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�PUL L-O VER
AU
TRI CO T
TA ILLE 44
d t' la taçon s uivant e: · 9 ranA'8 point de r!z, 1
rang point de jou rs avec la grosse aillu ill •
( 1 mo ill e. 1 jeté, 1 ma ill e, 1 jeté). Repre nd,.
la pe t ite oig uill e t ra ire 1 ra ng i\ J'e n ver s, en
la issa nt tom be r 11.:8 jetés, pl us 1 run ll il r t ndroit. 1 rung poi nt d (" jours ovcc la Qrnsl'l C'
nigui ll r ft l'envers (1 mlu ll e. 1 jeté. 1 m,i ll('.
1 jt· té), 1 ran R e ndroil
l v N ~ Ics Pt°lit es a iguill!',
rr ic()ltOr ilins i su r un I! hau tt'u r de S2 l""R'
t'n Iltiuunt lo rnhe r ,(' . .. jl' lts P uis rr p((' nd r .. ' ..
loi t 22 tt'n timè trt>1 . Hull'JUH', dt, chllQu(' nltO
d r J'ou vrollC pou r rMlnc r r enl OlI'l !l r l ,u r ,.,
1 roi, 3 rnlt ill u . 1 rois 2 n",;I1I''', 1 rois , m ~i l1 (' "
Il ' ('s te 84 nlndl('I, nlHm(' n('(' r ulors le d,·.
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J. (Ollotli""
�L'OISEAU D'AMOUR
�1
PAUL FALET
L~OISEAU
D'AMOUR
~DlTIONS
ROMAN
DE
r,
LA MODE NATIONALE "
94, Ruo d 'Al6 sic , 94. -
PARIS (XIV")
�L'OISEAU D'AMOUR
PROLOG UE
Un malin do Janvier 1896.
Lo soleil rougeoyant so d6gage avoc peino do S;l ganguo
de ténèbres, et projette une [(lible lueur su r los choses. Une
bl ume légère monie des champs encore noyés d'ombre. D02
arhres se dresswt, lugubremont dépouillés, ot tress1itlent
parfois tl'avers6s de grands frissons. Au loin, un COUl'S
d'eau s'étire avec un sou ru grondement.
, 'ouda in, 10 soleil réussit à sc lib érer et sa lumière dévoila
deux groupes d'hommes aux pieds do doux arb res.
Une voix dit;
- Voilà le jour.
Et comme un 6cho, une autro voix, plus mùle, ajoute:
- C'est le moment, Messieurs.
Les hommes dos doux groupes se rapprochent , Un court
conciliabule 50 tient. Pu is la III ·me voix mâle l'C'prond ;
- , Ain~
vous êtes d'accord; l'ollaire 50 règlera au pis·
tolot commo l'a demandé l'offensé? Passez·moi lC's ormes.
Un homme de chaquo groupe apporte une houssa dam
lalluclle flont plncéos les armes requisùs.
- Un témoin do M. do Marly, s'il YUUS plall.
Un personllnge s'approche.
- Un témoin de M. do i\1nndnnne.
Un autro personnage s'avance.
- MC's
~ic ur!,
nous allons lirer au sort pour la distribu·
lion des armes.
Ce qui ost biontôt rnit.
A co mOlllent, lus deux advc rsa il'l.,::; "PJlJ.f.lÎssen.lJ a vorl i ~
�6
L'OISEAU b ' AMOUI\
par leurs têmoins. L'homme qui s'es t occupé jusqu'à ce
moment de toutes les formalités se met au garde-à-vous,
salue militairel'lWnt.
- Mon capitaine ... 1\'101\ lieutenant ...
M. de Mandanno ct M. de Marly s'inclinent.
Le premier, autant qu'on peut en juger dans la demiobscurité où l'on se trou vo, est un homme dans toute la
force de l'âge; l'autr e, plus mince, 0. une allure plus
jeune.
Chacun reçoiL un pistolet que le directeur du combat
vient de charger.
Il s se mettent dosà dos, puis, partant du pied gaucho, mide quinze pu s, et se retournent,
litairement, ils s'éloi~ent
la maill gauche derrière le Jos, l'avant-brus lov6 verticalement ct tenant le pistolet.
Dt.ux coups ont retenti dans 10 silenro matinal; la
nature qui murmuroit so tait, comme intimidée par los
détonutions_
Un homln e est tombé, raid
\~ .
L'autre a faH un ou d ~l1X
pas on chancelant, puis il
a réagi. 11 a pressé son 6Y\lIIc droite avec sa main gauche
et il est ollô vers Bes amis.
Coux-cl l'entourent, anxinux ,
- Rien de grave?
- Non, mes amis, une simple éraflure dane l'épaule.
- Eh birn 1 doc tour ? domande un des Lémoin$ all personnage qui vi en!..
- ) 1 est mort, tué Dot .
Un Instant do silence.
l!;nfln une voix lai sse tomb er ces mols, bientôt emporlés
par lu brise :
- Comme c'es t trist.o 1 Des camarades ...
Qu elques minntes plus tard, les choses semblèrent. revenir à Jour Mat normal, fait de silence appo.rflot et do balbulicmonls confUR.
Au milieu de l'horbo maigre, uno lache do sung diminuait, lentement ubsorl.J6o par la terre.
C;'ôLail l'endroiL où 6tail tombé M. de Marly •.•
�L'OISEAU D'Al,IOUR
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CHAPI'l'RE PRIilMT ER
ACCIDENT
Vers la fU} de Février 1912.
Un légor cabriolet s'arrêta dovant la grille de l::l porte
\'élust.e et envahie de lierre. Odette de Mandanne qui
conduisait, seule, la voiture, sauta gracieusement à terre.
oprès avoir jeté les guides sur le dos du cheval qui souflloiL, et dont le corps dégageait une blanche vapeur,
dans l'air froid.
Le vont de la course avait amené de roses couleurs sur
le visage de la jeuno fille et ajouté encore do l'éclat à ses
traits fins et purs. Elle avait dix-neuf ans ct était dans
l'l>panouissement de sa beauté juvénile. De taille moyenne,
elle avait des mouvements aisés. Elle avait de petits tics
charmants. C'est ainsi que, souvent, elle poussait sous sa
toque une mèche de ses cheveux bruns dorés. Cette
mèche revenait toujours sur son front nacré, cc qui lui
faisait faire, ùo ses IOvre5 fines, uno petite moue adorable.
D6jà la grande porte rouilléo s'ouvrait.
J\loxis, l'ancien soldat d'ordonnanco de son père, de\'6nu
inLl'ndant, se précipitait ct prenait la bôte par la bride.
- Mademoiselle a fait uno bonne promenade? demanda"
t-il respecL1lC'usemcnt.
- r~xcole1t,
Alexis ...
- lilt r!'ony n Li en mo.rché?
- Commo toujours, mais oui 1 Seulement, quolle rOtlle 1
Elle étaitdC,ja afCreuso l'année dernière; las pluies de ce moill
l'ont entièrC'ffiunL ravinée ct rn plmüeurl1 points, même
l'ont cOl1pée de ruissoaux, CUlL<,;es do multiples cahots.
Les Oo.tillel; d'cau ont bien éclo.bouss6 les roues ot même h\
carrosserio que vous a vez netloyéo avec tant d'ardeur,
mon pauvre lexis ...
- Oh J cela importe fort peu, Mdd fl ffiois\llle ... Je renlN
'rony?
�8
L'OISEAU n'A nIOUR
- Oui ... Je vais m'3 réchauITer. Papa esl au château?
- Il travaille dans son bureau; il a recommandé de ne
[Jas le déranger.
- Merci.
Odette sc dirigea vers la grande bâtisse qu'elle appelait, ayec un peu de vanité, le ~ château ~.
D'était une ancienne demeure seigneuriale, plutôt r~me
que palais, mais pleine d'apparence, cependant, avec ses
fen ,ltrcs à meneaux et son lierre qui s'élançait le long de
la muraille et grignotait la pierre patinée. A une aile dl'
celle construclion d'aspect trapu, se dressait \lne tour
ronde, seul vestige dcs organes de dMense de jadi ' .
M. dt) Mandanne l'avait prise pour lui et avait organi
3 ~
SOIl Lurrau au promier étage, dans une !;raude allée aux
fenêtres il potits rarreaux coloriés et })ordés dt) plomb.
Odette regretta qu e SOIl père rOt occupé il ses études, ù
co moment.
Pourquoi?
Ello n'aurait su le dil·e.
IWo éprouvait, confusément, le désir dt) s'épaneher, de
parler de son court voyage, sans incident., à Orthez.
Son père, avec elle, se montrait sou vent rud o, surtout
lorsqu'il souffrait de son épaule droile sur laquelle, pré·
tendait-H, un ,'humaUsm , p('rnicieux s'acharnait.
Odette pOnétra dans le hall, prt:scntu distrait menl ses
mains à la flamme d'un feu de bois.
Puis clle alla dans sa chombre poser su poTIsse, plein.'
d'une arnerLumo qu'elle n'arrivait pa~
à s'expliquer. Elle
e
f"ornm !:'Df;6
essuya do reprendre un tl'..lVall de hrod~i
depuis longtemps, mais li) l:ti s~ a bientôt retomber. Bile
consulln du regard les livres qui garnil:lsa.i enL sa }Jiblo~
thèquo de joune fllle, mais e)Je no trouva pas d'ouvrage
qu'elle aurait eu plaisir à r elire ...
Alors olle 80 mU à Jo. reuGtre.
Devant ello s'étenùait ln pelite cour, irrégulièrement
pavée.
A cc moment, Alexis sorlait de l'éeuric, apr~s
avoir
bou cllonuô Je cheval.
�L'OISr:AI' D'AMOUn
9
Elle aurait /limé en Lamer une conversalion avec lui,
mais eUo n'osa pas, car elle avait, instinctivement, le sentiment des diiJérances de classes et, des dislances à garder.
Au delà de Ja cour, poussait une haie el, derrière, quelfjues arbres barraient l'horizon de leurs troncs étriqués
et de leurs branches dépouillées.
Odette laissa un moment son âme, vide de Loute pensée précise, vagabonder au milieu de ce décor emprtlinL
de Lristesse . .ulle sc sentaiL dans un état extraordinairtl,
die auraiL voulu s'élancer hors d'elle-mCme, connaltre du
nouveau. Dïmmenses aspirations, à peine douloureuses
Jans leur insatisfaction non ('xpriméc, bouillonnaient en
son 101' inLérieur.
Soudain, elle leva la tôl.e.
Un bruit peu ord in aire $(1 fl.issit enlendre dans le ciel,
ronflement grandissant.
Elle fixa j'immensilé vide de l'espace. De grands nuages
gris s'etnIochnient, el leurs lambeaux fuyaient, entraînés
par 10 vent.
L'air avait une odeur do feuilles mouillées avec un
arriùro· goût de brise saline alLenué pal' la distance,
déjà grande, de l'OCéOll.
La chose apparut , so détachF.ml lcntompnL BUf le rond
terne ct gl'is du ciel.
-- Un tléroplanfJ., ,
11110 avait murmuru ce mol avec lin ';lonoement
troublé.
La l'éputalion des oispuux mécaniquos, pilolés par dell
('uLhollsiasLes qu'on commençait li n~ plus tl'aiLer d'insenaés, s'étenùait peu Ù pell. Chaquo jour, quolqu'uo, citant
SOn journal, r IppOJ·toit lm; fuils et gestes d'un uviateur
('onnu, comnwnlail un exploit projeté.
- Un aGroplano .. , répéta-t-ell ,,, el il lui semblull
'lu'un rùve IlO réa lis a li. , prenn..it une forme visible, presque
palpable,
1:n elTc!, l' Iiparcil volait ,sc;cz bn'l.
Odotte pOil,> \ il l'elui qui pilotai!.. Elle l'imagin jeune,
�10
L'OISEAU n'AMOUR
beau ot fort, valeureux comme cos preux dont on ne lit
pJus l'histoire quo dans les livres d'imilges pour les tout
petits enCantil, et quo los jeunes filles lisent pal'Ioi;; avec
émoi ct en so cachant, craign::;.nt qu'on ne se moque d'elles.
Tout il coup. J(I bruit du moteur cossa.
Cc fut bref; le temps d'un éclair, l' apparoi1 piqufJ. du
nez, ùrolt au sol .
Des branches, brisées par la chute ùe la machine, flrent
entendra dans l'air vide d'oITroyables craquements, cependant qu'une bande de corbeaux, effarouchée, s'envolait
avec do lugubres croassoments.
'Odette ne put s'empêcher do pousser un cri d'horreur;
elle recula comme si le bel a6roplan , un inslant aupari,l.vont si plein de vie el d'allure, s'étai t brisé à ses pieds.
De fail, il no gisait pal) loin, à trenle mùtres 11. peine de
la maison.
- Alexis r ria Odette, au secours 1
11 avait entendu la bruit affreux. Il 50 précipitail à
Ü'avcl's lu cour, franr,hisR:lit la haio coupée d'un étroit
pussnge.
Le JaI'ùini r aussi, sorlit do lu serre, sa bOche à la main.
so dcmdl\(hnl co qui vonait d'arriver. Qu and il eut compris, il buntlit à son tour, lenant loujours son outil.
1:. SOUÙUill , UII longue lrmguo de Cou jaillit hors du
cadavl'(> du 1,,)1 oiseau frap pû à mort lécha des br~n
c hes
qui se lordirr·nt.
'
Odelle 50 voila les yeux de ses mains. 1.0 l'GY' qu'eI11l
v_mail de voir Si~ matérialiser s(' rüvélull am;'lilOt cornlne
III plWI ll'Ïslc d c~: l'éalilés.
t- ell!) .
- Lo rnullH'uroux r !IU I !;I~a'
EJl f) !lorLit ,l so n tour Ue!lll ehambrr , en courant, et
l' rÎulll l'ülluIlIl.nt : Il Un n{-foplan o ell fou r ... un uéroplarw
l'JI l'cu 1 Il, rnuis son crI déeh iranL n'6vuilliliL nucun écho
dans lu maison. HUlls dout.o, son père n'u,ui l rilfl enlendu,
luut occupo nllX: leetuI'cs qu'll faisait, dans sa :l tom' du
Montaigne., 'ommo il di!luit.
Quand ello arriv .l flang le parc, Odt)lte vil 10:.,; silhouette,>
d '.A J l' },i~
ut du jarcIinlf'r qui gesLiculuicnt SU I' un tooGl de
�J~'OISEAU
n'AMOUr.
flammes. Le jardinior, a vec sa bêche, ramassait oe grossc,.;
de terre et ICb jetait sur le brasier, bien inutilement, selllbhtit -il.
Ah L.. Alexis S'élançait au miliell de la fumée eL revonait en arrière, plié en deux et tirant quelque chose à terre,
très leJUrd.
- Alexis à retiré le pilote de son appàr.iil , SC dit-clle.
Et à ce moment, elle tra versa la haie, sans souci de sa
robe qui tra înait On s'accrochant uux: buissons.
Eme arriva bientôt à quelques pas de l'intendant l1,ui
s'était agenouillé.
- Attention 1 cria-t-il.
L'arriére du fuselage de J'aGtoplane, l'lui Mait resté
redressé, s'éeroulail au milieu d'une pluie d'étincèlles.
Des paysans arri vaient en se hâtonL. Ils avaient "Vu l~
chute verLignouse ct ils venaient, avides de savoi l' ce qUI
était advenu du pilote.
Ils s'interposèrent entre Odette ct le spectacle du
l'note~
d6sastl'e.
Elle n'entendit CJue leurs r éflexions.
POUl' sûr, disait l'un, il ost mort.
-- Voyez cotte blessurû il la têto, romarquait un autre.
- 11 est tombé d'uu moins d"ux cenLs mètres, ajoutait un troisièmlJ ; de colte hauleur, co serail mira clé
si ...
Ils s'alTairaient. maladroitement., surtout oc 'upés à 6noncel' Jeurs opinionB, vonus plus on (jUl'ieux qu'on sau,'!! -
teur::;.
La chose était si nouvtJl1o pour aux 1 lis avoionl peu
BOUvont Vu dos aéroplanes, quoiqu'il y l'uL un centro
l!'aviation miliLairo à Pau; cl la promièro fois qu'ilS
QVruORt l'occasion d'en apPNchor un, co n'éluH qllo pour
contempler Mon cadavre. Cel appul'oil surnalurel se montruit à eux comme uno chose efrroyablornont périlleuse et
menacé!) de la fin la plus cruolle.
- Laissez-moi passer, suppliait Odette, qui rovenail de
ROll premior momont d'horroul' ot de surpriso.
Ll1e rônsslt dilUcllomonl il sc frnyer Un pUl;sage.
�t'OISEAU D'AMOUR
L'homme était couchli sur le sol, Inerte, les vêtements
en partie brûlés, une longuo ligne de sang en travers du
front et coulant le long du nez. Dans son immobilité, il
3yait la beauté do ces chevaliers héroïques dont on voit
la slatue, sur leur lombe, dans certaines églises.
Odetto tomba à genoux. prés de lui sans qu'elle l'eût
voulu; elle toucha le front ensanglanté, de sa main, ot
manqua s'évanouir à son contact.
- Madomoiselle, lit Alexis, ne reste:/: pas ici. .. Allez,
les hommes, aidez-moi à le transporlCT au château, en
douceur, s'il vous plaît ...
Et le funèbro c.()rtègo s'achomin:l vers l'habitation de
M. de Mandanne. Odette, chancelante, le suivait à
(lUelques pas en arrière.
CliAPITRh: fI
L'ÉTRANIif: Al'TITUOE nE
M.
01.: MANDANN&.
Les paysans, après avoir dép03é le eorps du blessé ou du
mort dans le hall, so retirèrent. On l'avait installé StH' un
(:unupé, 10. tête cal60 avec doux gros oreillp.rs. Son visago
a vait la pâleur du linge; seul, 10 sang meltll.it uno noto
r01lge en travers du front.
- Vit-il encore? sa demanda Odolte Gn tremblant.
Alexis ôtail penché sur la polLrino du blo'>86, qu'Il avait
découverte on coupant, avec la. délicatesse d'une mère,
l'accoulrement d'uvlaleur. 11 cllCrchn 10 cœur de la mnlll,
ne sentit l'ion aL hocha la têto, Le rogard (l'Odetto ôtuit
~ \Ispondu ft chacun de sos mouvemenls.
Pour en ovoir le cœur net, Alexis se décida à appuyol'
'Son orolllo SUI' la poitrine de l'homme; il écoula un long
mOIU~nt,
l'n retenant su respiralion. Bllfin uno l~gàro
luour
passn dans :;('$ prunelles.
- Vivant? s'inCorma OJoLto qui aVDit 3uisi Jo ffl iblu
oclat do son l'egal'J.
- Lo cœur bat lrès Caibl('mont. Mllùerno;s '110.
�L'OISE AU n ' AMOUR
-
13
Eh 1 bien, nous le soignerons, nous le sauverons!
eé ~ait
envahie d'une joie exubérante qu'elle ne pouvait
pas pldnement expliquer par la solidariLé qui lie t ous les
êlr es humains enlre eux.
- Catherine, crh-t-elle en rentrant dans la cuisine,
domaine de la vieille servante, avel.-VOUS de l'eau bouillie ?
Non ... non ... inutile de m'aider , je la porlerai seule.
Avec douceur, ct en réfrénant avec peine untremblcment,
Odetle tampon na la blessure du Ironl ; elle s'aperçut bien
vüe, et combi en joyeusement, que la lign e de sang n'indiquait pas une blessure dans toute sa longueur, m ais n'avait
fail que jaIllir d'une étr oile plaie à la tempe.
- Ohl ce n'est rien du tout, un tout petit trou Ilâchat-elle naïvement.
-- Ne croyez pas cela, Mademois'!lle, fit Alexis douloureusement.
- Mais non, mais non ...
Elllo cherchail à so tranquilliser ùe sa constatation; elle
s'im~nat,
inco
~cie
m
e nl,
que la blessure n'aurait que
la gravit6 qu'ollo souhaitait, quo la naturo suiv rait
son désir. Lo visage du blessé , 60ignousement lavé, avait
moilleure allure. L'infirmière improvs
~e
avait élu commr.
hypnolisée par la grande b alafro rougo; maintenant qU'fill e
l'avait fnit dispara!Lre, olle croyait la ,iclimc de l'accident
très près de la gu{mson.
Elle dut vile déchanler, œr, lorsqu'ello voulut ôter
quelques lùmboaux dovêlcments, elle s'aperçut ql 'ils élaient
collés t que, si 0 110 les lirait, la chaU: ùevenuo rouge el
tuméfiée se déchirarait.
Ello passa sans transition dans un morne ablllcrncnl el
:;e mit à pleurer: • Nous ne Ir sauverons pas ... »
- .Mnis où rst Aloxis ? crin·l-clle.
Calherine l'inform a qu'il vOl1..\it d e partir o.ve~
ln voiture
u ln rl'cherche de l'abbé Grolière. La pensée que le prêt re
allait venIr fut com:..'u' un baume au cœur d'OdeLLe. En
oJTel, l'ubb6 Grolièro, il la p:'l1'oisse de qui clle appartenait,
Hait un ~u v!Ul
homm e. Médecin d'8 ûm ' B, illl\'Hit VOlÙU
(,]Ilvonir aussi celui del! corpil. Il !;'é tnit mIs .lU lr.I\'.lil avec
El
�L'CISEAU 'DA~lOUP.
acharnement, et'I aux instants que lui laissaient la direction
de ses ouailles et ses bonnes œuvr
~ s de charit6, il &0 livrait,
à l'étuèe de la médeoine et do la botanique. M~me
qU'lr.q
il préparait son sermon du dimanche - ce qu'il faieait en
se promenant ~ur
les rout('~
- il n'oubliait pas do cueillir
des plantel! médicinales, et il rovenait au presby~èl'Q
avec
uno brassée do n~ur8
ct de bonnes paroles épanQu· à la
pensée que, dans sa misérablo mesure, il aUait réconfortel'
de Dieu, ses fl'èros.
les çf(~atures
Alexis le ramena un qUÇ),rt d'heure aprè!!.
Odette revenait de la tour de soo. père.
- Oh 1 bonjour, monsieur le curé, jo suis oontentr: que
VOl,lS soyez venu.
- Bonjour, mon enfant ..• Alors, la Provi«cnce ~ VQ~l\1
que vous aecouriez 1,10 audacieux?
qU91
- Eh oui, Monsiour 10 curé ... et je ne savai') p~
p'msr.mcnt lui appliquer ni quels romèdes lui pr9dj~l;\,
Y~lçz
vito la voir.
-- Il cpt (lans 10 hAll?
- Oui, là, sur le canapô.
~o
bon curé 6~ablit
r~pjdemn
$Qn çliagnO$t\C, ~ba1,()h
un plan (10 Intte contre 10 lIIal.
"lexis ~t Odette, anxieux, l'obse\'vaiont. Odetto df,lmo.n.
{la:
j
-
Eh bil'n?
pu
- Lo;) );ll'ùl\lres ne sont pas (lulllii gr\1voij quo j'avQ.i~
imog:m \' <l'après 10 récit d'AIQxis. Elles IlQf\\ pour la plupart c,1\l prcmiCl' (legré. !!.ln revanche, leI! ble~s\rO
proçMt~s
par la chute !.L par 1c3 débJ'Ïs ùe J'lIp~arPi\
mil tlcmblont
'\tlsez prorondes ..•
,\100- AVN-VOllS :J.prorté les muùicaments n~cso.ir\l,
!>lieur le curé?
- Hélns 1... Non, je n'ai pas de pho.rmuoiç. M(\ls nQu,>
CIllons (mploycr des moyons de bon~
ft>101\lOa. C9 qui 00
veut pas dire qu'Hs 1\Q sQienL pas d[lCaCOll, Alexis, voulezvous aller nw ch~l'çer
(lu S\lvon blullC de MnrscUlc?
l cçou\lc'z-lc, pour qu'il soit plus Pl'Op~t,
ct taHQs Yi~c
Nép'Her un mél~nge
do vin ch\lt1ù bo\l\\li f.>L ~'R\,
l)otlilli\l
�t'OlstAI! D'AMOU!\.
15
également. Odette, n'avez· VOus pas dans vos armoires du
linge bien lessivé et presque usé?
On lui apporta cc qu'il avait rÔ0lamé et il se Inil fi Sâ.von·
ner abondammonL les plaies a ve..; 10 savûn eL le liquide
Liède. 11 demanda o31Icore ;
- Alexis, allez battre deux blanr,s d'ŒmIs ct une cuillère
d'huile d'olive; cela a une grande VCl'tu contre les hriHures.
Il recouvrit les hrûlures a vec le m6h.nge, puis il pOM la
tOile duucement sur 10. chair meurtrie, plaçu sur certains
endroits du coton hydrophile ct, finaloment, l1xa tout cola
à l'aide de bondes de flanelle asseL: serrees.
Il avait une allure angélique en acompli
~s alt
ces geste;;.
11 BC roleva alors, ayant fini.
- J'ai J'air d'un rebouteux, souriL·il.
Mais, soucieux, il énonç tout haut la fin d'un mol'lOloguo intérieur:
- Quelques brûlures se sont transformé os en plaies ct
n doit toujours 'raindt'o de l'infection, des abcès, dos
f1h1l.lgmolls, do l'érysip610 ...
- Oh 1 c'osl o.troco, nt Odette.
- Non, ma choro enfant, je viens de vous débiter une
suite do noms que j'ai appris nllguùl'e, cl comme ncolier
enlhoudùsLe que je suis, je me gl'iso des mots de ma leçon
lIouvelJo. D'ailleurs, l'hommo n'est· il pas 6lernûl!emcnL un
éColier? ne fait-il pas lOllte sa vie cette rcchorche : quel ef>t
le chemin qui mOne 10 plus sûrement li Dieu?
- Je prierai pOUl' qu'aucun de ces maux aux noms $j
lo.ida ne sc produise.
- Vous aVOl ruison ... moi aussi jo pl'irrni. .. ot je soignerai votre blessé. J'ai tl~i
cornll1U je crois qll'jl est bon,
pour les pla.les graves ... MainLenant, il nous fuullr:\Iliiporter
Cil jeune hommo dnns un lit.
- La chamure drs invit6s est libre, sug;;-6ra Alexis.
- C'ef,t celu, dit Odette. Alexis, allet chercher le jardiniùr
r,our qu'il vou.; aido il monler co malhoureux.
- l'as d\l tout, se r(;oria Je prûlre, je vions do faire le
lTu'ldccin -. ,)11 1un m6ù ecln quoleonqne - jc pourl'ai aussi
})iell tolire l'infirmier, t mêmo mieux.
�16
L'OISEAU D'A~IOUn
Et il prit le ble ~5é
sous los bras, pour bien montrer la
ferme intention qu'il avait do porter lui-même son blessé.
Aloxis saisit celui-ci par les jambe.>. Odette monta devant
eux, poussa la porte de la chambre et ouvrit le lit. EU,)
sortit pendant qu'on couchait 10 bless6.
- C'est lln officier, dit AJexis eu revenan t..
- Un officier 1 ré péta un 6cho dans le CŒur d'Odette.
Comme il deyait è(rc beau dans son unHorme charnaI'ré,
;Jvec son pan talon l'ouge el sa veste Iloire à brandcbourgs.
- Votre père va êtro biw surpris en revenant de promonade, remarqua l'abhé Grolièro .
- Papa n'est pa i sorti, JI est dans son bureau. Quand
VOlIS ôtes arrivé, jo revenais de chez lui, ou plutôt je vent,lis
de frapp er il Sa porte.
- Alors, comment 80 fait-il?".
'- J'ai wtendu qu'il nriait : « Laissez-moi ». En erIet,
il avait recomrnand6 qu'on no 10 dérangeât point. J'ni
frdppé plusieurs fois en disant tros fort: • 11 Y a uo blosso ",
mais il no do\'ait pas on tendre car, il travers la porte, me
pnl'venoil nt des prote:;tntions de sa part contre l'importun
qui venait troublel' ses travaux.
- Ses travaux <l\anc(:nl-ils?
- Je crois ...
- Mai:; no vous en parlo-t-il jamais?
- Au contrairo, il (Jst SilnG cosse en train de me rend ro
compte do SC:i rc herchos, d'6num6rer des dates at drs
noms. Je no 1'6.;oulo plus. Papa est hf')rr iblemcnt onnuyeux
quand il parle do son« Histoire d'Orthez ot do sos onvirons •.
- Chutl chutl VOliS èlos uno nllo biellpeu respectuousJ
aujourd'hui, co rue semble.
- Voilà papa.
gn effet, 10 comto Oailtnn do Mandanno arri vait. Assez
gl'and et gros, il resp irait la force ct aussi la rUÙ:3SIIO,
presqu\l la bruto.li lé. Il marchait toujout'S roide, la tète
haute, ses sourcils épais un peu lron
cé~.
Il portait ce jourlà sa viei lle robe de chambre, par-de"sus sos habils.
- Bonjour, Monsiour le cur6, nt-il d'ulle voix qui davait
sa voir commandor. Comment ::ùJOl:- vous?
�L'OISllAU
D'AMOUR
17
Il tendait 1>a main gauche au prêLre. c<' ltù- ci savait qu "
l'auLre bras le faisait 5011llrir. Plusieurs lois même, il ava; t.
proposé au comte do Mal!danno de lui procurer quelque
emplâlre do sa fabrication pOUl' flon épaulo soufIrante,
mais touj01lrs 10 comto avait refus6 de so soignor ou soutoment do sa laisser examini,r.
- Bon;oul', Monsieur . de Maudanne ... ,\lors comment
.
mnrchc coll,;) « Hi5toire d'OrLhet .?
- Ça no va pa~,
ça ne va pas. Et, tout à l'houre, on l'st
V((IU me liérangel' au moment où je commcn',:ais Il mcLko
rues idées au nût, J 'ai complètement perùu la ru d,~ m-::s
pensées. Pourquoi est -QIl vùnu me dérangor'(
Le prêtro 50 chargea de lui répendre.
- Parco qu'il y a sous votre toit un hhs3é.
- EL qui? Alexjs? le jardinier?
- Nulloment .. , un nviatcul'.
- Un avÎ:l.lcul'l ... El pourquoi diablo ost-il venu se fair,.,.
~oigur
ici?
- HOlt aéropluno s'est br:s6 ù cont pus uc votra tour.
- Où cot homme s' tt'ouve-t·il acllloHoment'l
- Vons lu ('hambro cl'amis, pnpa.
- .Je \';lis 10 \·oir.
L!l comte, Je eUl'tJ el. Oùt:!.tc enlrèrenL nans la pièce,
Lo bluss6, lu fronl <!utQuru do loile, blùlll() ontro los dr'lp!!
hlun ' ~ (IL laÏ'Jsallt sorlir un bras cntiicr-'men , band6, rcspir,ât,
'
avec difn, ull é cL geignlliL doucement, la /)'Iucho
cri'-p6,·.
'\r. d· ~anclu
) l'obsenu ('n cloLail , sms que sor! vj1iDg'
1~ 'moignûL
la 1llOinùl'c ôJllollün. II détourna, lell'.ClIlt'n t., SOl
Y"\JX 011 lit ct sursauta.
I! no)jt cl,) VlI;r, /;ur le do~il'r
d'uno chaiso l'uniform')
pitoux oLaL, mais J'cconrt'\Îfi;.;uI/lr) .
militairo co fol'~
- Un oCtlder 1... ici 1
Eh bll'n, Monsieur ln comte?
- Je ne \' OUX polll cJ'oft1cior ici 1 cri., -t·i!.
- Plus has, de gr(lcc, Pup",
- JI) vail! rht'l'chcr AIc.xi5 ct lui donnûr l'ordro dl'
1\:mOlcner ...
- J\lnit. Oil, ,\Ion q ic1\r III comie:? ...
�19
L'OISEAU D'Ab/OUn
- 1\ llnporte OÙ, au diable mêmo ••.
- Apaisœ·vous, je vous en supplie.
- Non ... non ... pas d'officier.
- Pourquoi?
- J'ai mes rais<Jl1 ,
- - Alors, vous ne voulez pos 10 go.rder? Vous ne voulM
pas?.,
M. de Mand;mne répondit froidem"nt :
- l\on.
CHAPl'l'RE 1Il
VltlLLE lIISTOIRE.
Ce Girr.plc mùt ne se pouvait justifier rzuQ si l'on connaissait l'uistoire de la vie do M. do Mandllnne. En un
iu.)Lont., do l'ait, 11 ,anait de Io\iVlt, ou plus o:.ractcmenL
de raIJ8cntir son pUf:!s6.
11 Mo.lt. 1\6 à. Bordeaux. Sa famille, llfSt)l. riche, y l'ai~djt
grande figure, poss6dant un splendide hôtel ùans 110 ' des
j'ues los pius jJl'IJos du e6ibIJre porL françaiJ. Rlle possédait.
rians le SUd-OUQ5L ür la Frunce, un certain nombre ùe
vj;'lIoh1~s
cl <10 prol'i6t
, ~ dont colle maison de cUlnpag-nfl,
pr(', J c;'UI'i,hez, où 1. de Mandamw 6t'lit \WU 8e \'JUror
<l''PC r.:l Illic.
LO,ÎOlllHl Ga(llan, dès SiJn plU!; jl>llOO age, bD f.>v61a COlTlllle
uu l'~ro
bruy:;ut 1L \olonLul:'cl, lOlljOUl'S prM à la ph'fJ des
Botti-,(3 ou rlU plu otl'.1ugo deR caprices. PJU'lieUr5 précepjl'>Urb, chargôs de !jOli 6ducnllon, 50 rclil'ùrcnl, renoç~lOt
0
tirer do lui quoI quo co soit ou il provOlluor, che]. <:ûl cnfant
impulsif, 10 moinùro ~;(ltJmcnL.
L'un d'cu1-, pOlll'l:mt, r6u!'lsiL. C'bLait un' jeune éturlÏ'1,nt
qui, )ll'Ü, de lIl ' IUril' du t't'lm, se Lt'ouvaiL disposé il s'aecrocher à la moilidN plDncho do sulut, quand MUtO do MandJJmo vinL lui dem,lllùcr do s'occupor Ju SOll fils, Cl ce
gOI'nl'mcnt », dis:liL-eJlo. Mais dans co moL gartll!l1umt ontfnit
lmll gr;lOc1o port d';t·lnüraLion. }:;n lui rovia
~ nt,
et ello l'Il
étai l Ji"~re,
fjCS n ' ~èl / l'(;s
lJoul'Jlois, ces durs Il cuiro, c(ùùbl'us
�L'OI3EAU ])' ,UIOUR
19
pa .. leurs luttes au XV1$ siècle. Elle offrait une place difficile au jeune homme; honnêtement, <llle hli présenta toukll
les dllIlcultés, tous les ennuis qui ['o. ltendaisnt. Il accepta.
Il sut connaître la mture d'l jeune comte, s'adapta à
elle, parIois satisfit les caprices do l'o.dolescent, mals souvent i"éUMit à les onnihiler on les déviant. Pour se . ~I\jre
aimer
de son élève, qui avait dé-jà quinze ang, il consentit ù parùonner ct, dans certains cas, à partager los fredain.es de
l'écolier. L'autre, on compensation, voulut bien quelquefois
po.rtagef le travail de son maître. Au mÎiieu dû l'étonnement génér<\\, il fut reçu bachelier, avec un an de retard
son16meat SUI' ses condisciples studieux.
On 50 disputa le jeune maître, héros d'un leI miracle, et
Il acceplfl un poste ùans une famille bourgeoise opulente.
IllÏgoï.'lle Gaètan 10 regtl~,
car il s'était atiach6 il lui.
Pour l'oublier, alora, il Oft at -- comme on dit vulgaire·
ment - q do toules lèS coulours n. Il but, joua ct s'endelta . .Finaloment, il s'engagea dun', l'arméo, ct ceIu, a \ .. c
l'impétllosilo qui lui était habituelle.
Il n'nvnit jamais [:lit la cannai sance de la discipline; à
l'armée, on MC charJeu bion de lui montrer n quoi elle
do se révollt'r, mais
consisttl it. Au début, il souffrit, C:iS~yu
~ut
birnlôt mulé. 11 dem:mda Il ~tre
envoyé en Algérie. Là,
Il se dislingua ct prit lino hauto opinion do lui·même et de
SaIl régiment, comme tous coux qui on~
,jlé un Afl'ique; il
s'eu glorifia suuyent pm' la suite, mais dans ce cas encore
on sut rnbatlre son orguuil. Il devint un cxcdlcnt oftl/;Îf'r,
Lri."111éru de digciplino.
Et puis un jour, - coup do tHe, COIllme clam ga jouni>SS", - il décida do rentrer en Fran:c, où j'a l !.l'ndait ln~
carrièro moins glorieuse et moins fertile cn accusions de sc
!airl,l valoir et d'obtenir a illsl do J':lYl\Ocelll['nt.
On lui fit l'obfèction, il r6polldil. :
- Je veux me mnl'it'r.
lI/ut nomm(: à Lyon. A BorJlluu:r, ses puronlJ averti:>
de sos projots o~ r6collciliés :\Vcc ce fiI!f qui avait fait par·
let de lui d'uno façon glorieuse, lui aVfiienl déjà irouvfl
plusieur ptlri~.
~tI.
mère, mruo.ùroi.leUJeot, voulut lui don-
�20
ner de.:; conseils; il se cabra, ct un mois plus ta-:-d, par
défi, Il épouça une jeune fille qui sorlait du pensionnat ct
qu'il a\f:ut rLlolÏo par sa prestance.
Son Rral,d ·père, qui snut toujours eu un faible pour s.on
.remu .ml peU -ms, mourut 0. ceUe époque et lm léJua, en.
pro~,
. uno lortunc assez considérable grâce fi. h~ljH'e
il
put instiller sa femme à Lyon, dalls un magnifique appar·
tement d s environs de la place Bellecour.
Une petite fille naquit l'année sui \'ante,
, On l'Hp pela Odette, et sa venue emplit do délioc."S le
cœur de lu jeune mère, 1~l
effet, elle commençait à éprouver une dl-ceplion il. l'égard ùe son mari, Il se monlrait
terriblement autoritaire, ;:e !>upportn.it pas d objecliou et
voulait eire considéré COlI1nl e lin hommo irr6prochaLJle.
11 tenait à conserver cllez lui le prestige dont il jouiss.ü t il.
}>arm~e,
La panvrJ Lrnrnc ~e rep\?llt tlit parfois de son
mariago si inconsidéroJ, mnis elle lI'cn bisso.it rien para'tre ;
toujours douce et a·mo.blo, olle plinlt dovanL la volnt~
ùe son époux el mallre. I: ~ Jl IJ nc hti cu VOlluit pas moins,
réunions
Çlepcndnnt, une ndmirnlioii imlnlllSfJ , cnr dans I~s
m()ndaines qui opporltücnl \l11 Jll'U d" lum lùrc d ~ Jns
sa vie
reluti\'erocnt Jlolltlùre, il SI) monlra il $ OllS son vrai JOUl',
bNl.ll parleur, hon d<tllil', m', eXI'cllent IIlt\ltre do mni!!u,l,
LaIs que furent ses ü1ûux.
Quo.nd son m:ll'i d(lvi
~ co.pit-.tioe, oUe l'on',jdéro. tclte
Jl()mination commo louto 1100tUI'l'lJ " , co <tu,i 110 l'cmpèchl1
pas <lo s'en réjOUir fort.
Le comte do Mundunnl! aim ,l la ll"tiLu Odelle à nn
mBnièro, c'ost-l\·dit'ù d'uue façon inlcl'mil'cnLo, tnntOt
éprouvant pOUl' clic do grands éluJl!; do tcnùrc!lso, ta[l\ôt
cris,
10. tl'ouvant onnu:yC1130 11(11' seB joux el 11 Ul' s~
Uo jour, la 11I<'r.: d'Odotlo lOtl!ba malaùo,
Les ro rilloul'!.l 1lûd('n~
de la villo, conIlJ('~,
déclarèrent
quo h' dirn:..t IlO lui convenlJl pns, 10ii autres
l('ll In~.
qu'ullo mauvl~o
" s~
rnil.ttioll produisait ('hoz eJl' no
cmpQlsOnnOrnPDl du ~an l ; qui, ptlur l,trc llJllI, no pl'C!.c;en.
ta.ÎL }1t\S moil s dell lI1enat ·S pOUl' l'avOlIÎl',
Do toute façon, .n changclDc:ut d'air Il' impOBait,
�21
tl<>:SEAU D'UtoUR
Odette avait deux ans, cc qui permettait à sa mère
de l'emmener. Un des médecin:;, réputé pour son bon cœur
autant I]ue pour ~ science, s'imagina. que 10 père alh'it
prendre celte décision d'une fa çon tragi'lue , qu'il allait
se désespécl'oire que sa femme était perdue, qu'il ~l l"it
rer de co qu'elle emmenût sa fillette. 11 voulut cher~
des
détours pour lui annoncer les résultats de ln COMU 1 allon,
cs "ompLant vaguement qu'il aurait l'obligation. douce à
son l:omr, de consoler ot de réconfor ler un malheureux.
- Mon capitaine, prononça-L-il, voire lemme doit •. ,
àoit...
- Doit faire quoi? subir uno opération, n'ost- ce pas?
quel ch irurgien me conseillez-vous? quel est le meilleur
dtl Lyon?
- Ce n'esl pas cela.
- Bilo est perdue?
- Nullemont. Elle doit passer plusieurs mois dans une
villo d'eau ...
- ExclJllente id6c.
- Avec vot rc petite fille.
- Cela va de soi. Est-cc tout Cil qUI> vous 'Vouliez me
diro, docteur '?
-Ouj.
- Voilà qui est bien.
Le bon docteur Mait d6pilé, il flurait aimé que lacomte
Ua~ln
de Mandnnno lémoi311ût do quelquo inqui-Hude.
~ restera faiblr, longtemps ...
- Votro fem
- Ello 50 ::loignera, dit le comte, qui njouta avec un
rira jovial :
- Ella n'a quo Çà Ù faire 1
. Quanrl sa CommA rut piJl'lio, M. de
Mand~
reprit sa
VIC ùe garçon, Comrn!) ji1llis, li pr,)nait ees déJouners ail
m
el>~
d l 5 olIloiers et, 10 5,)ir, i,l ullluit /lU restaurant ; ;),pr~s
cercle. 1.0 l'osto du be1npG, il 10
:" cl ntn('r ses orOres
ét à surveillor avec le l'Qin lu pl u::> méticuleu"'{ leur p"rIail e Ù;'(l'CU( iOll.
quoI, il
P,18SJ,it
::tJ
l'onuo.it
Ù son
il h\ caserne,
lOUjOUfil () 'eufll"
�L'OISEAU n'AMOU!!.
li criti.qualt souvent, ei avec une cortaine aCrlmonit,
subordonnés.
Jusloml.'nt un jeune oIDci')r,' Edmond de Marly, se trm.tvnit SOU!! ses ordres depuis peu.
Le capitainc' du Mandamn prétendait juger un pefllon.
nago à première vue. Jamais, d'ailleurs, il n'av<,.it trouvé
personne qui lui plût entièrement : " Celui. ci est un
imb '; ciio, œlui-là un fat, cot autre Wl incapable, cet nuLre
oneorQ tin demi-imbOcilil (ça, c'était un eomplimont 1) »
Quand Edmond de Marly fut venu p our la prûmièro
foi salner Je capitaine de Mandanno, il reçut une 6Liquette
pen flatteuse: Œ VaniLE'ux P,t arriviste ». Co qui pouvait
bien ltrû vl'ai.
Bn ce qui concerno le pl'cmi
~ l' termCl de c vanittl,n: ",
touL le monde aUl'flit pu s'accorder pour 10 lui ntlriburr.
De Marly d6plaisait., son défaut r;nnLait il la VIlO de qui('.onque. 'fout s sec; phrases comportaient les moLs « Moi»
8CS
ou c J e " ; mêmo lorsqu'il parlait d'actions qui ne 10 toudtaienL on. :\ucuno fnçon, il no man1juuit pliS do dit'o :
• Jo sni!; cru ..... D ou « Commo jo l'ni appris .... D
Il c33'\ynit pnrfoiq de [uiro do l'ironio, mais il 1l't11','i vnit il J J l" ~!io r p ~ I"50nJl~
; )1) sl1ul r6sulLnt. de El s plaÏlmnLrrle!l
ôt.Ait Clu'jl !;() Cuisail. délester ou I,rondt'o pour un l'ur[ai t
imlJ(!dl '.
En lui-m'~nH,
10 mot ~ nrrivil1 () • comport un s'~n
péjoratif. Au d6hul do sa carrière il Lyon, do r. ady ne put
pas pr~lo
il el) ll'I'rodlC ; il Lémoignnseulumcnt d'lin inténsr
rlé!ir d'èlru bien Got6 rt. do voi[' S05 hommf ~ Illnrchel' droit.
TI avait. Je grade do souR-lieulenant. ot Oll1ploit hlcn, en
peu de mois, so voir privé dl' ln particule l'c:sirir,lÎ'/e.
A peine pouvait-oll ('ollsider!' comme inlriglJol'hnbitndu
qll'il avail d'invilc!' a~
mess CCIlX (IIJ b'J:1 grade r.L dl'
rrchcl'choJ' hl ('omJ)
: )~lIO
do sos ~\Ir('i
ut'S , Cil I(>ur pOilant
SOIJvrnt deI! que/Ilions SllI' rios dPI 0115 du ser'li"c ot on
demandunt Ù( S éclair~.omn!
eur Ù('S Guiols techniques.
11 rous~iL
il ôlrl) illvilé aux 1)'115 Ù(l la l'.olo!)elll) . Il avi~
cl('o lai nt!. variés: oC'!ui do fair ~ dnnspr les -,ri ci ]l1'~
dam e'
de f{lçon tulle qU'I'll ns croyaient avoir encoro la J6gcrl'tO
�L'OISEAU D'A~r01JR
23
de lp.ur jeunesse; celui de savoir p<lrdre élégamment a.ux
échecs avec ses supérieurs, apl'ès avoir été bien menaçar.t
pOUl' eux. Au billard noLamment , il n'avait pas son égal
pour perdro ou gagner li. son gco; il 50 laissait vaincro
pllr le colonel qui v(>nait d'ossuyer une défaite de la part
du lieutenant-colone], Et il ne manquait pas, lui, do
Marly, d'écraser à plate couture cc dernier, ce qui donnnit nu colonel nne Lrès grande fierté de son triomphe.
Le capiLaine ùo lI1a'ld,mne n'aimait pas les soir6c3 mondaines, 'fJuoiqu'il y brillât quand il le voulait, et il .c;ui vit
ri'assez loin les ir.lrigùes de soo surbordonn6, 11 apprit pourtanl quolquos potites choso, sm' la vje de Marly, pal'
AIC':XÎ8, son oruonnance ; en particulior que le jeune souslieutenant s'ét-'\it mis à dos toute sa ramille après une jeunesse tapageuse ct lihertinc. 11 vit le point comlnun qui
exislait entro lui et 10 jeune homme; i\ pensa alors que
rclui-ci Hait, comme lui, uno sorte do repenti. Car l'ar'Héo fail de cos roil'acles, ~.:
de l\Iandallnc nourrissaiL pour
l'nrrn60 un culte :u'd 'nt; pOUl' lui, clio était le creuset où
sc forment les héroïsmes ol les dôvouornouls déainLl"ressés.
POlir lui, il n'y avait jamais de traîtro dans l'armée.
Ausi co lui ful une im men<;c déceplion quand, danJ
T.n.l,ibre Parole, du 29 ûctobru1nc:'., il lut cc polit enlrefileL:
« 8<;l-co vl'ui, quo, rôcemmont, un3 arrostation forL impor« 1anlo aiL élé op61'ôO par ol'Jro rio l'nu l.orilG rnilit::ure?
" L'individu ilnN6 serail accusé d'espionnage. Si la nou~ vello ost vrai , pourquoi l'autorité militaire gardQ-L-cll'
~ un si lllnce ahsolu ? Une r6pon'io :;'~mpos
1»
Le tét Novcmure , le mOrne journ"l publiait une man·
chet.te en gros c!l.ract6res: ARRESTATION D'UN
OFFICIE R. JUIll'. On y trouvait ln nom du pr6tC'ndl\
coupable) : 10 capitaino Droyfuc, de l'J!;laL-Huj?r do ~'.\r
!néc; on y oppronait qu'il 6tllit onfermô depUIS pluslour..:
Jours au Cnerclle- J\lidi.
(;'étaiL le tout début da l'ol1:llr1l Dreyfus, c.ol~
aITairt'
qui dovu.ll rcmup.r profondllInl:llt Jo public françai!l, agitel'
toutes 1"3 dussea sociu.los ot créor dans l~
f().mil~s
mf)mo de,> h<:linC's irr6conoili:lbIC'l, ..
�.,'OIP.f,\t; n'AMOUR
C\>st un fait, de Marly cl de Manrlanno ne pouvaient
L'hostililu entre eUl: n'existait pas ouvertemf'nt, mais elle existait, tacite ct sourde. Da Marly qui,
selon i'rxprrssion de 5t?S camarades, • rampait D devant
les autres oiliciel's, n'arrivai. pas à témoie-ner un tel esprit
de servitude à l'égard du cal,itaine. Il le fl;l isilit invo lontairement. 1.3 nature humaine a de ces capric;es insurmontables.
- Dès la premièl'il occasion , je le clisserai, jurait de
Mandanne, agacé par mille mcsquineri(>s.
L'Occ1sion S r) pr6senta bientôt : de Mandanne n'eut
garde de la mallquer. Au moment des propositioll!4 pour
10 tableau, il &cl'ivit en ri gunl du nom du sous-lieutenant
do Marly la mention: « incupable pOUl' Je moment ».
l! espérait le mnle!', I,omme il l'avait 6lû lui-même
nagu{:re.
,
De Mlll'ly 3vpril lu CJUSO do l'échec do son av,\Ilcemrrll
avc~
r ge, el, comme on ponl Lien)o penser, il jura do SEl
Y<'nger. (.'ûtnit la lutte cnll'e le pol de te1'ro et 10 pot do
f('1', :\ cau!:e ùe la. difTérence des grades. La Yongeance
id éalo dont rêvail de Marly amuit été de devunil' le supt'
rieur de do Mandanne el de pou voir ainsi tourmonter se n
I.'rlilcmi. ]\fais, mOrne p;lr Uil 13holll' acharnu, ilue pouvait
(,.iiptinf avoir un uvancement tel, qu'un jour, dans l'échelle
hil' rarchique, il ùominerait so/\ actuel capitaine.
Il décida d'omployur Url tlutro moyerl : la calomnw.
Depuis EcnUffiarchuh;, il n'Elst phlB por,siblc do faire un
autre laJJionu d.o ia calomnie. fJi$Oru; seulement que do
Marl; savait la manier avec uno raro mallriso.
00 p:' ê ta.i~DL
aux ÏJ.}ginual i-ons.
Les clros.ODC~S
L'oJlniro Drcyfuli, qui dcycuai t l'Afiélirc loul courl,
l'chonùissoit. L'illculpa, l'Joi uvait Al6 conùanlM le 19
~iuns,
f:Qmme ,1 avIlÎt
décembre 18%, avait do cllD.udl> pl1'
le:! plus t; l'rihl cs adversaire!:.. Tou!) h; ontcifi l'S , plua ou
Inoins, ~('nhjct
eH qu'Il y avait de : rouLl o dum la clJnJuitc
do l'onquflo, d'ilMgal dI/rIS 1\)9 fermes du jUgCIOwt,
mois tous aussi, par Giscil'lioo, se rart).;f;'aicnl au. viJr.:lkns
oIDc.:Jclle/l doné~c
~r
l'ÉtaL-Major. On n'o ~a lt pd~
avollu.r
~·cntedr.
�L'OISEAU n'AMOUR
25
Sfs doutes, ni énoncer un avis sur ce que l'on de"rait laire :
une parole lâchée ct prise dans un sens défavorable, et un
officier voyait son avenir compromis, sa cnrrière militaire hl iséc.
C'est une parole de ce genre que guettait de Marly.
Maie; M. de ÏlIr1ndanne ne la prononçait pas. Il avait,
comme nous l'avons dit, un immense respect pour l'Armée
ct l'esprit de l'Armée. Peut-êtro éprouvait-il, au plus
profond de lui-m~c,
une certaine amerlume contre les
procédés qui s't mployaicnt, mllisil n'enlaissait rien paraître;
ln partie raisonnante de son âme étn1t, comme indépendante ct n'avait riEn à voir avec les afJaires de service.
Le temps passait.
Le jeune sI1us-lieutenant, soutenu en haut lieu, obtint
Son tlcu:xitimo galon, muis il n'eut que peu de joie de
('oUe rovanche sans éclal.
15 Janvier 18\JG 1 Un coup do tonncrr3 secoue l'opinion
frünçaisc : Zola puLlie : « J'accuse 1 ~ dans Il L'Aurore ".
'l'uu ll'État- Major est mi~
en cause.
ellt article cut un ret ,nt.l!lscment onorme dans l'armée.
{Jlll'mi los cnmard~;,
de de Marly. Après l'(\voir lu, des
groupos 80 formèrlml, conversant tlVec animati n t t
témoignant une immenso fureur contre Zola, «ce romall·
cier aux livrrs m.alpropros ". Même des officiers QSS<'/.
llaut plC\c~s
prirent pflrt à la discu'lsion. On sympa.thisalt
dans une même réprobation.
Plusieurs rois, do Marly glissa CClt/) l'emurque :
- Le capitaino de Mnndanne n'est pas là ...
(Jn 80 borna li approu ver:
- C'fst Yr;1Ï,.. il n'est pas ID .•. SQDI! doute il cause du
:;ervico.
- Oui ... le 8I.'l'vice, nt de lllarly avec un sourire plein·
de sous-entenduF, que quelques-uns nolèrent.
A c~ mom •.' Il, de Marly eut l'id6!! d'une atroco accus&.lion qu'il pOllrrJ.it porlor s::Ins en avoir l'nir.
Quelques SCIDoiocs oupara vaot, des scribe.'3 Mimés de
rage t:.n.ti-sUmito avaient révisé un œrtain nombre de
Uc1es Ù'" renseignements l'datifs nui.: officiera et sous-oUl-
�26
T.'OJSF-AU D'AMOUR
ciers; ils avaient dé c ûuYe~t
qUIJ Jo nommé Léopold Perret,
ct de Sarah
adjudant-cllOf, ét:.:il fils d' J\.uç:uste Pcr:}~
Colmer.
.
Sarah, prénom à résonnance hébraïque 1
Léopold PerriOlt avai1, du 6ang juif dam les veioes !
11 Y out un décho.lnement contre lui.
AussiLôt baptisé halneusement « Samuel » par ~cs
anciens camarades, il essuya de so défenclro muis, caractère faible que fo.ü se dresser la moindre pointe, il se LrOllhln, se laissa accabler par les sarCl\smes, s'avoua vaincu
ct finalement, p<:r ses paroles embarrass6cs, laissa supec~'
des sontimollLs dreyfusards qu'il n'avait pn~ .
Il dut 50 démottre.
I! ôLait sous los ordl'os de M. de Mandanno. sous-omcir!', n'ayant qu'une -,'olonté : CeHl) do SOS slIpéri.ours, il
obéissait au capitaine o.Vûllglômollt, comlno uu grogMrd
Je taisait ù l'égard de Napoltion.
M. do ,'\la ndanne n'avùit pas Ml: ::!!JIlf! l'ollscnlir une cC'r·
tain" fierté de 'el to obéissOllCC absolue, ct do Marly, sans
10. faire rcmurqucr, ..
A un groupe ('0 cQnvol'sDlion unirnéc, de J.\Jady jeta
un e Ilouvelle fois:
- Lo capilai!l0 de Mllndanno Il'1'3l pas là ...
- Til'n.:, c'csL t'llonnun t, dil un officiel'.
- C'f's ll'ltcure du );ervice, peul-illl'r, av'an.ça un auiN.
- Non, je M crois pas ... lion uel'vico est termlnu,
rc\pondil Ull nommé Knrtas.
)) 1) MurJy,o.vQCUII fBgal"u ct unsourire6quivoque:;,sugl{éra:
-- Il CAt !llmL.M,re encoro avec ~ Samuel •.
Co tul une mèche allllm6e dans un tonneuu de poudre.
- DI) Marly, vou~;
l'avez vu fHlCQrO avec Perrot 't
Le lieutenant lIl'olcsta, mals d'unt' [oçon telll) ql'(~U\
pel'lndLait tOllS Irs soupçons 1
- Mais lion, mnig non, chers o.mis, jo n'ai jl!m9i .. prétendu celu, je n'ai jamais cu l'habitude de mouchar(ter ...
On ne manqua pa~
do pNlllOt qu'il ne voulait. p:.e~
amener
d'cu nui ù. son copitainc, on l'Cl lança dJJl'l une vigourouso
diatribe conLre le fils dg Sarall Golmer :
�L'OISEAU Il'AMOUR
]l)Î~
qu'il Y avait un sale espion juif parmi 110\15,
prêt à nous vI:mdre 1
français qui ne
- Et qu'il y a peut-être des omei~)rB
Ilont laissés ensorcelor par cette race maudite, ajouta
quelqu'un, songeant au capitaine de Mandanne.
- Ne parlez pas des a.bsents, supplia hypocritement de
Marly, orianlant définitivement les pensé~
verl> le comte.
- Si, illaut en parler 1 cria un exalté, c'est l,ne quostion de vic et dû mort pour nous. 11 faut, absolument,
dè" maint.enant, nous ...
- '1'i,dsm:-vous, coupa de Murly, n'accusez pas, inconsidérément.
A col. instant remontoÎollt. b. la lD6moire de tou~
mille
ri ens quo do Marly avnit rapportés sur SOli chef, un mot
qu'il avait prononcé lors de tel articlo, ,IDO N'Ii\nrquo généralo qui pouvait s'intorpréter de diff61'ontes façons "t quo,
de rail, 011 illtCI'prétnit contre lui.
Do ',IArly. ayant inoculé son venin du soupçon dans 105
esprits de beaucoup, ava' l disp:ll'U. Quand on voulut lui
demander def. d6l.ails ou dos fails précill, on no 10 trouva
pas. Alo7s los esprits l'uOévrés el ompoisOI}llés MUrent
des hypolhèsos qui furellt l'DppOl'tô s il. <l'autres pùMlCnnCfl
comlllO des prohaliL,'s, lesfJuollC's personn es los trnnsmirent
à !eurs amis 801lS 10 5('OUU ÙI) secl'ot, C0mIW! dco prilsomptious lrf.s f'll'les,
FinoJf)menl, dcg paroles prononcées sClns fondoment
devinrent de précises ,.ccuS<J.lhns cl nrrivl:r nl À l'oreille
du colonel. Le cl)lond Mail IILtoinL cio l'" llS[Jionittl • : il
voyuit des eRpions p.Il'tout, Ol! phI!! Sirn}IIOIn('nt dOl> cnUflmis dans tous los c()ins ct, dons Il' cas prt'lscnl' des droyfusflrds dis/Josbr-; h 10uI..
L.} cfl}JiluiJlo dl~ Mandannt' reçu!, lJil'nlut, l't non 1\1'11'.
étonnl'mont, colte coude enrlo du (·.oll'Il!'J.
" Ordre (lU CI'Jlitaiflc de Maud/Jlllle d,' pa so!!/' (w blll'I'au du
rolonel,
,e snir, à 18 I,curc.ç
11 alln ail r"l1fln;- VOU.i:
».
lItlf:
fois introduil, il '(\ IIg
Il
�%8
L'OiSEAU D'AMOÙR
dans un impeccable garde-à-vous et attendit qu'on vool1it
bien l'informer de la causo de sa convocation. Elh lill
fut donnéo en quelques mots :
- Capitaino de Mandanne, quand on est drey fusard, on
ne reste pas dans l'armée.
- Comment? mon COIOMI: vous prétendez quo je suis ...
- Je no prétends rien, je srus quo vous êtes 10 critiquo
des acLioM de vos cheIs et quo vous approuvoz leers
dét.r&cteurs.
- Jo proteste avoo... •
- Ass/'z! pas d'hypocrisie, capitoillo de !II nndal1ne,
vous n'allol: }Jas garder votre uniforme plus longtemps.
Choisissez: la démission ou le conseil ~e. guerre. Je VOliS
conseille, pour ma part, 1 démiS3ion qui sauva la façado.
- Mais, je no voux pas ...
- AsSO/, vous avoz 1,8 heur S pOUl' réCléchir. Hompez 1
La nouv elle du 5c:mù::ùo s'était répandue même parmi
Jes soldats d'ordonnance cl, ainsi, Alexis npprit co dont.
on accusait son matira ot commont on avait connu scs
opinions.
QuanJ il le rencontra, il lui dU :
- Mon cJpitaine. edt-eo vro.i quo ...
- Ah 1 loi, aIl moins, lu doutes 1... 'ru ea le soul.
- Alors, co qu'on il tolporl6 sur vous ost faux?
- Abominablement f:m:x 1
Et, nprès quclfJucs iQ!jtunts de lour~
~ongric,
\1. de
Mandanne laissa tomber:
- Ah 1 ru jo pouvais savoit' commC'nt on a pu s'imaginer
quo j'etais un adversairo do J'Ol'nLôo ... un drcyfu!ard ...
absurlie légendo a-t-ella pu
Comment, mon Dieu. ~otl
l'fondre nalMnnco ?
- Jo l'ai suo do la bour:-.ho de Tluuref>, l'ordonnallCo
du lieutenant Knl'tus. JI pw'a,t, quo 1'011 vous Il. vu, tout
récem
~nt,
ell corupagnh: do l'adjutlant-chof PUr!'cl.
- PeL'rol1._.
- Oui, 10 sous·otBciol' juiC.
- Co,l unD c..lomnip.. Quo prétondait-on f!UI) je luisais
avec lui?
�L'OISEAU D'AM OtIn
29
- Vous parHet ...
- Maü; qui a été rnoonter cela, dis, Alexis 7,
du lieutenallt de MWily.
- (.'(1S , il la suite d'une r~maque
- Dc Marly? Et il m'ac,cablait?
-- l'QS merne, il do essayé de rcpen
~ lre
ce qu'il avait
avancé, rnai~
...
- M~ i s en s'o.n'angeant pour qu'ou le croie mal.g:ré sas
dénégations ... le malLre fOl.irbe 1
À1.. de Mambnne prit une d ~C' igon
:
- Âccompagne·m0i dllns mon bureau, je vais éc.rirc
qtle]u~
mols que tu iras porte r.
Tout en suivanL son officier, Aküs l'entendit mur·
tnor~
:
'- 11 mo le payera cller. Jo l:omprcl1l!s son Jeu,
11 écrivit deux billets deslinés à deux oillciers d'ml COi'pS
différent du siCII Ilt qu'il ~vo.it
coutume do l'encontrer au
cerde. Une autre l ot tr~
ôtait destinée au lieutenant de
Marly.
Le lendemain, celui·ci la trouva dans sa. boîte !lUX lettres.
Elle était ainsi rédigée:
v Lieutenant de lI1e.rly,
Vous nll&l. bienlûl recevoir mes témoins.
« Veus savez sans doute pourquoi .
• c..'fat moi qui suis l'offensé moralement, mQ.Î.S comme
à l'à1lroDl, je
personlle ne pont pr6lendre a voit :us i~lé
vous permet .. de choisir l'arlilo du cluel.
« J'espèr.) que vous n'aurez pas l n lûchelé de ,'ous ~6ro.
bpI', vOus ljui savez à merv.il~
omp!oyer la fOllrberle ct
!aire pn~8rl'
pour dreyfusard UD o1lic1er qui n'a jamllis
",talé po.reils senlimp.uts.
• ~'atends
impntiemrocnt lu répolll:Je,
De MondMIlc '.
~
cl~
!Je ~I orly froissa la lellra ct lu jota uu leu, li trrmbluît.
lout son torpB. ]]ienlôt les témoins arrlvèl'Cllt. De
Mnrly clJoisit le pistolet ~u'il
wanlnit avec unc certaine
IiÜl'ol(.,
�30
Comme nous l'avons vu, il avait été tué net.
L'affaire fit un scandale dans les milieux miiitaircs. ;\I.
do Mnndanne, réput6 dre:yfusard et accusé d'avoir tué U[l
'de ses camarades, fut arrêté. Lo Conseil de Guerro c.epenùant ne voulut P,I/; créer uno nouvelle alJoJ t'C, l'Arméo
étant déjà suffisamment att.'lqu6e. Les amis de M. de
!r!anùatffiO firont tous 10ùrs efferts pOUl' que l'affaire ne
s'éLruit.'tt pas. Ils Dccomplirenb toutes les démarche:.
possibles en sa faveur. Le oapitaine de M:mdllnne fut
aCfluittll, mais S,( carrière militairo était achevée.
Quelque chose de celle a:Tairc transpira cepl'ndant, ct
trois OH quatre journaux so) firont l'écho dos bruits qu'on
r6pandait sur le capitaine.
~Ilne
de hl nnùanne, qui fnisait toujours sa cure et n'i·n
Iclirait que peu Jo profit pour e.a Bonlé, ut le malheur Ù"
Lomber sur Hn des courts cntrcnIl'ls relatanl le jugement.
On y parlai l• do u capit::unc né .\ Dordl'tlux, à Lyon depui::
Pl'U de lemps .,. C'él.oiL assùz explicilo pour qU'f:lIe n'eflL
pns de doute sur l'idcntit6 du personnage vi:;é. Celo. lvi
porta un oup et, malgré sa 1aLiguo, ollu décida de partir
pour s:J.voÏ!' ul. pour consolûr.
\1. ùe 1\ :mdnnno avoua qu'II avaiL lu,J un ùe SOB camI"
raùes 101'., d'un duel.
8a ("lI1mo nullement rébbllc restn auprès de lui, Illl:ùgré
une cl'rtnjllO rûpulsion flu'ello ne ruprlmait que par WI
~fTort
de sa volonlé. Un jour, clio vinl vers son mari,
tennnl UIlO 10nb'1l\' l'livc1oppc manve.
- Galitl\ll, qU'l'st-cl'('i!
- M:l!s, \.Ine lettre, jo gago 1 Où l'us·tu tro\lv6e?
- SUl' mon seor()taire ... \lou'verlo dlJ poussière ...
- Ah 1 je me souviens 1 un jour cetl lettro ij L al)riv~e,
pendant ton uhsûncû, lo "oulais te lu fairo suivre ... j'ai
ouhlib ... puis eotto malencontreuse histoiro est arrivée ct
je n'ai pu te' l'envoyer. Do qui esl,-olloY
- Je ne snis paB ... je vaill l'ou 'Irir.
Mm, de \fondalUle lut et marqua une mou·. de ùéVit.
- Qu'y a·t·il, Simone 1
Elle lui tendit la missi e ;
�L'OIS~AU
n'A IOUR
Lit;.
~
M. d,a Iundanne lut à mi-voix:
Ma chère Simone,
«
n y a hien longtemps que nous ne nou~
some~
"i je t'écn.s c'ef;t pour te demander un service.
yues rt
« Le fils d'un ami de mon père et do nt tu te souyieru:
peuL-être - cor tu jouas avec lui étant cnfant - est dRn~
J rn6me r{)giment que ton époux.
« Tu me feras .ln très grâlld plaisir on l'invit,3\\t t1lJelf(Uafois el en le recommandant à ton marl.
« Tu vorras, il e5l charmant.
»
• Il s'appello Edmond de M~t'Jy.
~dr.olù
do Marly!
M. do MAl1dllnno {1'I)n~a
l'Irroct6 :
Jo liourri! "t ('Ut
1l\"C(;
un c.'Ùme
-- Cetto lottr.\ nrl'ivo t.\'OP tm'd ... Plll.!JqIlS je ne clUis
plus d.lns l'armôe. QlÙ t'écrit?
. -- Uno vieille cOllsmo ... Mais on pourrait ccpoudan t
Invitc\' co M. do Marly. Je me le l'.lppnUO maintenant tr~3
hit'n. C'cst 6tonnant COHlll10 les souvenirs d'cnfanr,c VOUE
rovÎrnnl'nL. Je 10 l'ovois parfailomrnt. Nous lltiom, un
jour, tous les du·, Jans le fond du j~rdin;
il Y nvait de
grof.llr:15 pivoinos du plus beau rougo cL il oon avait cueilli
tout un bouquet pOlir mol. 11 1 quelle fess60 il reçut qutuld
o~
out const~6
les d6gâts. ,Jo l1li domanderai s'il ,,'on !lOUVIent. Tu l'invllertlS, n'e!;l-co pas? Évidemment t1l ne
peux plus d'On [IUT,: n a I:lVcur, maL on pout 1 rooovoir .•.
•- ... N'osL· cc P,IS, tu lui diras da venir?
-- Non.
- Hl pourquoi, mon Diou?
lui quo j'ai tué.
-:- Parl)o que 'c~t
~Imon
G'ucroula sur 10 tapis. La plltite Odette M
Pl'tl<.'lpila Sur la corps innnimé do sn môro ct se mit à san\!!()l<>r ct ù l'nppoJrr doucf'mout.
�32
L'OISEAU n'M,loUR
Devant cc spectacle llécllirant, le comte resta accablé,
sans un p:cste. Enfin, apfds do longues minutes de complet
anéantissement mental, il songea il. :lonuer la bonne.
Elle arriva et vil d'un coup d'œil la ficilne. Ello s'u6cnouilla pros de sa maÎtresso, écal'ta Odetto sanglolante et
demanda des seLs. M. de Mandannll n'cn avait pas. La
domestiquo dut GO cont~er
de porter la malhourollso
Rimone sur sùn lit ct de lui bassillor les tempes avec ùo
l'oau [l'niche. Quand la malade ropriL ses sens, la ooubreLto
se Nlira eUI' l'ordre de M. do Manlla.!'llle,
SimOlH) ouvrit le:; yem:, parut lUI instanl étonnée ('l,
aperçut son mari. L'borreur mil son empreinte Ilur SOD
visago eL elle s\'vanouit ùo nouveau.
D~s
lors, la yie devint inLrllnblc dUIIS l'apparlement dc~
on virons do la placo Bollccour. Simone, débilllée par 51
maladie ct pal' son voyago do retour, était huntôo p:''Il'
la ponséo du el'imo do son nu:nl. Il avait l)SSuy6 de 1\11
c~pJiqur
('0 qui !j'ôtait pass6 ontre llli ot de !\1arly; cll.'
n'avall rÎt'lI l'ompris à 1,')ules GUI complications pollli11 11<'6.
Souvent, revonant d'lino prollwntldc nu cours do laqlUlll ro
il éI'Mait cnnuy(;, il la surprt'nnil par son nriv~o
la trou
vaiL on lurm G, Il so r,lpPl'ochait. d'cUo ct v~ul:Ji
lui
~urio.
Ello 10 l'Cpous!> li l :
- Ahl tu me fuis hol'rt)Ul' ... Va-L'on ...
- Simone, 6couto·rnoi ...
- Non ... non ... tos Ulains ont /J ùllAÙ lu morL ...
Ello no pou\aH sc souslmiru il l'horrible vision.
Une (Iutro l'onsée loul'menlait, ln pauvl'o Jcuno fomml'.
Elle répétait GOU vwl :
- Dire quo je SUlt; un pou responsahle do La mort de ca
jeune homme qU? f.ai ~Ilnu
touto petite 1 Si jo n'uvals
pus 6Lô malado, 11 VI\'r.lII, car la leLtro est nrrlv6e pllndJJ1lt mon abs(Jl1cc, avant quo rion d'Îrrôm6dinblo ne !loit
arr!vé . .Man Dieul j'aur;iis pu éviter toul r.cI'.1
Pt;; norrs ne purf'nl rl'Si~L
longLrp~
f\ 0'1.1., nbSI':;sion
Elle dul s'alilel'. EUt: déliril pend nt I1IUt;iours jourH, rn
�L'OISEAU n'AMOUI'.
aB
proie à la fièvre l'l plus yiolenle. Les médecins redoutèrent
une méningite.
Mais un matin, Simone s'apaisa. On la crut guéri<l.
Son mari, pendanl sa convulescence, décida de ne pas sa
présenter à sa vue, de crainle d'une rechute.
Consciencieuse ménagère, Simone, encore alitée, voulut
fairo rMI;9r un peu sa chambre ct, do son lit, donna ses
ordres à la bonne : « Henriette, placez ces lingl?s ici;
ouvrez celto armoire, à goluche, vous trouvorez; une
hone ... »
II orioUe ouvril une porle de placard. C'étail celle du
vestiQire du capitaine. Un magnifique uniforme y ôtait
pendu.
- Ah! encore! hurla Simoun.
Et, dans cc cri d'épouvante, ello mourut.
Son mari supporta stoïquement coUe épreuve, comme
il en supportait d'autroR : chaque jour, on ellet, il ôtait
f'Jueslion de reprelldre cette affaire de duol, la famillo de
III victime ayant perté plain le el, d'autre part, un maltret'han leur, (lui avoit ou venl de l'aITairc, JI) menaçant rio
saisir la presse. Un Jour, alarmé, ùe MandamlO out le
malhour de donner uno üerlaino flommo d'argont ; l'homme
rlevint plus exigeant et d'aulres rapulas do son cspèco Si)
prèbEml~cnt,
L'argent fila ; )e comlo n'on out bientôl plus,
qunnd, pour arr ôter des poursuites, il cul, payê des
dommoges à un dos po.renls de Marly.
n jour, un nuero vint s'arr'tor dovant la maison de
M, do "randonne.
Alexis aida 10 cocher fi dtsccnrlro do la maison lino
mn)]1) maladroitement bourréo par des mains d'hommo.
Le comte apparut, un pou voül6, menant par la main
fIllultlJ, vÔluo d'habits do deuil cL touLe pâJoLle BOUS los
6~olTrs
noir 5. 11 monla dDns )1\ voilure, assit Ode te à
lion côt6.
- Ion capitaine, lit Alexis soud in, gardez· moi avec
BfI
"OUS.
�"'
•.d
L'OISEAU D'A~IOUR
- filais nOll, mon pauvre ...
- Si, mon capitaine, gardez-moi, je vous.en prié.
_ Voilà mon adresse, près d'Orlhez ... malS ne te crois
pas engag6 vis-à-vis do moi. Si Lu trouves une place,
prends-la, elle sera sûrement meilleure...
.
Et M. de Mandalffic so retourna ver!; su fiUo qUI, pal'
inildvertance, l'avait louché do son pied. Il dit, d'UM
voix coupante;
_ OduLte, ne remue pas, ou je le punirai; tu dois Mru
une gl'andc fille mainlcnanl.
Elle no bougea plus ol sc tut COlllmo uno bète ballue.
Sa vio d'enfant obéissanto ct soumise aux ordres de Son
père, commonçait.
- En routo pour la gare, co (',1\er1
M. de Mandanne, vaincu do la vie, l'olournait, On aigri
au pays de sos aïeux , ayant jUl'U do n'avoir plus auc~
rapport avec un homme porlant l'unilormo militaire.
CHAPITRE IV
IL
RIlSTt:
Ce sermenl, le comle l'avail fail sur la lombo fratchemlmt l'oCerméo de ea femme.
Pour la premièro fois, depuis seizo UIl, le sort la
mettait en face de son engagement.
11 y avait, bien inst~lIé
ùans un lit du château, un
hom~e,
un amas de chaH' sOu~l'ane
l'éclam;.mL des soins,
cl lUI, de Mandanne, ne ~oulat
pas 10 gn.l·der. II exigoait
qu'il s'en allât do choz lUI, comlllu on veut 6carLer do soi
les fantômes qui hunlent vos mauvais rÙvoB.
L'uniforme s'étalait sur lu chaise, s'imposait.
Le bon abb6 Grolière ruvinl ù la charge.
- Monsi~r
lu Comle, je m'étonne prefond6mcnl de
votre conùUlte".
- i\ volre gré.
- Non, ne parlez pas ainsi. Rô06chisscz un instanl.
�L'OISEAU D'AMOUn
3')
voilà un homlOo mourant et vous voulez le repousser ...
est-cc là le devoir d'un chrétien?
- Et aussi, Papa, il est impossible do l'ommeilOr. nous
n'a vons pas de voiture où l'on puisse le portor couché.
- Qu'on aille en chercher uno ... Aloxisl
- rapa, ne fuis pas cela 1
- Monsiour le comte, jo 'ais appel à vos bons 3enli·
ments ...
- Je ne veux ri n on tendre 1
- Papu, la route, j'en ai fait l'expérience ce matin
même, est horriblemenL mauvaise. Les cahots sont
nombreux eL douloureux ...
- Ils seraionl fatala à mon blessé, ajouta le curé.
- QI/'Orl le LmnsporLc à bras, alors 1
donc co jeune
- C'est de la folie. Mais conais~-vu
homme'l Vous somblez lc haïr; cc ne sorait pas lù, Mon!-lieur, le gosLo d'un bon chrétien quo de rejoter un ennemi
qui va pout-êtro mourir.
- J'ignore mêmo son nom 1
Le cllré, Cil ùésespoir ue causci omploya une ùernièrc
:Irmo ot l'assén'l avoc vigueur:
- Monsiour le comlo, dit-il d'un air sombr n , jo crois
qlle VOIl!! vouloz commollro un homicide ...
C'ûtf\it m610drJmaliquc, mais 10 coup porla.
« Horn icido », co mot ûveillail en M. do Monùonne (le
!jiniSlrcs ochos.
A)(1xis, li co momont l enlra..
Jo m'oxcuslJ J'urriver aussi lard ... :\[onsieur Je
comle dÛMiro?
- Je désiro quo Lu doviennes gurde-malade pour
Cjuelqlll'S jours et quo tu L'occupes du rescupé.
- Bien, mon cupiLo.inc.
- 'l'u dcmnnd ras II f.onsiour le cllré des 4,lxpllcQ.tlono
pour )1)8 ban'lage ot 1 s pallRomonts.
- Il vos Ordrl'8, mon rupilnino.
L cur6 vinl vcrlll. de l\lnndo.nne :
VOll
tes un br(lVCl (,U'U", ('omte.
- NOII, s'il rO!lte l c\~st
il cousn do VOU'3 : mrs sentiment
�3G
L'OISEAU n'AMOUR
sont absolument opposés au séjour de cet individu sous
mon toit. Ah 1 à propos ... je vais vous demander un 531'\"ice, Monsieur le curé.
_ Certainement, M. Ile l\[anùanne.
_ ... Dès qu'il sora en état de supporter Je voyage, VOus
auroz la bonlé dc m'en inrol'mer, et je le ferai transporler _
__ Comptez sur moi.
JI y eul une longue pauso pendant laquelle OdeUe t'ut
envie de sauler au cou de son père pOUl' le remercier de
n' qu'il venait de faire. Bnfin, pour prendre une altilude,
le comte lui dit ;
- Il ne faut pas que celle hisloil"J nous empêche ùe
trnvailler, Odette, je voux te dictl'l' quelques lil;nos.
Monsieur le curé, &i vous voulez vcnir avec nous je vous
monlrerai une \ ioillo gra vure.
_ Non, merci, il esl tard, je dois parlir.
mIe prêtre s'en alla a~e,
au cœur, un peu do joie, à
cause du résultat. de son lIlslslanc;e.
Le Imdomain, Alexis, toujourf; onscicncieux, r::mgeo.it
les lamboaux do l'habit mililaiL'O du blessé, quand Ull
portefeuille tomba à tel'!'l) ct s'ou vrit en épUl'pill.mt lout
son contenu.
r\loxis nu so sernit jalllais permis do Couiller dam: les
poches de quelqu'un, mais, comme le hasard le voul'lil
ainsi, il put cOMallrc l'iùcntit{· du blesso plU' la (:arle de
Villilf' suivanto :
ANDRL:: Tm OlFFREY
du cenlre d'aviation militaire de
.JusLOlnl:uL 10 possessour du ceLle c.\1'lO nuvl'.lil los) eu:
pour lu promière fois dopuis son arrivé". La nuit uvuil
él() tcrriLle, la !lô vru PavaiL dôvoré, il avait souvput
l'uclumé ù boire. Alexis, n.Me ù lu conigno ùe son malLr .
lui avait dllnnô des inrusiulls, n..'nit changé les cornpesu~
humiLits SUI' son fronl, avait fJssuyé \'h'ume qUI J)rlail
au coiu de::! l,\Vl'cs.
�L'OISEA U n'ulOun
s,
Alexis fut si heun ux de voir son bl essé s'éveiller qu'il
clllqlm les talons et, au garde-à-vous le plus réglementaire,
fil 10 salut militaire.
Le blessé fit un vaguo sourire qui remplit d'allégressCl
Je cœur du bravo garçon, puis laissa rotomber sa této
dolenl.e.
- 11 repose plus paisiblement, je vais allcr à la cuisine
boire un peu de café, se dit l'infirmior.
Sur la pointe des piedti, il alla vers la porlo, l'ouvriL
rloutcment... el 150 trouva nez il nez avec Odette, Loule
l"l)ugo, comme un sorviteur indiscret ou un enfant curieux
pris en nagranL délit.
- Bonjour, M o.dcmoisello.
- Bonjour, Alexis. Comment va-toit?
- Bleu.
- Oh f que jo suis conlento!
- No vous rl-jouis.'iol. pas trOll vite; qui sait?
Odette euL un sorremont do cœur.
- Hodoulericz ·vous pour lui quelquo complication
impr6vuo?
- Je n'ai pus Jil cela, mais il no faut pas. s'emballer Il.
Odette paraissait si abattuo par ces paroles pcssi mistf's
011 plus simplement prudentes, quo l'innrmior improvisé
, s.lya da la l'I:conforlor.
- 11 guérira sans doule; il est .i UIlf', il osl fOl·t ... üt,
a vcc do la volonté, il réagira.
_. II aura <.lu la voJont6, dit. O.lolle uvec fervour.
- Ah 1 j'oubliais ... jo sais son 110 n...
- Quel osl- il?
-- Andr6 do GiITrey.
- Illel beau nom! mUl'murn ·l-ello.
Puis, pIPa haut, t'lIo dtmandn ;
- Mais ne pourl'tIÎs·j'l pHS 10 voir ?
Jo rl'grolle, MndomoiliCllt', mais mOllsieur volr,..
ri 1"0 l'a form lJemçnt inlerdit.
- Pourquoi, mon Dieu?
,Jo ne sais.
ldcltf\ /j('nlil D" gro"!1(,'1 I:Hme~
lui mnntnr aux r~w-;
�L'OISEAU D'AMOUR
olle arriva copendant à dire d'un ton lauss'JlIlcnl détaché:
_ Ah' très bien, je ne sa vais pas.
Et olle se retira dans sa ohambre.
Ainsi ft s'appelail Andro de Giftroy. C'esl un prénom
André ...
agréabio à prononcer quc celui d'André', An~ré",
11 ûlaiL officier « jeune ot fort » avml dlt Aloxis. IWe
ajoutait; tt ot boau »', Peu à p~,
à l'Ïn~gc
d,e l'éclop6 do
la vcille se 6ubstiluaü collo d lm oIDC1('r pImpant, aux
èpaulos Iurges, au beau sourire et tt la lèvre rayée d'uno
minco 1U0ustuche, Elle sc complut dans cello ilnagc, viL
ëvolucr son personnage dan.; des décors créés par son
imagination, au milieu de paysag03 sortis tout vifs de sr$
rèves de jeune mie,
Les rayons de soleil, tamis6s par le riclOLlu, metlnicl1t
un" lueur diaphane sm son visago oxbflié ...
Il meublo craqua oL immécliuLomont suggéra l'im::Jgc
de lnccidcnL cl de la chuLo parmi ll'R bl\1flches bl'iséc!\, A
ln pInel' du beau hûros vinl so p1ncor le corps mourlri ;,lo
la vrillo, L'imogc était encore plus doulourouso ('pros 10
bC'llll rove,
OduLLo :)'6criu n frémisRaIll :
- Comme il doit souITrirl
Ellr sc rappela quo la nuit qui v('!l.lil do fl' "coulor, ol1c
avi~
mnl dormi, (1110 son eorps avait romme souffert, lui
aUSSI,
Un liou exislaiL (ml!' los doux jeunos g ns, Ulle sorle de
l~cpuhi
de h r.ouITrance,
L'amour C'l1veloppùit d6j'1 de ses ~ortil()ges
le jl)une
('(J'Ill' encore libr6 d'Odotto.
Vers onze heures du mal in, l'al;ùé OroliiJl'o vint
nou velles, 11 roncontra d'ahord Odotte, lui lnpotu Il ,~
rot dem,lIId, :
J
- AJol'l;, comJncnt va co blossû?
si clic :t v,liL fail UII" con Cc 'u'
Odcltr rosit (~ome
.
, t
~Ion,
- J) va IlUllUX,
mu-on d'll.
,- \ ous IlO l'n V(~Z
pail vu?
- Non, pa pu Cl'.ùnt' pOlir moi je no snb quoi.
�L'OISr. \\' TI 'A tOUR
39
Elle avait un peu menti, en interprétant ainsi l'orùre
de son porc. l'.:lle savait bien qu'ello n'obscl'vait pas l'csprit dans lequel Ja défenso avait été foite.
- Mais il n'y a rien à craindre, mon enlant, cc Il'CSI,
pas contagieux. Venez avec moi, petite Odette.
Et il monta l'escalier, préc6dant la jeune fille radieuse.
Il ouvrait la porte quand la grosse voix de M. de Mail'
donne sc nt entendre.
- Odette!
Odotto ne savait pas résistor 0. l'appel de con père. BUe
r(,pondit :
- Me voilà, papu ... Je suis avec Monsieur le curé.
- Il n'importe. Descends. Ne t'ai· je pas défendu? ...
- J'allais simplement porter quelque réconfort au
Llesso, en maman.
- Dosconds, te dis· je. En maman 1 Ah 1 oui. L<>s mères
sont loujourtl un peu inquiètos ...
A ce momenl, Odotte sonlit do nouvt3au tout re qui
avait manquu dans sa vio ; les parules, les consolutions,
IL's conseils d'uno more à qui l'on peul 50 con:il'r, de qui
l'on pout partagcr 111 vio d'une muniùrll plus inLIm que
l'on ne fait avec un pèro. En clio ~tai
un immeost.l
bosoin d'afTecLion. A son pèro, l'Ile n'on pouvai~
demander i il nc gavait pa!'; ce que c'étuit quo la Lenùresse. 11 se
montruil sceptiquo sur toule l'll0S . 11 lui accordait usset
Cucllemcnt co qu'ello demandait do façon préciso lorsqu'il
pn compr nait l'utilité, mais il no tolérait poil)t qu'elle
lui désobéit.
Toujours lours natures s'6bient heurL('~
: lui, réalisle,
nI' pouvaiL C'omprl'lldrc le besoin d'irlualot, c1'alnoUl' do sa
fille i olle, soutTrllil dïill'C rabroué, ùn lui oir erfeuiller
h';, rooC!! auxquollc;l t!lIc attribuaiL ùe lu vIe ot nrrllrher
le' aile,Il des papillons de /lOA l'Ùvo;'. Que ùe rois sa sensitlilllé s'était meurtrie :\ cct ()tut d'esprit dt! SOli père 1
Quund il prOnI1~i
: • L s 1TIl!ro~
lIont loujours inquiètes,
d'une fUÇOll un pcu ironique, lout un pan do voile, éco.rl';,
lui jll'rmit un rogo.rd sur ln r{~:lit(;
du mondo. Bile com" ôtait un Lerme trop g6néral; Il
prit qUI) «Lps mt'r~
�',0
L'OISEAU n'AMOUn
am'ait dû ûire : « Les femmes sonL toujours inquielcs ".
La preuve en était qu'elle- même, à cc moment, soulTrait
moralement des blessures physIques de l'aviat.eur.
Quant il M. de Mandanne, il sentait qu'un gouffrè se
creusait entre lui et sa Olle, s'6hrgissait. Brusque, il
ordonna:
- Odette, je vais inviter M. le curû à d6jeuncr ; va, eL
veille il ce que l'on melle un autre couvert sur la table,
et aussi qu'on apporte du Bordeaux cle la comète, pour
lequel il a une préfél'eDt:e rnuI'\(u(·e.
Toujours, chez lui, (:c désir d'jn~i;>l(r
SIII' le point f.lible
d'un hommel
'oumise, elle alln exécuter sa miRsion.
- BientôL, Anùre de OilTI't.'y va pouvoir fI'alimenter lui
aussi, soliloquait-elle_ On lui portera 11n plateau avel,; de~
fl'i:mdisl's : une tlilo de poulet, du puin grillù, lm doigt de
vin dam; un vrrre. NOliS l'aiderons il rnplire Hon orvi\lPl'
cJerriore SOli do~,
:', pllss\,r su var\.!mm p01l1' qu'il Il'ail ]lOS
l'J'oid. PClIl-Î'lre ne voudra-L-il pu,; rnulI(tcr, lI:ü~
1I0W;
Illi fel'Oll!; I.'utundl'r raison.
Et oll'J voyail parfaiLemeul ln flcimo : Andr", daiVI't: on
partie de ses bande;;, encore pô le, mai~
~OUl'iI1.
Alexis
Ilpporlanl Uil pluteal' el ell0 assis\.! Il!''!!> du liL, tOupunL la
viunul1, versant Je viII duns Je velTe scinLlllant, ct dis<\nl :
~ Voi11l (jui va vous ren~li',
un petit oUort, alloJ\ll. T,
La CU/lversation pelldunL lu repas ne l'inlél't'SSIl qu".lULunl qu'elle cut trait au bl()s~.
- L"s pluies sont main, graves (lue jn n(' l'uul'Jis cru'
CIl(;or~
(':lh\Umé~s
sur les bords, curtes~
muis il n'y flur:;
pM be301f1 do Im.re des sutUI'CH, ce qUI ~'urJit
dl'ffi'lIlth.
l'inlervention d'un ch:rl1rgien... gl votrfj Il BisLoln'
d'OI'dlCZ .?
Sur cc sujl!l, ~l.
de :\lahù,.'lllHl Hait inûpuir.ublu.
Par d6SCrJuvr 'ment uu début, el pur [lU Iliull clL'>ulLo il
s'otaH consacré à celle ûlude. 11 reclwrchaiL d,;s dOl!uTllI!;lls
partout, Couilluil les greniN's JI:' Ses c:onl1aÎssaIlCC::l {Jour
découvrir lu pi~ce
rare, la p:lrdlOmin r6v~1
teur' il bou
1(;~'el9[.dt
encore h.s JI'~hive3
des phl'> P(!lIls 'villag'.J,
�L'OISI:AU
1J'\MOlJH
4.\
écrivait à tous les érudits pour nvoir des détails infimes
et se ruinait il des achat:; de gravures et d'Mitions
anciennes.
Il se lança dans un grand discours:
- Je mets au point mes noies sur Gaston Phœbus qlli
devint, en 1380, lieutenant général du roi en Langu edoc.
M . Pierre, le conservateur, m'a envoyé une rcproduetir)n
photographique de son traité de vénerie ... \ l ci M. d,Mandanne prit le ton d'un acteur pOlir débiL!) !' le titre
ronflant). Le « Miroir de Phœbus, des dédui ds ,le la chuss,)
den bestos sauvaiges et ùes oysoaux de pl'oie n ... Ahl
c'Mait un firr luron, re Phœbus! 11 balaill:, ronl ro les
Anglais , intrigua avoc son beau-frère Charles le l\auyi
~ ,
combaltit en Prusso dam le'! rangs dos chevaliers teuto niques, sauva la cour 1'11 danger il ~l()aux,
vous savoz ? ...
- Oui, Monsieur le comLo, lors de l ' il~\rectjon
des
Jacquos ...
- Exact ... P!Imbus ('sL UII type popu ll1ir'l) Il B6o.l'n,
rllcore ut,) nos JOUl':>, gr;.tnd, beau, brl1vl', tout iJlond, comnw
l'indique son nom, "ur il r ( ~s .qelbit
au :;plenuid(J dieu ù"
lu mythologie ...
OdeLLe croyait entendl'o dùpeinuriJ M . de OifCrey. Son
père maintenant pouvait conlinul; r sc" 1'6cits historiques,
t'lIe Ilv:üt un alimenl, Ull sujeL pOlll' ~on
Î1n'\ginnlion, QUl'
lUI importait tout,'s ('CS sdmcl:! UO tucri
~ s?
QUI" lui impor tait que son pèro IJudfit du poul. d'Orthez l'lui possèd('
Ulla ouvorture nomméo u la fi ilI csto dous Cuperas • purc'p
quo, au l mps do Charles 1'\, <Ir 1I0mbr('ux prêt
r ~s
avaient
Né jetés dans 10 GU\" SUI' l'ordl''' du protestant Monl~oml1ry
?
Bllo vivait, rar 5011 cœur huttail ù'un rylhlTlfJ noUVORU ...
Lf> prêtre sc mil ù purl l'r do l'Mat acLuel Ùl' sa cure, de
~\!S
pauvres. 'l'out 'olu était digno ù ' inL~rH,
lnuls elle
111' l'u!.Outuil p..ls.
1.0 bon obbé Grolièrt! ,ivuil dan!! 10 présent, son père
dlUlF> le }ltJssé, 0110 dans l'ovt'nh·.
fille voyai t dovlUlt Ut' s'él,!udr~
uue grlludl.1 roule
I... rgc t.ntfL' ùes Loio;; fleuries et toule iDondl!c dt: ~ol'i.
•
�1j2
'-'OISCAU D ' A~tOUTl
Eile ne savait pas encoro que, dam; Ill. vie, il y a plus
de r,homioR bordés d'épines que, de voies neuries.
Elle allait bientôL l'apprendre.
CllAPiTRE V
COURT BONilEun
Trois jours aprè::; l'acciùrnl, le cenlre mililairo de Pau,
informé par 1\1. de l\[anùanne, avait délégu6 un méùecinmajor auprès du jeune lioul!)IlImL.
Chaque matin, cel homm(' siloncirux so rendnit au chevet de l'ayiaLeur, ronouvelait ses pansoments ct disparn~
sait d'une manièro presque surnaturelle.
Alexis lui ouvrait la pOl'le nvec d6f6renco; respccluou'C
des ordros de son ancion r,opiLainc, il no pormetlait qu'au
cuJ'(' do renlrer dans la chambre d'Auùr6 do Oi('frey.
Bivn Boigné, le jeune officior 50 r{'lablissnit pou h p \1. Le
curé 'lui nvait VII en possimü;lo, eomme il arrive fI eu:<
qui 6tuùienl la médecine do fraîche dot" (>Lait même étonn6
de la rapidité do la guérison. Ji n'en voulait COl'les paR GU
médecin q\Jll'avllit remplacé aupl'~9
dn bl('ss6; mais il HI'
pouvait point fl'empGcher d'éprollv .' un peu do dépit 011
simplement d'amertume. Ji /:l'en consolait on rlopUlant
l'admirable parole d'Ambroise Paré: • J le ponl~ai;
Dieu le gu6rit ".
M. d' Mandanno souvenl drmnndait où on litait l'étal
de l'hOto qu'il J/nvait pl~
d "sir('.
- Mieux, répondait 10 m(dcrin.
"'ieux 1 allail-il donr gll('ril" si vilo? Allait-il Ai vite
quitter le château ~
Quinze jour!! [lv{lÏenl puss6.
Odette avait soulement pu oprfcc>voir sor. bl('8~"
lII).'
ou dl'lIX rois, en monl ont dl'I'rière l'a!J!J(j Orolibr et t'II
jetant un l'apitll' (;OUP d'œil dans ln dwmbrc lor!1qu'il
y rontrait.
Pourt'\nt, olle munir 'Rlail ~a pr('Qcnc(1 nu jeull!' homnl\'
�L'OISEAU D'AMOUR
1
43
par de gentilles aLtrn~io
n s.
Elle ne doutait pas qu'i l
aimât les fleurs ct clic sc privait do celles quo lui donplacor dans un potit vase
nait 10 jardinier pour }('5 f~irù
n jour, par le
!luI' uno table, PI't·S d'Andl' de GiITrey.
curé, elle apprit que le blessé d6sÏI\.lil liro ol qu'on l'y
autorisait.
Elle lui nt portel' quelques-uns d"!; livres qu'olle aimait
le mieux. DûS )'ocueils de p00mos ou des l'ornans, tout
eilllplcs, tout PUl'::;. Elle livrüit insi un peu do son âm "
rul' cli c avait l'huhitud' cl' nol'.)r au crayon les pn ~Hagc5
qui lui plaisaient; souvent aussi, olle inlorcalait uno i!lusIl',ltlon qu Ile avail faite d'un incidont d , l'intri';llll qui
avait frappé son esprit. Ses illustrations, to ules fail es dO
!iponlan6iI6, lémoignniC'nt parfois d'une naïveté qui faisJit
:io urirr.
_\ndr{; devina qu lql'.cs- unc; des goiils de la jeuno malIl't'sse do maison. 11 aimait n sc reprôsentor l'Guw du la
fi ll e do son hôto pal' les rn unus documents qu'il avait
d·dle. Par discrétioJl , jama is il nc dornunda ù Alc _' l~ des
l'{'J1seignom nls su r la jCIJn (' 11110.
Un jour, dCtl~,
posant SU I' la tablr UII livre fJu'J\ndré
lui :l\'ni t l'cnJu, l' vit s'ouvrIr tout suul, srlns doule pareo
qu'on l'avail longlc lnps In'issé ou VCl't :\ l'elle Pll[(C! LI)
1p;ll' était une dédunlion d'amoul' par lin jeune hOll1mo.
I;ll (lit profoJlrlérn enl troublée; était-ce une co'inc id ence?
lin inùico? lin présage '?
"UI' lino des ilIuslmlions l'rpl'ilscillalll un olTlrior, fluoIqu es ll'nil S 0111 er,lyon 50 voyaicnl. Oll :wuil imisL6 sur Iri)
:-Ollr' il., nllongé la lIIOllslarhl). OricUe rlëco llllill Andr6 ,
autanl qu 'cli o sc sOllvonnil dus trails de Ron vislI(je.
Au bout de trois s('l1ain~/:j,
1. de Mundanne térnoign'l
do fJllelquo ÏJnpati nec cl demanda plu 'l ieul's folR pal' jOli!'
rlr.s nouvelle' de « l'onlcier», so refusant ù l'aller voir lui 'UI
~lDr
.
Il slI l'vci!l:\i L 6galomont la vpnlle r" fuClc lIl'j l'l, Il'ianl
It's loltr 'R , sem bl ail IOlijoUfS l'II chcl'l'hor une qui n'anivllit )J'IS.
- C'esl élrango 1 c'est étrunge 1 murmurait- il.
�L'OISEAU D'A~OUn
un jour, enfm, il arrêta le ~édein.
.
- 11 Y a au IUOinS une vmgtame de Jours que nous
hébergcom: co monsieur et qlle vous lui prodigut'z des
IIOinS. Sincèrement, où en est-il? S'il était plus malade,
vous m'aurioz fait part de vos inquiétudes. Il doit aller
do mieux en mieux, n'esl-ce-pas? 11 doit être complètement hors de dangor:'
- J'ell réponds.
- C't'st tout ce flue je voulais savoir. Merci, Docteur.
Peu après, Odette l'entendit murmurer :
- S'il n'y a rien au courrier, je pars demain.
Le lendemain, n'arriva pas ce qu'escomptait M. de
randaul1C". il n'hésita pas, sa décision ôtant fermement
prise.
- Je pars, dit-il à sa fill e.
-- Où vas- tu?
- Je s'3rai absent un jour ou deux.
11 détournait la question; il ôLait visiblo qu' il ne voulait pas renseigner 8a fillo.
Let journée était magnifique; il Y avait partout un
avant-goût de printemps. Les planLcG, que l'hiver tr"ail
meurLl'ies, reprenaient lours Iralches coulours. Quolquefois de h vic se faisait entendre dan!! les buissons, où
l'on apercevait dos oÜleaux, pailles (LU bec, 6dificr leurs
nids. Les arbres avaieni, déjà des bourgeons, ct 5111' d,· ri
haies, précoces, poinlaient quelquos neurs. C'était 1J1lO
rôte ou, plutôt, la joyeuse préparation pour la tôte du
rel our (le la bello saison.
Alexis proposll à ~l.
àc ~1 ondnnne do le onduirr l'n
voiturr: jusqu'à Orlh ez. 11 essuya \ln reCUl;'
- :\on, merci, Aloxi:!. Orthoz l'st à G kilomèb'o:-; a
Jleine, ct jo prendrai les raccoul'cis. Resto au posLo qn,.
jr t'ai rl5signé.
- Bion, Monsiour. Au revoir, Monsiour.
Andru do Gifirey ~'ot9H
drpuis 10 d6but de su con\"ales~.
f/uclquo"i r"~'
lll'ul, mais
déjà Iovo quatro ou cinq fois
U ani rait 11 r'lIr
l'il ~o
rT!\mponnant fl h 1 flill"rio
�dn lit ou en s'appuYétnt au mur . .\.lexis le suivait pas à
pas, prêt à le souLenir, et admirait le relour de cot être
si mal eo point naguère, prêt à son état norm al - semblable il une mère s1Ii vanL les premiers pas de son enfanL
chéri.
Ce jour-là, le soleil qui pt:néLruit par la Cenèt re ou verLe
éLait si chaud, si brillant, qu'André demanda à son garde
malaùe de l'aider à s'habiller. 11 ne revètit point les
vê Lements qu'il pOl'Lait lors do son accident, et qui étaient
en lamboaux, mais do vi eilles nippes d'Alexis, de glo ·
rIlilUSeS vieilles nipp es duns lesq u 'Ilos il avait , ma fo i,
belle allure 1
- Alexis, diL An rlrri de OilTl'ey, sil is- tu cc qu e je vo udrais?
10U, mon lieutenant.
- Je voudrais alleI' faire qu elques pas dehors, su r le
sol, dans l'horbe et non plu" SUl' ce pl anchol', CeLte
chambre est helle, el , pout- être, est- ce la meilleuro do l.l
maison quo l'on JU'a donnée, mais je m'ennuie. ,l'é pl' OUV!'
1.) m ~ m o désir qu e quand j'étais ûcolier : lorsqu'il y a vail
lin clair so leil, jo n'all ais pas en cl asse . .\l1j ourd'hlli,
l'Oll1Jll e jadis, j'ai onvie do Cuiro l'ôcole buissOlllliho,
- J o no sais si jo puis vous laisser so rtir.
- Celui qui m'a o'tert l'hospitalité, el n'esl jamais venu
mo voir, t 'a- l -il d6!enùu d'accol'dol' lino poti lo promoIlUdo Ù LOll bl essé?
- I on, mon )j Cutl·IHllll.
- 'ru dis ceJa sun~
bea ucoup dt' conviclion .. , 'lIais
pr llt -êlre y a-l -il auLI'o c ho ~o 1 ll cul· '-tro lon lII ullre
"herche- l - il do Loulo façon à éviter une renconlre?..
- Hél s i diL LouL h a.' le puuvru Alexis pris d ans 1111
dil cnun c.
- ... ou oncoro le mUl lt'o do Lotte d UJlhlll l'O voul- il
th iler quo je fusso la conn ai':lsulIl'c de quoiqu'un.. ,
- J o l'ignore,
- Alors, je sui '! llll pl'isonni er, du moins 1II0l'alpmlml ,
('o r on no mo rolient pUR par lu rOI't:C cL l'U rl lU \) soignc
Li rn, CepollduJl l, ù'aprl's Lon crnbarl'll!l, je cowpnlOù quo
�T!OTSF.AU D'AMOUR
j dois resler enfermé, obéissant il une défense tacite ùe
"dui il qui jo dois l'hospitalité. Jo Ile peux pas sOI'tir,
n'esL-ce pas, Aloxis .. _ .
- Mais si, mais si, voyons t fit la grosse voix joyeuso
de l'abbé Grolière.Voiltl une demande quo j'uttendais
depuis longtemps déjà. Sortons t Sortons! Voilà ta bolle
saison_
- Monsieur la curé, commença Alexis .. .
- Je ne t'éeoul03 pas, mon ami. J'arrangerai tout avec
M. do Mandanno, s'il t'arrivo quelque onnui. Je me sens
Ulle lime de coupable ... Je prends sur moi la faule qu'il te
roprochera.
Odette avait accompagné son pèro quelques pas; il
paraissait fort préoccupé. lis aVfuont marchù cn sil nec,
puis soudain, il avait demand6 il sa nlle ;
- y a-t-Ji un livrù que tu désirerais?
l~Ie
avait su do cello façon qu'il allait dans uno ville
d'où il voulait lui rapportor quoI quo Ouvrago intéressant.
Le voyage était-Jl pon r ses 6ludos? Odotte n'osa pas Je
demander, tant son porc lui Oll imposait. M. de Mandanno posa un baisor sur 10 front d(\ Sil fillo et continuo
son chemin. Odollo roprlL ln l'auto Cil ReliS invorse.
Un sourir'o naquit /lUI' sos lèvres. Une ponll6û germait
danll SOli cervenu. Commo son père no scrail pas là
Alexis relàchcrnit un pou la consigne; olle pourrait ul1~;
voir !l01l aviateur, pOUl' qu'il no SI) 'roio Pus délnissu. Elle
saur, it pnrlor il Aloxis, lui montrel' qu'il ne risquait rien
1'0 tl'amu~resn
lûgor.3mont los ordros. Hano doulr, il
ai~n
un pClI )u. fille do son maltre; il no vOllùrlÛl PI1!l
hu t ' II'O do lu pOIIIO pOl' un rohlS. Et 110 suruit 8i conlent 1
Bile s'entenùit soudain :lpp 1er;
- Ma potite Odotto 1
C'ûtait 10 curu qui la ruclamnit cl qui, qU(lnll il s'uP rçut qu'ello Jo voyait, lui fil do grnnds gCSll'fI dl':> hrull. II
1\6111blnit l'puno\li, SOli visugo rond tnit (-duiré pur lu
joio ;
�L'OISEAU D'AMOUR
- Venez voir, Odette ...
- Oh 1 Jll- elle.
André de Gi1T:'ey était étendu sur une chaise-longue
placée le long du mur, en plein soleil.
Elle rougiL.
Il leva la t ête ct lui aussi Ïut troublé. Il essaya de 50
mettro debout eL y réussit avec poine.
- Mademoiselle, je suis heureux de vous saluer .. ,
- Bonjour, Monsieur, pourquoi vous êtes-vous 1evb?
Vous n'auriez pas dû, Monsieur ... de Giürey ; 'est
d6fendu à un malade.
- Ah J pardon, Mademoisello 1 j'avais à .ous l'emeriCI' ! eL vous voyez 1 je suis prosquo valido 1
- Vous allC'L reprendre des forces rapidement. ..
- Grtlce à vo!> bons soins .. .
- l'as les miens, MonsiùuJ', ccux de l'abb6 Grolièro ...
- .. _ Un sainL homm e 1
- ... Du m6decin et ... d'Alexis 1
- Oui, jo leur dois beaucou p, ct à vous aussi .. ,
- Bile; s'ôtait ossisc sur Ull gros caHlou, à quelques P ·IS
d'Anùré; clio n'osait 10 rt'gardel'.
11 onLinua.
- Les beUes Heurs, dont VOilS orniez ma chamLrc,
m"UaicnL leur,; peUles âmes claires dans la pièce, et un
pell do dOUCCUI' p6n6trail mOIl ame, il moi. EL vos livrc,;
harmanli:! 1 Je savais quo vous vous IlomulÎ z Odette
,-sans l'avoir demandé à Alexis , aVllnL d':\\'oi l' 'nLondu
l'ahb6 Groliôro vous appoler ...
- Oh 1 commenl '1 fil-elle avo\: un mouvemenl de surpri'lo l d'inl ôrùL.
Ello avai t poso la main sur le bord de ln chaisc- Iongua
d André. l!:l1e rede manda;
- Oh 1 ro mmont avez-vOUS dovin é?
L pr (~l r e los 'on Lem plo CH silence, eut onvie d'engager
unlJ conv(~rdati,
muis n'osa pus. 11 s'\cul'La un peu de
leu t' groupe. Il pcnl:!a Bouduin :
.
J'ai vu quelques pl ants ùe Coclllcariaaromaticrz. cn venant
Ici. Il no faudrail pus qu'on les pi6lino avant mon l'OLOlH·...
�48
':O!! EAU
n'AMo uR
Il r ~ vint
auprès d'André de GilTrey et d'Odotte :
- JI faut que je parle.
- Déjà!
- Eh oui! Au revoir, Odette; au revoir, Monsieur de
Giffrey ... Pas d'imprudence, u'est-ce-pas?
Et il s'en alla d'un pas alerte, presque sautillmt.
André ct Odette le suivirent un moment des yeux, puis
tournèrent la tête ot leurs regards sc rencontrèrent. A
nouveau, ils so senLirent tous deux émus.
- Eh bi on ? demanda Odette.
- Eh oui, je ne vou/! ai pas répondu . J'ai su votre prénom très si mplement. Dans un de vo/! l'ornans, il y avait
un personnage qui s'appelait Od eHe ...
- Od ette Fouquière.
- C'est cela 1 vous r onnaissez vos classiques, sourit -lI
a vec une pointo d'ironie.
gU e aussj souri l.
- E t vous avez so uligné ('0 pl'énom <l'un coup de
cruyon amusé, aver un potit riru, j'en Ruis ''?rlain ... cl
vous avez vite lu cc qu o l'auteur écrivait. d'Odotl0 comme
s'il uv,lil parl é de vous. N 'es l -I~e
point cela ?
- Vou s av(;z dit juste 1 C'f"lll merveilleux do devinol'
oinai 1
lout. Cela vic.nt u,niquemont de cc quo
- Oh! pas ~u
\ ous a vcz toujours un porte-nullc a porti'e de la main,
quand vous li sez .. . Bn faisant certains dossins, n poin l:mt
l'ertnins mols... on oli voil c un pou do Son âmo !
- m vous, demanda- t -ollo rieuse, faitos-vous Cornille
moi ?
- Mais oui, soulemont mu.!! Iivrcs Ilo nt do gros lrniLés
de physique ou du malhéma tlques, hOrills6s rl o rhi Ill'Oll L
do formul es, ct co que j r: note en marge CP Mnl dr!l
racÎn w; carrées ou des eOSlIlUR, ou d Ol!! l! quivn!encos, tous
noms barbares, co mm u .... Oll S vOyCl. .
- Vous l'tes in g~ ni o ur ?
- Oui. Ou plutô t jo devais devonil' ingénieur qu and on
Il rait ce tto illvontion admirable : l'aéroplane, -\u dObul
cc sont les [rt' res Wright (lui sc 1,lncont Su r lou l' 11!aneu l' :
�t'OISEAU D'A
IOUlt
49
je me rappelle bien les a roir vu:,;. JI fallait un pylône, à
l'intéri eur duquel tombait un gros poids, pour lallcerl'apparoil. Mon pauvre papa disait: « Ce disposiLif est de
tNp . Un oiseau n'a pas l>esoill de lance- pi erres pour s'envoler 1 » Les progrèJ vinrent à pas de géant. Mon père et
moi, nous lIOUS rendions à toules J('s maniresLaLio ns
aériennes ct, chaque Cois, un commun enthousiasma
nous envahissait . Nous apprlmes, muets d'admiraLion, les
exp loits de Farman, de Delagrange.
Et voilà 1~09
25 juillet 19091 (il s'exa llait peu il peu)
Imversée de la Manche pal' Blériot 1 L'a0roplanc permettait d'aller de continent à continent, après êlre allé de
do('hor cn clocher. La même année, Farman vole quatre
houres, couvro plus do doux cents kilomètres. Je déci dai
alors de fair e comme ces piollnlcrs. Je Jll'cng;,geai il y il
lroio UliS, après la mort de mon P ·'l'e. J 'a llai ù Roims ou
jo rcçus le bapt ême dl' l'ai l' ; la je pus admirer la dexté l'ité cL la mnllriNe do Prévost. V o u ~ conllaissez Pr6vosL '?
- 1\ on ... j'Oll ~l l H honleU/w, ..
- C'esL lui qui, 10 :l:l janvi er do 1'[\\1I1ée présente, a
réussi il enlever deux personnes à deux mill e deux conts
mHl'cs, en trenie minutes; cl voyez, le nlLrIle jour, Garros survola it In5 monts du HI'i!fJil. .. Avec l'aéroplune, on
vu bientôt lout pouvoi r,
- Morne sc bl'Îser les os, dit l.out Las Odt'Ltc, plus à
ello-môme qu'à André.
- Mon accident n'ost l'ion, JI esl dù entièroment il mn
fauLo; je n'ai pas vérifié lo mot.eur avant le d/'purt, voila
tout. Un accident arrive raremont.
l' Quel aveug lom(lnt 1 v pensa Odelte, qui rl.lOI'l']ua :
- LI Y (1 déjà cu elle aTméu des vleLimes qui diS'lÎent
CO lOm o vous, suns doute; Ruchonnot n ouvert la lislo du
tll llrtY I'ologc do 1912 ; c'est p opu qui Ille l'a dil. L'a utre
Jour, encoro, Url olIid l' nppurlcllullL au lI\ùr1le centra qu o
Vous ost tombé...
- Oui, 10 JO t6\Ti r: Sobba ... Mais il doit être rétabli
Innintenont, co mme jo le su i ~ mO!·llH' mu.
- Mnis, vous n'ù Les po.suncorL'guéd, Monsioul'deG ifTI'.'Y .. ,
/.
�50
l.'O/SEA U D',u/oun
Et elle " jouta, com me une prière ;
- ... et il Ile faudra plus montel' en aéroplane.
_ Comment? No plus voler? Au contl'aire, je compte plus
que jamais faire des vols ; m a i~t c nat.
j'aurai ~e l' e xp~
fi ance, jo saurai surmonter les dlfJlcu]t,os , prévOIr les Lrui triGes de l'air, me garder d' une trop grande conlltll1ce . Oh 1
je voudrais imiter , égaler un Farman, un VédrinC's , un
Paulhan ...
L'exaltation Faisait venir des couleurs il son visago et lui
donna il l'air du di eu mythologique Phœbus dont pal'hlit
Monsie\lr de Mandanne, historien d'Orlhez, au curé Grolière.
"fais elle le falignait visiblement. Quelques goultes de
sueur froide perlèr ent il son fronl, eL il finit de parler d'une
volx moins forle ;
- Quoll o intense volup té que de plan('r, de dom iner les
villages , les montagncs , d'aporcevoir les hommes minusc ules
au -dessous de VOUd, ramen6s à JIJ lIl' juste mesure. Voire
CIX'U I' bat synchroniq uc ment nvr'c Je mote ur qlll vrombit;
un infime JJl ouvement suFnt pOUl' pousser un levl"!' do cUln mand e, aL vous vil'l.'Z HUI' l'aile... ou vous mo nL c ~ ... pl us
Il 1Il L...
- Mais, MOllsipU!' de UiITrl'y , il y u (los Iemmes qui vous
aim enl ct qui Lremblent p OUl' vous, pondant co lemps ...
11 dil, Lout bas ;
- 11 n'y a pas de femmes qui rn'aimenl. •. il /l'y a quo
maman...
Lo œur J 'OdeLLe battit violemm ent à ccl aveu du jeuno
homme, el, la voix mal aS3u!'60, 0110 dit:
- Peut -ût ro vous tromp ez-vous.
La s(;ulo l'éponse lul UH geste 1,IS du la lIlain d'André. Il
él'Iit 6puis6, il avait OIlCOI' O trop présum 6 do SI;3 ror(et;.
- Alexjs 1 app ela Od otte, sc J'endanL comple: ue Si l
l uibl esse.
L'ancien ordo nnanco upp uruL.
- Duns quel 'Lul s'est mis !'IL do Oirrl'_' y 1 s'6cri n. t . i!.
Il n vo ulu lrop parler, sa ns douLe.
•\idons- Io il ronwntcr, Alex is; M. do Gifrroy uo nnrl.mo i 1" bras .
'
�J, ' OI SE AU D 'AM OUR
Elle lui tenait Je bras , Palpit ante, Elle pensait il. C(1
moment:
~ Combi en j'aimorais que les c ho
~es
fu ssent inversées,
qt,'André fût forl el qu e cc fÏlL moi qui m'appuie SU I' SfJ ll
brus vigoureux, comnl C on le montre parloi s dans l n!;
rom ans, »
André, remont GJons sa chambre, se laissa tomber SUI'
le lit, anéanli, la tê to renversée en arl'iàre, les yeux Jos
ol la respiration di/Tl cil e,
- Pourvu qu'il n''y ait pas de rechute 1 se lam entait
Odelte, ct c'es l ma faule, R' il sc lrouvo dans col étal. J e
l'ai laillsé trop parl er; j'avais 1anl do plaisi r ù l'entendre 1
.l'nurais da lui diro de sc reposer, d se taire ; je n'ai (;té
fjn'un e 'go'iste, uniquement sou cieuse de mon bonheur , ..
Mon Diou 1 faiL os que je n'ai e pas uLé ln. causo d'ull e
aggravaLion do son malI
Hevrnu e dans sa hambro, clJ e ut oncoro 'e LLe pens('El :
- Papa a diL qu'il pnrtait pour un jour ou deux. Une
ct mi -journée esl déj~
passée . 11 ,resLo neoro un jou!'
durant 101)\101 jo !lorai s uIe avec J\ndr6 do Oilirey,
D ~ mflin,
pOllrI'tl i-jc l'r ntondre de nouv ea ll ? Non, cprtain men t, II est trop abaLlu; j'ai ,id(> on un instn nt la
r:oupe do )ll niAir ']ue j'avais souh ait60... Pauvr Andr-I
Elle avait prononc6 « Andr6 n, Andr6, tou t (·ourt.
- Mon lli nu 1 Quo vi(;l1s- je d dire ? 1:10 roprocha -t- ollo.
Mals -110 n'arriva pas lout à fuit ù 5 0 ('('oiro Il fnu lo.
Ln nuit du bless6 fut rnau vai se; il d6lira, parla ù hauto
voix r ilanL des noms do piloLos, dos marqu es d'nppareils,
J ~ vid
o rnm
nt, il 6lnit. tout t'ni il'!', fi ni e (lt cerveau, à !les ailes.
Odolll', r omm o une réparat IOn du mal qu' Jl e croynit
","oÏl' pI IlVOqU Û, s' imp osa l'obli g" ri oll, douce il son
cœur dévou 6 - d 10 voillor.
1 . is, fi OOfj t.rop d résistance, foi'é tait laissû arrach r
cotte f1 'rmissi on; il Iwait "{ll'Op OSÜ de 1 r lev or dl' !lU
gard e il minuit. Bile avail. refus(',
gllo maltait des co mpressel! humides sur te rronl
fI'Andr ', ct partol o1Jl' cssayalt J o le calmit', Cil r 6pon clunt Ù SI'S mots ùe cl ',lire.
�52
l.'OISI:.\U
n'AMouR
'fout à coup, elle fntendiL revenir un nom de Cemme
dans la trame des parol f>s in~obérets
d'André ;
Mme de Laroche ...
André avait-il menti quand il avait prétendu, parlant
des femmes:
- Jl n'yen a point qui m'aimenL... il n'y a que
lIam~n
? ...
m il prononçait le nom
de Mm.e de Laroche ?vec exlusc.
Une pointe do jalousie hu!'celmt le cœur ra~le
~'Odeto.
Une phrase vint bientôt la ~0n:'ler
rt 1111 fal1'e comprendre son erreur. Le bl essé cltsaü :
- ... L'aoroplano n'I'st pa..; dangereux ... In preuve ...
c'est qu'il y a des femIlles ... qui pilotent des appareils ...
Madame ... de Laroche... pa\' exemple... III premi8re
femme.,. qui volu .. , cn [i'rance ...
Odetle re;;pira phu; libremont.
Le lendemain, je malade l'l'apaisa; il dormit uno parLie
(le la journGo et celle qui l'aimait en profila pour prendre
queJqL1e!l heures d'un repos bien gngn6.
V'rs le soir, toujours uvee le consentement tacite
(L \lexis, elle ulla porter uno lasse d'infusion do fleur
ù'ul'angrr au malade qui la romercia d'un doux sourirr ;
Vous ttes bonne, Mademoiselle ...
- Buvez ... et puitl , vous (l.;sayeroz do dormir plus calmement quo la nuit d e J·ni o r ~ .
•
- Mer,i. .. },lorci 1 murmurn·t·il.
Alexis, ;'( la porlo, s'a pprocha d'Odrttu et lui dit tout.
!Jas:
- CC(·j étuit la tlernièl'o concrssion lJuo je pOLI vais VOUII
ra ire. \:OIlS:bUl' 10 comt.o revirnL domuin .•lu VOilA SCI\tÏ,
11'1:9 rcconuu'Hsu llt do no plus rOllllre visito nu lioutenant
de ' i/Tl'OY, ('0111 lSt. dan!\ voLro illtérlll, CUl' monslour votre
pèl'c pourrait VOll!! rail'o de vives r montrunCOII.
'l~S
futiglll)" ()ar la pr6cédcnLo nuit do veille, I()~
IÙI'Ces fiai r&puréc5 par quel
~'
heur('" d lommdl,
Odt'lt l.l nt' fit lIU'UrI 50111 m ,
�L'OI SEAU n' AM OUIt
53
Lo lendemain malin, elle fut r éveillée par J OB bruits do
voix, des sons do trompe et le ronflemont d'un moteur.
Ello paEsa hâtivement une robe de chambr() , ouvrit la
fenôtre et regarda.
Une automobile stalionnail dovant la maison, trapue,
haut monléo sur des roues avec do grosses jantes garnies
do pnoumatiques do faibl e di am lre, le capot tout peti t
devant la ca rrosserie: une grando bâ cho couleur cachou
préservai!. des in te mpéries, fi xéo par do grossos courroios
attach60s aux ga rde -boue .
A j'époque, cello voilure provo quaiL l'admiratioll de
t OIl S.
, Quello était cotte au to ?
- Voilà papa, remarqua Odelle t' Il apl!rccvll nt .M . de
Mandanne tout allai ré. Est -il \ ellu avec colle voiture? Il
Il 'a jamais parlé d'o llli qui en poss6df!', une, .. J\h 1 si,
pourtllnt, l'al'chi vislo l'iùrI'o ... Sa ns doute cst-co chez lui
'I\I !' papa s'ost rrndu. P01lrqu oi, mon n:ClI , avo ir r nl ou ré
bO I\ d6parL du tant do mystère '(
Odotto so tromp ait dans SOli r 'l isOllnCltlUnl.
I.!)llo compril bi oll "i le son errour quand cli c vit 10
rllt'- decin -rn ajol' IIl'sCCIlliro le perron, \'orlant dl' la maison,
rt ouvrir précipitamm ent la pOl'te de la voiture. 1\1. d
\J ondu/lllc s'npprocha, ot no dit mot_
Deux lIlilitaircs, il lour lour, descondirent l c~ marchos
du perrou; ils ava ient cntro-cl'ois6 leurs mains do façon à
for mel' un siège sur loquel 6tnit pl ac( ~ 10 ble3G6. Colui -ci
ntollTaiLd'un bras il' cou do chacun do ses porteur' .
~ 1 ~u l1i t O,l olt e.
- Andr
Il (ut bientôl installé dn lls l'auto, ellw loppé d'u no rO ll vorl.trro.
0111111 0 Od elte se 1rouvai t au premier ôlfqo, t't le nI) pul
voi r 4ue le dossus do la c(\ polo qui cachoit celu i fi q ui
t,on . 'ur s'était doun6.
L'ofllcicr qui conduisait l'automobile s'approcha de
\1. de !Ir andanne :
- Monsiour, nu nom do JOon ulln nrudC' , je li ens il you.,
r'l' lIl ( rl'i!' r do votre ltospilflIil6, ..
�- l'jcu, bien, CÛlljH :\r. de :\1 onutUli l J .
Son interlocuteur fut dé ontollancé. r, r. cl 1} Mandanl1'!
ajouta :
- Inutile do me rem::l'cier ; jo n'ai fait IjU'aCCOmplir
mon devoir le devait' que l'abb6 Groli ère m'a préMul.\;
SOUs la fOI'~l
l) d'une obligation. J 'ai l' lJmpli cl.ltLe obligi.llion à lU<luolle je ne p o u va i ~ me dérob er.
- Vous ôles mod os te, Monsieur le com Le.
Cc demie\' ul un haut- la-corps cl, frémissant de ralio
conlenue cl de d6Il ,l âcha :
-- J e n'ai qu !aire de vos compliments.
L'of1i cirl' ne sut plus quo dirc, il sc born a à l lU é' formu!o
Il,, po li(' ~s " .
- J 'cspère avoir le pl aisir de vous ravoir ...
-- Adieu, Monsieur .
Cccl di t, III . do Ma nd arlno lourna le!; talolls d'\lIt mOIl voment a ulolll :lliqu c, - l'osto des hahitudes ll1ili t<llros _
IHo nt a lp!; mul'cllf's de l'cnlroe , poussa la porte ot, ~n o
rois cnlru, lu fit 'luquer avec violence.
1,0 co ndur t cul' do la voiture, congédi é do ln sorto, y
pril pl aco , Un de!; soldats mll 10 moLr ur rn marche, ;\ la
mnn iVl'Jlo. Et los pislons eognilllL, avec un sml1!.l hruil d l~
mér·ani que. l'automobilo d6marr,I .
. \l ('x is. qui .wail guetté son d{Jpart, bO!1rli L cl fcrm;l l"
f)orl.a il grill<1gi" , co mlllo S'II aV<l iL 'THinl uno altaCillO 011
nn r lltour,
Odol.l r , ,"(' r oIl 161; SUl' son lil, pIL ur" iL loutes les 1 l' Ille., do
.ou pauvre crour .
C
I1 A
l'I
'1 R1
~
VI
1\1. de Man dann o s'ClLail- il dou lé il fJ\l l'lf1 uo momr nl dl'
1-1 ronconlrl' dos deux jounrs g(' n ~ '1
Cela Nait im probable. JI n'avail vu, dnn!'! r:cltc lJiflLo i l'I'
etl' hl (' s6 il h ~ o o r gr r, quo l' I'nnu i <lui cn r ('~ ul ta il pOli r lui
cl surlouL la punible oiJligaLion d'êt re parj ll l'O il RI\ parl)}oo.
�L'OI SEAU D'AM OU R
Jamais, pond ant 10 temps que M. de Giffrcy vécu!' sous
toit, il no pensa l'JUil sa nUe pùL éprouver quolqu o
~e ltimenL
pour lui. Car son id6c (ou son désir) étaU
qu'Odette se conformàt Ù SOR ordros , qu 'clio aimât qu and
il Je voudrait.
S'H nt interdire à son enf.lnt li entrer dans la chambre
de l'aviateur, c'esl qu'il étaU imbu de vioux préjugés, l't '
quo, comme une mère de jadis, facilement alarmée, il ne
trouvait pas convenable qu'uno jeune fill e do bonne
fpm ille rendiL visite il un homme couché .
Au rond de lui, gisait un cortain co de ùe morale et
même de rharitô, simpliato, mais rigide. Il n'au rait pas
hésité à Recourir le premier venu en détresse. Quoiqu'il no
vo ulût pas le paraîtro, il 6prouva it quelquofois des sen Li·
ments altruistes; /l'il rabrouait ses proches, ROllvenl ,
,'da venait do 0 qu'Ils 11 'ugisso iont pus dans 10 sens que,
lui, trouvait bon,
Lorsquo M. de OUTroy vint échouer choz lui, il ne
voulut voir que l'olnc\ or; il fut un peu roconnulssnnl h
l'u bbé Ol'olibre de vaincre ses sc rupules, il lui semblait
ains) quo son honnour - qu'aIH. iL pli l('fllir ln l ('\hi~o
n de
son serm cnt, do prop os d6libéré - rcsLait flll Uf .
I\'{ais il voulut qu coLte vlctoiro sur SÇS (ll'ineipr!'; n
lû t pus cl longuc Ilurée; d'oll Sf'9 fr6quentcs r(',~lmin
' Ilion'
l'onlre 10 médeci n el le prl1lro qui no pnraissnienL JMl
pressés de guérir l'avlatc ur.
W 's l'Dcrid unt, M. do Mandanne avait inrorm6, par
un rupport de torme tO\ILo miliLaire, le conlru (l'aviatiun
dll Pall, <lu'un ùe AOS pil otes NuIt lomb{' sur flOll
do m,lino i ct il .wait dcr!fu'é <1u'il garderait 10 jl'um:
ollleiel' c!tpz lui jusqu':\ 1:11 !Jo'i! fl'l ( II olut r\ 'î-l ro tr.lll,)·
porté don'! nn hôp il ol.
Un lui répon dit pus unu lettre où on le r mor,' Î,lit dl'
sonextrC' mo oblit.;oance eL Ollon l'inCol'llwil qUI' i'on fCI ait lu
n(,c:ossair ' tant Jlour ni vl'r les déb ris do {'ué roplnn Ijlltl
pour emmener le pi ', 'u, dl'Il fJlI ln SJntû de re il cl'llil'r le
jlcrm eltmiL.
Lorllq u' le cl! lll!'l [\in (lppriL de lu bou cho
('urt: que
fO Il
uu
�T.'OI ;;C ' U n'AMO UR
son malade allait mieux, il s'estima délié Ile son engagement. « A Pau, pensa-t-il, on a bien dù estimer que
c'est le moment pour le retour de ce lieutenant. » 11
s'~tona
de ne pas recevoir de nouvelles ; il s'énerva
dfl ns J'attente d'une missive problématique. Finalement.
habitué à ce que ses vœux soient immédiatement satisfaits, il parUt pour Pau, et, malgré sa répugnance toujoU)'s entière contro l'uniforme, il fit toutes les démarches
nécessairos. Le jour même, on mit il sa disposition UI1 r,
\'oilure automobile, et deux homm es chargés ùe r::\rIlcnr r
Je lieutenant, André de Girrrey.
Quand ce derni er fut parti, M. do Mandanue poussa un
~oupir
de soulagement.
Il pensa alors à la ramouse • Histoire d'Orthez et de fil'1;
environs l'. 'fous les docu ment fi trouvés il [orre do
pat ientes recherches avaient été r asse mblés ol classés. Le
plan, longuement médité, étuit fait Cn délail. 11 ne l'lJ:ltf\it
plus qu'a tout mettro au point, ol à réùiger l'ouvrage.
M. do Mandl.lnne songea tout naturellement à sa fllle pour
lui scrvir do sec rélairo.
Quand elle fut assise en face de lui, un pell dolenll"
mois prele il. écriro sous sa dictée, il l'obsorva de SO li
habituel regard soc; mais s'il s'y connaissait en hOJln'
~,
il n'enLcndait ri cn à ln psychologi o féminine. Il rfl marllU:l
J'air un pCIl Lri51.e de sa Oll e, !:IO borna il. supposer qu'clll.!
s'('nnuyait flL [;1) dit;
- Ça l'amuser,) d' "criro ce que jl.! vais lui dicler.
C:omllll) il ôLait assrz do bonnfJ humeur, il rel5ard u aJ.
flllp. aV(.'t; LIlle compl aisanco qu'il avail p HU Souvenltéllw jKlIée li Hon égard, jU,;'1uo- 1ù, ol s'avoua ù lui -môme:
- EUe l'sl jolil:l . ma fille ... Il ralldra LillO, un de ('1''1
JOUl'S, que j e lui lrouvo un mari.
\tais coIn, pour lui, se rf'{'s0nLa it COIllIIl!> lino qU l' ·titlll
lou!. il fail :tcn',soir".
...
...
-
- ~ Un lN '!, un chû/cll!l fut bûti par (:' (on V 11 , ('um/!'
de Foi..r:., . • Odf?t(~,
fIlt'l'l un u'Ité rillque indll!Wnt un renvoi
�et écris : (( Voir le chapitre III de 1" qU(!,fr ième parti e: De,;
guerres de religion ... »
M. de Mandanne, tout en dictant, arp entait le planchel'
de sa bibliothèque, consultant de temps à autre une lias5c
de papiers. 11 éprouvait un immense plaisir à parler d'un
ton doctoral et à té moigner de son érudition.
Odotte écrivait, écrivait, éCl'iv (üt. EIlI) devenait une
Illllchine, cnregistl'ant des paroles et les traùuisant en
mots fails de signl's de l'alph abet. El, comme une machin!',
('11 0 ne soulIrait pus. Co travail abûtissant ense velissait
passagèrement sa douleur cl 'l'l re séparée de l'objet de son
amour, mnis ne la guérissa it pas : au contrairo, la douleur
co uvait ù peine refoulée, ct, lOl'squo Odette sc trou vait
seule dans sa chambre, l'eparaissait, lanci nante et cruelle.
Alors, Odelte rovivait inl assablem nt les plus minimes
('pisoclf's dll l'oman d'amoHr qu'clic avait ébauché en
('lIu- mume,
BlJu souITra it surtout do Il'avoir pli dire adi eu au
!toros dont son cœ ur éltlÎl plein.
- Quand je songo qu'il csL parti comme un mendiant
dl ussé 1 PensaiL-il un peu à moi flu ancl l'auto l'e mporta?
l' it -i1 l'offrando d'un regarcL vers 1 ch âteau?
lme ne pensa it pus qu'il no pou "niL nI' pas l'aimer .. .
1'; lIe avait donn é son C01u r sa ns sa voir s'il était uccppll\
~n n 'lsa
v (l ir si un untrl' (,O' UI' lui était olTr l'l en ( ~c h a n ~e
.. .
bout J ' 'Iur:lq uC's !-1l'lnUint"l , \1 . do ~I :Uld anne vit
10 manusc rit du premier volum o de l'ouH,lgc
'Iu'i! /010 pro{Josu it do publi er.
li /01 rujollissu iL d6jil, inwgin uil so n Ct' UHO imprim é,), se
Voyait l'II traill do corrigl'j' dell oprl'lIvl' el du dunner dcs
ordl" s 011 suj et do ln miso Il PUgl S, de III pr é~o l u Uon,
dt!
11\ venLo. L'édition du cot OltVl'ùgo Rc ruit. un cxe
l ( ~ nl
d6bou ch6 pour 80n nel i viL6.
.\ l'éKurd de s, nuo, il se mon traiL charmant , ct oll e b'l'll
Honnait )lurfoi!!. Il lui communiquuit par moments lll l
r)(! U J e su n élonno/lll.'nl pour tl'l fJit, tel monum ent; el le
s'int é 'lisJ iL prl!'\qu ' uux sUj ('l H qui 1" p l\~si on
u i e o. l ;
\ 11
<le hfl VPI'
�53
L'OISI:AU D'AMOUR
l'âme d'Odette éUJit. à la fois si vide el si pleinG! Si pleino
du souvenir d'André de Giffrey, si vide de IouLe
pl'éoccupation maLérielle ou inlellocLuell e.
Son père, heureux d'avoir une o.udlLrice, l 'e n~l'etai
de ses projets relatifs à son livre.
- « L'Histoire d'Orlheil » soru en ([uutre volum es.
- Oui, papa.
- Que dirais-lu ù'une couverlure grise avec dos lettres
rouges?
- Ce serail très joli.
- Tu as tout à fait raison, ma petite ... tu as du gOtlt.
El nOl1s meLlrons beaucoup d'illustraLions, cela sera
attrayant, n'est-cc pas?
-- Oui, très atlrayant.
- ] 1 faudra nous préoccupor do trou ver dos artistes.
- Bien sllr.
Ello éLaiL toujours do son avis; il en 6Lail nchanLé.
M. de Mandanno songea alors il. rualisur Son jlrojeL. Il
s'informa, auprès d'un imprimeur, du plix qu'on lui domandu.ait pour la fabrictltion du 1umeux ouvrage. On Illi f1l
lin devis; il l'accopta sans morchander, oL, comme on lui
demandait de payer la moiLi(; de la l'lomme d'avance, il
r, ri vil il son notaire hordeluis, lIecLor Symuise, qui lui
Sl'fvniL de hanquier, de lui envoyer de l'argent.
Cot Hector Symuise, quoique jeune. Ilvai~
Ulle oxpérience
(Il's alTuiros que SOIl clienL 110 posfl(;dail pas au moindro
dt'gré.
11 répondil il r. de Mundonne :
" J\fonsil'ur,
• \'OU!! mu rallos ra~
de volro d('Ril' de Illlblior Illll)
(1)11 \ J'I) de vous (·t vous Ille dl'rnundl.lL do VOUIl déli\ rur'
20
noo [r,l ncs sur
voll'l' avoir, prix. des fraiR d'éd ilion.
Je lirn. ;\ vou'! sigll'dor que coLle opi:r.\lion porLnrll
un 1 ~() lP
lrt's dur il, vos finances qui, rnnIYI'(' ln hOnTW
Jil1sliClII, sonl pluLôt en mauvais Hal. J'lusiours fois, 011
l'fTut, YOu~
UVUI pris do l'ur!{unL RUI' votre Cllpll 1; el jtJ
(l'"is rn(.llH' quo vou:> :IVl'Z unlulllé rorlell1'/lt lu ,.Ol/lIll0
�L'orSEAU D'AMOUr'
59
quo vous destiniez originellement il Il dot de volre fille.
«( Je no veux pas entror dans les détails de votre vic
l'ri \ ..ie, mais il me semble qu'apr~s
cette dépense de
20 000 {fancs, ajouléo aux précédentes, il vous serail
di!Iicilo de vivre avec les inlérêts du peu d'urgent qui
vous reslerait.
« Croyez, mon cher 1onsiour, il mon enlier dévouemenl.
« IIedor Syrnaise. »
Après lo. lecluro de celte lettre, M. do M;md;lnne entra
dam; uno violento colère, d'abord eOlltl'e BOil nolairil, qui
so mC'lait do lui dOlloer des onsoils, ensuite contro 10
sort dMa vora}jle qui no permellait pas il un 6ruùit du
Cairo conno.llre les résullals do ses rechefehes, ·unn conlre
Jui-mûmo qui aurait dû économiser pour etto œuvre,
bul de sa ,,10.
'onlro lui-même, opendanl, il n'éprouva quo peu
d'animosité. Il réfléchit. l'ilS un momenl, la penséo no lui
"int d'nbandoncl' son projet d'éditioll; il fallait trouver
un 'xpédi nl. Iorceau par more 'Q l, il fallaiL vendre Je
IOll1llino f1uo lui avail lé.;ué ses pat'cllls; il nc lui r slail
qun flu l'lU s chilmps, rupport:mL un maigro fermogo/ ct
IPfI hoiR qllÎ pOllHsaiulll devant flon « châleau "cl 'ouvraienl
UIlO surfalo forL limilée. Il n'y avait qu'à les vcndr'c ,
11 (; -rivit oussilô il 1. Symaisc :
" i\larll'Ù,
Désiranl vendre quclq!.lo hien, je VOliS sernis recon·
njs~atl
de vonir r.hC1, moi (fllPlques jours cl vous occup"r
dl' r;clto op6rulion. Vous ourez. volre logoment dans m,l
Iln~o,
l't j VOUII ollvprraÎ l'hcrchor on volturo il Orthez,
« Jo VOU8 llLlelld" I II plu.'! lôt possil.Jl "
• Sin 'l"rl'l1lr'lll vOl rt'.
« Do Mundunn , »
«
I.e notuiro
IIccLor :~ym
bOl'deui~
:lrriv.\ lu Ilomuiuo suivanle.
iso 61uilun hommo do 'Iuaranto n~
C!\VÎ"OII.
�60
L'OI S tA t' D' A~[OUR
De taille plulôt peLite cl un peu b~donat,
le v~sage
frai s, rose, bien rase, les moustaches 80lgneusement taillées
ct fri sées il était vêt u avec une certaine recherche, toujours aye'c un chapeau de haute lorme, une jaquotte et des
g'uGl re' blanches ,
,
Il mcsurait Lous se~
gcstes, sa\'alt montrer son respect
plus ou moills grand par !'umpleu,r ~e
son salut avec son
« tuyau Ge poêle )) lusll'l:, 11 o.l'l'lvail. à maintenir, de sa
mai n gaucho gant6e, sa servioUe, boursouOôe a voc nobl esse,
~n
chapeau, Ba canne el Je gant de sa main droit e, Il
pouvait aloI';; parler, avec beaucoup do gcstes do sa moi Il
laiteuse, potoléo et très soignée, 11 scandait chaqllc mol
d'un mouvement de sos <1oigts bagués ,
Il considérait co mmo tr ~s
distingué ùe tapoler jJorfois
sa bouche avoc Je mouchoir de soic qu'il avait. rl un'l ln
P0<;)IO do sa jaljuclle,
Dc'rniers détails: il portail un monocle, retenu pal' 1111
l'ordon do soi" tloil'o, arborait sans cesso uno Oellr Ù la
houtonnièro c. Lne fumait {llIO le eigorc,
BnCerm6 dans BCS habilud f'S ct ses altiLuùo:;, il illspirail
le respect, rnisail p nSl![' dn lui: " C'est. Ull homm e di slil\ '
f'\I6, "
n I1 0U plus a,:ccntuI\cs, ses manières ùtudiécs aUl'ait'II L
la nolo (jt(.'cppu t;Lro toul'l1écs en r iù i ' ~u l c; il reslait dan~
l.lbIc,
Il l'Luit comm UII hon aclcur spéc!alis(! ùuns un rOlc et
'lui provoquol'a dl's l'Ïres qu a nl~ il sc fourvoiera ùans un
ni lc voi'!in du si('n, même l'cu dIlTérunl.
Co notaire fut pOllr Odel!.(', lorsqu'on 10 lui pl'éRI'nta, un
~ [' êls
que
pcrsonnobc qUC\t'OllqUl', n'olTl'nllt l' as plus d'lI\t
"Il! p as~o
nl , qui <h'OIont sous YOK youx iIJditt6ren ls,
lai ;o br mbla ro~
imJlro
~8 ion
pnr
Par ccn! rc, Bector Sy~
ln grl'lco Mlurello de la J\!un 11110, cc qUI 50 ll'udl lÎ.sit ehnl.
lui par la fHito do SOli mOllocl" hOl'8 cl 1 M n Il l' 'mie
:iJucUi rro, ct pur un él'ic
Jl ~ ' l1l[lre'::,so monl il lui hais" r III
main qu 'o llo oubliail, d'aillours, II111ocOn1ll1cnl , Ù 1 Ill;
Irndro,
M, cl,.. MUIH!:I nn(' invita Il'l JIll ,.. 1. le l ni(;~f'r
t'n t'OI1l[~fJi
�L'OJ "E A U D' .HIO U n
61
de « ccLexcellent M. Gymaiso » , qu'il pri t amica/ement par
le bras , ainsi que fait un enfant à son p ère, lorsqu'il veut
lui demander de satisfaire un de ses caprices.
~ r. Symaise, pour prendro congé , s'inclin a. devant Mlle de
Mand anne, avec ostentation . Elle répondit à peine et s'éloi gna ; M. Symaiso la suivit sournoi soment du regard, Lout en
ayant l'air d'écouter ce dont le pùro d' OdeLte l'entretenait.
Et même, ce qui ne lui arrivait jama.is au cours do ses
journées bien réglées, il vérifia le nœud do sa cr avate
blanche.
Les deux homm es se rendirent :l la coupe d c bois. M . ù e
Mandanne avançai t au milieu des buis:ioJl::!, sans souci
lies obstacles et des ronces, co mm e un sanglier. Lo peti t
nota.ire, par contre, se pouvait plutat co mparer à un chat
traversant une rue liùmide : il mar chait S Ul' la pointe
des pieds, en choisissanl l'endroil où il poserait ses sou li ers vernis.
M. Hecl or Syma.ise, co jour -là, no montra pas le carac till'o décid é qui lui étai L habilu el ; il posa 10 pour et le
,'ontro de l'afTniro; il avai t J'air do vouloil' temporiser .
Il coucha ùans la chambre d'a mi s, cello que M. do
l1ilTrt'y avait occup ée quolques semailllJs auparavant.
Le lend ll main matin , il arriva dans la snllo il manger en
lIIêm e lemps qu'Odollo. M. do Mand anne l'altendait
Pour ro mmellc r de d6jeuaer; Hector Sy m isc fut na vré
IIH s pr 'sencu, mais il n'en l''':!isa ricn paraILrc,
Il g,du a ct s'oxcusa :
- Pardonn ez· moi d'être au!:tsi en rûtard . J e n'a i pa'i
l'habit1lde do march er dans 1:\ ca mpagn " l' l, fuLigll o pur
Je
III proln('nadll d'bier, j 'ai dOl'mi plus qu il n'est 8~l\ OL.
l11u suis Up Ol'ÇU soudain do l'h cur' ; j'ui sa uti! do mon li l
el 0\ 0 suiu prépru'o hàll volJlent.
Toutu son alluro ù6rnontaiL SllS par ule'!. J J l1Iuis il n'a vail
Hé auss i tiré il qu atre épinglt's , jamni!l il .II'avait H é
ros/\ ll'aussi près, ni pOlldr6 aVl'(! autant do SOIl1 •.
La vér llé l'sL qu 'il s'éta it levé lr è~ ~ ol , ~ é: mo.nt
l'cneonlI l r Odelte seul o, pour pouvoir Sil rai re. nlleux l'omar 4U ~ r
t;l valoi r, et qu'il avait uttt' nd u, dt' w .' rl' la porte 4.1<1
�G2
J}OI S r.AU n ' A MOU R
sa chambre, que la mIe de son client sor tiL. EL il avait
fait le gu ot, la tête entourée d'un lingo pour ne pas d6rangrr h bell e ord onnane<.' de la r ai? de ses cheveux soigneusement leints el lissés au cosrr.étlqu c.
OdoUe lui servi l son café au lait.
- Vous avez Hne excellente maHressc ùe maison, dit
.lJ ector :::!ymaise à M. de Mnnd annc ... Oh J aSse:l de lait,
Mademoiselle... Merci ...
EL, crai gnanL de se montrer ridi cule, il n'osa pas avouer
qu'il ùélestail la c l' ~me
du lait.
';:
* *
De toule évidcnce, lu nolaire voul ait resL r le plus
JooJ lomps possible ullprès do 1\1. de Mnndunnc el d sa
fill o. JI rllt plusieurs fois sur le point de onclure l'allai re
r , mais il trouva un pr6lex tc pour l'O;O lll"
avec le Jl r~hÙ
n(')' ccponu::1I1t : Ult doute SUI' ulle mesure, le besoin invo 0 11'" dl) ronslI ll<.'r li n acle de mniril· .. ., ou toul (lulre rnise n .
. Durant IN; l' er"~,
il chcrcll uit ü sc mOlllr<: r sous le jOll r
Ir plus agl'éaùl l' , r oconl:.lI1 I, co mll1 ~ v6r ues pur lui lI 's
his toiros curieuses arrivées il d('s am i ~. TOllj ours so urianl,
loujoUl'S I)m pr es~é
;l1Ipflis d'Odot le ou prGL ù lui dlro 1ln
complimr ll l.
Il prlrvinL .\ s:t\'oir qu'OdC' lL cllf\nla i:' un peu , c:, YO U )il lI l la flaLtl'r, Illi {lPmallda do monLr!: r HCS Ill Jrnts , cc qui
l'I uiL \Illl' occasion d'Malor lu; siens prop r s, puisq u'JI (',1'
p roposait de J'ac.:ompagn l' au pi ano.
Odette, Loujours t ou le il sa p('Ïnn, avait pcu le GUl ur do
chanler. mais ('11(' dû s'xé~
u t(J r ; lI odo r f.\YlIlll inc nt· LUl'i t
p LI~ d'éloges , c L obtinL qu 'on lui dom;\nù: lt quolqu r. ChO.iO
de son cru. Il joua 1111 I1IOreOU Ii qu 'il avn it c( comp osé "
tli ~u it-jl,
mais q1li n'('la it qu 'un pot pOllrri d 'é l r ru c l ~
refrains. On lui lit (les COlllplilll l'lItS, muis il les d6clin 1 rn
ofllrm anL :
- 11 vuut mioux sa vo ir hien inlerpl'ùl'r l1np JllIn'ion
comme rai M a d e moi
('~ lI c , qur ù composur ue'! morC'CJ lI '
nr> TrIU"i(!ur , ('C quo je rais mis{·rnhl,.menl.
�L'OISEAU D'JUlOUr:.
Tous ces hommages laissaient Odotte ùans uno indilTél'I'nr.c complbtc. Elle détestait les compliments hyperbolil1uos. Ello préférait mille fois los peLites railleries, telles
qu'Alldrô de GifTrcy savait en faire.
Hector Symuise restait pour elle un fantoche bien
habillé et beau parleur, mais sans rien d'un hommo.
L'idéal masculin était inca rné par André. Andl'é n'avait
p,'s de monocle, sos chev eux nc se pliaient pas il la cQntrainte du cosmétique, et il savait parleI' sans phrase5
construites d'une façon académique cl péùante.
) maginant qu'il faisait des progrè!:! dans l'es lime de la
jeunc OdetLe, II ector Syma;se, de plus n plus décidé [l
l' slel' dans la pino, prél xta, ce jour -là, une affairo il
tl'ailer il l'lii ez. 11 escomptait ulle nouvello invitalion à
demeurer élteL. M. dl' Mandnnne. II pensail que elui-ci,
uno fois de plus, lui di!' il:
- Cher mnl, vous pouvez l'CS leI' allLanl C[u'il vous plaira
[lU châtoau ; si VIJUS avez q\lclrlUe op6rulion flnunci6re il
elTlJcluer dans .Ia région, railes-Ie, 'l l'eVUIV'z co soir.
Il n'cn Iul riell.
M. de Mandnnne lui dit d'uil Lon ferme uL p su ;
- Monsieur :-3ymaise, jo VOllS ai invi! " pour quo vous
IIlU fnssiez "endre cleu x lerrains, pour qur vous me proTJosiez un arhc:t 'UT; il Y a uno semaine que vous L:L s id.
ûL vous m paraissez n'nvoir fail aucune démarche. Permettoz-moi de m'6lonnel' ...
11 n'y a v' il pas Il lergl verser. Hector Symuise ouL l'apidcm 'Ill tlne id6e.
- C'est moi (lul vous achMo 10 Lerrain.
- 1\ III honno heurl 1 Comblon'/
- Cinq millo rl'UlleS.
.
- Comment? Cinq mille rrallcs 1 cla vauL hlen plus ...
A\'Pl- vous bien évulu é 't
- VOuloz-vous que nOlis rulournions ... demuin?
011.
M. de I\! nndunnu mnchonnJ.it des mol!:! ;
- Cinfl millu, toul de m(·m , c'usL peu .. , vous aIJuS·'l.
�L'OISEA U 1'A~IO(;n
- Écoutez, ?Il. de Mand anno, ne me faitos pas la peine
de me reprocher ce prix, Je vous ai ofTerl plus que je n'en
tirerai. Pen::;cz à la difficulté qu'il y a à expédier ces
bois; un trinqueballe chargé de deux troncs s'embourborail dans ce::; chemins défoncés. ,. l!:t votr(J champ 1 Il l'st
épuisé; il fauùr a plusi eurs s.cmaines de travail pour
reLourn ;r le sol profond ément, Jl faudra. des engrais. Ah 1
oui 1 j'ai voulu fJir u un cade:J. u. car vous êtes un de mes
Jid èJcs clients ...
Comme cadeau 1... pensa amèrement M. de
Mandanne.
Hector Symaise poursuivit la ré alisation du plan qu'il
avait souùaÎn Imaginé.
- J e vals \'ous prouver mon désintéressement. ;\1011 sieu r Je Comte. J e suis un ami des lettros, un grand
ami ...
- EL alors '?
- Hl! bien. \ oilà l je IH'unds il mon compte lous les {rais
d'impression de votl'O " HisLoire d·OrLhez. "
M, do Mandunnu se redressa, piqu6 dans son amourpropre;
- ~ J aitre
S,vmn isr . je n'accepte pas d·uum ôn" ...
Celui -ci essvya de l'apaisor; d'un lon do'J cereux, il
di L;
- Une aumône? Null ement. J e Il ~ me por mettrnis pao:;
lin te! gcste. qui. d'abord, es t cont rJlre à mes princi pes ol
qui. ens\IILe, je 10 sais. \'ous iJJrsse.ruiL . .Je faiK une 0p(lI'.ILion co mm erci ale, un pl acement; Je mlso su r votre livre.
CeLte ol1re. pOlir M. de Mundullllo. (~car
tni t déllniLivemenl. bit'n des sOllcis d'ordre fln ancior. I:;a fortune. mal
ré l't:e pal' Jui , était mal assise eL ~ n piteux étal; olle no lui
pormeLLrait pas - il s'erl l' 'rId .llt co mpt.o - de 1'0a lis 'r
I>on caprice d'historien; l'urgent pI'OpO'lU par le 110t[l il'r
arrivait pro\'identiellement. ~epcnù
lL
~1.
do Mallùo.nrlr.avait un ce rtain sens ded roa hlés ; on y pensant sincèreIllent, ceLLe olTaire d'édition ne pouvait guère réussit" Peu
rIo gells /i'ÎntücssC I':licnt à • l'lIisLoire d'Orthez~,
oncore
moins sotlBcrirai(·nl -ils. pour J·acQuorir. D'o ulre purt, !'ùtl-
�65
L'OISEAU D'AMOUR
vrage tiré IOl'eément à un petit nombre d'exemplaires de. rait
êtro vendu très chor, co qui diminuerait encore le nombre
des amateurs. 1\1. de Mandanne voulait seulement un peu
de gloire dans' un cercle étroiL de personnes éclairées :
artistes, érudits; le gain était 10 moindre de ses soucis. Il
pensa soudain qu'il devrait perdre une certaine somme
sur chaque volume pour réussir à écouler son œuvre; il
voulait, en quelque sorLe, faire un cadeau il ses lecteurs,
que, du faiL de leur nombre restreint, il pouvaiL considérer comme des amis personnels.
Il n'hésiLa pas:
- Monsieur Symaise, vous (eriez une mauvaise opél'aLion do bourse, je me J'ofuse à vous fair perdre une parlie de votre fOI'Luno ...
M. Symaiso fuL abosourdi et rosta bouche bée,
- J o crois, !\Taitro, qu'en me proposant eela, vous aviez
une idée derrière la tùte, n'est-cc pas? Dites-lu-moi ...
Heclor Symaise s'e,x6eula ct , lyrique, s'é ria;
- M. de Mandann , c'esL ... c'esL m fortune que je
voudrais vous oITrir ...
- i\h 1 diablo 1
En échange de la main do Mademoisello votre
llllo.
CoLLo déci raLion était imprévue 1 M. do Mandnnne,
pourLant, ne manifesta uucuno surpriso. Il tortilla
quolques in ~tuns
sa moustacho griso, puis laissa lambel' :
- Au rond, c' st une idée,
'est-co pas, Monsieur? faisait le notaire exalté.
Vous savez f1uo jo suis honnùle, généreux, et quo j'ai des
idées Jtu'g 's ; jo pourrais f.l iro un xcellont mari cl. un
gendre à riter en oxemple. Mcs millions mo permettraIent
do procurer ù votro fille UIIO vio doréo l agréable ... N OUl;
pourrions fairo réparer le chfUcau ou achetor un autra
domaino... ous pourrions fairo éditer ù Paris votre .o~vrilg,
qui, ainsi, toucherait 10 public letLre:. ou!:! s.o~vJrlm;
un
certain nombro d'oxomplaires gr<ltuiL~
aux c.rlq~s,
aux:
<lCo.démicipns, aux lIIombrcf! cie l'lnshlut ... Certnl~o
e nt,
Uno rérompcnsu vi 'ndrait courOllnJ r un labeur dlgno do
1)
�66
L'OISEAU n'AMOUR
tous les éloges. Vous opposez-vous au principe de ce
mariage?
- Nullement.
- Alors, je peux me considérer déjà un peu comme
votreflls? Ah 1 vous faites de moi l'homme le plus heureux du mondo ; jo suis comblé ...
Pendant qu'lIeclor Symaise s'abandonnait aux délicos
d'uno imagination fertile, M. do Mandanno soliloquait: '
- Co mariage serail vraiment il r éaliser. Odette va
avoir vingt ans dans trois mois, ot, sans doute, pense-Lelle quelquefois à un mari. En voilà un, presque idéal,
ou, ~lut8,
~ui
vi.enl de se présen- '
quo je viens do trouve~,
ler. On no peut souhaiter mieux: riche, Joune inLelligent
ct me comprenant. Lui aussi aura de la chan~
do découvrir la pure flour quo j'ai soigneusement gardéo cl élevée.
OdeLte est uno maîtrosse de maison déjà acoomplie. Je
resLerais flVOC eux, cl ma vio finira dans la lranqulllilé ...
Il s'adressa au noLairo :
-Hé 1 Monsiour Symaise, venez-vous? Nou~
rentrons .. .'
- Mais commenl allons-nous informer MadomoiMlle
Odette?
- Très simploment, je lui parlemi de vous. Je vous présenlerai sous vos lraits vérilables ...
- Trop aimablo, mon ohor omle ...
- Vous VOU!! dôc1arerez ...
- .Je sui!l ému il. cotte ponséo ...
- Allons donc. Vous trouveroil une joune nlle toule
prôlo à vous écouler ct vous aimer. Le marlnge aura Iiou
Jo plus tôt possiblo.
- Je vous approuvo ontièrcmunt.
Ils nrrivèrenL hi nlôl au ch iHolm.
gai. .M. de Mandnnn Re
Lo rt'pns, co 60ir·lo., fut tl'Ô~
trouvail en vervo t M. Symalse lUI donna brillamment
la réplique. Le père d'Odotte so montra tout à raiL
almablo pour sa fille, se pr60ccupn do sos lcctur s, lui
cl manda si cil" no s'ellnuyalt pail, tli 0110 n'nvait nvio de
rien ... Ello souriait, otonn6e ot doucoment 6muo p, r cct
�L'OISEAU D'AMOUR
67
aspect imprévu do SOn père, que, depuis son enfance, ello
aurait voulu connaître ainsi.
M. Symaise prétexta lJne migraine et prit congé de ses
hôtes.
Couch6 duns ie grund lit qui craqlluit, il sc retournait
fiévreusement, n'arrivait pa. à dormir eL tantôt quittait
son bonnot de nuit qui tenait ehaud à sa tôte en ébullition,
tanlôL le remottait, craignant que la fenêlre entr'ouvorto
ne lui donnât un rhumo, co qui aurait pu lui ôter de SOli
prestige. On ne doit pas être afOig6 d'un coryza quand on
veut plaire 1
Dans la petite sallo à manger, M. de Mandanne et sa
fille éL:lient rostés assis, près do lu lampe il pétrole. Odette
occupait SOd doigts à un ouvrage de couLure Iullle. Son
père l'ost ait renversé sur su chaise el 50 pr~ait
à
parler.
Tout ù coup. Il dit:
- Pendant Jo tliner 1 je me suis enquiA plusiours fois dB
tes goOLs et do tes désirs ...
- Oui, popa. tu ns étu si g oUL ..
- 11 m'a somblé qu'alors, tu no tn répond is pas
franch<,ment, quo tu uvai, une au tro pon~û,
un me parlant.
Odetto rougit un p u. Une penséo co jour-là, comme
le nutre jours, l'avait hantéo:
Ile d'André. 11 lui
semblait qu'il au r:.1Ï t dO écrire, oh 1 uno lettro toute
simple, quelques moLs, uniquement pour donner des
nouvelles ùosa sanLô, muis peut-êtro nvaÎl-il ou uno rechute,
10 voyogo un auto oUf la routo dôConcée uvnll dO Otro un
upplic terrible pour lui...
.
Poul·êtro élniL-il morl. Morl? Elle fl'issonntuL touto
d'elTrol. luis non 1 li dovnit vivre oncoro. 11 l'avuit
ouLli60, alol's? Il avait passo PI"S d'ollo, ul c'éla~t
fini.
BUo n'oxisLait plus pour lui. D'uult'os rom mes USI~
sans
doutfl, uvaiont vécu pr s cl lui, inaperçues. 'avaIt-Il pos
, .
.,
d6clnrl: un jour:
- Il n'y Q pOl! ÙO fommes lJui III ulIncnl ... II n y 1.\ quo
mUlllun ./
�68
L'OISEAU n'AMOUR
Et cepcndant. .. Ah 1 s'il avait pu lire dans son cœur à
ene 1 S'il avait pu savoir ... II n'avait donc pas de cœur?
Odette se révolta contre celte hypothèse. Si, André devait
savoir aimer, ct comme nul autre, mais il était un timide ...
Odette, cependant, répondit tt son pi're :
- Mais non, papa, je t'assure, je t'écoutais ...
- Ta, ta, ta, la 1 EnOn 1 N'aR-tu jnmais songé, OdeHe,
que tu trouverais un jour un homme qui t'aimerait et que
lu aimerais?
- Papa, je ne vois pas ...
- Tu cs encore bien jeune, en erret. Mais, tu sais, je ne
reslerai pas 6ternellemcnt près de toi; lm jour ...
_ Oh 1 ne parle paR de cela 1
- 11 le fnut, pourtant. Si je viens ù disparailre, que
deviendras-tu ? .. 'J'u ne réponds paR, tu vois 1 C'est pour
cela qu'il te faut trouver un compagnon_
Le cœur d'OdeLte battait. Oui, ello voulait un compognon
ct 110 le connaissait mOme. Allait-on lui demandor qui il
était?
M. do Mnndnnne, le visago tondu t vivoment éclairé
par la lampe, conlinuait :
- 11 te fnut un mari. .. 10 plu') tôt possible ... un homme
qui te romprenne oL veuille Lon bonheur ... qui puisse te le
donnel' pal' fin Hi LuoLion et sa rortulle_
L'argent cntrait pell t'n ligno de campLn dans les rGves
d'OdoLto.
Elle l'celiOa Loul bas:
- ... Un homme qui m'aime, soul"monl...
- Hien sÎlr. !\fais aussi qui [liL los moyenfl de l'assurel
Uflr xislonee déb[l~rnRe
de lO~t
so~ci,
CJui IlO Roil pns
h(\l'cI'16, rOJome mOl, par ln geRllOn tI UIIO innme lorLun(1
qlli ne floit pllS éternellemenl dans la c:raillLc du It'lIdl'mail:
'ornmo I1H,i ...
~lni',
jc el'oyais, papn, que lu nvais hérilé ...
Celn l'sl hi "l1 loin, mon cnfi.wL. Ton 6duCo.llon por
UllO insLitulrku privée, vivant ici, m'n r;oùté hel' ... Non,
nOll, je Ile ml' plains paB. Je rcfl'rais tout ce que j'ui ro.it,
~'il
fal!ait l'CCOl11ll1cnrrl' ... L.e l'npilal a (té olltam(,; tu dol...
�L'oreZAU D'AMOUR
- Je n'en ai pas besoin; si un homme m'aime, il ne
me demandera pas si je suis riche ou pauvre ...
- Tu crois cela, ma pauvre enfant 1 Il Y a peu d'hommes
qui n'envisagent pas ce point; il n'y a que peu de personnes, d'un esprit élevé, qui considèrent comme indigne
d'elles de faire entrer une forlune féminine en ligne de
compte ...
- Oui, certes, il y en a, murmura Odette, avec une
ferveur qui 6Lonna M. de Mandanne.
11 insista:
- Il Y en a un très pelit nombre.
- Plus qu'on ne l'imagine, peut-être.
M. ùe Mandanne, al 01'5, enchaina:
- Que penses-tu, fillette, do M. Symaise?
- Moi? Je ne sais pas.
- Allons, tu dois bien avoir Les peLiles idées sur lui ..•
Confie-loi Ô. Lon vieux papa.
La jeune fille ful complèLement d6routée. NullemenL
hobitlloe Ù ceLLo attitude de son poro, olle n'arri voit pas
lA se mettre en rapporL avec elle. InsLinclivement, Odette
resla Bu r la défensive:
- JI n'esL pas permis à uno jeune fille de juger un
homme do cet Dgo.
- JI esl encore très jeune.
- Hum 1 Tout ce que je puis dire, "est qu'il mo parait
lri!!; hahile.
- Pourquoi?
- l'arc 0 qu'il sail se mettre n bon'-; Lermes n vec Lout
10 mondo; il a donné de gros pourboire;; ù Alexis cL à
CutlH.·rjnc.
- C'ost un hommo l'i(;he, crl orrot . m a-t -il ruusRi li
so « motlr'u 011 bons tormes " avec loi?
- II Dst gentil, il jouu du piano nsser. bien. i\la~
pO~lr
quoI fume-toi! tant de cigares !Jui ~nrumet
la mUI"on?
nïvl) enlant, pr \1sa 1\1. Ù , ~fund<\Ie.
Bt Il parla tl'autre chose jusqu'à l'hourc du couchor.
�70
L'OISEA U D'AMOU! !.
CHAPITR.E VII
DÉcr.AR ATION
Le souvenir de cet te étrange conversation tint Odette
éveillée pen dant une partie de la nuit. Los paroles da
M. de Manr/anne Qvaient révél6 à sa fille qu 'il avait sur
le mariage des id ées sensiblement diJTérentes des siennes
propres. D'autre part, l'aveu qu'il avait laissé échapper
dn mauvais état ùe ses finances la préoccupait. Ainsi, son
pèro tremblait pou r l';1venir et 50 souciait de trouver un
abri pour son enfant. M. de Mandann c, enfin, s'était
lOontrù changé , plus patern el ct plus aimant.
- Pauvre papa, songoai t-rlle, JI a 6té souvent l'udo
avec moi, maiKil avait tant d'ennuis matéri els ... Iü pourtant, il me donnflit co que jo voulais. JI 50 sent vieillir
o peiné d cette constatation. Mais quo
aussi, ·t ~c mbl
fairo?
1'; Jlo no songeai t pas du tout, alors, à Hector Rymais ,
I]ui, h ce mOllont, dans uno chambre pr ~s de la I\lenno
Ton nait la houche ouverte, ronlluit co mme un vi eillurrl. '
no, ne
lII'rtOI' F:iymaiso , n vonant c ho ~ M. de Maorlan
s'attenrlnit pns h r onrontr ef une enchont rOSse qui 10
l'oti enrl/'ait PfPS do lui, d'aill ellrs bien illvolon tairement.
Il avait confié so n étude Il son premier clerc, un )lOmmo
do no pa
a lenL
trè.s fort n. droit. Mais, ses di.cnts s'6 t~n
IoufIranco.
VOir Jo notluro. Il y avait aUSRI des afIalres en l'
'fouL le rDppelait ù Bordeaux.
M. do
Il quitta donc ses hôtes, t, d'occord av~c
Mandunne, laissa dans su chambr o un certaIn nombre
d'objots. Le d6sir d los r6cupOrer rapidemont 50rnit 10
motif do son prochain r etour.
Son dUJlart tut uu suj et de COn v rsaLion ontre le père
et la /1l1e, converlltltion qui dégénéra bien vit en lm
pan6gyriq 1 en rrglo de M. S.Ymaisù, par M. rIe Manrlanne.
Après Je discours enflamm é d l'nnCÎC'1I capitaino, null e
�L'OISEAU D'AMOUR
71
femme n'aurait résisté au désir de connaltre et d'aimel:' un
tel homme.
Mais Odette, dans son cœur, entretenait pieusement le
culte du souvenir d'André, et elle savait que jamais elle
ne donnerait ses pensées il un autre que lui.
Trois jours plus tard, M. Symaise revint, jouant fort
mal le rÔle d'un personnage qui Il oublié une brosse 11
cheveux, deux flacons et un fourreau de parapluie.
- Ah 1 chers amis, que je m'excuse do vous déranger,
après avoir abusé de votre hospitalité ... J'e$père que
vous ne m'avez pas exp6dié mes allaires à Bordeaux? Ah 1
très bien ... j'avais peur que vous n'ayez pris ceLte peine.
J'en aurais ét6 dosolé ... J'ai prOférû revonir, surtout que
j'ai encoro certaines afTaires à régler dans l<.'s environs."
11 offrit il Odette un magnifique collier.
- Non, Monsiour, je no veux pas accepter ...
- Mademoisello, jo vous en supplio, gardoz·lo ..• Jo
vous serai encoro redovable ...
- Monsieur Symaiso, vous la glUez, vraiment, coupu
M. do Mandanno, onohantii.
- C'est la moinuro ùes ('hoses, t cola me fait plaisir
ùt! vOÎl' un collior aussi bien porlé.
Monsieur ~ymtliso
était arrivé justo apl'ès 10 d6jouner
des de 1anuanne.
- Vous allez permetLre à mu fIIlo dt! vous servir uno
tasso ùo caré?
- Jo n'en ai nul besoin ...
- Bah 1 Dehors, SUI' la terrasse ...
- Mais non, je vous -n prie, no vous dérangez pas,
Mademoisello.
Mais, dl-jil, OdeLle s'emprossait. Ello oruoDna Ù Alexi!:!
Ùtl transporL r SOIlS lcs arbre' uno petite lul.Ji.e, eL quand
c llo-ci fut installéo ils !;'as iront tous les troll:l et suvour l'cnt Ù petites gorg6cs Jo br lIV,lgd aromatiqlle. Soudain.
1\1. uo l'If andunn HO lev l
- Excusoz-moi. J'IIi uno id '0 peur l'ol'donnunco d'un
'hapitro d mon. llitlloiro ., oL jo no veux pas lu perdre.
Un instanl. n't'sL·cc (H\H, chor Monsiour?
�72
L'OISEA U D'AMO U R
- J e VOUS en prie 1 dit aimablement le notaire.
M . de Mandanne se dirigea vers sa tour, et Odetle
remar qua la lourdeur de sa démarche. E lle rest.a seulc
avec JI cct or Sy maise. Ell e éta il assez gênée de cette
situati on.
- Que va is-j e lui dire? pensa-t -elle.
Ene prol1C1nça une parole banale sur la dou cour du
te mps.
- Oui, il lait beau temps, répondi t lIeclor Symaise ,
ct l'on sc sent plus à l'aise. Le cœur bat d' un ryt hme
nouvea u. Mais, peut -être, ajouta -t . il avec un sourire
savamment 6tudi6, cela ne vi ent- il pas soulement do
la clémence du ciol ? Purfois, l'on so sent mieux vivre, par
exempl e IOl'l:iqu'on se trou ve auprès d'u ne jeune p er sonne aussi paI'éc de grûces que vous l'Hes ...
- rais, Monsieu r ...
- Oh 1 ne parl ez pas, Mad m o i ~o l e Odetto, laissez- moi
seul ement vous regardo l', vous admirer... on, non, ne
vous en all e/. pas , '·coulf·7,· moi .
JW e s'éta it levée, muia il la relenait dou cement, debout
lui aussi, un e main sll r 10 cœ ul'.
- Éco ulez- moi, do grâce . Laissez-moi vous posor 1I 11e
quet>tio n : VOltS suis- je... antip athiqu e?
- Laissc,:-moi, su ppli a- l -cl lo.
- Non 1 l'ar pilié, s'6cria- l- il d'uno voix fr('rn issanto,
B t Fouuu in, après UII ges le instinc: lir pour relever un
peu son pantu lon unn do n 'OJl pas dMn ire II) pli , il so laissa
tomber 11 g 1I 0 UX de vant 0110.
- Mad moisollo Od tte, laissez-moi vous dire ces mots
si dO ll xà mon cœu r : Il J e VOU!! aime ... » Comp ronez- vous?
u s tout cc quo (;l'S mots coni si~ez-vo
J e VO UF> aimo ... f:)a
tOllrm ' nls 'l Ne 1Il C r ep OUHSe7.
de
lielllll:nl do joil' ct aussi
pus, jo vous en Rup plic. J'rûlol l'oreille (l U aveux de
l'humbl e amour II X que j suis ... ~
Ho n front. luiRai t d'une sueur d'llngoissc, sa voix 1femùl uil.
li t;ontinu oil, lf>u jüuTs sur le mod ' Iyritl llc :
- J e Hais lllle jo ne suis pos tout ù fait lu h(·ros de lu
légende dont rôvenL Illllguissamm 'Ill toutes Il's jeu ll"s
�T.'OI S EAU D'AMOU R
?3
mIes, vos sœurs ... Mais je possède, lrésor inestimable, un
immense amour ; je veux faire votre bonheur, je veux que
vous ayel de splendid es toilettes, que vous poss6diez votre
voiture, que vous soyez la reine de brillantes assemblées.
Vous aurez des bijoux , vous aurez de l'argonl pour vos
moindr es désirs ou pour vos bonnes œuvres ; volre pèro
vieillissant, vous le garderez près de vous, près de nous,
prèl; de ses pe tits -enfants .
Comme un "cho, revenai t dans l'espril d'Odett e les
puroles de son père : « '" J e suis h arcelé par la gestion
d'une in fi me for tune.. . J e suis éternell ement dan') la
lTuinle du londe main n. Elle le revoyai t, le visage crjspé,
hanLé pal' la crainLe des di mculLés nnancières.
- Madem oiselle OdeLte , l'épand ez -moi ... puis-j e espérer
qu e vous m'agrée rC'z un jour '( Di tes -moi quo nous
so mm es fi ancés dès main Lollanl, qu o nous allons apprend ru
6. nous mi oux coru1allro ?
Un pas rotcnLÎssail sur 10 pu vé do ln petite cour, derrière
lu maison, ol ap pror. hai L.
- Belovez- vous, par pi l ié. Nc vous laissl'z pas surprendre ainsi par Alexis.
- I1h bi en, diLes ... Oui, <liles- moi qu e vous me luissoz
OSp "I'l'r, qu o vous m 'a u to ri se ~ à vous aimer .. . EsL- ce
oui ? .J urez- moi seulom 'nl do me donner uno I·éponse ...
Encore lIne second e, et Alcx is allaiL al'river . OdeLte dit;
- J e vous répondr ai demain .. .
g ll e avait ainsi puri'), un pou par surprise , un peu par
( rain ll) de so voir trotl\'ùe P,lI' l'ancien ord onnance dans
HII(' situ ation ridicul
pt , slI r Lolll, pur désir de ne pas
p<, in ul' SOli piJro. ~1. de ·. 1nnt!n nll u l'avail prüsq ue implo'r ée.
Mais sa f,o umi ssioll dC\'<lil-c lio all er jusqu 'nu sacrifice ? BL
il Illi semld IÏL qU l', dll riel où il vol ait, Andr6 do OiJTrey,
clui qu'ull o aimait, Illi fo i,;aiL do ntU etfl reproches.
- fil on Di eu, pr nsu- L- ellc, quand clio se trouva seul e,
ai jo bi rn ngi ? J'n i luis5(' l'F p {'I'I'I' , j'ai permis ;l el homme
quo j'l'); lCr.) de Cairo \In r\l \,c ... C'était pOur mon père qui
so unrc de vieil lir cL de s scntir po.U\Tc.. . J 'u i p u r]( ~ conll'!)
�74
L'OISEAU D'AMOUR
ma pensée", Suis-je une pécheresse? Mais le cœur,
parfois, donne de fâcheux conseils; je me dois toute à
celui qui m'a élevéo, qui m'a nourrie et aimée, Oh 1 mon
Dieu, inspirez-moi 1
Elle priait avec ferveur.
Et ello avait promis de donner une r6ponse au cours du
jour suivant.
CHAPITRE VIiI
LA
Rlll'ONSll
n'oDETTE
lIector Symaisc, avcc une délicatesse qu'il faut noter, ne
sc pr6senta pas 0 elle ce maLin-là. Il voulait qu'clle
1 éfléch t bien, ct il avait trouvo un prétexto pour no pas
s'imposer trop tat à celle qu'il onvoituit.« Jo vais consulLer 10 registre do l'étaL-civil de 1898, à Orthez, » déclal'a-t-il.
Odotto l'oLOUI'nuit infatigablement la siluution dans son
espriL el no trouvuit pus d'issue ni le moyon de se dOfaire
do son engagement.
L'aigu'lIu <le l'horloge avançoit, grignoLant le Lemps.
- 1!:h bien, OdeLte, ù quoi rêves-tu? doman<lil.
M. <.le Munùanne, la surpl'ellont daus une profonde rôverie.
- Mais ... pupa ... je no snis pas!
lJ lui III UII pel il coup d'œil complice ct d 'mandu ;
- Ne soruit-co point ù Monsieul' Symaise?
- CommenL, Lu sais?
11 eSl{uissu un gcsl évasif qui Il uvail signiliol' l
" Que ne sui -je pas? H
Il dit
l
- M. Syrnaiso m" full (JarL do lu déclaration q\l'i! L'a
fnill' hior.
mIe soupira:
- Hélasl
- Pourquoi h(·las? Tu vu ucct!pler je suppoae? Je
n'aurais paf! pu Ijoll!lniler ùo meillcuJ' dll1J'j pOUl' loi j il
n'y Cil a cOl'lainOIJll'lIl pUti, Illon ('Ilf:wl.
/
�L'OISEAU n'AMO U R
73
- Oh! si, faisait une touLe petite voix dans le cœur
d'Od ette.
- ... M. Symuise es t distingué et riche. C'est ce qu'il
nous fant ...
glle sentit Loute la signification de ce nous.
- ... Tu seras gâlée, choyée par lui, plus qua tu ne l'as
été pal' moi-même ! Tu ne lui as pas encoro dit que tu
acceptais ?
- Non, pas encoro, mon père.
- lJJt combien de Lemps penses- Lu le faire soupirer ?
D'une voix morle, OdeLte gé mi t ;
- Jo lui ai promis de 10 fi xer aujourd'hui.
- lJJh bien, il ne faut pas attendro, ta résolu Lion esL
prise dès mainLenanL et bion prisc o Tu aurais même dù
voir hior ta ligno de conduite. Qu o les femm es sont éLrangement faites 1 Elles ne savenL pas cc qui es t dans lour
intérêL; et, j'en suis certain, comme des alouoL tes par un
miroir, elles so laisseronL séduire par los promesses les
plu s invrai semblables. ,'i jo renconLro M. Symaiso avant
toi, je lui dirai quo tu acceptes.
Odot.te, valnr.ue, ne réponùiL pas .
La cloche, que )' 011 uclionnuil, de lu grill e, résonna.
C'6Lait un /)v6oumont.
Alexis Jals!l'l aussitôl, le travail qu'il HvaiL onLr rp l'Î
Ca LherIno, <lui, d'aill eurs, 6Lait xtr r-momonL uri oLl5l' ,
abandonna S S c[lfjseroles cL Odotte Ro rtil rto sa chambre.
Lo cour do clocho fut mômo ontendu )ill' M. do 1\11ndnnno duns sn tour, mals, grand. Hcigncur , il Of) dn ignn p"r;
so d6ranger, ol atLendit qu' n vint l' avOl'lie, solon 1"5
r gles, « qu o quelqu'un demandait Monsieur ;> .
Alexis ou vri t la porto toulo lnrg '.
ne nulo entra, cello-l n mèmo qui 1\ vait emmené Andr6
"nr'ol' hlcss6.
m ce luL lui qui on dc:crnd it 1 GanL6 cL 0 11 granrI uniform e, Lel qu o l' avaiL rC v6 souvent Oelotte, il!iembl(1 il no
BO rossontlr uucunr mcnl de son acr idcnt L marchail n vcc
disLiocli oll.
�76
L 'OI!EAU D 'A~IOU\
Il SCI'I',l vigoul'eusement la main d'Alex is :
- Bonjour, mon brave.
Un imm ense troublo avait en vahi Odette à la vue de
l'être qùi lui éLail si cher. Mais il ne fallait pas lui montrer srs sentiments. 11 n'est pas séant qu'une jeune fille so
jetto à la lête d'un homme, même si elle J'aime. C'e~t
lui .
qui doit la demander, ce qui n'emp êche d'ailleurs pas la
jeune fille de provoquer par foi,> celte déclaration, en
saehant so faire comprendre, en monlrant qu'elle ne sera
pas une cruelle, avec le tact qui est habituel à toutes les
femm es.
Une force poussa Odette et elle vint sur le perron.
André l'aperçul ct, en quelques souples enjambées , gravit
les marches, ôta son képi:
- Mademoiselle, j'ai le très grand honneur, ct la joie .. .
Il lui baisa la main qu'elle tendait. 'foute frémissante,
elle dit:
- Je suis heureuse de vous r etrouver en bonn':J san lé,
Monsieur de GilTrey.
- Vou s le voyez, Mademoiselle. J e l'lui s ontièrement
remis ... grâce (lUX bons so ins que l'o n m'a prodi~ué
ici,
grâce à l'abbé Grolière, grûce à vous .. . El je suis venu
vous remercier. Un peu tard, sans doute, mais il n'est
jamais lrop t ard pOUl' exprimcl' su reconnaissunce.
- Quo je su is hou ('euse dt' vous voir (l insi 1'6lnbli 1
Andr6 ava il fuit un signe au conducteur de l'auto. Celuici so retourna pOU l' prend ro quelque chose sur J'un def!
siligcs. Mais Andr6, llnpatienL et nel'voux, su précipita luimèrno vers la voiLure, en Lira un vasLe palti"\, ('0 oûm' ,
J'ouvrit, Je rejela après eil avoi r extrait ulle splcndide
gcrbo do rost·s.
- Mademoiselle, permettoz-moi de vous olTl'i l' ces quoi!')UCIl fi 'urs Cil l6moignago de ...
- nllos sonL magnifiques 1 coup a M. de M,'nùalln en RI)
pluçunL devant sa flll e oL ell prcrw nt 10 hfllHlllot. Jo vouti
l'~\
r e m e r CIe , II1Ol1liillur. Ahl vraimllnt, VOWI en USCl Ct voLt'O
a IR', MonIlÎl'ur. ''l'es L·ce p lIS alLOZ que n'JUS ayons dû pendant quinGe jourd ..•
�L'OI SEAU n ' AMO U R
Il s'arr aa, puis :
- J 'a vnis reçu votre lellre, voLre visite éLait inu We.
Ainsi, le père d'Odette avait reçu un e lettre d'André et
n'en avait ri en dit à sa fille?
André de GiITrey était interloqu é par cette violence, et
Odette rougissaiL d'enLendra son père parl er de la sorte.
Pour l'interrompre, elle demanda maladroitement:
- Veux-tu me donner ces roses, papa? elles sont si
belles qu'il ne fauL pas .105 faire souITrir ; je vais les mettre
dans un vase ...
- Ait 1 ma nll e, Lu dépasses Loules k s limiLes permises.
Quell e inconscience, touL de môme 1
I1t, furi eux, il j ' ta à Lerre les fl eurs Utl X pétales serrés
l'L aux doucul tf3inL s, les piHina avec rage et, fin alement,
les rejeLa loin de lui d'un grand coup de pird.
OdeUe, la gorgo contrac Lée il la Vue de ce specLaclo, no
plll articuler un SOli.
André, r aidi, comprit qu e c'é tait un congé, une mise il
la porte.
II no pouvait cl mander il flon utrange bienfaiteur la
raison ùo sa haine du soldaL. 11 s'inclina, comm o lorsqu'il
reovait un ordre do ses supéri eurs. Il éprouva un déchiremenL et il GouITrit commo jamais peut- ulre il n'a vait souffr rt. 1'010, presqu o chance lanL , il F;'jnclina dovant OueUe:
- Mademoisell e.. .
n ans un SOllent', ull e répondit :
- Monsieur ... Diou vous pl'oLègo 1
- AH l'ovoir, Monsioul' 10 co mlr.
-- Adiell.
]l;L M. de Mand ann o, pur co brutal
Uue rois ùe plus !'la vol on Lu.
«
Adieu
li ,
signifiait
OdeLlo ovait. eUH ss6 un momlfll )'e3poir insen"é qu e
réalisé. Son pèro 6laiL venu lui ôtor
SOn rév allaH ~ tru
lOl1lo préLenlion. Mois, désormais, il n pouvait plus arra (Illr du c:œ uJ' do sa tillo le vœu qu'ello venaiL de tuire :
(:<.> 1Il Î de l'es LeI' fid èle à Anrl1'6, quoi flu'i[ arrivût d quoi
qu'il pû t advenir de cot le ul Lilu le.
�78
L'OISEAU D'AMOUn
Le soir, Hector Symaise r ev int, ayant mis son habit d es
grands jours et les bras chargés de Oeurs blanches. M, de
Mandanne lui avait dit un peu amèrement:
- J'ai fait comprendre à ma fille son devoir .. , son intérêt ... En somme, c'est oui.
Quand il fut devant la jeune fillo, il dessina son plus
aimable sourire et, faisant uno grande r6v6renco 1 il dit l
- Mademoiselle, all ez -vous co mbler mon vœu lu plus
ardent?
- lIélas l r épondit- elle, le ciel que j'ai interrogé m'a
indiqu a uno autre voie ...
Heclor crut avoir mal enLendu, ses rega rds se troublèr ent cl, un instant, il faillit s'6croulcI', M i8 il se ressaisit:
- Comment? c! omanda-l-il.
- J e ne vous aime pt\s 1 Non 1 cria-l-ello avec une 6norgio désespérée.
III clol' Symo iae , absolument dura it, perdit loulo contenanco eL pleura presque. Comme un enfant qui réclame
quelque chose à sa mère, il implora l
- Maie; pourquoi, pourquoi, quo ma reprochez-vous?
- J o ne vous a imo pus, reprit fe rmemenl Odolle.
- Mais vou~
I/l'aimerez ... plus tard ... Vous apprendrez
à ma connaître." jo sens quo jo réussirai à vous inspirtlf
un pcu do lu passion que j'i'l pI'OUV e pUUI' vous ... vous ...
Tri sl 'mcnt , ello dit:
- Non, Monsieul' ~y m u i sc , je ne p ux plu 3 donner mon
cœur ...
1J6scllpé ré, furi 0uy' , il ~'.J cotlVl'Îl, rt groles que, il jola :
- Adi/!u, Mademoiselle, arliou, inhumaine 1.. . Ah! je
s~n
q 10 jo vuis ! ,il' un mi'lhl'ur ...
El, B' 1O!l l'cg,lrt!('r derrièrl) lui, il s'e nruit, avec son h'lbit
lie soir"'e riJicul ll J' Il'1 celle occasion, ,t sl)n bou4uot du
fi'JUlio il ia m"in ...
et d()~
gens SU I' lu roule pllrent voir \10 H urLo r Syrn.!i,e
!le snuVl'J', en fui"a nL do Hr,lOu~
I{l'I'llcs c.1 éllordonn{oil ct •• 11
lJJ'ulldissunl 1111(' gl'f'bo do fl ours, 1l0Tl chapeau do c6r6rnonl u
do \r' IVI' r s HUI' l'J c l'iÎn , lrai llunl les pied,; cl soulcvunt
ùe la pOU!:I';iUl'C.
�L'OISEAU n'AMOUR
79
Le soleil couchant brillait dans sa splendeur narquoise.
Quand il eut connaissance de ceLte scène, M. de Mandanne enLra dans la plus violente colère. Il lova les bras,
comme pour frapper ou maudire, et quand il fit ce geste,
son épaule so rappela à lui par une vive douleur, ce qui
s'ajouta encore à sa surexcitation.
Ecumant et blême, il criait :
- Ah 1 fille insensée, tu as les instincts d'une coquette
qui se promet et se refuso. Pourquoi ai-je une enfant
pareille? Jo ne méritais pas de me voir menacé d'une horriblo vieillesse auprès d'une nlle sans corvelle qui aura été
la aus de mon malheur et du sien. 'ru avais le bonheur,
la richesse à portée do la main, pourquoi n'as-tu point fait
) 0 geste nécessaire ot si simple? Non, tu veux me raire
mourir', tu Il'as pas do cœur ...
- C'esL parce quo j'on ai un que j'ai rofusé 1
- Follo 1 tu as lu trop do sornottes dans ton entnnce,
tu crois ù tout 00 qu'on raconLe dans des livres pornicieux
ot faux ... IiJL je suis perdu d'honneur mainLenant. J'avais
donné ma parole à M. Symaiso que tu accepterais... Que
va-L-il penser de moi, aprOs cela? 11 va mo considérer
comme un faible qui 50 laisse diriger pat' )0. Lôto do linotLo
do sa fllle ... Non, tu n'aimes pas Lon père ... tu n'aimeras
jamais porsonne ...
hl si, mon pore .. .
- Qui, mais qui donc, alors?
Ello avoua.
- André do QifTNY·
- Ah 1 C' st do l'ignominio 1 CeL individu ... cet offici r
ost venu Lo tourner la tôto. Il n eu l'impudence de venir
to relancer aujourd'hui môme. Oui, ma vio aura ét6 10
j01l0L du destin. Deux fois des officiers m'auronL brisé io
cœur. Aprlls m'avoir d6shonorO ot m'avoir tu6 mo. fommo,
ils viennent mo prendre ma flUe. Alors, toi, naïvemenL,
rtI 0. ses déclarations d'amour, 0. ses sermonls? ..
tu a~
- Il no m'a jamais parlé do tlon cœur.
- Ah 1 Ah 1 d mieu. en mieux 1 Mademoisell voit UII
Crnciel', clIo en lombe umoureuso, sans que l'autre rut rien
�80
L'OISEA U D'AMOU R
fait que se pavane r devant elle, que faire la roue ...
- li ne se pavana it pas, papa, IOl'squ'i l gisait sanglan t,
délirant . C'est alors que je l'ai aim é, parce qu'il souffrait .
- Tu as complè tement perdu la r aison 1 Je ne veux plus
t'entend re ... Si je m'écout ais, je te ferais enferme r dans
une maison de correcti on ... Mais ce n'est pas possible ...
Alors je te mettrai au couvent ...
- Papa, je t'en suppli e, compre nds-mo i ...
- Tais-to i, tu es indigne do moi, du nom que je t'ai
donné.
Et il sortit en faisant claquer la porto.
Odette, de son côlé, Iut extrême mont peinée de la scèno
violente qu'clIo avait essuyéo do la part de son père.
Elle so rolira dans sa chambr o, anéantie , ct, au repas du
soir, olle flt dire par Cathorino qu'elio no descend rait pas.
Le lendema in, un joune garçon d'Ortho z apporta une
enveloppo sur laquelle on lisait:
A MilO de Mandanno.
l'ERSON NELLC
trouvai ent ces mols:
Bnvoi do M. Hector Symaise.
- Y'a une réponso, diL 10 portour .
- Ahl très bien, fiL OdeLLo.
l!:t, sans la d6cachotcr, clle d6cllira la lottre en morcea ux.
- Voilà, tu pourras rapport e l' cc quo tu as vu ...
Lo soir, Cathorine, do qni lu curiosit é était 10 p6ch6
mignon, alla ram05SCI' les fragmen ts. Ella eut tôt fnit de
reconst ituer la mis.:lÎvo :
Au dos j
50
Mademoiselle,
«Peut-O tro m'avez- vous r'pondu d(lns un momont d'égaroment.
.
« Peut-èt re vous rppcnloz. vous de no m'avoir pas ngl'06
volro
AUI'
rovonir
de
oisollo,
Madolll
temps,
encore
« 11 est
parolo J et do sauver ainsi la vic du malheu roux qllo je
/1
8UÎ.J!.
�L'OISEA U n'AMOU n
81
" Vous êtes la seule femme que j'aie jamais aimée, et
. mon échec auprès de votre cœur m'est si cruel que je disparaîtra i si vous n'avez pitié de moi.
o Faites-m oi grâce, je vous en conjure .
CI Celui qui vous aime et vous l'especte
.
Hector Symais e. »
Catheri ne 6carqui lla les yeux, relut cela plusieurs fois;
enfin, elle eut ce mot assez drôle, en vérité, venant de sa
part:
- Après tout, cela ne me regarde pas ...
Et elle brûla chaque morcea u, séparém ent, à la flamme
do sa bougie.
Hecior pensait sérieusomont au suicide.
11 réfléchit d'abord et so dit que sos afTail'os n'étaion t
pas tout à faiL en or~,
qu'il devait aller à Bordea ux et
s'on occuper, avanL de r6aliser son funesle projet.
Ce souci le saUvft.
En olTet, ayant retrouv é son colTre hien garni, son éLudo
florissanlo, sos amis de cerclo cL sa cuisinière savoyar de,
DrillaL-Savarin en jupons, il so diL que ce n'était pas
encore 10 Lemps do mourir cl que la vJe avait encore de bion
belles coulour s.
CHAPI TRE IX
TRIPTYQ UE
- Hô! Monsiour Jo curé, que jo suis hOurouso do vous
voirl
- Bonjou r, mon onfant 1 Commont vas-tu?
Odotto vonaii do rencont ror avoc plaisir, commo loujoursl 10 bon abbé Grolièro, abrité par uno ombrell o
dovenue vori.jau no, sous 10 soleil. Le bravo hommo soul'il otlui rendit son saluL :
- Quollo chalou l', hein, Oùetlo?
- GosL la !J"uiso/l, Monsieur le cur6. Voulez- yous YOUS
'6
�82
L'OI SE AU D'AMOU R
rafraîch ir ? Entrez donc ... m ais si. J e vois que vous en
a vez b esoin.
- M. d e Mandan ne n'est p as là?
- Il est p arti, pour la journée , à une réunion d'érudit s
de l a r égion. Il est très préoccu p é du so l't do son m anus crit.
L 'abbé Grolièro était un psychol og ue. 11 rem arqua :
- Tu as l'air bien trisle, ma p etilo Ode tte, ot il me
somblo quo ton visa go est un p ou p â lo. Te serais· tu querolléo av ec lon père? Quand tu as p arlé do lui, 10 ton de ta
voix a changé. N'ost- co p as cela '1
- Oui . .. il pou pr6s.
- Alors, on a été uno fUi e indocile ot d ésob6iss anle, on
a m is son pap a on colèr o p ar s s p etiles v ol onl és?
- Vous approch Ol: un p ou do la vérit6.
11 prit les m a ins d 'Ode tto dons les sionnes, de gr osses
m ains ruguouses, comme coll os dos paysans , e L Ja regarda
da ns les ye ux:.
-- Il 1110 semlJlo de viner co qu'il y a d uns co Llo mi·
gnonno corv ollo.
- Monsieu r le cur61 (ello 6cla l a on sangl ot:» ... j'aimo ...
- Mais cela es l très bien, pourqu oi plourer ? Allons, s6Itons ces lar mos .
11 pronail lo m ouch oir d'Odo lto eL lampon nait 1 s ye ux
do la p otilo ch il tela ine qn i n'arriva it p as à 50 onsolor.
- J 'a im o, oui ... Mois p apa a dit qu o c'é ta it très m a!. .•
qu'il no consenti ra iL jama is,
- m 0 jeune homm e?
- Oh! jo rois qu'il m 'niOle un p eu, lui a ussi.
E llo 90 calm a alors, l fil s S onfldolH.:OH :
- Ainsi, l'auLro jour , il st venu pour rem ercior p apa el
Lo us CO ll X qui J'uvalenL Roign6 ...
- Oh 1 ohl .' sL M. do UHTJ"oy l
- Oui.
Co
- m ton Il r n quoIquo CllOflO à lui r eproch er ?sertjeuno llO mm c m'u. toujour s par u ani mé des mei lleurs
tlm enls chrôticn tl. Jo l'ni ntondu JOll(J r Dieu do J'avoir
épargn(' 10 1'/1 do sa chu Lo ot do l'a voil' fuiL l omber !H'ÔI:l de
�L'OI S EA U n'A MOU R
83
ce tte maison accueill ante . J e le crois digne de t ou Lc nolr e
esLime.
- Vous avez raison. Vous me failes du bien, Monsieur
le curé .. . Je disais donc qu'il est revenu, il y a quelques
jours, et il m'a apporté un magnifique bouquet de roses.
- M. de GiITrey cannait tes goûts, ..
- Hélas, pâpa u délruit ces roses lorsqu'il me les a
données 1 Mais qu and il a éLé parti, je suis allée ramasse r
los pauvres fl eurs meurLri es. Et au milieu du bouquet, il
reslaiL un joli bouLon, intact. CeLte petite roso est le
symbol e do mon amour qui est r osté intact, lui aussi,
malgl'é les mauva is lraitem ents ot l'adversité.
Le se uvenir de la scène a vait ramené des larmes aux
youx d'OdeLt e.
- Ça y es L, tu La remeLs ù pleurer l Tu es donc une
p olile fonlaine (il lui tenaH le monlon) ... une petile
fontaino au deux mUl·mu re... Ah 1 tu souris. ÉcouLe-m oi
un peu to J'ail'o lin sermon do ma faç,en. 11 esL Lout il fail
louablo d'a imer. Dieu ne nous n-t'il pas l'Ms en partie
(la ur l'éjouir son roganl de ce spactac lo admir ble : la
I;ommllnian de ùe ux cWl1 r s? ~ I a i s , poux- tu affirmer que
M. do OiJTroy éprou vo p 01lf Loi do l'aIT ction ? 11 fauL ülto
raiso llnabl ol no l' ml L leurrûr do chim ilre!'l. D'auLro parL,
lu dois obéir ù Lou pèl'u ; de propos déli lJér6, Lu no pourrai s
pas épousar lm homm e qu'il ha'irait , Jlli, pOUl' des ra isons
quj 'orLaine monL onl un solide Iondomonl. .. 'ru es lJioll
jeuno, Odollu. No L'éco uto p aH tl'OP, prCLo J'o reill o aux
propos des ge ns qui sont plus flg6~;
quo Loi, songo qll O Lon
P Ùl'O l'a im e lu nùl'cme nt Pl qu'il v II I. Lon honhoul
'. ObéiRlui, lor.,qll' d Ln pr('scnl C'ra un époux .. . ut n'o ubl i" pas,
aussi, quo l'abbé Oro liôro SNa to uj ou rs Jà pou r ln
conseill er, 0 11 Lu ()oll';oler. QuanJ lu ~o r os dans la l' l'in!',
n'n LL enrl'l pnB ri o me tl'llcontrPl' , vion!! me voir ...
],Ol'Rqur Ge , ~ r,amara r! os l'avaiont ra m 'n!) il l'ail en
alI toJ\l ob il e, André ôta it preHlIuo gll ûri. On J'ava il otlligfl,
pourlll oL, il rl'sl(' 1' qUel quOfl jours à l'JI Ôpi la l. P 'n 11lOl sa
convaloscunco, il a vait cu 10 lumps <.l e réfléc hir sur SOli
�L'orSE AU n'AMOUR
avenlure récente. Il avait revécu ..par la pensée les épisodes
que nous connaissons.. Quelquefois, à ses yeux, était reparue
la silhouette d'Odette; autant qu'il s'en souvenait , il ne
l'avait jamais vue tant qu'il était r esté dans sa chambre.
Se\ll, était bien vivant à sa mémoire 10 souvenir de leur
amicale conversation lors do sa première et unique sortie.
Il revoyait Mlle do Mandanne, assiso sur une pierre basse,
une légère mèche de cheveux sur le fronl qu'elle relevait
parfois, mutine, et l'écoutant attentivement fair le récit
de sa vie et de ses enthousiasmes.
Quand il Cut guéri, ses compagnons de régiment lui
avaient olTert une filte réhaussée d'un banquet amical eL
arrosé de champagne. A la tin du repas, dlacun avait
chanté son refrain, ct on avait engag6 Andr6 à prononcer
un a lalus », ce qu'il avait Cuit do bon gré ct d'une façon
humoristique, rompor lant un franc succès.
D~s
le lendomain, il s'était remis aux choses sérieuses.
Los études techniquos ct le servico l'avaient accapar6, cL
l'imago d'Odette s'élait stompéo légèrement. André
avait du tomps à rattrapor; les anciens aéroplanes avaient
été remplacés, juste pendant son oLsenco, pal' dos modùlt..'S
nouveaux comporlant de nombreux pcrfcclionnemontA.
L'apparoil qui l'avait mené iL deux doigt de la morL était
un dos anciens types ot 1I.nurô, comme pour so venger do
l'injuro que lui avaient faiL subir les élomenls, A'était le
plus tôt possible 6lanc6 dans les :lirs avec son nouvel avion.
Hommo du monde, pourtant, il n'avait pu~
oubli6 qu'il
devait uno viSite de remerciomont ù ses hÔLes. Il :wait
bien écrit uno leLLre iL M. do Mandùnne, mais celu ne
sufTIsait pan.
Do nombreux mcoLin~
d'avialion avaient sans cesse
reLardé son voyage li Orthez. Un jour, enfin, prontaliL
d'uno ourlo permissioll, il avait décid6 do mcLtr.: son
projet ù exécution. Ses amis lui avaient dil :
- 'l'u vus ch z ton ours?
VOliS parlez do .M. d Mandnnno?
- Oui ... Tu rOl'as slins doute plu/! ampll' conn' isstlnee
a \'Cl' 1\1i. ..
�L'o rSE AU n' Al,I OU I\
85
André avait r evu Odette avoc une émotion qu'il n'a vait
pas éprouvée jusque-là; il aurait p eut- être même prononcé
des parolos qui l'eussent un peu engagé, s'il n'avait été
mis à la porle parl e châtelain.
Après ce tte visite, il se sent it changé.
Ses camarades s'aperçurent de la transform ation qui
s'opérait en lui .
- Mon vieil André, qu'as-tu? 'l'u as l'air d e broyer du
noir.
- NnJloment.
- Tu dis ça. Avouo tes peines .
- Jo n'ai l'ion, je vous l'affirme.
Un jour, il vit uno photographie dans un journal et il
sursauta l
- Odotto de Mandanne, fil-il, 10 sang a u visage.
Co n'était p as 0110, mais une quolconque arli sto do
théâ tro.
André oxamina la gra vuro :
- Ce n' est pas tout à fai t Milo de Mandanno. S on noz
('st plus fln, ses sourcil s plus allongés ; 10 monton aussi ost
sensibl ement difTérenl.
11 corrigeait au crayon le8 dif!6roncos, avec attention et
10 trouble a u crour.
C' st airu:IÏ qu'il s'aperçut qu'il aimait Odotte.
Il garda la photographio rolouch6o par lui dans un
calepin, mois il n'avoua à aucun d e ses camarad es son cher
sec ret.
11 no devait en fniro ln confession qu'à sa mÏJ re, quand
il passa chez elle uno pormission. La bravo damo, comme
toujours, " accu mit avec douceur et a mour ol, en femm e
n\'crtie, elle devina un pou de co qui 50 p assa it dnns le
cro ur de son ms. Un jour qu'elle revennit d'uno promenad e,
là son bros, ello lui d iL :
- Andr6, no penses-Lu pas rTU 'lquefoi!! il te marier ?
Cette question 10 troubla. 11 s'\nlll que, do ~ n it , c'6Lait
III so n vroil 10 plu s chor nl qu o so n cœ ul' a v[, ll lr ouv6 la
Co mpagll o id 6a lo. N6anmoins, il r6pondit :
'- Maman, mon m6tior mo permet -il d e m'cn!;uger
�86
L'OI S EAU D'A MOUR
dans une toIle aventure? Chaque jour le danger me guetLe
ot vous avez appris l'accident qui m'esL arrivé.
- Oui, peut -ê tre. Mais il y a des femmes qui sauraient
supporter les momenLs d'incertitude eL de cr ainLo..• Et je
serais une bonne grand'mèro, tu sais.
11 se pressait contre sa mèro, les yeux pordus devanL le
tableau qu'elle esq uissait.
- Que penserais.tu de Mlle do Montigny? Elle serait
cap able de L'aim er ot do t o comprendre. J o crois bien que
Lu lIO lui cs pas indiJTérenL eL qu'ello cut, dans Ull tomps
pas trùs loinLain, la favour do quolques- un 5 do tes p ensées?
- J o no pounais pas la rendro henreuse.
Elle domanù a douco mont :
- Pourquoi, André?
m l'av u lui échapp a 1
- Pareo quo j'on aimo uno autre ... pal' e quo j'aima
coll o choz qui je fus soigno...
- Eh bien ?
- Hélas, co r ovo ost corL uinomonL irréalisable. Le p èl'O
<1 coLLo charmante ct douce cr6ature semblo m'avoir
vou6 une haine Ifll'Ouche donL j'ignore absolumont la
cause.
- Il Y a un malenLendu, corLainemenL.
- J no el'ols PM, mu!O an, il y a uno outre chose que
j'ignorv cL (lui rouse un lnsond able 108,6 ontre Odette eL
1II0i. "
- Veux- Lu que j'aillo voir co L homm e?
- Ohl non, TII amllJl chéri e, tu forais ' 1\ vain un voyage
hi en long rL fa tigont. C'esL un hom1l1 o rud o cL hruLal. Il
Le di raiL des paroles qui lo hl essoraient. 'l'anL pia... J o
MO lIfTril'ai ... j'ossa ierai <1' 'n dol'mil' lI1a (\o uloul' dnns 10
I)1'iserie des espaces.
J ~ L (levaut /1(1 pr llsée se présenLaiL l'id éo d' uIIO rnLnsLroph r , d' un a6ropl ano onti èroment réduiL II miettes, devenu
l Olllboa u p01l1' son pil ot".
])ôs lors, " ÙI'Ô V!:Gut d' uno vic (1'1.lsi m6cll lliqu r, cal'O:l/W lt parfois Iv (J(: il' fou d' uLk rrir lJl'(!:; du châLe l U ùes do
�L ' OISEAU n'AMOUR
87
Mandanne, do déclarer sa passion à Odette et de ]a
supplier de par Lir a vec lui. Lors de ses essais, d'in stinct,
comme ]e pigeon voyagJur va d ans la direc Lion du
pigeonnier, il volait du côté d'Orthez, attiré vers le pôle
magnétiquo ct féerique que r eprésentait pour lui la
demeure d'Ode tte.
Il no survolait jamais cette habitation et même ne s'en
approchait qu'à plusieurs dizainos do kilomètres, il cause
du peu do carburant qui lui était accord é pour son entraînement, et il revenait chaquù Iols plus désespéré et l'âme
vide.
Ap rès l'incident Symaise, M. do Ma nd anne devint r enfermé ot taciturne. JI rest ait sans esse verrouillé dans son
bureau et ne parlait pas aux r epas. En revanche, il multipliait la corrcspond:!.nce a vec les sociétés sa vantes ou
avec des ama tours do sa connaissance , espér ant touj ours
trouver les moyons de publier sa fam uso (1 IIistoiro
d'Orth 7. ct do sos environs n .
Heclor Symaise , apl'ès le rcfu s qu'il uv nit ssuy6, avait
cnvoy6 un relev é très précis ct très soc def; r essources do
M. do Mn nd nnno, monLrant ainsi que, désormais, il
compLait r ~s t c r s ur un terrain exclusivemenL financier eL
qu'il n vo ul ait pas r appeler 10 p ass6 par des plainLes ou
de la rancune. La IOI'Lune 6taÏL minime eL ne porm cLlaiL
pas d'enLropriflo has udclIse.
Le 'omle apprit à eonnaUre mi ellx l'archivisle Pi erre
qui l'avait, naguùre, grandement aidé dans ses Lrav, ux.
M. Pierre promit d raire jouer toutes Bes r ela lions POUl'
oht ' nir uno subv nlion en fa veur do l'œ uvre fI laquelle il
avaiL apporté sn pa rt do tra vail.
M mo Pi erro suL que d o MandanM avaiL un nUe en age de
Ro mariOl', oL 110 pensa ali ssitôL à son Jlls, Lucas, âgé de
\illgt. si\: nns. Intt'igaIlLo, DL, dans sa médiocrité, a dmiraI d e <1 fi LiLl'es de nobl esse , ello s'a l'rangea pOllr quo son
mari invi l1l t 10 ro mlo, touLes les fois qu'il venait assisler
:'t IIne r(' union d'érudils.
l'nI' Ollvr nance, M. de M:II1c1ann c invil lu famille
Pierre
p asS 'r quelques jour B choz lll i. 1mo Piorro
�88
L'OI SEAU D'AMOUR
accepta , sans se fa ire prier , et son ma ri fit comme ell e,
pal' obligation. Mme P ierre était la maltresse chez E'lie, ct
son ép oux lui ob éissait aveuglément, no n p ar amour, m a is
p ar ce qu 'il ne pouvait agir au trement; il savait d'ailleurs
qu elles d iscussio ns et quels d ésagrém en ts l'a t tendaien t en cas
li e r éb ellion . Aus~
i M me P ierre agissait et commandait à sa
guise. D'origine très m odest e, elle a va it une oertain e vulgarité de car ac t èr e et une curiosité elTrénée. Avec cela,
r omanesqu e en diable.
Il était donc dit qu'elle irail a u chateau des ct" Mao Janne. Elle brûla it d e connaHre dette.
CHAPITRE X
L UCAS
Ce soir-là , qu and Odette vint so mettro à tn.ble où sou
p ùre élail d éj u inst allé, la serviette SUI' les genoux et les
poings app uyés d e chaque cô tô do SOli assiette, 1\1 . de
Manda nll e lui d it:
- M olt a mi P ierre va venir ch ez nous tlUel ques jour.,: ...
avec sa fommo at son nls.
L o fr on t d'Od etto so r ·mbl'unit. Son flIsl Co seul mot,
pour ell o, ôta it plein de menace. M. d e Mundan ne continu a ;
Depui s qu elque tamp.:!, tu CR ma ussa ùe. J 'esp éra
quo ton visage s'éclaircira cl tlue Lu CCI'L\i:l hou accueil à
m es inv iLés .
- P opo , tu peux le cr oire, eL t oujou r.,,,.
- Non, p os t oujours, lu so is bien ?
- Oc g rûce l
M. de Mund unn o all ui t dira quolquo sévél'ité, mois il /lO
cont int. 11 priL sa cu illel' n 'rve usomont c t sc rolL li ma nge r
Bun poLoge.
Où ' Lto, confusément , sOll tul L qu'o ll uppr Huit un nOU\'eaU
sUIJIJlico ÙUIl '! 104U ' 1 tlo n cUJu r tltH'ai L l llCO I'll dtf' hir(' t t
meu rtrI.
�L'OISEA U D'AMO U R
89
Un coup discret fr app é à la p orte di) sa chambr e t ir a
Odette de sa leclure.
Alexis entra et prononç a :
- Monsieur le comte m'a chargé de dire à Mademoise!le
que M. Pien e ct S:l famille sont arrivés .
- J e vous remer cie, fit· elle sans chaleur .
Elle r eleva sa mèche Colle et descend it.
L es Pierre étaient assis au salon.
- Ma fille, présent a M. de Mandan n e.
Odette esquiss:\ un e révérence .
Mmo Pierre, ainsi que son m ari et sen ms, s'était levée
de sa chaise ; elle bondit presque vers Od ette, l'embrassa
materne llement et br uyamm ent:
- Mo. chère enfant, je suis t1'05 heureuse de vous connaitre.
Mmo Pierre se tourna vers M. do Mandanno.
- Vous av ez un e nlle charma nte, Monsiou r 10 comto.
Qu el CSt votre pr énom, Madem oisell o?
- Od tto.
- 'frès joli. Jo vais vous appeler Odelle, voulez-vous?
Voici mon mari, ma potito Od ette ... Ill on fils Lucas ...
- J e sui s ... h eu ... tros h eureux .. . do vous ... de faire
votre connaissance, dit Lucas qu e l'émotio n taisait
Légayol',
) 1 rougit commo uno fill elie, en s'indina nl gauchem ent
ùevant la jeune fill e. Celle · ci le salua rapidem('nl et
détourn a Jo. tilto pOUl' bien montre r yu'il ne l'intéressait
pas.
Lucas n'avait l'ion pOUl' aLlirOl' l'a ttention . Son visago
ùéjù vieux portail d m; rides; Il CS cheveux ôt aient
longs, noirs, gras ot mal p ignés. Son h abit, genro sport,
flamban t neuf, do confoction, s'adapt a it mal à son anato mie d'intel! 'ctu e] an6lOi6.
P ond ant la conve rsation qui s'engagea, il ne dit pa s un
mot, parut touj our; embarl' assé ul so tin t , la plup art du
tumps, la tèto b a i s.~éo
et assis s ur l'ext rême bol'u dt! su
(·hai/IU.
l\[IJHI l'i l' l'l'e lit lous les ff(lis de la cOI1
\'Cralllie n.
�90
L'OI S EA U D'AMO U R
Odett e, dès l'abor d, ne l'aim a p as à cause de ses chatte ries ct de ses complim ents mielleux , de ses manières
qu'elle voulait aristocratiques ct qui décelaient la vulgarilé.
Madame P ierre raconta surtout les d ép er:ses qu'elle
v enait de faire ot so lança dans un éloge dithyr ambique
do la voituro automobile qui venait d'ê tro achetée ct qui
les av ait amenés au châ t eau.
- Et Lucas conduit d'uno façon merveilleuse . C'est
admirablo...
- Maman, supplia Lucas.
Il sentait les ri dicules de sa mère, mais ceS r idicules,
dans leur énormité, 10 submergoaient ot il devait la laisse r
parler.
- ... C' st admirablo, le sang- froid qu'il montre. Il sait
tomner, r aI ntir, froinor, onduire d'uno main ot acti on n r la tromp e do l'aulre. Ahl il Y a pou d'hommes qui
puisJont se vantor ...
M. do Mand anno so cunl IIna dans uo sil nco glacial.
M. l'iol'ro, qu'Odette r ogardail, 0 0 disait ri on, mais on
v oyait qu' il souffrait de l n nullité de sa femme ; son rcgard
h rill nit d 'int 'Iligenco dorrière SOR lunelLes.
M. do Mandanne into rrompit so ud ain 1 b avnrd age do
Mmo Piorro :
- Mais p ut ·(: lro voudri oz· vous faire votre loilette
avan l le r epas? Alex is n rn onl û v os bagages dans vo t.ro
'hamhro.
- Cela esl vrai, so uri l M. Pi err '. 11 Y a beaucoup <1 0
pouRs ito re sur les roulos.
Mmo l'iorro so lança ùans uno descrip tion pr ée i ~o cl
délaillt',() do l'im prossion (Ill() lui Caisa it ln pOllss iol'o co lléo
Hut sa p ea u.
L twns ne AOUen mol ct r gard a SNi moins.
- Oùollc, coru lui fl nos llmi s 1'.\ la chtunbl'o que nous lour
avo ns [nit préparer.
M. <lI' Ma nd ann r, dl"s 10 Inntl omnin, accapara M. Pi l' rrc
l l' 1I1111 CIl il il SUlI bUI'cau. Nul doule IJUO lOUIl doux pa:;-
�L'OI SE AU D'AMOUR
91
seraient des journées intéressantes, à parler de suj els qui
leur tenaient p articulièr ement à cœur, à feuilleter d es
albums d'estamp es, et à r elire ensemble les incunables de
la bibliothèque.
écs
élaient moins agréables pour Odette.
L es ~ourn
Le lendemain de son arrivée, M mo P ierre arbora une
robe d 'é lé aux couleurs criardes, un chap eau de paille de
forme ridicule el une ombrelle grotesqu e. E lle emmena
les « enfants» en promenade. Comme t eujoUl's, ce Iui elle
{lui par)o, faisant los r éll exions les plus saugrenues sur un
paysage ou une planle, disant d'un champignon qu'il éla it
" venimeux Il . Sa conversation, véril able pol- pourl'i
d'absurdités et de lieux communs, trouvait uno audilrice
polio en Odet te résignée .
Lucas ne disait jamais rien, ou, p arfois, corrigeail une
p arole do sa mèr o, et llo-ci r épliquait:
- Rien sûr, bion sû r ... m a langue a fourché. C'ost bi on
ce quo jo vOlil ais diro... N 'est -ce p as, Odette, quo j'ai un
fils savant ? li fuit ses élud s d'astronomie. Ça nous a
beaucoup co ûto à mon mari -t à moi. Songez au prix de
la pension ... des livres ...
- Mon Dieu 1 ({u ello p erruch e 1 songeait irrov6r ncieusemont Od ulto, un so uriro flg:: !>ur SOl:! lèvres .
Lc soir, on so r asse mhl ait sous los arbres, (lU olair do
Juno.
Mmo Pi l'ro faisait des tirades sur les 6toilcs, inspirées
des conversnLiOml d o sos h6r08 do l'omans- fouill etons .
Un soir, Od Lle l;C lrouva su bi tc Hlcnt soulc avoc Lu cas.
B ll o fromit. Allait -oll o voir so r6p6tor la scèno ùont
H octor HY lll ais' n vaiL ot6 10 héros ? IW o s'apcl'çut quo
Luc(U; tail IIcoro plus marri qu'olle; ell e so douta qu e
cc n' -tai t pas lui qui a vait macllin6 coLL so litud e 11 doux: .
gUo 1" prit viLo son sang- froid t parla ùo la b eaut6 du ciel.
Lucas, alors, se lança à corps pordu dans un ours
d'as tronomi e. Ali début il piqua l'a ttention d'Odc tL don t
l'édu cation H iontil1qlle ava it 6t6 forl nl'gli gé , ma is hi nlôt il partit, il fond de train, dans 1'6noncé do formules.
(.orta ]n urn <nl, p 0 1l1' lui , les chiffres cL los équations avili t
�92
L'OI SE AU D'AMOUR
un sens profond, une vic, un intérêt p assionnant . Il débitait des suites de r acines carrées ct d'op éralions avec des
intonations frémissant es. Pour lui, il y avait des surprises
dans les nombres , des r égals analoguos à ceux que l'on
éprouve en littéralure.
Odette ne comprenait absolument rien, m ais elle pr6f6rait. ce ja rgon scienlifique à toute autro parole dont elle
aurait découvert 10 sens inexorable.
Elle pensait à André, certa inoment aussi savant que
Lu cas et dont la conv ersa tion était si limpide ... André.
MmD Pi erro, avec un rar e sans -gêno, s'était introduile à
la cuisino, avait fait la connaissanco do Ca therine 0 t
s'était trouvée avec elle dans UII O atmosphère a micalo,
duo il l'an alogie de lour niveau intell ectuel.
Ca therino raconta l'hisloire d'HoeLor Symaiso, r opoussé
par Odello :
- C'est p ar eo qu'il était vieux, sa ns doulo, conclut la
soulem ent,
servanlo. Ello n'il pns vo ulu voir sa ri c h es~
m ais son âge. Ah 1 CCB jeunes filles modernes, ça vout de
l'amour ol do la jeunesse ...
- Wl cs ont rais on, bien raison.
Mmo Pierre pen
~u il à son tUs pour loquel Ile ma nifeslait uno admiration sans borne et un aveuglemenL non
moins g rand.
- Lu cas, disait · clI o Il son fU s, 10 lende main du cours
d 'asl.ronomie dont il av it accnbl6 OdoLLe, lu cs 'elui quo
colle jeune rulo aLLond. Ello est digno do Loi. ..
- !IInis, murn rll1, jo 110 vais êtro qu' un proresseur do
mécaniqu o célcble ...
- 'ommont, lu mép!'ises l u science? Tu oscs t e rabais·
ser?
- Pus du tout, ccp ntla nl ...
- Et n'a- Lo on pas vu do spl endides vi erges a im er UI1
Mlronorne? IlNyuno do Ir\ Mari chodior no hni t -dle pus
pa r épou!lc r 10 jeullo J aco hus Baly?
Mn r[nrn n Pierre 6la iL ('n plni n d UTI'> J(1 r oma n- rftuilloton
nlilul6 ; • Le bul astroJ()g uo 0 rIant ello achelait chaque
�L'OI S EAU D'AMOUR
93
se maine la livraison iHustrée, pour la somme de vingtcinq centimes .
Odette vécut dans l'inquiétude les huit jours que dura
le séjour des invités au chât eau. Un pressentiment lui
disait que l'on prépar ait son mariage avec Lucas. Épouser ce Lucas, 0 garçon Sans allure, ce débiteur de nombres,
co timide à r ûme de professeul' do collège, DIors que son
cœur batt ait peur André 1
Mais les P ierre s'en allèr ent sans qu'uno t elle éventualité
se produisit. Alors 11050 crut sauvée; ses craintes s'apaisvl'ent.
C'était uno fausse joie ; quolques jours plus tard,
M. de Mandanne dit il sa fill e, insidieusement :
- Que ponses- lu du jeuno Lucas '1
Pour « l'allaire Symaise », ç'ava il commencé do la
mêmo Caco n.
- J o no sais que dire ... il esl reslé ... si peu d o t emps,
qu o jo n'ai pu COnJl uHro le flIs do M. Pi erre, papa .
- Je no l e demande pas cela, Quello a ét.é t on impres sion? 1
- Ma is pourquoi cette question?
- Réponus- moi. Moi, je l'ai trouvé extrêmement inlelligenl. ..
- Oui, il a l'a ir d'avoir ruil dos H url es approfondies ...
- Il ira sû rcmont à l'aris, commo prorcsscur, cl je ntl
douto pas qU' 11ll jour, il enlro il l'Inslilut.
Lo cœur d 'Odolte sc serrail d'angoisso.
Son p '. re laissa per cor son d essein.
- 11 eol'U un oxcellenl muri.
- Sa ns doule.
- El je crois qu 'il 10 com iendrail ; jcune cl inlcllig,:>nl ,
c'est oxucl' ml'nl co qu'il le falll. Ne trouves-tu pas? Bl
d'a ill 'llrs, voici )(I demande n mariage q 11U m'onl
on voyéo lrs parents do Lu cns. Ace 'pte ras -lu de te Onncer?
- l'opa , laisse- moi réfléchir ...
- Non, non ct n OIl . Tu sais bi(;n ce qu e lu penses ,
j\'spùrl" sunR avo ir besoin d'nl Lenùre. Au surplus , la
réf! 'xion no If' vaul ri l.'n. Alo rs?
�L' OISE AU D'A MOUR
OdeUe bai ssait la tê te.
- Me répondras-L u, OdeLLe? cria M. de Mafiilannc
la scène co mm ençait :\ agacer.
Sa fille leva la tête el lui répondil doucement :
- Ne te souviens- tu pas de ce qu e j'ai dit un jou r?
- Non l
- Souviens- toi ... lorsque M. Ry maise ...
M. de Mandanno é~ l a t a :
- Ah 1 toujours André de OifTrey ?
-
( [Ll C
Oui.
- J e l'a i déjà avorlie que jamais lu ne serais sa femme...
- Je n'épouse rai personne alors 1 Je reste rai vioillo
nH e...
- C'ost co quo nous verrons 1 Je saurai bi en te fnire
éder ...
on, mon pèro, je ne éderai pas ...
M. de Mn.ndanne voyait troublo et tremblait do coli'ro.
- /lh 1 si jo pouva is, je te...
- Failes- Io, Illon père, j'y Consenf! . Quo m'im porte ln
vio ?
L n Gorote, le visag congesti onné, hurln :
- Voil:'1 des paroles quo tu regretteras, oL pend ant
longtemps 1 Tu rcfuses un homme r icho pareo qu'il n'cst
IWS jeune, tu repousses un homm e joune snns avoir ùe
moLir valulllo, tu donne!! ton cœ ur :\ un homme (lui n'en
a quo faire 1 Tu n'us rien d'un o fernm o, ni d'un d ru r uisonnable, tu serufi (' tnrneJl r mont incupa blo du tu conduire .. .
- l ~ f on père, j l' l'onnais Je ehomin quu Jo VO ll ," suivre.
- Insolento l c s p ù rl ~s- tu m'imposer toutes tes volontés?
- J 'ai 10 droit d'uvoil' lino volonté , une ambition : mon
honltellr.
Ln furour ÙU Go mto ex pl osit.
Quelles paroles rurf'nt prononcées par 10 pùru 01. 1n flIl l',
Ca therine, qui nva it oll Vt' r t la porte do sa c ui ~ in o p 0 1l 1'
sa isir qu ollill U!! briht'!! de ln c;rmvf' rsa ti on, n I) 10 put suyoir.
Ell u nl1a oeo uL(l I' :l la parle do la salin ri monge r où He possa it la sct' nl' ; Ho elll pndit d u~ Hanglots, et la voile impI toyable do bon ffi l\ltre prononCU1' ;
�L'orSEAU D'AMoun
95
- ... Ainsi, puisquo lu te robelles et refuses d'être raisonnable, je vais le meUro au couvent. Ça te changera los
idées, ça te Cera apprécier les mérites do Lucas; car lu ne
sorliras du couvent que pour l'épouser. Enlends-lu?
Une somaino plus tard, la Supérieure du couvent de
l'Enfanl-Jésus, près de Lourdes, ouvrit un registre pour
marquer le nom d'une nouvelle pensionnaire que son père
avait amenée. Elle écrivit:
« Odette do Mandanne, dix-neuf ans. »
CIIAPI Tnu: XI
Au
COUVENT
Le soleil d'arrière-saison jouait da.ns le jardin limil6 pUI'
la ~alerj
du couvent. li y avait là do grandes massc!> dc
vordures que traversuienl avec peine ùes hemins qui
aunùenl pu êtr sablés ma.is qu'envahiss,ùl l'h 'rbe rollo.
La natul'e s'en donnait il cœur joio parmi je silenco du
dolll'e. Des nems l'ures poussaient à côté de plantes C01',munes et croisoaienl en harmonie; du lierre encorclait un
vieux tronc. De lu mousse avait recouvert un banc ùe
pi l'l'o.
On 'ntendnit un mnrmure do source ot, n se guidant fi
co doux bruit. on urrivait à une grotte do rocaille où se
niehnituno grande stutue en marbr de lu Viergo. Et lu
mèl" du Chrisl rC/prdail cotte xubùl'anco v6gélalo do ses
yeux de pi rro. Un sourire ineITllblo s'osquissait sur sos
lèvl' 'S blanches. IWo bénissail de tion indulgence lu vie
environnanto. ParCois ùes moineaux elTronlés so hamaillaienl cl s' Ilvolaientfitiro-d'Ililo, rondanl, par contrasto, le
Hilu/wo plus prorond, Hprùs leur fuito.
Sous la galerie, llll ortain nombre de j cunes pC/rsonn s
marc/w' 'nl d'un pos d6jil monacal, légor et sans bruit.
Quclqu s sn'urS conduisnicntla peLito troupe, youx baissés, mains dans Jours manches.
�L'OISEAU n'A ,rOUR
Une jeune fille vêlue d'au.stères habits noirs reslait quelques pas en arrière et regardait 1 s jeux du soleil à travers
les feuilles et le grand ciel bleu découpé par les arcades
de la galerie.
Elle s'attardait, visiblement peu désireuse d'aller s'enfermer dans une sallo obscure et de méditer une long'Ue
heure à genoux sur des dalles.
La Supérieurè remilrqua cet imperceptible mouvement
de révolte et revint cn arrière:
- Odette, mon enlant, dépêchez-vous: l'heure de la
prière va sonner.
- Je sais, ma Mère, et je vais me rendre à la chapelle.
- Comme vous dites cela d'un ton las et presque avec
regret 1 Ne senlez-vous pas, à J'approche de celle heure
hl~nie,
un baltement de cœur, un intense désir de communier avec le Seigneur, do vous humilier devant Lui et do
chan leI' ses louanges?
- Non, ma Mèro, je crains qu'il n'y ait rien do commun
entre Dieu et moi.
- Ahl quo dites·vous? quoI blasphème 1
- Je sais que je suis une grande oupable ...
- Vous rentrerez dans la bonne voie ...
- '" Malgré moi, je me complais dans ma faule. Mais
esl·ce ma faute'? Ma conscience ne m'accable pas ...
- Votre conscience? Pauvre petite 1 Pouvez· vous Jui
accorder quelque crédit? Cc que vous imaginez Otre la
voix: de votro conscience n'est que celle de volro cœur
jeune ·t désordonné, que lroublenl des passions sans fon·
dements, el mauvaises conseillères.
- Croyez-vous, mu mÙI'e, que Ina passien soil sanl!
rondement?
- Certainemenl, car il n'y a qu'une pr..ssion v6rilnblo:
C('llo que J'on nourrit pour Diou ot flu il a toujours la bonlu
d'accoplrr quand ollc vient d'uno ûme puro t dégagée
dos mauvaises pensées lerrestres ...
- Muis n'cst-cl] pas l'udorer aussi quo do l'oimer en
l'une do sos crl'!ulur 's?
- Non, mu 0110, vous no duvez aimeI' que celui quu
�L'OISEAU n'AMoua
votre père, pose~cur
d'un droit, qlle nieu lui a donné
sur vous, veu!. que vous aimiez. ht si vous ne pensez pas
ainsi, si vous n'agissez pas selon ces principes, vous êtes
rebelle contre Dieu et vous méritez le châtiment des
impies ...
- Ah 1 ma Mère ... de 'Iuelle torture me menacez-vous 1
Mais que puis-je contre un cœur qui s'insurge?
- Oublier, et faire comme si votre malheureuse passion
était apaisée . Venez, mon enfant, venez vaincre les
démons qui vous menaçent.
La cloche sonna. Odette, entraînée par la Supérieure,
alla s'agenouiller au milieu de ses compagnes.
Les premiers jours de son séjour au couvent, Odette
avait trouvé des occasions de distraire sa penséo; tout
était nouveau pOUl' elle. Bien vite, elle ,w ait connu la
cadence de la vic quotidienne, elle en avait saisi le
rylhme ; ct n'ayant plus à se soucier des mille usages de
chaque journée, olle s'6tait trouv6e inoccupée, désemparée.
rme avait revécu son roman d'amour, ressassé tous les
épisodes, retourné sous touLes leurs faces les phrases, môme
les moins dignes d'intérôt, qu'avait prononcées Anùr6,
utin de leur trouver un Bens à sa conveuunce. Ce n'était
pas là, on en conviendra, un moyen pour oubli or ct pour
s'apuiser.
Après la petite leçon - presque une semonce - de la
.Mère Supérieure. elle sc l' ndit compte qu'elle était surveillée, eL elle eut uno éclaircie - ohl bien légère - sur
le chemin qu'elle devait suivre. Elle s'y engagea, sallS
'onvicLion, mais pleino do bonne volonlé. Il lui arriva, cn
de rares inslanls, de se senlir près ùe l'état d'âme désiré.
M,lis 10 s01ll fnit do s'en aperrcvoir la fit revenir à sa
posiLion mentalo antérieuro ct perdre un éLat de grâco
proche peul-être.
La Supérieuro fit romparattre OdeUe. cL lui dit:
- Vous voyez, mon nrnnt, grâr.e Il Dieu, mes conseils
vous onl aidée. Vous ('prouvez maintenant la satisfaction
qu'amène If! communion avec 10 Seigneur.
�98
L'OISEAU n'AMOUR
- Ma Mère, queUe erreur est ]a vôtre 1 Maintenant, ma
souffrance morale a son écho en mon corps, et si vous me
voyez comme pâmée, ce n'est pas pour la raison que vous
invoquez, mais parce que ma chair souffre, parce ciue la
sommeil fuit mes nuits. Ah 1 ces nuits, dans le dortoir où
tout repose ct qu'éclaira seulement une faible veilleuse,
réduite à un point lumineux ... Je voudrais voir mon avenir, môme avec une lueur aussi mince que ceBe-là. Mais
nuit ct jour les tonèbres m'environnent. Marcher m'est
un supplice, cl je me tralne à la chapelle et me meurtrIs
sur son pavé froid. Cependant mes prières no trouvent
aucuno réponse ni aU ciol, ni dans mon cœur.
deLte, mon entant, vous exag6rez vos douleurs;
persévérez dans la voie quo jo vou~
ai tracéo. Vous êtes
au moment critiquo, dans IIne passe dangereuso, cntre le
salut ollo malheur. No lentorez-vous pas un oflort pour
vous diriger du bon c8t6?
- Ma Mèro, jo ne le puis pas, jo vous assure ...
EL ello formula lIllO demande:
- Je voudrais m'on allor do co couvenl.
- Vous on allor do ce ouvont 1 Mon Dioul \iouloz-vous
vous perdro entièrement?
- .To no 10 crois pas. Pnrdonnez-moi, mn ?lPre, co quo
je vais vous diro , C' 'ouvent esL une prison pour mol.
Mon pore m'y n en(crm6e, par repr6snille3 ...
- 'l'nieez-vous, malheurouso 1 Votre père n'a voulu flue
votro bonheur.
Odetto soupira .
La M ro Sup6ricIlro sOllplra aussi; olle 50 rendait compto
quo sn jeuno pensionnaire lui 6cMppait complblomcnt.
Blle 6Lait Rurprise - uvoc un peu d l'6probaLioll - qu'un
amour humain pût uinsi Rubslslcr. J.iJJlo d6cida do n pluA
tonter aucune dûmo.rcho près d'Odotte, mais do prier pour
elle av c ferveur.
OdeH ,depuis 0 jour-ll\, d6p6ril. Comme ollo l'avniL
dit, l'insomnie la Lellaillait; la nourriture "impie, mnis
partois grossière, Ile ln tentolL pus, rion n'6voiHoiL ROll
app6lit Bile n'avait plus 10 goOt de vivre. Lu lumi èro, 10
�L'OISEAU n'AMOUR
99
soleil lui étaient mesurés et 10. doso quotidienne de disLracllon était bi en vite épuisée.
Un matin, très faible, elle ossaya pourtant de 50 lovor.
La surveillanto du dorloir, Sœur Euphémie, arriva ù point
pOUl' la soulenir dans sa dOfaillanco; olle l'obligoa à 80 recoucher et, do ses v iei1les jambes, ello courut chercher de l'aide.
Sœur Thérèse, qui était chargée de l'infirmerie, s'alarma
à son tour ot, simple fomme, no sut quo donner il la maludo un bol de vin chaud qui parut la remonter et permit
Son transport ù l'infirmerie.
Le vieux médocin du couvont vint. Vieillard à cheveux
blancs nt au dos vouté, il avait conscienco do sa vieillesse;
il avait oublié une partie do sa science et, avec l'âgo, avait
oubli6 bien des choses apprises jadis 1 son diagnostio fut
pessimiste. Il avaiL auscult.é la maladie plus on confesseur
qu'vn homme de scienco, et par les lIue1ques mots qu'ollo
lui avait dit, il avait roconnu la naturo du mal.
- Monsieur 10 Doctour, que pensez-vous? demanda la
Mèro Sup6riouro.
- Qu'elle ost lrès, très malado ot quo, soul, un changomont radical de sa vio serait capablo do lui apporler lu
guûrÎSOII. EUe ost ontréo ici contre son gré, et par suito
tI() son 6lut d'esprit déplorable, 10 mal a pu raci1o~ent
~'éten<.lr
dans un torrain aussi peu tlMendu. Encoro qUlllzo
Jours ct...
La Révôrellùo 1\1ôro so signa. Puis 0110 déclara l
- Jo vlli écrire il. M. tlo Mnndallno, cL lui exposer ln trislo
situalion où son intransigoanco à mis son nIant. 11 m'u
l'Ilconl6 qu'il arnonnit sa !lIle, pour no pas céder au désir
tlU'ollo oxpl'Ïmait d'épouser un homme dil!6renl de colui do
80n choix.
- Il fuudra tJu'il s'uvouo vaincu par la maladie d'Odette,
'l mùme s'il 110 consent pus au mariago qu'il d6siro, il
uuil la J'ctirer d'ici. CeLlo pauvro enfant osl vrniment,à
bout do forces ct do courage.
(
":\\"'1
Monsi our de Mandanno reçut doux leUres.
Lu premlôro do lu Supériouro.
V
�100
L ' OI S EA U D ' AMOUR
(( Monsi eur,
Seul le danger quo courl actuellement Made moisell e
votre fille me fait prendre la liberté de vous écrire.
pas pu
~ OdeUr , malgré nos soins et nos directi ons, n'a
e
grand
e
un
il.
dû
at,
ét
son
et
maison
notre
:l
s'habi tuer
dépress ion morale, nous inspire les plus vives inquiétu des .
• Lo sort do votre mI e, Monsieu r, est onlre vos mains .
Vous pouvez d 6cid ol' de sa vie ou de sa mort et je S UiR
rerlaine que vous pardonnerez les lorts qu'a pu avoir
enve/'s vous l' nfnnl qui doit êlre tout pour vous et dont
D;eu, dnns sa bonté, vous Il ins titué le gardien sacr é.
« Songez, 1\1 onsieur , que Diou vous jugera quelque jour
et qu'il sal1ra appréci 'r la m aniére dont vou s aurez traité
votre flll e.
à
« Vous dev ez, Monsieu r, lu sauver do la mort qui rô de
pos
lôt
pll1s
le
orchor
ch
lu
venir
cela
pour
(Jt
son chevet;
sible.
" J u vous serai inHnime nl reconna issante de m'inform er
r apidement de co qu vous compte?. Cail'e à co suj et.
~ J e vous prie, Mon ieur , dO... et c ...
Sœur Blandin e,
Mère Supérioure du couvent
dos Darn es <10 J'Bnrunl J ésus . •
«
A colle lec lure, le visago du omte so durcil. Il allait
.'l tro oblill'6 do 'Oder, comlllo il a vail dO le faire déjà , Jor.';
do l'accid ont d'Andr6 do ai/Troy.
J'our la nt, M. <10 Mundanne n'Mait pus dans une mauvaise p ériode ; son op aule 110 10 fa isail pas souffrir, Plu siours lois, d éjà , il a vail sllnli quel vide immenso dans SI'!
vio produis ait l'absence d'Odett e. Alexis, suns douto, JUI
~ co n'était pu!'.
obéissa il IlVlle un o ponetu alit6 prlrI ilo, mai
/H'u CO nJlTIl'
lumi
do
rayen
de
un servico adouci, travers6
du temps où Odette Coisait lu ma llrcsile de lIlui son. O'uulr t'
parl, l'hislori en d 'Orlhez n'u vail plus su scr;r('lai ru f't il
ragoait souvont d 'écrir aussi mal scs Ilotes; il n'tu'ri" ait
plus fi pcnSl'r clairement - 6tnil -('c un r emords inavou6
�1.01
L'Ol!!lJAl) D',nlOUI\
et inconscient qui Je rongeait? - et passait de longues
journées, inactif dans sa tour, à arpenler le plancher
sonore.
M. do Mandanne, très fler, n'aimait pas non plus à sa
commettre avec les serviteurs; presque chaque jour, il
était obligé de subir l'énumération des dépenses de cuisine, débitée intégralement par Calherine. Allparavant,
c'était Odette qui s'occupaiL de cela: il n'en avait pas le
souci.
Alexis aimait bien sa jeune maîtresse el il semblait souvenL à l'ex-capitaine que son ordonnance lui jetait un
regard do reproche.
Le bon abbé Grolière venait souvent, espérant des nouvelles qui n'arrivai ont jamais. Le comte, touché par la
bonlé do cet homme, son solide jugemenl et sa grandeur
morale, avait fini par lui avouer, par bribes, une bonne
partio de l'hisloire de sa vie. Le brave prêtre avait plaidé
pOUl' l'oubli des injures, le pardon aux méchants; le comte
s'6laiL ronfermé dans son mutisme. Mais un fermont do
bOIlL6, prôt à se développor, éL:.JiL rcsl6 au lend ùu cœur
du vieux noble.
- Voyons la seconde leUre, lit M. do Mundullno, sorLant
de s rôvorie, millo fois laile déjà.
La secondo lettre ôLait ainsi rédig60 :
" Monsieur le 'omtc,
J'ai une idéo oxcellenLe pour avuncer nolre atTairo.
u J'ai trouvé un moyen qui d6cidcr:.\ vol1'o Wo à agrérr
Lucas, eL qui fera Lomber dans sos bras voLre chère enfunt.
r Dés que vous viondroz dans notl'o ville, - 10 prochain
congrès dos érudits n lieu dllilS Lrois jours, ot sans ùouLe y
(j/jRisLerrz-volIs, - venez nous voir.
« Croye'Z, chur fonsiour, à mes sentiments )('!) meillours.
,) ulia Pierre .
f(
• (l', S.) Jo 6uis lr~5
rressée do vou s voir.
- Qu'a.l.ello bion I)U lnvc.nlcr : pllnSd ~l.
1)
ue ~ladtm
o.
�102
L'OISEAU D'AMOUR
qui estimait cent lois plus lemari de Mme Pierre qu'eUe-même_
S'il poussait au mariage d'Odette avec Lucas, s'il s'enlêlait dans ce désir, c'était pour son ami l'archiviste. Il
lui avait promis de donner sa nlle à son ms. Il appréciait .
certes, Lucas, bien noté, sinon bien séduisant, du moins
appelé à un certain avenir, mais Il considérait, pour une
part assez importante, co mariage comme un moyen de
resserrer encore ses liens d'amitié avec l'archiviste. Seule,
Mmo Pierre était une ombre Hoire dans co tableau.
Le jour do sa réunion, M. de Mandnnn so rendil chez
les Pierro.
I! avait onvoyé un télégrammo nu couvent des Dames do
l'Enfant J Osus.
u M'occuperai bienlôt d'OdeLto. Avertirai de ma venuo
par autre télégramme. »
Il compLait prendre uno décision ot agir tout de suito
apros l'entretien demandé par Mmo Piorro.
M. Pierro scrru la main de son vioil ami; Lucas, lou·
jours Li mido, lui tendit une main mollo; Mme Pierre,
radicusr, lui sauta presquo au cou;
- Mes chers onfants, dit-ello en s'adressant il son mari
t à son IIls, jo vous avais promis de vous dévoiler mon
plan quand M. le comlo serail parmi nous. Jo vais tenir
mon engagemenl. Odelte a -lé envoyée au couv nl depuis
plus de six 6(Jmaines .. .
- Lu malhoureuse. nt Lucas, s~n
grando conviction.
- Allons, allons, gros nigaud, c'csl pour ton honhour.
- Jo voulnis 10 sien, dit Lucas, /lor inlérieurement do
montrer do si boaux sentiments.
- Tu lui « revaudras» coin ct Ln sauras lui faire oublier
108 petils nnuis qu'elle a pu 6prouver.
- Madamo, dit le comle gravomont, ello n'a pas de
petits ennuis, je vi ns do recevoir uno loUre du couvenl. ..
- OdeLlo s'indine?
- Non, l u H.6vércndo Mèru du cOtlvent m'[1(1pr -nd Iju'cllo
no p tlt !l'hahituer n sa vio nouvelle, qu'olle esL presque :1
l'articlo de la morL.
�L'OISEAU n'AMOUR
1
103
Lucas poussa un grand cri.
Mme Pierre s'exclama:
- Est-co possiblo?
.M. 1 jerre prit un air sincOrement aHligé.
- Et, continua le comte. j'ai l'intention d'aller la chercher demain.
- Vous avez raison, M. de Mo.ndanne. dit M. Pierre.
Mmo PierrE} baLlit des mains comme une petite fille et
s'écria ~
- Exactement co que j'allais vous proposer. Votre décision donno absolumenL dans mon plan.
- Vraiment, Madame?
- Oui, la pcLiLc u un tel désir do liberté, que sûrement
ello accueillera commo un sauveur celui qui viendra la
dOlivrer ...
- gh bien?
- Eh bien? Lucas, comme j'alluis vous ofYrir do le faire,
vu parUr en auto et lu réclamer au couvent dos Damei:! dtJ
l'Enfant JOsus. Nul doute qu'Odotto no lui ...
- 'l'nia-Loi, mamun.
Lucas CaisaiL un geste mélodramuLique.
- Vous saisissez, Monsieur 10 comto?
- Oui, peul-ûtro quo Lucas atteindra son buL, ce dont
VOUI:I me verri 'Z satisfait.
- Vous n'en ôtos p<l8 convui ncu? Moi, jo Buis absolument
cortaino quo cotto manœuvro réussira pleinoment, surtout
dans les circonsLances présentes; d'aillour!! ceb s'est déjà
vu plusiours rois ...
.
- Hein? surslluta 1\'1. Pioffe, scopLiquo.
- Mais oui, mais oui mon ami; coIn s'est déjà vu, et
tu aurais pu on liro Jo ré~iL
dons « Le jour~lité
des
uumt;lSn du mois dernier, où lu jo~n
Ugolin do ...
- Jo sais, jo 8 ill ...
- CommenL? tu lu sui»" Tu us lu Illon romnn sans quo
je 10 sacho? EL voyez, Monsieur 10 comLo, il mo critique
toujours ...
- Jo 110 prllllmùuis plU:! olu, jo voulais s~ulem
nt te
ÙUlntmdur du nOUi:! disperu:;cl' de les ciLaLions ...
�104
L'OI SEAU n'A\IO Ull
Voyez -moi cela 1 au momenl où ce roman peut nous
donner d'u tHos conse ils 1
- Vous avez raison, trancha M. de Mandanne, quand
partons- nous?
- Demain dés l'aube, si vous le désirez.
- C'est cela, Madame.
- Lu cas, tu vas donner l'ordre qu'on melle l'aulo en élat.
Et demain, conLinua-l-elle, tu mettras lon complet
sport et la crav ate neuve. N'oublie pas tu bell e casquette,
les luneLles d'auto el surlout Lon beau manteau de fourrure ...
Elle lança à Lucas un regard d'ad miralion passionnée l
elle éLaiL sû re do son lriomphe pOUl' le lendemain.
- Mais, coupa M. l'i erre, il faul pOUl' satisfaire la logiqu e
de ton plan quo nous n'allions pas avec LU C ~ lS;
il faut qu 'li
soit seul.
- Au couvenl, oui, mais pour le voyago , non. j 1 nOl1 ~
dûposora dans quoIque villago près du cloTtru.
- Si Lu veux, mon aIHil'.
Elle regarda sOn mari d'un /lir do d éfi: quand n'avaitelle pas raison '(
- l'our ne pas perdro do Lemps on pourparlers, dit
M. de MalUI alUlO , je vais écrire uno leUre qu o Lucas présentera à la Supérieure pour l'inform er qu e je ne peux
o à mon envoyé.
venir cl la pri er de romottre sa )J e n s j~nl\ir
- Bonne id6e.
- HL une uutro loUre pour Od cUe.
- Pourquoi donc? II seruil prM6rubJ o que Lucas se
jJrt-son Lo à Od etle, commo vonnnt do sa propl'o initiati vu
t'l nOD pus (>n simple rneSSl\gor.
- Ri co la pl'ul VOliS fuil'o pl u i ~ il' ... Jo vais ('gUll'OIl'ut
t ul6grnphiel' pou r averLir de l'uni\'6e clc quulqu' un.
o PPLI do rn ysLùr c Ilrès bi eo, lrès bi 'n, nt 1\1m& Plerrtl
t'llÎ"réo par ces pr{'pu rnUfs rom ulll'sl lu('!! ... J'y ponso, Lucas,
lu prondrns 1111 munLeau chuud pour OdL'lte; ell o n'a pas
dù j-U 'lOporler un il son cou vent, n'f'sl-C'1l p U3 , Monsieur
Je comt!'? cl I:'lI e Ile !Il' dout ait pus qu'clle l'ev Îondrr.lit eu
aLi loruobi le.
�L'OI SEAU n'AMO U R
10!i
- C'est vrai.
- Il se raiL Lard. romarqua Mme Piorro, apriJs un coup
d'œil il sa montre attachée a une longue chaine fixéo il sa
ceinture, il est cinq heures et demie. Nous dlnorons à six
heures et demie, si c.ela ne vous dérange pas ; puig nOlis
nous cou cherons t ôt, ca l' il faudra nOlis lever de grand
matin.
Et elle soupira : ce tte éq uipée all:lÏt la pri ver de longues
fl àneri es au li t et de la lect ure des roman<;- feuilletolls qu'elle
ndletui t ('b aque jonr. Enfin ; il ralla iL i\Ll'c hél'oique pour
Lucas.
Ltls trois hommes ap prouverent 10 plan propos\).
- Je va is uu garage maintenant ? demandu LUGns.
- Bien sûr 1 n'oublie ri en au moteur ...
M. de Mandanne no put s'o mpOcher dc sourire 11 ce
conseil.
L so ir, au moment ùu coucher , Ltl cus vint embrusser
li;' milre qui minauda;
- I ~ h bien, gros gûtû, nous t'aidons, hein ?
- Oh 1 oui, maman, mais je crains qu e touL échou e...
- i\lI o n ~ 1 LouL r~L
bien pr6parô, pIJSû ... M(\ me les carles
annonCent ton sucr;Ùs.
- L('s ra rle!>?
-
Oui, je Ruis
a ~e J](
chez la car to mancit:mno; lrois Coi s,
olle n lir6 Jo même jeu, ou à peu près ... E ll e :Jnnonçait
qu'Odotto allaiL être emnwnéo par ('lJlui qui j'aime.. .
- Vraim enl ?
- Oui , Lr ~s exnclr rnent; seulemen l, uno Cois, les cartes
Sc sont tromp ées : ellos on <.IiL (lu e tu étuis blond ...
Blond ?
- Oui !... d'a ill eu rs lu a vais tln e lrnd unr.o à etre blond
dans Lon enfance ; I ('f; CU I·t!',> rr tartl nl .. .
- ~ f a m n n ...
- Quoi?
- J 'u i peur dl' nI' pas so voir lui exprimer louL ...
- All olls, tu sa UN S ll'l\9 bi en lui pad e!'. Le soir où tu
f!R ros!<: l:loul u V(.'C l' Ile, lu l'us ~ bl o ui f.l pal' les propos ; je
l'ai vue mu elle <.1 1.'\ anl tol. .. d'udmirù.tiOll . All ons ! ce nf!
�106
L'OISEAU n'AMOUR
sera pas difficile. Quand tu seras en sa prGsence, tu lui
diras : « - OdeUe, j'ai appris que vous étiez malade;
alors je n'ai plus pu y tenir ..: Je suis venu VOus cherchor.:.
Votro pèro voulait vous JUlsser oncoro, pour vous pumr
d'avoir élé froido à mon égard. Je l'ai supplié do rovenir
sur Sa décision. Mon cœur qui VOUf> aimo me dictait
les mols pOUl' toucher le sien; je lui ai arraché son consentement ...
- Mais c'est faux 1
- C'est ce qu'il faut aux femmes, dit Mmo Pierre d'un
ton senlencieux. Les femmes vivent de mensonges et de
promesses ...
- Est·co vrai?
- Le roman « L'amour el la huine » Jo disait, mon
fils ...
A l'heul'o dite, lout 10 monùa fuL prêt. Après un hlllif
aré noir réchauJT6, on s'embarqua. Lucas était arrivé en
voituro, afTub lé d'une « peau do biquo »; sa mùre, bien
emmitoufléo commo lui, le chapeau l'etenu par une écharpe
nouée SClUS 10 menton, do grosse!! lunoLLes à monture do
cuir SU I' les yeux, monta il côté de lui.
M. de Mandalloe, e~ prévision d'un voyage, aVJit apporlé,
e/l venant chez les l'JOrre, une casqueLLo rondo, paroillo à
cello <]110 porlenl le8. Chl\SSellrS do renards anglais , et un
manleau, genre anglaIs oguletllcnl, à gros carreaux ...
Seul, M. Pierre était mal ûquip6 avec sa tenuo ùo ville cL
sonchapoau melon. Il s'assil aux places nrriOI'O do la voilure,
il côté du porc d'Odette, ot so glissa flOUS Hno épaisso couverlure.
Lucns, ému, donna un coup do trompo, dessorra 10 froin
à main, débraya avec un grand brull, al l'auLo démnrr..l.
C'élait une bonne voilure, d'un modèle assez récent.
BienLûl, on sorlit do ln villo.
La carnp(lgno Olait magnifique Cri ce Llo
ùe saison. LIJ
I;olcll brillait ncora bas; dOl) hirondollell filaient, rrôlunl
le ciel, tout
la carrosserie. D'aulres OifiOUlIX montaienL dun~
droit. A ',{l'anùs coups do corne , Lucl\s réclumail le passago
nn
�L'OISEAU D'AMOUR
107
aux voitures il chevaux nombreuses. Les charretiers s'écartaient en jurant, comme le veut leur métier, ct apaisaien t
leurs bêles aux jarrets tremblants et aux oreilles toutes
droites ct mobiles.
- Le progrès, murmurait Mmo Pierre, grisée.
:1\1. de Mandanne pensait à sa nlle et, pendant que la
voiture roulait, tanguait et 10 projetait tantôt contre son
dossier, ct tantôt con~re
son voisin, il se remémorait bien
des souvenirs. Il avàit été souvent rudo avec OdoUe, si
douce ct si soumiso, comparable en cela à sa mèro; souvent,
do parti pris, il l'avait contredite, il avait réprimé les grands
Huns qui la tendaient vers lui. Il savait maintenant, pour
avoir d6plor6 son absence, quello grâce subtile so dégag ait
de sa personne, quelle agréable atmosphùro 0110 créait
autour d'olle. pl)urquoi l'avoir enformée dans un couvent
Où ell e 50 mourait actuollement? Pourquoi avoir ... maiR il
allait tout réparer, puisqu'il sc dirigeait vers Lourdes,
puisquo l'auLo de Lucas l'oulait à toute allure, puisque
Lucas, môme, dun plusi eurs heures, all ait frapper à 1.1
porLo des Dames de 1'.I:!;nfanL Jésus. Odette épouseraiL Lucas.
Par fierté, sans aucun doute, Ile n'avait pas voulu implor er son père eL lui dil'e qu'clic consentait au mariage qu'il
lui proposait. Sortie du couvent, sans l'avoir demandé,
Ile 50 conlonlerai l do coLlo vicLoire el serail touto dispo66e à devenir la fomme du fils de l'archiviste, par crainto
de rovenir au cloitre ...
La voiLuro fIIaiL, fIIail, nIait toujours caholante, dépasso.it
dos vo.ches ct des passants encore peu familiaris6s avec ce
moyen de locomotion, travCl'sait des villages on trombe,
ot flIait, sou lovant la poussièro blancho de la route fIui se
collait désngr6abloment sur los lèvres cL au tour des youx
des voyageurs. Lo chapeau de M. Pierre 6lail lout gris,
ainsi que sa main qui relenait 50n couvru-chef, que le
venl do la course menaçait d'onlever.
La voi ture filait, mai t...
Lo doc tour du couvent, le jour de sa consullation, avail
proscrit il la malude un calmanl qui lui avait procur6 un
�10B
L'OISEAU n'AMOUl\
sommeil réparateur. Le lendemain matin, au lieu de la
soupe épaissc et tiède habituelle, Odette a vail eu un bon
bol de café au laiL bouillant. Sœur Thérèse, chargée égaIement do la lingr,rie, avait mis des tranches de pain 81,1r
un poêle de blanchisseuse, à la place des fers il repasser l
elle appol'ta de grosses tartines grillées et craquantes, à
point. Odette mangea avec un certain appétit. BlIe, que le
médecin avait cru mourante la veille, n'était pas bien
terriblement atteinte physiquement.
Les deux jours suivants, ello alla do mieux en mieux,
grâce aux petits soins et aux petits plats de sœur 'rh6rèse,
qui, en bonne femme, croyait plus aux régimes qu'aux
médicaments.
Le quatril!me jour, vers le soir, Odette put so lever ot
faire quelques pas sur ses jambes oncoro faibles; la Ml!ro
Supérieure, tenant un t élégramme ou vert, vint vers elle:
« Nécessaire sera fait demain pour retour d'Odette.
de Mandanne.
n
Pour la promière foi!; depuis son arrivée, Odette sourit :
- Q.ue papa esl bOIl 1
Puis regardant sœur Blandine, ello lui dit, humblement:
- Pardonnez-moi, ma Mèro, touto lu douioui' quo j'ai
pu vous causel' par rocs maUVUiS(;3 paroles ...
- La miséricordo do Diou ost infinie. Jo VOliS pardonne,
ma 1iI1e, VOUH n'(jles pas fuile pour vivre parmi nous. Cha( 'llli doit sui vre su voie.
OclcLLo ('nl culait ;
-l'ap" va peut-utre arri'/or domain matin s' il l'sI. pal'ti
ail 1Il0n1f'nl. où il ellvoyait le t6lôgrolllffio. Il est on routl',
probnhlornrlll. .. Mais je l'attondrai avec patience, mainlenanl. ..
11 r.o mOIllent, la pells'-'c do Luel\S lui vint.
Son porc n'avait-il pas dit Cil la qllittant :
d'id '1"0 pour êpousor le IlIs Pirrro 1
- Tu nc ~ol'iras
Hon pi-ro élait tellement ancré UHn!! otlo d(wision qUO
certaiuOlll' IIlilll'availpu:, aiJollùonnû colto iûoo do mariag!),
�L' O I SF. AU n' AM OU R
109
Il lui avait do nné il chobir entre le couvent et L ucas ;
main tenant qu'il se proposait de la r etirer de cet te maison,
il avu it - c'ét ai t clair - l 'intention ùe la m arier au jeune
homme. Sa sensibili lé a va it quelque chose de surnatural
el ell e avait très souvent un pressentiment pr6c is des lo urmenls qui la gu ett aient.
- Recouchez- vous, llil sœur Thér ilse avec un sourire ,
dcmniJl il faudra êlre en bonne forme, po ur pouvo ir p al' l ir ... Imaginez- vous cela ; votre papa venant , et vou:
obligée de rester au li t·(
Odt< tle lui fil un tristo souri re . Ell e éla it inqui ète ma in tena n t. : certa inement, c'est L urAis qui viondra it p OUl' la
dél ivrer. Que devr ait -elle fu ire a lors? Ne sera it -ce pas
nne ingra tit ude i mpa rd ollna ble que de lui l'eruser su ma in '?
llu moins, c'est a insi 'llHJ juger a it le mon de .
Oui, il me faudra a bando nner à jamais l'id ée de revoir
Audru...
U ne l arm o coula sur sa joue encore pâle.
-- Ello pleure de IJonh eur, pon1la sœul' 'l'h ol'ilse qui lui
apportait sa p otion.
L a religieuse emplit lente m ent do liqui de sir upeux une
cuillèro qu'eHe a menn déli catement Q l a hauteUl' do la
houc he d'Odo lle.
- Atten tion, ma petito enfant, buvez cola ... cl ù ormez
tra nquill e.
Od ulte Se r épétoit ;
- 1J 111 0 Ca ud ra ÔpOUSOl' LucJ.s .. . Comm l' disait Sœur
Blond ine, jo no suis pas faite pour vivre ici ; il Cout croiro
qu e mu d r.s tinél' n'cst pas non plus de vivro avec André ..•
Mais une p ensée, récon fo rtante li re moment, sc préRenta Il l'o.'p rit d o la con voJ escenlo :
~ P oul-Il LI'e seru-co p" p a qui vi unll ra ? Il
Bi entôt, 011 0 dormiL, S't tllLo nng6 1i1lu e ponchée de cô té
d sa mùcho rcbu llo co ll(,u légùrc /ll ,'n l IWI' le moiteur de
so n Iront pur.
Hes m'ji ns é ta iont p oséos ùélicu leJ!l unt sur lu dra p, eL
Cuisa iolll pemw r il celles d'un cnf ut illllbcent .
Lu premièl'e chose qu'oll e vit ln Il'n dljmain ma lin Cil su
�110
L'OISEAU D'AMOUR
réveillant fut son pelit hDgage qu'on lui avait apporté
pendant SOli sommeil.
Elle l'ouvrit, cllOisit la robe la moins austère de SOli
maigl'e Lrousseau : une jupe bleu marine et un corsage do
la même couleur, qu'éclaircissait un col blano.
Le bonheur avait mis une légère teinle rose à ses joues
amaigries.
L'aUente la rendait impatiente et fiévreuse.
Midi sonna sans que personne fût venu. Sœur Thérèse
lui avait apporté une peLite collation pour son voyage;
olle la fit réchauffer pour 10 déjeuner. OdeLLo essayait
d'être for Le, do so dire : " 11 Y a encore du Lemps avant cc
soir », elle éLait harcelée Je ponsées tristes.
Los heures passaient, Lerriblement longues : qur.tlro
heures, puis cinq. La pensée d'un accident s'imposa à
Odette. Nerveuse, Ile essaya do la chasser en se faisant
souITrir d'une auLre façon.
- C'esL Lucas qui va venir ...
Six heures 1
Enfin 1 La Mère Supérieure enLra doucemenL.
- On vient vous chercher, mon enfant.
Elle demanda:
- C'es t papa?
- Non, un jeune homme.
Lucas? Odetto so plia un peu sous ce coup, muis olle
!:longea qu'elle devellaiL vraiment oxigeanLe dan!:l son
bonheur. Sœur Blandine n'avaiL pas accompagné OdeLte.
SCille, une sœur parlait la valise d'osier du la jeune 11110.
Lus doux femmes traversèrenl f{lIelques salles désertes;
OdeUo aperçut rapid 'ment lu gulurie avec ses festons du
ciol rané.
l'jnfiJI, ello entra ùans le parloir, la soulo salle où 011
admpllait les visileurs de l'oxlérieur.
Luca!! dovait attendre.
Mais ce fuL pas lui qui s'upprot'ha J'elle.
Co Iut And1'61 Antlrô ...
Jiillo R'(lV(lnOllil, pl il n'cuL qllo Je Lemps do bondir cn
aVtUll pour la retenir dUlls 1:lUI! brols.
�L'OISEAU n'AMOUR
111
Il so mit en devoir de la ranimer par ses paroles,
devant la sœut confuse et troublée de voir ce bel officier
tenant une jeune fille dans ses bras ol lui carel"sant le
visage, tout en disant doucement;
- Odette, ma petite Odolle ... entendez-moi ... Odette,
ne me faites pas soulYrir ... revenez-vito à vous .. .
La pauvro sœur bouloversée finit pas s'on fuir ot f9rma
la parle sur leur bonheur.
CHAI' l'l'H.E XII
EXPLICATION
Qu'était-il arrIvé?
Quo /J'élait-ll passé entre 10 momont du déparl do l'nuto
ot colui où Odello avait vu son aimé?
Comment André était-il vonu il la placo de Lucas?
Quel hasard avait voulu que l'homme auquel Odelle
avait fait l'hommage de son cœur, rût vonu la délivrer de
son o.ustèro l'elraito, alors que 10 sauveteur quo nous avions
vu désigner était co Lucas qu'ello no pouvait souffrir?
C'élail bien un pl'odigioux hasard qui avait produlL se
miraclo.
L'auto conduite par Lucas roulait depuis une helll'o à une
alll1ro folle, toujours suivie d'uH long sillage de fumée
blanche.
LOR occupants étaient silencieux. M. do Mandannc avait
renoncé à adresser ln parole li M. PicITO qui, encroûlé do
poussière, PUI'uÎ!>saiL trigorifi6. Mndamo l'lurre so laisait
aussi, cc qui était surprenant 1
Seul, Lucas vivait d'une façon visible. i\ppnrommont
tr6s 6nervé, il tournait par saccades son volant, redressait
la VOilUl'U par à-coups ot manœuvrait les levi ers u vec
d'atrocos bruits do ferrailles el de pignons coincés.
Toujours, les arbres déOlaienl.
Quelques poules furent 6crasécs dans les environs des
fermcs,malslochùufIeurn'ypritp i.ls gardcet acc616rll. Sou-
�112
L'OISEAU D'AMOUR
clain, un homme monLé sur un âne cria en gesticulant, au
milieu de la route. Lucas J'é\'Ïta d'un brusque coup de
volant, l'auto continua sa course, à une allure folle.
Deux minutes plus tard, on entendit un terrible bruit
d'explosion.
Les roues avant de l'auto se tournèrent d'un seul coup;
Lucas ne fut plus maître de sa direction.
Des cris se fITent entendre.
La voilure bondi t par-dessus un talus et se renversa
dans le fossé, presque retournée.
A ce moment, un point noir grandit dans le ciel, venant
du côté de Pau: un aéroplane. Le pilote aperçut certainement 10 désaslre. L'aéroplane piqua du nez rapidemenl,
vers un champ pl'oche, puis se remit dans sa position
normale d'atterrissage, comparable à une pie qui va se
poser à terre, la queue tendue, les pattes en avanl.
Quelques chaos, ct J'appareil vint s'arrôler à une vingtaine de mètres de l'auLo. L'aviateur bondit légèrement à
I.erro, et en quelques enjambées arriva vers 10 véhiculo
on fâcheuse posiLion. Un orbro avuit providontiellement
arri:té la voiture dans une chute qui aurait pu être oncoro
plus atroco, 10 champ dévalant en uno pento raido ot
aboutissant à uno rivièro.
Courageusement, l'hommo du ciel so glissu sous la voilure avec la souplesse d'un chat, s'onfllant dans lino cave
pur Ull utroit soupirail. PendallL quelques instants, on no
vil que ses jambes fJ.ui dépassaiont sous l'auto.
Il J'oLira son buste ol SH teto, toujollfs U plut-ventre,
enfin sc J'elevu. n tenait sous les brus un hommo inanimé.
Leg talons de ln victimo raclaient le sol.
L'aviateur posa son fardeau à torre L 10 regarda.
J! poussa un cri de surprisr:: :
- 1\1. de Mlllldunne 1
L'aviateur était And l'Ii de OilTroy.
Le comto insLallé contru un tas d'herbe, lu tète l'elovée,
;\ndI'6 no s'occupa plus dl' IlJÎ pour lu moment, ct reeommcnç.1 son chng!:reux sauvelOlge. Il tourna 'l1ltour de lu
voiture, s'aperçut qu'un morceau do la c,lrl'osserio so
�113
L'OISEAU n'AMO U!'.
détachait du châssis et acheva de l' arrJch er . Il put ainsi
poursuivre sa lâche plus à l'aise.
n retira une femme par son manteau ùe J'olll'furc. Évanouie, égalllmenl. 11 la laissa près de la voiLure, cl sc
replongea dans les débris. Des cris sortaient de l'in t.érieur
de l'automobile: u Au secours... Au secours ... , faisai1
un e voix geignantc ... J'ai mal. .. mal.
Les plainllJs continuèrent après qu'A ndré eut aidé
M onsiour Pierre, la mâchoiro crispée , ü sorlir de sa place.
L'archivisLo posa \111 pi ed à Lerre, mais sa jambe sc lot'dit
sous lui el il s'écroula . CerLainemenl, fracture du tihi a.
- Sauver. mClO fil s, euL -il le courage de dire.
l\ndrü arri va enfin il extraire Lu cas qui plt:l ul'ait de
gz-osscs 10 1'))1('5, en répétanl : « \ 100 Dieu , que j'ai mal.. .
Oh 1 sauvlJz-moi, Monsieur, gllrrissez moi. .. j e soufTre . . »
Ji tenait Bon poignel en fuis:1l1 l quelques pas cl en incli nant ] e tronc en avant cL en aITi
j) ~ 'e , ll ppuyanL son avanl.brns contre son venlre ou conlre sa cuisse.
n déco uvriL un instant so n Doigne!' halafl'é de: rouge ;
la vue do colle blossure l'épouv fUlla, il se remit fI gémir;
- Jo vais monrir ... mourir ... Je perds mon s:mg...
André haussa les épaules .
- Mauvi cLLû quo ce jeun e homme, pensa- t-il.
Puis il 110 pencha sur monsieur Pierre.
- Laisect -moi pOUl' J'instant, dit olui -ci, sc l 'e t ~ nal
rie cri er de douleur. J e vous cn pri e, occupez-vous do ma
femmo ol de mon ami.
Lu cas, pcndll1lt co temps, 8'61nit laiss6 tomber à t err t?,
Hssis, confin é d a n ~ son mal pr rfio nnol rl in\'oqu
a n~
/' 0 \15
les Min Ls pour le soulag!'r.
Bien que \ igoureuse menl girOée, madam e T'inrre ne
rAvEmait pus à ellc.
- Monsieur, souma son mari , il y a nn ruisseau tout
pres.
André n'avoit )HIS de rûeipièut p OUl' nllCl' puiser d
l'eau i1 U lorrtm l quo l'on r ntond niL sauter sur Irs rachos ;
il out soudnin l'idée do fir !ler vir de l'l on ra. 111 C de cuir.
La trrrl' J1a l' é(~ tl g() u 15 r nt un !lfni L de pomp e qu und il Id
1)
fi
�114
1,'OISEAU
n'AMouR
foula. Sans souci ùo s'embourber, André approè.ha de l'eau
courante, emplit de liquide son vase improvisé, et rovint
vers monsieur de Mandanne ct madame Pierro.
- Donnez·moi do l'oau j Monsieur, suppliait Lucas, je
saigne ... vite ... do l'oau.
La lâcheté de Lucas écroura André qui, d'une voix rau(lue, cria;
- Attendoz votre tour 1
Mme Pierre, aspergée, reprit enfin 1l0S sens.
U restait do l'cau, ct André al1a en tamponMr les tempes
de M. de Mandannt'.
- Où suis-jo? demanda 1\11110 Pierro.
- Tu es sauvée, Juli e 1
Ello gémit.
- Tu soufTres?
- Ah 1 quel coup j'ai reçu duns le dos, c'esL atroce.
- C'esl alroce, répondil en 6cho Lucas. Mon poignet 1
Mon poignet Clille ... el saigne ... el on ne veut pas me donner d'onu. Ah 1on me martyrise .. . je suis affreusement bless6.
- Et Loi? Lu Il'as rien, se d6cida Ù demander
Ivt mo Pierre ù son mari.
- Peu de chose, souffla-t-i l.
Ln jambe de son pélutalon, du genou nn pied, ôtaiL rouge
cl poissée de sang, cL il souITrHit horriblonHlnt.
M. de Mnndanne avait une blessure nu menton, pen
grave, mois 10 IVOUp l'eçu, cortainement très fort, l'avaiL
».
mis, selon l'oxprc!!sion dei'! boxours, « Imocle ou~
La fralclwur do l'cau le fIL revenir d'un étaL qui, d'npri's
les pugilistes, n'os t pllS sans charmo. Le comte ee froLta 10
front, lu mo.choir , ct dit;
- Ah 1 diable 1
Puis il operçuL Ancll'6, les YI)UX écarquillés;
- Vousl
_. Oui, Monsieur do Mandunnc ... pur le plus extraordinairo de hasards.
- De l'cau, do l'cau, récJam<Jit toujours Lucas.
- M0nsieur de Giffroy, voulez- vous aller socourir co
jeune homme? ...
�L'OISl:AU D'AMOUR
115
André alla vers lui avec son cusque où restait de l'eau.
Lucas hurla ù'appréhension, et souffla de douleur exagérée quand le liquide froid toucha sa plaie. Sans grande
douceur, André lui prit Je poignet.. blessé, le nt jouer.
- Ah 1 cria Lucal:i, ridicule EJt mélodramaLique.
- Vous n'avez rien, dit André.
L'homme à l'ûne qu'on avait dépassé tout à l'heure,
arri va à la hautour de l'auto.
- Ohllà, l'homme, cria Lu as, venez ... venez me secourir ...
Le personnage descendit de sa Illonture qui so mit à
pallrc, ct s'approcha :
- Hein? Pourquoi n'avez-vons pas observé mes signes?
Pourquoi ne vous ôLes-vous pas arrêté comme mes gesLes
vous III consoillaient? La l'oue avant no tournait plus l'onel
et semblait pt'esque déLachée.
- ... ct lu rouo ballante a [rollô Jo plleu, usô sans doute
cOlllre 10 ressorl de suspension, L l'a faiL éclator, a hova
André ... BL Illon quaLrième Llossé? .. s'écria-Loi!.
M. Pierre éLaiL sans conLeste le plufl sérieusement toucllé. Stoïque, il avaiL demandé jusque-l:\ qu'on secourût sa
famille cL son ami. Jl haleLait de douleur, el enfonçall ses
onglos duns la paume de sos mains. Anelro se mil en
devoir de lui onfe lionner ùes aUelles avec 10 bois qui
formllit le planchor cl l'uulo.
- Prenez-moi, Monsiour, imploruit Lucas parlant au
payRan, monlo:r.-moi SUl' volre bôte, menez-moi fi l'hôpi.
lal. .. ,le VOU!) paierai.
L'homme, Lon lé, s'apjJrùLait il lui obéir, mais M. do
Mandnnno, pl'Csquc rOlJlis ot deboul, lui dil :
- Monsieur, ne cOllnaisSrl.-vous pas uno forme dUlls los
ùnviron<;?
- Si, la H 'ounièrc ..Just menL Jo propriélaire roma~se
le foin tout pros.
- Alors, cria Anth'o, voulez-voUl:1 aller cher her luur
char ...
Le paysnn soula HUf son !lne, at part il ù toute allure, du
moins pour un Dnc.
�'116
" 'O I S I ~A
U
1) '
H I 0 Un
, - .. , Et moi ? Ol oi , moL., hurla Lucas,
M. do )1andanoe 10 eonsid6ra avec le mépris le plus
profond .
Mme Pi erre ay ~ iL Ll'oUVIl baIl de s'é va nouir il nouveau
quand un ell a.r il foin, ;\ demi chargè, am e n ~ pa.!' l'homme
à l'nne, l.Ju'acc olllp agnait un autl'e paysa n, arriva. au pas
solennel de ses d e u ~ bœufs, pressés obliquement l'un contro
l'aulre, l.\ bavo au mU"O:lll ,
Lucas se lùvo , al'lrs, cl 10 pas il peine tl'a.i n:lOl, all.l
Hrs le char dml!; le toin dU'luel il se laiss a lambel',
Los d<:lIx pa y s: U1 ~ Ll'unsporLèrent avec douceur M. Pi erre,
sur la liLil'l'r rOl'm 60 pur los herbes sèches o nt as~ée
sur h.l
vilhicul r ,
André, niù ':: de M, de \J :. nd ll nn r , l'ciovu Mmo Pierre,
qui, la tête ball ll nLo, mUI'('h" pl'esf[lHl ineollseiomml'nt, sou (' nu e par les dC\1x hommes .
.- y a -l -il \111 rn édecin dans Ir:; enVirOllB? ùemonua
A'ndl'C, .
- A vingl kilom t'lns, so ul ement.
- Bigre 1 mon avioll es t monopl urc , Sl l ~ ct.'l n je se rui~
nllé le ('het'cher .. . P eut -oll téléphone\'?
- Quoi'( demandèrcnt le propl'iét air tlo la C'harl'plte tl t
~ elLJi
de l'ùnr .
Ils n'avaient jnmais cnLen ']u va1'lel' de Ltllépholl('(' 1
Coltn fl',\('LIII'O r r,dAlTIc une interv enti on lc plulJ lû t
fJossilJle, f ui qul'lqu 's é I O ln f' nt u ir ,)~ nolion') do dlÏrurgil'
l' l je ," ,liS t' ~snyl'
I' d'il l'rangcl' pl'o
v i ~ oil 'o rn (' nl
j'o ltr jambe.
POli t-OH gilrdol' Illon npparJil't
Lo propriétairo des bœu fs mil Sf)S main'! en f nlonnoir
devant sa boucha cl pOU 3,>a un ( ~ I'i ufll'nqU f' , a U<jl1 l' 1 rt"pn/i .
dit un aulre ana)oguo, rn nii'l loinl nill .
- ilIon fil s va venir, ditl'hoJllUl C...
~ n c r Cl'8 porsonn('9 il l'abri"
- Bit:n. VOlll o1.- VOII S e mrn
Je vous rejoindrai .. ,
- Oui. J o vais croiser mOIl fl ~lI , et je lui dirai de v o u ~
obéir, quant ù 1 Kardc de volre oiseau , el de voua inui
lJUll1' le c1wmio de la l!1 a i ~ oJl,
�L'OISEAU J'I'HIO Ul\
11'
Le chal' s'ébranla ]f'Jlte ment avel.:, l.:o uché à l'avant, le
douillet Lucas, toujours pleurnichant; il côté de lui, son
père, et, en arrière, assis (>t les jambes pendantes,
~Ime
Pierre cl :\1. de Mandanne,
- Quel couragcux jeune homme! rUffi ll rqna Mme Picl'l'e.
- Jl s'appelle Andr é rie GifTl'cy , l'épondit M. cie
Mandarule.
- André ue Oi/Trey, s'écri a-locHe, ['homme dont YOliS
m'avez parl é naguèrc?
- Oui.
Mme Pi erre parut abûLLue. Bile se tut. Celui q'Ji
devait devrnir le beau· père de son ms lui avait exposé
l'aventure sl:lntimenLale d'OdoLlr, Il aVflit ,'aconlé corn mentIe jeune o., ·ial UI' avait. été recueilli sous son toit,
Hoigné p UJ' Alexis, et Od ette l'avaH aimé à cause de sos
wulTI'ances, Alexis pl'élellCluiL que l r~ dcux jeunes gens Ile
s'él aicnL jamais ren co n l. r6 ~, ni vus Jonguemenl , ni parlé;
il ne menLait jam ais, Cependant, OdeUr avai L donné 8011
cœur au jeune casse-cou, son nmoul' aVllitOt6encoro accru pal'
la visite de remerciement s du jeuno Iieuten:lnt. CcL amour,
rlfe en avait fait l'aveu fougueux à fio n pèl';), M, de Mandanne, malgl'6 I('!; npparcnces, ct Mme Pi erre, aveuglée par
los QuliL
~s
de son JlJ g, avait déclnré : Il GORL lin caprice".
Co soi - disanL caprico U v idL 'c pend anL donné à Odett o
ulle opiniùtl'e obslinalion, qui J'uvait fait meUrc HlI COli , ('nL pa'r son pùro t'xaspéré l'l no RO \:onl.pnanL plus,
L'homme qu'ai mait Odl'LLü ('lait co si Ilr" v(, aviaLeur,
Mme l'ierre, malgré RO ll esprit vici6 pal' I,'s le ; LUI'I', '
cl 'ilmomhrnbl 'S rOlflillls-feuilleton<;, sc rt'mlai! ('om p le (f\H'
son ms ne pouvait pas éclipser Andr'é de OifTroy !Inn'! l'cs1imo d'Oel utte.
F\on filsl
AcLuollt' menL, il so lamenlaiL pitoyah!rmrnl, Pl'ÙS ùe son
pl're muet..
- Tais- toi, mon Lu cas, dit i\; mo Pi erl'<! , prends Lon mal
(Il pul i'.'l1cr.
)'; lI r !ni rlisaiL l'ola 011 IMl'c qui veut consolor, mnis nussi
('ri pCl'honnC importunée pal' un " oisin I:;oignarù,
�118
L'OISEAU n'AMOUR
Quel douillet, pensait 1\1. de Mandanne. Quand je
songe à cet officier aviateur brûlé, déchiré, meurtri, que
jamais Alexis n'entendit se plaindre 1
Même les paysans semblaient fatigués des jérémiades de
Lucas.
- ReLenoz-vous, mon bon monsiour, plus on cric, plus
ça fait mal ... faut pas penser à son mal... on arrive.
Le chor entrait dans la cour de la Boaunière, salué par
les aboiements du chien de garde qui bondissail autour des
bœufs.
Le pr) v6 poinlu nt cahoter ct gémir la voiture il deux
roues. Lucas poussa des hurlements de renard écorché.
Drs femmos sortil'ent de la cuisino ot entourèront Jo char.
Uno robUl;te fille, d'allure débonnairo, grosso et roude pitié pour Lucas et l'aida à descendre
geaude, fut pri~e
comme s'il avaiL élé tm grand blessé. Hile prCta une
orQille complaisante ct compatissante aux plaintes do l'apprenti astronome.
On Lransporta M. l'iorre SUt' un m.
Mmo l'ionc, le dos voût6, M. cio Mflndanne lui donnant
le bras, s'a vança vers la cuisine où les invitait la fermière:
- Vonez hoil" quoique chose, messieurs ol dames, un
petit coup de liquour, ça vous remet d'aplomb.
André, courant, arriva bient8L.
- Où est notre blrsso?
- Je vuis VOliS meIH.' r, fit le conductour du char.
- I~L vous ()lIe~
m'aider il faire Je rebouleux.
- Jo veux bien, j'ai déjà souvent aid6 il remeLtre des
brns cL des jambes.
-1\ /ors, tout esL pour)e mioux.
L'opération fuL rapidernrnl oxécul6e, la fracLure paraissant ll'us simple.
- Monsieur, diL Andl'o it l'archivisle, cola esL provisoire
!'l j vais ;)lIe1' loul de suite à Pou, d'où jo lerai CllVOyCl'
tlno voiture d'ambulance.
- C'esL vraiment trop d hanté.
- Pas du louL. Quiconque, en pareille occasion, ugil'ait
do môme.
�L'OISEAU D'AMOUR
119
Arldré descendit à la salle commune où se trouvaient
réunis les autres rescape.!. Lucas s'était fait ent.ortiller le
poignet ct le bras de bandes de pansement et de coton,
par sa grande admiralrice, el l'importance Je son bras
ainsi envclopp6 lui donnait une haute idée de son mal,
qu'il s'étOJUlait de supporter avec tonl de stoïcisme. Celle.
qui s'était fuite son ob6issante innrmière lui faisait chauffer une boisson r6confOL'tanlo qu'il avait réclamée.
Mmo Pierro buvait ù potils coups, avec des mines de
challe gourmando, le marc de ~ dcnière les fagots » 'Iu'on
hJi avait ofTOl't.
1\1. de Mandanne, toujours absorbé pur ses }Jensél:s,
tonait son vorro il la main, sans boirc. Il envoloppu d'un
regard énigmatiquo André entrant.
- M. do MandauHc, dit André en s'inclinant, je vais
prendre congu de VOIlS.
Il s'adressa à Mmo Pierro :
- Madamo, jo vais à Puu commandor une voiluro pour
trul1sport.er volre mari.
j 'uis ù Lucas:
- Moruliour, dois- je demander quolquo chose pour vous?
Lutas ne son lit pas l'ironiu de l'olTre.
Il débita un longue suite de médi caments '( do première
nécessi lé 1>.
André lui tendit \l(\ main, S'inclina dovant MmD Pierl·o.
Arrivé au comte, il s'arrl'la cl s'écria:
- Mais, voLI'e manclw droite 'sl toulo cnI;unglanLée ...
M. dn J\1undanno r garda SOI1 hrns :
- Cela st vrai, je n l'avais pUR vu ... Je RrnlUÎs llll€
doulclIl', mais jo cl'oyais qlle cula provenail dd mOIl
épau lu meurlrie de !10UVl'UU. DéeidblOcnl, c'l'sl ce bras qui
« prend » loul...
- Monsiour, pernwLtr7,-moi dc l'rgardc·r.
Andru re!eyait dour,emenL lu m(\l\cJlo :
- Ah 1 c'est mauvais ...
- Comment? La chnil' e5l 11 J!rlne ontamép ...
- Oui, maL; lu lorr n maints endroits u passt: sous lu
peau ... Jo crains ...
�120
L'
O I ~r;
\ V
D' OJO Un
- Ce n'cst l'Ï('n !
- Si, Monsieur, mieux vaut un ' ~ précaulion. Le tétanos
pourroit se déclarer. J e reviendrai avec une ampoule de
sérum.
La gorge de M. de l\Tandanne se serra d'émotion ;
- Monsieur de Oifrrey , je vous suis bien redflv able.. . ,
- Pus du tout 1 c'est moi qui suis votre débiteur, j'ai
passé trois semaines chez VOlIS admirablement soigné.
- Un prêté pour un l'enrlu, dit Mme Pi erre, suns tuct.
- Pas cola, Madame. Monsieur le comte m'a soignt'
sans attendre de reconnaissanco : ce qu e j'ai lait , ell
revanche, fs t un rcndu pour un donné, co qui n'est pas la
marn o chose. J o pars .. . A bi entôt 1
- N'oubliez pas co que jo vous ai demanM, cri a Lucas
qui se remi t :\ gé mir, presquo appuyé sur l'épaule de la
jeune paysanne.
Il eut soudain l'idée d'une nouvello chose qu'il pourrait
t ncoro demander :
- No pourr is- je avoir un lit , pOUl' étont.lre mon pauvre
corps mourtri ?
- Prenez 10 mien, en att endant quo l'ambulance vieillie
vous c116 rcheJ', di l rell o qui l'nvait dorloté comm o un
enfanl.
- Ah 1 j'en ai bien bm;n in, jo sons qlle je prrds mcs
fo rces.
M. de Mallù anntl el Mmo Pierre so trouvùrent souls dUIl.'!
ta salle que los propri6tairtls avaient abandonn ée pour
accompli r les travaux urgont s <1" 0 rérlilmenl sans cesse ou
la Lerre ou les bêtos.
Le soleil montail dans Jo ciel. Midi allait !lOUMr.
M. do Manda/UlC resl tt il silencieux, toujours eu proio li
sa médi tati on int érieurf' . '1 (H Up ~ t o sous uo erGol', Il ]uis.,tl
~ oud
l\ jn
échapp rr ces mots do sell lèvres ;
- C'est col homme qu'aimo ma fill o. .,
- Comm ent ? sur sauta sr ~ voisIne.
\1. do Mo.ndanne, sans l'entendre, continu.}, :
- Et je ,;omprollûs qu'elll' l'admirp, qu'eU J'ai me.
�L; OI SE AU n' AMOUR
12 1
- De qui parlez-vous ? demand a M me Pierre, devinant
la réponse.
- De ce M. de CiCTrey ...
- E t alors?
- C'est cet homm e que ma flile voudrai t épouser, il esl
celui qui est digne d'elle.
- Et Lucas?
- Lucas n'esl pas celui qu 'il faul à ma fllle. Elle a tou ·
jours vécu près de moi, pr.otégée par moi. J e ne lui ai
jumtlÎs laissé d'initiative personn ell e. Elle est incapable de
se diriger seule dans la vie .. . [We a besoin d'un souti en, de
quelqu' un plus fort qu'eUe .. .
- Lucas.
- Non, pas Lucas. L'avez· vous entendu gémir d'un
bobo?
- D'un bobo?
- Oui, vous êles sa mère, vous avez cru à Bon mal. Oh 1
un pou soul ement ; j'ai diflcrrno des nuances dans la pilié
qlle lémoigl\:lil vot 1'0 "iRage; parfois les la m e n l ~ lio n s de
l..ur:.!s "ous ont. ugar:ée .. . a vO li ez ·le ...
- Pout -,Jlro...
- VOliS voycz 1
- C'est ma Caule 1 Tout polit, il élail fu ihk ct je l'a i
snns cesso dorlolé, couvert do mon ailo.
- Il était faible, vous l'avez rendu douillel. Voyez · vous,
volre Lucas est un êlre profond ément intellige nt .. .
- A qui le diles- vous?
- Muis il lui tuut. sn Ill /WC, comme il fuuL un homme,
lin vrai, à Odotte .. . Imaginez (c qll e ser ni t lour vie co rn loune; uxucLc ll1cnL commo celle de ces enFant s qui jouent
ù se marior (JI. : l faire l'('picicr ct qui récluffif1 nt !\i.lIlS e(,'s~.
un bout d'étoile pour iiI' déguiso r, un boul de sucre pO Ul'
ru iro fcm blant de le "undrc, un cOn/lei! ù ùes parruls p l'Ovidr ntl r ill. ~'l l pauvre amie, nous no St' r o u q pa.<; touj ou rll
IL ,
- Lu c:!s a UNS ll1W ce rtaine forlune.
- Qui lui vitmdru d,' ses parents, qu'i l n'aur.{ pas su
~ur,:
Jl r ol fJu ï l gri ;':Mll'l'J peu :l peu. El surlout .. ,
�122
L'OISEAU n'AMOUR
- Surtout?
- ... A ce mariage, il manquerait de l'amour ...
- Mais Lucas .. .
- Lucas, peul-êire. 11 vous aime?
- Cortainement, passionnément ...
- Eh bien 1 voyez, dans cetle fa ible épreuve, il n'a pas eu
un mot pOUl' vous ni pour son père. Dans la vie conjugale,
il ne ponsera qu'à sa personne, comme il vient de le montrer aujourd'hui. Oui, il faut de l'amour. Mon mariago fut
un mariage d'inclination, j'ai presque enlevé ma fomme
dans un couvent ...
La pen'léo du couvenl où Odotto se trouvait Ics traver. a
Lous deux. Ils l'avaiont un pOli négligéo .. .
- m OdeUo qui nous attend 1
- Lucas est dans l'imposBibilitû d'aller lu chercher;
l'aulo est en morcoaux ...
- .I<:t Puu, où je pourrais prcndre 10 train, 80 trouve à
plusiours lioues d'ici. Pnll vr\l OdoUc, elle vu bieu Gtn
déçue de no paa partir uujounl'hui.
- D'autant plus qu'clio csl très mulade, pnru.îl-il. Un
jour de rotard ppul lui ütro fatal.
~Imo
l'Ierro ~ard
quelquc tcmps le 5i1en\.:0, puis demanda
~Il
"omLo à hr'ülo-pourpoinl :
- I~l Andl'é do Oijfroy l'aime-l-il '?
- Jo no peux l'allll'fTlol' LouL ù fai!', mais j'ai obsorvé
son viRago <Iuand il ('sL venu apPol'Lor des Heurs ù Odotl(',
j'ai nolé son lrouh le Jorr;(lll'il m'a parlé LouL fA l'heure .. ,
li paraissaiL forLomenL (roubl(,.
Vn souvenir reOtonta il la m{mlOiro uo JlT. ùo ~fandul'.
-- Mais jc l'ai c1wsso (jllanù il vinl mo l'rrnl'l'I:ier, :lvec
do brusques paI'olrs; il n'a paR l'épondu à mon insulto; ('JI
IfcnlilholllUlc, il s'est ille1 iné ('l fi'cn sL allé. MOIl Dieul
Jo douloureux visugl' d'Odette, lo!'!; do l'I'lle s{"(\nl). C'cst
ulroro ...
Le pl'rp d'OdeLlo cl la mèrl' de Lucas arroplèl'olli. l'invi·
talioll à <.Iéjeu/loJ' dCf! bl'UVH; pUyR' ns qui les h(:bl'I'gonicnt.
Lucas lIvnil préto."lé une fil.vl'c intense cL n'filait IJfI'"
VPIlU.
�L'OISEAU D'AMOUn
123
Le hras de M. de MonLanne, lavé et pausé sommairement,
lui occasionnait des douleurs dans toute l'épaule et le
comte commençait à craindre quelque complication. L~'5
paroles d'André l'avaient alarmé. Aussi accueillit-HIe jeune
homme, de retour, cordialement et se prêta-t-il de bonne
grâce à l'injection du liquide préservateur.
- .Te lions à vous annoncer, Monsieur le comte, qu'il
faudra rester plusieurs jours tràs tranyuillo. Ce sérum
« travaille » 10 corps ct fatigue beaucoup.
- Et m;} fillo? s'exclama 10 comte.
lmdré pordit contenanco ot rougiL. Il dil pOUl'tant :
- Jo no crois pas que ... Madomoiscllo ... do Mandanno
craigno quoi que ce Goil... Elio a Aloxis ... Cathorine ...
- Non. BUo n'ost pas au château, Mias!
Les yeux d'André s'élargirent, inLerrogateurs.
M. de Mnndannc, comme une confession dictée par la
remol'dg, dit;
- Je l'ai mise au couvent.
- Ah! eL pouquoi?
M. (le Mondanno saisit l'aviatour par 10 bras ;
- Vous l'aimez?
- De touLo mon ame 1
- El ollo aussi vous a préféré aux maris que je voulais
lui proposer.
ExLasié, Andr6 murmurai!. : ({ Odetto )).
Lo père d'Odotto prit un lon solennel;
- Monsieur de Gillrey, j'ai 6tu cruel oL injusLo envers
ua jour, d'une façon injurieuse.
vous, je vous ni ·ltHS~ù,
Jo vous demando infiniment pardon, Monsiour, car vous
êles un noble cœur. Non ... non .. , Ile prot stoz pas, VOliS
m'avez rendu 10 bien pour 10 mal. ..
- Mais pOli du tout, vous m'av CI. glll'rlÛ chez VOUIl ...
-;- Jo ne regardo pas les choseH do ce point do vue; il Y
Il ln. lIIaltièl'c (l'accomplir uno honne action, ou mômo seulemcnt une aclion; je VOUi:I ai logo, c'est vrai, mais on
souhaitant chaque jour volre d6pnr't, qne j'ai fmi pal' provoqllOI' par uno dùmarrho, ruvolLllnl,o, jo m'en l'cnels compLu
maintenanL, auprol> do VOl> sup6riuurs, Ù Pau.
�t24
t ' OI SE AU D ' AMO U lI
Il repri t son soume ct ( ~)] t. inu a
:
- Monsieur de GilTrey, vous m'avez réconcilié avec
l 'A rm ée. Ah! je l'ai a im ée , J'Mmée française ... Mais un
officier, un Jieutenant, comme vo u~,
m'a lait chaEser par
sa traîtrise. J 'ai voué dopuis 10 1'5 ulle haille éternelle au x.
offici ers, j'a i juré flu e jomail'i aULun n'cntrcI'ait dans mu
mai son. Quand vous êtes apparu dans ma vio, tout le passé
fis L revenu il ma mémoire. J 'ai cru que vous ressembliez
à J'image quo je m 'étais formol' do l'omci,er depuis la ftn
d o ma earrièr o. Peut ·êll·o êtes-vous un e exception ...
-- Monsieur le ('o mle, vo us exagérez .. .
- .. . et je vous demand e un service ... .AlI ez aujourd'hui
même chorcher mu flB I', au 'ouven des Damen de l'Enfant
.Iésus, pr'::s de Lourdes . Voici une loUre pour la S\lp érieurc;
je vois él~ l ' ir o quelques mols qu e vous J'emoLtroz à ma ftlle,
pour qu'clic nI' douil' paf! de so n bonheul' .. . ca r vous vou loz Li n l'épouser, mil pel lle Od etf.e?
- Monsieur !
 III.lI'O 6lroigll il a vec force la m ain do M. de :\I u ld ~ n nc .
- Monsieur 10 com Lo, je YOIlS juro quo je rorai tout
p OUl' son Lonhour J
- J e crois voLr{' paroI" ... WOll fils ....\\I Cl , AndrG.
M mo Pierro avait d(' vi nô le danger qui se dressa it contre
Ilon nJ. du faiL dl' la convel'satio n de M, de OifTrry ct d ~
.\I. de Mandnnnc.
Elle avait [H'essenti lu vicloir,' do son rival. /1 fullait
Caire lin dernier clTorL co ntl'e lui. E11 l' {J laiL Il !1 (W ve rs son
IIls, j'Hvait ('vcill é :
- Lucas , jo cl'ois qu'o ll ve ut l'c nlo\ ol' Od elLe ...
Il Na il encore Assoupi , cli o le Sflcou n.
- ..'Ill 1 Lu mo fnia mul, maman .. . Olt 1 flu e je /lo uf/rc .. .
- :Mll is OdeLLo ... Od ollr ... tu la voulais ...
Mais il sc cun tOllnn dans SOli mal ' l, 0 nrtfl nL sa mèr l',
il gémit :
- Ah 1 laisse- trlo i a ujoul'd'llui .. .. No IllO purlc p i\'I
d'Od eUr ... laic;so· lu où ell e so lroll ye .. . Ah ! j'ui mal ...
Il r <,pollssa it Od el te.
�L'O ISEAU D'.\)IOUR
André aIJuit la délivra ...
Après quelques inst.ants d'éva nouissJm en t, Od ette r ev int
à e1l0, avec la grâce ùe la Belle au boi ~, éveilléfl par li:l
Prince Charmant. EUe murmura:
-- Je vous ai bil?ll attendu, André ...
- Odetto, je vous jure 'Ille j'a i bien souvent pensa a
vous. J e djrig
e~ d s sans cesse won appareil du cô lé d' Ortbez
et c'est ce qui Cait <lue j'atteins enrUi mon but si long·
t emps dfsir6. Et co matin eurore, je vol a ill vers vous
quand .. . m ois c'est une histoir'o Lrop longue à raco nt er
ici ...
- AlItll'é .. .
- Odetle .. .
lis échangèrenl un dou x baisol'.
Une cloche sonna d ans 10 silence LIu cou venl.
- Partons, dit Od ett e.
fï:t, appuyée il son bras , ell o Re laissa l'lIt r .. ner.
La dOl'ho sonflait, sonnai t...
i!JPILOOUl!:
ünc ulllrtJ cloche sonnait, sonn ait, joyeuse ment acljon~(
par un gamin quo l'abbé Orolière avait acquis pow' cdll.
Deux mols avai('nt pURsé depuis la délivrance d'O dette .
qu'.\ndl'l:, il dru rnari{'o IXll' 10 bon
BIle uvail tenu, ain~
curé. N'uvn il -i1 p liS No:, 1111 portio l'arlisUII do leu r l.Ionhou r !
La rorémonio dovait se passer dan$ sa pau\'('t) t;gliliC de
cam p agll'.l un pcu délaln'él" 1113is animéc' P,lf HU gl'und ll
om o.l . Lc 60n prC
Mo avail vOlllu bion raire les c ho se~ , il
aVilit ll1i!1 on f.C UVI'O lout ,'!; s('s ressourl: s, uva it dMuli su
~O l j<ll'uill dn I\PS lieu!'.:! , Aidé p.u' sa !W rvunl p, il les :lv.li t
Jl:\l>tS ;l Ia Il flP Jl P du lllalt r,J·ulltcl, ct loulo l'église lInurill
ullpl1{.I ai l IC$ fullll'S l!POll,(. Lu CUI'\} rangeuit encor,. un.'
ûlltoralion , de-ci de· Ils, q uand il vi t arri Vljl' Il! co rlùgo nuptial
où rE'splt'lIIjis.luicnt de nombreux lIni!orm
u~
militaires. Vil(',
il ullu ~ lu sa. r i~l',
ouv['it le plac:al'u QÙ il J"ait pl(u.:é s.,
chu 'uble.
�126
L'OISEAU D'AMOUR
Il poussa un cri d'étonnement.
JI y avait une chasuble toute neuve, à la place de
l'ancienne tant de lois reprist:e, resplendissante de ms d'or
et d'argent et de broderi\ls fines.
Une carte était fixée au bel habit:
OdeLte cl André
à Monsieur l'abbé Grolière
en témoignage de reconnaissance.
Il la passo et arriva au momenL où la foule des invités
entraiL.
OdeLte éLaiL maguiflquo dans sa robe de mariée à longue
Lraîne et sous son voile vaporeux, radieuse, a u bras de son
père.
La cérémonie se déroula, b elle dans sa simplicité.
La voix grave cL 'mouvanLo du prt;lre ré~onai
L dans
la gr'ando nef; il prononçait 1 s p,\I'olos divin s llui lien L
pour toujo\lrs oL en Caisait scntir la noblesso; deli rayon'!
travorsant Jo viLrail, venaient jouol' sur ses traits eL lui
mrUaient unJ iluréole. Sa joio intéri eure ajouLait encore
do l'éclaL à son visago si bOIl.
Quand la or6monle fut tOI'minée, ülloUe, l'OSA tlo plaisir,
dit au (',mé :
- Vous m'.Jvipy' invitée à veni!' vous voir, s i j'ovais ù
vous demandor l[lll'.l(juOS c0118eils; jo viens vous en
demandcI' un, U1I bon précepto qui serve lous los jours.
L'abbé Grolière souriL ol, une main posée sur l'ôp aule de
C]Hlcun des nouveaux mariés, il répondiL :
- C' 'st bion simple, bien facilo ../0 no peux que \'OUR
rappeler qu'il faut avoit' conllunoo dun~
]e Bon Diou el
VOUR aimer loujoul's loyalemont.
OdeUe et André 110 regardèront fOt ils vir(mL dans IHI
yeu. l'un do l'nulro des promesses do L'onhem· ...
FIN
�j' Pour
paraître jeudi prochnu loaB le nO 328 de la CollcttioJl "FAMA '
PARCE QU'ELLE L'AIMAIT .. .
par JOSY
AMBROISE. THOMAS
CHAPITRE PREMIER
- Fée?
- Grand'mèro ?
- Tu ne m'entends pas, ma petite fille, je voudrais un peu d'eau.
- Oui, grand'mèro, un peu d'eau sucrée, n'estcc pas? avoc un file~
de citron?
- Si tu veux, mu petite l'éo, Es-tu prête à
partir?
- Je mo dépêche, J'ai perdu le bouLon do mon
soulier ... Jo Allis obligée Je Je recoudro. Ah ! jo
n'aimo pas les sO'lLliers à boutons, grand'mère !
- Mais, chério , cc n'est pas un soulier à boutons. Il n'yon a (ru'un à Lon soulior, colui qui Lient
la barreLLe. - Merci, La eitronnade est oxq\lit:!e, ma
petiLo Fée. Tu sais touL fairo, tout bion iairo.
- Non, gl'ancl'mèl'c, je no sais pas bien coudre
les houIons. C'euL Lmp dur, c:'csL trop difTiciio à
percer]o uir... J'aimerais avoir des souliors
il jours, en peLi Les lanières blanches eL noiros.
- Je no Huitl pas aSRCZ l'icho pour to les achelcl'
ce mois-ci, Féo, attends 10 mois prochain.
- Non, non, ma grantl'mèl'e chél'ie, 10 mois
prochain ce sora ~:opLmbrc,
fin do l'été. Je n'au(1\ suivra).
�26(j~·a.
-
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Falet , Paul (18..-19..)
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L' oiseau d'amour : roman
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impr. 1932
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Collection Fama ; 327
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