u r, qui obstrue les jours et les vues de l’appelant.
Valet, acquéreur du sieur Fleyssac, ne s’est pas
contenté de construire, il a pratiqué dans le bâtiment
nouveau, une cheminée qui, n’ayant pas la même élé
vation que la maison du sieur Usse, remplit ses appar
tenions de fumée, et les rend inhabitables toutes les
fois que régnent les vents d’est.
L e sieur Usse s’est plaint de cette entreprise; il a
�(
3
)
„<
demandé la démolition du nouvel œuvre ; il a appuyé
sa prétention des titres les plus-précis; il a succombé
dans sa demande. Il est difficile de justifier le jugement
dont est appel : ses motifs sont inconciliables avec les
faits reconnus; les titres ont été tronqués, et le dispo
sitif viole ouvertement les conventions faites entre les
parties. Il sera facile de s’en convaincre par le récit
des faits, et l’analyse des litres qui ont été produits.
,
‘
,
F A I T S . ,
- ,
•
.r
!
L e i o avril 1 7 7 6 , le sieur Bonnet Usse, père de
l’appelant, acquit d’un sieur Milhiau , une maison
située en¡la ville d’Aurillac, rue du Cerf. Cette maison
en composait autrefois deux; elles étaient séparées pat
un mur de refend. La partie du côté du couchant joi-.
gnait, sans m oyen , une ruelle qui divisait cette pre
mière maison d’avec celle du sieur Carrier, vendeur du,
sieur Fleyssac.
,
■■
J
Celte ruelle était la propriété du sieur Usse; elle rece
vait les égouts de son toit, et il y avait des latrines
exclusivement à son usage.
L ’autre maison du sieur Usse prenait jour sur le der
rière, en face d’ un jardin et petite maison du s.rNou veau ;
elle avait aussi, sur le derrière, un emplacement d ’en
viron trois pieds de large, qui longeait toute la façade;
cet emplacement servait à recevoir les égoûts du toit,
les eaux des éviers qui existent encore; les immon
dices des latrines passaient également par ce vacant^
�et allaient se verser dans ;un ' canal placé à l’endroit
où le sieur Fleyssac a fait construire des latrines. J
L e sieur Nouveau devait fournir le passage au sieur
Usse, soit pour nétoyer le can al, soit pour les répa
rations du derrière de la maison; enfin le sieur Usse
avait sur ces emplacemens des jours libres et h hauteur
d’accoudoir, qui n’étaient ni grillés ni fermaillés.
Fleyssac qui avait déjà acquis une maison du sieur
Carrier, achela en 1 7 8 4 , la petite maison et le jardin
du sieur Nouveau ; mais ce dernier l’obligea, dans le
cas où Fleyssac démolirait cette maison, de ne pouvoir
y reconstruire qu’ une écurie ou un angard. Devenu
propriétaire; il démolit la petite maison, construisit
une petite écurie sur partie d'icelle; et le surplus de
l ’emplacement, ainsi que le jardin, ne iit plus qu’une
cour à l’usage de la maison Carrier.
C ’ est en 17 8 5 que ce changement eut lieu; cela
est prouvé par un traité du 2 juin 1 7 8 5 , passé entre
Fleyssac et Manhes voisin commun des parlies. Fleys
sac paya 72 fr. pour avoir adossé son écurie à la maison
des Manhes.
lie sieur Fleyssac voulut aller plus loin : il tacha de
s’ approprier la ruelle qui était entre la maison du sieur
Usse et la sienne, venue de Carrier; il commença
par changer l’égoût de ses.toits pour les déverser dans
la ruelle. L e sieur Bonnet Usse s’y opposa, et réclama la
propriété exclusive de cette ruelle; il y eut demande
qui fut impoursuivie à raison du décès du sieur Usse
père, laissant son iils à Tage de
ans.
onze
�(
5)
2#
L e sieur Fleyssac , proposa à l’appelant encore mi
neur de terminer amiablement le procès ; il y eut tran
saction entre e u x , le
3
ventôse an 9. Cet acte est
essentiel à connaître.
Il est convenu, article i . er, que le sieur Usse. aura
la propriété de la ruelle qui est entre sa maison
et celle du sieur Fleyssac, jusqu’a la cantonade , ou mur
de front de cette maison ; le surplus de la ruelle entre
la maison du sieur Usse , et le mur fermant de ce côté
la galerie de la maison Fleyssac, dans laquelle galerie
il y a des lieux d’aisance, demeure commun entre
les parties.
Par l’article 2 , il est dit que le mur de la maison.
Fleyssac, jusqu’à la cantonade demeure dès à présent
.mitoyen. L e sieur Usse a le droit de couvrir la ruelle
jusqu’à la cantonade, et d’appuyer sur le mur Fleyssac
dans les réparations et constructions qu’il fera. Il a le
droit de changer les fenêtres de sa maison, qui donnent
sur l’enlière ruelle, et de les transporter en face de là
cour de Fleyssac, sans outrepasser néanmoins la can
tonade de la maison de ce dernier.
3
L ’art.
règle les fenêtres que doit avoir le sieur
Usse dans celte partie.
lui est permis d’agrandir,
11
quand bon lui semblera, la fenêtre de son magasin ou
salon , aussi prenant jour sur la cour, le tout à la charge
par lui de griller les fenêtres.
Par l’art. 4 , « L e sieur Fleyssac et les siens ne pour
ront bâtir , n i fa u e aucune espèce de construction dans
ladite cour , de manière que le sieur Usse ne pourra y
�• VV .
(6 )
dans aucun tems, être privé des jo u rs et vues qu’il a
sur ¿celle ».
Enfin, l’art. porfe quittance d’une somme de 480 fr.
payés par le sieur Usse, à raison de cette convention.
Il est bon d’observer qu’à l’époque où les parties
transigeaient, il n'existait dans la cour aucune espèce
de bâtimens; tout avait été alors abattu, et notam
ment cette partie de bâtiment dont on aperçoit en
core les traces de l ’ancien toit. Il n’existait que la petite
écurie bâtie en 1 7 8 5 , et qui joint la maison Manhes,
aujourd’hui Rouget.
L a clause portée par l ’article 4 de la transaction
est conçue en termes prohibitifs et irritans. L e sieur
Fleyssac n’a pas conservé le droit de bâtir, pourvu
qu ’il ne gêne pas les jours de son voisin, il s’interdit
pour lu i ou les siens, la Ja c u lt è de pouvoir b â tir , n i
fa ir e aucune espece de construction dans la cour.
Ce qui est ajouté , de maniéré que le sieur Usse
' ne pourra , dans aucun tems , être privé des jours et
vues qu'il a sur icelle, loin d’atténuer ou de modifier
la prohibition , ne fait que lui donner plus de force.
C ’est la seule idée qu’on puisse concevoir de la clause,
même grammaticalement; il s’est interdit absolument
le droit de bâtir et de faire aucune espèce de cons
truction.
5
L ’année suivante, et le 22 germinal an 1 0 , nou
veaux arrangemens avec le sieur Fle_yssac.
L e père et le fils vendent au s.r Usse une partie de
cour dépendante de leur maison, 16 pieds environ,
�(7)
du côté de la maison de l ’appelant, depuis le mur
de l’écurie des vendeurs, jusqu’à l'alignement-de leur
galerie, ou le tambour de leurs latrines.. Toutes les
mesures et dimensions de chaque côté sont détaillées
dans l’acte avec précision.
Il est convenu que le sieur Usse fera construire,
lors de son entrée en jouissance, à ses frais et dépens,
un mur ordinaire de clôture sur le terrein vendu, de
trois mètres de hauteur, lequel mur sera désormais
mitoyen « avec liberté au sieur Usse de construire,
« si bon lui semble, des degrés pour sa maison, ayant
« aspect et prospect sur le restant des propriétés des
« vendeurs ». Usse se réserve l’exécution de l’acte
du
ventôse an 9 , en tout ce qui n’est pas dérogé
par cette vente.
11 est fuit d’autres conventions relativement à l'é
coulement des eaux , qu’il est inutile de faite con
3
naître. L e prix de cette vente est de
comptant.
5oo francs payés
-
L e 10 vendémiaire an 1 2 , le sieur Fleyssaca ven
du à Valet, intimé, la basse-c our, écurie et grenier,
sans autre énonciation que ces mots, avec les servi
tudes dues et accoutumées, moyennant i,3oo francs.
Vallet , acquéreur, a laissé les lieux dans leur ancien
é t a t , jusqu’en 1 8 1 0 , qu’il a établi sur une partie de
la cour un bâtiment avec cheminée, qu’il a joint à
écurie. Usse s’est opposé il ce nouvel œ u v r e , et a
fait citer le sieur V a le t, le 9 octobre 1 8 1 0 , après
avoir formé opposition à toute construction, par acte
1
�( 8 j
extra judiciaire* du 1 4 septembre i 8 r o , le même jour
que Valet voulut entrependre de dénaturer les lieux.
‘ Il demanda qu’il lût fait défense de passer outre,
et que Valet fût tenu de démolir sa nouvelle bâtisse.
A son tour Valet exerça
'j une demande en recours
contre le sieur Fleyssac, et le 1 2 décembre 1 8 1 2 , la
cause ayant été portée à l’audience du tribunal d’ Aurillac, le sieur Usse a été purement et simplement
débouté de sa demande, et a été condamné en tous
les dépens envers toutes les parties.
Les premiers juges font mention , dans leurs motifs,
qu’ ils se sont transportés d'office sur les lieux conten
tieux , quoique les parties les eussent respectivement
requis d'ordonner leur transport.
Les motifs qui les ont déterminés sont «que le b a«
«
«
«
«
«
«
timent dont il s’agit a été construit sur remplacement d’une ancienne maison qui avançait jusqu'au
jardin du sieur Nouveau , de l’aveu formel et réitéré
du sieur U s s e , et laquelle était plus élevée que la
construction actuelle, comme le prouve la filière
de l’ancien toit, encore adhérente au mur de la
maison voisine ».
« Attendu 2.0 , que par le traité du
ventôse an
« 9 , le sieur Fleyssac s’interdit la faculté de faire
3
« dans sa cour, aucune construction qui pût priver Fran« çois Usse des Jours et vues qu’il avait sur celle cour,
« mais que la nouvelle construction n’a pas contrevenu
« à celte convention, puisque Usse a tou le cette cour
« en face de ses fenêtres, el qu’il île pouvait pas môme
découvrir
�( )
9
* découvrir remplacement où Valet a fait bâtir ré« cemment son écurie, en dérobait la vue presqu’en« tièrement.
« .° Que la même raison milite également contre
« la clause de la vente du 12 germinal an 1 0 , qui
« permet à Usse de construire , sur la portion
« de la même cour qu’il achetait, un escalier ayant
« aspect et prospect sur les fonds restant aux ven
te deurs, puisque le prospect ne s’entend que d’ une vue
« droite et en face, laquelle, dans aucun cas, ne
« pouvait s’étendre que sur le surplus de la cour, et
3
« nullement sur l’emplacement de la nouvelle cons« truction.
«
«
«
«
«
« 4.0 Que si Fleyssac, en achetant, en 1784, la maison
à la place de laquelle ont été depuis construits l’écurie
de Valet et le nouveau bâtiment, s’obligea , dans le
cas où il démolirait cette maison, de n’y reconstruire
qu’ une écurie ou angard, cette convention, relative
seulement au sieur Nouveau, pour diminuer l’ombre
« de son jardin , est étrangère au sieur Usse, et ne lui
« donne aucune action
Tels sont les motifs de ce jugement; on n’y recon
naît pas la sagacité ordinaire du tribunal; et les pre
miers juges n’ ont ni rapporté également le traité do
l ’an 9 , ni respecté les conventions des parties.
I-e sieur Usse' a interjeté appel de ce jugement,
par exploit du février 1 8 1 . En expliquant ses griefs,
il s est fondé i.° sur la disposition du traité du ventôse
an 9 , par laquelle le sieur Fleyssac s’est interdit la
3
3
3
3
�( 10 )
faculté de faire aucune espèce de construction dans
sa cour.
2 ° Sur la vente du 1 2 germinal an 1 0 , par laquelle
les sieurs Fleyssac père et fils lui ont vendu partie de cette
cour, avac le droit d’y construire un escalier ayant
aspect et prospect sur le restant des propriétés des ven
deurs, avec convention expresse de l'exécution du
traité précédent.
. Il a observé que Valet n’avait acquis que posté
rieurement, et qu’il ne pouvait avoir plus de droits
que son vendeui’.
Il a ajouté qu’à l’époque des actes passés entre lui
et les Fleyssac, il n’existait aucun bâtiment dans l’em
placement sur lequel Valet a construit une cuisine et
greniers par-dessus, et que le terrein sur lequel Valet
a construit était réuni à la cour; que dès-lors il était
indifférent pour la cause, qu’il y eût anciennement
et avant le traité et la vente, sur ce terrein et celui
occupé par l’écurie de Valet, une maison quelconque
plus élevée que celle que Valet a fait bâtir ; qu’il suffit
qu’à l’époque des actes passés entre l’appelant et les
Fleyssac, il n*y eût aucun bâtiment sur ce terrein.
L e sieur Usse a encore remarqué qu’il n’est pas exact
de dire, comme l a fait un des motifs du jugement,
que la nouvelle construction de Valet ne porte pas
atteinte aux vues droites d'aspect et de prospect que le
sieur Usse a le droit d’avoir, non-seulement sur la cour,
mais même sur toutes leurs propriétés, puisqu’il suffit
de monter au premier étage de sa maison pour s’aper-
�( 11 )
î' ’ é ]
cevoir que le bâtiment construit par Valet dérobé
entièrement la vue qu’avait Usse avant cette construc
tion.
E n fin , le sieur Usse se plaint de ce que le tuyau de la
cheminée praliquée par Valet, se trouve en face de
ses fenêtres, et lui occasionne les plus grandes in
commodités; qu’il suffit que le vent souffle vers le
couchant pour que ses appartemens soient remplis de
fumée, et deviennent inhabitables.
Tel est l’état de la cause. Avant de discuter les
moyens, il convient de rappeler briévemeut les prin
cipes de la matière.
En général, le propriétaire du sol a le droit de bâtir
et d’élever tant qu’il lui plait ; c’est une faculté'de
droit naturel; mais celte faculté peut être modifiée ou
anéantie par des conventions paaticulières, parce que
chacun peut imposer une servitude sur son fonds, et
ces conventions n’ont rien que de licite; elles sont sur
tout permises entre voisins, lorsqu’il s’agit de vues ou
d’aspect, parce que la première jouissance consiste à
avoirdesvuesétendueset libres, pour la salubritécomme
pour l’agrément.
Les lois romaines ont attaché la plus
grande importance à tout Ce qui peut procurer de la
commodité ou de l’aisance aux habilans, et ont permis
toutes les conventions relativement aux fenêtres ou
vues des maisons, ne Luminibus ojjiciatur. El quoique
la loi 1 2 , §. 4 , au cod. liv. 8, lit. 4 , permette à chacun
d eleveraulanl qu’ il lui plait, pcrmittimus cittolLetc cvdific ia , cependant celle faculté indéfinie ne peut avoir
4
�(
1
2
)
lieu que pour ceux qui n’auraient pas- de titre con-s
traire, et s’il y en a , elle ordonne de s’y conformer,
quandoquidem competentia ja m quibusdani ex con
vention ju ra per generalem au/erri legem non opportet.
L a loi 9, cod. liv. , lit. 3 4 , dit que si le voisin dont
la maison vous doit une servitude, l’a élevée plus haut
qu’il ne devait, il vous est libre de vous pourvoir pardevant le prêteur, pour faire abattre à ses frais le
nouvel œuvre qu’il a fait, si m œdibus vicini tibi
débita servitute parielem altiîis œdificavit H eraclius ,
novum opus, suis sumpUbus, per prœsidem provinciœ
tollere competitur.
L a loi i , fï. liv. 3 9 , tit. i . er, contient la même dis
position.
3
5
L ’art. 686 du Code Napoléon permet aux proprié
taires d’établir sur leurs propriétés telle servitude que
bon leur semble; l’art. 701 défend au propriétaire du
fonds, débiteur de la servitude, de rien faire qui tende
à en diminuer l’usage, ou à le rendre plus incommode ;
enfin, l’art. 1 1 3 4 veut que les conventions légalement
formées, tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites;
elles doivent être exécutées de bonne foi.
• Voilà donc des principes qui ne sont susceptibles d’au
cune contradiction, et il ne s'agit que de les appliquer.
P ar le traité du
venlôse an 9 , Fleyssac s’est in
3
terdit la faculté de bâtir , de /aire aucune construction
dans sa cour> Cette concession, ou, si l’on veut,
celle servitude, n’a pas été gratuite; elle est faite
moyennant la somme de 480 fr.; elle n’a rien d’illi-
�c 13 )
'dés?
»>•>?
cite, ni de contraire à l ’ordre public et aux bonnes
mœurs; elle doit donc être exécutée de bonne foi.
Si elle présentait quelqu’ ambiguité, elle s’interpré
terait contre celui qui était maître de sa chose; qui
pouvait dicter la loi; qui traitait avec un mineur, et
qui ne peut se plaindre d’aucun manège ni d’aucune
surprise, potuit legeni aperUus conscribere. C ’est un
•traité à la suite d’un procès; un acte solennel qui, à
plus forte raison, doit faire la loi. L ’interdiction de bâtir
est générale et absolue, sans condition; Fleyssac a vendu
moyennant un prix, la faculté qu’il avait, qu’a tout
propriétaire de construire sur son sol; il pouvait s’im
poser cette servitude, qui ne frappe -pe» sur le fonds
et ne tient pas à la personne : dès-lors pourquoi cette
convention ne serait-elle pas exécutée dans toute sa
rigueur?
*
‘ Les premiers juges n’ont trouvé d’autres moyens,
pour écarter la convention , que de tronquer la clause;
ils ont dit que le sieur Fleyssac s’était seulement sou
mis à ne faire aucune construction qui pût gêner la
vue du sieur Usse; et ils ont entendu que Fleyssac
avait toujours conservé la faculté de bâtir, pourvu qu’il
ne portât aucune atleinteaux vuesdeson voisin ; mais ce
n’est pas là du tout cequi a éléconvenu. Fleyssacs’est in*terdit la faculté de pouvoir bâtir n i fa ire aucune espèce
de construction; s’il est ajouté «de manière que ledit Ussè
ne pourra être privé des jouis à vue qu’il a sur ¡celle »,
cela veut dire, en termes frès-précis, que les choses
resteront en l’état où elles sont, et que Usse conser-
—
�(H )
vera la plénitude des jours et des vues qu’il pouvait
avoir à l ’époque du traité.
Cela est d’autant plus v rai, que dans le moment
où traitait Usse , dans l’état où étaient les lieux, il
avait vue sur la campagne dans toute la partie qui est
à l ’est, et qui n’a aucun bâtiment; Valet, en construi
sant à cô léd e l’écurie, unecuisine, ungrenierau-dessus,
a établi, prolongé, une surface plane qui non-seule
ment diminue les jours anciens sur la cour, mais prive
t
totalement Usse de la vue dont il jouissait sur la cam
pagne avant le nouvel œuvre, et il était aisé de le
sentir: c’est ce qui a été prévu. Usse a payé une som
me de 480 fp»-pour que les choses restassent en l’état
où elles étaient, pour qu’il n’y eût pas d’autre cons
truction, qui gênât la vue, ou diminuât la circulation
de l’air.
l i a toujours traitédans les mêmes intentions; la vente
qui a suivi la transaction en est une nouvelle preuve;
lorsqu’il a acheté une partie de la cour, il a stipulé
que l’escalier qu’il se proposait de bâtir, aurait des
vues d'aspect et de prospect sur le restant des propriétés
du sieur Fleyssac; il a fait le sacrifice de oo fr. pour
cet objet, et pour ajouterencoreà l’agrément qu’il avait
payé par le premier acte.
5
Or, qu’est ce qu’ une vue de prospect ? Desgodets,
lois desbâlimens, sur l’article 202 de la coutume de
Paris, et dans ses explications sur cet article, examine
quelles sont les diil’é renlcs sortes de vues que peut
obtenir un voisin ; il en dislingue de quatre sortes,
�(15)
i.° celles que l’on nomme lumière ou vue de cou
tume en un mur joignant sans moyen à 1 liérilage
voisin; 2.0 les vues de servitude; .° les vues droites;
4.0 les baies de côté : il remarque que les trois dernières
peuvent avoir par titre un droit d’un espace de trèsgrande étendue, pour leur conserver le jour et la vue
môme sur plusieurs héritages, et alors ou les nomme
3
vues de prospect.
On sait combien Desgodets était éclairé sur cette
matière; il dit souvent dans le cours de ses notes, et après
lui Goupil tient le même langage, que les vues doivent
se régler d’après le titre et la convention qui fait cesser
la règle générale. L a vue de prospect est pleine et en
tière; elle n ’a d’autres bornes que l’horison, et quand
une fois celle servitude est due, celui qui s’y est sou
mis ne peut rien faire qui puisse eu gêner l'exercice.
C ’est précisément l’espèce où doit naturellement se
placer le sieur Usse; il est porteur de deux titres: par
le premier, Fleyssac ne peut faire de consruction
d'aucune espèce; par le second, il vend les vues d ’as
pect et de prospect sans aucune limitation sur le restant
de ses propriétés. Il n’est nullement dérogé au premier
traité; il ne peut y avoir deux manières de l’eu tendre;
s’il y avait de l’obscurité, il faudrait l’interpréter contre
le vendeur, et Valet qui le représente 11e peut avoir
plus de droit que lui : il doit respecter toutes les con
ventions de son auteur.
Cela est d’autant plus jusle, que le sieur Usse a
payé au cher denier lu facilité qui lui a été accordée
�V
( ' * )
pour ses vues. Il a déboursé 980 francs pour avoir des
vues libres, ou pour donner à son escalier des jours
d’aspect et de prospect, tandis que Valet a acquis,
pour la somme de i , oo francs, une vaste cour, une
écurie qu’il n'aurait pas obtenues à ce prix, si ces ob
jets n’avaient pas été assujétis à une servitude envers
le voisin, s’il avait pu user librement de la cour qui
lui a été vendue.
Cependant Valet croit avoir le droit d’exercer uue
demande en recours contre le s.r Fleyssac, quoiqu’il ait
acquis avec les servitudes dues et accoutumées. Mais
enlr’eux le débat ; le sieur Usse n’y a pris aucune part,
n ’a rien à démêler avec Fleyssac , n’a pris aucune
conclusion contre lu i, et ne doit pas s’ en occuper.
C ’est contre Valet seul qu’il discute, parce que Valet
seul est l’auteur du nouvel œuvre qui nuit à l’appe
lant. 11 a prouvé q u e , d’après la clause de sa tran
saction , et son contrat de vente, Valet ne pouvait
faire aucun changement dans l’état des lieux. 11 ne
s’agit plus que d’examiner les motifs du jugement, et
d’y répondre.
I^es premiers juges disent d’abord que le bâtiment
qui donne lieu au litige a été construit sur rempla
cement d’ une ancienne maison qui avançait jusqu’au
jardin du sieur Nouveau.
Rien de plus indifférent que ce fait , puisque le
bâtiment ancien n’existait pas à l’époque du traité;
qu’il avait été démoli depuis 1 7 8 : ou ne peut le
désavouer. Celte démolition antérieure au traité est
prouvée,
V
3
5
�7
( i )
prouvée, soit par l’acte du 2 juin 1 7 8 5 , dont on a
déjà parlé, soiI par un procès-verbal'du i thermi
dor an 8 , fait au bureau de paix de la ville d’A urillac, un an avant le traité de l’an 9. Dans ce pro
cès-verbal qui est dans les pièces , on voit que le s.r
Fleyssac y déclare qu’il a démoli le bâtiment qui lui
avait été vendu par le sieur Nouveau, et qu’il l’a mis
en cour et jardin à l’usage de sa maison.
Il ne s’agissait donc pas de considérer si Valet avait
construit sur un ancien bâtiment, dès qu’il est établi
3
que ce bâtiment n’existait pas à l’époque du traité
de l’an 9 , et il faut prendre les choses dans l’état où
elles étaient alors.
Il
n’est pas même inutile de rappeler qu’à cette
époque, Fleyssac ne faisait pas un grand sacrifice en
s’interdisant' de bâtir, puisque le sieur N o u ve au , par
son contrat de vente de 1 7 8 4 , lui avait imposé la
même obligation , lorsqu’il aurait démoli l’ancienne
maison. L e sieur Fleyssac, en contractant le même
engagement avec le sieur U s s e , el lui faisant payer
celle faveur, tirait parti de son impuissance, et ne
changeait rien à sa position.
A la vérité , les premiers juges ont observé que la
condition imposée par le sieur Nouveau n'était que
pour diminuer l'ombre de son jardin , et que cette
convention était étrangère au sieur Usse. Cela est
v iai, et le sieur Usse n’a entendu en tirer d’autre
induclion , sinon que celte première convention don
nait plus de force à la seconde, dans le sens qu’elle
�( i8 )
est absolue, tout comme elle l’était vis-à-vis le sieur
Nouveau ; que le sieur Fleyssac avait dû contracter
dans la même intention, et d’ une manière aussi gé
nérale qu’ il l’avait fait avec son vendeur.
L e second motif du jugement serait au moins sub
til, puisqu’on change toute la clause du traité ; on la
présente comme si le sieur Fleyssac n’avait iait que
modifier le droit qu’a tout propriétaire de bâtir et
d’ élever autant qu’il lui plaît ; mais qu’il s’était tou
jours réservé la faculté de bâtir, pourvu que ses cons
tructions ne nuisissent pas à la vue du voisin sur ta
co u r; que la nouvelle construction ne contrevenait
point à cette convention, puisque le s.r Usse a toute
cette cour en face de ses fenêtres , et qu’il ne pou
vait pas même découvrir l’emplacement où Valet a
fait bâtir récemment, attendu que son écurie en dé
robait la vue presqu’entièrement.
' Les premiers juges, on le répète, ont syncopé la
clause, et en changent tout le sens. On ne peut, sans
partialité, soutenir raisonnablement que Fleyssac ne
s’est pas départi du droit de faire des constructions
d'aucune espèce - que la seconde partie de la clause
ne fait qu’étendro cette prohibition, et que l’intention
bien manifestée des parties a été que les choses res
teraient dans le même é t a t , sans pouvoir y rien
changer.
Mais en supposant mêm e, pour un moment, que
l'interdiction ne fut pas abso lue, que Fleyssac et
V ale t, qui le représente, eussent eucore le droit de
�( !9 )
^
bâtir, pourvu qu’il ne gênât pas la vue libre du sieur
U sse, il y aurait encore erreur dans le point de fait.
D ’abord, pourquoi suppose-l-on que Usse ne doit
avoir de vue que sur la cour? et par quel acte la vue
a-t-elle élé restreinte-à celte même cour?
Est-ce par le traité de l’an 9? on y voit que Fleyssac ne peut point bâtir dans sa co u r, ni gêner les
vues que le s.r Usse a sur ¿celle. Certes, ce serait bien in
génieux de faire résulter de ces derniers mots, qu’ il ne
peut avoir de vues que sur la cour, lorsqu’au moment
du traité toute la partie de l’est était libre, et permettait
d e v o ir sur la campagne; le sieur Usse a bien toujours
voulu conserver cette vue pleine, comme Fleyssac a
entendu la lui accorder.
Mais s’il y avait du doute, tout serait éclairci par
la vente de germinal an 1 0 , qui accorde des vues d'aspect et prospect sur le restant des propriétés de Fleys
sac; il ne s’agit donc pas de vérifier si le sieur Usse
voit toujours dans la cour, mais de savoir s’il peut voir
encore tout ce qu’il voyait avant le nouvel œuvre.
On
dit
que
le
sieur Usse, ne pouvait pas voir l’em
placement où le sieur Valet avait nouvellement bâti,
et que l’écurie qui est a coté l’en empêche; pour lo
coup les premiers juges ont voulu se tromper euxmêmes : il ne s’agit ,* pour constater l’erreur que de con
sulter le plan en relief qui sera mis sous le s yeux de la
cour; on y verra que l’écurie n’obstrue qu’ une partie
de la maison Manhes, aujourd’hui Rouget ; que dans le
teins le sieur Manhes s’opposa ¿1 ce que cette écurie fût,
6
)
�( 20 )
adossée à sa maison, et que F ^ s s a c n’en obtint la
permission que par un trailé du 2 juin 17 8 6 , lors du
quel il paya 72 fr. au sieur Manhes pour cet objet.
Mais cette observation des premiers juges peut
être le fruit de l’erreur; ils ne se sont pas aperçu
que le nouveau bâtiment, en prolongeant dans toute
l ’étendue delà cou r, la surface plane de l’écurie a dû
nécessairement diminuer la vue, quoique le bâtiment
ne soit pas à la même hauteur que la maison. Qu’on
place sous les fenêtres les mieux situées pour une
vue agréable, un bâtiment inférieur qui se prolonge
dans une certaine étendue, celte vue disparaît. Les pre
miers juges n’ont pas pu juger l’eflet du nouveau bâ
timent; il fallait connaître l'ancien état des lieux pour
sentir la différence.
On peut cependant s’en apercevoir par le plan en
relief ; il est aisé de juger que le prolongement du
nouveau bâtiment diminue la vue du voisin; d’ un
autre côté, la cheminée qu’il a fallu construire pour
la nouvelle cuisine est déjà 1111 masque pour les
fenêtres de la maison du sieur Usse, et elle présente
un plus grand inconvénient encore, parce que n’étant
pas aussi élevée que la maison du sieur Usse, la lumée
doit être nécessairement repoussée, toutes les fois que
les vents souillent du côté opposé; ce qui est la plus
désagréable incommodité qu'on puisse éprouver.
L e tribunal dont est appel, essaye d’écarter la clause
du contrat de vente du 12 'germinal an 10 , en
disant que les vues d'aspect et prospect sur les fonds
�( 20
37/
restant aux vendeurs ne s’entend que d’une vue droile
et en face qui dans tous les cas ne pouvait s’étendre
que sur le surplus de la cour, et non sur l'emplacement
..
nouvellement construit.
On a déjà dit ce que c’était qu’ une vue de prospect,
d’après les gens de l’art ; c’est en général un droit d’un
espace de grande étendue, pour conserver le jour et
vue sur plusieurs héritages; et la vue peut être de pros
pect , soit pour les vues droites, soit pour les baies de
côté , même pour les vues de servitudes; elles ne sont
de p/ospect qu’autant qu’elles s’étendent dans un grand
espace. L e sieur Fleyssac n’a pas entendu y mettre des
bornes, ni la restreindre à sa cour; son acquéreur n’a
donc pu en gêner l’exercice.
1/0 sieur Uss>e osl prévenu qu’on cnlend lui opposer
que, depuis le traité,' il avait é!é placé dans le lieu où
est le nouveau bâtiment, une loge à pourceau, et que
le sieur Ussc l’avait laissé construire sans se plaindre.
On ne voit pas que celle objection pût changer ou
modifier le dioil du s r Usse. Il est vrai q u e , quelque
tems après le traité, le sieur Fleyssac avait permis h
un voisin d’établir momentanément dans l’angle de
sa cour, une petite loge à cochon. Ce ne fut pas une
construction , car elle fut établie en planches, à une
hauteur de trois pieds, et dans un fort petit espace.
L e sieur Usse fut prévenu que celle loge ne devait
exister que peu de teins; il no cnil pas, en bon voisin,
devoir desobliger celui à qui on accordait col a grément; niais peu après la loge disparut : elle n’existait
' *
�( )
y n
22
pas à l’époque où Valet est devenu acquéreur. On peut
s'en convaincre par sa v e n te qui ne fait mention
d’aucune loge à pourceau dans cette partie; et celle
dont il est parlé existe encore : elle se trouve placée
au-dessous de la terrasse de la maison Fleyssac.
Mais de ce que le sieur Usse aurait souffert qu’ une
loge qui ne l’incommodait pas eût subsisté tout au plus
pendant un an , il n’en résulte pas qu’il doive tolérer
une entreprise qui nuit à ses droits comme à son
agrément.
En un m o t, il existe une convention qui n’a pas
été gratuite, une concession payée au cher denier;
elle est licite; elle fait la loi des parties, et il est du
devoir des magistrats de la maintenir.
M .e P A G E S ,
ancien Avocat.
M.e G A R R O N , Avoué-Licencié.
:
üÙcma^ VejiÿÎUf-w tt-iotn/tJiJu,*
J.-C. S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Usse, Claude. 1813?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
servitude
droit de voisinage
nuisances
conflit de voisinage
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour le sieur Claude Usse, propriétaire et marchand, habitant de la ville d'Aurillac, appelant d'un jugement rendu au Tribunal civil de la même ville, le 12 décembre 1812 ; contre le sieur Jean Valet, menuisier, habitant de la même ville ; et encore contre le sieur Dieudonné-Fleyssac, aussi intimé. Questions. 1°. Le voisin qui s'est interdit la faculté de bâtir, et de faire construire dans sa cour, de manière que l'autre voisin ne puisse, dans aucun temps, être privé des jours et vue qu'il a sur cette cour, a-t il pu, au préjudice de cette convention, faire construire un bâtiment dans cette même cour, qui gêne les jours et la vue ? 2°. Qu'entend-on par vue d'aspect et de prospect ?
note manuscrite : « 4 mai 1813, arrêt, 2éme chambre, ordonne vérification et constatation des lieux par experts qui feront application des titres. 1er décembre 1814, arrêt définitif se basant sur la localité contentieuse décrite par les experts, et mieux encore par les titres… ordonne que dans le délai de trois mois la partie de [?] fera démolir le bâtiment pratiqué pour elle sur la cour… et ce seulement jusqu'à concurrence de ce qui nuit aux vues d'aspect et de prospect de la partie de pagès, en prenant le point de mire des fenêtres...etc.
Table Godemel : Servitude : 5. le voisin qui s’est interdit la faculté de bâtir et de faire construire dans sa cour, de manière que l’autre voisin ne puisse, dans aucun temps, être privé des jours et vues qu’il a sur cette cour, a-t-il pu, au préjudice de cette convention, faire construire un bâtiment dans cette même cour, qui gêne les jours et la vue ? qu’entend-on par vue d’aspect et de prospect ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1813
1785-1813
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2119
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Conflit de voisinage
droit de voisinage
nuisances
servitude
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53385/BCU_Factums_G2015.pdf
8aef37c30d916dc063ce723739530f8f
PDF Text
Text
M
É
M
O
I
R
E
POUR
D ame A nne-É milie D E F É L IX , veuve de Claude-FrançoisLéon d e Simiane, demanderesse en maintenue de saisiearrêt ; appelante;
CONTRE
D
M a r g u e r i t e D E C H A R D O N , et autres, dem an
deurs en p arta ge et en nullité de saisie-a rrêt, in tim és;
ame
Et contre Sieur J e a N-BAPTISTE D E C H A M P F L O U R ,
et autres, défendeurs au partage intimés ;
,
Et encore contre J a CQUES-MARIE L A V I G N E et JEAN
,
P I R E L , habitans de la ville d’Am bert défendeurs et
intimés.
i
�C O U R D ’A P P E L
M
É
M
O
I
R
E
de
R I O M.
POUR
AN
D ame A nne - É m il ie D E F É L I X , veuve de Sieur Claude-François
L é on de S im ia n e,
l8 lO .
propriétaire à Collongues, arrondissement
d ’A ix , département des B o u c h e s -d u -R h ô n e , demanderesse en
maintenue de saisie a r r ê t , et appelante
y.
CONTRE
D
am e
M
a r g u e r it e
'
D E CH A R D 0 N , veuve d u S ie u r Jacques-F rançois
de M on ta g n ier , ancien m a g istra t ; C l a u d e - A
D O N ; D em oiselle A
nne
DE
n t o in e - J o s e p h
C H A R D O N , D am e P
D E CHAR
e r r ette
DE
CH A R D O N , veuve d u S ieur V a llette de R o c h e v e rt, tous propriétaires ,
h a b ita n s de la ville de R iom. , se q u a lifia n t héritiers sous bénéfice d ’inventaire
de d êfu n t e D a m e M a rie—Jea nne D e l a i r e . , ancienne relitgieuse , p o u r la ligne
m aternelle , dem andeurs en p a rta g e et en n u llité de saisie-arrêt , in tim és ;
E t contre Dame J e a n n e M a r i e D E CH A M P F L O U R , veuve du Sieur P aulFrançois de Montrozier ; Sieur J e a n - B a p t is t e D E CH A M P F L 0 U R ;
Dame M a r i e -A n n e -Fé l ic it e D E F R Ê D E F O N T , et Sieur Jean-Jacques
de Rochelle, son m ari; Demoiselle G a b r î e l l e D U R A N D - D E - P É R I G N A T , fille majeure; et Dame M a r i e D U R A N D , ancienne religieuse, tous
propriétaires , habitans de la ville de Clermont-Ferrand se qualifiant héritiers
bénéficiaires de ladite Dame religieuse D ELAIRE , pour la ligne paternelle ,
défendeurs au partage , et aussi demandeurs en nullité de saisie arrêt, intimés;
E t encore contre Sieur J acq u es -M a r i e L A V I G N E , notaire impérial, et
Sieur J e a n P I R E L , m archand, habitans de la ville d A m ber t , tiers
sa isis, appelés en cause défendeurs et intimés.
,
,
QUESTIONS.
L
e s
lois du
R eligieu x cl R elig ieuses qui par l'effet
5
é tr o a c tif d e s
r
brumaire et du 17 n ivôse un 2 , ont repris les succes-
v
�sions de leurs parcns , qui avaient déjà été appréhendées p a r
des héritiers p lu s éloig n és, ont-ils été soutnis à la restitution ,
après Vabolition de cet effet rétroactif , lorsque les héritiers réta
blis se sont trouvés représentés p a r la n a tio n , comme inscrits
sur la liste des émigrés ?
II. L a nation , dans ce cas p a rticu lier , n ’ est-elle, p a s censée
avoir renoncé à toute recherche , n’avoir point voulu user dubéné fic c des lois du y fru ctid or an 5 et du 5 vendémiaire an 4
enfin avoir consenti tacitement à une compensation dont le
résultat était de laisser aux religieux et religieuses les succes
sions dont on vient de p a r le r , en échange et pour se rédimer
des pensions que la nation s’ élait obligée de leur p a y er ?
III. L e sénatus-consulte du G flo r é a l un 10 , n 'a - t -il rendu
aux émigrés am nistiés ou ci leurs h éritiers , que les biens qui
se trouvaient dans les mains de la nation par la voie du séquestre >
au moment de V a m nistie , et non les biens q u ’ elle n'aurait p as
séquestrés , à cause de la compensation ci-dessus présumée ?
Ces questions se sont élevées à l’occasion d’une saisie-arrêt faite à
la requête de la Dame veuve de S im ia n e , crcaucièle considérable
d ’IIector de Simiane
son cousin , dons les mains des Sieurs Pirel et
L a v ig n e , acquéreurs de maisons et domaines situés à Ambert cl aux
environ s, lesquels Hector de Simiane , depuis mort en élat d’émi
gration, avait valablement recueillis dans la succession de Daine A n ne
Delaire , épouse du Sieur de Clary , décédée lo a8 octobre i y y i }
comme son héritier paternel.
L e Tribunal civil de Clermont-Ï’errand, par jugement c o n t r a d i c
toire du 9 août 180g , a décidé la négative do la première question
et l’atlirmative des deux a u t r e s , et n déclaré nulle lu s a is ie - a r r ê t
de la Dame veuve de S im iane, (pii, convaincue de» erieurs pal
pables que renferme ce ju g e m e n t, et dont ello est v ic t im e , n’a
point hesite û soumettre ces questions a 1 autorité de lu (Tour por
la voie d ’un appel régulier.
�( 5 )
F A I T S .
F ran çois*L ouis-IIector de Simiane , né à Clerm ont-Ferrand le
i . ' r décembre 1 7 1 7 , a quitté son domicile d’origine le 524 août 1787
pour aller demeurer à Avignon , d’où il est sorti le 1 2 janviei 1 7g 1 , à
l ’âge de plus de 75 ans > effrayé des mouvemens impétueux qui
ont agité le ci-devant Comtat avant sa réunion a la p ra n c e , pro
noncée le i 4 septembre de la même année.
C e vie illa rd , après avoir vainement cherché le repos d ’abord à
M enton , dans la ci-devant principauté de M o n aco, fut terminer sa
carrière le 12 prairial an 3 à A s t i , dans la ci-devant principauté
de Montferrat.
Dans l’intervale qui s’est écoulé depuis sa sortie d ’Avignon jus
qu’ à son d é cè s , il importe de remarquer ce qui s’est passé à son
sujet.
L e 28 o c to b re 1 7 9 1 , D a in e A n ne D e la ir e , épouse du Sieur
Charles de Clary , p résid en t en la cour des aides do C le r in o n t ,
décédée sans postérité, avait une s œ u r religieuse qui ne pouvait
dès-lors lui succéder , en sorte que ses héritiers naturels et légi
times étaient le Sieur H ector de Simiane, son co u sin , de l’estoc
paternel , et le Sieur de Chardon , son cousin , de l’estoc maternel,
qu’elle avait de plus institués ses héritiers universels , chacun dans
leur lig n e , par un testament olographe du 20 juin 1 7 8 7 , et un
codicile de la veille de sa m o r t , à la charge d’acquitter 24 o,ooo liv.
de legs, savoir; g 5 ,ooo
H y.
aux hôpitaux d e C le r m o n t e t d’Am bert,
20,000 liv. aux Sieurs de Féligonde et liellègue-Eujens, ses exé
cuteurs testamentaires., et le surplus à divers pareils , ù plusieurs
ecclésiastiques , à ses amis et à diverses c o m m u n a u t é s religieuses.
I.c Sieur Hector de Simiane ayant oppris le décès de la Dame
de C l a r y , appréhenda, lu portion paternelle de sa succession, et en
acquitter les droits , les 18 et ü5 aviil 17»)a , “ ux bureaux do
Clerniont et d’A m b e r t , lieux do la situation des Liens.
A la fin d(. cette même année, le S ieur H e c t o r de Simiane fut
inscrit sur la liste des émigrés duns le département de Vaucluse t
et le iéquebtre national fut apposé sur ses biens d ’Avignofi et sur
�( 6
)
ceux qu’il avait recueillis de la Dame de C lary et qui sont situés
dans le district d ’A m b e r t, département du P uy-de-D ôm e.
L e s choses étaient en cet é t a t , lorsque parut la loi du 5 brumaire
an 2 , dont l’art. 4 appelle les ci-devant religieux et religieuses à
recueillir les successions qui leur sont échues à compter du i 4
juillet 1789. De ce moment et par l’efFet rétroactif de cette l o i ,
la Dame religieuse Delaire se trouva investie de l ’universalité de
la succession de la Dame de Clary sa s œ u r , comme si elle lui eût
succédé immédiatement au 28 octobre 1791 , époque de son décès,
comme plus proche héritière excluant nécessairement ses cousins
de Simiane et de Chardon.
Il n ’y avait plus qu’à faire le ve r le séquestre apposé surles biens
paternels situés dans Je district d’A m b e r t , puisque la loi les avait
fait changer de maître, et c’est aussi ce qui eut lieu, sur la simple
pétition de la religieuse D e la ir e , et sans la moindre difficulté.
V oici l’arrêté de main-levée pure et simple de ce séquestre :
V u le mémoire et les pièces y annexées , le procureur-syndic
entendu, les administrateurs du district d’ Ambert réunis en surveil
lance permanente et tenant séance p ublique, « considérant que le
» séquestre n ’avait été mis sur les biens délaissés par le décès
v d ’Anne Delaire , femme
» S im ia n e , son c o u s in ,
C la r y , que parce que
qui s'en
disait h é r i t ie r ,
le
nommé
est suspecté
» d ’émigration ;
» Considérant que celte An ne Delaire n ’est morte que le 27
>* octobre
1791 , et que par l ’art.
4 du décret du 5 brumairo
» d e r n ie r , les ci-devan t religieux et religieuses sont appelés à
)) recueillir les sucocsMons qui leur sont échues à compter du i 4
» juillet 1789;
)j C o n sid é ran t qu’aux termes de celte l o i , Jeanne D elaire, ci-
)> devant ursuline do Montferrand , est habile à hériter d’Anno
» Delaire , sa
soeur ,
préférablement à Simiane , parent plus
}> éloigné ;
)> Considérant q u e , par les difFercns actes joints au m ém oire, il
» est
établi
que
Jeanne Delaire est
«(rur
germaine
d’Anno
» D elaire, femme C l a r y , et qu’elle a accepté sa succession, »
Accordent à Joanno Delaire la innin-levéc du séquestre mi# suc
�(7)
les biens délaissés par la m ort d’Anne D e laire , sa sœur , dont elle
est héritière , à la charge par elle de payer tous les frais auxquels
le séquestre a donné lie u , suivant le règlement qui en sera lait par
l ’administration. Fait le 8 nivôse , l’an 2 de la république une et
indivisible. Signé P e r r e t , Cisterne , D u rif, Rigodon , Crosmarie.
L a loi du 17 nivôse an 2 vint encoretco n firm er, par ses articles
1 et 5 , les dispositions de la loi du 5 brumaire précédent.
Il paraît q u e , p e n d a n t l’investiture donnee par ces lois à la reli
gieuse Delaire des biens de la Dame de C la r y , sa s œ u r , elle n’a
aliéné qu’une maison sise place du T errail a Clermont. Cette mai
son qui appartenait à l’eitoc paternel, fut vendue par elle-même le
a 5 pluviôse an 5 .
A celte é p o q u e , le Sieur de Shniane était occupé à adresser ses
réclam ations , tant au gouvernement qu’aux autorités locales , sur
l ’injustice qu’on lui avait faite en portant son nom sur la liste des
é m ig ré s, étant sorti d’Avignon avant sa réunion à la F r a n ce , et se
trouvant dans les cas d'exception énoncés aux articles 5 et 8 du litre
prem ier de la loi du a 5 brumaire an 5 , portant révision des lois
précédentes sur les émigrés. Il obtint en effet le 8 ventôse an 5 un
arrêté du comité de législation de la Convention
qui lui accordait
un sursis de six décades pour se pourvoir en radiation de son nom de
la liste des émigrés
Cependant
et se procurer les pièces nécessaires.
le séquestre
existait toujours sur ses
propriétés
d’Avignon , et il n’avait été levé sur ses propriétés d ’A m b e r t , comme
on l ’a vu , qu’à cause du changement de mains que ces propriétés
avaient éprouve par le rappel de la religieuse Delaire à la succes
sion de la Danio de C l a r y , sa s œ u r , rappel qui n ’était dû qu’à
l'effet rétroactif des lois de brumaire et nivôse. C et effet r é t r o a c t i f
avait excité des plaintes universelles, qui furent e n f i n e n t e n d u e s par
la Convention nationale.
Le 5 floréal an 3 , parut la loi qui suspendit toute action intentée
°u procédure commencée à l’occasion de reflet rétroactif de la loi de
nivose; cette loi fit préjuger facilement que cet effet rétroactif 110
tarderait pas à disparaître.
Néanmoins , tel fut le sort d’ H e c to r d e Simianc , qu’il mourut le
l u prairial an S a u r uno terre étrangère , comme il a été déjà d i t ,
�( 8 )
sans avoir pu connaître le résultat de ses réclamations touchant l ’ins
cription de son nom sur la liste des é m ig ré s , ni voir l’abolition
formelle de 1’eflet rétroactif des lois de brumaire et nivôse.
Ses héritiers naturels et légitimes étaient la religieuse D e laire , du
côté m a te rn el, et la famille de la Tour-\ idaud de G r e n o b 'e , du côté
paternel.
A près avoir fait remarquer ce qui s’est passé à l’égard d’IIector de
S im ia n e, depuis s a s o r t i e d’Avignon jusqu’à son d écès, il n’est pas
moins essentiel de remarquer tout ce qui s’est passé depuis sa mort ,
parce que tous ces faits ont un rapport direct à la décision do cette
cause.
Le
fructidor an 5 , la Convention décréta que les lois des 5 bru
maire et 17 nivôse an 2 , concernant les divers mode&de transmission
des biens dans les familles, n ’auraien t d ’eflet q u ’à c o m p te r des
époques de leur p rom u lgatio n .
Cette loi ne fit-elle pas évanouir à l ’instant mêm e le titre que la
loi du 5 brumaire an 2 , par son effet rétroactif
avait conféré à la
religieuse Delaire d ’héritière de la D a m ed e C lary } sa sœ u r, morte
le 28 octobre 17(1! ?
L e s héritiers légitimes delà Dame de Clary , au tems de sa m o r t ,
ne reprirent-ils pas à l’instant mémo leurs titres et leurs droits dont
ils avaient été déchus ? c ’est ce quo nous mirons bientôt à oxaminer.
Duus ce mémo mois de fru ctid o r, les administrations du district
d’Avignon et du département de Y a u clu so ,
reconnaissant que le
Sieur de Simiane était dans les cas d’oxeeptiou portes aux articles
3 et & du titre premier de la loi du a/> bçiimniro an 5 sur les ¿-migré«.,
ordonnèrent que son nom serait rayé' do la lis-ta des uniigrés. Ces
arrêtés de radiation des îa et *j5 fructidor furent sou mis. à la sanction
du gouvernement. Dans l’intervalo , parut la loi du .>veiuluminiro an
4
contenant le m o d e d’exécution de la loi du 9 fruclidor an 3 ,
ubolilive de lcffet rétroactif des lyis de brumaire et nivôse.
l/article premier maintient les ventes et los hypothèques acquises
de bonne foi sur les biens compris dan» Je* dispositions rapportées
par la loi du q fruclidor nn 5 , pourvu qu’elles aient uno date ceiïtuiiic poslénuurt» à lu promulgation.des lois, de beunmiro <?t< nivôso
un i , mujfc uiitérieurc ù lu publication'do la loi. dit 5 lloiiéaliaii .1 , sauf
�( 9 )
le recours des héritiers rétablis vers les personnes déchues ; mais
toutes aliénations , hypothèques et dispositions desdils biens à titre
onéreux ou g r a tu it, postérieures à la promulgation de ladite loi du
5 floréal dernier , sont nulles.
L ’article 2 ne permet pas aux héritiers rétablis de réclamer les
fruits et intérêts perçus avant In publication de la loi du 5 floréal.
L ’article 5 veut que les héritiers rétablis reçoivent les biens en
l ’état où ils se tro u ve n t, s a u f l’action pour abatis de bois futaie.
L ’article 4 ordonne à ceux qui sont obligés de re stitu er, de tenir
com pte du p rix qu’ils auront retiré de leurs aliénations ou de leur
va le u r, au teins où ils les ont recueillis , s’ils sont autrement sortis
de leurs m a in s, et autorise les personnes rétablies à exercer toutes
actions nécessaires qui appartenaient à ceux qui ont aliéné à titie
onéreux ou gratuit.
L ’article 5 maintient les partages entre la République et les per
sonnes déchues qui étaient ci-devant religieux ou religieuses.
A pres la publication de celte loi , la religieuse Delaire pouvait^
elle se dispenser de restituer tous les biens composant la succession
de la Dame de Clary , sa s œ u r , aux héritiers rétablis ?
A l ’égard du Sieur de Chardon , héritier m a t e r n e l, elle n’a fait
aucune difficulté de lui rendre tous les biens maternels; m ais, à
l ’égard des biens paternels , comme lallation garda le silence , elle
continua sa jouissance.
Cependant , comme le nom du Sieur H ector de Simiane était
toujours sur la liste des é m ig rés, et que le gouvernement n ’avait pas
encore statué sur les arrêtés des 12 e t a 5 fructidor an 5 des adminis
trations de Vnuclusc , qui ordonnaient sa radiation , 011 demunde m ,
d ’après cette loi du 5 vendémiaire an '» , la religieuse Delaire aurait
pu se re fu se ra la restitution d e s biens paternels , si la n o t i o n les eut
réclamés , et eût voulu y apposer le séquestre , com m e représentant
H ector de S im ia n e , encore réputé émigré
, e t q u i était évidemment
1 h é r i t i e r paternel rétabli «le la Dame do Clary.
C ’est oticoro ce qu’il faudra’ examiner.
L e qH nivôse an 5 , lu Directoire e x e cu tif) sur la réclamation du
Sieur I <nlour-Yidatid et de la religieuse Delaire , cohéritiers d’IIector
de S im ia n e, statuant sur les arrêtés du district d’Avignou et du
À
�( 10
)
département de Vniicluse des 12 et i 5 fructidor an 3 , relatifs â
a
radiation du nom d ’IIector de Simiane de la liste des émigrés ,
prit l'arrêté suivant :
« Considérant que Fran çois-L ou is-H eclor de Sim iane, ci-devant
domicilié à A v ig n o n , est parti de cette commune le 12 janvier
» 1791 , époque antérieure à la réunion du ci-devant Comtat à la
» F ran ce , pour aller voyager en pays étranger; que rien 11e cons» taie qu’il ait formé , a v a n t cette é p o q u e , un établissement en
» pays étranger , et qu’il est par conséquent dans l’ exception
v portée par les art. 5 et 8 du titre 1 . " de la loi du 25 brumaire
)> an 3 , après avoir entendu le rapport du ministre de la police
)) générale,
A r r ê t e : i.° que le nom de F ran ço is-L o u is-IIe c to r de Simiane
sera défin itivem en t r a y é de toutes listes des ém igrés où il aurait
p u être inscrit} 2.0 qu ’il sera sursis à toutes ventes de ses biens qui
resteraient sous la main de la nation ; que le séquestre établi sur
ses biens meubles et im m eubles, sera maintenu jusqu’à la paix ,
conformément aux art. 5 et 8 de la loi du 25 brumaire
an 3 ;
5 .® qu’il lui est défendu de rentrer en Franco tdnt que durera
la guerre , ù peine d’être détenu par mesure de sûreté générale
jusqu’à la p a i x , conformément à l’art. 5 de la loi du s 5 brumaire
an 3 .
C et arrêté n ’a - t - i l pas fait cesser la mort
civile d’IIcctor do
Simiane ?
L e séquestre de confiscation qui subsistait encore sur scs biens
d ’Avignon , n ’u-t-il pns été changé en fchnpio séquestre de sûreté
et de conservation ?
Si H ector do Simiano eût encore vécu à celle époque , la reli
gieuse Delaire qui détenait toujours les biens paternels do la Dame
de C la r y , sa s œ u r , dont il était l’héritier r é ta b li, aurait-elle pu
raisonnablement lui en refuser la restitution, sauf à la nation à y
poser le séqueslto do surete et de conservation?
La mort civile d ’Ilecto r do Simiane étant effacée par l’arrêté
du Directoiro o x é cu tif, et sa mort naturelle étant connue et cer
taine» « la date du iu prairial an 3 , ses héritiers personnels, ail
tenu do ta m ort, n ’étaient*!!» pfli censé» avoir recueilli scs bierrs
�(
I I )
d’Avignon et d ’A m b e r t , suivant le mode de succession de la loi
de n ivô se , c ’e s t - à - d i r e , moitié pour la religieuse Delaire , h éri
tière pour la ligne m atern elle, et moitié pour la maison Latour\ i d a u d , héritière pour la ligne paternelle ?
T o u t e s ces questions seront exam inées dans la discussion.
Reprenons le cours des faits.
E n e x é c u tio n de l ’arrêté du D ire c to ir e e x é c u t i f , et le
m id o r an
rent
24 t h e r
5 , la religieuse D elaire et le S ieu r L a l o u r - V i d a u d se f i -
7
O
admettre héritiers
bénéficiaires d’IIector de Simiane
jugement du tribunal civil de Vaucluse
par
séant à Carpentras , à la
charge par eux et suivant leurs offres de faire procéder à l’ inven
taire général des biens meubles et im m e u b le s, titres et papiers ,
et documens dépendans de la succession d’IIector de Simiane de
vant SI.* Chainbaud , notaire à A vign on, commis à cet effet; comme
aussi de faire procéder de suite à la vente des meubles et effets
mobiliers devant le même notaire pour être délivrés aux plus of
frants et derniers enchérisseurs , et le p rix en provenant être retiré
par lesdils h éritiers p o u r Faire fonds dans la masse.
A peine la religieuse Delaire et le Sieur L a to u r-V id a u d avaientils eu le tems de rechercher toutes les pièces relatives à la suc
cession d’Iïe cto r de Simiane , qu’ils furent arrêtés par la publica
tion d ’une loi rendue en haine des émigrés d’Avignon et parti
culière à ce pays.
Cette loi du 22 nivôse an G , porte , nrt. 5 , que les liabitans des
ci-devant comté Venaissin et comtat d ’A v ig n o n , dont la radiation
provisoire ou définitive a eu lieu par l’application de la loi du q
iructidor an 5 ( concernant les émigrés d’Avignon ) , ou des articles
<>.» 7 et 8 de la loi du 25 brumaire an 5 , seront réintégrés sur la
lÎ6te générale des émigrés.
l'iii vertu de cette loi , lo d ir e c te u r des dom aines nationaux do
\ üucluse continua le
séquestre
sur les
p ropriétés d ’ M cctor
de
Simiano à Avignon. A lo rs la religieuse D elaire et l e Sieur L a t o u r -
Viduud p rése n tè re n t à l'adm inistration c e n t r a l e une pétition ten
ant
à
ob tenir la levée do ce nouveau séquestre. Ils d o n n èren t
p o u r motifs q u ’ IIe c to r do Sim iane , étant sorti
Comtat avant leu r réunion à la l'r u n c c ,
d Avignon et du
11e p o u v ait
plus ¿tro
�( 12 )
considéré comme véritable émigré, et que d’ailleurs étant décédé même
avant sa radiation défin itive, la loi du 22 nivôse an 6 ne pouvait
lui être applicable.
Cette pétition resta sans réponse.
A cette même é p o q u e , les légataires d e là D am e de C l a r y , q u i ,
depuis le 28 octobre 1791 , avaient pris p atien ce , se déterminè
rent à demander la délivrance de leurs legs , et s’adressèrent à la
Dam e religieuse Delaire et au Sieur de Chardon , détenteurs des
biens de la Dame de Clary.
L e u r citation est du 29 ventôse an 6 , et elle a été suivie d’ un
procès-verbal de n o n - conciliation , où l’on voit que le Sieur de
C hardon et la religieuse Delaire répondent que , d’après l ’article
4 i du chapitre 12 de la coutume d’A u v e r g n e , la Dame de Clary
n ’avait p u disposer par testam en t que du q u a rt de ses biens de
coutume ; q u ’ e n co n sé q u e n ce ils offraient le quart desdits b ie n s ,
plus la totalité de ceux de droit é c r i t , sous la réserve de la quarte
falcidie. On convint d ’experts pour estimer tous les biens com po
sant la succession de la Dam e de Clary.
L e 1 . " germinal an 7 , les experts affirmèrent leur rapport. L e s
biens paternels de la Dame de C lary y sont estimés 280,000 liv. ,
et les biens maternels 108,700 liv.
L e 6 floréal an 1 0 , vint enfin le sénatus-consulte qui amnistie
les émigrés. L ’article 16 porte que les amnistiés ne p o u rro n t, en
aucun cas , et
sous aucun prétexte , attaquer les
portages de
présucccssions , successions , ou autres arrungemens et actes entre
la République et les particuliers , avant lu présente amnistie.
L ’a rticle 17 rend a u x ém igres leurs biens non vendus.
C e sénntus-consullo n’u point empêché la religieuse Delaire do
v e n d re , le 17 ‘lu même mois, une maison sise à A m b e r t , trois
domaines et un pré de réserve dans les environs do celte v ille ,
aux Sieurs l ’irel et Lavigne , moyennant 93,1(10 liv. , quoique ces
immeubles «lissent
été estimé» par les experts ivq, 100 liv. Sur
quoi il c»L « propos d ’observer que les conseils de la religieuse
Delaire , incertains sur scs droits , et ge
méfiant de l ’a v e n ir ,
�( i 3 )
eurent la prévoyance de reculer de dix ans l’époque du paiement.
L e Sieur L atour-Vidaud et la Dame religieuse Delaire , cohéritiers
bénéficiaires de feu H ector de Sim iane, v o ja n t qu’on n’avait fait
aucune réponse à leur pétition touchant la fausse application que
le directeur des domaines nationaux avait faite de la loi du 522
nivôse an 6 , s’empressèrent de présenter à M. le préfet de V au cluse une autre p é titio n , pour être admis aux déclarations p re s
crites par le sénatus-consulte , et par l’arrelé que ce mêm e préfet
avait pris le i 4 du même mois de floréal ; et ils ne doutaient pas
q u ’on ne l e u r rendît su r-le -ch a m p le petit domaine d e l a ^ r i a d e j
puisqu’il n ’avait pas été vendu.
Mais quel fut leur étonnement , lorsqu’ils apprirent que M . le
préfet se proposait de déclarer cet immeuble définitivement natio
nal , pour l ’afTecter à l’établissement
d ’une pépinière nationale ,
et que ce projet était porté à la décision du conseil général du
département !
Aussitôt le Sieur L alour-V idaud et la religieuse Delaire don
nèrent leurs pouvoirs à M*. l'e rra n d , avoué à G r e n o b l e , pour
réclamer auprès du conseil général ; et le 10 prairial an 1 0 , celuici distribua à chaque membre du conseil une nouvelle pétition
imprimée , tendant à faire rejeter le pio jet qui lui était soumis.
Il e x p o s a , au nom des cohéritiers bénéficiaires de feu H ector de
Simiane , qu’il avait été vendu pour plus de onze cent mille francs
de ses biens ; que c’était par une interprétation erronnée de la loi du
22 nivôse an 6 , que le séquestre avait été maintenu sur son domaine
de la T ria d e ; q u e , considérant même feu I lector de Simiane comme
a m n istié, le sénatus-consulte restituait aux amnistiés leurs biens
non vendus et non ufleclés au service p u b lic , qu’ainsi 011 ne pouvait
les priver de ce polit domaine»
Pendant qu’on attendait le résultat de cette n o u v e lle pétition, la
Dame de F é l i x , veuve du Sieur L éon «le Simiane , qui avait été aussi
inscrite su r in liste des é m ig ré s , m a i s q u i en avait rté éliminée pur
arretù «lu ministre «le la police générale du s messidor an y , prit le
25 prairial an 1 0 , tant au bureau des hypothèques d’A m b c rt qu ’au
�i f H -
'( H )
burenu de C le r m o n t , une inscription pour ¡220,000 liv. sur les biens
de feu H ector de Simiane , son cousin; et le 29 messidor su iva n t,
elle fit une saisie-arrêt entre les mains des Sieurs Lavigne et Pirel ,
débiteurs du p rix de leur acquisition.
L e 9 thermidor s u iv a n t , le conseil d'état donna un avis portant
que les prévenus d ’émigration , non rayés définitivement, dont le
décès avait précédé la publication de l’amnistie , pouvaient être
amnistiés; et qu e, comme l’amnistie avait été accordée principa
lement en faveur des familles des é m ig ré s,
il était conforme
a.
l'e sp rit du sénatus-consulte d ’étendre la grâce aux h é r itie r s, quand
la mort a mis le prévenu hors d ’état d ’en profiter. Cet avis fut
approuvé par le prem ier consul.
De ce m o m e n t r, la religieuse
Delaire et le Sieur L atour-V idaud
D
s ’o c c u p è r e n t d ’ob te n ir un b r e v e t d ’am nistie p o u r feu H e c t o r de
S im ian e , et ils l ’ob tin re n t en effet le 2G frim aire an 11 du G r a n d Juge , m in istre de la justice.
L e 4 germinal suivant, le conseiller d ’état ayant le département
des domaines nationaux , écrivit au Préfet de Vaucluse pour l’inviter
à donner les ordres nécessaires pour que les héritiers d ’IIector de
Simiane rentrent dans la jouissance de ses biens.
L e 29 germinal an 1 1 , M. le Préfet de Vaucluse prit un arrêté
en faveur desdits héritiers bénéficiaires, portant m a i n - le v é e du
séquestre.
L e 11 messidor s u iv a n t , la Dame religieuse Delaire est dccedee ,
laissant pour héritiers paternels la fumille de Champflour , et p our
héritiers maternels la famille de Chardon.
L lle avait alors fait disparaître tons les biens dont. H ector do
Simiane avait hérité d e là Dame d e C l a r y , so ilen vendant les uns ,
soit en cédant les autres aux hospices et aux autres légataires de sa
soeur.
L e 3 floréal nn 12 , le Sieur L a t o u r - V i d a u d , en sa qualité
d'héritier paternel sous bénéfice d ’inventaire d ’IIector de Simiane,
l it procéder à la vente du petit domaine de la Triade prés A v i
gnon , au plus offrant et dernier enchérisseur , d ’autorité de jus
tice et devant
lo
notaire c o m m i s
par le jugement du tribunal
civil do Vaucluse du 3* thermidor an 5 , «prés y avoir uppelô
�( i5 )
les créanciers, ainsi que la Dame religieuse Delaire ou ses repré
sentons / e t ce petit
domaine fut adjugé à la D am e veuve
de
S im iane, moyennant 40,000 liv. , quoiqu'il 11 eut été estimé par la
régie de l’enregistrement l’année précédente que 06,000 livL e 8 février 1808 , Jn Dame veuve de Simiane fit assigner devant
le
tribunal civil
d ’Avignon tous
les héritiers de la religieuse
Delaire , cohéritière bénéficiaire dTIector de Simiane , pour voir
liquider ses créances , et êtfe condamnés à les lui payer.
L e 27 décembre de la même annee , la famille de C h a r d o n ,
héritière maternelle de la religieuse Delaire fit assigner devant le
tribunal civil de Clermont la famille de C lia m p flo u r, héritière
p a te rn e lle , pour venir partager sa succession.
L e 18 janvier
1809 , la famille
de Chardon
fit assigner les
Sieurs Lavigne et Pirel d ’A m bert , devant le tribunal civil de
C le r m o n t , en rapport au partage de la succession de la religieuse
Delaire des sommes par eux dues en capital et intérêts du p rix
de la vente qu’elle leur nvait consentie le 17 floréal an 10.]
L e 8 février suivant, le tribunal de C le r m o n t , sur la déclara
tion des Sieurs Lavigne et Pirel qu’ils étaient prêts à se libérer,
en le faisant dire , avec la Dame veuve
de Simiane , ordonna
qu’elle serait mise en cause à la requête de la partie la plus diligente.
L e 18 du même mois , tous les héritiers de la religieuse Delaire ,
à l’exception du Sieur Gérard de Cliampflour o n c le , passèrent au
greffe d’ Avignon leur répudiation à la succession du Sieur de Sim iane, dont cette religieuse était héritière maternelle bénéficiaire,
mais ils se réservèrent la succession de celte religieuse.
L e 8 mars su iv a n t, le jugement de Clermont qui appelait en causo
la D am e veuve de Simiane , lui fut signifié , à la r e q u ê t e des h éri
tiers maternels de la religieuse Uelairo, avec a s s i g n a t i o n pour voir
«nnuller sa saisie-arrêt.
L e iQ du m ém o m o i s , la D a m e veuve do Simiane
tribunal civil d ’A v ig n o n un ju g em en t
obtint
au
contre le S ie u r ( jç r a r d du
ChumpHour oncle , la dame de S t.-D id ie r , mitre cohéi itie re , qui les
condam na à lui p a y e r
7 francs
55 c e n t i m e s , m on ta n t du ses
créances liquidées , au r a p p o r t de M . Don } j u g c - c o n u n i s s a i r e , c l
�-AW( i6 )
sur les conclusions du ministère public , et qui ordonna plus ample
justification des autres créances réclamées par la Dam e veuve do
Simiane.
Enfin , c ’est d ’après l’apperçu de tous ces faits et la jonction do
toutes les demandes , que le tribunal de C le rm o n t, par jugement du
9 août 1 8 0 9 , a statué sur le mérite de la saisie-arrêt de la Dame
veuve de Sim iane, qui était incidente au partage entre les h éri
tiers de la Dame religieuse Delaire.
V oici le texte du jugement dont est appel :
P o in t de droit. — L es biens situés à A m b e r t , dépendant de la
succession de la Dame de C l a r y , vendus aux Sieurs Lavigne et Pirel
p ar Marie-Jeanne Delaire, ont-ils fait partie, de
ceux remis aux
héritiers du Sieur de Simiane , en conséquence de l’arrêté d’amnistie
du 26 frimaire an 1 1 , ou b ie n avaient-ils appartenu définitivement
à ladite M a rie -J e a n n e D e laire ?
L a Dam e de Simiane peut-elle se prévaloir des lois des g fruc
tidor an 5 et 5 vendémiaire an 4 , relatives au rapport de l’efTet
rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 , pour pré
tendre que lesdits biens étaient de droit restitués par la nation
à la succession dudit de S im ia n e, ou ré su lte -t-il de l’art. 5 de la
loi du 5 vendémiaire et du principe posé en l'art. 2 de celle du
20 mars 1 79 0 , que Jeaune-AÎarie Delaire n’avait jamais perdu la
propriété desdits biens qui lui avaient été délaissés par l ’arrêté
administratif du 8 nivôse an 2 ?
Résulte-t-il des exceptions portées par lesdits deux articles, et
de l’ensemble d’autres lois législatives , quo les ci-devant religieux
et religieuses étaient préférés au fisc ?
Ouïs
les avocats des parties et le procureur impériul en ses
conclusions;
a A t t e n d u , i*n qu H ector de S im ia n e, par son émigration en
y» 1792 et J7<j<ï> avait perdu la propriété des biens qu’il avait
)) recueillis de la succession do la Dame Delaire de Clary , décédée
» en octubro 1791 ;
» Attendu , 2.* qu'en conséquence, lorsque 1’efïct rétroactif delà
» loi du 5 brumaire an a , appela la religieuse Delaire à recueillir
» ces b ien s, qui lui furent remis par arrêté administratif du 8 nivôso
�( 17 ) . .
w an 2 , ce ne fut pas le Sieur de Simiane qui en fut dépouillé,
» puisqu’il l’était d é jà , mais seulement la république qui avait pris
» sa place ;
» A t t e n d u , 5 .“ que le Sieur de Simiane était mort en émigra» tion le 12 prairial an 5 , avant le rapport de 1 effet rétroactif
)) des lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2 ; que sa succession
)> était encore celle d’ un émigre , lors de 1 effet rétroactif de ces
» lois par celle du 9 fructidor an 3 et celle du 3 vendémiaire an
)) 4 ; d’où il suit que tous les droits qui en dépendaient, app a rte» naient à la république par droit de confiscation ; que la nation
» ne voulut p a s user de l ’ eJJ'et rétroactif des lois de bruinait c
« et nivôse an 2 à son p r o fit , lorsqu’ il s’ agissait de dépouiller
)) les religieux et religieuses envers lesquels elle s*était redunee
» de la pension q u elle leur f a i s a it , p a r la compensation des
» pensions avec l e s revenus des successions p a r eux recueillies ;
» en conséquence, la nation renonça a la recherche p a r l art.
j
» de la lai du 5 vendémiaire an 4 ;
)) A tte n d u , 4 .° que l’e x -re lig ie u s e D éfaire a conservé en c o n s é )) quence pendant toute sa vie , la libre jouissance, administration
)) et disposition des biens dont il s’agit, et q u ’elle l ’avait spécialement
)) de f a it et de droit , soit lors du sénatus-consulte d ’amnistie du
)> G floréal an 10 , soit lorsque l ’amnistie fut appliquée audit Sieur
» de Sim ia n e en l’an 11 , huit ans après sa m o r t , au profit de ses
» héritiers ;
)> Attendu , 5.° et e n f i n , que dans cet état de c h o s e s , l ’article
» 17 du sénatus-consulte n’ayant rendu aux émigrés amnistiés que
« ceux de leurs biens qui étaient encore dans les mains de la nation ,
)) il est conséquent que les biens dont il s’agit 11e fussent pointrendu*
)> aux héritiers dudit Sieur Simiane , et qu’il résulte que la saisiel> arrêt, faite par ladite Dam e de Simiane entre
l e s
mains des acqué
» reurs des biens provenus «le la succession de fa Dame de C la r y ,
>’ »itués n A m bert , comme des bipns Sim iane, son débiteur , le 25
» messidor an 10 , est nulle et de nul effet, et q» ainsi les inscriptions
» par clic prises portent à faux ; »
I-c T r i b u n a l déclare l a s a i s i e - a r r e t , faite entre les mains dcsSieurs
P ire l et Lavigno le u5
m e ssid o r
an 10 , ù la requête de la veuve du
&
�( i8 )
S im ia n e , exerçant les droits de la succession d’H ector de Simiane ,
nulle et de nul effet , en fait pleine et entière main-levée aux h éri
tiers bénéficiaires de la religieuse Delaire ; ordonne q u e , sans s’y
a r r ê t e r , P irel et Lavigne videront leurs mains en
celles desdits
h é r itie r s , des sommes dont ils sont débiteurs en capitaux et intérêts j
à quoi f a i r e , ils seront contraints par les voies de contraintes, par
lesquelles ils sont obligés; ce faisant, ils en seront bien et vala
blem ent déchargés ; fait pareillement main-levée auxdits héritiers
des inscriptions prises par la veuve de Sim iane, soit en son n o m ,
soit en exerçant les droits de la succession du Sieur de Simiane au
bureau de la conservation d ’Am bert sur les biens provenus de la
succession de la Daine de C l a r y , qui ont été aliénés par l’ex-religieuse
D e l a i r e , ou qui pourraient exister encore , ordonne qu'elles seront
rayées de tous registres ; fait défenses à la veuve de Simiane d ’eu
requérir de pareilles s et la condamne aux dépens envers toutes le3
parties.
L a Dam e veuve de Simiane a interjete appel de ce jugement en la
C o u r , où elle espère en obtenir l ’entière réforraation.
M O Y E N S .
L ’œ uvre de la justice ne consiste qu’en deux ch oses, la rech er
che de la v é r ité , et la manifestation de la vérité.
L a Dame veuve de Simiane n ’a rien négligé pour faire connaître
à ses juges la vérité. Elle a rassemblé elle-même les faits et le»
pieces qui devaient les écluircr. Loin de se montrer avide du bien
d ’autrui , cllo a eu la générosité do ftiire voir aux magistrats
q u ’elle ne demandait pas , à beaucoup près , tout ce qu’elle avait
droit do demander ; q u ’elle voulait respecter tout ce qui avait
été donné par la religieuse Delaire aux hospices de Clermont et
d ’A m b e r t ,
quoique ces
d o n s - 1« fussent faits à
ses d é p e n s ;
qu’elle ne voulait pas même troubler les acquéreurs , quoique les
aliénations de la religieuse aient été fuites dans un tems où elle
n ’en uvait pas le droit , et quo le prix apparent des ventes soit
t rè s-m é d io c r e , qu’elle voulait bien tenir pour libérés les acqué
reur* qui avaient payé ; qu’enfin elle 110 réclamait , comme cr'¿an-
�( T9 )
cier considérable (PHector de Simiane , son cousin , que le p rix
encore dû des biens qui lui ont appartenu
p rix dont on ne
pouvait la priver , sans une double in ju stic e , puisque non-seule
ment c’est le gage de ses créances , mais encore qu’il faudrait
en déclarer propriétaires , et par suite en enrichir des familles
fort r i c h e s , qui n ’y ont aucun droit.
E n se présentant aussi favorablement, la D am e veuve de Simiane
devait-elle s’attendre que ses juges , au lieu de manifester par
leur jugement
la vérité qui se montrait à eux d ’une
manière
éclatante , chercheraient à l’obscurcir par des raisonnemens
n ’ont pas même le mérite d’être spécieux
qui
et par des systèmes
que les lois réprouvent évidemment ? n o n , sans doute. E t si sa
surprise a été grande , en
se vo yant condamnée en
première
instance , sa conGance en la justice de 6a cause l’accompagnera
toujours devant ses juges su p é rie u rs, car l ’erreur n ’a qu’un te m s ,
tandis que la vérité est immuable.
E x a m in o n s d ’ab ord scru p u le u sem en t les m otifs qui on t d é te r
m in é les p re m ie rs ju g e s à c o n d a m n e r les p réten tion s de la D a m e
ve u v e de Sim iane , et distinguons-y soign eusem en t ce qui y est vrai
d ’avec ce qu ’il y a d 'e r r e u r .
T ouch an t le prem ier m o tif , nous sommes d ’accord de cette
v é r ité , qu’IIector de Sim iane, après avoir recueilli en octobre 1791
les biens paternels de la succession de la Dam e de C l a r y , en perdit
la propriété , par la force de l’art. 1 . " de la loi du 38 mars 1795
qui frappe de mort civile les émigrés et déclare leurs biens con
fisqués ; o r , pour être réputé é m ig ré , il suffisait d ’être inscrit sur
la liste des ém igrés, comme l’a été en eiTet H ector de Simiane.
C e p e n d a n t, dans la ré a lité , quiconque était inscrit sur la liste des
émigrés n’était qu’un prévenu d ’émigration , puisque » il réclamait
en teins utile et parvenait à se fairo rayer , ses propiiélés n avaient
été perdues pour lui que tem p o rairem en t, puisqu il le» recouvrait
alors avec tous nee droit» civils.
T ouchant le second m o tif , nous sommes également d ’accord de
c ette v é r i t é , que lorsque la religieuse D elaire fut appelée û la succes
sion de lu Dame de C l a r y , sa soeur , morte lo 38 octobre 1 7 9 1 , p a r
�( 20 )
reflet rétroactif de la loi du
5 brumaire an a , et lo r s q u e , le 8
nivôse suivant , l’administration (lu district d ’Am bert accorda à
celte religieuse la levée du séquestre qui avait été mis sur les pro
priétés d ’A m b e r t , à cause d’Hector de Simiane qui les possédait
au moment de son inscription sur la liste des émigrés , ce ne fut
pas H ector de Simiane qui en fut dépouillé , mais bien la répu
blique qui avait pris sa place. Cependant on ne peut pas se dis
simuler q u e, tout en dépossédant la ré p u b liq u e , comme'représen*
tant alors H ector de S im ia n e , c ’était bien lui-m ême qui se serait
trouvé dépossédé par le rappel d’ une héritière q u i , quoique plus
proche successible de la défunte que l u i , n ’avait pourtant pas le
droit de succéder en 1 7 9 1.
Jusqu’i c i, nous ne sommes point en opposition d’ opinions ; mais
il n ’en est pas de m ê m e to u ch a n t le troisième m o tif du jugement
dont est a p p e l , qui renferme des principes qui nous paraissent
insoutenables.
O n y dit d ’abord q u ’H ector de Simiane étant mort le 12 prairial
an 5 , avant les lois du 9 fructidor an 3 et 5 vendémiaire an 4 , qui
détruisent l ’eflet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivôse
an 2 , sa succession était encore celle d ’un émigré , qu’ainsi tous
les droits qui en dépendaient , appartenaient à la république par
droit de confiscation.
Ce n ’est pas là-dessus que nous nous récrierons , car il est encore
vrai que , quoique le comité de législation de la Convention natio
nale eût accordé à Hector de S im ia n e , par son arrêté du 8 ven
tôse an 5 , un sursis de six décades pour se pourvoir en radiation
de son nom de la liste des
émigrés , et se procurer les pièces
nccessair39, il n ’en mourut pas moins le 12 prairial an 3 , sans
avoir pu encore faire accueillir ses réclamations , et q u ’ainsi la
république Ie représentait encore et pouvait exercer tous ses droits.
.Mais lorsque Ie9 premiers juges ajoutent que la nation ne voulut
p a s user <le l ’f j f ' t rétroactij des lois de brumaire eL nivô.ie an 3 a
son projit , l orsi/u 'il .l'ofjissait
dépouiller les religieux et r e li-
fiicuies envers h-si/uel* elle s'éta it redimée île la pétition <¡11’elle
leur Jais ait , par la compensation des pensions avec les rede
vance* j l c s successions p a r eux recueil lies , et q u ’en conséquence
�( 21 )
la nation renonça « la recherche p a r l ’ article 5 de la loi du o
vendémiaire an 4 ; voilà une doctrine que
nous
tenons pour
fausse.
E n e ffe t , où pourra-t-on trouver dans lés lois un seul mot qui
indique cette prétendue volonté de la Republique de ne point user
de l’effet ré tro actif des lois de brumaire et nivôse an 2 à son profit ,
lorsqu’il s’agissait de reprendre des mains des religieux et religieuses,
les biens qu’ils n ’ avaient recueillis qu’à la faveur de
cet effet
rétroactif?
Dans quelle loi encore trouvera-t-on que la nation ait pensé à faire
des compensations et à se rédimer des pensions qu'elle faisait aux
religieux et religieuses, en leur laissant les successions qu’ils auraient
recueillies par l ’effet rétroactif des lois de brumaire et nivôse ?
E n f i n , par quelle disposition législative la nation a-t-elle renoncé
à toute recherche ?
L ’article 2 de la loi du 20 m ars 1 7 9 0 , in voq u é p a r les p rem iers
. j u g e s , dit que « lorsque les re lig ie u x ne se tro u v ero n t en concours
» qu avec le fisc , ils h é r ile r o n t dans ce cas p ré fc rab le in e n t à lui. u
Quel rapport cet article a -t il avec notre cause ? J 1 ne s’agit pas
ici d’ une succession ouverte depuis le 20 mars 1790 en faveur de la
religieuse Delaire en concours avec le fisc, puisqu’au 28 octobre
1791 , jour du décès de la Dame de C l a r y , sa sœur , H ector de
Simiane et le Sieur de Chardon étaient tout-à-la-fois ses héritiers
naturels et testamentaires.
Il n’y a donc aucune induction ù tirer de celte loi pour appuyer
le système que nous combattons ; c a r , à l ’époque où l ’effet rétroactif
des lois de brumaire et nivôse a été abrogé par les lois des 9 fructidor
an 5 et 3 vendémiaire an 4 , la religieuse Delaire n’aurait pu se
refuser à restituer ù la nation les biens advenus à Hector de Simiane
cn 17 9 1 > sous le prétexte de la loi du 20 mars 1 790 , et *c regardant
alors en concours avec le fisc; car 011 lui aurait répondu avec avantage
‘ l»’il no n’ngi.iftuit pas d ’une succession ouverte à son profit au mo
ment do l'abolition de l'effet rétroactif et «ù 1®
aurait éle 6cul
en concours avec e l l e , mais qu’il s’agissait au contraire do resti
tuer au fu c un bien confisqué sur Ilc c to r de Sim iane qui l ’avait
recueilli sans difficulté lo 28 octobre 1 7 9 1 , à titre d ’héritier paternel
tout-à-la-fois légitime et testamentaire de la D am e de C l a r y , qu\iin»i
�( 22 )
la Dame religieuse Delaire ne s’étant point trouvée en concours
avec le fisc, l o r s de l’ouverture do la succession de sa s œ u r , ne
pouvait argumenter en aucune manière de l’art. 2 de la loi du 20
mars 179 0 , dont nos prem iers juges ont très - mal à-propos tiré
l ’induction que la religieuse Delaire était devenue propriétaire dos
biens paternels de la Dam e de C lary , sa sœur.
L ’art. 5 de la loi du 5 vendémiaire an 4 , ne contient aucune
renonciation de la part de la nation à la recherche des biens passés
dans les mains des religieux et religieuses à la faveur de l’eflbt
rétroactif des lois de brumaire et nivôse j et c ’est encore très-mal
à-propos que les premiers juges l ’ont ainsi prétendu : cet article
porte que « les partages entre la république
)) déchues qui étaient ci - devant
religieux
et les personnes
ou religieuses, sont
» maintenus. »
L ’esprit de cet article est le même que celui que l’ on retrouve
dans toutes les dispositions de cette loi du 3 vendémiaire an 4 , qu i,
en ordonnant les restitutions au profit des héritiers rétablis, veut
faire respecter tout ce qui a été fait de bonne foi pendant le cours
de l’efTet rétroactif des lois do brumaire et nivôse. Aussi nous ne
ferons point de difficulté de reconnaître et d ’avouer que si la répu
blique avait été en position de faire un partage aveo la religieuse
D e l a i r e , et que ce partage eût été consommé, il serait inattaquable.
Mais est-il vrai qu’il y ait eu partage entre la religieuse Delaire et
la république ? ......... no n ; car la république ni la religieuse Delaire
n ’ont jamais été dans la position de faire un partage.
Si l ’administration eut demandé à la religieuse Delaire la resti
tution des biens passés dans ses mains à la fuvour do l’effet rétroactif
des lois de brumaire et n iv ô s e , cette religieuse aurait été obligée
de los rendre tou s, à 1 exception de ceux aliénés par date certaine
et antérieure à la loi du 5 lloréal an 5 , comme le porte l’art. 1 do
la loi du 5 vendémiaire an 4 , desquels biens aliénés la religieuse
aurait encore c o m p t é le p r i x , aux tonnes de l’art. 4 do cette loi.
Il no pouvait donc y avoir lieu à aucun partage entre la r é p u
blique qui pouvait tout r e p r e n d r e , ot la religieuse Delaire qui no
pouvait rien retenir ; ot de f a it , il n y en a jamais eu aucun
ce qui
démontre quu l’article 5 de la loi du 3 vendémiaire an 4 est sans
application dans la cause.
�( 23 )
Q ue s’il faut dire le véritable m o tif qui a em pêché l ’adminis
tration de faire restituer à la religieuse Delaire les biens donl il
s’agit , en vertu des lois des 9 fructidor an 5 et 5 vendémiaire
an 4 ; c’est qu’ alors on craignait que ces biens , une fois rentrés
dans les mains de la nation, ne fussent ven d u s, au gr/md préju
dice des hospices de Clermont et d ’A m b e r t , auxquels la Daine
de C lary avait fait des legs considérables. L ’intérêt des pauvres fit
garder le silence aux administrations , qui laissèrent la religieuse
Delaire jouir paisiblement , malgré la révocation absolue de son
titre -d’héritière de sa s œ u r , opéree par l’abolition de l ’efTet rétro
a ctif des lois de brumaire et nivôse. M a i s , si le silence des admi
nistrations n ’a rien ôté à cette r e lig ie u se , il n e lui a non plus
rien donné , en sorte que sa jouissance , devenue précaire , ne
pouvait exister que jusqu’à ce qu’on retire de ses mains les biens
dont elle n ’était plus que dépositaire.
Quant aux compensations et rachat des pensions que les p re
miers juges supposent avoir élé consentis entre la nation et les
religieux y c est encore la une idcc cliiinericjuc. Jsnisis la nation
n ’a pensé à se rédimer des pensions qu’elle faisait aux religieux
en leur abandonnant , à titre de compensations , des propriétés
quelconques.
L a nation avait si peu pensé à ce singulier systèm e de com pen
sations , que par l’art. 4 de la loi du 17 nivôse an 2 , elle voulut
que les pensions attribuées aux religieux et religieuses, diminuent
en proportion des revenus qui leur
écherraient par succession ;
et l’art. 5 exige même qu’ils in scrive n t, dans leurs quittances de
pensions, la valeur des successions qu’ils auront recueillies.
Ces dispositions législatives nous font voir que n o n - s e u l e m e n t
la nation 11’a jamais entendu donner aux religieux et religieuses
des propriétés en compensation de leurs p e n s i o n s , m a i s qu elle
voulu même qu’à
proportion
qno les r e l i g i e u x e t religieuses
auraient des revenus par les successions qui leur écherraient posté
rieurement u u x lois des 5 b r u m a i r e e t >7 1,' vo9°
2 , leurs
pensions fussent diminuées d ’autant. Ainsi , jamais on ne nous
lera croire que la nation ait voulu donner cent mille écus de proprié
tés à la religieuse Delaire, en compensation d ’une pension de 700 lir.
�( H )
payable en l ’an 4 avec des assignais ou mandats presque sans valeur.
Il
est donc évident que le troisième m o tif du jugement dont est
a p p e l, repose sur des opinions insoutenables.
A l’égard du quatrième m o tif, comme il n'est que la conséquence
du p ré c é d e n t, il n ’est pas surprenant qu’un faux principe ait donné
lieu à un faux résultat. A u s s i , lorsque les premiers juges ont dit que
l'ex-religieuse D elaire avait conservé toute sa vie la libre dispo
sition des biens dont il s’agit, et qu'elle Vavait spécialement de
f a i t et de d ro it , soit lors du sénatus-consulte d'amnistie du 6 Horéal
an 10 , soit lorsque l’amnistie fut appliquée au Sieur de Simiane après
sa m o r t , au profit de ses h éritie rs, ils ont eux-mêmes déclaré que
c ’était la conséquence du principe posé auparavant, que la nation
n ’avait pas voulu user de l’effet rétroactif des lois de brumaire et
nivôse an 2 à son profit ; or nous croyons avoir d ém on tré suffisam
m ent combien cette idée était chim érique; et dès-lors s'est trouvée
démontrée d ’ avance l’illusion de la conséquence tirée en faveur de la
religieuse Delaire.
C elte conséquence est tellement f a u s s e , qu’en y substituant le
véritable principe puisé
naturellement dans la législation, et sui
vant à chaque pas ses effets, on sera forcé de reconnaître que la
religieuse Delaire n ’a conservé la libre disposition des biens d e là
Dam e de C l a r y , sa soeu r, que depuis son rappel à sa succession
en vertu de l’effet rétroactif des lois de brumaire et nivôsejusqu’à
la loi du 5 ilorédl an 5 , puisque l’art. i . ' r de la loi du 4 vendé
miaire an 4 , ne maintient que les ventes fuites avec date certaine
antérieurement ù cette loi du 5 tloréal an .1 , et encore sauf le
recours des héritiers rétablis vers les personnes déchues.
A i n s i , il faut convenir que dès le 5 floréal on 5 , la religieuse
Delaire fut privée du droit de disposer des biens de su sœur ; q u e lle
ne conserva plus que -défait et précairement la jouissance et l'ad
ministration des biens de la Dame de Clary , sa sœ u r; que le droit
do reprendre et do disposer de ces mêmes b ie n s , pour la portion
du Sieur de Sim iane, repasse dans les mains de la nation par l’effet
de la loi du <) fructidor an»), portant abolition de reflet rétroactif
des lois de brumaire et nivôse an a , tout de nicme que la portion
du Sieur de Chardon retourna en «ou pouvoir ; quo lors de l’urrêté
�( * 5 )
du Directoire e x é cu tif du 28 nivôse an 5 , qui ordonnait la radiation
du Sieur de Simiane de la liste des émigrés , faisait cesser sa mort
civile et se bornait à un séquestre de conservation, le cours ordi
naire et naturel des successions se trouva r é ta b li, de manière à
reconnaître les héritiers légitimes d ’IIector de Simiane , au tems
de sa m o r t , lesquels héritiers étaient la religieuse Delaire , pour
la ligne maternelle, et le Sieur L ato u r-V id a u d , pour la ligne pater
n e lle , qui se firent adm ettre au bénéfice d ’inventaire par ju ge
m ent du 25 therm idor an 5 j que la loi du 22 nivôse an 6 ayant
réintégré H ector de Simiane sur la liste des é m ig ré s, la nation a
encore repris les mêmes droits qu’elle avait avant l’arrêté du D irec
to ire , et que ces droits ont subsisté jusqu’à l’application du séna
tus-consulte d’amnistie en faveur d’IIector de Simiane ou de ses
h é r it ie r s , par arrêté du Grand-Juge du 26 frimaire an 1 1 , qui a
enfin rendu à la religieuse Delaire et au Sieur L a to u r -V id a u d les
droits attachés à leurs qualités d ’héritiers bénéficiaires.
V o ilà vé ritab lem en t les effets q u ’ont p r o d u its to u ch a n t les biens
q u ’I I e c t o r de S im iane avait recueillis de la D a m e de C la r y , soit
les lois con cern a n t
les successions , soit Jes lois
c o n c e r n a n t les
é m igrés , et nous tenons p o u r fa u x tout s y s tè m e co n tra ire.
Quant au 5 .* m otif du jugement dont est a p p e l, où l’on prétend
que l’art. 17 du sénatus-consulte n’ayant rendu aux émigrés am
nistiés que ceux de leurs biens qui étaient encore dans les mains
do la nation, il est conséquent que ceux dont s’agit ne furent point
rendus à ses h éritiers, et q u ’il en résulte que la saisie-arrêt de la
Daine veuve de Simiane est n u lle , et que ses inscriptions portent à
f a u x , il n'est encore que le résultat du faux principe posé dans le
n io t ii, où les premiers juges ont supposé gratuitement une com
pensation qu’aurait faite la république avec les religieux et reli
gieuses pour se rédim er do leurs pensions , en leur laissant les biens
qu ils auraient recueillis à la faveur do l'effet rétroactif des lois de
brumaire et nivôse an 2 : o r , c o m m o ce principe est insoutenable ,
la consé(ji|t»|,co actuelle tombe avec lui. Il faut ait co,itruire tenir
pour certain que jamais la république n ’a pensé ù faire do pareils
marché*» j qu’elle n ’a jamais renoncé à la recherche des biens que
les religieux et religieuses devaient restituer en vertu do la loi du
3 vendémiaire un <i j que l’art. 5 do ccttu loi qui maintient le*
�4 $ o.
( 2G )
partages entre la république et les religieux et religieuses d é ch u s,
est tout entier dans
l’intérêt de la n a tio n , et ne reçoit aucune
application dans l’espcce , puisqu’ il n ’y a jamais eu matière à partage
entre la république et la religieuse Delaire ; que la levée du séquestre
p ar arrêté de l’administration du district d’ Ambert en date du S nivôse
an 2 , a été nécessitée par le rap p e l de la religieuse Delaire à la succes
sion de la Dame de C la r y , s a sœur j par l’ellet rétroactif de la loi de
brum aire; que le silence des administrations après l’abolition de cet
effet rétroactif, ne peut en aucune manière être assimilé à une donation
oïl autre arrangem ent présumé fait entre la nation et cette reli
gieuse, qui a bien pu par ce moyen continuer sa jouissance de fa it,
mais non de d ro it , puisque son titre d ’héritière était révoqué ,
que les véritables héritiers étaient rétablis par la loi du 9 fruc
tidor an 3 , q u ' i l e c t o r de S im ia n e était re p ré s e n té par la nation
qui était saisie de tous ses droits , et qu’il en résulte que la Dame
veuve de Simiane a pu prendre inscription sur ses biens d’A m b e rt,
saisir valablement
les deniers provenans des aliénations de ces
b ien s, comme la prem ière et la plus considérable de ses créan
ciers , et que ce n’est que par un système contraire ù la vérité
qu’on lui a fait l ’injustice dont elle se plaint en la Cour.
Cette injustice est d ’autant plus pénible pour l ’appelante , qu’elle
s ’est présentée devant les premiers juges avec des sentimens hono
rables , et qu’ ils n ’ont pas daigné faire attention à plusieurs circons
tances et considérations qui militaient également en sa laveur.
Ne devait-on pas remarquer l’époque de la vente consentie par la
religion* e Delaire aux Sieurs Lavigneet l ’ i r e l , l’éloigncment iiu lermo
du paiement et le long silence des héritiers de cette religieuse ,
qui n ’ont pas même osé toucher les intérêts des acquéreurs ?
C ’est le 17 floréal an l o q u e c.-tte religieuse a fait cette v e n t e ,
c’e s t - à - d ir e , dix jours opiès la date du séiiutus-consulte d’umnistio
des émigrés.
lilla avait évidemment attendu jusqu’à ce m o m e n t, dans la crainte
q u ’en lo faisant plutôt , cela ne donnât l’éveil aux agens de la répu
bliques , et qu’ ils no rétablissent le séquestre et n ’exercent contre
elle les recherches qu’ils avaient le droit do faire depuis la loi du 9
fructidor an 3 , qui avait aboli l’cfTct rétroactif des lois de biun iaiie
et nivôse.
�( 27 )
L e sénatus-consulfe d ’amnistie lui parut d ’un présage favorable.
E lle se hasarda à vendre ; mais n ’étant pas encore bien fixée sur les
effets que ce sénatus-consulte pourrait produire à l’égard des émigrés
décédés , les acquéreurs pensèrent q u e , pour leur sûreté , il fallait
reculer de dix ans le p a ie m e n t, d’autant qu’ils savaient bien que si
l ’amnistie profitait aux héritiers des émigrés décédés , les créanciers
de ceux-ci pouvaient
dem ander
à ces héritiers le paiement de leurs
créances , et attaquer les a c q u é r e u r s qui auraient payé imprudem
m e n t , surtout
d a n s
la circonstance où la religieuse Delaire étant co
héritière bénéficiaire d’Ilecto r de Simiane avec le Sieur L a to u r—
,Vidaud , elle exposait sa vente à être querellée par son cohéritier
p our l’avoir seule consentie.
Cette précaution de la religieuse Delaire et de ses acquéreurs,
annonce qu’ils ont prévu non seulement ce qui arrive aujourd’hui ,
mais encore ce qui pouvait arriver de pluS fort.
Pourquoi d ’ailleurs les héritiers de la religieuse Delaire ont-ils
gardé un si long silence sur la saisie-arrct de la Dame veuve de
Simiane ?
Devait-on regarder indifféremment la circonstance singulière qui
se rencontre i c i , de voir aujourd’hui le Sieur de Chardon soutenir
que les biens d’H ector de Simiane situés à A m b e r t , ont formé le
patrimoine particulier de la religieuse Delaire depuis qu’elle a été
rappelée à la succession de la Dame de C l a r y , sa sœur , par l’effet
rétroactif de la loi de brumaire ; qu’elle en a toujours conservé do
f a i t et de d r o i t } la libre disposition ; qu’enfin , ils font partie do
sa propre succession et non de celle d ’IIector de Simiane , lui Sieur de
Chardon q u i , dans trois occasions solennelles, a prouvé qu ’il pensait
tout le contraire ?
D ’abord après l ’abolition de l’effet rétroactif des lois de brumairo
et nivôse, le Sieur de Chardon s’est fuit restituer par la religieuse
Delaire les biens de l’cstoc maternel de la Daine de Clary , sa s œ u r ,
dont il était héritier en 1791. O r pourquoi 11c veut-il pas reconnaître
que cette religieuse etuit de même soumise ù 1° restitution des biens
de l’estoc paternel, recueillis uussi en «7‘J 1 l>ar H ector de S im iane,
héritier de cette ligne ? c’est parce qu'il voudrait recueillir , c o m m e
héritier de cette religieuse , la portion paternelle des biens do la
jja m e de Clary ; mais comme les moyens qu’il a fait udopter p u ile *
�(
28
)
premiers juges sont illu soires, ses espérances à cet égard se dissi
p ero nt en la Cour.
Com ment encore v i e n t - i l actuellement soutenir que les biens
d ’ Am bert no font pas partie de la succession d H ector do Simiane ,
lorsqu’il a reconnu dans le Sieur L a to u r-V id u u d , héritier benéfi-»
ciairo dudit de Simiane , qualité pour défendre t conjointement avec
lu i, la totalité des biens délaissés par lu Daino de C lu r y , contre les
prétentions d ’une femme romanesque , qui a voulu tout-ù-la-fois
usurper le nom et la fortune du président do Clury et de son epouso ?
11 est ù propos de diro ici un mot do cette affaire , qui est aussi peu»
dante eu lu Cour.
L n l’nn 3 , la femme do Louis M a r l o t , coutelier ù C l c r m o n t ,
attaqua la religieuse Doluiro , alors rappuléo ù la succession de la
Duiuo do Clary , sa tic u r , pour lui dplivrer lo liers do cottc succès**
sion , en conformité do furticle >3 do lu loi du 12 brumaire au 2 , so
prétendant fille adultérine do la Dame de Clary.
Un jugement arbitral du 4 messidor suivant lui permit de prouver
sa possession d ’é t a t , conform ém ent à l’article 8 de la loi précitée.
J)es enquêtes respectives eurent lieu.
L a loi du a 5 nivôse an 3 renroya devant les tribunaux toutes les
questions d ’état.
L a femme Marlct garda lo silence pendant dix ans.
L es 6 et a i messidor an 1 2 , elle assigna en reprise d ’instance lo
Sieur do Chnrdon et le Sieur I«atour* Vidaud.
C c u x - ii n'eurent pas do peine à repousser sa demande.
Lll 18o(> , un jugement contradictoire «lu tribunal civil «le C lerjnont déclara vteiole ctabulic toute la procédure d e là femme M arlet,
com m e faite en exécution de r*-lTet rétroactif de U loi du ia
brumaire an a , touchant une aucc^Mon ouverte en 1 7 9 1 , et cela
d ’après l a i t i c l c
|3 d® 1* loi du .*> vendémiaire an », et la r li c l t
1 . " do U loi du i S l h c r m i d o r su iv a n t, n la condamna aux dt jKçn*.
l ’eu de teint apuft , b femme MarSet fit •**»gu?r U .Sieur de
Clary de Mural , frere de feu le p r o i'l c n t de î. î*»ty , Irt Sieurs
dr ( furdou et I-stour-V i d ¿ u d , lu-ritier* de U I'jimc de C l a r y ,
|*««u *uir «lira «(u'cilo n$îí rcv.mnu» filíe Irgiurac tic* hitar
et
lJ-tuiQ
Irui »
-c
C U r y , c l sn ;«u>ctjuëiuc ïb v o v cc eu
t»
�T
- ,
29 ^
i .e qo août 1808 j mitre jugement contradictoire, q u i , attendu
que la
femme
M arlet
n ’a
ni
titre
ni
possession d ’état
do
lille légitime des Sieur et Dam e de G a r y , décédés ; qu ’elle n ’a
non plus ni commencement de preuvo pnr é c r i t , ni présom ptions,
ni même d ’indices propres à déterminer lu preuve pur témoins
de sa prétenduo filiation, l ’a déclarée non rccevablo duns ses de
mandes , lui fait défense d ’usurper les noms des Sieur et Damo
do C lu r y , et l’u condumnéo aux dépens.
A p p el et assignation donnée en la Cour , n la requêto des mariés
Marlet , tunt au Sieur de Chardon qu’au Sieur L atour-Vidaud.
C e lu i-c i a depuis renoncé à la succession d’ Ilcctor do S im ia n o ;
et comme les héritiers de la religieuse Delnirc , sa
cohéritière
bénéficiaire , ont aussi renoncé', le tribunal civil d’Avignon a nommé
un curateur à cette succession vacante; et le Sieur Latour-Yidnud
lui a dénoncé sa copie d ’acto d ’appel , pour défendre à sa place ;
et n i effet , co curateur l’n substitué.
C e n est pas pour toucher le fouit do 1« cause «le la femme M a rlet,
que nous venons rappeler ce» faits , cnr cette uilàire n’est pas do
nature à donner de l’inqu iétude, et ne mérite pas qu’on s’en occupo
avant l’audience ; mais c ’est ufin de rappeler au Sieur de Chardon
qu'il a reconnu d a m tout le cours des procédures que le Sieur
L utour-V idaud avait été justement appelé par la femme M a r le t ,
pour défendre les bien» de l’estoc paternel de la Dame de C l a r y ,
comme lui Sieur de Chardon avait été aussi appelé pour défendra
les biens de l’estoc maternel.
Que
si le Sieur de C hardon eut p en sé d a m ce toms*lù, com m e
»1 • l ’air d e le faire aujourd'hui , il n ’eùt pas m anqué de repré
senter à la justice que le Sieur Latour* Yidaud n'étant qu héritier
bénéficiaire
d ’H rctor
de S im ia n e ,
n'avait aucune quahté pour
dcTendre le» bien» de la Dam e de Clary »iluc« •« An»b*rt ; qur ces
bien» étant devenu» propriétés de la relifieu *' Dc--*lirtl cr* vertu
•!*
loi du 5 brumaire an 3 , et du «¡Urne* ' l t ' administration»
• p r ç * l'a bolition
i ! c l ’e f f e t r é t r o a ' ù f d e
! c * • 1 * l a i t « u x »eul«
h c n l i f f i ¡II» c r i te r e l i g i c u t e à r e p o w * * * * I** ^ t t j - j u r * d i n ^ r r » c o n t r e
es» tr.ct?* p r o v e n a n t d e >4
■îi- C h a n l u n
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en
tfrt-tu lu id
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que !c
q u e «1 l r S » c u r
rt
»
I^itour-
�( 3o )
V idaud se réunisse à lui p our
fe m m e
combattre les prétentions de la
Mariet , qui voulait usurper tout-à la-fois le nom et la
fortune de la Dam e de C l a r y , n ’a -t-il pas bien reconnu lui-même
que cet héritier d ’H ector de Simiane avait qualité et intérêt de
conserver les biens qu’H ector de Simiane avait recueillis à A m b e r t ,
dans la succession de la Dam e de Clary ?
Com ment donc après une reconnaissance si solennelle faite devant
la justice en 1806 et 18 0 8 , le Sieur de Chardon a -t-il pu tenir un
langage si opposé en 1 8 0 9 ? .............. c’est que pour repousser la
femme M a r l e t , le Sieur Latour-Vidaud aide le Sieur de Chardon
à conserver la portion qui lui est advenue dans les biens de la
D am e de C l a r y , tandis que quand il s’agit de laisser au repré
sentant de son c o h é ritie r l’a u tr e p ortio n , il ch an ge vite de sys
tème pour tâcher de l’écarter et la prendre à sa place dans la
succession d e là religieuse Delaire dont il est encore héritier , en
sorte que , par cette subtilité , le Sieur de Chardon arrive à son but,
qui est d’avoir toute la succession de la Dame de Clary.
Cependant il est si vrai que les biens d 'A m b e rt ont toujours
été
considérés publiquement et notoirement
d’IIector de Simiane depuis les lois
comme propriétés
des 9 fructidor an S , et 5
vendémiaire an 4 , que la femme M arlet n’a pas hésité à faire
assigner le
S ieur
L atou r-V idaud et non les héritiers de la religieuse
Delaire , pour les lui contester.
Certainement , la femme M arlet ne demandait rien des biens
p r o p r e s d’JIector de Simiane. E lle ne s’adressait au Sieur L ato u rV id a u d
b i e n s
, héritier du Sieur de Simiane , que pour lui
enlever les
s i t u é s à A m b e r t , qu’IIector de Simiane avait recueillis comme
héritier paternel de la Dame de C la r y , comme elle s’adressait au
S ’ eur de Chardon pour lui abandonner les biens qu’il avait aussi
recueillis c o m m e son héritier maternel. Quoi de plus évident pour
convaincre la C our que le Sieur de Chardon change de principes
et de manière de voir au gré de son intérêt ?
L ’appelante
est
bien
éloignée de ne parler et de n■’agir que sui
vant son intérêt personnel.
E lle consulte avec scrupule les lois ,
pour ne demander à la justice que ce que les lois lui accordent ;
encore est-il fucile de démontrer combien ses demandes sont audessous de ses droits.
�<C
J*'
3i )
P rem ièrem ent , la Dam e veuve de Simianc exerçant les droits
d ’IIector de S im ia n e, son
débiteur, et voulant rigoureusement
ramasser les débri3 de la fortune de celu i-ci, pour se faire p a y e r
ensuite des 4oo,ooo liv. environ qu’il lui doit , pouvait dem a n d e r
aux Sieurs de Féligonde et Bellègue-Bujeas , exécuteurs testamen
taires de la Dame de G a r y , un compte de leur administration depuis
le 28 octobre 1791 jusqu’au mois de décembre 1795 que le séquestre
a été mis sur les biens d’Amberf.
Inutilement le testament de la Dame de C la ry les dispensait de
rendre compte. L a Coutume d’Auvergne ne lui laissait le droit do
disposer que du quart des biens de coutume : donc ils étaient au
moins comptables des trois quarts des biens de l’estoc paternel ; or
les trois quarts de 5280,000 liv. font 225,000 liv. , dont le produit
n ’est point à d é d a ig n e r, puisque dans le courant de plus de deux
ans de jouissance , ils ont dû recevoir environ 20,000 liv. ; cepen
dant la Dame veuve de Simiane n ’a point demandé ce compte.
2.
L a Dam e de Clary ayant légué 24 o,ooo liv. , il y avait lieu à
la réduction de ses legs qui ne pouvaient enlever que les maisons de
C le r m o n t , pays de droil é c r i t , et le quart des biens de coutume ,
ce qui n ’aurait point excédé i 5 o,ooo l i v . , c’e s t - à - d ir e , que la
réduction aurait produit 90,000 liv. en viron , dont 60,000 profite
raient à H ector de Simiane et par conséquent à sa créancière. Cepen
dant la Dame veuve de Simiane n’a point demandé cette réduction ,
et 11’entend jamais retirer des mains des pauvres et des infortunés les
largesses qu’il a plu à la Dame de C lary de leur fa ir e , et à la religieuse
Delaire d’acquitter. Heureuse de s’associer par ses sacrifices à ces
actes de bienfaisance , elle s'en félicite, au lieu de les regretter.
5 .° T ou te la portion des biens de l'estoc paternel de la D am e de
C la r y , advenus au Sieur H ector de Simiane , excédait de 40,000 liv.
tous ses legs. Com m ent la Daine religieuse Delaire les »-t-elle tous
distribués , moins les 9 2,160 liv. encore dues par les Sieurs l i i e l et
Lavigne d’Am bert ? Com ment le Sieur de Chardon qui devait sup
p orter le tiers «le ces legs , puisque sa portion «le 1 estoc maternel est
du tiers <Ie la succession, n ’a-t-il pas c o n t r i b u é en proportion ? Si
les biens d’Iie cto r de Simiane ont tout payé , la Dauie veuve de
Simiane peut donc réclamer de lui cette portion contributive ; cepen
dant elle ne l ’a pas fait. L u i conviçnt'il de vouloir encore souslrtiiro
*
�à la Dam e veuve de Simiane une somme aussi inférieure à ses créances,
que l’est celle due p a r les Sieurs L av ig n e et Pirel d’A m b e r t , pour se
l ’approprier à la faveur d’ un systèm e qui n ’a de fondement que dans
son imagination.
4 .° L a Dame religieuse Delaire ayant vendu le 2 5 pluviôse an 3 ,
une maison sise place du T e rra il à C le r mo n t , laquelle faisait partie
des biens paternels d e la Dame de Clary , sa s œ u r , échus à H e c t o r
de S im ia n e, cette religieuse en devait restituer le p rix , aux termes
de l ’art. 4 de la loi du 3 vendémiaire an 4 : cependant la Dam e de
S i m i a n e n ’a point inquiété les héritiers de cette religieuse à ce s u je t,
quoiqu’ils n ’aient point fait d’inventaire depuis son d é cè s, et qu’on
p û t les convaincre d’avoir fait des actes d ’héritiers purs et simples.
5 .° L a religieuse Delaire n ’ayant eu q u ’une jouissance précaire
des biens d ’H e c t o r de Sim iane depuis la loi du 5 floréal an 3 , elle
était comptable des jouissances, et ses aliénations postérieures étaient
nulles, suivant l’art. 1.er de la loi du 3 vendémiaire an 4. C e p e n
dant non seulement la D a me de Simiane n ’a point inquiété ses
h é r it ie r s , mais n ’a pas mêm e voulu évincer les acquéreurs ni les
donataires , quoiqu’il soit évident que les Sieurs Lavigne et P irel
aient acheté le 17 floréal an 1 0 , m oyenn an t 92,160 liv. des p ro
priétés estimées 129,100 liv.
C e r te s , lorsque la Dam e veuve de Simiane s’est montrée avec
des procédés si généreux et si d élicats, elle devait compter sur
une justice bienveillante, au moins sur une justice exacte. M a is,
puisque le sort en a décidé autrement en prem ière instance, elle
se flatte qu’en la Cour la vérité qu’elle a cherchée de bonne foi sera
manifestée avec assez d’éclat pour la consoler de l ’injustice passagère
qu’elle a éprouvée.
Signé à l ’original sur papier timbré ,
M .e C. L . R O U S S E A U , ancien avocat.
M .e G A R O N , avoué.
A
C L E R M O N T -F E R R A N D
,
Chez J. VEYSSET , Imprimeur-Libraire d u l y c é e , rue de la Treille.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Félix, Anne-Emilie de. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rousseau
Garron
Subject
The topic of the resource
créances
émigrés
séquestre
Comtat Venaissin
successions
amnistie
rétroactivité de la loi
estoc
vie monastique
rétroactivité des successions
mort civile
legs
hôpitaux
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour dame Anne-Emilie de Félix, veuve de sieur Claude-François-Léon de Simiane, propriétaire à Collonges, arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, demanderesse en maintenue de saisie arrêt, et appelante ; contre Dame Marguerite de Chardon, veuve du sieur Jacques-François de Montagnier, ancien magistrat ; Claude-Antoine-Jospeh de Chardon ; demoiselle Anne de Chardon, dame Perrette de Chardon, veuve du sieur vallette de Rochevert, tous propriétaires, habitans de la ville de Riom, se qualifiant héritiers sous bénéfice d'inventaire de défunte dame Marie-Jeanne Delaire, ancienne religieuse, pour la ligne maternelle, demandeurs en partage et en nuliité de saisie-arrêt, intimés ; et contre dame Jeanne-Marie de Champflour, veuve du sieur Paul-François de Montrozier ; sieur Jean-baptiste de Champflour ; dame Marie-Anne-Félicité de Frédefont, et sieur Jean-Jacques de Rochette, son mari ; demoiselle Gabrielle Durand-de-Pérignat, fille majeure ; et dame Marie Durand, ancienne religieuse, tous propriétaires, habitans de la ville de Clermont-Ferrand, se qualifiant héritiers bénéficiaires de ladite dame religieuse Delaire, pour la ligne paternelle, défendeurs au partage, et aussi demandeurs en nullité de saisie arrêt, intimés ; et encore contre sieur Jacques-Marie Lavigne, notaire impérial, et sieur Jean Pirel, marchand, habitans de la ville d'Ambert, tiers saisis, appelés en cause, défendeurs et intimés.
note manuscrite : « Voir l'arrêt au journal des audiences, 1810, p. 300. »
Table Godemel : Succession : 1. les religieux qui, par effet rétroactif de la loi du cinq brumaire an 2, se mirent en possession des successions de leurs parents que des héritiers plus éloignés avaient appréhendées, ont-ils été soumis à la restitution après le rapport de cet effet rétroactif, quoique les héritiers rétablis se soient trouvés représentés par la nation, comme émigrés ? la nation, dans ce cas particulier, n’est-elle pas censée avoir renoncé à toute recherche et n’avoir point voulu user du bénéfice des lois des 9 fructidor an 3 et 3 vendémiaire an 4, pour se rédimer des pensions qu’elle s’était obligée de payer aux religieux ? Amnistie : le sénatus-consulte du 6 floréal an dix a-t-il rendu aux émigrés amnistiés, ou à leurs héritiers, non seulement les biens qui se trouvaient dans les mains de la nation, par voie de séquestre, au moment de l’amnistie, mais encore tous les biens et droits qui leur appartenaient ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1787-1811
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2015
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2016
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53385/BCU_Factums_G2015.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Clermont-Ferrand (63113)
Ambert (63003)
Aix-en-Provence (13001)
Asti (Italie)
Avignon (84007)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
amnistie
comtat vénaissin
Créances
émigrés
estoc
hôpitaux
legs
mort civile
rétroactivité de la loi
rétroactivité des successions
séquestre
Successions
vie monastique
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53380/BCU_Factums_G2010.pdf
6b32cdaa7fa2fe735d9128571ea31baf
PDF Text
Text
P R É C I S
EN
RÉPONSE,
P O U R
t
E X P E R T O N , avoué licencié
au tribunal civil du P u y , intimé;
J e a n - B aptiste
C O N T R E
G ilb e r t
Q
G IB O N ,
a v o ca t,
a p p e la n t.
UAND on a soif de la fo r t u n e , q u a n d , p o u r cou rir
à cet unique b u t, on n églige ses proches jusqu’à la veille
de leur d écès, q u ’alors on ne se souvient d’eux que p ou r
ten ter, par obssession, de leur arracher des dispositions
gratuites, on o u b lie , l’instant d’a p rès, ceux de qui on a
obtenu quoique chose, et on ne se souvient de ceux dont
on a essuyé les refus que p o u r les m audire et insulter à
leur m ém oire.
Aussi G ilb ert G ib o n ne se r e t r a c e - t - i l aujourd’hui
M a rg u erite G i b o n , sœ u r de son p è r e , que com m e un
être disgracié de la n a tu r e , o n é re u x à sa f a m ille , et
a u q u e l, tout au p lu s , on devait q u e lq u e p itié.
A
�C M
C ’est assez naïvem ent exp rim e r les sentimens q u ’il avoit
p o u r elle , et le genre de ses affections. Il avoit q u elq u e
p itié p o u r sa ta n te , et beaucoup d’aiFection p o u r son
p atrim oine : d’où il est évident que s’il daigne encore
se souvenir q u ’il eut une tante appelée M a r g u e r ite , ou
suivant lui M a rg o u to n , ce n’est pas q u ’il ait la m oindre
envie de la regretter; c’est uniquem ent parce q u ’il a con
v o ité inutilem ent sa fortune.
Beau titr e , en effet, p o u r prétendre à la tendresse de
sa tante, exclusivem ent à tous autres, exclusivem ent sur
tout à E x p e rto n qui l’avoit recueillie dans sa maison depuis
plusieurs an n ées, qui lui p ro d igu o it les soins de l’affec
tion , et avec q u i elle a v é cu dans l’intim ité jusqu’au
dern ier instant de sa v ie !
E xcellen t mo)7en de persuader à la justice que le p r é
tendu testament resté im parfait fut un acte spontané de
M a rg u erite G ib o n ; qu e par reconnoissance p o u r la p itié
que G ib o n lui p ortoit de l o i n , il lui v in t en id é e , sur
son lit de m o r t , et dans la maison m êm e d ’E x p e r t o n ,
d’appeler un notaire^ p o u r lu i ôter le m oindre espoir
dans son h éréd ité , et la transmettre toute entière à
G ib o n !
M ais la v é rité se fait jo u r quelquefois i\ travers le
b o u rd on n em en t des passions ; et m algré sa résolution
bien prise de trom p er la justice sur le f a i t , le sieur
G ib o n n’a pu retenir cette expression de son âme dans
laquelle il s’est peint tout entier.
Il n’eut pas m anqué non p l u s , s’ il n ’eût cru p o u v o ir
prétendre à l’h érédité de M a r ie -M a r g u e r ite , de dire à
la justice q u ’elle étoit asth m atiqu e, et accablée d ’iuiir-
�( s ) ,
mités ; que bien loin de p o u v o ir administrer au-dedans
et a u -d e h o rs, elle étoit six mois de l’a n n é e , au m o in s ,
incapable de se servir e lle -m ê m e , et que le plus souvent
sa sœur la soign oit, q u oiq u e boiteuse, q u oiq u e son aînée.
E lle n’eût encore été à ses y e u x q u ’un être inutile et
insupportable : elle ne lui a paru tout d ’ un cou p robuste
et a c tiv e , que parce q u ’il a cru que cette idée p o u v o it
rendre vraisem blable la singulière préférence q u ’il sup
pose à J e a n - L o u i s G i b o n , dans la distribution de sa
fortune.
A ussi le sieur G ib o n a-t-il principalem ent em ployé
ses efforts à jeter sur E x p e rto n une défaveur q u ’ il redoutoit p o u r l u i - m ê m e , et q u i à ses y e u x produisoit
ce double effet, et d ’élo ig n er ce q u ’il vedoutoit le p lu s ,
et de déverser sur lui toute la bienveillance de la justice.
P o u r cela il a fallu arranger artistement des faits controuvés et étrangers à la cause, faire un tableau infidèle
de la vie d ’E x p e rto n ', l ’accuser hautem ent d ’a v o ir en levé
l ’argent com ptant de sa tante, crier le p rem ier au v o le u r ,
tout cela p o u r détruire,d’avance PeiTet de cette accusation
contre lu i-m êm e ,.ç t ne laisser à son adversaire que l’ap
parence de la récrim ination.
M ais la justice ne se laisse pas entraîner par des illu
sions; la C o u r q u oiq u e moins à portée que les juges du
P u y de connoître spécialement les parties et les circons
tances de la cause, sera bien tô t convaincue que le tri
bunal près duquel l’intimé exerce ses fonctions, et q u ’on
dit lui a vo ir accordé tant de f a v e u r , n e s’est mépris
ni sur la ca u se , ni sur les personnes, ni sur l’application
, des principes du droit.
A
2
�2>%Q
(4)
F A I T S .
J e a n -L o u is, M a rgu erite et M a rie -M a rg u erite G ib o n ,
tous les trois célibataires, avoieut constamment cohabité
et vécu ensemble dans la plus grande intim ité à L a n d o s ,
leur pays n a ta l, lorsqu'ils vin ren t en la ville du P u y ,
se réu n ir à M a rie G i b o n , fçm m e E x p e r t o n , leur sœ ur,
et au sieur E x p e r t o n , leu r neveu : ils ne se sont plus
quittés ; la m o rt seule les a séparés..
O n n ’a pas à rechercher ici ni l’o r ig in e , ni l’ état de
la fortune du sieur E x p e r t o n dans les prem ières années
d e sa v i e ; on snit assez que les parties sont enfans du
frère et de la s œ u r, que leurs parens étoient de la m êm e
condition ; et si G ib o n a osé parler d’E x p e rto n com m e
d*un être m isé ra b le , n é dans l’in d ig e n ce , et destiné à
y traîner sa v i e , ce n’est là q u ’ un ton de m épris trèsm éprisable assurém ent, surtout en tre proches.
S’ il faut en croire G ib o n , ce fut encore p a r p itié que
son père reçut E xp e rto n chez lu i; c a r , à l’entendre, ce
sentiment p ou r ses proches seroit chez lui une vertu
héréditaire. M ais p o u rq u o i ces détails m in u tie u x ; p o u r
quoi surtout ces récits inexacts, étrangers à cette cause,
si ce n ’est p o u r p ro u v e r à tout le m onde q u ’il a besoin
de s’entourer d ’ une foule de petits moyens p ou r donner
une c o u leu r de vraisemblance h des faits q u ’ il suppose
capables de disposer favorablem ent les esprits? Il faut
donc parler des faits.
G i b o n , faisant scs études au P u y , habitoit et v iv o it
chez E x p e rto n p è r e , son oncle. Ses études fin ies, son
�( 5)
p ère l’envoya à T o u l o u s e , et à la m êm e é p o q u e , E x perton fut en v o yé chez le sieur G i b o n , son o n c le , pra
ticien à P radelles, où il p rit quelque teinture de pratique.
L o rs q u e G ib o n fils revint de T o u lo u se , érigé en avocat,
son p è r e , alors juge des lie u x , lui laissa son étu de; mais
com m e il lui étoit interdit de p ostu ler, il profita d ’E x perton , sous le nom duquel il commença sa fortune
p e rso n n e lle , sans q u e jamais E x p e rto n ait reçu ni de
m andé , m algré sa m is è r e , la m oin dre gratification. Son
p ère l’entretenoit ; et lorsqu’ il avoit besoin de quelque
chose de p lu s , il le demandoit à ses tantes de Landos.
A p r è s un certain tem p s, E x p e rto n revin t au P u y ; il
entra clerc chez J o u v e , p ro c u re u r, où il a resté plusieurs
années. L a rév o lu tio n su rvin t;,le s sieurs G ib o n père et
fils furent persécutés : et puisque l’appelant a cru néces
saire ou utile à sa cause de rappeler quelques traits bien
défigurés de la v ie d ’E x p e rto n , p e u t-ê tre sa m ém oire
auroit pu lu i fo u rn ir et son cœur surtout lui rappeler
la conduite que tint E x p e rto n envers sa famille et lu im ê m e , dans ces temps d’orage et de persécution.
M ais ce n’est pas ce dont il s’agit. 11 faut arriver au
fait de la cause.
E x p e rto n fixé au P u y , y fut d ’abord défenseur offi
c ie u x , puis reçu a v o u é ; la dame sa m ère quitta la c o m
pagnie de son fr è r e et de ses sœurs p o u r ve n ir habiter
avec lui. Ils vivo ien t paisiblement ensem ble, lorsque son
oncle et ses d e u x tantes vin ren t partager avec eu x la
tranquillité de leur mén.ige.
L a dame E x p e rto n m ourut la p r e m i è r e ; son frerc et
�. ( 6 )
ses d e u x sœurs ne continuèrent pas m oins de cohabiter
et de v iv re avec E x p e t t o n , leur n e v e u ; ce q u i d é m o n treroit assez, san s'qu ’ il ait besoin de le 7rem arquer luî—
m êm e , q u ’ il ne leur donnoit que des p r e u v e è d e respect
et d’attachement.
E x p e rto n avoit acquis une maison au P u y. Il est faux
q u e jamais celle de la v e u v e B enoît ait été vendue à Jean-Louis G ib o n : ce n’est l à ' q u ’u n fait a r tic u lé , com m e
tant d ’autres, p o u r le besoin de la cause.
L e sieur G ib o n , dit-on , ne cessa de s’en plaindre ! Cela
est bientôt dit, m aiscela p erd to u tesa vraisem blance quand
on avoue que L o u is G ib o n et ses sœ u rs, bien loin de
retou rner h L an do s où ils a vo ient encore leur habitation
m e u b lé e , su iviren t E x p e rto n dans là maison de la ve u ve
E sbrayat, q u ’il venoit d ’acq u é rir; quand on saura surtout
q u e J e a n - L o u i s G ib o n ne tomba pas malade peu de
tem ps a p r è s , et qu ’il vécut vingt-six mois sans se p lain d re,
toujours à la com pagnie d ’E xperto n ;
C e seroit une lég ère présom ption , :pcu t-ô tre, du m é
contentement de L o u is G i b o n , s’ il «voit testé im m édia
tement après la ve n te ; mais il sùifit’de rapprocher les dates
p o u r se convaincre du co nt ra ir e : la vente est de vendcmiaii-e an 1 0 , le testament du 25 frim aire an 1 2 , et le
décès d u 'm ê m e jour.
C e n’est pas le m om ent de s’appesantir sur les circons
tances du testament de J e a n - L o u i s
G ib o n . L e sieur
E x p e rto n sait, et le sieur G ib o n sait com m e lu i, que le
frère et les deux sœurs avoient eu constamment la réso
lution de se laisser m utuellem ent leur fortune : tous trois
�( 7)
célibataires et d’un âge a v a n c é , leurs besoins et leurs
habitudes étoient les m ê m e s, leurs affections récip ro
ques égalem ent distribuées.
L e sieur G ib o n sait aussi que pleins de gratitudes p o u r
les attentions et les égards d ’E x p e rto n , leur intention
étoit aussi de lui laisser sinon to u t, au moins la majeure
partie de cette fo rtu n e; sans cela1 p o u rq u o i tant de p r é
cautions et d ’efforts p o u r les en d é to u rn er?
Q u o i q u ’il en s o it, ce testament est fait au profit de
M a rg u erite ; en quoi certainement il ne faut ni tro uver
ni ch ercher aucun m o tif d’exclusion p o u r E x p e r t o n , mais
l ’idée bien naturelle de laisser q u elq u ’aisance à sa sœur dans
un âge a v a n c é , ou p o u r m ie u x d ire, à ses: sœurs, puis
q u ’ une lon gue habitude de v iv r e ensemble les avoient
rendues nécessaires l ’ une à l’a u tre , et q u ’ il n’a voit pas de
raison de croire q u ’elles dussent jamais se séparer.
Ici le sieur G ib o n disserte beaucoup sur les intentions
d e son oncle ; car il établit toute sa cause sur la vertu
de certaines présom ptions q u ’il croit a vo ir rendues v ra i
semblables.
E t d ’abord il avance que son oncle s’en étoit ouvert
au curé de L a n d o s , en
quoi le sieur E xp erto n est
fondé à croire q u ’ il eût été plus réservé si le curé de
L an dos ne fut pas décédé dans l’ intervalle ; car p réci
sément le sieur G ib o n lui avoit dit plus d ’ une fois q u ’il
v o u lo it laisser ses biens :\ M a r g u e r it e , sa sœur aînée.
G ib o n ajoute q u ’ Experton lui-m êm e s’est vanté d’a vo ir
dirigé le testament au profit de M a rg u e rite ; ce qui
d ’abord est in e x a c t , et en second lieu ue seroit <l’au
cune conséquence.
�( 8 ) .
E n p rem ière instance, il étoit allé plus l o in ; il avoit
avancé q u ’E x p e rto n étoit présent au testam ent, et q u ’ il
l’avoit inilnencé directem en t; E x p e r t o n , sur le c h a m p ,
offrit de s’en rapporter à la déclai-ation du notaire, tout
d é v o u é q u ’ il étoit aux intérêts de G ib o n : on se tut.
G ib o n détaille ensuite une foule d’actes qui suivirent
le décès de son o n c le ; il.p réten d en tirer la conséquence
que M a rg u erite se considéra et fut reconnue com m e
seule héritière. M ais que prou veroit le fait en lui-m êm e?
tous les actes sont consentis par. M a rg u erite ; d’ailleurs,
on le r é p è t e , les deu x sœurs viva n t ensem ble, adm inistroient également ; quand l'une étdi.t m a l a d e , l ’autre
s’en occupoit p l u s spé c ia le m en t ; et tous les actes se
faisoient au nom de M a rg u erite , c’est-à -d ire, de celle
au profit de qui é to it.d irig é le-testament.
N ous arrivons a u x événem ens qu i se rapprochent le
plus de la m ort des deux sœurs. Ici le sieur G ib o n a
coulé fort rapidem ent : les actes de la cause vo n t ap
prendre q u ’il a été au moins im prudent en accusant
E xp e rto n de sp oliatio n , sans p re u v e s, sans indices, sans
le m oindre adm inicule qu i pût justifier cette gra ve in
culpation.
D ep uis près d ’ un an E x p e rto n , dont on exagère tant
la p r é v o y a n c e , avoit reçu dans sa maison 1 1 dame G ib o n ,
sœur de l’appelant : scs deu x taules étant l’une et l’autre
fort cassées, la dame G ib o n les soignoit; elle étoit à la
tête du m énage com m un. L e sieur G ib o n ne manqua
pas de mettre à profit cette circonstance.
M a r i é - M a r g u e r i t e G ib o n fut fr ap p ée d ’a p o p l e x i e , le
7 v e n d é m ia i r e an 14 > dit -on ; E x p e r t o n étoit a b s e n t, il
ne
�(9)
ne revin t que d ix jours après cet accident, sur l’avis que
lui en donna la dame G ib o n , en lui m andant qu ’elle
avoit tous les soins possibles de sa tante. Il trouva sa tante
assez m a lad e, entourée de diverses personnes : la dame
.Gibon ne la quittoit pas un instant.
- C ’est au m ilieu de tous ces surveillans, intéressés p o u r
la p lu p a r t, et m êm e pendant son absence, q u ’on l ’accuse
d’a vo ir enlevé l’argent de sa tante.
E x p e rto n ignore si sa tante avoit une somme d ’argent;
mais à le supposer ainsi, ce qui peut ê t r e , au moins estil bien certain q u ’on n’a pas à lui en dem ander com pte.
J u s q u e - là on avoit gardé des mesures p o u r amener
les deux tantes à disposer au profit de G ib o n ; cet é v é
nement donna plus de hardiesse; peut-être trouva-t-on
dans l’enlèvem en t de l’a rg e n t, et un bénéfice n e t, et le
m oyen de noircir E x p e rto n dans l ’esprit de sa tante.
Q u o i q u ’il en soit, un testam entfutdressé le 12 brum aire
an 1 4 , sous le nom de M a rguerite. F u t - i l consenti par
l ’aînée ou la plus jeune des deux sœurs? l’acte lui-m êm e
ne décide pas cette question ; mais il ne faut pas en omettre
les circonstances.
L a testatrice fut conduite chez E y r a u d , n o ta ire, le soir
très-tard; le testament fut dressé; et ce q u ’ il y a de plus
sûr au m o n d e , c’est q u ’elle ne le dicta pas, que m êm e
elle ne déclara pas spontanément les intentions q u ’on lui
p rê te ; cependant l’acte en fait foi.
C e q u ’ il y a de certain aussi, et le sieur E xp erto n en
prod uiroit la p reu ve s’ il ne vo u lo it pas garder certains
inénagemens , c’est q u ’il fut dressé avant la venue de
�OJ&x £r*b( 10 )
quelques tém oins; qu e l ’ un d’e u x , au m oins, fut appelé
tr è s -ta r d p o u r signer un te sta m e n t; q u ’il prom it d ’y
a lle r ; q u ’ il y alla en e ffe t; qu’ il ne co n n o isso it pa s la
te sta trice ,• que néanm oins on le fit signer com m e tém oin
du testament ; q u ’ il y répugn a d’abord ; que cependant il
le fit parce q u 'il Va voit p rom is. L e sieur E x p e rto n ne
sait pas s’ il eu fut de m êm e des autres, mais il a droit de
le soupçonner.
Cette tante q u i , suivant G ibo n , s’exhaloit en rep ro
ches et plaintes amères contre E x p e r t o n , sur l’eulèvem en t
de son a rg e n t, cette tan te, à qui on arrache une insti
tution au profit de G i b o n , ne lègu e pas moins io o o fr.
à E x p e r t o n , h u i t ’ou d ix jours après ce prétendu v o l :
quelle invraisem blance!
M arie-M argu erite G ib o n vécut jusqu’au n mars 1809;
et c’est ici q u ’il faut encore se fixer sur la conduite de
G ibo n .
Ce n’étoiè pas assez p o u r lui de p o u v o ir se dire héritier
de la plus jeune des sœurs; et q u o iq u e , suivant l u i , la
fortune de l’oncle lui appartînt déjà en e n tie r, il ne jeta
pas moins ses regards sur le m od iq u e patrim oine de
l ’aînée.
Q u e l fut son b u t ? c r a i g n i t - i l que la fortune de son
oncle ne lui fût pas bien assurée par le prem ier testa
m e n t ? v o u lu t-il, par un acte p u b lic , faire prendre une
fois eu la vie à M a rgu erite le nom de M a r g o u to n ? Ce
fut peut-être l’ un et l’autre ; mais c’est ce qu ’il im porte
peu de rechercher.
G ib o n étoit venu au P u y p ou r com m ander le testa-
�( ii )
ment du 12 b ru m a ire ; il y revint encore après le décès
de M a r ie - M argu erite : et p o u r ne pas faire un voyage
in fr u c tu e u x , il m it p o u r la seconde fois tous ses aflidés
en m ouvem ent.
L e 17 m a rs, de grand matin , M a rg u erite G i b o n , dans
la maison m êm e d ’E x p e r t o n , est tout d ’un coup assiégée
p a r un n o t a ir e , des t é m o in s , et toutes les personnes qui
l ’entouroient. O n com m ence un testament q u ’elle ne
v o u lo it ni dicter ni faire; déjà le p réam bule étoit r é d ig é ,
et bien entendu M a rgu erite appelée M a rg o u ton : le
notaire en étoit à l’institution d ’h éritie r, lorsque E x p e rto n
a rrive inopiném ent.
E to n n é de cette assemblée, il in terro ge; on lui ré p o n d ;
il somme alors le notaire d’ interpeler sa tante en sa p ré
sen ce, et devant les té m o in s, afin de savoir qui elle entendoit instituer ; elle répond : m on neveu d ’i c i ,* on veut
plus d ’explication , on lui demande si c’est G ib o n ou
E x p e r to u ; elle répon d : E x p e rto n . A lo r s le notaire
déclare qu ’ayant été en v o yé par G ib o n p o u r recevoir
un testament en sa fa v e u r , et croyant q u ’en effet ce seroit
l ’ intention de la testatrice, il seroit inconvenant q u ’il
rapportât au sieur G ib o n un testament fait au profit d’ un
autre. E x p e rto n lui perm it de se retirer.
V o i l à le fait dans toute son exactitude; et en ce sens
il est vrai q u ’ il empecha la confection du testament, si
toutefois on peut croire que le notaire l’eut achevé dans
le sens du sieur G ib o n . Mais poursuivons.
Il est prcsqu’ inutile de rappeler en passant q u e , le
19 mars au matin , M argu erite G ib o n fil son testament
et disposa de ses biens au profit d’E xperton. Il 11’y eut
B 2
�certainement d’affectation ni dans le nom qu ’elle y prit
puisque c’étoit bien le s ie n , ni m êm e dans le c h o ix du
no taire; car il e s t, à juste titre , dépositaire de la con
fiance publique.
D ep u is la maladie de M arie - M a rg u erite , Ta dame
G ib o n avoit introduit dans la maison A n n e M ia l h e , sa
p a re n te , qui lui aidoit à servir ses tantes, et qui étoit
tout aussi d é vo u ée q u ’elle aux intérêts du sieur G ibon .
E lles avoient tout à leur disp ositio n , m êm e les clefs des
armoires : E xp erto n n’en concevoit pas la m oindre d é
fiance; il semble q u ’il se plaisoit à s’aveu gler volontai
rement.
L e sieur G ib o n désespéroit d’arracher désormais .au
cunes dispositions de M argu erite ; par cela seul il doutoit
beaucoup de v o ir accom plir ses vues sur la succession
de ro n d e : il jugea prudent de s’em parer de ce qui étoit
sous la main.
L e 20 mars au m atin , E x p e r t o n , à peine l e v é , entre
dans la cham bre de sa tante; il y trouve G i b o n , A g u l h o n ,
son beau-frère, et A n n e M ialhe. Ils étoient entourés de
paquets de linge et d ’autres eiTets q u ’ils avoient retirés
des armoires : A n n e M ia lh e aclievoit de coudre le der
nier. Sous le prétexte d ’em porter les bardes personnelles
à M a r ie -M a r g u e r ite , déjà d é c é d é e , le linge des deux
tantes avoit été mis dans ces paquets, dans la chambre
m êm e où M a rg u erite étoit fort mal : E x p e rto n s’opposa
à l’e n lè v e m e n t .
M ais déjà les p apiers, les obligations et mitres pièces
importantes étoient entre les mains de G i b o n , com m e
on s’en convaincra facilem ent; ce m êm e jour il requit
�;
( 13 )
l’apposition des scellés : le procès verbal va p ro u v e r ce
q u ’on vient de dire.
Il faut rem arquer d’abord que G ib o n , nanti des titres
et o b lig a tio n s, G ib o n qui avoit voulu sans aucune p ré
caution préalable enlever le m obilier, G ibon qui prétend
a vo ir toujours cru q u ’il étoit seul héritier de son oncle,
annonce par ce procès verbal q u ’ il n’entend se porter
héritier de sa tante qu e sou s bénéfice d?inventaire.
L e juge de paix se p résen te; E x p e rto n lui déclare
q u ’ il consent à l’ap p o sition , mais q u ’il se réserve tous
ses dro its, notamment con tre les d isp osition s testam en
ta ires d ont e x cip e G ib on .
Il ajoute que le matin môme il a tro u v é dans la cham bre
A n n e M ia lh e ......... laquelle s’est permis d’o u v rir les ar
m o ires, d’en extraire le l in g e , d’en faire des tas; et il
invite le juge de paix à le constater.
M o n t é dans la c h a m b re , il trouve A n n e M ia lh e fort
p rép arée à sa réponse : Il faut faire connoître ici cette
partie du procès verbal.
« A v o n s tro u v é une fille qui nous a dit s’appeler
« A n n e M ia l h e , donnant des soins à d e m o iselle'M a rgouton , ne la co n n a issa n t sou s autre n o m ........qui
« nous a dit que ce matin elle a trou vé dans la p och e
« de ladite M argouton des clefs ,• qu'elle en a ouvert les
« a rm oires , et en a extrait le linge et autres effets q u ’elle
« savoit appartenir ¿\ la d éfu n te, p o u r les rem ettre à q u i
« de d ro it; qu'au m om ent où elle faisoit l’o u ve rt u re des
« a rm o ire s, et fermoit les p a q u e ts , M M . E x p e r t o n ,
« G i b o n et A g u l h o n sont a r r i v é s ; » mais elle é c h a p p e
ly ^ E x p cr to n n éto it arrivé que le dernier.
'
�C m )
Ln justice -sera-t-elle donc o bligée de s’en rapporter
à cet h é ritie r bén éficia ire ? est-il donc si in g é n u , si fa
v o ra b le , q u ’ il fa ille , sur ses assertions, croire à la m al
honnêteté de son adversaire, et lui faire perdre en m êm e
temps sa cause et sa rép u ta tio n? M ais poursuivons.
M a rg u erite G ib o n décéda le 27 m a rs; G ib o n ne ré-r
clam oit pas la levée des scellés; E x p e rto n fut obligé de
pren dre l’ initiative. Ils furent levés le 17 a v r i l , et le
m ê m e jour D u r a s t e l, notaire commis par le président
de p rem ière instance, procéda à l’inventaire. Il est encore
essentiel de rappeler ici quelques parties de ce procès
v e r b a l; il p rou vera co m b ien , dès le p rin c ip e , E xp erto n
s’est m o n tré avec franchise , et com bien au contraire
Gil>on a refusé de s’exp liquer.
E x p e rto n a vo it appelé ses tantes par leur n o m ; G ib o n
le tro uve mauvais : il dit q u ’il n’a p p ro u v e pas les dési
gnations données aux deux tantes, parce q u e lle s so n t
con tra ires au p rocès v erb a l d 'a p p osition de scellés ; et
en effet il avoit eu grand s o i n , lors de ce procès v e rb a l,
de don ner aux deux tantes les noms qui lui convenoient,
espérant s’en faire un titre d o n t ,a u reste, il recounoissoit
le besoin.
E x p e rto n lui rép liq u e avec raison que ce procès verbal
ne peut ré g le r ni les n o m s , ni les qualités de ses tantes.
A p r è s l’in v en ta ire , G ib o n répète avec une affectation
rid ic u le , et qui dém ontre son peu de fran ch ise, q u 'il
ne c o n n o is s o itp o in t M a r ie -M a r g u e r ite , mais bien M a r
guerite G ib o n , sa ta n te , p rem ière décédée ; il ajoute
que sa tanle lui a rép été plusieurs fois q u ’E xp crto n lui
avoit en levé son o r , son argent et ses papiers.
�( iS )
I l ne sauroit être fastidieux i c i , de rem arquer les
reproches que lui lit E xp erto n à la suite de l’in ven taire,
et la m anière dont il y répondit.
« E xp erto n n’est pas étonné que G ih on méconnoisse
« sa tante qu ’ il n’a g u ère f r é q u e n té e , si ce n’est lors
« de ses dernières maladies , p o u r lui surprendre une
« disposition nocturne.
« Il soutient que l’imputation de soustraction est fausse
« et calom nieuse; que c’est par cette invention et autres
« suggestions perfides que G ib o n , la dam e G ib o n , sa
« s œ u r , A n n e M ia lh e et autres personnes commises par
« G i b o n , que ce dernier a cherch é à détou rn er les dispo
se sitions amicales et favorables de ses tantes p o u r lui.
«
«
a
«
« Q u ’à cette ép o que M a r i e - R o s e G ib o n habitoit la
m aison, et «voit seule le soin de toutes les aifiiires du
m énage de ses tantes; que G ib o u lu i - m ê m e l’a vue
lib rem en t, a m angé et lo g é dans la maison tant que
cela lui a fait plaisir.
« R é p é ta n t que le jour du procès v e r b a l, à six heures
« du m a tin , il trouva dans la cham bre A n n e M ia lh e ,
« les sieu rs G ib o n t t A g u lh o n q u i avaient ouvert les
« a r m o ir e s , et les a voient f o u illé e s , c ro y a n t E x p e r to n
« encore au lit. »
V o ilà une accusation bien g r a v e , consignée dans un
acte p u b lic , faite à la luce de celui qui en étoit le mi
nistre; une accusation enfin q u ’ un h om m e d é lic a t, in
justement offensé ne supporte pas un seul instant. Q ue
répond G ibon ?
R ien sur le fait. Il trouve que ce sero it s'a m u ser qu e
tfjr r é p liq u e r ,* il se réserve d’agir ainsi q u ’il aviseru. E t
�( ,i 6 )
cri effet ce fait résultoit déjà du procès verbal d ’a p p o
sition de scellés; il étoit vrai en lu i-m ê m e ; il falloit des
réflexions p ou r y répondre.
Suivons l’ordre des faits, et ne faisons pas com m e le
sieur G ib o n , qui p o u r tirer une fin de non-recevoir ch i
m ériq u e d’ un jugement au possessoire, a jugé à propos de
les transposer, tellement q u ’après a vo ir traversé l’année
1809 on se tro u ve tout d ’un coup au 19 juin 1806.
D ès le 21 avril 1806, E x p e rto n fit notifier à certains
débiteurs de J e a n - L o u i s G ib o n un acte par lequel il
leu r déclare q u ’ il a été instruit de leurs dettes; q u ’ il a
été averti aussi que les titres ou billets qui constatent
la cfréance sont entre les mains de G ib o n : il leur fait
défenses de le payer.
L es procédures se continuent sans in te rru p tio n , jus
q u ’au m om ent o ù , forcé de. prendre un p a r t i, G ibo n
prend le fait et cause des d é b ite u rs , et intervient p our
faire cesser les poursuites; et en 1806 la cause.s’engage.
Il est inutile de détailler ici aucun des actes de possession
respectivem ent faits, p uis qu ’ ils ne peuvent être d ’aucune
con séqu en ce; il suffit de sa vo ir que sur une citation en
co n ciliatio n , donnée par E xp e rto n à divers détenteurs des
biens de L o u is G ibo n , les uns opposèrent des contrats de
vente , d’autres des baux à ferm e ; que dès-lors E x p e rto n
abandonna sa demande en désistement, et leur fit c o m
m a n d e m e n t de payer le p r ix des bau x de ferme. Ils y
f o r m è r e n t opposition ; G ib o n intervint p o u r prendre leur
fuit et cause; et c’est ainsi que la cause a été liée devant
le tribunal du Puy»
Pu isqu ’on a parlé de conclusions, il faut en parler aussi
pour
�C *7 )
p o u r redresser le fait. E xp e rto n , en présentant une requête
contre le sieur G ibo n , y conclut à être m a in ten u et ren
voyé dans la prop riété et jo u is s a n c e ........à ce q u ’ il soit
fait défenses’ à G ib o n de l’y troubler de n o u v ea u . Il n’y
-a donc pas de sa part une simple demande d 'en voi en
p ossession : mais le sieur G ib o n ne s’attache pas à une
g ran de exactitude dans les faits.
C ’est pendant l’instance, et en 180 8, que s’est élevée
la querelle possessoire dont on a parlé : c ’est en 180 9,
c’est-à-dire, au m om ent où la qualité des parties alloit
être jugée sur contestation r é c ip r o q u e , qu ’est rendu le
jugem ent possessoire dans lequel on donne fort adroi
tement au sieur G ib o n la qualité d ’héritier de M a rg u erite
G i b o n , qui l’étoit de J ean -L ouis.
E t aussitôt, fertile en petits m oyens dont il sent gran
dement le besoin , G i b o n s’écrie : E x p e rto n a reconnu
mes droits et la v é rité du f u i t , en ne form ant pas o p p o
sition aux qualités, dans une instance où il ne s’en ngissoit
p a s , q u o iq u ’ il me contestât form ellem ent cette qualité
dans le m êm e tem ps, et que ce fût l’ unique objet d’ un
procès au pétitoire. Q u elle p itié !
Q u o i q u ’ il en s o it, le tribunal du P u y a pron o n cé
sur le fo n d ; son jugem ent n’a d’autre base que les titres
et actes respectivement produits : il déclare q u ’une fille
qui est baptisée'sous le nom de M a r g u e r it e , qui dans
tous les actes a sans cesse été appelée M a rg u e rite , s’appelle
encore M a rg u erite ; et q u ’ un testament au profit do M a r
g u e rite , de la part d ’ un frère q u i v iv o it avec elle dans
l ’ in tim ité , ne peut profiter q u ’à M a r g u e r it e . C ’est là tout
�( i8 )
le secret des premiers juges'; il s’agit de savoir si en la
C o u r on trouvera m oyen de p ro u v e r le contraire.
L ’essayer avec des m oyens de droit isolém ent, la ten
tative seroit un peu hardie ; aussi on cherche principa
lem en t, non pas à. attirer directement la faveur sur soim ê m e , car on n’a aucun titre p ou r y p ré te n d re , mais à.
l ’obtenir indirectem ent, en s’efforçant de couvrir>son ad
versaire de d é fa v e u r, par une masse de faits tous inexacts,,
et p o u r la plupart étrangère- à la cause.
E xam in on s d o n c , i° . si, en d ro it, le testament dont
il s’agit peut appartenir à tout autre qu’à M a rg u erite
G ib o n qui y est d é n o m m é e ;
2°. E t à toutes fins, quelles conséquences p ou rraien t
résulter des faits articulés p a r l’apptilanf.
11 est de principe que les actes font foi de leur co n
tenu; et q u o iq u ’en g én é ra l dans les clauses douteuses ou
obscures, il faille moins s’attacher à la lettre q u ’à l’inten
tio n , potiùs vohintatem qu iim verba s p e c ta r i, cette e x
ception s’a p p liq u e seulement au cas où l’intention résulte
de 'l ’acte m ô m e , et où le sens^ ‘littéral des termes la con
trarie. La loi veut alors q u ’on ne s’arrête pas trop rigou
reusement à ^ expression, parce que bien loin d ’exécuter
l ’acte, ce seroit s’écarter de la vo lo n té des parties dont
il est le dépositaire.
M a is , par la m êm e raison, lorsque les actes ne sont
pas obscurs, elle ne perm et pas d ’en altérer la substance,
ni d ’en e x p liq u e r les dispositions par des circonstances
prises hors de l’acte lui-m êm e : C on tra scrip tu m 'testi
m on iu m non scriptu m testim o n iu m non J e r tiir .
�( 19 )
C ’est ce que nous dit spécialement D o m a t pour le cas
du testament. « Si la disposition du testament se trouve
« ex p liq u ée bien nettement et précisém ent, il faut s’en
« tenir au sens qui paroît p a r l’expression* »
Cette m axim e est de toute antiquité; elle tient à l’ordre
p u b l i c , qui ne veut pas q u ’on se permette de porter
atteinte à la foi qui est due aux actes, surtout aux actes
publics. Aussi le législateur s’est-il exp rim é dans les termes
les plus fo rts, et a - t - i l sem bla v o u lo ir ôter tout moyen
d ’élu d er la rigueur du principe par des interprétations
arbitraires, eu disant : « Il n’ est reçu aucune p reu ve par
« tém oins con tre et outre le contenu aux actes, n i su r
« ce q u i se ra it allégué a v o ir é té d it a v a n t , lors ou
« depuis les actes. » Q u o i de plus form el ?
C ’est encore un principe certain qu e le ministre d ’ un
acte public est toujours présum é de droit l’avo ir fait
con fo rm ém en t aux lo is; et que dans le cas m êm e d ’ une
lég è re infraction qu i ne touche pas à la validité de l’acte,
cette infraction doit être p ro u v é e par l’acte m ê m e , sans
q u o i il faut dire q u ’elle n’existe pas; car on ne présume
pas davantage l’erreur que 1q d o l, surtout lorsqu’elle scuoit
accom pagnée de désobéissance envers la loi.
C ’est donc le testament lu i-m ê m e , et le testament seul,
q u ’ il faut con sulter; c’est lui qui est aux yp u x de la loi
l’ unique dépositaire do la v o lo n té du testateur; c'est sur
lui que doit uniquem ent reposer la décision de la justice.
Q u ’y v o it-o n ? le testateur, sqns la m oindre ainbiguiiij,
institue p o u r son h éritière M a rg u erite G ib o n , sa sœ u r y
h a b ita n te de ta ville du P u y , fin sa com p agnie.
C 2
�(
20
)
Ilien de moins obscur , de moins éq u iv o q u e ; c’est
M argu erite G ib o n qui est instituée.
C ’est donc celle dont le nom est M arguerite ; celle, par
con séqu en t, à qui on l’a donné lors de son b ap têm e;
car c’est aux actes de baptêm e ou de naissance q u ’on
reconnoît les in d iv id u s; ce sont eux qui tém oignent de
leu r nom , de leur état, de leu r famille.
Il semble donc q u ’en prenant d ’ une main le testament,
et de l ’autre les actes de naissance, il seca facile de dém êler
la légataire ; car toutes les sœurs habitant avec le testa
t e u r , dont le nom ne sera pas M a rg u e rite , seront exclues
de sa succession, et celle-là feule à qu i ce nom appar
tiendra pourra se dire héritière.
Ce n’est pas cependant que le nom de l ’institué ou<
du légataire soit d’ une telle nécessité q u ’on ne puissepas y suppléer. S i , par e x e m p le , le testateur, voulan t
instituer uu de ses enfans, et n ’en disant p a s.le n o m , le
désigne de-telle m anière-qu’il soit impossible de le m éc o n n o îtr e , le testament ne lui profitera pas moins.
Si m ê m e , appelant celui q u ’ il institue d’ un nom qui
n’est pas le s ie n , il le désigne p ar des circonstances ou
des expressions qui tém oignent précisém ent celui q u ’il'
a vo u lu instituer, la connoissance certaine de sa volonté
suffit, q u o iq u ’ il y ait erreur de nom..
Ces exem ples sont ceux de la l o i; ce sont ceux m êm e
que citü le sieur G ib o n p ou r les ap pliquer très-im prop rem en t à sa cause : Si quidem in nominc...... légatarii
testator crravcrit, c u m
minùs valet'legatum.
de persona c o n s t a t
29,
Inst,.de Lcg.
, 7ii/iiIor
�( 21 )
C ’est encore le langage de la loi 4 , Cod. de Testatn .
S i in fw m in e........testator e r r a v e n t ,
nec
t a m e n
de
error h u ju sm o d i n iliil
o ffîcit v e r ita ti ; et sur cette loi la glose ajoute : C u m
QUO
SENSERIT
in cer tu m
SIT,
certu m sut de qu o sensit.
O n le v o it : ces exemples ne sont que la conséquence
des p rin c ip e s'q u ’on vient de d é d u ir e , de ces principes
élémentaires, que dans les doutes ou les obscurités d’un
acte il faut suivre l’ intention, lorsque d ’ailleurs elle est
évidente par l’acte m êm e, q u o iq u ’elle paroisse contrarier
le sens littéral des termes.
M ais q u ’on se garde bien de penser que-la lo f, pr.r ces
expressions, perm et de recherch er la v érité et l’intention
réelle du testateur hors du testament; ce seroit s 'é leve rouvertem ent contre les principes les plus certains du
droit. Si on lit quelques lignes de plus de la loi rom aine,,
on en sera encore m ieux convaincu.
A p r è s a vo ir parlé de l ’erreur de nom du lég a ta ire, et
décidé q u ’une désignation précise peut y su p p lée r, cu m
de persona c o n s ta t, l’em pereur Justinien p révo it le cas
où le nom sera bien celui de l’institué, mais la démons
tration fausse; et il dit au §. 30 des Institutes, de L ég a t. :
H u ic p r o x im a est ilia ju r is régula. F a lsâ detnonstration e legatum non p e ritn i • v clu ti s i quis ità legaverit :
S ty ch u m m eam ver nam d o , lego. L ic e t zmrn non v crn a , ■
sed ernptus s i t , u tile est legatum . Il ajoute immédiate
ment : E t con ven ien tcr s i itîi dem on straverit : S ty ch u m
m eum queni à S cïo e/ni , sitq u e ab a lio c/n ptus, u tile
est legatum Si D E SEI I VO C O N S T A T .
Cette r è g l e , com m e on le v o i t , est tirée du m êm e
�( 22 )
p rin cip e que la p réc éd en te; elle est fondée sur ce q u e ,
dans les deu x cas, l’esclave est suffisamment désigné par
sou nom de S ty ch u s, et parce q u ’ il est évident q u ’ il y a
erreur dans la démonstration. C ’est ensuite pur surabon
dance de p ré c a u tio n , que dans ce dernier cas la lo i ajoute:
S i de servo con stat.
L ’argum ent à tirer de cet exem ple de la loi s’aperçoit
avec facilité. L o rs q u ’en parlant de la fausse démonstra
tion elle dit qu ’ il ne faut.pas y a v o ir é g a r d , c’est parce
q u e le nom de l’esclav^e est disertement écrit dans le tes
ta m e n t, et q u ’alors la dém onstration n’est pas considé
r a b le ; encore a j o u t e - t - e l l e S i de serv o c o n s ta t, parce
q u ’ il est possible que le nom seul ne le désigne pas assez
disertem en t, com m e s i , p ar e x e m p le , il y a voit deux
esclaves du m êm e n o m ; 'e t ; c ’est ce q u i dém ontre encore
,m ieu x q u ’il ue faut pas cherch er hors du testamçnt les
preuves de la vo lon té du testateur.
C ’est le langage des auteurs. D o in a t , qui le disoit assez
d an s.le passage cité par r a p p e la n t , s’e xp rim e bien plus
form ellem ent dans le § . i 5 : « h n c o r e q u 'il so it v r a i
« q u e f in ten tion
«
c’e s t
«
MENT
doive cire préférée à P e x p r e s s io n ,
seu lem en t
FAIT
lorsque
CONNOITRE
la
CBTTE
suite
du
t e s t a
INTENTION,
-
m a is
« n on dans le ca s où rien ne f a i t d outer du sens de
« l'exp ressio n ; c a r alors la seule présom ption q u i peut
« être reçue est q u e le testa teu r a d it ce q u 'il voula it
a d ir e , et n 'a p a s vo u lu dire ce q u 'il n 'a pas dit. »
Sans nous épuiser ici en citations, remarquons seu
lement que l’art. 5 o de l’ordonnance de 1 7 3 5 , et le passape cité de R i c a r d , qui se rapporte au mêm e cas, n ’ont
�c*s)
pas le m oindre rapport à l ’espèce a c tu e lle , et décident
seulement qu ’en pays de droit é c r it, où la p ré te n tio n
étoit ad m ise, il n’étoit pas nécessaire d’appeler chacun
des enfans par son nom , et q u ’on pou vo it les désigner
m êm e p ar cette expression générale : C h a cu n de m e»
en fa n s.
Ces principes et ces exemples posés , quelle application
peut-on en faire à la cause? R ien de plus facile à décider.
Si en instituant M a r g u e r ite , le sieur G ib o n avoit
a jo u t é , m a sœ u r la plus je u n e , ou qu elqu ’autrc dési
gnation tellement spéciale q u ’il fût facile de la reco n D o itre , a lo r s , il faut en convenir., il y-auroit difficulté
d’a p p liq u e r le testament à M a rg u e rite ; et c’est ici le cas
de rép o n d re à l ’argum ent tiré de l’article 2148 , et à
l’exem ple de l’inscription hypothécaire.
O u i sans d o u te , tout est do rigu eu r dans une inscrip
t io n , et cependant une désignation spéciale et individuelle
suffit, mais à condition que la désignation spéciale soit
dans l’in scrip tio n ; car si elle n’y est p a s , l’ inscription
est nulle : y e û t - i l m ille et une circonstances hors du
b o rd e re a u , elles ne seroient d ’aucune utilité. Ici le p rin
cipe est le m êm e ; et si le sieur G ib o n veut souffrir l’ap
plication de l’exem ple q u ’ il a lui-même p o sé , on y adhère
sans p ein e , et la cause sera bientôt jugée.
M a is Jean-L ouis G ib o n ovoit deux sœurs également
célibataires, toutes deux Agées, toutes deux habitant avec
lu i; l’une s’a p p e lle ’M a rg u e rite , l’autre M a rie-M arguerite.
Il donne à M a r g u e r ite , sans autre indication plus spéciale :
qui osera se p e rm c tlre , sans d é c o u v rir dans le testament
ui d o u te , ni a m b ig u ité , ni o bscurité, de décider que le'
�C *4 )
testateur, en désignant M a r g u e r i t e a eu en vue M a rieM arg u erite ?
O n sera donc le maître désormais de m épriser les
volontés des m ourans, sous le prétexte de les interpréter!
O n dit m ép rise r; car ce seroit dire réellem ent q u ’il n’a
pas été perm is au testateur d ’ instituer sa sœur Margue-,
r it e , sous la simple dénom ination qui lui étoit p r o p r e ;
que p o u r instituer M a rgu erite il a dû ajouter quoiqu’autre
désignation plus spéciale ; et que par cela seul q u ’ il ne
l’aura pas f a it , le testament doit profiter à M a r ie - M a r guerite q u ’il ne désigne m ê m e pas. Singulier p riv ilè g e !
A ussi se cro it-o n obligé d’avancer q u ’ il préféroit l’ une à
l ’a u tre , 6ans que rien l’a n n o n c e ; de faire de l’une un
personnage actif et robuste, et de l’autre un etre m aladif,
insupportable aux autres et à s o i-m ê m e , et précisément
en tirer la conséquence que de ces deux sœurs avec
lesquelles il a toujours v é c u , il a donné dos secours à
celle qui en avôit le moins besoin , et ôté toute espèce
de ressources à celle qui étoit incapable de se prêter à
elle-m êm e aucun secours. S in gu lier m o tif de préférence!
E n un m o t, sans disserter plus lo n g-tem p s, toute la
prévo yan ce des lois citées par le sieur G ib o n 6e réduit
à cette explication diserte et expressive d'un savant
auteur : L o c o n o m in is est certa dém onstratif).
A in si , le testament contient-il le nom du légataire
ou h éritier ? adjugez-lui le legs ou l’ hérédité.
A défaut de n o m , c o n tien t-il, com m e l’inscrip tion, une
d ésignation sp écia le s u ffis a n te , telle qiCon puisse reconnoitre dans tous les ca s F individu appelé; y a-t-il certa
d ém on stra tio n ordonnez encore l’exécution du testament.
Eu lin
�Enfin y a-t-il quelque a m b ig u ïté , quelque contrariété
entre la dénom ination et la désignation ? suivez l’ inten
tion du testateur : S i apparet de quo cogt tatum j'itit.
V o i l à la substance des principes sur cette matière.
O r , dans quel cas se trouvent les parties? évidem m ent
dans aucun des deux derniers : il ne faut donc pas appli
q u er les règles qu i leur sont p rop res; ce n’est donc le
cas ni de parler de désignation spéciale, ni de rechercher
l ’intention du testateur. L ’héritière est n o m m é e , sans
aucune autre désignation; il ne s’agit donc que d’exa
m iner à qui s’applique le nom ; et c’est ici le cas d ’exa
m iner la bizarre difficulté q u ’on élè ve sur M argu erite
ou M a rg o u to n .
N ous avons dit en c o m m e n ç a n t, et c’est en effet un
p r in c ip e , que le ministre d ’ un acte p ublic est de droit
présum é l ’avo ir fait con form ém ent aux lois.
U n e loi du 6 fructidor an 2. porte : « 11 est expressécc m ent défendu à tous fonctionnaix-es publics de désigner
cc les citoyens, dans les actes, autrement que par le nom
« de famille et prénom s portés en la c té de îia issa n ce. »
L e sieur G ib o n va se fâcher, car c’est une loi de l ’an 2.
Il ne faut donc pas se borner à cette citation ; voyons
la loi du 11 germ inal an 11.
A r t . i cr. v A com pter de la présente l o i , les noms en
« usage dans les divers calendriers, et ceux des person« nages connus de l’histoire a n c ie n n e , pou rro n t seuls
« être reçus com m e prénom s sur les registres de l’état
« civil destinés à constater la naissance; et i l est in terd it
« a u x ojjflciers p u b lics d'en adm ettre a u cu n autre dans
« leurs actes. »
D
�C
26 )
I ,’officier public ne doit donc em p loyer que le prénom
donné à l’ individu par les registres de l ’état c iv il; il est
donc présum é de droit l’avo ir fait a in s i, jusqu’à p reu ve
contraire écrite.
Ce n’est pas q u ’on prétende en tirer la conséquence
#que s’ il eût reçu le testament sous le nom de M a r g o u to n ,
celle désignation n’eût pu être suffisante, mais seulement
q u ’ il s’est servi du p rén o m lu i-m êm e , plutôt que d’em
p lo y er une corruption patoise qui n’étoit pas le nom de
b a p tê m e ;’la conséquence enfin qu'ayant désigné M ars,uer it e , et le testateur ayant une sœur appelée M a r g u e r ite ,
c’est à son profit q u ’est dirigée la disposition.
Q u ’on veuille p o u r un instant se défaire de l ’idée que
lfc testament concerne la plus jeune des de^ix sœurs.;, q u ’on
suppose, s’ il faut em p lo y er ce tei-me, que le testateur a
vo u lu désigner l'aînée, com m ent a-t-il dû s’e x p r im e r ?
Q u ’on se mette à sa place. Il savoit que sa sœur s’appeloit M a rg u e rite ; n’a - t - i l pas ren d u entièrement son
i d é e , en disant : J ’institue M a r g u e r ite , ma sœ u r? Sa
disposition u’est-elle pas parfaite, son intention rem p lie ?
Q ui osern le n i e r ? ’
M ais si cela est ainsi, qui osera declarer que son inten
tion étoit a u tre ? qui osera toucher au sens littéral de sa
disposition , sans craindre d’y porter une main sacrilège,
et de m é p ris e r, contre le vœu do la l o i , la volonté la
m ieux e x p r im é e ?
A llo n s plus lo in ; supposons que le testateur ait dit ou
dû dire au notaire : J ’institue M a rg o u to n , le notaire aura
su ou lui aura dem andé si M argouton est une corruption
de M a rg u e rite , et p o u r se conform er à la loi il aura écrit
�(* 7 )
M arguerite : la personne en sera-t-elle moins certaine?
l’intention du testateur ne sera-t-elle pas encore rem plie?
E t on oseroit dire et décider qu ’il a entendu instituer
tout autre !
L e sieur G ib o n savoit, disons-nous, que sa sœur s’ap .peloit M argu erite : témoin le certificat de civism e contre
lequel on se récrie si singulièrement. C e r t e s , si on eût
cru q u ’elle dût être désignée autrement dans un acte
p u b l i c , il faut penser que le 26 floréal an 2 , le sieur
G ib o n n’eût pas mis d ’affectation à fouiller dans le calen
d rier g ré g o rien p ou r y ch ercher un nom patronimique!
E n vain d i t - o n que c’est un acte iso lé; on défie d’en
citer un seul où elle ait pris le nom de M argouton .
M ais p o u r dém o n trer que c’est ainsi q u ’elle a toujours
été dén om m ée dans les actes, et p o u r convaincre le sieur
G ib o n q u ’il s’écarte un peu de In v é rité sur le fa it, il suffît
de le re n v o y e r au testament du 12. brum aire an 1 4 ; il
est fait par M a r ie -M a r g u e r ite , qui y p r e n d , o u , p ou r
m ieu x d i r e , à q u i on donne seulement le nom de M a r
guerite.
E lle fait un legs à sa sœur de l’ usufruit de ses biens,
en ces termes :
« J e donne et lègu e à M a rg u erite G i b o n , ma sœ u r,
« célibataire, native de L a n d o s , habitant eu celle ville
a du P u y , la jouissance, etc. »
E h q u o i! M a rie -M a rg u e rite G ib o n lègue à sa sœur
sous le seul nom de M a rg u e rite , et elle auroit pu p rétendreà l’ instant m ê m e q u e l’institution faite parson frère,
sous le m ôm e n o m , ue peut p roduire aucun ellet en sa
D 2
�(
28 )
fa v e u r! C ’est par trop abuser de la permission de jouer
sur les mois.
Rappelons encore ici l ’argument de l’inscription h y p o
thécaire.
Si les deux sœurs étant également créancières de leur
f r è r e , une inscription avoit été prise à la requête de
M a rg u e rite , à qui profiterai t-elle ?
L a question, sans d o u t e , serait bientôt d é cid é e; pas
un tribunal au m onde ne s’aviserait de juger contre le
texte form el de la l o i , q u ’entre deux sœurs q u ’aucune
autre indication ne d é s ig n e , on doit reconnoitre celle
dont le nom n’est pas identiquement le même.
Ce seroit une question d e s a v o ir , dans le cas où il
n’en existerait pus sous le nom de M a r g u e r it e , 'si l’ins
cription p ou rrait appartenir à M a rie -M a rg u erite.
M ais ce n’en est pas u n e , dès que M a rg u erite existe;
et certes personne au m onde ne décidera jamais que l’ins
cription, p ou r être valable et profiter à M a rg u erite , aurait
dû être prise sous le nom de M a rgo u to u .
L ’esprit h u m a in , ce sem ble, ne peut con cevo ir q u ’ un
seul cas d ’e x c e p tio n , c’est celui où les deux sœurs s’ap
pelleraient également M a rg u e rite ; et ce cas sans doute
serait le plus favorable dans lequel p ou rrait se placer
le sieur G ib o n . Q u ’en r é s u lte ra it-il? 11 suilit, p ou r le
d é c id e r, de se référer aux principes, aux dispositions des
lois q u ’on a déjà citées.
P artout nous avons vu que la disposition n’est valable
q u ’autant que la personne du légataire est certaine: C u m
de person a co n sta t....... cu m certu m s it de q u o sens i t ;
�( 29 )
Q u e la certitude doit se t r o u v e r dans le testament
m ê m e , com m e nous le dit M . D o m a t , et com m e le déci
dent ces lois elles-mêmes.
Si donc la personne est incertaine; si le testateur ayant
deux sœurs portant le m êm e n o m , le testament ne d é
signe pas l’ une plus spécialement que l’a u t r e , la disp o
sition est nulle. V o ilà tout ce que pourroit espérer le
sieur G ib o n dans la disposition qu ’on vient de faire : o r ,
nous ne sommes pas dans ce cas.
N ’en déplaise donc à la loi B a r b a r iu s P h ilip p u s ,
il im porte fort peu que l’aînée des deux sœurs ait pu
être usuellement appelée M a rgo u to n ; que la plus jeune
ait q u elqu efo is, m êm e habituellem ent p orté le nom de
M a rg u erite : aucune d ’elle n’a perdu ni son véritable
n o m , ni l’habitude de la distinguer par ce nom. M a r
gouton signifie M a rg u e rite ; et si le frère et la sœur se
sont servis de cette dénom ination patoise dans le com
m erce de la v i e , il est constant au moins q u ’ ils ne l’ont
pas fait toutes les fois q u ’ ils ont parlé d’elle dans des actes
p u b lics;
C ar le sieur G ib o n , dans le certificat de civisme de l ’an 2 ,
l’a appelée M a r g u e r ite , qu oique m êm e a lo rs, com m e
ensuite, elle fût M a rg o u to n dans l’ usage;
C a r M a r ie - M a r g u e r i t e , par son testament de l’an 1 4 ,
l’a appelée fri argue ri te.
D ’où il résulte q u ’ il est impossible à un hom m e rai
sonnable de d é c id e r, m êm e de présumer que M argouton
n été l'unique expression prop re à désigner certainement
l ’aînée des deux sœ urs, et que toute disposition laite
�( 3° )
sous le nom de M a rg u erite ne peut la concerner ; car
les actes de la cause tém oignent tout le contraire.
A in si donc le fait et le droit concourent p o u r justifier
le jugem ent dont est appel.
Il ne reste plus q u ’à exam iner la ressource que peut
tro u ve r le sieur G ib o n dans la p reu ve testimoniale q u ’il
oiFre.
A cet égard tous les principes se réunissent. Si la p reu ve
n ’est pas faite par le testament, rien ne peut y suppléer:
c’est ce qui résulte des lois déjà c it é e s , et de la doctrine
enseignée par M . D om a t dans le passage q u ’on a transcrit;
c’est d ’ailleurs ce qui d érive du principe q u ’ un acte fait
foi de tout son c o n te n u , et q u ’aucune p reu ve étrangère
ne peut eu altérer la substance.
C ’est enfin ce qui est disertement é c r i t , soit dans les
anciennes ordonnances, soit dans l ’art. 1341 du Code.
« Il n’est reçu aucune p reu ve p ar tém oins contre et
« outre le contenu a u x actes , n i s u r ce q u i sera it
« allégué a v o ir été d it a v a n t, lors ou depuis les actes. »
Si m êm e on vo u lo it articuler que le juge peut toujours
s’entourer des lumières que lui ollreut les présom ptions,
l ’argum ent s’ écarteroit encore avec la r t . 1363 du m êm e
C o d e , qui ne permet de les considérer que lorsqu’elles
sont g r a v e s , p r é c is e s , con cord a n tes , et dans les cas
seulem en t où la preuve testim o n ia le est adm issible.
A ussi l’appelant sentant bien la force de ces m oyen s,
cherch e à se placer dans un cas d’exception. II ne s’agit
p a s , d i t - i l , de p ro u v e r une convention q u i excèd e le
ta u x des ord on n a n ces ou de
rart. 134! du C o d e ; mais
�(3 0
il s’agit de suspicion, de supposition de personnes; et il
cite D a n t y , ch. 7 , et la loi 2 1 , ff. de T e slib u s.
Il ne s’agit p a s , il est v r a i , de p ro u v e r une conven
tion qui excède i5 o fr. ; mais il s’a g it , par une p reu ve
testim oniale, d’ajouter ou de retrancher à un a c te , de
rechercher dans des dépositions la volon té du testateur,
de p ro u v e r p o u r cela ce qui peut avo ir été dit avant et
d ep u is; et la loi p ro h ib e également l’ un et l’autre.
C om m en t le sieur G ib o n fera-t-il entendre q u ’ il s’agit
de supposition de personne ? Su r qu i se dirigera cette
accusation ? sera-ce sur E v p e r t o n ? mais- alord c’tfst une
proposition in in telligible; car le testament n’est pas son
o u v r a g e ; et quand bien m êm e il l ’auroit in flu e n c é , il
seroit difficile de con ce vo ir une supposition de personne.
Sera-ce le testateur? mais on ne le com p rend roit guère
m i e u x , et peut-être encore moins.
•
Il y a supposition de personne, lorsque p o u r p rofiter,
par e x e m p le , d’une h éréd ité, et l ’héritier étant m ort ou
ab sen t, un tiers se présente com m e cet h é r it ie r , suppose
q u ’ il est la personne instituée.
A in si , p o u r ap pliquer l’exem ple à la cause, Jean L o u is institue M a r g u e r ite , sa sœ u r; M argu erite décède
avant lu i; une autre sœ u r, qui ne s’appelle pas M a rg u e
r ite , s’empare de son extrait de naissance, et se l’a p p ro
p ria n t, réclam e l’h é r é d it é , prétendant q u ’elle est M ar
guerite. 11 y a supposition de p erso n n e, pince q u ’on a
caché qui on é t o it , parce q u ’on s’est présenté p o u r un
a u tre , parce qu ’en prenant le nom de son voisin on a
cherch é à s’a p pro p rier ce qui lui étoit lègue certa in e
m ent, Mais ici quoi de s e m b l a b l e ? M a r g u e r i t e n’a pas
�ÏA«C 32 )
supposé q u ’elle fût une autre q u ’e lle -m ê m e ; elle ne s’est
pas ap prop rié l’extrait baptistaire de sa sœ ur, en cachant
le sien p ro p re ; elle s’est présentée à la justice ( ou
quoique ce soit le sieur E xp erto n ) , son extrait de nais
sance à la main ; elle a dit : J e m ’appelle M a rg u erite
par m on acte de b a p têm e; M a rg uerite dans le certificat
de la n 2 ; M a rg u erite dans le testament de ma sœur ;
ainsi q u oiq u e j’aie pu être usuellement désignée par
M a r g o u t o n , dans le langage fa m ilie r, je soutiens que ce
sont ces actes seuls q u ’il faut consulter p o u r connoître
la véritable héritière. A in s i elle n’a rien supposé, ni
p erso n n e, ni choses, pas m êm e une syllabe. E t en v é
rité il n’est q u ’ un besoin extrêm e qu i puisse inspirer de
semblables moyens.
Si 011 o u v re D a n t y , on trouve dans le chap. 7 , cité
par l’a p p e la n t, q u ’après a v o ir parlé de la sévérité des
ordonnances sur la foi due aux a c te s, il ajoute q u ’elle
n’a pas lieu dans les con tra ts s im u lé s , et autres actes
q u i son t fa it s en fr a u d e de la lo i ou p o u r trom per un
autre. E u cela il ne faut pas s’é to n n er; car on sait que
les cas de dol et de fraude sont toujours exceptés.
11 y a dol et fraude, s’écrie l’appelant; car 011 voud roit
s’em parer de ce qui n’appartient pas à M argouton G ibon.
11 y a dol et fraude com m e il y a supposition de per
sonne. Il y a dol et fraude com m e dans tous les cas
où on form e une demande que le défendeur conteste;
car c’est toujours un d o l, si on peut s’ex p rim er a in si,
que de réclam er ce qui ne vous appartient pas. S i , par
exem ple , je demandois le payement d ’ une obligation
q u ’on m ’auroit payée la veille , ce seroit certainement
un
�( 33 )
un dol , cependant on n’admettroit pas la p reu ve du
payement. E n un m o t , les faits de dol et de fraude ne
sont recevables à côté d’ un acte que “si l ’acte lui-m êm e
en est infecté : ainsi je puis être admis à p ro u v e r que
le consentement a été exto rq u é ou surpris-, q u ’ il a été
le fruit du dol et de la violence ; que m êm e il n ’a eu
d ’autre cause q u ’une erreur sur la substance m êm e de
la chose. M ais ici personne ne conteste que le testament
du sieur G ib o n ne soit v a l a b l e , car chacun veut se
l ’a p p r o p r ie r ; personne m êm e ne prétend qu ’ il soit le
fruit de l’e r r e u r , car on soutient q u ’ il a indiqué suffi
samment la p ersonne, et chacun veut être ou représenter
cette personne.
D o n c on ne peut pas admettre de p reu ve testimoniale
contre cet a cte; rien p ar conséquent qui tende à établir
qu elqu e chose contre ni outre cet acte.
D o n c on ne peut rien p ro u v e r de ce qu i s’est dit
l o r s , avant ou depuis.
D o n c , et d’après les principes déjà rappelés, si le testa
m ent est c la ir, il faut l ’exécuter te l q u 'il e s t; s’ il ne l’est
pas suffisamment p ar lu i-m ê m e , il faut le rejeter.
D o n c enfin la p reu ve testimoniale est inadmissible.
Si on exam ine ensuite la loi O b ca rm en J a m o s u m ,
on se demande de quelle utilité peut être cette citation.
E lle ne s’occupe pas eu effet des cas où la p reu ve testi
m oniale est admissible; mais seulement des témoins qui
doiven t être p r é f é r é s , de la foi q u ’on doit ajouter à
leurs dépositions. E lle dit que celui qui aura é p ro u v é
une condamnation infam ante, ne peut être té m o in , /«tc s ta b ilis J it‘ elle dit que le gladiateur ne sera pas c r u ,
E
�( 34 )
sin e tarm entis ; elle ajoute enfin que si tous les témoins
sont honnêtes et p rob es, et q u ’ils aient connoissance par
ticulière du fait en question , le juge doit y a v o ir la
plus grande confiance.
M ais nulle part il n’est question dans ce passage , ni
de testateur, ni de testament : la loi parle d’ une enquête
f a i t e , et non d ’une enquête à faire; elle dit au juge q u elle
doit être sa base p o u r la confiance q u ’il doit aux tém oins;
mais elle ne dit pas q u ’on recevra des preuves hors les
cas de d r o i t , puisque supposant une p reu ve déjà fa ite ,
elle doit supposer aussi q u ’elle a été admise con fo rm ém en t
aux lois.
Ecartons donc de la cause toutes ces autorités, et le#
in d ices résu ltan s de fa it s d è s -lo r s c o n s ta n s , puisque
tout cela n’y reçoit aucune application.
Com bien de présomptions-et d ’ind ices, s’écrie encore
le sieur G ib o n ! n ’est-il pas constant et a v o u é ..........
N on , il n’est ni constant ni a vo u é que M argu erite ,
la p lu s je u n e y s’est mise en possession de tous les biens;
qu ’elle y fait une mainmise absolue et ex clu siv e • q u ’elle
ait ex clu siv em en t g é r é , ad m in istre, vendu et afferm é;
car l’ intimé le nie fo rm el le m en t.
E t quand tout cela seroit v r a i , ce ne seroit q u ’un seul
fait répété trois fois avec a r t , en des termes difTérens;
et ce fait ne p ro u v e ro it rien.
E t quand bien m êm e encore il seroit vrai qu e M a riéM argu erite auroit joui seule et sans la participation de
sa s œ u r, q u o iq u ’elles vécussent en se m b le; quand bien
même M argu erite , ne con n a issa n t pa s le te s ta m e n t,
auroit pu en croire aux dires de sa sœur et du sieur
�(
3
5
}
G ib o n , et ne pas réclam er l’h é r é d i t é , s e r o it - c e une
p reu ve q u ’elle ne fût pas héritière ?
Si m êm e enfin on vo uloit descendre jusqu’à l’examen
de la p reu ve o ffe rte , il seroit aisé d ’en d é m o n trer la
futilité. Q u e v e u t - o n p r o u v e r ?
i° . Q u e la plus jeune des deux sœurs a toujours été con
nue et a toujours contracté sous le nom de M a r g u e r it e ,
et l’aînée sous celui de M argouton .
Il n’a jamais été contesté que dans l’ intérieur de la
fam ille elles aient l ’une et l’autre été désignées par ces
d énom inations; il n’y a donc pas besoin de p r e u v e , et
on vient de v o ir l’inutilité de cette circonstance. Mais
que jamais elles aient été ainsi dénom m ées dans des actes
p u b lic s, c’est ce q u ’on défie d ’établir : ce 11e seroit pas
d ’ailleurs le cas d’ une p reu ve testimoniale, mais bien de
rap p o rter les actes. C ’est du reste s’a v e n t u r e r beaucoup
que de présenter com m e un acte où l’aînée auroit contrac
t é , le prétendu testament resté imparfait : il ne fut jamais
ni son o u v ra g e , ni l’expression de sa vo lon té ; 011 ne s’est
jamais p o u rv u ni en nullité de son véritable testament,
ni p a r aucune autre action qui tendît à établir q u ’elle
avo it été em p êch ée de tester. G ib o n a pensé avec raison
q u ’ il lui seroit plus avantageux de se plaindre à son aise,
que de mettre au jour la vérité.
20. Q u e c’est cette sœur qu e le sie u r G ib o n a eue en
vue en instituant M arguerite.
A v e c des allégations aussi peu caractérisées et aussi
va g u es, on se donneroit la perm isiou de tenter la preuve
la plus indéfinie et la plus contraire aux lois! Est-ce donc
là un fait susceptible de p reu ve testimoniale? laissera-tE 2
�on de côté tout ce qui résulte de l ’ac te , p o u r é ta b lir,
par des dépositions orales, V in te n tio n , le fo n d de la
pensée du testateur?
3°. Q u e la plus jeune a joui exclu sivem en t.
O n a déjà répon du à ce fa it, et dém ontré q u ’il ne
seroit d’aucune conséquence.
4°. Q u e le sieur E x p e r to n , et M argu erite l’aînée, ont
déclaré que le testament concernoit la plus jeune.
C e fait n’est q u ’ une répétition des précédons. O n a
déjà rép ondu p ou r M argu erite ; q u ’im porte ce q u ?ellè
pou rro it a vo ir cru , sa?is a u cu n e co n n o issa n ce du tes
tam ent. P o u v o it-e lle l’a p p ro u v er sans le c o n n o ître ? E t
quant à E xp e rto n , qui d ’ailleurs désavoue form ellement
ce q u ’on lui im p u te , de quelle conséquence seroit ce fait,
à le supposer vrai ? en résulteroit-il que le testament est
autre q u ’il n ’est en effet? cela changeroit - il rien aux
preuves qui en résultent?
E n fin , n’est-ce pas asseoir ses preuves uniquem ent sur
ce qui a été dit depuis le testam ent ?
E t d’ailleurs quelle v r a i s e m b l a n c e ? E xp e rto n habitant
avec son oncle et scs tantes, vivan t avec eu x dans l’ io tim ité , auroit dirigé les libéralités de son oncle sur ses
sœ urs, plutôt que sur lui-m ôm e! ce seroit au moins de
sa part une grande p reu ve de désintéressemeut. M a i s ,
dit-on , il n 'a v o it p lu s iVin fluence. Ce f a i t iCa rien de
vraisem blable : et on offre de le p ro u v e r!
E t on appelle cet unique fait divisé en h u i t , des faits
précis et concluons!
M ais tout cela s’écarte par le fait constant q u e , soit
l’o u c le , soit la ta u le , les plus jeunes ont toujours appelé
�( 37 )
l ’aînée M arg u erite , dans tous les actes où il a été question
d ’e lle , et que jamais elle n’a été dén om m ée autrement
dans aucun acte.
N ’en doutons pas; le sieur G ib o n n’a offert cette p reu ve
avec tant d ’emphase et un ton d’assurance, sachant bien
q u ’on ne l’admettroit pas, que dans l’espoir q u ’il parvien droit à faire une impression défavorable à son ad ver
saire : aussi seroit-il fort aise que la C o u r pensât qu ’il
n ’en est pas besoin, et q u ’elle se contentât des présom p
tion s exista n tes.
L e sieur G ib o n e s t - il donc tellement éd ifian t, que
la justice d o i v e , les y e u x fe rm é s, lui donner pleine et
entière confiance ? E x p e rto n sera-t-il tellement circon
venu par des allégations qu i ne sont ni. v ra ie s, ni p résumables , que la C o u r d o ive le condam ner ou m al
présum er de l u i , parce que son adversaire c rie h a r o ?
Ce seroit un étrange m o y e n , si la justice ou ses ministres
p ou vo ien t se laisser étourdir par d’aussi vaines clameurs.
N ’a llèg u e-t-on pas encore qu ’E x p c r to n s’est fait con
sentir ù la fois une donation et un testam ent? C ’est un
autre fait semblable aux premiers. M argu erite G ib o n
vo u lo it donn er à son neveu ; la donation étoit com
mencée lorsqu’on s’aperçut q u ’elle exig ero it le détail du
m o b ilie r ; alors ou l’aban do n n a, et il ne fut fait q u ’ un
testament. lia do n a tio n , quoique com m encée, n’a jamais
été parfaite; ¡1 n’en existe pas d ’acte en forme.
Enfin , si la C o u r veut bien se p énétrer des faits et
des circonstances, elle sera convaincue de l'inexactitude
de G ib o n , et du peu de confiance (ju’elle lui doit.
E li quoi ! l’oncle et les tantes des parties sont venus
�3/4 .
( 38 }
habiter avec E x p e rto n . E t ils n’avoient p o u r lui que des
rebuts!
Il a vendu une maison achetée par son o n c le , et s’est
em paré du p rix p o u r en acheter une autre en son nom.
E t cet oncle qui en avoit une à lu i , qui d’ailleurs étoit
dans l’aisance , l’a suivi dans sa nouvelle habitation , et
a continué d’y v iv r e avec lui dans l’ in tim ité, jusqu’au
dernier instant de sa v ie !
Il a v o lé à sa tnnte une som m e d ’argen t; sa tante s’est
exh alée en r e p r o c h e s , en plaintes amères. E t dans le
m êm e temps elle lu i fait un legs de 1000 fr. par son
testament !
Il avoit accaparé son o n clc et ses tantes; il avoit une
funeste influence. E t bien loin de s’en servir p o u r lu im ê m e , il a d irigé les libéralités de son oncle au profit
d ’ un autrel
Il a reçu
i dans sa maison et à sa table ,' Rose sG ib o n ,
sœur de l’ in tim é; il y a admis A n n e M ia lh e , parente et
alTidée de G ib o n ; il y a affectueusement invité G ib o n
lui-m êm e. E t il étoit plein de précautions et de ruses
p o u r leur soufTlcr des dispositions!
E t c’est avec une semblable c o n d u ite , q u ’ E x p c rto n ,
avo u é au tribunal dont est a p p e l, et bien connu de ses
ju g e s, est parvenu à leur en im poser; q u ’il y a été tel
lement favorisé, que ses con frères, les avocats qui exe r
cent près de ce tribun al, et les juges eux-inêm es ont été
p réven u s p o u r l u i , et que G ib o n a été repoussé par tout
le m onde !
E n v é rité de semblables assertions offensent la justice,
et se réfutent elles-mêmes.
�( 39 )
E t G ib o n q u i , après la m ort d’ une des deux sœurs,
et dans les derniers instans de l’autre , a p én étré dans
sa cham bre p o u r fouiller dans ses poches, y prendre ses
c lefs, o u v rir ses a r m o ir e s , en sortir et s’a p pro p rier tout
le linge et les effets qui les garnissoient ; G ib o n , con vain cu
d ’une coupable soustraction, aura le droit d ’en imposer
à la justice, et d’accuser hautement son adversaire!
D isons au contraire que toutes ces circonstances con
courent p o u r repousser, et sa p ré te n tio n , et la faveur
dont il veut s’entourer.
Disons que si le tribunal du P u y s’est arrêté au tes
ta m e n t, c’est p o u r l’a v o ir sainement ju g é ;
Q u e s’ il a rejeté la p reu ve offerte , c’est parce que ,
d’ une p a r t , elle étoit contraire au x p rin cip es; que de
l ’a u tre , étant sur les lieux et connoissant tout à la fois
les faits et les personnes, il en a sagement a p p r é c ié l’inu
tilité.
D isons enfin que s’ il est vrai qu ’E x p e rto n ait joui
auprès des juges dont est appel d ’une certaine f a v e u r ,
ce n’est pas au moins sa cause; et que c’est le m eilleur
tém oignage q u ’il puisse donner à la C o u r de ce q u ’on
pense de lui dans le lieu de son d o m ic i le , et de ce qu ’en
pensent eux-mêmes les juges près desquels il exerce jo u r
nellement des fonctions publiques et honorables.
Signé E X P E R T O N .
M° . V I S S A C , avocat.
M° .
G A R R O N , avoue licencie.
A RIOM, de l’Imp. de THIBAUD, Imprim. de la Cour imperiale, et libraire,
rue des Taules, maison Landrio t . — Août 1810.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Experton, Jean-Baptiste. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Experton
Vissac
Garron
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
testament nuncupatif
dentelle
textile
infirmes
certificats de civisme
confusion d'héritier
patois
surnoms
diminutifs
nom d'usage
inventaires
dol
nullité du testament
testaments
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis en réponse, pour Jean-Baptiste Experton, avoué licencié au tribunal civil du Puy, intimé ; contre Gilbert Gibon, avocat, appelant.
Table Godemel : Testament : 11. dans le doute que peut présenter la volonté d’un testateur, faut-il rechercher et faire exécuter sa volonté ? pour reconnaître le véritable héritier institué entre deux personnes qu’on prétend l’être, l’une exclusivement à l’autre, faut-il considérer l’exécution que le testament a reçue, et le jugement qui a été porté dans la famille, dans le public et par celui qui contracte ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1803-1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2010
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2009
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53380/BCU_Factums_G2010.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cros-de-Géorand (07075)
Le Puy-en-Velay (43157)
Landos (43111)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
certificats de civisme
confusion d'héritier
dentelle
diminutifs
dol
infirmes
inventaires
nom d'usage
nullité du testament
patois
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Testament nuncupatif
testaments
textile
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9e52e058efff874eb7e1c1ed73980ed2
PDF Text
Text
ME MO I R E
COUR
IMPERIALE
DE RIOM.
CHAMBRES
RÉUNIES.
EN R É P O N S E ,
P O U R .
Les frères D E S T A I N G , appelans ;
CONTRE
A n n e soi-d isan t NAZO, se d isan t v e u v e du gén éral
D e s t a i n g - , et tutrice de M a r i e , s a fill e , intimée.
Voulez-vous avoir idée des moeurs des Grecs? Ils forment
une union qu’ils nomment mariage de capin. Ils convien
nent avec une femme de vivre avec elle tant qu’il leur plaira;
ils se présentent a u juge et à l’évêque , pour obtenir la per
mission de l ’ u n , e t la b é n é d i c t io n d e l ’ a u t r e . L e s lo is e t la
religion s'accordent à autoriser ce dérèglement.
Voyage en Grèce , 1794,179 5 lett. 35. S cro fani,
S ic ilie n , traduit de l ’italien par B la n v illa in ,
P a r is , 1801 .
Q u e l l e est donc cette fem me qui s’obstine à se dire veuve
du général D estaing, prétend avoir reçu ce nom avec solennité
sur les rives du N i l , soutient être née dans une condition dis
tinguée, et veut soulager ceux, qu’elle appelle ses beaux-fréres,
du poids d 'u n e m ésa llia n ce?
Jusqu’ici elle s’étoit annoncée comme fille de Joanny N azo ,
commandant d’ un bataillon grec. Aujourd’hui elle est obligée
de convenir qu’elle n’est point fille de Nazo ; elle avoue qu’elle
A
�■40
( 2 )
a usurpé c e n o m , q u ’elle est née d’un prem ier m ariage de S ofiiib
M isch , d ’une m ère q u i a encore d e u x m aris v iva n t et un de
mort. Et c e n’est point à sa bonne foi qu’on doit ce t aveu ; les
fem m es grecques ont l’habitude de feindre et de dissimuler.
Mais elle a eu la maladresse d’assigner pour témoin un certain
B arth éle m i S e ra . Cet individu est nn des maris de Sophie Misch.
Il raconte avec ingénuité qu’il a épousé cette Sophie, alors veuve
de JosnrH T iiiso g lo w , Arménien de nation, bijou tier de son
m étier, et catholique rom ain de religion. Anne étoit née lors
du mariage de Séiya. Il y a vingt-quatre ans que S e ra a quitté
sa Sophie; i l la q u itta , et Jo a n n y N azo l ’èpousa. C ’est avec
cette légèreté que S e ra parle de la dissolution de son mariage.
C ’est une union de capin : en voici un exemple dans la famille
à 'A n n e ; et c ’est cette a llia n c e d istin gu ée , ce m ariage p o litiq u e ,
cet honneur insigne dont on veut accabler les héritiers Destaing.
Quoi ! lorsque les héritiers Destaing font leurs efforts pour
repousser de leur fam ille une étrangère audacieuse, méconnue
de celui qu’elle appelle son é p o u x , qui l’avilit aux yeu x de son
p è re , traite sa liaison d’a rra n gem en t o rien ta l, A nne ose crier
à la calom nie ! une Egyptienne parle le langage des mœurs ,
vante les vertus dom estiques, ces vertus paisibles et pures ,
bannies de ces parages lointains , où régnent impunément la
dépravation et la lic e n c e , où la dissolution est à son comble !
A nne s’agite en tout sens pour parvenir à son b u t , et faire
croire qu’elle a été élevée au rang d’épouse légitime d’un général
français.
E lle a su profiter avec art de tous les m ouvem ens, de toutes
les circonstances. L ’armée d’ Orient a été divisée dans ses projets,
dans ses moyens d’exécution : ces discussions ont été portées à
un tel degré d’exaspération , que le général Destaing en a été
l’une des victimes.
C’est aux ennemis connus et déclarés du général qu’elle a eu
l’adresse de re c o u rir, pour obtenir des déclarations conformes
à ses projets; mais le mensonge, les contradictions, les incon
�( 3
)
séquences de ses témoins sont à un tel degré d’évid en ce , que
les enquêtes deviennent l’arme la plus puissante dans les mains
des héritiers Destaing , pour repousser les prétentions d’une
femme obscure, am bitieuse, à qui il ne restera bientôt que le
repentir et les regrets. Et qu’Anne ne cherche pas à faire valoir
le sentim ent, en invoquant les noms sacrés d’épouse et de mère !
Si le général Destaing l’avoit élevée jusqu’à l u i , pourquoi
auroit-il pris une marche opposée à celle usitée par les Français
qui ont contracté des mariages en Egypte? comment l’acte de
mariage n’auroit-il pas été transcrit sur les registres des com
missaires des guerres ? C ’est ainsi qu’en ont usé les généraux
L antin , D elzons et B onne-C arrère , conformément aux ordres
du général français.
L e général Menou lui-m ém e, dont le mariage avoit été célébré
antérieurement à ces ordres qui ne remontent qu’à l’an 8 , s est
empressé de faire transcrire l’acte de son mariage sur les registres
de l’état civil du Caire. Enfin , il n’y a pas eu un seul mariage
légitime qui n’ait été suivi de cette formalité ; et par quelle
fatalité celui du général Destaing seroit-il le seul excepté?
A nne v o u d r a - t - e lle préten dre que les troubles de l ’Egypte
n’ont pas permis de suivre toutes les formalités prescrites pour
assurer l’état des personnes ; mais pendant la cohabitation d A nne
avec le général D estaing, l’Egypte étoit dans un état de tran
quillité parfaite , et les troubles n’ont com m encé que lors du
débarquement des Anglais, bien postérieur à son prétendu m a
riage.
T ou t est invraisemblable dans le récit d’ANNE ; ce sont les
aventures d’une héroïne de rom an, où on fait figurer les tem
pêtes , les naufrages , les corsaires , et tout ce qui tient du
m erveilleux.
Mais un arrêt de la Cou r , du 1 1 juin 1 8 0 8 , l’a admise à
prouver la légitimité de son mariage. L a C o u r , en confirmant
le jugement de M auriac, du i3 août 18 0 7, et réduisant l ’inter
locutoire , ordonne <ju’Anne fera preuve devant les premiers
A 2
�( 4 )
ju ges, que depuis que le général Destaing fut appelé au C aire,
et pendant qu’il y étoit en activité de service, elle a été mariée
avt c lui publiquem ent e t so len n ellem en t, p a r le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rite g r e c , et les fo rm es et usages
observés dans le p ays.
Elle est autorisée à faire entendre les parens tant d’elle que
du général Destaing , ainsi que toutes les personnes qui ont
déjà donné des attestations par forme d’acte de notoriété , à
Marseille et à Paris, ou des certificats sur les faits dont il s’agit
dans la ca u se , s a u f tous autres reproches de d r o it , et sau f aux
héritiers Destaing la preuve contraire.
En exécution de cet arrêt, et par suite de commissions rogatoires du tribunal de M auriac, il a été procédé à des enquêtes,
à P aris, à M arseille, et les héritiers Destaing ont fait une en
quête contraire, à Mauriac et Àurillac. Il faut nécessairement
se livrerfà l’examen de ces enquêtes , entrer dans une discus
sion qui va devenir fastidieuse. Les héritiers Destaing feront
en sorte d’étre rapides dans ces détails, pour ne pas lasser
l’attention.
On commence par l’enquéte de Paris.
L e premier témoin est le général Lagrange. Il fut reproché
par les héritiers Destaing , sur le fondement qu’il étoit d’un
parti opposé au général leur frère. L e général Lagrange étoit un
des signataires de la capitulation d’Alexandrie , que le général
Destaing avoit refusé de signer ; il avoit même fait consigner
son refus dans le procès verbal du conseil de guerre ; et cette
divergence d’opinion avoit excité des haines et des inimitiés
particulières entre les opposans. L e juge-commissaire ne crut
pas devoir consigner ce reproche, qui n’étoit pas prévu par le
Code. La Cour l’appréciera dans sa sagesse.
Ce témoin déclare qu’il étoit lié d’amitié avec le général
Destaing ; qu’il vint lui dire qu’il avoit le projet de se marier
en Egypte. L ’amitié lui suggéra des observations pour s’opposer
à ce dessein. Il c r o it , sans pouvoir V affirm er, que le général
�(5)
s’autorisoit de l’exem ple du général en ch ef, et de leur séjour
futur en Egypte. Quelque temps après , le général Destaing
l’invita à assister à la cérémonie de son mariage ,1 qui eut lieu
dans une église grecque. Le témoin avoit promis d’y assister ;
i l en f u t em pêche par les occupations qui lui survinrent, et à
cause de l’heure , qui n’étoit pas commode pour lui ; parce
qu’il croit que le mariage fut célébré le soir.
La première conversation au sujet <lu mariage eut lieu dans
ses bureaux, en présence de ses aides de camp et de son secré
taire. Les représentations qu’il fit pour le détourner de ce
projet, donnèrent lieu à une discussion animée. L e lendem ain
du jour indiqué pour le mariage , il fut invité au repas de
noces. L à , il vit le commandant d’un bataillon grec , N a z o ,
qu’il crut être le père d’ANNE, laquelle lui fut présentée comme
l’épouse du général Destaing. A nne étoit présente lors de sa
déposition ; i l croit la reconnoitre. Il a vu depuis le général
D estain g, tant en Egypte qu’en F ran ce; il l’a toujours consi
déré comme marié. Pendant leur séjour au C aire, il a vu fré
quemment le général Destaing ; mais ce temps n’ a pas été bien
long.
On observe au commissaire qu’on ayoit consigné dans la d é
position du tém oin, que la cérémonie avoit eu lieu dans une
église g recq u e, et qu’il ne l’avoit pas ainsi déclaré ; il répond
que le général Destaing lu i avoit d it que la cérémonie devoit
avoir lieu en effet dans une église grecque ; qu’il le crut ainsi
lorsqu’il alla au repas.
On lui demande s’il ne s’étoit pas écoulé un intervalle de
quinze jours entre l’époque de la prétendue cérémonie et
le dîner. Il ne se rappelle p as précisément les d ates, mais il
croit bien qu’il a été chez le général Destaing le soir même
de la cérémonie.
On lui demande encore si le repas en question ne fut pas
donné à l’occasion du baptême du fils du général D elzo n s, qui
avoit pouf parrain le général Destaing. S a m ém oire ne lu i
�( 6 )
rappelle p a s ces circonstances ; il a mangé à cette époque plu
sieurs fois avec le général D estain g , et ce dernier lui dit qu’il
avoit une double féte à c élé b rer, celle de son m ariage, et celle
du baptême.
Il paroit, sur ce point, que le général Lagrange a manqué
de mémoire : car il sera bientôt établi que la dame Delzons
n’est arrivée au Caire que les derniers jours de nivôse an g.
E lle apprit q u ’ANNE avoit été conduite chez le général, à l’entrée
de la nuit, la veille de son arrivée ; et l’acte de naissance du
fils du général Delzons n’est que du 1 0 pluviôse an 9. Il n’est
donc pas possible que le général Destaing ait donné une double
féte le Jour de son prétendu mariage ; aussi le témoin déclaret-il bientôt après , q u ’il ne croit pas avoir vu le patriarche
d’A lexandrie, ni le soir de la cérém onie, ni le jour du repas.
Sur une dernière interpellation qui lui est faite, de déclarer
si le mariage n’étoit point de notoriété publique, il déclare qu’il
ne peut pas répondre de la conviction des autres chefs de l’armée;
mais il en avoit lui la conviction intim e, et il mentiroit à sa
conscience s’il disoit le contraire.
C e prem ier témoin q u ’on a interrogé dans tous les sens, ne
parle que p a r o u ï-d ire , et n ’a pas été présent à la célébration
du mariage : sa déclaration est donc peu importante , puisque
A n n e doit pro u ver q u ’elle a été m ariée pu bliq u em ent et solen
nellem ent p ar le patriarche d ’Alexandrie.
L e second tém oin, Henri-Gatin B ertran d , général de division,
n’a pas de mémoire ; i l ignore si A n n e a été mariée civilem ent
ou religieusement. Il passoit pour constant, ¿1 ce q u 'il croit, que
le général Destaing étoit marié : le général a donné à ce sujet
un repas auquel i l croit avoir assisté; mais il ne peut rien af
firm er, ni sur le fait du repas, ni sur le fait de sa présence à
ce repas. H ne reconnoit pas A n n e ; il a bien vu au Caire une
dame q u o n appeloit madame D estaing, mais il ne pouvoit reconnoltre la dame ici présente pour la même femme. Il est
probable que le général lui a dit qu il étoit marié , mais i l ne
�( 7 )
se le rappelle p a s . Sa mémoire ne lui fournit rien sur la nais
sance du fils du général Delzons ; et lorsqu’on lui demande si
le général Destaing passoit pour être m a rié , i l croit se rap
peler que oui. On sent qu’il n’y a pas d’observations à faire sur
une semblable déclaration.
Un artiste m usicien, appelé R ig e l, est le troisième témoin.
Il passoit pour constant, suivant lu i, au C a ire , que le général
D estaing étoit marié ; mais il ne sait pas comment le mariage
a eu lieu. Il en fit compliment au général Destaing , qui ne lui dit
n i ou i n i n o n , mais seulem ent le remercia. Il fut invité quinze
jo u rs après à un repas qu’il présumoit être un repas de noces.
Il n’a pas entendu dire que le mariage ait été célébré dans une
église grecque ; il n ’a jamais vu A nne. Il rapporte la date du
mariage à deux ans environ après l’arrivée de l’arm ée française.
Il n’a point entendu parler du fils Delzons. L e patriarche
d’Alexandrie n’étoit point au repas en question.
10 ’
L a seule réflexion qu’on se permettra sur cette déclaration,
c ’est qu’elle est contradictoire avec celle du général Lagrange. Ce
dernier plaçoit l’époque du repas le so ir même de la cérém onie,
et celui-ci dit que le repas n’a eu lieu que (jiiihze jo u rs après.
Il n’a point vu au repas la mariée ; le g é n é ra l L a g ra n g e dit c e
pendant qu’elle lui fut présentée : mais jusqu’ici personne n’a
assisté à la cérémonie.
L e quatrième tém oin, le sieur Ja c o tin , colonel des ingénieursgéographes, ne sait encore rien que par ouï-dire. Il étoit blessé
alors et ne sortoit pas. Il ne connoissoit pas particulièrem ent
le général D estaing ; mais son mariage passoit poufr avoir eu
lieu devant le patriarche d’Alexandrie. Il n’avoit su 'ce fait que
comme nouvelle. On lui avoit d it' que le général Menou et
plusieurs autres avoient assisté à la fé t e , sans q u ’il puisse spé
cifier si c ’est au mariage ou à la cérémonie. Il croit pouvoir
placer l’époque du mariage à deux m o is't environ avant U
bataille d’A lexand rie, ce qui répondrait à '!nivôse an g , sanà
Pouvoir en déterminer précisément l’époque. Il-a Yii 1H1 dame
�( 8
)
Nazo à Paris une fois ou d e u x , mais il ne l’a pas vue au Caire.
L e sieur B eaud eu f, cinquièm e tém oin, lié particulièrement
avec A nne , a cependant déclaré qu’il n’avoit été témoin d’au
cuns faits. Mais le mariage étoit public ; tous les chefs comme
tous les prêtres grecs avoient assisté au repas. A l’entendre,
tout le monde y étoit, excepté lu i; car il n’y a pas assisté.
L e général Destaing ne lui a pas même parlé de son mariage ;
mais il a vu sa femme dans la citadelle du Caire , et il la reconnoit très-bien à Paris. On lui demande si on auroit admis
toute sorte de femmes dans la citadelle ; il répond que celles qui
y étoient, étoient reconnues pour femmes légitimes. A la vérité
il y avoit quelques vivand ières, mais très-peu , à raison du petit
détachement qui y étoit. Il porte la date du mariage au com
m encem ent de l’an 9. Il a toujours regardé A nne comme fille
d’un sieur N azo, G rec d’origine, ferm ier général des liqueurs
fo rtes, commandant d’un bataillon g re c ; mais il ne sait pas si
A nne est sa fille . adoptive, ou si elle est née de son mariage.
Il n’a aucune, çonnoissance de l’époque de I9. cohabitation de
Na^p avec Sophie Misch , mère d’Anne. Les mœurs de l’Egypte
ne permettent pas de connoitre ces détails, attendu le peu de
communication , des femmes avec la société.
On ne voit rien de rem a rq u a b le dans cette déposition, si
on excepte la circon stan ce qu on ne recevoit à la citadelle que
des fem m es légitimement mariées. Mais ce témoin a menti à
sa conscience , parce qu’en effet dans la citadelle il falloit
principalement y re ce vo ir. toutes les femmes qui avoient eu
quelques liaisons avec des Français; et il le falloit bien ainsi, car
autrement toutes celles qui avoient connu des Français auroient
été exposées à une mort certaine de la part des T urcs.
. L e sixièm e tém oin, Barthélem i V id a l, a déposé qu’il n’étoit
pas au Ct\ïre à l’époque du m ariage, mais que tout le monde
lui ,a dit que,.le général Destaing étoit marié. Il a su de ses
d,çux ajd.es de camp que le général Destaing avoit fait un m a
riage, légitime ; il .n ’a jam ais ouï d ire, ni aux aides de cam p ,
ni
�(9)
ni à personne , rien qui pût faire élever le moindre doute sur
la légitimité du mariage. Il prétend même que ce dernier l’avoit
invité à diner, pour faire connoissance avec sa fem m e; mais il
ignore par qui le mariage a été célébré. Il ne peut même se
rappeler positivement l’époque ; il faudroit pour cela qu’il fit
quelques recherches ; il croit cependant que c ’étoit au com
mencement de l’an g.
Toute indifférente qu’est cette déposition , on doit remarquer
cependant que le témoin en impose évidemment lorsqu’il pré
tend que le général vouloit lui faire faire connoissance avec sa
fem me. On voit par la déclaration précédente, et on verra bientôt
par des dépositions subséquentes , que cette assertion est ab
solument contraire aux mœurs d’E gyp te, et que les femmes
n’ont jamais aucune communication avec les hommes.
Dom Raphaël de Monachis est le septième témoin ; il a été
reproché comme signataire d’un certificat donné à P a ris , devant
le juge de paix, le 29 mars 1806. E t ce reproche est fondé sur
la disposition de l’art. 83 du Code de procédu re, §. 2. Ce témoin
est professeur de langues orientales ; il déclare qu’il étoit au
Caire a 1 époque du m ariage : il n ’en a pas été tém oin o c u la ire ,
mais il a ouï dire à Antoine D oubané, actuellem ent négociant
à T rieste , qu’il avoit été témoin de ce m ariage, qui avoit été
célébré par le patriarche d’A lexandrie , dans l'ég lise de saint
G eo rg es, au Vieuoc-Caire. Il a ouï dire la même chose à trois,
quatre , dix , trente personnes ; il a ouï dire également que
ce n’a été qu’avec peine que le sieur Nazo avoit déterminé le
patriarche à consentir au mariage ; que cette répugnance étoit
fondée sur la différence de religion , et sur ce que le général
Destaing étoit Franc , c ’est-à-dire, Européen et m ilitaire, parce
que c ’étoit un grand déshonneur de donner sa fille à un m ilitaire,
et plus particulièrem ent à un Européen. Celte répugnance 11’existoit cependant pas chez les catholiques romains; plusieurs m i
litaires avoient, quoique mariés en F ran ce, pris des femmes
B
�( 10 )
en Egypte , et les avoierit quittées après quinze, v in g t, ou trente
jours.
On lui demande si ces mariages étoient faits à l’église ; il répond
que oui, mais qu’ils ne ressembloient pas au m ariage de la dame
Destaing. Interrogé pourquoi cette différence entre les mariages,
il dit que prem ièrem ent le général Destaing n’étoit pas marié
en France , comme certains autres militaires ; a0, que le général
Destaing n’ètoit pas un homme inconnu, comme un petit sergent,
ou un petit capitaine ; que le général Menou s’étoit rendu garant
du général D estain g auprès du père de la dame N azo, et qu’il
lui avoit dit : N ’ayez p e u r , le g é n é ra l 11 abandonnera p a s votre
f ille . L e témoin soutient qu’on ne connoissoit p as, en E gypte,
les mariages à temps ; il a tte ste , comme naturel d’E g y p te , et
comme curé catholique romain , que jamais ces mariages n’avoient e x isté ; qu’il en faisoit le serment par-devant D ie u , et
qu'il le prouveroit par sa tête. N o n d a tu r divortium in ecclesiâ!
s’écrie-t-il; la dame Nazo a été mariée ju x ta usum ecclesiœ ; et
si le père Nazo avoit cru donner sa fille à temps , il ne l’eût pas
donnée. Les fem m es qui s’étoient mariées à plusieurs militaires
n’avoient point obtenu la permission d’aucuns prêtres. Il fait
concorder le mariage avec le commandement du général Menou.
On voudroit obtenir quelques renseignemens de lui sur l’origine
de la dame N"azo i tlo c non pertm et a d nostiam ca n sa m , répond-il. On insiste pour avoir des détails; alors il déclare que le
père de la dame Nazo étoit Arm énien, catholique ro m a in , bijou
tier, et que Nazo n’étoit pas son père, mais son beau-père. On
lu i demande s’il n’y avoit pas un autre beau-père, qui étoit Barth élem i, Génois de nation, et si ce n’étoit pas là le véritable
beau-pére d’A n n e; il dit qu’après la mort du père d'A n n e , sa
veuve a épousé ce Barthélem i, qu’ils se sont quittés quelque
temps a p rès, et qu’elle s’est remariée avec Nazo.
Sur l’interpellation qui lui est faite s’il est sûr que Barthélemi
a épousé la m ère d’ANNE, s’il est vrai qu’ensuite elle s’est mariée
�avec N azo, il répond qu’il ne conuolt ces faits que par ouï-dire.
Il dit encore que les simples prêtres célèbrent les mariages de
condition ordinaire, et le patriarche celui des personnes distin
guées ; mais qu’à raison de l’esclavage causé par l’empire des
T u rc s, il n’y a que trois églises grecques, et que le patriarche
p e u t , en p la ç a n t son a u te l dans une m aison , la rendre son
église. Il prétend que les prêtres grecs ne tiennent pas de registres,
parce qu’ils ont peu d’instruction et peu de liberté.
On observe au témoin que cette assertion est contraire à ce
qu’il avoit déjà dit. Il avoit déclaré en commençant qu’il existoit
des registres pour les naissances et les m ariages, et maintenant
il semble être en contradiction ; il répond alors que les prêtres ne
rédigeoientpoint de contrats, mais tenoient de simples mémoires.
Cette déposition mérite d’être attentivement exam inée ; elle
ne s’accorde pas avec l’acte de notoriété que le témoin a signé,
et où il disoit qu’il avoit assisté au mariage. Maintenant il l’a
seulement entendu d ire , à la vérité , par beaucoup de monde ;
mais les trente personnes au moins qui lui en ont p a rlé , lui ont
attesté que ce mariage avoit été célébré par le patriarche, dans
l’église de s a in t G e o r g e s , au J^ieuoc-Caire. V oilà une particu
larité remarquable. Le local est spécialem ent désigné, et on ne
se trompe pas ordinairement sur cette désignation : le V ieu xCaire est séparé du Grand-Caire par une branche du Nil ; et on
verra bientôt que les témoins de Marseille ont prétendu que ce
mariage avoit été célébré dans l’église d e sa in t N icolas du
G rand-C aire.
D ’ un autre c ô té, ce témoin apprend q x iA n n e Nazo est née
d’un père catholique romain. Elle a dit elle-même qu’elle professoit cette religion ; c ’étoit aussi celle du général Destaing : il
est dès-lors impossible que le patriarche grec ait marié des catho
liques rom ains; ce seroit contraire à tous les principes des schismatiques grecs , dont l’aversion est connue pour tout ce qui tient
îiu rite romain. Cependant le tém oin, qui est lui-m êm e prêtre
catholique, ne dit pas un mot sur cette différence de religion;
B 2
�( 12 )
et s’il déclare que le patriarche grec s’étoit déterminé avec peine
à faire ce m ariage, ce n’est pas à raison de la différence de la
religion , mais seulement parce que le général étoit Européen et
m ilitaire, et que les filles ne pouvoient, sans une espèce de
déshonneur, épouser des Européens et des militaires. Cette
espèce de honte ou de préjugé qui rejaillissoit sur les filles ,
n’avoit d’autre origine que l’inconstance ou l’abandon des per
sonnes de cette profession; et le bon M onacliis, sans s’en aper
cevo ir, nous atteste qu’il se faisoit des mariages à tem ps, qu’ils
étoient même fort communs. Il n’avoit pas besoin dé nous d ire,
car nous savons tous, que l’église romaine n’admet point de
d ivo rce ; et ne sero it-ce pas une raison pour que le général
Destaing eût voulu s’adresser à un prêtre grec? Il trouvoit dans
la famille d’Anne des exemples qui pouvoient l’autoriser : aussi
ést-ce avec bien de la peine que le témoin s’explique sur les
hauts faits de Sophie Misch ; il faut qu’il y soit contraint par
l’autorité; jusque-là il s’étoit renfermé à dire : H oc non pertincb
a d no stram causant.
On aura occasion de revenir sur cette déclaration très-impor
tante et très-remarquable.
L e huitièm e tém oin, Joannes C h ep tech i, prêtre cophte, c a
tholique romain , dépose avoir ouï d ire par le public que le
général Destaing avoit été m arié par le patriarche grec , solen
nellem ent, a v e c la fille de la femme de Jean Nazo. Il dit qu’elle
s’appelle M arie : mais sur l’observation'que lui fait A n n e elleniém e , que Marie n’étoit pas son nom , il ne s’en est pas rap
pelé , quoiqu’il la connoisse depuis l’âge de trois ans ; d’ailleurs
il n’étoit appelé que pour déposer de son mariage. Il atteste que
les père et mère d ’Anne étoient catholiques romains. Il sait
qu’après la mort de son premier m ari, Sophie M isch épousa
Burthélem i, L a t in ; mais pour épouser Nazo elle se fit scliismatique grecque, et le patriarche déclara son second mariage in
valide. Nazo fut si content, qu’il dépensa cinquante mille écu&
pour son mariage. D ’ailleurs, ajoute-t-il, la liberté des mariages.
�is > ( 13 )
existe en Egypte : les prêtres catholiques n’ont pas la liberté de
p a rle r, mais ils n’approuvent pas pour cela les mariages con
tractés par ceux qui quittent leur religion. Il n’a pas entendu
dire que l’on pouvoit divorcer et contracter de nouveaux mariages
dans la même religion, mais seulement qu’on pouvoit, à cause
de la liberté civile des c u ltes, quitter la religion latine pour
embrasser la religion schismatique g recq u e; et que le mariage
contracté par une fem me latine avec un homme de sa religion,
étant déclaré nul par les G re c s, cette dernière pouvoit, en em
brassant la religion grecque, faire déclarer nul son mariage avec
un la tin , et en contracter un second. Il atteste cependant que
les prêtres grecs comme les prêtres cophtes étoient dans l’ usage
de ten ir des registres des m a ria g es.a
' a; 1. ■ t
t
Cette dernière déclaration ne convient pas à A nne ; son avoué
prétend qu’il n’est pas bien informé des usages, qu’il est étranger
au rite grec , et que dès-lors il 11e peut savoir si en effet ces
prêtres tenoient des registres. L e témoin répond qu’il parle avec
peine la langue française ; qu’on ne donnoit pas en Egypte le
nom de registre aux notes que tenoient les prêtres ; mais que
ces notes contenoien t la date des mariages et les noms des
parties, et que dans aucune religion ces notes n ’étoient signées
des parties.
j
1
On lui demande s’il n’étoit pas d’u sage, dans les mariages
r é e ls , de promener solennellement la dot et les époux sous un
dais. Il prétend que cela n’est usité que pour les T u rcs ; que
les autres religions n’ont la liberté de le faire que par la per
mission du souverain.
Cette déposition est essentielle sur un p o in t, malgré les interiogations captieuses d’ ANNE ou de ses conseils. Il est cons
tant , d’après ce tém oin, que les prêtres de toutes les religions
tiennent en Egypte des registres ou des notes sur les mariages.
Comment se fait-il qu’on se soit écarté de cet usage pour le
général Destaing seulem ent; et par quelle fatalité ce mariage
est-il le seul qui n’ait point été inscrit, ni sur les notes des
/
�'( M )
p rêtres, ni sur les registres des actes civils? D ’ailleurs, sur le
fait p rin cip al, ce témoin ne parle encore que par ouï-dire.
L e neuvième témoin est L u c D uranteau, général de brigade.
Il a été reproché com m e étant l’un des signataires de l’acte de
notoriété dont A nne a fait usage. Au su rp lus, il s’est trouvé
dans une réunion à l’occasion du mariage du général Destaing
avec la fille de Joanni Nazo ; mais il n’a point connoissance
de la célébration du mariage par le patriarche d’Alexandrie ,
seulement il étoit de notoriété qu’Anne étoit mariée. Autant
qu’il se rap p elle, le mariage a dû avoir lieu sous le comman
dement du général Menou. Mais il ne sait préciser, ni l’époque
de la réunion dont il a p arlé, ni combien a duré la cohabita
tion ; il ne sait pas même si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur des registres tenus a d hoc par les commissaires
des guerres.
!
»,■ L a seule remarque qu’on se permettra sur cette déposition,
c ’est qu’elle est en contradiction avec l’acte de notoriété qu’il
a signé. Suivant ce certificat , le mariage avoit été célébré en
présence du déclarant, en l’an 8.
Dans sa déposition , il n ’a pas connoissance de la célébra
tion du mariage ; il n’a été fait que sous le commandement du
général M enou, c ’est-à-dire, en l’an 9. Ainsi la déclaration est
tout autre chose q u e '1 attestation. Ce tém oin, qui veut tout
ignorer, ne sait pas mémo si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur les registres des commissaires des guerres.
L e dixième témoin est Joseph Saba , réfugié de Jérusalem ;
il éto it, en qualité d’interprèle , chez le général Dupas. Ce
dernier fut invité par le général Destaing à assister au m ariage,
et y alla. L e mariage d’ un Français avec une femme grecque
parut une chose remarquable. Il entendit répéter qu’il avoit été
célébré par le patriarche g rec, dans l’église de saint Nicolas
au G r a n d - Caire. Mais il n'a pas été témoin personnellement
de la cérém onie; et voilà une nouvelle version. Suivant le sep
tième tém oin, qui a dit tant de ch oses, le mariage avoit été
,
�( i5 )
célébré dans l’église de saint G eorges, au V ieu x-C aire. Celui-i
ci veut que ce soit dans l’église de saint N ic o la s, au GrandCaire. Au surplus, il a procuré à madame Destaing une maison
propre dans la citad elle, lorsque le général partit pour Alexan
drie. Il sait encore que le père d’Anne Nazo est mort. Mais
quand une veuve ayant des petits enfans se rem arie, les enfans
donnent le nom de père au nouveau mari. Il connoit Barthélem i; niais il ignore si ce Barthélemi est le m ari de la m ère d’Anne
Nazo. Il n’est pas Egyptien, il est de Jérusalem , et n’a pu savoir
ces détails. Le mariage d’Anne Nazo avec le général Destaing doit
remonter à huit ans , tout au plus , sans qu’il puisse dire pré
cisém ent l’année.
Ce témoin , qui ne parle encore que par ouï-dire, prétend
que le général D upas a assisté au mariage ; et le général a luiniéme a tte sté , dans un certificat de notoriété qu’il a délivré à
A nne , qu’il n’a eu connoissance de ce mariage que par ce que
lu i en ont dit plusieurs personnes distinguées d’Egypte. 11 est
d’ailleurs constant q u ’ANNE n’est pas fille de N a z o , quoiqu’elle
ait toujours prétendu l’étre ; et il ne faut pas aller en Egypte
po ur savoir q u e les enfans d’un prem ier lit donnent quelquefois
le nom de père à un second ou troisièm e m ari de le u r m è r e :
c’est aussi l’usage en France. Mais ce qui n’est pas. vrai, c ’est
que le second m ari donne son nom aux enfans d’un premier lit ;
et A nne seroit bien embarrassée s’il falloit appuyer cette asser
tion de quelque autorité.
L e onzième témoin est un sieur D a u re , commissaire-ordon
nateur. Ce témoin a été reproché , comme signataire de l’acte
de notoriété, fait à Paris devant le juge de p aix , le 29 mars
18 0 6 ; il étoit d’ailleurs l’ennemi personnel du sieur D estaing,
et il en convient dans la suite de sa déclaration. I l ne sait
p oint si le général Destaing s’est marié à l’église ou devant le
commissaire des g u erres, mais il fut invité au repas et au bal
donnés cette occasion. Il n’assista pas au repas; il se rendit
au bal avec d’autres généraux qu’il nomme. Il étoit alors très-
�(
3
lié avec le général; il s’est ensuite un peu brouillé avec lu i,
par suite des discussions qui ont eu lieu à l’armée. Il ignore le
nom de la femme que le général Destaing épousoit; mais ses
fonctions lé mettaient dans le cas d’avoir quelques rapports avec
les parens. L e général Destaing l’a présenté à son épouse. Il
le considéroit comme marié légitimement. Il ne se rappelle pas
la date du mariage , mais il se trouvoit chez le général Destaing
deux mois environ avant la descente des Anglais. Il convient
que les commissaires des guerres tenoient des registres pour
inscrire les mariages ; mais il renvoie à l’ordonnateur Sartelon
pour donner sur ce point d’autres lenseignemens. Il ajoute que
la cohabitation entre le général D estaing et A nne avoit pu durer
environ trois mois.
Cette déclaration, qui est en contradiction avec l’acte de no
toriété , ne présente rien de saillant sur le fait. L e témoin ne
raisonne que par ouï-dire; et jusqu’ici on n’a aucune donnée
pour prouver que ce mariage a été célébré par le patriarche
d’Alexandrie.
L e douzième témoin est encore un réfugié d’Egypte, Gabriël
T a c k , n atif du Caire. Il n’a point assisté personnellement au
mariage du général Destaing ; mais étant interprète du général
Lam usse , ce dernier lui avoit dit : G a b riel, vous 11’étes donc
pas venu à la noce a v ec nous ? et lui avoit ajoute que le général
Destaing a v o i t épousé la fille de N azo; que le mariage avoit été
célébré par le patriarche g re c , qui avoit donné la bénédiction.
L ’interprète du général Destaing lui a dit que ce mariage avoit
été célébré par le patriarche. Cet interprète du général D es
taing étoit lui-m êm e présent h la cérémonie. Ce mariage a fait
beaucoup de bruit dans le quartier des chrétiens ; il a eu lieu
dans l’église de saint Nicolas , au Caire , et dans un temps
voisin de l’arrivée des Anglais. Il a ouï parler de Barthélem i,
second mari de Sophie Mise h , mais il n’a jamais vu cette der
n ière; il avoit m êm e un domicile séparé. Il a vu Nazo dem eu
rant avec la mère d’AiWE , ici présente.
Il
1
6
�( *7 )
Il ne sait pas si la mère est d’origine grecque co p h te, il sait
seulement que le patria rch e ne m arieroit p a s une fe m m e q u i
ne seroit p as Grecque. On lui observe que le général Destaing
n étoit pas lui-méme G rec ; il répond que cela n’empéchoit pas
le patriarche de donner la bénédiction , parce que la femme
étoit Grecque , et que le mari étant Latin et la femme G recqu e,
celui-ci avoit le droit d’emmener la femme à son église , ce
qui n’avoit cependant lieu qu’autant qu’il le vouloit. On lui
demande quelque explication sur les cérémonies des Grecs pour
les mariages. T out cela , suivant l u i , consistoit à aller à l’église,
et chez les Latins on écrivoit les mariages sur des registres ;
il le sait parce que lui étant L a t in , il a été marié dans une
église catholique ; mais il ignore si cela avoit lieu chez les
Grecs. Il ignore encore s’il étoit d’usage de promener la dot et
les époux sous un dais. E t enfin il dit que l’interprète du général
Destaing s’appeloit Massara. Ce témoin, comme on voit, ne parle
encore que par ouï-dire, et n’a fait qu’une déclaration rem ar
quable , c ’est que le patriarche grec n’auroit pas donné sa bé
nédiction à une fe m m e q u i ri étoit p as Grecque. On a vu plus
haut qu’ANNE et son père étoient catholiques romains. L e géné
ral Destaing étoit de la meme religion , par conséquent le pa
triarche grec n’a pu être le ministre du mariage.
L e treizièm e, le sieur Estève, trésorier général de la couronne,
est un des signataires de l’acte de notoriété dont A n n e a fait
usage ; il a été reproché à raison de ce. D ’ailleurs il n’a point
été témoin de la cérémonie du mariage ; il l’a appris comme
une nouvelle de l’armée et du Caire. L e général le lui a éga
lement annoncé. Il a ouï dire que le mariage avoit été célébré
selon le rite grec , qu’il y avoit eu un repas de noces auquel
il n’avoit pas assisté. Mais quelques jo u rs après il fut invité chez
le général Destaing avec sept ou huit autres Français. L e général
en dînant annonça son mariage. L e témoin l’en félicita et 1 em
brassa. Il n’a cependant pas vu la femme du général : en Egypte
tes fem m es ne m angent p o in t avec les hommes. Le mariage a eu
c
�c <8 )
lieu peu de temps avant l’arrivée des Anglais , vers le commen«ement de l’an 9 , autant qu’il peut se le rappeler. Il croit que
la cohabitation n’a pas cessé pendant tout le temps du séjour
du général en Egypte ; il ignore s’ils sont venus en France en
semble. Un ordre du jour avoit ordonné que les commissaires
des guerres tiendroient un registre pour inscrire les mariages
et les naissances; mais il ne sait pas si ces commissaires les
tenoient; il croit qu’en général ils ne se sont pas conformés à
l’ordre. Le général Menou avoit donné un ordre pareil ; mais
cet ordre ne regardoit que les musulmans. Il n’est pas à sa
connoissance que le général Menou ait fait inscrire son mariage ;
il sait seulement qu’il a fait inscrire la naissance de son fils ,
et que les généraux ne l’ont point imité en cela. Enfin il ignore
si le général Destaing s est fait des ennemis par ses opinions.
Cette déclaration est en contradiction avec l’acte de notoriété.
Dans cet acte le témoin connoit parfaitement A nne Nazo, épouse
du général D estaing; il a assisté à la cérémonie du m ariage,
qui a eu lieu en présence d’un grand nombre de Français ; il
atteste également que ce mariage a eu lieu en l’a n 8. Dans sa
déposition il n’a appris le mariage que comme nou velle; il n’a
assisté ni à la cérémonie ni au repas : ce n’est que huit à dix
jours après qu’il a dîné chez le général, et il n’a point vu sa
femme. Le général M enou n ’a donné ordre de tenir un registre
qu’au divan et pour les musulmans. N est-ce pas une raison de
penser que toutes les autres sectes tenoient des registres. Il est
d’ailleurs reconnu que le général Menou avoit fait transcrire
l’acte de son mariage contracté en l’an 7 , à R o sette, sur les
registres du commissaire des guerres du Caire.
L e quatorzième tém oin, le sieur Sartelon, commissaire-ordon
nateur, a été reproché de deux manières , et comme signataire
d’ un acte de notoriété au profit d’ANNE, et comme ayant été
l ’ennemi personnel du général D estain g, par suite de division
à l’occasion de la capitulation du Caire. Il dépose d’ailleurs
qu’entre le i er. brumaire et le i cr. ventôse an 9 , le général
�( r9 )
Destaing lui fit part de son mariage avec la fille d’ un G rec
nommé Nazo , commandant en second d’un bataillon. Le général
Destaing lui parla de ce mariage tant avant qu’après ; il l’nvoit
même invité. Nazo lui fit également part du mariage de sa fille ;
il la nomma ainsi, quoique depuis il ait ouï dire qu’AuNE n’étoit
pas la fille de N azo, mais sa belle-fille; il a assisté au repas de
noces, mais non à l'église. Quoiqu’il eut été invité à la cérémonie
avec le général Lagrange, à ce q u 'il cro it; il pense même , sans
pouvoir l ’a ffir m e r , qu’il y a eu des billets de communication
de ce mariage ; que la nouvelle en a été insérée dans la gazette
du G rand-Caire, rédigée par le sieur D esgenette, médecin de
l’arm ée; q u i l n ’affirm e pas non plus ce dernier fait, mais dans
la société il le diroit sans hésiter; qu’il a vu au repas de noces
la femme du général, et il la reconnolt pour la dame présente
aux débats. Lorsque le général Destaing fut blessé dans l’affaire
contre les Anglais , il lui parla de sa fem me com m e d’une femme
légitime. Il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres de m ariage; mais cet usage a lieu chez les prêtres
catholiques latins, qui sont beaucoup plus instruits. Il a signé
l’acte de mariage du général B a u d o t , célébré dans une église
la tin e , à peu près à la même époque. II croit toutefois im pos
sible que les prêtres grecs ne tiennent pas des notes ; mais ces
notes ne seroient pas des registres civils. Il est à sa connois
sance qu’il n’y a pas en Egypte d’officiers de l'état civil. Il
a vu le général Destaing à P aris, qui lui a dit qu’il attendoit
sa femme. Enfin , d’après la notoriété, le mariage en question
avoit été célébré par le patriarche grec , et suivant le rite grec.
L e commissaire lui demande d’office s’il n ’a pas eu quelques ini*
initiés avec le général Destaing ; il répond négativement. In
terrogé s’il n’a pas tenu quelques propos injurieux î\ la mémoire
du général; il ne le croit pas. D ’ailleurs quand son opinion ne
seroit pas favorable au général, cela ne l’empécheroit pas de
déposer la vérité, et il croyoit honorer la m ém oire du général,
en déposant en faveur de sa femme et de sa fille.
C 2
�C) (s-
( 20 )
On lui rappelle qu’il a refusé de communiquer des registres,
et d’y faire des recherches; qu’il s’est même répandu en propos
très-injurieux contre le général. Il prétend n’avoir rien dit d’in
jurieux, mais il a soutenu qu’aucun ordre du jour n’avoit prescrit
la tenue des registres ; que cet usage s’étoit établi, de faire écrire
les actes, soit par les commissaires des guerres, soit par les chefs
des corps; que d’autres s’étoient contentés de se présenter aux
prêtres du p ays; qu’enfin les commissaires ne tenoient point de
registres , mais de simples procès verbaux : d’ailleurs les trois
quarts de ses papiers ont été perdus.
On lui demande à quelle église il fut invité pour assister à la
cérém onie; il répond que c ’est probablem ent à l’église grecque;
que d ailleurs sa mémoire ne lui rappelle rien autre chose , que
seulement le général D estaing lui a dit que c’étoit le patriarche
grec qui avoit fait le mariage.
On l’interpelle encore de déclarer si après le mariage de ma
dame Baudot, femme du général de ce nom , ce dernier ne
présenta pas l’acte latin qui avoit été rédigé et signé des parties
contractantes, à lui S artelo n , pour qu’ il en dressât l’acte civ il,
et assurer l’état des parties.
Il convient en effet avoir rédigé cet acte, non sur un registre,
mais sur une simple feu ille, et en form e de procès verb al, après
la célébration religieuse qu’en avoit faite un prêtre catholique
romain. Ce fut le déposant lui-m êm e qui engagea le général
Baudot à faire faire cet acte pour plus grande sûreté : le général
croyoit que la cérémonie religieuse suffisoit. Mais c ’est le seul
acte de mariage que le témoin ait jamais rédigé. C’est encore
lui déposant qui fit enregistrer la m in ute, pour se conformer à
l ’ordre du jour de l’arm ée, qui ordonnoit l’enregistrement de
tous les actes qui y seroient passés, non-seulem ent pour les
m ariages, mais pour toutes les transactions sociales, cet enre
gistrement étant une imposition indirecte créée tant pour Je
pays que pour les Français.
On ne peut pas se méprendre à cette déclaration ; elle porte
�'J F ( 21 )
le caractère de la haine contre le général Destaing ; elle prouve
un entier dévouement à la cause d’ÂNKE, que le témoin a mal
adroitement serv ie, en tombant à chaque pas dans des contra
dictions choquantes. Il avoit été plus positif dans son acte de
notoriété. Dans sa déposition il n’a pas assisté à la cérémonie ;
il n’a été qu’au repas de n o c e s, où il a vu Anne ; et le précé
dent témoin nous a dit qu’en Egypte les femmes ne paroissoient
jamais à table avec les hommes. Les prêtres grecs comme les
latins tenoient des notes des mariages , mais les commissaires
des guerres n’avoient point de registres civils pour les inscrire;
et cependant il a rédigé celui du général Baudot : c ’est lui qui
l’a provoqué à cette mesure pour plus grande sû re té , qui a fait
enregistrer la m inute, parce qu’ un ordre du jour ordonnoit l’en
registrement de tous les a ctes, pour les mariages comme pour
toutes les transactions. D ans quelle incertitude ne laisse-t-on pas
les esprits, avec des déclarations aussi incohérentes ; et par quelle
fatalité Anne ne tro u ve-t-elle pas parmi tous ceu x que leurs
fonctions rapprochoient le plus du général D estain g , un seul
témoin qui ait assisté à la prétendue cérémonie du mariage?
Le quinzièm e t é m o in , le sieur M arcel , d ire c te u r gén éral de
l’im prim erie, encore signataire de l’acte de notoriété, et reproché
en conséquence , dit que dans le commencement de l’an g ,
quelque temps avant la mort du général Kléber , le général
Destaing épousa la dame Anne Nazo : le témoin la reconnoit
en la voyant assister à l’enquéte. Il y eut à cette époque un
repas auquel furent invités les officiers généraux et les princi
paux chefs de l’adm inistration; que ce rep as, le plus solennel
qui ait eu lieu alors, fut donné comme festin de noces ; que
dans ce repas on disoit que le mariage avoit été célébré par
le patriarche grec d’Alexandrie , résidant au Caire ; et le témoin
a entendu dire que la célébration avoit eu lieu à l’église des
G recs; qu’ils ne désignent pas leurs églises sous la dénomination
d*w s a in t , mais seulement sous le nom de l'église ; com m e,
par exemple , l'église des cophtes. Il connoissoit cette églisa
�( 22 )
grecque pour y avoir été rendre visite au patriarche. II peut se
faire au surplus que les G recs entr’eux désignent cette église
sous le nom d’un saint. Il croit se rappeler qu’il y eut des billets
de communication imprimés ; mais sa mémoire ne lui présente
pas ce fait avec assez de certitude pour pouvoir l’affirmer.
Peu après l’arrivée des F ran çais, un ordre du jour avoit
ordonné qu’il seroit tenu des registres pour constater les
mariages et les naissances; mais cet ordre ne fut exécuté que
dans les derniers tem ps, que le général Menou le renouvela.
L e témoin a perdu trois enfans en Egypte. L ’acte de naissance
et de décés du dernier seulement a été dressé ; pour les autres
en fan s, il n’a eu d'autre note de leur naissance que le certificat
de leur baptême donné par le supérieur des ca p u c in s, prêtre
catholique, qui en tenoit note; mais note incomplète et inexacte.
A la vérité le témoin convient que cet ordre avoit été donné
par le général Menou. L ’ordre donné pour la tenue des registres
n’a point été exécuté, à ce qu’il croit, parce que tous les registres
s’iinprimoient à l’im prim erie nationale , qu’il dirigeolt alors, et il
ne-se rappelle pas avoir vu le registre en question. Si les Grecs
et les cophtes eussent tenu de ces registres, on n’ auroit point
demandé leur déclaration. Lors du diner ceux qui avoient parlé
de cette cérémonie en avoient é té , à ce qu il c r o it, témoins
oculaires ; il ne peut c e pend an t se rappeler ceux des convives
qui y p a r l o i e n t , quoiqu’aucun d’eux ne lui fût , à ce qu’il
pe n se , inconnu; il n’a d’ailleurs jamais entendu élever des doutes
su r l’existence du m ariage, que la notoriété publique présentoit
comme mariage légitime. Il ne se rappelle pas d’avoir -vu le
patriarche d’Alexandrie au diner de noces ; il ne croit pas même
qu’il y fût* Il ignore combien a duré la cohabitation; il n’a
point connu de mariage à temps en E g y p te , ou du moins le
cas est ra re, et n’a lieu qu’entre m usulm ans, mais point entre
chrétiens.
Encore incertitude sur cette -déposition ; il ne sait le mariage
que par ouï-dire.
�C^3 )
L e seizième tém oin, Jacques C lém en t, d éclare, sur le fait
dont il s’a git, qu’en 1 8 0 1 , six à sept mois avant le départ des
Français , sans pouvoir autrement préciser l’époque , la voix
publique lui apprit le mariage du général Destaing. I l r i est pas
sûr que ce mariage ait été célébré p a r le patria rch e d 'A le x a n
d rie ; il l’a seulement ouï dire par tout le monde. L e jour même
ou le lendemain du m ariage, voyant un grand nombre de per
sonnes réunies, parmi lesquelles se trouvoient des officiers gé
n érau x, des officiers de tous grades, des T u rc s, des G re c s, il
apprit que cette réunion avoit pour cause le mariage du géné
ral. Comme il I’avoit beaucoup connu à Rozette et au C a ire ,
il crut de son devoir d’entrer chez lui et de le féliciter. L e
général l’invita à rester, pour lui servir d’interprète auprès des
personnes du pays qui pourroient se présenter chez lui pour
le visiter. Il y eut le soir un très-grand repas; mais le patriarche
n’étoit pas au diner : il y avoit cependant un ou deux prêtres
grecs. L ’usage de dresser les actes de m ariage, chez les G recs,
n’est pas général. Il n’existe pas chez les T u rcs ; et les prêtres
grecs ne font des actes de mariage que lorsqu’on leur en de
mande. A l’égard des mariages à temps , ils sont extrêm em ent
rares ; on en trouve à peine un e x e m p le en dix ans. Ils ne
sont pratiqués que par les T urcs ou des libertins. Il n’en a vu
que deux ou trois exemples parmi les catholiques et les cophtes,
qui ont été excommuniés. Ces mariages avoient été célébrés par
des cheiks turcs. Il croit avoir connu le père d’Anne ; il étoit
Arménien de n atio n , et bijoutier. Mais il appelle A nne fille
adoptive de N azo, parce que Nazo avoit épousé sa mère.
Relativement à la pompe extérieure des m ariages, on étoit
obligé d’aller à l’église. Chez les T u rcs , et non chez les chrétiens,
on promenoit le trousseau et la femme sous un dais ou dans
une voiture.
Ce témoin se présente officieusement comme l’interprète
du général D estain g, ce qui est contraire à la déposition de
Gabriel T a c k , douzième témoin, qui a déclaré que l’interprète
�( ^4
du général Destaing s’appeloit Massara. L ’un deux n’a donc pas
dit la vérité. Au surplus , cet interprète ne sait encore rien que
par ouï-dire.
L e dix-septième et dernier témoin de l’enquéte de P a ris, est
un sieur Do^ninique-Jean L a r r e y , reproché comme un des certificateurs de l’acte de notoriété, et com m e ayant manifesté
de grands mécontentemens de ce qu’il prétendoit que ses soins
et ses services , dans la maladie du g én éral, n’avoient pas été
payés. Il déclare que dans le com m encement de l’an g , il avoit
reçu un billet d’invitation du général D estaing, son am i, pour
assister à ses n oces; il s’y rendit, et y trouva plusieurs amis
du g én é ral, entr’autres les sieurs E stève, Lagrange, et le général
Menou , avec lequel il s entretint de son service. Anne Nazo
y étoit en costume tu rc , et parée de tous ses ornemens. ( Il
est bien extraordinaire que ce soit le premier témoin qui ait
parlé de cette circonstance. ) T ou t le monde y étoit en grande
tenue; il adressa ses félicitations au général, et lui fit ses excuses
de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de l’église', d’où l’on
sortoit en ce moment. Comment savoit-il qu’on en sortoit en ce
moment? Il répond que c ’éloit le bruit général de l’assemblée.
Ce mariage avoit été célébré dans l’église du patriarche des G recs;
mais il ne se rappelle pas du nom de l’église. Il a vu le général
après la descente des Anglais ; il s’est trouvé avec lui au siège
d’A lexan d rie, et depuis à Paris. Le général lui a parlé plusieurs *
fois de sa f e m m e , et s’occupoit de la faire revenir en France
( elle y étoit avant lu i). Il ne se rappelle pas de la teneur du
billet d’invitation ; il c r o it , sans pouvoir le dire au ju s te , que
les mots noces et cérémonies s’y trouvoient. Il a assisté aux fé
licitations des personnes qui se trouvoient à l’assem blée; il étoit
au re p a s, et A nne s’y trouvoit également. Il se retira avant le
b a l, à cause de ses occupations qui l’avoient également empéché
d’assister à la cérémonie nuptiale. Ce mariage étoit de notoriété ,
et on disoit qu’il n’y avoit que le général Menou et le général
Destaing qui voulussent conserver la colonie , parce qu’ils a voient
#
épou sé
�( 25 )
épousé des femmes égyptiennes. Il a pansé Joanny Nazo d’une
plaie qu’il avoit à la jambe , et l’a vu plusieurs fois chez le général
D estain g , où il étoit reçu avec les égards dûs à sa profession.
Il dit que l’église des Grecs étoit située dans la ville du Caire.
Il n’a point connoissance des mariages à temps ; mais lorsqu’on
vouloit acheter une esclave ou une autre femme , cela ce pratiquoit secrètem ent : les fem m es entroient dans les maisons
où on les fa is o it v e n ir v o ilé e s , ou bien on les achetoit chez
des marchands d'esclaves.
T elle est l’enquête faite à P a r is , où sans contredit on avoit
de grands moyens pour se procurer des témoins. A n n e en avoit
fait assigner un grand nombre , que dans la suite elle n’a pas
jugé à propos de faire entendre : on le lui a reproché lors de
la clôture du procès verbal d’enquête; mais elle a cru devoir se
borner à ceux qui avoient signé les actes de notoriété , et ne
s’attendoit pas à les voir tomber en contradiction avec leurs pre
miers certificats. A-t-elle prouvé qu’elle avoit été mariée avec le
général D estaing, publiquem ent et solen n ellem en t, p a r le p a
triarche d ’A le x a n d r ie , suivant le rite grec , et les form es et
u sages observés dans le p a y s ? ( Ce sont les expressions littérales
de l’arrêt de la Cour. ) A n n e ne peut pas s’en flatter ; a u c u n de
ses témoins n’a été présent à la cérémonie. Les ouï dire ont des
différences notables; tantôt c’est au Vieux-Caire, et tantôt c ’est
dans la ville du Caire que le mariage a été célébré ; les uns
veulent que ce soit à l’église de saint G eorges, d’autres à l’église
de saint Nicolas : pas la moindre instruction sur les mœurs et
les usages des G re c s, incertitude sur le sort, la naissance et la
religion d’Anne ; ceux qui la connoissent le m ieux disent qu’elle
est catholique rom aine; ceux qui la disent catholique romaine
soutiennent que le patriarche des Grecs ne marieroit pas une
Latine. Sophie M isch , sa m ère, qui n’étoit pas veu ve, a quitté
la religion romaine pour prendre un troisième mari. Voilà donc
cette famille qui offroit tant d’agréinens et d’avantages au général
Destaing, qui lui faisoit oublier les égards et le respect qu’il deD
�( 26 )
volt à son père, méconnoitre les convenances sociales, mépriser
les appas de la fortune , oublier son ra n g , son p a y s, sa nais
sance , pour lier son sort à la fille d’un Arménien. Et c’est cette
femme qu’on veut légèrement introduire dans une famille , qui
viendroit usurper non-seulem ent la fortune du général, mais
encore partager les dépouilles du sieur Destaing p è re , de ma
dame Destaing et de Pascal D estaing, morts pendant l’instance.
Lorsque l’immortel d’ Aguesseau s’écrioit que ce n’étoit qu’en
trem blant, et avec toute la démonstration de l’évid ence, qu’on
pouvoit se permettre d’introduire dans une fam ille un individu
dont l’état est contesté, ce magistrat avoit cependant des don
nées certaines : c étoit en F ran c e, à P aris, sous les yeux des
m agistrats, que se trouvoient les registres et les preuves.
Ic i une étrangère arrive de parages lointnins, dont elle a fui
dans un moment de troubles; elle n’est point accompagnée de
celui qu’elle appelle son époux ; elle n’en a point reçu Je titre
de femme légitime. Les écrits qui émanent de lui l’avilissent
aux yeux de sa famille et de son père ; il désavoue l’existence
d ’un Jien lé g a l; il traite cette union d’arrangem ent oriental.
E t A n n e voudroit être élevée au rang d’épouse ! et Anne a osé
penser que quelques témoins officieux ou indifférens pourroient, avec de simples ouï-dire, la faire reconnoitre pour épouse
légitime d’ un général français !
Non ; elle a senti toute l’insuffisance de son enquête de P aris,
où cepend an t on trouve plusieurs noms recommandables ; elle
est allée chercher à M arseille, dans quelques réduits obscurs, des
G recs réfugiés ou ignorans , qui ne peuvent parler que par in
terprètes , à qui il est facile de faire dire tout ce qu’on v e u t ,
quand il faut s’en rapporter à la foi d’ un seul homme, d’un
m ercenaire à gages , qui traduit comme bon lui semble. Il faut
donc encore parcourir cette enquête de M arseille, avant d’en
•venir à l’enquête con traire, faite à A urillac et Mauriac , à la
requête des héritiers Destaing.
L e premier témoin est un nommé M ichel C h am , n atif de
�( 2-7 )
Dam as en S y r ie , se disant ancien négociant, et ancien inter
prète de Son Altesse le Prince de N e u fcliâ tel, aujourd’hui sans
profession. Il a déposé que se trouvant au G rand-Caire, dans le
courant de l’an 9 , n’étant pas m ém oratif des jours ni du mois ,
et à l’époque à laquelle le général Menou commandoit l’arm é e ,
i l entendit dire que le général Destaing devoit épouser la demoi
selle N azo, fille du commandant de ce nom ; que passant quel
ques jours après devant le domicile du général D estaing, il vit
des préparatifs de fê te , plusieurs ch evau x, des généraux et of
ficiers en grand costu m e, et s’étant informé quels étoient les
motifs de ces préparatifs, on lui dit que c ’étoit pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle N azo; que s’étant ensuite
de nouveau informé comment le mariage avoit été fa it, on lui
dit qu'il étoit venu un patriarche g r e c , et que ce mariage avoit
été céiébré selon le rite et les usages grecs ; mais il n’y a point
assisté. Le domicile du général Destaing étoit sur la place A ta b e lE zaugua , à côté de la mosquée du C haraybe. Il est à sa connoissance que les prêtres chrétiens, de quelque secte qu’ils
soien t , ne tiennent point de registres pour la célébration des
m ariages ; que les mariages se célèbrent par quelque prêtre que
ce s o it, et sans distinction du c u lte qu e professent les ép o u x ;
que cette célébration se fait par l’ un d’eu x, au choix des parties
contractantes , pourvu néanmoins que le prêtre soit chrétien.
Il est douteux que ce témoin soit bien instruit des usages
d’Egypte , ou du moins il est en contradiction avec tous les
voyageurs qui ont observé les mœurs de ce pays. L a différence
des cultes, loin d’être un moyen de rapprochem ent, n’est qu’ un
sujet continuel de scandale et de persécution. Il est inoui qu’ un
Grec ait marié un Latin ; et il seroit peut-être plus extraordi
naire encore qu’un G rec scliismatique eût été marié par un
prêtre co p h te, tant il y a de division et d’acharnem ent entre
ces différentes sectes. E st-il croyable d’ailleurs qu’un général
catholique rom ain, qui devoit se marier avec une femme de la
même religion ( car Anne professe ouvertem ent le culte catho-
D 2
�( *8 )
lique ) , ait été choisir un prêtre g r e c , lorsqu’il étoit environné
de prêtres latins? Mais ce témoin .ya plus loin que les autres.;
Les uns ont entendu dire que le mariage avoit été célébré dans
l’église de saint G eorges, au Vieux-Caire ; les autres dans l’église
de saint N icolas, au G ran d-C aire; et celu i-ci prétend que le
patriarche grec est venu chez le général Destaing. Mais en même
temps il voit dans la rue des c h e v a u x , des officiers généraux
en grand costume : i f ne falloit pas tant de préparatifs, si le
mariage s’est fait à huis clos , et dans la maison du général.
r L e deuxièm e témoin est B arbh èlem i S e r a , natif de l'île de
Siam . Il déclare qu’il avoib épousé Sophie M isch , qui étoit alors
v e u v e de Joseph Trisoglow ; qu’il la quitta il y a environ vingtquatre ans , et que celle-ci épousa ensuite le sieur Nazo. Il
prétend que sur la fin de l’an 8 , ou au commencement de l’an
9 , étant au grand-Caire, le général Destaing lui dit qu’il vouloit
épouser;la fille du commandant N azo ; qu’alors il lui observa
qu’elle n’étoit point fille de Nazo ; que lui déposant avoit épousé
la mère de cette dem oiselle, qui étoit veuve de Joseph Trisoglow,
et qu’Anne étoit née à l’époque de son mariage. Le général
Destaing lui répondit que cela étoit indifférent ; mais il lui
demanda si cette fille étoit sage, si elle avoit de bonnes mœurs,
à quoi Barthélemi répondit a ffirm ativem ent. Il dem anda au
général c o m m e n t il se proposoit de faire celébrcr son mariage ;
le général lui r é p o n d i t qu’il avoit déterminé de le faire célébrer '
selon le rite grec. Barthélemi lui observa qu’il y avoit au GrandCaire des prêtres latins, et qu’il devroit se marier selon ce rite;
mais le général Destaing persista dans son intention. Il invita
Barthélem i à assister au mariage ; Barthélemi le rem ercia, et
ne voulut point y assister , parce qu’il ne vivoit pas bien avec
la fam ille N azo; il prétexta des affaires; et quelques jours aprèsj
ayant passé devant la maison du général D estain g, il aperçut
beaucoup de chevaux au-devant de la p o rte , des généraux et
officiers qui entroient et sortoient : on lui apprit que c ’étoit à
l’occasion du mariage du général avec la demoiselle Nazo. Il
�( 29 . )
rencontra bientôt après le g én é ral, qui lui dit que son mariage
avoit été célébré par un patriarche grec , et selon le rite grec.
Barthélemi crut devoir lui réitérer 1 observation qu’il lui avoit
déjà fa ite , qu’il auroit du faire célébrer son mariage par l’église
latine ; le général lui répondit qu’il avoit voulu se conform er à
l ’usage du pays. Suivant l u i , il n’y a que des prêtres latins qui
tiennent des registres, les prêtres des autres sectes chrétiennes
n’en tiennent pas ; mais il atteste qu il est d usage dans le Levant
que le mari fait célébrer son mariage par un prêtre de sa religion.
Il ajoute cependant que cela n’est pas toujours rigoureusement
o b servé, et que les mariages se célèbrent indistinctement par
quelque prêtre chrétien que ce so it, au gré et au désir des
parties contractantes.
On voit avec quelle légèreté ce témoin parle de la dissolution
de son m ariage, et ¡que Sophie Misch n’a pas été long-temps à
le remplacer. Il ne reste plus de doute sur l’origine d’ANNE,
ni sur sa religion , puisqu’elle étoit née de deux catholiques
romains ; et il paroltra au moins bien invraisemblable qu’on ait
choisi un patriarche g r e c , lorsqu’il y avoit autour du général
tant de p rê tre s latins. N ’e s t -ce pas vouloir se jouer d’ un enga
gement de ce genre, et aller contre l’usage du p a y s, loin de s’y
conformer , puisque le mari a le droit et l’usage de choisir un
prêtre de sa religion.
L e troisième tém oin, le sieur Antoine H am aony, négociant,
natif de Dam as en S y r ie , déposant, comme le précédent, sur
l’interprétation du sieur N eygd orff, déclare qu’il se trouvoit au
Caire à l’époque à laquelle le général Destaing y étoit en ac
tivité de service. Il apprit par la notoriété publique que c e
général avoit épousé la fille de la dame N azo, que ce mariage
avoit été célébré selon le rite grec et par le patriarche ; qu’il
fit à cette époque beaucoup de bruit. Suivant lu i, il n’y a que
les prêtres latins qui tiennent des registres et qui en délivrent
des extraits : c’est ordinairement et le plus souvent un prêtre
de la religion du m ari qui célèbre le m ariage, sans que néan-
�( 3° )
moins cela soit obligatoire. Ce témoin ne fait que répéter ce
qu’a dit le précédent : c’est le m êm e interprète ; par conséquent,
la même déclaration.
L e quatrième témoin est un sieur Hanna A d a b a c h i, natif
d’Alep en S y rie , qui va encore déposer à l’aide du même in
terprète. Il étoit établi au Grand-Caire trois ans avant l’entrée
de l’armée française ; il y a resté jusqu’à l'époque de l’éva
cuation de l’armée. Pendant que le général Destaing y étoit
en activité de se rv ic e , il remplissoit les fonctions de commissaire
de police : ayant des liaisons d’amitié avec le commandant
Jean N azo, celui-ci l’invita au mariage de sa fille avec le géné
ral Destaing. Ce mariage fut célébré dans l’église saint N icolas,
par le patriarche d A lexan d rie, et selon le rite grec : le témoin
y assista sur l’invitation qui lui avoit été faite par Nazo. L e
général Destaing fit et donna ensuite un repas de noces, auquel
il assista égalem ent, y ayant été conduit par le commandant
auprès duquel il tenoit en sa qualité de commissaire de police.
Ce témoin répond, comme les précédens, sur la tenue des
registres , et sur l’usage où sont les maris de faire célébrer les
mariages par un, prêtre de leur religion.
Voilà le prem ier témoin qui ait parlé de sa présence à la
cérémonie ; les vingt précédens n’avoient déposé que par ouïdire. Celui-ci est un des signataires de 1acte de notoriété donné
à M arseille, et ce tte circonstance rend déjà sa déclaration sus
pecte ; d’ailleurs elle est vague et inexacte. Il est singulier que
ce témoin ne précise ni l’année ni l’époque ; qu’il garde le si
lence sur les personnes qui devoient être à cette ¿érém onie;
qu’il n’y ait pas un seul officier général qui y ait assisté, et
qu’on ait donné la préférence à un homme sans profession,
pour l’inviter à un acte si solennel, tandis qu’il n’y auroit eu
aucun officier français.
Les prêtres grecs entendus à P a ris , ont dit que le mariage
avoit été célébré à l’église de saint G eorges, au V ieux-Caire, et
celui-là prétend que c ’est à l’église de saint N ic o la s, au Grand-
�(30
Caire. Quelle confiance peut m ériter une pareille déclaration P
L e cinquième témoin , Michel R ozette, âgé de vingt-sept ans ,
n atif du Grand-Caire, bijoutier et ex-ca p o ra l, déposant encore
à l’aide de l’interprète N eyg d o rff, prétend que sa famille étoit
iniimément liée avec celle de Nazo ; que la fille de celui-ci
ayant épousé le général Destaing pendant qu il étoit en activité
de service au Grand-Caire, le témoin et sa famille furent invités
à assister à ce mariage ; déférant à cette invitation, ils assistèrent
à la célébration , qui fut faite dans 1église saint Nicolas du rite
grec , et par un patriarche grec ; que selon l’usage pratiqué
par les chrétiens de cette se c te , Nicolas Papas Ouglou fut le
parrain de la fille Nazo.
Il y a une certaine fatalité attachée à l’enquête de la fille
N azo; c ’cst que pas un seul des témoins, qui par la nature de
leurs fonctions étoient plus rapprochés du général, n’ait honoré
ce mariage de sa présence, et qu’on voit au contraire un cap a ro l invité à cette solennité. Il prétend que Papas Ouglou a
été le parrain de la fille N azo; et ce Papas O uglou, qui a signé
l’acte de notoriété de Marseille , ne dit pas un mot de cette
c ir c o n s ta n c e , qui étoit assez importante. Il est plus aisé de
gagner un caporal qu’ un général ; et il ne faut pas s’éton n er
que ce témoin avance un fait avec tant d’assurance, mais sans
aucuns détails qui puissent donner quelque croyance à sa dé
claration.
L e sixième témoin est Soph ie M is c h , m ère d ‘A n n e ; elle a
été reprochée en cette qualité. Mais elle raconte que le géné
ral Destaing, pendant •qu’il étoit en activité de service au C aire,
lui demanda sa fille en mariage ; qu’elle et son mari y don
nèrent volontiers les m ains; mais en même temps ils exigèrent
que ce mariage fût célébré par un patriarche du rite grec ,
qu’ils professent. L e général Destaing y consentit ; et après les
préparatifs en pareil cas nécessaires, le mariage fut célébré en
sa présence, celle de son époux, de sa fa m ille , de diverses
personnes du pays , de divers généraux et autres militaires
�( 32 )
fran çais, notamment du général D elzo n s, dans l’église de saint
N ico las, par un patriarche g r e c , et selon le rite de l’église
grecque.
Il n’est pas étonnant que Sophie M isch , mère d’AxNE , vienne
soutenir que le mariage a été célébré ; mais ce qu’il y a de
rem arquable, c ’est que l’arrét de la Cour ordonnoit qu’ANNE
feroit preuve qu’elle avoit été mariée par le p atriarche d ’A
le x a n d rie ; et ces trois témoins qui se suivent, qui tous trois
prétendent avoir assisté au m ariag e, affectent de dire que
c ’est un p a t r i a r c h e qui les a m ariés, sans jamais désigner le
patriarche d’Alexandrie. Cependant le patriarche d’Alexandrie
réside au Grand-Caire; il s’arroge la suprématie de l’église grecque :
c ’est lui qui a le titre le plus éminent. Aussi avoit-il toujours
été désigné exclusivem ent par A n n e , comme .ayant été le m i
nistre du mariage ; et ce n’est pas sans raison que l’arrèt de
la Cour l’avoit ainsi particularisé, et avoit spécialement ordonné
la preuve qu’Anne avoit été mariée par ce patria rch e d ’A le x a n
drie. Comment Sophie Misch n’a-t-elle pas fait attention à cette
circonstance ? il lui en coûtoit si peu de désigner ce ministre.
Cependant elle ne parle que d’ un patriarche grec ; et sa décla
ration ne remplit pas le but de l’arrét.
L e septième témoin est le beau-frère de Sophie Misch , par
conséquent oncle d’Anne. Il est reproché en cette qualité , et
il convient du degré de parenté.
Il rapporte que le général Destaing avoit demandé la fille
Nazo en mariage ; que les parens y consentirent , et y mirent
seulement pour condition que le mariage seroit célébré par
un prêtre grec , selon le rite et usages de cette religion. L e
général Destaing parut d’abord désirer que son mariage fût
célébré par un prêtre latin ; mais enfin il se rendit aux vœux
de la fam ille ; il consentit que le mariage fût célébré comme on
le désiroit, et il le fut en effet le lendemain du jour des R ois,
correspondant, dans l ’église grecque, au 17 janvier. Le témoin
fut invité comme p are n t, et assista à la cérém onie, qui eut
lieu
�( 33 )
lieu clans l’église de saint N ico la s, au Grand-Caire , p a r un p a
triarche grec. Après la célébration, les époux furent accom
pagnés dans la maison du gén éral, où il y eut un grand repas au
quel assista également le déposant. Il y avoit à ce repas divers
généraux, entr’autres les généraux Menou , Delzons , Lagrange
et Régnier. Ce témoin ajoute qu’il partit à l’époque de l’éva
cuation des Français du C aire, avec la famille Nazo , sur un
bâtiment grec qui relâcha à Céphalonie ; que la dame Nazo y
accoucha d’une fille qui fut baptisee en ladite ile de Célaphonie , dans l’église grecque , et par un piètre grec ; et que le
parrain de l’enfant fut un officier des chasseurs d’O rien t, nom
mé Joseph Syffi.
Cette déclaration ne s’accorde pas avec celle de Barthélem i
Séra. Suivant ce d e rn ie r, c ’est le général Destaing qui voulut
un prêtre grec , malgré les remontrances de Barthélem i ; et sui
vant l’oncle d’Anne , le général Destaing vouloit un prêtre latin,
et la famille Nazo exigeoit un prêtre grec. On ne sait plus a qui
entendre ; et il est m alheureux pour A nne d’être réduite à sa
propre famille , pour prouver le seul fait intéressant dans sa
cause. S u r le baptêm e de la fille , il y a encore qu elqu e chose
qui cloche. Suivant ce témoin , Anne a accouché dans l’ile de
Céphalonie. D ’après A nne elle-m êm e, elle ne put relâcher, et
accoucha à bord du navire. L e baptême eut lieu dans une
chapelle isolée sur le bord de la m er ; ici c ’est dans une église
grecque de l’île de Céphalonie.
L e huitièm e témoin est Ibrahim Tutungi ; c’est le fr è r e utérin
de Soph ie M isch , épouse Nazo. Il a été reproché à raison de
cette parenté ; mais il a assisté au mariage de sa nièce avec le
général Destaing , et ce mariage a été célébré dans l’église de
saint Nicolas , p a r un p atriarche grec. Il alla de là au repas de
noces ; mais il étoit trop jeune , pour se rappeler quelles étoient
les personnes qui y étoient. Il se rappelle cependant qu il y avoit
divers généraux. Il raconte , comme le précédent témoin , que
sa nièce relâcha à Céphalonie , où elle accoucha d u n e fille,
E
�( 34 )
qui fut baptisée , en fa présence , dans une église grecque et
par un prêtre grec ; mais il ne se rappelle pas quel fut le parrain.
V ien t ensuite un autre Joseph T u tu n g i, m ari de la mère de
Sophie Misch ( il paroit que les femmes de cette fam ille se
marient souvent ). Suivant lui , il y eut quelque difficulté pour
le mariage. Le général vouloit un prêtre latin , et la famille
Nazo vouloit un prêtre grec. L e général se rendit cniin , et ce
fut un patriarche grec qui le maria dans l’église saint Nicolas.
Tutungi y étoit. Ce fut Papas Ouglou , colonel de la légion
grecque, qui fut parrain. Vint ensuite le repas , où il assista avec
quantité de généraux et d’Egyptiens notables.
Après^ l’évacuation du Caire , T u tu n g i s’embarqua avec la
fam ille Nazo sur un bâtiment grec , qui relâcha à Céphalonie.
Là , Anne Nazo y accoucha d’une fille , qui fut baptisée clans
une église grecque et par un prêtre grec : le parrain est Joseph
Syffi , et la marraine la femme Nazo , aïeule de l’enfant.
L e dixièm e témoin est Joseph Misch , fr è r e de Soph ie et
oncle d ’A n n e. Sa déclaration est littéralement copiée sur la
précédente ; seulement il a vu au repas les généraux Lagrange
et Delzons ; et ce d e rn ie r, parent du général D estain g , assistoit à la cérémonie. Même déclaration sur l’accouchem ent
d’Anne dans l’île de Céphalonie.
T els sont les tém oins de M arseille. Sur dix témoins , cinq
sont les plus près parens d Anne ] deux autres sont signataires
de l’acte de notoriété. T rois , parmi lesquels est un des m aris
de Sophie Misch , ne déposent que par o uï-d ire ; et sur les
cinq qui prétendent avoir assisté au mariage , pas un n ’a
désigne le p atriarche d ’A le x a n d rie , quoiqu’ Anne ait toujours
soutenu que c’étoit ce patriarche qui avoit célébré son m ariage,
et quoique l’arrêt lui ordonnât expressément de prouver qu’elle
avoit été mariée par le patriarche d’Alexandrie.
A nne a voulu se faire un m oyen dans son dernier mémoire ,
de ce que la Cour , par son a r r ê t, avoit réd u it l’interlocutoire
prononcé par le tribunal de Mauriac ; mais il semble que cet
�( 35)
argument doit se rétorquer contre elle avec beaucoup d’avan
tage; car si la Cour a voulu abréger les détails et prononcer
dans l'intérêt d'ANNE , il faut convenir aussi que plus elle a
voulu faciliter les preuves et les moyens , plus elle doit s’en
tenir à l’exécution littérale et rigoureuse de son arrêt. Il est
évident que la Cour a fait dépendre sa conviction de ce fait
unique et exclu sif , q u ’AwNE avoit été mariée avec le général
Destaing , publiquement et solennellem ent , p a r le patriarche
d ’A lex a n d rie , suivant le rit grec , et les formes et usages
observés dans le pays.
L e patriarche d ’A lex a n d rie étoit exclusivem ent en vue ,
désigné par la partie intéressée , com m e ayant été le ministre
du mariage , parce qu’il étoit plus élevé en dignité , et qu’il
vouloit ou devoit honorer un général français.
O r , sur sept témoins de Marseille qui prétendent avoir assisté
à la cérémonie , pas un n’a nommé ce patriarche d 1A le x a n
drie ; c’étoit cependant une anecdote remarquable , qui ajoutoit à la solennité , et qu’on n’auroit pas manqué de relever si
en effet cela avoit eu lieu.
Mais co m m e n t se fait-il surtout , qu’il ne se soit trouvé à
une cérémonie aussi auguste et aussi im p o s a n te , qui iaisoit ,
suivant quelques témoins , tant de bruit au Caire , dont tout
le monde s’occupoit, qu’un c a p o ra l , un b ijo u tier , un aven
turier sans profession , et les plus près parens d’Anne ; qu’au*
cnn homme de marque , aucun c h ef de l’état major ou de
1 administration n’y ait assisté ? c ’est là ce qui est absolument
invraisem blable, et prouve l’imposture de quelques misérables
réfugiés dans un réduit obscur à M arseille , tous déposant sous
le même interprète et d’une manière uniforme , tous , même
«Sophie Misch , requérant taxe. A nnc ne devroit-elle pas rougir
d’en être réduite à ces petits moyens , pour s’introduire dans
une fam ille qui la repousse justement de son sein ?
Et qu’ANNE ne dise pas qu’elle a à combattre des collatéraux
avides ; ces déclamatious bannalesne peuvent iaire impression.
E 2
�( 36 )
Ces co lla téra u x ne cherchent point à envahir la fortune de
leur frère ; mais ils défendent le patrimoine de leur père et de
leur m ère , l’honneur de leur fam ille , et ne veulent pas ad
m ettre légèrement des êtres obscurs et inconnus q u i, n’ayant
rien à perdre , cherchent à dépouiller des héritiers légitifnes.
Il reste à parcourir les enquêtes qui ont eu lieu à Aurillac et
à Mauriac , discussion aride dans une cause d’ un grand intérêt.
L a première est celle faite à Aurillac.
Antoine Delzons , président du tribunal , déclare qu’il a
été assigné fort inutilem ent ; qu’il n’a aucune connoissance
personnelle des faits interloqués ; mais qu’étant à Paris lors de
l’arrivée du général Destaing , il ignora pendant long temps les
bruits .• de ■ son prétendu mariage. Ces bruits se répandirent
environ six semaines après, à l’occasion de quelque lettre écrite
de T arente par un habitant d’Aurillac , qui avoit vu arriver à
Tarente la famille Nazo , dont une fdle se disoit épouse du
général Destaing. L a dame Delzons , belle - fille du témoin ,
demanda au général s’il étoit effectivem ent marié : celui - ci
répondit en plaisantant , que sa femme pouvoit l’être , mais
que lui ne l’étoit pas. M. Delzons n’étoit pas présent à cette
réponse ; mais quelques jours après le général étant venu chez
lui , la dame Delzons lui dit , en présence du général : « Vous
« ne savez pas , Papa , ce que dit M. Destaing ; il prétend
<c n’être pas m arié , et que sa femme 1est. A quoi le général
« répondit
C ela vous ctonne ; i l y en a bien d ’autres.
M. Delzons prenant alors la parole , dit à son neveu que
c ’étoient là de mauvaises plaisanteries. Si c ’est votre femme
lui dit-il , vous devez la garder ; si elle ne l’est pas , vous ne
deviez pas la prendre. L e général savoit bien que son oncle
n’approuvoit pas ces sortes de plaisanteries ; en conséquence il
ne lui en parla plus , et M. Delzons évita aussi de lui en parler.
Mais quelque temps après , le général Destaing ayant appris
que la famille Nazo étoit arrivée à Lyon , vint trouver son oncle ,
pour le prier de demander à un sieur Fulsillon qui avoit une
�( 37 )
maison de banque à L y o n , s’il pouvoit lui procurer une lettre
de change de 1,000 francs , payable à vue. Il vouloit envoyer
cet argent à cette fe m m e pour se rendre à M a rseille. Ils sont
là une troupe , dit-il ; quand j’aurois pris la fille , je n’ai pas
épousé tout cela \ i l y a un enfant , j ’au ra i soin de la m ère
et de l'e n fa n t ; c ’est tout ce que j e dois. Depuis il ne fut plus
question de ce mariage , ni de la dame Nazo ; d’autant mieux
que le déposant avoit demandé au gén éral, lors de la dernière
conversation, si son mariage avoit été fait devant un com m is
saire des guerres ou ordonnateur , comme l’avoit été celui du
général Delzons son fils , et le général Destaing répondit que
non.
M. Delzons est interpelé sur un point très - important. A n n e
vouloit tirer de grandes inductions de ce que M. Destaing père
s’étoit fait nommer tuteur de l’enfant. E lle insinuoit que M. D es
taing père ne s’étoit porté à cette démarche que par le conseil
de M. Delzons, son beau-frère, et parce que sans doute le gé
néral D estaing, avant sa m ort, avoit fait à son oncle des révé
lations sur ce prétendu mariage ; révélations qui étoient de
nature à faire solliciter M . D e staing de recevoir et de reconnoître A n n e pour sa belle-fille.
M. D elzons, requis de s’expliquer à ce su jet, répond que la
conversation dont il vient de rendre compte , est la dernière
dans laquelle le général Destaing lui ait parlé de la famille
Nazo ; au point que quoique Joanny Nazo fût arrivé à Paris
plusieurs jours avant la mort du g én éral, qu’il logeiit dans le
même h ô te l, et quoique M. Delzons eût passé une partie de
la soirée avec le général, la veille de sa m ort, il ignoroit l’arrivée
de Nazo, et n’en fut instruit que le lendemain pendant l’appo
sition des scellés. Nazo entra chez le général pendant l’opération ;
il ignoroit sa m o rt, et il fit insérer au procès verbal du juge
de paix que le général avoit épousé une de ses filles , âgée de
seize ans , devant le patriarche d’Alexandrie ; circonstance que
M. Delzons ayoit ignorée jusqu’alors. Mais allant faire ayec le
�//A-
( 38 )
sieur M eot, maître de l’h ôtel, la déclaration du décès à. la mu
nicipalité, il fut interpelé de déclarer si le général étoit m arié;
la déclaration de Nazo l’engagea à répondre qu’on le croyoit
marié avec A nne Nazo ; ce qui fut inséré dans l’acte de mort :
qu’au surplus le général Destaing ne lui a fait aucune autre
déclaration.
M. Delzons ajoute que le général son fils avoit quitté Paris
lorsque le bruit de ce m ariage se répandit ; il ne put dès-lors
•lui demander ce qui en étoit. D e retour à A urillac, celui-ci lui
dit qu’il y avoit eu une cérémonie religieuse dans la maison
Nazo, à laquelle il avoit assisté, mais qu’il étoit seul de Français ;
que quelque temps après le général Destaing étant le parrain
de son fils , il donna à cette occasion un grand souper aux prin
cipaux officiers qui étoient au Caire , disant que c ’étoit pour
le baptême d’Alexandre D elzons, petit-fils du témoin.
M. D elzons, dans cette déclaration , s’est exprim é avec autaijt
de franchise que de loyauté. On voit qu’il n’a eu de son neveu
aucune confidence; que le général se permettoit des plaisan
teries sur ce prétendu mariage ; il est bien éloigné de faire venir
A nne à P aris, il veut au contraire qu’elle se rende à M arseille':
on sait même qu’il en avoit donné l’ordre à A nne , qui s’est bien
gardée de montrer cette lettre. On y auroit v u qu’il ne la traitoit
pas en épouse; et le secours qu’il lui fait parvenir, annonce
plutôt un sentim ent de compassion que de tendresse. M. Delzons
n’a parlé de mariage que sur la déclaration de N azo, qui alors
ne pouvoit être contredit ; il ne l’a donné que comme un doute;
et ce qu’il a appris de son fils sur une cérémonie qui avoit eu
lieu à huis clos, donneroit le démenti le plus formel à toutes
les déclarations faites à M arseille par toute la famille d’ANNE.
A u surplus, cette famille ne néglige pas les petits détails, car
to u s, jusqu à Sophie M isch , se sont fait taxer à 6 francs pour
leur déposition.
Anne Ju lie V a rs i, épouse du général Delzons, second tém oin,
déclare que le 29 niyôse an g , elle 11’étoit pas dans la ville du
�( 39 )
C a ire ; elle y arriva le lendemain 3 o , pour y joindre le général
D elzo n s, son mari. A son arrivée au C a ire , elle avoit appris
qu’ANNE Nazo avoit été conduite à l’entrée de la n u it, la veiile,
dans la maison du général D estain g , mais qu il n’y avoit eu
aucune pompe ni cérémonie d’usage pour les mariages qui se
font dans le p ays, suivant le rite g re c ; il n’y eut même le soir
de l’introduction d’Anne Nazo dans la maison du général D es
taing , aucune espèce de fêtes qui sont en usage dans le pays.
Une douzaine de jours a p rè s, la dame Delzons ayant un enfant
de deux m ois, voulut le faire baptiser suivant les usages observés
dans la religion catholique; le général Destaing fut choisi pour
parrain, et donna à cette occasion un grand souper et un bal
chez lui. Les officiers de l’état m ajor, et notamment le général
M enou, y assistèrent. A n n e Nazo , sa fam ille, et plusieurs autres
liabitans du Caire, y étoient aussi. A n n e Nazo occupa la place
de la maîtresse de la maison. L e patriache d’Alexandrie n’assista
pas à cette fête. Il n’y eut ce soir là aucune cérémonie reli
gieuse ; mais elle a ouï dire que le jour q u ’ANNE Nazo avoit
été conduite chez le général, il y avoit eu une cérémonie faite
par le patriarche d'Alexandrie , à laquelle peu de personnes
avoient assisté. Cependant elle observe que ces sortes de cérém o
nies religieuses se faisoient en présence de toutes les personnesjde
la noce, et très-publiquement. Elle a resté au Caire jusqu’à son
départ pour la F ra n c e , et pendant ce temps le général Destaing
ne donna pas d’autre fête que celle du baptêm e; il n’avoit
même donné jusque-là aucune fête ni repas pom peux, et la
(iauie Delzons n’avoit pas vu A n n e avant cet époque.
La dame Delzons ajoute qu’il y a des églises au Caire pour
le culte grec ; mais que pour l’ordinaire les cérémonies du ma
riage se font dans la maison.
Elle sait aussi qu’Anne et sa sœur Marie ne sont pas filles
de Nazo ; qu’elles sont filles de Sophie Misch et d’un bijoutier
Arménien dont elle ignore le nom. Elle déclare encore qu’étant
à Marseille , Joanny Nazo lui avoit dit qu’il avoit écrit au Caire
�1<L>.
C 40 )
pour avoir une expédition de l ’acte de célébration du mariage
de sa fille, mais eju’on lui avoit fait réponse que le patriarche
étoit mort et l’église brûlée.
Sur l’interpellation que lui fait l’avoué d’ANNE, si elle étoit
regardée comme la fem me du général D estaing, et si on lui
rendoit les honneurs dûs à ce titre, elle croit qu’on la regardoit
comme telle, et qu’on lui rendoit à cet égard les honneurs qui
luiétoient dûs: elle-méme la croyoit femme du général ; mais il y
avoit plusieurs officiers français qui vivoient avec des femmes
qui portoient leurs nom s, quoiqu’elles ne fussent pas mariées.
Elle les a vues dans les sociétés, comme femmes de ces officiers,
et traitées comme telles.
T elle est la déclaration de la dame Delzons , qui ne laisse pas
que d’avoir quelqu’importance dans la cause. Et d’abord , elle
prouve qu’il n’y a pas eu de féte le jour des prétendues noces,
quoi qu’en aient dit quelques officieux. Ce n’est que quelques
jours après qu’il y eut un grand re p a s, et à l’occasion du bap
tême de son fils. La dame Delzons assure bien positivement
qu’il n’y a pas eu d’autre féte chez le général Destaing. Elle a
dû croire sans doute qu’ANNE étoit m ariée, parce que l’épouse
légitime d’un général ne devoit pas se trouver avec une con
cu b in e; qu’on a dû le lui faire entendre ainsi. M ais on savoit
déjà par la lettre du général D estain g que la jeune Grecque
fa is o it les h o n n e u r s d e sa m aison ; et la dame Delzons nous
a p p r e n d bientôt après qu’il y avoit au Caire beaucoup de femmes
de ce genre.
L e troisième témoin est Françoise G rognier; elle s’est trouvée
à Lyon lors de l’arrivée du général Destaing dans cette ville
à son retour d’Egypte ; elle fut invitée par lui à dîner dans son
h ô tel; e t , pendant le d în e r, elle demanda au général quand
il mèneroit sa femme ; qu’on disoit à Aurillac qu’il avoit épousé
une belle Grecque. L e général lui demanda qui lui avoit dit
cela ; elle lui répondit que c ’étoit un bruit public. Le général
fui dit : Elle est passée d’un côté et moi de l’autre, en montrant
les
�( 4i )
les deux points opposés ; ce n’est pas le moyen de se rencon
trer. La conversation changea , et il ne fut plus question de
cela.
Etant un jour dans la chambre de la dame Nazo, à A urillac,
M. Destaing le père étoit présent, et lui dit tout bas de deman
der à A nne de quelle manière elle avoit été mariée. L ’ayant
f a i t , la dame Nazo lui répondit qu’étant devant le prêtre ou
patriarche, il lui avoit mis au doigt un anneau jusqu’à la pre
m ière phalange, et que le général avoit fini de l’enfoncer jus
qu’à la fin du doigt. M. Destaing ayant prié de lui demander
si le prêtre avoit écrit sur le registre, la dame Nazo lui répondit:
O u i, p rêtre, g ra n d liv re , écrire. L a déclarante a entendu dire
par la dame D elzons, qu’ANNE avoit été m ariée, que son mari
y étoit présent. E t lui ayant demandé si on avoit fait quelque
ié te , elle lui répondit qu’il n’y en avoit eu aucune ; que quelque
temps après, le général Destaing donna une grande fê te; mais
c ’étoit pour le baptême du fils D elzons; et le général Destaing
avoit dit à la fam ille Nazo que c’étoit sa noce qu’il célébroit.
O n l ’interpelle de décla rer si madame Delzons avoit entendu
e lle -m ê m e ce propos du g én éral, elle répond que la dam e
Delzons ne s’étoit pas autrement expliquée ; que d’ailleurs elle
ne lui avoit fait aucune question à ce sujet.
Cette déposition est à peu prés indifférente pour les faits in
terloqués. C’est une femme d’Aurillac , qui n’a aucune connoissance de ce qui s'étoit passé en E g y p te ; et la seule induc
tion qu’on puisse en tirer, c ’est que, d’après A nne elle-même,
les prêtres grecs avoient des registres pour inscrire les mariages.
E nquête
de
M auriac.
Joseph F e l , demeurant à Maurs , a fait partie du premier
bataillon du Cantal. L e général Destaing le prit à son service,
pour avoir soin de ses ch evau x; il l’a accompagné en E g y p te ,
et demeuré à son service continuellem ent, jusqu’au départ du
F
�( 42 )
général pour la France. D ans le temps qu’il étoit au C a ire , le
cuisinier du général lui apprit qu’on avoit amené une fem me
au général D estaing; que quelques jours après le général donna
un grand repas où assista tout l’état major de la division du
C aire, notamment le général Menou. Cette fem m e, dont il ne
se rappelle pas le nom , y étoit; il l’a entendu appeler madame
Destaing. A la suite du repas il y eut un bal. Il partit ensuite
avec le général pour Alexandrie ; mais cette femme resta au
Caire ; et deux mois après le repas et le bal dont il vient de
parler, le général Destaing partit avec lui d’Alexandrie.
On demande au témoin s’il sait ou s’il a ouï dire qu’Anne
Nazo ait été introduite chez le général Destaing avec pompe
et magnificence ; il n en sait rien : le çuisinier lui a appris que
cette femme avoit été amenée dans la maison du général; il ne
lui a donné aucuns détails; il croit au contraire que ce cuisinier
lui a dit qu'il n’avoit pas vu entrer cette femme chez le général.
L e jour de son entrée, il n’y a eu aucune fê te , et il ne s’est
rien passé d’extraordinaire dans la maison. L e jour du repas , il
n ’a aperçu aucune cérémonie religieu se; il n’a vu que boire,
manger et danser. Il n’a pas vu donner d’autre repas ou d’autre
bal que celui dont il vient de parler. On disoit publiquement
que Joanny Nazo n’étoit que le parâtre d A n n e ; pour elle il ne
l’a jamais vue ; elle ne s est jamais promenée sur les chevaux
du g é n éra l; et comme le général n’a pas habité sous la tente au
C aire, Am îc Nazo n’a pu se trouver avec lui. On demande au
témoin s’il a vu faire des mariages suivant le rite grec ; il répond
qu’étant à la croisée de la maison du général D estaing, il a vu
passer deux personnes bien p a ré e s, sous un dais et à pied ;
elles étoient accompagnées aussi de plusieurs personnes aussi
bien p arées, et précédées par des musiciens montés sur des
chameaux : ce cortège se promenoit dans les ru es; et on dit au
déclarant que c ’étoit un mariage.
Il est assez singulier qu’on veuille que le général Destaing
se soit marié sans que ses domestiques s’en soient aperçus ; et
�( 43 )
il est maintenant bien prouvé qu'il n’y a eu aucune féte le jour
du prétendu mariage d’ÀNNE.
Jean Biron , autre tém oin, menuisier de profession, a fait
partie du premier bataillon du C an tal, et de l’arm ée d’Egypte, où
il est arrivé en l’an 7. Il étoit sergent ; il fut blessé ; on lui permit
de travailler de son état de menuisier. Il fut souvent employé
par plusieurs officiers de l’état major , et notamment par le g é
néral Destaing. Un soir qu’il alloit souper avec les domestiques
du général, se trouvant avec le valet de chambre et le cuisinier,
l’ un d’eux lui dit que l’on amenoit une femme au général ; il
se plaça à l’endroit où elle devoit passer ; il ne put voir sa fig u re,
parce qu’elle étoit voilée : elle étoit avec une autre également
voilée. Il y avoit des esclaves dans la cou r; il n’a pas vu le
général l’aller p ren d re, ni monter dans le degré : il ne sait pas
même si le général étoit dans son appartement. Il se retira de
suite dans la cu isin e , pour n’avoir pas l’air de s’occuper de ce
qui se passoit. Il ne crut pas devoir témoigner de curiosité ,
paroe que cette introduction fut faite à l’entrée de la nuit. I! ne
sait pas s’il y a eu un mariage entre A n n e et le général ; il n’a
pas connoissance qu’il ait été donné une féte ou un repas à cette
occasion. Douze ou quinze jours après , il fut em ployé pour
dresser des tables pour un.grand repas qu’il y eut chez le général;
il apprit des domestiques de la dame D elzons, que ce repas étoit
donné pour le baptême du fils de cette dam e, dont le général
Destaing étoit le parrain. L e général Menou , le général Delzons,
et plusieurs autres qu’il nom m e, assistaient à cette féte ; il y
avoit aussi des femmes ; et lorsqu’ils se levèrent de ta b le , le
témoin aperçut A n n e N azo auprès du général Menou. L e bal
com m ença de suite, et il ne s’est aperçu d’aucune cérémonie
religieuse. Lorsque le général Destaing partit pour A le x a n d rie ,
Anne Nazo n’étoit plus dans sa maison. L e général chargta le
témoin et le valet de chambre de veiller à sa maison. Quinze
jours après, l’aide de camp du général Destaing, nommé M aury,
vint chercher du vin et autres provisions pour transporter à
F 2
�-( 44 )
Alexandrie ; en même temps cet aide de camp fit emballer les
objets les plus précieux , les fit porter chez le général Dupas ,
commandant la citadelle du Caire : le témoin les a vu déposer.
L ’aide de camp lui dit que le général lui recommandoit sa maison
et ses ch ev au x , et que s’il avoit besoin de quelque chose , il
pouvoit s’adresser au capitaine d’habillement de son corps.
Quatre ou cinq jours après, le déposant s’apercevant qu’il n’y
avoit pas de sûreté au Caire, conduisit les chevaux, l’orge et la
paille à la citadelle, et s’aperçut qu’ANNE N a z o , sa mère et sa
sœur étoient dans un appartement à côté de celui de la dame
Delzons. Il ne sait pas si la personne voilée, qui s’étoit introduite
chez le général Destaing, étoit A n n e , mais il l’a ouï dire ; il a
aussi ouï dire que Nazo n’étoit que son parâtre ; néanmoins il
l ’a vu dans le même appartement de la citadelle, où étoit A n n e .
Il n’a pas connoissance qu’il ait été donné d’ autre fête dans la
maison du général Destaing , que celle dont il a parlé , quoiqu’il
fût très-habituellement dans cette m aison, et qu’il fût particu
lièrement appelé toutes les fois qu’il y avoit quelque chose d’ex
traordinaire.
Il y a eu environ deux mois d’intervalle entre l ’introduction
d’ANNE et le départ du général Destaing.
Il a vu une fois trois ou quatre personnes sous un d a is, suivies
d’un grand nombre d’autres à p ied, précédées par une trentaine
de musiciens m ontés sur des chameaux. Il vit passer ce cortège
dans la ru e , des fenêtres de la maison du général D estaing; il
se rendoit vers le quartier de l ’état major. Une autre fois il a
entendu beaucoup de cris et de grosse joie dans des maisons :
on lui a dit dans l’ une et l’autre circonstance que c ’étoit des
mariages.
Il a assisté à la messe du patriarche d ’A le x a n d rie , dans une
chapelle à côté du c a mp ; mais il n ’a point aperçu ce patriarche
au repas dont il s agit.
Il étoit présent à l’acte civil du mariage du sieur Miquel avec
une Italienne. Cet acte fut reçu par le commissaire des guerres
�/X/
( 45 )
D eliartl, et signé en sa présence par Rem ondon, commandant,
Grand, quartier-m aitre, et par C o u d e r t, capitaine, tous de la
quatrième demi-brigade d’infanterie légère. L ’usage des officiers
étoit de vivre avec des femmes, sans qu’il y eût d’ union légitime ;
et cet usage s’étendoit même jusqu’aux bas officiers. Enfin il
atteste que le jour de l’introduction des femmes voilées il n’ y
eut aucune fête chez le général.
Cette déposition a un ton de vérité qui s’accorde parfaitement
avec les relations des Français qui ont fait le voyage d’Egypte.
Ils en ont rapporté une bien mauvaise idée des mœurs et des h a
bitudes des G recs , qui en général ont emprunté des T u rcs tout
ce qu’ils ont de licencieux , et surtout leur mépris pour les
fem mes. Il n’en est pas un qui n’ait parlé de ces liaisons tem
poraires et déréglées, dont on pouvoit calculer le prix sur la
durée du marché et sur les charmes de celle qui se prostituoit.
Il manquoit h cette enquête la déclaration du général Delzons,
cousin germain du général Destaing , et qui ne l’avoit pas quitté
pendant son séjour en Egypte. L 'arrêt de la Cour sembloit exiger
qu’il lût entendu, soit à la requête d’ANNE, qui avoit invoqué
son témoignage, soit à la requête des héritiers Destaing.
Mais ce fut impossible : le général Delzons est retenu par soi
service à C a t t a r o , ville de la D alm atie , dépendante autrefoii
des Vénitiens. Il n’y avoit alors rien d’organisé ; on ne savoit à
qui adresser une commission rogatoire , à plus de trois cents
lieues de distance. Une lettre lui parvient. Informé par sa famille
qu’il doit être assigné pour déposer juridiquem ent, et déclarer
tout ce qu’il sait sur le prétendu mariage du général Destaing
avec A n n e , mère de M a r i e , il donne toutes les explications
qu’on pouvoit désirer.
Sa lettre, en date du 17 janvier 180 9 , a été signifiée à A n n e ,
comme pièce du procès. Il répond qu’il auroit bien désiré ne
pas être cité dans cette affaire ; il avoit eu le m alheur d’agir
pour engager M . Destaing père à recevoir chez lui A n n e et sa
fille, et à leur donner les secours hospitaliers dûs au malheur.
�¡VL-
\
( 46 )
Il
s’attendoit alors cju’A n n e, m ieux conseillée, et connaissant
l ’ a v a n ta g e insigne qu’on lui avoit fait, se conduiroit de manière
à le m ériter, à ne pas obliger les frères Destaing de rechercher
son état et celui de sa fille. Il espéroit aussi que par attachement
pour e lle , par respect pour la mémoire du général, les frcres
Destaing auraient consenti à faire le sacrifice du peu qui leur
revenoit dans cette succession, pour la laisser en partage à cette
M a r i e , et au premier fils naturel du général , qui étoit à
Carcassonne.
L e général Delzons apprend q u ’il s’aperçut bientôt de son
e rre u r. « A nne ( écrit-il aux frères Destaing ) oublia le service
qu’on venoit de lui rendre ; et par sa m auvaise h u m e u r, le
d éfa u t de son é d u c a tio n , les conseils d’un misérable D upin ,
qui gouvernoit à Paris N a z o , mari de la m ère d’ANNE , elle
apporta le trouble, le désordre et la division dans une famille
p aisib le , fit le tourment de t o u s , et principalement de votre
respectable m ère, encore si affligée de la perte de son fils.
« D ès-lors, ajoute le général , je pris le parti de ne plus me
m êler de ses affaires. Mes représentations souvent réitérées ,
celles de mon épouse qui la fréqu en toit, ne purent prévenir
les scènes scandaleuses qui se renouveloient à chaque instant et
sous les prétextes les plus frivoles. Nous dûmes nous reprocher
nos démarches pour A n n e , un sort malheureux qui lui étoit ré
servé , et qu’il n’avoit pas dépendu de nous d’éviter.
« L e général entre ensuite dans les détails ; il raconte que
N azo et D u p in se rendirent à Aurillac. Quelque temps après
ils annoncèrent leur départ pour Marseille. A nne v o u lu t les
s u i v r e , sous prétexte d’aller voir sa mère. Au lieu de prendre
la route de M arseille , ils prennent celle de Bordeaux. A nne
laissa à Aurillac M a rie , sa fille , en promettant de revenir
bientôt. E lle étoit arrivée à Aurillac sans être attendue d’aucnn des parens Destaing ; ils ne furent prévenus de son arri^
vée que lo rsq u ’elle étoit k peu de distance de la ville.
« Bourdin avoit mal interprété une lettre de M. Delzons
�( 47 )
père. Il prit sur lui de faire partir de Lyon A nne sans en avoir
reçu aucun ordre. Ce fut alors que le général Delzons crut
devoir faire des démarches pressantes auprès de M. Destaing
père ; il n’y avoit pas de temps à perdre , et M. Destaing rie
consentit à recevoir A nne et sa fille , qu’au moment où on fut
averti que la voiture qui les portoit étoit déjà à la porte de la
ville.
« Relativem ent à ce qui s’est passé au Caire , le général
atteste q u ’i l est fa u x qu’il y ait jamais eu de m ariage légi
time entre le général Destaing et A n n e ; aucun acte civil ni
religieux n’a été rédigé ; et il sait trcs-posïtivement que le
général Destaing s’est constamment refusé à ce qu’il en fût
rédigé d’aucune espèce , disant à qui vouloit l’entendre , q u ’il
n étoit pas m arié . C ’est ainsi qu’il s’est expliqué souvent en
présence de son co u sin , en s’entretenant avec différentes per
sonnes qui lui demandoient s’il étoit marié avec A n n e ; il
répondoit ainsi au Caire , à A lex a n d rie et à P a ris , à toutes
les questions semblables qui lui étoient faites ; c ’est ainsi et
dans les m êm es term es q u ’ il répondit à son père , qui lui avoit
écrit pour s’assurer de la vérité de ce mariage.
« L e général Destaing n ’avoit voulu contracter avec A nne
qu’un de ces arrangemens fort en usage en Egypte ; une sorte
d & concubinage toléré dans ces contrées. C ependant, vo u lan tiju’A nne fût respectée dans sa maison , il consentoit qu’elle se
qualifiât du titre d’épouse ; aussi n'étoit-elle connue que sous
le nom de m adame Destaing.
« A nne n’est entrée dans la maison du général au Caire que
le 29 nivôse an 9 , à huit heures du soir. Peu de temj^ aupara
vant le général Delzons étoit au théâtre avec son cousin ; ils
sortirent ensemble ; ils ne s’étoient pas quittés de toute la
journée. Personne ne sait m ieux que lui ( Delzons ) tout c e
4 ui eut lieu ; il n’y eut aucune cérémonie à l’église des Grecs ,
comme on le prétend. A nne se rendit sans pompe et sans bruit
chez le général , accom pagnée d’une partie de ses parens. L e
�■ '■ rl'ü.
( 48 )
général étoit seul avec son cousin ; aucun de ses aides de camp
11e s’ y trouvoit dans ce moment.
« A l’armée d’Orient il n’y a pas eu un mariage légitime
entre un Français et une Française , ou habitante du pays ,
l’importe de quelle religion qu’elle fût , qui n’ait été reçu par
111 commissaire des guerres, faisant fonction d’officier civil. Le
général Delzons dit qu’il peut citer un grand nombre d’exemples
Je ce qu’il avance : chaque commissaire des guerres chargé du
service d’une place im portante, tenoit un registre a d h o c , sur
lequel tous les actes civils étoient inscrits. Son m ariage, reçu
par le commissaire des guerres s Jg a r d , étoit sur le registre de
la place de Rozette ; l’acte de naissance de son fils , reçu par le
commissaire des guerres P in et, étoit sur le registre de la place
du Caire. Tous les actes reçus par les commissaires faisant
fonctions d’officiers civ ils, étoient soumis à l’enregistrem ent,
conform ém ent à l’ordre de l’armée , des 5 o fructidor an 6 , et 2 1
vendémiaire a n 7 , sous peine denullité. Les ordonnateurs Remondon et Sartelon ont reçu des actes de mariage. Les commissaires
des guerres D e lia rd , à Alexandrie ; A g a r d , à Rozette ; P in e t ,au
C aire, en ont reçu plusieurs. Le commissaire des guerres T a r
d ieu , qui s’est marié à D a m ie t t c , avec une G re c q u e , a fait
recevoir son acte de m ariage par un de ses collègues. C ’est
ainsi que se sont célébrés tous les mariages légitim es, et aucun
différem m ent.
« Mais on trouvera dans cette arm ée un grand nombre de pré
tendus m ariages, qui n’ont eu de durée que le séjour de l’armée
en Egypte ; celui du général devoit être de ce nombre : on en
pourroit citer beaucoup d’autres. Un accord entre les parens,
une somme d’argent comptée d’avan ce, une pension promise en
cas de séparation, ont fait plusieurs de ces unions, communes
en Egypte et dans tout l’Orient. C ’est par suite d’un pareil arran
gement que Nazo décida sa femme à donner sa fille au général
Destaing ; et il n’en a pas existé d’autre qui ait pu lier le général
avec A n n e .
Dans
�( 49 )
D ans le courant de pluviôse an g , le général en c h ef Menou
dut ordonner que dans les principales villes de l’Egypte il seroit
tenu registre de l’état c iv il, tant pour les nationaux que pour
les individus attachés à l’armée. Le registre du Caire a dû être
commencé par la transcription de l’acte de mariage du général
en c h e f, et l’acte de naissance de son fils.
« Il est de la connoissance du général D elzons, que le général
en c h ef pressa souvent le général Destaing de faire dresser son
acte de m ariage, et de le faire transcrire sur son registre, ce
que celui-ci refusa constamment.
cc Madame D elzons, remise de ses couch es, vint au Caire au
commencement de pluviôse. L e général Destaing fut parrain
de son fils : l’acte de naissance fut rédigé dans la maison du
p è r e , par le commissaire P in e t, chargé du service de la place
du Caire. Le général Delzons réunit ses amis à cette occasion :
A nne n’y vint p a s , quoiqu’elle fût chez le général depuis une
quinzaine de jours.
« Après cette cérémonie , le général Destaing donna une
féte à laquelle le général en c h e f, plusieurs généraux et offi
ciers supérieurs furent invités : il a pu dire à A n n e que cette
féte étoit pour e lle; il disoit le contraire à son cousin, et assu
rait à la dame Delzons qu’elle étoit pour elle et pour la nais
sance de son fils. En e f f e t , ce ne pouvoit être pour célébrer
le prétendu m ariage, puisque la féte a eu lieu plus de quinze
jours après qu’ANNE étoit entrée chez le général. Il y eut à la
même époque plusieurs fêtes au C aire, chez les généraux Lanusse, Belliard, l’ordonnateur en c h e f D aure : A n n e n’a paru
dans aucune.
« Anne n’est point fille de N a z o , comme elle le prétend,
mais bien du premier mari de sa mère : celle-ci épousa Barth élem i, aujourd’hui retiré à Marseille. N azo l’enleva de chez
Barthélem i, et a depuis vécu maritalement avec elle. A nne a
une sœur du premier mariage de sa mère.
G
�-
c 5o )
« L e général Destaing avoit rendu des services à N azo ; il
l’avoit fait nommer c h ef de bataillon d'une légion grecque, en
récompense de son zèle et de son dévouement aux Français.
Nnzo en a conservé une grande reconnoissance.
« Il est faux que Nazo passât pour un homme riche ; tout le
monde savoit qu’il étoit prodigue à l’e x c è s, donnant au premier
venu tout ce qu’il avoit quand il étoit ivre; et cela lui arrivoit
presijue tous les jours. Il dissipoit ainsi en peu do temps le
profit des fermes qu’il avoit prises. Sa famille a souvent éprouvé
des besoins par son inconduite. Il ne jouissoit d’aucune consi
dération , parce qu’il n’en méritoit aucune. Sa bravoure et ses
services étoient ses seuls titres à la protection de l’armée , et
lui avoient valu son grade dans la légion grecque que le général
Destaing avoit organisée.
« Le général Destaing a quitté le Caire le 20 ventûse an 9 ,
pour se rendre à Alexandrie avec une partie de l’arm ée; depuis,
il n’a pas vu A n n e ; il n’a donc vécu avec elle que du 29 ni
vôse au 20 ventûse an 9. Toutes les attestations délivrées à
Anne, portant son mariage en l’an 8, sont erronnées. Le général
Delzons se borne à une seule observation que lui fournit le
certificat du général Menou. Ce général atteste qu’étant général
en ch ef de l’arm ée d’Orient , le général Destaing s’est marié
en l’an 8 . L e g é n é ra l en ch ef K leber ne fut assassiné qu’en
prairial an 8. L e général Menou prit alors le commandement
de l’aim ée. Le général Destaing commandoit la province de
Rozette; il n’a été rappelé de cette province qu’en brumaire an
9 , lorsque la division Lanusse se rendit d’Alexandrie au Caire,
et qu’elle fut remplacée par celle du général Friant. L e général
Zayouchck releva h Rozette le général Destaing. Ce mouve
ment est assez connu de l’armée d Orient, pour n’étre contesté
par personne. Le général en ch ef Menou est encore dans l’er
reur quand il dit : D ’après cette déclaration solennelle f du
général Destaing J , j e m ’engageai à y assister , ainsi qu’au,
�( 5r. }
re p a s,,q u i eut lieu après Je m ariage', je rem plis m a promesse :
tout s ’y passa avec la plus g ra n d e ré g u la rité , et Lel qu ’i l devoit ê t r e , sous les rapports civils et relig ieu x .
« L e général Delzons répète qu’il n’y a eu aucune cérém o
nie de mariage ; que le général en ch ef Menou n’a pu assister
à aucune ; que le repas dont il parle n’a eu lieu que plus de
quinze jours après l’entrée d’ÂNNE chez le général Destaing.
L e général en c h e f ne peut pas dire que tout s’y passa avec la
plus grande régularité, sous les rapports civils et religieux , puis
qu’il ne fut dressé aucun acte civil de m ariage, qu’on n’eût pas
manqué de faire rédiger par l’ordonnateur Sartelon , signer du
général en c h ef et des généraux invités, comme cela s’est pra
tiqué pour les mariages légitimes auxquels le général Menou
avoit assisté auparavant. »
T elle est la déclaration du général D elzons; il annonce que
c ’est là la déposition qu’il fera en ju stic e ; et il atteste qu’elle
ne contient que la plus exacte vérité.
Il est donc certain qu’ANNE ne fut jamais unie en légitime
mariage avec le général D estaing; qu’elle n’a été considérée
comme son 'épouse , ou qualifiée telle que par complaisance
( ou par foiblesse ), et pour qu’elle ne fût pas avilie pendant
sa cohabitation; que la qualification, ou, si on veu t, l’usurpa
tion du nom de celui avec lequel on cohabite, ne peuvent tirer
à conséquence, e t, malheureusement pour les m œurs, ne sont
que trop communes , même en F ra n c e , à plus forte raison
dans un pays où la licence des camps ajoutoit encore à la dé
pravation qui règne dans ces contrées.
Tous les doutes doivent s’évanouir aujourd’h u i, qu’il est re
connu qu’Anne étoit fille de père et mère catholiques romains,
qu’elle a été élevée dans cette religion. B a rth è le m i, son premier
parâtre, s’explique assez disertement ; et ce n’est que par ce
m otif qu’il insistoit auprès du général pour qu’il épousât A n n e
devant un prêtre latin.
Il savoit que les prêtres grecs ne pouvoient ni ne vouloient
G 2
�( 52 )
marier des personnes d’un culte différent. Les héritiers Destaing
n’en sont pas réduits h de simples assertions , sur ce point de
discipline parmi les G recs ; ils se sont procuré une expédition
délivrée sur l’expédition originale , du certificat du patriarche
d’ Alexandrie, donné par lui le 10 février 180 9 , dans la cause
du généra] Faultrier. Ce certificat s’exprime en ces termes ( on
ne rappelle que ce qui est relatif à la cause ) :
« Théophile, parla grâce de D ieu , pape et patriarche d’Alexan« drie, p arla présente, notre écriture, certifions qu’aucun prêtre
« quelconque de notre dépendance 11e peut célébrer de mariage
cc entre personnes de religion différente ;
« Que la" célébration de mariage entre personnes de même
« culte ne peut être faite sans la permission patriarchale, et que^
cc l'acte desdits m ariages est écrit sur un registre tenu ¿1 cet
cc effet. »
Ce certificat, signé du patriarche, et scellé du sceau de ses
arm es, est légalisé par le consul de France; il est écrit en grec
m oderne, et traduit par le sieur Bourlet, interprète assermenté
près le conseil spécial des prises : son authenticité ne peut être
contestée.
L a preuve que les prêtres grecs tiennent des registres , est
encore adm inistréepar A n n e elle-méme , qui a rapporté en cause
principale un acte de naissance de JVIaric, sa fille. Cet acte ,
qu’elle a fait signifier l e 3 i juillet 18 0 9 , ne contient autre chose
que la déclaration de deux prêtres grecs qui disent avoir baptisé
en janvier 180 2, une fille qu’on leur a dit être issue du mariage
du général Destaing avec Am tne Nazo. Ils ajoutent que l’acte
de naissance ne fut pas ré d igé, parce que c ’étoit une chapelle
isolée : donc les prêtres grecs tenoient des registres dans l’église
principale.
Les incertitudes , les contradictions qui régnent dans la
défense d’Anne , fatiguent également et l’esprit et le cœur..
Quel est celui qui oseroit prononcer qu’Anne esc la femme
légitime du général Destaing ?
�( 53 )
Tous les Français qui se sont mariés en E g yp te, rapportent
des actes qui constatent la célébration du m ariag e, assurent
leur état et celui de leurs en Pans.
A nne ne rapporte aucun é c r it, aucunes traces de ce prétendu
mariage ; oubliant elle-méme l’époque où elle a eu l’honneur
de s’unir à un général français , elle a osé dire qu’elle s’étoit
mariée en l’an 8 , que sa cohabitation avoit duré un an.
Il est prouvé qu’il y a impossibilité que le mariage ait été
fait en l’an 8, et que la cohabitation n’a pu durer que deux mois.
Elle se dit fille de Jo a n n y N azo , vante le rang et la fortune
de son père , la considération dont jouissoit sa famille.
Il est prouvé qu’elle n’est pas fille de N azo , qu’elle doit le
jour à un A rm énien, qu’elle est fille d’une mère qui a encore
deux maris vivans.
Il est établi que N azo étoit un fabricant détaillant d’eau-devie ; et à son arrivée à Marseille , il a sollicité et obtenu un brevet
de fabricant d’eau-de-vie de raisins secs : son brevet est dans
le bulletin des lois de l’an n .
Elle prétend être Grecque d’origine et de religion.
Il est prouvé qu’elle est née de père et mère catholiques ro
m a in s , et qu’elle a eu le bonheur d’être élevée, et de professer
la même religion.
Elle veut avoir été mariée par le patriarche d’A lexan d rie,
quoique le général Destaing fût catholique romain.
Il est établi que le mari a le droit et l’usage de choisir pour
cette cérémonie un prêtre de sa religion.
Il est prouvé par le certificat du patriarche, qu’aucun prêtre
de sa dépendance ne peut célébrer de mariage entre personnes
de religion différente.
Elle entreprend de prouver qu’elle a été mariée publiquement
et solennellement par le patriarche d’A lexandrie, suivant le rite
grec , et les usages accoutumés.
Un caporal a été présent au mariage d ’un g e n e ra l de d iv i
sion ; et il ne s’est trouvé à cette cérémonie auguste, qui faisoit
�ISO
( 54 )
one si grande sensation, que la m ère , le frère et le beau-père
de sa m ère.
E lle devoit établir qu’elle avoit été mariée par le patriarche .
$ A lexan drie : ses témoins de visu ne parlent que d ’un p atriar
che grec. O r, on sait qu’il y a plusieurs patriarches grecs en
E gyp te, et que le patriarche schismatique est celui qui s’ar
roge exclusivem ent ce titre pom peux, cette espèce de supré
matie que les autres G recs traitent de jonglerie. JS’est-ce pas
encore une affectation de n’avoir pas fait expliquer les témoins
d’une manière précise?
E lle avoit fait assigner Joanny N a z o , elle s’en est départie;
elle a craint que dans un moment d’iv re sse , Nazo ne fit une
déclaration contraire à ses intérêts.
E lle n’a point appelé en témoignage son aïeule m aternelle,
fem m e de Joseph 'T ütu ngi , désignée par le général sous le nom
de la bonne v ie ille , parce que cette fem me, catholique rom aine,
fidèle à sa religion, connoît toute la force d’un serment devant
D ieu et les hom m es, et 11’auroit rien déclaré de contraire à
la vérité.
Elle soutient qu’elle a été mariée en présence du général
Delzons ; elle invoque son témoignage.
L e général désavoue qu’il ait existé un lien lé g a l , et qu’il
y ait eu aucune c érém on ie religieuse.
Elle veut être l’épouse du général Destaing ; et celui-ci dé
pose dans le sein paternel la déclaration qu’il n’est pas m arié,
qu’il n’y a entre A n n e et lui qu’un arrangement oriental. Il
la repousse de son sein , et désa/oue son mariage jusqu’au dernier
moment.
Ses parens les plus proches, et dans l’intimité des confidences,
n’ont entendu de lui que des plaisanteries sur le genre de liai
son qu’il avoit avec A n n e .
Que reste-t-il donc à A nnc ? un procès verbal où M. Destaing
père a accepté la tutelle de sa petite-fille.
Elle abuse de la foiblesse d'un vieillard qui lui a accordé
»
�( 55 )
l’hospitalité , qu’elle a trompé ou intéressé dans l’état d’aban
don où elle se trouvoit alors.
Mais cet acte de tutelle est fait hors la présence des frères ,
qui ne furent point appelés , quoique plusieurs d’entre eux ,
m ajeurs , se trouvassent à Aurillac.
Mais les reconnoissances du père ne peuvent nuire aux frères,
qui étoient exclusivem ent appelés à la succession du général.
E lle fait parade d’une lettre du maréchal Soult, qui l’a traitée
avec civilité , parce qu’elle lui a été présentée comme fem me
d’ un général ; et le maréchal Soult ne devoit pas , sans doute ,
exiger qu’elle justifiât de son acte de mariage.
Elle n’a été admise à la preuve testimoniale qu’à raison de
ce qu’elle soutenoit qu’il n’y avoit aucun registre , et qu’il n’étoit
pas d’usage d’inscrire les mariages.
Il
est prouvé que les prêtres de toutes les religions, et notam
ment les g re c s, tiennent exactement des registres.
Que demande donc cette fem me ambitieuse? Les frères Destaing pourroient-ils redouter ses démarches? Viendra-t-elle leur
enlever les biens de leur p è re , de leur m ère , de leur frè re ,
et d’une tante morte pendant le p rocès?
Non : les héritiers Destaing ont cette conviction , que dans
une cause de ce genre tous les esprits s’élèvent à ces vues supé
rieures du bien p u b lic, qui forment le premier objet de la justice.
C ’est ici la cause de toutes les familles. Les citoyens de toutes
les classes, de tous les états, sont intéressés à l’arrêt que la
Cour va prononcer.
Monsieur R O C H ON D E V A L E T T E , avocat général.
M e. P A G E S , ancien avocat.
M e. G A R R O N , avoué.
A RIOM, de l’imp. de THIBAUD, imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des Taules, maison L a n d r j o t . — Juin 1811 .
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, frères. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rochon de Valette
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
légitime
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse, pour les frères Destaing, appelans ; contre Anne soi-disant Nazo, se disant veuve du général Destaing, et tutrice de Marie, sa fille, intimée.
Table Godemel : Etat (question d') : 2. est-il dû des dommages-intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Mariage : 3. avant le code napoléon, les mariages contractés en pays étrangers, et particulièrement en Égypte, par des français avec des étrangers, étaient-ils valables, s’ils avaient été célébrés suivant les formes et usages observés dans le pays ? ces mariages pouvaient-ils être prouvés tant par titre que par témoins, s’il est établi que, dans le pays et pour les prêtres qui ont célébré le mariage, il n’était pas tenu de registre ? peut-on entendre comme témoins ? - les parents du français et de l’étrangère mariés ; - les personnes qui auraient déjà, par le fait du mariage et de sa notoriété, délivré des attestations ou certificats ; - les étrangers réfugiés en France avec l’autorisation du gouvernement. est-il dû des dommages intérêts à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ? Dommages-intérêts : 6. en est-il dû à l’étrangère dont l’état d’épouse légitime a été injustement contesté ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
An 6-An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
55 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2003
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0609
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53373/BCU_Factums_G2003.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
légitime
opinion publique
témoins
xénophobie
-
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Text
MEMOIRE.
�MEMOIRE
cou r
D E RI OM .
P o u r A n t o i n e B E R N A R D , appelant;
C ontre V
it a l
CHABANON ,
et J
acq u es
AVIT,
d ’a p p e l
I .”
C H A M B H Z.
«
QUALITÉS POSÉES
intimés.
pour
le 22 février.
V.
D E toutes les c o n te s ta tio n s dans lesquelles les tri
bunaux peuvent être induits en erreur par les appa
rences, il n’en est pas où une méprise soit plus cruelle
que dans les procès d’incendie; car celui qui perd sa
cause par des présomptions, a souvent été la victime de
l ’incendie dont on le croit auteur; et ainsi, au lieu d’un
secours qu’il avait droit d’attendre, il voit consommer
sa ruine, sans qu’il ait pu, ni prévenir son malheur, ni
trouver des moyens de défense : lu i-m ê m e , en eff et,
n’a été, comme les autres spectateurs, averti de l’incendie que lorsque sa maison en était dévorée.
Cependant, on a vu maintefois les procès de cette
nature n’être soumis qu'au simple examen d’un fait
i
�( a )
malériel. Lorsqu’ un incendie a consumé plusieurs mai
sons, on appelle des témoins pour savoir dans laquelle
le feu a été va premièrement ; et ainsi, avec la plus équi
voque des preuves, on se croit forcé de dire que le
propriétaire de cette maison est présumé l’auteur de
l’incendie : en conséquence, outre la perte qu’il éprouve,
on le condamne à supporter celle de ses voisins.
Si celte rigueur excessive était fondée en droit, il serait
certain au moins que la loi n’a entendu l’appliquer
qu’au cas d’ une conviction certaine et palpable. Il faut
en effet qu’il ne soit pas même possible de présumer que
4 e feu ait pu venir aussi de chez celui qui réclame une
indemnité.
L e tribunal du P u y a cédé trop légèrement à ce
préjugé qui aurait de si funestes conséquences, et son
embarras l’a conduit à être injuste. Ce n’est pas que ce
tribunal puisse être justement accusé d’avoir examiné
les faits trop superficiellement ; il s’est au contraire en
touré de toutes les lumières qui pouvaient éclaircir les
faits : mais ensuite lorsqu’il a connu tout ce q u i, après
le tumulte d’un incendie , avait resté imprimé sur le
local, ou dans la mémoire des témoins, le tribunal du
Puy a presque mis de côté les éclaircissemens qu’il
avait cherchés, pour retomber dans la chimère des pré
somptions , et juger daprès les apparences les plus su
perficielles.
Les bâtimens que les parties possèdent 'au village de
V a is,’sont contigusj la maison de Bernard, dit Gardés,
�est attenante à sa grange ; et cette grange est séparée par
un mur mitoyen d’ une cuisine appartenant à Vital
Chabanon, et dans laquelle se font ses lessives. L a
cheminée de cette cuisine est encastrée dans le mur
mitoyen; les murs n’en sont pas même crépis, et le
tuyau ne dépasse pas le toit qui couvre la grange de
Bernard.
C ’est dans la soirée du 18 novembre 1806 , que l’incendiç éclata. Ce jour-là Chabanon faisait faire la les
sive dans sa cuisine / en brûlant des feuilles et des
cosses de fèves.
Aucun danger n’avait paru en résulter; chacun s’était
retiré chez soi à l’entrée de la nuit, lorsque, sur les
six heurts du jsoir, des .cultivateurs, revenant des
champs, vinrent avertir Bernard qu’on voyait de la
fumée dans sa grange.
Il y entra avec précipitation , ne vit rien dans le
b as; mais, étant monté au-dessus, il vit une grande
quantité de bottes de paille ou foin, placées à côté
de la cheminée de Chabanon, qui commençaient à
s’enflammer. Il crut pouvoir préserver les autres de la
communication; mais il avait perdu la tête; et dans
son trouble, il agitait le foin, et accélérait l’incendie
au lieu de l’arrêter.
Enfin cet incendie éclata, et Bernard, pour sa propre
sûreté, fut contraint de fuir pour tacher de sauver le
peu de linge qu’il pourrait e m p o rte r, avant que les
flammes eussent tout consumé.
Une partie des batimens ailenans d’Avit, et de CliaV
3
�( 4 )
r
banon, fat brûlée : on prétend qu’ une partie de ceux
de Chabanon fut coupée pour empêcher la communi
cation du feu avec les maisons voisines.
Il n’y avait qu’ un cri dans le village sur la cause de
cet incendie; il n’était généralement attribué qu'à la
lessive de Chabanon, et aucun fait d’imprudence n’était
même reproché à Bernard : ses adversaires n’ont pas
même tenté encore de lui en imputer.
Bernard avait perdu sa maison, sa grange et ses
récoltes , ce qui était incalculable pour sa fortune ;
aussi se proposait-il de réclamer des dommages-intérêts.
Mais Chabanon imagina de le prévenir, croyant sans
doute qu e, dans une matière de conjectures, le juge
penche naturellement en faveur de celui qui se plaint
le premier.
Chabanon fit donc citer Bernard au bureau de paix,
le 26 novembre 18 0 6 ; mais Bernard ne comparut que
pour déclarer que lui-même entendait demander des
dommages-intérêts; en effet, il fit expédier le procèsverbal de non-conciliation, et assigna Chabanon, qui,
de son cô té, prit des conclusions semblables contre
Bernard.
Un jugement du 20 mars 18 0 7 , ordonna tout à la
fois une enquête et une expertise, h laquelle il fut dit
qu’un juge assisterait, et entendrait aussi les témoins sur
les lieux incendiés.
Ces précautions étaient très-sages, aussi en est-il ré
sulté de grands éckiircissemens, et il est précieux de
les recueillir.
�( 5)
D ’abord , quant à l’enquête, il faut franchement
convenir que la majorité des témoins se réunit à dire
que les premières flammes ont été vues dans la grange
de Bernard.
Mais de quel côté venaient - elles ? c’est là ce qu’il
est important de rechercher ; car, comme aucun té
moin n’indique de cause à l’incendie , et qu'il faut
cependant lui en supposer'une, il s’agit d’orienter l’in
cendie lui-même, et de le suivre dans la route qu’il a
parcourue.
Les témoins de l’enquête de Chabanon ne s’en oc
cupent pas, ils s’attachent seulement à établir de leur
mieux que la grange de Bernard était déjà en flammes
avant qu’on vît du feu chez Chabanon. Cependant le
seul témoin qui parle de la direction du feu (le 2.e),
dit avoir appercu que Ja grange de Bernard était en
flammée du côté droit du portail ( c ’est le côté de
Chabanon), et que l’incendie se dirigeait du côté du
couchant, où se trouve la maison Avit.
Dans les deux enquêtes de Bernard, les traces de
rincendie se remarquent mieux encore; et sa source,
si on peut s'exprimer ainsi, y est clairement marquée.
Les 8.% 9.% 1 o.e, n .% i 2 . c témoins de la première en
quête, les i . ep, 3.e et 5.e de la seconde enquête ont vu
les premières flammes de la grange Bernard, el tous
disent que Le J e u venait du côté de La cheminée de
Chabanon.
L e 6.® témoin, venu aux premiers cris d’alarme, a
vu que l’arbre-m aître de la grange Bernard, placé
�—
'(
)
près de La cheminée de Chabanon} était enflammé.
Quatre témoins de ladite enquête déposent qu’on
disait que Le fz u venait de La Lessive de Chabanon. Un
témoin de sa propre enquête a entendu que le pre
mier mouvement de la femme Bernard fut de s’écrier :
c est cette maudite Lessive.
i
L e i i . e témoin de l’enquête directe constate que les
Chabanon furent très-pressés de faire remarquer que
le feu n’avait pas pris à la clieininée de leur lessive,
pour persuader qu’il ne s’était pas communiqué par là.
I/a femme, qui conduisait la lessive ( i . er témoin),
a été aussi appelée en témoignage par Chabanon ;
et elle ne manque pas de justifier ses précautions et
sa prudence; elle avoue cependant qu’ une voisine se
plaignit de ce qu’elle faisait trop de feu , au point de
chauffer considérablement un pilier de bois qui soute
nait la cheminée;.mais elle, ajoute que le pilier n’a
pas été brûlé ; elle dit avoir fait sa lessive avec des
cosses de fèves et pois , et qu’a chaque instant elle
reùrait ce qui était bridé sous‘le chaudron, pour fa ire
place à ce quelle mettait pour alimenter le fe u , et lu i
donner le clair.
Tel est le résumé des enquêtes; et les réflexions
qu’elles fout déjà naître vont être corroborrées par
l’exporlise qui eut lieu en présence du même juge.
L e rapport constate plusieurs faits impoiians, qui
sont décisifs dans celle cause; car l’étal des lieux aidera
singulièrement à faire comprendre pourquoi les té
moins ont dû voir le feu d abord dans le haut d une
. .
■
�( 7)
grange plutôt que dans les lieux habités, et du côté de
la cheminée de Chabanon, plutôt que du côté de l'ha
bitation de Bernard.
i.° L e mur mitoyen, auquel est adossée ladite clie• minée, a paru en mauvais état.
n.° Ce mur n’a été crépi du côté de Bernard que
jusqu’à sept pieds du sol et à pierre vue : et il n’a
jamais été crépi en aucune partie du côté de Chabanon.
3.° On allume du feu dans la cheminée de Chabanon,
et on la bouche par le haut; aussitôt on voit La fumée
sortir dans Cendroit où était placé le second arbre (de
la grange de B ern ard ), et se perpétuer au-dessus en
plusieurs endroits jusqu’au sommet.
4.0 On trouve dans L’ouverture faite en cette partie
deux ou trois épis un peu calcinés, sans pouvoir dé
cider si cela provient du côté de Bernard ou Chabanon.
5 .° On trouve de la suie-et des araignées dans les
angles de la chem inée, ce qui fait penser que le feu
n’y a pas pris.
6.° On mesure le canon ou tuyau extérieur de la
cheminée : elle a dix-huit pouces au-dessus du toit
de Chabanon; mais Le même canon se t/ouve de niveau,
au toit de Bernard.
7.0 On vérifie que si le feu a dû venir de chez
Chabanon, ce n’a pu être (¡ne par l’extrémité du
tuyau, à la supposer incendiée, attendu que Carbremaître venait aboutir contre ce tuyau • ou bien si le
feu n’a pas pris à la cheminée, ce n’a pu être que
par des bluettes sortant du tuyau de la cheminée de
�( 8 }
Chabanon, qui auraient passé à travers les vides qui
auraient pu se trouver entre Les tuiles, ou entre le toit
et la muraille. On termine par remarquer qu’au reste
-le mur mitoyen , entre Bernard et Chabanon, était
mauvais , même avant Cincendie qui n y a porté aucune
atteinte.
8.° Quant à la maison d’A v it, on déclare qu’elle a été incendiéesans qu’on puisse savoir d’oùl’incendie est venu.
Une vérification aussi concluante devait, ce semble,
accumuler tout es les présomptions sur Chabanon, et ôter
toute idée que ï ’incendie provînt de l’imprudence de
Bernard. Mais ce n^est point ainsi qu’a voulu le dé
cider le tribunal du P u y , par son jugement définitif
du 3 i août 1808 ; il a considéré que le feu s’étant
premièrement manifesté dans la grange de,la maison
habitée par Bernard, c’était à lui, d’après M. Merlin,
au répertoire , et d’après la loi 3 de off. prœf. vigil.
à prouver que ni lui, ni ceux dont il est responsable,
ne sont en faute, à peine d’être tenu des dommagesinférêts; en conséquence, le tribunal du Puy a con
damné Bernard à payer les dommages-intérêts dus à
Avit et à Chabanon pour les pertes par eux éprouvées,
et ce, d’après l'estimation à faire par trois experts;
il a condamné Bernard en tous les dépens.
Ce jugement n’est pas seulement rigoureux,' il est
injuste; et Bernard ne peut adopter, sans en être
révolté, qu’après avoir le plussouflerl de l’imprudence
de Chabanon, il soit tout à la fois sa victime et le répa
rateur de ses dommages.
�( 9 )
Voyons cVabord quels sont les moyens de Chabanon
pour faire condamner Bernard ; nous examinerons en
suite si Bernard n’a pas été mieux fondé lui-même à
réclamer.
Chabanon ne propose qu’un seul moyen. •
‘ Il dit que le feu a été vu d'abord chez Bernard, q u i,
comme habitant , est présumé auteur de l’incendie.
Sans doute, celui qui, par sa faute ou son imprudence, a causé un tort quelconque à autrui, en est
responsable; et de-là vient, que d’après la jurisprudence moderne, ' celui qui est réputé l’auteur d’un
incendié doit indemniser ceux à qui il a communiqué
lin incendié venu de sa maison.
L a loi 3 , citée par les premiers juges, suppose que
l’incendie arrive le plus souvent par la faute de ceux
qui habitent : incendia, plerumque fian t culpâ inha-'
bitantium j ce qui ne veut pas dire que c’est le pro
priétaire d’ une maison habitée, qui, dans le doute,
doit subir la condamnation : le législateur , dans ce titre
du digeste, s’occupe seulement de prescrire les devoirs
du préfet de police; et il lui recommande de châtier
ceux qui 11e soigneraient pas le feu allumé chez eux,
parce que, dit-il, c’est souvent par la faute des habitans que les incendies ont lieu. Mais qu’y a-tTillàqui
prescrive aux tribunaux de s’écarter des règles ordi
naires pour condamner aveuglément, et sans connais
sance de cause?
Godefroi, sur ce mot plerumque, ajoute non seniper ;
sur-tout, d it - il, si riiabitant est un père de famille,
3
i
|
j
j
j
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j
j
j
j|
'
�' r
)•
intéressé à porter du soin à sa maison , prœsertim s i
paterfamili'as diligens.
Quand nous avons parlé de la jurisprudence mo
derne, c’est qu’en effet ce n’est que depuis peu de tems
qu’on a accordé des dommages-intérêts à ceux chez
qui l’incendie s’était communiqué, parce qu’on regar
dait comme assez puni celui qui avait perdu ses pro
pres bâtimens, et on ne supposait pas qu’il y eût de
sa part même de faute légère. Car, comme le dit Balde ,
nemo consuevit res suas comburere.
Cœpola pensait qu’il y aurait de la barbarie à con
damner encore celui qui avait eu le malheur de perdre
sa maison à un incendie , nultum grammen, super hoc
debet infer ri, quoniam satis doLore concutitur et tristitiâ.
Bardet rapporte sur cette matière deux arrêts rendus
dans des espèces très-fortes; car un propriétaire habi
tant avait communiqué un incendie à quatre maisons
voisines, et quoiqu’il fût constaté qu’il y avait de sa
faute, il fut jugé par arrêt du 7 décembre 1 6 2 8 , qu’il
ne devait pas de dommages-intérêts. Peu de tems après,
un second incendie eut lieu chez le même individu, et
consuma encore quatre maisons, cependant il fut jugé
de nouveau qu’il n’était tenu d’aucuns dommagesintérêts, par arrêt du 22 juin i 633 .
C ’était même une maxime de droit en Bretagne ;
l’art. 599 de celte coutume y était expiés;
« Quand le f e u a r d la maison d’au cu n , et la maison
« d’un autre perille par le même fe u , si lui ni ses
«■ adhérens ne les y m ettent pour faire dommage à
�( II )
tt celui à qui elle est, ou à autres, il n’ est tenu en
<t rendre aucunes choses •».
L e savant commentateur de cette coutume ajoute
seulement que cet article ne doit pas s’appliquer aux
locataires, qui ne sont pas présumés avoir les mêmes
soins qu’un père de famille.
C ’est aussi l’opinion d’H enrys, en la question 49
du livre 4, tome i.er, lorsqu’il examine le sens de la
loi romaine ci-dessus citée, incendia plerumqae fia n t
tulpâ inhabitantium . Ces termes de la loi, dit-il, s'en
tendent plutôt des locataires que des propriétaires, parce
ceux-là ont toujours moins de soin et de précaution
que ceux-ci.
L a réflexion judicieuse de cet auteur est devenue
aujourd’hui une loi par le code civil; et il est essen
tiel de remarquer que le code civil ne parle de l’in
cendie qu’au titre d u Louage, aux articles 17 3 3 et 17 34 ,
sur lesquels M. Malleville se contente de rapporter en
concordance la loi romaine ci-dessus.
Ainsi on petit, sans le hasarder, dire avec assurance
que le code civil a pleinement adopté la doctrine
d’Henrys, et qu’il n’a pas consacré la jurisprudence
trop sévère qui, sans être appuyée d’aucune loi, con
damnait l’habitant propriétaire à indemniser les voi
sins , sans les obliger même à prouver qu’il y eût de
sa p a rt, ou fau te, ou imprudence.
Non-seulement aucune loi n’obligeait de condamner ainsi l ’habitant sur simple présomption; mais au
contraire toutes les lois ordonnaient aux tribunaux de
4
�C 12 )
ii’adjuger les demandes que lorsque le fait articulé
serait prouvé par le demandeur. Actori onus probandi incumbit j les auteurs disaient la même chose
sur la matière des incendies; le voisin ne devait être
reçu à agir qu’en prouvant la faute ou l’imprudence
de celui chez lequel l’incendie était né, sans quoi elle
ne se présumait pas, debet pr.obare latam vel Levem
culpam, quœ non præsumitur.
Ainsi Chabanon, comme demandeur, n’a aucuns
moyens équitables à proposer; il ne prouve aucune
imprudence, il n’en articule même aucune, et le code
civil, sous l’émpire duquel a eu lieu l’incendie, n’ou
vre en sa faveur aucune présomption ; le code adopte au.
contraire l’ancienne jurisprudence, favorable aux pro
priétaires; car il ne permet de supposer de l’impru
dence qu’aux habitans locataires, et qui de unodicit,
de aLtero negat.
Combien en effet serait aveugle et insensée la pré
somption qui réputerait, de plein droit, auteur d’un
incendie celui chez lequel il se serait manifesté le
premier! L e moindre accident peut produire cet effet,
les exemples en sont fréquens ; et la seule possibilité
d’une erreur doit faire repousser comme une maxime
fausse tout ce qui tend à établir des règles générales
et d’habitude, dans une matière aussi conjecturale. ,
Ce n’est pas par de simples conjectures, que la cour
a voulu se décider dans une cause récente, d’entre les
nommés M o n tel, Gaillard et Rodde , sur appel de
Murât.
�— —rrrr---- —
Deux maisons adjacentes avaient été brûlées, et les
deux parties s’imputaient le tort respectif d’avoir porté
de la lumière dans les granges, pendant la nuit.
Cependant le feu avait été vu d abord chez Gaillard.
Néanmoins la cour, par le seul motif de 1 incertitude,
et du tort respectif des deux parties, les mit hors de
cause, et adjugea seulement à Rodde des dommagesintérêts très—modiques; sa maison étant separée des
deux autres.
Maintenant changeons les qualités des parties, et
voyons si Chabanon, défendeur, ne sera pas plutôt
réputé l’auteur de l’incendie.
Quand il faudrait lui passer ses propres moyens, ils
se rétorqueraient contre lui; car le mot delà loi (m habitantium') ne s’applique pas seulement u celui qui
a un domicile d’ usage , mais à celui qui a habité le
jour de l’incendie.
Or, il est constant que Chabanon habitait ce jour-là
sa cuisine, mitoyenne de la grange de Bernard, et
qu’il y faisait faire une lessive.
C ’est donc lui qui est prouvé être habitant, avec
du feu,, tandis que rien ne prouve que Bernard eût
du feu ce jour-là , ni dans sa grange où les flammes
ont paru d’abord , ni même dans sa maison située à
l’autre extrémité. Si donc la loi veut qu’on présume,
ce sera contre Chabanon que sera la i . re présomption.
Mais ce n’est point à de simples conjectures qu’il y
a lieu de se réduire ; l’apparence et le raisonnement
�( i4 )
sont d’accord à reconnaître que l’incendie n’a pu venir
que de chez Chabanon : toutes les circonstances lé
prouvent.
Un mur mitoyen en mauvais état : un feu ardent
d’un côté, et des matières combustibles de l’autre. Q ui,
à ce premier signe, s’aveuglera au point de ne pas être
déjà préparé à concevoir ce qui a dû en résulter ?
Des ouvertures et crevasses dans ce mur, la fumée
s’échappant en plusieurs endroits, marquent à l’œil une
route que le feu, trop pressé d’un côté, a dû suivre.
Des épis calcinés, gissant encore dans ces crevasses aux
yeux des experts, n'étaient-ils pas les témoins muets
de ce qui s’était passé, et le signe le moins équivoque
de la vérité?
Une maîtresse poutre est brûlée la première, et il
est reconnu qu’elle aboutit à la cheminée. Cette che
minée ne dépasse pas même le toit de Bernard; et com
ment donc , avec tant d’élémens d’incendie , peut-on
douter de son origine; ne faut-il pas s’étonner au con
traire qu’il n’ait pas plutôt fait ses ravages?
Si quelqu’un doit être taxé d’imprudence, certes,
Chabanon ne peut s’en défendre ; car un homme qui
a fait une cheminée dans un mur mitoyen, et qui n’a
pas même pris la précaution d’en élever le tuyau audessus du toit , devait-il s’en rapporter à une femme
étrangère, sans venir au moins la surveiller lui-même,
pour empêcher qu’elle ne fit un feu tel, que les voisins
s’en étonnèrent?
Les cosses de fèves qu’il avait fournies pour la les-
�( i5 )
si ve, n’étaient, avec leurs feuilles adjacentes, que des
matières légères et sans consistance, qui, susceptibles de
devenir plus légères que la fumée, même avant leur
entière combustion, devaient nécessairement être em
portées par le courant d’air, à moitié brûlées, dans le
tuyau de la cheminée jusqu'à son extrémité, où la co
lonne d’air ne les soutenait plus.
Où pouvaient-elles donc se reposer immédiatement,
si ce n’est dans les interstices des tuiles qui, comme on
l’a v u , étaient de niveau avec le faîte de la cheminée?
Ainsi, ou le feu a passé dans les fentes du mur, soit
par sa trop grande activité , soit par la simple attrac
tion des matières combustibles , ce qui n’est que trop
probable et fondé en fréquens exemples; ou bien les
feuilles à demi-torréfiéesse sont insinuées entre les tuiles,
et de là dans le foin et la paille : cela était inévitable.
X<a route de l’incendie le démontre. Ce n’est pas par
la maison habitée par Bernard que le feu est venu ;
c’est du côté de la cheminée de Chabanon.
Ce n’est pas au rez-de-chaussée que les premières
flammes ont été vues ; c’est par la paille de la grange
et par la maîtresse poutre du toit. Est-ce ainsi qu’au
rait commencé un incendie culpâ inhabitantium?
Chabanon se croit fort en faisant remarquer que le
feu n’a pas pris à la cheminée de sa cuisine, et que sa
maison n’a été en proie aux flammes qu'après ¡ ’in
cendie de Bernard.
Mais plût à Dieu que cet incendie eût commencé
par un feu de cheminée ! cet avertissement eût mis
�, ( i 6 )
Bernard en garde, et peut-êlre il se fût procuré des
secours plus efficaces.
Quant à la priorité de l’incendie, il y a plutôt de la
turpitude que du raisonnement dans une semblable
observation. En effet, celui qui a adossé une cheminée
à un mauvais mur, porte tout le danger du côté du
mur auquel il applique des flammes, tandis que de
son côté le manteau de la cheminée lui présente un
rempart contre le danger; et d’ailleurs, n’est^il pas cons
tant que le côté de Bernard était garni de paille, tandis
qu’il n’y avait rien de combustible du côté de Chabanon?
Appliquons maintenant des principes moins vagues
que les siens, et il sera évident que c’est lui seul qui
doit porter la peine de sa faute grossière ; car il n’est
pas possible de ne le taxer que de simple imprudence.
D ’après la coutume de Paris, et l’art. 674 du code
civil, Chabanon ne pouvait avoir une cheminée contre
le mur mitoyen, sans la fortifier d’un contre-mur.
Il devait en élever le tuyau en saillie au-dessus du
toit.
Il devait s’abstenir d’y faire du feu tant qu’il ne se
conformait pas aux règles et aux usages a cet égard,
ou au moins tant qu’il ne s’assurait pas de la solidité
du m ur; et au contraire, il ne l’avait pas meme fait
crépir, de son côté, en aucune partie.
Quelle est la peine de la loi pour de telles négli-:
gences? Ici, par exemple , elle sera un peu plus claire
et précise que la loi 3 ,‘ B e'o ff. prœf. vigLL, et il ne
s’agira pas de simple police. La Cour y trouvera une
disposition
�disposition expresse dont il sera difficile à l ’adversaire
d’esquiver l’application.
C ’est la loi 2 7 , a u j ^ A d Legem aquiliam , dont,
le litre entier, destiné aux dommages faits à autrui,
ne permet pas de douter que Chabanon ne doive’ dès
dommages-intérêts, par cela seul qu’il a édifié une che
minée contre un rtiur commun qui a ete brûlé. S i j ï i r —
filial secundùm pariete/n commune/n habeas , scihcet
paries exastus s it , domui injuria lenearis.
Il ne faut pas s?é'tonner de cette rigueut, car c'est
la peine de l'inobservation d’ une autre loi qui défend
dait de faire des cheminées contré un mur mitoyen,
par le motif qu’à la longue la flamme brûlait les murs.
Non licet autem tubulos kabere admotos ad'parietem
commit rient. qn.bc/ per cosjfl^ jv> A
partes} loi 1 3 ,
De servit, prœd. urbahorum.
A la vérité , suivant l’art. 189 de la coutume de
Paris, il élait permis d’adosser des cheminées et aires
contre le mur mitoyen ; mais seulement à la charge
de faire un contre-m ur en tuileaux d’un demi-pied
d’épaisseur. Par conséquent, celui qui néglige de pren
dre cette précaution reste dans les termes du droil, et
s’ expose aux dom m ajes-interetsdelaloi,,^//^. ciquil. ,
s’il y a incendie, parce que la loi présume que l’adossement de la cheminée contre le mur, sans le fortifier,
a suffi pour torréfier et endommager le mur.
Les commentateurs disent que ce contre-mur ne peut
pas môme etre fait en moellon de plâtre^ parce que ce
Moellon, par La chaleur 3 se réduit en poudre. C’est
�pourquoi aussi les rédacteurs, ont voulu des briques,
parce que ces matériaux ont déjà subi l’action d’une
grande chaleur.
.
Comparons maintenant la position de Chabanon, et
celle de Bernard. D ’un côté, simples conjectures sans
aucun fait d’imprudence, même soupçonné; et point
de loi à l’appui. D ’un autre côté, cause préexistante
d’incendie, faute et négligence, présomption Légale,
et disposition de la loi.
Il faut donc conclure qu’il y a eu de l’injustice à
condamner Bernard, victime d’un incendie, à en payer
le dommage aux voisins ; et qu’au contraire l’équité
veut que ce soit Chabanon à supporter ce dommage,
parce que c’est lui qui a à s’imputer une imprudence
impardonnable qui doit le faire considérer comme l’au
teur de l’incendie, lorsqu’il n’articule aucune preuve
contraire.
M.e D E L A P C H I E R , ancien Avocat.
M . G A R R O N , a voué.
A RIOM, DE L ’IMPR. DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bernard, Antoine. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
incendie
dommages et intérêts
experts
témoins
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Antoine Bernard, appelant ; contre Vital Chabanon, et Jacques Avit, intimés.
Table Godemel : Incendie : 2. y a-t-il lieu à dommages intérêts pour fait d’incendie, contre des propriétaires voisins, s’il est incertain que l’incendie a été l’effet de la faute ou de l’imprudence d’un des propriétaires ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
1806-1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1901
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Vals-près-le-Puy (43251)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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dommages et intérêts
experts
incendie
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f
M
É
M
O
I
R
E
POUR
Dame M a r i e - U r s u l e S A L V A I N G D E
B O I S S I E U , et sieur J e a n - P i e r r e
S A U Z E T DE S A I N T - C L E M E N T ,
son m ari, appelans d’un jugement rendu au
tribunal du P u y, le 9 mai 1807;
C O N T R E
M e. J e a n - A n d r é - G u i l l a u m e S O U T E Y R A N , ancien avocat, intimé ;
E T
Le
E N C O R E
C O N T R E
c u r a t e u r à la succession vacante du sieur
P ie r r e -A n to in e B
runel
de
Sa in t -M ar cel,
aussi intimé.
L
A dam e de S a in t-C lé m e n t d e v o it a v o ir une fo rtu n e
c o n s id é r a b le ; elle s’en v o i t tout à c o u p d é p o u illé e p ar
trente-trois ventes q u ’on a arra ch ées à la foiblesse d ’un
v ie illa rd n on agén aire. T o u t e s ces aliénations ont eu lieu
A
�( 2 )
sans nécessité et sans cause légitime-, un moment de ca
price ou de contrariété les a déterminées : il y avoit
même une certaine combinaison dans le choix des acqué
reurs. Il est pénible pour la dame de Saint-Clément de
se voir obligée de dire que son aïeul, sans autre m otif,
se félicitoit d’avoir trouvé des moyens plus sûrs de dé
pouiller sa petite-fille, parce qu’il avoit vendu à des
liommes de loi qui sauroient bien se défendre. E t ces
hommes de loi devroient être bien humiliés de se voir
signaler comme des gens redoutables ; ils devroient se
reprocher d’avoir accepté une vente faite dans un moment
d’humeur et de co lère, par un vieillard dont ils étoient
les conseils, qu’ils dirigeoient dans toutes ses démarches,
et dont les manœuvres étoient tellement connues, que
déjà ils avoient dans leurs mains une opposition qui les
avertissoit de l’incapacité ou de l’impuissance du vendeur.
I>es sieurs Souteyran , père et fils , ont n é gl i gé ces
avertissemens •, ils ont méprisé les avis
d’une mère alarm ée; ils ont voulu courir les risques de ce qu’ils appeloient une bonne affaire, et ne rougissent pas d’avoir
dans les mains un bien aussi mal acquis.
Les premiers juges leur ont été favorables : mais ce
succès ne sera qu’éphémère ; et la cour proscrira avec
indignation un contrat frauduleux et nul.
%
f a i t s
.
Thonias-François Arcis, et M a rie -T h é rèse Bossolade,
ont eu de leur mariage M a rie -C la irc A r c is , qui épousa
le sieur Antoine Brunei de Saint-Marcel.
�( 3 )
^
Son contrat ^le m a ria g e, du 13 juin 1 7 3 5 , contient les
conventions suivantes :
M arie Bossolade, veuve A r c i s , donne à sa iille la
maison et jardin qui lui appartiennent en la ville du Puy,
au-dessous de la porte de Vienne.
Elle se départ en faveur de sa fille, et du sieur SaintM a rcel, son ép o u x , de l’habitation à elle léguée par le
sieur A r c i s , son m ari, dans la maison située rue de la
Courrerie.
Elle se démet en faveur de sa fille, et du sieur SaintM a r c e l, son é p o u x , de l’hérédité du sieur A r c is , dont
elle étoit chargée par son testament, sans se rien ré
server ni retenir.
L e sieur Saint-Mai’cel décharge sa belle-mère de la
somme de 18000 francs portée en l’inventaire du sieur
A r c is , au moyen de la remise et délivrance que lui fait
la dame A r c i s , des meubles, a rg e n t, argenterie, pro
messes , obligations, contrats de vente qui provenoient
du défunt.
L e sieur Saint-M arcel, pour augînent de dot et gain
de su rv ie , donne à son épouse une somme de 4000 f r .,
payable en cas de prédécès.
D u mariage du sieur Brunei de Saint-Marcel, et de
la dame A r c is , sont provenues deux filles; l’une ClaireT h é r è se , qui a épousé le sieur Surel de Saint-Julien;
la seconde, M arie-Francoise-Louise, qui s’est mai'iée
avec le sieur Salvaing de Boissieu. C ’est de ce dernier
mariage qu’est née Marie-Ursule, épouse du sieur Sauzet
de Saint-Clément.
P a r le contrat de mariage de C la ire-T h é iè se, femme
A a
�( 4 ) . .
r
Saint-Julien, en date du 17 février 1 7 I 9 , ses père et
mère la légitimèrent à une somme de 40000 francs pour
scs droits paternels et maternels. L e contrat de mariage
porte quittance d’ une somme de i 5ooo irancs j et le
surplus de sa c o n s t i t u t i o n dotale, qui est de sôooo fr.,
est stipulé payable , savoir : 10000 francs dans Vannée
du décès du -premier m ourant des père et mère , et
1 5ooo fr. dans Tan révolu après le décès du survivant ,
sans in térêt, qu’à compter de l’échéance des termes.
Par le contrat de mariage de la dame de Boissieu ,
du 8 juin 176 2 , ses père et mère lui font donation
entre-vifs , irrévocable, contractuelle et dotale, de tons
et chacun leurs biens meubles et immeubles présens
•1
r
et à venir, sous la réserve expresse que se font les do
nateurs de la jouissance des biens donnés pendant leur
vie; laquelle jouissance sera réversible de l’un à l’autre.
Ils se réservent un capital de 12000 fr. p our p o uv o ir
s'en servir clans leurs besoins , et en disposer tant à la
vie qu’à la m ort, en faveur de qui ils jugeront à propos.
Il est dit que cette somme de 12000 francs, également
réversible de l’un à l’autre , sera prise sur les biens ¿1
ven ir, s’ il leur en échoit, et subsidiaircment, sur leurs
biens actuels.
Les sieur et dame Saint-Marcel se réservent aussi tout
ce qui peut leur être dû provenant d’arrérages de fermes,
censives, obligations, comptes de leurs journ au x, et gé
néralement toutes les dettes actives.
lin attendant que l’usufruit soit consolidé à la pro
priété des biens donnés , ils donnent et constituent en
d o t, à leur fille, eu avancement d’hoirie, et pour sup-
�( S )
porter les charges du m ariage, la somme de 20000 fr. ;
p lu s, d ix - n e u f marcs et deux onces d’argenterie : ils
payent 11000 fr. à compte, et s’obligent d’acquitter dans
un an la somme de 9000 fr. pour parfaire l’avancement.
« Mais comme ils n’ont deniers en mains pour le
« payement de la somme de 9000 francs, non plus que
« pour acquitter la constitution de la dame Saint-Julien,
« dont il reste dû 12600 francs, nonobstant la quittance
« insérée dans son contrat de m ariage, du 17 février
« 1759 , ainsi que les termes qui écherront à l ’a v en ir,
« et pour acquitter leurs autres dettes passives, il a été
« convenu et accordé qu’il sera libre aux sieur et dame
« Saint-M arcel, de vendre et aliéner les domaines de
« R ocharnaud, Mons et ü r z illa c , champs et vignes de
« Couchât, au terroir de Chadrac; les fonds dépendans
« du domaine de Pouzarol , situés ès-mandemens de
« cette v ille , consistans en m aison, p r é s , vergers, et
« champs; les prés situés au terroir de Ceissac ; et fm a« lement le domaine de Chaspuzac, à leur ju ste valeur,
« et su r le pied de Vestim ation, pour servir au payement
« desdites
créances , c o n c u r r e m m e n t aux susdites
« constitutions , et autres dettes connues des parties
« intéressées ; ensem ble, pour remplir la réserve du
« capital de 12000 francs, s i les donateurs sont dans
« le cas de s'en servir ; le tout suivant le payem ent,
« et délégation q u i en sera f a it e . »
O n s’oblige de fournir au sieur de Boissieu , futur
époux, un double de la quittance du produit des ventes.
I/excédant du produit des ventes a u-d elà des créances
et réserve, doit être placé, du consentement du sieur de
�Boissieu et de sa fem me, chez des personnes solvables.
L e revenu en sera payé aux donateurs pendant leur vie,
sans que les acquéreurs puissent être recherchés , en
rapportant néanm oins un légitime emploi de coiiform ité
à Vétat connu des parties.
Si l’intérêt des futurs époux peut exiger l’aliénation
des biens qui resteront a la fu tu re , il est convenu que
le sieur de Boissieu pourra les vendre à leur juste valeur,
après le décès des donateurs, sans que les acquéreurs
puissent être recherchés par la demoiselle de St.-Marcel,
ou les siens, qui ne pourront répéter dans les biens du
vendeur que le juste prix des fonds par lui aliénés.
O n excepte des ventes permises à l’é p o u x , le moulin
appelé de Saint-M arcel, et la maison du Puy. Ces objets
ne pourront être vendus que dans le cas où on en
trouveroit un prix avantageux.
E n ce qui concerne l e mobilier ou meubles m e ub l a n s ,
il est convenu, sans en faire un inventaire plus détaillé,
qu’ils seront remis à la dame de Boissieu dans l ’état où
ils se trouveront au décès du dernier mourant de ses
père et m è re ; ils sont cependant évalués, dans l ’état
actuel, à la somme de 6000 francs.
I.e même jour 8 juin 1762, il fut fait un état double
entre les sieur et dame de S a in t-M a rcel, et le sieur
Salvaing de Boissieu, leur gendre, des dettes qu’a voient
alors les père et mère : cet état se porte à la somme
de 49600 francs, sans y comprendre les 9000 fi\ faisant
partie de l’avancement d’hoirie de la dame de Boissieu,
et qui devoient être payés dans l’année du contrat de
mariage. Mais on porte dans cet état une somme qui
�( 7 )
n’étoit pas exigible ; on veut parler de celle de 2 5 ooo f.
due sur la dot de la dame de Saint-Julien, dont 10000 f.
étoient payables après l’an révolu du décès du premier
mourant des père et m è re , et i 5ooo francs n’étoient
exigibles qu’après l’an révolu du décès du survivant.
O n ne parle pas dans cet état de la somme de 12000 f . ,
montant de la réserve, parce qu’on se rappelle que cette
réserve ne devoit être prise que sur les biens à venir.
Les sieur et dame de Saint-Marcel se dépouilloient
donc irrévocablement de leurs propriétés, au profit de
leur fille, par ce contrat de mariage. S’ils se i’éservoient
la faculté de vendre une portion des biens donnés, ils
ne pouvoient le faire qu’en acquittement de leurs dettes.
■Les biens dévoient être vendus à leur ju ste v a le u r, et
sur le pied de Vestimation. Ils étoient obligés, d’en dé
léguer le prix aux créanciers; ils étoient tenus de fournir
à leur gendre un double du produit des ventes •, enfin,
ils devoient rapporter la preuve d'un légitime emploi
des deniers de ces mêmes ventes.
Les père et m è r e , au m o y en de ces conventions,
n’étoient plus que de simples mandataires, qui devoient
à leur fille un compte rigoureux de leur mandat; encore
cette faculté de v e n d re , réservée par le contrat, étoitelle exorbitante et contraire au droit commun. G’étoit
donner et retenir : o r , en g é n é r a l, donner et retenir
ne vaut. Si on excepte les contrats de mariage de cette
prohibition , c’est qu’ils sont susceptibles de toutes les
conventions qui ne blessent pas les bonnes mœurs. Mais
toujours on doit restreindre ce qui est exorbitant ; et
lorsqu’une faculté de ce genre est subordonnée à de cer
�( 8 )
taines conditions , on doit les remplir avec exactitude.
lia dame A rcis , femme Saint-Marcel, est moi’te le 16
juin 1784. L e sieur Saint-Marcel a parcouru une trèslongue carrière; il a survécu vingt-un ans à sa femme;
il est décédé le 24 octobre i 8 o 5 , âgé de quatre-vingtdix-sept ans.
Il semble qu’aussitôt après le mariage de la dame de
Boissieu, les père et mère ont ailecté de se jouer de leurs
engageinens. Les ventes se sont multipliées : depuis le 27
juin 1762, jusqu’au 18 novembre 1782, les sieur et dame
Saint7 Marcel ont vendu successivement des immeubles
donnés, pour la somme de 47009 francs.
L e sieur de Boissieu voj'oit avec regret toutes ces
aliénations ; il se permettoit à cet égard quelques obser
vations respectueuses : elles étoient mal accueillies.
Plusieurs lettres du sieur Saint-Marcel annoncent de
sa part un changement d’ailection , des regrets amers et
peu flatteurs pour sa fille, d ’avoir légitimé la dame SaintJulien , et institué la dame de Boissieu.
Ce fut bien pis encore après la mort de la dame son
épouse. Il se mit dans la téte de payer par anticipation,
à la dame Saint-Julien, la somme qui n’étoit exigible
qu’ un ail après sa mort. Il écrivoit à la .dame de Bois
sieu qu’elle, seroit encore la mieux partagée; qu’il auroit
dû laisser ses ,deux filles égales. Cependant la foi des
contrats de mariage doit être gardée : sans la donation
faite à la dame de Boissieu, son mariage n’eût pas eu
lieu ; ses enlans n’auroient pas vu le jour.;
Ce fut.avec des peines infinies que le sieur de Bois
sieu obtint de son beau-père la préférence pour un jardin
appelé
�C 9)
appelé de V ie n n e , que son beau-père lui délaissa avec
h um eur, pour une somme de 3500 francs, à condition
que son gendre sei'oit tenu de précompter 5oo francs
sur celle de 12000 francs, montant de sa réserve. L ’af
fection qu’avoient montrée le sieur de Boissieu et la dame
son épouse pour ce jardin déplut au sieur de SaintMarcel : il 11e destinoit point cet objet à son gendre; il
se crut humilié en accédant à ses désirs.
L e contrat de mariage de la dame de Boissieu contient
l ’énumération -des biens qui pourroient être aliénés pour
cause légitime. A la suite de tous les immeubles désignés,
on lit ces mots : E t fin a lem en t le domaine de Chaspuzac.
Il n’y a rien d’inutile dans un contrat. Ces expressions
limitatives mettoient le domaine de Chaspuzac au der
nier rang; il ne pouvoit être vendu qu’après que tous
les autres objets désignés auroient été épuisés : il y avoit
même de grands motifs pour conserver cette propriété;
elle étoit à la bienséance du sieur de Boissieu, près de
ses autres possessions , et en augmentait la valeur. L e
domaine d ’ Orzi llac étoit «11 des premiers destinés ù la
vente; il restait dans les mains du sieur de Saint-Marcel :
par contrariété, le sieur Saint-M arcel veut vendre le
domaine de Chaspuzac. Déjà le nombre des ventes par
lui consenties se portait u trente-deux, toutes sans esti
m ation j plusieurs avec cession de -plus-value ; toutes sans
épingles; la plupart sans cause, sans nécessité, ¿1 crédit,
au comptant, sans jamais justifier de l’emploi; toutes sans
alliches, sans formalités quelconques, et à vil prix.
Les sieur et dame de Boissieu apprirent avec effroi que
le domaine de Chaspuzac allait encore leur échapper; ils
B
�furent instruits que les sieurs Soutcyran, père et fils, l’un
procureur, l’autre avocat, se présentoient pour acquérir.
L e 31 mars 1 7 9 1, les sieur et dame de Boissieu prirent
le parti de faire notifier vin acte extrajudiciaire aux sieurs
Souteyran, par lequel ils declarent « qu’etant venu à
« leur connoissance que les sieurs Souteyran étoient sur
« le point d’acheter le domaine de Cliaspuzac, ils leur
« dénoncent que la propriété leur appartient; qu’il ne
« dépend pas du sieur Saint-Marcel de les en dépouiller;
« que par les ventes qu’il a déjà faites, il a plus qu’ab« sorbé les réserves contenues dans leur contrat de ma« riage ; que par ce moyen , et autres à d é d u ire , ils
« entendent se conserver ce domaine ; qu’ils n’auront
« aucun égard à toutes les sûretés que les ckmes Sou« teyran pourroient prendre, et terminent par leur laisser
« copie du contrat de mariage de la dame Boissieu.»
Cette déclaration d’une mère de famille qui voit dis
siper sans nécessité le bien de ses enfans , auroit dû
arrêter des personnes délicates, surtout des hommes
d’affaires. Mais les sieurs Souteyran bravèrent l ’opposition
des sieur et dame de Boissieu, et ils n’en furent que plus
empressés de terminer. U o cca sio n (fun bon m a r c h é ,
et la facilité que donnoient alors les assignais pour les
payemens, les déterminèrent.
L e 2Ô octobre 1791? le sieur Brunei de Saint-Marcel,
excipant des clauses du contrat de mariage de
fille,
qui lui permettent de vendre le domaine de Cliaspuzac,
dépendant de son patrimoine, et autres immeubles y
désignés, pour payer scs dettes, acquitter 12000 francs
qui restent dûs de la dot faite à son autre fille Saint-
�J u lie n , el se retenir et disposer de 12000 francs par lui
réserves, vend au sieur Souteyran , ci-d eva n t procu
reur , et à la dame O b r ie r , son épouse, l’entière pro
priété de son domaine de Chaspuzae, deux petites rentes
en dépendantes. Cette vente est faite par le sieur SaiutM arcel, comme seigneur haut-justicier, avec les charges,
pour l’aven ir, de la taille et des dîmes (supprim ées
par la loi du 14 avril 1790 ).
Cette vente est faite moyennant zo ô o o f r . , et 600 fr.
pour épingles ; sur lequel prix la dame Saint-Julien
reçoit la somme de 12000 francs sans aucune garantie,
et les 9100 francs restans, le vendeur déclare les avoir
reçus à compte de sa ré s e rv e , ou autres hypothèques
par lui acquises sur les biens des sieur et dame de Boissieu, suivant l’état par lui tenu, subrogeant les acquéreurs
î\ tous ses droits.
L e sieur Saint-Marcel se félicite d’avoir si bien choisi
ses acquéreurs; ce sont, écrit-il à sa fille, des hommes
de loi, qui sauront bien se défendre, q u i vous mèneront
dur. Il mêle l’ironie à scs menaces; il t rouve plaisant que
son gendre, qui est attaqué de cécité, et ne peut avoir
aucune jouissance, soit encore assez téméraire pour se
plaindre des ventes que fait son beau-père.
Ces hommes de l o i , si fort vantés par le sieur SaintM arcel, ne voulurent pas lui donner le démenti. L e sur
lendemain de la vente, c’est-à-dire, le 27 octobre 1 7 9 1 ,
ils firent citer le sieur de Saint-M arcel, pour qu’il fût
tenu de faire valoir la vente qu’il leur avoit consentie,
et de (aire donner main-levée de l’opposition formée par
les sieur et dame de Boissieu.
B 2
�( 12 )
Les sieurs Souteyran étoient assez maladroits dans cette
démarche précipitée. C ’étoit reconnoître qu’ils avoient
acquis des droits litigieux , ce qui est rigoureusement
prohibé aux gens de loi. Mais tout se faisoit concurrem
ment avec le sieur Saint - Marcel. L e gendre du sieur
Souteyran devient l’avoué du vendeur ; on assigne les
sieur et dame de Boissieu en main-levée de leur oppo
sition; on fait joindre les deux demandes; et le jugement
de jonction est notifié aux sieur et dame de Boissieu le
30 janvier 1792.
L e 3 février suivant, on leur fait notifier i° . l’état des
ventes consenties tant par la dame Saint-Marcel que par
son m ari, conjointement ou séparément, depuis le con
trat de mariage des sieur et dame de Boissieu , du 8
juin 1762.
20. L ’état général des payemens faits par le sieur d e
S a in t-M a rce l, depuis le mariage du sieur de Boissieu,
pour f o r m e r Pemploi des sommes pro venantes des ventes*
faites depuis la même époque.
L e 5 mai 179 2, les sieur et dame de Boissieu signifient
aux sieurs Souteyran le contrat de mariage de la demoi
selle de Boissieu, leur fille, avec le sieur Sauzet de SaintClément, en date du 8 janvier 1792; et comme ce contrat
de mariage contient une donation universelle au profit
de la dame de Saint-Clément, les sieur et dame de Bois
sieu déclarent qu’ils n’ont plus d’intérét dans la cause,
qu’ils doivent être mis hors d’instance, et que les sieurs
Souteyi’an peuvent, s’ils le jugent à propos, diriger leurs
poursuites contre les sieur et dame de Saint-Clément.
O n profite bien vite de cet avis. L e 9 du m êm e mois,
�( 13 )
de mai, les sieur et dame de Saint-Clément sont appelés
en cause. On obtient contre e u x , par défaut, un juge
ment de jonction, le 30; il leur est notifié sous le nom
de leur aïeul, le 9 juin suivant, avec un mémoire expli
catif vraiment injurieux, et qu’on pourroit qualifier de
libelle, si on ne s’étoit servi du nom du grand-père.
En tôle de cette signification se trouvent deux pièces
bien essentielles au procès.
La première est un acte n o t a r i é , du 20 avril 1792,
par lequel les acquéreurs et le vendeur reconnoissent ne
s ’être pas conform és a u x clauses du contrat de mariage
des sieur et dame de Boissieu, lors de la vente du domaine
de Chaspuzac. Ils dérogent au prix exprimé dans cette
vente; ils conviennent mutuellement que la vente du
domaine de Chaspuzac sortira son plein et entier effet,
pour son prix et v a le u r , suivant l’estimation qui en
sera faite par le sieur R eco u les, exp ert, habitant de la ville du P u y , qu’ils ont amiablement nommé pour leur
expert commun. Ils le dispensent de toute formalité ,
de toute prestation de serment; ils s’obligent d ’acquiescer
à l’estimation qui sera faite à frais communs. Si elle
excède la somme de 21100 francs, portée p a r le contrat,
les acquéreurs rembourseront sans délai l’excédant au
sieur Saint - M a r c e l, qui promet à son tour de rendre
le m o in s , s’il y a lieu.
L a deuxième pièce est le procès verbal d’estimation du
sieur Recoules , du 14 mai 1792. O n voit par ce procès
verbal que le domaine de Chaspuzac se compose de
q u a tre-vin gt-sep t pièces d’immeubles : sou estimation
est portée à. la somme de 21427 fr. ; de sorte qu’il y a
�( H )
un accroissement de prix de 327 fr. Mais on remarqué
que l’expert a négligé d’estimer les bois pins, les arbres
enradiqués autour des héritages, les meubles, la maison
de la ferm e, etc. On voit au bas de ce rapport que les
acquéreurs et les vendeurs l’approuvent et le confirment
dans tout son contenu, et veulent qu’ il sorte son plein
et entier effet; et cette approbation, en date du 16 mai
1 79 2 , n’a pas même étéJ a lte double.
O n élague les incidens de procédure qui eurent lieu
depuis cette signification ; on se contentera d’observer
que le 18 mai 1793, intervint jugement qui appointe les
parties en droit : le procès fut distribué le 17. L à se ra
lentit l’ardeur des sieurs Souteyran. L e sieur de Boissieu
mourut le 6 ventôse an 5 : bientôt les sieur et dame de
S ain t-C lém en t apprennent que leur aïeul étoit circon
venu , et qu’on vouloit encore arracher à sa foiblesse les
derniers immeubles qui lui restoient. Ils prirent le parti
de le faire citer de nouv eau , ainsi que les sieurs Sou
teyran , devant le tribunal civil du P u y , le 28 messidor
an 6 , pour voir prononcer sur les conclusions déjà prises
ou à prendre , avec déclaration expresse faite au sieur
S a i n t - M a r c e l , que les sieur et dame Saint-Clément s’op
posent formellement à ce qu’aucune nouvelle vente soit
par lai consentie, et avec protestation de se pourvoir
par les voies dé droit contre toutes les ventes qui avoient
été faites par le passé, ou qui pourroient l’être à l’avenir.
L e sieur Souteyran père est décédé le 10 nivôse an 13 ;
le sieur de S ain t-M arcel , figé do quatre-vingt-dix-sept
fxns, est mort le 2 brumaire an 14.
L e lendem ain de son d é c è s, les scellés furent apposés
�sur ses meubles; il fut procédé à la rémotiou, et à l’in
ventaire du mobilier , le 6 du même m o is , et jours
suivans.
Cet inventaire prouve que le mobilier est réduit à un
état pitoyable ; que tout étoit à l’abandon , et dans un
état de dégradation absolue.
L a dame de Saint-Clément , sous l ’autorité de son
m ari, en sa qualité de donataire contractuelle de tous les
biens présens et à venir de la dame Françoise - Louise
Brunel-Saint-M arcel, sa m ère, mit un acte au greffe du
tribunal civil du Puy , par lequel elle déclare q u ’elle
s’en tenoit à la donation de biens présens faite à sa mère
par feu S a in t-M a rcel, son a ïe u l, dans son contrat de
mariage du 8 juin 1762 ; qu'elle renonce à tous biens
à v e n ir , et répudie la succession du sieur Saint-Marcel,
son aïeul.
Cette répudiation a été réitérée le 20 février 1806 ;
et le 2Ô mars suivant la dame de Saint-Clément et son
mari ont fait citer le sieur Souteyran, avocat, au bureau
do p a ix , pour se concilier sur la demande tendante à
la reprise et continuation de l’instance pendante entre
les parties, et à ce q u e , ayant égard à ce qui résulte des
actes y énoncés, et à la répudiation par elle faite des
biens à venir de son aieu l, pour s’en tenir à la donation
dotale faite à sa mère le 8 juin 1 7 6 2 , la vente du do
maine de Chaspuzac, cousentie par feu sieur Saint-Marcel
au sieur Souteyran , le 20 octobre 1 7 9 1 , soit déclarée
n u lle , comme faite a non d o m in o , pro non deb>to ,
par contravention formelle au contrat de mariage de la
dame de Boissieu, sa in è r e , et au mépris de l’acte d’op-
�( 16 )
position du 31 mars 1791 ; qu’en conséquence le sieur
Souteyran soit condamné à se désister du domaine de
Chaspuzae, à en restituer les jouissances ainsi que de
d ro it, etc. L e sieur Souteyran comparoît au bureau de
paix ; il s’étonne que la dame Saint-CLement veuille at
taquer la vente du domaine dont il s’agit ; il argue la
procédure de nullité ; il prétend que la dame SaintClément n’avoit rien à faire dans toutes ces demandes ;
qu’en vertu de l’art. i 54 g du Code Napoléon, le mari
seul avoit le droit de poursuivre les détenteurs des biens
dotaux de sa femme ; que celle-ci ne pouvoit figurer
au procès. Ce moyen étoit assez mal imaginé pour un
a vo cat, parce que le Code s’applique principalement à
l’administration, et que la présence de la femme ne
vicioit pas la p ro céd u re, dès que le mari étoit en qua
lité. Cependant le sieur de Saint-Clément, effrayé de cette
demande en nullité, peut-être parce qu’il plaidoit contre
un a v o c a t , a cru d e vo ir renouv el er la citation , inter
venir dans l’instance; ce qui a donné lieu à un nouveau
procès verbal du bureau de paix, où le sieur Souteyran
a répété ce qu’il avoit déjà dit. Il y a eu ensuite assi
gnation aux fins de la cédule; jugement qui donne acte
de l’intervention, et ordonne la reprise ; et enfin autre
jugement du 13 août 1806, qui a nommé pour cura
teur à la succession vacante du sieur Saint-M arcel, la
personne du sieur Belledent, avoué. Bientôt il s’est ouvert
une longue discussion sur les prétentions respectives des
parties.
Les sieur et dame Saint-Clément ont soutenu que la
vente du domaine de Chaspuzae, consentie au sieur
Souteyran,
�( 17 )
Souteyran, étoit nulle ; que l’aliénation avoit été faite
au préjudice des véritables propriétaires •, qu’elle avoit
eu lieu sans cause comme sans nécessité, en contraven
tion formelle aux clauses du contrat de m ariage, du 8
juin 1762; qu’elle avoit été l’effet du repentir, d’une
humeur injuste, de la haine, de l’intrigue et de la col
lusion.
L e sieur de Saint-Marcel avoit fait une donation uni
verselle en faveur de sa fille, sous la réserve de l’usu
fruit : s i , en attendant que cet usufruit f û t consolidé
à la propriété, les donateurs s’étoient reservé la faculté
de vendre certaine partie de leurs biens, ce ne pou voit
être que pour acquitter des dettes exigibles, après une
estimation préalable, et à la charge d’un emploi dont
il seroit justifié.
Il falloit suivre dans les ventes l’ordre établi par le
contrat.
L e domaine de Chaspuzac étoit le dernier objet qui
devoit être atteint : tout le reste d evoit être épuisé avant
à l’aliénation de cette propriété.
Cependant la vente est faite pour payer ¿\ la dame SaintJulien une somme qui ne concernoit pas le sieur de
q u ’on pût songer
Saint-Marcel : c’etoit la dame de Boissieu qui en étoit
tenue ; sa sœur ne pouvoit l’exiger qu’un an après le
décès du sieur Sain t-M arcel ; cette somme ne devoit
produire d’intérêt qu’à défaut de payement à l’époque
de l’exigibilité.
D ’un autre cô té, le surplus du prix de cette vente est
employé à payer une réserve qui, aux termes du contrat
de mariage, ne devoit être prise que sur les biens à venir.
C
�x<6 &
( «« )
Les ventes ne contenoient aucune délégation au profit
des créanciers ; la délégation étoit une des conditions
essentielles de la vente.
L es a c q u é r e u r s 'avoient donc interverti l’ordre prescrit
par le contrat de 1762. Us avoient acquis sans estima
tion , et à vil prix -, ils avoient reconnu le vice de leur
c o n tr at , puisque, par un acte postérieur, ils avoient
dérogé à toutes les clauses de la vente, et s’en étoient rap
portés à l ’estimation d’un tiers. Cette estimation , faite
sans form alité, erronée et partiale, auroit dû au moins
être contradictoire avec les donataires , et n’a été ap
prouvée entre les acquéreurs et le vendeur que par un
acte sous seing privé non fait double.
Les acquéreurs ont eu sous les yeux le contrat de ma
riage de 176 2; ils ont connu la nécessité et le mode de
l’emploi ; ils s’en sont écartés en connoissance de cause.
L e s acquéreurs ont su que le sieur de S a i n t - M a r c e l
avoit plus qu’absorbe, par ses aliénations, le montant
des dettes connues et énoncées dans l’ état joint au contrat
de 1762.
E n effet, suivant cet état, il étoit d û , i ° . au sieur de
Sain t-Julien , p ou r reste de la dot promise par son con
trat, la somme de douze m ille six cents fi\, nonobstant
la quittance insérée au mêm e a c te , ci. . . .
12600
2°. A Messieurs du chapitre de la cathé
drale du P u y , pnr billet du 28 décem bre
2000'
1 7 4 6 , deux m ille francs, c i ..........................
30. A u x dames religieuses de V a is , par
14600 fr.
�S Z q )
— '
14600 fr.
( i9 )
C i-co n tre....................
contrat du 1 0 .avril 1737., pareille somme
de deux mille francs , c i ................................
4 0. A u sieur Farense, prêtre, de Cliarantus, par contrat du 14 octobre 1733, deux
mille francs, c i ....................... ..........................
2000
2000
5 °. A u même sieur Saint-Julien, la somme ;[
de vingt-cinq, mille fr. énoncée payable a u x !
termes portés par son contrat de m ar ia g e,, ci.
6°. A u sieur de St.-M arcel, prêtre, frère
du donateur, . par billet sous, seing .p riv é ,
du 24 janvier. 1 7 3 8 , pour ses droits successifs paternels et maternels, la somme de
six mille francs, c i ...........................................
T
otal
..................................
.
25 ooo
•;
.
6000
49600 fr.
T e l est l’état annexé au contrat. A u bas sont ajoutés
ces mots :
« Nous soussignés , certifions que l’état ci-dessus est
« celui dont il a été fait mention dans le contrat de
« mariage de cejourd’l n i i , auquel nous offrons respec
te tivement de nous conformer.. Fait d o u b le , ce 8 juin
« 1762. » Suivent les signatures.
11 est dém ontré, d’après cet acte fait double, que les
donateurs ne pouvoient vendre aux conditions exprimées
au contrat, que jusqu’à concurrence i° . de la somme de
n e u f mille francs, payable au. sieur Boissieu dans un an,
9000 fr.
ci.................................................................................
a0. A u sieur Saint-Julien,, douze m ille_____ _
9000 fr.
G 3
�( 20 )
D e Vautre p a r t . . . .
9000 fi'.
six cents francs, c i ..................................................12600
3 0. Que le sieur S a i n t - J u l i e n n’a pu
exiger qu’une somme de dix mille francs
sur les 26000 francs promis l’annee d’après
la mort de la dame Saint-Marcel ; c’est-àdii’e, le 16 juin 178 5, attendu que la dame
Saint-Marcel est décédée le 16 juin 178 4 ,
ci.............................................................................
4 0. A u x chapitre et religieuses, quatre
10000
m ille fra n cs, c i ....................................................... "
4 000
5 °. A u sieur Farense, ou au sieur SaintM a rcel, prêtres, huit mille francs, ci. : ... ■ 8000
6°. Enfin, si l’on veu t, pour remplir la
réserve de 12000 francs que s’étoit faite les
donateurs, la somme de neuf mille francs,
ci.............................................................................
9000
On ne trouvera que la somme de cinquante-deux mille six cents francs, c i . . . .
52600 fr.
Jusqu’à concurrence de laquelle les donateurs avoient
la faculté de vendre, à la charge de l’estimation et de
l’emploi.
On a restreint ci - dessus la réserve de la somme de
12000 francs, à celle de 9000 francs; et il faut expliquer
la cause de cette réduction.
On n’a pas oublié que cette réserve de 12000 francs
ne devoit être prise que sur les biens à v e n ir , et subsidiairement seulement, sur les biens actuels, en cas de
besoin. O r , le 17 septembre 1 7 7 3 , lu dame Arcis a re-
�/£ /
( ÎI )
cueilli un legs de 3000 francs, de la part de la dame
P e y r e t, veuve C alm ard, par son testament mystique ,
du 5 février 1 7 7 3 , ce qui réduit bien évidemment la
réserve à 9000 francs ; de sorte que les donateurs ne
pouvoient donc rigoureusement aliéner que jusqu’à con
currence de 62600 francs.
Q u’on compare maintenant l’état des ventes qui ont
été faites depuis 176 2 , par les sieur et dame de SaintM arcel, conjointement ou séparément, et antérieurement
à la vente du domaine de Chaspuzac, on voit par l’état
des ventes, signifié le %fé v r ie r 179 2 , état infidèle dont
on a relevé les omissions avec exactitude,
i° . Une vente par la dame Saint-Marcel,
d’ un champ compris dans la donation , au
prix de sept cents francs, en faveur de Jean
Arnaud, le 27 juin, 176 2 , ci........................
700 fr.
20. A u tre vente de la même au m ême,
le 29 août 1762, au prix de cinq cent qua
rante francs, c i ...................................................
30. A u tre vente sous seing privé, par la
dite dame, en faveur de M . Raymont, prêtre,
le 16 octobre 1762, au prix de huit mille
francs, c i ..............................................................
N ota. Plus , une somme de deux cent
cinquante fr. pour épingles, ainsi qu’il est
prouvé au procès, ci........................................
540
8000
25 o
4». Antre vente de deux prés, par la dame
Saint-Marcel, en faveur de Marie Enjolras,
9490 fr.
�( 22 )
D e Vautre p a r t . . . . ...........
veuve Gallien, le 7 décembre 1762, au prix
de deux mille francs ( P i c h o t , notaire ) ,
................................................................................
5°. A u tre vente par la meme, à Claude
Bernard , le 25 avril 1763 , au prix de
six cents francs, c i ...........................................
6°. Vente par M . Saint-Marcel, au sieur
949 ° &’•
2000
600
B ru n ei, le 5 septembre 1 7 6 3 , au prix de
six cents francs, c i ...........................................
7°. A u tre vente par le sieur Saint-Marcel,
à un sieur V in cent, le 4 novembre 1763 ,
au prix de trois mille deux cents francs, ci.
8°. A u tre vente par M . Saint-Marcel, à
Jean V ianis, de plusieurs fonds à Farreiv o le s , le 11 décembre 1762 (V a le tte , no
taire ) ,
600
3200
au p r i x de q u a t r e - v i n g t - d i x - n e u f
francs, c i ..............................................................
90; A u tr e ,’ parde même au m êm e, d’un
cliezal, le i 5 mars 1763 (m êm e notaire ) ,
au prix de neuf francs, ci.............................
io °. A u tre , par le même au même, d’une
maison et grange à Farreivoles (même no— •
ta i r e ) , au prix de cent francs, c i ................
i l 0. A u tre vente par M . de Saint-Marcel,
à V idal Masson j ' i e 6 avril 1 7 6 4 , pour
seize cents fr a n c s , c i . ..........................................
12°. A u t r e ve n te par le m êm e, à J.-P îerro
99
9
• 100
i
6 oq-
17698 fr.
�( *3 ) r
C i-con tre.....................
B u r r e l, le 28 août 1 7 6 4 , avec cession de
toute plus-value, au prix de trois cents fr., •
ci.............................................................................
13 0. ^A u tre vente à Jean-Pierre Sicard,
le 11 mars 1765, pour trois cents francs, ci.
140. A u tre vente parle même, à Matthieu
R o u x , le 30 janvier 1 7 7 0 , pour six cent
cinquante francs, c i.........................................
1 5°. A u tre vente par les sieur et dame
SaintrMarcel, au sieur B ru n ei, le 21 avril
1765, pour sept cent cinquante francs, ci. .
160. A u tr e , par le sieur Saint-M arcel, A
Pierre R o c h e , le 10 décembre 1766, pour
trois cent quatre-vingt-quatorze francs, ci.
1 7 0. A u tr e , par le m ême, à Hyacinthe et
17698 fr
300
300
65 o
750
394
Marie R o u d il, le 7 mars 1 7 6 7 , pour quatre
cent quatre-vingts francs, c i ......... ................
180. A u t r e , par le sieur Saint-Marcel,. au
sieur B r u n e i , le 18 mars 176 7, au p r ix de
sept cents francs, c i ............................................
190. A u tre vente p rivée, par le m êm e,
480
700
le 23 mars 1768, a Jean-Pierre Pages, pour
quatorze cents francs, ci.................................
1400
20°. A u tre , à A n dré R o u x , du 13 novem
bre 1769, avec cession de plus-value, pour
cinq cent cinquante francs, ci............. .........
55o
2.1°. A u tr e , en faveur de la dame veuve
23222 fr
�u n s <
( 24 )
D e Vautre p a r t . . . ..............
B o u lh io l, le 23 décembre 1 7 7 °? au prix
de trois mille huit cents francs, c i ................
22°. A u t r e , à Matthieu A l y r o l , le 21
janvier 1 7 7 2 , pour quatre cent cinquante
francs, avec cession de plus-value, ci.........
230. Autre, au sieur Flori, du 30 septembre
1771 , au prix de trois mille francs, ci. . .
240. A u t r e , au profit du sieur SaintM arcel, curé d e l’Hôtel-Dieu, le 4 décembre
177 2 , pour sept mille huit cents francs, ci.
25 °. A u tr e , au sieur Chaumel, le 21 mars
1 7 7 3 , pour neuf cent cinquante francs, ci.
26°. A u t r e , à Louis B le u , le i er. dé
cembre 1 7 7 6 , pour quatre-vingt-seize f r . ,
ci.............................................................................
27°. A u t r e - v e n t e privée, au sieur F l o r i ,
23222 fr.
3800
..
4^0
3000
7800
950
96
le i or. décembre 1 7 8 1 , po ur quatoi’ze cents
francs, c i ..............................................................
28°. A utre, du 8 novembre 1782, au prix
de cinq mille six cents francs, c i ..................
29°. A u tre , du 19 avril 1786, pour quatre
cents francs , c i ..................................................
30°. Expédition du jardin de Vienne, par
le sieur Saint-Marcel, au sieur de Boissieu,
son gendre, le 28 mai 17 8 8 , pour trois
mille cinq cents francs, c i ..............................
31°. Délaissement de fonds par le sieur
1400
56 oo 400
3^00
5o2 i8 fr.
�( 25)
C i-co n tre.......................
5 o a i 8 fr.
St.-Marcel, en faveur du syndic de l’hôpital
du P u y , le 6 novembre 1782, au prix de
trois cents fr., avec promesse que les pauvres
assisteront à son d écès, ainsi qu’est d’ usnge
d’y assister lors du décès d’un bienfaiteur,
C1.............................................................................
3 2°- A u tre délaissement de fonds, par le
môme , en faveur du directeur de l’HôtelD ie u , le 9 février 1783, au prix de quatorze
cents francs, c i ..................................................
T
otal
...............................
300
1400
5 1 9 1 8 fr.
Qu’on ajoute les 3000 f r . , montant du legs fait à la
dame Saint-M arcel, le 5 février 1 7 7 3 , et recueilli le 1 7 3 ^
décembre suivant, l ’on verra qu’il y avoit entre les mains
u u d z.
~
du sieur de Saint-Marcel, -£^918 fr. pour faire face aux 'ir o h x i— £ ^ ,
dettes exigibles de son vivant^
OÜ%Par quel inconcevable caprice le sieur Saint-Marcel
a-t-il donc vendu le domaine de Chaspuzac ? L e sieur
Souteyran, sous le nom du sieur Saint-M arcel, voulut
justifier cette vente, en donnant un état des prétendus
payemens faits par le sieur S a in t-M a rce l, et qu’il fait
porter à la somme de 76619 fr. ; de sorte que même en
ajoutant le prix de la vente de Chaspuzac, le sieur SaintMarcel se trouveroit encore en avance.
Mais de quel droit le sieur Saint-Marcel se seroit-il
permis de payer des prétendues dettes non comprises en
l’état fait double entre son gendre et lui ? d’un autre côté,
com m ent ces payemens sont-ils justifiés? la plupart par
D
�*
(» 6 )
des quittance? SQUS seing p r i v é , qui n’annoncent que des
dettes fictives ou des dettes postérieures au contrat ; par
des remboursemens de capitaux aliénés ù titre de rentes
constituées avec toutes l'etenues ; dettes qui ne pouvoient
exiger l’aliénation des immeubles. Ce seroit de la part
du sieur de Saint-Marcel la plus mauvaise administra
tion, s’il eût été propriétaire : c’est un mandataire infi
dèle , qui a excédé ou abusé de son mandat, dès qu’il
n’avoit qu’ un titre précaire.
D e v o it- il encore aliéner des immeubles pour rem
bourser à la dame Saint-Julien , sa fille , un capital qui
ne produisoit aucun in té rê t, qui n’étoit exigible qu’un
an après son décès, qui par conséquent n’étoit pas sa
dette personnelle? C ’est à sa fille de Boissieu qu’il devoit
laisser ce soin ; c’est elle seule qui étoit chargée de ce
remboursement.
L e sieur de Saint-Marcel étoit d’autant moins excusable,
qu’indépendiunment des sommes provenues des ventes
multipliées qu’il a faites, il avoit encore tous les effets,
meubles et bijoux de la dame A r c i s , son épouse, qui
avoit joui de ses biens a ven tifs considérables, puisqu’elle
avoit recueilli la succession de la dame Bossolade, sa
m è re , et de deux oncles. L e sieur de S a in t-M a rc e l ne
s’étoit-il pas réservé encore ses contrats, les arrérages
des renies, des baux de ferme, toutes ses dettes actives?
N ’étoit-il pas plus naturel d’utiliser ces objets , de les
vendre, et en employer le prix à l’acquittement des dettes?
Toutes ces circonstances établissoient que la vente du
domaine de Clinspuzac avoil été faite sans nécessité comme
sans caïue; qu’elle ctoit Je fruit de l ’intrigue, de la pré-
�( 27 )
vention et de l’artifice ; qu’elle avoit été consentie pav
une personne incapable ; que dès-lors elle devoit êtrê
déclarée nulle.
Les sieur et dame Saint-Clément donnoient une nou
velle force à ces moyens, en argumentant de la vilité du
prix de cette vente. Cette vilité est démontrée par les
baux de ferme. O n voit en effet que ce domaine étoit
affermé sous la réserve«du bâtiment du m aître, de tous
les bois p in s , de toutes les plantations qui sont autour
des propriétés, et du verger qui environne lés bâtimens,
mo37ennant 5oo francs argent, vingt-deux setiers seigle,
de seize cartons le setier; quatre setiers o rg e , même
mesure; huit cartons de pois blancs, cinquante livres
beurre, et cinquante livres de fromage, quatre paires de
chapons, dix-huit livres chanvre, deux charges de raves,
d’une charge pommes de terre, le tout portable au P u y ;
dix journés de b œ u fs, la moitié de la tonte des a rb re s,
tous les plançons à planter par le ferm ier, le chauffage
ù la v ill e et î\ la campagne.
Si on ajoute qu’à l’époque de la vente la dîine étoit
su pprim ée, on verra qu’un domaine qui rapporte plus
de 2000 francs de revenus n’a été vendu, le 21 octobre
1 7 9 1 , que 21100 fr. assignats, n’a été estimé, le 14 mai
1 7 9 2 , qu’ une somme de 21427 fr. assignats, q u i, d’après
l’ échelle du temps, donne la somme de 14784 liv. 12 sous
en numéraire.
D ’après ces détails, ilsembloit que la’ nullité de là vente
ne pouvoit faire la matière d’ un doute : cependant la
cause portée à l’audience du tribunal du P i i y , le 12
mai 1807 ? Ie3 sieur et dame S a i n t - C l é m e n t ont sucD 2
�( *8 )
combe. Il est indispensable de connoître les motifs et
le dispositif de ce jugement. Les premiers juges posent
trois questions.
i° . L e sieur de Saint-Marcel a-t-il été autorisé, en exé
cution des clauses insérées au contrat de mariage des sieur
et dame de Boissieu, à vendre le domaine de Chaspuzac?
2,0. L ’opposition faite de la part des mariés de Boissieu
et Saint-Marcel peut-elle être considérée comme un moyen
suffisant pour opérer l’annullation de la vente?
3°. Cette vente peut-elle être considérée comme faite
à vil p r i x , en ce qu’elle n’a pas été précédée d’ une
estimation contradictoire avec les parties intéressées; et,
sous ce l’app ort, doit-elle être déclarée n u lle ?
« Attendu qu’il résulte des clauses insérées au contrat
« de mariage du sieur Salvaing de Boissieu , et de dame'
a Marie-Françoise-Louise de Saint-Marcel, qu’il fut con« venu entre les parties contractantes , que le sieur do
« S ai n t - M ar c e l et son é p o u s é , donateurs , aïeuls des de« mandeurs , auroient la faculté de vendre les domaines,
« champs et vignes spécifiés au contrat de m ariage,
« parmi lesquels se trouve compris le domaine de Clias« puzac , vendu au sieur Souteyran ,
o i°. P o u r le piyeinent de la somme de 9000 francs,
« restée due au s:eur de Boissieu, pour la constitution
« de dot de son épouse; 20. pour la somme de 12600 fr.
« du premier payement de la dot de la dame Saint« J u lie n , outre ceux qui écherront à l’avenir; 30. pour
« les autres dettes passives des donateurs; 40. pour lu
« réserve de 12000 francs faite par les donateurs, à
a la chnrge que les ventes seroient faites ù leur juste
�( 29 )
cc valeur et sur le pied de l’estimation ; à la charge encore
« d’en rapporter un légitime emploi., de conformité à
«l’état connu des parties;
« Attendu qu’il est indifférent que le domaine de
« Chaspuzac ait été rappelé le dernier des objets à
c< vendre, puisqu’on n’a voit pas obligé les donateurs à ne
« l’aliéner qu’après avoir épuisé les autres héritages rap« pelés en ordre antérieurement ; qu’il étoit par consé« quent libre h ces derniers de vendre le domaine conten
te tieux avant les autres objets dont l’aliénation étoit
« autorisée ;
« Attendu qu’il résulte de la combinaison des clauses
« insérées au contrat de mariage, avec l’état connu des
« parties dont il y est fait m en tion, que les donateurs
« pouvoient aliéner des biens dépendans de leur patri« m o in e, jusqu’à concurrence, i°. d’une somme de
« 49600 fr. ; 20. de celle de 9000 francs, pour reste de la
» « dot de la dame de Boissieu; 30. de celle de 1200 fr.
« p o u r la réserve stipulée par les donateui*s; 4 0. enfin
« p o u r la somme de 4000 francs additionnée à PefFet
« connu des parties, a in si que les demandeurs en
« conviennent ,*
.« Que ces diverses sommes s’élèvent à celle de 74600 fr.
« Attendu que d’après les états produits des ventes,
« le prix total d’icelles ne s’élevoit pas, lors de la vente
v. de Chaspuzac, à beaucoup près, à la susdite somme
« de 74600 francs; que dès-lors , on exécution du contrat
«
«
«
«
de m ariage, les donateurs ou l’un deux étoient autorisés ;\ vendre le domaine contentieux , pour parvenir
an payement des dettes dont étoient grevés les biens par
eux donnés ; qu’en supposant qu’après les dettes payées,
�«
a
«
Ô° )
il se fût trouvé de l’excédant, la vente du domaine
n’en seroit pas moins valable, puisque les vendeurs
n’auroient été obligés que d’en faire un e m p lo i, ou
de placer cet excédant en mains sûres, du consentement des donataires ;
« Attendu qu’on ne peut pas soutenir raisonnablement
que les sieur et dame Sain t-M arcel ne fussent autorisés à anticiper les termes de la dot de la dame de
Saint-Julien , puisqu’il résulte tant du contrat de mariage que de l ’état y m en tio n n é, qu’il étoit libre aux
donateurs de vendre jusqu’à concurrence de 25 ooo fr.
qu’ils restoient devoir pour cet o b jet, et qu’on ne
les avoit restreints par aucune clause prohibitive dans
ce même contrat, à attendre l’échéance de tous les
termes de la constitution de dot ;
« Attendu q u’il seroit également injuste de prétendre
qu’il devoit se faire une compensation du pr oduit des
ventes des biens de la dame de Saint-M arcel, faites
par son mari antérieurement au contrat de mariage
a
cc
«
«
des sieur et dame de Boissieu, avec la réserve stipulée au contrat d’une somme de 12000 francs puisqu’il
résulte de l’esprit et de la lettre de ce dernier contrat
que les donateurs avoient entendu n’etre pas recherchés
cf
«
«
oc
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
a à raison desdites ventes par les donataires.
« En ce qui touche l’opposition faite par les mariés
« de Boissieu et Saint-Marcel, envers lu vente du domaine
« de Chnspuzac ;
« Attendu q u ’étant établi q u e le sieur de S a in t-M a rc e l
a étoit suffisam m ent autorisé à v e n d r e le d o m a in e c o n -
« t e n t i e u x , et q u ’à l ’é p o q u e de la v e n te les dettes d é « cla ré es tant dans le co n tra t d e m a ria g e q u e dans l ’état
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( 31 )
y énoncé, n’étant pas entièrement payées, on doit nécessairement convenir que l’opposition dont il s’agit
ne devoit pas arrêter la vente du dom aine, et qu’ainsi
cette opposition ne sauroit être un motif suffisant pour
constituer l’acquéreur en mauvaise f o i , et opérer la
nullité de la vente.
« E n ce qui touche le moyen de nullité proposé sur
la vilité du prix de la ven te, et du défaut de l’estimation préalable faite contradictoirement de l’objet
dont il s’agit;
« Attendu qu’en supposant qu’il y eût de l’irrégularite quant au défaut d’estimation, et que la vente eût
été faite à vil p rix, ces deux circonstances ne sauroient
en faire prononcer la nullité; que les demandeurs ne
pourroient tout au plus qu’être reçus à faire procéder
à une nouvelle estimation , eu égard à la valeur de
« l’objet vendu à l’époque du contrat de v e n t e , pour
« en réclamer l’excédant, si toutefois il étoit établi qu’il
« n’a pas été vend u h sa juste valeur.
« D ’après ces motifs , le t r i b u n a l , faisant droit nux
« conclusions prises par M e. Souteyran, sans avoir égard
« à celles prises par les demandeurs, non plus qu’à l’op« position faite par les sieur et dame de Boissieu, à la
« vente du domaine de Chaspuzac, les a démis de leur
« demande en nullité de la vente par fin de uon-valoir;
« ce faisant, a maintenu M<-\ Souteyran dans la propriété
« et jouissance du susdit domaine; demeurant néanmoins
« réservé aux sieur et dame de Saint-Clément de faire
« procéder, si bon leur semble, à leurs frais avancés,
« à l’estimation du susdit domaine, eu égard î\ sa valeur
�( 32 )
« à l’époq ue du contrat de v e n t e , et ce par experts c o n « venus ou pris d’office : les condamne en tous les dépens
« tant envers le sieur Souteyran q u ’envers le curateur à
« l ’hoirie vacante. »
Cette rédaction n’est pas un effort de g é n i e ; elle est
un tissu d ’erreurs et d’absurdités. L e s sieur et dame de
S a i n t - C l é m e n t n’ont pas hésité à en interjeter appel. Ils
v o n t démont rer que ce j ugement a tout à la fois consacré
l’injustice, et violé les principes les plus connus.
C ’est dans le contrat du 8 juin 1762 qu’ il faut chercher
la solution des questions à juger. Les premiers juges disent
qu’ils en ont combiné les clauses , qu’ils ont apprécié
Tespi'it et la lettre de ce contrat, et que le résultat est
tout en faveur du sieur Souteyran. Il s’agit donc d’analiser
cet acte, qui ne laisse point de louche dans son interpré
tation.
Il contient d’abord une donation entre-vifs, irrévocable
et dotale , au profit de la dame de Boissieu , de tous les
biens meubles et immeubles, présens et à v en ir, des sieur
et dame $aint-M arcel, donateurs.
Cette donation emporte dessaisissement actuel de tous
les biens présen s, puisqu’elle est accompagnée de la tra
dition la plus ordinaire, la réserve de Vusufruit au profit
des donateurs.
A la vérité , elle est tout à la fois de biens présens
et à v e n ir, ce qui nécessite la survie du donataire pour
en calculer les effets, mais n’emporte pas moins la tra
dition de tous les biens présens ; puisque le donataire,
comme on le sait, a le droit d’abdiquer à la mort du
donateur les biens à v e n ir , pour s’en tenir aux biens
présens,
Au
�( 33 )
A u moyen de cette abdication, le donataire a le droit
de conserver la propriété de tous les biens qui existaient
lors de la donation, sans autre charge que de payer les
dettes antérieures à cette même donation.
Tels sont les principes certains en cette matière, con
sacrés par l’ordonnance de 1731.
Les sieur et dame de Saint-Clém ent, par représen
tation de la dame de Boissieu , leur m ère, ont déclaré ,
au moment de l’ouverture de la succession du sieur SaintM a rc e l, qu’ils abdiquoient les biens à v e n ir , pour s’en
tenir aux biens présens : les voilà donc irrévocablement
propriétaires de tous les biens qui existoient le 8 juin 1762.
Il est vrai que lors de ce contrat de mariage les dona
teurs se sont réservé, nonobstant la donation, la faculté
de vendre certains biens qui en faisoient partie.
Mais cette faculté exorbitante est subordonnée à des
conditions et à des causes disertement exp rim ées, et dont
il étoit impossible de s’écarter : dicta lex est contraclui.
Dans un contrat de mariage , tout est à l’avantage des
é p o u x ; tout doit être largement et libéralement inter
prété pour eux : le père lui-même est présumé s’être
conduit avec des intentions libérales pour l’avantage de
ses enfans ; et tout ce qu’il a fait ou voulu faire est
toujours censé en leur faveur.
Les conditions apposées à la vente 11e sont pas des
conditions potestatiçes, elles sont irritantes. On ne peut
séparer la faculté de la condition; l’une ne peut subsister
sans l’autre. Tels sont encore les principes généraux.
O r , peut-on dire que la faculté de vendre, réservée
dans le contrat de mariage de la dame de Boissieu, soit
E
�( 34 )
une faculté absolue et illimitée ? N ’est-il pas évident,
au contraire , qu’elle est restreinte à un objet prévu ,
passé ou présent, c’e s t - à - d i r e , le payement des dettes
contractées antérieurement à la donation, et qui existoient
alors ? Dans ce cas, l’événement ou la cause étant déter
miné , la condition en est inséparable ; elle anéantit ou
fait subsister la faculté , sans qu’elle puisse être étendue
d’un cas à un autre. Conditio in prœteritum non tantum
in prœsens tempus rela ta , statim aut peremit obligatio n em , aut om nino non diJJ'ert. L . 100, ff. IDe verb.
obligat.
Eu effet, les sieur et dame de Saint-Marcel ne se ré
servent la faculté de vendre que pour certains objets :
i° . pour le payement de la somme de 9000 francs , qui
faisoit le complément de l’avancement d’hoirie de la
dame de Boissieu ; 20. pour la somme de 12600 fr. due
à la dame de Saint-Julien, et pour acquitter les autres
dettes passives des donateurs.
Si le montant de ces dettes passives n’est pas exprimé
au contrat, c’est parce qu’il est dit et répété que cet état
est connu des parties. On voit en effet que le même
jour cet état a été donné au sieur de Boissieu, et que
les père et mère ont certifié qu’ il étoit le même que celui
dont il a été fait mention dans le contrat de mariage,
et auquel on s'oblige de se conform er.
Si les père et mère, en se réservant la faculté de vendre
p o u r acquitter le premier terme de la dot de la dame
Saint-Julien , ont ajouté ces mots
: Outre ret/x qui écher
ront (i fa ^ e n tr , ils n’ont pu nécessairement entendre
que le prem ier terme qui devoit é choir un an après la
�( 35 )
mort du premier d’eutr’e u x , c’cst-à-dire, 10000 francs :
il est impossible qu’ils aient eu en vue celui qui ne devoit
être payé qu’après le décès du survivant. Cependant on
v o it, dans l’état annexé a u ’contrat, qu’ils y ont compris
ces deux termes; e t, malgré cette cumulation, l’état des
dettes ne se porte qu’à 49600 francs.
Ce seroit donc donner une grande latitude à la faculté
reservée, que d’autoriser les ventes jusqu’à concurrence
de 49600 francs, en les employant à l’acquittement de
ces dettes connues.
Mais encore à quelle condition devoient être faites ces
ventes ? Suivant le co n trat, on ne pouvoit les faire
qu’avec délégation aux créanciers; et la plupart des ventes
ne contiennent aucune délégation.
Les sieur et dame de Saint-Marcel ne pouvoient vendre
les immeubles qu’à leur juste valeur, et sur le pied de
l’estimation : partout il y a vilité de p r ix , et jamais on
11’a pris la précaution de faire estimer.
L e s donateurs devoient rajîporler un légitime e m p l o i ,
de conformité ¿1 l’état connu des parties, et aucun acqué
reur n’a veillé à cet emploi,
La première somme qui devoit être acquittée étoit
celle de 9000 francs, servant à compléter l’avancement
d’hoirie de 20000 francs, constitué à la dame de Boissieu ; et le sieur de Boissieu n’a jamais reçu cette somme;
il n’a touché sur celle de 20000 francs r constituée en
avancement d’h o ir ie , qu’ une somme de 12000 francs ,
en payemens morcelés, o u , comme il le d it, et comme
le père en convient dans ses lettres, à parties brisées.
Dans le contrat ou désigne par ordre les immeubles
E 2
�qui doivent être vendus. L e domaine de Chaspuzac est
le dernier qui peut l’être : il faut épuiser tous les autres
avant d’en venir à celui-ci ; et cependant il a été vendu,
tandis que les autres, notamment Orzillac, , un des pre
miers désignés, est encore existant dans la succession.
Les premiers juges, à la vérité, sont peu touchés de
cette circonstance. Peu im porte, disent-ils , que C hasp uza c soit le premier ou le dernier-, il auroit fallu une
prohibition expresse d’aliéner celui-là avant les autres;
et comme il n’existe pas de clause de ce g e n re , le sieur
de Saint-Marcel a pu faire comme il lui a plu.
C ’est étrangement raisonner. H n’y a rien d’inutile dans
un contrat de mariage. N ’est-il pas raisonnable de penser
que lorsque les donateurs se sont réservé la faculté de
v e n d r e , ils ont dû d’abord penser aux objets les moins
importans et les moins précieux? E t ils ont bien claire
ment stipulé que le domaine de C h a s p u z a c ne pourroit
être v en d u que le dernier , par ces expressions limita
tives, et finalem ent : ce qui veut dire, en bon français,
qu’une chose doit être faite avant l’autre; c’e s t-à -d ir e ,
que les pi’emicrs immeubles désignés doivent être épuisés
avant d’en venir au dernier.
E n un m o t, les père et mère donateurs n’avoient plus
sur les biens donnés qu’un titre précaire : s’ils en conservoient l’administration par leur réserve d’usufruit, ils
ne pou voient plus en disposer à titre gratuit.
S’ ils sc sont réservé la faculté de vendre une portion
de ces biens don n és, ils se sont imposé des conditions
dont ils n’ont pu s’écarter. Ils ne pouvoient aggraver la
condition des donataires, sans manquer à la foi promise.
�,
,
J $ T
( 37 )
U
Ils sont devenus de simples mandataires, les procureurs
constitués de leur iille, et ont dû se renfermer dans leur
mandat. Personne n’ignore que le mandataire qui a ex
cédé ses pouvoirs, ne peut engager le mandant : la loi 10,
au cod. D e p ro cu r, en a une disposition expresse.
Quelle étoit la charge des mandataires ? Ils devoient
vendre pour cause légitime ; ils devoient déléguer le prix
des ventes aux créanciers connus ; ils devoient faire un
emploi des deniers ; ils devoient vendre les immeubles
à leur juste valeur, et sur le prix de l’estimation. Toutes
les ventes sont faites sans délégation, sans em ploi, sans
estimation ; donc toutes les ventes sont nulles.
Celle consentie au sieur Souteyran a des circonstances
particulières auxquelles l’acquéreur ne peut échapper.
Il a connu le vice de sou acquisition ; il a été averti de
l ’incapacité du vendeur; il a acheté sciemment u n p ro cès;
comment p o u r r o it-il donc résister à l j demande en
nullité ?
11 faut se rappeler que les sieur et dame de Boissieu avoient été prévenus des manœuvres pratiquées auprès
du sieur de Saint-Marcel par le sieur Souteyran p è re ,
pour se faire vendre le domaine de Chaspuzac.
Les sieur et dame de Boissieu, pour l’é v ite r , firent
notifier une opposition au sieur Souteyran, le 31 mars
1 7 9 1 , et lui donnèrent copie du contrat de mariage, du
8 juin 1762 , qui étoit le pacte (le famille.
Par cette notification, les sieur et dame de Boissieu
apprenoient au sieur Souteyran que le sieur Saint-Marcel
étoit dans l’incapacité d’aliéner ; qu’il avoit épuisé la
�quotité permise ou réservée, et que désormais toute vente
par lui consentie seroit absolument nulle.
La première idée que devoit faire naître cette décla
ration, surtout à un homme d’aflaires, étoit d’abandonner
tout projet d’acquisition.
En effet, c’étoit acquérir un procès; c’étoit entrer en
litige sur le fo n d du d ro it, puisqu’on contestoit la capa
cité du vendeur.
A u m oins, si on ne vouloit pas acheter de procès,
devoit-on, avant tout, faire statuer sur l’opposition qui
avoit été formée par le sieur de Boissieu : les tribunaux
en auroient apprécié le mérite. C ’étoit un procès de fa
m ille, une discussion qui nécessitoit l’examen des droits
du sieur de S ain t-M arcel, de l’état des ventes par lui
faites, des dettes par lui payées; en un m o t, des affaires
les plus secrètes de l’intérieur de cette famille, dans les
quelles le sieur Souteyran ne devoit pas pénétrei*.
Mais c e l u i - c i croit p o uv o ir tout braver. U n procu
reur qui a de l’empire sur son clie n t, le détermine à lui
vendre, pour avoir le droit de plaider le surlendemain,
et d’ entamer un procès qui dure depuis cette vente. Aussi
voit-on le plaisir qu’avoit le sieur Saint-Marcel d’avoir
si bien choisi son acquéreur. Par une première lettre
du 27 octobre 1791 j lu père écrit à sa fille qu’ il a dé
pouillée deux jours auparavant , q u 'il lu i se ra J b rt aisé
de f a i r e valoir cette vente.
Plusieurs lettres ensuite, des 5 , 9 , 19 , et jours suivans
du mois de novem bre, portent « qu’il a fait cette vente
« pour se libérer envers sa fille d’ une somme de 12000 f . ,
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( 39 )
quoique non payable qu après l u i , qu’il a bien voulu
gratuitem ent lui payer, parce q i i i l lu i a plu a in si ;
que sa fille et son gendre se souviennent qu’ils auront
affaire à un hom m e de loi entendu, q u i saura bien
donner au contrat de vente toute l’authenticité et
valeur qu’il mérite.
Dans une autre il écrit que « les sieur et dame de
Boissieu auront affaire à un homme de loi q u i les
mènera dur • que de son côté il a tant de moyens
de faire repentir M. de Boissieu de tout ce qu’il a osé
e n t r e p r e n d r e , qu’il en sera toujours la dupe., et en
payera la façon. »
L e sieur Souteyran donne bientôt cette satisfaction à
son vendeur, puisque le surlendemain il assigne le sieur
de Saint-Marcel pour faire valoir la v e n te , donne son
gendre pour avoué au sieur de Saint-Marcel, et fait mettre
en cause les sieur et dame Boissieu.
Mais cet homme de l o i , qui devoit si bien savoir son
m é t i e r , qui d e vo it donner à cette vente une s i grajide
a u th e n tic ité et v a le u r , qui avoit sous les y e u x le contrat
de mariage de 1 7 6 2 , s’aperçoit cependant qu’il ne s’est
pas conformé aux clauses du contrat, et que la vente est
nulle.
Il croit réparer sa faute en dérogeant à cettc vente
par un acte postérieur, et en faisant estimer pour la forme
le domaine qu’il venoit d’acquérir. Mais s’il savoit si
bien son m étier, comment ri’a-t-il pas vu que cette esti
mation devoit être contradictoire avec les sieur et dume
B o i s s i e u ; qu’elle ne pouvoit être faite amiablemeut, sans
form alité, et par un seul expert. O u ne voit là que ma-
�( 40 }
ladresse , embarras d’un homme incertain , comme on
l ’est toujours quand on achète un procès ; et le sieur
Souteyran a évidemment trompé le sieur de Saint-Marcel
dans son attente.
Cet homme de loi si instruit croit justifier d’un emploi,
en payant à la dame de Saint-Julien une somme qui ne
lui étoit pas due ; en faisant porter le surplus du p rix
sur une réserve qui ne devoit être prise que sur les
biens à venir ,* et il étoit échu des biens depuis la do
nation, notamment le legs de 3000 fr. de la dame veuve
Calmar/
Cet homme de lo i ne s’est pas dissimulé le vice de
son acquisition, puisqu’il a essayé de le réparer : il
s’est jugé luï-même; comment donc pourroit-il échapper
à la nullité ?
Il étoit homme de loi ; le sieur de Saint-Marcol étoit
son client ; il a acquis un procès : il y avoit contestation
sur le f o n d du droit, puisqu’ on altaquoit la capacité
du vendeur. La chose étoit donc litigieuse, d’après l’art.
1700 du Code N ap oléon , qui ne fait, en ce p o in t,
que rappeler les anciens principes. L e sieur Souleyran
n’a donc pu acquérir ; sa vente est réprouvée par les
lois anciennes et nouvelles. Les lois V e r diversas mettent
au dernier rang de la société ceux qui achètent des procès;
l ’article '54 de l’ordonnance de i 56 o défend à tous juges,
avocats, procureurs, d’en acquérir. Cette prohibition est
renouvelée par l’article 1697 du Code Napoléon. Et
ce n’est point ici le cas d’une subrogation ; c’est un vice
radical, qui entraîne la nullité de la vente : il y a incapa
cité absolue de la part de l’acquéreur.
fl,
Le
�41
L e sieur Soutcyran ne justifiera jamais cette acquisition.
Quels sont en effet les moyens qu’if a proposés pour
sa défense ? On les trouve répétés dans fes motifs du
jugem ent, qui fes a adoptés dans feur entier.
Il prétend, i ° . que les père et m ère, lors du contrat
de mariage de 1762 , stipufèrent la faculté de vendre et
aliéner les immeubles y désignés, parmi lesquels on trouve
le domaine de C haspuzac ,* il en tire la conséquence
que la propriété de cet immeuble ne quitta jamais le
donateur; et si le sieur de S a in t-M a rce l avoit ju s in
re , pourquoi le sieur Souteyran père n’auroit-il pas
acquis?
L e sieur Souteyran , en proposant ce moyen , 11e s’aper
çoit pas qu’il commet une erreur évidente. La donation
portée au contrat de mariage de 1762 est universelle; les
donateurs ne se réservent que l’usufruit, ce qui est une
tradition feinte qui emporte le dessaisissement de la pro
priété : et si les donateurs conservent la faculté d’aliéner
certains immeubles, ce n’est que comme mandataires de
leur fille , et en remplissant toutes les conditions q u ’ils
se sont imposées.
L e sieur Souteyran rit de l’opposition qui a précédé
la vente ; il trouve plaisant que les appelans aient la
prétention de penser qu’avant d’acquérir le domaine de
Chaspuzac il auroit fallu faire statuer sur l’opposition :
le sieur Souteyran ne trouve aucune loi qui l’y ait obligé.
Il semble cependant que la loi se trou voit dans le contrat
même qu’il avoit sous les yeu x; qu’ un donataire universel
a le droit de s’opposer ¿\ ce qu’on vende les objets qui
fout partie de la donation. L e contrat fait la loi dos parties :
F
�(
4 0
.
dicta lex est contractui. S’il restoit des dettes à acquitter,
le sieur de Boissieu n’avoit-il pas le droit d’arrêter les
ventes, en offrant de payer les dettes ? Son opposition
avoit pour objet de prouver qu’il n’existoit pas de dettes,
et que la faculté de vendre, réservée par le contrat, étoit
absorbée.
L e sieur Souteyran répond à cet argument, en disant
que M . de Boissieu s’appeloit Monsieur court d'argent;
qu’il avoit été obligé de stipuler dans son contrat la
permission honteuse d’aliéner des immeubles de son
épouse ; que lui Souteyran avoit prêté 3000 francs au
sieur de Boissieu, en 178 5 , et avoit été obligé de lui
envoyer les huissiers.
Ce n’est là qu’ une grossièreté qui ne répond ni au
point de fa it, ni au point de droit. Tous les jours on
voit dans les contrats de semblables permissions d’aliéner,
sans qu’on ait jamais regardé des clauses de ce genre
c omme honteuses. Elles sont plutôt des clauses de con
venance , pour faciliter des rCviremens de fortune , et
annoncent au contraire une grande confiance dans la
solvabilité du m ari.
L e sieur Souteyran veut prouver la légitimité de cette
vente, par l’état des ventes précédentes, et des payemens
qui ont été faits par le sieur de Saint-Marcel. Mais 011
a vu au contraire, par ces états, que le sieur de SaintMarcel avoit abusé de la permission , et excédé son
mandat, p u i s q u ’ il avoit vendu au-delà des sommes portées
en l'état donné au sieur de Boissieu, le jour du mariage;
état qui se réfère au contrat , et ne fait qu’un seul et
même acte.
�( 43 )
L e sieur Souteyran approuve le sieur de Saint-Marcel
cl’avoir anticipé le payement de la dame de Saint-Julien,
comme d’avoir pris les 12000 francs de s& réserve. L e
contrat lui en donnoit le droit; et s’il avoit pris un terme
avec la dame de Saint-Julien , c’étoit un avantage qui
lui étoit personnel ; il étoit le maître d’en user sans que
la dame de Boissieu pût s’en plaindre. Mais comment
accorder cette proposition avec ce qui est exprimé dans
l’état, que la somme de z 5ooo francs due à la dame de
Saint-Julien , est payable a u x termes portés p ar son
contrat de mariage. Telle est la loi de9 parties. Il ne
pouvait y avoir qu’uiï seul terme exigible, c’étoit celui
payable un an après le décès du premier mourant. Ce
terme étoit écliu depuis le 16 juin 1786; il étoit payé
depuis le mois de novembre 1784, ainsi que la quittancé
en fait foi : le payement du surplus, fait à la dame de
Saint-Julien , n’a donc pas été une cause légitime de
vente , ni un légitime em ploi?
I>a réserve ne de voit être prise que sur les biens à
venir, et il en étoit écliu de cette nature : 011 ne pouvoit
donc vendre pour cet o b jet, sans avoir épuisé les pr e
miers. D ’un autre côté, le sieur de Saint-Marcel avoit
déjà employé sur cette réserve, partie du prix du jardin
de V ie n n e , qu’il avoit délaissé à son gendre : il l’avoit
ainsi exigé. Comment donc a-t-il pu vendre ainsi pour cet
objet ? En vain le sieur Souteyran diroit-il que le sieur
Saint-Marcel s’étoit réservé là faculté de disposer de cette
somme, tant à la vie qu’à la mort : en vain accuseroit-il
les appelans d’avoir tronqué cette clause du contrat,
quoiqu’ils aient fait imprimer le contrat eu entier. Une
�■?'
C 44 3
disposition gratuite ne s’entend ordinairement que pour
avoir effet après la mort. Auroit-elle dû avoir effet pendant
la v i e ,; q u e le sieur de Saint-Marcel devoit, dans tous
les cas, épuiser les biens à venir échus avant la dona
tion ; et c’est ce qu’il n’a pas fait.
L e sieur Souteyran prétend que les appelans usent dô
la chicane la plus ra jin ée, en soutenant que le domaine
de Chaspuzac ne pouvoit être vendu que le dernier. L ’or
dre énoncé au contrat lui paroît la chose la plus indif
férente. L e sieur de Saint-Marcel a bien fait de garder
O rzilla c, qui est plus avantageusement situé que Chas
p u za c : d’ailleurs C haspuzac a été vendu à son p r i x , et
le sieur Souteyran consentiroit même à une nouvelle esti
mation. Il se fait ensuite des complimens sur sa proposi
tion honnête et lo y a le , et termine par se répandre en
injures contre les sieur et dame de Boissieu, qui ont fait
m ourir leur père insolvable. Comme il faut être consé
q u e n t , il vante ensuite la fortune q u ’il leur n laissée, en
faisant avec emphase rénumération des immeubles qui
leur restent. ; .
Cette diatribe ne vaut pas la peine d’une réponse. O n
croit d’ailleurs avoir p r o u v é , par ce qui précède, qu’en
effet le domaine de C haspuzac étoit le dernier en ordre,
et ne pouvoit être vendu qu’après que les auti’es auroient
été épuisés.’
Q u ’ importe que ce domaine de C haspuzac fût un patri
moine du sieur Saint-Marcel, dès qu’il l’avoit déjà d on n é,
ou qu’il ne pouvoit vendre qu’à des conditions qu’il n’a
pas remplies? Si la dame Saint-Clément a déjà échoué
dans une demande eu nullité de vente d’uu bien dotal do
�( 45 )
la dame Saint-Marcel, le sieur Souteyran ne peut in vo
quer ce préjugé, puisqu’il y a appel en la cour de ce juge
ment qui choque ouvertement les principes, et qu’il y sera
nécessairement réformé.
O n ne doit pas passer sous silence l’énonciation qui se
trouve dans un des motifs du jugement. Il y est dit qu’il
avoit été additionné à l’état connu des parties une somme
de 4000 francs, et que les demandeurs en conviennent.
C ’est une fausse énonciation, qui ne peut être que le
fruit de l’erreur ou de la surprise. V o i là l’inconvénient
de laisser rédiger les jugemens par les parties intéressées.
Il n’y a aucune trace de cet aveu dans toute la procé
dure. Ce seroit d’ailleurs contre toute vérité, parce qu’il
n’y eut jamais d’addition à l’état annexé au contrat, et
remis au sieur de Boissieu. C ’est une allégation controuvée
du sieur Souteyran, et qui doit être effacée du jugement.
En résumant : les circonstances, les motifs de considé
ration , ainsi que les moyens de d r o it, tout se réunit en
faveur des sieur et dame de Saint-Clément. Ils réclament
le patrimoine de leur mère : ils n’en ont été privés que
par caprice ; et la cupidité des acquéreurs ne doit pas leur
profiter.
Signé S A U Z E T D E S A I N T - C L É M E N T .
*
M e. P A G E S ( de R iom ) , ancien avocat,
M e. G A R R O N je u n e , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de T
h Iibau d - L a n d r i o t
de la Cour d'appel. — Avril 1808.
, imprimeur
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Salvaing de Boissieu, Marie-Ursule. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
abus de faiblesse
successions
ventes
donations
assignats
créances
inventaires
dot
contrats de mariage
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Dame Marie-Ursule Salvaing de Boissieu, et sieur Jean-Pierre Sauzet de Saint-Clément, son mari, appelans d'un jugement rendu au tribunal du Puy, le 9 mai 1807 ; contre Jean-André-Guillaume Souteyran, ancien avocat, intimé ; et encore contre le curateur à la succession vacante du sieur Pierre-Antoine Brunel de Saint-Marcel, aussi intimé.
Particularités : Notation manuscrite : 14 juillet 1808, 2éme section. Bien jugé
Table Godemel : Donation : 11. le père qui, par contrat de mariage de sa fille, 8 juin 1762, lui a fait donation de tous ses biens présents et à venir, sous la réserve expresse de vendre et aliéner les domaines par lui spécialement désignés, à leur juste valeur, et sur le prix de l’estimation, pour servir au paiement de ses dettes, des constitutions dotales de ses deux filles, et de la réserve qu’il s’était faite d’une somme de 12 000 francs pour en disposer à son plaisir et volonté, a-t-il pu user de la faculté de vendre les objets désignés, tant que ses obligations n’ont point été amorties ? sa fille peut-elle critiquer les dernières aliénations, en se prétendant donataire de tous les biens présents, et en soutenant que la faculté insérée dans son contrat de mariage est exorbitante et doit être interprétée en sa faveur ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1759-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1822
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1821
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53349/BCU_Factums_G1822.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chaspuzac (43062)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abus de faiblesse
assignats
contrats de mariage
Créances
donations
dot
inventaires
Successions
ventes
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53342/BCU_Factums_G1815.pdf
01991bc103b9f512fa2149539e339f57
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Text
PRECIS
C H A LTEIX , G u i l l e LEGO T,
J e a n e t M a r t i n CH ALTEIX frères, mar
chands chauniers à Cornon, appelans;
P o u r F r a n ç o is
et P i e r r e P I N A R D ,
propriétaires de vignes dans la même com
m une , intimés.
C o n tre Je a n
SA U RET
L
es appelans sont propriétaires ou exploitans de fours
à chaux à Cornon.
Ces fours à chaux sont construits dans le terroir de la
Chaumette.
Sauret et Pinard sont propriétaires dans le même terroir,
Sauret de vingt œuvres de vigne, Pinard de huit.
A
�( 2)
TLes fours à chaux existent de toute ancienneté dans ce
territoire; il a été de tout temps en terre.-, labourables.
Les vignes de Sauret et Pinard ne sont plantées que
depuis quelques années.
Ce fait est établi par une multitude de preuves écrites
de l ’j So, 17^*2, 17 5 3 , 17 8 2 , 1788, etc.
Sauret et Pinard ont prétendu que la fumée du charbon
employé à la cuisson de la pierre à chaux donneroit à leur
vin un goût de bitume qui nuiroit à sa qualité.
Ils ont traduit en justice les propriétaires ou exploitans
des cinq fours à chaux qui avoisinoient leurs vignes, pour
voir dire qu’ils seroient tenus d’en cesser l’exploitation,
dans le jour, jusqu’après les vendanges ; sinon qu’il leur
fût permis de faire étouper les fours aux frais et dépens
des chauniers, et de faire ameubler leurs récoltes dans des
vaisseaux particuliers , pour en constater la quantité et la
qualité.
Les fours n’ont pas été éteints, les récoltes ont été ameublées dans des cuves particulières.
L e vin qui en est provenu a été analysé et dégusté par
les chimistes, qui y ont trouvé un goût de bitume plus ou
moins prononcé, en observant que ce goût nétoit nulle
ment nuisible à la santé.
Les appclans ont été condamnés provisoirement à pren
dre ce vin et à le payer au prix du cours.
Enfin, par un jugement définitif du tribunal de Clermont, du 10 juin 180G, il a été fait défenses aux appelans
d’allumer leurs fours à chaux depuis le i 5 août jusqu’après
les vendanges de chaque année, et ils ont été condamnés
pour tous doininages-intérets aux dépens.
�¿ ¡ o 2>
( 3)
C ’est sur l’appel de ce jugement que la Cour a à pro
noncer.
Avant de discuter cet appel, il est bon de se pénétrer
de quelques idées préliminaires.
Cette affaire n’est rien , vue dans l'intérêt de Sauret et
Pinard.
Elle est majeure, vue dans l’intérêt des appelans.
Elle est de la plus haute importance, considérée sous le
point de vue de l’intérêt public.
Sauret et Pinard cueillent 200 et au plus 3 oo pots de
vin dans leurs vignes.
Ce vin peut valoir deux sous par pot de moins que le
vin ordinaire de Cornon \ c’est pour eux une perte de deux
ou troispistoles, en supposant qu’ils conservent ces vignes,
que leur intérêt bien entendu les forcera bientôt d’arraclier.
Pour les chauniers , la perte est immense.
S’il faut qu’ils éteignent leurs fours depuis le i 5 ao û t,
jusqu’après les vendanges, leur commerce est paralysé
pendant environ deux mois et demi.
Ils perdent le temps le plus favorable à la construction,
le plus précieux de l’année pour la consommation de la
cliaux.
Ils sont réduits h une inaction absolue, eux, leurs do
mestiques , leurs ouvriers et leurs chevaux.
Pendant ce temps-là, leurs carrières se dégradent, les
eaux s’en emparent; et comme pendant l’hiver l’exploi
tation est à peu près nulle, ils seront obligés au printemps
de renouveler leurs travaux, et de faire les mêmes dé*
A2
-C/,
�penses, que s’il s’agissoit d’ouvrir pour la première fois
leurs carrières.
Mais c’est surtout sous le point de vue de l’intérêt
public, que cette affaire mérite la plus sérieuse attention.
Les fours à cliaux de Cornon fournissent, à peu près
exclusivem ent, toute la cliaux qui se consomme à Clermont et dans les campagnes environnantes.
Si le i 5 août les fours à chaux sont éteints, le 16 deux
à trois mille ouvriers sont sans travail.
Et ces ouvriers sont tous des étrangers, la plupart du
département de la Creuse ou des départemens voisins,
qui ne vivent que de leur journée, et qui, éloignés de leur
famille , et dépourvus de toute espèce de ressources, se
ront condamnés à mourir de faim ou à attendre leur sub
sistance des secours liumilians de l’aumône.
Ce n’est pas tout : les maçons ne p euven t cesser leur tra
vail, sans réduire à l’inaction une multitude d’ouvriers
qui leur succèdent dans la construction des bâtimens,
tels que les charpentiers, les tuiliers, les couvreurs , les
menuisiers, les serruriers , les plâtriers, et généralement
les ouvriers de tous les genres, et tous les artistes qui sont
employés à la construction ou à la décoration des bâtimens.
Ajoutons que par Une suite nécessaire de cette cessa
tion des fours à chaux, les entrepreneurs ne seront pas en
état de remplir leurs engagemens envers les propriétaires ;
que ceux-ci seront eux-mêmes privés de jouir des mai
sons qu’ils se luit oient de construire ou de réparer avant
l’hiver ; que ces propriétaires seront également forcés de
manquer à leurs engagemens envers leurs locataires, qui
�5)
forcés à leur tour de quitter leurs anciens logem ens, se
trouveront sans asile.
E t tout cela, parce que Sauret et Pinard courent risque
de vendre 200 pots de vin de Cornon deux sous meilleur
marché que leurs concitoyens.
>*
Après s’être pénétré de ces idées préliminaires, qui
nous ramènent aux grands principes de l’ordre public , il
est encore à propos de se former des idées exactes de la
propriété.
Grotius , Puffendorf et Barbeyrac divaguent sur sa dé
finition; on ne la trouve exacte et précise que dans le
Code c iv il, art. 5>44 « L a propriété est le droit de jouir et disposer des
» choses, de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en
» fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règle» mens. »
Si on en fait un usage prohibé par les lois ou par les règlemens, on est tenu de réparer le dommage que l’on
cause à autrui.
C ’est ainsi que s’en exprime Barbeyrac sur Puffendorf,
liv. 3 , cliap. i er, n.° 3 .
« Pour être obligé de réparer le mal qu’on fait à autrui,
» dit cet auteur, il faut, i° qu’on ait causé un dommage
» defendu par quelque loi, ou naturelle ou positive, etc. »
E t Domat, le plus célèbre de nos légistes, nous dit
également, liv. 3 , tit. 5 , sect. 2 , n° 17, « qu’il ne faut pas
» mettre indistinctement au nombre des cas où il peut être
» dû des dommages-intérôts, tous les événemens où une
u personne peut causer par son fait quelque perte à une
A3
�( 6)
» autre ; car il arrive souvent qu’on en cause sans qu’on
» en soit tenu : et lorsque les faits qui ont causé la perte,
» ont été licités, et que ce n’a été qu’une cessation de
» quelque commodité, et une suite d’un fait de celui qui
» usoit de son droit, il ne sera pas obligé de la réparer. »
Nam Jiemo damnum fa c it } nisi qui ici fa c it , quod
f acere jus non habet. L o i i 5 i , de cliv. reg.jur.
Appliquons ces principes à la cause.
Les appelans sont propriétaires ou exploitans de fours
¿i chaux, dans la commune de Gornon.
En continuant cette exploitation depuis le 1 5 août,
jusqu’après les vendanges , font-ils un usage de leur pro
priété' prohibé par les lois ou par les règlemens ?
S’ils causent un dommage quelconque à Sauret et P i
nard, ce dommage est-il défendu par quelque loi naturelle
ou positive ?
Tous les principes de la loi naturelle leur sont favora
bles; car, d’après ces principes, « la propriété est le droit
» de jouir et de disposer des choses, de la manière la plus
» absolue. »
Existe-t-il donc quelque loi positive, quelque règlement
qui leur soit contraire ?
E t comment peut-il s’en trouver q u i, pour garantir
quelques pots de vin de Gornon du. risque , d’ailleurs
très-incertain, d’un léger déchet dans sa qualité , paraly
sent, pendant près de trois mois du temps le plus précieux
de l’année, la fabrication d’une matière de première né*
cessité, et à laquelle tient, d’une manière absolue, quoique
plus ou moins immédiate, l’cxistencc d’une multitude
innombrable de citoyens ?
�¿(07
( 7)
Ce premier point de vue donne déjà la mesure du peu
de sagesse du jugement dont est appel •, mais c’est encore
sous bien d’autres points de vue qu’il 11e peut manquer
d’être réformé.
jmeut. ç e jUg Gment
défense aux appelans d’allumer
leurs fours à chaux, depuis le i5 août jusqu’après les ven
danges, chaque année j et en cela le tribunal de Clermont
a fait un règlement de police qui étoit hors de sa compé
tence , et qui étoit placé par la loi dans le ressort de la
puissance administrative.
Toutesles fois qu’il s’agit d’objets d’une utilité générale,
et qui influent sur l’ordre pu b lic, ce n’est plus l’affaire
des tribunaux, c’est uniquement celle de l’administration.
O r, on ne peut pas contester que la cessation de la
fabrication de la chaux , pendant près de trois mois cha
que année , dans des fours qui fournissent, presque
seuls, à la consommation d’une grande cité et des cam
pagnes populeuses qui l’environnent, ne soit un objet
d’une utilité générale , et qui ait trait à l’ordre public,
puisqu’on oubliant l’intérêt des fabricans, la perte de leur
commerce, et la dégradation de leurs carrières, cette ces
sation priveroil des milliers d’individus de leur seule
ressource pour subsister, et influeroit sur le sort d’un
bien plus grand nombre d’ouvriers secondaires qui suc
cèdent aux maçons, dans la construction des édifices (i).}
• .i
(i) Les chaunicrs do Cornon ayant cessé leurs travaux pendant quelques
jours , au commencement du mois de fructidor an î i , M. 1<j Préfet ¿crivit au
maire du leur enjoindre do les reprendre do suite, et les menaça de les y con«
traindru par la voie do la forcc-arméc.
»
( I-iCttrc <lo M. do Sujinvi au mairo do Cornon, du 6 fructidor an i l , jointe
aux pièces ).
�( 8)
2ment. Qe jugement a fixé l’époqne de la cessation des
fours à chaux au i 5 août ; et en cela il a jugé ultra
petita.
B
L a demande de Sauret et Pinard étoit du i 4 fructidor
an 12.
Ils concluoient à ce que les chauniers fussent tenus
d’éteindre leur four dans le jour , ce qui s’étendoit au len
demain i 5 fructidor, 2 septembre.
D ’ailleurs, ils n’ont fixé eux-mêmes dans tous leurs
écrits la prétendue influence de la fumée des fours à chaux
sur les raisins, qu’à partir du moment où ils commencent
à se colorer; et tout le monde sait qu’en Auvergne, et spé
cialement à Cornon, le raisin ne commence pas à se colo
rer avant Notre-Dame de septembre.
L e tribunal a donc ordonné la cessation des fours à
chaux, au moins 17 joui’s avant le terme fixé par Sauret
et Pinard cux-inêmcs,
Dès-lors il a jugé ultra petita .
O r , non-seulement c’est un moyen de mal-jugé, mais
c’est un moyen de requête civile, aux termes de l’article
34 du tit. 35 de l’Ordonnance de 1667, et du tit. /j80 du
nouveau Gode de procédure.
Nam scntentia debet esse libello confonnis, dit la loi,
et potestas judicis ultra id quod in judicium deductum
est , mujuaquam polest excedere. L o i 18 , au Dig. Com
mun i divitl.
3ment. Indépendamment de tous les moyens précédons,
et en supposant même qu’en thèse générale, les iabricansde chaux fussent garans de l’effet que peut produire
la fumée des fours à cliaux sur les raisins, pendant leur
�'( 9 )
maturité , ils n’en seroient pas tenus dans l’espèce, parce
que les fours à cliaux des appelans sont anciens dans le
territoire de la Chaumette, et que les vignes de Sauret
et Pinard sont récentes.
L e territoire de la Chaumette étoit Entièrement en
terres labourables, i l y a au plus vingt ans.
Quand Sauret et Pinard, en cédant à l’espèce de manie
qui a agité dans ces derniers temps tous les propriétaires
de la Basse-Auvergne, ont converti en vignes leurs terres
de la Chaumette, ils ont dû prévoir que la fumée des
fours à chaux produiroit l’effet dont ils se plaignent.
Dès-lors, s’ils éprouvent quelque dommage, c’est par
leur fait et leur faute, et ils ne doivent s’en prendre à per
sonne, d’après cette maxime, qui est encore tirée des règles
de droit:
Qiiod quis ex culpa sua damnum sentit, non intelligitur damnum sentirc. Loi 2o3 ,d e reg .ju r.
4ment* Enfin, la prétention de
Sauret et de Pinard pouvoit d’autant moins être accueillie, que Sauret, l’un d’eux,
avoit pratiqué un four à chaux dans sa vigne j que nonseulement il ne l’avoit pas éteint au 1 5 août, mais qu’il
étoit encore allumé le 14 fructidor, jour de la demande,
et qu il n a cessé de l’être depuis, pendant toute la matu
rité du raisin.
Il est dillicile de concevoir que Sauret ait osé se plain
dre d’un fait dont il a donné lui-même l’exemple.
A u surplus, son four n’ayant pas cessé d ’ ê t r e en activité,
si son vin , et celui de Pinard , son voisin, ont contracté
un gout de bitum e, c’est à ce four qu’il faut l’attribuer,
beaucoup plus qu’à ceux des appelans.
�D ès-lo rs, et quand en thèse générale les appelans
pourroient être tenus d’un pareil dommage, ce qui n’est
pas, ils n’en seroient pas tenus dans l’espèce, à moins que,
par une nouvelle opération chimique, on pût distinguer
les atomes de fumée du four de Sauret et des fours des ap
pelans, et prouver que ce sont les atomes émanés des fours
des appelans, qui ont exclusivement frappé chaque raisin,
et l’ont imprégné du goût de bitume dont Sauret et Pinard
se plaignent.
On oppose aux appelans que, dès le principe de la con
testation, cités en conciliation devant le juge de paix, ils
ont consenti d’éteindre leurs fours le 26 fructidor.
C ela est vrai; mais ces offres, qu’ils faisoient alors dans
l ’ignorance de leurs droits, et par suite de leur répugnance
invincible pour toute espèce de discussion ju rid iq u e,
n ’ayant pas été acceptées, les choses sont entières et loin
que ces offres doivent nuire à leur cause, elles ne sont
propres qu’à leur donner un nouveau degré de faveur
aux yeux de la justice.
B O I R O T , ancien jurisconsulte.
GARRON
A CLERM O N T , de l'imprimerie de
Landriot ,
avoué.
imprimeur de la Préfecture.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chalteix, François. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Garron
Subject
The topic of the resource
pollution atmosphérique
fours à chaux
vin
intérêt général
experts chimistes
migrations intérieures
ouvriers
droit de propriété
Chapsal
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour François Chalteix, Guillaume Legot, Jean et Martin Chalteix frères, marchandes chauniers à Cornon, appelans ; contre Jean Sauret et Pierre Pinard, propriétaires de vignes dans la même commune, intimés.
Particularités : notation manuscrite : texte complet de l'arrêt 19 août 1806, 1ére section, arrêt sur le provisoire. Bien jugé
Table Godemel : Fours à chaux : Les fabricants de chaux sont-ils garants de l’effet que peut produire la fumée des fours à chaux sur les raisins, pendant leur maturité ? des propriétaires de vigne, voisins de fours à chaux, ont-ils le droit d’empêcher les fabricants de chaux d’allumer leurs fours à chaux, depuis le moment où le raisin commence à colorer jusques aux vendanges, sous le motif que la fumée du charbon employé à la cuisson de la pierre à chaux donne à leur vin un goût de bitume, qui nuit à sa qualité ? l’intérêt public repousse-t-il la prétention des propriétaires de vignes ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1815
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cournon-d'Auvergne (63124)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Chapsal
droit de propriété
experts chimistes
fours à chaux
intérêt général
migrations intérieures
ouvriers
Pollution atmosphérique
vin
-
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977df0f4095e52151eeadb6e7f880902
PDF Text
Text
CONCLUSIONS
POUR
La dame DE V È N Y - V ILLE M O N T
d e M a r i o l , appelante;
veuve
CO NT RE ,
Le sieur BRECHET, intimé
ET CONTRE
*
L a v e u v e e t h é r itie r s d u s ie u r d e V é n y
de
T h e i x , intimés.
A Q U ’ IL P L A I S E A L A C O U R dire qu’il a été mal
CE
jugé par le Jugement rendu au tribunal de Clermont, le 13 août
1807, bien appelé; émendant, et faisant ce que les premiers juges
auroient dû. faire; statuant au principal sur la demande du, sieur
Bréchet formée par exploit; d u 16 pluviôse a n 1 2
�Attendu que le sieur Brechet n’a pas pu arrêter l’effet
d’une enchère légale et rég u lière, sous prétexte d’offres
labiales qu’il a trouvé le secret d’éluder jusqu’à présent;
Attendu qu’avant de faire à la dame de M ariol l’offre
de payer la totalité de ses créa n ces, le sieur Brechet a
dû réfléchir aux conséquences d’ un engagement aussi
exprès , s’inform er de la nature de ces créances déjà
énoncées dans les inscriptions, et chercher les renseignemens qu’il a pu prendre depuis;
A ttendu que des offres judiciaires ne peuvent pas être
un vain m ot, et que le sieur Brechet ayant ôté à la dame
de M a rio l, par le moyen desdites offres, le droit d’en
chérir et se faire adjuger un immeuble de sa fa m ille ,
ne peut pas aujourd’hui la priver d’un payement qu’il
lui a offert en indemnité de son action ;
Attendu que tout créancier inscrit a le droit d’enchérir,
sans que son titre puisse être mis en litige jusqu’à l’ordre
ouvert avec les créanciers ;
A ttendu que d ès-lors le sieur Brechet ne pou v o it ,
comme il l’a jugé lui-m êm e, se substituer aux légitimes
contradicteurs, qu’en offrant un payement qui évitât un
litige auquel il auroit été étranger;
Subsidiairement, statuant sur le règlement des créances de
la dame de Mariol ;
En ce qui touche, i°- la créance de 3oooo francs ;
Attendu que par le contrat de mariage de la dame de
M a rio l, du 9 février 1 7 7 1 , la dame de V ille m o n t, sa
m ère, lui a constitué une somme de 30000 francs, sans
forclusion, ni renonciatipn à sa suçcession fu tu re , avec
�(3)
la clause expresse et explicative ainsi concue : E ïi sorte
que venant à m ourir sans avoir f a i t d’autres disposé
tio n s, la fu tu re épouse viendra ¿1 partage,. sans même
être obligée de rapporter ladite somme de 30000 francs;
Attendu que si la dame de V illem ont s’est réservé en
suite, par le même contrat, de faire des dispositions p ar
lesquelles elle réduiroit la future à la dot de 30000 f r .,
ou l’institueroit héritière à la charge du l'apport de ladite
d o t, il ne peut s’ensuivre de ladite clause aucun chan
gement à la précédente;
Attendu que la dame de V illem ont est décédée sans
avoir fait de dispositions contraires ; qu’ainsi la clause
de préciput reste pure et sim ple;
A tte n d u que la condition résolutoire n’ayant pas eu
d’eflet, est réputée n’avoir jamais existé, et que la con
dition de la première clause se trouvant seule accom plie,
a un effet rétroactif au temps de l’acte, suivant l’art. 1179
du Code civil;.
Attendu qu’on ne peut assimiler cette clause de pré
ciput à une réserve de 30000 francs, puisque la dame
de V illem o n t, dans le cas m êm e des dispositions q u ’elle
se réservo it, stipuloit expressément qu’elle ne pourroit
ôter à sa fille ladite somme de 30000 francs;
Attendu que d’après la même clause il n’y auroit donc
eu de réserve que pour l’institution ; et qu’il seroit ridi
cule de dire qu’une institution est tombée dans la suc
cession ab intestat, pour être attribuée aux légitimaires
à l'exclusion de l’institué, d’après l’article 2 de la loi du
18 pluviôse, opposé par le sieur;B rechet;
-
Attendu q u e , dans les deux sens deila clause, le p r é -
�ciput de 30000 francs ¿toit irrévocable de sa nature, et
q u ’il a été maintenu par l’article I er. de la même lo i;
Attendu que la loi du 17 nivôse an a , sons l ’cmpii'e
de laquelle s’est ouverte la succession de la dame de V illem ont, n’oi'donnoit le rapport des dons en préciput faits
antérieurem ent, que par suite de son effet rétroactif, et
que cet effet rétroactif a été rapporté par les lois des 9
fructidor an 3 , et 3 vendém iaire an 4 ;
A tte n d u que l’objection du sieur Brechet , tirée
du partage du 18 p luviôse an 7 , est non recevab le,
1°. parce qu’ün étranger ne peut empêcher un cohéritier
d ’exercer toutes les actions supplémentaires ou rescisoires
qu’il auroit à form er contre ses cohéritiers, ni lui con
tester lës actes conservatoires qu’il a jugé à propos de
faire ; 2°. parce que la dame de M ariol a réclamé et
inscrit sa créance de 30000 francs avant l’acquisition
du siehr Brechet, lequel dès-lors a dû savoir en achetant
qu’il se soumettoit aux inscriptions ou à une enchère;'
A ttendu que la même objection porte sur une suppo
sition inexacte, parce que le partage du 18 pluviôse an y
ne comprend que la terre de T h e ix , et non la totalité
des biens de la dame de V illem ont ; r
A ttendu que ce fait est p ro u vé par la vente d’une
portion du ^domaine de Saint-G enest-Cham panel, con
sentie par la dame du S au vage , à la dame de M a rio l,
le 4 floréal an 9 , où il est dit que ledit domaine étoit
à ladite époque encore indivis entre lesdites dames et
les autres cohéritiers de leur mère;
Attendu que ce fait est prouvé encore par la vente
m ême du sieur Brechet ? ou il s’est faijt donner en h y -
�( 5 )
V 7
potlièque spéciale de garantie le quart dudit domaine,
de Saint-Genest, indivis entre la .danic ihi Sauvage et
ses cohéritiers ;
Attendu que le môme fait est prouvé par la demande
formée par le sieur Balthazard V e n y de T lie ix , contre
la dame de M ariol et la dame du Sauvage, en supplé
ment de partage de la succession de la dame de V ille m o n t, et en compte resp ectif de créances.
En ce qui touche la créance de 10000 francs,
Attendu que ce n’est point la loi du décès qui doit
régler l’efTet d’un acte entre-vifs , comme l’ont encore
pensé les premiers juges ;
Attendu que la loi du 17 nivôse an 2 ne s’appliqueroit
à une obligation du 23 février 179 3 , que par suite de
son effet rétroactif;
A ttendu qu’avant le 7 mars 1793 , aucune loi ne
défendoit à la dame de V illem on t de s’obliger envers
sa fille, puisqu’elle auroit pu disposer directement à son
profit de la moitié de ses biens en préciput ;
Attendu d’ailleurs que l’ obligation de 10000 fr. a une
cause lég itim e, en ce qu’elle proven oit, pour 8000 f r .,
d’une créance beaucoup plus ancienne, cédée par la dame
de M ariol à sa m è re , e t , pour 2000 f r . , d’une donation
de la dame de M on trodès, son aïeule;
Attendu que la dame de M ariol ne pouvoit pas ré
clamer le montant de ladite obligation , lors de l’acte du
20 mars 17 9 3 , puisqu’il ne s’agissoit que de régler ce
qu’elle avoit à payer à des tiersj par suite d’un acte de
fam ille, du 23 février 1778 ;
�(6 )
A tten d u que la dame de M ariol a pu encore moins
réclam er cette obligation , soit en l’an 7 ,. soit même par
sa notification du 14 nivôse an 1 2 , parce qu’elle avoit
cédé ladite obligation au sieur L ab et, par acte du s 5 flo
réal an 2 , et que ce titre n’est rentré en ses mains q u e
par le-payement qu’elle a été obligée de faire audit sieur
L a b et, suivant sa quittance du 24 prairial an 12 ;
Attendu que ledit sieur L abel , comme créancier d e
la dame de V ille m o n t, au moyen de ladite obligation^
de 1793? avo it fcdt inscription sur ses biens; que la dame'
de M ariol en ayant vendu une partie au sieur L evet et
au sieur Dalmas , ledit sieur Labet est venu à l’ordre du:
p rix desdites ventes, et s’y est fait colloquer;
A ttendu que par l’effet de ladite collocation la damede M ariol a été forcée de payer le montant de l’obli
gation qu’elle avoit cédée, et par conséquent d’acquitter
sur son lot particulier-la portion de ladite obligation due
par la venderesse du sieur: B rech et, et par ses autres,
cohéritiers.
En ce qui touche la créance de 6000 francs
Attendu qu’ il est notoire que la dame de M ariol a fait
pour la dame du Sauvage, sa sœur, des avances infini
ment supérieures à ladite somm e ;
v.
A ttendu que suivant lîart. 26 de la première loi du
i l brum aire an 7 , un acquéreur ne peut point opposer
sa ven te, tant qu’elle n’est pas transcrite, à un créancier
porteur d’obligation, lorsqu’il a inscrit sonrtitre avant la
transcription;
Attendu que les formalités exigées pour, la spécialité do
�l’hypothèque, par l’article 2129 du Code c iv il, n’étoient
point spécifiées dans la loi du 11 brum aire an y , et
q u e , suivant l’article 4 de ladite l o i , il suffisent d’indi
quer la nature et la situation des immeubles hypothé
qués , sans les désigner chacun expressément ;
A ttendu que la dame du S au vage, en indiquant des
bâtim ens, p r é s , terres, et vignes, situés dans les nrrondissemens des villes de R iorn et de Clerrnont, a suffisam
ment indiqué la nature et situation des immeubles hypo
théqués; qu’ainsi elle s’est conform ée à la loi qui existoit
lors de son titre;
A ttendu que l’indication de payement faite par laditeobligation n’a point eu son effet, et que la dame du
Sauvage a touché elle-m ême ce qui lui étoit dû ;
Attendu que le défaut d’autorisation de la dame du
Sauvage n’est point un moyen de n u llité , parce qu’elle
étoit femme d’ém ig ré, et obligeoit d’ailleurs ses paraphernaux ;
A ttendu que si le sieur du Sauvage a été rayé de
la liste d’émigration en l’an 1 1 , cette radiation n’a point
ete connue dans le départem ent du P u y -d e -D ô m e , q u i
n’étoit pas celui de son dom icile, et n’a pu empêcher
de traiter de bonne foi avec la dame du Sauvage, qui
n’a point quitté son domicile à Glerm ont, après ladite
élimination ;
>
Attendu d’ailleurs que la nullité fondée sur le défaut
d’autorisation ne peut être opposée par des tie rs, au
terme de l’article 225 du Code civil ;
Attendu que s i, comme le prétend le sieur B recliet,
il est injuste de lu i faire payeu une somme non recon
�nue à l’époque de de sa vente, il seroit bien plus injuste
encore que la dame de Mar iol, perdît des avances lé
gitim es, en laissant au sieur Brechet le gage desdites
créances pour le tiers de sa valeur.
Ayant égard aux offres faites par le sieur B rechet, en son
exploit du 14 nivôse an 12 , acceptées par exploit du même
jour, condamner ledit sieur Brechet, de son consentement, à
payer à la dame de Mariol, 1°. la somme de 225o0 francs,
faisant les trois quarts de celle de 3 oooo francs portée par son
contrat de mar i ag e du 9 février 1 7 7 1 , avec l’intérêt de ladite
somme depuis l’époque du décès de la dame de Villemont;
2°. la somme de 7500 francs, faisant les trois quarts de celle
de 10000 francs portée par l’obligation du 23 février 1793 ,
avec l’intérét de ladite somme depuis la date de ladite obliga
tion ; 5°. la somme de 6000 francs portée par l’obligation du 7
prairial an 1 1 , avec l’intérét à compter du 9 brumaire an 12 ,
époque de la demande, formée contre la dame du Sauvage:
Ordonner que l’amende sera rendue ; condamner le sieur
Brechet envers toutes les parties aux dépens tant des causes
principales que d’appel.
M e. G A R R O N jeune
■
<■■■>
i ~ mi
1
, avoué licencié.
1
X i , m ................ . ¿ L
.
A R I O M de l'imprimerie de T hidaud-LANDRIOT, imprimeur
de la Cour d’appel Mai 1808
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Véni-Villemont. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Garron
Subject
The topic of the resource
successions
surenchère
émigrés
dot
Description
An account of the resource
Titre complet : Conclusions pour la dame de Vény-Villemont, veuve de Mariol, appelante ; contre le sieur Brechet, intimé ; et contre la veuve et héritiers du sieur de Vény de Theix, intimés.
Table Godemel : Contrat judiciaire : y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances tant en principal, intérêts que ? , que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec les débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition, ni délai ? Obligation : 2. une femme a-t-elle pu s’obliger valablement, par acte publié du 7 prairial an 11, sans autorisation, pendant l’émigration de son mari ? son acquéreur a-t-il qualité pour opposer la nullité ? Préciput : 1. par le contrat de mariage de la dame de Mariol, du 9 février 1771, la dame de Villemont, sa mère, lui constitua une dot de 30 000 francs à titre de préciput, stipulée payable seulement après son décès, sans intérêts jusqu’alors ; laquelle constitution n’emportera ni forclusion ni renonciation à l’égard de la future qui ne sera pas obligée de rapporter la dot, s’il n’y a pas de disposition contraire par testament de la constituante. la condition résolutoire ne s’étant pas effectuée, le préciput doit-il avoir effet, lorsque la mère est décédée sous l’empire de la loi du 17 nivôse an 2 ? Surenchère : 1. y a-t-il contrat judiciaire entre l’acquéreur et le créancier surenchérisseur, lorsque le premier, pour arrêter l’effet de la surenchère et conserver l’immeuble par lui acquis pour le prix porté au contrat, a fait offre au surenchérisseur de le mettre hors de tout intérêt, et de lui payer la totalité de ses créances, tant en principal, intérêts, que de frais, et que ces offres ont été formellement acceptées ? l’acquéreur peut-il prétendre ensuite qu’il ne doit payer qu’après discussion préalable des créances avec ses débiteurs, lorsqu’il n’a stipulé ni condition ni délai ? Transcription : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1771-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1707
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0504
BCU_Factums_G1708
BCU_Factums_G1709
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53310/BCU_Factums_G1707.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Genès-Champanelle (63345)
Theix (village de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
dot
émigrés
Successions
surenchère