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BOYER ,
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Jean
J ean
CHABROL,
VARENNE,
de L E N D Y
&
Jean
A ntoine
R E Y N A U D , tous Marchands , Habitants
des
Paroiffes de V e z e , Dienne & Alanche , deman. deurs.
. ,
*;K
C O N T R E Sieur J e a n B O N N E T , Seigneur.
. de Charmenfat y Habitant de la V ille d 'A lanche,
'■ défendeur,'
E
L fieur B onnet eff aie envain de juftifier une' action
vraiment r é v o lta n te , & contre laquelle les loix pronon
cent les peines; les plus graves1. Il a déjà jugé lni-même
qu'elle étoit hon teufe
il a cru en conféquence
A
la voiler
�des ombres du m y ilè r e , & H ne s’en feroit peut-être p â r
rendu co u p a b le, s’il en eût pû prévoir les fuites. Il a
imaginé un trafic inoui jufqu’à préfent. A p rès avoir mis,
par des voies infidieufes, François & Jean Soulier dans
la néceiïité de faire b an qu eroute, il s’eft emparé d e to u tç*
leur fortune , il la g a r d e , ôc il refufe encore de payer,
les demandeurs qui font créanciers de ces particuliers : on
ne fait ce qui doit donner une idée plus défavantageufe
des fentiments du fieur B onnet , ou de l’a&ron qu’il a*
co m m ife , ou du mépris qu’il fait de l ’opinion publique ,
en laiiTant donner à cette affaire l ’éclat de 1 inftru&ion.
F A I T S .
A u mois de décembre 1 7 8 f , François S o u lie r , marchand
de beftiaux, demeurant au lieu de R e c o u le s , paroiiTe de
J o u r fla c , fut enfermé dans les priions de Ja ville d’Alânc h e , à la requête du nommé Jean J e a n , marchand de la
paroiiTe de Ségur.
.
L e fieur B onnet vint offrir fes fervices à François Sou
lier dans les prifons où il étoit détenu. 11 lui promit de
payer la créance pour laquelle il étoit e m p rifo n n é , qui
m ontoit feulement à la fomme de cent livres ; il la paya
en effet pour l u i , o u , c e qui eft de m êm e , il en fit fa promeiTe au créancier. Mais en même-temps le fieur Bonnet
délira connoître le livre journal de François Soulier. C ’eft
fur ce livre qu’étoient infcrites les ventes que lui ou JeanSou lier, fon fils, avoient faites depuis p e u , d’une quantité
confidérable de beftiaux dans les Provinces de Breffe &
de B u g e y , & fur lefquelles il leur étoit dû près de vingtquatre mille livres.
/
�3
François Soulier j prenant cetté confiance que le
malheur & la folitude infpirent ordinairement, féduit par le
ton affe&ueux du fieur B o n n e t , & croyant trouver en lui
un lib é ra te u r, envoya un exprès chez lui pour fe procurer
fon livre journal. C e fut Jean Soulier , fon fils , qui l’ap
porta.
I l y eut quelqu’intervalle entre la demande que François
Soulier fit faire du livre journal & la remife. L e fieur
B onnet ne demeura pas pendant tout ce temps dans les
priions d’A la n c h e , & à la compagnie de François S o u lie r,
il s’étoit retiré dans fa maifon : lorfqu’il fut que François
Soulier étoit muni de fon livre jo u r n a l, il ie rendit une
féconde fois dans les priions , & il prit ce journal , tou
jours à titre de communication.
Pou r connoître l’importance de cette com m unication, il
faut prendre une idée du livre journal. C 'eft le fieur Bonnet
lui-même qui nous l a donnée dans fes écritures. Sur cha
que feuillet on avoit inferit les ventes de beftiaux , & ceux
à qui ces ventes avoient été faites, avoient figné au bas
de la mention de chacune j de manière à fe reconnoître
débiteurs du montant. Il n’y avoit qu’un feul article de
vente fur chaque fe u ille t; cela fe pratiquoit ainfi, f o i t ,
parce quJà mefure des paiements on fupprimoit le feuillet
f o u f e r it, qui y étoit ré la tif, foit parce qu’on écrivoit au
bas de la mention mife fur chaque fe u ille t, les paiements
qui étoient faits à compte par les débiteurs ; enforte que
c e livre journal étoit com m e un porte-feuille, contenant
toute la fortune mobiliaire des Soulier. Il paroît cependant,
toujours d'après le récit du fieur B o n n e t , qu’il y avoit
quelques articles de ventes qui n’étoient pa< revêtu« d e là
A 2
�4
fignature des débiteurs. Mais toujours eft-.il vrai,, corttpie
on a déjà dit j que le.urs foufcriptions étoient au bas de la
majeure partie.
Q u elq u e temps après que le Heur B onnet ie fut faifi de
ce livre jo u rn a l, les Soulier lui en demandèrent la re m ife ,
ils en avoient befoin pour aller dans les Provinces de Brefle
& de B u g e y , où ils devoient faire les recouvrements de
leurs cré a n ce s , à l ’effet de payer ce qu’ils devoient , &
fur-toutpour fe libérer envers les particuliers qui leur avoienç
vendu des beftiaux en 178J. L e fieur Bonnet manifefta
l ’impoflibilité où il étoit de remettre le dépôt qui lui avoif
été co n fié ; on fut même qu’il s’étoit tranfporté dans les
Provinces de Brefle & de
Bugey , o ù , en vertu du livre
journal des S o u lie r , il avoit fait faifir & arrêter tout
ce
qui leur étoit d û , ou s’en étoit fait payer.
François & Jean S o u lie r , indignés de cet abus de con
fiance d e là part du fieur B o n n e t , fe tranfporterent'en cette
V ille , ils préfenterent une requête, de plainte contre le
fieur B o n n e t, à raifon des faits dont on vient de rendre
compte. E lle fut répondue d ’une O rd o n n a n c e , portant
permiflion de faire informer .pardevant le plus prochain
Juge des lieu x du reffort.
’
Il eft effentiel de remarquer q u e , dans cette requête de
plainte, les Soulier convenoîent qu’ils devoient au /leur
Bonnet la fomme de mille liv re s , en vertu d’une obligation
faite à fon profit par François S o u l i e r , l’un d 'eu x , en 1783^
mais en môme-temps ils
obfervoient que le fieur Bonnet
avoit reçu différents acomptes qui montoient à la fom me
de fept" cents quarante-quatre livres jenforte qu’il n’étoit refté
dû que deux cents cinquante-fix livres j les Soulier ajoutaient
�j
encore dans cette .même requ ête qu'ils, fe ro ie n t en
fa ir e la preuve de tous ces paiem ents t f i le J ie u r
ofoit en^di'[convenir.' 4 ; '
état de
B o n n et
• -
L e fieur B o n n e t, inftruit du,parti que les^iSoulier avoient
p ris, mit tout en oeuvre pour eh arrêter les fuites. Il fit
pofter plufie’urs perfonnes .affidées fur les 'avenues où les
Soulier devoient pafier , en fe rendant de cette V i l l e , d’ou
ils portoient l ’Ordonnance qu’ils enfendoient mettre à exé
cution fu ries lieux. L a rencontre fe f i t , &*les S o u lie r, en
gagés par les infinuations des prépofe's du fieur B o n n e t , fe
rendirent chez l u i ; il s’ empreffa de les faire b oire, & à la
fuite d’un lon g rep as, il fit venir dans fa maifon le fieur
M aigne, notaire à Alanche , après l’avoir envoyé chercher
à plufieurs re p rife s, pour pafler avec les Soulier deux
a£tes qui achevoient d’aflurer toute leur fortune au fieur
Bonnet.
1 Ces deux a£tes furent faits le même jour 24 avril 1 7 86 3
& ne doivent être confidérés que comme un feul. D ans
i’un, François Soulier, père, figura feul ; dans l’autre, il ftipula conjointement avec Jean S o u lie r ,fo n fils. Par l ’a£te
où François Soulier eft fe u l, on lui fit. vendre au fieur
B onnet tous les biens qui lui étoient échus par les fucceffions d’ Antoine S o u lie r , & dé M arie C y r , fes pèrë & m è r e ,
dans lesquelles il amandojt un tiers ] & ' de plus trois prés
appartenants en particulier à François Soulier ; le prix de
la. yent.e fut de la fo m m e de trois mille .livres ^ favo ir, pour
les trois prés quatre^cénts l i v r e s p o u r . l e s biens hérédi
taires, deux mille fix cents livres. Il fut dit }dans c e t ‘a£te
Çue le fieur Bonnet fe r e t e ^ l t ^ e t t è fomrine dè1 trois mille
liv r e s , en diminution' de .ce
que’ François 'Soulier lui de-
�'6
v o i t , en vertu des titres de créances q u 'il avait f a r devers lu i>
à imputer d’abord fur les intérêts & frais.
P ar l ’autre a£te, il fit dire par François & Jean S o u lie r ,
q u ’ils étoient débiteurs du fieur Bonnet de différentes fommes , que , pour parvenir au paiement de fes créances , il
avoit fait faifir & arrêter ce qui é toit dû aux Soulier par
plufieurs marchands des Provinces de BreiTe & B u gey , où
le fieur Bonnet étoit lui-même allé ; qu’il étoit fur le point
de faire dénoncer ces faifies & arrêts aux Soulier pour en
obtenir la confirmation ; que toutes ces procédures entraîxieroient de grands frais j & q u e , comme ils vouloient les
é v it e r , ils approuvoient toutes les faifies qui avoient été
faites par le fieur Bonnet entre les mains de leurs débiteurs,
& afin d’en retirer le p a ie m en t, les Soulier firent ôc confti-;
tuerent , pour leur Procureur général & f p é c i a l, le . fieur
B onnet , auquel ils donnèrent pouvoir d e , pour eux & en
leurs n o m s, fe tranfporter dans la Brefie & le B u g e y , pour
faire le recouvrement des fommes qui leur étoient dues ;
ils l’autoriferent à en donner quittance aux redevables, &
en cas de refus de paiement » à les actionner , & à confti-.
tuer Procureur à cet e f f e t , & même tranfiger. Il fut dit
qu’en conféquence les Soulier promettaient de remettre au
fleur Bonnet leur livre jou rna l, & que le fieur B onnet retiendroit entre fes mains toutes les fommes qu’il toucheroit jufques 6c à concurrence de ce que les Soulier lui dev o i e n t , toujours à imputer en premier lieu fur les intérêts
& frais, & enfuite fur le principal.
I l fut ftipulé q u e , lors de la délivrance du livre journal,
i l fer o it cotté de Soulier, f i l s d e lui Jigné à la f i n , pour
(onjlater le nombre des pages qu’il contiendrait. Enfin il fut
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ajouté à la fin de Taite , fa n s cependant par le fieur B o n net f e prtjudicier à ce qui lui eft dû par la fu ccejjlon
de Gabrïèl &• Pierre Bagués du Crou^et. O n aura occafion
d ’argumenter dans la fuite de cette dernière énonciation.
I l y a une circonftance qu’il ne faut point perdre de v u e , J
& qui confirme ce qu’on a dit rélativementauxinfinuations'
pratiquées pour parvenir à ces deux a£tes ; c ’eft qu’il eft
dit dans l’un & l’autre , qu'ils ont été fa its & paffés à A tanchc,
maifon du fieur Bonnet.
1 D è s le jour même où ces deux aâesfu ren t paiTés, Fran
çois & Jean Soulier s’abfen teren t, leurs paiements 6c leur
commerce ceiTerent, le fieur Bonnet eft demeuré nanti de
leur fortune , fie les demandeurs, créanciers des S o u lie r,
n ’ont point été payés : on comprend aifément que les Sou
lier ont dès cet inftant été regardés publiquement comme
en faillite ouverte. L eu r conduite en avoit tous le s1carac
tères.
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L e s demandeurs eurent lieu de penfer que la juftice obligeroit le fieur Bonnet à payer les créances dues par les
Sou lier, dès quJil s’étoit emparé auffi finguliérement des
objets qui en étoient le gage. E n co nféq u ence, ils le firent'
aiïignér en la jurifdi&ion Confulaire de B riô u d e , pâr'-fex-'
ploit du 22 juin 1 7 8 6 , pour y être condamné à leur payer^
les créances qui leur étoient dues par François & Jean Sou
li e r , defquelles ils firent le' d éta il, & qui fe montoient à '
la iomme de trois mille fept cents quarante-neuflivres. C ette
Tomme proverioit de ventes de beftiaux par eux faites aux
Soulier, en fo ire , en Tannée 178?. Ils les avoient reven
dus dans les pays de Breffe & de B u gey * & le fieur Bonnet
en avoit touché le prix d’après les arrangements} aufli étranges
que co m m o d e s, qu’il avoit pris avec eux.
�2
f
L e s Juges-Confuls de Brioude furent frappés
des deux,
a&es du 24 avril 1 7 8 6 , donc le fieur Bonnet fît fans doute
la bafe de fa défenfe en p laid an t, fi on ne le dit pas avec
certitude', c e i l qu’avant la plaidoierie il n’avoit pas fourni
de défenfes par écrit. Ces Juges ne purent pas être édifiés
de voir que le fieur Bonnet s’étoit mis en pofleiïion du
livre journal des Soulier , qui contenoit toute leur fortune
mobiliaire, fans en avoir fait conftater le m ontant;qu’il s’étoit
auifi emparé .de tout ce que ces particuliers poiTédoienc en
imfnieubles. Ils durent être étonnés de ce que le fieur B on
net s’étoit retenu le tout en paiement de prétendues créances,
dont on ne v o y o it dans les a£tes ni les titre s , ni le détail,
ni le montant.
, A ffe& és de toutes ces idées., par une première Sentence
du 8 juillet 1 7 8 ^ . ils remirent la caufe à une audience d’a
près q u in zain e, à laquelle les parties comparoîtroient en
p erfonnes, même les Soulier : ils ordonnèrent que le fieur
B onnet rapporteroit fes prétendus titres de créances, fur-tout,
y e ft-il.d it, ayant affeâé dans les deux aàes différents
dont i l s’a g it, ( du 24 avril 17 8 6 , ) de tie n cotter aucun ,
n i.d e .fa ir e aucun arrêté de compte avec les Soulier. C ette
fentence porte que le fieur Bonnet rapporteroit auifi' le li
vre journal des S o u lie r, qu'il ne pouvoit dire nêtre pas en
fo n p o u v o ir,. enfemble les faifies qu’il avoit faites, & . ce
qu’il pouvoit avoir fait depuis, avec un état par lui certi
fié véritable des fommes qu’il pouvoit avoir reçues des
différents débiteurs des S o u lie r, fau f Xes contredits des démandeurs,, pour être fait droit ainfi que de raifon.
, Ce qui eil dit dans cette fentence, relativement au livre
journal, que le fkur Bonnet ne pouvoit pas dire nêtre pas
en
�*
tn foti pou voir, annonce que lo rs de la plaidoierie de là
caufe , à la Jurifdi&ion confulaire , il défavouoit qu’il en fu t
dépofitaire. Mais les Juges penfoient avec raifon qu’il en
étoit faifi , & que c'éto it un artifice groiïier de fa p a r t ,
d ’avoir fait inférer dans un des aftes du 24 avril 1 7 8 5 , que
les Soulier promettoient de le lui remettre , dans la vue
d ’infinuer qu’il ne l’avoit pas alors. E n e f f e t , les Soulier
atteftoient dans leur requête de p la in te , préfentée le 20 avril
17 8 6 , que le fieur Bonnet avoit pris en communication
le livre journal dès le mois de décembre 17 8 ^ , qu’en abufant du d é p ô t , il étoit allé en Breife & dans le B u gey pour
faire faifir & arrêter tout ce qui étoit dû aux Soulier. L e
fieur Bonnet eft convenu de ce v o y a g e , & des faifies: &
arrêts, dans ce même a£te du 24 avril 1 7 8 6 ; on feroit cu
rieux de favoir comment il auroit connu les débiteurs , &
com m ent il auroit fait ces pourfuites , s’il n ’avoit pas été
muni du livre journal ; & fi de ce vo y a g e 3 & de ces pro
cédu res, on eft fondé à conclure que le fieur B o n n e t , lors
de la requête de plainte, étoit faifi de ce livre jo u rn a l,
com ment pourra-t-on croire qu’il en ait fait la remife dans
l ’intervalle de la plainte à l ’a & e , qui ne renferme que quatre
jours ? D 'a ille u rs, pourquoi l ’auroit-il rem is, dès qu’aux
termes de l’a&e la délivrance devoit lui en être faite auflïtô t ? I l eft donc évident q u e , par un des a&es du 24 avril
17 8 5 , le fieur Bonnet a eu l'affectation de faire ftipuler
qu’on lui remettroit le jo u r n a l, quoiqu’il l’eût alors en fon
pouvoir , 6c qu'il en fut nanti depuis le mois de décembre
précédent.
‘
C ette fentence des Juges-Confuls eft infiniment fage.
E lle annonçoit au fieur Bonnet que fa conduite étoit louB
�<10
c h e .’E lle lui apprerfoic ceile q u ’il devoit te n ir p our faire
cefler les équivoques.dans le fq u e lle so n le v o y o it s’envelop
per : & elle lui faifoit apperçevoir les peines q u ’il en co ü rr o i t , s’il fe tro u v o it coupable des manoeuvres d o n t on é t o i t
d ’abord forcé de le fou pçon n er. L e difpoiitif de c e tte fe n te n ce efl un prem ier trait de lufaière qu’on peut fuivre avec,
confiance dans la décifion du procès.
• L e iîeur Bonnet n’a ceffé de l ’éluder, bien loin d’y fatisfaire. Dans deux requêtes qu’il fit fignifieren la Jurifdi&ion;
confulaire, le i cr. feptembre 1 7 8 6 , ôc le 6 janvier 178 7 3
il chercha à juftifier la conduite q u ’il avoit tenue jufqu’à
alors. Il prétendit qu’il étoit créancier des Soulier , & d’un
nom m é Gabriel B a g u é s , leur aiTocié, d elà fomme de treize
mille cinq cents foixante-quatre livres dix fous , en vertu
de cinq fentences obtenues depuis 1 7 8 0 , jufqu’en 17S3 ^
non feulement contre ces particuliers, mais encore contre:
J e a n ,S o u lie r , fils aîné de F rançois, qui étoit alors ¡décédé.
Q u e les deux a&es du 24 avril «785, n’âvoient été faits
que pour lui procurer le paiement de ces créances. Q u e les
créances énoncées au livre jo urn al, dont il s?avouoit dépofitaire j ne m ontoient qu’à la fomme de: cinq mille deux
cents quatre-vingt-quatre livres ; q u e fu r cette fo m m e ;iI avoir x
touché , par lui ou par led.pe.rfonnes qui avolent été chargées. *
d en faire le recouvrement-, la fomme de quatre m ille'd eu x
cents quatre-vingt-huit livres, fur laquelle il convenoit encore
de déduire, les frais des voyages qu’il àvoit faits en Brefîe
& dans le B u g e y , & c e q u ’iliavoit payé au;Procureur chargé
de faire les pourfuites contre les débiteurs. Il foutinr que lés j
Soulier n’ étoient pas en faillite. ; Il né pouvoir défavouer c e
pendant qu’ils ne fuifent abfents de la Province;, m êm e lors.
�11'
'de la requête du 16 janvier 1 7 8 7 , mais il âjoutoit que cela
n’étoit pas extraordinaire dans un pays où il eft com m un
de voir les habitants s’expatrier & ne revenir que tous les
trois ou quatre ajns. E n un m o t , il fe préfenta comme un
créancier qui n’avoit fait que prendre des mefures prudentes
pour confervér fa créance.
L es demandeurs ne furent pas effrayés de tous ces moyens.
Ils virent bien que les créances accumulées dont- le fieur
B o n n et-fa ifb it le d é ta il, iaris cependant'juftifier des-titres,
it'étpient qu’un vain épouvantail. Ces titres:rie pouvoient rë. 4
paroître que par Tëffet du concert de fraudé fcjui étoit pra*
tiqué entre lui & ’les Soulier. C om m ent füppôfer e n 'e ffe t
que fi y après les premières fentences obtenues contre eux
par le fieur Bonnet , ils n’euffent point payé , ' le fieur
B onnet eût néanmoins continué fes délivrances ? d’ailleurs
les ¡créances du fieur Bonnet nJétoient; pas Hües- en entier
par les'Soulier f e u l s , 1 elles Tétoient encore pàr! lë^ Bagués?
affociés des Souliers ; c ’é to it"’auÎïr par cette ràifon que
par un des a&es du 24. avril 1 7 8 6 , le fieur Bonnet avoic
déclaré qu’il entendôit ne pas'fe préjudicicr à ce qui lui
¿toit ^du -par la fu cce jjiô ti de Gabriel & Pierre Bagues du
Crouïjgt.
" f 1
r .
i i v
rl V
.
;jri
v
Enfin \ Jean’ S o u l i é r , fils , rie pouvoit 'être tenu person
nellement des 'dettes contrariées par la fociété avant qu’il
devînt' un des affociés; par conféquent les dettes contractées
par Jean S o u li e r , fon frère a în é , contre lequel frappoient
certains titres du fieur- B o n n e t , lui étôient étrangères.
*' Par ‘rapport à la fa illite, elle étoit ^certaine,* &; elle
avoir com mencé au moins au 24* avril 178$, p'uifque dès
ce jour là les Soulier s’étoient a b fen tés, qu’ils * avoient
'
B 2
�>12
renoncé à leur fortune & à leur co m tïie rce , & qu'ils n’avoient fait aucuns paiements. L es demandeurs offirirent la
preuve de tous ces faits.
Iis ajoutèrent que quand on ne devroit pas confidérer le
fieur Bonnet com m e étant l'auteur ou le fauteur de la»
banqueroute des Soulier , & que. quand i l auroit pû éluder
le paiement de leurs créances par la voie de l’adlion perfo n n e lle ,a u moins étoit-il certain qu’ il ne pouvoit pas pro
fiter feul des deux ades du 24 avril 1785 , fuivant les difpofitions des jloix faites fur . la matière : ces,a£tes ne pouyo ien t ni produire une h y p o th è q u e , ni tranfmettre aucune
propriété en.jfaveur du fieur B o n n e t , dès qu’ils étoient
paiTés non-feulement dans un temps rapproché de la ban
q u e ro u te , mais encore dans Im itant même
où
elle s’ou-
yroit;-;j J r
. ■ ‘
m.bn
. T e lle s furent les réponfes folides des demandeurs aux
moyens du?fieur Bonnet, .Mais ce q u ir acheva de rendre ces
réponfés v i& o rieu fe s, ce fut la produ£tion qu'ils firent de
deux lettres écrites par le fieur Bonnet aux S o u lie r, l’une
en date du itf juin 1 7 8 6 , avant l ’ailignation des demandeurs;
l ’autre en date du 14 juillet fu iv a n t, pendant le côurs de
1 inftance. François Soulier ayant réfléchi fur la nature ».de
1 inftancequi fe pourfuivoit entre le fieur Bonnet & les deman
deurs , fur 1 abîme dans lequel la cupidité du fieur Bonnet l’avoir
p l o n g é , vint dépofer ces lettres entre les mainsdu Procureur
qui occupoit pour les demandeurs en la Jurifdidîon confulaire«
C e dépôt eft conftaté par un a£te paffé pardevant N o t a ir e , le>
.18 juin 1787. P a r c e même a£te, François Soulier a dé
voilé .toutes les iniquités, à la faveur defquelles le fieur:
Bonnet: n'avoit pas craint d'envahir fa fortune & celle de
�15
fon fils. Il y a déclaré encorô qu’il ne lui fero it pas rede
vable de plus de trois cents liv r e s, quoiqu'il eût des titres
qui établiffent une créance plus confiderable. Ces lettres
jouent un trop grand rôle dans cette affaire, pour qu’on
ne les tranfcrive pas. V o ic i celle du 1 6 juin 1 7 8 5 , qui eft
écrite aux S o u lie r, père ôc fils.
A la n c h e , 1 6 Juin iy 8 t?.
. » Je vous donne a v i s , Meilleurs Soulier , père & fils
» qu’il y a beaucoup de ceux à qui vous devez qui ont
» obtenu fentence par corps contre tous d e u x ; en confe» quence de c e , prenez-vous garde > & retirez-vous dans
» les pays où l ’on ne pourra pas vous fa ire prendre ; il y
» en a un de Peyruffe qui vous fuit, & il vous fera em» prifonner s'il vous trouve. V o u s dites que vous ferez
» le 24. juin à N euville ; prenez-vous garde , & ns vous
» montrez p a s , parce que le fieur Peuvergne eft ca» pable de-vous trahir; ainfi la préfente r e ç u e , ne fa ite s
» faute de vous mettre & entrer dans un pays fra n c , fa n s
» quoi vous fere\ faifls & emprifonnés : votre mère fe porte
» . t r è s - b i e n , & eft bien tranquille, ainfi que votre ta n te ;
» on travaille le bien à l'ordinaire , & les Vaches f e remet*
»
»
»
»
tront ; prenez-vous bien garde de ne pas vous laiffer
faifir, on travaille pour ce la , attendu que l'on a fu votre
route ; méfiez-vous bien de P e uv erg n e , ne vous préfentez
pas à lui. J e fuis toujours votre très-humble fe rv ite u r,
>1 figné B o n n e t , fils. »
■P . S . » A v e c le temps on parviendra à avoir les le ttres,
» ainfi patientez-vous ; mais ne vous montrez pas , car fi
t> vous vous montrez dans les pays francs ^ vous êtes pris. »
U n’eft pas inutile encore de tranfcrire l’adreffe, » A M .
�* 4
»
»
p
v
L a r d e t , marchand C hau dron ier, pour remettre à Jean
S o u lie r , auiïimarchand Chaudronier à B o u r g e n Bresse,*
& auiïi pour le faire tenir , fi l ’on p e u t , au fiçur Soulier^,
à N e v il l e , le 24 juin 1785. »
L a lettre du 14 juillet 1 7 8 5 , adreifée par le fieur B o n
n e t , à Jean S o u lie r , fils, fe u le m e n t, eft écrite par le fieur
B o n n e t , ainfi que la p récéd en te; mais il ne l’a pas fig n é e ,
$c il a grand foin d’en donner les raifons, elle eft ainfi
qpnçiie.
■
'
A lan che , le 14 J u illet tyZG.
» S o u l i e r , f i l s , je vous envoie c i - i n c l u s , par l e fieur
» F o n t a n i e r , deux feuillets de papier marqué de la marque
» d ’A u v e r g n e , que vous lignerez au bas de chaque f e u i l l e ,
» pour préfenrer votre r e q u ê t e , &
vous mettrez au bas
» de chaque feuille & d’un cô té feulem ent, j approuve ce
» que dejjus , S o u lier, ainfi que cela fera .mis au bas de
celle-ci y vous ne parlerez de rien à perfonne ; vous m i
» renverrez cela par F o n tan ie r, ou par la porte; vous me
i) renverrez aujji la pr.éfente lettre, parce que j e ne v e u x
pas que cette lettre f e voie t attendu que j e v eu x fa ir e
» cela de cachette ; fi vous ne me renvoyez pas la préfente,
» je vous allure que je taillerai vos affaires fans faire ;
» j e ne figne pas la préfente, crainte q u e lle tombe en mau» vaifes mains : vous deve^ connaître mon écriture ,par con» fcq u cn t vous fa v e { à qui il fa u t adrcfftr vos affaires. »
L a première page de la lettre fe termine en cet e n d roit;
6c on voit au b a s , au milieu de la page j ces termes écrits
de la .m a in du fieur B o n n e t , fapprouve çe que deffits , "
C ’étoit le modèle de la foufcription que le fieur.
B onnet demandoit à S o u lie r } f i ls , qui devoit être mife .au
So u l ie r .
�1\
bas des deux feuilles de papier timbré qu’il lui en v o y o it;
& à la fécondé page de la lettre eft écrit ce qui fuit. » S i
» vous ne comprenez pas ce que je vous m arqu e, vous
» vous le ferez expliquer à quelqu’un de connoiffance de
» ce pâys là-bas ; vous lignerez à chaque feuille, & d’ur*
» côté feu lem en t, & vous commencerez à l ’endroit où il y
» a un petit traie de p lu m e, c ’eft-à-dire, qu’il ne faut que
» quatre fignatures. Prenez-y bien garde, & renvoye^-moi
x> la préjente lettre que je vous é c r is , fan s quoi j e ne fera i
» rien. »
L ’Adreffe de cette lettre eft la même que la première ,
& le fieur Bonnet défiroit fi ardemment de recevoir ce qu’il
dem andoit, qu’il inféra fon adrefle dans ces lettres.
A ces deux lettres François Soulier joignit les deux feuil
les de papier au timbre d'Auvergne, qui avoient été envoyées
par le fieur* Bonnet ; on voit à la première page de chaque
fêuille;:, le trait de plume fait par le fieur Bonnet., où
devoient'com m encer les approbations quxl défiroit de la
part de S o u lie r, fil«.
L ’affaire en cet état préfenta la queftion de favoir s’il
y avoit ou non faillite ouverte de la part des S o u lie r , fi
l e fieur Bonnet en étoit l’auteut- 'ou le fauteur; fi'lesa&ek
dont -il' étoit m uni, étoient frauduleux ou non : dès l'orsles
J u g e s-C o n fu ls, fuivant les règlements*-, irétoient p‘lus com
pétents ; àuifi par une fentence du 27 feptembi'e 17 8 7 ,11 s
délaifferent ;la caufe '& les parties pardevant les Juges qui
en dévoient connoître , tous dépens refervési, fur les
quels le -J u g e du renvoi i h fje r o i t .
'
En* exécu tion de c e tte fe n te n c e , le fieur B o n n e t a é té '
traduit" en c e S i è g e , -ô c 'l’affaire y a été retenue.
f
�ïï
M
O
Y
E
N
S
.
II
feroit inutile de faire des efforts pour étib lir que les
Soulier ont été en faillite o u v e rte , au moins dès le 24
avril 1 7 8 6 , époque des a&es paffés entr’eux & le Heur
B o n n e t ; l ’évidence de cette propofition eft frappante ; dès
cet inftant les Soulier fe font abfentés , ils ont abandonné
tout-à-la-fois leur fortune & leur c o m m e r c e , ils ont ceffé
leurs paiements ; chacune de ces circo n fta n c es, fuivant les
lo ix , caractérife la faillite ou banqueroute. L ’article i er.
du titre X I de l ’Ordonnance de 1673 , porte que » la
» faillite ou banqueroute fera réputée ouverte du jour
» que le débiteur f e fera retire , ou que le fcellé aura été
» appofé fur fes biens. » M . Jouffe , fur cet article n°. 4 ,
dit que » la faillite ou banqueroute eft aufli réputée ouverte
» du jour que le débiteur eft devenu infolvable , ôc a ceffé
» entièrement de payer fes créanciers, ou qu’il a détourné
» & changé fes effets de n a t u r e ,& c . » L a même jurifprudence eft atteftée par D é n if a r t , au m ot banqueroute ^ nos.
14 , 1 f , 1 5 ôc 17.
Il
y a p lu s , les Soulier ne font pas Amplement tombés
en fa illit e , mais encore ils ont fait une banqueroute frauduleufe. » Déclarons ( eft-il d i t , dans l ’article X du titre
» X I de 1 Ordonnance de 1673 ) , banqueroutiers fraudu» leux f ceux qui auront divertis leurs effets, fuppofé de3
» créanciers , ou déclaré plus qu il n dtoit dû aux véritables
» créanciers.» Dans la jurifprudence il y a encore d’au
tres cara&ères auxquels on juge une banqueroute frauduleufe ;
auflî M . J o u ffe , fur l ’article X I , n°. 4 , dit que » les ban» queroutiers frauduleux
fon t ceu x qui détournent ; ou ;
e n lè v e n t
�17
» enléventleurs effets , o u les m ettentàcou vertfous des noms
» interpofés par de faufles v e n te s , ou par des cédions ou
» tranfports fim ulés, ceu x qui emportent ou cachent leurs
» re'gijlres & papiers, pour ôter à leurs créanciers la con» noiffance de leurs effets, & de l'état de leurs affaires. »
C e même auteur , fur l’article i cr. du même t it r e , r.°. 4 ,
explique en détail les renfeignemencs q u ’un débiteur en
faillite doit s’empreffer de donner à fes créanciers , les pré-’
cautions qu’il doit prendre pour la fureté de fis e ftV s ; tout
cela réfulte de la difpofition même de i article X I , q u i veut'
q u e , » les Négociants & les M archands, tant en gros
» qu’en détail, & les Banquiers qui, lors de leur faillite , ne
» repréfenteront pas leurs régiftres & journau x, lignes &
» paraphés, pourrontêtre réputés banqueroutiersfrauduleux. »
O r , en appliquant toutes ces autorités aux faits dont on a
déjà rendu com pte, on fera aifément convaincu q u ’il s’en
faut bien que les Soulier doivent être placés dans la claffe
des débiteurs qui ne font que malheureux.
L a principale tache qu’aient donc à remplir les D e m a n
deurs , eft de prouver que le fieur Bonnet a été non feu
lement fauteur de cette banqueroute frauduleufe, qui a fait '
évanouir en un inftant le gage de leurs créances j mais
qu’encore il en a été l ’auteur. S ’ils établiffent une fois ce
point de f a i t , il ne faudra pas une forte lo g iq u e , pour prou
ver que l’o b lig a tio n , de la part du fieur Bonnet , de payer
les créances des D em a n d eu rs, doit être la moindre puni- '
tion d'une conduite auiïi extraordinaire.
L ’article X I I I du même tit. X I de l'Ordonnance de 1673 1
détermine les cas dans lefquels on fera réputé avoir aidé ou
C
�18
^avorifé une banqueroute frauduleufe; il les fixe à quatre, favoir;
» fi l’on a diverti les effets du d é b iteu r, fi l’on a accepté
» d is tranjports, ventes ou donations fimulées, & qu’on favoit
» être en fraude des créanciers ; fi l ’on s’eft déclaré créancier»
» ne Tétant pas , ou fi Ton s’eft porté créancier pour plus
» grande fomme que celle qui eft due »
C ette loi ne parle pas d’un autre cas dans lequel on mé
rite encore plus certainement le titre de fauteur de ban
queroute : le Légifiateur ne peut l ’avoir o m i s , que parce
que l ’évidence fuppléeoit à fa décifion. C e cas eft celui où
un particulier a favorifé Tévafion du débiteur , ôc Ta fouftrait à la prife des créanciers. A u ili le C om m en ta teu r, donc
on a déjà eu occafion d ’invoquer plufieurs fois le fu ffra ge ,
n ’a pas manqué d’en faire Tobfervation , fur cet article X I I I ,
n°. y ; » outre les quatre c a s , d i t - i l, de com plicité préfu» m ée en cet article , en matière de banqueroute, on peut
» encore regarder com m e complices de banqueroutes frau» id u le u fe s , ceu x qui favorifent l ’eva/îon des Banqueroutiers,
y».ou qui empêchent q u ils ne foien t arrêtés. Par l ’A rrêt du
3> 26 Janvier »702 (cité fur l ’article p r é c é d e n t, N ° . 3 )
» le nommé C hérubin qui avoit facilité Tévafion d e F a b r e ,
» qu’il favoit être crim in el, fu t condamné a u banniifement. »
Faiions a&uellement l ’application de ces A u t o r i t é s , ÔC
voyons s il eft pofïible au fieur Bonnet d’échapper au re
proche que lui f o n t les Demandeurs , d’avoir favorifé la ban
queroute frau d uleu fe des Soulier.
E n p re m ie r lieu , il a fait plus que de divertir les effets
de ces p a rticu liers. L ’Ordonnance , fous ces mots , en di~
vertijjant les e ffe ts ,
a pu entendre un fimple récélé , pour
�ïp
les confefver au débiteur , au préjudice de Tes créanciers ;
mais le Heur Bonnet ne s’en eft pas tenu là. Il a fait paifer
en fon p o u v o ir, fans compte ni mefure , toute la fortune
des Soulier ; & les a£tes qu’il a p afles, annoncent qu’il entendoit s’en rendre propriétaire. Il parvient d’abord à fe ren
dre dépofitaire du livre journal des Soulier , objet fi pré
cieux dans leur fortune , en leur promettant un fecours que
dans la fuite il leur a fait payer bien cher. Les Soulier ont
foutenu ce fait dans leur requête de p la in te, & ce qui ert
démontre la vérité , ce font les différentes faifies & arrêts
‘ que le fieur Bonnet avoit fait faire * avant les deux a£tes
du 24 avril i78i>, entre les mains des débiteurs des S o u
lier , qui demeuroient dans les Provinces de Bréfïe & de
B u geyi II auroit été impoffible quJil eût fait faire ces fai
fies , au nombre de plus de v i n g t , s’il n’avoit pas eu en
fon pouvoir le livre journal. L es Soulier s’élèvent contre
fon entreprife , il trouve le moyen d’étouffer leur récla
mation ; le titre de fimple dépofitaire d e s'la fortune m obiliaire des Soulier , qu’il s'étoit procuré malgré eux , il le
'convertit en celui de propriétaire, & il obtient encore un
abandon de leurs immeubles.
En fécond lieu
quand il auroit été réellement créancier
des Soulier , il eft bien évident que cette circonftance n’excuferoit pas fa conduite , & il ne feroit pas pour cela à
1 abri de 1 a£tion des D em an deu rs. Mais il eft cependant vrai
que fi jamais il a été créancier des Soulier , il a exagéré ce
qui pouvoit lui être d û , & qu’au moins aujourd’hu il ne
peut pas prendre cette qualité.
i°. Parce qu’il eft invraifemblable qu’il ait laiffé Accumu
ler tant de créances fur fes prétendus débiteurs.
�20
2°. Parce que la collufion manifefte qui a ‘régné entre
lui ôc les S o u lie r , ne permet plus de confidérer com m e fincères Tes prétendues créances. Il lui eft bien plus aifé d’en
faire paroître les titre s , qu’il ne l ’eft aux Demandeurs de
juftifier des quittances qu'il en avoit vraifemblablement don
nées aux débiteurs. Ceux-ci fe font livrés à lui avec la plus
imprudente confiance. Ils l'ont rendu le maître de leur for
tune 6c de leur fort. Peut-on fe refufer à cette idée , en
lifant ces deux lettres , qui, d’après le fieur Bonnet lu i-m êm e ,
n ’auroient jamais vu le j o u r , s’il eût prévu qu’on les lui eût
oppofées , & fur-tout en juftice ? Elles apprennent q u e le fieur
B onnet étoit dans tous les fecrets des Soulier ; il favoit où
ils avoient dû fe rendre, après leur évafion , où ils devoiene
aller enfuite ; ce qui fe paifoit dans leur famille , l'état de
leurs biens, la deftination d’une partie de leur m o b ilier, des
tination que lui feul pourroit'encore nous expliquer. Votre
mère , dit-il , dans la lettre du 16 juin 1786 , f e porte trèsbien. , & ejî bien tranquille , ain(i que votre tante. Ori tra
vaille le bien à l'ordinaire , & les vaches fe remettront.
30. C e qui fait élever le plus violent foupçon contre les
prétendues créances du fieur Bonnet , c ’eft la triple affec
tation
de n’en faire le détail par aucun a£le, pas même
par ceux du 24 avril 1785 , & de confondre ce qui étoic
cîû^par Français S o u lie r, avec ce qui pouvoit l’être par Jean
Soulier , fon fils , & de ne pas apprendre ce qui étoit à> la
charge des Bagués , aflociésdes Soulier ^ & ce qu’ils avoient
payé.
En troifième lie u , le fieu r.B on n et s’eft fait faire par les
S o r î i e r , une vente fnnulde de leurs biens immeubles. C e
�*1
qui le prouve , ce font les termes de la lettre du 16 juin
1 7 8 6. On travaille le bien à l'ordinaire , & les vaches f e re
mettront. Ces termes annoncent que le bien ne fe travailloit
pas pour le compte du fieur Bonnet , & cependant il s’ea
étoit fait tranfmettre la propriété , par un des a£tes du 24.
avril précédent. Dans la fécondé lettre , du 14. juillet fuivant , il femble ne vouloir que veiller à l’adminiitration de
leurs biens. Si vous ne me renvoye£ pas , leur d i f o i t - i l la
préfcnte , j e vous ajfurt que j e laijjerai vos affaires fa n s faire.
I l fsfoit donc croire aux Soulier qu il leur laifleroit la
jouiflance de leur bien , en fe muniflant cependant d un a£te
qui lui donnoit le droit de s’en emparer à fon gré.
En quatrième lieu , le fieur Bonnet a inconteftablement
favorifé l ’évafion des Soulier. Il étoic impoilible d’être plus
officieux qu’il ne l ’a é t é , pour Îbuftraire leurs perfonnes à la
prife de leurs créanciers. C ’eft lui-même qui nous fo u r n it, à
cet égard , les preuves les moins équivoques. Je vous donne
avis , dit-il dans fa lettre du 16 juin 1785 , qu’il y a beau
coup de ceux à qui vous deve^ , qui ont obtenu fentences par
corps , contre tous deux. En confequence de c e , prenez-vous
garde , & retirez-vous dans les pays où Von ne pourra pas
vous faire prendre. I l y , en a un . de P eyrujfe , qui vous f u i t ,
& il vous fe r a t emprifonner, s’il vous trouve. Il ne ceife de
répéter cette idée danstIe corps de la le ttre , & elle devient
encore le fujet de fa conclüfion. A in f i, la préfente reçue ,
ne. fa ite s fa u te , d it-il, de vous mettre , 6» entrer dans un.
pays franc ,fa n s quoi vous fere^ faifts-ù emprifonne's^ L e fieur
Bonnet ne peut quitter la plume f fans^ dire encore(aux Sou
l i e r , prene7C vous bien garde de ne pas^ vous\laijJerJaifir, on
�22
travaille pour cela , attendu que
l ’on a f u votre' roiite. Ô il
ne craint pas de Je dire , le fieur Bonnet avoit plus en
horreur le retour des Soulier j q u e csux-ci ne le défiroient.
Q u e lle pouvoit être la raifon d ’une conduite auffi étrange ,
fi ce n ’eft l’intention où il étô'it de faire perdre aux Soulier
l ’efpoir de revoir jamais leur pays , & db confolider par-là
l ’abandon qu’il s’étoit fait faire de toute leur fortune ?
E t comment ne pas fe fortifier dans cette idée , à la vue
de la lettre écrite par le (leur Bonnet , le «4 juillet 1 7 8 6 ,
contenant demande des foufcriptions & fignatures de S o u lie r,
fils , fur les deux feuilles de papier , au timbre d’A u v e r g n e ,
qu’il a voit eu Inattention de lui envoyer ? L ’ ufage que le
fieur Bonnet v o u lo it en faire , avoit deux objets. O n lui
avoit contefté la qualité de créancier , au moins de Jean Sou
lier s fils, & il avoit fans doute en vue de faire reconnoître
par ce d ern ier, qu’il étoit perfonnëllement débiteur. Les D e
mandeurs avoient énfuite foutenu , & avec raifon , que, dans
tous les c a s , les ades auxquels le fieur Bonnet avoit fait
confentir les Soulier , 1 e 24 avril 1785, étoientnuls, parce que,
dès cet inftant, ces particuliers s’étoient abfentés , & avoient
été en faillite o u v e r t e , & le fieur Bonnet cro yo it détruire
ce moyen , en fe procurant les fignàtures de Soulier , fils.
I l faut préfumer qu’il vouloit écrire au-defïus , ou un bilan ,
ou une requête en ceilïon ou refpi ; il auroit foutenu que
la faillite n avoit com m encé qu à la date qu’il auroit donnd
à ce bilan , ou à cette requête., & encore au moyen des
fignatures , mifes fur du papier du pays , il auroit pu dir.e
que les Soulier étoïènt !fùr les lieux , q u o iq u e , dans le fa itj
ils s’en fuiTent abfentés depuis long-tem ps.
�23
Eft-ce là la conduite d’un créancier qui ne veut que
prendre de fages précautions , pour conferver une créance
légitim e? E t , au contraire, ne voit-on pas un hom m e qui,
ouvrant fon cœur à la plus fordide ambition j affe£te de ten
dre une main fecourable à un d éb iteu r, pour hâter fa chute »
& enlever à fes créanciers les débris de fa fortune , pour
en profiter lui-même ?
M a is , à quoi bon recourir à tant de preuves, pour dé
montrer que la conduite du iïeur Bonnet eft répréhenfible ?
I l T a lui-même jugée telle , en recom m andant, avec tanp de
foin , le fecret fur toutes, fes manoeuvres. Vous m e,renver-,
re^ , difoit-il dans la lettre du 14. juillet 1786 , aujfila prefente lettre, parce que j e ne veu x pas que cette lettre f i v o ie,
A T T E N D U QUE J E V E U X F A I R E C E L A D E C A C H E T T E .. .
j e ’le figue pas la pré fente , erainte q u e lle tombe en -mauvaifes ‘ mains. V ous deve\ connoître mon é c r i t u r e .... ^ ren Voye^-moi la pré fente lettre que je vous écris, fa n s quoi j e /zç,
fer a i rien. Si la condijite du fieur Bonnet eût été hon nête,
auroit-il manifefté un defir aufli ardent du fecret ? Il n’ y a que (
le crime qui fuit la -lumière.
_ D e ce que le fieur Bonnet eft non feulement le fauteur,
mais encore l ’auteur de la banqueroute des Soulier , il en
réfulte deux conféquences , l’une qu’il a encouru les peines
les plus graves. L ’article X I I I du tit. X I de l’Ordonnance
de 167? , veut que ceux qui feront convaincus d avoir aidé,
ou favôrifé une banqueroute frauduleufe , foient condamnés
en t$ o o liv. d'amende, & au double de ce qu ils auront diyer-,
ù , pu trop demandé y au profit des çréanciers. La D éclara
tion du 11 Janvier 1 7 1 5 , eft allée plus loin. E lle prononce
�2 4
contr’eux la peine des G alères à perpétuité , ou à temps j
fuivant l’exigence,des cas, outre les peines pécuniaires contenues
en l’Ordonnance. Mais les Demandeurs bifferont cette difcuf-«
{ion à la fagefle de M eilleurs les Gens du R o i , dont le zèle
leur fera fans doute réclamer la communication d’une affaire
de cette nature. L ’autre conféquence , qui eft la feule dont
les Demandeurs doivent s’o c c u p e r , c’eft l ’obligation , de la
part du fieur B o n n e t , d’acquitter leurs créances. O r , cette
co n féq u en ce eft inconteftable. •
* E n e f f e t , il ne s'agit pas ici d’une fimple amende', &ïdu
paiement du double des objets divertis ; on ne peut pas les
déterminer. Le' fieur Bonnet s’eft emparé de toute la fortune
des S oulier ; il a pris leur livre journal , fans en faire dreffèr procès-verbal.- O n ne peutfavoir quelles font les fommes
dont i l V e f t fait 'payer. I l vrapporte ce livre journal dans le .
plus' mauvais état ; éritre les feuillets qui font encore exi£
ta n t s , on diftingu« les reftes< de quarante-trois, qui ont é té
déchirés 6c enlevés , on ignore s'ils ont été cottés. L es autres
l ’o n t été , 6c de ceux-là encore il en manque environ h u it,
6c certains autres font détachés 6c volants.Et il eft efïentiel
d e ‘ remarquer que c’eft entre les feuillets actuellement exiftants ôc écrits , que l’on apperçoit qu’il y en a eu de déchi
rés , 6c qui manquent. L é fieur Bonnet a donc tout-à-la-foiscommis des fouftra&ions fur la fortune mobiliaire des Sou
lie r , 6c il a pris des mefures pour empêcher de les connoître*
6 c de les apprécier. C om m ent d o n c , dans une pareille poiition , pourroit-il fe difpenfer de payer les créances des D e
mandeurs ? Peut-il
a fait ?
autrement réparer le
to rt qù’il leur
*
Au
�A u furplus , quând on fuppoferoit , pour un m o p ie n t,
que le fieur Bonnet ne dût pas être regardé comme le fau
t e u r , ou, pour mieux dire , l’auteur de ia banqueroute des
Soulier , & que par conféquent il ne dût pas payer les
créances des Demandeurs | au moins, eft-il certain qu'il ne
pourroit pas réclamer l’exécution de la vente d’immeubles
qu’il s’eft faite co n fen tir, le 24 avril 17.8e?, & qu’il devroic
rapporter les fommes qu’il a touchées des débiteurs des Sou
li e r , en vertu de l’autre a S e du même jour , pour être par
tagées avec les Demandeurs , au marc la livre de leurs
créances.
' E n effe t, la Déclaration, du 1,8 novembre 1 7 0 2 , veut que
toutes cédions & tranfporti fur les biens des marchands qui
font faillite', foient nuls & de nulle v a le u r , s’ils ne font
faits dix jours au moins avant la faillite publiquement co n
nue ; comme auffi que les a£tes & obligations qu’ils paiferont .devant N otaire , au profit de [quelques -uns de leurs
créanciers , ou pour .contra&er de nouvelles dettes,, enfemb le les fentences qui feront rendues contre eux , n’acquiérent aucune hypothèque ni préférence fur les créanciers
c hi ro gr a ph a ire s , fi lefdits aftes & obligations ne font pafles,
& fi lefdites fentences ne font rendues pareillement d ix
jç u r s au moins avant la faillite publiquement connue.
E t que le fieur Bonnet ne dife pas que le droit qu’il a
eu de toucher les créances dues à fes prétendus débiteurs,
ne dérivoit pas de la çeiTion du 24. avril 17 8 6 ; qu’il lui
étoit acquis par les failles & arrêts qu’il avoit faits faire an
térieurement , & dont quelques-unes remontent a douze ou
quinze jours avant l’a d e , tandis que les autres ne font pas
antérieures de dix jo urs, ou font poftérieures.
D
�z6
L e L egiilateur n’a pas dit abfolument que l ’on dût regar
der comme exempts de fraude les a£tes paifés avec un dé
biteur , par cela feul qu’ils l ’auroient été dix jours ou plus,
avant l’ouverture de la faillite; il a feulement préfumé, d’a
près l’intervalle de dix jo u rs , que celui qui contractaitécoit
en bonne f o i , ôc qu’il ignoroit le dérangement des affaires
du débiteur ; mais il n’a entendu ni pu entendre, que quand
même l'acte, ou les pourfuites judiciaires remonteroient à
plus de dix jours avant l ’ouverture de la faillite , il fut
valable , s’il écoit d’ailleurs prouvé que cet a£te ou fes pourfuites croient le fruit de la mauvaife foi ; les cas de fraude
font toujours exceptés de la l o i , & ici la fr a u d e , d e là
part du fieur B o n n e t ,
o u , ce qui
eft de m ê m e , la con-
noiiTance q u ’il avoit des affaires des S o u lie r , bien plus de
dix jours avant la publicité de leur ban qu eroute, & là
collufiqn qui a régné enfuite en tr’eux & l u i , ne peuvent
plus- être révoquées en d o u te ; a u f li , faut-il remarquer ces
termes de la l o i , d ix jo u rs au moins ; ils prouvent qu’elle
n’a pas entendu fauver de la profcription tous actes ou
toutes pourfuites, bien qu’ils remontaffent à plus de dix
jours avant l ’ouverture de la faillite; il a été dans l ’efpric
de la l o i , comm e dans la raifon, que toutes ces précautions
de viendroient v a in es, s’il s’élevoit des circonftances fuffi-,
fa n t e s , pour être convaincu que la fraude y a p ré fid é , ÔC
qu’un créancier a abufé de la connoiiTance qu’il avoit de
la fituation des affaires du débiteur , au préjudice des au
tres créanciers qui Tignoroient.
Mais cette dernière réflexion n’eft faite que fubfidiairem e n t, & pour ne rien négliger dans la défenfedes deman-
�27
d eurs ; on fe flatte d’avoir établi que la conduite que le
fieur Bonnet a t e n u e , lui impofe la néceffité de payer leurs
créances ; c ’eft la moindre peine qu’elle doive lui attirer ;
il a lieu de craindre un jugement encore plus f é v è r e , qui
ferve à contenir ceux qui pourroient oublier que fi une
fortune acquife par un travail pénible & honnête , doit être
plutôt honorée qu’e n vié e, celle qui n’eft que le fruit de
la cupidité devient tôt ou tard un fujet de h o n te , quelques
précautions même qu’on prenne pour agir en cachette.
Monfieur F A I D
I T , Rapporteur.
M e. G R E N I E R ,
A v ocat.
G r a n e t , Procureur.
de l’imprimerie
M artin D É G O U T T E
Im p rim e u r-L ib ra ire , près la Fontaine des L ig n es, 1789
A R IO M ,
�
Dublin Core
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Factums Baron Grenier
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boyer, Antoine. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Faidit
Grenier
Granet
Subject
The topic of the resource
banqueroute
opinion publique
créances
prison
marchands de bestiaux
livres-journaux
juridiction consulaire
Description
An account of the resource
Mémoire pour Antoine Boyer, Jean Chabrol, Jean Soulier, Etienne Varenne, Jean Maigne, Jean de Lendy et Antoine Reynaud, tous marchands, habitants des paroisses de Veze, Dienne et Alanche, demandeurs. Contre sieur Jean Bonnet, seigneur de Charmensat, habitant de la ville d'Alanche, défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1785-1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
BCU_Factums_B0132
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Véze (15256)
Dienne (15061)
Allanche (15001)
Charmensac (15043)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
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banqueroute
Créances
juridiction consulaire
livres-journaux
marchands de bestiaux
opinion publique
prison
-
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c5cd4171898e0ebb5751ccaa1b3d6c7b
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Text
MÉMOIRE
POUR
A
ntoine
BOYER , Je a n C H A B R O L,
J e a n S O U L IE R , E
tienne
VAR EN N E, Je a n
M A I G N E , J e a n de L E N D Y & A n t o i n e
R E Y N A U D , tous Marchands , Habitants des
Paroiffes de V e z e , Dienne & Alanche , deman
deurs.
C O N T R E
,
de C ha rm en fa t H abitant de la
défendeur
.
, Seigneur
V i l le d 'A la n c h e ,
Sieur J e a n B O N N E T
E fieur Bonnet effaie envain de juftifïer une action
Vraiment révoltante, & contre laquelle les loix pronon
cent les peines les plus g rav es. Il a déjà jugé lui mê me
Q u 'e lle étoit honteufej il a cru en conféquence la voiler
A
�ïifi
t
*
t
<ies ombres du m yftère, 6c ii ne s’en feroît peut-être pâg
rendu coupable, s’il en eût pu prévoir les fuites. Il t
imaginé un trafic inoui jufqu’à préfent. Après avoir mis,
par des voies infidieufes, François & Jean Soulier dans
la néceifité de faire banqueroute, il s’eft emparé de toute
leur fortune , il la g a rd e , & il refufe encore de paye*
les demandeurs qui font créanciers de ces particuliers: on
ne fait ce qui doit donner une idée plus défavantageufe
des fentiments du fieur Bonnet , ou de l’a&ion qu’il a
com m ife, ou du mépris qu’il fait de l’opinion publique ,
en laiiTant donner à cette affaire l ’éclat de l ’inftru&ion.
F A I T S ,
A u mois de décembre 178 <; , François Soulier , m?rchand
de beftiaux, demeurant au lieu de Recoules , paroiffe de
Jourifac, fut enfermé dans les prifons de la ville d’Alanc h e , à la requête du nommé Jean Jean, marchand de la
paroifle de Ségur.
L e fieur Bonnet vint offrir fes fervices à François Sou
lier dans les prifons où il étoit détenu. Il lui promit de
payer la créance pour laquelle il étoit em prifonné, qui
ünontoit feulement à la fomme de cent livres; il la paya
en effet pour l u i , o u , c e qui eft de mêm e, il en fit fa promeife au créancier. Mais en même-temps le fieur Bonnet
défira connoître le livre journal de François Soulier. C ’eil
fur ce livre qu’étoient infcrites les ventes que lui ou Jean
S o u lie r, fon fils, avoient faites depuis p eu , d’une quantité
confidérable de beftiaux dans les Provinces de, BrefTe 6c,
de B u g e y , & fur lefquelles il leur étoit dû près de vingt-*,
quatre mille livres.
�- François Soulier 5 prenant ccttê confiance que le
malheur & la folitude infpirent ordinairement, féduit par le /
ton affe&ueux du fieur B o n n e t, & croyant trouver en lui
un libérateur, envoya un exprès chez lui pour fe procurer
ion livre journal. C e fut Jean Soulier , fon fils, qui l’ap
porta.
Il y eut quelqu’intervalle entre la demande que François
Soulier fît faire du livre journal & la remife. L e fieur
Bonnet ne demeura pas pendant tout ce temps dans les
priions d’A la n c h e, & à la compagnie de François Soulier ,
il s’étoit retiré dans fa maifon : lorfqu’il fut que François
Soulier étoit muni de fon livre jo u rnal, il ie rendit une
fécondé fois dans les prifons , & il prit ce jo u r n a l, tou
jours à titre de communication.
Pour connoître l’importance de cette communication, il
faut prendre une idée du livre journal. C ’eft le fieur Bonnet
lui-même qui nous Ta donnée dans fes écritures. Sur cha
que feuillet on avoit inferit les ventes de beftiaux , & ceux
à qui ces ventes avoient été faites, avoient figné au bas
de la mention de chacune, de manière à fe reconnoître
débiteurs du montant. Il n’y avoit qu'un feul article de
vente fur chaque feuillet; cela fe praciquoit ainfi, fo ie ,
parce qu'à mefure des paiements on fupprimoit le feuillet
fo u fe rit, qui y étoit rélatif, foit parce qu’on écrivoit au
bas de la mention mife fur chaque feuillet, les paiements
qui étoient faits à compte par les débiteurs ; enforte que
ce livre journal étoit comme un porte-feuille , conrenanc
toute la fortune mobiliaire des Soulier. Il paroît cependant,
toujours d'après le récit du fieur B onn et, qu’il y avoit
quelques articles de ventes qui n’étoient pa»* revôtui delà*
A 2
�4
fignature des débiteurs. Mais toujours eft-il vrai f comme
on a déjà dit j que leurs fouferiptions étoient au bas de
majeure partie.
‘
Quelque temps après que le fieur Bonnet fe fut fajfi de
ce livre journal, les Soulier lui,en demandèrent la remifé^
iis en avoient befoin pour aller dans les Provinces dè Breffe
& de Bugey , où ils devoient faire les recouvrements d e i
leurs créances, à l’effet de payer ce qu’ils d e v o ie n t,
fur-toutpour fe libérer envers les particuliers qui leur avoienp,
vendu des beftiaux en 1 7 8 ;. L e fieur Bonnet manifeila
l ’impoflibilité où il étoit de remettre le dépôt qui lui avoit:
été confié; on fut même qu’il s’étoit tranfporté dans les,
Provinces de Brefie & de Bugey , o ù , en vertu du livre
journal des S o u lie r, il'a v o it fait faifir & arrêter tout c e.
qui leur étoit d û , ou s’en étoit fait payer.
François & Jean Sou lier, indignés de cet abus de co‘n-.
fiance de la part du, fieur B o n n e t , fe tranfporterent en cette f
V i l l e , ils préfenterent une requête de plainte contre lè
fieur B onnet, à raifon des faits dont on vient de rendre,
compte. E lle fut répondue d'une O rdonn ance, portant
permiffion de faire informer pardevant le plus prochain
Juge des lieux du reffort.
Il eft eiTentiel de remarquer q u e , dans cette requête de
plainte, les Soulier convenoient qu’ils .devoient au fieur
Bonnet la fomme de mille livres , en vertu d’une obligation
faite à fon profitpar François Soulier , l’un d'eux, en 178 j ,
mais en même-temps ils obfervoient que le fieur Bonnet
avoit reçu différents acomptes qui montoient à la fomme.
de fept cents quarante-quatre livres ;enforte qu’il n’étoit refté.
dû que deuxeents cinquantc-fix livresi les Soulier ajoutoient
�encore dans cette même requête qu'ils feraient en état de
fa ire la preuve de tous ces paiements , f i le fieur Bonnet
o fo it en difconvenïr*
,
t e fieur B on net, inftruit db parti’ que les Soulier avoient
p ris, mit tout en œuvre pour en arrêter les fuites. Il fit
poft'er plufieurs perfônnes affi’dées fur les avenues, ou les
Soulier devoient pafler , en fé rendant de cette V i l l e , d’eii
ils portoient l’ Ordonnance qu’ils entendoie?t mettre à exé
cution furies lieux. La rencontre fe f i t , ôclies Soulier, en
gagés par les. infinuations des prépofés du fieur B o n n e t, fe
rendirent chez l u i ; il s'emprefla de les faire boire, & à la
fuite d’un long repas, il fit venir dans, fa maifoh le fieur
M aigne, notaire à Alanche , après lavo ir envoyé chercher
à plufieurs reprifes, pour pafler avec les Soulier deux
a£tes qui achevoient d ’aiTurer toute leur fortune au fieur
Bonnet.
Ces deux a£les furent faits le même jour 34. avril 178 6 1
& ne doivent être confidérés que comme un feul. Dans
un, François Soulier, père, figura feul ; dans l’autre, il ftipula conjointement avec Jean S ou lier,fon fils. Par l’a&e
où Françpis Soulier eft feuP, on lui fit vendre au fieur
Bonnet tous les biens qui lui étoient échus par les fucceffions d'Antoine Soulier , & de Marie C yr, fes pèrè & m è r e ,
dans lefquelles il amandoit un tie rs, 6c de plus trois prés
appartenants en particulier à François So u lier; le prix de
la vente fut de la fomme de trois mille livres ; favoir, pour
les trois prés quatre cents livres, & pour les biens hérédi
taires, deux mille fix cents livres. I I.fu t dit dans cet a£te
que le fieur Bonnet fe retenoit cette fomme de trois mille
liv res , en diminution de ce que François Soulier lui de-
1
�'6
v o i t , en vertu des titres de créances q u il avait pardevers luiJ:
si imputer d'abord fur les intérêts ôc Frais»
Par l’autre a û e , il fit dire par François & Jean Soulier
qu’ils étoient débiteurs du fieur Bonnet de différentes fom
mes , que , pour parvenir au paiement de Tes créances , il
avoit fait faifir ôc arrêter ce qui étoit dû aux Soulier par
plufieurs marchands des Provinces de BreiTe ôc Bugey , où
le fieur Bonnet étoit lui-niéme allé ; qu’il étoit fur le point
de faire dénoncer ces faifies & arrêts aux Soulier pour en
obtenir la confirmation ; que toutes ces procédures entraîneroient de grands frais j & q u e , comme ils vouloient les.
éviter, ils approuvoient toutes les faifies qui avoient été
faites par le fieur Bonnet entre les mains de leurs débiteurs,
ôcafin d’en retirer le paiement, les Soulier firent & conftituerent , pour leur Procureur général ôc fp é cia l, le fieur
Bonnet , auquel ils donnèrent pouvoir d e , pour eux ôc-en
leurs n o m s ,fe tranfporter dans la Brefle 6c le B u g e y, pour
faire le recouvrement des fommes qui leur étoient dues ;
ils lautoriferent à en donner quittance aux redevables, 6c
en cas de refus de paiement, à les a£tionner , 6c à conftituer Procureur à cet effet , & même tranfiger. Il fut dit
qu’en conféquence les Soulier promettaient de remettre au
fieur Bonnet leur livre journal, 6c que le fieur Bonnet retiendroit entre fes mains toutes les fommes qu’il toucheroit jufques & à concurrence de ce que les Soulier lui dev o ie n t , toujours à imputer en premier lieu fur les intérêts
& frais, ôc enfuite fur le principal.
Il fut fiipulé q u e, lors de la délivrance du livre journal,
il Jeroit CQtté de Soulier, f i l s , & de 'lui figue à la fin , pour-,
cohfiaier îc nombre des' pages qu'il contiendrait. Enfin il fut ”
�7
5/
ajouté à la ün de l 'a f i e , fans cependant par le fieur Bonnet fe prèjudicler à ce qui lui ejl du par la fuccejjion
de Gabriel 6* Pierre Bagués du Crou\et. O ïl aura occafion
d ’argumenter dans la fuite de cette dernière énonciation.
I l y a une circonftance qu’il ne faut point perdre de v u e ,
& qui confirme ce qu'on a dit rélativêmentauxinfimmions
pratiquées pour parvenir à ces deux a&es ; c ’eft qu’ il eft
dit dans l’un ôc l’autre, qu ils ont été fa its & paffés à Alanchet
maifon du fieur Bonnet.
D ès le jour môme où ces deux a£tesfurent paiTés, Fran
çois 6c Jean Soulier s’abfenterent, leurs paiements & leur
commerce ceflerent, le fieur Bonnet eft demeuré nanti de
leur fortune , & les demandeurs, créanciers des Sou lier,
n'ont point été payés : on comprend aifément que les Sou
lier ont dès cet inftant été regardés publiquement comme
en faillite ouverte. Leur conduite en avoit tous les carac-'
tères.
■
;
■■■■•!
• Les demàndenrs eurent lieu de penfer que la juftice obligeroit le fieur Bonnet à payer les créances dues par les
Soulier, dès qu'il s’étoit emparé auflî finguliérement des
objets qui en étoieht le gage. En conféquerice , ils le firent
aïïignbr en Ia‘ jurifdi&ion Confulaire de Brioude, par ex
ploit du 22 juin 1 7 8 5 , pour y être condamné à le u r p a y è r
les créances qui leur étoient dues par François & Jean Sou
lier , defqiielles ils firent le détail, & qui fe montoient à
la iomme de trois mille fept cents quarante-neuf livres. Cette
fûmme prôvenôi’r d e ventés det beftiaux par eux faites aux
Soulier en foiré,- ch l ’année 178^. .Ils les avoierit reven
dus dani les pays de Brefle & de B ü gëy, .& le fieur Bonnet
enr avoit tdtfché le prix d'après les arrangements j auifi étranges
que commodes , qu’il avoit pris ayec eux. ‘
i
�N
i*>
8
f ;
-
-
Les Juges-Confuls de Brioude furent frappés des deux
a£tes du 24. avril 1786 > donc Je fieur Bonnet fit fans doute
la bafe de fa défenfe en plaidant, fi on ne le dit pas avec
c e r titu d e , c’eft qu’avant la plaidoierie il n’avoit,,pas fourni
de défenfes par écrit. Ces Juges ne purent pas être édifiés
de voir que le fieur Bonnet s’étoit mis en pofleflion du
livre journal des Soulier , qui contenoit toute leur fortune
mobiliaire, fans en avoir fait conflater le montant; qu’il s'étoit;
auffi emparé, de tout ce que-ces particuliers poiTédoient-en
immeijibies. Ils durent être étonnés de ce que le fieur Bonnet V écoit retenu le tout en paiement de prétendues créances,
dont or) ne voyoit dans les ades ni les titres, ni le détail,
ni le montant.
Affettés de toutes ces id ées, par une première Sentence
du 8 juillet 178^-, ils: remirent la caufe(à une audience d’a
près quinzaine, â laquelle les parties comparoîtroient en.
perfonnes, même l e s , Soulier : ils ordonnèrent que le fieur
Bonnet rappbrteroit fes prétendus titres de créances, fur-tout,
y eft-il d it, ayant affeclé dans les deux aâes différents
dont il s a g i t , ( du 24. avril 1786, ) deynen. potter aucun s
ni de faire aucun , arrêté . de com pteavec - les :Soulier. Cette
fentence porte que le fieur Bonnçt rapporterait, auffi le li-,
vre journal des Soulier, q u il ne pouvoit, dire n être.pas en
fo n pouvoir, enfemble les fai fies . qu’il avoit faites, ôc ce
qu’il pouvoic avoir.fait depuis, avec un ^tat .par lui certi
fié. vériçabled w . fo rm es. qt# Î .p^uVoit'1avpjr/'r/sçues de*
différents] débiteur^ des Soulier> ftu f
c on tred is <fe$!de
m a n d e u r « p o u r .çtre, fait droit ainfi.que ?.de pufon.
C e qui eft dit d^ns^cetie, fentence ,j relativement au livre
journal, que le
p 0^
djreA{\J,tr^ pas,
en
�M
9
en fon pouvoir, ânnonce que lors de la plaidoîerie de la
caufe , à la Jurifdiftion confulaire , il défavouoic qu’il en fut
dépofitaire. Mais les Juges penfoient avec raifon qu’il en
étoit faifi , & que c ’étoit un artifice groilier de fa p a rt,
d ’avoir fait inférer dans un des a£tes du 24. avril 1 7 8 5 , que
les Soulier promettoient de le lui remettre, dans la vue
d ’infinuer qu’il ne l ’avoit pas alors. En e f f e t , les Soulier
atteftoient dans leur requête de plainte, préfentée le 20 avril
1 7 8 5 , que le fieur Bonnet avoit pris en communication
le livre journal dès le mois de décembre 178J , qu’en abufant du d é p ô t, il étoit allé en BreiTe 6c dans le Bugey pour
faire faifir & arrêter tout ce qui étoit dû aux Soulier. Le
fieur Bonnet eft convenu de ce voyage , & des faiiies &
arrêts, dans ce même acte du 24 avril 1786 ; on feroit cu
rieux de favoir comment il auroit connu les débiteurs , &
comment il auroit fait ces pourfuites , s’il n’avoit pas été
muni du livre journal ; & fi de ce v o y a g e , & de ces pro
cédures, on eft fondé à conclure que le fieur B on n et, lors
de la requête de plainte, étoit faifi de ce livre journal,
comment pourra-t-on croire qu’il en ait fait la remife dans
l ’intervalle de la plainte à l’a£te, qui ne renferme que quatre
jours ? D ’ailleurs, pourquoi l’auroit-il remis, dès qu’aux
termes de Ta£te , la délivrance devoit lui en être faite auffitôt ? Il eft donc évident que, par un des a&es du 24. avril
1785 , le fieur Bonnet a eu l ’affeclation de faire ftipuler
qu’on lui remettroit le journal, quoiqu’il l’eût alors en fon
pouvoir , & qu'il en fut nanti depuis le mois de décembre
précédent.
Cette fentence des Juges-Confuls eft infiniment fage.
E lle annonçoit au fieur Bonnet que fa conduite étoit lou-
B
ï
�* '
MO
che. Elle lui apprenoit celle qu’il devoit tenir pour faire
cefler les équivoques dans lefquelles on le voyoit s’envelop
per : & elle lui faifoit appercevoir les peines qu’il eneour.roit, s’il fe trouvoit coupable des manœuvres dont on.étoit
d’abord forcé de le foupçonner. 'Le difpofitif de cette^fentence eft un premier .trait de lumière qu’on peut fuivre,avec
■confiance dans la déciiion du procès.
L e fieur Bonnet n’a ceiTé de l’éluder, bien loin d’y fatisfaire. Dans deux requêtes qu’il fit iignifieren la Jurifdi£tion
confulaire j Je i er. feptembre 1 7 8 5 , & le 6 janvier 1787 *
il chercha à juilifier la conduite qu'il avoit tenue jufqu’à
alors. Il prétendit qu’il étoit créancier des Soulier, & d’uu
nommé Gabriel Bagués , leur aiîocié, delà fomme de treize
mille cinq cents foixante-quatre livres dix fous , en vertu
de cinq fentences obtenues depuis 1780 , jufqu’en 1783 »
non feulement contre ces particuliers, mais encore contre
Jean Soulier, fils aîné de François, qui étoit alors décédé.
Q ue les deux â£tes du 24. avril 1785, ri’avoient été ¡faits
que pour lui procurer le paiement de ces créances. Q ue les
créances énoncées au livre journal> dont il s’avouoit dépo
rtai re ne montoient qu’à la fomme de cinq mille deux
cents quatre-vingt-quatre livres ; que fur cette fomme il avoit
touché , par lui ou par les perfonnes qui avoient été ¿hargéeç
d'en faire le recouvrement, la fomme de quatre mille deux
cents quatre-vingt-huit livres, jfur laquelle ilconvenoit encore
de déduire les frais des voyage! qu’il avoit faits, en Brefle
& dans le Bugey , ôc ce qu’il avoit payé.au Procureur chargé
de frire les pourfuites contre les débiteurs. Ilfoutint que les
Soulier n'étoient pas en 'faillite. Il ne pouvoit défavouer ce
pendant qu’ils ne fuifent abfents de.la P ro vin ce, môme lors
�11
d e 1la requête du \6 janvier 17S7 3 mais il âjoutoit que cela
n’étoit pas extraordinaire dans un pays où il eft commua
de voir les habitants s’expatrier & ne revenir que tous les
trois ou quatre ans* En un m o t , il fe préfenta comme un
créancier qui n’avoit fait que prendre des mefures prudentes
pour conferver fa créance.
- Les demandeurs ne furent pas effrayés de tous ces moyens.
Ils virent bien que les créances1accumulées dont le fieur
Bonnet faifoit le d étail, fans cependant juftifier des titres,
n’étoient qu’un vain épouvantail. Ces titres ne pouvoiènt re
paraître que par l'effet du concert de fraude qui étoit pra
tiqué entre lui & les Soulier. Comment fuppofer en effet
que fi, après les premières fentences obtenues contre eux
par le fieur B o n n e t, ils n’euffent point payé , le fieur
Bonnet eût néanmoins continué fes délivrances ? d’ailleurs
les créances du fieur Bonnet n’étoient pas dues en entier
par les Soulier feuls, elles l’étoient encore par les Bagués,
aflbciés des Souliers ; c ’étoit auili par cette raifon que
par un des a£tes du 24. avril 1 7 8 6 , le fieur Bonnet avoit
déclaré qu’il entendoit ne pas fe préjudicier à ce qui lui
étoit dû par la fuccejjîon de Gabriel & Pierre Bagués du
Crouv^et.
Enfin , Jean Soulier , fils , ne pouvoit être tenu perfonnellement des dettes c o n traires par la fociété avant qu’il
devînt un des aifociés ; par conféquent les dettes concra&ées
par Jean S o u lie r, fon frère a în é , contre lequel frappoient
certains titres du fieur B o n n e t , lui étoient étrangères.
Par rapport à la faillite, elle étoit certaine, & elle
avoit commencé au moins au 24 avril 1786, puifque dès
ce jour là les Soulier s’étoient abfentés y qu’ils avoienc
B*,
�1» y > °
1 *
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renoncé à leur fortune & à leur comrrierce, '& quJils n’avoient fait aucuns paiements. Les demandeurs ofFirirent la
preuve de tous ces faits.
Ils ajoutèrent que quand on ne devroit pas confidérer le
fieur Bonnet comme étant l'auteur ou le fauteur de la
banqueroute des S o u lie r, & que quand il auroit pu éluder
le paiement de leurs créances par la voie de l’a&ion perfon n elle,a u moins étoit-il certain qu’il ne pouvoit pas pro
fiter feul des deux actes du 24, avril 1785 , fuivant les difpofitions des loix faites fur la matière : ces a£tes ne pouvoient ni produire une hypothèque, ni tranfmettre aucune
propriété en faveur du fieur B o n n e t, dès qu’ils étoienc
paiTés non-feulement dans un temps rapproché de la b an -.
queroute, mais encore dans l’inftant môme où elle s’ouvroit.
Telles furent les réponfes folides des demandeurs aux
moyens du fieur Bonnet. Mais ce qui acheva de rendre ces
réponfes victorieufes, ce fut la production qu’ ils firent de
deux lettres écrites par le fieur Bonnet aux Soulier, l’une
en date du 16 juin 1786, avant l’aflignation des demandeurs;
l’autre en date du 14 juillet fuivant, pendant le cours de
l’initance. François Soulier ayant réfléchi fur la nature de
l’inftancequi fe pourfuivoit entre le fieur Bonnet & les deman
deurs , fur l'abîme dans lequel la cupidité du fieur Bonnet l’avoit
p lo n g é , vintdépofer ces lettres entre les mainsdu Procureur
qui occupoit pour les demandeurs en la Jurifdi&ion confulaire.
C e dépôt eft conflaté par un a£te pafTé pardevant Notaire , le
18 juin 1787. P a r c e môme acte, François Soulier a dé
voilé toutes les iniquités, à la faveur defquelles le fieur
Bonnet n’avoit pas crainc d'envahir fa fortune ôc celle de
�'¿ > ft
13
fon fils. Il y a ddclarê encore qu’il ne lui feroit pas rede
vable de plus de trois cents liv res, quoiqu 'il eût des titres
qui étabUffent une créance plus confidérable. Ces lettres
jouent un trop grand rôle dans cette affaire, pour qu’on
ne les tranfcrive pas. V oici celle du 16 juin 1 7 8 5 , qui eft
écrite aux Soulier, père & fils.
A la n ch e, 1 6 Juin iy 8 6 *.
» Je vous donne avis , Meffieurs Soulier , père & fils ,
» qu’il y a beaucoup de ceux à qui vous devez qui ont
» obtenu fentence par corps contre tous deux y en confér> quence de ce , prenez-vous garde 3 & retirez-vous dans
» les pays où l'on ne pourra pas vous faire prendre ; il y
» en a un de Peyrufle qui vous fuit, ££ il vous fera em» prifonner s’il vous trouve. Vous dites que vous ferez
» le 24. juin à N eu v ille ; prenez-vous g a r d e , & ne vous
» moncrez p a s, parce que le fieur Peuvergne eft ca» pable de vous trahir; ainii la prdfente re ç u e , ne fa ites
» faute de vous mettre & entrer dans un pays franc , fans
» quoi vous ferez faifis & empiifonnés : votre mère fe porte
» très-bien , & eft bien tranquille, ainfi que votre tante;
» on travaille le bien à l'ordinaire , & les Vaches fe remet•
» tront ; prenez-vous bien garde de ne pas vous laifler
» .faifir, on travaille pour cela, attendu que l'on a fu votre
» route ; mêliez-vous bien de Peuvergne, ne vous prdfentez
» pas à lui. Je fuis toujours votre très-humble ferviteur,
» (igné B o n n e t , fils. »
P. S. » Avec le temps on parviendrai avoir les lettres,
» ainfi patientez-vous ; mais ne vous montrez pas , car fi
j> vous vous mourrez dans les pays francs „ vous ôtes pris. »
. Il n'eft pas inutile encore de tranfcrire l’adreiTe. » A M .
�T4
» L a r d e t, marchand Ghaudromet', pour remettre à Jean
» Soulier, auflimarchand Chaudronierà B o u r g e n B r e s s e ,*
» ôc aufli pour le faire t e n i r , fi l’on p e u t , au fieur Soulier,
»- à N e v ille , le 24 juin 1786. »
L a lettre du 14 juillet 1786", adrefTée par le fieur Bon
n e t , à Jean So u lier, fils, feulem ent, eft écrite par. le fieur
B o n n e t, ainfi que la précédente; mais il ne Ta pas fignée,
& il a grand foin d’en donner les raifons, elle eft ainfi
conçue.
Alanche y le 14 Juillet iy%6.
» S o u lier, fils, je vous envoie ci-in clus, par le fieur
» Fontanier, deux feuillets de papier marqué de la marque
»• d’A uvergne, que vous lignerez au bas de chaque feuille,
» pour préfencer votre requête , & vous mettrez au bas
» de chaque feuille & d’un côté feulement, y approuve ce
»- que defjus , Soulier, ainfi que cela fera mis au bas de
» celle-ci ; vous ne parlerez de rien à perfonne ; vous me
» renverrez cela par Fontanier, ou par la pofte; vous me
» renverrez auffi la préfente lettre, parce que j e ne veu x
» pas que cette lettre f e v o ie , attendu que j e veux faire
cela de cachette; fi vous ne me renvoyez pas la préfente,
»• je vous aflure que je JaifTerai vos affaires fans; faire ;
» je ne figne pas la préfente, crainte q u elle tombe en mau•» vaifes mains : vous deve\ connaître mon écriture ¡par con» féquent vous fave^ à qui il fa u t adrefj'tr vos affaires. »
La première page de la lettre fe termine en cet endroit ;
& on voit au bas, au milieu de la page,, ces termes écrits
de la main du fieur B o n n e t, f approuve ce que deffus ,
S o u l i e r . C ’étoit le modèle de la foufcription que le fieur
Bonnet demandoit à Soulier} fils 3 qui devoit être mife au
�bas des deux feuilles de papier-timbré qu’il lui envoyoit;
& à la fécondé page de la lettre eft écrit ce qui fuit. » Si
» vous ne comprenez pas ce que je -vous marque, vous
» vous le ferez-expliquer à quelqu’un de connoiflance de
» ce pays là-bas; vous fignerez à chaque feuille, & d’un
» côté feulem ent, & vous commencerez à l ’endroit où il y
» a un petit trait de plum e, c ’ell-à-dire, qu’il ne faut que
» quatre fignatures. Prenez-y bien garde, & renvoyez-moi
» la préjente lettre que je vous écris, fans quoi je ne ferai
•» rien. »
L ’Adreffe de cette lettre eft la même que la première ,
'& le fieur Bonnet défiroit fi ardemment de recevoir ce qu’il
demandoit, qu’il inféra fon adrefle dans ces lettres.
A ces deux lettres François Soulier joignit les deux feuil
les de papier au timbre d’Auvergne, qui avoient été envoyées
par le fieur Bonnet ; on voit à la première page de chaque
feuille , le trait de plume fait par .le fieur B o n n e t, où
devoient commencer les approbations quJil défiroit de la
part de Soulier, fils.
L ’affaire en cet état préfenta la queftion de favoir s’il
y avoit ou non faillite -ouverte de la part des S o u lie r, il
le fieur Bonnet en étoit l’auteur ou le fauteur; fi les attes
dont il étoit muni, étoient-frauduleux ou non : dès lors les
Juges-Confuls, fuivant les règlements, n’étoient plus com
pétents ; aufli par une fentence du 27 feptembre 178 7 , ils
délaiiTerent la caufe & les parties pardevant les Juges qui
en devoient connoître , tous dépens refervés, fur les
quels le Juge du renvoi ilatueroit.
En exécution de cette fentence, le fieur Bonnet a été
traduit en ce S ièg e , & l ’affaire y a été retenue.
1
�Il feroit inutile de faire des efforts pour établir que les
Soulier ont été en faillite ouverte, au moins dès le 24
avril 1 7 8 5 , époque des a&es pafiés entr’eux & le fieur
Bonnet ; l’évidence de cette propoiition eft frappante ; dès
cet inftant les Soulier fe font abfentés, ils ont abandonné
tout-à-la-fois leur fortune ôc leur com m erce, ils ont cefTé
leurs paiements ; chacune de ces circonftances, fuivant les
loix , caraâérife la faillite ou banqueroute. L ’article i er.
du titre X I de l’Ordonnance de 1673 , porte que » la
» faillite ou banqueroute fera réputée ouverte du jour
» que le débiteur fe fera retiré, ou que le fcellé aura été
» appofé fur fes biens. » M . JoufTe , fur cet article n°. 4 ,
dit que » la faillite ou banqueroute eft auiïi réputée ouverte
» du jour que le débiteur eft devenu infolvable , & a ceffé
» entièrement de payer fes créanciers, ou qu’il a détourné
» & changé fes effets de n a tu re ,& c . » La même jurifprudence eft atteftée par D én ifa rt, au mot banqueroute ; nos.
14 , 1 j , \6 & 17.
Il y a plus j les Soulier ne font pas Amplement tombés
en faillite , mais encore ils ont fait une banqueroute frauduleufe. » Déclarons ( eft-il dit , dans l’article X du titre
» X I de l’Ordonnance de 1673 ) , banqueroutiers fraudu» leux , ceux qui auront divertis leurs effets, fuppofé des
» créanciers , ou déclaré plus qu’il n’étoit dû aux véritables
» créanciers. » Dans la jurifprudence il y a encore d’au
tres cara&ères auxquels on juge une banqueroute frauduleufe ;
auifi M. JoufTe , fur l’article X I , n°. 4 , dit que » les ban» queroutiers frauduleux font ceux qui détournent ou
enlèvent
�17
» enlèvent leurs effets, ou les mettent à couvert fous des noms
» interpofés par de fauffes ven tes, ou par des cédions ou
» tranfports fim ulés, ceux qui emportent ou cachent leurs
» regiflres & papiers, pour ôter à leurs créanciers la con» noiflTance de leurs effets, & de l’état de leurs affaires. »
C e même auteur , fur l’article i cr. du même titre , n°. 4 ,
explique en détail les renfeignements qu'un débiteur en
faillite doit s’empreffer de donner à fes créanciers „ les pré
cautions qu’il doit prendre pour la fureté de fes effets ; tout
cela réfulte de la difpofition môme de l’article X I , qui veut
q u e , » les Négociants & les Marchands, tant en gros
» qu’en détail, & les Banquiers qui, lors de leur faillite , ne
» repréfenteront pas leurs régiftres & journaux, lignés &
» paraphés, pou rront être réputés banqueroutiersfrauduleux, n
O r , en appliquant toutes ces autorités aux faits dont on a
déjà rendu compte, on fera aifément convaincu qu’il s’en
faut bien que les Soulier doivent être placés dans la claffe
des débiteurs qui ne font que malheureux.
L a principale tache qu’aient donc à remplir les D em an
deurs , eft de prouver que le fieur Bonnet a été non feu
lem en t fauteur de cette banqueroute frauduleufe, qui a fait
évanouir en un inftant le gage de leurs créances
mais
qu’encore il en a été l’auteur. S ’ils établiffent une fois ce
point de f a i t , il ne faudra pas une forte logique , pour prou
ver que l’obligation, de la part du fieur Bonnet , de payer
les créances des Dem andeurs, doit être la moindre puni
tion d'une conduite auiïï extraordinaire.
•• >L ’article X I I I du même tit. X I de l’Ordonnance de 1673 ,
‘détermine les cas dans lefquels on fera réputé avoir aidé ou
G
$ \V h
�\ •: v
18
favorifé une banqueroute frauduleufe,- il les fixe à quatre, favoir ;
■
» iî Ton a diverti les effets du débiteur, fi l’on a accepté
» des tran/poris, ventes ou donations fimulées, ôc qu’on favoit
» être en fraude des créanciers ; fi l’on s’eft déclaré créancier»
» ne Tétant p a s , ou fi l’on s’eft porté créancier pour plus
» grande fomme que celle qui eft due »
Cette loi ne parle pas d’un autre cas dans lequel on mé
rite encore plus certainement le titre de fauteur de ban
queroute : le Légiflateur ne peut l ’avoir omis , que parce
que l’évidence fuppléeoit à fa décifion. C e cas eft celui où
un particulier a favorifé l ’évafion du débiteur ^ & l’a fouftrait à la prife des créanciers. AuiTi le Com mentateur, dont
on a déjà eu occafion d’invoquer plufieurs fois le fuffrage,
n’a pas manqué d’en faire l’obfervation , fur cet article X I I I ,
n°. j ; » outre les quatre cas , d it - il, de complicité préfumée en cet article , en matière de banqueroute, on peut
» encore regarder comme complices de banqueroutes frau»iduleufes, ceux.qui favorifent l’évafion des Banqueroutiers,
•» ou qui empêchent qu’ils ne foient arrêtés. Par l’Arrêt du
» 26 Janvier 1702 (cité fur l ’article p récéd ent, N °. 3»)
v le nommé Chérubin qui avoic facilité Tévafion d e F a b r e ,
p qu’il favoit être criminel, fut condamné au banniflfêment. »
Faiions actuellement l ’application de ces A u to rité s, &
voyons s’il eft pofiible au lieur Bonnet d’échapper au re
proche que lui font les Demandeurs * d’avoir favorifé la ban
queroute frauduleufe des Soulier.
E11 premier lieu , il a fait plus que de divertir les efFet$
de ces particuliers . L O rdonnan ce, fous ces m o t s , en divertijfant les effets ; a p u entendre un fimple récélé , pour
�*??57
les conferver au débiteur , au préjudice de Tes créanciers ;
mais le fieur Bonnet ne s’en eft pas tenu là. Il a fait paflfer
en fon p ou vo ir, fans compte ni mefure , toute la fortune
des Soulier ; & les aftes qu’il a paiTés, annoncent qu’ il entendoit s’en rendre propriétaire. Il parvient d’abord à fe ren
dre dépofitaire du livre journal des Soulier , objet fi pré
cieux dans leur fortune , en leur promettant un fecours que
dans la fuite il leur a fait payer bien cher. Les Soulier ont
foutenu ce fait dans leur requête de plainte, & ce qui en
démontre la vérité , ce font les différentes faifies & arrêts
que le fieur Bonnet avoit fait faire , avant les deux nttes ,
du 24 avril 1 7 8 6 , entre les mains des débiteurs des S o u
l ie r , qui demeuroient dans les Provinces de Brefie & de
Bugey. Il auroit été impoflible quJil eût fait faire ces fai
fies , au nombre de plus de v i n g t , s’il n’avoit pas eu en
fon pouvoir le livre journal. Les Soulier s’élèvent contre
fon entrepriie , il trouve le moyen d’étouffer leur récla
mation ; le titre de fimple dépofitaire de la fortune mobiliaire des Soulier , qu’il sJétoit procuré malgré eux , il le
convertit en celui de propriétaire, & il obtient encore un
abandon de leurs immeubles.
E n fécond lieu , quand il auroit été réellement créancier
des S o u lie r, il eft bien évident que cette circonftance n’excuferoit pas fa conduite , & il ne feroit pas pour cela à
l ’abri de Ta&ion des Demandeurs. Mais il eft cependant vrai
que fi jamais il a été créancier des Soulier , il a exagéré ce
qui pouvoit lui être d û , & qu’au moins aujourd’hu il ne
peut pas prendre cette qualité.
10. Parce qu’il eft invraifemblable qu’il ait laiifé accumu
ler tant de créances fur fes prétendus débiteurs.
�20
. 2*. Parce que ia collufion manifeile qui a régné entre
lui & les Soulier j ne permet plus de coniidérer comme fincères Tes prétendues créances. II lui efl: bien plus aifé d’en
faire paroître les titres, qu’il ne l’eil aux Demandeurs de
juflifier des quittances quJil en avoit vraifemblablement don
nées aux débiteurs. Ceux-ci fe font livrés à lui avec la plus
imprudente confiance. Ils Tont rendu le maître de leur for
tune & de leur fort. Peut-on fe refufer à cette idée , en
lifant ces deux lettres , qui, d’après le fieur Bonnet lui-m êm e,
n’auroient jamais vu le j o u r , s’il eut prévu qu’on les lui eût
oppofées, & fur-tout en juftice ? Elles apprennent que le fieur
Bonnet étoit dans tous les fecrets des Soulier ; il favoit où
ils avoient dû fe rendre, après leur évafion , où ils devoient
aller enfuite ; ce qui fe paifoit dans leur famille , l'état de
leurs biens, la deftination d’une partie de leur m obilier, de£>
tination que lui feul pourroit encore nous expliquer. Votre
mère , dit-il , dans la lettre du 16 juin 1 7 8 6 , fe porte trèsbien , & eji bien tranquille , ainfi que votre tante. On tra
vaille le bien à l'ordinaire, & les vaches fe remettront.
3o- C e qui fait élever le plus violent foupçon contre les
prétendues créances du fieur Bonnet , c’eft la triple affec
tation, & de n’en faire le détail par aucun a£te, pas même
par ceux du 24 avril 1785 , & de confondre ce qui étoic
dû par François Soulier, avec ce qui pouvoit l ’être par Jean
S o u lier, fon fils , & de ne pas apprendre ce qui étoit à la
charge des B agués, aifociés des Souiier j & ce qu’ils avoient
payé.
(
En troifième lie u , le fieur Bonnet s’eft fait faire par les
S o u lie r, une vente flmulée de leurs biens immeubles. C e
1
�qui le prouve , ce font les termes de la lettre du 16 juin
1786. On travaille le bien à l'ordinaire , & les vaches f e re
mettront. Ces termes annoncent que le bien ne(fe travailloit
pas pour le compte du fieur Bonnet , & cependant il s’en
étoit fait tranfmettre la propriété , par un des a£tes du 24.
avril précédent. Dans la fécondé lettre , du 14. juillet fuivant , il femble ne vouloir que veiller à l’adminiflration de
leurs biens. Si vous ne me renvoyer pas , leur d ifoit-il, la
préfente , j e vous affure que j e laifjerai vos affaires fan s faire.
Il fefoit donc croire aux Soulier quJil leur laiiferoit la
jouiflance de leur bien , en fe muniffant cependant d’un a£te
qui lui donnoit le droit de s’en emparer à fon gré.
E n quatrième lieu , le fieur Bonnet a inconteftablemenc
favorifé l’évafion des Soulier. Il étoit impoilible d’être plus
officieux qu’il ne l’a é t é , pour fouftraire leurs perfonnes à la
prife de leurs créanciers. C ’eft lui-même qui nous fou rnit, à
cet égard, les preuves les moins équivoques. Je vous donne
avis , dit-il dans fa lettre du 16 juin 1785 , qu’il y a beau
coup de ceux à qui vous deve£ , qui ont obtenu fentences par
corps , contre tous deux. En conféquence de ce , prenez-vous
garde , & retirez-vous dans les pays où l ’on ne pourra pas
vous faire prendre. I l y en a un de Peyruffe , qui vous f u i t ,
& il vous fera emprifonner, s’il vous trouve. Il ne ceife de
répécer cette idée dans le corps de la lettre, & elle devient
encore le ftijet de fa concluiion. A in ft, la préfente reçue ,
ne fa ites fau te , dit-il, de vous mettre , 6* entrer dans un
pays franc ,fans quoi vous fere^faifts & empnfonnés. Le fieur.
Bonnet ne peut quitter la plume , fans dire encore aux Sou
lier , prenez-vous bien garde de ne pas vous la ijjerJa ifiro n
�22
travaille pour cela , attendu que l'on a f a votre route. Oit
ne craint pas de le dire , le fieur Bonnet avoit plus en
horreur le retour des Soulier , que ceux-ci ne le défiroient.
Quelle pouvoit être la raifon d’une conduite aufli étrange ,
fi ce n’eft l’intention où il étoit de faire perdre aux Soulier
l ’efpoir de revoir jamais leur pays , & de confolider par-là
l ’abandon qu’il s’étoit fait faire de toute leur fortune ?
E t comment ne pas fe fortifier dàns cette idée , à la vue
de la lettre écrire par le fieur Bonnet , le 14 juillet 1 7 8 5 ,
contenant demande des fouferiptions & fignatures de Sou lier,
f i l s , fur les deux feuilles de papier, au timbre d’A u vergn e,
qu’il avoit eu l ’attention de lui envoyer ? L/ufage que le
fieur Bonnet vouloit en faire , avoit deux objets. O n lui
avoit contefté la qualité de créancier , au moins de Jean Sou
lier , fils, 6c il avoit fans doute en vue de faire reconnoître
par ce dernier , qu’il étoit perfonnellement débiteur. Les D e
mandeurs avoient enfuite foutenu , & avec raifon , que, dans
tous les c a s , les aftes auxquels le fieur Bonnet avoit fait
confentir les Soulier , le 24 avril 1 7 86 , étoient nuls., parce que,
dès cet inftant, ces particuliers s’étoient abfentés , & avoient
été en faillite ouverte, & le fieur Bonnet croyoit détruire
ce moyen , en fe procurant les fignatures de Soulier , fils.
Il faut préfumer qu’il vouloit écrire au-deifus * ou un bilan ,
ou une requête en ceifion ou refpi ; il auroit foutenu que
la' faillite n’avoit commencé qu’à la date qu’il auroit donné
à ce bilan , ou à cette req uête, & encore au moyen des
fignatures, mifes fur du papier du p a y s , il auroit pu dire
que les Soulier étoient fur Ids lieux , quoique, dans le fait^
ils s’en fuifent abfentés depuis long-temps.
y
�, 25
Eft-ce là la conduite d’un créancier qui ne veut que
prendre de fages précautions , pour conferver une créance
légitime ? Ec , au contraire, ne voit-on pas un homme qui,
ouvrant fon coeur à la plus fordide ambition 3 afFeSe de ten
dre une main fecourable à un débiteur, pour hâter fa clune>
& enlever à, fes créanciers les débris de fa fortune , pour
en profiter lui-même?
M a is , à quoi bon recourir à tant de preuves, pour dé
montrer que la conduite du fieur Bonnet eit répréhenfible ?
Il l’a lui-même jugée telle , en recommandant, avec tant de
ioin , le fecret fur toutes fes manoeuvres. Vous me renver:rei, difoit-il dans la lettre du 14 juillet 1786 , aujji la préfente lettre, parce que je ne veux pas que cette lettre f e voie,
A T T E N D U QUE JE F E U X F A I R E
CELA DE CACHETTE ...
j e ne figne pas la préfente , erainte quelle tombe en mau■vaifes'xmains. 'Vous deve^eannoïtre mon écriture . . . . & renvoye^-moi la pré fente lettre que je vous écris, fans quoi j e ne
fe ra i rien. Si la conduite du fieur Bonnet eût été honnête,
^ùroit-il- manifefié un defiraufii ardent du fecret ? II 11’y a que
le crime'qui fuit la lumière.
ce que le fieur Bonnet eÛ non. feulement.le fauteur,
•mais encore J’a.uteur de la banqueroute fdes S o u lie r, il en
•rëfliltè 'deux conféquences, lîune qu’il a encouru les pemea
-les'plus graves. L ’article X I I I du tit. X I de l’Ordonnance
de 1 6 7 3 , veut que ceux qui feront convaincus d’avoir aidé,
•ou favorifé une banqueroutè frauduleufe , foient condamnés
€ n x 5 oo :liv. d'amende, &’.au double de ce qu'ils auront diveri l ) . oih trop;, dejnandé], ¡au profit ¡¿es çrédnciers-, La Déclara
tion du 11 Janvier 1 7 1 6 t eft allée plus loin. Elle prononce
�contr’eux la peine des Galères à perpétuité , ou à temps ,
fuivantl’exigence.descas, outre les peines pécuniaires contenues
en l’Ordonnance. Maisles Demandeurs laifferont cette difcuffion à la fageffe de Meilleurs les Gens du R o i , dont le zèle
leur fera fans doute réclamer la communication d’une affaire
de cette nature. L ’autre conféquence, qui eft la feule dont
les Demandeurs doivent s’occuper , c ’eft l’obligation , de la
part du fieur Bonnet , d’acquitter leurs créances. O r , cette
conféquence eft inconteftable.
En e f f e t , il ne s'agit pas ici d’une fimple amende", & du
paiement du double des objets divertis ; on ne peut pas les
déterminer. L e fieur Bonnet s’eft emparé de toute la fortune
des Soulier ; il a pris leur livre journal fans en faire dreffer procès-verbal. O n ne peutfavoir quelles font les fommes
dont il s’eft fait payer. Il rapporte ce livre journal dans le
plus mauvais état ; entre les feuillets qui font encore exis
tants, on diftingue les reftes de quarante-trois, qui ont été
déchirés & enlevés , on ignore s'ils ont été cottés. L es autres
l ’ont été , ôc de ceux-là encore il en manque environ huit,
& certains autres font détachés & volants.Et il eft efïentiel
de remarquer que c’eft entre les.feuillets aduellemenL exis
tants & écrits , que l ’on apperçôit qu’il y en a eu de déchi«r é s , & qui manquent. L e fieur Bonnet a donc tout-à-la-fois*
commis des fo'uftra&ions fur la fortune mobiliaire des Sou
lier, & il a pris des mefures pour empêcher de les connoître,
& de les apprécier. Comment d o n c , dans une pareille pofition , pourroit-il fe difpenfet de payer les créances des D e
mandeurs'? Peut-ïl' autrement réparer-*le tort .qu’il leur,
a fait ?
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»•
• »b
•'
Au
�2?
Au furplus , quand on fuppoferoie , pour un m o m e n t,
que le Heur Bonnet ne dût pas être regardé comme le fau
te u r, ou, pour mieux dire , i’auteu'r de la banqueroute des
S o u lie r, & que par conféquent i l 1 ne dût pas payer les'
créances des Demandeurs ; au moins , eft-il certain qu’il, ne
pourroit pas réclamer l’exécution de la vente d'immeubles
qu’il s’eft faite confentir, le 24 avril 17 8c> , & qu’il devroic
rapporter les fommes qu’il a touchées des débiteurs des Sou
lie r, en vertu de l’autre a£te du même jour , pour être par
tagées avec les Demandeurs t au marc la livre de leurscréances.
En effet, la Déclaration du 18 novembre 1 7 0 2 , veut que
toutes ceflions ôc tranfports fur les biens des marchands qui
font faillite , foient nuls & de nulle valeu r, s’ils ne font
faits dix jours au moins avant la faillite publiquement con
nue ; comme auiïi que les-a£tes & obligations qu’ils pafleront devant Notaire , au profit de (quelques -uns de leurs
créanciers, ou pour contracter de nouvelles detres, enfemble les fentences qui feront rendues contre eux , n’acquiérent aucune hypothèque ni préférence fur les créanciers
chirographaires j fi lefdits aftes & obligations ne font paifés,
& fi lefdites fentences ne font rendues pareillement dix
jours au moins avant la faillite publiquement connue.
E t que le lieur Bonnet ne dife pas que le droit qu’il a
eu de toucher les créances dues à fes prétendus débiteurs,
ne dérivoit pas de la ceflion du 24. avril 1786; qu’il lui
¿toit acquis par les faifies & arrêts qu’il avoit faits faire an
térieurem ent, & dont quelques-unes remontent à dôuze ou
quinze jours avant l’a£te y tandis que les autres ne font pas
antérieures de dix jours, ou font poftérieures.
�2.6
L e Légiilateur n’a pas dit abfolument que l ’on dût regar
der comme exempts de fraude les a£tes paffés avec un débiteu? , par cela feul qu’ils l’auroient été dix jours ou plus,
avant l’ouverture de la faillite; il a feulement pré fumé, d’a
près l’intervalle de dix jours., que celui qui contraftoit étoit
en bonne f o i , & qu’il ignoroit le dérangement des affaires
du débiteur ; mais il n’a entendu ni pu entendre, que quand
même l’a&e, ou les pourfuites judiciaires remonteroient à
plus de dix jours avant l ’ouverture de la faillite, il fût
valable , s’il étoit d’ailleurs prouvé que cet a£te ou fes pourfuites étoient le fruit de la mauvaife foi; les cas de fraude
font toujours exceptés de la l o i , & ici la fraude , de la
part du fieur B o n n e t, ou , ce qui eft de m ê m e , la connoiiTance qu’il avoit des affaires des S o u lier, bien plus de
dix jours avant la publicité de leur banqueroute, ôc la
collufion qui a régné enfuite entr'eux & l u i , ne peuvent
plus être révoquées en doute ; a u fll, faut-il remarquer ces
termes de la l o i , dix jours au moins ; ils prouvent qu’elle
n’a pas entendu fauver de la profcription tous a£les ou
toutes pourfuites j bien qu’ils remontaflent à plus de dix
jours avant l’ouverture de la faillite; il a été dans l’efpric
de la l o i , comme dans la raifon, que toutes ces précautions
deviendroiént vaines, s’il s’élevoit des circonftances fuffi-'
fan tes, pour être convaincu que la fraude y a préfidé, &
qu’un créancier a abufé de la connoiifance qu’il avoit de
là fituation des affaires du débiteur , au préjudice des au
tres créanciers qui 1 ignoroient.
Mais cette dernièrfc réflexion n’eft faite que fubfidiairem ent, 6c pour ne rieh négliger dans la défenfedes deman-
�27
'deurs ; on fe flatte d’avoir établi que la conduite que le
fieur Bonnet a te n u e , lui impofe la néceffité de payer leurs
créances c’eft la moindre peine qu’elle doive lui attirer ;
il a lieu de craindre un jugement encore plus fé v è r e , qui
ferve à contenir ceux qui pourroient oublier que fi une
fortune acquife par un travail pénible & honnête , doit être
plutôt honorée qu’enviée, celle qui n’eft que le fruit de
la cupidité devient tôt ou tard un fujet de honte, quelques
précautions même qu’on prenne pour agir en cachette.
Monfieur F A I D I T , Rapporteur.
M e. G R E N I E R ,
G r a n e t ,
A v ocat.-
Procureur.
A R I O M , de l'im p rim erie de M a r t i n D É G O U T T E ,
Im prim eur-Libraire, près la Fontaine des Lignes. 1789 .
�
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Factums Godemel
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A name given to the resource
[Factum. Boyer, Antoine. 1789]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Faidit
Grenier
Granet
Subject
The topic of the resource
banqueroute
prison
créances
commerce de bestiaux
livres-journaux
juridiction consulaire
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Antoine Boyer, Jean Chabrol, Jean Soulier, Etienne Varenne, Jean Maigne, Jean de Lendy et Antoine Reynaud, tous marchands, habitants des paroisses de Veze, Dienne, et Alanche, demandeurs. Contre sieur Jean Bonnet, seigneur de Charmensat, habitant de la ville d'Alanche, défendeur.
Table Godemel : Banqueroute : les Soulier père et fils, débiteurs communs, sont-ils d’après les circonstances en état de faillite ouverte et même de banqueroute frauduleuse ? Bonnet s’est-il constitué fauteur de cette banqueroute, et ne doit-il pas, au moins, par suite des faits qui lui sont personnels, payer les créanciers ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1789
1785-1789
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1015
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Véze (15256)
Dienne (15061)
Allanche (15001)
Charmensac (15043)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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