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�Publications périodiques de la Société ADonyme dl "Petit Éelle de la Mode",
l, rue GauD, PARIS (IlVO).
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Le PETIT ÉCHO de la MODE
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parait tous les mercredis.
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LISETTE, Journal des Petites Filles
parait toua let mercr di.. 16 pa,e. dont 4
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L" numéro, 0 ft. 25, I\\'onn.mont t1'un .n 1 12 Ir 1 ... "'fi or 7 Ir,
PIERROT, Journal de Garçons
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La COLLECTION PRINTEMPS
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��Prillci,au .,.1. ." ,.... ..... 1. Collectioa (,uite).
HôI ... lETTlY : 265. l'leur ,ouvo,e. - 296. Deni...
Y _ LOISEL: 262. Perl.lle.
J.u MAUCLÈRI: 193. Lei Lien> bri.é,. - 304. Le MJI,llrleux
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METCAU : 260. Le R.man d'un Jou.ur.
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281 . Plu, houll
lot. MYIlE : 231. Sur l'honneur,
Itrt•• NEULLIÈS : 264. Quand on oim ....
CIa." NISSON : 297. A la 1i,l~re
.lu bonh.ur.
O'NEVÈS : 291. La Br•• h. JOM 1. mur.
FIor..co O'HOLL : 295, La Va,qu. aux colombe.,
Cbrle. PAQUIEI : 263. Comm. la jI.ur Je fan ••
M..,....rit. PERlOY : 28), Im"ollibl. Amilié.
Ah.. PUJO: 2. P.ur lui 1 (Ad.pté d. r...l.i.)
Clude REMAUDY : 251, L'Aul. ,ur la mon la, ...
A. ~. "OUAND : 269 Enlr. d,ut ,,,,u". - :l8J. Un D',ul.emenl.
J... IOSMU 1 2Q(). 1.. Silence d. la coml."•.
SAlNT.cui : J07. S ..ur Anne.
l..boU, SANDY: <49. Morllia
".". 4, SUII. : 270. L. S.crol. - 2&4. Un. B.I/..M~rc
èi loul
fa" •.
NOBort SlV1!5T1U! : II. C"',,n.II,.
J... THIÉlY 1 282. C.lul qu'on oublt• •
ri. TH/ÉRT 1 279. 1... Vier,. J·I .../re.
u ... d. TIKSU.U 1 117. L. Ftn.lo Jo 1. SlImphonlo.
r. TRllBY 1 21. R4 •• .romour. - 2? l'flnlomP, perdu. -
36. t.
Pollol •. - 42. 0.1,/1, J. l .v,"·JIII •. f.mme de
50. L.
M,u •• ,. Amou,. - 1>1 . L·I"uW. Suer/fi e - 80 L. Tto",! u,.
- 97 • ..1,1./1., "joun. }III. moJ""•. - Ill. L. D,oll J'olmot, _
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1.0 Rou. Ju moultn. - 163. L. Rdotlr. - 189. Uno loul.
'0/11. Au.n'",.
.. tItt VALLU 1 22S. 1.0 C,u.lI. Vlc/ol,.,
C. 4 ViJtIM! 1 255 T.U. I/U' Jf 'uh. - 27<4 La C~.M
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A. VERTIOL : 276. La Ruanch. J. NII"II •.
V.",o d. KEREVEK 1 147. II/u/a .
M.. d. VEUlIT , 2 6. L.a J.annell ••
lu. 4. VIDOUl . : 275 I.e. Nouv.out M "fi' •.
PII,id, W!NTWORTII : 29J. La ruile
C WILUAM O~ 1 n7. Prl. th b.aull - 251 . t'E,/onUn. ,au.
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protecteur, ce qui lui vaut une petite tape amic.le
ur la joue et, régtlièemn~
cette courte phrase :
- Tot, tu es wae bonDe nllel
la partie commence.
au:ct4~.,
tique du béai", ou double 111
ri ge, c' t que 1& dame de ptque peut ~e mari
le vaJ.et de carreau. Il se joue
•
n roi et .~
en cinq cen ~
• ' t un jeu de la jeunease
du cou in Parfiit : il apprit l y gagner cotIUIle il
it qutnze ans et il
a -jainai .
Di ,qUI étaient fort pricia, 'éteDdai nt
c ut
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champ et fa S01l1'"C.'e 'n était jama·
�I.E MA
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�LE JI.! l VAIS PAS
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bonne de ne point s'évano uir dans 1es airs, de
me clollner tout le temps de la voir à mon aise .•
(hthlia nt la leçon et l'école, Madele ine aurait
doute prolong é son extase devant cette apparition inatten due, lorsque , subitem ent, toule cette
chrlé merveil leu:,e se dis 'ipa, et la fillette tle vit
plus qu'un misérab le bonnet de toile gro"siè n' et,
ur le épaules de ceH' qu'clIc crovatt Ctr Ull 'j
Il honnag e, I1I1C capc Il. le ct \'uJ'air '.
pli,~at
~ , '11e 'appro ha \111 peu, et elle
;\llilh n.lit\"(
1\ tra\'crs I:t trallle râp' " quelal' rçut, de- i cl -I~l,
in. i,
1I1111tC,., fi]", (1'()I, l:;'U re telni allt.
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c"t lÎt t lit : le nlYoll lIIutl11 (lu ()Ieil s'étai lit
[ • la \ieill'
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plu .\ vOir qllelqll
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LE MAUVAIS l'AS
l'or de l'or' criait Bertrand.
le p non, la Cb;ll laine attendait son seigl1t:U1
t maÎtr Sous. 011 hennin, . 011 \'i~age
Sou.
11,11 de bonheur. ElIc t lldait Il
bm, fi rtrand
jl ta 'i 1 lan
lOlllJJl
pri II H:llIonL, puis, sail • nt 011 tplc llalllhoyallte, jl IlClça 1 Clt:tIr de
1.1 h; t 1.11 Ue, li ui t0111 ba ur k da Ile~
dn ve ti~\1r
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()r c' tait la ch:itclainc d s int.I..l1c 11 lou, l'l)loll C d Il rtralld.
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Il1rÏ\ li lit 01 d 1\ aut; lIes
ln .llcnt p. r la main t h, litaI lit :
l,Iii
t :il fi rça
cl
1 rtrantl
(11 1Il
h
Il de
�LE MAUVAIS PAS
31
Void la torche. Va, Je t'attend à ce carrefour.
La torche, feu de méchéance comme l'on dit,
ardait, toute rouge. Bertrand la :aisit ct regarda
v~r,
le carrdour dont lui parlait Sil compag-ne,
Or, il y avait, à cc carrefour, une croix: toute
neu ve ct que Bertrand ne connaissait pa'. Il
s'approcha ct lut :
c Pour r mercier le Scig-neur de m'avoir donné
Un fil.; t pour qu'il 111C rende Illon épou.· parti en
hl
tin~,.
Il 'Itrant! fit 1 si!.!;l1c de h croix ct lOl11l11Cnça
<1 dire une prière. 1.. \ lordl Sc COl1SUIIl,til. L' ~if
f1cmcnt !l'lIlI ,crp nt partait d'un bnbsoll procll'1in, 111'\1 l'h0l111111: nI: COllnut pas c ,t u\'('rtis:.em ent <1 II fé , 1nut a coup, d la. f" in tomba Sllr
t Hl'rll,llld cria (], douleur:
l Cdl?
Il Icg Ild 1 lulOlll' l, lui, Ilè vIL ni torch , ni
1 1111111
!...!u'e
l'c , III COI(\ \ l ,Ill cdllll li 1 IIll.\lIl',
Il Il' 'Ill Ildll JI b le Il III mellt <1. Il 'Iorci r'
d çu',
1\ ,1\' III a h ,1111
011 (p , ,1'
11 'l ut mUII
"11 le cnait
l ' ml!
d l'Il lin, g'lIéli dc l'(lIg'U il cl r (,t\1l,ti s \Ilt
d hi IIfait du. i Tt1cur tlUI ,~t
mort, pour !WU ,
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1Il rdbu r"c.
à l 'i talicl1l1c
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famille du pruprié taire, rangl'c n bataille le long
du perron, me criant: c Prenez- nous, prenez- nous,
Monsic ur ; llOUS nc houg-eon,; plu:, • Cc qui IT'C~t
arnvl' l'an dernier devant UI! pauvre château fort
tomh; au,' main ... des harhar s.
Tout en parlant , Frnnço is reg-arde celui qui \ i nt
de Il jllg"' r si honlJl!tCl11ellt ct lui Durit, L s nrti t
'liment ù être compli mentés , c'e"t-à- dire ~I C
s utir (1Jlllpn s,
L> \ il hOTlllllC s' t levl', lui aussi, ct a ln é
()II hm, !laI!!; le do
ier du faut nil r plié. Il
t
gl111 , l'Olt· 11IlC Ion 'u ct Inrg-c barbe h1:lnchc
, ct
U. ' noir, j une;;, \ ' lfs, font un {trallge contra l . Il c t \ Hu d'ull sorte de varel!
Cil fl 11 11 (' ri,,' ct d '1111 puntnlol 1 hlallc à la hu
anle;
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cm lie, ompl t nt ~ t llmuge Il', h'lbillc très JI u c tmf. gtldrl
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le pOUtTat lir aussi votre '/ raité d, la BOille
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Il. hS r !lll'i ICIl f<. m; nO~F.R
U.·f: III 1; }:X \CH f;r liE 51'S CO SI:QUE."CES
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L'Ulivdtc, l mli ISQ ...
(ICI Ir cluÎlcall, ail mi/il'It de son parc 1:icrlic, si l'on
l'l'Ill d Il'. Vile à "t'ol d'oiseau. ,1 desscm, les al/':cs
sc III Il '/1"':C.l l'clr dcs ruissc'Llux de 1.Jerdure qui .Il' 1'':111I/s 1"1 1'<Jllr sc jcler dans le fleuve jaune qu'est la
roui, .)
.\TEs llfJ.:!{S l'\KF~rS,
;\1\ l~,RiI
l\I)J-:,o~
Tc'; {illq dernii-res carl('~
ont dîl biclI W1ll5 Honleur Ulllfiue cadlct <le JArdv (Seme-d.Obe).
IIi 1,Icssé ni 111.1I,ICI '. Je li'" ~1I
Ille'II"
pas
v l' lU" r Tl' ,lu :'Il uvai;; l'as, ,lite ·Ie b'en au cou51
'1 ,ilh-qIH'-I',lrfail.
1,1.: plus ('hanll'mt <les vleillanl
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al'cc
l'nquissc du vieillard à la barbe argC/ltéi',
IIH
pliant sous te bras.)
c:t. je suis pré clllclllcnt l 'hôte d'un
pllllosophe et l'()llcdionn<:ur,
Il II une t.Lble eXQuIse l'l Ulle g.llene qui fail égaleillent venir l'cau à la bouche
JI L surtout Ull pare (voIr plus h'lUl) oll 1'011 aU11erait Il vIvre à f]uatre pat.ll''; "0111111e un lapltI, Oll l'Ilco L' mieux aVl'r deux alks l'OUlml' un rossiJ..[nol, et
1ll"'IIlC - 11(' so\'n~
pas trop 11111},iticllX
('omme Ull
l'il Iple IIlOilll'illl. UU'II ()oit Hre iI/.:n"l1Jle d'aller de
""IIl('he l'n hnllrh' l'l de sc donner SOI·ml'me sur Je
Il '/ des pl'lils coups d'encl'Ils"ir U) fll'ur de 111 an onIlIC r ou d'a("lcli!.
,
/il1 .1ltelHhnt, j 'Cil reçOIS du maltre du IOJ..[is qui
lll' l'mdiJ..[lI(' des ("ompl IIJl 'Ills .l Ule faire rougir
Il
l' lit que j'ai du. ~alet
ct (fUt; Je n'ai
le droit
d' l' l.is~er
_ mOISir» en proVlllCC, qu'i faut absOo
ni
tp
'a recueilli
'l~ré;Jue
lllls
�I,E l\lAU\"AIS l'A.'
43
Jument que i 'aille habiter Paris pour me cc 1.,lll'e >,
Je ,erai libre plus tard de retourner i l Berry pour
me cc retrcmper» d:ms la ~olitu<c
ct dans la bonne
llahllt:, incomparable nourrice, Mais Paris est in!!1 J)~n
<Iule il l'artiste, C'" t Paris qui donne la gl ire
t:t la fortune. Ut JlI:is il '" a, m 'a~sure-ton,
à Paris,
Ult lourbillon de .t!rrllJd labcur qui vous poussc eu
,1\ .lUt t:l grtt('(! :lUqucl le lllUlIldre petit génit tn )lui~
,rlllec f,C gonfle t::l ',t'Iate au Juur l'Olll111C le Guurgeon
au soleil.
Pourquoi, me c1em.anclt:rez-vous, 1I10n vieillard Il hablte-t-II plus Paris? C'est qu'il & repose, t"est <Il il
Ju 'e sr n œun' adll:véc d qu'il a eédé sa pla'(~
Il,
Jl:unt\génératiOlls. Il c t, cn tout, un sa YC. l:;n gral"c
l t . unIque joie, mnl11t nant, c'e,t de prol':gu, de
gUIder ks nouveaux n:nus. Je ne sais Vr:JlIllent l,' ,
l,ar pxemplc, 1 (: qu'il ne ferait Jlns pour moi.
Il me trou\'e • original », ct tout cst là Lt t IUIl ,
ans plus, courent les ru s Tout le moude a ,111 t knt. Il '" a six mille Il intres Cll Frau e qUI ont du
tn1<-I1,1. :'Iroi, j'ai un l'~ti
morClo111 ,!'"toil
au front
et! '1 J'-' Ile le I~is
e pas s'étCiI1Ù~,
Je pUIS aller t~S
lUI Il et dl\'elllr quelqu'un.
('~
n:e;;t pas moi qui park, bien entendu , l \st
M, 1'1t1!Jbl'rt O!Ï\ier, ,le l'Aeatl(olllie Ù\;S ~,il.'Ies
moralt:" ct, pobtlques e~
~Hcl:e
honoraire.
l;: que jC vous, Il dIS, d'ailleurs, .c'est ]>< nr faIre
plal Ir Ù mamal}, a papa t.t à ::\IadclelIle ct pour fairc
lIIT. g r le ('üUSIIl Impurfalt. l nr vous 111 ('ollnai. ,·z
Il erâ malaisé de me fnire quitter Saint-Chartier, rn~
au~enl'!
ùe quinze jcur~,
d'un mois, l'e ne ùi. ),lS Il
faut bien se dégourcHr le cerveau ct Cs jaul!Ju;. :\1 li
alll'r habiter Paris, ect enfer 1 Jamais rie la VIC 1
n'abord, l'artiste doit rester libr '. C'cst ma seule
thé:orie, mais je la clais e,Xcdlellte. :'vIe \oyCZ-\OUS
allant chercher des conmwndes, me pliant Il la l'eintUll du iour, - rar il doit \' avoir unc pL:intute du
jour, ('0111111e il \' a, Jlour les <1"am 5, tille III :re du il.ur.
PUIS, jl ne sUIS pa~
pressé d'. arriver •. La 1'Oute
11 'est pas dépourvut cl 'agréments. I,uis, cz-moi 111Usntùcr, Iltollsil.'ur Olider.
Je vous «cause» tOut cela COlllllle je le pense cn
ce,1l1om 'nt, mais, Il faut bien que je vous l'avoUl', je
,UIS Ul'aut'oup moin combatif C11 prl-<cncc de 1II01l
hÔt ('nt('gonqu. La uarbe y c~t
crtaillE!mcllt Jiour
qUllqul' l'1lO (, m.lÏs
(1(/, à pari, le des.lin de la balbc.)
)
plu~
Il](
l're {,lIth()URi~
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Ille dl <l'R laroh:~J
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LE MA UV AIS PAS
g-estes, nn ne peut pas ne pas être convain cu, surle-c1lamp, Ses l:vocatlOns sont si précises qu'elles devieunen t vC:rihbl emenl des réalités, Lorsqu' on lit
<jul.!!que récit ùe .. oyage, Oll peut être I1npres~iut\Té,
1lllis l'émotio n se mitige ùe méfianc e et de duute, II
n'en va p:lS de même lorf\qu'o n a en face de soi un
homme !lU visage vénérab le, dont les regards appuien
les Ihlroles et qui vous ùit : «J'élais là, j'ai vu tellet
ehosl,' ,\Ior~
on frissonn e vraimen t, on s'cnthou i, Ille, Oll crnit.
I>epui <:in(! jours cnti 'ri;, je suis sou~
le Ch,lnth!.
'd homme S:lIt tout. Il C'0111l1Ît l'hi, toire du monùe
(,t il a fail 1" tour lie toutes l 'S philosol ,hies, le tour
('omplet (jui ronll'n' au l'0lIll <le ,lé part, Il se comp"r' "1 ('C lou (jui, parti à la poursui te du soleil, a} mt
hit k tnur <lu 1I11'11Ile, s'arrt'ta tll1 soir nn seuil <ll!
»r"pr' \lllage,é l11u tout.! coup parle geste gra'i 'U,'son
ct
ob tll1':: du cl'J( lier roup:ull ~n
deux le roudlt:r ,lu 01,,1 H 1110,,11 ill1t 1 cil.!! ("'lIlllle le ,')uird 1<'<111
de \'illll,
Il 111'.1 dit ,:1 fui l'Ollltl1e un homme qui n''1 ncn
à ( 1 her.
I:t \ ('i'I' fi ('Cil, il est au cour.1nt de toutl!
vic ('()J1tul1/,or lÎu('. Il <:ol1uaît tout le mOlllle, Il la
a
bt.:oll1C'()l1[l ";llllis pt'intn:s . Il m'a déjà cUllté !'l'lIt
anecdot es qui, cela c t ccrtain, corrouo rellt se~
"thrmlll"" ,
Il y a Cil lui ('onllllC uIle cl1riel1gc opplil'.1lÎoll à
Rén' l' dl cr, Il nc t· <:ulll'l1te l'nfl (lu hOllhl'ur
st
parvenu , il Vl'Ilt que l'on plolite aulour de"ùluiil de
SOI1
expérien ce J'ai relBarlJu" (oui, Uludcmol elle
M Ilkleinc , i "li 1 el1li1!-q ul'; Je Ile SUIS pas
d,ll1, mOI1 \lU II{C) qu'II aVDlt <1é courts lnOUltlltoujours
ts d' IbSCl1e(' pend mt 1 -"qucls s 'S yeux se
fixent et ses
()reil~,-;
sc .l'c~h,C!t
v~'rs
l~s
hruits mystérie llx, lA
prelllllr e fOI, J al dl: don Ile ; la s'l'ont!· foi5, Je n'y
prt: J>lu~
gal:de : oll Ile peut arriver à son âge
av,,1r r 1ilia 'l: ,'Il ,hemlll Cjuclql1 ': petites maniéS sans
La
si '1111e Il ' 'st l'as d,lni{ 'reus",
Je P'" e la moitIé du jour à peindre dal15 son petit
pIT!' S,III\' 19C, l'I1!S n"us partons sur
les dl(,11Iin" à
tr I\'lr~
('11111111>, a .tra\'l·~
bOl, sur les cote'lu,' , Il
p1l'k Je n"UJr Il: ht" J.(r,tl'~
"l lil mu 'lqUl' de
es 1"1TC,I, chatH1cs. Il.! Vol mll'UX 1'1 nilture . je comInent!, niieux les couleur ,
'
Jn fJlI"\ pré.tnt, 1I't'SI-('C, Il'', l'inslinl 't seul
/{1I1l!é. Mon Il urel!,- (1l!,>t1l1 m'a ('on(!uit l'ltez m'a
un
hO[JJ111 l' qui J11 'i:xpllqu e mes proprcs émotioll s,
Je Il- quittera i !lr~)uJ.h'ct
apr'.s ..dt'lJllUn Jl: Il
pu; Il Irl1r ~ns
nVOlr S llne. ,a femme ,t sa fill(' qui
~ol
" l',tris Hile, rentrent ;1l1. ('\l',lc lU S:ltn dt Je
Sl'II
très bit'Il que
ellc arrivée V'l rOIlIJlTl: le
�LE MAUVAIS
PAS
45
~rme
"trange qui me Ile à ce yieillanl bienveillant .
Ikrivez-moi donc encore à la même adre55e,
. Dimanche, je serai sur la route de Milly et ùe
.l:'ontamebleau,
~déalc
. (Ici,
urie petite aquarelle rePréscn.tatlt
sapcntallt vers une hal/te forel )
100C
r O'lte
Je \ ons emhras5c tous troi, d e tout cœur l'n (ici
ct lin tle:) pour mon vénéré cousin le mar-
Une main
qUIs du nézi,
FRA~ÇOlS
.
Il y ;l\'alt encore un petit croquis dans le pa-
:aphl: ùe François et l'enveloppe elle-même (tait
I1Justrée. Il e-t donc hien <lifficile ùe donner une
id '. d'une lettre du jeune pcilllre. Il n'écri\'ait
pa SOI1\'ent, tout entier à ses impressions quottdl 'nnes, mais, lorsqu'il se résolvait à écrire, sa
plume courait à lra\'er: hlllt pages au moins et
SOlI pinccau l\1i vennit :1 tout moment
n aille, si
l)!ctl que ces lettres, après avoir fait la joie ct
l';[clmiration (ltl ('en'le (\e la famille, s'en àl1alcllt
rej01l1c\re le,; l'réc0dentes dans ut! cartonnage imagin(' par ~l'n.
Bonvent ct tenu à jour par MadeleI Il e.
~r.
Bon vcnt cr,rai.t comme une ~mc.
cn peine
lOL ' que son fils etalt absent. Sa pnnclpale occu-
pation cOl1si. tait à all ' r sur la route au-devant
dn facteur. Ju,.;qn'à cc jOllr, il était rentr(' au logis
fort dépité nvec un petit enrlon dans la main.
Certes, ces carte,; po:>tale,; prouvaicnt que FranÇOIS pensait au . siens, mais M. ROllvetlt comptait
parmi les gral1(}" bonheurs terrestre,; C'e!lIi de s'installer bien c011lmodément dans Ul1 fauteuil à on:l1lctL'~.
de cr01,;er les jnmbes et de sc délecter leutellL lIl, Itgnc: à ligne, d'une lettre de son fils. l'ne
C<nte post'lIe, c'e~t
la conver:-;ntion banale dont le
factl'ur lui-même, aprè~
la recevellse des poste
ct .<ll\'cr,; employés, cn cour~
dc l'Out<:, a eu l:Ql1n,ussauce avant \·ous. l'eut-on s'a~eOlr
ct ctOl,;cr
_On n'a
Ses jamhes pOltt lire une carte po~tale?
~0tne
pas le temps <le tous!> l' pou.r ~'éclatir_s
ld(',~
. ,\ l!-;si 1\1. l1ol1\'ent professaIt-li une sainte
horrel! r 1'''11 rIes (',trles po..,tales, illustrées Ol! non.
Un 111 at 111 , il l:ntr:t rayonnant:
- [';nfin! j 'cn ai une!
��LE MA UV AIS l'AS
17
lée scIon le 111ot1t:lc apcrça un SOIr, avec (motion ,
par Lang-lo is, à 1111 dîner d'ancic ns é1l:vCS dit l\'Ctabll,;CL'C (le CUl'rd, pen après sa sortic de cd
S llH:l1l. Cd ong-k apparte llait à 1111 clerc de 110tain: de,; l'll\'iroll S et lIlCSl1ra it cinq ccnti1llL'UCS
c ',lclcml 'nt. Le jcnllc fonctio nnaire PClb 'LÎt arri\"cr Ù 1111 pan:il l'(',;nlta l t:n 11ix :\11';, Il st:rail L'l'ralor,;, lCl'CVeUr dans 11I1C graltdt: ville ct
~ailct:I,
11 ('o1l1pta il sur cc sig-ne caraclér i,;liq11c pour ,..c
fai Il' rel11arq \ll:r de S{'S concito yens,
prl.:s {el ongle, c'ét,lil la laillc de scs crayons
j
qui Ill' 'up,lÎl h: plus (:u,;lan. : 1,:lllglo ls, Il les tenait {'01tstalllI1H:ltt pointns l'OI1l1t1t: llcs niglti1lc ",
l>1i11,l',l1lil1, toujOl11 .' l'lt appltel tion (ks l1~"
U!, ''', il était, <!t: 1"1\ i, ulI:Inim e, IL pIn>; :vir"it
g,tr
flll11CUr de h ll:gi,'I1, (11 Ct: Scll,; qu'il s;j\'lit
der iltbele ju,;qn':l la denti'.r e 1>on1[('c loutt: la
Ct:llllrc (l"s cÎgntt:; et 1l1l:ttl ' t! ',; l ' lgarct:~,
Malg-rl' C('S troIS gran(l" "om is qui let 'Il ti 'nl (ln
nltcntlO n ~l tou" !t:" in"lanb Ile son e,'islel1 ec cl
heull"" semhla k'nt l,1tIp1o "ll"
au 'quel,; tontes se~
lc jl'llllC rt'CC\'l't ll :t\',lit distil1g ll" la petite coù,;il1~
de" lIon\Tll l, qu'i) tlO\1,\'ail joli', donl on yallbit
et q\l1 a\'all, en honl1es l'eu te: , Ulll!
la sa;.:c~"e
hOlllH:te petite cl 0'.:.
malS sa mère
JI ne s'l'lait 1>:15 encore <l~c:1r',
t,n(l1Hctlvrait savamm cnt, dictant sa conduit e, au
JOl1r le jour, à S011 brillant rcjdon. ,l'" L:lll,..:-lll1s,
ch: honne hcure \'cun:, a\'ait clle-ml' me g-ag-Il': l'
jué
(l'lOi L'lcver son IIls au-dcss us (l'c1le cl s'~tai
d'a\Clir UUl' hru de famille hourg-t: oise,
son d('\'olu SUI' :'Ind 1 i11C
Lorsql1 'dk eut jet~
('t ql1\:lle vil ,;on l:usla\'C entrer (1.I11S ses \'IlC"
<:lIe l't:5sa, C0111111C par ellchan tcment, de mL'dirc
de,; BOl1vel1t. l'ersonn e 11C fut dupc de ceUe SOI1daine hicnvei llant'c, Le papa HOllvcut, prl:\'t:11l1
par le (,o\l"in l'arfait, vieil' furet an courant <1a
hras
1~!4
plus petit ca 11C:1n, sc conknt a d'(cart~
11
cn ,sClulInnt. • '':-tanl pas méc'hau t 1t-len~c,
:
aV:l1t du plaisir :\ c(Jl1sht er cl' honncs c01l\;er~OIs
n<,'us
~l
C't:sl toujour s ça lh: g-ag-né Elchan~
Somme, ; ponr qUl'lque cho,;e dans la (ltm1l1U lHln
~e
,')11 [,llul !,urg-l loill·,.
'
depUIS que slIn fils
Cc'lle bOl1nc ;\1'" I:l1t~0",
Hait un lIlol1sicut, dlOlSlsS ,lit Ses c1ICllb, En L-lé,
��LE MArYATS l'AS
-
Enhe <hou.' auhelj;:es, ça Ile
à !'on e.,;to1I1a\'.
rCla
49
pas (le lllal
- • i ;1 SOli al t. II Y a 1111C l1lagl.i11(pte gaIL r ic
dans ce ch:ülan. Fra1lçois se 1"111Cl 1"l'11...
Et Ul11111lUIt \' u ~l'.
l\Ia!lelcllh')
Tt~s
biell, je \ !lUS re11lercie. ()1I nc YOllS ,;t
gul·rc! salIS reprodl"- \ Clle/. (\011(' boire UllC tus '2
lh tll0 un <le ces SOIl sal
~ t'l:rl111c lliL.
Cn tm'c Lallglois arccpla ,1\' e mIe JOIe. 1 ~ 1
dl g"l11s': L' tel arcom pag lIa cO\ll ag-e\l~
Lill lIt ~l.
]J, 1'""lit jusqu'il l'alltrc hout (Ic Salllt-l hartier, (. 1
fale (k' l'hôtdknc (lu Il, ur C( Ulolln é , l'l
.1. ParfaIt.
1II"c LUllgloio:; <"tait chc/. dit. (1 rnère ~O1l
rid • 1,
{t \'1t les dell
hOllllJl., ]>a"<l:.
L'instant d'al'Ils, la le11ll1l dl • ab tic r
,ll l t
sa11s r.lçun ('h"l bd ')'sinL:
1III . d01l, dit. s done, la J ,:l1lgloi , \ otr,~
fll <, ne de pn::s ::\1. BOI1\' nt. b;t l'l.: <111 1 r
ha a Ill... ~
Ilh billll l'Olll<jllOi pa, ? .\{Ull lils lit \.lut tlll
autr '.
l-II aulre! Il \a.ut micnx (j11" les anll . • 1
f raIL pas <lésholl11 111 à
tOl~
ILS Bon
~ l1t
de 1,1 tene.
- \ ' O\lS U(" biln hOIl1ILtl, ma<lame C:1111U!-1.
1'vnlllll' d Ua-::ajaud. qui ayaicnt lh: 'int- le but
<1e b prolllelHllk, (taient ur J. haut tilt l'cTllJn
du l'Oll in l'arf.dt ct abo) ai(!lIt jOy<:ll ,-,ment.
Le (!lusin, qui Il'ttait jumai" biell loill (1 ',J
porte (It, ,..on logi~,
ouvrit ~t
nUl1ullit Ito.; \11 -
\OtlS lait honlleur l t Il 11
tLllh frlti1n~.
A 11! 'OllS \'()ilù, las (k propl S ;l 1iell. \ 1
1 ,; pattes! Bonjour, hnlljolll , .k \ 01", di .. ]>( n~ , d l
, -lOi
'n.:sk. Allc/. \'oir R()/;l\lic. Rosalie, apcl~
Ellt:s "ont 1l1e " d':gilll ilh:1 • 111(1 10
dl' c hall1 hr ...
Une \'oi." cria tilt ftlml (l'UlI rOll loir :
l'a;Cllld / 1 aj<lltd 1 A la f()lI]>C! ù la soul
L~s
<leu· ehi<:ns glisser nt sm k dal\agc l Ir
On H"tibult.: d (1isparnrclll : t \ ( ' ( (ks allOll'1l1Cub
!(.. hlti~sa
Li le nJl1sin l'.uf,dt, saulnllt sur •
jambe gal1eh~,
h lHhl ulle main 't ;\1. !l()II" nt. 1.(11dis qne (ll- l'autH' il (I01l11ait 1 bonjOIll all (1 lil,ll
r cc cur (lui s' 1 . gll it.
S;j1c" balS.
�LE
)I
\U\'AI S l'AS
J'ai dc~
110LI\'elles de D'ral1çois.
- Ah! ah! il ,,'est cnlln dl'cidl' à écrire, le ~alS
cœu!! y a-t-il de~
b0I1,,1101111I1es sur sa ll'ttrc?
- Elle en est l'Ollvette. Madele ine a \'olliu l:L
g- mler. Viens donc la lire cc soir e11 dînant.
- En (Hnant? Diable, da Ile l1Ie regarde pas.
losalie ! Rosalie ! POUI\'U q1l'ellc soit dc bOl1ne
llUlIll'11 r!
C,'I le \'ieux t '·libalai re trembla it devant ses
(' il . dUle~tiqus,
h0111111e et femUle, mais Cil p:\rt 'l1lier (!c\'ant la terrihle Rosalie , el1 ,;er\'iCl~
chel
11Ii deJl1i~
ql1aran te ct UI1 ans.
1"1I1<1i,; ql1~
.\1. BOII\'ellt parcom ait S:\in1.-Charii r le ';Ollrin' au ll:yres, dOllnan t il l'ln( un li ''i
11011\'cl1e: de SOI1 fils, Mmo B01lvcn t furetait dans sa
111 1 Ill, l1luins c. pill1sh'c , mai,; tUl1t aussI
11 .l-
n:!
'.
lJll'l11t Ù l\r'J(lcleim', elle :I\"lit pl is h: ch min du
Ho.s (~'Inl:t,
1,1. lettre de Fnnçoi s daus sa poche.
1\ Il mère llertm,l c, ~'l
b(}\lIh: COll ei11':'re, die \'Oll11il dire ~ 'II S011el.
Il'IlI,tr k a \'icilli dl'lJ\lis ql1elql1es allnées. Son
\ b', ~
c,;1. Illllint 'n \lit lei 'Ill 'uuc petite pOl1lme
1 II ,1111·e. \1 lis ..;es .\ CIl' eonlinn ent d '(tre pan'ils
ft li 11"- p~lies
fenl:lres olt\'crle s sur le ciel, U1
H\"t i',
1:lltn:, 1lIa ,1I(lic. Mat/t'k I/l', ma 110l1\'elle
pl' qui SCI'! la dnniL'r e, je le se11S et elle le sait,
l t Ctl bain de me dOtlller la l'01ll0di
e. Ellc a volé
I~-h
11ll d s'esl 1li~c
à son rang. Elle fait scm1,1'111 d'tlte 1110rt . I\-t-on i<1(-e de ('('la? Made/I 't/r,
fIloddl lit'. voici b. pdite mama11 ; d,'st'cnd s vile
011 lu ,1tI l' IS le fOll '1..
:\J-ti~
I.l pie avait aperçn .:\l arlcleill e. En lroi.
( 'lt]h .t'ailes, 11e Sl trOUI',l sur l'L-pilule d· sa gentlll,' 111 Il rallie.
(~I.li're,
\'oici ec Cjl1 i 11I'alll':'\le .••
:\la il'killl! a\ail l'ris l'habitu de d'appcl cl ainsi
.olclllld '
.... ' nU 0.; :\\'011S t't:Çl1 tt tiC lettre de Françoi s. Il
'V 1 bien II l'sl content , mais, an miliett
dc <" 'lIl"a.ion~
ct cIt: protl:slalio11s, j' sellS trl:S Ilien qI7'i\
(' t r .rtllllen t illlPlt' o.;iOll Ill' par l'i(le'-' qll'on vient
d e 1111 "1I~gér
'\ Il "JIll'!' 1l.l111l 'r l'al is.
- !Jui dOIlt' llli ,l II 01 III l' cc t'oll';ell t
�LE MAl VAIS l'AS
51
- Je vai~
vous lire sa lettre, ce sera plus sllllJlle.
Dans un ~ra1H
fauteuil de bois où l1~
ai .I1L :(
s'asscoII, Bertrade prend unL pas: slbylhque.
Toute droit..·, les yeu. perdus e11 \\11 n:n', les <leu.·
Tira~
du fauteuil, elle s'immobilise.
malll"; ~lU
J\ladd ine lit la lettre, c'plitjuc ks images, C011lmcnt~
les réfie. ' ion~
de sou cousin.
Heltrnde reste ill"ellsible; elle semhle attendre
la fin ll'une histoirc. Enfin, la jU111C tille sc t'lit,
et S'S yeux, mainteuant, interrogent sa .... ieille
a111le.
Ccl~-,
i hoche la bête, d01111<: l!..:l1.' petit fi tap,-"
f 1]1 (;
ur le bOl~
du fauteuil et regarde nfin
Malhleinc :
Tout cela est bicll, mon <.:1lrallt. 11 faut laiS er
le lh:stin s'accomplir. François ira sun,.; [lonte ,)
Paris . l'our son hi~1
li pour SOI1 l11a1. C\.s t la
"je ... c'e t la vic ... \ oilà mon plllioll.
Malldei nc fut (toJ11lle dl' la bTil:\ dé de ccliI'
répo1ls(, lllais llle He put. li":l1 tir r de l'lus (le
BertlatlL', Qlll, ("Olll111e h )CUlle tille insbtait, St:
contellta dc 1 t!)Ider :
:rout
la est bi<:l1, mon enfant. Tout lda
<:st bIen.
I.~
pie ~ladct,
\~ .·t;
de n llT qU'Ol! 1;\ nq,:-hgealt, avaIt ahanùonlle l'q)<Jule <le sa man aine do
avait repris position dans la ra11g-te de' sc,; al1cl!r s, SUl la lornich<: 11.; la hihliothLq le. Pat~
raIdes, hec pointat!t,
il fi ·c, Ile Itlutait, à '.
mé)llcndr , l 'cmpa111(e d'à cOté.
- Made/clll, tu 'II1ra:-; le fouel! JlI0l10nç<l ,\ 11< \1Hau lkltra<lc, mais <\Il un ton indiff{'r nt qui
frappa la j un fille; dlc prit congé Ile sa \Ïeilll!
amI\.'.
On 11(' la rdint pas, contr..: la l'lllltU1l1l'.
•
Et Madel in , qui liait \enue le t'leur H:1I1plt
de otlei avec le <l~
ir de se fait I(conforll'r, s'cu
let 11 ilia plus Ü"jst
neOl '.
« François \'a partir et Il'1 tt :Hle yic i11it. ~'(ltS
ù< \IX, ('n même t ll1 ps, ru 'aIJl1o~et.
J.\tals
trep h ut t1 . L'i'pr<:u\e \',l Tt\' '\111 1l1t! \Islt r,
halas
Je suis prlte, Ce llC sont pa<; m s proT~s
qui l1l'inqlllltcllt, ruai~
la tranqUllhtl, I,e honl! ur
cl ceux qui JIl 'entourent. ;\10n DIeu, la!s~eL
,'1 're
lOllgt ml'. la hOllne Bertl ade, l'ami\! Ùl'S 1) tits
��LE MAUVAIS PAS
53
ter, et le ~amedi
arriva tout à coup, san~
pré\'cnir
ce jell11c homme distrait.
1'110 'lprès-midi qu'il peignait, dans le parc,' unc
statue de marbre hla1lc qui émergeait de la 'l:erdure envahissantc, un clakson impérieux troubla.
toute ceth: harmonie,
llans les massifs, les Ol,;eaux piaillaient et
fuyalcnt il tire-1.l'aile,
(lit 1\[. 01i ·ier. Inutile d ~
.
\ oici cc,; (lame~,
vous l110lllrtT 1l1,\intenant. Laissons-le:; s'installer.
Je \'ous appellerai quanti l 'heu rI! de;; présentatiolls
sera", 'nUe.
Et 11 s'élOIgna lapidc1l1cnt vers le petit château.
L'allée que suivait la ,"oihllC l1'd~t
Jl~b
tr~s
éloig-Ill'e de l' ral1ç(i~,
qui elltelldit distinctement
ces nwt" :
- Tien-:, )'\]>a a r 'cueilli uu peintre,
- Tant lIlICl! " 11011'; Sol'rOllS moins seule ,
La voiture {-tait l'a,;,; "c. François n'osa ni se lever, !li rl'g-anlel'. Mais, à la voL', il comprit que
c'ét:l1ent. d 1\X jeulles femtl1es qui arri\'ai 'nt a
l'Cllin:tk. !>('ll' je11nes feTIlllll's! Cela rel1\'er;;ait
~Oltes
les idées qu'il s' "tait fabriqu('es de la \'ie
mtltlle, ~lc
~Ol
hôte:, Lorsqu:il l'nt appris lI u\'
M. Ohvler l'l;lIt mane et m'aIt une fille il avait
irn:tg-iné, en hrave simpliste 'Ill 'il l'tait, q~1 'il 1I11ait
vOIr .c1(h~rque
nue petite vieille dame qui s'h'\rm01l1,.;er:ut hlen a\'eC' les tl1eubc~
de la rlel11 1 re et
les arbrc.',. du parc, avec les pe10uscs envahi~
et
les l11a"sJts sauvag-... ~ ; l't, à côté d' -lIe, Ini otlr-\11t
un hras scC'ollmbl , une demoiselle d'ull c rtaill
flg' ayant tOljonr~
refusé <1 quitter la don ce demeu re <le ~cs
paa'nts,
Et voilà 'lu 'il ébit parti de l'auto, port "'s
pa.r <ks voi.' fraîchl's, (les paroles ironiqu .~,
Fr'lllÇOl>; (lait tout dtcontenaucl'. S'il avait en ,,"Ih 1-1
~ain
son petit ha1uchon, SOll sac et son h"'l.on,
Il efit très hien pu sc fairc qu'il partît ;\ l';wglll ".
S:t Si\u\'ag-eri {tait prise au pil'g-e.
,.
Comme ('l'>; pcns(es hr\l1tail:l1t SOll ,espnt, t1 ('nt('I~<li.
hnlire 1l'~
li 'rhes prl's de ln! ct li ne ,lL-s
VOl x de la voitl1 re le Sallll'I' sans façon :
- Bonjour 1IIonsiellr le peintre!
François s~
l('v,l pOUl' saluer, les nUlIlIS e1l1 harTas {'Cs par sa pal ·tte, sa boîte et es \lillre:\IL'.
�54
I.E MAl1VAIS PAS
. \, vous dérangez pas! .oe vous d rangez
pas. Continuez. Je vais vous re~ad
peindre un
ln taut. C'est la meill ure mam re de faire connai sance, n'est-ce pas? Et quand vous signerez,
je aurai votre nom. Et ainsi vous serez pr~senté.
f<tançois s'Hait assis et} sa~e1n
nt, s'était remis à peÎliùre, comm on le lut demandait. Quoiqu'il n'eût vu que la durée d'un econde celle qui
étatt maintenant d rrière lui, le vi age de la noUlie ~enu
était gravé profondém nt en cett mépos Ment 1 s peintr , t Fran·
moire des yeux ~ue
çot fit, ans s en douter, à la re semblance de
Fabt n le
de la statue.
au tronc: de l'arbre
�LE MAl'\'AIS PAS
55
devinait blondc), s'appuyaient mollemcnt Slu se
épal1c~
purcs.
.
Fahicnne, à côté, 1lC .p;"gcntal! quc hCI~rts
et
èontrastc:. Ses bras crOl:es, sa tde penchee, se'
yeu.' ironiqueg, tout e.-prim:tit cc sa-.n~01e
si peu
de mIse chcz une jClll1e fille ct SI repanL1n altjounl'hui.
.
la bon che ?
- Allons! répétez! répétez. Lc lè~?
le froni) J, s V n . Tl 'ut-Hre! CertallK'ment, vonS
voyef. <le in\\·cr". D'aill nr", vOIci mou père ct
nQU" allons le l'r~IHe
à témOIn.
I.e vi~lan
leg,lrc1a l'aquat 11e :
PIr 'oeml' ! quelle tmnsfonllation!
Et, \'ous sa\ <:1., je n'ai pas pO'é!
COl11ment rela?
• 'on 1 11on! ~ron"ieu
...
Fra1lçois 1l0ll\·ent. ..
.\1. 1 r.lll OIS BOl1\'en t m'a reg-ard(c Ulle fois
et il a rcpro(luit mon profil <k m"111oire.
h:-;traonll1llLnc! 1\1. BOII\'ellt a beauwuj! (le
talcllt, tu sais!
Il a hiell raison. Ce qui 11e l'a pa' '1Ip~(hé
du r~ste,
d, s·t~c
,moqué dl' mOl Cil prétendant
que Je rcs. cmbl:us a cette Fée cu bok
- Oh 1 l\lademoio;ellc!
- Fabicnne.
Mai" la jeune filk, ',lat:\1lt d'un ri~
o;Ol1(ore,
Q\'alt dIsparu II travers le janlin vers le l' tit l h,'\.~eau
. 1\1. ()liner crut (lcvoir l'e 'clIser.
C'e'il une j 'nne folle. Elle a l'~1
l',~
r .
Mais 'lIe 11'cst point mauvai" .
!·r.ll1çois ne dIt rien, tout 0 cupé à p'uf lire .,011
tahleautin. Il pignochait, comme (lisent le.; l' intre.., entre eu.". Il n!\'oyait un :1 Ull tntls les Il;tal!", chaque Il 'lIr, chaque brin d'herb d l'olllbre
bielle de la for0t lOl11laillC 'lu 'il avaIt illlagill-: de
mettre \ l'horizon . Il n 'o."alt plns loucher au visagc tuol1cruisé lIe .\10Iusine.
Voici, dit l'II. Olh'ier, \Ille lIe., pl1lS parfaitc.
~ol"r1sit
que \'Olt' an:z fail 'S depuis qllC vous
l'il-.,
ICI.
VOliS
rDY z?
Flllnçois avait tourné les VII'
·el-.
on liMe t' t
Se.; reg mis . cl1Ibl.\ient implorer d '<lntre ... ClIlIlptl-
ment. .
��I.E MAt"VAIS PAS
57
Pendant Cl! h 111JlS, ~r.
Oli\'jcl" trottitlait dan,';
son part" amusé, distrait ll1i aussi par de magIques (yocation<-:, par Il 'aimahles spüanccs tout à
coup )t·alislt;;.
« l'ourquoi pas? songeait-il. C'(::-:l le hasard,
dira-t-on, qui 1 s a rÙIllis, ,\110115 dOIlC! II' hasaHl? Il n'va pas de " Iw s ar<1 ». Tont cst 1 rod)!!Ïeuscment - ag-t:1lC~,
Fahi IIlle tj: f' rançoi (tait:Tlt
dcstinfs à sc voir, :\ s'ainicI, ;1 S'(POIl, cr. I.a \ '
110115 distrihue mec lquil( les l113ll\'aIS j\l11r" ft Il
hun ., fratl"fn 11es. Ce 111, tin, Ct:1ui Cjui nO\ls \0',
et qui t:st 110trC cOllsci Ilec sl1jl':riulrc, a {HI " urire cn rapprochant l'I111e de l'antre. c ,l'li crlatl1rt:s ob(issdlltc", : ma li11t: et celui que je ,1. strerais n01l\1/1t:r 111011 lib. J(' rem Hic ()let1 d';1\" 1
fait luire c tte hcurt.:tlsc jOUr11l .•
M. Olivier, dan" l'accompli. s mcnt ,le
;; (j'
su , allait tm plU ,,>Île CJI Il sogne, II rn mt
t~moi!l
.lu vif (moi (lu jeune pt intrc, mais Il 11 \ 1 _
t ~H1alt
pus It:s propos pcu a1l~CS
ç'C!Wlg(~,
,lallS
les C~al1bHS
lIn haut, cnh l'In .• 011\'1l'1 lt sa 1,11
talH!ts qu 'c11es prOCldaicnt il 1 ur instnllaliOIl
t1\ ale.
Qn 1 h011l1l1
s t.ce ?
Oh 1
1\1ais clllOre?
TOI<1nl1t. I.e p intre ant(·t1ilm ien, Il \'oit {l s
f('\.o.; palt{ ut.
. - 1;\ 110115 dOlic! 11 Y a ':l1C01e d ~ 1 <:intI ('s • idln·
ltst{S » (
()ui, il pataît. Il dOIt ltrc d'une plovil! C
b1l"l1 IC ulü,
JCl1l1e?
On ne pcut pas }'êtr d:l\'nJtag~!
"ldl<lI1S
onze al~
ct 11 '~Il
parlons plus!
- II t',l parlé?
- Il m'a dit 'Ille j re scmhlaÎs à Mt lu ..:im',
:- C'llait sans doute un omplimcnt qu'il vou1aIt t fain:?
1 c pau \'Te garçon!
l\lai:-. a10) , ilia l){'l1e, il ne va pas Hre a11lUGant, 1 port -pilll(',lll?
- Qui sait? Je l'ai peut-ttre un J u all\lIi 1
Je 11l\n rappOlte il toi. Tu Il'a~
1 as l.tÎm,
tQ1(
�58
LE :\TAU\'ATS PAS
:\Ioi. .. clans les talolls.
A cet ill--tallt 1l1l'lIl-:, la clochc tinta. :\1 mo Oli\'icr d ,; 1 illk, le dL':onln: de leur toilettc rl'pan:"
Sc 111irent :\ la [el1l·tn: pour \'oir entrer h: JClllle
hotl\ Ille.
Il s'a\'all<;"lit t:ll eIT -t, 1.\ toile au bout du doigt,
le fronl haissé ,\ c,'>ll' de lui tllarcltait :\1. (IIi, 1 r
:1\'C' SOIl \'e:ton l'Ollil'lIr cle gn:na(le lunre d
S'I
h'lr!Je (le ncige. II his.dt (j'alllples gestes, eOm111\':
s'tI dit \'oulu dCehircr des \'oil-:s ct prl-sLtllcr ù SOI1
jC:lIl1-: hMe des hori/.()1Is tout ncufs ct un an'nir
11111 ltu l'cI.
Oh! il Il'y a l'lus aUCU11 clout-: il n"oir, dit
:'If c (Ilivicr, tou pl:I . e t CUlor' pIIlCl....
1 Il'li qu'à ~l1C
hiell tcnir, rlpoudit, <1an~
li 11 L' fu" '~,
d, 1 il'c, l'e 'l1ht-rallil Fabienne.
I·:t, [>r('('('<llllt '11 l\It n', plus cal1\le, dIe descendit quatre :1 quatre l' "l"lbn, Cil niant:
Vite, vit·, 1111 chevalet! l li ladre vidc! et que
Il- inr)' 'l'assemble.
Il f t1lnt troll "cr tout ce ql! 'elle (lelllan<1nit avant
de's, Illettre à tahle.
""<''C <le l'or aulour et phcl'e <,'11 honne lumière,
l'~td
<le Frrlnç(lis cul i hel air que Fabienne
sc tut 1111 instant d qlle :\1"'· Olivier !tc put s'L'mp"cher dl: r.tin,' sinl'r~1
nt pltIHi"1~
(omplilllellts
fort jn tes ct dont ;\/. nli"icl' et Flançois sc monir,r nt l'ans.
Durant le t1':'jCtllll'l', l' .·quise politcsse cil' ln maÎln.;~·
<1 la ltl'lisotl, l'esprit (,t l'cnjotlC'ltt<.'lIt de
Fnhll.:lIl1 " la sages,;' éc1airL'C de ~r.
Olivier ('011_
lillU"'1 ·.lIt d~
pr~J(luie
1I11e. ~ T Ilcnte imprcssion.
I:r.lnçnb halg'n:!lt (!'ln,: l;~ JOIe. Il parla pt·u, St.lon
à « reSn', h tllltlldc ; " ;1I11I:llt a {'('''"tl'r l t .lIs~i
g Il d'I • 1':11 kr. l'epen.dol l1 l,. il ttt dlll '. ou trOIS
l 'l,Illies ltcire,.C'~
qUI Ic ltrl'lIt Il'l\10Iltl'r, Cil tll1
ill,l'lllt clan: l'e,,tllll<.' des <1ell'( dalllcs qui nl' sa\ Il 'lIl 'lns rCsister allx ing{·niosil'·,;
la parole
dt,
ai ,t'·c
,\ lors, l\To~ier,
1111
\·~HI.
C'ro}'l:Z allx Ftes?
:'Il lÎs oui, !\lat!\.'ll1olsL'ik.
1-:11 ,l\'(/-O~
rCI1l'ol!lrl' qlll'lq lido!' )
llllh 111"
1\.'\'(' , tn'''' SOI'" 'nl. Hans la vie)
,!Ill:
VOliS COlllllhse/ 1111('
l'l'?
�LE MAl'YAIS PAS
-
59
Oh! racontez-uous œla, monsieur BOllvent.
('n avez, cie la chance!
..
.
.,
Et Mme Oli ier, mi-franche, m1-lromque, lllslsta
pour ;l\'oir l'histoire disirlc.
François parla comme il llcig-llait, en m01ant à
la stricte \,(Tité beaucoup < 'in~lc\1se
et <Iuelquefois (j'extravag-antes fictions. Il fut ln 'sténeux
~l S()~lhait.
11 poétisa Bertrade, la gra!l,dtt, la raJeullIt, e11 fit une sorte de perS01l1ullcahon de
tou~s
le' Ugend\:s du Herry. On lIe 5.1\ aIt pas
on fige, l'el 111111 lle l11i ,nait jamais ('0111IU de
paTents. Ell ltait 1111 produit de la vaille (Jlchantle. Elle mourait l'hhcr comme les fleurs; le linl'cul d(.> la 11eig la cO\l\'Tait ; !luis, a"ec le j Ulle
bonrgt.:on, a\C,e la pri1l1(, \"iolette, elle r{apparais~ait
ayce son sourire hahitud, sa honté providentillle d SOli cortège de pt.:tits ellfallts.
Le pa\ "an, :\ladelllois\:lle, l'ou\'rier cles
champs, le rhl:1I1ineau ne c0111TaissOlt point leurs
ancCtres. Cc sont les fées qui lel11' en ti ll11Cl1t linl.
K~,
s r!ez·\'OUS pa!! heurcu,se dt· songel <J Ul' loin,
~I\:S
10111 !lmls votre. passe, \'( us CkSCCIHhz (l'un
dre (lou.· ct. myst{-n~ux
comme 1 printelllps <:t
d.ont le.; malllS s. matent, tout Il' long- cl . scnbers, du hon gralll pour les d("hlrit "s?
- Je 11 'el~
di~eonvj
11' }las. I.e~
~oi rs Oll j'ai de
la mélal!coh , Je songe au bonheur (le (IU1l1l<:1' :\
eeu.' q1l1 sont plus tnstŒ que 11101.
\'0\1<; "0 'CZ hien. Cc ~ ntiment-là, l'\' t la
Fre de jadis qui l'a mis en ,'DITS.
1:. Oh vier a\'ait üouté a\cc attention le petit
plaidoyer cl 1· rançois (11 fn\'(:l1f de llertw(le t
Ù(S l(gl,tl(ks. 11 paraissait \"i"em('l1t (mu; sa main
trclnhlait le loug' (le sa harb,' où deux glOs cs
laTIn s \'(,lIaicnt (le sc !lerche. l'lrSontl 11(' son])ÇOll11a scm (motion, et comme, à un mOll1 nt, tout
le .1l1oll(lc s(> tournait VCT!" lui, il IIlUrn111r:t ,l'une
VOIX grave:
.
Olll, oui, il a lais()ll : il, faut crolle allx
F(cs.
l\I.lÎs Fahienlle 11 '{bit pas C'OI1\ aillcllc hi Il profonc}(m nt. Des qu'cil Il put, 11e <IHon ma la
Connr ati(\11 :
Je \'ou, (ond:(1 <]Ul le pas l 1 UT apP:lrti nt,
triais, croy z-moi, }'a" nir n'cst pas au.' Fée ;
YOllS
�60
LE MAUVAIS PAS
j'a\'euir il'est pas aL! rêve, mais à la vie adi\'c,
La T. S. F. st la sorcière d'aujourd'hui.
Elle continua 10Ilgb.:l11pS Silr cc ton, chantant
les bienfaits de la scil,tlcc j.uuais à court de dé,
convertes ct <loll11allt aux song-;:s n;:u.· Ulle ~()
lide chnrpcnte ...
Et la 1l1.l'l'allique! cOllllaissez-\ OltS la 111':'
call1que? Ayez-vous v,isité '! Il to~pile1'?
\'~)lI
a-t-Oll montré la 111;]cltllle qUI fabnque le papIer,
CO III pose, imprime, coud, <:olle, hroche, ct Ù 1.1qudk' il Ile manque.: . .
- ... Que de Sa\'01r lire,
- Ce Il 'est pas ce que je voulais <lire. Et ;\ la• quelle il ne malique que d'avoir de l'orgueil pour
être humaine.
- Oh! l'orgneil!
Vous N"" bien dég-oÎlté! L'orgueil, c'est la
couronlle de cette \'ie. L'orgueil, c\'st la snplC:me
\'C,·tn des forts.
Je n'ai pas d'orgu 11.
Vous Cil aurez. ()u bien vou; ll'arri"erez à
li~1.
A quoi puis-je ani\'cr?
1-1 fortu ne et à la gloire : le.~
cleu x grands
1mb dl: l'art.
Je Ile \'ai~
p:lS SI loin, .:\ladelltois ,Ile.
l\lulS, nOlis Ile chL'min 'rons pas cl1semhle,
T:l rep'lI tic entra dans la c!t:ur de Fl'ançois
eomlll 1111 coup de stylet. Il reprit:
~li
il ne faut jur r (ll- rien. Oui conn'lit
SOI avenir? I:c micII C 'i~crn
]lellt.l'tre ql\e j'ntt Ign' la glOIre, l'a~
'lit, \·t que je 1I1l' laisse
('eiIH!rl' du 11'11l(leau d'orgueil.
- Il c,;t de pin: maltyn',
LI (OIl\'l'ls'ltiOIl {'lait tUllr ;\ tour ferme et enjou':',' j\lIlIU Oli\'1l'r y prenait pl'U de part, laissant
S'l filk {'hJul}ir le peIII tn': Be1\lCOUp plus jeulle
que son man, elle al'Pi~S;t
C011lme \lne su'ur
aÎlIl'l' de sa Jille. EI1I: ,IU~';1
IctoU 'hait son visage;
cIl- ignnrrut sans doute le pro\'crhe favori du cousin l'arftit :
• Il f lIIt de\'enir vieux dl' lionne hcure si on
veut k re,;tl'l IOlgk1p~,
•
Et FIIIH,'OI' Ile song ',!Ï~
llul1 'III -lit ~l le lui
apl'lcIH!JC. l\lais l'1ll- n'av lit [lb tUlls les dU\lIls
�61
LE MAUVAIS PAS
qui découlent n'ordinaire <lé cette {>auvre manie, si
bien qU'elle ne faisait point sounre. On lui pardonnalt ce travers Cil faveur de la bienveillance
de Ses propos.
Elle passait SOIl temps à s'effacer devant sa fiUe,
à approuver sa il lle , à vanter sa filk.
François le rema;4t;a et,.trouva ;ela tout naturel. Il ('lait tout prct a obeIr au mClIlc sentIment.
Fabienne lui paraissait avoir toutes les qualités
requises pour dominer.
.
Le jeune peintre ne quitta pas l'Ohyette le lendemain comme il l'a\'ait écrit à Samt-Chartier,
Ce:; <lames l'ayant eng-ag-é à demeurer encore une
jou rnl'e au château, François s 'y résolut saus difficu ltl: .
. On passa en rc\'ue les études et les compositions <lu jeune homme. Aux. compliments de
Mme Olivier, Fabienne ajouta le piment de maints
iarCastnes.
Et l'~nhmité
grandit vite.
Le, Vieux m.oraliste se voyait sans déplaisir rel~g-uc
au ~r01Sèlc
plan ..C'e~t
un licu fa\'0Iah1e à
lobser-:atton. Et, . à. l'abn de ses soltrcils ct de sa
bar
~ ! 11 l'lut, à 1~lsr,
étudier les diff "r ntes pha-;es
de 1 l' motlOll crols~nt
de Françoi', Cil proie au
gotl \·c rtlt!mel1t de 1- ablenl1e .
. Fr:wçois, au bout t1' quelques heures,
lit réslg-ne à son sort fortuné et 11 laissait, autollr ùc'
lUI, babiller les deux dame~.
A tout il,~ant
plongé dans un rl'\'c
. 011 ne
penl pas faCIlement ces habitudes d '('Va!;l()l1 du
t "'1 il ne prenait pas toujours garde au,' Jl~
roll''; 'lle,;-mêmes qu'on prononçait dcvnnt !Lu.
Elle" devenaient COl1l11le u 11C ~ortl!
tl·;('CU1~,.
netuent ,'Il sourdine à St',., enchnntcl11cllts .
. Le lroi-;il'me joar, il dut fairc l, port~lÏ
il, Fabienne.
, . Et, je :'ous prie, pas en F':-c! Hn jClll1C fille
d aUJo\Hel'hul.
Pcrsonnage non moins mystérieux.
Vous trouvez?
La séanrc eut li,u claus la galerie. Franç is
tourna ing~cw;emt
la dtfficu1té à laqll 11e il
ét.lit arc11I'·. Il lit de ~on
mit'\I)o;, un simple porirait san ornem~t
imaginaire, mais il avait ca.
,l
��LE ;\IAeYAIS rAS
ser!\it au,;,;i le rachat cl 'une g-mllcle erreur de jndis ...
~bi,;
Vahicnn·' v l'o\ht.:lltira-t-elle?
1k kur d,lé ; l " tbmcs rbumaient leurs i.m-
prl'~I{)S
En
:
SOIl1 111 e,
cc JI'est pns un mnuvais garçon!
pronollça l.t jt"nll . li1le d'un tOIi c1daché.
Françni,; l11!\f hait (l'uu pas al1i.·).;\"e, une c11anson aux lèlTes.
l'Otllllll' Il fait hOIl vi,'ré qnand le soleil rl'ch.1UfTc
dOIll't.:lllellt h UI111 pagne et 'lu \>1\ a clans le (ccnr
\ln am)\\r nai,;,;ant. Que\le ti'.vre d' t.f'\\':.i1ler
s 'a~i
te Cil YOlt,; 1
~ Je IlC l1I'arr':krai pIns ail scuil l'~
ch'lten 1 . •
1lI11rrnurc FlU/lç'oi.. L'I ,Jil'clte ,ulfit :" SOli honh 'ur:
CJ travl'Ise 1111 p tit hois. \'oiC'i 11/1 mcher, tille
S('II:ce, \Ille a.,~el1h:'C
de honkanx hlanc , comme
Ù 11:1\\\
1\ 1\\1''' . I\n honl l\c l' 'al\. l.e..:.a tnmbc,
lIt.: lui-Ill III " Ih;-; lp:\n1c-; \ln p int.n.:, I.e pliant.
se P("~';\
t'Irl'; 11 buîk:Ilt.' l'Ollh:urs s'ouvre.
FI,ll!Ç'UI dJ.lIltc et 1'1;:11It.
VII
faisai nt, chaquc nlllll-l', (ll'uLes (~ro,;·Chaltc
vi,;ite., <lU ' Borl\cllt : :111 Illois lll- juill, l'II ani",iIIt
au C'h:îteflll, pOlir dIre bonjour; ail l1oi~
d'oc·
t"\)1'e:, t:lI \, quittant., pOLir les a(licux. Un ser\'icc
t ~\I
l'al' :\1. HO\l\ "nt :m ~hf\teil
cl' SainkAl~'\è,
telle (tait \'urit.\Îne (le l'CS polit's~u;
qui
s'lt.liellt ll\;rpalll>c,.; gr:, C au talellt naissant de
FI lIç(}i~.
~lIs"i
njd' (le t'on\'er,;atiClll 11' \"HlÎaÎt:l1t·il,;
."1\ ,\l\ué • 011 pal bit II \';'11 \ 'n
tll 'cie
de Saltlt-Ch,nlicr, '" l)r FI.III j" l 111\'al,
pOl1r
que ;\1. BOl1l'Cllt ;I\"tit dl: </11 "rir li I.a L'h Itr~
~I\
.. rt;
\
l'a\~:<
ln
'S
��LE MAUYAIS PAS
fait sa petite
j udi
s et
de
��67
LE MAUVAlS PAS
cc n'est pas
non
aprc~
anJ1r
"al1~
la
hft·
Il
nt
��LE MAUVAIS PAS
sangrctluc d'aller à Paris où il n'est pas possible
qu'il vive seul. •
d'aller revoir!
,Et Madclcine prend la n~oluti
des lc lendemalll, son amIe Bertrade et de IUl
« cxpliquer ~ François, cette âme tendre, cr~dule
et vouée aux mirages. Et (Iuanù Bertraùe s:\ur:l,
elle dOllllera ùe hOlls consei~.
Réconfortée par cette idée, Madelcine essllie
une larme importune et quitte sa chaise. Elle parcourt des yeux son pctit dOlUk)ine.
N()u~
sommes au premiet étage du pavillon
qu'cllc habite depuis quelqu, ann(--es et qui est
enclavé entre le jardin et la cour des Bonvent.
C'est une grande chambre avec deux fenGtr~
sur
le~
arhres fruite,~
et sur les rosiers de la grande
al1ée. Dcux pièces plus (-troites s'appuient de
chaque côté de la chamhre, à droite un cabinet de
toikttc, à gauclw un pdit orat<?irc, ~rienté
vers
le 111 i<li et dont la fenêtrc en oglVe laIsse aperceVOIr les thyrse.; mau \"cs d'une glycine.
l,a grande chatuhre est toute plcinc du soleil
de mai qni posc partout l'CS larges toucbes d'or
et (l'argent lumineux, .sur le marbre de la comu1(l(k sur les \'ascs pewts, sur les rehures de la
minl~<.:ue
bibliothl'qul!, sur la l'ourtepointe 'Il
crctollllC" a\'t'C sc:s petites fkurs bleues, sur le'
portraits de la rh<.:min('c dans leurs cadres d'Holle,
l\1:ulc1cinc ;;'arr0te un moment ,levant le visag~
dit ('l'lIX qu'elle aime. D'un <.:tltl:, c'est son père ct
sa IIIl're, les deux l'hers absents, cie l'autre M, ct
Mill' BOllvent. I.cs quatre photofiraphies datent
d'lInc vingtaine d'al111('cs, si hlcn que M, et
fi,! '''' l ,llriellx, les parents de l\ladelelne, et s '
cOllsills ont let aIr de famille (lu'imprime \lue
épilpl C, il J',tide cJes costml1es et. des gestes utliciels Il\\posés par les photographes d'une mA'mc géDl:I,ltioll. La ml'me balustradl;! flanque M, LuricuJ(
et ;\1. B<ltlvent. !\lUi" BOl1vent et Mme Lunellx scmTlcnt d'Illl sourin.! itlenl1que, la main droite pOSl'C
sur deu . guéridons jumeau ' .
C'{'st le passé, c'cst la protectIOn,
1.:\ vieille Bertrade ne s'{tait jamt~
fait photognphiet', l'OIll111C 1'011 pCllse, Mais, à la dl'llI:tlHlc
de M;Hlel 'int?, François avait tt'prody il ,>cs tr :.it:
~;U1s
lllll' lIti~cu
sépi.l, Elle étaIt lepr's<.:nté~
��LE MAUV AIS PAS
71
Et Madele ine 11C parvena it pas à . avoir ce qu'elle
redouta it le plus pour Frallço is, de Fabienl le ou
de Pans .
l'ans, c'était l'agitat ion, le bruit, les plaisirs
{acbees , les entraîn ements .
Fabienn e, c'l:tait, 'n péril, l'âme de Françoi s ..•
.
.
Dans une allée du jardin, M. Bonven t et son
fil,; m,lrcha ient l'un près ùe l'autre, lenteme nt .
. « l\I<?11 oncle confess e peut-êt re Franço is" se
dit la Jcune fille; mais, à un g'c"lè ùe ;\1. Bonven tt
ver" UIlC plate.ba nde, elle sourit : M. BOllven
.
parlait petits poi~
. Cc dîncr lIC fût pas trop morne. I.e front sou·
fuCICII\: <lu jcullc peintre s'éclair a dans la bonne
du potage. 11 parla sans copt:ail Jte. de son
1"!~e
sejour à l'Olive tt·, donna des ddalls drôles sur
vic dit philoso phe, nomma deu"" fois Milo Fal~
curicus ement nlOl\cr nc. ; cepcnd ant,
bll:ulle, «.~i
d'e.pliq ller le coup de t('le du retoul préil. (~lit
ClpltC.
I,e <;oir il consen tit enfin à montrc r ses (-tudes.
dc Fabicnn e (-tait resté à l'Oh vette,
aimahle écot du jeune peintre que M. Olivier avait
éttllIcs rév('It-r enl
acccpté avec joie. :'lIais p1t~sieur
à Il famille a.,semhl(-e la Silhoue tte tr'.s parisien ne
se
dc 1.1 helle fille dll hon philo::lophe. ~[adclein
COl1tl:lIta de hOl:ltcr la tête, mais le Pl:1'c et la mère
L· 1'01 tr~i
dOlltH,r l:nt leur Opll11011 :
- (lit! tr"',; hell\!, (li.t i\l. Bonven t. Quels yell -!
- Qu 1 chapea! l! (ht Mmo Ilon"cn t. Je n'Cil ai
jallni,; vu cl 'aussI grands, ml'mc :\ Ch;\len u rOll x.
( ' hllcaur oux Hait, pour l\[mo 1l0l1vcnt qui y
aIl lit l\cll.· fois l'année , la ville de toute,; les 1·1 "g'1l1(C".
Lc cOllsi n l'al fait arri va clopin- clopant ·t resta
{oh 1II1>i dC\'ant cd imprév u tahll'all de falnillc.
l\1li,; il reprit vite le ,cn,; de la 1 (-alité.
hlt bit'Il! par exempl e, Il' j>olts"in cl, la Val.
lé, ' (lirc qui e::lt rentr'· ;lU (lotlbtl ler! Tu n'avi.~
dOll l ' plus (l' grains d,ms ton escarce lle?
II aperçltt l.l <1C1l101" ,Ile ail vaste chapea u:
Eh! 1,\! 111011 Dieu, elle c,;t toute scule 1;\·
d ',,:ou', h pallvrd te!
��I.E MAUYAIS PAS
73
J.a partie de b(~igue
fut lang1.i~te,
~l.
Bon\cut a\'ait beau chang r d'oreillet e sa t'te alourdI de penslcs, il 11(' parvl'1lait pas < s'endormir.
U1Tu'qt~e,
sans dOllt<" de cct unh'ersel dlsarroi,
l'olelte a\ait élu domicile sous les franges d'un
\'Jeux fallt( ni1 ùont tout le monde ayait pKié ct
qu'on ne ùtran aiL jamais <le son c in cb nr, à
côté du grand buffet.
Le lendemain, Frmlçois reprit son Ylsage fermé.
tes Bony nt et Madel ine co 11\ jurcnt de ne lui [aire
aucune oh. n'atlOll et <le laissl:1 le kmps ac<,omphr ,01 a:.uyrc de tas, ment.
:-;itô le d~jCUl
r acbe\~,
le j 1lUe peintre partit
aHe: sa hoîte t son lliallt. Il l1e rn'int qu'à ~1.'
heurcs d, a]lrès dîner, rragll;\ sa chambre .
j-rançois vcut
• COU III l'adait 1.1 UlIll1) l 1~.
l'l\lt r l soir., se dit lade1clllc
• laIS, h: 1 ntlc11lain, il anl\a q\1 Frmçoi agit
de l1~mc.,
La migra~l1:
dlO int r rn,lan nte. T?l1S
lc~
ou , II sc rctlnl1t dans s 11 1l\.:tJt at,"'l1u, 1~
tall{, au , 'COllÙ, dans UlllO )1. tic dl! gn.:tl1 'r tOl!rll( l' 'l'rs le midi
l n soir, son pl't ,intrigue, nt! 1
à 111' iti CI1l1ortJli" ('collll " de\ .lllt 1111
IllaJ' r
'11\ I1ll(lttc un nut
\'( n~c?
Tu n rai cn:
r la t 1 11Ictlt .ut Il 'al'] IlIb,
uh' ilia foi n 11. C' t tille \ 1 11l(' (. Tt... ql\l e
lro!n,ait l' ,
\ h ... hs-tu conh:nt dt.: tOI1 ltllùe de cdt
api l , -midi?
c 11 'ai riC\1 1:11 t.
TiClIS .. Tu <.'~
rc té lon<Tü
. lJp~
cl hOT, C penùnllt.
-
l' me ~uis
plomCl1(',
:\1. '1.01l\'ellt Il'ni111<11t pas f]lH tiollner,
11
tt.:llu;-
rUl,:it 1 trou 'Cl Sol pipe, SC" dlicll' ct M)\] faut titi \ or III ttes. COll111le g<1 fC1ll1ll 1';111 rrog ait
d y u. , 11 '~nrta
1t~
lilas l11 si<Tn <1<. )'clJ Il!. lt~.
Tc ujonr" llarhouilh:nr 1'"1 Innça 1t: ( U lU
qui redoutait l s di tracti! 1 1lllllnnt ). partI S
de III Iguc. 11 ll'{ t ]l.IS fllt ) oli :1\ ( III 0; dc) uis
flll Iqu~s
jO\IT
!
Oh il JI Ialll p. lui dl \ (lll Ir, tht sa l':1rtlllalll, 11 (I01t (U taiT1(nl\:nt 0\ ir d s S UCI •
�74
LE MAUVA:IS PAS
Le souvenir de la clamc au parasoL., mur.
mura enlre ses dents. le cousin.
- 'NOD, interrompit M. Bouvent. Je suis sftr
qu'il souge à Paris!
- Ah! bah! Paris! Méfiez-vous. Paris n'en (era
qu'une bouchfc.
- Pourquoi cela? riposta le père. Son M. Olivier a raison. II s'encroflte. Si Fratiçois veut partir,
je lui donnerai de quoi s'installer gentiment. Il
viendra 110115 voir trois ou quatre fois par an..
Pari~
n'est pas au bout du monde.
- Qurtnd lui diras-tu cela? demanda Mme Bonvellt tremblante.
- Quand il me le demandera.
Alors, ce sera jamais. Vous êtes aussi bavards
l'un que l'autre.
- Il faut qu'il suive sa voie.
.
- Et s'il dhaillc? observa le cousm.
_. . Il est de bonne race, il retrouvera vite son
cliC 111 in.
Cc cousin Parfait n'épargna aucuu sarcasme à
M . Bonvent :
Tu aurais mieux fail de dOll11cr un bon métier
à Frallçois . l,cs peintres, c'est des propres à rien.
T! y en a des milliers qui crl,venl de faim. Et quand
il sem lancé à Paris, tes pdites rentes n'y suffit nt plus.
Nous Il 'en SOI1111\es pas encore arrivés H.
- Ça viendra vite . Le bonhcur vient à quatre
plttes, IL, malhéur à tir '-d'aile.
JOllC donc aux cartes, ça te va mieux que de
proph C·tiscr.
!'arhleu, je ne del1lanllc que cela. l\fais vous
Nes tPIIS Ù. larmoyer parce que votre C'hl,nthin cst
de mali \"tise hllmcur. Lais
, ~cz-I
donc s'amender.
I Tn viellx g-arçoll ne r011Jprcnd lieu à certains s ·ntillle1lts .
- Je lIl'cn flatte . J'ai1l1e Ù vivre tranqllilk. Si
j'[ll'aj" l'U des mioches, j'alliai" fait comme JeanJ H:qllcs ROllsseau : je les ail t aIs portés au Bureau
de Bil'nfaisance de Saint-Chartil'r.
C'était II11C de,; plaisanterics favorites, et d 'aiI~
lcltrs 1llOffcllSi\'cs du cOllsin . :'IL ct Mmo Bouvent
sc mir 'lit à rire' ct la partie de bésigue reprit
p ur ne plus être interrompue.
�LE :\lA VAIS l'AS
i5
M:Hldeine nc 1Jrenait jamais part à C·S dis'Si0115, mai;; elle cn etait \'in'ment i111]>l'e5s10nntc. L lendemain, elle guetta l'I'ançois dans 1\::0;calu:l', il l'heure de son départ quotidien llour la
va léc, sa boîte d'aquarelle en bandoulière.
Te voilà parti? Tiens? tu oublies t011
CU
pliant.
_ Oui, c'e:o;t vrai. :Mais je ne 111 'en sers guLre.
- Comment cela?
- J n'ai plus d goût à peindre.
.
- (lh! '1'1 allçois, comme c'est mal de dIre ,ela,
Tes dnnières toiles sont très belle'. Tu fais ùcs
progl ~s
tous les jours.
- Tu trou \'es ?
- Tu le sais bien! Et, si tu lIOUS montrais
que tn fais, lIOUS t'encouragcnons ...
CI;
I\lais puisque je ne fais plus ri n.
Tu ne faiS pIns rien parce que tu songe.; an.'
paroks de M. Olivier! Tu as cn\'Îe d'ail '1' il l'ari!'.
1'011rquoi Il 'Cil parlcs-tu pas ~l mOIl oncle? Il est
tout dispos\' à t'y installer si tu le db;ucs.
- Tu crois?
J'en suis sùre. 11 l'a dit dcvant moi.
Et 11I,1111a11?
'fal1tt, tu sais bien, n'en fait qu'à ta tete.
i<1 ançois sourit sans enthousiasme :
-
.le te
1
1l1crci . Je tacherai de profita de tes
11ahcatiolls. A Cl'
011'.
Et le jeulle pClIItre partit ,t ne Tl pal lit que
pOUl le <lîller, COnlnlè il cil rl\.dt pri~
l'!t; Îlude.
Le dîner ach \0, il sOltit sans ri~l1
dlle à
pers011n
;'Idais il 11e monta pas dans S011 ateltLl. Il tra\t'I sa k' jardin ct ou \'rit, puis 1<;[< 1\ Il a il II 1 tl rri~lè
lui une petite porte qui ù011nait sur le che111111 l'TLll '.
On (ÜILell juin. Il faisait ulle soi Ile 1UI11l111.:t1Se
et atti{dic. Fr:1l1çois marchait·1 ntc11lt:ut, ks <lUI.
ll1ains dans ks poches de son petit veston à ('ol
d . \·<.:lOUlS gtcnat. Il p mit un chap au à p tite
COtff ... rOll<1e d à larges bords à la façon lks 1 aysans lin pays.
1.1 allait -le n z à terre, au Ilnsard d\1 cht11l11J,
PUIS lieS sentiers du nois (;m1l:1u1t.
François n'avait jau1ais appris à léfi{ hiT. Il
�LE MAUVAIS PAS
rêvait, ce qui est t?ut difér~nt:
Il rêvai~
qu'il
dcvenait l'hôte perpetucl de IOllvette. Mais tout
s'y trouvait hcures~nl
modif~.
D'abord, le
petit château se trouv(ut transporte, par encbantement, dans la valll'\.: bleue de l'Indre. Il s'élevait à titi endroit que François connaissait bien,
eltr~
le l'hâteau de Saiut-Chartier, dont les belles
tours poi!1t.u ·s d<?minent tout le pays, ct le château de Sall1tc-Alguc, au parc famcux. Il y avait
là une colline, un ruisseau, un petit bois et une
vuc délicieuse sur la contrée., Et . le jardin, tout
autour, sons la baguette de .Mclus1l1c, avait repris
s '" il~tncs
sau \'ag-es, sauf cependant dans une
partie retirt'C, bien e, 'posée au soleil et où les arhres fruitiers, les l('gutlles et les fleurs préférées
poussaient sous la direction du l11aître de la
maison.
Cc maître de la maison, FrançOIS n'aurait
p 'lS SIL dire exactement qui il Hait : M. Olivier ou M. Bonvellt. Il avait 1'1 harbc dt' 1\[. Olivicr et lcs g:estes de 1\1. Bouve1\t; il parlait
cOI1l~ne
le plnlosophe ct souriait eomnle h: petit
rcnlter.
l'ou r la maîtresse du 10g"IS, il 11 'y a "ait pas de
doute, c'l'lait 1\11110 IlOIlVl'llt elle-11l0me.
l'ure fantasmag-orie, la jClltl ' f1lle qui se tlJonlmit
dan~
les aIlle:; du petit parc sau vagc prenait tour
à t.our le visag<.' animl' <1..: Fabiel111 et l'chi 1 plus
calme, de Madel'ine. Ellc avait. de l'assura;H\.' et
dnunait de har~i$
conseils; dl, tranehait le., que 'ti ns de :;a malll l?romptc, ('om111e on cllcapil<: unc
fleur; elle tutoyait l 's g-rUlH!s h01l111lcS dOlll clic
JI Irlait, les (liscuta!t, les Mpa~sit
dl' tOllll' la
l "{c ' elle n'altemt<ut pas qu'un Illi r\'polldîl, d'.cllicy;,ait ks discussions, orgueil! 'use. l'uis t,Ile
g'lpl'tissait, elle t"amig-1l011uait, silcl1 ClellSe; clic
TOlwissait, dit' l'colltait, (:1 Il, s'l'Caltait dn chemin
Tl) l"r laisser passer les aut.res ; par-clcssul'> la hai',
clh: teuùait Hile pi~ 'C e blan che avec ulle bOlllle paJOI, à \Ille vieille femme; dl , allait du jardin au
poulailler, à la cuiSIne, s'uccupait de la maboul
dl~p:trais.
Et Fabit'l1n rellaissait, bruyante,J
ail t"ri taire.
J'cu ~ IX!U, c pendant, M. t 1\1"'" H(lll"ellt ct
:r. 'HlclcllIe, M. ct .1\1"'. Oli "i ' r ct klll' fdle se fou.
>
�LE M UVAl
P
77
d ient e mble, définitivement, ornés d
1
qualités ouhait' par Françoi .
ant ain i arrangé à sa gui e la l'éait~,
le
jeune peintr releva la tête, satisfait de cette im glnair composition.
Bon oir, Monsi ur le marqu' de la Lune.
r nçoi
trouvait ur le toit de gazon de la
demeure de Bertrade et c'était la bonne fée elleme qui l'interpellait. Il fronça d'abord le sourctl, pui , jugeant la rencontr ufli amment surnatur ne, Il alua la vi ille femme et fit mine de
continu 1; 8a route.
Pr nez donc l'khelle, dit Bertrade, c'
pl
court.
t Ile montra l' c lier de terre et de latt
qU'elle vait elle-même d in~
et qui descendait
dtrectement du boi au euil de a ch umi re.
Il faisait encore jour sur 1 coteau.; chez B tr e, il était d~jà
nuit.
Comment se fait-il que vous vous promeniez
loup,
ieur Bon
?
ai i entre chien
it n'ap
t
au pein,
au
eh -hu n
t
vteill
orc:i ma. Venez·voua
dt pu r mon empire? i j'en croi les lignes
otr front, vous étiez, il n'y a pas bien Ion ,
ez lolU du Boi G rnault, ur le per JI
1 liY
, en grande con ersation avec la jeuue
"
bienne au yeu de diam ut
pebt oy ~t
apeuri m •
uoi, mère Bertrade l
qu.e
fait, d tout
t ce que ou fers
��LE M UVAl
P
79
Il 'étonna d'avoir ain i bavardé avec la m re
trade, lui qui, en face de son père, de sa mère,
même de a petite confidente Madeleine ne
pouvait plu ouvrir la bouche, parce qu'd ne
ait qu'aux hôtes de l'Olivette et qu'il ne pouit décemment le dévoiler aUX siens. Et l'attenon de la vieille femme du moulin Garnault
'était pas moins curieu e l constater.
e ' t une vraie magicienne, se dit Françoi .
lIe m'a fait dire tout ce «tue je pen ai et elle
ai ait prendre grand plat ir l mon récit. Ah 1
Il' la vie paratt teut de uite moins late 'luand
il 'y mêle le piqu Dt du mystère. 't-U ~
traordinaire, par e emple, que Bertrade ait alDsi'
4:hez elle les œuvres du vieux philosophe? •
Et il reprit a course.
M. Bonvent rôdait ur la ro~te,
a pipe éteinte.
- Ah 1 te voilà?
- Oui. Je uis allé voir un beau clair de lune
lar }'Igneraye.
rançai br&lai de tout r conter. M. Bonvent
i mourait d'envie de parI r. ais chacun d'eux
ttendit que l'au
t. rançoit ta t
1 vre et leS pe
v
. nt. M. Bonvent'arr
pour rallu
pi~.
Le hi
utaient de joie autour de 1
m
.
trêrent
voir échaug
le
parmi les
��'r
I.E MArVAIS l' \S
nrac~,
fadas. damcs hlm cht~,
1111111", gohell1 ,
feu' Iol1 'ts, chaque pro\"ince d> l'rallte a St" l
P pulaires, et M, 01i\ ier p ~"',lit
en lc\'tll: k ILgcndc!' d' Bretagne ct de l'ro\'el1c , (l"s FJamhts
ct du Hern', dts J'ays basqu s et de 1.1 :-;.1\' iL Il
rfsnmait 1(s 101l1an5 de la Tab! IOIHle Ù l' 1<'1
Arthu1', l'eIlclJalltcllr "Terlin et la F{c • !orga1Jc,
lIte an pays tl'A\'allon,. h.: p.uaüis (1<:5 Fù' », paraissl'llt tour à lOIH (lans 1a fortt de Brol'tlialHlc,
n.11 1 in (le R l111<:S, Ft l\Illusillc n,lit son chapitre il part, cul11rnc François s'y attcntlmt.
La lra<litiolJ la (lisait fllll- d'u11 loi tI', Ib.lI1ie.
Elh: lpO\1"n Ra)111011din, C'OInt de Forez, pr ll11fr
slÏ"llUlr de Lusigl'an. ptlur <il!! dIe bâtit, ;1" ('
Utl' rapi,ltt' 111iracl11 use, 1 château \'tie f31J1LtI';:
de I.u"ignan n POItoU. Il l11011tra't comm nt
1
n01l1 de n ~re
(les Lusignan dalt d\.'\'ul\1 :\l~IC
l nil~,
,h r1uslIIe, pl ur aboutil ;1 la jl) 1
JloJlulaile de ilé\1~L
Tons ils mots n":
ht.z'e
P~uple
chantent ,h liciul'it'11lt:1Jl. SOli pou \'. tr 11.1glq\1~
la H:ud;lÎl \ 1 ibk ;\ tUll sUl les rempart dc
Ll1gig-lH\l1 101MpH rll grauds llwlh"UI
11lt.!J1:1l,:11 Ilt
SCt; cll'''''l.:ll<1.11lls ou le ro\ au 111 ' ,lt,; l'Ian,
L le
ln [\JIll l Il '\111
rl lit
l'ull
{li 111
d'ull
b unté. C' t à [lills; 1 <Ju', 11 attribue 1:1 CI Il tru tlon surpl ,,' .lllte tl· th: t ,1\1
<k. lun r. ,
d'Is Ildm, (1
IaT11:tudl, 1" 1 < rtl! l1ay, du ,,0.-
t ~ql
tLHll
d
.1 tOI\1
1 \ 1,.(ln~
drave, etc.
FlI bOll Iknil'holl l'ranç, i fut Ildl1 u: cl
le. nem d'Issoudlln 'parmi c\cs 110111 de lh'lt au,
III s :,OI1S la bagnett de la !>cl1e maglLlClllk.
\près rc IU;lt1~
sllcC'ilhl <les ll.HlitiOl s le tl.IS
11.:, penples (ll' 1[111 1\ !!faIlle a tant ,1 point..; .1111\111S, 1'historil.:11 des Fles cOllsacrait lout 111.
l'h:l]lItll il 1.1 philosopllÏl: ùe U.:S lnystltt.!::i fa
1111 lins,
La l'le, c'l:st l'jmagitlation. Crfu; li tout s lIen'
lmisqu'dks ne fOnt qu'une, 11011'; l)(s~dJn,
ILS
]Jlns ~rnl(15
billls ... 'OtiS avons <leS chilt au,', ùes
tr~.so
cl 1<: bonheur, C:lr lclui qut rL"\: d ~Ol1
gl;t: lIe manque pas de rlal1s\:t' s\:s plus beaux
dl Il s,
I..l Fl', ~'est
J'inlcl1ntclialTe lltrc la
l'ui:;sal1ce di ville t la fragilité hUlIlai ue.
TOlte~
����LE MAUVAIS l'AS
h~lC'ur!
cela lui e~t
bien perllli!>, dit h compati!-\sante Mm. Bouyent.
l\[ais, an ml:lI1e inst'll1t, tin pa~
l1'h0l111l1e gr'lvi..;sait le pcrro11, le marteau frappa troi..; coups,
la porte ch! la lue s'ouvrit, J1ui~
n:11I: du l'onidor,
l.lÏssant Cl1ln:l' 1111 flol <h: 11l11\iC:rc, l Désiré luim01~
app<lrut, dCI\1I-dICIl Cil blousl: hlellc, aIL
v\:ntrc c\:int Ü'UIll: boîtc C11 Ctlll bouilli, ]Uh 'l1lt
ct rll'Il1<1. La maison, aussitôt, ~c rén:ilh, C '1\1111 '
50th 1il hag-uettc <l'u n map;icicn.
:\lo~ietr
Bonn:nt, \'oici votre jOllrnal, ct
voi ci lInl! lettrc pour M, FI rlnçois, CO\l\1I1\: qllt dlfaillln\: l'Ure l'II carton,
I.~"
chiclls, !>ur l' dos, s'él1r:ucnt. 1'tl/cite b~li
lait, II: Ilos tOtlt ù coup hossu. :\L Holl\ cnt tellrlait
la 111 lin, François ~'
ln' lit, inll igué, ,t :\LV" I\ouveul lIoltiulit \'l!rs l'olllcc. Dl'Sll" , <l\.lIl ( l ' <Ille
lroller n:ut (Iii ' ct, sOH 11'\'oil t\:mpll, atlcl\ 1 ilL.
uu J>oil~
slIr l.t h lllcltc ,
1\1"'. BonYl'lll re\'lul :l\'c'l IIll \l:lle cl 1111' IH'lIteill' l Oll\' 'rl' de hu 'c,
CL' n\'"l p'IS 11-: ldns, llit l, r,llkur, Cil
s'c- '11\'lnl JI \1 ;\\"111\' la !)()l1dIL' d'lI\1 IL \'<.:1" ùe
DI:\l1I .
II l 'glld.1 1.\ hl'r', l:11 tla\1"!,.11 \1l', Illlh Ituqn
d'lI11 "'1\1]1 1, \' '1 Il! ,'\1lll'I,
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VoliS
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soleil
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\'it-: Ille h PO\11P l, llll l' l'lcpa ()c 1.1 pOIL. ('~t"
l'g d, Je
T,"ll' 1.1 LUlIillc
tl lI i 1 1\ lllllllÎt, \1 Il
nl,lll1
l ' '(111',
:\lnlhlCIII, :\1111.1111'
(-t.lil lOI\llllC \L'I ~
FI 111<; i
Il 'lit C.llloll h1.111 l'Ill!' les
1 !le illvihtÎull d ',; (~ro"
le \l " 1 "
Ch
IIIlc1?
Il'11\ ItI(la
;\li CliX ql1l' l'cil! (lit FI tlIçoi". Li pllll,ît.
1l11IlVl'lll 1\(' .lcm t11l1 lil qUl' ccl ,1, Il lut pouc
lUI, pm , loul 11 IUl :
~l
!\I . l'l :\T'''', l'llIlih Il (lit 1'1 Vlil'Ill \1 FI \l1I;oi \lnl1d \'CIIII 1"1 CI Il )OUIII'l! llu Ihlllunrilc \ 1 juilll'l 1 l'llll\' ll..:
vellt
��LE MAUV AIS PAS
VIII
da\J~
Cl Qu'nN11lND La « POUSSI N»
C'est ù peine i Franço is reconna ît l'OlivL tte
loildte estivale . Il n'y a plus d 'herhe (la1ls
~a
les a110es, les massifs sont rentrés dans leurs œil!turc', dans leurs bordur es; les statues surgiss ent
vi t\1l1eU"e" ùes arbu!'\te s qui, de guerre lasse, sem1>1..:llt a\'uir regagn é leur quartie r g(·lIl·ral, à l'orte
(l.u pc·ti t bOIS, docile lu i-même à u1le \Jou velle conlaissan t travers er par de jolis scntlers
sig Ile et ~e
blonds .
• \ '11, cc 1\'est plus l'Oli\'\.: tte, sauvag e d l':IIII1',
hahitan ts, du lIIoins, n'aurou t piS l'l1·UIg'V .
J .c~
é ; SOli cuQIl i . ait? Françoi s 11 'est pas trl:s 1 aS~\1
tho lhiaslIIe tomhe,
COlllnle il descend (le la voitUT' , il aperçoi t, sur
deu.' jeltnc,> gens <[ui
la telra 'se (lu petit chfltau~
le (l'·d ... agent a\'cc une )1l!rSlst allce gê-lllllt c Il).:11C0111111 Ult
Vit Il· ... 11I<lIThcs, le dos lin pcu COUlltl'. (
d~bal
s' f tlt-il qlle \[110 Fabienn e le laisse aln~H
quc.1 (!evant lles l'tran)4 'crs?, Cepend ant, il est
poll; 11 \';l saluer ces invitl';; ill('0I111U S, Mais S,l
. Lc'
m ' Ii Il, à mi-chem in ch! SOIl chapea u, retombe
êklt JCUllCS g-ells, COllltlle s'ils s'{-laien l rOllcclt é',
lIellt et parais!'>cllt ~'jntlr6se
ll1i tOlllllCl It le c1o~,
à
éll Illllél11< :lIt à UIlC cornich e (ln châtl'au ou bien
au miheu
blant'hc~
tlll IltI'lge qui (ll'ploll' SCs ailc~
vaste mer.
(1.1 l ici pl1r, l'omllle unc yole sur la
la
l'IIÇ(l! -; ]>,'nchc cn,'ore (I.l\aut :tg' la tLote vers
,j son
pelitl.! valise p~'sc
JI 'l" ' de ses soulters . ~'t
gauche , la ('(lltrrrlI C de SOli sac 1111 Scie
hl l.
l' ·p:lIIle. «C'cst ,ou accoutr emeut, S,IIIS deJllte,
dC:-plliqUI .1 excité l'hilan lé des deux 11lcOllUUS
Saub .•
l\l.us
celle lllau vaise impreSSIOn esl VIle ch
l',;;
·c.
��LE MAUVAIS PAS
- Oui. Vos deux collègues ont, l'un un piano,
l'autre un exercis eur suédois. Le romancier à
qui l'on va vous présent er n'a qu'un apparei l l
douche et un tub. C'est devenu une manie chez
lui. Il arrose son beau cerveau deux fois par
jour. Il g:agne beaucoup d'argen t avec des romans qu'tl fait faire l droite et à gauche. Il n'a
aucune espèce de talent, ses col1aborateUls non
plus, du reste.
- Et les peintre s?
- Ah! quant à eux, je ne sais pas. Ce sont
des peintre s de salon. L'un parle musiqu e et
l'autre sport; ils ne sont pas ennuye ux. IJj font,
disent- ils, de la peintur e pour Vtvre, mais ils
étaient nés pour avoir deS rentes.
François ouvrait les yeux démesu rément . Il a\'ait
si bien l'air de se demand er : «Mais, mon cher
martre, pourqu oi sont-ils de vos amis? , que
l'd. Olivier s'empre ssa d'ajou ter:
- Ce sont des amis de ces dames : relations paon ne sait comment, ni où,
risienn es, ~eDcéa
et qui durent lix mois. Je ne les connaie pu. Heureusem ent que je vous ai 1
Le ieune homme fut très touehf de ces dernièret paroles et il crut devoir le confesser tout de
luite :
pas votre amitié. Depuis trois
- Je ne m~rite
moi" je . . peins plus. Ce que fai fait jadis me
déotaH et jè ne me sens pas capable de mieux
fafre ..• Je .ui. d ... une mauvai se passe.
- Qu'est-ce que vou me dites là? Vous êtes
un graud misérable. On n'a pas le droit d s'abandouller <1U d{couragement. Cute!!, on travers e des
crises: c'est la vie. Je vous raconterai les miennes
sortir
)Ul jour. Mais, de chacun e d'elles, on doit
que
loiD
plus
bien
de
viens
Je
.
aguerri
fort,
plus
vous, allez.
Et M. Olivier poussa un soupir gros de souven.irs contenus qui ne demand aient qu'à revoir la
Jumière du jour.
- Tout cela n'est pas drôle. A demain les con;.,
fidenœs. Venez revoir ma galerie. Il y a du DOU..
"tau.
Franço is ne se fit pas prier.
La galerie avait eu déjà des viaiteurs. Fabien ne
���������LB MAUVAIS PAS
l,,'int.rc.;, r\ l ',Ii '1-: ~d
h:llk, mollcs et gluante:,
tl'lIh: 'Ilt cil \ 1111 d ',!tuttr' tk: r ll1g,., de 111 niC/II'
n tk·. ,1'"
(llivi.:r C lllphit le.
coups des
j()\tcur.;.
,
()Illnl ,'Ill hon phtlo:' phe, UPply~
contre 1111
p,lil ,lIhr' de J.l.phcè, 1.reg;lt~i,
Cnlllllle dalJ.
ttn Il: '(' , 'lpp'1r,u lrc et cilsp'1raltre tonr à t.our,
canl'lndes ct ,",Ollf"l'1ttls, S'l fille ··t SOtt petit
ilmi, Ihl~
Il nI 'l'Ile JI 'inte el! \'l'rt UItl,llld ' el 1lHlt
Cttgïlld '1Ic!C:C de bilnderoles ct <le llmpe,lux
flotta Il ts,
IX
AU C()\[fo:'cr~ŒN
IIU<"tUI':r. JlHANÇO(S l'ART
A ~on
1101t\'Cln ret ur de l'Olivette, Fr,tl1çois
était U11 ant!" homme.
S l\l dc:p'lIt pOlir j"l"Is fllt i111ntc:dhtelttcllt dl' Idé
ct t lnl le mOlldc y lr'\ v,dl1t.
FI.\!Içoi" parhit, li 'lI t, l'It,llIl.lil, 1 .i).:'lnil :
Je n'ai pa.'; d· temps il p~n1rc
. .le vellX: avoir
(' 'Ill Il Il 1Iltr ),; fI 1110\ttrCI il TIIIlU ' 1)()"'It.ioll : p:IV!, Ige;,
(lIpo~i1ns,
(tudes, Il bUl que j frapj
l!ld coup: que .IC's gcns s rl'tonrnent pour
deI. Ah! III liS!
\1'" ·... ltLlII\·cnt a\'ait dl',., Jailli ,. dc JOIe dans ks
yll!
Cil COll illll'lllt <~e
hlod '1', ollvl'rtClIl'llt, des
il1lli, l , sur de.~
ser\'lctt 's. 1\1. Hon\' nl, tlll l'cr.
Plild SOltrtlC SIII le visag'C', Iltenulsail av'c :rrdellr. OU,lIIt Ù 1\latkl'iltc, elle se trouvait un JI Il
b t1lotlZ'c j cc vOy'lge, d 'Utt' paIL, lIC Ino'lnqu,ut
fi" de l' fTrayC'r, car il. Ile ha Jl,mis~at
pas sur.
tIIl gl
IIIl' ICP'.tt
It Ilttlilent prép:ué; mal.' SOli ami FlançOls {.talt
lOVCU' t't ,C's parents si heurelt,- qu'ell .m"me,
,1
III! t1':111 nt, nc pOHvait lotre <lu' contente.
EII· Sil v ilh l" pr(']l'U'ltils, -titl,ml Fmnçois ù
]'C'I1thlll lge d
,<lcssitl',c1 sc. toilscld
s
tHb'lI~,
Il vlit ]l'U de ltvrc-;
l , p intrc ont
lU1I1 In'rc c:elui de la nlture ;
:\-1-11 'Iein pltl:l
��LE -MAUV AIS PAS
l 0
qui lui racont'! do.; souven irs de la jeune c de
son "ral1ll-p 0re.
"Le h011 roi l)ag-ohe rt vint souven t chaS1er
P'U il i ;1 cc que l'on pr(ten(l . Il v ~v'1.it
du cerf
ct (k,.; ',.;.IIlg;liers et lin dl:\tëall royal sllr les hords
de h Cl.u·c Le roi aitll'uL heauco up se,.; chien"
Un soir, l'Il 11e S'lit à la suite de qu l '1.l"ud nt,
le' l'au Vl'e: Chlell'; se noyèrt: nt <hns un d 11 i:i
étan~s,
qui sont parlois traÎtn:s . D,l~obert
pour
f.e (""ltsol a et ("on soler ceux qui se nov 1 nt : « Il
n'y a, (Ii~-l
en pkl1r:m t, SI hon11e comp 19l1ie qui
ne
~e
q III tte .•
Françol ;; l 'él ontait, notant (h11s sa têk les ~cène.;
évoqlle'cS,
;\Io11 p'lrcnt, reprc11:\iL le \'lell x, s \11S 1 ver
1'1. C·tc, COI11I1\(: s'il raconta it ses histollc s -\ se,
sab ,t..;, mon parent a con11U 1111 homme qUt c. L
mort cl' l\'oir (':tlh" de trop prè,; avcc ks 1IVf\l1di0re;; dll (~abri.I1,
Le plU \TC garçon s' ,t tit levé
li' g"tal1d matin pOlir pOltcr au hord de l'c:tu des
h'mles que lc .~ fdk, du domain e devli 'nt veuir
l.l\'er d'.; le soleil. Il fuL bien (-tonné de trouver
la plac' O'cupl'e p:tr trotS gr.ll1cl 'S f mme;;, D'ux:
1 IV lient, 1'1. trotsi0m (te1Hhi t le lill}.!;e, • Vous
111.: Vl1U~
y C-te.; p'l~
pri' ,.; Lu(1! • CI il le 1l1l'lly, 'r
p n 1l1l1ti'.re de 1'1 li " lltlcnc, 1\L\I,;, tout rie 111':\11 "
il 11' ri'liL gUl:re, l'Ir il Ill: fal';,lit l'a JOllr el eette
l "tIIl' tg-nie III
lui paraIss ait Jl:1s hi 'It catholiq ue,
Jl' r,lit, on ne lui fit pa.' cl' répollsc , C'ét. it lIll
gl1llan l. 11 fit ('11e01(' trois l'a,; )lour voir le que
le- l.1\' ·u~(';
}louvai 'ilL hielt !rIVCI, Il Icn1.lrq u:l
d' lI, ,r 1 quI.: l, li11gl.: que la troisiUl lC [lÎ" liL mlll\.'
d'd Il Ire :walt (l'~
Imlll e'i hltmai1.:~
et qu'il e
tell Il d'hout salis l'onlL ni pot tll. «1It):11t 's
f 1111\11.:", dit-tl aux cl 'U' antres, qlle ln\' 'Z-VOlh
<1011
1,\? ~ Elles lui tournai ent 1 clos t ontt111t \ll.:nl (le II\'er eIt silence, cc qui n'est pa,
1.\
rO;llltm e de.; h\'ellse s Cil 110'; Iny~,
ni, du te. t ,
<l.111
,IU('I111 :\\tln', ",l l'on a',ure qu'il r'~()lt
,lUI';, Jlott.lltt SIII l 'ntl elltre les (1 'tt X
gr'I1HI "
f tIlnle" ct toute ~nf1"
d'.lir, JI (lernièr e rh '1111 e
<le ~OI1
,y Ir , ('elle qu'l! )lrlttlit IL' jOtlt
oit, tntllhé
<1')' dll:!1 (Ill ~rl't
:110111, il 1110Ulllt .,\Ih 1'(1nfe ... ~l1,
«!.lu 'e ·t-cc qui \'Olh a (Jonn',
,tt, ("Ii 'l1tIsC, fCl11tlle ,?» S'l: rt 1 le p:l\1vn.: m"lIVl.:
l, h:
�ro~
poing tenùu. l\<bis, à cc lIlOllH.!nt-Ià, les grand s
femmes ct i-: ling-<.: qll'elles Il\' <lli.'lIl Il l ' fOlllll:rel1t
plus qu'ulle ~orte
de grand voilc lie hrU1lIe qUI
s'~tra,
s"'lar;.:-it, rampa, flotta ct disp.lrut du cO,l,
du sokil. I/homme 1I1 ,u cha VNS l'dan~,
«H"ll dez-llllJi mOIl g ,lr,,! n:l1dez-moi mOIl g :l r.; !. Il
glls ,' l SUI le.; ro~
" IW ' du boni ct t01ll!>,l C01llllle
Il ne Illas..;c dan~
l 'c lIl. \,lltrlllli les kl1llllCS dc la
fenlle arrivèrent, elle:; le trouvèrent morl : dans
se,., (\oi.t:"ts, JI sermit une chemise bleue, Les I.l\' 1I1dl, rc: sont dc., gueusc:; qll'il nc faut 11.(5
for l'r.
Le l'ieil homme lui raconta encore toute:; <;ortes
d'hi"t(,lrl's (Il-...; environ,;. Ll Brcnne est l 'U fcrtik,
S,Ill r Cil ll'g'cntle,;. FrançOIS ~hit
ù son affaire. Il
éCllUl:tit, hochait 1.1 C'le, gravt'. l>'1r13 le livre cle
1: Ttr.lI!c, il avait appns que I ·s c ont'~
(1 F0es Ile
sont pa, lies 111 'n"ollges, l1l:J.i.'; dl' h lle:; [éal!t~s
'lll Lperçoivent, s ' ul:;, le privil"gi0s,
Il s..: lit. parler du di lblc, de l'Aulr\!, comme on
dit <llllS le pays, pour éviter de le Illltl1!11er direett.'uH.:nt, de (~corgel,
comme ou l'appelle CltlelqUefois, par déri-;ion, en souvellir de S:lIl1t (~l'Ogcs
CJlII' Je terrassa,
l;rUllçois serait bien re:;t6 la sel1l,li!1(! à "collter
1 " fariboks dl! vieux Br '11110U,
\,lllund il relltn, à p ·tite<; journ('el!, à S tintCh trUcI, il avait le t' rvc:J.u plus farci 'lIt.: j un Lis
<l't: ·ll;l\'lg.lI1tes et 1 11!1t.UIlCS :l\'\!lltllres, et 11 rt:5Sl:I1t.lIt" au t"oll,1 (ll- 1111, un gralld a1l1our ponr son
l' LV';. Car Ic~
,lég-cIHI'"
!'hi"loJre, la poesi' fout
Viltre dll paln;l1olllC de Uo" provint 's. (~r.il'
a
lO l h lc';
. "Ol1\'~!I
ljll'II l'\yqll:lIl, (:l'lllÇ(II'; voydt
l111 e ll ,Jug-e llt ml 'Il" ct tl l:ttTol.lIt dIV,l1Ill":--: de
pdlt l'oin cie Jkrry,
A \Ilt de partir, Il p':'Ierl1!a elH'OTc autour de
SOli
ch e,. lui; il l"vit,
Ù
hi cyc1ett', par cl eU sc,.,
10",,(::;,
qui lut,
<lit-on, à ni Ill\! dc l'Olt.! [s ; il travers l Il p,'llte
COllIIIIU!1C de I,nc<;, urt vrai repaIre de eOlllt'", :\Iolit1 VL C, Bri l1tc~
; il s"11'rêh 'Ill l'hîtl"lll d· L l -'lotteFellillv Ol! ttlOl1rttt 'h'ulotte cl 'Albret et où, tn ' te
et lIoir, un if énorm\! rnraît Yl11holi"er la tri , te
eXhl 'Jle de Il vell \ cd, Clos 11 Borg-r .l; il rcvI Ilt
p;J.r 1.l eh:J.pcllc cl' V lllcloll III qui \' lt tant df' mis \lh
0.'
'r entrer, 1· b ''lU ch
' tI~'au
<l'Ar~
��LE MAUVAIS PAS
1
,~
Et François m':le tout, les héroïnes (kmt il se
souvient ct les paysannes qu'il rencontre, qu'Il
connaît, les rom:lllS qll'Oll lui a lus el Ll r{,!lité
qlt'il knillette chaque jour avec une si granùe
ullliti', n sw:lÎt bien qu'il aimait le Berry JX!ut-on ne pas aimer son pelit pays nabl? m'li.. j lmais il n l'av:1it senti :i pro[nll(l{,ment. Sc pouvait-il qu'il fût à la veille de le
quitter?
Alors, dam le petit parc de Nohant, dont L! bois
est t,lpi,;sé d,:; feuilks lui" mtes de la pcrvelu.lw,
<!nllt le,; allée" serpentent sous le dais des j UIleS
ehl'lIc:,;, Françoi,~
ht le vœu de consacrer tout le
hl 'nt qu'il ponrrait avoir à la glorific:1tion du
B':lly et p:1rtieulièrement à la valll'e de l'Indre,
an . dl,lteaux de son p ys ct aux légendes qui y
f1eun rent.
Ch.t'lue jour, une nou v lie (-tude venait S '1.jouter aux anciennes et gonftcr davantage le c.irton
qui allnit p:1rtir pour l'tris.
IVr. BOllvent, Mme Bonvent et Madelelllc sc réjoui,;.; \l nt de ('ette fièvre [l'conde.
Qlt'lnt ail C'Oltsin l'arhit, toujours ironique, il
fnpl"~
sllr l"'p:wl' r1 François, le jour dll déput, et lui dit à l'oreille un de ses proverbe' fa·
vori
TIl as mangé le d SSIIS de tn soupe, mon
garço1i,
l" qlli ~tai
un façon ~pitel
de lui faire
('Ot.1 pr<.:t1(lrc qll'i! ct Il itl:lit l'état de hon hcur pour
1111 Ill('OI1I1Il qui 11' le \ ludrait j:l.111 is.
Cc Ile fut qlle l, lcllt\{<II1'Ull que les Tlonvent
s'ap~rçutc\l
ùu vi(h.: "t1011lH: tHlllSl' par le c1~Jlart
ùc 1 ttr 111 __ •
J' li b sensation, dit M, Bonvent au r. IIsin
raIrait, (l'être amput'· cl'un hr1s ou d'lInc j1lT1br.
1\1'''8 Il ln\'cnt pl 'ur.lÏt clans le, lTIOI11 '\lts qu'elle
se tlClII dt sille, IIlai, , cIl:' que son llI:ui TClltmit,
tonte son {·nergi' pour puaître rélie (ltp)y~
SIRli'" cl P !lIt ,ltllUler 1:1. 1\11IS011
M III 'lI1~
1\:1it Il 'rtrllie pUUl qtl\:1c~
juufS
~1I('lJr
l'L cil
('II profi t ri l.
COlltr SI couLl11l1C, Jkrtr lllt· Sc motltr lit fort
curÎ li (' ct (tll ,.;tiolltllit Il lll( Ollp S'l P tlt.: Il'11
sur l'r.lnçois, sur, '" trnv1l1x, S'S projets Lie.
�LE MAt VAIS PAS
10·1
n.:latio~
qu'il aurait il. l~aris
; ~cla
r~me.nait
la
l'on \ crsatioll sur M. Ol1\'ler, q11] paraIssaIt mtérc, Stcr <11' plus ell plus la bOllllt Fù,' du Bois Garnault. Hlle prcnait alors un PdtL tOll dlga~
qui
1l1trj n uait 2\ladetl'im,
J a'~ jeune fille pat lait de préft.'rcn e de la futtn,' ~ ';positil1l1 de son cousin; elle dlsirait de
t( utc~
~(s
forccs pon\'oir y assistn :
Il tau.l 'ait lj\'C François ait besoin de moi
1'< nr l'an allg-ctncnt. C01l1mclIt fain?
J' rtl.tdc rUlù:hit; luis :
TI y alitait b1('n un 100)('11, (:e s rait <k ...
Mai, jt' 1 ùir.,i rela J lus lard. Viens un peu
qu je h' muntre quelque chose.
Ou f01l<1 d'ull tiruir fermt' ù td])le tour, elle
lira un paqu t sOig11l:\lSLIlI' nt IllTllail1ot t" COplt.USUI 1 1 Sdl1londl{' dl' pl ine l11 grains (t dtgap;cant par Mil loit uUe lurte odeur dt: (amphre.
Ile lpinglc,; de Honnic,', un PCl! louill 'tS, le k1'mailllt h 1111 'tiqlll'l1It'llt.
SOll]ll:Se, dit Berlrade.
l'1)111]110 '\:-.t lLg( r !
VI s rgL' \C:ltc d'l'lite, il fallnt d{colldre IIne
en\ 1 PI d toile, ]luis cc fut le tour Il '\Ill 1 apic! (le ok, quatre fois roulé autour du 111) st:~
n I " , 'l'tl nn.
Fllfin, \ c min Illllaution, Ht'rtr:ull' lt l I t ,
dt'\.l1Jt ";\ P titt' a1111l ,'hlottie, Illll' l:uge 11lO(]ClÎc
t01lt k 1,)1\S; (k lnlJuc1lt l'Olt 1aiCllt <lu; 115 d'or,
<le j I111't ll11e .hartnOllll'US arabesquc de fluil1:1g-;.' d <Tt· rl1t~
l1ltÎrs. l"dait l11t.... l et
11S<r
lelll,
.\lal ,\;;t tlll tr(.ol' qlll! \'ou poss'dz là,
1-; 1 and '1I1l1 C' ,
l\ la 1111 vÎt nt d(, Illes aï uks, dOllt l'1111e
t-tnit Ft", ci l'on t'n croit la tr:\<litioll,
Il I.mt (J',)ill' la ttatlitlOI1, (ar, \'tailtt(llt { (i
(' t li Ill' <1'11\ H' de F~ .. Mai.s, ditts-lI1 ,i, g;allll'mtll, \1 ttS a\lZ dO. lhe Ilche, Ires ridlt\ HU
jOli r,
lit I( Hl tlI!e (st lil'h ,)lC'llt amie. l'rois1 un grand h{sor qu. lWus l, 'li Ilt t Tl
qllahtu;, Il '{ltns, 11 SOIl\Clllr , l( n.· qll1 II< ilS
ont Jll tltll<; sur < He trrn·. l'hnqlU' sl~'c
s\ l<\Igit l'cll
d< maillc. Cc sImt les jl~rats.
TI
TIl(>],
"
��106
LE MAUV AIS l'AS
Il s'agiss ait de broder, à fih; d'or, un, encadre ment à la longue suite des compos itions. du Mal4'Vais l'as de Françoi~.
_ Cc sera une jolie surpris e, tu verras, dit la
bonne vieille.
-- Vous croyez? 11 trouver a peut-êt re cela ridicule, trop [0miml l ...
- Tu verras, tu verras, répéta Bertrad e en hochant la tête d'un air entendu , comme si elle
H:lÏt certaine de l'effet que produir aient sur Françoi~
ks fds d'or et le dessin ingénie ux de la broderie.
Cc ue fut donc que la veille du dl:part de lIertr,ule que Mad -Ieinc eut pleine conscie nce de ses
:lng'(,isses au sujd {le Fralçoi~_
Il écrivait peu, ce
qUI contrar iait se~
p.lrents . Madele ine le défenda it.
1\ lui semhla lt (\UC B -rtrade, la broderi e, ses
pril:res ct toutes es JI ·usées des siens le protégeaient . M:l1S h.: jour où sa vieille amie lm dit :
c l'as à demain , Madelo n, ~l l'an procha tn!.
elle
sentit son cœur se gouHcr et il lui parut que
Françoi s, autant qu'cl iC-l\ll'me, perdait son appui
le plus l'ertain.
- Vous pute? 1 vous partez! Oh! pourqu oi?
Qui me conseil lera? Uui me console ra?
Il faut savOIr porter sa croix. Souvien s-toi
seulem ent que, là où je vais, je pense à ma pdlte
Mad leine. J'emmè ne Made/c ite, ta filleule dianotique. Si je t'oublia i,;, clle Ille punirai t du bec.
Où cst-clle , la l'oquine ?
- Ut-has, dans le s~nti<.'r
Elle m'atten d pour
me lam: ses ~lheu_
'" (,ralld'm i:re, gralld'm erc, oÙ
que \\1\1<; alliez, emmeneZ-lIIOI.
- "'tlte lolle. Il faut être rai.onn ahle. Que JiralCllt !\\. ct Mn,. Bonven t? Tu vois bien, tu ne réponl .. \IdS! Tu ne peux les qUItter, Ils sont plus
à p\.tilldr e que .101.
.
~i
je C;:l\".1I~
au m01l1S où vous écrire, je vous
verrai .. micux, JC Serais moins Ilentuc ...
- Appren ds 1101.1e ccci, Made on : c là-lias ., je
rempli~
mon (h,:\'olr, ct! lorsque j 'cn pars, on .se
pbll1t au:;;" 1 , on voudra it me suivre, on l11e traite
d'll1gra k, pUI', lmsque Je n'Viens , des pallHes
gel1~
"(Jnt tout r{·duufT '·s. C'est l'hiver qui me
chasse d'ici, c'c,.;t l'I1I\'cr qUI m'aml:n e là-bas. Cela
��r08
LE MAUVAIS PAS
Alors, tu comprends, ('cite IWll1le Mmo l,anet cette 11011 moins bOllJl<.! Mm" Cllillon s'en
dl)tJtlent à CŒur joie
- Je n'aime gu~re
les hruits qui vienn nt p,u le
troll <le,; serrures, avoua MOIO Bon vent.
Et ùe moi, que dis:üt-elle? :ljout:} M:ldeleine
par contenance.
- El1e pr(tel1<1 que nous devrions te m ln cr
all-;"i, ct, Il 'ahonl, t'emp~chr
d'aller voir USSI
sOll\'ent la mère Bertrade, ql11 doit, dit-elle, t'lUcuiquer toutes sortes d'idées biscornue,;.
l'allyre Bertrade! T('pond I;t jeune fille en hoc1l:\1It tri"tement h t0te. Je n'ai plus bien longtcmp,; ;\ la voir, je crois bien. hile p1.rle tout le
telllp,; dl! sa mort. Si bien ren,;eign(e sur tout, elle
<loit l '0tre sur cet év('nemellt-l:l.
<.luel .lge peut-elle hiCll avoir?
- Je 11 'en ai aucune idée,
- Mais Cil lin, si Ile mourait, qui esl-cc qui
s'occuperait d'elle?
- Oh! nou,;, d'abord, mon oncle.
- Sang doute, S1.n5 doute, ma petite Mad 1cine,
mais, si nou,' n't'tians p3.! là - C:1r, enlin, e'c 't
hi n le hasard qui vous a mis en relations, • qu'arri vemit-il ?
Est-cc bien le hasard, mon 011 le? Tout n'c"til (lB, au ('r>ntr1.i n:, lIleT\'cIllcn-; 'l11cnt a' 'lIn\
prévu, voultt? Bertnule avait besolll, pour ' <:,: ; cl 'rllil:rc,; anlll'(!s, d'avoir une petite amie, de sc sentir
HUC fatnille cll'vouée cal' ell IIH.' p'trIc SOUVl.'lIt
t!' \ ' Olh dl.'u . et de François;
j' 111' snis trull\ ',1.' 1.\ ct ''ou,; m'avez f><.'rtnis de h voir aut:1nt qlle
je \'olldrais, Il n'y a pas dl.' hasard. Il y a 1I1Ie
VU1"llt', bienfai: IntI.' qUl llOllS <lomine.
f'al.,~
qU<.:lqncfols d'll11 itlcilknl IJ'llIa1, la ('on,crs Itl<Jll de J\{;t<lekitle s'{kyait souvcnt, ct cel.l
était
pl,li.; lit ail . cOll'ins 11011\' 'nt, dont ~hdel'in
{'omm un petit <lin:dcut .Ie l' ()!1 'cicnce,
C p 'IH1 tilt, rC)l1 'Il'lit la j'ullc 1I1le, il s~r
lit
JI lIl-êtrc pr "f(' rahk qu'elle rtchevi'tt Son c 'i~tcl
d 1I1S
tt' 'llItre Lunille, l'1ICZ l'CS autres amis
qu'dl, t! lit l\'nir 1.\ où clic \ ' 1 chaqll ,\lItOlllllC
HIl y 'llluit s tth d"ute d lVanLlge ses i cs, ,le Ile
';"1 II l' '"lt j-t!1I1l e, hllc 111 "nl' <le finit douce·
ghli,;
�LE MAUVAIS PAS
I09
mcnt, car quclquc coup rudc de Il dc.-tinéc a llû
] 'attei IHlre ~ltrdos.
- Tu (roi'?
- J'cn SUI:; ccrbinc. A reg nlcr longtemp~
le~
gcns, on finit pal lire cn cu. , Elle ne parle j lmais
<l 'clle ; !Itai~
ses YCUX, ses mains, sa maison parI lit pour clic. Elit: s'abrite ici d'uu grand deuil;
<l'UII gra1ld deuil, peut-Nrc achevé, mai~
dont clIc
a pri..; 1'habitude. l'our Ic" ftmes .:\el1sible:, certains
é\'éllc\11cnts ont lin rd.:ntb"em 'nt infini d,lns
J \: 'i te1l(·C. Ccu - qui ouhlient vite sont plus près
de 1t terr' que de' cieux ...
gl
,'UliS
VOl l i
lOin cl . polins de 1\1"" Lan-
IS.
Il faut lui p~rclon,
parce qu'elle aime bien
son (:l~ta\'c,
et 1:1 pbindrc, car SeS aspirations
Sf)l1t 111 (:(liocrc,;. Il y a mieux à faire i i-b,IS que
colporter de l11l·c1w.nts bruits.
Elle a son rôle, comme tu dis.
C('rlninement.
•
I.e dÎncr ne fut pns gai, Cklcttn avait de quoi
1'(·0 "chir. IIculells ment, Ic cOllsin l'al fait arnV,l,
av" S1 canne à bout de caoutchouc, dont il (ltstrihlt 1 dc" pdits coup d'amitié nll - chien V;lUtré' 'lIr 1 bpis, à l'a/rt/I' - qui l',nrt-ta pour
s'y [1 olter le lie!. en ronronnant,
ct il s 'i n,.,lalla
à Il
t Ihlc tlu 11' "igu .
Il ,,'(- ria:
EI'11 stin' a cas'é
';;c qni Il':'11<1.1 tOllt le
g-r.\lC ,1 ln faellll qu'il
b<Îlc~,
Dcv:lnt 1 . vi,;ages d' se
un s.'\l1elicr?
monde. Le COll. in Parfnit,
r\\"tit de rire :\ propo , savaIt douncr un coup <le poucc qui faisait rcp lrtir
Jcs C(l'ur:; fig-és au {\,!1\ <l'.trr't.
1\1 li.;, :1 quelques jonr,; (lc 10'1, il faillit aller CIl
n0111!>1 " Il 1l1S le chal' :\ balles du cousin, T'cn,1re
Il VIsitE' al1l1uelll' (Il:,; (;)"0';' 'hantel, ce qni IV lit
l· dOl1 Il' mcltll: i\r. !:on\'clll tic m,Ill v.\!. C 11\1111 lIr,
il 1 ure llclllhi 1 Jl m HtllI\ 'Ill
ils Il' ti1l1 Il lit
JI.I, ,., IItlr dc 1 lIr,., h Ihituclcs - ct d'll1 1'\ '1 .\I.tlle1'111 qUI« 11 çompr 11lit pl". lit ,ie r\~it'·
<l
C!t"lt ')1111
IllS pl' ~tig'
de S,tÎlll '-Al~IC,
.\ l' dler, dun , pel',., Inne ne (lI,·",.,ç;rra le' (lc1t~"
J,> rdollr t!'\'lit être d''\utre sort.
Il, [lirenti lIeillls 1\1.:' li 's bll,; cil' lir l't
d
mil1e t('jnlll ',.,. 1\1. Clos·Ch l11ld Cil o\lbIJ la
�l JO
LE MAUVAIS PAS
maladie de <:a fille et Je rMc (le 1\1. HOlln:nt, thème
hahituel dl:~
(,olYLr~ati1
cntre ks deu.' familles.
FI anç 1", ct FI anç'ois scul, n fit les {rais f;
l 11 bien! mai" il \ a bicn, votre fils, monsieur
B, 11\ lIt. Il fait S,0ll ,11<:1I1il1. 11 y a quinze jours,
111 u ,tions J l'Oln cUe el nous (Wons 1 eçu ks COll!l<kn"cs (lu \ in!.' philosophe ...
\"ous anrc/. l111e lnu admirabh .
Quc Y!mkz:yot1s diH.'? 1I1t11111l1ra 1\1. HonHnt, qni u'osalt pas monbu qu'il a\'ait eu
CI)lln"I';-;ancc ùe cc bruit pal la lillgelie du
t lt,H(au .
.h' \'ous dis que 1:011s "ommes au courant de
tll1\ t.
.\1. F, :lnçois le \ OUs a )las dit? SI1rCIH h, rit
.l\l'O \;ros-Chante1. Eh bien! \'oiei, ct je snis hellTl u<:(' d 'ltre ln THCl111t1L Ù \'ous Ulil'itcr .\1. Oli.
vicr t tout ,\ rnit t'oilT~
d~
\( , tIc fils
dl \'otre
cou i11, l\la(lulloist:llc, ajouta-t- 'lk, sC t jlnnnnt
\ers la pa\1\lC .\ladc1cllll'
lt il s\ t 1111
Il
li':11 de l11i faite (pou<:u' FabiclIlll:, sa belle-hile,
qUI
st UllC 1. IS( 1111C al'colllplic.
011 l;.t tonjonts ln «pn"l11lll
ae o111plie» de
'lU l{!lI'Ul1. Cc Il\st pas ditfll'Île. Il snnil (lt- pfl~'
1I1 rIes qllalil{s u ILS ,Jlfallt!l pli Il Ils tl cc
<J 1lLl qll'1l11. !"I 1)1(_11 qlle C 11\ t •• 11101\11'11 • r(nnit,
li ur .'t li Ill, lOlls le. S(11<;. l'Ol\! l\I~'"
(,ros- 'hant l,
Il .i!"lllfie : 1.iel1 pmi i11111e, tl(<rnntc, li ];mgage
.li -i, d '[li <le111 ilJpLt:~e
\ el s la rlllssitc ü la
d lllill'llJ()l1.
lIant qllc 1 11 cr,
\1. ct . Tone HOllnnt, IlC ~n
11'( di nt lIlllllC pas 1 gardel l\1.1I1 Il inl: dont, Lll
h Ill]>s 01<1i11ai1 , ils aUlnÏL11t 1)11. cOllsd1. :\Iw' Bon\ III II ngis!;ait t pütissait de S.l IIHlIlI g-HlltU: le
pdlt Lund de \'i~t
qu'clll' a\ait l!1I1porlt : clic
Ile pan ulmt 1 a~ ,i s f( tlllCI \ll1e opi1l1011. :\1. Bon\( lit ph rllait ril ; il dait \ pdit('~
saccades, san
Il Int, l~
qui lui 1 11111 ttrllt <1e 1lfli'd1Îr au mi':me
ill tant ct de ,;e Tl igm 1 au
1 t helUCU
Ù :-;on
1/1 .
:\1. cl lcin s IIfhn\t, !lilllpl1111 llt.
1.,' Ct s-CIJalltc1, (l'apI mb ur un terrain qui
ümt 1 1 m, illsi tlll:11t sur l s bl nfait. c rtallls
Il'ulle b l1e U11!On. C'lt. it l'anl)ir assuré ù l-ran-
�LE MAUVAIS l'A:
rI.
çoi , un a\' nir pleill de ~I
ricl1s~
proI11C';<;C,., :
médaill '';, dt'CuratlOlI;, hunneur, fortLlllc,
doit are célèhrc, affirtll'lit le h:1n- Ull artj~c
quier, san,., quoi il né remplit pa" ju,;qu'au haut
sa U chc qui esl: de donner all monde dc forte.' leçons ct de g-randes JOles.
M. ct MIll BOllvent tombèrent d'accord que
M. (iros-Chantel parlait ave sagesse.
Cc fllt !-lculement au momcnt -des adieux que le
ch:îtc1.dll sOllg-ea à aller quérir sa fille pour la
montrer à son « ' au veu r _.
Le retour, en \'oiture, fut très animé. M. ct
M"" nonvcnt 11e discutaient plus : ils admettaicnt le fait accompli et en dégageaient 1 ,., conséqucnce,;. Il y en aurait certainetnent de pénihles,
unis il y en aurait davantag-e d'exquises. Pour ce
qlli (tnit du bonheur de François, il n'y avait allclln douLe !>ossihle. Cette conclu5ion prochaine e'(pliC(lI lit Lrop bien toute cettc sai '011 dernière que
Ictll fils avat t pas.·('c clan .. les affres de l'inùéci. jOli.
Il ':-L lit attirl' \' 'rs cette jcun' fille. accompltc "
et l'uisqtlc son père, un hommc dc g-rand S IVoir,
litt l'T'\)rc philo~e,
P:Ullit tout haut d'Lili td
proj t, c'c t qu'il lc jlg-~:t
rl'ai~:1.bc,
ct 11 Il l'tIIl'l1l ' Il Il IIi lhl , 111 li,.; hcurcu-,;, pOUL lui, pC/tir
Frl lç ( ,i~
ct au .;i ponf,M1I Fahienne. 1\1. Olivi 'r
11',IUI lit C'crtnin 'Itlent pas ét', contre l''; volonté
d
1 Il Ile dont on \' ll1t:1.il h r(':;olu tion.
l'~
tlÏt cl n Il'tlr honhenr .\ elL'. ~1.li,;
l'ur bon11 'III ,,'l'Lut Il h tin' PCI-illll1l:1.lité i,;ol('c, il S' confoncl Ilt I."~
celui de FrHnçois. François heureux,
ccII Igmft tlt, par ('ontl '-coup, Cil l'cho, qu'tl., seraiclll hcurcllx, cu' atls, i.
Il prcnai nt ~r ulelcine à t"moin de 1:1 loyaut('
dc l'Ill' r "sollll ttlcnt" ct l\1adclein', qui av It (-t',
élc\'(- , :1 l'l-l'olc de Il r 'slgnal101t ct du d(-vouement.
ne plrv nlil Il b ;\ trou\'er (le \'idoneu" s r(-ph·
C]l1 ,ct 11 suhi-. :lit, mor'll 'l11ent, le supplice de la
d Il. Ill'; Ch '1' r ' 11IU r, S "'" cn r 111 l'Cl.
gl 1111 lUI IC lis~t
sl thé ri
de l'admirahle
en 11 'În 1\1 nt Il , fait" ell vue elu h nlt ur ùe
('h l Il n.
Oltt, 0111, s' l'ont ntntt-cll' de Itlttrtllllrcr,
}lcltt-0tr' . en t·tI lleureu :Utt,i.
�LE MAUVAIS PAS
l.~
A part 1~,d
d, UC111H:nt, clIp .n,:·ol1lit ne lias ajoutu JI i ;\ ccs bé l1LllH 1 b pH·Cl~.
.
• A llLllllon" au 1IJ()11IS que }. rau Ols llOtls cn
Il n\:"t l'Lut·a <. C11 (JI el~
quc pour un
kl1lJ S. »
•
.
\1.1i·, II ut <1<' 11: me, elle mnlt pndu sa belle
aSSl11 <ll1Ll::, A la SUltc des hn\anlagls de 1\1"1< Langlois, elle ayait hausst.lcs (paul 's. l;cs Gros-Chan-
r ,\lie
te! appoltnlCnt (les faIts, des 1<:11"ClgllCl11ents ('IrC'onstaucÎls. Elle l1c pouyait plus ~c
contcnter de
sOtllire, Si Bcrtrade a\'ait Ut ù SOli moulin, lIIad<:kin' aurait Cil "ite fail (k "oll1ir à ltavcrs le
H, i" (;;l1n;Jult, lJIalS Ik 1ll.Hle a \'ait quitt': le pays
pOUl 1111<:: ln) ~tLrjCl1e
r1ctination,
J\Imkl il!c ltait :;c111c,
U LA IITHH·J.,Hn:
COM\lhIiCl. \ Jor;I~H
50,'
l'flLE
;\Im Lallglois Il lnallllU<l pa" d'apI,r mil\: que
I-s (.1 rls·Ch,mlll a\'aient parI':, ct fort cJairellllllt,
au.- 11 Il\U.t, du projet lIc mariage de lelll hls
François, -'es 1'1"1 TCS a ail :i, c'c l-à.rlil\: (llles
<le ~OtJ
lils Gu ta\'c, lui 1 arur Ilt a\'oir JlI j' ulle
lOUllll1re des plus fa\'t)lahle:i, li rallait agir, Elle
n'~olt
Il mener ko; chos~
l'01ld IlllllL
On ltait Cil 111)\'Cl11h1e, aux cl1\'bons ,IL- l'cl lt.é
dl Il ~aiut·Mrl
qui Il 'c t poi1lt 1111 vain 11I01 CTl
HUI·, 1\1'"
l.anglOls arllQl<1 un dl:lp'all gelllt.'
pot de lieurs, ~a
rob la plus ~loq1tcn
, des
• anb 'l,Ir~
l t l1Ia.rcha la. ta\: lIaute \'lI~
la
l,"l dl' \\1l1l:U11 où t;e trou\'ait la mais 1 d s
11{J]l\ ut,
1,1 t;o! il, 10Jim lit, )'arcompagnait.
\ 1 illlitalHltl de l'algIe, COll1m 011 l'apjn 11(1
,l,11It; 1 s histoires n:1t11H'1Ic5, l'Ill le tcgat< a Tl
LIL , C '(tait Ull snI il u~l,
tout preS de linll son
.Illllc; il
1 j a r garù r par ~IDl
I,angloi "
��I,E :'If \UV \1.' l'AS
Jq
Cc gr tlHl poirier, ql~i
pl' <luisait dl~qtc
:\1.111 ':c
"llIq ccnt,; gro~se
Il'lIre,; dures. cl~t
Il f\l~:t
li '" confiture", l'hiver \'~IU,
(1~\lat
tout l~ JUdll1. C'était sa "ime cl '·ho.nllatre qui rec~v'lit
les
premiers {cu.' ct le,; d.cnl1~rs
feu.' li u solci 1. li 11
hane vert que 1'011 relga~
SOUYl'lll
car Il Llllt
,lire qUL' M. BOllvent acloT'lrt 111al\Ier le plllC<:'It! ;
("{l'lit, du re:;te, .toute l'hérédi1', arti'ltique de
Vrançoi~
- tourllalt aut Ut' dt! trolle. l'roI'; alltres
l, II\CS, ég-a1cmellt arrondis, ('ga1L'1I1eu1 vert., lui
f i l ' tient face. TrOIS petites tahks l'oJl(k" dont le
pi 1 l't lit fiché en terre les sl-parllenl. CC'llc !l et1 h:
.h';<.:1l1hlée de bancs ct de lal>ks t'lotit lust lllé\!
sur 1111 l--rtre auquel 011 parvell'lit IMS tWI: :tll0es
dont rleu,' ~e
terminaient '1\ C<'l'ali 'r. L'origine
du tertre ·t du poitier sc perdait dan..; la nUit des
courtes m0moire., humaines, mais la 1IJ '1\uisel;e
d:ll'Iit rl..! M. Bouvent, p'.re de Frallçoi' ct ~rant
:lnenu isier de\'ant ) 'Etertl 1. Le tCI tre ·'talt le scnd "h 'f·d\l!u\'r de M. HOI1Vellt (le pre1l1i l' lot:ùt
le kio"<llIC C]U' I\Olls aurons pellt·t'tre l'octa~i
de Mcrir' pl~
10111). Il r:1ut rt\'oItL'r ql! ('C triple
oll\'rag-c éhit fort ing-{'Ilicu . Il ans S'l 1stic~
et
J1"r1l\elt:1it dc sl!i\'l'c ou dc fuir le soleil s '1011 1:1
lil 1 ~(l.
fihd '1 'illc tt dl a"i<.;C' sur l, h:ttl· q\t1 n:ga1'tle
L 1IIidi cl tra\ lill ut .\ SI hrlltle1ie,
~r.
et Mme BtJlI\'ent 11.1\'C1 ~:Iiel
:\ p lit· p:lS le
j,II lill. n t~n]>
à al1tr ,'. ils llovai 'l1t.c~
yeux wr5
) l'Ill' ct, d mesure <lu Il,, approchaIent, il" r:tl ntl~'
Il nt leur 111ar, he. A un 1lI01l1 'nt m'·me ils
s'mêt'rcnt loutù faiL XI 1 lèleine 1 ·'av'lIt ~pr
~th
ct lenr flls,lIt "Igne d, la 1I1.1in.
Venez <1one 1 \ '1!l'Z dOll t " Il [aIL !;i llCJlI t i.
;\T. ct l\l'DA BOll\'<:llt ne 'oe S '1l1aienl )lItt 1rt fClrec
1 lliront T leur p 'litc COtl'iil1L' cl dc 1t trOllhl r
',hus .. 1 qlt i~ltd',
Ils se s "par~ent
:
J' prcuII par 11 JI nle, dIt \1 111 HIl11VCttt,
Il
C01lllllençalt'l ~'(\ltnr
cl rcdOllllit k~
es-
( h
r~.
vellt.
lit moi p'ir le.; gelll'\ l'ICI'", Ilit
r.
H,n-
UI; 11'pe] lit ain"i tt.lI' allé: Ir III
Il Il IIIX
g l 'vtt'r" Irrollll" 1.\tlh~IS·
1 l'u1I <1'
es<:allcr du terlre, lJ1~
<1 lllJlP 'ri l'c1l110110ù.
�LE ilIAUYAlS PAS
!'C' trol,lvaicnt lc~
deux ambassadeur.; pUliillanimeli.
() l'Ils <lilS ,t lIt finalemcnt jOlnclrc MadeleIne, ih,
i"i' n lloutal l1t pas, mais cc l1'{tait pa.; bicn
PiC s~,
.Inl"ré JL11l fUSeS mutuelles, ils arrh,t-f nt e11·
"lInhl h :mr le t thc, cc qui les fit s, urir ,L 1110111;llc llIeill nt l I1r (tait tin (((':I"i01l d 'oubhl'l" 1 nr
lI1i'i'iioJl, 2\1"10 lloll,'ClIt s'assIt ])I\." tic l\laelL1ol1 Ü
r J.. nI da S,I hl'lJclerie en 11 h,.lIlt la tCte le sallo.;fa tll 11 :
(omm
tu 3\'an(c<',
m3
ch ' rie!
'\f. BOllnl t, leur tournallt sail
façon le (10 ,
cOllsidlta 11 ngll l!1{nt son ùonwinc, A ll101te, le
petit hois ch: lIoi,dicrs d le dwmp de pOnJ1l1 5 de
ien , I~CLlJ1t
hillt,; plus 111lS, ILs pOllllilier. ln
quillconce d la luzcr1Ic, A gauc 11 , 1I1 ft ie h " ette
al11Jle, et dlcoré ele ronces, d'h rhe!' folks, cl flc\1fs
tlllt1i\'es, Ull ils 'cz \ a ... te spa 1.' 'Ille cl '11Iil1nlcnt,
en c nqu{rants, le sllh udt~,;
(h:g11lga1Jcll <; tic
)..:"1 alHl .. ('halllons dcs~hl,
:\1. BOI1\' IIi l\\ I11t la
tdigiol1 <les allciennes hahitudes call1pagnanlt.:s
qui C('Ill ..:i1laie1Jt d' failc Il posef l ' champ; t liS
les troi~
on quatre ans, (Ol1ll1le cie bOllS !'Cl \ it 11rs
Il( l'llCl dl...
fi ql11 J'ail dOllt: dl tl111pS (Cil tcmp~
\ \ r~
à kltT gUi", Frauç( i-,; ni!orait ceH..: ;ln1Jt.. 1:1, qui lui pCl111cttmt, lIfallt, de fnin: mille foli
t 11
que ligl cil chcllIin tl fI r lI\el Pl lits
d tI11l1Jl:1s, 11l0lltagne, lai s a\'CC îll!; Sal1\ ag~s
l, (11 15 e'lIscnt!(S, - Lt gr:ll ;\ laquellc, pIns tUTl1'
1':1;.: ,'eJ1\! (t 1e~
iJ1,tiuC'ts mtistiqncs, il put p(1tl~
<Ill (h~
pc-t1ts (oil1s (le mltllT 5Inj..,'lI1icrs, :111111a ltS, UI1 1 11 fous. On tJ remarque pa, as ~/,
c 1l1bien la 11 Itl11e l'st spirituelle lorsqu'elle 1 tOl1rle
a s <; !thle'; ongiw,:s, Quel 1 arc anglais a jamais
valn nn 1 dit lavin, lin an el n r1\isseau mis ù !' ('
carrille abandonné ? A\ant cl'a(lmirl'1 1 ~
1111
jatllins <le 1'011\' tte, au plillt tl1Jls dc l'an pa~"l,
\<ral1ç i
l
n
hnm1> Il
a\'rllt
ai111l
le ntonr ;\ l'etat
SaU\fl
T
du
s:m n in d son J (re.
1. H01l\ lit, en regardant 1 champ ClI ft iche,
manql1a pa~
d(' pcns r à l'f:ltlçois et de pon', r
1111 Il ng SOllpil ; il s'hahituait mal II cctt
abs nu:,
gl tÎctl<;e Clu'elJ ffit,
laIS il11'a\'ait l,as fini de COllt mpler son janlill.
Il ht qu<.Jque pas aut Ut llu graml Iloirier ct il se
tont.
�LE I\L\UVAfS PAS
u6
t-rO!1 va cn f lU: lltl l' ll:lg-er proprcmcnt dit, aux
petit,; le,ta1c:-k~
~'(l!r-;
: cel \1 i (le~
petit.· poi .. ,
('l'lui de,", :t-;P'I <,:l'~
u:lui lIe!> Im:lolh, celuI de~
tomIte,; n'lui dl'~
laitn -;, celui des l'rai,,ler;;, l'chu
<l'
g ll01l';, LI' Il \\'el-:, ce!l1i .dl:"; hnriC'ot:,. avec
leurs 1Ilotle,;tes l'C11Itnres d 00.;e111e, de P"l~,
de
li Ile,.; hcrbes, d 'c,;tngon et de pOl~
rpier. Ah! c'étaIt
1111 hOI1 i'tnlin polager C]l!e CCltll d' M. BOllvellt,
l·t qui IIoun"", lit 11 fnlll111e de tou", l 'S 1 '·j!;\I111C.
1\ ,il'~
cl d' tous 1· ... fmits, car aux quatre COin
d, l'lI lrple rcl'\I~e
sc dresail~
des abricotiers,
Il .~ CCI i,.;iers, des p(:l'hers de plell1 \'elll, de,; i,rul~r.
f.:t lies l'0UlmICI"'; à IIoms ch' hll1l11c ronrtanb.
:\1. H 111\' 'Ill "oll!'it II tous sc,., arbres,
EII III Il jch \111 (Jcrnier n:'g,nd (le ~\'1tp
Ithle
\' 1'0; s.\I
janJill d':-l"~I1Ct
qUI :l\·oi.;il1'llL le paVIllon de i\r"\lIl'1eil1c ~t la cour principal\: d ... 1.\ nniSOli. Le j.-mlin cl'agrl'111cnt n\'nit Llil s \ tnildte
d'hiwr, I.e", ro<;icr.., :l\'aient Il'ur capueh01I cie papi 'l", les gynériU111.; cl le,; 'UCl"I" leuls 11l1l1c1l liS
(k pail.le. Ils ébiellt prC:ls ;t braver les gelée ct le
,Ji
vellt aigre ...
:\1. BOl1vent n'avait J'l'ell ment pIns ri 11 à 1'Cg \1"(1 r, Il sc rapprocha du 1>:11Ie où (otruellt a",~1;e5
le>; deux dn.mcs. Mm. Bonvcnt Il'I1Ht'll1bit plûs
quI.! {'ell' pré \!llCC pour l>ïrler, cru c1k avn.it c umg('u:c111ent r"'\olu de 1,rCIHlrc {'lk'·IIl':111e la parole :
- Ma chèr l\Iadeleinc, <1il-clk, te voici Cil
~I"1'C
cl' 'ulrer u\ méll'lg-e cl {"est dlll1'; notre l'ille
d.: t, l'unseilh:r à ('l' suj 'l. );011'; t';t\'Olh élev{'c
Il.: 1Julle mieux. :-';OU'i SOllltlles, dc nolrc cillé hicn
Il 'Ut '1\ . d'avoir pu l'cm placcr tc,; pau vrl:s p I~' '1\ts,
• '011<; t'aimoth bi~n
ct nOliS n'avol1s IlII(UI\ replO il'.\ t'Illlrd ·cr. .. COll1mc IL, lCIII]>S pa.;~
,! • 'estl'l' l' h hIer Cj tiC mOll 1tl 'tri t'a ramclIl'c d
Bourl, 111 'tt I? El VOICI <Ill 'on \'Ienl demander ta
111 [Jill,
1.
\! III '1 'ine a\'~it
po.;': sa hl' lcrie ~nr
1\
lite
t .1 c-i, )-,; yeux tout à coup lllouill{,,.,, cl c reL \1 lul ,1 l'tut,
.. , [,' j'une homm esl fort 1>\('11 cl ,., l per-
l
Ir[ IllclIlcnt l-Iev',. l·1\ jolte l' ,.,Ilion, Et
UII lrlvatllcUl", ulle lrl'
hllllOl.lble
1. n rc dev IlIt hu,
'111',
'" nll1
l
\'
,'. l
�LE M UVAIS PAS
IIj •
Ilom:cnt, lcs mains dans 1c (lo~,
appro\tvrut
l r.
<1\1, l'H'lIton,
.\I 1 !-:kll1e :wait dcviné dc qui il ét:llt qucstion,
Elk 'lvail SOli lIom <tu hout ùcs ll:vl"e.., d uue r'::p'iiql1L' tOl1t, pr-'te : «. bis, tal~,
je 11 1"lImc
p.l"! • Quand, tout ,\ coup, M. llotlvent s'écna :
[)'ail~u",
h- voiu!
(~l1,;avc
l.all,.: lol'" arrivait Cil erIel par une allée
du jmltll et l'her~:It
des yCl1X l:t famille dont
il d "sir,llt hirc p.ntle, l\T. B(lv~n
lOll""'l ct fit lc
m()ltlinL't avec son cltapL'att pour alti l' 'r l'attcntion
du jeu Ile h01l1me,
.\ladeleine, d'ull m u\'emcnt hru ' que, sc o\lJeva
]l'Hlr vért!ier si S(}u in.;tinct ne l':l.\'ait p:l' trompée
'l rclomba sm SOli lnnc, Elle faillit cricr : «Jc
11 'en vell.' pas! je n'en veux pas! Qu'il s 'cn aille .•
tl-LllS tout sc brouillait dans sa tête. Elle u'dait
p,l'; sÎlre que son devoir nc lui C0111l\1amelt pas de
suine lc., indications, le" conseil" dc son tllteur
ct de sa tant.:-. ElIc attira ,'l elle S;t hrodCrl', sc
t :l1npol\na rapidemcnt les y{'U ' ct s'appr.:-t l "l rcl'C\'oir JlOll1llent le jeune n:('cvcul' de l'enreg-Islrcn1l'lll. Ulle jcune fille 11e pCHt montlcr (le r:tnctllte
ni de 111111\"tise humeur à cclui qui vi 'ut la demanùer 'n lllanag-c,
- Il arrivc trop tr>t, (lit :\1. Bouvent en rl.llant
à 1.\ reneontrc de Cu"ta \ c Langloi ·.
;'I[rn Bonvcllt , uivit ~n
mari ,
Bonjour, Illon cher ami; vou lie vCllez pas
('h rcht:r nlle r(pon::;c déjà, j'esp~lc,
,'ous n'avons
1"\<; eu. l, lelllps (le be:J.ucoup I"l'fiéC'hir,
,t l'CS
dl(he~-a
Ile '. !,:Îe!enl Jl~S,
A ujourd 'hui, contC\1tez-\'ou5 dc c'm'cr quelques instants avcc ;'.b.<Iclei!! e. 'ous vou,;
'll1tOrtSOIIS de gralHl cœur.
AII0t15, bon COUrrlg' 1
Lor~l!1e
;\1. ct :\1'''0 BOll\'cllt . c trouvo,r ut à nouve.lll seuls, ils !;'avotlercnt loyak11lcIIl • qll'ét.ll1t
c10nll ~ le~
projet,; de François, la d 1111nile du fils
Langlois tomb:tit à mcn'cille et qu'il était soullllil\bl CJll 'cl le fût ae 'pl' (.' J, l' ser'lit d' ldleurs,
s,II \1 l'c 'plc,;sioll cl':'Il. B01lveut, «tilt mariage de
tout repos •.
(~u
t IV
Laug'loi' fut 1111 pcu Mcollt 'nancé
de Il bru:iljll' r 'tr lite d, ,:\r. d .\[01 Ihnv nt.
Il n '0" 1 p h remettre SOli chape,ul et fit tr" vite
�lIB
I.E l\IAl'\i\lS l'AS
le r("-te du chcmm qui le ~tp;nai
de la jeune fille.
Il ;uri 'a (11..\ allt lie un pUl cssoufll( ct salua,
fort gaut he, Il loug;ssilllt..
.
-;: Ascyl.-\'on~
~lo1c,
m<;>l1s1,cur LmlglOls, ]'nisqll tlons aV()I](" 111 a-t-cn <lIt, a paller.
l\lad\ lCl11e mettaIt amsi h: jeune- 110111111e à
l'a~
.
l\lnis il ne sut pas Cil profitu-.
Oh! 11011, 1111'rci, dit-Il pl"lciplta11l111Cllt, je puis
bien n:skr debout.
Et, un sit(lt, il rq~(;ta
ccttl' llhl ase qUI 11' rImnit ;\ ricn. Son front ~c
pli~a
; «.le ::'UIS stuPlde., pellsa-t-il, ct il chercha 1111 sui t th. con\'e'1'atio11. Les fils d'or de la broderie nttllaicnt
vi\' m lit. s s nganls.
Com111e vous ltes a<lroite, :\I;l(lemoiselh.:! Quel
heall tnn'ail! l'our qui donc faltes-\'om; (cHe hroderie?
1'( ur Frallçois, dit :"1 [atldci11l',
Comment, pour \'otr<.' ('ou"i11 François? J'lIais
à Iju< 1 propos?
l ' ~sl
1111 seCT t. VOllS 11 me tr:1hir<:7. pas, all
moins?
l·t :'Ila<1 Itille r:tcontn ln 1(gcl1 rI ùu MalHais
l'a\' <.t ln compo Iboll r1~'
SOI1 (Ill! 111 qll\l1e avait
Cltni~
dt' drap r (h' C' He hro(kri .
lc sc;m un joli\: ~U1Jlri
~',
lt il \'OllS el1 aura
('('rtrt111C'tllLlIt dL ln 1(C'fJ111W;, nue, (lit à 11li.\'oix
le jeun prtt ml:l11t.
\ • n<; cn,,:lZ ? dit Madeleinc', ct 011 Tl ganl expl j 111 a dm Tl mcnt la jOlc qu 'dk' anr;l1t <le eanser
du pIn; il :1 son (CHsiu.
(.nstaH' Lang10~
11 !'llt lIas IiI' <lan ('(: rC'ga1<1,
l'\ t \111 long- travail ct <[ui doit vous paraître
hiell 1I1011Ot01l(. \'Ol1~
<!eHZ, :l"oir hfttc <1'arri\cr
all h lit
- Oh! 1011, ).fo 1 j(,Ul, ail rontrail'
.T'espère
qu'il III ti~lHha
t'olllpagni tout l'hl\< l, (~Iftre
à 111 i, JC ~olge
à ma honr \'i~ i\1e ami Il rtr.ulc,
dont 1':\111<.; { t si parfait ct:\ qui Je dOl Il au('<Hljl Ù· ma l'dIte SCiU!CL, (.ln(
.\ lui all 51, un
2utl\ nh \ 111 11
ott pas d 111a m(moH : Frlll1ç01S
<t 1111 i n\011!-l {té (]e,{ ('11 c11lhh ü son {] Igne11lnt , t nud à t lite la 111111(1) .. ,
�LE MAUVAIS PAS
Celle foi~,
jcune h mIne ~ compri . Il ée'lrte
les hns. {'n )l ttt bruit 'cc, c mille d'une allumctte qu'on bri"c, sc fit cntendrc d,\l1s ';011 chapeau. Casta 'C Langlois fnssonna. 11 a\"lIt (luhlt ...
une scconde, son otlgle phénomène et t! ~v,lit
r lilll
le bri ·er. (;râce à DI'U, il en était quitll.: poar la
peur, Mais c'était un nouvel avcrl~se\t.
Pourralt·il jamais 0tr hcur-:ux <:Ivee Ulle fcUltllC à qUI
il ll'o,;erait p \S llIoutr·'r l' rnc11lcut dc . l Huiu
D'ailleurs, Madeleine Ile pens,lit qu'à on
~puche?
cOl1sin Fr:1l1ç is. Il n'y avait plus qu'à pr.:tllire
C()fI~l.
Il le fit d'nn façon hconique qlll Il'e dtl~i'
JI l, UIlC certallle recherche de p lttc.;s..: "pirtlu.:lh;,
Jc
demande pardon, MademOiselle, de
pré"cnt', à \'OU,; aussi hrusquement.
La dennude de ma mère a dO. y 11-; paraître
blCII <''l'Igrcnu', Excu <cz-la, je vous pne, Excu~
'/.VOliS
111 "'trc '1Î11sl
11101.
J<,t il r1'lltit, très yite, S:ltlS attel1llre LI réponse
de l\T HI ,] ine,
b'lVarde
1\1n, I,1I1glois entra ùan., une col:n~
"I11Ut tout Sail1t-Ch~re.
- JI.! ne 1;1 croY:1i~]
als~i
sotte. Jc n_ regretk pa.. ~on
amlac'! Refus 'r Ct1~bv
! Ccla
prOllVI.! <[u'cll' ne le mérite p'lS, MOll fils, par
honl! 'ur, n'.\ quc l'cmnr~
du choi '. MaiS, dites1TI0I, ( -; 11011 'ent, que!,; hypo rites! A lcg voir,
à ! ., cnt 1:'lIc, c'{{ lit unc afhire entenùue, Et
PUI';, le :OIr Ill" Ille, rCVilCl11 'nt. ;\[ i.
ils cront
puni" par où il. onl pécht',. Le François n';pouS la JI'\<; ,011 ()'I\'elte millionnaire, c' :'it moi qui
Yon-, le cl 1 . Il Y a hea\1coup ü'c_ 'ag "l'Illon Ù 111
Irs bruit, qU'oll fait counr .. ,
Elle 11' t Il i., lit Ins.
Le, Bpt\\'cnt n'ét1ient [ns :ln4Ri violent!'\, on le
COIII Ir 11111<1 s ln
r~il1c,
m'lis il.; furent tres contrHllé ,11 ).!rond'.rent
hdclCln.
l\h Il UL' fil1 " dit 1 tint', il f litt rl'W, hir
a\ lnl cl' 1 [11 ri., g-e n'i , 1. s r. \Il ,I"i~
\'ont (011111 t 1<; cl 'hi L(lIr ',; sur 10I~,
1 Ile r"pon-;c
, c ltég mql1 l t t IIj()!I!. 11111 int 'tprét c,
prmrt th '1lh.,i (,'lIIS '1 dn pl'('jl1lii ' ~ ,'t!
ht,IIII1,e 1J1I1 M' 1II"IILtit ln cct al fOnt. Et
qUI
��LE MAUVAIS PAS
XI
FIU 'ÇOIS 1 FIDilu AUX FUS
121
�l"
U~
J\lAUV~
PA~
lTlonh chez lLli comme U11 somn:lmhllk ; son âme
',t't1 t restée accmch('C à un c.!ùl'e du S lion Carré,
Le -;-: '"11 jour, il rentr:l en cbant lIt toal h:ls, Il
11-: l.;~
,ld
dl plu,.; ni le,.; ,boutic[ues, IIi k rni.,:.:au,
II ll\:nl.:n(hit plus glLlplr les l1l:lrduwl' de jOllr!lUI '. l'Cil llli import:tit ù'0lre hOllSClIl(,. Il 'tv,lIt
tlotlvé llllC compagnie à s:t SO!tlllch:. En sOllvcnir
dl.! l'Olivettc d ::lus'li pOUl ol>\'i. à ";cs prUéIClIcC-;,
r', 'lI11lll.!llt d "COli verlcs, il p:lssa plusicllr,.; aprl.!s1111 Il en comp 19l1lC d' l'OlhSIII. Il t'olltelllpLt, Il
étncli'l ,1 loi~r
Echo ct Narcisse, le,; lIers'as cl',! rCl fic, k IJélul[C, et surtout le lJiOI!<'sIC Jctallt sim
fel/clic dont le p:lyslg-e est Sl \'I\\l1lt Il Ill: S011
splenil 'dc arrangement.
• L'l11:ltllr et l'illbl! Toul est là, ~ui\'rc
l'une
cn cherch:lnt l'autre, Vuilà la bOlllle voie oLI me
pou ',," mon inslillct, où saliront me lIl'linlenir tIlon
r (i~on"1lct,
1 sagesse ,t 111011 ch'r Hllitre PhIlibert Olh'ie\, •
Fr,ll1çois oubliait M"e Fabieune,
Il'-s son arrivée à l'al is, en Ilo\'cmbre, clic mit
ln holà dan~
l'atd icI' dl' SOli JCUIIC ami ct prot~Ké!
l-.lIch IÎn '. p:tr se., projets, .\1. 01ivil.!r n'os 1 p~
~Ic
ver Il voix ct d '·ft:Il(lrc Fnlllçoi, : il s' fit spectatl'lIr. Qui (k~
lIeux alll;l1t 1 dCI'llÎt'r mot, du jCllne
p..!1l1tr.! faih)'· ct hanli, C1l\ dc h jeune hIle Oludal i Il ,<,t fin ,? Au fOlltl de lui, \. h011 philo>opbc
)Ilri 1 pour Fabicll11', ;l\'CC l'l·tl" (il C'Olhtallce aUl'lIllal1te que F'lhicllll' conf 'sserail cl 'cllc-mtm , auJlII (valll, son CI reur.
T,'n atlel1(llnt, Fabienl1c tint 1111 jour cc hng.1Kc
à
�LE MAl)VAIS l'AS
113
-;- Oh! pas de grimaces, je vous en prie. Il v \'a
de votre a\t:llir. Vous avez l'âge où l'on peint scrieusement. A v.otre place, je nc mOlltr rais T,a"
me" l·lucuhratioll" enfantines. Les ùramaturgH ont
tous fait, en rhltorique, un j'crcillgtlorix en ollq
aet!'s d ('11 vers, mab ils nc s ng nt pas à le fairc
joUtr, lIi mêmc à 1 faire lire. Au premier elln.cu
blatle, J('S tlllS le hnîlcllt. D'autr s le gankllt pour
amuser 1 urs petits·t:nfants d 1 ur apprcmlrc .\
n'en pas faire autant. \'otrc \lall1'ais l'as, c\ t
l'ertillgétmx. Je vous en tire! Sachez·m'cn :'TL .
.François regarùait s'ati~:r
l'ahienne. Elle lt: ,t
m\issante ainsi ct, lui, :1 d1l11l llnyaincu.
\ oici \'otre progt:lllllJ1t: pOUt Ilcmain matin t
les jours suivants : la ruc d l',ui" , les cltantcllrs
ambulants, l' ntTé
du III tt , la sortie cJ'UI!
thC:âtre à minuit ur le b ule\anl, la tcrm.
d'u11
café, un accident, Illt balle au . Tuileries, ct tl! is
miùinettes déjeunant. E~sa
. Z ct \'ous m '('11 l1au
des nouvelles ... Il faut )l~i
Ire la vic, la viç !1e
son temps. Qui peut-il mtlrcsser, votre seignctlr
&rtralHI Ile ,'aint-Luc en Touraine? .. ï les critiques, IIi 1 public, ni les amateur..;. Or, e' st JI ur
eu . que \ IItlS Ù vez ploolllr ...
Ft al1çois Il'a\ aIt mi:lIlc pas le temps de trou \ cr
um n phqu ' honorablc. l'n rideau se dl chtrait
av e fral'a' ,le\,ant lui; ulle 11OlIycJ]e ( uvre appaTai ait à
yeux. Il h chait la tHe, conqui par
la sei n
d son guiù au pay nouveau qu 'JI
allaIt d couvrir t r<véler au monde. Car, ccrtam _
m nt, tout c la était n uf : Mlle Fabi 1111' a\':lIt
in\'cnt ln 1(Iltur~
rialist et il allait lui llls ,1('_
main, la tlll Hr en pratique.
"
1. ()Il\ 1.. r!' ta!. ,lit ct 1'011 • ilene prHait m 11_
fort ... :1 1'lIOq~C
de la jeune arriviste en ù":lnc,
tlou\' Ile Pythie!
l' 1 atlçol III ua les galons ù ses cartons qu'il
enf tlna duns un armai! e et il partit à ln TCchue he Ùts sujets nou\Cau . 'lu d vait dlS<lrm:115
trait r la 1,1 inture digne de ce nom.
II .n'attelglllt pas d\1 pHmier C~lUp
la. perf ch t,l
~uIse.
'011 c ql11 St' de l'(scalter <]Ul mOllh' a
l' glise du Sacr{-Cleur manquaIt de simpli( itC \' S
III ndiant· du preml r pali r, c tte proc{ SIOIl 1I1illt rrompue de p 1 rins et de ('UIICUX, r s j tl1lxs
�I.E I\IAUYAIS l'AS
Cc''; do., qui peinent, ecU" cOIII .ur sale du
prcnli r phn ('Llicut de.; r}us consl('~ux:.
Mais
(,li allaÏl'lIt donc ce~
degn.:,; qUI montruent en se
rdrc'c.:i"s,lllt jU..;qU':l paraîtrc uue Ç'ch..:1lc pour ga0'11'.:1' Il: dei? C"'hit ]lure I1n\~l,tO
p"rhnt bU~ahle.
Fr:lnçoi<; dut barbouiller 1.1 partie incrimiIll- '. Il l1'll nt p'(,; tO~l
~t fait ~u(.ri
de scs pauvres
h,lhitudcs d'alt,'dis,thon.
/.
seconcl tahle'ut vint plus discrdement.
C'était, SOI1S la pluie, Ull. ~roul1ecnt
de voya~ 'Ill'" sous lellr.; p trapltuc,.; nus.;clanl,.; ct branli '\Ilt de.'; 1111111(1'0'-; (Ieri~'
un autohus tr(:l' hllt. .
l'IIi" (' fut 1111 intC·lÎc.:ur de café quelque
!; "I\'enir pc.:r,.,onllcl, ",(IIS doute où 1'011 voyaIt
\l'I g-arçOIl de h 1\1 te bille offrir avec inso1, lce UII joufll'll cl • cIe quo; (nire • :\ 1111 pas. ant
,lL- orpnlellce :lu-dc.,,,ous de la moyellne el de'Ft
t Ipi deri~
la toile cirl-c noire d'lIl1 journal
1111I"tr(:...
1) 'S jours pas~rel1t
ain.si. François oubliait le
Lou \'1' " le lIT a 10)(1 Îs J'a$, Saint-Ch.lrtÏl:r et Ile preWllt pl liS ('JI~eil
<k M. Oli\'! r. Il appartenait tout
entier il l'l'" Fahienne, comme la chiourme au
fOllet <ln ha~nc.
l'lais il y a des prisonniers qui
a(\olent le r(g-ime cl, l 'nr cachot. l,tanc;oi~
n' ~el"
tait pas Ie~
mOT l1re~
de l'aulorit'., Enl 'ndalt-II
m"IlI' 1 ,; e 'ho; tallOns 4..'t Il" promc,; 'e~
cl.! la farouch- g-anllcnn cIe son avenir:
•
Continu_ z! conti,nuez! le t!'iomphe ~pro
he.
l,Il or' l1n cf tort ct c ""t la glOire, el c 'c.;t Il for-
t nrllle.;,
tUll ,
ql1'unc chose : l" .;t qu'il
l ' Ill1çois ne <;~'ntai
S 'f\·ttenT de,; caprice: de Fabi IIlIC. Il
lot IlL le féal
11\1 l,:."is ait Cil tout, aveug-Ic.'lIlent. JI r(-follill son
v'lelllCllt ct le rc:).!ime de s~
mai~l1.
Il prit ses
tlOb lepa~
dehors et ,;a conelerg' lit Sull nl"n Ig-C,
Il
~enti
imtn('cliatcment beaucollp pilli colbtd'r . M lis l " (eus clu papJ. lion\' nt Itl1icnt rapHIl' lIeut. Il n't ,Ii\'ait plus en lIerry que pour ,le-
m lit
rd
~
Su 1.,;)(lc".
(' ,t à (' ·lt~
'poqu que lc jeune p intr corn.
m n 1 de 1I\entl r clan s lettre, . Il gro~
it d'ahord
(IUel'llle hib, ~J i1\'en~l
cl p ti~
Il tal!
\th iml'" t \11 . l'liE; Il m nltt effrontém nt, perp'·tucllc-
�I.E MAUVAIS PAS
125
ment. Il prenait, disait-il, des leçon!l chez un
peintre célcbre, à l'instigation de M. Olivier. Il
était· forcé d'al\ r quelqu s jours à la C,ltftpagne, etc. Et la qu stion d'argent arri "ait en refrain, mal déguisée.
Mme Bonvent soupirait, M. ' Bonvent fronçait les
sourcils. Puis ils sou riaient, confiants dan' 1':1 "enir, et les billets bleu partaient à la queue lell
leu. I.e père et la mère étaient à cent lieue de
songer à quelque fourberie.
Madeleine était plus c1airvoy nte. Elle li ait
entre le ligne, remarquait 1 contr dicti n , dévOlI it le e agérations. Elle n'était dupe d'aucune invention et devinait l'origine de toutes ce
petites itnpo tures. Mai elle n'avait garde de f ire
nlOntre de sa science : elle préférait con erver pour
elle seule le triste privilège d'en être torturée.
Par contre, la docilité de François amu it follement Fabienne.
Ce qu'il jX!ignait sou ses ordre ne lui p r i _
sait pas bien transcendant. Elle négliKe peu li
peu de s'y intér
r. Elle se content It, pour 1
forme, de lni répéter :
- Continuez! Continuez!
Comme il était a ez joli garçon et que le tailleur indiqué par elle l'avait tran formé en un gent) man parfait, elle le fit inviter chez tous le amis
de on
,lIe le fit fréquent r les matinée d nnt,
éUn, le théâtre. Elle s'ingéniait à le
mir à la peti cour qu'elle s'était formé peu
à peu, compo ée d'épou eurs en expectative, jeune
gens de .t oufes sort., vocats imberbes, attacbés
de demam, apprenti financiers, impl
fil de
famille. Lyorric Ha
fal ait band l part.
_
bienne ne 1 perdai~
pas. de vu , maïa. elle ne le
« menait. p
aussI faCIlement, ce qU1 du re te
piquait on amour-propre.
François représentait I~ clan de arti te. ; d. le
repr' entait avec modestte, avec une ré 19natton
SOuriante .
. Olivier ne voy it pas sans dépit la m rche
cho.
deux tendre entiments: celui
d
qu'II cl
it
belle fille, celui qu'il avait , pontan ment voué à Fr nçCN , entr i nt en lutt . Il
olut d'ouvrir 1 y ux de
n petit ami, au
��12 7
proue qui fai 'ait c rp~
a 'cc II11C il lrque <ll lp \~
<!c riches tapis, sunnontée d'lin d,li,; étiuceLl1Il 'Ill'
solet! ct abritant ulle men'ei llel1sc jeune 1'':111111',
ct que d-:ux pealallg'uie sur tics coussins d r~,;
hls négrillons éventaient avec dc !,Tfamls év'nb.ils
de plulI1es üe paon,
« Je suis le Renouveau, semblait dirc la petite
prilll' 'ss", Patientez, J'1.rrive. Mc voiei .•
Et l'oll dit dit vraiment qU'clic pou"~'lit
dev,lUt
elle un aIr déjà tiède ct le parfum tic:> fleurs llOtlvelle..;.
l\f. Ohvier S lUl'l1it, ct sa maill, tendue, tremh1.tit.
11 Ile trOll\ ,lit rien à dire. Alors, sa\1~
(lU 'il le
voulCtt, il n:péb la petite phra'c qui lui étaIt revenue un llIstaut :uql1.rav:l\lt :
- Sav I.-VOUS hi 'LI, mon pellt ami, <llte v us
avez beaucoup de taleut!
I~t
cela voulait dire : « Je vous avais perdu. Je
VOIlS rctrouv' ct j'en ai un plaisir il1lIlle tbC . •
François l'ul un frisson: ql11 le tirait :lInsi de
SOLI extase? Il sc retollllla :
Oh! mOll cher 11l'lîlre! Que jc suis heurcux:
de \(l\lS voir! Vous êtes seul? Ah! tant mi\:u'<.!
h! je vous y prelHls, mon I-pilhrd 1 dlt
M. Olivier. Il Innît que le r{-alisme lie vous SU[fit pa,?
Oh! je vous en prie, n'en d!tes ri nit :\11' FabiclIlI '. J'a\' lis be,;QIU de peindre un jour )loUf
t1lo i t lut enl ...
Comme je VOliS comprelllis 1...
Il' rentrèrent en,;emblc (lans l'aris .• r. Olivier
·l~phon
· \ ch~z
IU.1 qll'il d':j lInait (Iehor" ct il
,lpnla Frallçol' pnsolllller. « I,e:\ F~('
'onl rc\'c11\1l:S : il e·t sauvé '. sc dit le hon philo. oph " ct
il oubli'\ les r':prim'uHles pr{-parL,<:s. Le rep:ls fut
tr'.s g-at, ct M. ()Ii\'~r
but ,.« au Mawva'Îs (',r ! •
Cc fnt Il seule al!u';lOn CJIl II \'Olllllt hn' :\ ~es
pt{'() Clip Ülun". M'LÎ,; Frallço!' !I·V.lI1'l t~lI
.
«J'Ii f.lilh 1II'{'Wner, s'wolln-.l-I! IIllll, J' 15sai. i le fil d'or. Je tiC le li hcr:lI 1'11\' .•
Il Il v III r 'çu le 111 Itltl lIIêlll' U Il' 1 Ure ll' sn
cou \Ile qui !tll donnaIt. des 1I0U\' ·11e, dll p'!} d
de Sc, p Il Ill" et sc tCrtlllll ul l'Ir c ' )lo"l-, TI l' 111\:
Il {lIIl que JI.: le clt
1.:
que je
~ui,
~lr
le l"'llll d ' , 11·-
����LE MAUYAIS PAS
-
J31
Six, mon cousin,
,
Si,'! ma petit ; ah! tu l'ais compter, toi,
M. Bonvcnt avait OUH:rt un largc l'rldit. François .put louer, pour quinze jour.; une petIte
sallc rlJlutc:c, la galerie lIa111d, à deux pas des
glands boule\'ard~,
l.es nitiques Il'aillll.:llt pas
à St déranger de leurs habitude", Le choi.· d'une
salle est une habikt( ou une J\1,laùre~
l'apita1l.',
C' 'tait troi~
jour~
a\"ant l' unrturc, Françm s ,
le \'CSt011 Cjuittt:, ft genuu-' par terre, aidait ~ s
ou \ flelb à ufoll U' ùes \'i" dan, le ùos d
cs endres, dont la plupart arrivaient ùc l'atdier de
M. BOllvcnt. 11 .Y avait J25 11I11TIlrOS qui s'lta1:li nt
pn ~cnt
1I1Cl1t sur k tapis grcll It dans l 'orùr <lU 'Il
allaicnt occupcr ~ur
1 b mu!s. :\l. Olivier n' mt
d'arriver ct donnait des l'ol1'<.:ils, d'Utlc \'ui cl ite,
k' visagc épanoui. De temp, li nutle, il allait jusqu'à la polje ù'cntré'\! t rI.' 'arùait lc fOlld ùu
couloir,
\'ous n'attcndez pas ce~
dames, j' sp'·r ? lui
d(;1nancJa lc jeullc homme tout à COUI) cfhnyl.
-
• '011,
)'rançois n'Hait pas tr~s
fier, C'est à peine s'il
a\ ait daij.{lIé apportH troi~
ou quatre 'tl1<1 ~ de a
péll< ù~.
Tlalist\:, « pour \:xnter 1,\ curiosill.: t lour
faire contraste '. I.e Test gisait abl1ÙOh~,
le IlL.
au mur, pIteusement, rue Lq)il'.
P nt-ctr la jeune fillt: s'(t31t- Jle douté d· qt1 1q~le
dlO. e, cnr Frat1çOl~
n'ellte11dait plu p \rler
f)lt1~
jamais :'11, ohd,clle. Elle ,!l'~(ompagnit
'} l" Elit' S ta~,
~lcPUS
que que tcmp_, férue ùe
~lUsquc
t t1 a 111 atl sa ml'r Ù tPl1S les ('oJ!ccrls
lIllag-innblcs,
• Elle mc bouùe! Tant mieux, La sUI'])rise sera
plus { latanle! ,
l'lai", avant de surprendre les autre., FrançoiG
dc\ait a\'oir 011 propre ltonTlem nt.
M, mi i r aperçut ~n
doute, dans le coulOlr,
cc qu'il attendait, car il 1 va le' bras ct clÏa :
l'al' id!
Et Fmllçois vit entnr
lie r 1 \'a :
-
MaiS cc n'
UllC
t'norme caisse, Il
t pas pour moi, on sc trompe!
�LE l\1AUVAJ. PAS
- Pardon, pardon, Déb1.on~
d'abord ~ous
verrons ensuite s'il y a erreur,
M, Oli\'ler et son ami dévI~$l:rent
elix-mêmes
le couvercle de la caisse, dont l'intérieur était
capitonnL', et François poussa Ull cri
Votre Poussin!
- Oui, mon petit Fr:1I1çoi!;, mon Poussin qui
vielll vous Ù0I111er lltl CUII P d'épaule, Oll V,l l'instIlle! ";lIr un chevalet. Il fera petldant <lU i\,lall1'ui)
l'I~.
- .Je valS ëtrc écra. é. l'laiS je suis bien contenl.
Mai,; non, vous Ile sel '/. P,IS 6:rasé, dit
M. Il l1uel, le propriétaire de 1,1 galerie, attin: par
1 bruit, et, avec cd atout dans votre jeu, vous
êks sûr du suce ~s.
- Ah! mon citer maître, ajouta le marchand
de t,lblcau.', en sc tournant ,"crs le vi Il.' mécenc,
VOliS faite;, hcaucoup d 'hOllllenr à ma 111 l'ste
sl11e; tont Paris va s'y presser, Il falldra ét,lblir
un service d'ordre. Sans compler qll'il va falloir
assurer t'e cadre ...
Pr:,l1ç0~
(;tait tomhé ,CI: al ra devant I~ paysage
dll 1 OUSSll1 et '11 onhh:l1l sa propre peinture, 11
Jal lut le rappeler à la r('alit(,
Enfin, 1,\ grande jOl1T11':e alti\'a,
On ; 1 ouvrir les portes, François marche fiévrel1SCille lit utour de la salle, On a placé de loin eu,
lOIn des pots Ù 'hortensias bleus cl de cllry" ln'
thcmes, L'cflet C.'lt charmant. Tout le long de la
dm.lÏse, e'est ulle a%embl('c l'mou \'antl' d''\t rcs
{'hil1\:rquc~
<lan,; des paysage' (Il' rê\'e, I.e C.lt lluglle présente ücux grande<; s(,l'liuns : Vi:lOltS
de l'lImdis, lïsiolls d'ellfer, ct il y a un ne~cùo
d, "horreur vers la perfecllOll qui est du plu.; cun u. effet, TOlite la légende se trou\'c réunie là
<'l, an milit:lI de la salle, le ,"(Il/l'cliS }',I.' Il- ·UllI<!
l'.llt 'ntier du jeulle p 'iutrc, C'est COlll1lle Il fleur
d son inspir ltion, l'azur ct le sang s'y tr u vant
nt"'I',,, Ù <1o-;e égale.
'tld '1 \I1C ,t S()lI ou ,1 Ile c1'\HI III ail ivel que
le ('111 'eh qllltl'C h 'Ille. COIIIIll' FI W (lh 'y
Atl 'IHlllL,
'c,t M. Olivier qUI ~c pU~:;elt
1 1 pre-
�LE MAUVAIS l'AS
mier. Il tenait :\ pr~$iùc
au succès de son ami.
S \ H~IUe
rl'çol1furt,t lin peu le jeune héro", , qui eut
1\ force th: ÙCtll,llHler til11idement :
- Et ces dames?
:\l. ()!i vier P'irut ne pas entendre. l'ltis, très
\'itc il répondit :
, Elles viendront. Elles vieudront certatllcIllcnt. 1\1ai", cela n'a pas cl 'importancc, c ruyc/.II1»l
ycu,' de François c1ignot~re,
honheur, il arrivait cles visiteuses et les d ux:
hOlll11ll'S durent s'écalter l'lI11 de l'autre. Les trOIS
coup~
étaiellt frappés. La coml-die mondaine al1:\it
COnl111Cllcer. Françoi' ll'avait plus le temps !le
S:ill former. TI avait 1\11 rôlc à jouer, pas le plus
ais'" tH le plus agréable: celui d'un hom1llC qll'OU
louc et qu'oll halouc, qui se voit tour .'l tom grote que, vulgaire, chassé de SOIl propre d01l1.LiII> 't,
51ns trall -iholl, opulcnt, choyé, cnvié ]lar le - IlleilLc~
leur~.
l'ill
Le,.. premicrs grau pes s 'arêt~cn
sltr l..! seuil,
cherchant :l s'orienter, pnis, apcrœvant le !{I,\lIÙ
Chl'\ 'det de g'l\lche, sc )lrécipitèn:llt en glou~,;\I1t
dc phl~ir.
T,l' \'oilà! le \'ollà !...
Ah! ç 1'0ll"sill, qllel géllie!
!\IOI, j'l:u ranolc,
1.1 t1'y il qu~
les Italicns.
,
Cl"IH~
ç"{'st justc, cc quc vou::=; t!ttcs L\!
[I,;"ol1lf1l-CS 1':11- un tel cflort d'il1a~nto\,
,lpr\:~
qllclqu ,>.; g-:,;~
's \'ag-ues l'crs les 'lutr 's p lIltures,
les hcll ~ \'I>;~eusc
all':r 'nt, e J~kr
sur l, e III Ipé
qUI sc lrOl1\',ul dalI' le Jllulollgl'lllCllt du Mall'l'ois
p(/~.
l\ I:t 11'a pa~
d'importancc, dit lU. Oli\'lcr à
FI rlllÇOlS, Elles sont iei, c'c:t le pnucÎpal. Ce . "nt
d '.llttre:; hOI kllSias qui ne vous coûtcnt lIen,
d 'IUt!' s chrv:alllhèlllcs.
Le l1nll g -, -;e I('p<:ta maintl's Coi5.
C LI n' \ P,IS <\'il11p(lrhlIcc, song >ait PraQÇO I';, r('ptl,\I1l le \l1ot fl\ori (lu philo';(lphc .
. Lus, lui, n':I\"tit In" l'!tahitud' ct il ltollvail
qll 'il Y aV'lIl ,!hu>;, • Trnp d 'hOlll'lhi IS! ttop <Le
chrysanthL'\tH"'! • étrlit il kilt', <l' 1 i r.
hOll\me,
[)e lCII1I" à autre, nu tout l'.:tlt jCl\(,~
��LE MAUVAIS PAS
135
Fr:\nçois roug-it, sGurit. ses lèvre' tremblèrent
rapit! 'llH:nt, m'lis aucun mot ne put sortir, Alors il
ho ln h tC:tc et serr:\. à nGuvcau la main que lui
tenùait son heureux riv:ll.
ÇJue je VOll,' pré 'cnte à la princes e D viniglio,
C '(-t'lit le bon philosophe qui avait. de loin,
aS'1 té à 1::1 pénible scène et qui venait au seconrs
de sûn pau \'re protégé, Il l'emmena et, d';:\11s la
foule, m llg-ré les ycux indiscret' et le oreille:;
m:\.h'eillllltd :
NOLIS s()me~
battus, Allons, allon, , nous
n' Il mourrons ni l'u11 11i 1',lUtre. Ça n'a aucune
e-;p .. ('~ d 'im port.lucc ...
Alors Fr'luçois comprit les premières réticences
de M, Olt der. M lis l'émotion avait été trop forte
p nr s',lttéul1er immédiatc1J1cuL
I. L pnncc.,sc Davinig-110 vOl\ll11t achetcr le
Ma/!'Vais Pas. Le jcune Il 'intre fut IOl~e1p!i
av '1Il t de comprendre, Lorsqu'li y parvlllt, un
larme noya M>l!(1.lin scs yeu,', Etait-ce la jOI ?
BI: lit cc sll11pkmcnt le choc d' deu' \'\'('11 ,nt 'Ill.; contradictOIre
et trop ra[l[lroch'os l'un de
l' mLr ' f
ÇJu 111 l il se pencha, un tllOltllllt apr'.s, Ih)l\r cm.
br h~ 'r "on Il 'r , Jluis 1\[,\(1.:1 'Ille, il Hait cn ore
SOl~
l'inflU\'IlCC de sc'; nerf.- SlIlïI1ClIl':-', Il 11' fut
gU"1 c IIleclu li ' ct IlC SOI1~
'<1 1I10m ' pa,; il pn en·
tcr 1'\111, '1 ,l'/lulI' 011 pèrc et ;\\. Olincr, 1\1, Ih,n ,1 l' ttr:ut lur II m.Luchc : il Il \';\ll il tr:ll1'illl 'Ure
1'1.111(' im[lort,lIIte d'Ilu client.
~[lI
leit~
,~t.!i
\~tl1e
:l\'ec h~alcoup
d' goftt ct
d, SllllpltCll . ,sun Job vloiage lIl1 IWI1 allougé CIlcallt(, de I{g '1'; Il'lllt!elllx qui C,Il'lL:lICllt 1.1 l'~<,!
m Il,, Iii 'i~clt
['orcIlle d('g-ag('c, llIll1ltHLIt 1111 \-t(}n~
netlll'nl ing'nH de se trou\'er llll1S unc aU"SI htil
lant ' as, 'mill; '. SUl' Ic petit (O~tle
trnttL'ltr l'lmf \ tiOllllé "OU~
SI dire tlOlI, c[le pOltait 1111 r 'II Ir
h[,111
'l I1n petit bonnet d, f!lunure hl.in h', 13;
c",t lit ommc un gr ICICU,' nppcl de l'app,lnlllln
ùe [1 l:éc du Mllll'V.lis ['li "oUS [1 IIcIge, Hile ·é
qUI n'aveut rien de .1lspect,
()ueIC)ll'UU, C 'PCl1clll1t, 11 l' 1\'lit point 01/1 'rçUl'
S 111
d'pit. C'ét lit FahiclIlIc, dlJllt l '{[log Illl t; -
�LE MAUVAIS PAS
turne faisait sensation anlllt l'arrivée de Madeleine
mais qui avait YU tout à c~>up
les regards se d~
tachcr d'elle et du romancier populaire, pour se
porter vers cette j une 111connue que le l'cintre
vcnalt d'embrasser avec tant de familiarit('. Fabienne sc sentit nOyle dans cette foull' oublieuse
t qu'elle jng-ea ,hostile. Ell.e et~
un g-~ ' slt.:
l?r~que
de cokrc qUl n'echappa pOInt a sa IDl:re 111 a son
eOlJll',,!.?;non.
l'Ilc petite pro\'inciale 1 fit l'u11 dtdaigllcu emtllL
l'as jolie, affirma J\1we Olivier.
l·ahiclIllc nc dit ricn 'lU cc mot:
l'arb111S.
!l1a1s Je ton {tait (loqu nt. Il tlsumait toute une
suite dc pellSll:S eontrathctoircs : audace d FranÇOI
d 'Halt.:! n1llSi d d'<;1l1bras er publiquem nt
e tt jeune fille, inc.'phcable conduite de .:'IL OHvi 1 délaissant sa fille pour va1ttu \111 passallt,
50tti c de c tte foulc sc ruant devant ll:s toilt.:s
Il'U11 inconnu t qui ce smt tout a coup de la
l'lI yu l.t. de la t"olllplim lit t, cl}c ct SOI1 fialleé
tll, patl"len, pour regarder
t, u pn! d, l ho e
ptl ", pour r!ppJan.dir edit' petltc 111iJaurt" tOlllhL'C
OH JI s:nrll t (l' \1, Li c~s
tahllalL si \111il 111lé111 It r' r glalhs.
t'ar, 011 JI' n ]>01t\':llt Ilouter, 1'~.
ç 1 Hom'cllt él.lit Il.11 gro' SHcn
1 ' ,.
Itl
de
11('
l'avolT pas
po Ilion Flant Fahi Ilue ltait
prhll .
• 'c pou\'ant toutefois se dispeu cr d'alkr
~al\cr
Il j llU . h{TOS, lllc poussa de, aut 1 lie 5a 1U(;!(' docile, qui s'acqmtta J, III 1 IL <In 11\0nde 0- la
(,OT\'~
•
Vous part~1.
5ellt 1 ar( .
déjà? dit le paUVll' F1allç'ois, dé--
a VOII" 1 n<l z-vous au
r.ndé pendants,
•• OU~
dit L\'ornc Ilass avec un regard CIrculaire aux
tabl a"l l ' et un Mdain qui n'Hait l,a. jOltl'.
- Oui! ajouta perfid ment Fahi 1111 ,on il que
c'est 1 ln de dlOc;cs nclt\ s, :I11<ladcI1S ~, J"l1m
l'art CJlI1 'a cl l'a\'ant.
- Cha~un
fait cc qu'il peut, conclut MDlO OU.
il, r H t permanent cl ~ ilJCOll tanc
ùe sa
fi Il .
�LE MAUVAIS PAS
i37
Et le groupe ondula vêrs la sortie.
- Comme on est méchant à Paris 1 murmura
Madeleine à l'oreille de son oncle.
Il est à gifler, le monsieur au monocle! répliqua tout haut ~L
Bonvent.
François n'entendait rien, ne voyait rien. Il souriait machinalement. Et Madeleine res~ntai
une
grande pitié pour son cousin, pour son ami dont
elle devinait le dtsarroi. El1e conais~t
par cœur
] s dessins de François, elle n'avait ÙOllC pas u
ùe p inc, grâce à « la demoiselle au grand cbap au • dont s '(tait moc]lll' le cousin Parfait, à r C01ll1aître )11 1,. Fa1>i nnc .
c'cst lit 1\111e Fabienne. Quel ,'isage
• Ain~,
bJ('1llc ~O\1S
la pondre! Quels gestes encombrants!
Qu Hes façons désoblig antes! Ce jeune homme
impertinent qui l'accompagn e t sans dout un
rival h tlreu,- <l François. 1~
seront hien a~()
clés: mais cette prlfé-r nce Il' plaide guèr en
fm' Ul d )JlI. Olivier, qui pouvait choisir Fmnçoi", «notre Fral1çoi~
l , si don,'. si sensible tel en
pleine possession <le S011 tal nt. »
- Comme ("u;t bten, tOllt cc qu j'al! rçois ici,
dit ;\laclelel11 (l'un voix fenne; comme tu aS
faIt cl
prog rès ces derni r mois, Oncle, onel ,
r 'r,m) (e gl ant njam b:l1Jt la Loi r . () h! tu yoi ,
tu \, 1., \"l'Id l 'lgIH.:ray d k l1loulltl de 1l rtrnlle
au clair de lutl( ; j'up lçoi~
Madell U, dan" le
chemin. On IItl'Il!! hll1in' l'~
r upli 'f:; t 1l1uglr
d?UCc111.nt !a l' btt chute cl' an. Oh! que c'c t
blenl ht "0111111' Il tbadc, ma vi ille Ilmi B rhalle,
dl s
humhl {,t imposante dnn.; l tte
Duit claire. 1 n j'as dOliC vu . le soir? Oh! 1
chotti r,
Et ,lad lcine, cl force, '!ltra~i
SOli rOll III
le 101J<r des 111\11;; de ln snlk . Il lui (tmt bielJ { 'al
qu'on "'la Hgnrcl,ît. Ell< ltait heu relis ' dl' r tl< 11VH >.;Oll nllli cl'enfance ct d> voir se
t1011\ llt:s
œU\'1l , \'01 Ut tout. I.
t . t n'exi,.tatt plu;;. Elle
<11 :lit tout haut on opinion t ne I!1lllagL31t 111 k
(-log ~, ni 1 blâmes.
I> vant ks citant urs de carrefour, a\' c 1'in(vltable Jl tit 1 fltis;;Îcr JJ,\1'I[llOis ct le militait aux
pi,,] Jou rlls, cll 11 'hé ita pas :
�LE MAUVAIS PAS
- Oh! cela n'est pas bon.
- N'est-ce pas? avoua le jeune homme.
Et M. Olivier, qui s'était mêlé au pdit groupe,
hochait la tête à chaque trait malicieux .
•\1. Bunvent ne disait pas grand 'chose. Il rongeait sa moustache, cachant au fond de lui l'orgueil ùe se sentir le plon: ùu peintre qu.e Paria
fêtait.
Peu à peu, le public s'éclaircit. L'heure de la
fermeture approchait.
Est-ce que nous pourrons rester un moment
qualld tout le monde sera parti? demanda Madel ·llIe.
- Il fera nuit, observa François.
- M ... i· non, mai:; non. Je tiens à revoir, toute
seule, de tout près, Je Mauvais Pas. .
~1.
Hamel ferllla lui-même les portes derrihe le
dernier visitenr ct V11lt féliciter chaleureu:,ement
son jeullc client :
- J'ai rarement vu un succès aussi nettement
affirmé. Je vous promets une helle ventc. Nous
avons déja trois mille quatre . Ilcux: ami' à ID i
r VIendront <1 'malll. Et puis il y a les amateurs
qlll ne veulcnt pas a. SI"l 'r au \Trnissag-c mone! ln • .Jc compte tiUI UIIC fl·t·dtc (lépa. salit dix
1111 lie. C' 'st LilI joh déhut. VUIIS al'~
Hr' à la
Le.
TIl
Cc qUI e. t ~ la lIIode nc dure qu'une saison.
1I.lIvent vaut ml'UX qu' cela, affirma M. OliVier.
Certainem nt, maître, certainement, approllv
Je marchand de t~bleau.
· , ct ceux qui ach '.ter nt
d,
::. tableau. '-el fcront U Il bonne altaire. TcIl'', j'en achète dCllX:. Jc vaig ks choisir.
:\[ ' ,\(Idei~
ùurant cc coll.oqu<:, . 'était ('1Jignée
d · )'rançOls ; clic avait Sorti de SOli mant/l'Ill UI1
/I ,t it plquet qu'clle déroulrlll sur le callapL prè
d " ch \' dets,
~ [
(J1I
Olivier l'avait 11I\'le.
Mon:.leur Oli\:ier, tt'cst·ce pa ' , Monsieur?
Oui, ~b
1 1llolsdle.
tell
l:rallçol c~t
'In 'il n'a pas
' é 't \ ( 111,
1 JI 'llle cou·
O"I C...
!II. Olivi r ct 1\1 l(!'h:itle
ourir nt.
�LE MAUVAIS PAS
-
C'est à vous, Monsieur, ce magnifique tableau
hC)I11Jcur de ce logis. ?
OUI, 2\IaùL1lloisdle, et je ,'ois que notre ami
Frnlll,ol a Hi ha\'lT!1. Je ne lm <'TI nu.- pas, On
llC dna ):llllalS trop de 1)1(11 de l' 1 sin, 11
laut laiH.' aimcl les b lles chos(s,
s'cutretell r qUL <l '( 111.:s 1 EntCITCl lt, autres dans le
slh:n 'c!
.J\.]u(ldclllC applollvait, heUllttH'; dlc s' nhar(lit :
.
l'lnllcttlz-moi, ::\10nsicur, de VOllS r me cier
au 110111 (le mon onclc d de l'rançoi aUS~I,
qt 1 ne
1'.1 p ut-ltre pa" fait asscz blen, Il vous dOlt tout
sou SUCll: d 'aujoutd 'hui,
Il m\n doit U11 tout petIt lllOI(l:JlI. :\ ai je
YO(h assur
que je n'aurais Jas c1lr.\llgl Pou' 111
l'nul' un peIntre quelconque, \'otlc cou in a \lne
mttun: déliCieuse cl mernillt:usemcnt 01 ib'Ïll, ~ "
C' st Ull classique émancipe Il ~a!t.
son (1 ~ 111 ct
sa (,'luI ur. Il est Ulll' jolie c_'CC)JtlOll (Ians 1 l mps
JlI e nt où CIL' qui snn:nt cl
111lt pCIg-ll l.t. t,)ut
(1 tIn\ TS d. l'cu. qui sa\" nt 1 cinùre Ùl sil: ut
ln dll'it du bail sellS,
Il <lllolC SOli art et lI'cst la-I1;\1s contCI1 (le
e IU'il produit. Il tru\'nill' snTlS l S~'
T lit ~st
là. L':t\'cllir ~st
• ('cu. qUI tla, ml~
.·l
broderie au.- fil~
d'or ('11 "on.IUt a\ait nJljJtI:; il 1.1 (0111-
lltre ~t:5
Sa
doigts le
tlW i Il
tl
m-
le
�LE MAUVAIS PAS
Je conti~
bien cette broderie ... Quand j'étais tout
enftnt, ma IIll:re, qUI nous a quit~;
de bonne
hl'ure, Ille montrait une broderie toule semblable
qdl <hbl1t de plusieurs siècles. Ma sœur, qui dait
mOIl aÎ Il l:": , apprit le secrd. Mais elle n'est plus
ct je croyais le secret perùu.
- Bertrrlde est UIIC Fl'e, ct les Fées sont les
h(,t1l1es gardiennes du pa,;s('. Elles rccu<:tlkllt ll's
lé~ei
'S, les lIly"tl:res ct les trallsmettent IJlcllselIllit à ceux qui doivent leur snrvi\'l"', lkrtraLle m'a
souvent rt·pl·té· que Je mystl:rc est lIlI dL''; granùs
:- 'liU ns de h yie .• Du jour olt l'on mu 1 l,lit trlhle
r,'e de, énigmes ct du Illyst(ril'ux, il faudra tirer
l' Il l ',u : l'homme --cm d vellU le dernid tic: :lmnt 1 1 ' . •
Le fil :<:la rompn, dit .'t mi-\'oix .M. Olivier, et
il ('('lIlilll1'1it de g-allk:t dans sa 1I1alll le cltrieux
lr 1\' dl (le ':\lalh.:leille. C'est Ull 0tre bien (Otra1lge
cdl' HCltr,l!k.
'011, i\lollsieur. C'e"t tout Stlllp1ell1ent uue
fCIIIIII-: qlli a b..:.llIt'OUP souflell, jadiS, ct qui, U1 lnt III Il, c,;t IlSlgll(oC, ayant fait SOli Ilevoit.
~I
Oll\'ier cut tlll de t'cs courts inst l11tS
d'ft t1111 1111tiOll qlle Fral1ç()i~
a\',tÏl Slgh',~
:1 scs
l' l ' l b , ;\hc1cl 'ille fil S 'll1hlanl Il Ill' l' 1,.; ,; 'Il
qll '
al'
Il
;\[
Ih
le
\'ietll:L1!I,
,'~l1t
1
Il 01,
( He Bertr 1 1 .
broderie.
t Fral1çoi~,
J \
\1
a leut' sottie du (Ibinct
con-
�LE MAUVAIS PAS
naître toute la critique, 1a fière, la noble, h bienveillante, la g-loieu~,
cçlle qui donne de sages
cOlIsl:il:; l:t mOlltre la bonne route; la fielleuse, la
"Vj lellte la haineuse, la jalouse, <:elle qui recherche
le côté {aible, qui attaque traîtreusement, celle qui
décollrag-c,
François était daus une disposition d'esprit telle
que ('C f~rent
surtout les nt~chaeés
qui l'impre,:-ionncrent : Il y troUV~\l
comme un refiet,
UII (,dlO des appréciations tle Fabienne.
.
« Je devais l'écouter. J'ai gâché ma vie" sottge lit-il.
j'If. Olivier, M. Bouvent et Madeleine le remotttaient (le leur mieux, lui relisant 1 's belles études
des maîtres dt! la critique. Ils lui pas aient 1 s
col)r~
toutes fraîche: de l'Arglls, arrivées chez
M. Il .ullel. François hochait la tête, pas encore
(,OIl\'aIIl CII.
Cette seconde jOllrnée fut rependant krtil " cO
complil1lellts fIc tous geures. M. Olivier avait tOlIvoqtté plusieurs dt! sc' amis ùe l'Institut -t Fr IUçais Ile quitta pas la selh:tle. Il (lut rnCI)nt'r sa
jeu liesse, c.·pliquer la veuue dc son talc lit, di~
cut '1 SOli [\,'cnir.
\\1 !lOIl\' 'lIt ct ;\Jatlc1 ,in s'étaicnt rl'[ugi "s r1 HIS
lc l ]i,illcl (Ill 11I ,1ITh .lllLl fle tableau '. 1';lris IIC les
aUir lit gllll\;. Ils l'oll1)1taicllt pas,;cr touk" l'lIrs
a)lr~-1di
• l'hez Ff'llJçoi" " ~t
lJuel plu" int 're's l11t p~ctal
p(lraiet-1~
trouver que le <l',ttlé
de t'II" ('C ... illlOI1I1U", aux g stes ~i dh'l:r, d vInt
le t 11l1'IIIX dll jl'1~
arti, te?
I,e ... (~lo
... -Challtc1 arriv\rent ;i tlOIS heurcs. J,Il
PIt' 'li ce dl' :\1. ()I!"ier ,le,; ilJte~)(I!a
\111 pli: ils
COli Il Ih<;aÎ e llt les Il JIlçallle,; de hl HelJl1e, lIl,lIS le
vieu phil 0' lI phl' lc . ~ mit \'i~t.;
à leul ,Il";',:
"
IÎ (kux fllllllles, v<?t1a tout; .le \1 aU:lls t!11
qU'III'1 gCllflre : j'ai. utt fil,;: Qu'Il II! ,ve~l!.
~
111111. jf.! 111'0 cupcrl1 <le lm Llllt quc Je sn.lI
delt l ' IL.
Il 1. \ 'Ou It '\. El vou' iwez hl - n ; ' l1~OI.
JI a
li "lIl '0111' ri' LtI·l1t. AveZ-VOliS lu 1 lrtlcle (les
DfllIIlI ~
Je toi" lot 11 . C'e,t 1111 cl ",., lIll'ill IIl-. , :\T li, il
en aUI l <i' IUlt :., Il aura Il Gazette de
/l1.!'<IU,'(;-
r'
(1 rts.
�LE MAUVAIS PAS
11 a le pied à l'ltrier. Nou~
lui ferons, de
notre côt{, une utile r(clame, Tous nos amis à galene pas~crolt
J,ar il:i.
Frallçob rougi"sait, l'air soucil.:ux, U11 pUt maussalk,
Quallù les (;ros-Chantd al crçuTl;l1l :'IIaùc1c1l1e
et S011 oncle, ce furent <le n:t ntissalltcs exclamations, Ù6 compliments à hout portant, ùcs j(lILi-
talin~
cmhars~lt,
A\'Cl unc ]>:11faite ill< oll<;"iCIH c, lb lta1ai nt leur ouùli (lu 111:11 qu'ils avaient
pu lair ' Il annonçant lrop vitL le mariage de 1"alllL 11 Ife 1 lle l·rallçois . .;\1;115 :'Ilmlch:ine ne songcmt guèle LI monlr r de la tancUlll.: ; ~l1c
al'ccpt,llt lt ... C0l11p1i1l11:11ls ."hon jLIl b Oll argent» : Ils
l t,tlt nl J 111 FI allçols, :'Il. BUll uIt tdollljlhmt a\ 1:(
li,
lTlOÙL
(Ill
admira bcauc0up la hroderie ù 'or, Plusieurs
:l1l1,lh111
dlllllll au scullanat dclilallÙU (ks ll'l1StlgllUI1t'lIt • COll1l11e le ,~ltn.
' (lIS
J'(l5 pOIlaIt l ' ti<Ill tie 1 t lit/li, ( Il s 'mfolll1ait pOlir S,I\OI1 si IL mot
WlJlplCltall 11.: cadre, ( l'aIlle c.' traonlin:ufe dont
Il
l
•
11<11 l,lit l'as 1<. catnlogu .
Il :1111<.. 1 acl'OU l,dt :
Et, chaque Jois,
hlH H' IllIe Prol'QSltioll, .\Jatlulloi
Il\;!. lllCÎdlZ- 1 li
\OUS suppll\: . J'l. 1. \,!)US-Ill('l1l\;! le
pl1 • Il ~l:it
fi
l'lé ù 'a \'alle ,
,i
p,
l\1,lls .\I,HJclclIIC t Il,lÎl b Il, 1.n !JlmJ
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P IllIit .\ .\1. Olt \
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n'Ltait
r ct ù Fr
IIÇOIS
t.
Il faut '111.',1 Illon tOllr je VOliS ft li ite, dit
ll1al\l. :'1101'; pa de U' qUe \( us UO)'C/, ~lo
Fiançais, \'otle l'Otl inl .\Iad 1cil1 csl Illle
fille Mlicictlsc. Cc uoil (lie \Ille e 1 1l1:1:tc
l" st ll'1talllelllLllt UIIC illlllllgcJl(c
J' i rftlclIIelli 'lit IIÙU rais(11111 1 aHC Ulle
tg. k t'Il dl, ht cclte bloùclic c~t
\lllC 'ClI\"fe
d '.11 t... Pui , dIe Il l'ail <le VOliS aim 1 t lIdre-
llh 11 glll
d'alti lIC.
ml nt.
, a
�LE M'\UVAIS PAS
I43
Fmnçoic; était tout heureux d dire du bien de
Son vieux maître le regardait gravement:
_ Ah! si j'avai .. su tout cela plus tôt! Mais
vous ne dites rien Il faut parler, que diable! Il
Y a des ch?ses qu'il est .dan,gereux <1, c,acher. Dire
qlle j'aurais pu vous hure epouser fablenoe!
- Rh bien?
Eh bien! m'\llicureux! c'cM {·té votre perte.
VOUS 0tl'S hit pour 1'.lris c01l1111e ruoi pour vcnllre
<1'" pomme'; à 1 \ 11'\l1e. \'otre fell1111e, 1.1 voici.
J'l·t.th 1111 vieux fOll. Je rcvl 'os Ù la raisol1 Je "erai
'(Itre témoin à hl mamc ct ;'1 l'{'gli,;e <le S'\intCllfl,ltier, et vous lm'it rez h vieille Eertrallc ùont
je brOIe de faire Il con'li~;au,
'
François oe répondit rien.
S.l COlhinc.
xur
I.HT1Hli nl\ Mm. TI
OU UN~
J8TQI{ I,l~
~VINr
V"':NT
Ill:" Al{\Wl A l' \IUS Il.\I>;S !H.U ' ~r
USONS
;Ir (IIi vi 'r avait acccpl\ t'C sni .. -LI, Ik <liner « à
]'il1foltllllC du put. (liez Fr lII.;:ors, ,I"C,' ;\1. 11(111
v III ct )helel in', C'é-Lut ulle petite fcte 1111(1ro
vi~
',c !JIll dit ('lé forl g- lie jusqu'à 1.1 lin, "i 1· C"U I
riel 1\ ';I\"lit P,l';, vel,; lIeuf heures, ,lpplltt(· lin'
kitl allrislé.: de 1\1'"'' II()Jlvenl :
;\fo~
(lI~K
PETIT FK~i'
Ol~,
J'II reçu 1.1 dép"che il CJu n~l
hl'ures cl j'al l:t,é
Lieu Iieul eu ' Il '.lppn'11I1re le Il l'è~
~lc.
tlll1 exp,!
Rl'lIlercl' ton père ri' 1\' ,11 ,01lL:' 1 111"1 ;\{I.I,
Il ,é 1\ \'ou~
tou
.llh r '·"il 1,1 III Il "Il 1.1 hleu
fl'11I1de Ilellr 'II 11Icut qlle Jl'rt'lIll' 1 l'r(lllll, d· ~1
VI Il', lJuatr' ("1 1>.11 Il,ur
Qu 11111 vlenÙr.I,·llt? Tu d
UVOII be,1I11l tic le r •
tll>l1
j'l1 "
,i,
�LE MAUVAIS PAS
141
l'oser ct de manger d(~
œufs de Saint-Chartier. J'en
ai h:\é quaturze le matin.
J'al ulle mau\alse nuuvelle à aIlprcn<1rc il Madel< IIIl' : ~a
vl~c
amie Bertrade e t malade, tnès mal"dt" Il~e,
dit-Dl! . Hlll' l'st al ri\-(' hkr, nccumpagll( ' li 'UII' SœUI' de nUl·Secour~,
l telle dcmande
III. ,!titille.
J,~
i)Ollllc Sœur était !J' Il (mue ("\1 me faisant sa
cOI1J1l1issÎon. "Ah! :\ladolJ]e, quelle fCJTlme de cœur
1l!Jl!>i ale~
voir di!>JIi rnÎt~!
qll Ile pl'rtc pour nos
l'Am Tes 1 JI faut lui procurer cdte dnlllère JOIe qui Ile
Il <1:III1C _ !Jltes Cl l\!uclt.l1Ioisdle \ ott' 111':l'C de tl:lltr~1
h plu tôt po siblc. ~
J',1i pnlllJls cI'l-lIire nUJonrd'hui mtllle, mai~
1I((ure( 1 que j nlt>i pas, \.; tltlllantler Cil <]u 1 pa\ s Hn·
tl de 'ol"l'upmt HlIlSi, l'ln\' r, dc paunes. U'allllurs,
JIt u
le SOlHIIll biclltut.
hlhlune kl,l l' mille dIe l'lntuldra. C'c t un
(1111 ntclllps biell UllIlI\lU. \11)1 , tu HO; (11 clu suc, "S, lIlull petit François?
C la III 111 '.:tOI III 1 pas, tll ms 'l'II l~ I1Iérltes.
Jc' ""U5 ~1lJt.!
se tous cl tout neur. Ta maman
ql11 t',II1II:.
Cr,ARA,
1 t.lç'oi~
Ù
;t\nit lu la 1, ttH' ~ 11l1-\oi·. Tout le
L s latnl s j IlIlIT 111 dlS \' UX
Ir!
fut cI'so]l.
I.Ir!lldll
:
Il flllt que j
•
trop
lard Il 111.1111. J\ qu<.:l1<.: hcure ;l\O~
un tlam?
}- r,lllç' i , tu 111 P;\1 d, 1111 ra • 11 'L t-lC 1:1' dc te
qlllt 11 1 dte?..
'
Il lut lQl1\Cllll 'lu' )I. HOI1\\:lIt et ~Indclt.:i
JlI IIdlOl 1 t 1 tralll Ùt.: onze hcurt.:s clliqualllc,
1Il l ':lIlllllIlC Ù la malatli cie 11 1 li aù~,
.\1. oli'\ tCI .1\ < il l ,Iru (Ol~tcrn'
:
pas
Il drill llone leTlI qUt' jl li' ('olJaÎi~
licrlwùc. Je le !tgr He vi\ 111 'tlt. Je Ul' SellS
altill HI'i l tt figure 111 • ('ri li 'l',
l',t, Il:111' ~ct
aSI~ir,ltO
11 y !I~nit.
plus llu'un
c1t'oll d'tll1ellcr (le Plt'i la Vil lin llu sJIlCIall d'ulle
CH,llulC hor' du C HltllUTI, Il y n\ait 1111 \'llitahle,
UIII
\1 1 lit· attlalllOll sClltrm lltul',
'\1. Oli\ i r Il )Iut TlSi tCI nu Ùl Ir <le
.•••
J1l!'11I r :1J11 s Je dlpart Il .1. BOll\ ut
I.ate, Il
t,lit J~ut-'lreI
lion
t 1 1
1\lull 1 (lit ami, il faut qu
je VOUs fasse part
�LE l\lAl'YAlS l'AS
de m 5 aJlg'oisscs, \' otre Rertralle ùu Bois ("arnault me fnit in\'Ïllcihle111cut "I,nger à t ne rLT~Ol1ne
tr <; chère de ma famille, llIorte sans <lI nte dcpUIS bi<.:n ùes al1l1l!.:s. mais qui a\'ait, aHe crUe
lkrtradc beaucoup ùe p mts C0111muns ... Je ll'ai
pas to1j~rs
bien \,{CII, 1l0~
cher Frau~oi,
A ma
sortie de mOIl dcrmer collegc - ('lIr JC fn" H:n.
,"orl de pln~icu's
à c::Iu<:e de ma dissipation, ,Je
TIl' 5 mau\ nis instincts, (le 111011 lIlC01 rigl!,1
inlllsC'Îplilll',
il ma SOTtie de 111011 (kmi! r (ol1ègc, je
tenl1 ti à rl'~fL
t dans le "iCll.' (le lI1a1l1 f.ll11ilial 01'1
COllllllalHI:lÏt 111a SI 111' JI rth .• 'OUS lJ( 110\15 rC'-.~(1I'lJj
115 11 rien. J'dais gralltI d mince, elle (tait
tonte ml'l1Ue ; j'étais ins ulÎ:l1lt d hniù, Ill: lt;-tit
éIictlse, aimante, La \'11.' 111 ch:ltlau l. ait II 11quille, uni, tlll peu ~'Ta\e.
On y avait dt'; hd itUt s ù hont', dl' n :ltgion, (ks traditioIls tl
b ah \11 qui me parU! nl ùes plus SllIall11 ( • ,Ion
ani {e jeta le ù{ anai. J'ltais 110111111(' : je \'{Julu/',
pal Il T
Il l11aîtr. lIIIl S(l'lII me cltla (11 tout 5
l'hl !iC's.:1\ l' tllI (tnn1H:111 'l1t attlisU. AJor je CI 111~Jl(;IÇat
d l1~\:r
U1;C jO}!:II . r.; \ ie. J'da;.., riche ;
J't Il'\ cl!!'\ amis cmprlss(s à dilnpillci aH e l'loi
1111 11 1 ItJiIJ10;llc. ljn r~gis!;
III louLI,lrt! '1l
(01,S, il!. de SllU, S sp(ctt}atiol1';, E11 1110i1l cl ClIltJ a'h,
d. tt la nunc I1tl1111 lellt,· . .T 111L mis à J 1l~
Ce
Iut tout le (lllC 111 COll iltèr ut 1111 '1 CCH ;-tu \ 11 •
s'aff, la. J'CliS :I\ec
nll Il cu:ur <e séché. :-'1a s(~ur
dl quelques scèn
ùéplorable ',J Ile la ( nnn' sai l as ; je Il 'a vais jamais v~cu
prls (l'Ill, 1I10n
tut UT, pour mater ma lluture muuval'<C, m'u\' 1 t
il tllint allx inhrnals pcrl'ltuels et .1 ùeo;; \( yarT(S
hâtif,;, Qlland l '!'Ige de gouv{,~IH:r
111' mit 1:11 J.l~
dl 111.1 50: \11, dIt tiC ni compnt Jln~
<1!1\ alltage. 1)e
gu rH 1.lsse, e11 fit appel r un 11otaiT! d llf l',~
11:11 t.lgl.'l 111 \ les laml:l':tu.· rll nos lm:lls par mOItIe.
hile H IIllit UIlC pdttc pat t d son:l\ olr el 11J(
ln! al' te te dans une smtc cIe Il t~rc.aml'1J
que je tr lI\'ai un matin SUI .111011 a5,tc~Ü
tians .l~
glatltl
:lIlc à m:mg r frotùe. ùu (hatcau. ]:ll
appti par Cf 'ur, 11 la lisant cc Jour-là, cdte kHI
t t11hh: :
!l1t.1t ft>I~,
tu
yel1X nn t1W1I15 t
tu
{ai~
mourir dc Il, I1lluT, mnis je
• uv r. Je ni' Il \.1 . '1 u ll't;UttU-
�LE MAUVAIS PAS
ciras plus Jamais parler de moi, si ce n'est, peut-
être, le jour cl.: 1111 mort. Je m'en vai. par le moude,
ù h recherch..: d'une famille. J'emporte de quoi vivre
al'cc simplicité, C:.! que je husse t'appartient. Je ue
H'UX p:l . te donner 1t: remord de m'avoir chassée du
tOIt de no., !lIeux . l'eut-être, un jour, a[.>prenÙ
~ ls-tu
, mieux vivre . Je le souhaite ardemment. Ce jour-l:\,
0'1 qlle je soig, si \);15 qlle je soi tOlll!J(:e, et même
si j'en sui réduite à mendier mOI1 p'lin à la
Il ,rle de p111vre,. ce jour-I
je te pardonneni . Je
Ill'cn vai, Il Ir le monùe, à la recherche de ton
., ·dut ...
Berthe OUVrER DIl LA FJlRTll-MAW)/
• Ce fut, pour moi, comme un de cc!'; C'oup" de
III Issue sur le cr~Il1C
qui vou~
éveilleut <1'UII cauC'lH':II1'1.r. J' me le,-ni <le table 11 (halll' ·hlll. Je
fi>; C'he.rC'her m~
'!"l'ur. 111'''<lu';( la Illut, j' InUis
l:! contr "C. J'CIIVOV i dc"- hom1l1cs dans {outes k.dIre ctions . Les reëhcrches furent Yrlllll·S. C'est depitt' cc jour que mes dlc\'eu ' sont bhtlC's .. . Je
(il IS. ai ùe che;>; l\1oi mes fall,( nmis comme de
III III l'~is
vaJcb cl J 'c'saplI de 111 iell . vi \"TC CC ne
flll Tl 15 aise: ct j' 'us m<lllll('s I\:l'hutl-s. A
h \Clue
c" i<; , je murmurai" . c 'l'II as tllé ta so..'ur, tmv·till' ; il th: cOllclttioll seule lu ';l'ras paldout!',! •
ct jc Illai rr,()cl aulUlIl d' ilIa vi " comme 1111 _
ptlls.;allCC mygt{'nel~.
1'!i~(
ch; crlle qlle j'avais
ch J,~
e de SO\l <1omallll· .. L I1,lP:'S~O
l-lait SI profonde qu' ,Ile !lie (',olld IIlSlt li ('UI re mon prCllllcr
1I['llseul : ne 1.1 P/(IS~tlJ{'
dl'~
/o({c s. J"('tai,; S,III V ' ..
l' 1 )!Il jour je tiC ressuI c1eL'fl{'chir slIr m. f lllte,
1\hi·', all li '1\ d"11 ~trc
(·1Ip{Jl~O\-C.
lI\.l vi, s
fortifia de c ttc pt;nSl'e, C'est dOliC à ma SCL'ur qlle
j . d b C que J 'al arqUlS ùe sagcsse d d '0tl c cie\' litt t'olpais~n.
•
El l' clll \1(' 1·1vc7. jamais revue? int rrollllHt
F I 1~
li~.
illtér{'s:é Jlar cc 1IJ}"tèr' qui gl'wdi "lit
l'II 1\ e ,\ ' ~ P'lI • son VIl'll. maître.
J lm h. ~1 d peut-être apprit-clIc, peu p"u,
n 1 (III \'cr,;io!1 . Cet espoIr llc 11\ <Juitt 1 .l auc IIU
~Il ,1/1 lit de 11\ \ 11011 velle ,vi' et c'e!>t p Ut' cela que
Jv lec h r Il li Il r 'llomm '
,l. OlivICl se
lut
tlU
III 1111('11
t,
pui
�I.E l\1AUYAIS l'AS
_ Si elle vit encore, ct je cr is qu'elle vit e]1Q.
doit' a\'oir tout prt:s de quntre-vllIgt5 aus. '
Les tlt:U.' h01l1l11eS eurent la l1JllllC p<:llsle, la
nltllle bll tion, Cc fut Flançois qui 'a 1'(:, 'primer,
ct à mi-voix :
C'est p ut-lile Beltrnùe.
_ l'eut-dIe! murmura ,;\1. 0Ii\'Î(;r, ct, pOUT cacIter SOIl saisissement, il ajouta : J'cn eus, pluSiCIllS fois, 1<.: cllsir ct ln crainte, CIl \OUS {coutant
park!' de cette lJOlllle \ieille Fll'. La Ilgl.lldl' du
JIl(/l/'vais l'as c:;t Ulle l.!istor~
de Llïnille. Et la hmduie li fil d 'or est \111 secret de lIllS aïeux ...
e' t dlc, c'est elle, Ilpllalt F!allçOlS ~l1,
Cda 11 '1.' t pas tout à fait sùr. Slll1 o-cZ un
f>lU, SI je pmt,lls pOIU le Bois (;aruauJt 'ct ql C
J(' me trou\'C.! Cil face <1'ullc i1l onlluc .. ,
Pieu que le n om : lkrthe, H rtIaùe.
- Jc ais hiell.
- l'Il jour, dIe m'a donl~
il Jill: \ 0ÜC lin 'cs
l' I I s.
l'<tmt
IHIlIT. It
L'c.'p
tout 1
'itil Il de la galerie . Ham
tUl1pS de ]'TaJ1Ç01S. Il
1
'Il, elle
pl 1Il1 r
Ill' 1,IlllUlt
\oyalt, t)l~Hn
pM
M. ( Il\·kr. Il lcrÎ\alt !)lus longuc1I1 nt ,1 Sl I,a~
Il IÎntl hl~o;at
UlH:I1ll\I. (] 1JC j,l1Ii }>:1$
tOl1) ur. llg:Jtd 1 la \ J ft la 1111],(', ail jl \II le
H1lto;.
Jour.
�LE MAUVAIS PAS
Ce n'est pas en marchant sagement a~
milieu
d'ulle route qu'on l'Ill apprcndre à connaître un
pays. Il faut s'arrNcr quelquefois, regard 'r derrit!l..! s:>i, gravir llnc colline, c,.,sayer d'apcrcevoir
des e nselllbles, Sa propre a\'cnture, si \'ite ache\'{'c,
et surtout l'histoire tragiquc des début,; de ~l.
Olt vi r d 111'; la vic s(:\'l:re, l' , 'd Cl:rellt immédlatcment
1I1le illfluellcc sur les dispo~l1
nouvelle' du
jcul1~
pcintre.
SI dOllkur s' Itlénu<L rapiùemcut.
m puis le l'Ol1Ian de ~()n
maître le- passion 1nit. .. Il lI'os;lit pas demander de long.' d ~ tails
sur b maladie de li 'l1.rade, mais 011 le tCl1;tit ail
COllr 11lt.
bdeleille passait au l\Ioulin (;arnault une parti..: de ses jouI Il l'CS , cc qUI perl1lettait à Il g Irlle
<l e ]lICIl111C du rcpos, car les llltits ébiellt Il lrticu hèn.:lI1cnt aglt{'e~
,
Heltralle lie se phiglHlit pas, Elle sotlfltait gai 111 'lit, si l'ull p 'ut dile , Elle cunsollit S ' I jeullc
(uni
- B111! hall! si je pars, c'est qu'oll lI'a plus
Il '''0111 Ile ll10i il·I),~
J'ai rCl1lplt mOIl petit ,ôle
t'l, 111011 lIieu, j' m'cn SUIS assez hien tilé', Tu
1il h L'II 'Ill 1111 p.lpier qUI sc trouve d 111,., ce
tllOll',
lil-h IS,
011.'
1I'~
h"le,;, JI v .1 011
lllltl SIII' 1\11\,,'lopp', Il IIC fnul l'as pil!ul"r, Je
Il' 111I'lIn.Li p:t'i lOllt à f:ut si lu g-ardcs I,icu ma
111 1 111011<'
1;1 hOlll1e Sé~'IJ,
oh(
, i~sant
à HllC consignc ott 'illl1'1 III 'lit .lisC'l'ètc, 11(' P'\ll.lÏt guère, l\I.lis clIc proIÎlglllit <l '" , oills (l'l.lir('s,
L, l' url' de Verneuil, SIlI la l'<llOiSSC 1111'111 ,1 se
tWll\'.lil Ic llloulill, Cil s 'lvait l'IIi> IOllg ']Il' h',H!C Illi) Sil\' la vieille fL-llll1lL', lIlalS il Ile cllS;lIl quc lC
uu't! \'oullit hi 'n dire . On IlC J'avait jalll ti vu,
l' Illcl ,\ B 'ltracl', !luis Jes \'Ï itc~
qu'il fIt flll IllOU!t ' I :\ l' ,tt époque u",tolll1"lcul pas, 11 t'Clil t,Ile1 l'ut 'lill1{ Ile tout· h rontn\: qll'il Il' P 'lI li "aIt
( tra Irllin,tin: :\ persOllnc qll'il cOt collv':rtl il/ e.\ l '/IIi., Il \'l'illc païcnne , Qllund 011 l'illlcrt'ogl.'.tit,
tl ,lis'lit {'lIigl1l ltiquclIl 'lit :
pllCIIU ,,-1 1\, il n'y II aura j ' lI1i~
li '1",
- J)' e '~
I.e IH.:tltc villes lI'aimclIt plI,,, t:l1lg\lI' , Jl
�LE MAUVAIS PAS
sc r{'p~n,lit
sur celle-ci une foule <.le solution
trad icloi r.:~
.
_ Cdte vi.: n'e~t
pas cl~1re.
M. le curé est
bon.
"
1'.1'" l' l,lire ? Qu e"t-ce <tu II vous faut? L:l
tlaclc c ... l ulle. pas grantl'chos~.,
_ C'\: ... l 1I10111S que nen; votla.motl avi .
Eilc se l'ache .. ,
,
... El qui se l'ache n'a pas l':unc limpd~
AllolIS, allou", tiC bêcllOllS pas notre
149
cou-,
trop
Ber-
pro
Ch'UlI
l,a Bertrade n'est pas ùe chez lIOUS . Mon prochalll, c'c,;l les gens de Saillt-Charlicr.
Le pays III d' la contréc u\:st pas ù la veille
d',I C(, ple!" l'illtcrnatioll.1h"lllC. l'ou r U11 indig0ne
de \'nll 'uil, Ull habitant de La Ikrthcnou " à une
lieu .! <le là, est un (·trang-cr, 1111 saU\'agl', lIlI in·l!.
vidll ,\ C[ni, ;\ la rtg-ucur, 011 peut \Tllllre sc, 1':...
gUIIl 'S et son vin, mais à qui 011 1Ie dllnllc p.!:
s' tille.
1\11 ù l'cu, ce pcud,tIlt, on cut pitié ,k li rtrad' :
Elle s'en va tout de tlIl:I1\C' ... l'Otll111 , k;
autr s!
L'approche (le la 1lI01t rend COlIMti~s,
Il ·ltr.1 l', en e flet , s'en alla tille <lpI"0';-1II1111 en
sOlin lut 1\1'''0 Bou\'ent ;l\'ait aC(,Olnpaglll' :\[, h:1 ,'" ,Il pClIt 11\1 'dit- 11' prît tl0!l ,\ ('œlll 1 tt.lglq'IC ,.1 '110\1 IIwnt. Il y avait aussi l,
III" de
Vcrll. url, Il ~1l'Ir
cl· I\OI!,SCl'OIlI • l't, tOllt· flg'oc,
au l'ICI! dl! Ill, \fcrdr/I'tfc. la dC·ll!ièr· pie dll 1\[1111lin (;atllllllt. l'n peu avant <1 rellüle le derlller
SOlinil-, Il bonne vlcille a\'alL bIt Ull sigll , ,\ 1\1,1-
dch:IIl' .
()\1
'te 1.1 f\.'\10tre, je valS m'ellvoler.
!llll1ell-ine ohl'it.
1\ Ill!'''' 011 ,lperçllt, devant la mnisol1,. silcllCicUK
toute tille troupe ùc p~lt
enfants.
l'~
avait devinl's . D'tUIC VOIX 1111)1 'n:cp·
dit:
1\11 reVÜll, 1lC~
pettts ami~.
Je Ile vonS
<tubll 'r li rl'~.
l'c~r/
:\ moi 'Ill,' vlOktte, (Ir
et lIt1(>biL:~,
H Ilt.l le
tiLl e, ,\1
dl 1111
1 li ), petit,; av tieut bien entendu; ib lépondtr III
chœur .
�LE MAUVAIS PAS
Au re\'oir, madame Bertrade.
l'l1i<; ils se sau\'t:rent sur la pointe des pieds. Ils
n' \'oulaient pas \'Olr mortc celle qu'i1s avaient
tam aimü', tant aÙl11irlC vi\'ante.
Cc sOir-là, ft Paris, François, a\'is(', porta la
tlistc nOll\'c11c à !\1. Olivier.
Partons, dit le vieillard. Maintenant, j'en
suis sftr, c'est Lll\:.
Et 11 lie put . c retenir de pleurer, brusque111 'lit.
XIV
OU BJlJ'TRAIlE SE ) AIT CONSAll'lUI
«)1ll1IlC le, enfants de la \'alll<:, 1\1
Oli\icr ne
oul1ll pa voir, mortt' , la bOlll1e Hutl:(~
<Ill BOIS
Gal'1l;mlt
l.a \'cillc dt 1'( ntcn mcnt, toute la fanl111e dait
r{unic clans la g'ran<l sal1 du rez-de (hau lC.
Ma,hlLin de 'nit ounir J' T1HloPl'c voll1l1lill use
SUI lnq\1clk CUI mots (tai nt <l'Tits : • l'o /fI ilia
/,1 Iii, .\],Ic!c/I'Î/lC. A Urc la willc du jOllr Où la
tl"r,' 1}l1' n'I'rclldra .•
J<rallçl)i s n'av[1it r.ic!1 (]t'voi,lé de cc 'lU 'il sa\'nit
du pac; é dc M. OliVIer, maIS sa petite c0\15illc,
toute ù s ,lo111enr, 11<' cherchait pas à tompl lldre
le 1 ni ons dl cctte apparition subit du vi<:ux
pl1l1o';I)Jlh . l'ollt M. et 1\1'"" lloT1\'cnt, ils {tmcnt,
d 111 (111l' , à t'Cllt lii.'uCS (h: tout( supposition dranwtiql1 "
An moment de romm IltCT sn lcdurt, i\ladelcine.
COl1l1lle ll'instinct, implora <1 s y 'U' M. Olivi r :
JI; ne suis si j potlllai lite,
Si j'OS<I1S, j \ou demanderai de le lue
",oi-l1Iême, (lit 1 vicillanl n hm hant la tCl<:.
!Ilalldell1e tl'}1
a lui Ùvt11lcr le lIlallUS.
Clll.
�LE MAUVAIS PAS
Parf:ut, qui arriV'lit à cc moCil sélntillaut, <lcrri0re h compaglJlc 'ct ùcmanJa tout bas s'il «n'd'tit P,lS ùe
trop J,
..
M. Olivier av:ut ns le document, Ic bras raidi.
:?a main nc tremblait pas
Le
cousin
ment sc hufih,
r
Ce j est Illon histoire et mon testamcnt.
Il éLut une fOIs un frère et uue '>teu l' ql1l étaient
seul, 'lU 1110ndc et qui lie ~e
rChscmblaient guère.
L'un rega~.it
les choses de la terri:, ';\ chas~e,
le
jeu les plaiSirs bruyants, l'autre rcganlalt les rho';es
du 'ciel. Celle-CI n'avant aucunc autorité sur Je premier priait ~,IS
relùdlc alln (Juc Dieu lui ilhPI-,lt
ull mon:o de S,lltver le paU\Te dévoyé .
l'Ile nuit, die eut lin rêve l:tra~e.
{'n ni ,e~1l
lui
al'i' l1"ut qui portnit (bn~
~on
bec Ulle b,lIIderole peinte
0:1 étaient écrits l'es 1I10t, sihylliu
:
• Sauvc-toi (n te sauvant,»
Et, comme elle hésitait il compren(lre, le gentil
nt 's, ger prit son vol et se saliva. Ce fut Utll! illumInation, Hile croyait aux puissan cs !11vstérÏl:uscs.
Hile cômprit l'ordre, Elle partit.
.
r,e sa('rifice procure le meillcur des ravissements.
Y/hi tOlre - et e'est !'I!OTllIl'Ur du; femmes, le plus
J. 111 fleuron de l~ur
COUl"OlIrtl: est toute pl 'lIl' Je
(\vouemenl de s( 'urs pOUl leur frl'~,
l, " ,'ouvent: • ont les refuges cie edte petite JUort di l rète
q ,'ou .Ippelle l'"bnégntioll.
e" "lit llIes aventures qUt: ie \'OIlS conte Cette
~"lrt
c·· t Bcrtrtdc
Je n\'·t li~
point ( itc pour la vie CIl" ('oU\'cnt, (.. t l,uia
~tH\l'J1
r qu,'I(t"'lIll 1L'I·ln' On Il',, 1 jaml'illcurs rellledes.. J't'lIlr,li ,Ion c1ms
Ji Ille (,Il'ilt
l l i l h sO,. de
ulle silllple
1l,~ISOn
Il \l' , mon p ,tit b:\g.l~e
cl. v lOt mOI,
de n:trail'
allx
('II\'iron, Il,
TOIII"3,
qlle j'lIv Ils f lit p,lrtir Il veille
(JucHe 11(' fut pns mai"i,', il ql1l'iql1es Jours dc là,
hl 'lue j'appris CJlIl' !II011 fr~c
\ 1\ 'Ill ellfermé .IVec
1c~
livre ct qu'il ,IVfl~
cli,ls " ses !I1i1I1\'HIS 1'()lh~tI
,{
" tHé 1t,lIIles hccll1lll(ll-s!
l' c10i l',l\ouer, ie fus 'Ii ie Jllr lllle folle env!e
d',tller tlle jder ,bn ,e bm pOlir Il' teltlero'l'r :-'f'l1s
J' '1 ,'II orc un rl:v' L'"i,cau ~ 11 bl<~r
,l, pC,nte
/, ' l'ri,1 ' • Ré i,te . ' l'ctollrl1l'r '1\1
It Il '",
(' t
ét , Cil dfct, ri quer de voir crou.ler r\ tIle" \'t Ux ~':
i !t of III lnl(' du li tllls <t ll ' Je vo tlal
.011 ri
/'Itl
l ' li Il Il , c'ét Lit un homme dlyllC
l'
�I.E MAUVAIS PAS
c:xC::'lllple au monde et dont l'œuvre résistât au
temps.
J<: suis pour peu de clJOse dans la formation de
l' sprit du frère cl.! Bertrade. Mais j'ai jeté dans le
foyer qui allait s'allumer le sarment qui pétilJ{' et
qui aide i\ l' mbrnscment.
•
L'œuvre (tait Cil vOllne voie de cc côté. 1\1on frère
ainté était samé du mauvais pas que tout le monde
tencontle, atl moins ulle fois, dnlls sn courte existlllce. Je songu\is tlX petits l'nfants qui commençaient <le regarder la '. ile d ft qUI P 'rsonne peut-être
11
«.ngeait à parler, comme il faut, des grands mvs.
t les du monde. A ton~
ces petits veux tourné, 'crs
la t TT , je \oulu<; ruontrer le 1>1<:11 "du ciel, l'au-delà,
ct, pour Ille n.ieux faire ('ol11prentlre, rel11ettre :\ la
Ill .... d ,dan les humlJles vallé('o, nos viel~
légendes,
u nt cl,. CUIl j!ortc l'II soi son bel (t1stigncllIent faIl !lI r, Je Ille fi
«bonne 1:(-'. Cil Ikn).
Oui III Cl)ll1l.1it IlcrtraJe, .\ dix ht ues n la rOUf1 7
]e'~
eçus b!ul ql1elqu f; ('!lillou.. fl~
,!lam
'~rç
.. ns
J loux, fllfiCUX II· m'nvotr ]:\(115 cl(mtée, maiS les
fill S 111 R'ardent, au fond d'clles, ,Il la lll'Ollllais·
nnee. Je le sais.
Petite .:\Indddne, tu fus 111[1 1111'ilh lUI nlllil. C'est
à ü\i C]uc JC kgue mes ùelièr~s
volonté.
Mais il (nuI, nup:navant, qUI jl dll tire un coin
du 'Olle qui me cache ;i te \ Ill<. Je 1'.11 t i dUlls la
brUn!
d'nutolJllle, ('omme Ils oi (aux frileu •. Je
m'arr t 1 il qt1 l'lU ~ lieu s d'i(i, (11 ,111(. h Bour ( .
JI 1\1' les ries \'1"~
80nt
les Ilettt enI,(
f lit iles 1 ntl1pllgl1cs : jls ont
ùu et'ours <Ics
b nn
paroll s.
Je 11\ 'nppIHJt1ai donc tour il tour à r( hau{f r 1 ~
pet cs nUl
[rtll. de uns,}e corp mcurtrl Il s
J'l:!. i la He ùu HOls Gnrnnlllt; j'étais la
n h,
bOllne rl:lltll' dl' ln rn :lUX l,ICI res.
-t'Ill i que Jl' m'tn \'ai~
rcndre compte à Dieu
d( ). IIIIS i()l1 </U 'il fil 'al'ait confiêc nr cette terr •
h. nHt ,1 lia ll1issioJ!. C't st CI 'lu 'il kui que tout
J 1111 mit· .Iche pl:[ 011n' Il 'e t 1I1util • Il c011vilUt
de ,ht ft hll
oie, de Ile jnl110is perdre de vue <tu
1· 111< llIc!n gl t fi SOli r~t
'lIti SClI1cnt, 10 lIIoi11dr VaT( 1
a port{~c,
<Jue tout l' til'Ilt ici-ha" qu l'homme
( t leliC: .1 I>icu )!Hr un fil d'or qui l'avertit cl toutes
110 II! ti Il , UI1 hl ù'or à l'aide dUCJucl il tlOUS attire
à 1,11 lorsque l'hcurt;.!: t nuu' oU C]u'lI rompt, pOUT
un tclU) (lll pOUl 1 ct rUlté,
1011 que nous l'a\on.
, Illu,
•
Il l '1 .1 }la ,le lia anl rH c, hn mOlld, Ht quand
11
1 U III
l't al1!,:OI
b 'arrêt.'\ devant le
hât nu de
.1'
��151
LE MAUVAIS PAS
et au Bois Garnault. Puis elle disait ce qu'elle
avait appris ct ce qu'elle devinait de la vie de
l'Olivette:
Il Ile faut pas rougir ni te plaindre ùe la nouvelle
falllille que tu t'cs donnée. De ce que je saIS, je COllclu5 que 1\1 11• Fa!Jlt:nl1c - qui ne ul'esl rieu, mais
l'our qui tu es qllt.'lqllC c!wse, toi n'cst
que
JldS
j'ure vlllité IW" a (lu hon sens et une façon e juger
j rt piql~te.
SOIl déhut priucipal est d'être terrc à
l( ~rc
el dc Ile ricu cnlCllllre par delà le bruit de Petris.
1/1 S1gcs~C
lui vicndra avec les cheveux blancs. I>i~-Ju
dOllc de Ill'! l!ut que je regrette de ne J'avoir pas
l'COllnue. El! ne dOIt pas être ennuyeuse. J'aime les
14ell, Il 'csprit, nl1is l'esprit est peu de cliO. c ct oien
ndiclile ~'iJ
!le s' lppurcnle pas au f{rall 1 sOllffle
di\'il1. ..
~r.
Oli vier lIe ftt que parcourir des yeu){ sa
1 -llr l'atttcultèn:. Il Ile pl 'lIrait l'lus. Il ;Hl·
llitr lit :
!.luell" klllme! dit-il \.'l1fil1. Son mtellig-cnre
l").:',t1lit SOlI cœltl. l'ot11melll ai-je pu la tl1 '·con·
11 IÎtre? Ah! meS amis, VOliS qui 1I1c l'ave/'. rcttl
retrollver, COI1l1\1e je vons n:mercic de m'lvoir
n:1111'IlC'é PIl:S <l'Clll' t d'avoir pu l'aimer. JI: ne
S Iltlnili.: à per ollue le iIlall'vlIis l'T~
dont l'Ile 111 'il
tiré.
\ ce ItIOment, le cOllsin l'inCait lO!lcha l"'p ltIlc
de Fr.\1Iç i (pli "lait d:tlls les 1Iagl'~
:
Toi aUSSI, Illon ).:'.lrçon, tn as l"U ton :HIll/vais
J·a~.
COlllll1e!lt
cela?
jeunc; pcilltn:.
\ lot' FrançOis
(h'lI1an<la
in).:'l·I1Utncl1t
le
on 'Cl nn \'!Olent ~elti
meut
qu't1 l\,~it:
{'prouvé }Jour ;\[11. Oli\'iet, il sou tlél'Ill pour Paris, à :;011 'ot tra,-:ail, 1\ sa VIC stuJlllI', ,1 r, ,; IllC 11.'; 0 l1/{cs , ft SOli Ingrattlu<ll' cnvent
s ~ ·,arcllh, ('lIvers sn cou 'ine Mn<lch.'tnc, ct ~a
('011 Il it !tu p lrut ptll' ql!' la rrintin "Ile dt "V,LU(IL' de cam:hetlllr du sel).:'nellr Bertrand <le S,tint-
LI! .
LI flOU vell· (le la mot t (1· Bertm<le sc r~p
1I1dit
nu CI1\'iroth de Sflint-Chartil'I ('01lltlle l' f "It, d.\l1S
Itll hl If Hic , en juillet. Le lIIysll-1 • (lui.," dis.;ipail
l' "lIlolliit tU' yeu d" c u qlli .IV li "lit "U Ile
1't·1 ',YII tnent pOUl la 'orcièrc; m;us, pour III plu-
�LE
PAS
MAU\'l~
155
part, la récente lég<:ndc de la yjeille dame de la
rue aux Liè\'fLS ne fit que pOltlser davantage la
CUT1(l~e
... J11wllltte de la bOl11le F c du Bois (;arnault.
Toute la c ltr~e
sui\'it l 'cnt rr ment.
()II {tait au moment de la belle floraison des
haies d des jardil1;; à fruits. Le printemps fit corHgc à ln F{c.
Dans lc<> ch mins, la croix ù'arg<:nt allait dc,ant, portt par \ln hOIl11l1C en blullse SUI\'i de
M. le CUlé ct de seS e!lfants de chn.:ur, qui hal1talult dOl1Cunp.l1t, l'uis \,(:]1<\lel1t de grands bu:Uls,
Ulll chancHe ct le drap blanc. Puis :\1. Oh\l r,
nu-tlte, d ~a
barbe ;l\ait l'air d'une haie il llIic.
l)ui~
- c;'" ait Hé une id 't.: de :\I:HTcIeille, al~
... tôt all')Jltt e par 1 S InlreS, - lllll tn'ntain de
pt!tit s fille,; porta1lt chacuue un 1 amUlU bl:l1!C',
Pl1i~
ko; Hom nt l t tout le )la\'~.
Il n'y ;nait 1 r Ollne pour Hganlcr, "i ( n\st
1 s OISUlll. Ilu cid qUI ~l'
tais:lic.nt d, au
honl Il! la 1 vute, 1 s yiulctks ct es l 'crvencl;l:s,
dC.... oklS.
.' \T
ou
{Ill
or;u •., ou
Dh Tm ~
J,I,S t\'l~
1.'0.
TROl'VIlHA D..
·!;\U;. 'lS \lU., • ou;; \
(J.
~(J"S
sio!;!
'F. ,1':S
VI-. I!A-
CONIf:H.
M. Olidcr fut, IKllIl:l1Jt hlUt jOl1r~I
l'bôte des
BOll\'ent. Il partageaIt sC 11 telllps <:ntre la matson
dOllt 10 dont nr tt la ~ilJct
fa11lilÎlr s lui laiS:lH Ilt li Il II { or lks champ ' que lui Tl, ~Ja
1 enthnusi.l"te l'raçO~,
l'lançois a\'ait rdrou\'l'
a \'alll ,
«
son ume
l,
Il 11101 hait au ha, rd dalls lu; l hUlJm 1 ;i la
ctl
dltoUnllc (Il s
SO\1Hnirs. Et ILS ~h
HI . l 'aCl uLÎlIaH:lll :l\'tl jOll.
��LE MAUVAIS l'AS
157
- B njour, monsieur Fmnçoi,,!
Et tout le bataillon ùe crier en chœur
- Bonjour, monsieur Fr<lnçois!
M, Olivier s'amnsait à rcspirer de l'air pur.
François n"lVait pas de p e ine à l'cntraîner ve rs
Vicq, dont !'égli-;' l'()nticut de 51 vieilles fresqlles , .
vers Nohallt ct la tomb\.! de granit noir de (~e)r
Oe
Sand, ven; les petites 1I1rtisons des bOllS potiers Je
Verneuil, vers les hauteurs d'où l'on pouvait le
mlellX JO:lIl' . (lu tendre ct ~lIrveix
pectac1e
de h vallee nIeue, SI l1lJu,;tement nO't1l ml'\!
Valle\.! t-oolre, ce qui hoque la désolation et la
nl1 i t, tandis qu'elle est tout labcur et toute
joie.
Et, le soir, François et son vieux maîtrc -; 'cn revenaient tantôt par une route, tantôt par 1111 eh ,min, les yeux tournés vers lc fier chnt ';\11 tle
Saint-Chartier, dont la . ilhouctte se dr 'ss" p,lrdessus les petits jardins fleuris, les Illo(k;ll's totts
du village, par-dessus mêmc le e10cher d'anloise
de l'accueillante, <le l'hul1lblc église qu'il sem hIe
protéger depuis tics sièdes.
Le Boi,.. l;arnault ent souvent leur \'I..,ik ct il:
c1lOisirent cIe COllcert l'emplacelllent du p ,ttt lllOnUI1l 'nt dé~irl'
par Bertrade : la clail il'! ' q u 'd le
préf
~ l'ait;
il fut convenu que l'on . tl ' \l! ...[>orlerait, au mois de mai, la statu\.! de la fi" :'If "111Binc.
Ma(lelci Ill!. a pplaudit à l'idée.
- Ce gu't! fera sera bien faiL Camille gr 11111'lnèn' avait 1',11 011
Il est dillicile d'jlllngillcr J'unprc, sioll pr"follcle
et doue à la IO~
qui travel'"ait le en:ur de M. Ohvi r lorsqu'il e11tcllùait 1\l.Hl leillc appeler Bertrade «gram! 'Il~re
J. Il S
l'etel1ait cl 'implorer la'
~ litt fille:« Et moi? Et lIIoi? Ah! 5i je VOlis ent.c ndais me 110111111 '1 grand-père! » Lui aussi avait
l'Ct1'01lVl' sa \'rai' famille. l'ersollll' lie se ~ênal
pour lui ' il Ill' cr('llnit ['L'I'SOlllle. Il (bit de li tnais ,no On ~o.t
dit ~P1C
cettcylare qU'li ocl~pn!L
~'ta
d'pttÎl' IOlgtep~
llIalqucc p~l1I
l~I,
Mal Il et l ,
!tomtnc de dc\'()il cl Il 'ollhltalt pOlllt S'l f '\lIllIc n
~ 1 bellc.GII' :
.
C 'rt~
cIle~
~e
JI \s'wr:tlenl p:nblt ment (4
1lI \. MI1'> 'il ne cOllvieut
jI
IS (lU 'cli cs ~'y
Illhilll nI
�LE MAUVAIS PAS
trop. Je suis le cbef de ces émancipées, Tespontiublc de leurs gestes inconsidt-rts .•
Et il {nivait à Paris de bell s lettres inutiles,
A Saint-Chartier, 011 traçait des plans.
Mllusine, c'est bicn, dit une après-midi
M. Olivier; mais il y a 1llICUX pour honr~
la mémoire de ma bOlJlle sœur. 11 faut contllluer de
\hte où cil a aimé vivre. Le coin est d'ailleurs
dlarmant.
J'y a\'ais song", interrompit François; de
('C moulin en ruines, on pourrait fair' UlI petit
palal", An'c ks tnmt mill francs du prodUlt de
Illon e. positlOll, on arriverait à quclqu chose de
}JOInt han,ll .• 'ou;; Iai,;;l rions la grottc lI, la Fl't!
t Ile qu'cllc st, avec ~OI1
mUSt d'oiseaux, sn table
ni tHlu
et ses livres cnfumls. l\Iais un scaher
nou' y llltll 'rait du moulin. Quatre pit ce. au rezd -elJau~sé,
quatre au prcmilr ct un atelier audt li· ...
- Que de picccs ponr nn 'Ctll homme!
- Tout un pavillon vous suait rl'S n·('. Il faudta hl n que vous lIons dOlllIlCZ, C1I Hl, un bon
moi chaque :mnée.
AlOI, nous S rions Ut tOI1S 1 'S deu,
11
{gol tes, . rontcml'l r la ri"ill d ks 1\ tHS ~
II:l11çois tougis. ait, muis Il'oS:lit mOT' parler
dl "CS proj ts. M. Oli În n' nit ganh dc le
})01\S l i .
'a\'otta1t-il.
• .le Il Tl'Il 515 pas les 11111ling'> "
ht l'on r pr nait 1 5 proj t· <le rOllstrul tlOn
Cl ne, Irul llu rc tl qll'lIl! llhtÎsùll (l'~t,!
On
n> lOcbe pas rnl11111C c la papH l't ll1aman Hon\'l:llt,
Ù1 .lit FI unçois.
COllll11C j
VallS UJlJllOU"'C, mOI1 ami, J"lpondait le philosophe qui trouvait à dJaquc minute
maticrc à s'(mou\'oir.
Il fut finalcllI nt dldM (IUC les tJU\':Iu. cornm III r.tÏellt inllll·c1iatcmult. :\lais .1. Olivier cxi~
g(a qu'on lui p(·rmît de puy r . a palt à I\ntrcpr mUI t il prit une j.,rtoSS part:
J'Il l! cl mOIl droit de flcu: cl notn \I-uvre
dt patll( «Toul n qu'il rua
ln ln 11 fuit. »
- Oh ! oh ! v us ahusu!
J'at 1· dtQit d 'uhu. cr ... à m 11 age.
�LE MAUVAIS PAS
Et les jours couhient vite. François ne néglIpuint ses pinceaux. Il avait composé un /<:ntcrrement de Bertrade, qui était certainl'Hlent uno
d'" choses le" plus gracieuses et les pIn' poignautes c)tl'il ellt jamais signées,
- CecI est pour vous, maître. J'1U:ie de mon
droit de reconnaissauce.
- Bah! je j'accepte, Mais vous n'y perdrez rien,
car il sera beaucoup VII.
François lit aussi, de mémoire, une ,!till/sine
d"licicllse, :'\Iais \lne Ml:/IISilll' ail Bois (. llllltllt
avec le,; petits enfants autour.
- Bertrallc n'a pu r0ver mieux, certes! s'é 'na
le vieux philosophe ({lll alliit ù'émerveillcment
ell émer\'(~ilcnt.
Il vi vuit Cil ('tat dc béatituùc.
g~it
1<
**
Madelcll1C a\ait repris sa ,'\e alti,·, el discrèk.
S'L1IS qu'ol) <;'CII aperçût, clic S'()(Tllpait cl, tOtlt:
d'~
tep IS qUI (lai 'nt plu,; n:dl~'h{s
quI.: d" l'ol1ltOlme, dl.:" 11l'\1111eIJalh:s, ùe la challlhH' ole ;\1. OHVI 't, <Ill lIIuulin ct du j,lnlin, dl' h C(1llstructlOn
TlllI\'ell
ct (h: la dctllcure f.lll\tlhle,
EIl' s'dlorçait de sltivre l, l'Oll l'Il de JI 'rtt.1l1
et de dl;h~
'1 II.':> pen:l-cs 1l10Hh S
11 [.lIIt vlvr
couragell,;ctlletlt cl 11e pa,; sc lai s 1 ah.l(tte pa
1 deuil. Il,\ e~":tirl's,
rw, ottlldll:1 l',l\'l'ltir l!t cl1t' l'tl.ltl. ~')\l
pet·
or ltolle 1.\ \'It plu ""\I\'Cllt quI.: fi, lOllllllltt; , el •
al ~it v, (,I,h 1 ... a Pll(knr rougls'-,lIIl1.: l i ... oll grau
d'HI leglllllll' li 0' llen!lIlr la l'Oll1pagnc cIe Fr Il.
ÇOIS
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car tI()l~
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d'" cl' 11 'lit ullvr' .. .
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s' t
).{u·',
s' reu-
�LE I\IAlJ\'AJS
PA~
dait nr le lertre ccnlral où le café allait être servi .
• 1. Oli\"ier allait dcvant, triste et heureux, C1Jtre
.1" BOII\'Ult, pré\'enante, l Il cousin Parfait, le
11 7. ail \'tllt, comme s'il affûtait une repartie.
1\1. BOll\'Cllt, 1111 peu en arrÎl'Tl', !\ouriait à ses
<li brcs, à ses bôtes ct, de temps t'li temps, ses
yeu • CUI iensl~1t,
rebrollssaiClll chemin.
1)nl1s l'a lit s 'cn vellaient, lentement, Françoi.'
et 1:\(1 Icill<:, aussi {mus l'un que l'autr<:. L'heure
de l'mel1 ;'1\ ait s 1111<- t, sans s'ttre cOllccrtls, ils
trullhl,lÏelJt de crainte ct de joie. Ils 111nrchaient
~e
le~anr.
I~nli,
Ull peu a\ant
cMe tl côtl' san~
la Il lIte dOll ce qui menait ail tertre, ils <;'arê~
tclel1t, cl Fl1l11çoÎs, tendant b llIain ;1 sa (OUSlDe,
dIt d'un \,(li.- as,;urll' :
- .1aùcleillc, veux-tu arc ma femme?
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Collection Stella
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
La collection Stella est lancée en 1919 par les éditions du Petit Echo de la Mode. Ses fascicules sont des suppléments mensuels...<br /><a href="https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/exhibits/show/fondbastaire/collection_stella">En savoir plus sur la collection Stella</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Publisher
An entity responsible for making the resource available
Editions du "Petit Echo de la Mode"
Title
A name given to the resource
Le mauvais pas
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Des Gachons, Jacques (1868-1945)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
[1934]
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
160 p.
18 cm
application/pdf
Description
An account of the resource
Collection Stella ; 341
Type
The nature or genre of the resource
text
Language
A language of the resource
fre
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Bastaire_Stella_341_C92762_1111311
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/10/44909/BCU_Bastaire_Stella_341_C92762_1111311.jpg
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/10/44901/BCU_Bastaire_Stella_330_C92751_1111146.pdf
a1a9c9eaf2c7d26c9d2c1686d1f5c6b5
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�P u b lica tio n s p ér iod iq u es d e la Société An on ym e du “ P e tit Écbo de la Mode " ,
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et le M a r i a g e ,
T k é o d A M B L E N Y : 2 9 9 . B r u y c r c s b la n c h e s .
C la u d e A R 1 L L Z A R A : 2 5 8 . P r i n t e m p s ¿ ’a m o u r .
A. et C. ASKEW : 239. B a rba ra .
M a r c A U L È S : 2 5 3 . T r a g i q u e m é p r is e . —
2 3 1 . L 'A n n e a u
M . B E U DAN T :
B RADA: 91. La
d 'o p a le s .
B r a n c h e d e r o m a r in .
Yv o n n e B R É M A U D : 2 4 0 . L a
J e a n d e la
2 8 8 . N a d ia *
: 3 0 1 . R o u t e s in ce r t a in e s .
A . B A U D IG N É C O U R T
B RE T E :
B r i c e I d y lle d u p r o f e s s e u r M a ln d r o t .
3. R êv er et
V io r e .
B R U Y E R E : 2 2 3 . L e J a r d i n b le u . —
V e r t . — 3 0 6 . S o u s la B o u r r a s q u e .
254. M a
André
c o u s in e R a i s i n -
A n d a C A N T E G R IV E : 2 5 2 . L y n e - a u x - R o s e s .
R.- N . C A R E Y : 2 3 0 . P e t i t e M a y . —
F r a n ç o is C A S A L E : 2 8 6 . L a
T h é r c t e C A S E V IT Z : 3 0 3 . C h a c u n
Mme
P a u l C E R V IÈ R E S : 2 2 9 . L a
CHAMP OL :
N o ü lle .
67.
244. Un
C h e v a li e r <Ta u jo u r d ’h u i.
M a is o n d e n a cr e.
-
so n b o n h e u r .
D e m o i s e lle d e c o m p a g n ie .
Le
209.
Va:u
d 'A n d r é . -
2 1 6 . P é r il
d a m ou r.
C o m t e a te C L O : 2 7 7 . —
L ’I n é v it a b le .
M . d e C R IS E N O Y : 2 9 8 . L ’E a u
q u i d ort.
E r ic d e C YS e t J e a n R 0 S M E R : 2 4 8 . L a
Co m t esse E d it h .
M a d e m o i s e lle d ’H e r v i c , m é ca n o . —
p e t it e r e in e p le u r a it .
Manue l
DORÉ :
226.
H .- A . D 0 U R L 1 A C : 2 6 1 . A u - d e s s u s d e F a m o u r . —
275.
Une
2 8 0 . / « n e Deu x p a s
a im e r I
G e n e v iè v e D U H A M E L E T
V ic t o r F É l i :
: 2 0 8 . L e s In ép ou sées.
1 2 7 . L e J a r d in d u
s ile n c e .
J a c q u e t d e « F E U IL L A N T S : 3 0 5 . M a d a m e c h e r c h e u n g e n d r e .
Marthe
Z « n a id e
F IE L : 2 6 8 . L e M a r i d ’E m in e .
F LE U R1 0 T
: 3 1 3 . L oy a u té.
M a r y F L O R A N : 3 2 . L e q u e l l ’a im a it ? — 6 3 . C a r m e n c it a . — 8 3 . M e u r t r i e
p a r la v ie I — 1 4 2 . B o n h e u r m é co n n u . —
2 0 0 . U n a n d ’é p r e u v e .
1 7 3 . O r g u e i l v a in c u . —
J a c q u e t d e t G A C H O N S : 1 4 8 . C o m m e u n e t e r r e sa n s e a u ...
P ie r r e G O U R D O N : 2 4 2 . L e F i a n c é
d is p a r u . -
J a c q u a t G R A N D C H A M P : 1 7 6 . M a ld o n n e .
—
3 0 2 . L ’A p p e l d u p a ss é.
2 3 2 . S ’a im e r e n c o r e . —
2 6 7 . L a M a l l e d e s I le s .
J e a n H É R IC A R T : L e s C œ u r s n o u v e a u x .
M .- A . H U L L E T : 2 5 9 . S e u le d a n s la v ie. —
2 8 9 . L e « Ce n d r e s d u corur,
J e a n J E G O : 2 2 8 . M i e u x q u e l ’a r g en t .
R e n é e K E R V A D Y : 2 8 7 . C r u e l D e v o ir .
H . LAU V E RN 1 È R E : 2 7 1 . E n
m a r ia n t le s a u t r e s . —
292.
U n E tra n g e
S ecr et .
G e n e v iè v e L E C 0 M T E : 2 7 3 . L e s R o s e s d ’a u t o m n e .
Û
______________
(S u it e « h
v e r t m .)
-
330- 1
�Pr incipaux volume » parus <!-*>& la Collection (s u it e ).
L E T T R Y : 2 6 5 . F le u r , a u n a g e . —
H é lè n e
2 9 6 . D e n is e .
Y Ton n e I- O IS K L : 2 6 2 . P e r le i le .
Je a n
M AU CLÈRE
:
193. L ei
L ie m
brhh.
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304.
Le
M ÿ s lê r i i u x
C h e m in .
E d it h M F .T C A L F : 2 6 0 . L e R o m a n d 'u n
jo u e u r .
M a g a li M IC H E L E T : 2 1 7 . Co m m e ja d i s ...
M O U A N S : 2 5 0 . L a .F e m m e
An ne
d 'A l a i n . —
266,
D e l l « s a cr cc.
2 8 1 . P lu s h a u t l
J o s é M Y R E : 2 3 7 . S u r l'h o n n e u r .
Be r the
N E U L L 1 È S : 2 6 4 . Q u a n d on
CUuda
N IS S O N : 2 9 7 . A
O ’N E V È S : 2 9 1 . L a
F lo r e n c e
a im e ...
la lis iè r e d u b o n h e u r .
B r è c h e d a n s le m u r .
O 'N O L L : 2 9 5 . L a
V a s q u e a u x co lo m b e s »
C h a r le s P A Q U IE R : 2 6 3 . C o m m e la f le u r s e / a n « .
M a r g u e r it e
P E R R O Y : 2 8 5 . I m p o s s ib t e A m i t i é .
A lic e P U J O : 2 . P o u r lu i l
( A d a p t é d o l ’a n t l a i i . )
C la u d e R E N A U D Y : 2 5 7 . L 'A u b e s u r la
A . de
R O U A N D : 2 6 9 . E n lr e
m on ta g n e.
J eu x c a u n . -
J e n n R O S M E R : 2 9 0 . L e S i l e n c e d e la
2 8 }. U n
D it * “
co m t cu c.
S A 1 N T - C É RÉ : 3 0 7 . S a u r A n n e .
I i n b t l! « S A N D Ï : 4 9 . M a r u la .
P ie r r e d e S A X E t f :
270.
Le
...
S ecr et . —
284.
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ia
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U n e B eü e-M tr t
f a ir e .
Norbe rt SEVE ST RE : 11. Cy r a n ette.
Jta n
T H I E R Y ; 2 8 2 . C e l u i q u 'o n
M a r ie T H IE R Y : 2 7 9 .
La
o u b lie .
V ie r g e d ’I v o ir e .
Lé o u de T 1 N S EAU : 1 1 7 . L e
F i n a l e d e la S y m p h o n i i .
.
T. T R IL B Y : 2 1 . R i v a d 'a m o u r . — 2 9 . P r in t e m p s p ef J u »
P e t i o t e . ~ 4 2 . O d e t t e d e L y m a ille , f e m m e d e le t t r e s .
M a u o a h A m o u r . - 6 1 . L 'I n u t i le
S a cr ifice .
-
80. La
r,
V
T ta W
j * u n e f iH * m o d e r n e. — 1 2 2 . L e ^ r0/ i o i V . , /o u / c
R o u e d u m o u lin . — 1 6 3 . L e R e t o u r . — 1 8 9 . ^ n e
p e t it e A v e n t u r e .
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144. L a
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M a u r ic e V A L L E T : 2 2 5 . L a C r u e lle V i c t o i r e .
_
C . d e V E R 1 N E : 2 5 5 . T e ll e q u e j e m i l . —
G t t il'
A . V E R T IO L : 2 7 6 . L a
V e K o de K E RE V E N
274. L a Ch a m on
R e v a n c h e d e N u ie t t e .
: 2 4 7 . S ÿ lv t a .
M a « d u V E U Z IT : 2 5 6 . L a je a n n e t t e .
je a n de
V 1 D 0 U Z E : 2 7 8 . L e s N o u v e a u x M a lt r e l ,
P a t r ic i a
W E N T W ORT H
: 293. La
F u it e I p er d u e.
C.- N. W 1 L L 1 A M S 0 N : 2 2 7 . P r i x
dt
t 'â g e . — 3 0 0 . E t r e p r in ce ss e t
bea u té. -
2 5 1 . L ’E i l a n i h t
IL P AR AI T D E U X VOLU M E S P AR MOIS
La volume : 1 fr. 50 : franco i 1 (r. 75.
Cinq volume« a « choix, franco : 8 franc«.
»«“ '
�Jacques des GACHONS
R O SE
OU
Fi an cée de JProvi n ce
P l
C o lle c t io n
STE LLA
Éditions du “ P e tit Écho de la Mode ”
1, Rue Gazan, Paris (XIV e)
��R O SE
ou
L a Fi an cée de P r ovm ce
P R E F AC E
Il
n e fa u t pas m éd ir e des h ér it a ges, com m e j ’a i
fa it p lu sieu r s fois.
To u t a r r ive, m êm e de n ’être pas d ép osséd é par
d es a igr efin s.
Un h on n ête cou sin — d on t j ’ign or a is ju s q u ’à
l ’exist en ce — vien t de m e légu er , en tr e au tr es
m eu b les, s a b ib lioth èq u e. Les livr es n ’en son t n i
n om b r eu x, n i r ares ; m ais, su r le r a yon su pélie u r , d er r ièr e les b elles r eliu r es des Œ u vr es Com
p lètes d e J ean -J acqttes, se ca ch a it un car ton
ja u n â t r e, ferm é a vec osten ta tion , et qu e je con sid é
r ai im m éd iatem en t com m e l ’ob jet p r in cip a l de
ce legs im p r évu .
L ’in stin ct n e m ’a va it pas tr om p é. Ce car ton ,
d on t je br isai les scellés fiévr eu sem en t, con ten ait
u n e sér ie de p etits cah ier s m a n u scr its, n u m ér o
tés, et u n e en velop p e r en fer m a n t ces sim p les m ots,
�6
r o sb
ou
la
fia n c é e
de
p r o v in c e
q u i fir en t, je d ois l ’a vou er , tom ber m on en th ou
siasm e :
« J e d ésir e, m on cou sin , qu e vou s p u b liiez ce
p etit rom an ap rès m a m or t. Ce n ’est pas m on h is
toir e, c’est celle de m on père. J e n ’ai p a s osé li
vr er m oi-m êm e à la fou le ce secret de fa m ille.
Un siècle a p assé d ep u is les évén em en ts qui s ’y
tr ou ven t r elatés. J e n e serai p lu s là et n ’ai p oin t
de d escen d an ts d ir ects. Person n e n e p eu t êtr e
ch oqu é. Qui don c son ger a it à m e blâm er , à vou s
b lâm er ?
« Cela aura l ’a ir d ’un e h istoir e in ven tée, d ’u n
p et it rom an 1830 ou 1840. L,es costu m es d on n er on t
du p iq u a n t a u x p ér ip éties. Bon soir , m on cou sin .
Bon n e ch an ce. »
*
* *
Un livr a n t ces feu illets au p u b lic, j ’obéis don c
à la volon té d ern ièr e d ’un p a r en t. Je n ’ai r ien re
tr a n ch é de son r écit in gén u . L ’en cre, ja u n ie p a r le
tem p s, éta it, à des en d r oits, effacée ; j ’ai don c
été con tr ain t de su b st it u er a u x m ots illisib le s
des term es qu i pou rr on t d éton n er com m e pas assez
con tem porain s des h éros m is en scèn e. Ce d éfa u t
seu l est m ien ; s ’il est cau se qu e ces p a ges vou s
en n u ien t, il con vien t d ’en accu ser l ’h ér itier de
m on vie u x cou sin . Pou r le reste je m e su is m on
tr é in d u lgen t et d ocile. Au ssi est-ce à m on e x
cellen t cou sin lui-m êm e qu e r evien d r a l ’h on n eu r
de vou s a voir d iver ti, si, d ’a ven tu r e, ce tou t p etit
r om an , qu i t n ’a d on n é d u p la isir à t r a n scr ir e, vou s
a m u se u n soir ou d eu x.
�R O S E OU LA F IAN C É S
DE P RO V IN C E
7
I
12 m ar s 1843.,
Ce t t e fo is, je t ie n d r a i m a p r om esse.
D ix fois, j ’a i co m m e n cé d ’é cr ir e m es m é
m o ir e s, d ix fo is j ’a i fer m é m es ca h ie r s , fa u t e
d ’a lim e n t s . Il n e m ’a r r iva it r ien ; q u ’a u r a is - je
r a co n t é ? L e s cle r cs d e n o t a ir e h e u r e u x n ’on t
p a s d ’h ist o ir e .
M a is , a u jo u r d ’h u i, je p r e n d s la p lu m e a ve c
fe r m e t é et co n vict io n , ca r , j ’en s u is a b s o lu m e n t
ce r t a in :
I l v a m ’a r r i v e r q u e l q u e c h o s e .
Ce n ’est p a s d o m m a ge . J ’a i t r e n t e -cin q a n s
et u n p eu d e ve n t r e ; je co m m e n ça is à d é ses
p ér er .
*
I l fa u t d ’a b or d q u e vo u s s a ch ie z q u i je s u is.
Se co n d fils d e P r o s p e r So u b e yr o n , p h a r m a
cien il la P o in t e - Sa in t -E u s t a ch e , j ’ai p a ssé
q u in ze a n s à é t u d ie r le d r o it , et j ’a p p r o ch e d u
t e m p s où il est n é ce ss a ir e d ’a ch e t e r u n em p loi ou
u n e ch a r ge . F in ie , m a je u n e s s e ! L e s la u r ie r s
�8
R O S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
son t co u p é s ! I l s ’a g it d ’en fa ir e u n e b on n e sa u ce.
L o r s q u e , a u x e n vir o n s d e 1930 , m es p r em ie r s
le ct e u r s p a r co u r r o n t ces p a ge s, je n e ser a i ce r
t a in e m e n t p lu s d e ce m on d e (1). M e s m édiocres
Ave n t u r es a p p a r a ît r o n t d a n s le lo in t a in n é ces
sa ir e à la p oésie. Ce t t e p en sée se u le m e so u .
t ie n d r a t a n d is q u e j ’é cr ir a i.
*
* *
J e m ’a p p e lle T h é o p h ile . J ’a i u n fr è r e p lu s
â gé q u e m o i e t cin q soeu r s ylu s je u n e s . M on
fr è r e s ’a p p e lle J u le s ; il a a u jo u r d ’h u i t r en t es ix a n s , e t il est p è r e d e fa m ille . M e s sœ u r s,
So p h ie , Ab è le , H o n o r in e , M a r ie et Am é lie , o n t
_ j e v ie n s d e m e livr e r à u n é p o u va n t a b le ca l
cu l _ vin gt - q u a t r e , d ix- n e u f, q u a t o r ze , n e u f et
se p t a n s . I l se r a it à so u h a it e r q u e , d a n s la s u it e
d e m on r é cit , je fu s se m û p a r le m êm e souci
d e l ’e xa ct it u d e q u i m e p o u sse en ce m om en t à
fa ir e d é file r d e va n t vo u s ce co r t è ge d e ca n d id e s
a ct e s d e n a is s a n ce .
M o n p è r e , P r o sp e r So u b e yr o n , a ép ou sé, lors
q u ’e lle a va it s e ize a n s, ce lle q u i d e va it êt r e m a
m èr e J u lie D u r o cq , fille d e F r a n cis q u e D u r o cq ,
le fo n d a t e u r d e la p h a r m a cie d e la P o in t e Sa in t - Ku s t a ch e .
E n fin , je d o is n o t e r , p o u r clo r e m a n om en ( l\
M on
c o u s in
So u beyro n
est
m o rt
en
19 3 1.
Com m e on le voit, il a vécu u n an e t s ix m ois de
p lu s q u ’iî n ’a va it p r évu .
�ROS Ë
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
Q
cla t u r e , q u i, p r o lo n gé e , r is q u e r a it d ’e x c it e f
vo t r e b â ille m e n t , le n om d e m on a m i in t im e ,
ca m a r a d e d u Q u a r t ie r d a n s le s b o n s et les m a u
va is jo u r s , R ich a r d L e fe b vr e . J ’a u r a i ce r t a in e
m e n t l ’o cca sio n d e cit e r sou n om p lu s ie u r s
fo is. N o s vie s se so n t , ju s q u ’à ce jo u r , o b st i
n é m e n t cô t o yé e s .
T o u t ce la é t a b li, je m e p r é cip it e i n m é d i a s
r es .
♦*
— ] e n e m e m a r i e r a i j a m a i s , d é cla r a i- je ce t t e
a p r è s-m id i, t o u t à co u p , p a r b r a va d e in u t ile .
— N e fa is d on c p a s d e va in s se r m e n t s , m u r
m u r a R ich a r d en h a u s s a n t le s é p a u le s ; on te
r e t o u r n e d ’u n co u p d e p o u ce !
J e r e le va i l ’a ffr o n t :
— O h ! t o i, t u es m û r . A q u a n d la n o ce ?
E t R ich a r d , sa n s d a ign e r m êm e m e r e ga r d e r ,
m e r é p o n d it , d ’u n a ir d é t a ch é :
— A u m ois d e ju in .
J e s u r s a u t a i, in t e r lo q u é :
— C ’est vr a i? C ’est d é cid é ? T u n o u s lâ ch e s ?
— Ba h ! je p r e n d s d e l ’a va n ce , vo ilà t o u t .
Vo u s m e r a t t r a p e r e z. T o u t le m on d e se m a r ie.
C ’est d a n s la t r o isiè m e d iza in e q u ’on en sen t
l ’a b s o lu e n é ce s s it é .
J e n e r é p o n d is p lu s . J e r u m in a is u n é t o n
n a n t p r o je t :
— Va , va , m on ga r ço n , m a r ie -t o i. T u n e te
d o u t e s p a s d e ce q u i t ’a t t e n d .
�ROSE
o u
l a
f ia n c é e
d e
p r o v in c b
R ich a r d co n t in u a it , fle gm a t iq u e :
_ A p r op os , t u sa is n o t r e co n ve n t io n ? L e
p r em ie r q u i se m a r ier a d oit a vo ir l ’a u t r e p o u r
ga r ço n d ’h o n n e u r .
— C ’est e n t e n d u .
J e so u r is et m ’in for m a i :
— C ’est b ien au m ois d e ju in q u e t u te
m a r ies?
— O u i, le 2 5 . u n je u d i...
— L e 25 ! J ’ai t ou t le t em p s !
— L e t em p s d e q u o i?
— ... De m e fa ir e fa ir e u n h a b it n e u f.
— T u r is m a l, r em a r q u a a lo r s R ich a r d . T u
r is com m e q u e lq u ’u n q u i vo u d r a it d ir e q u e l
q u e ch ose et q u i 11’ose p a s ... P o u r q u o i r istu ?
— E h ! t ou t b o n n em en t p a r ce q u e t u
m ’a m u s e s ...
E t m on a m i R ich a r d L e fe b vr e m e q u it t a ,
p lu s ve x é ce r t a in e m e n t d e m on ir r é vé r e n ce q u ’il
n ’e û t vo u lu le la is s e r p a r a ît r e.
O r , il é t a it q u a t r e h eu r es.
A cin q h e u r e s et d em ie , r e lu is a n t , fle u r i,
fr isé, b ich o n n é , j ’e n t r a is en p la s t r o n n a n t d a n s
le sa lon ve r t p om m e d e m a vie ille a m ie,
M m* L a u r e D u t o u r . J ’a va is m is m on r u b a n d e
ch e va lie r d e l ’O r d r e m ilit a ir e d u Ch rist d e
P o r t u g a l.
— Ah ! vo u s vo ilà , m écr éa n t !
J e b a isa i la m a in q u ’on m e t en d a it ; p u is ,
d 'u n e vo ix fe r m e :
�ROS E
OU
LA F IAN CÉ S DE P RO V IN C E
XI
— J e n e su is p a s un m é cr é a n t .
— Allo n s d o n c !
— J e n e d em a n d e q u ’à m e co n ve r t ir .
— Vo u s d it e s ? ...
— Vo u s m ’a ve z co n va in cu .
— Vo u s vo u le z r ir e ?
— N o n , j e v e u x v i e m a r ie r .
L ’é t o n n e m e n t d e m a vie ille a m ie n ’é t a it p a s
fe in t . P e n d a n t d o u ze a n s , e lle a va it p r ê ch é d a n s
le d éser t . J ’é t a is la h o n t e d e son sa lo n , la b r e
b is ga le u s e d e sa m é t a ir ie o b é is s a n t e . O n m ’éloig n a it , sou s d e fa lla cie u x p r é t e xt e s , le s jo u r s
d e p r é se n t a t io n , d e p e u r q u e m on œ il ir o n iq u e
n e d éfa ss e d ’u n r e ga r d ce q u ’a va it é ch a fa u d é
son gé n ie « co n ju ga l ». Ca r M “ * D u t o u r é t a it ,
d e son é t a t , u n e r en o m m é e m a r ieu se. E lle a va it
fa it d ix- n e u f m a r ia ge s en vin gt a n s à p e in e , en
co m p t a n t , il est vr a i, les d e u x sien s.
— Vo u s n e vo u s m o q u e z p a s d e vo t r e vie ille
a m ie?
C ’é t a it d it su r u n t on o ù la jo ie et l ’o r gu e il
é t a ie n t à p e in e t e m p é r é s p a r la s t u p e u r e t l ’a n
go iss e .
— M e su is -je d on c r e n d u in d ign e d e vo s
so in s ?
— E h ! n on ! M a is a ve c vo u s , « cé lib a t a ir e
e n d u r ci, r a co r n i », co m m e vo u s d is ie z,... o n n e
sa it su r q u el p ie d ...
— Vo u s a lle z m e d é co u r a ge r ... I l fa u t b a t t r e
le fe r t a n d is q u ’il est ch a u d .
— Vo u s se r ez b a t t u et co n t e n t , cr o ye z-e n m a
�12
ROS E
OU LA F IA N C ÎB DK P ROV IN C B
b e lle e xp é r ie n ce ! d it en r ia n t sou s ses p a p il
lo t es M mo D u t o u r , q u i d é jà s o n ge a it à la
p r o m p t e r é a lisa t io n d e m on d ésir sa u gr e n u .
A ce m o m e n t -là , j ’e u s com m e u n r em or d s
e t je fu s p r is d ’u n e e n vie fo lle d e cr ie r :
« Vo u s a ve z t r op vit e m or d u à l ’a p p â t . C ’est
u n d e r n ie r t ou r d e m a fa ço n q u e je vie n s d e
vo u s jo u e r . »
M a is j ’eu s h o n t e. J e m ’é t a is t r op a va n cé . La
p la is a n t e r ie e û t fr ô lé l'im p o lit e s s e . J e m e t u s
r é s ig n é à t o u t e s le s co n s é q u e n ce s d e m on co u p
d e t êt e.
M a vie ille a m ie é t a it p lo n gé e en u n e s ile n
cie u se m é d it a t io n . U n e m in u t e n e s ’é t a it p a s
é co u lé e q u e , gr a ve m e n t , e lle p r on on ça m a co n
d a m n a t ion ir r é vo ca b le :
- J ’ai t r ois je u n e s filles q u i fe r o n t t r è s b ien
vo t r e a ffa ir e .
J ’eu s la fo r ce d e b a d in er
— J e n ’en d em a n d e
d a m e.
— J e l ’e sp èr e b ie n .
pas
:
t a n t , ch è r e
Ma
E lle a s s u je t t it ses lu n e t t e s t o u t p r è s d e ses
y e u x p o u r m e m ie u x vo ir :
— O n n e vo u s d o n n er a it p a s l ’â ge q u e vo u s
a ve z.
- O n n ’a q u e l ’â ge q u e l ’on p a r a ît , m ’a vezvo u s d it u n jo u r .
— Vo u s a ve z vin g t a n s !
L a jo ie d on t son cœ u r é t a it p le in l ’e n t r a în a it
ju s q u ’à la p o lit e s se e xa gé r é e d ’u n m e n s o n ge
�ROS E
OU
LÀ F IAN CÉ E DE
P RO V IN C E
13
in u t ile . M a is je d ois d ir e q u e , le s jo u e s a n im é e s
p a r l ’a u d a ce d e m a d é cisio n , je n e p o r t a is p a s
p lu s d e vin gt - cin q a n s , ce t t e a p r è s - m id i, ch e z
M “e Du tou r.
S u r ce m ot , e lle se le va , t e n d it sa m a in ve r s
la m ien n e q u ’e lle ser r a h a r d im e n t , et d it , t r o t
t a n t ve r s la p o r t e d e sa ch a m b r e :
— E xcu s e z- m o i, je r e vie n s a ve c m e s d ocu m e n t s .
J e r est a i s e u l a ve c le s d e u x ca n a p é s d e m a
vie ille a m ie , ses s ix fa u t e u ils et l ’im p osa n t e
r a n gé e d e ses é t a gè r e s à co lo n n e t t e s . Ch a q u e
o b je t p r it u n a ir n a r q u o is :
« R é s ign e - t o i, c ’é t a it t on t o u r , m on p a u vr e
vie u x ! » d it le Sp a r t a cu s d e la p e n d u le .
« I n fo r t u n é je u n e h o m m e ! d e m a in , c ’est l ’es
cla va ge ! » m u r m u r e u n e b e r gè r e d ’u n e vo ix
ca p it o n n é e .
« E n co r e 1111 ! » g r o gn e le p e t it t a b o u r e t q u i
s o u t ie n t d ’u n a ir b o u go n la fin e p o in t e d e m a
b otte.
J e h a u sse les é p a u le s et va is m e co n s id é r e r
d a n s la g la ce , d e r r iè r e Sp a r t a cu s .
M a r e d in go t e ve r t e m e va vr a im e n t à r a vir ,
a ve c ses la r ge s r e ve r s d e so ie , sa t a ille ét r o it e
(u n p e u ser r ée) et ses d e u x r a n gs d e b o u t o n s
d ’a cie r .
J e p ose m on ch a p e a u à h a u t e for m e su r n ia
t ê t e , u n p eu d e t r a ve r s , ce q u i ju r e fo r t a ve c
la s o b r ié t é sé vè r e d e m es fa vo r is co u r t s , m a is
ce q u i, p a r co n t r e , m e d o n n e u n p e t it a ir léo n in
p a s d é p la is a n t .
�14
ROS E
OU
LA
F IAN CÉ E
DE
P RO V IN C E
J e n ’a i ja m a is eu d ’a ve r sio n p o u r m on p h y
siq u e. J e m e co n t e n t e d e ce q u e la P r o vid e n ce
m ’a o ct r o yé . N ’es t -ce p a s la sa in e r è gle d e sa
ge s s e ?
M mc D u t o u r r e n t r a , en glis s a n t su r le b o u t
d es p ie d s, et m e s u r p r it d a n s ce t t e co n t e m p la
t io n q u i, p o u r ê t r e m u et t e, n ’en ét a it p a s m oin s
fo r t é lo q u e n t e . E lle n ’en sa isit p a s le r id icu le .
T o u t a u co n t r a ir e , e lle so u r it d ’u n a ir q u i d i
sa it à le ju r e r :
« T o u s les m êm es ! I ls n e co n n a issen t p a s
e n co r e leu r b e lle , et d éjà ils p r en n en t d es a t t i
t u d e s d e co n q u é r a n t s. Ba st ! c ’est le m o in d r e
d es d é fa u t s . »
— F igu r e z- vo u s , ch è r e M a d a m e , d is -je en
g u is e d ’e xcu s e , q u e je n ’a va is ja m a is rem arqué
le s u je t d e vo t r e p e n d u le . C ’est u n e r é d u ct io n
d e F o ya t ie r , n ’est-ce p a s? Ce t e xce lle n t Sp a r t a cu s a l ’a ir a s s e z s a t is fa it d e lu i- m ê m e ...
— L ’o r gu e il a ses sa ison s.
L e m ot e û t p u p a r a ît r e ir o n iq u e , m a is il é t a it
p r o n o n cé d ’u n e v o ix si d o u ce , d ’un ton si é lo i
g n é d e vo u lo ir b lesser , q u e l ’on n e p o u va it p a s
s ’en fâ ch e r .
J e m e co n t e n t a i d e « r o u gir » in t é r ie u r e m e n t .
Ce p e n d a n t , je n e q u it t a i p a s d es ye u x Sp a r t a cu s.
R u s e gr o s s iè r e , ca r , m a lgr é m es e ffo r t s , la
b o n n e M m' D u t o u r a d û d e vin e r q u e je b r û la is
d e vo ir ses « d o cu m e n t s ».
E lle s ’in s t a lla it su r u n gu é r id o n d e m a r b r e
�ROS E
OU LA F IAN C É S DK P RO V IN C E
15
Ver t à t o u r d e cu ivr e , d e m od e vie illo t t e . E lle
r a n ge a it , p a r o r d r e d e t a ille , p lu s ie u r s p e t it s
p a q u e t s ficçlé s a ve c soin .
— Vo ici ! d it - e lle .
J e la vo ya is d a n s la gla ce .
— I l y a lo n gt e m p s q u e vo u s a ve z ce t t e p e n
d u le ?
— N o n . Ap r è s la m o r t d e F r a n ço is D u t o u r ,
ïn o n m a r i, j ’ai r e n o u ve lé u n e p a r t ie d e m on
m o b ilie r et , e n t r e a u t r e s o b je t s d ’a r t , la p e n
d u le d e m on sa lon .
— Ah ! fis-je a ve c l ’a cce n t d ’un h o m m e fo r t
in t é r e s s é p a r ce t t e r é vé la t io n .
C ’é t a it d u r e st e u n d é lica t m e n s o n ge : je m e
s o u vin s t o u t à co u p q u e S p a r t a cu s a va it ét é
o ffe r t , l ’a n p a ss é, p a r u n e m èr e r e co n n a iss a n t e .
— Ah ! çà ! d it e s -m o i, m on ch e r p e t it a m i,
vo u s n ’êt es gu è r e p r ess é d e co n n a ît r e le vis a ge
d e vo t r e fia n cé e !
J e p a r u s m e r é ve ille r d ’u n s o n ge .
.-— Vo u s a lle z m e m o n t r e r d es p o r t r a it s ? C ’est
a m u s a n t co m m e t o u t !
— P e u t - ê t r e !... n ia is s o ye z s é r ie u x.
— J e va is m ’a p p liq u e r .
Q u e ce s m ot s e xp r im a ie n t p eu m es se n t i
m en t s in t im e s ! A vr a i d ir e, je n e jo u a i p lu s la
co m é d ie h p a r t ir d e ce m om en t . J e m ’é t o n n a is
d ’e n t e n d r e m on cœ u r b a t t r e . N e s a ch a n t p lu s
t r o p q u e lle co n t e n a n ce a d o p t e r , je la is sa i la
b r id e su r le co u à m on in s t in ct d e cu r io s it é .
J e n e sa is si M® ' D u t o u r d é m ê la it le s a lt e r
�l
6
ROS E
OU
I.A F IAN CE E
DE P RO V IN C E
n a t ive s e n t r e le s q u e lle s s ’a git a it m on cœ u r en
co r e e m b o u r b é d a n s m on a n cie n n e fa t u it é d e
cé lib a t a ir e , m a is sa vo ix d e ve n a it d e p lu s en
p lu s m a t e r n e lle .
— As s e ye z- vo u s là , m on a m i. Vo u s se r ez
m ie u x p ou r m ’éco u t e r et p ou r vo ir ... P r e m ie r
p a r t i !...
E t , t ou t en p a r la n t , l ’e xce lle n t e d a m e d én o u e
le p lu s p e t it d es t r o is p a q u e t s d u gu é r id o n :
— La p er son n e h a b it e B o r d e a u x...
— Co m m e c ’est loin ! d is-je, e ffr a yé d ’a va n ce
p a r le s co n s é q u e n ce s d e fia n ça ille s q u a si e x o
t iq u e s.
J e m e vo ya is d or m a n t h u it jo u r s d a n s u a
co ch e m a l od o r a n t .
— E co u t e z, je lis : « Ch è r e M a d a m e et a m ie,
co m m e vo u s êt es b o n n e d e s o n ge r en cor e à
n o u s !... »
— O h ! o h ! vo ilà u n e n c o r e q u i n e m e d it
r ie n ...
— J ’ai d it e n c o r e ? J e m e s u is t r o m p ée. J e r e
p r e n d s : « Co m m e vo u s êt es b o n n e d e s o n ge r
à n o u s. Au r é lie est t o u jo u r s fille , en e ffe t .
— T o u jo u r s ? H u m ! h u m !
— La is se z-m o i a ch e ve r : « . . . fille en e ffe t .
E lle es t si d ifficile ! » L à , vo u s vo ye z ! « E lle
t r o u ve à ch a q jie p r é t e n d a n t u n d é fa u t n o u
ve a u . Son im a gin a t io n m ’e ffr a ye q u e lq u e fo is .
E lle est t r o p in t e llige n t e p o u r n o t r e r é g io n ... »
— Ce p a u vr e Bo r d e a u x !
— Ch u t ! « I l lu i fa u d r a it u n je u n e h om m e d e
�ROS E
OU
LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
17
P a r is , p a s t r o p je u n e , p a s t r o p fa t igu é . Vo u s
m e t r o u ve r e z ce r t a in e m e n t ce p h é n ix. Au r é lie ,
q u i a vin g t - s ix a n s ... »
— Vin g t - s ix a n s ! h a lt e -là ! ch è r e M a d a m e .
Q u ’es t -ce q u e vo u s vo u le z, en vo t r e â m e e t
co n s cie n ce , q u e je fa sse d ’u n e fem m e d e vin gt s ix a n s? I l n ’y a p lu s d e r e t o u ch e p o ss ib le . A
v in g t - s ix a n s, l ’œ u vr e est a ch e vé e . J e ve u x u n e
fe m m e q u e je p u is s e fa ço n n e r à m a gu is e .
■
— F a ço n n e r ! F a ço n n e r ! J e vo u d r a is vo u s
y vo ir .
— C ’e s t le p è r e et la m èr e, a ve c la co lla b o r a t io n d e t o u s les a n cê t r e s , q u i cr é e n t l ’œ u vr e ,
m a is c ’est le m a r i q u i d o it s ig n e r ...
—
Au co n t r a t .
— Sé r ie u s e m e n t , j ’a im e r a is m ie u x u n e fia n
cée m o in s m û r e ...
— Ce t t e p a u vr e A u r é lie !... E lle a t r o p
a t t e n d u ...
M mc D u t o u r r e p lia la le t t r e sa n s t e n t e r d e
l ’a ch e ve r , et lu i r e m it sa fa ve u r ve r t e . P u is ,
sa n s r e p r e n d e h a le in e :
— Ce lle -ci p ossèd e u n e a ssez fo r t e d ot , d it e lle en b r a n d is sa n t le se con d d o cu m e n t , à fa
ve u r b o u t o n d ’o r .
— Q u e l â g e ? ...
— M a is ...
— J e vo u s en p r ie ...
— Vin g t - c in q . M a is e lle n e le s p a r a ît p a s, et
son ca r a ct è r e est t r è s e n jo u é ...
— P a s s o n s ...
�jg
RO S B OU l \
F IAN CÉ E DE P R O V IN C *
_ E lle s ’a p p e lle M a gd e le in e , a ve c u n g.
_ O n n ’ép o u se p a s u n p r én o m , si b e a u soiti l
!
L e t r o isièm e p a q u et é t a it le p lu s vo lu m in e u x .
I l é t a it fer m é d ’u n e fa ve u r p e r ve n ch e , t o u t e
m in ce et jo lim e n t n o u ée su r le cô t é . Q u e lq u e
ch o se m e d is a it q u e ce t t e fa ve u r - là n ’a va it p a s
vin g t a n s.
— J ’a va is ga r d é ce lle -ci p o u r la b o n n e
b o u ch e .
— J e m ’e n d o u t a is .
— C ’est vo t r e b o n h e u r , p e u t -ê t r e , q u i est
s c e llé là !
— J ’en a cce p t e l ’a u gu r e .
— E lle s ’a p p e lle R o se .
— T a n t m ie u x !
— E lle est p eu t -ê t r e u n p eu je u n e .
— J a m a is t r o p .
— E lle a d ix- s e p t an s.
— D é jà m a m o it ié .
— E lle h a b it e Bo u r ge s .
—. Bo u r ge s , ce n t r e d è la F r a n ce
ju s t e m i
lie u .
— So n p è r e , M . P r u d e n t , est u n h om m e sé
vè r e , m a is in o ffe n s if ; il p a r le •volon tier s a ve c
a u t o r it é , m a is il cè d e vit e a u x a vis d e sa
fe m m e . Ce lle -ci r a ffo le d e P a r is , sa n s le co n
n a ît r e b e a u co u p et d ésir e vo ir sa fille se m a
r ie r d a n s la ca p it a le .
— E lle a b ie n r a ison . E t M"* R o se ?
— E lle est p a r fa it e . M . P r u d e n t a co u t u m e
�RO S E OU LA F IAN CÉ E
DE P RO V IN C K
IÇ
d e l ’a p p e le r P e r le et Bijo u . I l a ja d is ét é m a
gis t r a t . I l a a ch e t é à Bo u r ge s , son lie u d e n a is
sa n ce, u n vie il h ô t e l, et , a u x e n vir o n s , u n e
fe r m e , u n b o is a ve c u n e p e t it e r iviè r e et u n
lo g is p o u r p a sser les gr o ss e s ch a le u r s d e l ’ét é.
J e le cr o is r ich e . I l n ’est p o in t a va r e , m a is il
sa it m o d ér er sa d é p e n se . C ’est u n b ea u -p èr e
id é a l.
— J e le cr o is. E t M"* R o s e ?
— E lle n ’a p a s en co r e d es o p in io n s t r è s a r r ê
t ées , n i d es h a b it u d e s t r è s so lid e s . E lle sor t d u
Sa cr é - Cœ u r . Vo u s p o u r r e z gu id e r ses go û t s .
E lle a im e la ca m p a gn e e t la ville ; e lle a im e
lir e et e lle a im e r ir e. E lle est t o u t le p o r t r a it
d e sa m èr e, q u e j ’a i eu le p la is ir d e r e ce vo ir
ch e z m oi, il y a d ix a n s . M me P r u d e n t ét a it
d a n s t o u t e la g lo ir e d e ses vin gt - cin q ou vin gt s ix a n s. N o u s fû m e s e n s e m b le à la se con d e r e
p r é s e n t a t io n d ’H e r n a n i . E t c ’eet B o u r g e s ,
d a n s n o t r e co in , q u i d o n n a it , je vo u s le ju r e ,
le s ign a l d es a p p la u d is s e m e n t s . Vo u s n ’a u r ez
p a s u n e b e lle -m è r e b a n a le .
— J e m ’en fla t t e . E t M lle R o s e ?
— J ’ign o r e ju s q u ’o ù les b o n n e s Sœ u r s l ’on t
co n d u it e d a n s l ’é t u d e d es b e a u x- a r t s . L ’e n
t h o u s ia sm e d e la m èr e et la sa ge ss e m od ér ée
d u p èr e on t d û p r o d u ir e u n jo li fr u it , e n t r e
p o ir e et p ê ch e , q u e vo u s s a u r e z fa ir e m û r 'r au
so leil d e vo t r e a m ou r .
J ’eu s à ce m om en t u n e t r è s vila in e p e n sé e :
•— Vo u s s a ve z vo s d o cu m e n t s p a r cœ u r , ch è r e
�20
ROS E
OU
LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
M a d a m e . A co m b ie n d e je u n e s P a r is ie n s a vezvo u s d é jà p r op osé M Uo R o se P r u d e n t ?
— Vo u s ê t e s le p r e m ie r , m on b e l a m i. J e n e
l ’a u r a is p a s va n t é e d e va n t n ’im p or t e q u i.
— M e r ci d e la p r é fé r e n ce ! M a is d é n o u e z, je
vo u s p r ie , la fa ve u r d e ce p e t it p a q u e t .
M m° D u t o u r o b é it à m on d ésir in q u is it e u r ;
p u is , s ’é t a n t le vé e , elle a lla p o ser , en b on n e
lu m iè r e , su r la ch e m in é e , u n m é d a illo n o va le
à p e t it ca d r e d ’or .
J e n e p u s m ’e m p ê ch e r d e m ’é cr ie r :
— F ic h t r e ! m a is c ’e s t u n c h e f- d ’œ u vr e !
— Q u o i d on c?
— L a m in ia t u r e .
— E lle est b ie n .
— Q u a n t à la je u n e p er so n n e, le vis a ge est
ch a r m a n t , m a is le ch a p e a u d a t e u n p eu . M a
m èr e en p o r t a it u n s e m b la b le lo r s q u ’e lle m e
co n d u is a it jo u e r au J a r d in d es P la n t e s , à
l ’é p o q u e d e m es p r em iè r es cu lo t t e s lo n gu e s .
— M e t t o n s q u e ce so it u n d é gu is e m e n t . Vo u s
a u r e z p lu s t a r d la so lu t io n d e ce t t e é n ig m e ... Le
n e z e t les y e u x vo u s se m b le n t -ils à la m od e?
J e m ’é t a is r a p p r o ch é . Sa n s fa ço n , je p r is le
p e t it ca d r e e n t r e m es d o igt s , p o u r le m ie u x
co n s id é r e r .
— J e vo u s la isse t ou s le s d e u x , d it M "10 D u
t o u r . J e m ’e n va is é cr ir e à la m èr e.
J e m ’in clin a i et r esta i seu l a ve c la m in ia t u r e
d e M u® R o s e P r u d e n t .
J e cessa i d e m ’ét o n n er d u ch a p e a u r e t a r d a
�RO S E
O lT LA I''IANCKE
DE P RO V IN C E
21
t a ir e, et je m e livr a i à l ’e xa m e n co n s cie n cie u x
d e n ia « p r e sq u e » fia n cée.
L e p o r t r a it est d e p r ofil et fa it va lo ir en p a r
t icu lie r la lig n e d u fr o n t q u i es t t r è s p u r e , le
n e z q u i est d r o it et p eu lo n g, e t les lè vr e s q u i
Son t m ign o n n e s au p o ss ib le . Ce q u ’on d e vin e
d es c h e v e u x est b lo n d ; les y e u x so n t b le u s ,
d e ce b ieu m e r ve ille u x d e va n t q u o i l ’on fr is
so n n e d e jo ie .
T o u t à co u p , je n e sa is q u e lle fa u ss e h o n t e
p o u ssa en m o i. J e d ép osa i le p e t it m é d a illo n
su r le s d e u x p ie d s d e son s u p p o r t , et je p r is
u n e a t t it u d e ém u e et r e sp e ct u e u s e .
« Ain s i, il se p o u r r a it q u e j ’ép o u se ce t t e jo
lie p e t it e ch o se b lo n d e e t r ose, d o u ce et so u
r ia n t e ? Sa n s ch a p e a u , e lle d o it êt r e a d o r a b le .
D ix- s e p t a n s ! E s t - ce q u e je m é r it e ce t t e a t t e n
t io n d u s o r t ? M a fo i, p o u r q u o i p a s? J e s u is
u n a ssez b o n ga r ço n p o u r ... »
J ’en é t a is là d e m es r é fle xio n s fa vo r a b le s ,
q u a n d M m" D u t o u r en t r a à n o u ve a u a ve c, à
la m a in , la le t t r e q u ’e lle ve n a it d ’é cr ir e .
—
Vo ic i ce q u e je d is d e vo u § : « T h é o p h ile
So u b e yr o n est u n jo li ga r ço n . I l p o r t e u n e p e
t it e b a r b e n o ir e , fr is o t t é e ve r s les jo u e s , sa n s
le p lu s p e t it fil b la n c. I l a le s y e u x b le u s et
t en d r es. L a t o ile t t e lu i sied . I l s ’e xp r im e b ie n
e t m êm e a ve c e s p r it ... » J e p a r le e n s u it e d e
vo s p a r e n t s, d e vo s soeu r s. J ’é cr ir a i p lu s lo n
gu e m e n t , si t o u t s ’a r r a n ge à m on g r é , com m e
j ’en a i la d o u ce ce r t it u d e .
�ROSE
o u
l a
F IAN CÉE I)E
pr o v in c e
J e vo u s p r ie d e cr oir e q u e je r o u gis vé r it a
b le m e n t à l ’é n on cé d es q u a lit é s q u ’on m e d o n
n a it d a n s ce p o r t r a it t r o p fla t t e u r . M a m é
m oir e, m oin s t im id e , en co n s e r va le s t e r m e s
e x a ct s , et j ’ai p u a in si le s t r a n s cr ir e à ce t t e
p la ce , p o u r vo t r e in s t r u ct io n , ch e r le ct e u r , et
m a co n iu s io n .
***
P e u d ’in s t a n t s a p r è s, je q u it t a i le sa lo n ve r t
p om m e d e M n'° D u t o u r , et je m ’en fu s le lo n g
d es t r o t t o ir s r é flé ch ir à m ou é t o n n a n t e p r ou esse.
« Vo ilà q u i n ’est p a s b a n a l'. »
M a is le secr et m e p esa vit e :
« I l co n vie n t q u e j ’in s t r u ise m a fa m ille d e
m on co u p d e t êt e. »
E t , au lie u d e r en t r er ch e z m o i, je m ’a ch e m i
n a i le n t e m e n t ve r s l ’officin e p a t e r n e lle , à la
P o in t e - Sa in t - E u s t a clie .
A m on co u p d e so n n et t e, s u ivi d ’u n p e t it
t a m b o u r in a ge su r la p o r t e, j ’e n t e n d is u n e v o ix
cla ir e s ’écr ier :
— C ’est T h é o p h ile !
E t u n e sa r a b a n d e d e p e t it s s o u lie r s se p r é
cip it a ve r s l ’en tr ée.
Ce fu t Ab è le , m a sœ u r p r é fé r é e , q u i m ’em
b r a ssa la p r em ièr e. P u is je fis le t o u r d e la
so cié t é .
�KOS Ë
OU
L\
F IAN CÉ E
DE P RO V IN C E
23
O n é t a it à t a b le . O n se t a s sa , et je p u s
m ’a sseoir e n t r e m a m èr e et Ab è le .
— Q u e t u es b e a u , T h é o ! d it m a sœ u r ; on
d ir a it q u e t u vie n s d e la n oce.
— J e n ’en vie n s p a s, m a is je va is y a lle r .
— Ah ! b a h !
— O u i, R ich a r d se m a r ie.
— J e p la in s sa fe m m e , d it m a sœ u r a în ée.
— E s t - ce q u ’on s a it ? fit m on p è r e . L e m a
r ia g e ch a n ge t o u t .
— T u va s ê t r e son ga r ço n d ’h o n n e u r ? d it
m a m èr e.
— J e n e sa is en co r e.
— T u lu i m a n q u e r a is d e p a r o le ; ça n e se r a it
p a s g e n t il.
— M on ca s est a ssez e m b a r r a s s a n t ...
— Q u ’est-ce q u ’il y a ?
— Vo ilà : je va is p e u t -ê t r e m e m a r ier a va n t
lu i.
I l se fit u n gr a n d s ile n ce . T o u t le m on d e m e
r e ga r d a it .
— Q u ’e s t -ce q u e t u r a co n t e s ? d it e n fin m on
p èr e.
J e p r is u n t e m p s, h a u s sa i les é p a u le s, p u is
d ’u n e t r a it e :
— M mo D u t o u r , q u i n ’en est p a s, co m m e vo u s
le s a ve z, à son p r e m ie r m é fa it , a e n t r e p r is de
m e fa ir e ép o u s e r u n e je u n e p er so n n e d e Bo u r
g e s q u i r ép o n d a u p r én om d e R o se et q u i a d ixse p t a n s. J o lie , d e la s a ge ss e et d e la fo r t u n e .
P o u r q u o i r e fu s e r a is - je ?
�24
R O S E OU LA F IAN CÉE
DE P ROV IN C E
U n n o u ve a u s ile n ce , m a is p lu s co u r t q u e le
T o u t e la fa m ille é t a it in cr é d u le . J e
d u s in s is t e r :
— J e vo u s ju r e q u e je d is la vé r it é ! J ’a i
a cce p t é en p r in cip e .
_ E n fin , t u y a r r ive s ! d it m a m è r e , u n e
la r m e d a n s le s ye u x.
— N o u s ir o n s à la n oce ! N o u s ir o n s à la
n o ce !
— Br a vo !
— Alo r s , c ’est t ou t p r o ch a in ?
— E t p u is , il fa u d r a vo ya g e r !
— E s t - ce lo in , Bo u r ge s ?
— N o u s ir o n s t ou s !
— Viv e T h é o p h ile !
— Q u e l b o n h eu r ! q u el b o n h e u r !
T o u t le m on d e p a r la it à la fois. L e s p e t it e s,
M a r ie et Am é lie fr a p p a ie n t d es m a in s ; m a m a n
co n t in u a it d e la r m o ye r ; H o n o r in e p o lk a it p a r
a va n ce d e r r iè r e le b u ffe t ; So p h ie a va it son a ir
m é fia n t , le n e z d a n s son a ssie t t e. S e u l, m on
p èr e m ’o b s e r va it , a cco u d é su r la t a b le , le s
m a in s jo in t e s p a r u n co u t e a u q u ’il t e n a it en tr e
ses d o igt s .
Q u a n d t o u t le b r o u h a h a se fu t a p a is é :
—
M on ch e r a m i, m e d it - il, je t ’ai t o u jo u r s
la issé la lib e r t é d e t es a ct io n s. I l y a d u r est e
b e l â ge q u e t u a s t ou t e t a r a ison . J e n e b lâ m e
n i n e lou e ta d é cisio n . J e n e co n n a is p a s la
je u n e p e r so n n e , n i sa fa m ille . Ce p e n d a n t , j ’ai
q u e lq u e co n fia n ce à ca u se d e l ’in t é r ê t q u e n o u s
p r e m ie r .
�RO S E
OU LA F IAN CÉ E DË P RO V IN C E
25
a t o u jo u r s p o r t é ce t t e e x ce lle n t e M “ ° D u t o u r .
Ce q u i m e ch a gr in e p r é se n t e m e n t , c ’est le ton
q u e t u a s p r is p o u r n o u s a n n o n ce r ce t t e n o u
ve lle . T u n ’a u r a is p a s ét é p lu s ém u si t u n o u s
a va is r a co n t é , p a r e xe m p le , ce ci : « M o n a m i
R ich a r d a e n t r e p r is d e m e fa ir e h a b ille r ch e z
son p r o p r e t a ille u r : b o n n e m a ison , su r les
b o u le va r d s , b ie n a ch a la n d é e . I l r ép o n d au
jo li n o m d e Ch a lu m e a u . P o u r q u o i r e fu se r a isje ? »
Q u a n d il e u t fin i d e p a r le r , il h a u ssa le s
é p a u le s et , p o sa n t son co u t e a u :
— T h é o p h ile , je su is t o u t d e m êm e co n t e n t
d e t o i.
A la b o n n e h e u r e ! d it m a m èr e, je n e sa
va is p a s o ù tu vo u la is en ve n ir . L e ton n e fa it
r ie n à ^’a ffa ir e . I l a p r is ce lu i q u i a va it l ’a ir le
m oin s s o le n n e l, vo ilà t o u t .
— T u as p e u t -ê t r e r a is o n , m a b o n n e. Bu vo n s
d on c a u b o n h e u r d e T h é o p h ile So u b e yr o u et
d e M u* R o s e ...
— P ru d en t.
— ... et d e M u* R o se P r u d e n t , d e Bo u r ge s ,
en B e r r y .
E t m on p èr e le va son ve r r e .
L e va ca r m e r e co m m e n ça d e p lu s b e lle . M on
p èr e, lo in d e ch e r ch e r à l ’a p a is e r , ch a n t o n n a
lu i-m ê m e d es a ir s d e ch a sse, t o u t en o r d o n n a n t
à So p h ie , p r ép o sée à la ca ve , d ’a lle r ch e r ch e r
« ce r t a in v ie u x fla con d e b o u r go gn e , en r é
s e r ve p o u r les so le n n it é s ca r illo n n é e s » ; p u is
�26
R O SE
OU
I.A. F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
il a u t o r is a t o u t e s le s p e t it e s î\ b o ir e p u r « le
p r é cie u x é lix ir ».
J ’a c c u e i l l e t o u t ce b r u it , t o u t e ce t t e fiè vr e ,
co m m e l ’a tm o sp h èr e la p lu s fa vo r a b le à m on
é t a t d ’â m e a ct u e l. M es a n go is se s s ’y n o ie n t .
J e le s r a ille et fin is p a r les o u b lie r .
C ’est t r è s a m u sa n t , en som m e, d ’ê t r e fia n cé ,
co m m e ce la , t o u t à co u p , à u n e jo lie p e r so n n e
q u ’on n ’a ja m a is vu e et q u i n e s ’en d ou t e p a s.
M on ca r a ct è r e d e v ie u x ga r ço n n e se fû t ja
m a is r é sign é à d es d é m a r ch e s , à d es p r é s e n t a
t io n s o fficielle s, à u n e co u r r é glé e p a r t o u t le
p r ot o co le o r d in a ir e. J ’a im e ce t t e b r u s q u e d é
cisio n . M on m a r ia ge p a r ga ge u r e m e p la ît .
I l en sor tir a ce q u ’il vo u d r a . A la gr â ce d e
D ie u et d e R o se P r u d e n t !
L a soir ée s ’a ch e va p a r d es d a n ses, d e s ch a n t s
et d es r is.
Vo ilà la r e la t io n e x a ct e d e ce t t e jo u r n é e
éton n an te.
N ’a i- je p a s r a ison d e t ir er d e ce s é vé n e m e n t s
la ce r t it u d e q u e m a vie va se d r a m a t ise r d e t e lle
so r t e q u ’il p e u t d e ve n ir in t é r e ss a n t d e la r a
co n t e r ? E t m o n r o m a n m ’in t é r e ss e , d o n t je n e
p u is , q u oi q u e je fa ss e, d e vin e r n i les p é r ip é
t ie s, n i la co n clu sio n .
*
�R O S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
37
I I
20 m ar s 1843.
D a n s h u it jo u r s , j ’a u r a i u n e r é p o n se d e
M ” ' P r u d e n t , m ’a va it d it M ‘”e L a u r e D u t o u r
lo r sq u e je l ’a va is q u it t é e . Ve n e z m e vo ir d a n s
h u it jo u r s.
E t j ’a va is t r o u vé ce la t o u t n a t u r e l. L e le n d e
m a in , à la r é fle xio n , ce la p s m e p a r u t t o u t à
fa it in s u p p o r t a b le . A u b o u t d e q u a t r e jo u r s ,
j ’é t a is à la lim it e e xt r ê m e d e m a p a t ie n ce , e t je
n e p u s m e t e n ir d ’a lle r r e n d r e m a vis it e à m a
v ie ille a m ie .
L a ca m é r is t e d e M "“ D u t o u r s ’ét a n t m a r iée
r é ce m m e n t , je t r o u va i u n vis a ge n o u ve a u .
— I l n ’y a p e r so n n e ch e z vo t r e m a ît r esse?
— S i, M o n s ie u r , u n e d a m e.
J e fu s s u b it e m e n t m or d u d ’u n d ou t e :
« P o u r vu q u e la r u sée co m m è r e n e p r o
p ose p a s M u* R o s e à d ’a u t r e s clie n t s d e qon
s a lo n ... n
— M o n sie u r ve u t - il s ’a s s e o ir ? J e va is a ve r t ir
M ad am e.
L a r ép o n se n e se fit p a s a t t e n d r e . L a p o r t e
�28
RO S E
OJI LA F IAN CÉE
DE P RO V IN C E
d u sa lon s ’o u vr it et M mu D u t o u r , a ve c son p lu s
g r a c ie u x so u r ir e :
_ j e n i’en clou ta is. Vo u s n ’ê t e s p a s d e t r o p ,
m on p e t it a m i. E n t r e z d on c !
M a m èr e s o u r ia it d a n s u n fa u t e u il, m a is ses
y e u x m a r q u a ie n t q u ’e lle a va it p le u r é . E t ce la
n e m e p lu t p a s, t o u t d ’a b o r d . Ce s la r m e s, offi
cie lle s en q u elq u e sor t e, m e m o n t r a ie n t le cô t é
se n t im e n t a l et gr a ve d e m a d é t e r m in a t io n . Ce
n ’é t a it p lu s u n e a ve n t u r e u n iq u e m e n t p it t o
r esq u e ; cela d e ve n a it u n ép isod e im p o r t a n t d e
m a vie . J e n ’y é t a is p lu s seu l in t é r e ss é ; m a
m èr e s ’y m êla it d é jà a ve c sa b o n t é a t t e n t ive .
I l n e co n ve n a it p lu s d e so u r ir e . I l n ’en a lla it
p lu s se u le m e n t d e m a d is t r a ct io n , m a is d e la
t r a n q u illit é et d u b o n h e u r d es m ien s.
J ’a d o r e m a m èr e. Ce t t e im p r essio n d é fa vo
r a b le d u r a d on c à p e in e q u e lq u e s se co n d es. J e
ser r a i la m a in d e M "10 D u t o u r , j ’e m b r a s sa i m a
m èr e e t , p ou r co n t e n t e r l ’u n e et l ’a u t r e , je
d is :
— J e t r o u ve le t em p s lo n g.
— Vo ye z- vo u s ce la ! fit M mo L a u r e . Ce lu i q u i
se d é cid e le d e r n ie r à p a r t ir est t o u jo u r s ce lu i
q u i ve u t a r r ive r le p lu s vit e .
— Alo r s , vo u s n ’a ve z p a s d e n o u ve lle s , ch è r e
M ad am e?
— M a is , m on p a u vr e a m i, m a le t t r e n ’est
p eu t -ê t r e m êm e p a s a r r ivé e à d e st in a t io n !
— Si j ’a va is su q u ’il fa llû t si lo n gt e m p s p o u r
se m a r ie r , j ’a u r a is h é s it é à t e n t e r l ’a ve n t u r e .
�R O S E OU
LA F IAN CE E DE P RO V IN C E
29
— G r a n d e n fa n t ! d it m a m èr e.
E t je su is sû r q u ’a u fon d d ’e lle , e lle a va it
fte l ’ém o t io n à m e vo ir si sp ir it u e l.
— E xcu s e z- m o i, je n e t ie n s p a s en p la ce , d isje en m e le va n t . Co m m e vo u s n e p o u ve z
m 'a p p r e n d r e q u o i q u e cc so it d e n o u ve a u su r
m on so r t , je va is t a q u in e r m on a m i R ich a r d et
m e fa ir e t a q u in e r p a r lu i.
J e m e le va i et m e r e t ir a i, n on sa n s fa ir e va
lo ir la so u p le ss e d e m es r ein s et la ca m b r u r e
d e m a ja m b e . D e p u is q u a t r e jo u r s , je r a je u n is
t o u s le s m a t in s.
*
* *
J e t r o u va i m on a m i R ich a r d p lo n gé d a n s le
la c o r a g e u x d es p e r p le xit é s .
— J e n e sa is, d it -il en m e vo ya n t , s ’il est
r a is o n n a b le d e se m a r ie r en é t é . L ’h ive r , l ’a u
t o m n e, vo ilà le t em p s fr ile u x d es a m o u r s. Au
p r in t e m p s , en ét é, il fa u t ê t r e t o u t à la n a t u r e .
Q u a n d il fa it ch a u d , 011 d o it vivr e s e u l. L e fr o id
se s u p p o r t e m ie u x à d e u x .
— J ’a d m ir e , m on ch e r a m i, ce d is co u r s a m o u
r e u x T a fia n cé e e s t -e lle a u ssi p o u r le m a r ia ge
a u x p r e m iè r e s n e ige s ? J e cr o ya is q u e t u fa is a is
u n m a r ia ge d e r a ison ; c ’es t d e sa iso n q u ’il
fa u t d ir e . C ’est t r è s p iq u a n t .
J e vis (lu e R ich a r d é t a it co n t e n t d u p e t it b o
n im e n t q u ’il m ’a va iî d é b it é et h e u r e u x d e
tn ’a vo ir é t o n n é . L a fa t u it é d e m on a m i est s a
vo u r e u s e . J e m ’e n a m u s e ch a q u e jo u r d a va n
�3o
ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
t a ge . J ’en p r é vo is le s cr ise s et je va is p a r fo is
j u s q u ’à le s p r o vo q u e r .
R ich a r d est m ie u x fa it q u e m oi. I l es t p l u s
g r a n d , p lu s m in ce , et ses m o u s t a ch e s lu i d o n
n e n t u n a ir d ’a ss u r a n ce , d e co n q u ê t e , a u q u e l
m es fa vo r is d éb o n n a ir es n e p e u ve n t p r é t e n d r e .
J e s u is son a în é d é t r ô n é . I l n ie d ép a sse d e t o u t e
la t êt e d a n s le s m o in d r e s d is cu ss io n s. C ’est lu i
q u i fa it la lo i. J e lu i o b éis, d e t e lle so r t e q u ’il
a l ’illu s io n d e r é gn e r , ce q u i es t la r é a lis a t io n
d e son r ê ve le p lu s ca r ess é. N e d e vin e r a - t - il ja
m a is q u e je n e s u is q u ’u n fa u x r é s ign é et q u ’il
es t b ie n p lu s p r o p r em en t m on b o u ffo n q u e m on
r o i? I ,e s e s p r it s o r g u e ille u x s ’a vis e n t d e t o u t ,
s a u f d ’o b se r ve r l ’im p u issa n ce d e le u r o r gu e il :
vé r it é e n fa n t in e p u isq u e , d u m om en t q u ’ils
s ’a b a is se r a ie n t à ce t t e r e m a r q u e , ils s e r a ie n t
d é ch u s d u p o u vo ir so u ve r a in q u ’ils se son t li
b é r a le m e n t o ct r o yé .
Ce jo u r -ci, j ’a va is u n s u je t d e p lu s d e d o m i
n e r a u fon d d e m oi l ’a r r o ga n ce d e m on a m i.
J ’a lla is b ie n t ô t p e u t -ê t r e l ’o b lig e r à se m e t t r e
au secon d p la n , à m e s e r vir d e ga r ço n d ’h o n
n e u r , ce q u i est u n e fa çon d e p a ge o b s cu r , en
a r r iè r e d es m a r ié s r a yo n n a n t s .
J e le la is sa i d on c é t a le r , ca n d id e m e n t , ses
o b je ct io n s d é d a ign e u se s à u n p r om p t m a r ia ge .
P o u r la ga le r ie q u e je co n s t it u a is , il se g r im a it
en fia n cé n a r q u ois , ir r e s p e ct u e u x d e la p a r o le
d on n ée. U n m a r ia ge s a ge m e n t co n sen t i l ’e û t
m is, d e va n t m oi, en p it e u s e p o s t u r e ; il e û t
�ROS E O ü
LA F IA N C É » DE P RO V IN C E
31
p er d u d e son p r e s t ige . Au s s i s o ign a -t -il son
gest e et sa p h r a s e p o u r a ch e ve r d e m ’ét o u r d ir
d e sa cr â n e r ie :
— E t p u is , q u ’im p or t e la t e m p é r a t u r e ! Ce
m a r ia ge est u n e b e lle a ffa ir e . Ch o is it -o n en tr e
la p lu ie e t le so le il p o u r e n vo ye r t o u ch e r un
gr o s co u p on d e r e n t e ?
Ce p a u vr e R ich a r d !
F ig u r e z- vo u s q u e c ’est le m e ille u r ga r ço n d e
la t er r e, a s s e z r ich e p o u r n e p o u vo ir êt r e a ccu s é
d e fa ir e u n m a r ia ge d e ca lcu l. M a is il lu i fa u t
d é gu is e r ses s e n t im e n t s . I l a b esoin d e gr o s s ir
sa v o ix , d e cin g le r l ’a ir d e sa b a d in e et d e p a
r a d er . C ’est u n co m é d ie n co n va in cu et p e r p é
t u e l. I l n e so r t ja m a is d e s cè n e . I l d o it d or m ir
q ve c e m p h a se.
J e n ’eu s d on c p a s le co u r a ge d e le p r é cip it e r
d u h a u t d e son a ss u r a n ce . U n m ot e û t ét é s u f
fis a n t :
— T u se r a s d e m a n o ce a va n t d e d a ign e r êt r e
d e la t ie n n e . T u es u n p a u vr e ga r ço n t r è s m al
r e n s e ign é , p u is q u e t il n e sa is p a s q u e , p a s p lu s
t a r d q u ’au p r o ch a in m o is d e m a i, t u t ’en ir a s
à B o u r g e s s ign e r à m on m a r ia ge .
N o u s p a r lâ m e s e n s u it e d u d ésa st r e e ffr o ya b le
d e l a P o in t e - à - P it r e . J e fe u ille t a i le t om e i o
d e Y H i s t o i r e d e F r a n c e d ’H e n r i M a r t in , q u i
ve n a it d e p a r a ît r e e t q u e R ich a r d r e ço it t o u t e
r e lié e , t om e p a r t om e. I l é gr e n a en cor e q u e l
q u e s p iq u a n t e s ir o n ie s, p u is je m e le va i.
E t lo r sq u e n o u s n ou s fû m e s q u it t é s , n ou s
�}2
ROS E
OU
LA F IANCKU DE P RO V IN C E
ét io n s ce r t a in e m e n t s a t is fa it s d e n ou s-m êm es,
ch a cu n d e n ot r e cô t é , lu i d e m ’a vo ir é m e r ve illé ,m oi d e l ’a vo ir d ép a ssé d e t o u t e la la r ge u r d e
m on s ile n ce o p in iâ t r e .
J e d ois a vo ü e r , d ’a ille u r s , q u e c ’est la p r e
m ièr e fo is q u e je m e m o n t r a i, à son é ga r d , a u s s i
m a ch ia vé liq u e .
J e p a ssai le s jo u r s s u iva n t s su r la p r om en a d e
d es T u ile r ie s , m ’a t t a ch a n t à d is t in gu e r les p e
t it s d é t a ils d es co u p e s n o u ve lle s p o u r le s s u g
gé r e r à m on h u m b le t a ille u r , u n b r a ve h o m m e,
ce r t e s , m a is q u i, d ’o r d in a ir e , a d o p t e le s m o d es
lo r s q u ’e lle s com m e n cen t à d e ve n ir su r a n n ées.;
« L a t o ile t t e lu i sied », a va it é cr it M m” D u t o u r .
L e m ot m ’e ffr a ya it .
J e 11e m a n q u a i p a s — p a r s u r cr o ît — d ’e x a
m in er les t o ile t t e s d e d a m es. J e m ’a p p liq u a i à
r e co n n a ît r e , p a r m i le s ca p o t e s d e co u le u r t en d r e
q u i co m m e n cen t à fa ir e leu r a p p a r it io n , ce lle s
q u i ve n a ie n t d e ch e z Ale x a n d r in e . L a fo r m e ,
lé gè r e m e n t ca m b r é e , s ’éva s e ve r s le b a s d e fa
çon à la is se r le s ch e ve u x en lib e r t é . J e n e sa is
p a s d e co iffu r e p lu s sé d u is a n t e q u e la ca p o t e .
C ’est le vr a i ca d r e d u vis a g e fé m in in . L e s p e
t it s ch a p e a u d e cr ê p e , a ve c u n e p lu m e « sa u le »,
son t a u s si fo r t é lé ga n t s ; c ’e s t u n e je u n e m o
d ist e q u i m ’a r e n s e ign é : m on r é p e r t o ir e d e
m ot s p r é cis co n ce r n a n t la t o ile t t e n ’es t p a s t r è s
vo lu m in e u x. O r , je t ie n s à n e p a s p a r a ît r e ig n o
�R O S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
33
r a n t d e va n t l ’a r é o p a ge d es d a m e s d e Bo u r ge s
a ss em b lé es a u t o u r d u « p a r fa it P a r is ie n » q u ’il
va fa llo ir q u e je d e vie n n e en q u e lq u e s jo u r s
p o u r p la ir e à b e lle -m a m a n . Ca r j ’ai la p lu s
fer m e in t e n t io n d e lu i p la ir e ; ce la m e p a r a ît ca
p it a l. D ’a ille u r s , je n e cr o is p a s a u x b e lle s -m è r e s
gr in ch e u s e s . I l n ’y a q u e d e m a u va is ge n d r e s .
L e ja r d in d es T u ile r ie s est ce r t a in e m e n t le
p lu s b el en d r o it d u m on d e . L e vo is in a g e d u
L o u vr e en fa it u n e p r o m en a d e gr a n d io s e e t m é
la n co liq u e . N o u s y cr o is o n s à ch a q u e in s t a n t
le p a ssé d e n os r ois. P lu s p r o ch e , le ch â t e a u
d es T u ile r ie s — m a u va is ga r d ie n q u i n e su t
d é fe n d r e n i L o u is X V I , n i R o b e s p ie r r e , n i N a
p o lé o n , n i Ch a r le s X — vo u s h a n t e à son t ou r .
E n fin , d a n s ce ja r d in lu i-m ê m e , n ’e s t -ce p a s
le p e t it L o u is X I I I , e n fa n t r ê ve u r , q u i t o u r n e
a u t o u r d e ce s a r b r e s , à l ’a ffû t d es m o in e a u x?
Vo ici Ch a r le s I X , a u t r e ga r ço n n e t , gr a n d a m a
t e u r d e p ê ch e à la lig n e , q u i se p e n ch e su r ce t
é t a n g , d e p u is a r r o n d i en b a ssin o ù n a ge n t ces
p o isso n s d e Ch in e d on t la s in gu liè r e co u le u r
r o u g e e û t for t e ffr a yé ce fils t im id e d e Ca t h e
r in e d e M é d icis . Q u i e n co r e ? Vo ici le p a u vr e
p e t it m a r t yr d e l ’ign o b le co r d o n n ie r . Vo ic i
la vo it u r e d u r oi d e R o m e , p r in ce t a n t
a t t e n d u , q u i d e va it m ou r ir co lo n el a u t r ich ie n ...
M è r e s q u i p a s s e z, vo ilà d e t e r r ib le s p r é cé d e n t s .
N ’y s o n ge z p a s. R ie z à vo s b a m b in s . L e m a l
h e u r , le b o n h e u r a r r ive n t s a n s q u ’on les en
p r ie , à le u r fa n t a is ie .
330-n
�r o s e
o u
l a
f ia n c é e
d e
pr o v in c e
D 'o ù m e vie n n e n t ces m or o ses p e n sé e s? M o n
so u ci p er so n n el est -il si t e r r ib le ? I l y a m ie u x
à vo ir , clan s ce ja r d in e n ch a n t é , q u e d es fa n
t ô m es d ’e n fa n t s r o ya u x . J e n ’a im e p o in t le s
id é e s n o ir es. So u r io n s a u p r e m ie r so le il d e ce
p r in t e m p s d e m a p lu s b e lle a n n ée.
L e s b o sq u e t s d u n or d m ’a p p e lle n t . Vo ic i m es
fr è r e s le s r ê ve u r s, les p o è t e s. M on s ile n ce a im e
leu r s ile n ce , m a s o lit u d e le u r s o lit u d e .
—
E t m oi a u s s i, m u r m u r a i-je , je s u is d es
vô t r e s . J ’ai il q u i s o n ge r . E lle s ’a p p e lle R o se .
J e p u is , co m m e vo u s , d ir e son n om fr a is e t
p a r fu m é en r e ga r d a n t fleu r ir le m a r r o n n ie r fa
m e u x, a n n o n cia t e u r d es h e u r e u x jo u r s . R o s e !
R o s e ! je va is vo u s a im er .
E t je m e d ir ige , à p a s p r é cis , ve r s le s b o s
q u e t s d u m id i, le lo n g d e la t e r r a ss e d u q u a i.
L à se ca ch e n t c e u x q u i vo n t p a r d e u x.
« E t m oi a u s si, m ess ie u r s le s a m o u r é u x, j ’a i
d r o it d e cit é le lo n g d e ce t t e b a lu s t r a d e . Ce lle
q u i m ’est d e s t in é e est p lu s b e lle q u e la p lu s
b e lle d e vo s co m p a gn e s, E lle a t o u t e s le s q u a
lit é s q u e je lu i r ê ve , et e lle m ’a im e p lu s q u ’on
n e s a u r a it le d ir e ; e lle m ’a im e d e m on a m o u r
à m oi. »
U n e p e t it e t r o u p e d e t a m b o u r s e t d e m ir li
t on s m e ch a sse d e m on e xt a s e ; je fu is et m e
r é fu g ie ve r s le s e n fa n t s s a ge s , a ccr o u p is d a n s
la p o u ssiè r e et b r a n d is sa n t d es p e lle s d e b o is
sou s l ’œ il a t t e n t if et h u m id e d es b o n n e s n o u r
r ice s ot d es je u n e s m èr es.
�ROS E
OU
LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
3S
« E t m oi a u s si, sa n s d o u t e , b ie n t ô t , je mè<
lie r a i d es b a m b in s p a ît r e le sa b le et ch a n t e r en
tou rn an t :
E n tr ez d an s la d an se,
Vo ye z com m e 011 d an se...
« I ls ser on t vê t u s d e p e t it e s b lo u s e s écos
sa is e s et co iffé s d e t o q u es, ou b ien p o r t e r o n t le
b é r e t m o e lle u x d es P yr é n é e s . »
J e t r a ve r s e la gr a n d e a llé e q u i m èn e a u ch â
t e a u . J e cr oise d es d é p u t é s im p o r t a n t s , d es offi
cie r s d é c o r é s , d e s a m b a s sa d e u r s . M on cœ u r se
go n fle d ’a u d a ce .
« E t m oi a u s si, je se r a i ce lu i d e q u i 011 p a r le
a ve c d es m o u ve m e n t s d e t ê t e r e s p e ct u e u x, ce
lu i q u e l ’on s a lu e en s ’a r r ê t a n t , ce lu i q u i en tr e
ch e z le r oi co m m e ch e z lu i ! »
D e s b a n cs a u s o le il, d es b u s t e s b r a n la n t s , d es
g e n o u x a ffa ib lis ,.... c ’e s t le co in d es vie illa r d s .
L e u r s y e u x n e vo ie n t p lu s le p r é se n t , r e ga r d e n t
le p a ssé :
« E t m oi a u s s i, u n jo u r ... »
J e t e n d s les d e u x m a in s en a va n t p o u r r e
p o u sse r la vis io n .
« M a is n o n , je n ’a i p a s le d r o it d e s o n ge r
a u x d e u ils à ve n ir et à ce q u i fin it . J e co m
m e n ce , m oi. J e se n s d a n s m es ve in e s co u le r
le s a n g a r d e n t q u i ve u t vivr e . La is s o n s le s b o n s
vie illa r d s g la cé s se r é ch a u ffe r a u s o l e i l . . . »
J e r em o n t e ve r s l ’a llé e d e s o r a n ge r s . C ’e s t là ,
e n t r e les ca iss e s ve r t e s , q u e s ’a n im e d é jà m a vie
�RO S E
o u
I.A F IANCÉE DE P ROV IN C E
d e d e m a in . J eu n e s h o m m es, je u n e s fe m m e s ;
je u n e s p o u sse s a u x a r b r e s . O n s o u r it . O n a d e
jo lis ge s t e s p o u r s a lu e r . O n ca u se . L ’e s p r it
vo le , r e b o n d it . C ’est le p a r a d is su r t e r r e . L ’é lé
ga n ce , la b e a u t é , la gr â ce se p a r t a ge n t ce p e t it
r o ya u m e clon t je s u is le n o u ve a u s u je t .
« E t R o se 'a u s s i, M e sd a m e s , vie n d r a lu t t e r
a ve c vo u s d e ge n t ille s s e et d e d is t in ct io n . Vo u s
l ’a ccu e ille r e z com m e u n e sœ u r , e t , q u a n d je
vie n d r a i la r e jo in d r e , m on cœ u r b a t t r a d ’u n e
fier t é lé git im e et r e co n n a iss a n t e . »
M e s a m is m ’e n n u ie n t .
I ls n e sa ve n t p a r le r q u e d e ch o se s b a n a les,:
L e u r p lu s gr a n d e jo ie — on d ir a it q u ’ils de<
vin e n t m a sit u a t io n n o u ve lle — es t d e b a fo u e r
le m a r ia ge et ses « vict im e s ». J e n ’ose fa ir e
ch o r u s , m a is je n e cr a in s p a s m o in s d e p r e n d r e
la d éfen se d ’u n e in s t it u t io n q u i, q u e ... C ’est
t r è s r id icu le . J e s u is lâ ch e . M a b r a vo u r e a u r a it e lle p lu s d e su ccè s?
S e u l, R ich a r d m e co m p r e n d r a it , m a is je n e
p u is p a s en cor e lu i a vo u e r m on a u d a cie u s e r u se.
D ’a ille u r s , si n o u s p a r lio n s m a r ia ge , il m e p a r
le r a it d u sien a ve c u n e d é co n ce r t a n t e p o m p e
e t n é glige r a it d e d is cu t e r le m ien : m on s u p
p lice en se r a it a in si d o u b lé .
J ’a i la r e s s o u r ce d ’é cr ir e . M es p e t it s m é
m oir es m ’a m u sen t à co m p o se r . J e r e ga r d e
m ie u x a u t o u r d e m oi, je r e ga r d e m ie u x en m oi.
J e lis b e a u co u p . M . d e lia lza c m ’e n fiè vr e . J e
�R O S E O U l,\
F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
37
Vien s d e d é vo r e r , en d e u x a p r è s -m id i, son géh ia l M é d e c i n d e c a m p a g n e . O n n e d ép a sser a
ja m a is ce t h o m m e-là . J e lis a u s s i le s p o è t e s :
¡M .
d e L a m a r t in e , M . Alfr e d d e M u s s e t . U n
p r o fo n d co n t e n t e m e n t m ’e n va h it lo r s q u e je
s o n ge q u e je vis en m êm e t e m p s q u e d e t e ls
h o m m e s ; je p u is les cr o is e r d a n s la r u e .
M m" P r u d e n t é t a n t h u go p h ile , j ’ai r elu H u go .
J ’ai m êm e a p p r is p a r cœ u r q u e lq u e s p o èm es ;
il fa u t t o u t p r é vo ir ; on d o it « d é cla m e r » d a n s
le s sa lo n s d e Bo u r ge s .
J e p r e n d s sa n s r e lâ ch e d ’e x q u is b a in s d e
M o n t a ign e . Ce lu i- là n e m e q u it t e r a ja m a is . « J e
m e m a r ia y à t r e n t e -t r o is a n s, d it - il, e t lo u e
l ’o p in io n d e t r e n t e -cin q , q u ’on d ict es t r e
d ’Ar is t o t e . » J ’a im e ce p r op os, m a is n ’a p p r o u ve
p o in t t o u t e l ’o p in io n d e ce s in gu lie r p h ilo s o p h e .
M o liè r e — je lis M o liè r e a u ssi — n ’a p a s t o u
jo u r s r a is o n . Se s « m a r is » m e s e m b le n t t o u t
à co u p m oin s r is ib le s . Ar n o lp h e m ’a p p a r a ît p lu s
t r a g iq u e q u e co m iq u e . J ’ai ch a n g é d e p o in t d e
vu e ; la p e r s p e ct ive s ’est m o d ifié e . J e m e d é
ju g e sa n s ve r g o g n e ; j ’y p r e n d s m êm e u n v if
p la is ir . J e n e m e s a va is p a s t a n t d e so u p le ss e
d ’e s p r it . J e fa is p ea u n e u ve :
C ’es t fa ict, m on cœ u r , q u itt on s la lib er té.
L e s o p in io n s h u m a in e s so n t p e in t e s e t r e
p e in t e s à t o u t p r op os. D é jà je ju g e le m on d e
en m a r i.
Q u e se r a -ce d a n s t r o is m ois?
�38
R O SE OU LA F IAN CÉE DE P R O VI N CE
*
* *
L e s ga ze t t e s n e p a r le n t , d e p u is q u e lq u e s
jo u r s , q u e d u t e r r ib le t r e m b le m e n t d e t e r r e d e
la G u a d e lo u p e . P o in t e - à -P it r e n ’e x is t e p lu s.
Ce t t e ville , q u i a u n n om d e clo w n , vie n t d e
su b ir le m a r t yr e . Q u e lq u e s s e co n d e s o n t su ffi
p o u r t r a n s fo r m e r sa jo ye u s e ca b r io le a u so le il
en u n én or m e et d é fin it if ca ss e -co u . O n co m p t e
p lu s ie u r s m illie r s d e m or t s et p lu s d e d ix - liu it
ce n t s b lessés . L e r a p p o r t d u go u ve r n e u r G o u r b e yr e , q u e j ’ai lu je u d i d a n s le M o n i t e u r , co n
t ie n t d es d é t a ils n a vr a n t s . M a is t o u t le m on d e
a fa it son d e vo ir . I l y a eu d ’a d m ir a b le s d é
vo u e m e n t s . L e ca p it a in e K g a r io u , co m m a n d a n t
le t r o is-m â t s le S c l i e m s , s ’est ch a r g é d e r e ch e r
ch e r le s ca d a vr e s p o u r le s e n t e r r e r . La p este
ser a a in s i é vit é e ; ve n a n t a p r è s le t r e m b le m e n t
d e t er r e e t d e fe u , il en se r a it b ie n t ô t fa it d e
n o t r e b e lle co lo n ie . Ca r le ca p it a in e n ou s
a p p r e n d q u e le ca t a clys m e s ’é t a n t p r o d u it à
l ’h eu r e d u d é je u n e r , t o u s les fo u r n e a u x é t a ie n t
a llu m é s , et les m a is o n s, a p r è s a vo ir é t é t e r r i
b lem en t se co u é e s, b r û lè r e n t à q u i m ie u x m ie u x.
Le fr èr e d ’u n d e m es a m is h a b it a it P o in t e -à P it r e . O n n ’a p a s d e n o u ve lle s d e lu i. Ce d o u t e
est t e r r ib le . D o it -o n se r é jo u ir ou p le u r e r , r e
m er cier D ie u ou le p r ie r ? M on a m i n ’ose se
p la in d r e . I l p h ilo s o p h e :
—
D ir e q u ’a p r è s t a n t d e s iè cle s d e c u lt u r e ,
la t er r e em p lo ie t o u jo u r s les m êm es m o ye n s d e
�ROS E
OU LA F IAN C É E
OE P RO V IN C E
39
r é vo lt e . Q u e lle s a u va g e ! Ce ca t a clys m e m e fa it
s o n ge r à ce je u n e co m t e d e X . . . q u i, l ’an d e r
n ie r , a p r è s a vo ir t u é son r iva l, je t a sa fe m m e
d a n s la r iviè r e q u i lo n ge son ch â t e a u . I l a va it
d e la r a ce , ce je u n e s e ign e u r , il é t a it h a b illé
a ve c r e ch e r ch e , il s a va it p en ser fin e m e n t ; et
p u is , t o u t d ’u n co u p , le s vê t e m e n t s d é ch ir é s ,
les ch e ve u x en b r o u s s a ille , le s y e u x in je ct é s ,
la b r u t e q u i s o m m e illa it s ’est r é ve illé e ... Là b a s , c ’est la m êm e ch o s e ... L a t e r r e , ch a u d e et
fé co n d e , p o r t a it d o cile m e n t d e b e a u x ch a m p s
d e ca n n e à su cr e et d es m a is o n s é lé ga n t e s . O n
a d m ir a it s a gr â ce p it t o r e s q u e . So u d a in , e lle
s ’es t s o u ve n u e q u ’e lle a va it é t é ch a o s , e t , d ’u n
co u p d ’é p a u le , e lle a r e n ve r s é b r u t a le m e n t le
t r a va il d e ce n t a in e s d ’a n n é e s .
L e s jo u r n a u x p u b lie n t le s lis t e s d e s o u s cr ip
t io n en fa ve u r d e s s in is t r é s . L e r oi et la m a i
so n r o ya le s e s o n t in s cr it s p o u r 60 .0 0 0 fr a n cs .
J ’a i ve r s é m a p e t it e o b o le : u n h o m m e h e u r e u x,
10 fr a n cs . L ’a r ch e vê q u e d e P a r is vie n t d ’o r
d o n n e r u n e q u ê t e g é n é r a le d a n s le s é glis e s p o u r
d im a n ch e p r o ch a in . L e s b a n q u e s R o t h s ch ild ,
M a lle t , le J o u r n a l d e s D é b a t s , r e cu e ille n t le s
so u s cr ip t io n s .
L e t em p s s ’est r a fr a îch i h ier .
J ’a u r a is a im é u n p r in t e m p s m o in s b o u le ve r s é .
Q u a n d on est h e u r e u x, le m a lh e u r vo is in vo u s
a g a ce .
Au jo u r d ’h u i, il p le u t .
�r o s i:
o u
l a
f ia n c é e
d e
p r o v in c e
E n fin , « le s clin s d ’y e u x » d e la h u it iè m e a u
r o r e d a ign è r e n t m ’é ve ille r .
L a co n fia n ce m e q u it t a a u s s it ô t e t m on cœ u r
fu t en va h i p a r la cr a in t e . J e n e vo ya is l ’a ve
n ir q u ’em b a r r a ssé d e fo ssés, d e h a ie s et d e p r é
cip ice s . « J ’é t a is si t r a n q u ille ! » d e vin t m on
r e fr a in . M a u d it s soien t R ich a r d et t o u t e s les
d a m es D u t o u r d e la cr é a t io n !...
Ce p e n d a n t , d ès q u e l ’h eu r e m e p a r u t co n ve
n a b le , je co u r u s ch e z m on Ch a b u r e a u . O n
a p p e lle a in s i, en B e r r y, m ’a -t -o n d it — et
c ’est b ie n le ca s d e cit e r le m ot , — la p e r so n n e
q u i s ’en t r e m e t gr a cie u s e m e n t et r é u ss it à vo u s
m a r ie r selon ses g o û t s à e lle , e t q u e lq u e fo is ,
p a r co n t r e -co u p , selon le s vô t r e s .
— E n fin , vo u s vo ilà , h e u r e u x ga illa r d !
L e sa n g b a t t it m es o r e ille s . J ’e n t e n d is m a l.
— Vo u s a ve z r é u ss i?
— E co u t e z :
Ma fille e s t bien jeu n e, ch èr e am ie, m ais le p a r ti
que vo u s m e p r ésen tez e s t bien ten t a n t . Ah ! P a
r is ! P ar is ! Ma fille r éa liser a it a in si le r êve de m a
jeu n esse. Cela au r a été m a d estin ée de p r ép a r er à
m a fille un sort p lu s b r illa n t , en a ccep ta n t l ’obs
cu r ité du m ien . Cer tes, je n e ve u x p as gém ir le
lon g de cette lettr e. L ’h eu r e est passée. J e va is
ètrïï bien tôt un e vie ille fem m e. J e ne com p te p lu s.
Si gr ise q u ’a it été m a vie, il en est d e p lu s gr ise s,
et le bon h eu r de m a p etite Rose ser a la con sola
t io n de m a solitu d e p r ovin cia le. J e la vois d éjà
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
41
frie fa isa n t fêle ch ez elle, d an s son P a r is, pou r le
qu el elle est, je cr ois, bien pr ép arée. Ce sera un e
exq u ise citad in e. E lle est tr ès fin e et jo lie : son
su ccès est cer tain . J e b r û le de l ’a ver t ir , et cepen
d an t je n e vou d r a is le fair e qu e si vou s êtes, m a
bon n e am ie, a b solu m en t cer tain e de la r éu ssite de
h os p r ojets. Ne p as se m ar ier à P ar is est u n e chose
b ien en n u yeu se, m ais m an q u er de s ’y m ar ier et
p u is éch ou er en p r ovin ce, cela d ép asse en r igu eu r
bien d es su p p lices r ép u tés.
Rose est iille u n iq u e ; elle sera r ich e, gr â ce à
3a sa ge écon om ie de son e xce lle n t pèr e. E lle a un
bon p et it ca r actèr e. E lle est, cer tes, m oin s n er
veu se que m oi, et je l ’en lou e. E lle est in str u ite,
¡je m ’en {latte. E n fin , elle fera t ou t ce q u ’on vou
d ra, tou t ce que je vou d r ai.
E cr ivez-m oi don c bien vit e qu e M. Sou b eyr on
fcst t ou t à fa it d écid é. E n voyez-n ou s, par u n pro
ch ain cou r r ier , sa répon se et lu i-m êm e. N ou s cau
seron s, c ’es t en core la m eilleu r e m an ièr e de s'en
ten d r e. 11 sera le t r ès b ien ven u .
Vot r e d éjà vie ille am ie,
Cla ir e P k u h f .n t .
P.-R. — Au m oin s, aim e-t-il P a r is, ce P a r isien ?
D a n s les m om e n t s le s p lu s s o le n n e ls d e l ’e x is
t e n ce , u n p e t it d é t a il vo u s a r r ê t e , vo u s d is t r a it .
N o u s co m m e n çâ m e s d o n c p a r so u r ir e d u p osts cr ip t u m .
— J e n e l ’a im e ce r t a in e m e n t p a s a u t a n t q u e
M "10 P r u d e n t ! fis-je.
— Ce la n ’est p a s p o s s ib le , r é p liq u a M™0 D u t o u r . N u l P a r is ie n n e p eu t a im e r P a r is d e
l ’a m o u r p r ofon d et d éso r d o n n é d ’u n e p r o vin cia le .
�r o s e
o ü
t a
f ia n c é s
db
p r o v in c b
J ’e s s a ya i d e t o u r n e r q u e lq u e s jo lie s p h r a seô
à l ’a d r es se d e m a p r o t e ct r ice et d e la fa m ille
P ru d en t.
— N e vo u s d o n n e z p a s t a n t d e m a l, d it
M"'° D u t o u r ; j ’a im e q u e les t é m o ign a ge s d e r e
co n n a is sa n ce n e so ien t e n vo yé s q u ’a p r è s la cé
r ém on ie . M on r ô le n ’est p a s t e r m in é . At t e n d e z.
— I l fa u t en co r e a t t e n d r e ?
— O u i, m a is vo u s n e m a n q u e r e z p a s d e d is
t r a ct io n s . D ’a b o r d , d ès ce s o ir , vo u s a lle z co n
fect io n n e r u n e le t t r e q u e j ’e n ve r r a i m oi-m êm e
à i\ r ° P r u d e n t .
— J e n e sa u r a i ja m a is m ’y p r e n d r e co n ve n a
b le m e n t .
— Ce n ’est p a s t r è s com p liq u é.. Vo u s n ’a ve z
q u ’à d ir e m e r ci. D it e s-le a u t a n t q u e p o ss ib le en;
d e u x p a ge s. L a p r e m iè r e le t t r e d ’u n je u n e
h o m m e à sa b e lle -m è r e n e d o it p a s d é p a s s e r
d e u x p a ge s. A p a r t ir d e la s e co n d e , le s q u a t r e
p a ge s so n t d e r è gle .
— E t a p r è s le m a r ia ge ?
— I l n ’y a p a s d e p r o t o co le , et p u is ce la n e
m e r e ga r d e p lu s . Ce ser a selon ce q u e le cœ u r
vo u s d ir a .
— N o u s n ’en so m m es p a s là .
— P fu t t ! ce n ’est p a s b ie n lo in d e n ou s.
— L ’a ve n ir n e m ’in q u iè t e p a s e n co r e , c ’est
la le t t r e d e d e u x p a g e s ... Vo u s a lle z m e g u i
d e r ? ...
— J e n e d em a n d e p as m ie u x ; j ’a i l ’h a b it u d e .
T'ai m em e q u e lq u e s le t t r e s e n t iè r e s à m on a ct if.
�ROS E
OU LA F IAN C É E
DE P RO V IN C E
43
— J e n ’ir a i p a s ju s q u ’à é cr ir e so u s vo t r e
d ic t é e ...
— Bo n , b o n ! je n ’in s is t e p a s. Vo u le z- vo u s
fa ir e le b r o u illo n ch e z m o i? Ve n e z d a n s m a b i
b lio t h è q u e .
L a b ib lio t h è q u e d e M n,t D u t o u r a va it u n p e
t it a ir r é ve illé et b a d in q u i m e p lu t . T o u s ses
livr e s , d a n s les t r o is b ib lio t h è q u e s r a n gé e s
co n t r e les m u r s , so n t r e lié s en p ea u v ie u x r ose.
Ce t t e co u le u r se m a r ie t r è s b ie n a u x t e n t u r e s
ve r t cla ir , à gr a n d s r a m a ge s d ’or , et a u x d e u x
e a r t o n n ie r s « vie ille b r iq u e », d e la t a ille d ’u n
h o m m e, q u i fo n t fa ce a u x b ib lio t h è q u e s et où ,
j ’en ju r e r a is , M "10 D u t o u r d o it e n fe r m e r ses
fa m e u x d o cu m e n t s s u r le s je u n e s ge n s et le s
je u n e s fille s à m a r ie r ...
L a p iè ce est in t im e , co q u e t t e , fé m in in e .
M me D u t o u r n ’y co n d u it p a s d ’o r d in a ir e ses
je u n e s
« clie n t e s », n i
m êm e ses
je u n e s
« clie n t s », à ca u s e d e q u e lq u e s g r a vu r e s d e
Bo u ch e r q u i p e n d e n t d e la co r n ich e , p a r de
gr a n d s co r d e le t s r oses, ju s q u ’à b o n n e h a u t e u r
d es y e u x . M a is je n ’é t a is p a s u n sim p le clie n t ,
j ’e t a is le d o ye n d es r é ca lcit r a n t s , u n a m i.
J e m ’in s t a lla i, t o u t r a g a illa r d i, d e va n t u n
m ign o n b u r e a u L o u is X V , et j ’é cr ivis , p r e sq u e
s a n s r a t u r e , ce t t e le t t r e , q u e je lu s e n s u it e à
M mc D u t o u r :
�RO S E
OU LA. F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
M adame,
M o n a m ie e t b o n n e c o n s e illè r e , M me D u t o u f,
p e n s e q u e c ’e s t à m o i q u e r e v ie n t l ’h o n n e u r d e ré»
p o m lr e à vo t r e le t t r e . E t je s e r a is fo r t e m b a r r a s s é
s i le p la i s i r q u e j ’a i à le fa ir e n e d é p a s s a it la d if
fic u lt é e t la d é lic a t e s s e d e l ’e n t r e p r is e .
I l e s t d o n c a r r iv é q u ’a y a n t m is M me D u t o u r a u
c o u r a n t <lu d é s ir q u e j ’a v a is d e m e m a r ie r , c e t t e
e x c e lle n t e d a m e , a p r è s q u e lq u e s p a r t is q u i m e
p a r u r e n t p e u c o n ve n a b le s , m e p a r la d e M a d e m o i
s e lle vo t r e fille . C e fu t co m m e s i t o u t a v a it é t é
h a b ile m e n t m a c h in é . J ’a c c u e illis p a r d e s in c è r e s
m a n ife s t a t io n s d e jo ie le s d é t a ils q u ’o n m e d o n n a
s u r vo u s - m ê m e , M a d a m e , s u r M . P r u d e n t e t s u r
M lle R o s e . T o u s m e s d é s ir s se t r o u v a ie n t c o m b lé s ,
t o u t e s m e s p r é fé r e n c e s r é a lis é e s . Vo u s d e v in e z
d a n s q u e lle a n x ié t é je fu s p lo n g é lo r s q u ’il m e
fa llu t a t t e n d r e v o t r e d é c is io n . V o u s p e n s e z q u e lle
é m o t io n je v ie n s d ’a v o ir à é c o u t e r la le c t u r e d e
v o t r e c h a r m a n t e , d é lic a t e e t b ie n v e illa n t e le t t r e .
L a p e u r m e s u g g é r a i t m ille c a t a s t r o p h e s p r o
c h a in e s . J e m ê la i la c o m è t e à m e s m a lh e u r s à
v e n ir . J ’a lla i j u s q u ’à p r é v o ir la n é c e s s it é d ’u n
co n t r e - c o u p m o r a l, e n E u r o p e , d u t r e m b le m e n t d e
t e r r e d e la G u a d e lo u p e , la v ie ille E u r o p e n e p o u
v a n t p a s ê t r e a t t a q u é e 'c o m m e u n e t e r r e e n co r e
d a n s la je u n e s s e d e la c u lt u r e . E t ce co n t r e - c o u p
m o r a l, b ie n e n t e n d u , m ’a t t e i g n a i t d a n s m e s a ffe c
t io n s
n a is s a n t e s . L ’é g o ïs m e
p résom p tu eu x de
l ’h o m m e va j u s q u ’à le fa ir e p a r t ic ip e r p e r s o n n e l
le m e n t à t o u s le s m a lh e u r s u n p e u im p o r t a n t s q u i
é c la t e n t .
i
J ’e n r a b a t t is — a ve c e n t h o u s ia s m e — t o u t à
l ’h e u r e , à l ’a i r iv é e d e vo t r e le t t r e . L a co m è t e e t la
G u a d e lo u p e d is p a r u r e n t d e m o n h o r izo n . L ’a u
r o r e d ’a u jo u r d ’h u i a v a it le s d o ig t s d e M "* R o s e .
�ROS E OU
LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
45
L a p e in t u r e q u ’o n i n ’a fa it e d e M a d e m o is e lle
vo t r e fille e t d e v o u s - m ê m e , M a d a m e , m e d o n n e à
c r o ir e q u e P a r is , s i n o s p r o je t s s e p o u r s u iv e n t a ve c
s u c c è s , c o n t ie n d r a b ie n t ô t d e u x P a r is ie n n e s d e
p lu s . C a r u n e fille m a r ié e à P a r is 'cr ée d e n o u
v e a u x d e v o ir s a u x s ie n s . L e s T u ile r ie s v e r r o n t
s o u v e n t la m è r e e t la fille , e t M . H u g o a u r a , p o u r
s e s fu t u r e s p iè c e s , d e u x b e lle s e n t h o u s ia s t e s d e
p lu s .
J e vie n s a u jo u r d ’h u i v o u s p r ie r d ’a g r é e r offi
c ie u s e m e n t m a d e m a n d e . L o r s q u e M 11“ R o s e e t
m o i a u r o n s , p r è s d e v o u s , é c h a n g é q u e lq u e s d o u x
p r o p o s , m o n ,p è r c , M . P r o s p e r S o u b e y r o n , fe r a
u n e d é m a r c h é o ffic ie lle . M e s p a r e n t s s a v e n t d é jà
e t a p p r o u v e n t m o n p r o je t .
Q u a n d p u is - je m e r e n d r e à B o u r g e s ? . ..
— Ce n ’est p a s m a l, d it M “ “ D u t o u r . Vo u s
n ’êt es p a s t r o p m a la d r o it . J e m ’en d o u t a is .
L ’a llu s io n à la se co n d e r e p r é s e n t a t io n d ’ H e r n a n i e s t e xce lle n t e . J e n ’a i p a s b ie n co m p r is
vo t r e s ys t è m e d e co m p e n s a t io n s , E u r o p e et
Gu ad elou p e...
— M oi n on p lu s .
— Ça n e fa it r ie n . Vo u s t â ch e r e z d e le u r
e x p liq u e r la ch o s e là -b a s, d e viv e v o ix . Q u a n t
à l ’a u r o r e a u x d o igt s d e M "6 R o s e , c ’es t u n je u
d e m o t s fo r t in n o ce n t q u i p la ir a à la p e t it e . Sa
lu e z p o lim e n t , et je m e ch a r g e d e l ’a d r esse.
�r o s e
OU LA F IANCÉE DE P ROV IN C E
III
24 m ar s 1843.
« Aim e -t - il P a r is , a u m oin s, ce P a r is ie n ? »
Ce la co n iq u e et fu t é p o st -s cr ip t u m 11e cesse
d e m e h a n t e r . S ’il a lla it d e ve n ir la p ie r r e
d ’a ch o p p e m e n t d e m on p r o je t ! Si M mo P r u d e n t
a lla it n ie fa ir e u n cr im e d ’ign o r e r P a r is ! Ca r , je
p u is b ien l ’a vo u e r , je co n n a is t r è s p eu P a r is , ou
p lu t ô t t r è s m a l, co m m e t ou s le s P a r is ie n s .
J ’a i a ch e t é , a va n t -h ie r , u n g u id e , et je t r a
va ille m on P a r is a ve c a u t a n t d e zè le q u e si
j ’a lla is p a sser q u e lq u e d o ct o r a t ès ca p it a le .
N ’est -ce p a s, d ’a ille u r s , le p lu s t e r r ib le d es
e xa m e n s q u e ce lu i q u ’on p a sse d e va n t la m èr e
d e ce lle q u ’011 d ésir e p o u r fe m m e ? O n o u b lie ,
en g é n é r a l, d e s ’y p r é p a r e r . Au s s i, b e a u co u p
d e ca n d id a t s se fo n t - ils r e fu s e r p a r la fa u t e
d ’u n e in su ffisa n t e é t u d e .
Q u a n t à m oi, je n e ve u x p a s r est er co u r t , e t
je sa is d é jà : le s h a u t e u r s co m p a r é e s d e N o t r e D a m e , d e la Co lo n n e Ve n d ô m e et d e l ’A r c d e
T r io m p h e ; l ’h is t o ir e d es s a lle s d e t h é â t r e , et le
p r én om d es co m é d ie n n e s r en o m m é es. C ’est la
b a se su r q u o i je va is b â t ir m es o p in io n s n o u ve lle s .
�ROS E OU LA F IANCÉE DE P ROVIN CE
47
A p r o p o s d e la M i- Ca r ê m e , q u e n o u s ve n o n s
d e t r a ve r s e r , je m e s u is je t é d a n s la st a t is t iq u e .
J ’ai a p p r is q u e le p r e m ie r b a l M u s a r d r em on t e
^ i 8 37 ; je le cr o ya is p lu s a n cie n , ca r il m e
se m b le d é jà fa t ig u é . O u t r e ce lu i- là — q u i est
le m ie u x s u ivi, d is e n t ce u x q u i le s u ive n t , —
il y a q u a t r e ce n t s b a ls d ive r s d a n s P a r is , les
d im a n ch e s et so ir s d e fêt e. J e n ’a i gu è r e fr é
q u e n t é q u ’u n e ou d e u x fo is ce lu i d e l ’O d é o n ,
t h é â t r e d o n t 011 p e u t d ir e « q u ’on s ’y a m u s e
s u r t o u t le s jo u r s où l ’on n ’y jo u e p a s ». C e
p e n d a n t , l ’a n d e r n ie r , R ich a r d m ’a va it e n t r a în é
a u B o s q u e t J e C y l h b r e , p u is à V E r m i t a g e d e
P a p h o s . J e n ’a im e p a s la gr o ss e jo ie q u ’a cco m
p a gn e la gr o s s e ca iss e . Vo ir le s « lio n s » co u
d o ye r le s ch iffo n n ie r s n e m ’in s p ir e a u cu n e id é e
d e b e lle fr a t e r n it é . J ’a i d e la h o n t e p o u r le s
ch iffo n n ie r s . P o u r q u o i le p la is ir p r e n d - il si vo
lo n t ie r s u n vis a ge h id e u x ?
A lle z vo ir la D e s c e n t e d e la C o u r l i l l e . Q u e lle
fa n g e ! q u e lle s t r o gn e s vin e u s e s ! q u e lle s lo q u e s
d e g u e u x à p e in e d ign e s d e C a llo t !... q u e ls cr is
d is co r d a n t s ! La fo u le h u r le , a b o ie , b ê le , m ia u le ,
b r a it , p a s si é lo ign é e q u ’e lle cr o it d e la s o t t is e
a n im a le et d e la b e s t ia lit é .
♦
* *
J e r e cu e ille a ve c soin le s p o t in s p a r is ie n s J e
s u is a n xie u s e m e n t le s p é r ip é t ie s d e s p r o cè s
H u go.
�48
R O S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
M . Vic t o r H u g o est h a b ile à o ccu p e r le pü *
b lic d e ses p iè ce s a va n t leu r r e p r é s e n t a t io n . U n e
d e ses in t e r p r è t e s , M lI° M a xim e (u n e m a xim e
d é p o u r vu e de sa ge ss e ), d é s o lé e d e n e se p o u vo ir
m o n t r er d a n s les B u r g r a v e s , vie n t d e t r a în e r so n
p o è t e et son d ir e ct e u r à la b a r r e d e ju s t ice . E lle
a p er d u co n t r e le T h é â t r e - F r a n ça is , m a is le
p r o cè s M a xim e - Vict o r H u g o r e st e p e n d a n t .
Au t r e p r ocès, n on m o in s sp é cia l : u n h o m m e
d e le t t r e s , M . C h ..., co n t r e le m êm e T h é â t r e F r a n ça is q u i, il fa u t le d ir e , a b ie n b esoin d e
r é cla m e en ce m om en t , ca r il est fo r t d é la is s é
d es cu r ie u x . L e jo u r d e la p r em iè r e r e p r é s e n
t a t io n d es B u r g r a v e s , u n e a fiich e a n n o n ça it q u e
« les en t r ées d e fa ve u r é t a ie n t gé n é r a le m e n t su s
p e n d u e s », m a is q u e , ce p e n d a n t , « les b u r e a u x
n e s e r a ie n t p a s o u v e r t s » . M . le p r é s id e n t Per»
r o t s ’est d é cla r é in co m p é t e n t , m a is M . C h ...
va in t e n t e r u n e a ct io n d e va n t le T r ib u n a l
civil.
T o u t ce la n e vo u s p a r a ît -il p a s co m b in é en
vu e d e l ’h e u r e u s e co n clu s io n d e ce t a u t r e gr a n d
p r o cès : M . Vict o r H u g o co n t r e le p u b lic : les
B u r g r a v e s e u x-m ê m e s ? J ’y fu s. C ’est u n s p e c
t a cle fo r t a u s t è r e . L e s gr a n d s a le xa n d r in s b a r
d és d e fer o n t p e in e à se m o u vo ir et à é m o u
vo ir . O n n e d ir a it p a s u n é fleu r d e ch e z n o u s.
Ce d r a m e m e fa it so n ger à ce s én or m es p la n t e s
e xo t iq u e s d e va n t le s q u e lle s 011 r e st e é t o n n é e t in
se n s ib le . L ’o d eu r est t r o p fo r t e e t e m p o is o n n e
vo t r e p la ir ir . L e s B u r g r a v e s , c ’est d e la p o ésie
�RQS E OU LA F IANCÉE DE P ROVINCE
49
COUr g é a n t ; je n ’a i q u ’u n m èt r e s o ixa n t e - s ix.
L ’a u t r e gr a n d e n o u ve a u t é d u m ois e s t , je
1 a vo u e , p lu s a b o r d a b le . L e C h a r l e s
V I d es
d e u x D e la vig n e , m u siq u e d e M . H a lé vy, fa it
le s b e a u x so ir s d e l ’Aca d é m ie R o ya le . O n r e
t ie n t p lu s ie u r s a ir s ch a r m a n t s :
Ave c
la d ou ce ch a n so n n e t t e
Q u ’il a im e t a n t ,
Be r ce , b e r ce , ge n t ille O d e t t e ,
Ton
v ie il
e n fa n t !
I l fa u d r a q u e j ’a ille e n t e n d r e M m' G r is i à
l ’O p é r a it a lie n , ca r j ’a d or e la m u siq u e .
J e m e s o u vie n d r a i lo n gt e m p s d u co n ce r t q u e
M . L is zt d o n n a , il y a d e u x a n s, a u x Sa lo n s
d ’E r a r d . P e n d a n t p r ès d e d e u x h e u r e s , t o u t
se u l, il n ou s t in t sou s le ch a r m e d e son gr a n d
t a le n t d e m u s icie n et d ’e xé cu t a n t . Ce lu i q u i
n ’a p a s e n t e n d u l ' A v e M a r i a d e Sch u b e r t e x é
cu t é p a r L is zt n e le co n n a ît p a s.
J ’a im e ju s q u ’a u x vir t u o se s-b a m b in s . L ’an
d e r n ie r , on n o u s en a p r é se n t é d e u x, d e d ix à
d o u ze a n s, u n p e t it R u s s e , An t o in e R u b in s t e in ,
b lo n d et r ose co m m e u n a n ge , et u n je u n e
I t a lie n , M ic h e l- An g e R u ffo , b r u n en d ia b le ,
n o u ve a u P a ga n in i. Q u i d es d e u x ir a p lu s lo in
QUe ces g é n ia le s sin ge r ie s ?
M- T a g lia fic o et M m P le ye l — ce lle -ci est en
ce m om ent à L iè g e — o n t t o u jo u r s b e a u co u p
de succès.
�R O SE o u
i .\
fia n c é e
de
p r o v in c e
L a Ch a m b r e , les jo u r n a u x, le s é glis e s , les
b a n q u e s co n t in u e n t à s ’o ccu p e r gé n é r e u s e m e n t
«les sin ist r é s d e la P o in t e - à -P it r e . O n n e p e u t
p a s m on t er d a n s u n e « fa vo r it e » sa n s lir e u n e
p e t it e a ffich e q u i vo u s r a p p e lle à la r é a lit é :
F r è r e , il fa u t sou scr ir e !
L a R e in e a ch a r gé q u a t o r ze d a m es, en t ê t e
d e sq u e lle s les p r in ce s se s et M mo la co m t esse d e
M o n t a live t , d e co n fe ct io n n e r d es o u vr a g e s d e
t a p is se r ie et d e b r od er ie q u i se r o n t ve n d u s a u I
p r o fit d es h a b it a n t s d e la G u a d e lo u p e . L ’e xp o s it io n a u r a lie u d a n s le s g a le r ie s d u p r em ie r
é t a ge , a u P a la is - R o ya l. D e s je u n e s d e m o ise lle s ,
q u e la r ein e a d é jà d é sign é e s , t ie n d r o n t le s ,
co m p t o ir s . T o u t e la so cié t é n e m a n q u er a p a s
d e d éfiler d e va n t le s d é lé gu é e s d e n ot r e b o n n e
s o u ve r a in e . Co m m e d a t e d e la ve n t e , on p a r le
d u 18 a vr il. J e n e se r a i ce r t a in e m e n t p lu s à
P a r is .
J ’ai r e n co n t r é le roi h ie r , ve r s cin q h e u r e s , i
11 r e ve n a it d e Sa in t - Clo u d , p r o b a b le m e n t ,
a cco m p a gn é d ’u n officier d ’o r d o n n a n ce, et r en
t r a it a u P a la is d es T u ile r ie s .
O n r est a u r e la fa ça d e d u m in is t è r e d e la
M a r in e. On p a r le d e m u n ir le s n ich e s vid e s d e
s t a t u e s d ’a m ir a u x.
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE F RO V IN C E
51
L ’a b b é L e co u r t ie r , h ie r , à l ’é glis e Sa in t -Sé ve r in , a d é p lo yé t a n t d ’é lo q u e n ce p e r su a sive
d a n s son se r m o n p o u r le s p a u vr e s q u ’on a
t r o u vé , d a n s les b o u r s es d es q u ê t e u s e s , q u a n t it é
d e b a gu e s et d e b r a ce le t s . L a file d es vo it u r e s
s ’é t e n d a it ju s q u ’a u q u a i d e s G r a n d s - Au gu s t in s .
L a ch a r it é est à la m od e.
J e s u is a llé r e n d r e , ce m a t in , u n e p e t it e v i
site a u m o n u m e n t d e M o liè r e , r u e d e R ich e lie u .
I l n ’a va n ce g u è r e . C ’é t a it a u jo u r d ’h u i le cin
q u ièm e a n n ive r s a ir e d e l ’e n vo i d e m a s o u s cr ip
t io n . I l p a r a ît q u e l ’a r ch it e ct e est p r ê t et q u e
le retard vie n t d ’un des s cu lp t e u r s . O n n e m e
l ’a pas n o m m é. L e m u r d e l ’a n cie n n e fo n t a in e
m asque t o u jo u r s le m o n u m e n t n o u ve a u , et u n
r u issea u p eu c la ir co u le t o u t a u t o u r . D e p u is
c'n q a n n é e s, n o u s a t t e n d o n s le le ve r d u r id ea u .
J ’avais en vie de siffler !
A la r é fle xio n , je m e su is co n s o lé : le L o u vr e
n ’est p a s a ch e vé .
*
* *
J ’ai a ch e t é , ce m a t in é ga le m e n t , le s d e u x
P r em ier s n u m é r o s d ’u n n o u ve a u jo u r n a l, d on t
^’a b o n n e m e n t co n s t it u e r a m on p r e m ie r ca d e a u
^ m a fe m m e . I l s ’a p p e lle l ’i l l u s l r a t i o n et
�R O S « OU LA F IAN CÉ S DR P RO V IN C E
a p p liq u e in gé n ie u s e m e n t la « co m b in a iso n t y
p o gr a p h iq u e d u t e xt e et d e la g r a vu r e su r
b o is » , q u i a va it ét é ju s q u ’à ce jo u r e m p lo yé e !
p o u r le s livr e s se u lem en t . Ch a q u e s e m a in e , on
p o u r r a a in si a vo ir son livr e d ’im a ge s in é d it .
C ’est la gr a n d e n o u ve a u t é d e la sa ison
L e s m u r s se co u vr e n t , p o u r l ’a n n o n ce r ,
d ’a llé ch a n t e s a ffich es. Ce jo u r n a l a u n jo li b u t
à a t t e in d r e , p u is q u ’il ve u t in s t r u ir e e t ch a r - j
m er . N ’est-ce p a s, d ’a ille u r s , t o u t le p r o gr a m m e
d e la lit t é r a t u r e ? L e s d e u x in t e n t io n s m e p a - 1
r a issen t in s é p a r a b le s. L e s a u t e u r s q u i ve u le n t
in s t r u ir e sa n s p la ir e n e son t p a s lu s en le u r !
t em p s, et ce u x q u i ve u le n t ch a r m e r sa n s in s
t r u ir e n e se s u r vive n t p a s. L e t a le n t co n s ist e
à d oser d e t o u t e s sor tes d e fa ço n s la g r a vit é et
l ’a m u s e m e n t .
Au s s i il est t em p s, p o u r m a p a r t , q u e j ’a r r ê t e
ce t t e n o m e n cla t u r e d es fa it s co n t e m p o r a in s et
d e m es sè ch es o b se r va t io n s p e r so n n e lle s, ca r je
r is q u e r a is d e fa ir e vila in e figu r e a u p r è s d e m on
p r em ie r le ct e u r , t ou t p o st h u m e q u ’il soit .
J ’ai d o n n é , a u x b u r e a u x d e l ’I l l u s t r a t i o n ,
l ’a d r esse de M mc P r u d e n t , à q u i on e n ve r r a les
n u m ér os d ’a vr il et d e m a i.
J e s u is a llé vis it e r q u a t o r ze é glis e s . J e s a is
m es s t yle s . D e m à in , j ’ir a i a u L o u vr e vo ir le
Sa lo n .
�ROS E OU LA F IANCÉS Dtt P ROVIN CE
53
I V
28 m a r s .
J ’a i r e çu , d ir e ct e m e n t , u n e le t t r e fo r t o b li
ge a n t e d e M rao P r u d e n t .
J e p a r s d a n s t r o is jo u r s .
J e va is m e livr e r , so u s la d ir e ct io n d e
M m° D u t o u r , à d ive r s a ch a t s d ’o b je t s d e s t in é s
à M “° R o s e . J ’ai cr u d e vo ir , ce t a p r è s-m id i, p or
t e r , so u s t o u t e s r é s e r ve s , à m on a m i R ich a r d ,
la n o u ve lle d e m es p r o ch a in e s fia n ça ille s . L ’en
t r e vu e 11’a p a s é t é a u ssi d r ô le q u e je l ’a u r a is
cr u . J ’a i d û m ’y p r e n d r e m a la d r o it e m e n t .
I l a ch e va it d e d é je u n e r . C ’est p o u r lu i u n e
cé r é m o n ie fo r t im p o r t a n t e . I l 11e la isse ja m a is
l ’im p r é vu e m p ié t e r su r les m in u t e s q u ’il co n
s a cr e à son ch e r e s t o m a c. J e d u s d on c p a r le
m e n t e r lo n gu e m e n t a va n t d ’ê t r e in t r o d u it .
R ich a r d m e r e çu t fr o id e m e n t , en h o m m e p r é
o ccu p é .
—
J e 11e fa is q u e p a ss er , m on ch e r a m i. E x
cu se -m o i d e t r o u b le r ton d e s s e r t ... Co m m e je
q u it t e P a r is p o u r q u e lq u e t em p s, j ’a i t en u à
te ve n ir se r r er la m a in .
�RO S E
o u
l a
F IANCÉE DE P ROV IN C E
_ T u es b ie n ge n t il. As sie d s-t o i d on c.
J e le cr u s r e ve n u à d e m e ille u r s s e n t im e n t s .
J e p o u va is m e r isq u er à p la is a n t e r :
— J e va is b ien t ’ét o n n e r .
— Ça m ’ét on n e d é jà .
— J e vie n s p r esq u e t ’in vit e r à m a n o ce. M o n
m a r ia ge va se fa ir e a ssez r a p id e m e n t , d e t e lle
so r t e q u e t u va s êt r e o b ligé d e m e s e r vir d e
ga r ço n d ’h o n n e u r .
Il
n ’a va it p o in t so u r cillé . So n ca fé le p a ssio n
n a it se u l. D e va n t son sile n ce , j ’a jo u t a i :
— Q u ’est-ce q u e t u d is d e ce la ?
— J e le sa va is, m on ch e r . T u n e m ’a s r ien
a p p r is.
— P a r e xe m p le ! m ’é cr ia i- je ; e lle e s t fo r t e !
Q u a n d je fu s d a n s l ’e s ca lie r , je so n ge a i,
t r op t a r d :
« I l vie n t en cor e d e m e r o u le r . I l n e s a va it
r ie n , m a is il a jo u é la co m é d ie ... J e n e le d é p a s
ser a i ja m a is ! »
*
* *
P a r is, 30 m ar s 1843.
J e p a r s d em a in . J e n ’a i p lu s le t e m p s d e r é
fléch ir , ni m êm e d ’é cr ir e .
M a fa m ille est d a n s la jo ie .
De vo ir 'e s ca d e a u x q u e j ’e m p o r t e à M lle P r u
d en t , m es soeurs lu r e n t p r is e s d ’u n e vr a ie d a n se
Sa in t - G u y.
�R O S E OU I,A F IAN C É E DE P RO V IN C E
55
V
Bt a m p cs, 31 m ar s.
T a n t p is , je n e
va is p a s a lle r p lu s lo in . J e
co n t in u e r a i m on vo ya g e d e m a in .
Ce so ir , je d în e r a i et co u ch e r a i à l ' H ô t e l d e s
T r o i s - R o i s , r u e Sa in t -J a cq u e s , à E t a m p e s .
J ’a i b e s o in d e ch a n ge r d e co m p a gn o n s d e
ïo u t e .
Co m m e j ’a cco m p lis m on p lu s lo n g vo ya ge ,
je t ie n s à le s a vo u r e r . J e d e va is a lle r co u ch e r
à O r lé a n s , p o u r , le le n d e m a in , vis it e r la ville .
T a n t p is p o u r O r lé a n s ! J e n ’en p u is p lu s ... J e
Oie su is d ’a ille u r s d o cu m e n t é su r les p a ys q u e
le va is p a r co u r ir , e t je sa is q u e c ’est à J ea n n e
d ’A r c et à son vin a igr e q u ’O r lé a n s d o it sa r é
p u t a t io n .
D a n s la co u r d es M e s s a ge r ie s , le b o u r d o n n e
m en t d es vo ya g e u r s , le h e n n is s e m e n t et le p ia f
fem en t d es c h e v a u x , les ju r o n s d es va le t s
d ’é cu r ie et d es co n d u ct e u r s , t o u t e ce t t e vie a r
d en t e m e gr is e , m e t r o u b le . J e s u is p lu s effa r é
Que les p o u le s q u i g r a t t e n t le p a vé sou s le
Ven tr e d es vo it u r e s . J e d é s ir a is m e p e r d r e d a n s
�56
ROS E OU I- A FIANCÉE DE P ROVINCE
la fo u le , et vo ilà q u e la so lit u d e m e p èse. J e
ch e r ch e m a ch in a le m e n t q u e lq u e figu r e d e co n
n a is s a n ce . J e n ’ai p a s vo u lu q u e m on p è r e
m ’a cco m p a gn â t , et R ich a r d s ’est e xcu s é : il a
son r h u m e d u p r in t e m p s. C ’est la p r o vin ce q u i
s ’a git e a u t o u r d e m oi, et je n e co n n a is p er so n n e
en p r o vin ce .
C ’est u n d é p a r t r a t é.
E n co m p e n s a t io n , com m e je s u is a r r ivé b ie n
en a va n ce , je p u is ch o isir u n b on co in d a n s la
vo ilu r e d ’O r lé a n s . N o u s d e vo n s p a r t ir à s e p t
h e u r e s. I l b r o u illa s s e .
D e s d a m es et u n vie illa r d , t o u s t r è s e n ve lo p
p és d e m a n t e a u x, d e ch â le s , d e co u ve r t u r e s ,
m o n t e n t d a n s le co u p é . Su r l ’im p é r ia le s ’a g it e
u n cit o ye n p le in d ’a r d eu r , q u i in t e r p e lle le s co
ch e r s et jo n gle a ve c u n cor d e ch a sse.
D a n s l ’in t é r ie u r , n o u s som m es sep t au. d é p a r t .
N o u s n ’a vo n s p a s en cor e d ép a ssé le s b a r
r iè r e s q u e m es d e u x vo is in s d e fa ce e t d e g a u
ch e , d ’h a b it s villa ge o is , s ’en d o r m en t .
M e s q u a t r e a u t r e s co m p a gn o n s , é ve illé s ,
ce r t e s, fo n t d u b r u it co m m e d ix , so u s p r é t e xt e
q u e « la d ilige n ce se m e u r t , M e s s ie u r s » , e t
q u ’il fa u t « é ga ye r ses d e r n ie r s vo ya g e s ».
C ’é t a ie n t le s va r ié t é s cla s s iq u e s d e la fa u n e
d es M e ss a ge r ie s : l ’é t u d ia n t , le r a p in , le co m
m is vo ya ge u r et le ge n t ilh o m m e ca m p a gn a r d ;
t o u t e l ’a ct ivit é fr a n ça is e : la p o lit iq u e , le s
b e a u x-a r t s , le co m m e r ce et la p a r o le . Au fo n d
t d e la vo it u r e , m es d e u x vo is in s e t m oi r ep r é-
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E
DE
P RO V IN C E
57
se n t io n s le ge n r e p a s s if : le b o n je u n e h om m e
et le b r a ve p a ys a n .
— M on p è r e est m or t en m e la is s a n t d es
b ien s co n s id é r a b le s , cr ie le ge n t ilh o m m e ca m
p a gn a r d . E t , com m e j ’ai b o n a p p é t it , je les
m a n ge . J e le s m a n ge à P a r is a ve c le s P a r i
sien n e s, q u i son t d ’h u m e u r fo lâ t r e , n ’est -ce p a s,
M o n s ie u r ? ...
I l se t o u r n e ve r s m o i, et je p en se m o u r ir de
h o n t e . Ce la d o it se vo ir su r m on vis a ge q u e je
Vais en p r o vin ce p o u r m e m a r ie r . L e r a p in ,
l ’é t u d ia n t et le co m m is vo ya g e u r é cla t e n t de
r ir e.
— P a r b le u , M o n sie u r , n e vo u s t r o u b le z p a s.
Ce n ’est p a s 1111 cr im e , et ce gr o s fe r m ie r lu im êm e, q u i vie n t d e ve ille r t r o is n u it s , va d o r
m ir t o u t le jo u r p o u r se r ep o ser d es p la is ir s d e
la ca p it a le .
M a is le p a ys a n 11e se t r o u b le p a s et r on fle.
L e co r d e ch a ss e , d e h o r s , lu i r ép o n d .
L e r a p in et ses a m is e n t o n n e n t u n e ch a n son :
C ’e s t u n r e n a r d , c ’e s t u n m a t o is ,
C ’e s t b ie n le p lu s r u s é d e s b o is ...
A lo is ir , je co n t e m p le m on vo isin d e fa ce . Il
a les b r a s cr o is é s su r sa b lo u s e b le u e q u i, le
d e r n ie r b o u t o n é t a n t s o r t i d e sa b o u t o n n iè r e ,
s ’é ch a n cr e e t la isse vo ir u n ve s t o n g r is m al
aju s t é , q u i p e r m e t d e p lo n ge r ju s q u ’a u gile t
v'e r d â t r e et à la cr a va t e b le u e r a yé e d e soie r ose
�58
ROS E OU LA F IANCER DE P ROVINCE
et d e soie b la n ch e . J ’ai l ’im p r ession q u e s ’il r e
m u e u n p eu , sa cr a va t e se d én o u er a e t q u e je
p o u r r a i vo ir à n u son â m e n a ïve et s a t is fa it e ...
U n ch a p e a u d e fe u t r e b e ige ép o u se é t r o it e m e n t
son cr â n e q u i d o it êt r e fo r t ch a u ve . L a co u
p er ose d e son vis a ge gr a s est r a sée a ve c
soin .
I l som m eille a ve c b é a t it u d e . I l n e r o n fle p lu s.
L a b o u ch e est clos e h e r m é t iq u e m e n t ; on n e
vo it p a s le m oin d r e d eàsin d e lè vr e s . L e n e z
s ’éla n ce d r oit , p u is s ’a r r o n d it b o n a s s e m e n t . L e s ;
so u r cils d ’o cr e son t p eu a p p a r e n t s, et a u t a n t
d ir e q u ’il n ’a p a s d e cils .
L e fr o n t est r ose co m m e le m u sea u d es p e
t it s p o r cs. L e r o u ge s ’a cce n t u e a u gr a s d es
jo u e s , a u b o u t ca r r é et r u g u e u x d u m e n t o n .
L e s y e u x , q u e j ’ai a p e r çu s u n in s t a n t et q u e
je n e r ever r a i p e u t -ê t r e ja m a is p lu s , so n t d ’u n
b leu cla ir d e p o r ce la in e . D e p u is q u e le s p a u
p ièr es se son t fer m ées en se d é p lis s a n t , e lle s
p r ése n t en t d e u x p e t it e s b o u r s o u flu r e s gr a s s e s
et a p p é t is s a n t e s com m e d e la ch a r cu t e r ie le jo u r
de P â q u es.
I n u t ile d ’a jo u t e r q u ’il a t r o is m en t o n s.
C ’est a ve c lu i q u e je vo u d r a is ca u s e r . L e s
a u t r e s m e fa t igu e n t et m e r e p o u s se n t . L u i
m ’a t t ir e . Lo r s q u e vo u s t r a ve r s e z u n m u sée,
n ’a ve z-vo u s ja m a is r essen t i d e la gê n e et d e
l ’en n u i en s o n ge a n t q u e ce s p e r s o n n a ge s , d o n t
la vie in t e n se ou la p o ésie p u iss a n t e vo u s e n
ch a n t e , n e p a r le r o n t ja m a is ? L a m êm e co n t r a -
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
59
t fé t é m e h a n t e en fa ce d e m on co m p a gn o n e n
d o r m i.
J ’ai e n vie d e le r é ve ille r !
M a is je s u is t ir é d e m a co n t e m p la t io n p a r le
p e in t r e et ¡’é t u d ia n t , q u i m e p r e n n e n t com m e
a r b it r e d a n s la d is cu ss io n q u i vie n t d e s u r gir :
— C ’est u n h om m e d e g é n ie !
— C ’est u n fa r ce u r !
— C ’est n o t r e p r em ie r p e in t r e !
— C ’e s t le d e r n ie r !
— Il est l ’a ve n ir !
— C ’est d u p r o p r e !
— E n fin , vo u s , M o n s ie u r , d it e s q u e lq u e
ch o se . Q u e l est vo t r e a vis ?
— D e q u i p a r le z-vo u s ?
— D ’E u g è n e D e la cr o ix.
— I l m ’e ffr a ye u n p e u , m a is j ’a vo u e q u 'il
m e d o m p t e.
L e p e in t r e , fu r ie u x :
■
— L ’o p in io n d e M o n sie u r 11e co m p t e p a s.
^ 1 . D e la cr o ix , c ’est m oi q u i vo u s le d is , et je
*n’y co n n a is , je s u is d u m é t ie r , M . D e la cr o ix
e s t u n m a lfa it e u r . La co u le u r et le d essin lu i
m a n q u e n t à la fo is : c ’ e s t b e a u co u p , il m e
se m b le !
—
I l
lu i
le s t e
la
p o é s iê .
— Vo u s d it e s ? La p o é s ie ! M a is , M e ss ie u r s ,
Uri p o è t e a d e s r è gle s à s u ivr e .
■
— H u g o le s a b r isé e s .
•— J e n e co n n a is p a s, je n e ve u x p a s co n
n a ît r e le s p r o cé d é s d e M . H u g o ... La is s o n s la
�6o
ROS E OU LA F IANCÉE DE P ROVINCE
q u est io n su r son t e r r a in . J e d is e t m a in t ie n s
q u e M . D e la cr o ix n e sa it p a s p e in d r e . Vo u s
a ve z vu ses N a u f r a g é s ? Q u e lle m er ! Q u e l cie l 1
E s t - ce q u e cela r essem b le à u n cie l co n n u ,
à u n e m er p o ss ib le ? E t ces figu r e s b a r b o u illé e s !
Ce vio le t n ’e xis t e p a s.
— P a r d o n , il e xis t e d e p u is q u e je l ’a i vu d a n s
ce t a b lea u q u i m ’a p r ocu r é la p lu s p o ign a n t e
ém otion .
M a r é p liq u e n ’o b t ie n t q u ’u n d é d a ign e u x
h a u ssem en t d ’é p a u le .
— P a r le z-m o i d e M . Ve r b œ clio ve n ! E n vo ilà
u n q u i n e n é glige r ie n , n i la fo r m e, n i la co u
le u r , n i l ’e xp r e ss io n , n i les d é t a ils, n i l ’en sem b le.
I l fa lla it s ’a r r êt er lo n gu e m e n t , a u Sa lo n , d e va n t
ses M o u t o n s e f f r a y é s p a r l ’o r a g e . Ch a cu n e d es
t êt es e xp r im e la t e r r e u r , et l ’on r e t r o u ve , d a n s
le t o u r b illo n la in e u x, la co n fu s io n et l ’a git a t io n
d ’u n p a r e il d éso r d r e. D a n s les p r e m ie r s p la n s,
il y a d es d é t a ils ch a r m a n t s, a d o r a b les : le s
fe u ille s , ch a r gé e s d e go u t t e s d e p lu ie , t r e m b le n t
so u s ces lou r d e s p e r le s liq u id e s ; d e v ie u x fr a g
m en t s d e t er r e cu it e gis e n t à d em i b r is é s ...
— J e b â ille , r ien q u e d ’y so n ger .
— Vo u s n e sa ve z d e q u i vo u s p a r le z.
— P a r d o n ! Vo t r e m o n sieu r p e in t , n on
d ’a p r è s n a t u r e n i d ’a p r è s son cœ u r , m a is
d ’a p r è s les m a ît r e s. C ’est u n s im p le é ch o d u
p a ssé : il n e m ’in t ér esse p a s.
— L 'a u r o r c ch a s s a n t la n u i t , d e M . B o n n e g r â c e , e s t u n c h e f - d ’œ u v r e où le b o n go ft t n e
�ROS E Otr LA F IANCÉE DE P RO V IN C E
J e cè d e q u ’à l ’o r ig in a lit é . Q u a n t à la
C o n s t a n t i n o p l e , d e vo t r e D e la cr o ix ,
liu e d e l ’im p u d e n ce !
— O h ! e n co r e ?
— T o u jo u r s !
V iv e D e la cr o ix !
—» V iv e Ca la m is t o l !
— Q u ’e s t -ce q u e c ’est e n co r e q u e
— C ’est m oi, M o n s ie u r 1 Ca la m is t o l
lo u s e .
— T o u lo u s e d o it êt r e fièr e.
—
E lle
le
6l
Pr ise d e
ce
n ’est
ce lu i-là ?
de T o u
se ra .
— I l est fâ ch e u x q u e D e la c r o ix ...
— D e la cr o ix est n é à Ch a r e n t o n , il y m ou r r a !
— V iv e H u g o !
— V iv e P o n s a r d !
— V iv e H u g o !
— A b a s B u lo z !
Au - d e s s u s d e n o u s , le co r fa is a it r a ge . L e
fo u e t d u p o s t illo n cla q u a it . L e s c h e v a u x m a r
t e la ie n t le v ie u x p a vé d e la r o u t e . L e s vit r e s
fr é m is s a ie n t . Ch a cu n é t a it co n t r a in t d e cr ie r ses
r é p liq u e s . M o n vis - à - vis d o r m a it t o u jo u r s.
L ’é t u d ia n t , a p r è s a vo ir lo u é la p e in t u r e a va n
cée p o u r co n t r a r ie r le p e in t r e r é t r o gr a d e , sc m it
à lo u e r la lit t é r a t u r e d e p a co t ille . O n se n t a it
Que, s u r ce s u je t , il p a r la it selon son cœ u r se c
e t se lo n sa p e t it e ce r ve lle .
P u is 011 a b o r d a la p o lit iq u e . L e r oi fu t m a l
m en é, a in si q u e M. Ville m a in . O n vo u lu t sa
voir m on o p in io n . E lle n ’é t a it p a s ce lle d e ces
�62
RO S E OU
LA F IAN CÉE DE P RO V IN C E
é n e r gu m è n e s . P a r a m ou r d e la lib e r t ó , ils m ’a u
r a ie n t , je cr ois, p en d u a ve c p la is ir . L e g e n t il
h om m e ca m p a gn a r d m e p r it vio le m m e n t à
p a r t ie .
J e n ’a im e p a s m e ch a m a ille r , m êm e a ve c d es
in co n n u s. J e n ’a im e gu è r e n on p lu s la m o q u e
r ie , su r t ou t si e lle n e vo is in e p a s a ve c l ’esprit.L ’esp r it sa u ve
tou t.
M es in t e r lo cu t e u r s
ét a ie n t p a t a u d s et vu lga ir e s . I ls s ’a m u s a ie n t à
t ou r n er en r id icu le , com m e d ’in s t in ct , t o u t ce
q u e j ’a im e, et si, d ’a ve n t u r e , ils s ’o u b lia ie n t
ju s q u ’à e xa lt e r q u e lq u e ch o se, c ’ét a it t o u jo u r s
au d ét r im en t d u b on go û t .
L e p lu s s o u ve n t , ils fa is a ie n t t a n t d e b r u it
q u e je n ’a va is m êm e p a s le lo isir d ’êt r e ch o q u é
d e le u r s p a r o les : je d e va is m e co n t e n t e r d e son s
d isco r d a n t s.
L e p ir e est l ’en n em i d u b ien . P lu s n ou s a va n
cio n s, p lu s ils m ’e xa s p é r a ie n t . J ’e s s a ya i en va in
d ’im it er m on vo isin le r o n fle u r . J e d u s su b ir
u n m a r t yr e d e s ix h eu r es, les y e u x p a r fa it e
m en t o u ve r t s , vo ir e m êm e é ca r q u illé s .
P a s u n e m in u t e , je n e p u s s o n ge r à m on fu
tu r m a r ia ge. C ’est n ot r e q u o t id ie n n e s o t t is e d e
la isser a u t r u i em p ié t e r à ce p oin t su r n o t r e vie ,
q u ’il n e n ou s r est e p lu s le t em p s d e r é flé ch ir su r
les p lu s gr a ve s r é so lu t io n s q u e n o u s a yo n s à
p r en d r e. C ’est le t r io m p h e d u m o u ch e r o n .
J e n e p u s m êm e p a s co n t e m p le r à lo is ir le
p a ys a ge q u i se d é r o u la it a u t o u r d e m o i, le s
ve r t e s va llé e s d e l ’I le - d e - F r a n ce , si s o u ve n t d é-
t
�R O S E OU LA. F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
63
licie u s e s . C ’e s t à p e in e si j ’a p e r çu s, à d r o it e ,
s u r u n e co llin e , la fa m e u s e t o u r d e M o n t llié r y,
e t , à g a u ch e , n on loin d e la J u in e , le ch â t e a u
p r in cie r d e Ch a m a r a n d e .
D è s le r e la i d ’E t a m p e s , je p a r le m e n t a i a ve c
le co n d u ct e u r . Ap r è s le d é je u n e r , je m ’é clip
sa i sa n s m êm e sa lu e r la co m p a gn ie .
E n co r e t o u t a b a so u r d i d e s p r o p o s s a u gr e n u s
d e m es vo is in s d e b a n q u e t t e , je n ’a va is p a s fa it
d ix p a s s u r le p a vé in é ga l d ’E t a m p e s q u e je
m ’écr ia i :
— M a is je va is a lle r vo ir m a t a n t e Ca t h e r in e !
— Vo t r e t a n t e Ca t h e r in e ? m e d ir e z-vo u s !
P o u r q u o i 11e n o u s a vo ir p a s a ve r t i q u e vo u s
a vie z u n e t a n t e su r vo t r e ch e m in ?
— J e vo u s p r ie d e m ’e xcu s e r , m on ch e r le c
t e u r , m a is je n e p e n sa is p a s m ’a r r ê t e r à
E t a m p e s , e t si je vo u s a va is p a r lé d e ce t t e t a n t e
a ve c l ’in t e n t io n fo r m e lle d e n e p a s vo u s la m on
t r e r , vo u s n ’a u r ie z p a s m a n q u é d e m e le r e p r o
ch e r : « P o u r q u o i n o u s p a r le z-vo u s d e cet t e
t a n te q u e vo u s p r é t e n d e z a vo ir à E t a m p e s , p u is
q u e n i n o u s n i vo u s n e la ve r r o n s ? »
J e m e s o u vin s p a r b o n h e u r d e l ’a d r esse d e
p a r e n t e , q u i est m a g r a n d ’t a n t e , p ou r p a r
ler a ve c p r é cisio n , ca r e lle est la sœ u r d e feu
g r a n d ’m èr e So u b e yr o n . J e in ’cn q u is a u s si
t ôt d u ch e m in q u ’il fa lla it p r en d r e.
— P r e n e z la r u e d e la R o se , t r a ve r s e z la p la ce
S a i n t - G i l l e s , e t la t u e d es Co r d e lie r s vo u s y m èn era t o u t d r o it .
�64
ROS E
OU
LA F IAN CÉE DE P RO V IN C E
Ce la m e fit p la is ir d e p r en d r e la r u e d e la
R o se — u n a m o u r e u x n e d is cu t e p a s la q u a
lit é et l ’à -p r op os d es a llu sio n s , — e t j ’a r r iva i
t o u t ga illa r d au n ° 21 d e la r u e d e la M a n i
ve lle . I l y a va it d e u x so n n e t t e s. Ce lle d e
« M 11® C. M on est r ie r », à d r o it e , é t a it fo r m ée
d ’u n cœ u r en fil de fer q u e je t ir a i a ve c p r é
ca u t io n .
L a p o r t e s ’o u vr it su r u n lo n g co r r id o r o b s
cu r q u i a b o u t issa it à u n ja r d in p le in d e so le il.
U n e gr a n d e r ob e m in ce , u n a m p le ca r a co ,
et , t o u t en h a u t , t r è s h a u t , u n b ot fn et d e d e n
t e lle s n oir es, à b r id e s : c ’é t a it b ie n m a t a n t e .
— Vo u s vo u s êt es sa n s d ou t e t r o m p é d e so n
n e t t e , M o n sie u r . Vo u le z- vo u s m e d ir e q u i vo u s
d ésir ez vo ir ?
— Vo u s n ’êt es p a s t a n t e Ca t h e r in e ?
— Q u i d on c êt es -vou s?
— T h é o p h ile .
— A h ! p a r e xe m p le !
L e co r r id or é t a n t t r o p é t r o it p o u r co n t e n ir le
la r ge ge s t e d e son ét o n n e m en t et d e sa jo ie ,
111a t a n te n ve n t r a în a d a n s le ja r d in .
— A h ! m on p e t it T h é o p h ile ! en vo ilà u n e
s u r p r is e ! E t t o u t le m on d e va b ie n , à P a r is ?
Co m b ien ê t e s -vo u s ? T o n fr èr e a -t-il p lu s ie u r s
en fa n t s? J e m ’y p er d s. E t t o i, t u 11e te m a r ie s
d on c p a s? E t So p h ie ? E lle va la isser p a sser
son t o u r ? Q u el â ge a s-t u , m on p e t it ? ... M o i, je
n e d is p lu s le m ien . M a is je m e p o r t e à m er
ve ille . T e lle q u e t u m e vo is , je s u is en t r a in d e
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E
65
DE P RO V IN C E
b ê c h e r ... M a is o u i ! .. . ça t ’é t o n n e ? C ’est m a
sa n t é q u e je c u lt iv e ... J e fa is m on ja r d in t o u t e
s e u le , d e p u is A ju s q u ’à Z. J e b ê ch e , je sèm e,
je co u p e , je c u e ille ...
— E t vo u s m a n g e z...
— P a s t o u t ... J e p a r t a ge a ve c P u lch é r ie , u n e
vie ille d e m o is e lle d e m es a m ie s . M a is t u n e m e
d is r ie n . C ’est u n e b o n n e id é e q u e t u a s e u e là ,
m on g a r ço n , d e ve n ir m e vo ir . C 'e s t u n e b o n n e
id é e . T u m e r est es q u e lq u e s jo u r s , j ’esp èr e?
Q u a n d je p u s p la ce r u n e p h r a s e , je m is m a
t a n t e Ca t h e r in e a u co u r a n t d e m es p r o je t s .
— A h ! m on g a illa r d , tu va s te m a r ie r ... et
t u vie n s m ’in vit e r à ta n o c e ? ... C ’e s t t r è s b ie n ,
m on g a r ço n , c ’e s t t r è s b ie n . M a is j ’a i d ép a ssé
le t em p s d e co u r ir le m on d e . J e s u is com m e
les vie u x a r b r e s d e m on clo s ; si l ’on m e t r a n s
p la n t a it , j ’en m o u r r a is : et je n e t ie n s p a s à
m o u r ir e n co r e . J e r e n o n ce a u x vo ya g e s p a r p eu r
d u g r a n d ... M a is o ù d o n c a s - t u d é je u n é ?
— A u G r a n d - Co u r r ie r .
— T u e s u n m is é r a b le . T u va s d în er a ve c
m oi, au m o in s?
— C ’e s t q u e ...
— T u r lu t u t u . A u n e t a n t e q u e t u vo is t ou s
t r e n t e -cin q a n s , t u n e p e u x r e fu s e r ce t t e
co m p e n s a t io n .
— M a t a n t e , je p r en d r a i la vo it u r e d e d em a in
seu lem en t. C ’e s t a ve c le p lu s gr a n d p la is ir q u e
j e vo u s d o n n e m a so ir ée.
— A la b o n n e h eu r e ! M a is , co m m e je s u is
3 3 °- ”
1
�66
ROS E OU LA F IANCÉE DE P ROVINCE
p it o ya b le , je t ’a u t o r ise à a lle r fa ir e u n gr a n d
t o u r d a n s n ot r e p e t it e ville . J e te r e co m m a n d e
n o t r e joli lio t el d e ville , p u r R e n a is s a n ce , n o s
q u a t r e vie ille s é glis e s , d o n t u n e fu t fortifié©
e t d on t u n e a u t r e p r ése n t e u n clo ch e r p e n ch é ,
et les p r om en a d es d u P o r t . M on t e ju s q u ’à G u in e t t e : c ’est la t ou r q u i n o u s d om in e. E t p u is ,
d em a n d e la m a ison d ’An n e d e P is s e le u et c e lle
d é D ia n e d e P o it ie r s ... A s ix h e u r e s, à t a b le ...
T u sa is, un d în er d e vie ille fille ..
—
J e m ’en lè ch e d ’a va n ce le s d o ig t s ...
M ’a ya n t m is la b r id e su r le co u , m a t a n t e m e
p ou ssa à t r a ve r s' la co u r , ve r s le co r r id o r o b s
cu r et d a n s la r u e.
« E s t - ce q u e m a t a n t e h a b it e d a n s son ja r
d in ? J e n ’ai p o in t vu sa m a ison . »
A m on r e t o u r , t a n t e Ca t h e r in e m e r e çu t d a n s
sa m a is on , q u i n ’a p a s d e p o r t e su r la r u e ; il
fa u t t r a ve r s e r le ja r d in p o u r y p a r ve n ir .
T r o is m a r ch e s , et d es s e r in s d a n s u n e im
m en se ca ge vo u s a ccu e ille n t d e le u r s b a t t e
m en t s d ’a ile s et d e le u r s sifflem en t s. O n e n t r e
d a n s u n e va s t e p iè ce , h a u t e , lo n gu e et la r g e .
On d ir a it u n a p p a r t e m e n t co m p le t d on t les
clo ison s a u r a ie n t ét é e n le vé e s . Ca r c ’est la c u i
sin e, vo ye z la ch e m in é e e t ses a cce s s o ir e s
u su e ls : la t a b le r u st iq u e et le fo u r n e a u ; c ’est
a u ssi la sa lle à m a n ge r , vo ye z la t a b le r o n d e
îve c sa t oile cir é e et les ch a is e s r a n gé e s le lo n g
d u m u r ; en fin c ’e st , à n ’en p a s d o u t e r , le s a
lo n , d a n s ce t a n gle , a ve c u n e é t a gè r e t o u t e
�ROS B OU LA F IANCÉE DE P ROVIN CE
67
ga r n ie d e m e n u s o b je t s , u n ca n a p é , u n t a p is,
im it a t io n d e m ou s se, et u n e é p in e t t e o r n é e d e
p e t it s va s e s en p o r ce la in e p e in t e et d ’u n e p en
d u le .
T o u t e la vie d e jo u r d e m a t a n t e d o it t en ir
là . Ce t t e p o r t e , d e r r iè r e le ca n a p é , d o it co n
d u ir e d a n s la ch a m b r e à co u ch e r .
P o u r é vit e r les d é gâ t s q u e le s m o u ch e s o cca
sio n n e n t d ’o r d in a ir e , d e lo n gu e s gu ir la n d e s d e
p a p ie r b la n c vo n t d u ce n t r e d e la p ièce à ses
q u a t r e co in s . Ce son t d e p e t it s cu b e s é vid é s ,
q u i t ie n n e n t les u n s a u x a u t r e s p a r u n cô t é . O n
d ir a it u n e sa lle d éco r é e p o u r la N o ë l ou q u e l
q u e fê t e e n fa n t in e . Q u a t r e la r ge s fe n ê t r e s , t r ois
su r le ja r d in et la d e r n iè r e su r u n e r u e , é cla i
r en t le s m e u b le s lu is a n t s , le ca r r e la ge r o u ge et
les g u ir la n d e s d e p a p ie r . L e s se r in s cr ie n t à
t u e -t ê t e , d e u x t o u r t e r e lle s r o u co u le n t . C 'e s t
u n e g a ie d em eu r e.
M on co u ve r t est m is en fa ce d e ce lu i de m a
t a n t e . U n e p e t it e b o n n e , q u i m e r e ga r d e en
d essou s, p o r t e d e h o r s u n sea u d e fe r -b la n c et
d es ca r a fe s . Bie n t ô t , j ’e n t e n d s t ou s ser la p o m p e.
— E h b ien ! m on p e t it T h é o p h ile , E t a m p e s
te p la ît - il?
J e fis les co m p lim e n t s d ’u s a ge , p u is :
— J ’ai vu a u ssi le ch e m in d e fer .
— O u i, ça n ’est p a s le p lu s b ea u d e l ’a ffa ir e !
N o u s a vio n s , d e la ville à la T o u r , u n e jo lie
co llin e a ve c d es b o is, d es r a vin s et d es se n t ie r s .
jo u r , on a é ve n t r é la co llin e p o u r fa ir e u n
�6S
R O S fi o o
i
ch e m in
P a ris .
dan s
a u x
jE t
un
LA F IAN CÉ S DB P R O VI N CÎ
ge n s
d ’O r l é a n s
m a in te n a n t,
p ays
pressés
G u in e tte
a
d ’a l l e r
l ’a ir
à
d 'ê t r e
vo is in .
— C ’est ce r t a in e m e n t d é p lo r a b le . M a is , b ie n
t ô t , vo u s ir e z à P a r is q u a n d vo u s vo u d r e z.
— Ce la n e fer a p a s b e a u co u p d e d ép en ses.
— N o u s vie n d r o n s vo u s vo ir d e P a r is .
— O n d it c e la ... E t p u is , cr ois-m o i, m on g a r
ço n , o n se la sser a vit e d e vo ya ge r com m e d e s
p r iso n n ie r s q u i n e p e u ve n t d e sce n d r e se d é
go u r d ir q u a n d ça leu r ch a n t e
— O n va p lu s vit e .
— T a n t p is !
— L a vie est co u r t e .
— J u s t e m e n t ! M a lh e u r à ce u x q u i la galo»
p e n t : e lle d o it le u r p a r a ît r e p lu s co u r t e e n
co r e. J ’a i b ien ju r é d e n e ja m a is m on t er d a n s
le u r la id e in ve n t io n . J e t ie n d r a i m a p r om esse.
A t a b le , m on n e ve u !
J e cr o is b ie n q u e m a t a n t e a va it r e fa it ses
p a p illo t e s . U n e fo is a ssis e, e lle fu t à p eu p r ès
à m on n ive a u , et j e 'v i s m ie u x son vis a ge . E lle
n ’a p a s d û êt r e jo lie : il y a t r op d ’é n e r gie d a n s
ses y e u x , su r son fr on t b o m b é, et ses b r a s son t
tr op lo n gs . E lle n ’a u r a it ja m a is su em b r a s se r
ge n t im e n t . D u r e st e , elle n ’a p a s l ’a ir d e r e
gr e t t e r son ét a t d e vie ille fille . Ce d e va it êt r e
u n e n a t u r e e xu b é r a n t e et a u t o r it a ir e . I l co n ve
n a it q u ’e lle r est â t m a ît r esse d e ses ge s t e s , d e
ses a ct es.
Vo u s p en sez b ien q u ’e lle se ch a r ge a d e t ou s
�ROS E OU LA F IANCÉE DE P ROVINCE
'
!
6<)
les fr a is d e la co n ve r s a t io n . J e p o u r r a is r a con
ter sa vie e n t iè r e ; ce n e se r a it p o in t e n n u ye u x .
M a is c ’est m on r om a n et n on ce lu i d e m a t a n t e
Que j ’é cr is . Sa ch o n s n e p a s l ’o u b lie r ...
A s e p t h e u r e s , u n p e t it t a m b o u r in a ge su r
les vo le t s d e la r u e m e fît t r e s s a illir .
M a t a n t e se le va en so u r ia n t .
— Ca ch e - t o i là !
J e m e fis t o u t p e t it d e r r iè r e l ’é p in e t t e , le s
ye u x fixé s su r la fe n ê t r e , et t r è s in t r igu é .
M a t a n t e e m p o r t a it u n e ch a is e a ve c e lle . E lle
o u vr it la fe n ê t r e , p ou ssa les vo le t s et t e n d it la
ch a ise à la p er so n n e q u i a va it t a m b o u r in é .
— Bo n s o ir , vie ille P o u le !
— Bo n s o ir , vie ille Ca t h e !
U.ne p e t it e s ilh o u e t t e a p p a r u t , gr im p é e su r
l ’a p p u i d e la fe n ê t r e et t e n d a n t la ch a is e . M a
t a n te la p osa p a r t e r r e , d on n a la m ain à
l ’é t r a n ge vis it e u s e , q u i p ou ssa d e p e t it s cr is
d ’effr o i :
,
— P a s si vit e , p a s si vit e !... H o p e - là !
U n e fo is s u r les ca r r e a u x d e la sa lle à m a n
d er , la p e t it e vie ille q u e m a t a n t e a p p e la it P o u le
d on n a q u e lq u e s ch iq u e n a u d e s à sa r ob e , r e m it
en or d r e les b r id e s d e son b o n n e t et se d ir ige a
Vers la t a b le .
b r u s q u e m e n t , e lle t r e s s a illit , « n a r r ê t s u r
n i°n co u ve r t et s u r l ’a p p a r e il in u s it é d u s e r
vice.
"
Q u ’est ce la ?
Ce la , c ’est m on n e ve u .
�ROSE
o u
i ,a
f ia n c é e
de
p r o v in c e
T a n t e m e fit s ign e et m e p r é se n t a :
—
T h é o p h ile S o u b e yr o n ... M 'le P u lch é r ie
R a got.
J e sa lu a i. On m e fit la r é vé r e n ce , e t n ou s
n o u s a ssîm es, en r on d , p r ès d e l ’é p in e t t e .
M “° P u lch é r ie , m en u e co m m e u n e s o u r is et
r id é e com m e u n e r e in e t t e eu ja n vie r , é t a it fo r t
co n fu s e .
— Vo u s a u r ie z d û m ’a ve r t ir , m on a m ie ; je !
m e se r a is b ien ga r d é e d e fa ir e la gym n a s t iq u e j
d e va n t d e la co m p a gn ie .
— Vo u s vo u s y p r e n e z fo r t gr a cie u s e m e n t ,
fis-je.
— O h ! q u e je s u is d on c fâ ch é e 1 Vie ille
Ca t h e ! M on sieu r vo t r e n e ve u va m e p r e n d r e
p o u r u n e fo lle d ’e n t r e r a in s i p a r la fe n ê t r e .
P u is , se t o u r n a n t ve r s m oi :
— M a is ce co u lo ir et ce ja r d in son t lo n gs à
t r a ve r s e r , su r t o u t le s o ir ... E t p u is, p o u r é v i
t er à Ca t h e r in e d e s o r t ir ...
So n a ir h u m b le et son b o n so u r ir e m e d o n
n a ie n t p r e sq u e d e l ’ém o t io n .
— M a is n e t ’e x cu s e d on c p a s, vie ille P o u le ,
et jcu e -n o u s p lu t ô t q u e lq u e b el a ir a m o u r e u x
d e n o t r e t em p s.
— M oi ! jo u e r d e va n t M o n sie u r q u i vie n t
t o u t d r oit d e P a r is ! ja m a is !
Ce p e n d a n t la fer m et é d e m a t a n t e va in q u it
ses r ésista n ces. Ce d e va it êt r e u n e p e t it e vo lo n t é
d e cir e q u e m a t a n t e fa ço n n a it à sa gu is e . Ce t t e
m in u s cu le r é vo lt e s ’a ch e va d a n s u n m e n u e t q u e
�ROS E
OU
LA F IAN CÉ E
DE P RO V IN C E
71
M 11' P u lch é r ie jo u a a ve c u n se n t im e n t e x
q u is.
M a t a n t e , a ssise p r è s d e la t a b le r o n d e où
l ’on a va it d ép osé le lin ge sé ch é d e la d er n ièr e
■ lessive, é t ir a it , s u r ses g e n o u x , s e r vie t t e s et
t o r ch o n s et le s p lia it a ve c so in .
L,e ca r a ct è r e d es d e u x a m ies e s t s i o p p o sé
q u e je n ’ai p a s d e p e in e à le s im a gin e r t o u t e s
d e u x a u t em p s é lo ign é d e le u r je u n e s s e : m a
t a n t e Ca t h e r in e , b r u ya n t e et t ê t u e , m e n a n t la
m a ison d e ses p a r e n t s t a m b o u r b a t t a n t , ju s
q u ’à e ffr a ye r le s p r é t e n d a n t s ; M"° P u lch é r ie ,
t im id e e t s e n t im e n t a le , a m o u r e u s e d e son co u
sin , m a is n ’a ya n t ja m a is osé t r a h ir sa p a s
sio n ... O u i , c ’est c e la ... I l y a p a r le m on d e u n
vie u x m o n sie u r à q u i e lle p en se en co r e a ve c
t e n d r e ss e en ce m om en t , t a n d is q u e m a t a n t e
° e s o n ge q u ’à la p r o p r e t é et a u b o n e n t r e t ie n
d e ses' s e r vie t t e s et d e ses n a p p e s à l ’o d eu r
f*a îch e.
Ap r è s ce p e t it co n ce r t im p r o vis é , n o u s
io ü â m es t o u s t r ois a u x d o m in o s, s o u s la la m p e
d on t l ’a b a t -jo u r m o n t r a it , en t r a n s p a r e n ce ,
Quatre vict o ir e s d e N a p o lé o n et le p o r t r a it d u
r °i d e R o m e.
A n e u f h e u r e s , M 11” P u lch é r ie a llu m a sa la n
ter n e a ve c u n e a llu m e t t e en p a p ie r e t , r e fu
san t m on o ffice, p r it , p o u r s ’en a lle r , le ch e m in
de la fe n ê t r e .
•— M 11" P o u le a l ’a ir d ’u n e b ie n d o u ce p e r
so n n e, d is -je d ’un ton s in cè r e .
�r o s k
ou
la
fia n c é e
de
p r o v in c e
_ C ’est u n ch iffo n . Sa n s m oi, elle e û t co m
m is m ille fo lie s. M a is je l ’a im e b ie n .
J e n ’osai p a s in t e r r o ge r m a t a n t e su r les m ille
fo lie s q u ’eû t p u co m m e t t r e M 11® P u lch é r ie ;
m a is j ’a va is le cœ u r t ou t r em p li d ’id é es m a t r i
m o n ia les , et j ’im a gin a i q u e c ’é t a it m a t a n t e q u i
a va it d û fa ir e m a n q u er le m a r ia ge d e sa t i
m id e a m ie a ve c le co u sin q u ’e lle a im a it .
Lo r s q u e n ou s fû m e s d e n o u ve a u s e u ls , m a
t a n t e t ir a d e son d o igt u n e b a gu e d ’or à ch a
ton ém a illé :
—
P o u r t a fia n cée ! m e d it -e lle . E t si vo u s
r ep a ssez m e vo ir , je lu i d on n er a i u n p e t it m é
d a illo n q u e je t ie n s de fe u m a g r a n d ’m èr e.
J ’em b r a ssa i m a t a n t e a ve c u n e t en d r e ém o
t io n , lu i p r o m e t t a n t d e r e ve n ir la vo ir ch a q u e
a n n é e , et je m ’en fu s m e co u ch e r a u x T r o is R o i s , h o n n ê t e h ô t e lle r ie d on t le n om vie n t d es
b u s t e s d e t r o is em p er eu r s r om a in s, a u fr o n t
la u r é , figu r a n t le s r ois m a ge s , q u i vo u s a ccu e il
le n t d e le u r n ich e , a u -d essu s d e l ’h u m b le p o r
t a il.
i w a vr il 1843.
N o u s n ’en fin ission s p a s, h ie r , d ’e n t r e r d a n s
E t a m p e s . On n ’en fin it p a s d ’en so r t ir . L e s
m a ison s son t com m e u n t r o u p ea u q u i t ir e à
h u h a u et à d ia ; les u n es vo u d r a ie n t a lle r à
P a r is , les a u t r es r a llie r O r lé a n s . L a p r o vin ce
�R O S E OU
LA F IAN CÉ E
DE P RO V IN C E
73
es t b ie n s o t t e d e n e p a s se co n t e n t e r d e son
so r t . L a vie d e m a t a n t e Ca t h e r in e m ’a m is
l ’ea u à la b o u ch e . J e n e v e u x , p o u r m es vie u x
jo u r s , q u e son ja r d in et u n e ch a is e so lid e q u i
m ’a m è n e r a ch a q u e soir u n b on a m i, a ve c ce t t e
se u le d iffé r e n ce q u e m on a m i ser a m a r ié et
a m è n er a sa fem m e, q u i s e r a l ’a m ie d e la
m ien n e.
E t , t o u r à t o u r , à d e u x et à q u a t r e , le s jo u r s
s ’é co u le r o n t e xq u is e m e n t d e m êm e et ja m a is
p a r e ils ... E t n o u s a u r o n s a u lo in , à P a r is , d es
e n fa n t s r ich e s et b ien p o r t a n t s .
L e s d ilige n ce s se s u ive n t et n e se r e ssem b len t
p a s.
A u jo u r d ’h u i, j ’ai d u t e m p s p o u r s o n ge r à
m oi et à l ’a ve n ir . J ’é ch a fa u d e m ille d o u x
p r o je t s .
M on vo is in lit C o n s i ï e l o d e M m" G e o r ge
Sa n d ; u n a u t r e siffle t o u t b a s, m a is sa n s r e
lâ ch e , l ’o u ve r t u r e d e C h a r l e s V I ; p a r fo is , il
s ’a r r ê t e et p a r a ît ch e r ch e r u n a ir n o u ve a u ;
m a is, a p r è s q u e lq u e s essa is in fr u c t u e u x , il r e
co m m e n ce son m or cea u fa vo r i, tel le ch ie n d a n s
la r ou e d u clo u t ie r . L e s a u t r e s so m m e ille n t .
M es b r u ya n t s co m p a gn o n s d ’h ie r in ’a p p a r a is
se n t co m m e en u n ca u ch e m a r q u e j ’a u r a is fa it .
A la t om b ée d e la n u it , n o u s e n t r o n s t o u t à
co u p d a n s u n e fo r ê t .
�74
ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P R O V IN C *
— L a fo r êt d e Ce r co t t e s , d it u n vie illa r d q u i,
t a p i d a n s son co in , n ’a va it p a s en cor e o u ve r t
la b o u ch e .
— O n n ’y a r r êt e p llis le s d ilige n ce s , affirtnQ
le le ct e u r de Co n s u e lo '.
L e vie illa r d se r ed r esse, ca r esse sa b a r b e
b la n ch e , n ou s r e ga r d e , et , n o u s ju g e a n t d ign e s
d e l ’o u ïr , il p a r le a in si :
— J ’a i ét é b e r cé , M ess ie u r s , a u ch a n t d es
co m p la in t e s d es b r iga n d s d e Ce r co t t e s . C ’est
la ch u t e d u sys t è m e d e L a w , sou s la R é ge n ce ,
q u i, d it -o n , p e u p la ce t t e fo r ê t d e m a lh e u r e u x
b a n q u e r o u t ie r s q u i vé cu r e n t , d a n s d es c a
ve r n e s, d u p r o d u it d e le u r s vo ls et p a r fo is d e
le u r s a ss a s sin a t s. A ce t t e ép o q u e, la fo r ê t b o r
d a it e xa ct e m e n t la r ou t e. L e s m a lfa it e u r s p o u
va ie n t t ir e r su r les vo ya ge u r s , p r esq u e à b o u t
p o r t a n t , sa n s êt r e vu s . U n co ü p d e fe u , et le
p o st illo n é t a it d ém on t é. Le s vo ya g e u r s , su r p r is ,
n e se d é fe n d a ie n t p a s et , p a r p eu r d e r e ce vo ir
d e m a u va is co u p s, se la is sa ie n t d é p o u ille r . P a r
fo is, la m a r éch a u ssée s u r ve n a it . C ’é t a it la b a
t a ille . Ce s m isé r a b le s se b a t t a ie n t en d é s e s p é
r é s, s a ch a n t b ie n ce q u i le s a t t e n d a it s ’ils
é t a ie n t p r is ... L e le n d e m a in , en e ffe t , p en d u s
h a u t et co u r t , q u e lq u e s b r iga n d s se b a la n ça ie n t
avi ve n t le lon g d u ch e m in , lu g u b r e escor t e a u x
vo it u r e s s u iva n t e s .
O n a b ea u se se n t ir en s û r e t é , à u n d em isiè cle d e ces b a n d it s , ce t t e fo r êt n ’eu es t p a s
m o in s la for êt m êm e q u i les ca ch a — le u r âm e
�ROS E
OU
LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
75
d é p lo r a b le d o it r ô d e r a u t o u r d e n o u s, — et il
vo u s p a sse d e p e t it s fr is s o n s.
— M . le d u c d ’O r lé a n s , p è r e d e n ot r e
r o i, co n t in u e le vie illa r d , o r d o n n a d ’a b a t t r e le
b ois su r t o u t e la lo n gu e u r q u i, d e ch a q u e cô t é ,
t o u ch a it a u gr a n d ch e m in , et d e le r e cu le r d ’en
vir o n ce n t t o is e s . C ’é t a it co u p e r le m a l d a n s
sa r a cin e . L e s cr im e s s ’e s p a cè r e n t , p u is ces
sè r e n t . L e s vo le u r s , n e t r o u va n t p lu s le « t r a
va il » a ss e z fa cile , se d is p e r s è r e n t , ou p eu t êt r e r e n t r è r e n t t o u t s im p le m e n t d a n s P a r is ,
r e fu ge t o u jo u r s si a ccu e illa n t .
Il t o u s sa , p u is :
— Co n n a is s e z-vo u s l ’h is t o ir e d u m a r é ch a l d es
lo g is J a cq u e s G ille t ? O n e n fit , d a n s m on
je u n e t e m p s, d e t o u ch a n t e s ch a n s o n s ... U n e
je u n e fille , fo r t im p r u d e n t e à la vé r it é , r e ve n a it
d ’O r lé a n s a ve c les jo y a u x d e n o ce q u ’e lle a va it
a ch e t é s . Q u a t r e b r iga n d s , d a n s la for êt d e
Ce r co t t e s , se sa isir e n t d ’e lle e t l ’a t t a ch è r e n t à
un a r b r e p o u r la m ie u x t o u r m e n t e r et d é p o u il
ler . S u r vin t , a ya n t p o u r t o u t e a r m e son sa b r e,
le m a r é ch a l d es lo g is J a cq u e s G ille t . Q u o iq u e
les b r iga n d s fu s se n t a r m é s ju s q u ’a u x d e n t s , il
en t u a d e u x et fit p r iso n n ie r s les d e u x a u t r e s.
Le b r u it d e ce t e x p lo it s e r é p a n d it vit e d a n s
t ou t l ’O r lé a n a is . A P a r is m êm e on en fit u n e
P ièce q u ’on jo u a su r le t h é â t r e d u sie u r Au d in o t — d e p u is l ’Am b igu - Co m iq u e , — e t le p u b lic
e u t la s a t is fa ct io n d e vo ir p a r a ît r e s u r la scèn e
J a cq u es G ille t en p e r so n n e , q u i vo u lu t b ie n se
�RO S E
o ü
i ,a
f ia n c é e
DE P ROVIN C E
p r ê t e r à ce t t e id é e s p é cu la t ive d u d ir ecteu r ^
« Ce t r a it d e b r a vo u r e fu t g r a vé d a n s lfc
t e m p s et gr o ss ièr e m e n t co lo r ié : t o u t e s le s ch a u
m ièr es et les d é b it s a va ie n t ce t t e im a ge co llé e
en b e lle p la ce , et ce fu t u n e b on n e a u b a in e
p ou r le sieu r Le T o u r n a y, d ’O r lé a n s , p r o p a ga
t eu r o r d in a ir e d es s u je t s d e ce ge n r e . »
la n d is q u ’il p a r le , n o u s a p e r ce vo n s le s p r e
m ièr es lu m iè r e s d es fa u b o u r gs d ’O r lé a n s .
D e V ie r z o n , 3 a vr il.
Co m m e je vo u s en a va is p r é ve n u , j ’a i sa u t é
O r lé a n s . T o u t ce q u e je sa is d e la ville et d e s h a
b it a n t s , je l ’ai a p p r is d a n s les livr e s , et com m e
vo u s p o u ve z en sa vo ir a u ssi lo n g q u e m oi, je
vo u s fer a i gr â ce d e la le ço n .
A n e u f h e u r e s, ce m a t in , n o u s t r a ve r s io n s
le b o u r g d ’O live t , cé lè b r e p a r ses fr o m a ge s , et
q u it t io n s le s d e r n iè r e s clo s e r ie s q u e t o u t O r
lé a n a is q u i se r e sp e ct e p o ssèd e à u n e d em ih eu r e d e son lo gis .
H ie r , c ’é t a it , d es d e u x cô t és d e la ch a u ss é e ,
1 océan ve r t t en d r e d es je u n e s b lés d e la Be a u ce .
Au jo u r d ’h u i, n ou s vo ici d a n s l ’in fé co n d e So
lo gn e q u i, se sa ch a n t in u t ile , s ’a t t ife m ie u x
p ou r p la ir e . Q u o iq u ’u n p eu d é la iss é e , e lle n ’o u
b lie p a r ses b e a u x jo u r s d u t e m p s o ù L o u is X I I
t en a it sa co u r à Blo is , o ù la d u ch e ss e d ’An g o u lêm e h a b it a it R o in o r a n t in et o ù F r a n ço is I ,r fit
b â t ir CliiMn bord.
�ROS E
N o u s
cach ées
P u is ,
se
OU
LA F IAN CÉE DE P RO V IN C E
cô to yo n s
par
fo u le
u n
p e tit
c ’e s t
pro m èn e
des
u n e
à
cô té
de
é ta n gs
de
d o n t
jo n c s
bo is
de
P lu s
d ’u n
ta rd ,
ses
b o is
c ’e s t
un
gran d e s
rive s
sont
p o in tu s .
je u n e s
s ap in s
qui
nous.
L e s b r u yè r e s , n on loin d e s
d r es, so n t d é jà en b o u t o n s .
sem en t
le s
77
m o u lin
a ile s
qu i
fo u gè r e s
to u rn e
b la n ch e s
ten-*
jo y e u
a u -d e s s u s
d ’» c a c i a s .
D e lo in en lo in , u n p e t it ch â t e a u en b r iq u e s
r o u ge s a p p a r a ît , e n ch â s s é p a r m i les p in s ve r t
som b r e. Ce lu i d e la F e r t é - S a in t - Au b in e s t d es
P lu s a gr é a b le s à vo ir , à ca u s e d e la r iviè r e d u
C o s s o t i q u i s e r p e n t e en t r e les ja r d in s et le p a r c.
L e ch â t e a u d e la M o t t e -Be u vr o n est p lu s m o
d er n e. O n l ’a p e r ço it t ou t à co u p d e la ch a u ss é e
a u m ilie u d e fr a îch e s p r a ir ie s , d a n s u n m a s sif
d 'a r b r e s t o u ffu s .
M a is a va n t le s d em e u r e s d es r ich e s e t d es
n o b le s, ce q u i fr a p p e d ’a b or d d a n s t o u t ce p a ys
Un p eu s a u va ge , c ’est, d o m in a n t les villa g e s ,
m a sse é n o r m e d es é glis e s . Ce so n t d e m o
d er n es a cr o p o le s . D u h a u t d e le u r s lo u r d s clo
ch er s ca r r é s , on p eu t sa n s cr a in t e vo ir l ’en n em i
s a P P r o ch er . Co n t r e la gu e r r e et t o u t e s le s t em
p êt es, c ’est# le r e fu ge d es villa g e o is . Ce lu i q u i
nt‘ sa it p lu s ou q u i n e ve u t p lu s , a u x h eu r es
M a u va ise s, t o u r n e r ses r e ga r d s ve r s ce s m u r s sè
v r e s , n ia is r o b u s t e s à t o u t e é p r e u ve , vit d ésem
p ar é, a ve c la cr a in t e m a ls a in e d u le n d e m a in , à ja
m ais d é co u r o n n é d e la r é s ign a t io n et d e l ’esp oir .
�RO S E
OU LA F IANCÉE
DE P ROV IN C E
C ’est d u h a u t d u siè ge d u co ch e r , p r è s d e q u i
j ’a i vo u lu m on t er , q u e je jo u is d e ce b e a u s p e c
t a cle : d e la p ér e n n it é d es m a is on s d e D ie u d a n s
le r en o u vea u de la n a t u r e.
*
* *
Vier / .on a p p a r a ît d ’a b or d com m e u n gr o s v il
la g e , a ve c d es m a is on n et t es u n ifo r m e s d a n s u n e
r u e in t er m in a b le. O n en t r e en fin d a n s le q u a r
t ie r r ich e , où les m a ison s o n t t o u t e s d e p it t o
r esq u es p er r on s et d es p ied s d e g lyc in e .
L e s ch e va u x, q u i s e n t e n t le r e la is , ga lo p e n t
a ve c en t r a in . L e co ch e r les e x cit e d e la vo ix e t
d u fo u e t , q u i cla q u e jo ye u s e m e n t . Vo ic i V H ô t e l
d u B œ u f , à d r o it e , sou s le lie r r e e t la vig n e
vie r ge .
L ’a t t e la ge , d e lu i-m ê m e , t ou r n e à a n gle d r o it .
J e m e cr a m p on n e a u siè ge .
—
N ’a ye z p a s p eu r , m on sieu r le P a r is ie n , m es
ch e va u x n ’a ccr o ch e n t ja m a is !
So u s le d a is ve r t d u p o r t a il, d a n s la p r e m iè r e
co u r , a u t o u r d u p u it s , sou s la vo û t e so n or e, les
ch e va u x ga lo p e n t t o u jo u r s. O ù n ou s m è n e n t -ils?
D a n s la secon d e co u r , ils s ’a r r ê t e n t e n fin , sa n s
en êt r e p r iés, e xa ct e m e n t en fa ce d u p e r r o n d e
l ’h ô t e l, et h e n n issen t fé b r ile m e n t . I ls o n t fa im .
Tou t le m on d e a fa im . Q u e n ’est-il d o n n é à
l ’h om m e d e p o u vo ir h e n n ir ? Ce la d oit p r o cu r e r
u n e d é licie u se s a t is fa ct io n ...
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
79
J ’ai vis it é , ce t t e a p r è s-m id i, la m a n u fa ct u r e d e
i n s t a l l é e en 18 16 , p a r M . P é t r y, d a n s
P a n c ie n
ch â t e a u d e B e l- Air . Vie r zo n p ossèd e
a u ssi -des fo r ge s d on t le fo n d a t e u r e s t , p a r a ît -il,
le co m t e d ’Ar t o is , e t le p r o p r ié t a ir e a ct u e l
M .
Au b e r t o t . O u t r e l e s o u vr ie r s d e ce s d e u x
U sin es, a ss e z flo r is s a n t e s, la p o p u la t io n est co m
p o sée d e p e t it s p o t ie r s et d e m a r in ie r s a d o n n és
P a r t icu liè r e m e n t a u flo t t a ge d u b o is m er r a in .
p o rc e la in e
D e m a in , je t r a ve r s e r a i M e h u n , p le in en cor e
d u s o u ve n ir d e Ch a r le s V I I et d e la b e lle Ag n è s
So r el.
Co m m e n t le ch â t e a u va -t -il m ’a p p a r a ît r e ? I l
fu t ja d is b la n c, co q u e t , g a la n t , b r od é co m m e la
co lle r e t t e d ’u n e d a m e d e la R e n a is s a n ce ; p u is ,
Ce fu t la d em eu r e s é p u lcr a le d u p a u vr e r oi q u e
k d a u p h in L o u is t e r r o r is a it . J e le ve r r a i, co m m e
*<! m o n t r en t les im a ge s d ’a u jq u r d ’h u i, a ve c l ’a ir
d ’u n g ib e t a b a n d o n n é .
M eh u n d o it êt r e p lu s flo r issa n t a u jo u r d ’h u i,
Car on m ’a d it ce s o ir q u ’on y fa b r iq u a it d e
£ r°s d r a p s q u i se ve n d e n t « à d ix lieu e;, à la
r on d e ».
E t , d e M e h u n , je ga gn e r a i Bo u r ge s .
Bourges !
J ’a i,
par
a v a n ce ,
une
é m o t io n
qui
m ’é n e r v e .
�8o
RO S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
M e vo ici à t r o is jo u r s d e P a r is , à q u e lq u e s
h eu r es d u b u t . J e n e p u is m e figu r e r q u e je n e
r ê ve p a s e t q u ’au b o u t d e ce vo ya g e il y a
u n p è r e e t u n e m èr e q u i m ’a t t e n d e n t p o u r m e
d o n n er le u r fille . Le u r fille , à m oi? P o u r q u o i?
P a r ce q u e j ’a i p a r ié d e m e m a r ier a va n t R i
ch a r d !
C ’est t r è s r is ib le . C ’est t r è s t r is t e.
A u fo n d , je su is u n p eu la s d e m a s o lit u d e .
L e b o n é goïsm e a m ica l d e R ich a r d m e m a n q u e.
M a fa m ille su r t o u t m e m a n q u e. P u is , d e s o n
g e r à e u x t ou s, le co u r a ge r e vie n t en m oi. « I ls
ser o n t h e u r e u x. »
Acce p t o n s d on c le d est in .
11 n e fa u t p a s r ir e d e s so t t is es q u i n o u s é ch a p
p e n t , il p e u t so r t ir d ’e lle s le s p lu s gr a ve s co n
sé q u en ce s.
J e m ’en r em et s en t r e les m a in s d e Ce lu i q u i
ju g e a ve c b on t é.
V I
3 a vr il 1843.
J e sm s a r r ivé à Bo u r ge s , a u jo u r d ’h u i, à
q u a t r e h eu r es et d em ie.
I r ois m essieu r s a t t e n d a ie n t d a n s la co u r d e
�ROS E
OD
LA F IAN CÉE
DE P RO V IN C E
8l
l ’h ô t e l. J ’a va is le ch o ix. J ’op t a i p o u r le g r i
so n n a n t et m e d ir ige a i ve r s lu i. L e s t r o is m es
sie u r s se m b lè r e n t , com m e m oi, h é s it e r ; p u is,
ch a cu n je t a son d é vo lu su r u n vo ya g e u r , a ve c
d iffér en t es m a n ife s t a t io n s d e jo ie et d e su r p r is e .
Celu i q u i p o r t a it d es fa vo r is g r is m ’a ya n t p r é
fér é à t o u s m es co m p a gn o n s , se p r é cip it a à m a
r e n co n t r e ; et c ’est a in si q u e — g u id é s p a r
l ’in s t in ct — M . P r u d e n t et m oi n o u s se r r â m e s
la m a in .
M . P r u d e n t , q u i m e p a r a ît u n e xce lle n t b o u r
geo is p a cifiq u e , m a is p a s d é p o u r vu d e fin esse,
m e co n d u is it t a m b o u r b a t t a n t à u n e h ô t e lle r ie
de son q u a r t ie r (ten u e p a r L e r o y je u n e ) , où m es
b a ga ge s m e s u ivir e n t ; il n e m e la issa fa ir e
Qu’u n e t o ile t t e som m a ir e et m ’en t r a în a ch e z
lu i.
—
voir .
M a fem m e est t r è s im p a t ie n t e d e vo u s
I l s e m b la it o b é ir à u n e co n s ign e .
I l m e fit t r a ve r s e r la s a lle à m a n ge r p o u r
a t r ive r au sa lo n . D e s s t o r e s t a m isa ie n t ch ich e*
n ien t la lu m iè r e . J e m e h e u r t a i vio le m m e n t le
fcenou co n t r e u n e ch a is e d e cu ir à clo u s d e m é
tal- U n p a r fu m m o u illé d e p e t it e s fr a is e s d es
bois a d o u cit la m a u va is e im p r ession p r em iè r e.
M . P r u d e n t n e m ’a va it p a s la issé le t em p s d e
Poser m on jo n c à p om m e d ’or d a n s le ve s t ib u le .
�82
ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
— M mo P r u d e n t n o u s a t t e n d .
A p e in e ét io n s-n o u s e n t r é s , e n
M mc P r u d e n t p a r u t .
e ffe t ,
que
— Bo n jo u r , m on sieu r So u b e yr o n ! Vo u s
a lle z b ie n ? Vo t r e fa m ille est en b o n n e sa n t é ,
j ’esp èr e. Co m m e n t a ve z-vo u s la issé m on e x c e l
le n t e a m ie M me La u r e D u t o u r ?
L a vo ix e s t je u n e , fr a n ch e , cla ir e .
J e n ’ai p a s le lo is ir d e r é p o n d r e . O n m e se r r e
la m a in , on m e fa it a ss eoir . M . P r u d e n t s ’em
p a r e d e m a ca n n e et d e m on ch a p e a u , m a lgr é
m on h é r o ïq u e r é s is t a n ce . Q u ’est-ce q u e je va is
fa ir e d e m es d e u x m a in s vid e s ? O n e x ig e q u e
je r e t ir e m es ga n t s . C ’e s f u n co m b le .
— N ’est-ce p a s q u e Y H ô t e l d u C h e v a l - B l a n t
est t r ès co n fo r t a b le ? co n t in u e M me P r u d e n t . I l
n ’a p as la r en o m m é e, m a is n o u s co n n a is s o n s les
p r o p r ié t a ir e s . I ls n e s a ve n t p a s vo le r les vo ya
ge u r s . C ’est u n p o in t b ie n in t é r e s s a n t , n ’est
ce p a s? D ’a ille u r s , le Be r r ich o n e s t h o n n ê t e en
gé n é r a l. I l sa it se co n t e n t e r d ’u n r a ison n a b le
g a in . Le s Le r o y t ie n n e n t le C h e v a l - l i l a n c d e
p è r e en fils d e p u is p lu s d e ce n t a n s ...
M m” P r u d e n t r e p r e n d sou ffle. Vit e , j ’en p r o
fit e. I l m e s e m b le a vo ir o u b lié le son d e m a
vo ix .
— I ls on t ét é fo r t p r é ve n a n t s , gr â ce à
M . P r u d e n t q u i a b ien vo u lu m e p r é s e n t e r .
— C ’est le m oin s q u e je vo u s d e va is , ch e r
M o n s ie u r ,... en a t t e n d a n t q u e n o u s p u iss io n s
vo u s r e ce vo ir ch e z n o u s ...
�ROS E OU LA F IANCÉE DE P ROVIN CE
83
I l y e u t u n p e t it s ile n ce . O n a va it , p a r a llu
sion , a b or d é le gr a n d s u je t . M a is p er so n n e n ’osa
P o u r s u ivr e .
■
— G o m m e n t t r o u ve z- vo u s B o u r ge s ? d it
P ru d en t.
— C ’est q u e , M a d a m e ...
— I l est vr a i q u e vo u s n ’a ve z fa it q u e le t r a
ver ser .
—■Ce q u a r t ie r -ci a u n a s p e ct p a is ib le q u i m e
sem b le r em p li d e ch a r m e .
— C ’est la ville et c ’est la ca m p a gn e ; n ou s
a vo n s u n gr a n d ja r d in .
— Ve n e z , n ou s a llo n s en fa ir e le t o u r , fit
M . Pru d en t.
— T u sa is, m on a m i, le d în e r va êt r e
Pr êt.
— C ’est ju s t e . J ’a i o u b lié d e p r é ve n ir
M . So u b e yr o n q u e n ou s a vo n s co n s e r vé les h a
b it u d e s ca m p a gn a r d e s : n o u s d în o n s à cin q
h eu r es.
— Ce d oit êt r e ch a r m a n t . A P a r is , les h e u r e s
des r ep a s d e vie n n e n t a b su r d e s. O n en a r r ive
J Usqu’à d în e r à sep t h eu r es.
—■ A se p t h e u r e s ! N o u s r e t a r d o n s d e
d eu x h e u r e s, à Bo u r ge s ; c ’est h o r r ib le !
— O u i, m a is à P a r is , on fin ir a p a r n e p lu s
P ou voir a lle r a u t h é â t r e , t a n t l ’on d în e ta r d !
— Vo u s y a lle z s o u ve n t ?
'— Q u e lq u e fo is . J e l ’a d o r e ...
— Ah ! le t h é â t r e !
—- Si vo u s a im e z le t h é â t r e , vo u s a lle z vo u s
�84
RO S B o u
LA. F IAN CÉ S I)E P ROV IN C E
e n t e n d r e a ve c m a f e m m e . M a is ve n e z d ’a b o r d
vo ir m on ja r d in .
J e fis le gest e d is cr e t d u m on sieu r q u i h é s it e
e n t r e d e u x co u r t o is ie s. J ’a va is b ie n e n vie d e
vo ir le ja r d in , et su r t o u t d e so r t ir d e ce t t e o b s
cu r it é ; m a is, d ’a u t r e p a r t , il n e m ’e û t p a s d é
p lu d e co n t in u e r m a co n ve r s a t io n s u r P a r is
a ve c M "10 P r u d e n t , et a in si d e t e n t e r la ch a n ce
d e vo ir p lu s t ô t M u* R o s e , d on t p er so n n e n e
p a r la it.
M “1' P r u d e n t m it u n t e r m e à m a p e r p le xit é :
— N o u s ca u ser o n s d es p la is ir s p a r is ie n s a p r ès
d în er .
— C ’est ce la , r e p r it t r io m p h a le m e n t le m a r i,
ve n ez vo ir m on ja r d in .
J e s u ivis M . P r u d e n t . U n e la r g e p o r t e à vo
le t s, u n e p et it e t e r r a s s e , et n ou s vo ici d e va n t
u n e e xq u is e p e t it e p elo u se d on t le ve r t est si
e n so le illé q u ’on d ir a it u n e la r g e é m e r a u d e ; à
d r o it e , à ga u ch e , au fo n d , d es b o u q u e t s d ’a r b r e s
d e d iffé r e n t s t on s. J e n e vo is d ’a b or d q u e cet
en sem b le d on t la s im p licit é m e p la ît .
M a is c ’est le « t ou r » d e son ja r d in q u e
M . P r u d e n t m ’a p r om is. N o u s d e sce n d o n s les
s ix m a r ch es, et , en t r o is e n ja m b é e s , n o u s
som m es sou s u n e d o u ce a llé e d e t ille u ls . J e
m a r r êt e p lu s ie u r s fo is p ou r r e ga r d e r , p a r d elà
le s a r b r es, la lu m iè r e ve r t e et or q u i jo u e su r
1 h er b e d r u e , d o n t le r e m u e m e n t co n t in u e l p r o
d u it p a r fois d e p e t it s é cla ir s d ’a r ge n t .
I'a r u n e p et it e a llé e q u i t o u r n e , b or d ée d ’ir is
�ROS E
OU LA F IAN C É E DE P RO V IN C E
85
Violets e t d e r osier s s im p le s, n o u s m o n t on s ve r s
ü n fo u illis d e lila s et d e n o is e t ie r s q u i ca ch e n t
u n a im a b le b e lvé d è r e . D e s b a n cs d e p ie r r e , sou s
le d ôm e p a r fu m é d es lila s , on p e u t r e ga r
d er u n e r u e ca m p a gn a r d e et d es ja r d in s à
fr u it s.
— J ’ai a u ssi u n ja r d in p o t a ge r et u n e m od este
v >gne, d it M . P r u d e n t . E t il m ’e n t r a în e .
D e l ’a u t r e cô t é d e l ’e n clo s , le s a r b r es son t
d ’e ssen ces p lu s va r ié e s : il y a u n ca t a lp a , u n
ch ên e r o u ge , d e u x p in s , d es a ca cia s , d es t a m a
r is, u n p e u p lie r p le u r e u r . J e n ’é ch a p p e à a u
cu n e a n e cd o t e co n ce r n a n t la p la n t a t io n o u les
a ccid e n t s d e ces s ym p a t h iq u e s gé a n t s .
U n b a r r e a u q u i gr in ce en d e s s in a n t u n
a r c su r le ce r cle d e sa b le , et n o u s vo ici d a n s
1° p o t a ge r . M . P r u d e n t ét en d la m a in :
— L ’u t ile et l ’a gr é a b le , d it -il : les ch o u x et
les œ ille t s , les m elon s et les lis . J ’a i d e t ou s
les fr u it s .
— O h ! le b e a u ce r isie r !
— E t b on ! vo u s ve r r e z d a n s q u e lq u e s jo u r s.
Un e se m a in e d e s o le il, et l ’a r b r e ser a r o u ge .
— Le s b r a n ch e s co m m e n ce n t d é jà à se p e n
ch er ve r s n ou s.
'— O u i, il a l ’h a b it u d e ; c ’est u n h o n n ê t e
cer isier .
i<es a r t ich a u t s a va ie n t b e a u le ve r le u r s
gr osses t ê t e s cu r ie u s e s et les clo ch e s à m elon
ét in celer , je n e p a r ve n a is p a s à m ’in t ér esser
P r o f o n d é m e n t à c e ja r d in . J ’ e u s ce p e n d a n t , tou t
�86
ROS E OU I.A F IANCÉE DE P ROVINCE
le lo n g d es ca r r és, d e cou r t oise« e xcla m a t io n »
q u i e n co u r a ge a ie n t m on h ôte.
N o u s fîm es u n d ét o u r p a r u n e a llé e q u e n o u s
n ’a vio n s p a s en cor e su ivie et q u i r e ga gn a it les
t ille u ls .
— A h ! vo ilà ce s d a m e s ! d it M . P r u d e n t .
J e les a va is a p e r çu e s . J e m e se n t is r o u gir e t
n e p r is p a s, je le cr a in s , m on a ir le m oin s n ia is.
L a m èr e e t la fille a va n ça ie n t à p e t it s p a s
ve r s n ou s, M Uo R o se u n p eu en a r r iè r e . E lle s
p a r a issa ien t , a in si, d e m êm e t a ille . E lle s a va ie n t
le m êm e so u r ir e, la m êm e d é m a r ch e . O n e û t d it
vr a im e n t le s d e u x sœ u r s, com m e m e l ’a va it fa it
p r é vo ir M n,c D u t o u r . E lle s ét a ie n t t o u t a u ssi jo• lie s q u ’on p e u t le d é sir e r . J e n e so n ge a i p a s u n
in s t a n t au fa n t a s t iq u e p r o je t q u i m ’a m e n a it .
J e vo ya is ve n ir à m o i, a ve c u n p la is ir vé r it a b le ,
d e u x je u n e s et gr a cie u s e s fem m es.
L a p r ése n t a t io n fu t co u r t e et sim p le.
J e m ’in clin a i. M 11' R ose p r it t ou t à co u p u n
a ir ga u ch e , et ce fu t t ou t .
M " ' P r u d e n t , q u i n ’a im e p a s le s sile n ce s , m e
d em a n d a m on a vis su r le ja r d in . Il m e fa lla it ,
co û te q u e co û t e , t r o u ve r u n e p h r a s e u n p eu
r o n fla n t e , q u i fa sse p la is ir a u p è r e , à la m èr e, à
la fille .
— C ’est u n p e t it coin de P a r a d is . J ’y vivr a is
cen t a n s sa n s m e la sser .
— Ce n t a n s ! com m e vo u s y a lle z !
Ce n t a n s 1 vo u s d it e s ce la p a r ce q u ’il n ’y
a q u e cin q m in u t e s q u e vo u s le co n n a is se z.
�*4 ?
ROS E
OU I,A F IAN CÉ E DE
87
P RO V IN C E
M e t o u r n a n t à d em i ve r s la je u n e fille :
— D e u x m in u t e s su ffisen t p a r fo is p o u r a ssu ïe r d es a n n é e s d e b o n h e u r .
— R o s in e , le co m p lim e n t t ’e s t , je cr o is , d es
tin é.
— M o n s ie u r , je vo u s r e m e r cie d e vo t r e b o n n e
o p in io n . J e t â ch e r a i d e 11e la p o in t d é m é r it e r .
J e n e sa is si M “” R o se , en p r é vis io n d e m on
Co m p lim en t , a va it a p p r is ce t t e p h r a s e , m a is e lle
ta p r o n o n ça d ’u n t r a it , co m m e p o u r s ’en d é
b a r r a sser , et sa n s y m e t t r e l ’in t o n a t io n n a t u
r e lle . L ’ém o t io n p e u t -ê t r e é t a it s e u le co u p a b le ,
i-a p h r a se e lle -m ê m e n ’é t a it p a s m a l t ou r n ée .
La b a gu e t t e d e fé e d e M "10 D u t o u r n o u s a va it
r éu n is là , d a n s ce ja r d in , et n o u s a vio n s le s
m in es-d e je n e sa is q u el b o n h e u r im a gin a ir e .
H e u re u s e m e n t,
J ’o f f r i s
et
vive ,
dent
m on
et
o ffr ir
bras
la
clo ch e
d u
à M m* P r u d e n t ,
d în e r
tin ta .
g ra s s o u ille tte
d e rriè re n o u s , M. Pru
à « M"'° So u b e yr o n ».
j ’e n t e n d i s ,
le
s ie n
N o u s a vio n s l ’a ir d e jo u e r à la d în e t t e d e
P ou p ées. J e fu s t r ès ét o n n é d e vo ir q u e le pota8 e, q u a n d 011 e n le va le co u ve r cle d e la sou P 'èr e, fu m a it vr a im e n t .
5 a vr il.
J e n e m e ca ch e r a i p a s q u e je s u is s a t is fa it
(ta m es d e u x jo u r n é e s à Bo u r ge s . I l fa u t sav° ' r se co n t e n t e r d e p eü .
J ’a i d é c r it la
p r e m i è r e ju s q u ’a u p o t a ge . L e
�88
RO S E OU LA. F IAN CÉE
DE P ROV IN C E
clînei et la soir ée fu r e n t ch a r m a n t s. I l m e se m
b la it co n n a ît r e m es h ô t es d e p u is lon gt em p s.'
C ’est l ’e ffe t q u e p r o d u ise n t su r m oi le s b r a ve s
gen s. Le u r s q u a lit é s s ’a p p a r e n t e n t à l ’a im a n t :
elle s a t t ir e n t , p u is r e t ie n n e n t .
J u sq u ’à p lu s a m p le in fo r m é , vo ici m on o p i
n ion su r le s t r o is p er so n n es ch e z q u i la P r o
vid en ce et M mo D u t o u r m ’on t co n d u it .
M . P r u d e n t a la b o n h o m ie d is t r ib u t ive d u
d em i-sa va n t d e p r o vin ce . I l a im e à fa ir e p r o
fiter les a u t r e s d e ses n a ïve s le ct u r e s e t d e
ses p et it e s d é co u ve r t e s . T o u t lu i d e vie n t m a
t ièr e à in s t r u ir e le s sie n s et ses a m is. I l co m
m en t e a ve c u n e s p ir it u e lle m od ér a t io n les é vé
n em en t s r e la t é s d a n s sa g a ze t t e . I l la i t , d e la
le ct u r e d ’u n vie il a u t e u r , u n s u je t n o u ve a u d e
co n ver sa t io n . C ’est u n h om m e a d m ir a b le : il
r elit . I l co n n a it son x v i i “ siè cle su r le b o u t d u
d o igt . D ’u n t on b o n h o m m e , il vo u s d it , au
b ou t d ’u n e d iscu ssion : « C ’est l ’a vis d e M 11' de
Scu d é r y », com m e s ’il ve n a it d e la r en co n t r e r
et d e l ’in t e r r o ge r .
I l a , gr â ce à u n e e x ce lle n t e m é m o ir e , p r is
l ’h a b it u d e d es cit a t io n s p r é cis e s, ce q u i é m a ille
sa co n ve r sa t io n d e t er m es a r ch a ïq u e s r u d e s
ou p r é cie u x, q u i, t ou r à t o u r , ch a r m e n t e t fo n t
so u r ir e.
Im m é d ia te m e n t
après
d în e r ,
il
m ’e n t r a î n a
b ib lio t h è q u e . I l é t e n d i t l a m a i n :
—
J ’en lis q u i SOn t d u N or d et q u i son t d u
M id i, com m e d it La F o n t a in e . M a is , a in si q u e
dan s
sa
�R O S E O U LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
8g
J e a n - Lo u is d e Ba lza c, je n e m ’y a t t e lle p a s
co m m e u n m e r ce n a ir e : « J e lis d e s livr e s q u i
n e m ’o b lig e n t p a s à m é d it e r , et je n ’a p p o r t e
p a r fo is à m a le ct u r e q u ’u n e m é d io cr e a t t e n
t io n . Ca r , en m êm e t e m p s, je n e la is se p a s d e
d o n n e r a u d ie n ce à u n n o m b r e in fin i d e r ossi
gn o ls , d on t t o u s n os b u iss o n s s o n t a n im és. J e
ju g e d e le u r m é r it e , co m m e vo u s fa it e s d e ce lu i
d es p o èt es a u lieu , o ù vo u s êt es. E t , en e ffe t , si
vo u s n e le s a ve z p a s, je vo u s a p p r e n d s q u ’il y
a a u t a n t d e d iffé r e n ce d e r o s s ign o l à r o s sign o l
qu e de p oète à p oète. »
Il
r e p r it h a le in e p o u r fe r m e r la p a r e n
t h èse.
—
C ’est u n e le t t r e d e B a lza c à Ch a p e la in .
J e s u is d e son a vis su r b e a u co u p d e ch o se s ,
m a is p a s su r l ’h a b ile t é gr a d u é e d es r o s s ign o ls .
J e n e cr o is p a s q u ’il y a it d es r o s s ign o ls m é
d io cr e s , et je s u is ce r t a in q u ’il e xis t e d e m é
d io cr e s p o èt es : t e l, m oi-m êm e .
E t il r it .
L a fe n ê t r e d e la b ib lio t h è q u e d on n e su r l ’a llé e
d es t ille u ls , et a u m om en t o ù n o u s n o u s a p p r o
ch â m e s p o u r a d m ir e r le cla ir d e lu n e , les r o s
s ign o ls p r é lu d a ie n t à le u r s m é lo d ie s. A la vé
r it é , ils ch a n t a ie n t a ve c le u r g é n ia le sim p licit é
a cco u t u m é e . C ’é t a it d u p u r La m a r t in e . E t , p o u r
p la ir e à M . P r u d e n t , je r é cit a i :
A in s i
Avec
ch a n ta it
le
ravis s e m e n t,
ch œ ur
des
ré p é taie n t
arbres,
ces
et
le s
lo u an ge s ...
an ges,
�90
ROS E OU LA FIANCÉE DE P ROVINCE
— O u i, c ’est le m e ille u r oisea u ch a n t e u r d u
t em p s p r ése n t . Vo u s le p r é fé r e z à H u g o ?
— J e n e l ’a vo u e r a is p a s d e va n t M m" P r u d e n t .
1 — A h ! o u i, sa p r ist i, m é fie z-vo u s :
Ne
pas
lo u e r
son
s iè cle ,
c ’e s t
p a rle r
à d es
s ou rds.
et , p ou r m a fem m e, le s iè cle , c ’est lu i.
« I l a d es q u a lit é s . »
— I l les a t ou t es. I l en a t r o p . I l a a u ssi tou *
les d é fa u t s . I l d ép a sse les lim it e s d a n s t o u s les
sen s !
—• Vo u s a ve z r a ison . J e m ’en t ie n s, q u a n t à
m oi, a u d ix-s e p t iè m e . J ’y t r o u ve t o u t ce d on t
m on cœ u r a fa im : u n e b e lle la n gu e p u r e au
s e r vice d e la s a ge s s e ... L a F o n t a in e n ’a -t -il
p a s d it ...
E t il r e co m m en ça d e p en ser à t r a ve r s le fa
b u lis t e , b on h o m m e et p o èt e e xq u is .
M “ ' P r u d e n t fa it u n a m u s a n t co n t r a s t e .
M . P r u d e n t s o ign e sa m o d é r a t io n . M m" P r u
d en t , au co n t r a ir e , a le cu lt e d e sa p r op r e e x u
b ér a n ce . C ’est la r o m a n t iq u e , ca r il y a e n co r e
d es r o m a n t iq u es, à Bo u r ge s . Se s p r op os d é
p a ssen t en a u d a ce ses ge s t e s m en u s et ses h a b i
t u d es « b on n e fem m e ». H e r n a n i, An t o n y, Lelia d ia lo gu e n t en e lle , à m ot s cr e u x et so n o r e s.
O n s ’a im e, on se t u e o u l ’on t u e. L e t on n e r r e
& en m êle : c ’est l ’o r a ge p e r p é t u e l, la r a fa le
�KOSB
Oü
LA F IAN CÉ E
DE P RO V IN C E
QT
il p le u t d es a le xa n d r in s , d es t ir a d e s p a ss io n
n é es, d es p r o fe s s io n s d e fo i. E t , à la fin d es
p h r a s e s , u n e r im e é cla t e , u n m ot e x p lo s e ... O n
n ’o ser a it a p p r o ch e r , si la vo ix n e r e m e t t a it t ou t
a u p o in t , ce t t e vo ix cla ir e et m u s ica le q u i, à
l ’u n isso n d es y e u x b le u s d e M mo P r u d e n t , a
t o u jo u r s l ’a ir d ’ign o r e r ce d o n t il s ’a g it et de
n e fa ir e a u cu n effo r t p o u r m ie u x co m p r e n d r e .
— N o t r e t em p s, fils d u gr a n d N a p o lé o n , es t
b ea u d e fo u gu e et d e t é m é r it é . N ’es t p a s
e ffr o n t é q u i ve u t !
— L o u is - P h ilip p e ...
— E t q u i vo u s p a r le d u r oi L o u is - P h ilip p e ?
Le s p o è t e s s e u ls son t in t é r e s s a n t s ! Q u i s e so u
vie n d r a , d a n s d ix a n s, d e M . D u e h â t e l, m i
n is t r e d e l ’in t é r ie u r , et d e M . Cu n in - G r id a in e ,
m in ist r e d u Co m m e r ce ? D a n s ce n t a n s, Vic t o r
H u g o ser a t o u jo u r s u n p o è t e d e gé n ie .
Ce s iè c le a v a it d e u x a t is ! R o m e r e m p la ç a it S p a r t e ,
D é jà N a p o lé o n p e r ç a it s o u s B o n a p a r t e ,
E t d u p r e m ie r c o n s u l d é jà p a r m a in t e n d r o it ,
b u fr o n t d e l ’e m p e r e u r b r is a it le m a s q u e é t r o it ...
A lo r s , d a n s B e s a n ç o n ...
— I l est a d m ir a b le s u r t o u t , d is -je , à ca u se
d e son in fin ie va r ié t é . J e va is vo u s r é cit e r u n e
p e t it e ch a n s o n et vo u s d ir e , M a d a m e , à q u el
o fcvr a ge d u M a ît r e je l ’e m p r u n t e :
L ’h iv e r e s t fr o id , la b is e e s t fo r t e ;
11 n e ig e là - h a u t s u r le s m o n t s ;
A im o n s , q u ’im p o r t e ,
Q u ’im p o r t e , a im o n s .
�q->
ROS E OU LA FIANCÉE DE P ROVINCE
_ j ’a i lu ce s st r op h e s clan s m on jo u r n a l.
C ’est la ch a n son d u com te L u p u s , d a n s le s
B u r g r a v e s , d it M mo P r u d e n t . E t e lle co n t in u a :
J e s u is d a m n é , m a m è r e e s t m o r t e ,
M o n cu r é m e fa it ce n t s e r m o n s ;
Aim o n s , q u ’im p o r t e ,
Q u ’im p o r t e , a im o n s .
B e lzé b u t h , q u i fr a p 'p e à m a p o r t e ,
’¿ 'a t t e n d a ve c t o u s s e s d é m o n s ;
A im o n s , q u ’im p o r t e ,
Q u ’im p o r t e , a im o n s .
*
* *
M"° R o se n e p a r le gu è r e et n e d écla m e p a s.
E lle r e ga r d e sa m èr e qu i s ’im p ose à e lle . E lle
l ’a d m ir e d e fo r ce , com m e on su b it le soleil d e
m id i en ét é ; e lle b a isse la t êt e et a t t e n d , sa n s
s ’en d ou t e r , q u e l ’om b r e r e vie n n e a u t o u r d ’e lle .
L ’o m b r e, c ’est l ’a m it ié p lu s d ou ce d u p èr e, q u i
s ’ét en d a u t ou r d ’elle et q u i la p é n è t r e sa n s
q u ’e lle y p r en n e ga r d e .
Q u a n d n ou s r e vîn m e s d e la b ib lio t h è q u e a u
sa lon , o ù ce s d a m es n o u s a t t e n d a ie n t p o u r
p r en d r e d es in fu s io n s p a r fu m é e s , je vis t r è s
b ien le m o u ve m e n t d e M "0 R o se ve r s son p èr e.
E t ce la n ie p lu t . Ca r si M",e P r u d e n t in e r a vit
et m ’ét o n n e , M . P r u d e n t est p lu s p r ès d e la
p iét é et d e la t en d r esse, q u a lit é s fo n d a m e n t a le s
d on t t ou t es les a u t r es n e son t s o u ve n t q u e d e
va in s o r n em en t s.
�R O S B OU LA F IAN CÉ S D ï
P RO V IN C B
93
J ’a r r a n ge p e u t -ê t r e la r é a lit é . M a n q u a n t d e
d o cu m e n t s su r M u* R o se , je lu i d on n e, selon
*non b o n p la is ir , d es p r é fé r e n ce s q u i r essem
b le n t a u x m ie n n e s. L a vé r it é est q u e je n e vo is
Pas t r ès cla ir en e lle . M e s o b s e r va t io n s , r e
cu e illie s en d e u x jo u r s d e gr a cie u s e in t im it é ,
p o r t en t s u r t o u t s u r le p èr e et la m èr e. D e ce
cô t é, je n e cr o is p a s m e t r o m p er . I l est d es
ge n s q u i se m o n t r e n t t e ls q u ’ils s o n t , q u i n e
sa ven t p a s se gr im e r , et d o n t les m a sq u es, m al
a p p liq u é s , p e r m e t t e n t d ’a p e r ce vo ir le vr a i r e
ga r d et la p en sée .
La fa m ille P r u d e n t est d ’u n e a p p é t iss a n t e
N a ïveté. M rae P r u d e n t a d e la r u s e , ce r t e s , et u n e
cer t a in e vo lo n t é d e p a r a ît r e a u t r e q u ’e lle n ’est.
M a is on la vo it à t r a ve r s ses jo lie s gr im a ce s .
E lle s ’e ffo r ce d ’a im er son r ô le , m a is sa n s y
cr oir e p r o fo n d é m e n t . Si la s in cé r it é n e s ’a cq u ier t p a s, e lle n e se ch a ss e p a s n on p lu s fa
cilem en t .
M “e R o se — je r e vie n s à e lle co m m e à la
M a t ièr e la p lu s d ifficile de l ’e xa m e n q u e je va is
a vo ir à p a sser — M 11* R o se n ’a , d e sa m èr e,
QUe le vis a ge et q u e lq u e s ge s t e s . J ’a i d é co u ve r t
e lle , a u jo u r d ’h u i, u n e q u a lit é t o u ch a n t e et
P r écieu se q u e l ’a ve n ir n e d é t é r io r e r a p a s, j ’e s
p èr e : c ’es t son im p o s s ib ilit é d e m e n t ir .
Je
ne
^ a tin ,
pu s
ses
P a rta ge r
gu è re
p are n ts
e n tre
e u x
cau ser
ayan t,
en
ave c
je
d e u x
e lle
cro is,
p a rtie s
j u s q u ’à
ju r é
à
de
peu
ce
m e
près
�94
RO S E
OU LA F IAN CÉ E DE P ROV IN C E
é ga le s ; m a is u n e o cca sio n su ffit à d é co u vr it
u n e â m e. J e vo u lu s , ce t t e a p r ès-m id i, lu i t o u r
n er m on co m p lim e n t , m on p r em ie r co m p lim en i
seu l à s e u le . N o u s é t io n s d a n s l ’a llée d es til»
le u ls , n ou s a llio n s ve r s le b e lvé d è r e a u x lila s
fle u r is où d e va it ve n ir , d a n s l ’in s t a n t , n o u s r e
jo in d r e sa m èr e.
L e t em p s p r e s s a it . J e p a r la i sa n s d ét o u r :
— J e vo u s co n n a issa is d éjà u n p eu a va n t d e
ve n ir à Bo u r ge s , M a d e m o is e lle , a ya n t p a ssé,
t ê t e à t êt e , u n b on q u a r t d ’h e u r e a ve c vo t r e
p o r t r a it , ch e z M " D u t ou r .
— M on p o r t r a it ? d it M 11' R o s e , a ve c u n a ir
in gé n u m e n t ét on n é.
— M a is o u i, u n e r a vis s a n t e m in ia t u r e q u i
vo u s r ep r ésen t e a d o r a b lem en t h a b illé e à la
m od e d e 1820 .
E lle é cla t a d e r ir e sa n s co n t r a in t e . P u is , se
m or d a n t les lè vr e s :
— Ce p o r t r a it est ce lu i d e m a m èr e, M o n
sieu r , et n on le m ien !
— - A h ! p a r e x e m p le !... M rae D u t o u r m e
p a ier a ce la ! Vo ye z- vo u s , la t r a ît r e s se !
J ’é t a is for t p en a u d . M u* R o se m e t ir a d e ce
m a u va is p a s :
— E lle l ’a fa it p o u r vo t r e b ie n . M a is e lle
r isq u a it d e vo u s a t t it e r u n e d é s illu s io n , a u m o
m en t où vo u s m e ve r r ie z... Ca r m a m èr e est
p lu s jo lie q u e m o i...
Il
n ’y a va it r ien à r é p liq u e r . E n in s is t a n t ,
j ’eu sse r isq u é d e ch a gr in e r la je u n e fille p a r
�ROS E
OU
I.A F IAN CÉE DE P RO V IN C E
95
u n m e n s o n ge p o li. M me P r u d e n t est, en e ffe t ,
p lu s s é d u is a n t e q u e sa fille q u i, sa n s d o u t e , n ’a
p a s a t t e in t son p o in t e xt r ê m e d e d é ve lo p p e m e n t .
M a is si M 110 R o s e n ’a p a s d e gê n a n t e p r ét en
t io n , si e lle est d ’u n ca lm e lo u a b le , e lle a les
d é fa u t s d e ses q u a lit é s : e lle n e s a it p a s se fa ir e
va lo ir , ce q u i n ’e s t ja m a is n é glige a b le , et , en fin
■
— l ’a ve u est n é ce s s a ir e , — e lle m a n q u e d ’e n
t h o u s ia sm e .
J e n e v e u x p a s d ir e q u e je lu i r e p r o ch e d ’êt r e
fr o id e à m on é ga r d . J e n ’a i p o in t la s o t t is e d e
d é sir e r q u ’on m ’a im e à p r e m iè r e vu e ; m a is,
ç ’est é g a l, je n e se r a is p a s fâ ch é d e r e n co n t r e r
m o in s d ’e m p r e s s e m e n t d u cô t é d es p a r e n t s et
u n p eu p lu s d ’a m it ié sp o n t a n é e d e la p a r t d e
ce t t e p e t it e Be r r ich o n n e la n gu is s a n t e .
N o u s n ’a vo n s r eçu n i l ’u n n i l ’a u t r e le cou p
d e fo u d r e . M on r o m a n , q u i a d é b u t é en co m é
d ie , m a n q u e r a d é cid é m e n t d e p a ssion ju s q u ’a u
bou t.
�ç6
ROS E
OU LA F IAN CÉE DE P RO V IN C E
V I I
ii
a vr il 1843, soir..
Vo ici l ’em p loi r é gu lie r d e m on t em p s d e p u is
u n e h u it a in e d e jo u r s :
L e ve r , sep t h eu r es. P e t it d é je u n e r à h u it
h eu r es m oin s u n q u a r t . J e su is m on m a ît r e . L e
b eu r r e d e Bo u r ge s est e xq u is . A h u it h e u r e s et
d em ie, a r r ivé e ga illa r d e d e M . P r u d e n t . J ’a b
d iq u e.
— E n r o u t e ! m or b leu ! n o u s som m es en r et a r d !
E t Bo u r ge s , a u x r u e s é t r o it e s et m o n t u eu ses,
n o u s r e ga r d e le r e ga r d e r . C ’est u n e fa ço n p o lie
d e d ir e, ca r on r e n co n t r e p eu le s h a b it a n t s ,
d ’h u m e u r ca sa n iè r e . 'Q u e lq u e s s o ld a t s , q u e l
q u es p r êt r es. L e s fem m es, su r t o u t , so n t d ’u n e
d is cr ét io n o r ie n t a le .
A d ix h e u r e s, d é je u n e r . Co n ve r s a t io n va r ié e .
M o m en t n eu t r e : j ’a p p a r t ie n s t ou r à t o u r à
M . et à M mc P r u d e n t .
D e o n ze h eu r es -à u n e h e u r e , M “ ® P r u d e n t
ga gn e d u t er r a in . Bo u r ge s r en t r e d a n s l ’o m b r e.
P a r is et ses t h é â t r e s r e p r e n n e n t le d essu s.
M . P r u d e n t ch o isit ce m om en t p o u r r em o n
t er ch e z lu i.
�R O S E O U LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
97
— N o u s a vo n s Sa in t - E t ie r în e , m a is vo u s a ve z
H u g o et R a ch e l.
— M . L o u is D e sch a m p s n ’est -il p a s d e
Bo u r g e s ?
— O u i. Vo u s s a vie z? D it e s d on c à M . P r u
d e n t d e vo u s m o n t r e r la m a ison d e ses p a
ïe n ts.
T r o is h e u r e s : r e n t r é e t im id e d e « J oa n n e »
Pru d en t :
— N e p e n s e z-vo u s p a s, m a ch è r e a m ie , q u ’il
s e r a it b on q u e M . So u b e yr o n et m oi co n t in u io n s d e vis it e r la ville ?
— Co m m e il vo u s p la ir a .
S u it e d e B o u r ge s à t r a ve r s le s â ge s . Co u r s
illu s t r é .
A cin q h e u r e s , d în e r , q u e lq u e fo is cin q h e u r e s
et d e m ie , p o u r m e fa ir e h o n n e u r .
So ir é e : p r o p r ié t é e x c lu s ive d e M ,Ile P r u d e n t .
— E t M lle R o s e ? in s in u e r e z- vo u s .
M 11* R o se ? M "e R o s e ? A h ! o u i, m a fia n cé e !
E lle se p o r t e b ie n , je vo u s r e m e r cie . J e l ’a p e r
ço is à t a b le , en fa ce d e m oi. E lle m a n ge t r ès
p eu et p a r le m o in s en co r e. E lle co n t in u e à
êt r e fo r t g e n t ille , m a is b ien e ffa cé e . Sa m èr e,
p a r fo is , l ’o u b lie — m oi a u ssi, d e p lu s en p lu s .:
*
* ♦
— C ’est l ’h ô t e l P a n e t t c, d it M . P r u d e n t , en
s ’a r r ê t a n t d e va n t d e u x p o r t es en o g ive d o n t la
p lu s gr a n d e , o u ve r t e , la is sa it vo ir u n e va s t e
3 3 0 - iv
�q8
r o s e
ou
la
f ia n c îîk
DB P RO V IN C 8
co u r p a vé e et u n e cu r ie u s e m a is on en p ier r e»
Se t a ille scu lp t ées.
U n s o ld a t , co iffé d ’u n h a u t s h a k o , p r ès d ’u n e
g u é r it e , s ’a p p u ya it le m en t o n su r le ca n o n d e
son fu s il.
Je
m ’i n f o r m a i .
— Vo u s n e d e vin e z p a s? s ’écr ia m on h ô t e .
C ’est là q u ’h a b it e d on Ca r lo s , fr èr e d e F e r d i
n a n d V I I et , p a r co n s é q u e n t , o n cle d e la p e
t it e I s a b e lle I I .
,
— L e Be r r y est d on c le lie u d ’é le ct io n d es
p r in ces d ’E s p a gn e ?
— O u i. Q u a n d ils n ’o n t p a s M a d r id , on le u r
p r ê t e Va ie n ç a y ou Bo u r ge s .
— J e m ’en co n t e n t e r a is.
— J e p en se q u e vo u s n e co n n a is se z p a s le
ch â t e a u d e Va ie n ç a y, co n s t r u it p a r P h ilib e r t
D e lo r m e ? I l d om in e u n e r ia n t e va llé e ; c ’est m a
gn ifiq u e . N o u s ir on s le v o ir ...
E n a t t e n d a n t ce t t e e xcu r s io n u n p eu lo n gu e
(il fa u d r a co u ch e r en ch e m in ), on t ie n t à m e
m o n t r er Bo u r ge s en d é t a il.
Ch a q u e jo u r a m è n e son r iion u m en t ( i) .
D è s m on a r r ivé e , n o u s é t io n s p a ssés en fa ce
(1) J e cr ois d e vo ir a vis e r le le ct e u r p r e ssé (qui
n e lir a ce t t e h is t o ir e qu e d a n s l'u n iq u e b u t d e s a vo ir
si j ’ép ou se b ien M 11” P r u d en t ) q u ’u n e d iza in e d e p a ge s
von t êt r e à p eu p r ès e xclu s ive m e n t co n sa cr é e s a u x
m on u m en t s e t à l'h is t o ir e d e Bo u r ge s. Ce s e r a it un
d é fa u t d e co m p osit ion si ce t t e sér ie d e d e scr ip t io n s
n e r e flé t a it en m êm e t em p s l ’im a ge d e m es p r é o ccu
p a t io n s p en d a n t ce s q u in ze ou vin g t jo u r s .
(Nso
ote
saetit
ns
(to
u
te
d
e
rite
p
a
r
m
o
n
c
o
u
sin
,
lo
rsq
u
'il
re
lu
t
n
p
roman.)
^
�ROS E OU LA F IANCÉE DE P ROVIN CE
9Ç
<3u p a la is J a cq u e s Cœ u r , a u jo u r d ’h u i h ô t el d e
v ille ; m a is M . P r u d e n t n e m e la issa p a s le
t e m p s d e p ou sser ^ d e u x e xcla m a t io n s d e jo ie .
I l a va it son p la n . N o u s co m m e n çâ m e s n o s e x
cu r s io n s u r b a in e s p a r la ca t h é d r a le Sa in t E t ie n n e , én or m e et m e r ve ille u x é d ifice q u i d o
m in e t o u t e la ville , M . P r u d e n t est un e xce lle n t
g u id e . Ap r è s m ’a vo ir r a co n t é l ’h is t o ir e d e la
t r ip le co n s t r u ct io n d e la ca t h é d r a le Sa in t E t ie n n e , et m ê m e , p a r s u r cr o ît , l ’h is t o ir e de
sa in t E t ie n n e lu i-m ê m e , p r e m ié r m a r t yr d es
J u ifs , il m ’e x p liq u a ch a q u e m o t if d e s cu lp t u r e ,
p a r t icu liè r e m e n t d e va n t le gr a n d p o r t a il d u J u
ge m e n t d e r n ie r , à p eu p r ès in t a ct , m a lgr é les
gr a n d s é p is o d e s b e r r ich o n s d es g u e r r e s r e li
gie u s e s et la R é vo lu t io n , q u i co n ve r t it la ca
t h é d r a le en t e m p le d e la R a is o n .
M . P r u d e n t m e cit a , à ce p r op os, a ve c u n
m é p r is a n t h a u s se m e n t d ’é p a u le s, les p a r o le s d u
r e p r é s e n t a n t L a P la n c h e à la Co n ve n t io n :
« J ’ai m is p a r t o u t la T e r r e u r à l ’o r d r e d u jo u r ;
j ’ai t a x é les r ich e s et les a r is t o cr a t e s , n o n p a s
a r b it r a ir e m e n t , m a is d e l ’a vis d u p e u p le q u e
j ’ai t o u jo u r s co n s u lt é ; j ’a i p o r t é d e gr a n d s
co u p s a u fa n a t ism e ; j ’ai s u p p r im é t o u t e s le s
clo ch e s ; j ’a p p o r t e cin q u a n t e - t r o is m ille fr a n cs
en a r g e n t ; a va n t h u it jo u r s , il a r r ive r a u n e
g / ;.in b a r d e ch a r gé e d e va s e s d ’or et d ’a r ge n t . »
—
Vo ilà u n e gu im b a r d e , a jo u t a M . P r u d e n t ,
q u i fa isa it u n jo li m ét ie r . O ù ce La P la n ch e n e
v o ya it q u ’a r ge n t et or , il y a va it d es o b je t s
�jOO
ROS E OU LA F IANCÉE DE P ROVINCE
d e u x fo is sa cr é s , p a r le cu lt e et p a r l ’a r t . N o u s
som m es lo in , p a r b o n h e u r , d e ce s t em p s g r o s
sier s. A u x h e u r e s d e fo lie , ljh o m m e d é t r u it ce
q u ’il a cr é é , p u is p le u r e su r ce q u ’il a b r isé et
ch e r ch e à r é u n ir le s la m b e a u x d e ses m eu r t r es.
C ’est le b a m b in q u i n e s a it p a s co n t e n ir ses
a p p é t it s fé r o ce s , écr a se ses jo u e t s , p u is é ca r q u ille
ses y e u x , d ’e ffr o i, d e va n t les co n séq u en ces.
— L ’h om m e n ’est p a s b on .
— P a r p e t it s gr o u p e s , si. E n gr a n d n om b r e,
il s ’o u b lie lu i-m ê m e p o u r d e ve n ir t r o u p e a u .
Se u l, l ’h om m e t r a va ille , p r o d u it , b â t it . T r o u
p ea u , il sa cca ge , il p ille , il d é t r u it . L ’in t e lli
ge n ce g u id e le p r em ie r , l ’in s t in ct seu l p o u sse
le secon d . R o u ss e a u a va it r a ison : le s ville s fo n t
d u m a l. Ce s ch e m in s d e fe r , q u i m e t t e n t m a
fem m e en jo ie , vo n t p o r t er ' p a r t o u t l ’e sp r it m a l
sa in d es gr a n d e s a gglo m é r a t io n s h u m a in e s . On
d ése r t e r a le s ch a m p s d ès q u ’on p o u r r a se r e n
d r e a u p la is ir d es cit é s fa cile s . J ’esp èr e q u e
Bo u r ge s n ’a u r a ja m a is d e ch e m in d e fe r . J e
p la in s O r lé a n s q u i p a vo ise . Ce s d r a p e a u x- là
n e s a ve n t p a s ce q u ’ils ch a n t e n t ; le u r cla q u e
m en t n ’est p a s d e b on a u gu r e .
— Q u i sa it , c ’est p e u t -ê t r e ce s ch e m in s d e fer ,
d is -je , q u i n ou s a p p o r t e r o n t la b o n n e lu m iè r e .
— Vo u s p a r le z en P a r isie n é p r o u vé . L e p o i
son n e p e u t r ien su r vo u s ; vo u s l ’a ve z s u cé en
n a is s a n t . M a is le p a ys a n en m ou r r a . N o u s
n 'a llo n s p a s ve r s le m ie u x ... Vo u s ve r r e z !
— N o u s ve r r o n s.
�ROS E
OU LA F IANCÉE DE P RO V IN C E
IO I
— M o i, n on . N o u s so m m es e n co r e lo in d e
ce s ca t a s t r o p h e s. M a is vo t r e t e m p s n e ser a p a s
b e a u , je le cr a in s ... A m o in s q u e ...
— A m o in s q u e ...?
— A m o in s <| ii’il n o u s a r r ive q u e lq u e h om m e
à la p o ign e a u ssi s o lid e q u e la t êt e e t q u i r e
m e t t e t o u t en p la ce . L e s h om m es so n t fo r t s ,
m a is « u n h om m e » c ’est b ien p lu s fo r t .
M . P r u d e n t n ’a va it p a s l ’h a b it u d e d es co n ve r
sa t io n s a u ssi é le vé e s , m a is la vu e d es p a u vr e s
r é s u lt a t s d es so t t is e s e t d es h a in e s h u m a in e s
a va it le d on d e l ’e xa s p é r e r .
— Ah ! les b r u t e s q u i d é ca p it e n t le s s a in t s
d e p ier r e . Ah ! l ’im b é cile q u i cr o it t u e r la r e li
gio n en e m p o r t a n t les clo ch e s . Ah ! le p e t it e s
p r it q u i cr o it se d is cu lp e r en d is a n t q u ’il a
« co n s u lt é le p e u p le » a va n t d e p r e n d r e ce s d é
cis io n s d e s t r u ct ive s . I l r a is o n n a it co m m e u n
t o r éa d o r q u i t e n d r a it u n e r ich e d r a p e r ie é ca r la t e
à u n t a u r e a u fu r ie u x en lu i d e m a n d a n t ce q u ’il
co n vie n t d ’en fa ir e . E n t e m p s d e r é vo lu t io n , le
p e u p le a l ’in t e llig e n ce d es co r n e s , p a s p lu s.
— 11 n ’est p a s lo n gt e m p s m é ch a n t .
— E h ! n on , D ie u m e r ci. Bien d ir igé , il se
ca lm e e t p r en d co n s cie n ce d e sa p u is s a n ce h e u
r eu se. C ’es t lu i q u i a co n s t r u it d es m e r ve ille s
q u e ses p e t it s - fils s a c c a g e n t ... Ah ! les b r a ve s
ge n s q u i é d ifiè r e n t le s m a is o n s d e D ie u . L e s
vo ilà d a n s le gir o n d ’Ab r a h a m .
E t il m e d é s ign a it u n co in d u gr a n d t ym
p a n d u p o r t a il ce n t r a l d e S a in t - E t ie n n e .
�102
ro s e
ou
la
fia n c é e
de
p r o v in c e
—
D ie u fa ss e q u e le p e u p le n e s o it ja m a is h
m a ît r e . Ce s e r a it fin i d e l ’a r t , d e la sa ge ss e e t
d u b o n h e u r d es h om m es.
L e secon d m a t in , n o u s fû m e s à la « m a ison
d e L o u is X I », u n e t r è s é lé ga n t e co n s t r u ct io n
d u t em p s d e F r a n ço is I er, d e q u i l ’on vo it la
sa la m a n d r e su r le m a n t ea u d ’u n e d es b e lle s
ch e m in é e s d u m on u m e n t . A l ’e n t r é e , u n b u s t e
d e P r ia m vo u s a ccu e ille . P r ia m ? I l p a r a ît que!
c ’est u n e d é lica t e a llu s io n a u x h e u r e s a d ve r s e s
d e ce lu i q u i, u n m om en t , a va it t o u t p e r d u ,
« fo r s l ’h o n n e u r ». Ce b u s t e e s t d a t é d e 1518 ,
m a is le t r è s e x a ct M . P r u d e n t m ’a p p r en d q u e la
m a ison d e L o u is X I n ’est p a s a n t é r ie u r e à
1525 ou 26. O n a va it , à ce q u ’il p a r a ît , à ce t t e
é p o q u e , le soin d ’a n t id a t e r le s m o n u m e n t s « p a r
u n a m o u r e x a gé r é d e l ’a n t iq u it é ».
L e m or cea u le p lu s cu r ie u x d e ce t t e m a ison
r o ya le est l ’o r a t o ir e , u n vr a i b ijo u . M a n sa r d
e û t vo u lu q u ’on e n ch â s sâ t , d a n s u n e b o ît e en
o r , la M a is o n Ca r r é e d e N îm e s . M . P r u d e n t
vo u d r a it u n e b o ît e en d ia m a n t p o u r l ’a r a t o ir e
d e la m a ison d e L o u is X I , d on t le p la fd n d , en
e ffe t , d ivis é en t r e n t e ca iss o n s, p r é s e n t e , en
b a s-r e lie fs r éb u s, d es scèn es m e r ve ille u s e m e n t
s cu lp t é e s .
E n r en t r a n t p ou r le d é je u n e r , M . P r u d e n t
m e p a r la d u s é jo u r d e F r a n ço is I er à Bo u r ge s ,
en ju ille t 15 15 , m e le m on t r a t o u ch a n t le s
é cr o u e lle s d a n s la Sa in t e - Ch a p e lle , a u jo u r d ’h u i
d é t r u it e , p u is a ssist a n t à u n e m a gn ifiq u e r e p r é
�ROS E
OU I,A F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
103
t e n t a t io n (lu m ys t è r e d e la P a s s io n , d a n s le
fo s s é d es Ar è n e s .
M . P r u d e n t , b r a ve h o m m e, m a is p o è t e à ses
h e u r e s , s a it a n im er les r u in e s d e la vie ille cit é
b e r r u yè r e . I l m e d é cr ivit u n co r t è ge r o ya l a ve c
d es g e s t e s sob r es et d es p a r o le s p r é cise s et p it t o
r esq u es.
C ’est p la is ir d e l ’e n t e n d r e . J e d ois n o t e r q u e
je m e se n s — d e m o in s en m oin s — n é p ou r
viv r e p a r m i d e r a p a ce s viva n t s d is cu t a n t d es
a ct e s d e va n t un n o t a ir e , m a is p lu t ô t p a r m i n os
h a r d is a n cê t r e s q u i s a va ie n t a llie r le cu lt e d e
la t er r e et ce lu i d e l ’id é a l.
T a n d is q u e M . P r u d e n t p a r le de F r a n ço is I er,
q u i s u t r é gn e r et q u i s u t a im e r , il m e p a sse d es
b o u ffé e s d e h o n t e . M on m a r ia ge m a n q u e r a d e
p o é sie et d ’a u d a ce . C ’est m al co m m e n ce r la vie
à d e u x q u e d e n e p o u vo ir se s e n t ir d é jà u n is
p a r d es a ffin it és. M "° R o se est u n e g e n t ille p o u
p ée q u i 11e co m p r e n d r a it p a s g r a n d ’ch o se , je le
cr a in s , à m on ém oi n o u ve a u .
E t M . P r u d e n t , t o u t à son é vo ca t io n a r ch é o
lo g iq u e , 11e p en se gu è r e à m ’e xa m in e r . I l a
t r o u vé u n d o cile a u d it e u r , il o u b lie m a q u a lit é
d e fu t u r ge n d r e .
T o u t e u n e a p r è s-m id i, n o u s e r r â m e s p a r les
vie ille s r u e s. N o u s fîm e s d e lo n gs d é t o u r s e t
n o u s r e ga gn â m e s la d em eu r e fa m ilia le p a r la
�104
ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
r u e d es T o ile s . On d ir a it u n e viva n t e illu s t r a
t io n d ’u n e b o n n e lé ge n d e d u B cr r y. I c i, r ien
n ’a b o u gé . D è s la p r e m iè r e m a is on , p ign o n d e
p ie r r e su r r u e , on sen t le s s iè cle s fu ir e n
a r r iè r e . L e s e n s e ign e s n ’o n t p a s ét é r e p e in t e s .
L a co u le u r d u t em p s est so lid e. E t le co u p le
d e Be r r ich o n s q u i d esce n d d u p er r on d e la t r o i
sièm e m a ison d e b o is p o u r r e ga gn e r le s d e u x
p e t it s c h e va u x q u i a t t e n d e n t à la p o r t e , d o ci
le m e n t , n e d o it p a s b e a u co u p d iffé r e r d es Be r
r ich o n s d u t e m p s d e L o u is le o n ziè m e , q u i n a
q u it à Bo u r ge s , fu t b a p t is é à Sa in t - E t ie n n e , e t
e u t p o u r n o u r r ice u n e b r a ve fem m e d u p e u p le
n o m m ée J ea n n e P o m p o n n e .
J ea n n e
P om
p o n n e !... L a vo ilà q u i m on t e ga illa r d e m e n t su r
son p e t it ch e va l gr is et q u i d e va n ce son h om m e,
a u x m ollet s d e la in e , et d on t le la r ge ch a p e a u
d e fe u t r e a b r it e u n p r ofil d o u x et fin a u d .
— Allo n s , fa u t s ’en a lle r .
L a vo ix t r a în e u n p e u , ch a n t e a u x fin a les.
— Va d on c d e va n t !
— N ’t ’a r r êt e p a s, a u m oin s.
E t les ch e va u x , sa n s ê t r e co m m a n d és, p r en m e n t l ’a llu r e h a b it u e lle . L e p r em ie r a u n p e t it
t r o t .s e c q u i fa it r éson n er le p a vé . L e se co n d r e
ga r d e d e d r o it e , d e ga u ch e , t en d ses lè vr e s ve r s
u n e t ou ffe d ’h er b e cr u e en t r e les p ie r r e s q u i
a vo isin en t les m a ison s, et h e n n it t o u t h a u t . I l
sa it q u ’il a le t em p s.
C ’est le ch e va l de l ’h om m e.
Ce 11 est p a s q u e le Be r r u ye r n e soit p o in t le
�R O S E OU LA F IAN CÉ E
DE P RO V IN C E
10 5
m a ît r e en son lo g is , m a is il n ’a p a s le go u ve r
n e m e n t d e l ’in t é r ie u r , e t , s ’il s ’a r r ê t e su r le
t tb em in d e sa fer m e, c ’est q u e, son p r op r e t r a
va il a ch e vé , il n e t ie n t p a s à r e n t r e r a va n t q u e
sa fem m e a it t o u t p r é p a r é p o u r la so u p e. C ’est
du m oin s ce q u e m ’e x p liq u e M . P r u d e n t , q u i
a d m ir e le fle gm e so u r ia n t d e ce t h o m m e p r a
t iq u e .
M . P r u d e n t a im e le Be r r y b ie n p lu s q u e les
Be r r ich o n s , ses co m p a t r io t e s ; m a is il n ’est p oin t
t r o p sé vè r e p o u r e u x . I l le s co m p r e n d . C ’est
q u e lq u e ch o se.
—
L e Be r r ich o n se r ep o se, d it , ce jo u r -là , au
d în e r , m on e xce lle n t h ô t e et g u id e . N ’a -t -il p as
é t é le p lu s a ct if d es F r a n ça is ? C ’est en lu i q u e
le cœ u r d e la F r a n ce a b a t t u a u x a n n é e s d e
cr is e p r o fo n d e . Br e n n u s est sor ti d es fo r ê t s q u i
co u vr a ie n t ja d is le p a ys . Ch a r le s V I I y é t a b lit
sa co u r , p r é p a r a n t le r è gn e d e son fils h a r d i,
n o t r e p lu s illu s t r e Be r r ich o n , L o u is X I , fo n d a
t e u r d e la p a t r ie d ’a u jo u r d ’h u i. C ’est d e Bo u r
g e s q u e la G a u le ch a ssa R o m e ; c ’est d e Bo u r
g e s q u e J ea n n e et T a lb o t ch a ss è r e n t les An g la is
d e F r a n ce . E t n e fu t -ce p a s a u ssi le d er n ier
ca m p d e l ’a r m ée de la Lo ir e , d e l ’E m p ir e con t r e
l ’E u r o p e co a lis é e ? Son h eu r e est b ien ve n u e
d e so m n o le r . Ap r è s u n e je u n e s s e a r d e n t e et b a
t a ille u s e , n ot r e p r o vin ce e u t u n â ge m û r g r a ve ,
a ve c Alc ia t , Cu ja s , p u is Bo u r d a lo u e . E lle en tr e
a u jo u r d ’h u i d a n s la vie ille s s e . E n a t t e n d a n t je
n e s a is q u el r e n o u ve a u , Bo u r ge s se s o u vie n t ,
�10 6
ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
C ’est la cit é d es r e ch e r ch e s h ist o r iq u e s , d es
co lle ct io n s et d es r e gr e t s : « Ah ! J a cq u es
Cœ u r ! » s o u p ir e le Be r r ich o n d e Bo u r ge s , et
ce n om q u i est son o r gu e il lu i s u ggè r e t o u t u n
p a ssé fa n t a s t iq u e . N o u s ir o n s, d e m a in , vo ir en
d ét a il le p a la is de J a cq u e s Cœ u r .
M "“ P r u d e n t , q u i a r em a r q u é q u e ces co n
ve r s a t io n s m ’in t é r e s s e n t ,
n ’in t e r r o m p t
p a s.
M '10 R ose m a n ge et so u r it a ve c a p p lica t io n . C ’est
e lle q u i o ffr e le p a in , e t , au d esser t , les d r a gé e s.
— M a is , r e m a r q u é -je , le p a ys a n n ’est p o in t
si s a va n t .
— H é la s ! il co m m e n ce à l ’êt r e t r o p . P lu s
on vo u d r a lu i a p p r e n d r e d e ch o ses, p lu s il ser a
e n clin à la isser d e côt é le s p r in cip a le s . C ’est
u n vr a i cr im e , à m on sen s, d e p e r m e t t r e a u x
p a u vr e s ge n s d ’o u b lie r le u r h is t o ir e lo ca le .
J ea n n e d e Va lo is , d u ch ess e d e B e r r y, fem m e d i
vo r cé e d e L o u is X I I , est en co r e ici l ’o b je t d ’u n
cu lt e p a r t icu lie r , q u o iq u ’e lle n ’a it ét é q u e b é a t i
fiée. L ’e m p r e in t e d e son vis a ge se t r o u ve d a n s
le t r ésor d e la ca t h é d r a le .
— C ’est n o u s q u i ir on s la m o n t r e r i\ M . Sou b e yr o n , d it M mt P r u d e n t .
E s t - ce d e p la is ir q u e , d a n s ce m o m en t ,
M"° R o se a s o u r i? ... Ce fu t co m m e u n e lu e u r
a u m ilieu d e ce t t e co n ve r s a t io n u n p eu m on o
t o n e e t fr oid e. Le p r é se n t et l ’a ve n ir s e r a p p e
la ie n t à m on b on so u ve n ir . M a is je n ’y p r is p a s
ga r d e lo n gt e m p s , et , d u r e st e , M . P r u d e n t n e
m e d on n a p a s le lo is ir d e r é flé ch ir .
�*
R O S E OU LA F IAN C É E DE P RO V IN C E
TO%
— L e p e u p le q u i la p r ie ...
« D e q u i p a r le -t -il d o n c? s o n gé - je . A h ! oui,'
d e la d u ch e ss e J ea n n e. »
— L e p e u p le q u i la p r ie sa it -il q u e lle s fu r e n t
sa co u r a ge u s e r é s ign a t io n et sa b o n t é ? E lle
fo n d a l ’or d r e d es An n o n cia d e s e t b â t it le co llè ge
Sa in t e - M a r ie , a u jo u r d ’h u i co llè ge r o ya l, q u ’elle
d o t a d e d ix b o u r ses p o u r le s e n fa n t s p a u vr e s ...
J e vo u s m o n t r er a i la m é d a ille q u e M . P ie r q u in
d e G e m b lo u x , l ’h o n o r a b le in s p e ct e u r d e n ot r e
u n ive r s it é , a fa it r écem m en t fr a p p e r d ’a p r è s
la p r é cie u s e r e liq u e q u e ce s d a m es vo u s fe r o n t
a d m ir e r u n jo u r p r o ch a in . I ,a d u ch e ss e J ea n n e
a va it la b o n t é co n t a gie u s e . J e n e cr a in d r a is p a s
d ’a ffir m er q u e b ien d es ge n s d ’a u jo u r d ’h u i n e
s o n t si n a t u r e lle m e n t p o r t é s à a id e r leu r p r o
ch a in q u ’à ca u s e d e ce t t e p ie u se fe m m e , q u i
m o n t r a à n os a n cê t r e s co m m e n t il co n ve n a it d e
v iv r e , n on p a r le s a u t r e s, m a is p o u r le s a u t r e s .
L ’é g a lit é d o it ve n ir d ’en h a u t p o u r êt r e b e lle
et fé co n d e ; ce lle q u i vie n t d ’en b a s est r a m
p a n t e et h a in eu se.
M mo P r u d e n t sen t q u e la m a t iè r e s ’é p u is e e t
q u e la co n ve r s a t io n h is t o r iq u e va t o m b e r : a ve c
h a b ile t é , e lle n o u s d ir ige ve r s d es s u je t s p lu s
r é ce n t s . L a d u ch e ss e J ea n n e a ya n t ces sé d ’in s
p ir e r M . P r u d e n t , je s u is co n t r a in t d e m e la n ce r
d a n s u n e lo n gu e d e s cr ip t io n d u ch em in d e fe r
d e Sa in t - G e r m a in . L e vis a g e d e m a fu t u r e
b e lle -m è r e se r a s sé r è n e .
M IU R o s e p a r a ît é ga le m e n t b e a u co u p p lu s se n
�*o 8
K O S Ë OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
s ib le à m es fa n t a is is t e s d e scr ip t io n s d e s vo it u r e s
é lé g a n t e s q u i m èn e n t si jo ye u s e m e n t les P a r i
sien n e s su r la t er r a sse d u ch â t e a u d e Sa in t G e r m a in , q u ’a u t a b le a u vé r id iq u e d es ve r t u s d e
la p ie u s e a b a n d on n ée.
Au r a is - je t r o u vé le ch em in a r d u d e son
cœ u r ? N o n . E lle ca lq u e ses ge s t e s su r ce u x d e
sa m èr e. O n d ir a it u n e p e t it e om b r e d o cile et
t im id e q u i n e se d ess in e r a it q u ’a p r è s le p a ss a ge
d e M mo P r u d e n t .
— Co m b ie n d e t r a in s de ch e m in s d e fer p a r
t en t d e P a r is , le d im a n ch e m a t in , p o u r Sa in t G e r m a in ? d it sa m èr e.
J e r é p o n d s d e m on m ie u x.
E t,
un
in s tan t
dem an de
—
ap rès,
d o u cem en t
E s t-c e
c^ u e
le
l ’a t t e n t i v e
Rose
M 110
:
vo ya ge
co û te
ch er?
* *
—
A u j o u r d ’h u i ,
a llo n s
qui
d it
m on
n o u s c o n t e n t e r d ’u n
est
un
pu r
e x c e lle n t
seul
h ô te ,
n o us
m o n u m e n t, m a is
c h e f - d ’œ u v r e .
J e co m p r is q u ’il s ’a gis s a it d e J a cq u e s Cœ u r .
—
O u i,
ce
p a la is ,
est
un
jo y a u
fa n ts ,
Fran ce ,
ce
que
d ire
et
le s
le u r s
il
n ’a
pas
h o m m es
m a in s
où
n ous
ro ya l,
é té
m a rio n s
l.e
s tyle
tro p
a p p e lle n t
en
n os
est
e n d o m m agé
le
te m p s ,
e n
de
par
c ’e s t - à -
s a c rilè ge s .
A ce m om en t , n o u s d é p a ss io n s l'e n t r é é d u
p a la is . J e vo u lu s in ’a r r êt er .
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
IO g
— N o n , ve n e z d ’a b o r d .
E t M . P r u d e n t p r it m on b r a s et m ’e n t r a în a .
— I l fa u t q u e vo u s co n n a is sie z l ’h o m m e a va n t
d ’en t r e r ch e z lu i.
E t il m e r a co n t a ce r om a n u n iq u e d u cé lè b r e
m a r ch a n d d on t la m isè r e fu t a u ssi gr a n d e q u e
la fo r t u n e , q u i fu t l ’a r ge n t ie r et l ’a m i d u r oi,
q u i fu t l ’h o m m e le p lu s r ich e q u ’il y e u t en
so n t e m p s , p u is q u ’il p o sséd a ce n t ch â t e a u x et
a u t a n t d e g r o s n a vir e s , et a u ssi l ’h om m e le p lu s
h e u r e u x; p u is q u i d e vin t le d e r n ie r d es m is é
r a b le s , d é p o u illé d e t ou t et je t é en p r iso n à
l ’â ge où le p a u vr e lu i-m ê m e , h a b it u é à la d u r e ,
a b esoin d e r ep o s e t d e so in s. E t je s u s , en
d é t a il, l ’h is t o ir e d e sa r é h a b ilit a t io n e t d e sa
mort-,
M . P r u d e n t a n im a son r é cit d e p h r a s e s em
p r u n t é e s a u x v ie u x ch r o n iq u e u r s et a u x h is t o
r ie n s n o u ve a u x. La b e lle A g n è s So r e l, d o n t la
m o r t b r u sq u e ca u sa la d é ch é a n ce d e J a cq u e s
Ccé u r , d r essa sa s ilh o u e t t e d ’e n ch a n t e r e sse .
« S ir e , si l ’o r a cle d it vr a i q u e je d o ive fa ir e
lo n gt e m p s la p a ssion d ’u n gr a n d m o n a r q u e , je
vo u s s u p jîlie d e m e p e r m e t t r e d e m e r e t ir e r et
d e p a sser à la co u r d u r oi d ’An g le t e r r e p o u r y
r e m p lir m a d e st in é e . C ’est ce r t a in e m e n t lu i q u e
r e ga r d e la p r é d ict io n ; p u is q u e vo u s ê t e s à la
ve ille d e p er d r e vo t r e co u r o n n e e t q u ’H e n r i va
b ie n t ô t la r é u n ir à la sie n n e , il est a s s u r é m e n t
u n p lu s gr a n d m o n a r q u e q u e vo u s. » E t
J e h a n n e , la b o n n e P u c e lle , a p p a r u t , ch e va u
�II0
R O S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
ch a n t d a n s u n cr é p u s cu le d ’or et d e p o u r p r e ,
p a r m i le vo lè t e m e n t d es b a n n iè r e s et le h e u r t
r e d o u t a b le d es a r m u r e s.
Lo r s q u e n o u s en t r â m es d a n s le p a la is d e
J a cq u e s Cœ u r , n o u s ét io n s a n im és t ou s les d e u x
p a r ce t t e é vo ca t io n , et j ’é t a is à p o in t p o u r sa
vo u r e r co m m e il co n vie n t : l ’o r a t o ir e , o ù l ’on
vo it les p la ce s r e s p e ct ive s d e Cœ u r et d e sa
fem m e ; la gr a n d e sa lle , d on t le p la fo n d figu r e
u n e n e f r e n ve r sé e , et t ou t es les m e n u e s m a is
s a vo u r e u s e s s cu lp t u r e s qu i r a p p e lle n t si e x a c
t e m e n t l ’é p o q u e où viva it ce b on m a r ch a n d , et
son p r o p r e co m m e r ce . J a cq u es Cœ u r su t êt r e
u n r ich e g é n é r e u x, u n p ie u x h om m e et u n a d
m ir a b le p r o t e ct e u r d es b e a u x-a r t s . Ce lu i q u i
p r o t è ge les gr a n d s a r t ist e s et le u r fa it or n er sa
m a ison va d e p a ir a ve c e u x d a n s la m ém oir e
d es h om m es.
J ’a i so n gé t o u t le jo u r à ce t t e vis it e , s in gu
liè r e m e n t e n jo livé e p a r le s r é cit s d e M . P r u
d en t , et — à ca u se d e l ’o r n e m e n t p r in cip a l d es
m u r a ille s et d es p o r t e s — d es cœ u r s et d es co
q u ille s d ’or et d ’a r ge n t s a u t ille n t d e va n t m oi
co m m e u n e p lu ie b r u sq u e q u i r e b o n d it su r le
p a vé . U n e jo ie e n fa n t in e m ’e n va h it , à s o n ge r
q u e c ’est d a n s u n e sa lle d e ce p a la is q u ’on n ou s
m a r ie r a , M 11" R o se et m o i, q u a n d il p la ir a à ses
p a r e n t s. Ce la d on n e à la fu t u r e cé r é m o n ie ce
ve r n is p o é t iq u e d on t e lle p a r a is s a it d e vo ir m a n
q u er p a r e lle -m êm e.
M e s a m o u r s n ’a va n ce n t p a s d ’u n e lign e .
�R O S E OU LA. F IAN C É E DE P RO V IN C E
III
¡Ne s u is -je p a s t o u t sim p le m e n t u n P a r is ie n
q u e lco n q u e , d e p a ss a ge à Bo u r ge s ch e z d e b on s
b o u r ge o is q u i o n t à cœ u r d e m e fa ir e co n n a ît r e
le u r vie ille cit é ? L a fin d e m on s é jo u r d o it
a p p r o ch e r , ca r je co m m e n ce à co n n a ît r e Bo u r ge s
a u s si b ien q u e m es h ô t es. Q u e fe r io n s -n o u s d e
n o s a p r è s - m id i? ... S i M 11“ R o se a p o u r u n lia r d
d ’id é e , e lle d o it m e t r o u ve r b ie n r id ic u le ...
C ’est p e u t -ê t r e b ien ce t t e p e n sé e , e n co r e o b s
cu r e en m oi, q u i m ’a s u g gé r é , il y a q u e lq u e s
jo u r s , u n h e u r e u x s t r a t a gè m e . P r é t e x t a n t la
co m p o s it io n d ’u n o u vr a g e su r le s « o r igin e s d u
n o t a r ia t » , je m e fis in s t a lle r ch e z M . P r u d e n t ,
d a n s u n e p e t it e ch a m b r e d u p r e m ie r é t a ge , à
cô t é d e la b ib lio t h è q u e , u n e t a b le a ve c t o u t ce
q u ’il fa u t p o u r fa ir e se m b la n t d ’é cr ir e .
J e n ’é t a is co u p a b le q u e d ’u n d e m i-m e n s o n ge .
J ’a va is a p p o r t é q u e lq u e s livr e s s p é cia u x q u e
j ’o u vr a is d e t e m p s en t e m p s, et je co n t in u a is
d e r e la t e r co n s cie n cie u s e m e n t , s u r ce p e t it
ca h ie r , les é vé n e m e n t s d e m a vie n o u ve lle .
M a is m on o ccu p a t io n fa vo r it e , en m a s o li
t u d e , é t a it d e co n t e m p le r le ja r d in d e M . P r u
d e n t e t , q u e lq u e fo is , M "e R o se q u i s ’y p r o
m en a it .
*
* *
A u jo u r d ’h u i, il a p lu ; les a r b r e s et le ga zo n
so n t la vé s d es p o u ssiè r e s d e ce s d e r n ie r s jo u r s .
L e s t ille u ls co n s e r ve n t , le lo n g d e le u r s b r a n
ch e s , d e p e t it e s go u t t e le t t e s q u i é t in ce lle n t
�112
ROS E
OU LA F IAN CÉE
DE P RO V IN C E
co m m e le d ia m a n t . L e s fleu r s fa n é e s d es m a r
r o n n ie r s r oses son t t om b ée s, la is s a n t m ie u x
vo ir lus p e t it e s fe u ille s ve r t t en d r e q u i s ’e n t r ’o u v'r en t com m e d es m a in s t e n d u e s. L e s m a ssifs,
e n co r e m a igr e s , s ’a p p r ê t e n t à d éco r er le s p la t esb a n d es.
M a is le ja r d in est m or n e q u a n d il est in h a b it é .
P a r b o n h e u r , ces d a m es a im e n t à s ’y p r om en er .
Au m om en t où j ’é cr is , M lle R o se et sa m èr e
vie n n e n t d ’a p p a r a ît r e . I l est t r o is h eu r es. E lle s
in a u gu r e n t d e n o u ve lle s r ob es, et j ’en a i l ’a gr é a
b le p r im e u r . Le u r ch a p e a u su r t o u t m e p la ît . J e
n e sa is s ’il est à la m od e, m a is il est ch a r m a n t .
F in ie , la ca p e lin e ! p a ssé, le ch a p e a u à la su iss e s s e ! Vo ici le s im p le ch a p e a u d e p a ille , s o u p le ,
lé ge r , d e fo r m e n a ïve . M n,° P r u d e n t le p o r t e
en a b a t - jo u r a ve c, d essu s, u n r on d de p e t it s
ch o u x d e ve lo u r s , et , d essou s, à d r o it e , u n jo li
b o u q u e t d e fleu r s d es ch a m p s q u i p en d à la
m od e it a lie n n e . Ce lu i d e M 11® R o se est r e le vé
su r les b o r d s, ce q u i le fa it r e s s e m b le r , d e p r o fil,
à u n p e t it b a t e a u p la t . T o u s d e u x s ’a t t a ch e n t
sou s le m en t on p a r d e u x p e t it s r u b a n s ve r t
t en d r e.
L e s m a n ch es d u co r s a ge d e M me P r u d e n t son t
t r ès co u r t e s et co lla n t e s , ce q u i, la is s a n t le b r a s
n u , lu i sied . Sa co lle r e t t e em p esée es t n ou ée
d ’u n e cr a va t e éco ssa ise. E lle s ’a id e , p o u r m a r
ch e r , d e la h a u t e o m b r e lle n om m ée « la d o u a i
r ièr e ». M Ul R ose n ’a q u ’u n e m a r q u ise , q u ’e lle
p o r t e p a r l ’a n n ea u . E lle s vo n t ve r s le clo s d e
�RO S G OU
LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
113
v ig n e en so u r ia n t , com m e d e u x sœ u r s, a u p r in
t e m p s q u i, ce m a t in , est clé m e n t .
M 11" R o se a fa illi r e ga r d e r ve r s m a fe n ê t r e .
J e ju r e r a is q u ’e lle y a s o n gé .
So n e n vie a ét é b r u sq u e m e n t a r r ê t é e à m ich e m in d e sa r é a lis a t io n .
E lle 11’a d on c q u ’à m o it ié m é r it é le b o n p o in t
q u e je lu i a i p r om is, à p a r t m oi, p o u r le s p r e
m iè r e s ém o t io n s o ù son cœ u r se m a n ife s t e r a .
I l n e fa u t ja m a is d ésesp ér er .
T o u t n ’est p a s p e r d u ...
E t m oi-m êm e, n e su is -je p a s le p lu s fr oid des
p r é t e n d a n t s , ici, d a n s m a t o u r , où je t r a va ille
à l ’h is t o ir e d es o r igin e s d u n o t a r ia t ?
L e d ét a il n e d o it p a s m e p o é t is e r ... J e d es
ce n d s .
VIII
23 a vr il.
A u jo u r d ’h u i, vin gt - t r o is iè m e jo u r n é e d e m on
s é jo u r à Bo u r ge s , co m m e n o u s r e ve n io n s d u
b o u r g d ’As n iè r e s , e xclu s ive m e n t co m p os é d ’a r
t is a n s p r o t e s t a n t s , et où l ’on m on t r e le p o n t d e
Ca lvin et m êm e la b o r n e su r la q u e lle il m o n t a it
p o u r p r ê ch e r , M . P r u d e n t m e d it t o u t à co u p :
�114
ROS Ë
OU LA. F IAN CÉ S DB P ROV IN C B
— N o u s a vo n s t e r m in é . J e cr o is b ie n vo u s
a vo ir m on t r é t o u t ce q u e Bo u r ge s et ses e n vi
r o n s co n t ie n n e n t d e cu r io s it é s . E t e s - vo u s co n
ten t?
— J e s u is r a vi !
— E t m a in t e n a n t , p a r lo n s u n p eu d e vo u s !
J e n e sa is si le le ct e u r so u r ir a à ce t t e a oost r o p h e , m a is, q u a n t à m oi, je fu s in t e r lo q u é .
M . P r u d e n t a va it , p en d a n t vin gt - t r o is jo u r s ,
co n s id é r é n os r e la t io n s com m e u n a va n t -p r o p o s
ii la co n ve r sa t io n q u i a lla it s u ivr e . P a t ie m m e n t ,
m é t h o d iq u e m e n t , a p r è s m ’a vo ir fa it fa ir e le t ou r
d e son ja r d in , il m ’a va it co n d u it a u t o u r d e la
ville . E t m a i n t e n a n t , n o u s a llio n s p o u vo ir c a u
s e r m a r ia g e .
Co m m e lu i, j ’a va is co n s cie n cie u s e m e n t o u
b lié , p lu s ie u r s fo is, la r a ison p r in cip a le d e m on
vo ya g e en B e r r y. Le s le t t r e s d e m a m èr e, ce lle s
d e M mo D u t o u r , m e r a p p e la ie n t à la r é a lit é . J e
r ép o n d a is d e jo lie s p h r a ses va g u e s : « T o u t va
b ien . Bo u r ge s est u n e ville t r è s in t é r e s s a n t e e t les
P r u d e n t d ’e xce lle n t e s ge n s . » J ’en é t a is a r r ivé ,
la lo n gu e , à m e p a ssion n er p o u r l ’h ist o ir e et
l ’a r ch é o lo gie d e la ca p it a le d es Bit u r ige s .
« E t m a in t e n a n t , ca u so n s u n p eu d e vo u s ! »
J e m ’a t t e n d a is si p eu à ce ch a n ge m e n t d e
fr o n t q u e, la t êt e fa r cie d es a n n a le s b e r r u yè r e s ,
je m e cr u s en fa ce d ’u n sé vè r e d o ct e u r q u i, a p r è s
m ’a vo ir en se ign é , m ’in t e r r o ge a it . E t je sen t is
fu ir d e m a m ém oir e n om s p r o p r e s et d a t es,
co m m e il a r r iva ch a q u e fo is q u e j ’e u s à r é
�ROS S
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
IIS
p o n d r e à q u e lq u e e xa m in a t e u r ... J ’é t a is en t r ès
¡m a u va ise p o st u r e . J ’a lla is d e m a n d e r u n r é p it
d e vin gt - q u a t r e h e u r e s p o u r r ep a sser la m a
t iè r e co m p lè t e , q u a n d M . P r u d e n t , a p r è s a vo ir
ca r e ss é ses fa vo r is , r e p r it :
— M a fille vo u s p la ît ; c ’est b ie n ! Vo u s p la i
se z à m a fem m e. Vo u s m e p la is e z é ga le
m e n t ; c ’est t r ès b ie n ! J e c r o is .q u e vo u s r e n
d r e z R o se h e u r e u s e . P o u r m a p a r t , je vo u s
a cco r d e sa m a in . D e m a n d e z d on c ce so ir à sa
m èr e si e lle est d e m on a vis , m on ch e r T h é o
p h ile .
E t je vis b ie n q u e l ’a ve n ir d e sa fille p r é o c
cu p a it b e a u co u p m o in s l ’e x ce lle n t h o m m e q u e
le p a ssé d e sa ville n a t a le . U n co lle ct io n n e u r d e
fo s s ile s s ’in t é r e ss e -t -il à u n co q u illa ge viva n t ?
E t j ’eu s e n vie d e d ir e :
— M on ch e r m o n sie u r P r u d e n t , je co n n a is
Bo u r g e s co m m e si je l ’a va is b â t ie , p u is d é t r u it e
a ve c m ét h od e ; je co n n a is m êm e in t im e m e n t
J a cq u e s Cœ u r , Cu ja s et M . P e r q u in d e Ge m b lo u x , d o n t vo u s m e fît e s fa ir e , d im a n ch e ,
l ’a gr é a b le co n n a is sa n ce , et d on t l ’â m e, u n ive r
s it a ir e , est t r a n s p a r e n t e ; m a is j ’ign o r e p r o fo n
d ém en t le ca r a ct è r e , les p e n sé e s et le s s e n t i
m en t s d e M 11* R o se P r u d e n t , vo t r e 'fille.
A u lie u d e t e n ir ce fe r m e d is co u r s , je m e
t r o u b la i, et je m u r m u r a i, en p r e n a n t les m a in s
de M . P ru d en t :
— O h ! ch e r M o n s ie u r , je su is b ie n co n t e n t ,
je s u is b ien h e u r e u x !
�IX Ô
ROS E
OU
LA. F IAN CÉE DE P RO V IN C E
— M a r ch o n s , m a r ch o n s ! d it ce p èr e t ou t à'
co u p im p a t ie n t . R o se d oit êt r e p r essée d e vo u s
r e vo ir .
M Ile R o se é t a it si p r essée d e m e vo ir q u ’elle
a va it ét é p a sser l ’a p r ès-m id i ch e z son a m ie,
M Ue Th é r è s e d es Ve r g e t t e s r la fille d u t r é so r ie r
gé n é r a l. M a is M ras P r u d e n t m e r e çu t a ve c u n e
jo ie d éb o r d a n t e.
— Vo u s a ve z en fin fin i d e vo ir la ville . Ce
n ’est p a s d om m a ge !
E t , com m e son m ar i s ’é clip s a it , e lle a jo u t a
en m in a u d a n t :
— J e va is u n p eu vo u s a vo ir
m on t o u r .
« P a t a t r a s ! p e n s a i-je , tu cr o ya is êt r e lib é r é ,
m on a m i. Ap r e s vin g t jo u r s d e Bo u r ge s , t u va s
a vo ir vin g t jo u r s d e p e t it e b o u r ge o is e . A la fin
d e m a i, u n so ir , M mo P r u d e n t t e d ir a : « E t
m a in t e n a n t , p a r lo n s d e m a fille !»
M a is j ’a i p r is t ou t r écem m en t l ’h a b it u d e d ’e x
p r im e r le co n t r a ir e d e m es p en sée s, e t jë r é
p o n d is fo r t h o n n ê t e m e n t à ce t t e je u n e d a m e
q u ’« on n e p o u va it n u lle p a r t s e r ep o ser m ie u x
q u ’en sa co m p a gn ie d es fa t igu e s q u e p r o cu r e
le p a ssé ».
M on so u r ir e a ch e va la co n q u ê t e d e M™8 P r u
d en t J e cr u s q u ’e lle a lla it s e p â m er .
—
A s s e y e z - v o u s i c i , p r è s d e m o i . Si v o u s s a
vie z c o m m e j e su is a s s o i f f é e d e d o u c e s p a r o le s !
M on m ar i n ie p r é f è r e Ag n è s So r e l. H é la s ! m a
v ie e st d e r r iè r e m o i.
Q u e v o u s ê t e s h e u r e u x,
�R O SE OU I.A F IAN CÉE DE P R O VI N CE
117
Vou s, d ’a vo ir en cor e à vivr e les a n n ées d ’a m o u r !
La p a u vr e fleu r d is a it au p a p illon céleste :
« Ne fu is pas !
Vo is com m e nos d est in s son t d iffér en ts : je reste,
Tu t ’en va s. »
M me P r u d e n t , d a n s la p é n o m b r e d e son sa
lo n , é t a it r a vis s a n t e à vo ir , et t ou t a u t r e q u e
m o i a u r a it fe in t u n e a m it ié so u d a in e . J e r e cu
la i, m a n q u a n t t o u t à co u p à la b o n n e p o lit iq u e .
« J ’en ai a ssez ! J ’en ai a ss e z ! » p en s a i-je .
E t , m ’a p p liq u a it à ca lq u e r m es p a r o le s su r
m es d ésir s se cr e t s, je p r o n o n ça i t o u t h a u t :
— A q u e lle h eu r e M “* R o s e r e vie n t - e lle de
ch e z M 'le T h é r è s e ? J ’a u r a is d u p la is ir à m ’e n t r e
t e n ir a ve c e lle a u jo u r d ’h u i, si vo u s m ’y a u t o r is e z.
C ’é t a it b r u t a l, m a is je vo u la is co u p e r le m al
d a n s sa r a cin e et m ’é vit e r d ’a u t r e s scè n e s de
ce ge n r e . U n e p ie r r e la n cé e d a n s u n e h a ie r em
p lie d e m o in e a u x jo y e u x n ’e û t p a s je t é u n p ir e
d é sa r r o i. Cr is , b a t t e m e n t s d ’a ile s , e n vo le m e n t
d e fle u r s et d e fe u ille s h e u r t é e s , et la h a ie ,
ve u ve d ’o is e a u x, se t a it , m or n e . M me P r u d e n t
é cla t a d e r ir e , b a t t it d es m a in s, p u is , h a u s sa n t
le s é p a u le s , p r it u n a ir g r a ve :
— J e va is a lle r vo u s la ch e r ch e r .
E t , se le va n t s è ch e m e n t , e lle d is p a r u t . J e fu s
d ’a b o r d fo r t p e n a u d , p u is m e r é s ign a i.
Ad vie n n e r| ue p o u r r a . J ’ai fa it m on d e vo ir ,
c ’est M "° R o se q u e je ve u x en fin co n n a ît r e ,
c ’est M “” R o se q u e je v e u x é p o u se r .
�Il8
ROS E
OU LA
F IAN CÉE DE P RO V IN C E
C ’est é ga l, j ’ai ét é m a la d r o it .
Au d în e r , M "c R o se m e p a r u t p lu s t im id e e n
co r e et p lu s e ffa cée q u e d e co u t u m e . J e n e p u s
p a s vo ir ses ye u x u n seu l in s t a n t . M mo P r u d e n t
p a r la it a ve c u n e g r a vit é d ’u n e ir o n ie m an ifeste,et M . P r u d e n t , a ya n t a cco m p li sa m issio n , r e s
t a it p lo n gé d a n s u n sile n ce fé co n d , sa n s doute,en vu e s a r ch é o lo giq u e s .
Q u e lle s f i a n ç a i l l e s , m o n D i e u ! q u e l l e s f i a n
ça ille s !
I X
6 mai.
T o u t es t r en t r é d a n s l ’o r d r e, le cie l et m a
fu t u r e b elle-m èr e. M mt P r u d e n t m ’a fa it d es
e xcu s e s :
—
I l fa u t m e p a r d o n n e r m a b r u s q u e r ie d ’h ie r ,
m on sieu r T h é o p h ile . J ’é t a is u n p eu so u ffr a n t e .
M es n e r fs p r e s s e n t a ie n t l ’o r a ge d e ce t t e n u it ...
Si vo u s vo u le z, n ou s ir on s t ou s les t r o is, ce t t e
a p r è s-m id i, vis it e r la cr yp t e d e S a in t - E t ie n n e .
Vo u s y ve r r e z d ’é m o u va n t e s cu lp t u r e .
] ’o u b l i e a ve c u n e gé n é r o s it é q u e gu id e m on
in d o le n ce n a t u r e lle . L,es p e t it e s es ca r m o u ch e s
d es r ela t io n s m on d a in e s et d e l ’a m it ié n e cou -
�ROS E
OU LA F IAN C É S
DE P RO V IN C E
IIQ
vie n n e n t p a s à m on e sp r it e s s e n t ie lle m e n t p a ci
fiq u e. J e cè d e su r t o u t et à t o u t le m on d e , à
p e u d e ch o se s et à p eu d e ge n s p r ès. M me P r u
d e n t n ’a va it n u l b esoin d e p r e n d r e la p ein e de
fa ir e les p r em ie r s p a s. M a m ém oir e, à l ’a d r o it e
p a r e ss e , é t a it t o u t e d isp o sé e à la is s e r é ch a p p e r
la scèn e « d e la fleu r et d u p a p illo n ».
U n vé n é r a b le s u is se , d o n t le s ja m b e s fo r
m a ie n t en t r e e lle s 1111 o va le p a r fa it , n o u s gu id a
d a n s l ’é glis e so u t e r r a in e . D e p u is t r e n t e a n s, il
r e m p lit a ve c soin cet office, et h a b it a n t , en tr e
d e u x co n t r e fo r t s d e la ca t h é d r a le , u n e h u m b le
m a is o n n e t t e , il n e s ’é lo ign e ja m a is d e p lu s de
ce n t p a s d e Sa in t - E t ie n n e . Il m ’a p p a r u t com m e
u n gn o m e d e p ie r r e q u ’u n e r é vo lu t io n a u r a it
m é ch a m m e n t cîéta ch é d ’u n coin d e vo û t e et
q u i, d e p u is , p o u r fa ir e o u b lie r son o r igin e m a
lig n e , viv r a it , a ve c m é t h o d e et s cr u p u le , u n e
vie d o u ce et s a t is fa it e . Se s ge s t e s en co u p d e
se r p e m e r e t in r e n t p lu s q u e ce q u ’ils n o u s m on
t r a ie n t . L e s d o u ze figu r e s iso lé e s d e la « M ise
au T o m b e a u » son t a ssez im p r e s s io n n a n t e s sou s
le u r co lo r ia ge n a ïf, et je n e p o u va is fa ir e fi, a u
ce n t r e d e la cr yp t e , d e la p ie r r e fu n é r a ir e d u
fa m e u x d u c J ea n d e B e r r y, d on t les p ie d s r e
p o sen t co n t r e l ’ou r son s ym b o liq u e .
« O u r s i n e le t e m p s v e n r a . »
Ce q u i ve u t d ir e ?
« C u e ille z vo t r e je u n e s s e , l ’h ive r vie n d r a
t ôt . » T r a d u ct io n lib r e.
P lu s q u e lib r e ; à vr a i d ir e , j ’im p r o vis a is , et,
�RO S E OU LA F IAN CÉ E DE P ROV IN C E
m e d é t a ch a n t d u su isse a u x ja m b e s t or ses et
d u b on d u c d e m a r b r e b la n c, je r e ga r d a i m a
« fia n cée ». Se s y e u x fa isa ie n t u n e tourn ée!
a t t e n t ive , a lla n t d e l ’ou r son à la la m p e q u i n o u s
é cla ir a it , et d e la la m p e a u x fr a gm e n t s d e ga r
go u ille s et d e co lo n n e t t e s q u i gis a ie n t à n os
p ied s. I ls n e m a n q u a ien t p a s, d e t em p s à a u t r e
— la d em i-ob scu r ité- lu i é t a it sa n s d o u t e u n e
e xcu s e , — d e s ’a r r êt er su r m oi. J e se n t a is ses
r e ga r d s ve n ir , d e m e u r e r , r e p a r t ir . J ’en é t a is
co m m e ca r essé et u n p eu gê n é .
M me P r u d e n t p a r la it , s ’e n t h o u s ia s m a it , se g r i
sa it d ’é vo ca t io n s.
N o u s r em on t â m es le n t e m e n t l ’e s ca lie r d on t
les la r ge s d e gr é s d e p ier r e u sée t o u r n e n t d e u x
fo is. Co m m e je m a r ch a is p r ès d e M "r R o se , je
vo u lu s p r en d r e sa m a in .
— O h ! m e r ci, d it - e lle en s ’é lo ign a n t ; l ’es ca
lie r n ’est p a s t r o p d u r .
M m° P r u d e n t se r e t o u r n a , d e vin a :
— Vo u s n ’y p en sez p a s. S o ye z r a is o n n a b le !
N o u s n e som m es p a s seu ls.
lit , se p la ça n t p r ès d e sa fille p ou r la p r o t é
ge r , e lle m e m o n t r a , d es y e u x , le su is se au
t r o u ssea u cliq u e t a n t , q u i co n t in u a it d e m e p a
r a ît r e à d ix siècles d e n ou s.
J e m e m or d is les lè vr e s . J ’a va is d u d é p it . O ù
p o u r r a it b ie n n ou s co n d u ir e t o u t e ce t t e co m é
d ie de silen ce et d ’h yp o cr is ie ? Ve u t - o n m e d o n
n er M "' R o se p o u r fem m e, ou i ou n o n ? Q u e
s ign ifie ce m ois e x t r a va g a n t p a ssé à p a r le r d e
�ROS E
OU I.A F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
121
t o u t , e xce p t é d e ee m a r ia ge a cce p t é en p r in cip e
a va n t m on a r r ivé e ?
J e m e s u is a s s e z p r om en é. J ’ai a ssez ca u sé.
J e ve u x u n e co n clu s io n . Si je jo u a is la scèn e
d u d é p a r t ? C ’est e n t e n d u ! d ès d em a in m a t in ,
j ’a r r ive , à l ’h eu r e d u d é je u n e r — u n p eu a va n t ,
m ê m e , ce la se r a it m ie u x, — et je d is à m es
h ô t e s : « Ch è r e M a d a m e , ch e r M o n s ie u r , je
n ’in s ist e p a s. J e vo is q u e je n ’ai p a s eu la
ch a n ce d e vo u s p la ir e . J e q u it t e Bo u r ge s et r e
t o u r n e à P a r is . J e r est er a i g a r ç o n ... ce t t e
a n n é e . » Alo r s , je ve r r a i b ien ce q u i se p a sser a .
O u b ien on m e la is se r a p a r t ir , et t o u t se r a d it .
O u b ien 011 p o u sse r a les h a u t s cr is, et on m e
je t t e r a R o se d a n s les b r a s. D e u x s o lu t io n s r a d i
ca le s.
N o u s é t io n s p a r ve n u s a u h a u t d e l ’e s ca lie r .
J ’é t a is d e t r è s m a u va is e h u m e u r . J e d on n a i un
m a igr e p o u r b o ir e au su isse a u x ja m b e s t or ses
et m ’é p o n ge a i le fr o n t .
M me P r u d e n t s ’in fo r m a >
— Vo u s a ve z ch a u d ?
—>• Ce n ’est r ie n . J e t r a n s p ir e fa cile m e n t .
— Ah !
M 110 R o se m e r e ga r d a a ve c u n é t o n n e m e n t in
gé n u q u i a ch e va d e m e t o u r n e r ve r s les p lu s
a igr e s im a gin a t io n s .
M “ " P r u d e n t m e m on t r a les r a yo n s co lo r és
q u i t o m b e n t d e la gr a n d e r o s a ce su r t ou t e la
lo n gu e u r d e la gr a n d e n e f :
— L e s r a yo n s et les o m b r e s ... H u g o e t les
�122
ROS E
OU LA F IAN CÉ S DE P RO V IN C E
ca t h é d r a le s ! Si e lle s n ’e xis t a ie n t p a s, il le s a u
r a it in ve n t é e s ...
M a is je n ’a va is p a s le cœ u r à a d m ir e r . C ’é t a it
d ’a ille u r s la t r o isièm e fo is q u e j ’e n t r a is à Sa in t E t ie n n e , et je n ’a va is p a s m a n q u é d e r em a r
q u er la r osa ce et les v it r a u x ... J ’a va is é t é , les
d e u x d im a n ch e s, à u n o ffice d u m a t in a ve c
M . P r u d e n t « d e p e u r q u ’on ja s e en ville », ce
q u ’on n ’eû t p a s m a n q u é d e fa ir e si j ’é t a is a llé
à la g r a n d ’m esse a ve c ces d a m es.
J ’a va is a lo r s so u r i e t a p p r o u vé . J ’é t a is en cor e
u n é t r a n ge r , et la co m p a gn ie d e M . P r u d e n t n e
m e d é p la isa it p a s. M a n a t u r e lle t im id it é y t r o u
va it son co m p t e . M a is, a p r è s vin gt - cin q jo u r s ,
le r é gim e co m m e n ça it à m e .peser ! J u s q u ’à
q u a n d m e ca ch e r a -t -o n ?
J e m o n t r a i, t o u t le jo u r , u n e fr o id e m a u
va is e h u m e u r . D è s q u ’on m e co n t r a r ie en q u o i
q u e ce soit , je m e r e p lie à la fa ço n in civile d es
h ér isson s.
L e h ér isso n est u n e b ê t e d ’h u m e u r d o u ce , q u i
se n o u r r it d ’in s e ct e s co m m u n s e t d e m a u va is e
h er b e, m a is q u i n ’e n t en d n i la p la is a n t e r ie , n i
les t yr a n n ie s . G r a t t e z- lu i s e u le m e n t le b o u t du
n e z, il d is p a r a ît d e r r iè r e son b u isson d ’é p in e s,
et les p a r o le s le s p lu s t e n d r e s n e p a r vie n d r o n t
p a s à le p e r su a d e r d e vo s b o n n e s in t e n t io n s .
J e n e su is n i m oin s d o u x, n i m oin s r e
vê ch e q u e ce q u a d r u p è d e d ’h u m e u r d é fe n s ive .
I o u t e s ce s p r é ca u t io n s « de m es h ô t e s , a p r è s
m a vo ir d is t r a it , m ’h o r r ip ila ie n t . I .a p u d e u r fie
�B O S B O Ü LA F IAN C'ÎB
DÉ P RO V IN C E
123
M ” * P ft id e t t t d e va n t le v ie u x su is s e d iffo r m e
m it à son co m b le m on r e ss e n t im e n t .
J e r e n t r a i d é fin it ive m e n t d e r r iè r e m on b u is
son d ’é p in e s.
C ’e s t u n e xé cr a b le s ys t è m e . Q u o iq u e j ’en
t ie n n e la fo r m u le d e m on a ïe u l p a t e r n e l, j ’en
b lâ m e l ’a p p lica t io n d e t o u t e s m es fo r ce s.
P o u r vu q u ’il n e m e ca u se p a s t r o p d ’en n u i
d a n s la fa m ille P r u d e n t ! Su r ce vœ u in t é r e ss é ,
le h ér isso n r e p e n t a n t va se co u ch e r .
8 m ai.
D e p u is q u ’il m ’a livr é , p ie d s et p o in gs
lié s à sa fem m e, M . P r u d e n t ja r d in e et fu r e t t e
sa n s m oi. J e n e le vo is p lu s q u ’a u x r ep a s.
L à , il co n t in u e à êt r e b ie n ve illa n t et r é t r o s
p e ct if.
H ie r , il p r it o s t e n s ib le m e n t d u sel a ve c ses
d o igt s . I l r ia it en m e r e ga r d a n t . J e d e vin a i
q u ’il é t a it co n ve n a b le d ’ê t r e in t r ig u é , q u e ce
g e s t e n ’é t a it q u e le p r é t e xt e h a b it u e l à u n e h is
t o ir e ch è r e à M . P r u d e n t . J e n e m ’é t a is p a s
trom p é.
— P a p a ! d it M"° R o s e d ’u n ton m i-s é vè r e ,
m i-e n jo u é .
— J ’ai la p er m issio n d e p u is Ch a r le s V I I .
— P a r e xe m p le , d is -je , je vo u d r a is b ien sa
v o ir ...
— Vo u s a lle z êt r e s a t is fa it . U n P r u d e n t , éch evin à M e h u n , sou]>ait à la t a b le d u roi
�124
RO S B
OU I.A F IAN CÉ S
DE P RO V IN C E
Ch a r le s V I I a ve c b e a u co u p d e n o b le s e t d ’a u t r e s
é ch e vin s . A u n m om en t , il p r it d u sel com m e
je vie n s d e le fa ir e . U n gr a n d d ia b le d ’é cu ye r ,
q u i se t r o u va it d e r r iè r e lu i, m it la m a in su r son
é p a u le et d it t o u t h a u t : « Vo yo n s , m on sieu r .
P r u d e n t , p r e n e z d on c la p e lle . » L e p a u vr e
h om m e se t r o u b la fo r t , ca r il vo ya it q u e le r oi
a va it e n t e n d u . M a is Ch a r le s V I I s o u r it et lu i
d it : « Ça n e fa it r ien ! ça n e fa it r ien ! M o n
sieu r P r u d e n t , d e p èr e en fils, je vo u s a u t o r is e
à p r e n d r e le sel a ve c vo s d o igt s . »
— C ’est u n e ch a r m a n t e lé ge n d e d e fa m ille .
J e n ’osa i p a s d ir e q u e la p er m issio n a lla it
t o m b er en d é sh é r e n ce , p u is q u e M . P r u d e n t
n ’a va it p a s d ’h é r it ie r m â le. D ’a ille u r s , m on
h ô t e n e vo ya it p a s p lu s loin q u e son a n ecd o t e .
— Il a va it jo lim e n t r a is o n , Ch a r le s V I I .
T o u t e s les fo is q u e je v e u x e s sa ye r d e m e s e r
vir d ’u n e d e ce s m a u d it e s p e t it e s p e lle s q u ’on
m et en é q u ilib r e su r les s a liè r e s , e lle t om b e d a n s
m on p o t a ge ou b ien r en ver se la m o it ié d u sel,
ce q u i n e p o r t e p a s b o n h e u r .
E t , jo ign a n t la p r a t iq u e à la t h éo r ie, il en \ o ie p r om en er , d ’u n e ch iq u e n a u d e , la p e t it e
p elle en os.
J ’a d or e le s p et it e s h is t o ir e s d e M . P r u d e n t .
Il le s vit vr a im e n t ; il le s co n t e a ve c a m o u r .
E lle s so n t , co m m e lu i, d o u ce s et co r d ia le s .
M . P r u d e n t est u n h om m e e xq u is .
Q u a n d il p a r le, t ou t p r e n d , a u t o u r d e lu i,
u n a ir ca lm e et b ie n fa is a n t ; on se n t , d e va n t
�r o s e
ou
i ,a
f ia n c é e
d e
pr o v in c e
12 5
so i, la vie fa cile et a g r é a b le ... A ce s m o m e n t s -là , R o se est p lu s jo lie q u e ja m a is , et
M me P r u d e n t m e p a r a ît u n e e x ce lle n t e m én a
gèr e .
*
X
11 m ai 1843.
I l y a va it , h ie r , m a r ch é a u x fle u r s su r la p e
t it e p la ce S a in t - P ie r r e . D e ch a q u e cô t é , so u s les
t ille u ls , son t r a n gé s les m a r ch a n d s d e la ville
e t d es e n vir o n s , a ve c le u r é t a la ge m u lt ico lo r e et
o d o r a n t où d o m in e n t les r oses e t les d a h lia s .
D a n s l ’a llé e d u m ilie u s o u r ie n t le s je u n e s b e a u
t és d e la ville . B o u r ge s 11e m a n q u e p a s d e m i
n o is d ign e s d ’in t é r ê t , m a is la t o ile t t e la isse
s o u ve n t à d ésir er u n go û t m e ille u r . J e s u is
a ssez fier d e m e p r o m e n e r a ve c M IIe R o s e et sa
m è r e , q u i so n t , m a fo i, p a r m i les p lu s a cco m
p lies d e l ’a ss em b lé e.
O n m e r e ga r d e b e a u co u p .
A u p r e m ie r in s t a n t , la va n it é m e fit cr o ir e
q u ’on s ’in t é r e s s a it à la co u p e d e m a ja q u e t t e
à co l d r o it , o u b ien en cor e à m es m a n iè r e s p a r i
�126
RO S E
OD I,A F IAN CÉE DE P RO V IN C E
sien n e s ; m a is, à d es p a r o le s ch u ch o t é e s , je d u s
en r a b a t t r e.
— Ce d o it êt r e le fu t u r d e M “* P r u d e n t .
— Allo n s d on c ! la p e t it e est t r o p je u n e .
— Ba h ! M™° P r u d e n t est p r e ss é e d e r e d e ve
n ir la fille u n iq u e d e son m a r i.
J e n e fa isa is q u e p iq u e r la cu r io s it é d e q u e l
q u es e n vie u s e s m èr es d e fa m ille à la r e ch e r ch é
d ’un ge n d r e .
D a n s u n e p e t it e ville , à la p r om en a d e d es
fleu r s, t ou t le m on d e se co n n a ît . J ’ét a is
« l ’é t r a n ge r ». M a p r ése n ce fu t vit e s ign a lé e , et
ce fu t b ie n t ô t , d e va n t n o u s, u n vé r it a b le d é
filé. J ’eu sse ét é u n d a h lia t r ico lo r e q u e le s u c
cès n ’eû t p a s ét é p lu s é cla t a n t .
M ra" P r u d e n t , q u i, sa n s d o u t e , a va it t o u t à
co u p r ésolu d e n e p a s ca ch e r d a va n t a ge m on
e xis t e n ce , é t a it e n ch a n t é e . L e s m èr es — t o u t
au m oin s a va n t le m a r ia ge — o n t l ’o r gu e il d e
leu r ge n d r e . O n p r ét en d q u e ce s e n t im e n t n e
s u r vit p a s à la n o ce , a u jo u r où e lle s s ’a p e r
ço ive n t q u e ce je u n e h ér os n ’est p a s u n fils d o
cile , m a is b ien u n ge n d r e , u n a ffr e u x ge n d r e ,
c ’est-à -d ir e u n m on sieu r q u i vo u s e n lè ve vo t r e
fille . J ’ai t o u t lie u d e cr o ir e et d ’esp ér er q u e
M '“' P r u d e n t ser a u n e ch a r m a n t e exce jr t io n à
ce t t e t e r r ib le et a b su r d e r è gle . A u jo u r d ’h u i, en
t o u t ca s, e lle e s t o fficie lle m e n t h e u r e u se . E lle
m ’a d r esse la p a r o le, n ’é co u t e p a s m a r é p o n s e ,
r ep a r t , sa lu e en cor e, so u r it t o u jo u r s . J e s u is co n
t e n t d ’elle.
�RO S E
OU LA F IAN C É S I>K P RO V IN C E
127
— C ’est vo t r e P a r is ie n ? d it à m i- vo ix u n e
a m ie.
— O u i, m a ch è r e . N ’est-ce p a s, il est b ie n ?
— P a r fa it !
— E t p u is il est ch a r m a n t , ch a r m a n t !
E t e lle fer m e les y e u x , co m m e é b lo u ie p a r
le s o u ve n ir d e m es ch a r m es. D ia b le ! D ia b le !
la vo ici q u i, à n o u ve a u , va u n p eu lo in , m a
jo lie b e lle -m è r e . J e n e s u is p lu s co n t e n t d ’elle .
J e n ’ose n i r o u gir , n i b lâ m e r ; je s u is cen sé n e
r ie n e n t en d r e. M a is c ’est gê n a n t . J ’en s u is r é
d u it à b a va r d e r sa n s r é p it a ve c M “8 R o se ,
q u i r e st e figé e d a n s l ’a n go is se et la m od est ie.
Se s p e t it e s a m ie s la d é vis a ge n t , n e' sach an t:
q u e p e n s e r , ca r le m a r ia ge n ’est p a s en co r e
a n n o n cé .
Ce p e n d a n t , g r â ce à ce m a r ch é d es H eu rs, où
l ’o n m ’e xp o s a d e va n t t o u t Bo u r ge s , la co n ve r
sa t io n d u soir fu t en fin o r ie n t é e ve r s la p r é ci
sio n t a n t d ésir ée.
— E li b ien ! M a d e m o is e lle et M o n s ie u r , d it
le p èr e, ê t e s -vo u s co n t e n t s d e vo t r e p u b lic?
Bo u r g e s vo u s fa it fê t e , à ce q u ’il p a r a ît .
— O u i, d it M™ P r u d e n t , il n ’y a p lu s à r e
cu le r . Si ce s je u n e s ge n s so n t d ’a cco r d , il va
fa llo ir p u b lie r la n o u ve lle .
— J ’en ser a i h e u r e u x, d is -je sp on t a n é m e n t .
— E t t o i, R o s e t t e ? d it M . P r u d e n t .
— M o i a u s si.
C ’é t a ie n t les p r e m ie r s m o t s « d ’a m o u r » q u e
p r o n o n ça it M 1" R o se .
�128
ROS E
OU I.A F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
G r â ce à b e a u co u p d ’a t t en t io n et d e b o n n e vo
lo n t é , t ou s le s t r o is n ou s le s p e r çû m e s, q u o iq u ’ils
fu s s e n t à p ein e r e sp ir és. J e m ’en co n t e n t a i.
L e h ér isson d e vin t t o u t à co u p u n p e t it a n i
m a l é ve illé , a u p e la ge s o ye u x . M a is , p a r co n t r e ,
je p er d is la p a r o le. U n so u r ir e se fige a d a n s
m es y e u x , et t o u t se m it à t o u r n e r a u t o u r d e
m o i. M . P r u d e n t p a r a iss a it jo n gle r a ve c les
p la t s et les a ss ie t t e s ; M me P r u d e n t la n ça it , d a n s
t o u s les se n s, d es p h r a s es so n or es, et M 11' R o s e ,
le n e z ve r s la n a p p e , r é p é t a it en ca d e n ce et
sa n s t r ê ve : « M oi a u ssi ! M oi a u ssi ! »
J ’a va is b ea u m e p é t r ir le p o u ce a ve c les a u
t r e s d o igt s et fr a p p e r vio le m m e n t m es p a u p iè r es
l ’u n e co n t r e l ’a u t r e , je n e p a r ve n a is p a s à r e
p r e n d r e p ie d . J e n e sa is si p a r e ille a ve n t u r e
a r r ive à b e a u co u p d e fia n cé s, m a is je p la in s
c e u x q u i p a ss en t p a r là . O n est ca r essé et b a l
lo t t é sa n s r é p it : c!e st d o u x et h o r r ifia n t à la fois.
L ’in d u lge n ce d e M . P r u d e n t fit m er veille,
Q u e ce b r a ve h o m m e soit ici r e m e r cié ! 11 d on n a
la r é p liq u e à sa fe m m e , q u i, sa n s d o u t e , é p u i
sa it t o u t son r é p e r t o ir e . J e l ’a p e r ce va is , t o u r
n ée ve r s m oi, t ou r à t o u r g a ie et gr a ve . J e la n
ça is, a u p e t it b o n h e u r , d es m o n o s ylla b e s et d e
p e t it s gr o gn e m e n t s . I ls d e va ie n t t om b er t o u t
d e t r a ve r s d a n s la co n ve r s a t io n , ca r je vis d is
t in ct e m e n t M . P r u d e n t n ie fa ir e d e s s ign e s d é
se sp ér és , p u is, à b o u t d e m im es et d e co n t o r
sio n s, p r e n d r e b r a ve m e n t la p a r o le .
I l est p r ob a b le q u e je n e sa u r a i ja m a is ce q u i
�ROS E
OU I.A F IAN CÉ E
DE P RO V IN C E
129
s ’est p a ssé p e n d a n t ce s m in u t e s . J e fa is a is u n e
p r e m iè r e a sce n sio n d a n s u n b a llo n d on t la n a
ce lle in vr a is e m b la b le é t a it la s a lle à m a n ge r d e
M . P r u d e n t . T o u s le s P r u d e n t m o n t a ie n t a ve c
m o i, et ils m e d is a ie n t t o u r à t o u r , et q u e lq u e
fo is en m êm e t em p s, le u r s im p r e s sio n s d e
vo y a g e ; m a i s — sa n s d o u t e à ca u se d e la r a r é
fa ct io n d e l ’a ir — je co n t in u a is à n e r ie n en
t en d r e.
So u s la d o u le u r , je fer m a i le s y e u x , j ’a va la i
m a d e r n iè r e go u t t e d e s a live , e t j ’a t t e n d is .
T o u t en r e ga r d a n t M "” R o s e , je s o u r ia is , je
s o u r ia is sa n s r e lâ ch e , ju s q u ’à la cr a m p e .
S o u d a in , u n ch o c m e fit t r e s s a illir . L ’a n cr e ! Ce
d o it êt r e l ’a n c r e ! T e r r e ! Sa u vé s , m on D ie u !
J e m ’é ve illa i, l ’e s p r it t o u t n e u f et t o u t fr a is .
O n se le va it d e t a b le .
L a so ir ée fu t d é licie u s e .
On e û t p u cr o ir e q u ’u n e b a gu e t t e d e fée
n o u s a va it t o u s m ét a m o r p h o sé s.
M ,no P r u d e n t r ia it à t o u t p r o p o s ; M . P r u
d en t p é t illa it , et M 110 R o se b a va r d a it co m m e u n e
p e t it e p ie. Q u a n t à m oi, je d is co u r a is, j ’a va is
d e s id é e s et d e l ’e s p r it .
I l n ’é t a it p a s ju s q u ’à M a r ia , la b o n n e , à
l ’o r d in a ir e s o m b r e , d is cr è t e e t a u t o r it a ir e , q u i
n e fû t d e ve n u e e xp a n s ive . E lle n o u s a p p r it q u e
D a vid , le co ch e r , in fo r m é d e la b o n n e n o u
ve lle , b u va it fo r ce r a s a d e s à l ’office et r e fu s a it
d e lu i o b é ir , p o u r la p r e m iè r e fo is d e p u is q u ’ils
é t a ie n t en m é n a ge .
330-v
�130
ROS E
O U LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
L a r é vo lu t io n d e la cu is in e m ’o ccu p a it p e u ,
m a is j ’é t a is fo r t in t é r e s s é p a r le s p e ct a cle d e
n o s p r op r es é b a t s d a n s le s a lo n . Ce q u ’il ï
a va it d e p lu s cu r ie u x , c ’e s t q u e p e r so n n e n ’a va it
l ’a ir d e s ’a p e r ce vo ir d u ch a n ge m e n t . T o u s ces
ge s t e s et ces é cla t s d e r ir e p a r a iss a ie n t habi«
t u e ls et in co n s cie n t s .
Ce t t e p iq u a n t e a git a t io n d u r a ju s q u ’à d ix
h e u r e s d u soir . E lle fu t , d ’a ille u r s , fé co n d e eu
p r o je t s n o u ve a u x. C ’e s t d a n s l ’é n e r ve m e n t d e
la sa t is fa ct io n q u e se p r e n n e n t le s m e ille u r e s
r é s o lu t io n s . O n n e p r ê t e q u ’a u x r ich e s ; le sor t
es t com m e le s h om m es, il se m et d u cô t é d es
fa vo r is .
N o u s b â clâ m e s , t o u s q u a t r e , p lu s d e b e s o gn e
en d e u x h e u r e s q u e n o u s n ’en a vio n s é b a u ch é
en u n m ois . O n r é so lu t d e co m m e n ce r , d è s le
le n d e m a in , les vis it e s o fficie lle s a u x in t im e s et
a u x cit o ye n s im p o r t a n t s d e Bo u r ge s , et d ’é cr ir e
à m es p a r e n t s p o u r le s in vit e r a u m a r ia ge , q u ’on
fix a au 30 m ai.
O11 r é gla , en d ix m in u t e s , m on a ve n ir m a
t é r ie l. L a d ot est r o n d e le t t e . J e p a r la i d e m on
a vo ir p e r s o n n e l, d e m e s d es s e in s . « P r e m ie r
cle r c d a n s u n e b o n n e é t u d e est u n e m p lo i a ss e z
lu cr a t if. O n p eu t a t t e n d r e l ’â ge m û r sa n s t r o p
d ’ém oi. »
— N o t a ir e ss e à P a r is ! P o u r q u o i p a s? U n jo u r ,
m a fille ser a n o t a ir esse à P a r is. Q u a n d l ’o cca
sion se p r é se n t e r a , vo u s la sa is ir e z !
— Co m p t e z su r m oi, M a d a m e !
�R O S E OU L A
F IAN CÉ E DE
P RO V IN C E
I3 I
E t l ’on a p p r o u va sa n s r é p liq u e ce t o p t im ism e
gé n é r a l. N o u s é t io n s t o u s co n t e n t s le s u n s des
a u t r e s. L e p r é se n t é t a it r ia n t , l ’a ve n ir p e in t
ides p lu s vive s co u le u r s. « T o u t est ja u n e a u x
a ya n t la ja u n is s e », a d it L u c r è c e . T o u t p a r a ît
r ose a u x ge n s h e u r e u x ...
18 m ai.
J e n ’ai r ien n o jé d e p u is t r o is jo u r s , p a r ce
q u e ... t o u t va b ien .
L e s vis it e s d e M . et M mo P r u d e n t a u x n o
t a b le s d e la ville o n t , p o u r m o i, l ’e xq u is e co n
sé q u e n ce d e m e la is se r d e b o n n e s h e u r e s t êt e à
t ê t e a ve c R o s e .
E lle fer a u n e p e t it e fem m e t r è s fin e et t r è s
e n t e n d u e a u x ch o se s d u m é n a ge .
19 m a i .
N 'a i- je p a s é cr it h ie r
: p a r ce
que
tou t
-va
b i e n ? P a r ce q u e t o u t a lla it b i e n , d o is-je r e ct i
fier a u jo u r d ’h u i. Q u e lle a p r è s -m id i n é fa st e je
vie n s d e vivr e !
J e r e gr e t t e vr a im e n t d ’a vo ir e n t r e p r is d e r a
co n t e r au jo u r le jo u r le « r om a n » d e m on m a
r ia g e . I l co n t in u e à n a ge r d a n s la p r ose.
Ce la d é b u t a p a r 1’« in t e r m é d ia ir e », q u i d é
p o é t is e t o u t . Co m m e n t vo u le z- vo u s q u ’on a im e
u n je u n e h o m m e q u i vo u s est e xp é d ié t o u t
fia n cé ? L ’a m o u r vit d e su r p r is e s . Co m m e n t
vo u le z- vo u s a im e r une, je u n e fille à q u i l ’on
�X3 2
vo u s
ROS B O ü
adresse*
I.A F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
mon
p o u r
lia
vo ir,
m a is
p o u ï
l ’é p o u s e r ?
P u is , ce lo n g m ois d ’in d iffé r e n ce et d ’a r ch é o
lo gie ! T o u t a lla it s ’a r r a n ge r . R o s e co m m e n ça it
à m e p a r ler a ve c g e n t ille s s e , e t je co m m e n ça is
à lu i r ép o n d r e t e n d r e m e n t . N o u s m u gu e t io t is
a ve c e n t r a in , fu ya n t les gr a n d e s p e r s o n n e s , p r é
fé r a n t le s b o sq u e t s a u s a lo n ... T o u t se d is
loq u e.
M ™ P r u d e n t vie n t d e m e t t r e le h o là d ’u n e
v o ix s è ch e et d e je t e r le d é sa r r o i p a r m i n o t r e
in s o u cia n ce .
— R o se ! é co u t e u n p eu .
R o s e s u r s a u t e , co u r t . J e r est e t o u t p e n a u d
s u r m on
b a n c.
M “ ° P ru d en t
p a r le t o u t
haut :
— M a p e t it e fille , t u en p r e n d s t r o p vit e à
ton a ise. J ’e xis t e ; il fa u t t ’en so u ve n ir u n p e u ,
d e t em p s à a u t r e . Ce m o n sie u r b r û le le s ét a p es.
11 t ’a cca p a r e a va n t l ’h e u r e . Vo u s n ’êt es p a s
en co r e m a r ié s, D ie u m er ci ! J e n ’a u r a is p a s cr u
q u e t u d e vie n d r a is si t ôt in gr a t e . Il y a u n e
gr a n d e h e u r e q u e je su is s e u le d a n s le sa lon .
Vie n s m ’a id e r à a r r a n ge r la t a b le p o u r ce so ir .
T u ign o r e s p e u t -ê t r e q u e n o u s a vo n s d ix p e r
son n es à d în e r ?
J ’a p e r ço is R o se . E lle fa it la m ou e d ’u n e p e
t it e fille q u i va p le u r e r . C ’e s t d e m a fa u t e . J e
m e lè ve . J e in e p r é cip it e p ou r la d is cu lp e r . D é
sa st r eu se in s p ir a t io n ! M m* P r u d e n t m e r e ço it
a ve c u n vis a ge d u r q u e je n e lu i a va is ja -
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
133
ïn a is vu et q u i l ’e n la id it à n e p lu s la r eco n £ a ît ie .
— Ch e r M o n s ie u r , à vo u lo ir a lle r t r o p vit e ,
vo u s a lle z d ép a sser vo t r e b u t . P r e n e z- y ga r d e !
Vo t r e co n d u it e n ’est n i a d r o it e , n i co n ve n a b le .
E t p u is , n e co u r e z d on c p a s co m m e ce la à t o u t
p r o p o s. Vo u s a ve z le fr o n t t o u t en su e u r , et ça
n ’est p a s b ea u !
R o s e s u ivit sa m èr e et je r e t o u r n a i se u l d a n s
le ja r d in . J ’en fa is a is , u n in s t a n t a u p a r a va n t , a d
m ir e r le s b e a u t é s d é lica t e s , à m a fia n cée a t t e n
t iv e . D e u x m in u t e s d ’a b s e n ce su ffir en t à le t r a n s
fo r m e r en u n m is é r a b le « d éser t », co m m e on
d it ici. L e s fleu r s se n t a ie n t t r op fo r t et m on
t r a ie n t d e s co u le u r s cr ia r d e s ; le ga zo n é t a it
m a l s o ign é , et les p e t it e s a llé e s , à l ’a b a n d o n ,
é t a ie n t sillo n n é e s d e m a lp r o p r e s t o ile s d ’a r a i
gn ée.
U n d ieu m a lin , p o u r m e t t r e le co m b le à m on
m a lh e u r , m e fit q u it t e r le ja r d in p o u r la p e
t it e ch a m b r e d u p r e m ie r , o ù , d e p u is q u e lq u e s
' jo u r s , m on H i s t o i r e d e s o r ig in e s d u N o t a r ia t
n ’a va n ce gu è r e . J e m ’y r e n d is su r la p o in t e d es
p ie d s, et p er so n n e n e m e vit . Si b ien q u ’a ya n t
m a l t ir é la p o r t e , j ’e n t e n d is ce t t e co n ve r s a t io n ,
d u r a n t la q u e lle m on h u m ilit é p u t s ’e xe r ce r à
lo is ir :
— J e t ’a ssu r e, m a m a n , il est b ien ge n t il.
C ’é t a it la v o ix d e R o se . D e s la r m e s d e r e
co n n a is s a n ce et d e jo ie m e m o n t è r e n t a u x
ye u x .
�134
RO S E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
— T u a s la d o u za in e ? Bo n ! L a n a p p e , m ain «
t e n a n t . J ’ai e n vie d e m e t t r e la gr a n d e da*
m a ssée q u e n ou s a vio n s p o u r le d în er d u Tr i«
b u n a l...
« Ce q u e je t ’en d is , m a p e t it e , c ’est p o u r t e
m e t t r e en ga r d e co n t r e l ’e m b a lle m e n t . T o n
fia n cé n ’est n i je u n e n i b ea u . I l n e co n vie n t
p a s q u ’il te cr o ie a m o u r e u se d e lu i. Ce s e r a it
r id icu le . T u n e p e u x p a s l ’a im e r . »
M a is , m a m a n ...
— E p o u s e - le , il n e fer a p a s u n m a u va is m a r i,
m a is il est in u t ile q u ’il se d ou t e d e t e s s e n t i
m e n t s , s ’ils a m o in d r is se n t ton ca r a ct è r e .
— M a is , m a m a n ...
— M a is , m a fille , il fa u t m e cr o ir e . Ah !
vo ici la n a p p e . D e sce n d o n s . F e r m e le p la
c a r d ... I l t r a n s p ir e t r o p fa cile m e n t . J e t e
p la in s. J e t r o u ve ce la r é p u gn a n t . P e u t -o n ai*
m e r u n h om m e q u i t r a n s p ir e ? Ce la n ’a p a s,
d u r e st e , u n e im p o r t a n ce ca p it a le . T o u s les
m a r is o n t d e p r o s a ïq u e s d é fa u t s . I ,e m on d e
est a in si fa it . E t p u is, ce n ’est p a s M . Sou b e yr o n q u e t u é p o u ses, à vr r .i d ir e : c ’est
P a r is . T u a s b ie n r a ison .
L a vo ix d e M 0"’ P r u d e n t se p e r d it . Ce s
d a m es d e sce n d a ie n t l ’e s ca lie r . U n e p o r t e se
fer m a . E t le s ile n ce m e fit b o u r d o n n e r les
o r e ille s.
Com m e on ju g e m a la d r o it e m e n t les ge n s !
Q u ’est-ce q u e je d é s ir e ? L e b o n h e u r d e t o u t
le m on d e , a u s si b ien ce lu i d e M m<! P r u d e n t q u e
�ROS E
OU LA. F IAN CÉ E I)E
P RO V IN C E
IJ S
c e lu i d e sa fille . E t l ’on m e t r a it e en en n em i
d o n t il co n vie n t d e se d é fie r . Ah ! m on t r a n
q u ille cé lib a t , où e s -t u ? Q u i m e r e n d r a
l ’in d iffé r e n ce d ’a u t r u i e t ■ m a p r o p r e in s o u
cia n ce ? L,a p a ix , je d em a n d e la p a ix , sa n s co n
d it io n s.
A u d în e r , je r e p r is t o u t m on p r e s t ige . I l fa l
lu t b ien m e m e t t r e p r è s d e R o s e , et n o u s fû m es
le s h ér os s o u r ia n t s d e la co n ve r s a t io n et d es
t o a st s. M mo P r u d e n t fit m on é lo ge à son vo isin ;
R o se n e m e t in t p a s r ig u e u r d e l ’a lga r a d e d e
sa m èr e ; et m oi-m êm e , o u b lia n t les t o r t s q u e
je n ’a va is p a s , je ch e r ch a i à m e fa ir e va lo ir , en
a b o n d a n t d a n s le se n s d e M me P r u d e n t .
J ’e n t a m a i, p o u r R o se , u n n o u ve l é lo ge d e la vie
p a r is ie n n e .
—
O h ! vo u s s a ve z, m e d it m a fia n cé e à vo ix
b a ss e , sa n s oser m e r e ga r d e r , P a r is m ’e ffr a ye ,
m a in t e n a n t , p lu s q u ’il n e m ’a t t ir e .
Nous
vivr o n s b e a u co u p ch e z n o u s, n ’es t -ce p a s?
J e l ’a u r a is em b r a ssé e d e co n t e n t e m e n t , à cet t e
r ép o n se n on d é gu is é e a u m ot cr u e l d e sa m èr e :
« C ’est P a r is q u e t u é p o u ses, t u a s b ien r a is o n . »
Ce p e n d a n t , je d o is d ir e q u e je s u r p r is p lu
s ie u r s fo is R o s e q u i — sa n s y en t e n d r e m a lice ,
j ’en s u is ce r t a in — m ’e xa m in a it le fr on t .
J ’en fu s a u s u p p lice . P lu s je m e r e t e n a is d e
t r a n s p ir e r , p lu s je se n t a is la ch a le u r m ’e n t o u
r er e t m o n t e r en m oi, d e m êm e q u ’à r e fo u le r
u n e t o u x q u i s ’o b s t in e , vo u s ir r it e z vo t r e go s ie r
e t vo u s vo u s co n ge s t io n n e z le vis a g e .
�SSgB
ROS E
pu
L'A F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
21 m ai.
« Ca lo m n ie z, ca lo m n ie z : il en r e st e t o u
jo u r s q u e lq u e ch o se. »
Ce t t e a p r è s-m id i, com m e je r e ve n a is , a ve c
M . P r u d e n t , d ’u n e co u r s e en ville , n o u s n o u s
é p o n ge â m e s t o u s le s d e u x e n p é n é t r a n t d a n s
l ’o m b r e d e la m a ison . N o u s a vo n s u n m ois d e m a i
q u i r e n d r a it d es d e gr é s à b ie n d es ju ille t . R o se
n o u s a t t e n d a it d a n s le ve s t ib u le . E lle m e r e ga r d a
a ve c d es y e u x a t t r is t é s et u n p eu m é ch a n t s :
— A h ! . . . co m m e vo u s a ve z c h a u d !
E t , h a u s s a n t ses é p a u le s m e n u e s , e lle en t r a
Üau s le s a lo n , d on t e lle r efer m a la p o r t e d e r
r iè r e e lle . J ’e n t e n d is d es v o ix et d e vin a i q u e
R ose
r a co n t a it
l ’é vé n e m e n t
à
sa
m èr e.
M mc P r u d e n t d e va it t r io m p h e r .
P o u r m oi, je co m m e n ce à ê t r e t r è s m a lh e u
r e u x . L ’in ju s t ice m e r en d m a la d e . M "“ R o se et
m oi ga s p illo n s les h e u r e s q u i o n t la r é p u t a t io n
d ’ê t r e les p lu s b e lle s d e l ’e xis t e n ce . M '”0 P r u -.
d e n t a g it so t t e m e n t . La ja lo u s ie e s t u n vic e b ê t e .
Si en cor e je t r a n s p ir a is d ’u n e fa ço n e x a g é
r ée ! M a is , je vo u s a ss u r e , je s u is en ce la u n
h o m m e t ou t à fa it o r d in a ir e . M . P r u d e n t est
b e a u co u p m oin s m od ér é. C ’est a ga ça n t d e n e
p o u vo ir le fa ir e r e m a r q u e r à sa fem m e ! M a is ce
d é fa u t p a r d o n n é, e lle m ’en t r o u ve r a it u n a u t r e .
U n e b e lle -m è r e d ign e d e ce n om n e d o it j a m a i s
se t r o u ve r à co u r t .
�R O S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
137
M , P r u d e n t n e s ’a p e r ço it d e r ie n . Au jo u r
d ’h u i, s o u s le d u r so le il d e m id i, il m ’e n t r e t in t
ÜU jé s u it e L a b b é , sa va n t t h é o lo gie n et b ib lio
p h ile , q u i é cr ivit , e n t r e a u t r e s œ u vr e s , u n e
!H i s l e i r e d u B e r r y
a b r é g é e , a v ec l'é lo g e
p a n é
(16 4 7). M a is ,
vo u s l ’a vo u e r a i- je ? la ville d e Bo u r ge s n e m ’in
t ér esse p lu s d u t ou t .
g y r iq u e
de
la v i l l e
de
Bou r g es
23 m ai.
U n r om a n n e p e u t d é cid é m e n t p a s s ’é cr ir e
a u jo u r le jo u r . Ce lu i q u i en t r e p r e n d le r é cit
d e ses fa it s et ge s t e s , a ve c le so u ci d e q u o t i
d ie n n e s b a r r iè r e s , n e s a u r a it p r o d u ir e œ u vr e
d ’a r t is t e . L a vie a b esoin d ’êt r e m od elée a p r ès
co u p , p o u r fa ir e b o n n e figu r e d a n s u n livr e .
D e p u is , u n e se m a in e, il n e se p a sse r ie n ici
d e n o t a b le . J e n e sa u r a i q u e p lu s t a r d si ce
t r a n t r a n q u i m e p a r a ît m on ot o n e n e r e cé la it p as
la m a r ch e le n t e d e l ’a ct io n m êm e et le n œ u d
d e m on in t r igu e . Q u e vo it -o n d u p r é s e n t ? D e s
im a ge s co n t r a d ict o ir e s , T o u t est a u p r e m ie r
p la n et t r op en lu m iè r e . O n n^e sa u r a it r e co n
n a ît r e l ’é vé n e m e n t ca p it a l, ca r si l ’on vo it les
e ffe t s , 011 n e d e vin e p a s les co n s é q u e n ce s. L e
p r é se n t est gr o s d e l ’in co n n u à ve n ir . L e p a ssé,
a u co n t r a ir e , est co m m e u n e p er so n n e q u ’on a
lo n gu e m e n t fr é q u e n t é e , u n a m i su r q u i l ’on
p eu t d o n n e r m a in t s r e n s e ign e m e n t s , gé n é r a u x
o u p a r t icu lie r s . Vo t r e in t im it é a ve c lu i vo u s
p e r m e t m êm e d e b r od er u n p e u , d ’e n jo live r ,
�138
ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
d e lu i p r ê t e r d es q u a lit é s q u ’il n e p o ssèd e p eu t êt r e p a s in t é gr a le m e n t , en fin d e fa ir e « oeu vr e
d ’im a gin a t io n ».
L e p r é se n t a u q u e l je m e s u is a s t r e in t est sec
et o b scu r . Ce son t m es le ct e u r s , s ’il s ’en t r o u ve
ja m a is, q u i ser on t se u ls à m êm e d e vo ir ce q u e
j ’a u r a is p u fa ir e r e ss o r t ir . Co m m e ils a u r o n t
r e vé cu la r ge m e n t m on h ist o ir e , ils p o u r r o n t y
in t r o d u ir e d e l ’or d r e et u n e m e su r e q u e je s u is
in ca p a b le d ’y m e t t r e .
25 m a i.
L a d a t e a p p r o ch e . J e co m p t e le s jo u r s e t
a n n o n ce le n o u ve a u ch iffr e ch a q u e so ir , ce q u i
e xa s p è r e p a r fo is M mo P r u d e n t , sa n s q u ’e lle
ve u ille eu co n ve n ir . Ce 30 n ia i m ’a p p a r a ît
co m m e u n jo u r b é n i q u i ve r r a la fin d e m es
t o u r m en t s. J e 11e p en se g u è r e a u x le n d e m a in s :
ce 30 m a i, p h a r e d e d é livr a n ce , se su ffit à lu im ê m e . Q u ’im p o r t e ce q u e m e r é se r ve le p o r t !
J e 11e vo is q u e la lu e u r q u i m ’y co n d u it .
Ce
ven u e
m a tin ,
m e
u n e
te n d re
redonn er
du
le ttre
de
m a
m ère
est
co u rage.
M on p èr e, m a m èr e et m es s œ u r s vo n t b ie n
t ô t q u it t e r P a r is . J e n e sa is ce q u i se p a sse en
m oi. J ’ai com m e le b e s o in , l ’e n vie , la jo ie d e
p le u r e r . J e n e cr o ya is p a s t a n t a im er m es p a
r e n t s. D e s e n t ir q u ’ils vo n t ve n ir , je s u is so u
la g é d ’u n p o id s én or m e.
I c i, à Bo u r ge s , on n e m e co n n a ît p a s. O n est
a im a b le p ou r m o i, la p lu p a r t d u t e m p s — ca r
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE
P RO V IN C E
139
le s scè n e s vio le n t e s et le s p e t it e s q u e r e lle s son t
p lu t ô t r a r es (p eu t -êt r e m êm e y a i-je fa it d es
a llu s io n s t r op fr é q u e n t e s ). D e m on cô t é , je m e
m o n t r e so u s le jo u r le p lu s fa vo r a b le . M a is ,
m a lg r é ce t t e vie en co m m u n q u e n o u s vivo n s
d e p u is d e u x m o is b ie n t ô t , je n e co n n a is p a s
m e s h ô t e s , et , s u r t o u t , ils n e v ie c o n n a i s s e n t
p a s . I ls 11e s a ve n t p a s, co m m e sa it le fa ir e m a
m èr e, lir e d a n s m es ge s t e s , d a n s le s r id e s d e
m on fr o n t , d a n s m es s o u r cils , d a n s le son d e m a
v o ix . I l fa u t q u e je t r a d u is e p a r d es p a r o les
•— et je les ai s o u ve n t m a la d r o it e s — m es p a u
vr e s p e t it e s p en sées. Q u o i q u e je fa s s e , et q u oi
q u ’on fa sse, je s u is 1111 é t r a n ge r . D e s d în er s,
d es p r o m e n a d e s , d es ca u s e r ie s so u s le s t ille u ls
n e co n s t it u e n t p a s d e l ’in t im it é .
I ls n e s a ve n t p a s m e co n s o le r . U n b a is e r d e
m a m èr e ! J ’a i b esoin d ’u n b a is e r d e m a m èr e,
d ’u n e s o lid e p o ign é e d e m a in d u p èr e So u b e yr o n , et d es s a u t ille m e n t s d e m on t r o u p e a u d e
sœ u r s. M a ch è r e p e t it e Ab è le , q u i m ’a im e et
m e d e vin e si b ie n , va ve n ir ! J e l ’em b r a s se r a i.
E lle m e s o u r ir a . E t les p e t it e s , M a r ie e t Am é
lie , se d is p u t e r o n t à q u i gr im p e r a la p r em iè r e
le lo n g d e m a r e d in go t e ! E t les a u t r e s ! E t le
p è r e q u i se m o u ch e r a b r u ya m m e n t p o u r ca
ch e r son ém o t io n . Ca r ils vo n t êt r e h e u r e u x d e
m e r e vo ir . L e s b r a ve s ge n s !
E t je m e p la in s d e l ’e x is t e n c e !... Q u ’est -ce
q u ’il m e fa u t ?
Ce r a vis s e m e n t p r o ch a in m e fe r a vit e o u
�r o s e
o u
l a
f ia n c é e
DE P ROV IN C E
b lie r m es p e t it s a ga ce m e n t s d e ge n d r e in com «
p r is et d e fia n cé so lit a ir e .
Ca r je s u is se u l, t e r r ib le m e n t !
J ’a u r a i d u p la is ir a u s si à r e vo ir m on am i R i
ch a r d . J ’o u b lie ses p a u vr e s d é fa u t s , ou plu tôt:
je le s s u p p o r t e d ’a va n ce .
J e le s lu i p a r d o n n e, en co m p e n s a t io n d e la.
b o n n e ca m a r a d e r ie q u i n ou s lie .
D a n s la le t t r e q u ’il m ’é cr ivit h ie r , il n e m e
p a r le m êm e p a s d e son m a r ia ge à lu i. Q u e l or i
gin a l !
XI
28 m ai 1843.
N o u s a vio n s o b t en u d es M e s s a ge r ie s u n e d é
r o ga t io n s a u x R è gle m e n t s . L a vo it u r e , se d é
t o u r n a n t d e son it in é r a ir e h a b it u e l, s ’a r r ê t e r a it
d e va n t la m a ison et p e u t -ê t r e , si le co ch e r y
co n s e n t a it , e n t r e r a it d a n s la co u r .
L e s d e u x b a t t a n t s d e la p o r t e d e b o is m a ssif,
so u s le p o r t iq u e d ’e n t r é e , a va ie n t ét é o u ve r t s ,
et n ou s a t t e n d io n s , su r le s b a n cs d u ja r d in e t , à
ga u ch e d e la m a ison . M. P r u d e n t é t a it fier et
h e u r e u x ; il se le va it s o u ve n t , m a r ch a it d e lo n g
en la r ge , les m a in s d a n s le d os. M""’ P r u d e n t
�ROS E
O U LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
141
s ’im m o b ilis a it d a n s ce t a ir p in cé q u ’e lle a va it
in a u g u r é r é ce m m e n t . J e n e su is p a s r a n cu n ie r ;
je co n s e n t a is à o u b lie r le s t a q u in e r ie s p a ss ées ;
p o u r q u o i t e n a it - e lle à m e les r a p p e le r p a r ce t t e
m o u e q u i lu i a lla it d ’a ille u r s fo r t m a l? P a r b o n
h e u r , R o se , t o u t e à ce t t e a r r ivé e d e je u n e s s e s ,
11e m ’e xa m in a it p lu s le fr o n t et r ia it fo r t g e n
t im e n t .
C ’est e lle q u i s ign a la l ’a r r ivé e d e la vo it u r e .
— J ’e n t e n d s les g r e lo t s ! J ’e n t e n d s le s g r e
lo t s !
E t e lle b o n d it ve r s la p e t it e t e r r a s s e q u i d o
m in e la r u e .
— Vo yo n s , R o s e , lu i d it sa m èr e im p a t ie n t é e ,
s o n ge q u e t u n ’es p lu s u n e e n fa n t !
M '“3 P r u d e n t co n t in u a it à m e g â t e r m a jo ie .
Mon D ie u ! q u e le s fe m m e s é go ïs t e s son t d on c
a sso m m a n t es ! L e s fem m es, les m èr es s u r t o u t ,
s a ve n t si b ie n s ’e ffa ce r , e n g é n é r a l... E n fin , e s
p ér o n s q u e t o u t ce la va p a ss er . M "10 P r u d e n t est
u n e b o n n e fe m m e , au fo n d , h e u r e u se d e m a r ie r
sa fille . A P a r is , n o u s n o u s e n t e n d r o n s for t
b ien .
C ’é t a it , en e ffe t , la vo it u r e d ’O r lé a n s .
L e s t r o is ch e v a u x m a r t e la ie n t le p a vé so
n o r e. L e s r o u e s et le s vit r e s fa is a ie n t u n b r u it
in fe r n a l. L o r s q u e l ’a t t e la g e a p p a r u t en fin au
ca r r e fo u r vo is in , n ou s vîm e s , à ch a cu n e d es
fe n ê t r e s , u n vis a g e h e u r e u x. J e r e co n n u s
d ’a b or d : m on p è r e , so u s sa ca lo t t e gr e cq u e d e
la b o r a t o ir e ; So p h ie , p lu s r ose q u e n a t u r e ; les
�142
R O S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
p e t it e s , M a r ie et Am é lie , se r r ées co m m e d e
co u t u m e l ’u n e co n t r e l ’a u t r e ; p u is, la vo it u r e
a ya n t t ou r n é : H o n o r in e , s a u t illa n t e ; m a m èr e,
a u b on so u r ir e d e jo ie g r a ve , et Ab è le , q u i m e
p a r u t p lu s jo lie q u e ja m a is ; en fin , R ich a r d ,
o u i, R ich a r d , q u e n o u s a t t e n d io n s s e u le m e n t lé
le n d e m a in .
M a p r e m iè r e p en sée fu t : « Ce p a u vr e R i
ch a r d , q u el vo ya ge é n e r va n t il vie n t d e fa ir e !
Ce q u ’il a d û m a u d ir e d e fo is la fa m ille Sou»
b e yr o n ! »
M . P r u d e n t fit d e gr a n d s ge s t e s a u co n d u c
teu r :
— E n t r e z d a n s la co u r ! E n t r e z d a n s la
co u r !
L e co n d u ct e u r se co n t e n t a de h a u sser le s
é p a u le s. P u is , co m m e M . P r u d e n t r é it é r a it son
ord re :
— Ah ! n o n , p a r e xe m p le , c ’est d é jà a ssez
q u ’on vo u s a m èn e vo s vo ya ge u r s ju s q u ’à vo t r e
p o r t e . Vo u s n e vo u d r ie z p a s q u e je les m on t e
ju s q u e d a n s leu r ch a m b r e à co u ch e r ? J e n e
s u is p a s p a yé p ou r ce la . J e n e q u it t e ja m a is les
p a vé s d u r oi !
— Vo u s a u r e z u n e b o n n e p iè ce .
— M e r ci. J ’a im e m ie u x r e n t r e r p lu s vit e à
l ’h ô t e l...
— M a is e n fin ...
— E n fin , q u o i? L e s vo u le z- vo u s , vo s vo ya
g e u r s ? U n m ot d e p lu s , je file a ve c ju s q u ’au
1 . i o n - d 'O r .
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
143
I l fa llu t se r é s ign e r à d é b a r q u e r su r le t r o t
t o ir , d e va n t le s b a d a u d s a cco u r u s . O n o u b lia
vit e ce t in cid e n t , d a n s l ’e ffu sio n d es r e co n n a is
s a n ce s et le s s a la m a le cs d e s p r é s e n t a t io n s :
— Co m b ie n n o u s som m es h e u r e u x, M a
d a m e ...
—
—
sac !
—
—
—
—
E n ch an té s ,
M o n s ie u r...
J e v e u x m on p e t it sa c ! J e v e u x m on p e t it
cr ia it Am é lie .
Ave z- vo u s fa it b on vo ya g e ?
L e s h e u r e u se s cir co n s t a n ce s q u i...
E lle est ch a r m a n t e ...
F é lic ita tio n s ,
m on
ch er !
R o s e fu t p a r fa it e d e ge n t ille s s e p r é ve n a n t e .
M mo P r u d e n t o u b lia ses r a n cu n e s e t a ccu e illit
le m ie u x d u m on d e m a m èr e et m es sœ u r s.
M . P r u d e n t , a p r è s a vo ir se r r é t r è s co r d ia le
m e n t la m a in d e p a p a et ce lle d e R ich a r d ,
s ’o ccu p a d es b a ga ge s .
I l s o r t it d e la b â ch e u n n o m b r e vr a im e n t in
ca lcu la b le d e m a lle s, d e sa cs, d e p a q u e t s , d e
ca r t o n s . D a vid e m p ila it t o u t d a n s le ve s t ib u le ,
a id é d e M a r ia , p lu s r o b u s t e q u e lu i e t q u i le
m e n a it r o n d e m e n t , à son h a b it u d e .
L e s va lis e s d e R ich a r d r e s t è r e n t d a n s la vo i
t u r e p o u r êt r e t r a n s p o r t é e s a u C h e v a l - B l a n c ,
o ù j ’a va is r et en u u n e ch a m b r e p o u r lu i... M on
a m i m e p a r u t ch a n gé , p lu s a ffa b le . J ’a va is h â t e
d e ca u s e r a ve c lu i, d e l ’e n t r e t e n ir d e m a vie à
Bo u r g e s , d e m es e n n u is , d e m es cr a in t e s . I l fu t
co n ve n u q u e n o u s ir io n s à p ie d ju s q u ’à l ’h ô-
�144
ROS E
OU LA F IAN CÉE DE P RO V IN C E
t e l. L e co n d u ct e u r fo u e t t a se s ch e va u x et p a r t it
en gr o m m e la n t .
O n s ’o ccu p a d e la d is t r ib u t io n d es ch a m b r e s.
D a n s l ’e s ca lie r , on s ’a p e r çu t d e la d is p a r it io n
d e s p e t it e s , M a r ie et Am é lie .
a va ie n t ét é, se d on n a n t la m a in , fa ir e
le t o u r d u ja r d in .
E lle s
— J ’ai vu , d it l ’u n e , u n ce r is ie r co m m e je *
n ’en a va is ja m a is r ê vé .
— E t m oi, d it l ’a u t r e , d es r osier s q u i fa isa ie n t
l ’e xe r cice le lo n g d ’u n e a llé e .
M . P r u d e n t é t a it si h e u r e u x et les p e t it e s si
jo lie s q u ’on n e le s gr o n d a p a s.
T o u t e s m es s œ u r s, d ’a ille u r s , m e p a r u r e n t
ch a r m a n t e s . So p h ie m e fit co m p lim e n t d e la
« sp le n d id e » h a b it a t io n d es P r u d e n t . H o n o
r in e m e r a p p or t a for t ge n t im e n t u n e co m m is
sion d e la p a r t d e M mo D u t o u r . Q u a n t à Ab è le ,
je lu i t r o u va i b ien u n p e t it a ir s o u r n o is et d é
t a ch é , p eu d a n s son ca r a ct è r e , m a is elle
m ’a va it , à l ’a r r ivé e , em b r a ssé si, fo r t q u e je n e
p o u va is lu i en vo u lo ir d e s ’ê t r e t e n u e e n su it e
à l ’éca r t d e ce s d a m es.
L e s m a lle s in s t a llé e s d a n s le s d iffé r e n t e s
ch a m b r e s, M . P r u d e n t se fr o t t a le s m a in s et e n
t r a în a m on p è r e :
— Ve n e z d on c fa ir e , a ve c m o i, le t ou r d u
p r o p r ié t a ir e .
E t ils d is p a r u r e n t d e r r iè r e la m a ison .
Ce s d a m es p r o cé d è r e n t à l ’in s t a lla t io n
du
�ROS S
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
145
d o r t o ir « Sa in t - E u s t a ch e », se lo n le m e t de
So p h ie .
J e p r is R ich a r d p a r l ’é p a u le et n o u s p a r
t îm es ve r s le C h e v a l - B l a n c .
— Q u e l vo ya g e t u a s d û fa ir e !
— T r è s a gr é a b le .
— Ba h ! T u v e u x r ir e ? M a r ie et Am é lie on t
d û vo u s r om p r e la t ê t e !
— M a is n on . E lle s son t t r ès a m u s a n t e s.
— Cin q m in u t e s ! M a is d e u x jo u r s ?
— E lle s d o r m a ie n t d e t e m p s en tem p s.
— E t les t h é o r ie s s u r la vie p r a t iq u e d e
ce t t e b on n e So p h ie , l'é co n o m e d e la fa m ille ?
— E lle n ’est p o in t so t t e . Ce lu i q u i s ’en a p e r
ce vr a en ser a r éco m p e n s é .
— E t H o n o r in e ...
— E lle r é cit e t r è s b ien le s fa b le s d e L a F o n
t a in e et ch a n t e à r a vir la r om a n ce .
— Q u a n t à Ab è le , je la co n n a is , e lle a d û
êt r e p a r fa it e ...
— C ’est le m ot . E lle a vin g t a n s , n ’estce p a s?
— O u i, d e p u is q u e lq u e s jo u r s .
— E lle e s t l ’a în é e d e ta fia n cé e.
—
Tie n s ,
en
e ffe t !
Je
n ’y
a va is
pas
ré flé ch i.
— M o i, j ’y a i p en sé p lu s ie u r s fo is, le lo n g
d u vo ya g e .
— E t à q u el p r op os, m on D ie u ? T u a s t r o u vé
u n p a r t i p o u r e lle ?
— Ab s o lu m e n t ... E t ils se r o n t h e u r e u x, c ’est
m oi q u i t e le d is.
�146
ROS E o u
— . T u
—
le
F IA.NCÉË DE P RO V IN C E
L.\
c o n n a is ,
M o n
ch er,
ce
je
p ré s o m p tu e u x?
s u is
am o u re u x
fo u
de
ta
sœ u r.
—
E h
—
J ’e i i v o i e
là ! e h
—
To i,
—
O u i,
—
Je
là ! S o n g e
to u t
am o u re u x?
m o i.
m ’e u
Je
qu e
tu
es
fia n cé !
prom en er.
T u
s u is
m ’é t o n n e s .
u n
au tre
h o m m e.
a p e rço is .
sou
a va it
a cco m p li ce
m ira cle
de
tra n s fo rm e r m o n
am i
R ich a rd ,
ê tre
e x c e p tio n n e l,
en
un
h om m e
co m m e
le s a u tr e s , s e n s ib le
e t q u e lq u e fo is ou
b l i e u x d e s o i - m ê m e . J ’e n é t a i s , p o u r m a p a r t ,
E t,
de
à
la
v é rité ,
la v o i x ,
co n te n t
—
et
Je
A b è le
—
T u
b ie n ,
regarde
as
M a in te n a n t,
—
C ’e s t
dès
je
ce
le
en
d is -je .
d ’u n
rem arqu é,
—
ch er,
g e s te s ,
regard,
lu i.
le
A b è le
fla tté .
cro is
te
le s
to u t é ta it m o d ifié
u n e
n ’y
je
de
son
pas?
ren ds
co m p te .
m e rve ille ...
p lu s .
cô té ,
fa vo ra b le .
n ’e s t - c e
m ’e n
p e tite
tie n s
qu e,
œ il
Je
ve u x
A h !
m e
m on
d é c la re r
s o ir .
—
A va n t
—
Je
d ’ê t r e
va is
lib r e ?
é crire
im m é d ia te m e n t
po u r
m e
' 1é g a g e r .
Ta n d is
vers
je
pas
fis
la
q u ’il
s 'h a b i l l a i t ,
rue
D u p le s s is .
ce tte
rem arque
m ê m e
d em an d é
am o u rs
à
m o i.
Son
A
je
cet
qu e
re vin s
in s ta n t
R ich a rd
des
é go ïs m e
le n te m e n t
s e u le m e n t,
ne
n o u ve lle s
é t a it
m ’a v a i t
de
in ta ct ;
m es
m a is
�E QS B QU LA F IAN CÉE DE P RO V IN C E
Ab è le y é t a it in t im e m e n t m êlée, et je n ’eu s
p a s le co u r a ge d e le b lâ m er .
E t p u is , q u e lu i eu s-je d it ? Q u e m a fia n cé e
n e m ’a im a it p a s? q u e m a b e lle -m è r e co m m e n
ça it à m e d é t e st e r et q u e j ’é t a is d ésem p a r é?
T o u t ce la est b on à ga r d e r en soi ; c ’est l ’en clo s
p r ivé où n e d o it p a s en t r er l ’a m i le p lu s fid èle.
T o u t ch a n g e si vit e ! P a t ie n t o n s 1
X I I
Bou r ges, 29 m ai.
Ce n e son t p a s les in cid e n t s q u i m a n q u e n t
d e p u is d e u x jo u r s , m a is s e u le m e n t le tem p s
m a t é r ie l d e les co n s ign e r su r u n ca h ie r ... p ou r
la p o s t é r it é .
*
* *
30 m ai.
J e d éfie b ie n le p lu s co n s cie n cie u x d es a u
t o b io gr a p h e s d e n o t e r q u e lq u e ch o se d e sen sé
la ve ille d e son m a r ia ge . J e n e sa is m êm e p lu s
é cr ir e .
R ich a r d et Ab è le son t fia n cé s officieu se m e n t ,
�R O S E OU LA F IAN CÉ E DE P ROV IN C K
148
31 m ai 1843, à M eh u n -su r -Yèvr e.
J e n e p u is ê t r e , d e ce t t e jo u r n é e d e m on m a
r ia g e , q u ’u n m a u va is h is t o r ie n . 11 m e fa u t
d ’a ille u r s la co n t er b r iè ve m e n t : j ’é cr is en ca
ch e t t e , et R o se p o u r r a it à ju s t e t it r e êt r e in t r i
g u é e p a r m a d is p a r it io n .
L a m a t in é e se p a ssa d a n s l ’a git a t io n et le s
tr a n ses.
M . P r u d e n t co u r a it d a n s u n se n s ; je co u
r a is d a n s u n a u t r e.
R ich a r d e t Ab è le , a r r ivé s d e b o n n e h e u r e ,
p a r le n t a ve c M mo P r u d e n t , r e sp le n d is sa n t e .
M a m èr e est m o n t é e ch e z R o se .
P e r s o n n e n e s ’o ccu p e d e m o i, et j ’en ai u n
lé git im e d é p it , ca r , en fin , je su is le h ér os d u
jo u r : on m e d oit d e la co n s id é r a t io n .
E n l ’a b se n ce d e R o se , c ’est m a ch è r e p e t it e
Ab è le q u i r e t ie n t t o u s les r e ga r d s . P u is - je lu i
eu vo u lo ir ? M m0 P r u d e n t r a co n t e a u x a m is,
a u x in vit é s , a u m oin d r e in co n n u r a id e en son
h a b it d e ga la , l ’h is t o ir e d es je u n e s a m o u r e u x
—
Tro is
jo u r s
de
d ilig e n c e ,
c ’e s t
de
l ’in
tim ité ...
— L e m a r ia ge est co n t a gie u x.
— L a d e m o ise lle est d u r est e ch a r m a n t e .
— V in g t a n s , et P a r is ie n n e ju s q u ’a u b ou t
d es o n gle s .
— E t lu i, il est t r ès b ie n , n ’est -ce pas?.
�ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
l4g
— P a r fa it !
Ce n ’est p a s d e m oi q u e l ’on p a r le , b ie n en
t e n d u ; c ’est d e R ich a r d , d e l ’in d o le n t R ich a r d ,
q u i se p a va n e , sa lu e , s o u r it p r è s d e m a sœ u r ,
M o i, j ’e n t r e, je sor s, je fa is le s co u r ses.
R ich a r d n e co n n a ît p e r s o n n e à Bo u r ge s .
P o u r é vit e r le s im p a ir s, il m ’a d é lé gu é ses p o u
vo ir s . Vo u s ve r r e z q u ’il a u r a le d e r n ie r m ot .
L e vé r it a b le ga r ço n d ’h o n n e u r , à m a n oce,
c ’est m oi. E t R ich a r d jo u e m on r ô le d e m a r ié.
H e u r e u s e m e n t , R o se va d e sce n d r e , et t ou t
r e n t r e r a d a n s l ’o r d r e. J e r e p r e n d r a i m a d ign it é
e t ses h o n n e u r s.
L a vo ici !
O h ! q u ’e lle est jo lie ! M a is je m e se n s d a n s
l ’im p o s s ib ilit é a b s o lu e d e d ir e p o u r q u o i e lle
est jo lie , et p o u r q u o i e lle m e p la ît si p r o fo n
d ém en t .
O n 11e m e la isse m êm e p a s le t e m p s d e l ’a d
m ir e r . I l fa u t p a r t ir p o u r l ’h ô t e l d e ville .
H é la s ! l ’a p p a r e il m u n icip a l d é t r u it a b s o lu
m e n t la p oésie d e La d em eu r e m e r ve ille u s e d e
J a cq u e s Cœ u r .
A cœ u r va illa n t r ien im p ossib le !
m e cr ie la b o n n e d e vis e d u r oi d e s m a r ch a n d s.
E t je ju r e fid é lit é e t p r o t e ct io n .
O n est en r e t a r d . Vit e , à la ca t h é d r a le !
Bo u r ge s n o u s r e ga r d e p a sser . M mo P r u d e n t
s o u r it , p in cé e . Ma m èr e p le u r e d e jo ie .
�150
RO S E
OU I.A F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
A p a r t ir d e ce m om en t , je p e r d s t o u t e n o
t io n d e îa r é a lit é . L e s m a r ch e s d e Sa in t E t ie n n e , l ’o r g u e ... Q u e lq u e ch o se d e b la n c et
d e lé ge r m e p r é cè d e . L a h a lle b a r d e d u s u is se
é t in ce lle et r e b o n d it . J e m a r ch e a ve c d es p ied s
lo u r d s . Su r d e u x lign e s , d es vis a ge s se t e n
d en t , cu r ie u x. E t vo ici le p r ie -D ie u d e ve lo u r s ,
le b u t , le b on r ep o s.
L e s m a r ié s s o n t a in si d isp o sés q u ’ils n e
vo ie n t p a s la fo u le . I ls a s s is t e n t à u n e m esse
p o u r e u x d e u x. I ls se ga r d e n t b ie n d e se r e
t o u r n er . I ls son t s e u ls a ve c d es fle u r s, d es lu
m ièr es, d e la m u s iq u e , d es p e t it s e n fa n t s d e
ch œ u r r o u ge s et u n a r ch e vê q u e q u i se m b le
d esce n d u d ’u n vit r a il p o u r le u r d on n er sa b é
n é d ict io n .
Ce n ’est p a s im p r e s sio n n a n t d u t o u t : c ’est
ch a r m a n t , c ’est t r è s d o u x, c ’est d é licie u x.
O n est secou é ce p e n d a n t et r é ve illé à la q u e s
t ion p r é cise d u p r ê t r e , p u is à son ge s t e d é fin i
t if. Ce n ’est p lu s le b a n a l : « A u n om d e la lo i,
je vo u s u n is . » L e ca r a ct è r e sa cr é d e la cé r é m o
n ie vo u s p é n è t r e t ou t à co u p . Vo t r e vie vo u s
a p p a r a ît t o u t e n t iè r e , a ve c la b ea u t é d e ses
jo ie s , la g r a vit é d e ses d e vo ir s .
M a is ce n ’est q u ’u n e lu e u r fu g it ive .
U n n o u ve a u d é filé s ’o r ga n is e ve r s la sa cr ist ie.
C ’est d ’a b or d t r è s a m u s a n t . On s ign e , en
r ia n t , so u s d es a ct e s q u ’on n e lit p a s ; 011 e m
b r a sse sa fem m e ; on p a r le fa m iliè r e m e n t à u n
a r ch e vê q u e ; 011 se co n gr a t u le en fa m ille ; on
�ROS E
OU
LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
151
'ou b lie t o u s les r e ss e n t im e n t s . L a vie q u o t i
d ie n n e a p p a r a ît sa n s p et it e sses. O n e s t h e u
reux.
M a is vo ici, b ie n t ô t , le flot d e s a m is q u ’on
n ’a ja m a is vu s , et t o u t e s le s m a in s q u i se t e n
d e n t . D e u x ce n t s p e r so n n e s r é p è t e n t su r t ou s
le s ton s le s m êm es m ot s :
— P e u t -o n vo u s em b r a sse r , m a ch é r ie ?
— A h ! M o n s ie u r ! vo u s a ve z d e la ch a n ce !
— J e l ’a i fa it s a u t e r su r m es ge n o u x.
— M a t o u t e b e lle , j ’a u r a is vo u lu êt r e la p r e
m iè r e à vo u s d ir e « M a d a m e » .
—
vo tre
V o u s
p e rm e tte z,
M o n s ie u r,
qu e
j ’e m b r a s s e
fe m m e ?
— J ’ai t en u à ve n ir m oi-m êm e , M o n s ie u r ,
vo u s e xp r im e r m es sin cè r e s co m p lim e n t s .
— M o n ch e r P r u d e n t , p r é se n t e z-m o i d on c
vo t r e g e n d r e ...
— M ign o n n e , m ign o n n e , vo u s êt es u n e p et it e
fé e ...
.
E t les jo u e s d e la p e t it e fé e , q u ’on a fa it sa u
t er su r ses g e n o u x, s ’o ffr e n t et cla q u e n t à t ou t
ve n a n t .
J e n e t e n d s q u e la m a in e t je s o u r is . P e r
so n n e n e se d o u t e d e m on s u p p lice : j ’ai m is,
m a la d r o it e m e n t , m on a n n e a u à m a m a in d r o it e ,
et t o u s ce s b r a ve s Be r r ich o n s , q u i o n t d es p o i
g n e s d e fe r , m ’e n fo n ce n t m a b a gu e d a n s les
ch a ir s .
J ’a i t r ès ch a u d .
�152
R O S E OU
LA F IAN CÉ E DE P ROV IN C E
*< P o u r vu , m on D ie u , q u e m on fr o n t r est e
pur ! »
J ’en fr iss o n n e . E t je je t t e u n r ega r d d e d é
tr esse ve r s R o s e ... L a p a u vr e p e t it e est b ie n
tr o p o ccu p é e p o u r s o n ge r à m oi.
M on p èr e a t r o u vé u n p h a r m a cie n d u p a ys
et p a r le co m p t e -go u t t e s . R ich a r d et Ab è le , m<i->
lin s, s o n t d a n s u n a n g le d e la sa cr ist ie , à l ’a b r i
d es r e ga r d s et d es p o ign é e s d e m a in . M "1' P r u
d e n t t r io m p h e . Son m a r i se m u lt ip lie , g e s t i
cu le et p r é se n t e sa n s r elâ ch e.
So p h ie r e ga r d e . H o n o r in e s u r ve ille le s d e u x
p e t it e s q u i, figé e s d a n s le u r s r ob es de m ou s se
lin e em p esée, t e n d e n t le p lu s gr a ve m e n t d u
m on d e le u r s m en o t t e s a u x vie ille s d a m es q u i
se p â m e n t d ’a d m ir a t ion d e va n t elle s.
Se u le , m a m èr e m e la n ce , à la d ér o b ée , d e
b o n s r e ga r d s m o u illé s d e s a t is fa ct io n . G r â ce à
<-Ue, je r é sis t e a u x m a u va is co n s e ils d es n e r fs.
J e m e sen s a im é. M on is o le m e n t m e p esa it .
M a is q u e lq u ’u n est h e u r e u x « d f m on b o n
h eu r . »
L e d é je u n e r d u r a q u a t r e h eu r es.
L e p r o gr a m m e a ya n t ét é m is au scr u t in —
ch a q u e je u n e fille co m p t a n t p o u r d e u x vo ix ,
— c ’est la d a n se q u i l ’e m p o r t e ...
Rose lia sse d e b r a s en b r a s. J e d a n se a ve c
t o u t e la co m p a gn ie . R ich a r d , fia n cé , d a n se a ve c
la seu le Ab è le .
♦
* *
�ROS E
OU
LA
F IAN CÉ E
DE
P RO V IN C E
153
A cin q h eu r es, u n e b e r lin e n ou s vie n t p r e n
d r e à Y H ô t e l J a c q u e s - C œ u r , o ù se fa it la n oce.
J ’e n lè ve m a fem m e a ve c jo ie , m a is n on sa n s
a n go is s e .
N o u s r o u lo n s la m ain d a n s la m a in , p en ch és
le p lu s so u ve n t ch a cu n ve r s n o t r e fe n ê t r e . T r è s
fa t ig u é s t ou s les d e u x et u n p eu é t o u r d is , n ou s
n ’é ch a n ge o n s q u e p eu d e p r op os.
C ’est n o t r e vé r it a b le p r em ie r t ê t e -à -t ê t e .
A u n m om en t , u n e a llé e d e p e u p lie r s d o n
n a n t u n e p r o p ice o b s cu r it é , e lle m e la isse l ’em
b r a sse r ge n t im e n t , m a is sa n s e n t h o u sia sm e.
E lle n e m e r en d p a s m on b a is e r , et je la su r
p r e n d s q u i r e ga r d e m on fr o n t .
J e r é p r im e u n m o u ve m e n t d ’h u m e u r . L a s il
h o u e t t e d e m a b e lle -m è r e m ’a p p a r a ît , lo in t a in e
e t gr im a ça n t e * E s t - ce q u ’il fa u t q u e je la
cr a ig n e e n co r e ? ...
A se p t h e u r e s , n o u s é t io n s, selon n os p r é vi
sio n s , à M e h u n .
T a n d is q u e R o s e s ’a p p r ê t e p o u r le d în e r ,
j ’écr is à la h â te ces lign e s v a g u .s .
O ù va is - je ?
L e jo u r , (pie d is -je ? le s o ir d e m on m a r ia ge ,
j ’en su is en cor e à m e le d em a n d er . L ’a m o u r
n ’a p o in t m on t r é le b o u t d e son n e z m a lin ...
J ’a i t r ès fa im .
�154
R O S E OU LA. F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
Or léa n s, i or ju in .
N o u s som m es d e sce n d u s ch e z la b o n n e h ô
t esse d e la B o u le- cL ’O r , d on t les co m p lim e n t e
s in cè r e s m e r a ga illa r d is s e n t .
N o u s a llo n s r est er d e u x jo u r s ic i.
R o se n ’est p a s d e b o n n e h u m e u r .
J e l ’e n t o u r e ce p e n d a n t d e so in s e t d ’a m it ié .
J e p a r le , je r is, je r a co n t e , je m e fa is h u m b le.;
R o s e n ’est p a s' d e b o n n e h u m e u r .
M a is j ’ai co m m e le s e n t im e n t q u e m es
t r a n ses vo n t b ie n t ô t p r e n d r e fin , q u ’il su ffir a
d ’u n p e t it in cid e n t p o u r a m e n e r à m oi m a
fem m e.
E t je m ’in gé n ie à fa ir e n a ît r e ce t in cid e n t .
Il
le
fa u t
a im a b le ,
s o u ria n t,
p o é tiq u e .
J e n ’a i r ie n t r o u vé a u jo u r d ’h u i.
�& OS E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
155
X I I
2 ju in .
L e d e r n ie r fe u ille t d e m on p e t it r om a n .
J e n e sa is s ’il ser a d u g o û t d es le ct e u r s d é li
ca ts- M a is je n ’in ve n t e r ie n . J e s u is le scr ib e.
J e co p ie la r é a lit é .
P lu s ie u r s fo is p a r jo u r , R o se fa it a llu sio n à
m on d é fa u t , si m a le n co n t r e u s e m e n t s ign a lé p a r
sa m èr e. M a is je t ie n s b on . J e m ’a p p liq u e à
ga r d e r u n fr o n t d e m a r b r e.
Ce so ir , a va n t d în e r , n o u s é cr ivo n s d e u x
le t t r e s à n os m èr es r e s p e ct ive s , et je p r en d s
m on ch a p e a u p o u r les p o r t e r à la p ost e.
—
N e co u r s p a s, t u a u r a is ch a u d , m e d it
R o se .
Q u a n d je r e vin s , je n ’a p e r çu s p a s R o se , t ou t
d ’a b o r d , et je m ’é p o n ge a i le fr o n t , d ’u n ge st e
m a ch in a l.
�156
RO S E OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
— J e te l ’a va is b ie n d it ! m u r m u r a u n e v o ix
q u i s ’effor ça d ’ê t r e sé vè r e et sèch e.
J e s u r s a u t a i, co m m e u n co u p a b le p r is s u r le
fa it .
— M a is o ù d on c es-t u ?
R o s s a va it t ir é les vo le t s , e t e lle d u t t en d r e
son b r a s b la n c en l ’a ir p ou r q u e je la d é co u
vr isse d e r r iè r e le ca n a p é .
Q u ’est -ce q u e tu fa is là , m a ch é r ie ?
— M o i? r ie n !
— T u en es b ien sftr e?
— .M a is o u i.
— Ah !... c ’est t r è s p a r t icu lie r ... R e ga r d e
co m m e on p e u t se t r ô m p er , t o u t d e m êm e. J ’a u
r a is ju r é q u e t u ve n a is d e la is ser é ch a p p e r q u e l
q u e m en u o b je t , p e lo t e d e fil, b a gu e ou b o u
t o n ..., et j ’a lla is m e p r é cip it e r p ou r t ’a id e r à le
r e t r o u ve r .
— J e t ’a s s u r e , T h é o p h ile , je n ’a i r ien
p e r d u . E t ce la t e d o n n e r a it t r op ch a u d d e te
b a isser .
C e lt e in s ist a n ce m e ch a gr in a u n p e u . J e se n
t a is m on fr on t ^ sec e t sa n s r e p r o ch e . J e fis, sa n s
le vo u lo ir , u n e p e t it e m o u e b o u d e u s e . F o r t
in n o ce m m e n t , je m e cr o ya is in vis ib le d a n s ce t t e
o b s cu r it é .
R o se s ’é t a it le vé e . E lle vin t à m oi en co u
r a n t . Son p e t it cœ u r a va it t o " t à co u p d e vin é
m on ch a gr in .
— J e t ’ai fa it d e la p e in e ? P a r d o n !... C ’cci
�RO S E
OU LA F IAN CÉ E DE P RO V IN C E
q u e, vo is - t u , t u es r e n t r é t r o p
vo u lu r e t r o u ve r m on p e t it ca r n e t
C ’est u n p e t it ca r n e t o ù ..., c ’est
I jet q u e ..., c ’est u n p e t it ca r n e t à
157
vit e ; j ’a u r a is
t o u t e s e u le ...
u n p e t it car m oi.
J e n ’a va is ja m a is vu à R o se ce t a ir h u m b le
fet em b a r r a ss é. I l m e t o u ch a p r o fo n d é m e n t . J e
s e n t is p r è s d e m oi sa p e t it e â m e e ffa r o u ch é e .
J e p r is ses m a in s.
— I l fa u t a vo ir co n fia n ce . J e n e s u is p a s
u n e n n em i.
E lle s o u r it , m a is e lle a va it e n vie d e p le u r e r .
— J e va is le ch e r ch e r , en fe r m a n t le s y e u x ,
‘d is -je.
So n r ir e p a r t it en fu sée :
— Ce n e ser a p a s co m m o d e !
— E s s a yo n s .
E t d é jà n o u s é t io n s t ou s le s d e u x à q u a t r e
p a t t e s e n t r e le s m e u b le s, su r le t a p is r u d e et
p o u s s ié r e u x.
— F e r m e z- le s b ie n . N e t r ich e z p a s.
L ’e n fa n t r e p a r a is s a it , à m a co n fu s e s a t is fa c
t io n . J e r e d e ve n a is l ’a m u s e u r , le b on g a r
çon s e r via b le . J e su is n é b o n n e d ’e n fa n t : je
r o u g is d e m a m é d io cr it é o p in iâ t r e . M o r t ifié ,
u n p eu gr o t e s q u e , je s o u r ia is m a lgr é m oi.
R o se co n t in u a it d e r ir e en fu r e t a n t d e t ou s
cô t é s :
— Vo u s ve r r e z, vo u s ve r r e z, c ’es t m oi q u i le
t r o u ve r a i. J ’a i d e b o n s y e u x , m oi !
M a is , déjà» j ’a v a is ' le ca r n e t e n t r e les m a in s.
�15 8
ROS E
OU LA F IAN CÉ E DE
P ROV IN C E
J e l ’a va is se n t i a ve c m on ge n o u , su r la d e s
ce n t e d u lit . J ’o u vr is u n œ il : c ’é t a it u n p e t it
ca r n e t b le u , a ve c u n cr a yo n a u cô t é , l ’a ir b ie n
in o ffe n s if, t e lle u n e ép ée d ’a ca d é m icie n . U n
éla s t iq u e u n p eu fa t ig u é m a in t e n a it les fe u il
le t s m o lle m e n t fer m és. À ce m om en t , je se n t is
q u e la su eu r p e r la it à n o u ve a u su r m es t em p es.
I l é t a it t e m p s d e m e r e le ve r .
— R o se , vo ici vo t r e ca r n e t . P u is - je r o u vr ir
les y e u x ?
E lle se p r é cip it a . J ’é t a is en cor e à ge n o u x
q u ’e lle é t a it p r è s d e m oi. J e t en d is l ’o b je t , m a is
p a s a ssez vit e p o u r lu i é vit e r d e r e ce vo ir u n e
go u t t e t om b ée d e m on fr on t . H o r r e u r ! Ce t t e
fo is, je m é r it e t ou s les sa r ca sm es d e m a je u n e
fem m e.
— O h ! fit -e lle , je vo u s r e m e r cie . Co m m e
vo u s vo u s êt es d on n é d u m a l! Vo u s ê t e s b o n .
Vo u s va le z m ie u x q u e m o i...
« M ’a ve z-vo u s p a r d o n n é m on vila in m o u ve
m en t d e t o u t à l ’h eu r e et m ou sot p e t it m e n
s o n g e ? ... »
— La is se z-m o i e s su ye r ce t t e ...
— Ce t t e la r m e ! d it -e lle r a p id e m e n t . J a m a is !
P a u vr e p e t it e , la isso n s-la sé ch er .
J e m ’é t a is r e le vé . J ’é t a is m a in t e n a n t a ccli
m a t é à l'o b s cu r it é .
J ’e n t r a în e R o s e ve r s le ca n a p é . J e la p r is
d a n , m e s b r a s com m e u n e fille t t e .
— M a p e t it e R o se , il n e fa u t p a s d ir e q u e je
�ROS E
OU LA F IAN C É S
DE P RO V IN C E
15g
¡suis m e ille u r q u e vo u s . Ce la n ’e s t p a s ... J e s u is
u n g r o s m a la d r o it , q u i n ’a p a s su se fa ir e
a im e r .
— O h ! si ! m a in t e n a n t , T h é o , je le sen s, je
vo u s a im e. J e s u is t o u t à fa it à vo u s , p o u r t o u
jo u r s . J e n e sa is co m m e n t ce la es t ve n u , m a is
çela est.
J e so n ge a i :
« Ç ’a é t é com m e la go u t t e a t t e n d u e q u i fa it
Üéb or d er le va se d é jà p le in . »
— Ce se r a , a jo u t a - t - e lle à v o ix b a sse, la
d er n ièr e o b s e r va t io n q u e je co n s ign e r a i su r
m on p e t it ca r n e t : « A u jo u r d ’h u i, R o se et T h é o
p h ile s ’a im è r e n t p o u r la p r e m iè r e fo is. »
E lle se s e r r a it co n t r e m oi, m e r e ga r d a it
co m m e si e lle m e d é co u vr a it .
Se s y e u x é t a ie n t à d em i n o yé s d a n s d e gr o s
ses la r m e s, et e lle s o u r ia it .
— J e vo u s fe r a i lir e , ce so ir , t o u t m on p e t it
ca r n e t . Il m e se m b le q u e je n e d ois p lu s r ien
te ca ch e r . T u sa u r a s t o u t .
S e s n u yn s t r e m b la ie n t , son pet-it n ez fr é
m is s a it . Sa p o it r in e se go n fla it p a r b r u sq u e s
sa cca d e s.
— E t t o i, a m ie, d is -je sa n s r é flé ch ir , t u li
r a s le r é cit d e m on vo ya g e à Bo u r ge s , et tu m e
p a r d o n n e r a s m es vila in e s fia n ça ille s , eu l ’h on
n e u r d e ce t t e b o n n e jo u r n é e . T u a s r a ison , de
vr a is a m o u r e u x n e p e u ve n t a vo ir d e se cr e t s
l ’u n p o u r l ’a u t r e !
J e n ’é t a is p a s m o in s é m u . D e s la r m es a p p a
�160
R O S E OU LA F IAN CÉE DE P RO V IN C E
r u r e n t à le u r t o u r d a n s m es y e u x , et je m e m is
à t r e m b le r m oi-m êm e com m e u n p a u vr e h om m e
q u i est t o u t à co u p t r o p h e u r e u x.
E t vo ilà co m m e n t fin it m on vo ya g e à Bo u r ge s
et co m m e n t vin t n o t r e a m o u r !
*
* *
Q u a n d le b o n h e u r se fa it q u o t id ie n et h a b i
t u e l, il n e p e u t p lu s gu è r e s e r a co n t er .
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204.
L e ir é r n n t
J e u n I. u o a r o . — lm p . d e M o n t u o u r iH . P a r i 8*14*. — It . C
S e in e ’»3879
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Collection Stella
Relation
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Description
An account of the resource
La collection Stella est lancée en 1919 par les éditions du Petit Echo de la Mode. Ses fascicules sont des suppléments mensuels...<br /><a href="https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/exhibits/show/fondbastaire/collection_stella">En savoir plus sur la collection Stella</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Publisher
An entity responsible for making the resource available
Editions du "Petit Echo de la Mode"
Title
A name given to the resource
Rose ou La fiancée de province
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Des Gachons, Jacques (1868-1945)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
[1933]
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
160 p.
18 cm
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Description
An account of the resource
Collection Stella ; 330
Type
The nature or genre of the resource
text
Language
A language of the resource
fre
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Bastaire_Stella_330_C92751_1111146
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Relation
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7f5811c63bf7e6ef3ebd49715b3e5f82
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Jacques
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JIIIf'U
dan. ltJ Colletion :
����Dans l'ombre de mes jours
A MA CHERR PETITE ALINE,
C'est moi qui t'ai appris à lire, ma chérie;
je partirai peut être avanl de t'avoir appris
't'ivre, ce qui est autrement compliqué et bien
plus important. Sans avoir l'intention de me
donner en exemple, je 7J((is te raconter comment j'ai vécu. Ma moisson est faite-: vtens
glaner avec moi.
D'ailleurs, c'est toi qui m'en as priée.
Un .wir, tll m'as surprise tandis que je méditllis Tu n'osais pas approc/ur. Mais lonque
lu me 'vis lever les J'eux, tu es 7' enue me câlinN
et tu m'as dit:
« Grand'mère, il JI a des moments où 1'011
1U' voit plus votre visage, comme quand on
passe à l'ombre. le voudrais tant savoir à quoi
7107lS pensez dans Cfî moments là .. , :.
((' (((hier sera ma répons('.
Tu l(' liras lorsque tu (llIU1\' reize ans. Toute
foi.î, il 11(' faudra priS (('Il to/ir à ce premiN
(olltacl. Dix anllén plus tard, la 7'ir t'aura
/rôlér du dur élan de .Wll aile. Tu pourras
ml' rrl ire aloH. U Ile grand' mffP pm! bint
a
�����10
DANS L'OMBRE DE 'MES JOURS
��12
DANS L'011B1Œ nE 1rE' TOURS
été confié pOlir quelques JOurs cl notte âllle
pour l'éternité!
Telles étaient, ma chérie, ~l dix huil ans, mes
préoccupations matinales. Tu peux deviner
l'état de IllOll esprit en sortant de notre bonne
vieille petite église: aussit6l je commençais
ma tournée chez les malades et chez mes
pauvres.
Quand je rentrais, vers neuf heures, Je trouvais que j'avais bien gagné mon petit riéjeuner. Quel bel appétit j'avais! Un appétit de
nourrice, me dit un jour ma mère. T a comparaison ne m'était point désagréable. T'étais la
petite ma~
de tous les pauvres gens et je
leur donnais de moi, sans compler ...
De dix heures à midi, j'allais m'enfermer
dans la bibliothèque, avec les livres que m'avait légués mon grand-père el que je te laisserai à toi, si tu les mérites. Là ce n'étalt plus
de la faim que j'avais, c'était une sorte de fringale. Qu'il y a de choses à apprendre! Que de
beaux 1ivres à dévorer, sans parler de ceux
qu'on doit sans cesse relire, même si on les
sait par cœur!
1,(1. séance reprenait souvent l'après midi,
coupée par de longues promenades ct drc.; mé- •
ditations. Et je te jure que je ne trollVrtis pas
le temps long. Mon Dieu, que vos journées
sont "ourtes! D'ailleurs. je n'en gémissais
point. J'étais toujours de Donne humeur, même
sous le toit de mes amis les pauvres. Est-cc
������f~
DA 'S 1.'0 HIRE DE
lES JOURS
~:l1c
disparut el.l conrant vers ses f<Jumeaux.
La brave fille! Elle seule avait eu foi dan::.
le retour de nos soldats.
1\Ia mère ct moi hous restâmes quelques instants debout à écouter. Un brnit confus cie
voix nous parvenait par l'cscalier. Notre ma
lade. s'était assoupie; ses mains avaient, sur les
draps, d'étranges soubresauts.
_ Si nous descendions) dis-je à ma mère.
Nous étions sur le seuil lorsque Victoire
vint rious prévenir' qu'un officier deman.
dait a nous parler et qu'elle l'avait fait entrer
dan~
le salon. Nous descendîmes aussitût.
Malgré les deux lampes, nous ne vîmes
d'abord qu'une longue silhouette qui s'inclinait.
L'inconnu se présenta. C'était le capitainc
Pern et-Vaugis. Son père et le nùen étaient des
amIs. Lui.même venait de temps en temps à
Charrière. Je l'avais vu plusieurs fois !Ôans y
prendre garde. Mais ce soir-là ce n'était plus
un jeune officier quelconque, il commandait à
deS, hommes qui venaient de se battre.
Mère lui demanda comment s'était passée la
journée et moi s'il avait perdu beaucoup
d'hommes.
_ Nous. avons quelques morts, hélas 1 mais
nous avons gagné la partie. C'e t le princip,t1.
Il avait une voix à la foi., timide et nette.
Sobre de gestes, tout droit sur le piédestal de
ses souliers boueux, la tête Cil pleine lumit'rt.
1 egard dire
t epelltl, nt I\1n(l t. fi (
��20
DANS L'OMBRE nE 111<'S rOUHS
<!u'il avait désiré nous parler dès qu'il avait
su notre présence au château).
Nous lui fîmes comprendre que notre devoir
à nous était de demeurer à Boisguyon jusqu'au
dernier soupir de notre vieille tanle. C'était
à son avis fort dangereux, et la malade, nous
assura-t-il, serait la première à nous conseiller
la retraite si clic pouvaIt se rendre compte de
la situation. 11 fit allusion ~I ma jeunesse, cc
fjui me fIL relever la lt:te. La vaillance est contagieuse. Alors il se repril :
- Il est vrai que cel hivf': toutes les Jeunes
filles sonl montées en gradf'.
T,e capitaine fixa sur moi son visage sérieux
qui se détendit peu à peu jusqu'au sourire.
Comme je détournai les yeux, Je vis que le
dolman du capitaine était déchiré près du col.
- Mais, monsieur, vous avez élé blessé!
m'écriai-je.
Il porta vivement la main vers son épaule.
- Le drap seul a élé louché, dit-il, en cherchan1 à cacher la déchirure.
l\1a mère el moi étions déjà deooul ct, quoi
f]u'il fît, nous aperçûmes de~
taches de sang.
Capitaine, dit ma mère, il faul \'Ol1S bis
ser panser. Vous ne pouvez partir ainsi demaIl1 ...
- I.e sang s'échappe encore, ajoutai-je.
- Madame, je vous asssnre qu'il s'agit
d'une égratignure. Je n'en ai pas s uffert, je
ne me souviens même pas du moment où je
fus atteint. Cependant J'accepte vos services
���DAI'S T 'O:'IBRE DE . Il'.
JOur S
2~
ne pus dormIr. Et à la première heure de l'aube
j'étais levée.
.
?\Ia mère avait désiré rester près de tante,
mais elle avaIt succombé à la fatigue et je la
trouvai assoupie, dans son fauteuil. Je m'ap
prochai du lit de notre malade. Le grand
calme de son visage m'impressionna. Je touchai sa main. Elle était froide. La pauvre
femme s'était endormie pour touJours. J'éveillai doucement ma mère et je courus chercher
Victoire. ous avions besoin d'être toutes les
trois réunies pour pleurer et pour prier.
':-"1a tante Adèle n'était plus désormais unt'
petite chose terrestre. Elle était une femme qui
allait se présenter devant Dieu ...
Vers cinq heures, des coups violents ébranlèrent la porte du vestibule ct les volets du
salon:
- 0 ffnen sie! Off1len sie! crialent de
rudes voix. Outrez! outres!
- Les Pru siens!
Je les attendais.
Je crois même que je souris en haussaut les
épaules. Nous étions trois femmes dans le château, trois femmes et une morte. Belle victoire
pour le.., envahisseurs!
Je regardai le doux visage apaisé de notre
petite tante joujou, éclairé par les flambeaux
dont nOlis avions entouré son petit lit. Il était
heureux que pour elle tout fùL [mi. Vivante
cl le eùt tllal supporté LlJJt d'émotions.
J'allai tremper me dOl rt d,lU::; l'ea\l b ~nit
����DA1'\S L'O. lDRE DE :\[ES TOURS
POllr 11101, Je l'a\'{,uc, c'{·t;lienl le" gr<1l1rb rlr
sirs seuls qui 1l1'intéres .lient. I.a forle {-dnc,l
tion que j'avais reçue au COI1\ (,Ilt <l\ ait laissé
en moi une profonde empreinte. Kon seulement je me croyais capahle de conduire seule
ma barque (c:'elÎt été simple présol1l ptiuu),
mais je noyais que mnn dcvoir hait la ct par
devoir j'entendais ma \ ie tout entière, de tous
les jours et jusqu'à son e. trêlllc ~out.
T'étais jolie, je l'ai déj;l dit, mais il faut
bien le répéter pour que cela finisse par t'entrer clans la tête, - j'étais riche, j'étais aimée,
enfm j'aimais celui qui allait être mon campa
gnon. Quelles belles cartes dans Ill.on jell !. ..
J'aimais mon fiand pour lui-même, cclie .
l.a guerre fl11ie (hélas! ct lllal fmie), il <1vait
repris un visage plus civilisé Ses longues et
Pjl;Jisses moustaches châtain foncé auxquelles
sc Illêl<tient quelques fils rl'argf'l1t, lui auraient
<!ol1Jolé un air farouche si les yeu.' Iùussf'nt éttd'nll gris plein de douceur. Il porl<1it les che
veux Cil brosse, très courls ct clairsemés. ~Iais
je n'avais en peur ni des poils blallcs, ni cie la
calvitie. Je n'étais pas du lout, mais du 'tout
faite pour épouscr un blanC' he ;\ r}'cveux
noirs ct drus ou quelque gros poupon à moustache d'étoupe. Lucien était tout à fait
l'homme qUl mc com'ena il. 1 ~'est-c
pas
l'hommc qui a vécu qui sait le mit"\lx vine'?
Je 1isais sur 5011 \'isage tout 5011 passé de 110
h)( s> et d'ardeur.
��DANS
t ie
if' rlni
L"O~liRE
DE MES JOURS
,111111il il\\1
Il
Ja Française qui ne veut pas désespérer, J'ambition de la revanche! Nommé commandant
sur Je champ de bataille du Mans. mon mari
arriverait vite colonel !. .. Je le voyais déjà
général, à la tête d'un corps d'armée viclorieux!
Femme d'un général en chef! Pourquoi pas?
Je ne resterais pas inactive. Il y a tant à faire
autour de l'armée! La femme ne peut pas
guérir, mais c'est ellt': qui doit soigner. Je vouI.lis, je voyais le développement merveilleux
des ambulances en temps de paix. prêtes à
partir à la moindre alerte il la frontière. Les
femmes ainsi paieraient leur .dette à la patrie.
le ,droit à 1'héMon féminisme, à moi, c'~tai
roÏsmc.
::\1ais Je rôle de ,la femme ne doit pas se
reslreindre à la Croix-Rouge. au pansement
des blessés. Il doit sc faire scntir a la ca.serne,
offisur la vie même des soldats et des jeln~
ciers, de leurs familles; c'est à nous de surveiller, de procurer les lectures et les jeux, de
culliver leur âme. de garantir leur cœur. JI était
n ~ en moi. spontanément. toute une concf'ption
cie la vie militaire. Il me semhlait que la
fcmme devait collaborer il tout moment de
l'existenrc de cette Jeunesse réunie dans la
casernL pour un même but : l'organisation de
la défense du pays.
I! ne su ffIt pas que les sol rlat s sachent ohéir,
Il r,
1';1\'()IW1., 11l;l
i"
llH1I1
lI'rldit clle P,lo., Ipgiti1l1c? ( 'p(;.Jit l',llllhitlnll
,
29
��DANS L"O:\TBRE DE • lES TOURS
3T
bout et que son front lisse soit comme un miroir tourné vers le ciel. Certes nous appartenons à la terre que nous touchons constamment. c'est la mère nourricière de notre corps,
mais notre tête aussi, ne l'oublions Jamais,
frôle sans cesse l'awr.
Un jour que mon granq-père cherchait à
m'expliquer le mystère de la vic et la brièveté
cie notre passage terrestre, je m'écriai :
a. J'ai compris. Nous S01llmes des balles
élastiques 1. .. »
Je note pour toi cette enf<1ntine comp<1' ison. TOUS avons été lancés sur la terre. c'est
.1 l1O\lS de rebondir d'oll nous VPllons. vers lit
haut!
Depuic; ce jour, je me suie; souvent surprise
à classer Icc; hommes et les f{'mlnes selon leur
plus ou moins grande faculté dc rebondissement. Quc de balles flasques autour de nous!
Que de gens oublieux du grand devoir de
s'élever ct qui ne savent plus que rouler, pousSt> p<1r le pied dédaigneux de leur entourage!
Que d'irrésolus qui ne savent que tourner sur
eux-mêmes! La plupart Cles autres font semblant de monter et descendent aussitôt, si bien
quc leur vie médiocre sautille ct prête à rire ...
Pour en revenir n moi, je t'a vouerai que je
sui une halle particuli('remenl rcbondic;sante.
1 a jr i ('t 1<1 clouleur llI'illlpriment ;1 peu pns
1(' Illê u le él.m. Ft cela a {té, ainsi tl'lIte Illit "il..
('e pf' Il cl d III j. ne IIlt SOtn i Il
l''' d'.l\oir
J, m. 1 I l ' ,\ Iltl 1111 plu!:> ]>.lrf,lit IltllOl1 id llJL:
��������DANS L'OMBRE DE MES TOURS
39
confll1s de la cour d'honneur. Il racontait les
mariages auxquels il avait été convié, les bons
et les mauvais. « C'est au bout de dix ans,
prétendait-il. qu'un bon ménage devient exquis, un mauvais exécrable. Dix ans, mon cher
Vau gis. Je reviendrai vous voir dans dix
ans! »
Tout à coup, il s'interrompit, mais pour
s'écrier de plus belle, l'instant d'après :
« A moins que tu ne trouves une petitp terre
pas loin d'ici et d'un prix abordable pour un
vieux soldat qui n'a jamais pu économiser plus
de cent sous par mois. »
Maître Bonneau, notre notaire, qui n'était
qu'à quelques couverts de M. Palard, pencha
son buste, assujettit ses lunettes et dit d'une
voix que j'entends encore :
- J'ai votre affaire, mon colonel.
Maître Bonneau n'était pas homme à parler
à la légère. J'eus immédiatement la certitude
que le marché allait se conclure et que M. Palard ~Jlait
désormais vivre à nos côtés ou tout
au moins dans notre voisinage immédiat et
que mon mari devait déjà oublier son bonheur
d'aujourd'hui pour songer - ne fût-ce que le
temps d'une seconde - à son plaisir de demain ...
J'ai l'air de noter de futiles détails. Il n'en
est rien. r es quatre mots de maître Bonneau
unt dédd' de ma vie. Moi qui avais failli rire
;1 la harbe de 1. Palard. dt 5
n apparition.
������DANS L'O\lfllŒ DF: 'ILS JOURS
(nntrc-s n
45
sC' prnlnng ;liC'1l1 gH('le, :1 (T que 1<'
!lllu\-a is croire_
Enfin, il nous arriva un soir, après s'être fait
annoncer dans la journée.
Nous le reçùmes dans le cabinet de mon
mari.
C'était une pièce tout en longueur et d'une
décoration très sobre, faite d'annes et de casques prussiens en face d'une panoplie de chas.sepots entourant l'épée avec laquelle mon mari
avait défendu sa vie et son pays. La bibliolivres de
thèque ne contenait que quel~
droit, de stratégie militaire avec des atlas et
des cartes roulées. Le bureau, toujours méticuleusement ;angé, supportait quelques cartonniers d'une couleur verte un peu criarde et,
dans un des bouts, tout ce qu'il faut pour
fumer.
~f.
Palard montra tout cie suite un vlsage
épanoui et c'est à peine s'il nous interrogea
sur la vie que nous avions menée depuis le jour
de nolre mariage. Il avait hâte de nous entretenir de ce qui l'amenait.
1\1on cher, Je sort en est jeté. Je suis
depuis hier l'heureux propriétaire d'ulle bic quc gui tient du château féodal cl du poulail
1er, qui s'appelle la Roque et qui est, an trot,
;1 \ ingl minutes de Charriè re.
- Tu as acheté la. Roque t Mais c'est inhaf)itabJe!
C'est bien pour cel a gue j'ai pu J'acheter.
P()lIr 1111 vi<'lIx valltonr de mon ('spè'r(', lin troll
������DA~S
L'OMBRE DE :\IE5 JOU RS
51
dans un désastre financier. Il Y il. ncore <lutour
de lui tous les signes de la prospérite. Ses
ami, qui ignorent ses placements, continuent
de le visiter, ses serviteurs de le servir. Sa maison n'a pas changé de visage. Et cependant
tout cela ne vit plus, tout cela va crouler dans
quelques minutes. La nouvelle circulera comme
l'éclair, tout sera illuminé et puis la foudre
tombera et le riche d'hier marchera parmi les
décombres ... Mon mari portait toujours son
uniforme et l'officier était déjà mort en lui. Et
moi j'agissais encore comme si je devais rester
de longues armées la femme d'un soldat...
Mon beau rêve 1 Il n'était pas encort' évanoui; je le tenai pantelant entre mes doigts.
Qu'il était beau! Trop, sans doute, pour être
trad uit, au jour le jour, en réal ité. Il était né
en moi spontanément. Ç'avait été un épanouissement naturel, attendu. :\la \Ïe prenait tout
de suite un sens: j'aimais, j'instruisais et je
me dévou is. Et qu'elle était facile, et qu'elle
était heureuse! Se pouvait il qu'on vonltît J'arracher de mon cœur? Et qui? Celui-là même
dont la vue seule me l'avait suggérée! Je ne
savais pas la vie si prompte à nous dérober
les précieux cadeaux qu'cl le nous a faits ...
Et, malgré l'horrible douleur qui me torturait, je résolus de ne pas me plaindre, de n
pas discuter même la déci ion de mon mari.
Cependant, je m'attendai a c qu'il m'en
parl. t de lui m'me. Je p nais (]u'il
rait, qu'il III onfl, i
�5:l
DA.TS L'O~lBRE])
\IES T0L]]<.S
111111\ (',lIlS, que s,li ... je? QIl'il Ill(' ('(1IlSllll('l,lit
sur ['urg,JI1is(lliun de Holre \ ie prochai1le ... Il
n'en fut rien. Il avait plusieurs ùétails à régler
avant de quitter son escadron et l'année. Il
était perpétuellement hors de chez nous et
j'appris ce mois-là à connaître une nouvelle
sorte de solitude et l'une des plus pénibles, la
solitude dans le ménage.
Cette solitude ne commence pas au moment
où le mari s'en va et elle ne finit pas quand il
revient: celle-ci est tempérée par l'attente; on
s'inquiète et on espère tour à tour. C'est une
solitude meublée, un isolement provisoire,
presque une préparation à la joie. Après les
minutes de cette douce soEtude, on goûte
mieux la chère présence... La solitudf' qui
semblait m'être dévolue faisait surtout sentir
son âpreté, lorsque je me trouvais face à face,
aux repas par exemple, avec mon mari.
Il paraissait si préoccupé que je n'osais pas
interrompre ses réflexions et que nous p~rlions
à peine. Un jour qu'il montrait un visage plus
triste encore que de coutume, je m'enhardis
cependant jusqu'à l'interroger.
- Est-ce que vous regretteriez d'avoir
donné votre démission?
II me regarda, les sourcils levés en signe
d'étonnement.
- Mais non, ma ch\re Y\'onne, qu'est-ce
qui peut vous faire "upposer une rho e aussI
extra\'agant ;> Si j'ai d{·missionné. 'f'St (l'le la
sit liaI ir>n (.1 ail intenable.
��������������66
DA. TS L'O;,l13RE DE ~IES
JOURS
J'étais chargée de les habiller, de les débarhouiller, de les faire manger, de les promener,
ùe les amuser, de les gronder. Ils avaient chacun un caractère différent.
Ulippe était insupportable. C'était cependant mon préféré. Il y avait, enLre nous deux,
de vraies joutes oratoires. Il répl iquait touJours et il m'arrivait souvent de lui laü-,ser le
dernier mot :
- Cet enfant est l'illsurbo11isatiolZ faite
homme, m'écriais-je en me tournant vers « les
autres J) qui ne s'avisèrent jamais de rire de
mon terme favori.
Auguste était fier, un peu coquet.
Charles était toujours enrhumé; je lui offrais des boules de gomme. Tous les autres
se précipitaient, Robert en tête qui était fort
gourmand.
Je me défendais:
Quand vous serez enrhumés, quand vous
serez enrhumés!
- Mais puisque c'est toujours Charles qui
est enrhumé. C'est injuste!
- Charles, mon enfant, ne tousse pas SI
fort. Tu vas enrhumer tes fri'res.
Je n'avais pas pl us tût prononcé eHe par le
<lue c'était un vrai concert, Rohert, Auguste,
Ulippe, Parfait et les cinq .œur : Rose, Rosa,
Rosalie, Rosine, Rosalinùc, Lou saient à qui
.
.
IIlleUX Dlleux.
- Là, la, qu'estoc que j'avaie:; dit?
Et le sac de <l bonbons • y pa\;sait tout ~n-
���DAl'\S L'O~rnRE
DE },IES JOURS
()~
Tels furent les vrais compagnons de mon
enfance. T'avais fmi par le" aimer sinc<-ff'ment
ct par les transformer parfois cn véritables
confidents:
- Mon pauvre Ulippe, dis-je un Jour à
mon sosie, nous avons du chagrin tous les
deux. Nous sommes privés de dessert pour
demain dimanche, de dessert et d'entremets
Ce n'cst pas tant pour le dessert, mais 11. le
curé vient dîner et quelle mine allon:--nous
avoir? Vraiment notre mère est bien sévère.
Pourquoi nous punir publiquement? 1\1. le curé
va vouloir plaider notre cause, bon-papa haussera les épaules et maman ne cédera pa::., et si
nous nous avisons de pleurer, elle nous enverra au lit. Ah! la vie a dc terribles moments.
Eh bien! tu ne réponds pas?
Ulippe ne répondait pas, Ulippe pleurait.
Alors, moi aussi, je perdais toute fermeté et
je pleurais, je pleurais de tout mon cœur, un
bon moment.
Puis, soulagée, j'appelais ma petite troupe;
Allons, Rose, Rosa, Robert, Auguste,
Rosine, Rosalie, Charles, Ulippe et tOI, plus
que Parfait. et vous, ma chère Rosalinde, ma
petite princesse chérie, venez tous, nous allons
nous balancer.
- Quel bonheur!
Pendus au plafond d'une remise, il y avait
de vieux agrl's grinçants, lin trapèze, des ann{'au,', une escarpolette. L'après-midi, personlle
ne venait de cc côté. j'étais tout il. fait chez
�70
DAi\S l,-O\rBIŒ ilL \IES IOURS
moi. Et je restais des heures il me balancer,
en chantonnant. C'était ma façon d'aveir des
ailes. J'allais ct vcnais au-dessus du sol, entourée de mes dix enfants dociles et charmés. A
ces moments-là, nous étions tous d'accord, tous
unis cn moi, tous heureux ...
Ma première ingratitude fut l'abandon,
l'oubli complet de mes enfants.
Cela sc passa le jour même dc mon entrée
au couvent; je n'a\'ais plus besoin de m'll1venter de::, compagnons ct des compagnes. J'en
avais à ne plus savoir qu'en faire.
Aux premières vacances, je ne sais plus qui
m'interrogea sur mes enfants. Alors. avec
l'assurance qu'on étale à neuf ans, je répondis:
- Ils sont tous mariés.
IV
Charrière.
TOtiS rentr;îmcs ~I Charricre 1 15 scpt mlnc.
Il y av.lit trois mois et dcmi ql1C j'étai" ma-
rié<>.
Quel r('(our!
:\Ia
1111'1"<' COJllmCllç.t
par u'y ri n COlIlprcndre,
�DA. ::.; L'OMBRE DE ~LES
JOURS
71
IH1JS se désintéressa de nous, à la lettre. Elle
a vait arrangé sa vie.
Grâce à son amour des situations nettt:.s, elle
avait dès la veille des noces établi nos justes
partages. Ma sœur Marie ayant hérité de notre
maison de Bourges et de deux domaines aux
environs, propriétés qui nous venaient d'un
grand-oncle, Charrière devait m'appartenir.
:\Ia mère s'établit dans l'aile de droite, nous
laissant la libre disposition du corps principal. Elle gardait en re\"enu de quoi \'ine largement, mais il fut com'enu qu'elle conservait
- jusqu'à la date qu'elle désignerait ellem(\me - la gérance des domaines. Elle avait
besoin d'une activité <]uotidienne.
Notre retour inopiné ne pouvait donc rien
changer à ce qui avait été si clairement établi.
Au lieu de \"enir habiter le château pendant les
congés cie Illon mari, nous y rentrions pour
toujours. C'était parfait.
Et elle se loua d'avoir si heureusement
prévu l'avenir le plus improbable.
- Vou viendrez dîner le dimanche à ma
table, convint-elle seulement.
Quel retour!
]J me selllhlait que les gens, les bêtC's, les
choses me regard-aient avec étonnement. L'époque n'avait cependant rien d'anormal. Nou.
pouvions très bien venir simplement pas. cr
nos vacanr sur nos terres. Mais on ne trompe
pas les chiens, les arbres, Je meubles de ses
<lllcttres. Je vis <]u'lI savaient tous à quoi S'C11
�72
DA. '5 L'O),lBRE DE :\lES JOURS
tenir. Je n'avais pas le visage d'une personne
qui vient en passant. ~Ion
souci était écrit sur
mon {ront, dans mes yeux qui, sans doute, ne
regardaienl pas avec leur e.ssurance habituelle.
Le père :\larôt, de la F éverolle, ne chercha
pas ses mots. Les paysans ont la sincérité
cruelle, comme les enfants.
- Eh bien, mam'zelle Yvonne, me dit-il
en hochant la tête, ça ne va donc pas le
ménage?
Je fus si étonnée, si confuse de sa perspicacité que je ne songeai même pas à répondre.
D'instinct, je us semblant de n'avoir pDS entendu el je lui demandai s'il y avait de l'érrevisse ('ette année dans les ruisseaux.
11 prit un air fmaud, comme s'il poursuivélit
son idée:
- Eh! sainte Vierge, des écrevisses, il y en
'l, mam'zelle, mais c'est les ruisseaux qlll vont
ll1al. J'ons p'u d'eau. On peut tout de même
pas en faire un reproche à ces pauvres bêtes.
C'esl pas elles qu'ont bu le bouillon. Voyezvous, Ilot' demoiselle, faut pas toujours juger
gens et choses sur l'apparence.
Quel retour!
De tOIlS les recoins du ch~teau,
de tous les
massifs du parc, de tous les fourrés de nos
hois, 5e dressaient les souvenirs de mes espoir,>.
I.es ,harrmlles me disaient:
cc Tc Ot1\'irl1s 111 cie Rosalinc~
qui ,hantait
i I,jl'Il et ùont la 1raÎne ~tajl
. i longue que
Il 'rsrJl1IlC Il'osait sc 1I1oqlll'r d'cIl ? •
�DANS L'O~rnRE
DE ~!ES
JOURS
73
Les ormes du chemin qui mène au village
me murmuraient :
CI
Nous ne t'avons pas oubliée. TOlle; te
saluions jadis tous les matins quand tu allais
à l'église, puis chez les pauvres et quand tu
revenais avec la récompense de tes yeux eH
fête. Oui, oui, tu aurais mérité d'être heureuse. D
Les aubépines disaient :
CI Te souviens-tu du matin de tes noces et
des branches dont nous encensâmes tes preépousée? Comme la route
miers pas de je~
était claire, chaude et toute belle! D
Et les livres de mon grand-père soupiraient:
« Avant de vivre, tu as voulu arranger ton
existence. Tu avais les plus merveilleux projets. Tu voulqis te déyouer, tu voulaIS t'offrir
en pâture à la misère, à l'ignorance, à la sottise; lu voulais aimer. Et puis la vie a étendu
sa main comme une barrière. Elle a crié:
Halte-là! et par-dessus l'obstacle tu n'as pas
reconnu ton rêve ... N'est-ce pas ici. tout près
de cette table, qu'un vieillard t'a annoncé que
III J('mis SClIlr.?
D
Et de tous côtés, les livres répétèrent, en
hho:
« Seule! seule! seule! J
Etais-je donc vraiment si seule et n'allaisje pas pouvoir organiser une nouvelle vie,
près de mon mari, avec mon mari? Il ne s'agissait que de s'entendre.
« S'entendre J, cela n'a l'air de rien et c'est
�Π1
J) \
S T.'O'\IB1H: DE 'TES JOU RS
la chose du monde la plus malaisée. La moitié
des ménages qui vont mal retrouveraient la
paix et la sérénité perdues s'ils s'avisaient, un
soir, de discuter loyalement sur leur devoir.
T'étais pour ma part bien résolue à ne pas
m'abandonner à la dérive, à résister, à collaborer à mon destin.
Mon mari n'avait pas encore repris sa physionomie ordinaire, celle du moins avec laquelle il m'était apparu le plus souvent avant
notre union et pendant les deux premiers mois
de notre vie commune.
Il avait une sorte de gravité distante, à la
façon de ceux qui vivent dans une préoccupation perpétuelle ou avec un mal secret. Il y
Cl des malades qui aiment à être interrogés, à
être plaints; d'autres, au contraire, qui préfèrent qu'on les laisse tranquilles, qui sont exaspérés par l'intérêt que l'on prend à leur santé.
1\1011 pauvre Lucien était, à n'en pas douter,
de celle dcrnière catégorie.
Seulement sa ma,
ladie, c'était sa démission qu'il a\'ait donnée
au cours d'une période de mauvaise humeur.
[1 regrettait son geste ct, pour ricn au monde
il n'en voul<1it convenir.
Je me demandai III ('me, un Jour, si sa cont rariété, son dépit 11'<1\';1 icnl pa,> LI un llWU\'ais influcIH e Sur son état gén{>ral, ct s'il ne
sOllffrait pas vérit;JhlclIl nt.
Jt' n'osai P:IS l'interroger, cie peur dt' le tour11\('111 r illlltii mcut.
Du rite, à
rtflin mom nt , il
�DANS L'OMBRE DE :\1F:S JOURS
75
ouhlier malaises et soucis. C'était apr<'s déjeuner. 11 allumait un cigare, sifflait ses chiens
et partait faire un tour de parc, « histoire,
disait-il, de tuer un lapin et de s'hahituer à
la marche ». Il me saluait gentiment de la .
main el disparaissait du côté de la futaie ...
Il ne rentrait qu'à la tombée du jour avec un
appétit rassurant...
De plus, il avait un sujet de conversation
(ce qui nous manquait quelquefois) ; il Ille
parlait de sa randonnée, des sites rencontrés,
des bûcherons, et de ses coups cie fusil. Là
encore, nous ne parlions pas tout ;l fait la
même langue; il ne voyait que le contour brutal des êtres et des choses, gue les détails
COlllllluns : pbur moi, ce n'était pas le nombre
exact des kilomètres, le poids du gibier, l'état
des chemins et la temJ)érature qui m'importaIent, c'était l'odeur de la terre, la couleur des
sous-bois, le concert des rameaux, c'étaient les
souvenirs de mes promenades, c'était aussi de
savoir ce qui se passait dans la hutte des
GrilOn, les C'harbonniers, comment allait le
petit dernier et s'ils n'étaient" pas trop malheureux ...
Mais cependant, le fond ~tai
le lIIênle, la
vic sous bois, ct je pou\,lis risquer quelques
guestions ;
La solilude ne vous effraie pas ~
- On n'est jal1l,lis seul avec ses chiens, me
r~poldit
il en sourianl.
Ce qui prOLl\ail qu'il ne 111'tl\"ait JMS cxac-
�76
DANS T;O~rnRE
DE .\IES JOURS
tement comprise. J'osai cependant élargir mon
interrogation.
- Vous habituerez-vous à notre coin sauvage?
- Mon amie, je suis déjà tout habitué et je
me demande si je n'étais pas fait justement
pour cette vic-ci que je mène depuis quelques
Jours.
J'aurais dû être satisfaite par cette sincérité.
Pourquoi commença-t-elle par m'attrister profondément? Le blessé de l'affaire de Brou que
J'a\,ais épousé n'était-il donc qu'un homme
comme j'aurais pu en rencontrer vingt autour
de moi, courageux à l'occasion, mais incapable d'une énergie continue? Eh bien, oui,
je devais en prendre mon parti. Le commandant Lucien Pernct-Vaugis, devenu civil.
n'était ui meilleur ni pirc que tel et tel parti
quc j'aurais repoussé sans cxamen. L'hcure clc
l'cnthousiasme ct de la fi "vrc était passée. :\1011
br au roman devait n'avoir qu'un chapitrc ct
il était "écu,
Désormais Ines jO\lrs entraient dans la tri
vial ité génprale' el dans 1 devoir commun,
Qu'y ,l\'ait il donc là dc si particulièremcnt
(','traordinaire? Pourquoi aurais je Ct! une
l' isl('!1CC eX! <'pt iOllllelle?
Cepelldant je IIl'nh'it illais ;'1 vouloir mH'
('xplicatiol1, J' 'n ;l\';Jis \Ill VIolent he,",oÎll. Et
Illii que 1Jl()11111.lri 11(' !'.\lIlgl,lit p.l ;'1 s'informer
dl' Ill' propr S pt'IlSt-CS, JI c1,"('irlai cie les d(.-
��78
DANS L'O;\1ilRE DE ;\IES JOURS
ne se contentent pas d'un petit cercle de chrétiens. Dès qu'ils sentent que le mouvement est
suffisamment imprimé pour durer, ils courent
ailleurs. Il me semble que ma vie, de garnison
en garnison, aurait pu ressembler à ces vies
admirables.
- Vous aunez voulu évangéliser nos
troupes?
- Vous faites semblant de ne pas me comprendre ... Vous riez el vous avez raison ...
Puisque ce qui aurait pu être n'est pas, puisque nous a\'ons préféré un autre genre de vie...
J'avais fait un rhe ... Je me suis éveillée, n'en
parlons plus ... .:\Iais parlons de vous, mon
cher Lucien, que compte/',- vous faire?
- Ce que je compte faire? .:\Iais ... rien,
c'est-à-dire simplement mener une vie saine,
dehors le plus souvent, ne faire de mal à per
sonne, du bien même lorsque ce sera possihle.
et ne pas vous rencIre trop malheureuse ... Du
reste, comment ne seriez-vous pas heureuse,
chez vous, à J'endroit même où vous ave/'. eu
les rêves dont VOllS parlez? ependant, je
travaillerai encore à votre bonheur, qui sera le
mien. Est-ce que le programme VOliS agrée'
- Certes! rppondis-je, déj~t
contente de
mon petit succès.
LUCH'1l s'était le\'(\ prêt ;\ sortir fllmer sa
pipe dehors COIIIJl1e il ('11 avait pris l'habitude.
- :\le voici, ajouta-t-il, dl'\'t'llll un simple
hoJ)Crcdll, c;'cst -:l-dire Ull petit gelltiJhOlllJlw
<':<llllpagn,u'u, p.IS as t. riche Jlour dOllner U'
����82
J)A.TS l:cnlBRE nE !IlES JOURS
Charrière, un cie nos grands-oncles. Nous approchons des temps modernes. Sous Charles X
on refait et on surélève le corps central clu
bâtimenl, on agrandit les pièces de réception.
~lais,
il y a mieux à écrire que cette énumération.
Lis les lettres de nos aïeux, pénètre-toi de
ton sujet; fais revivre ceux qui ne sont plus,
qu'on les voie faisant apporter les matériaux
pour la construction qu'ils méditent; glane
des anecdotes, il y en a de délicieuses. Celleci, entre vingt :
C'était penrlant la Terreur. Un gamin du
bourg. gras et rouge, les doigts en forme de
massue, rencontre un petit Charrière. le petit
Raymond qui devait mourir jeune et qui était
déjà souffreteux:
- Pourql1oi as tu un château. mauvais msecte cl pourquoi n'ai- je qn'une chaumière? dit
le vilain.
Le petit homme, sans peur, tire le mauvais
drôle par la manche:
Viens voir.
LorsC]u'ils furent arrivés près du hoÎs, Ray.
mond s'arrt-la t ramassa un gland;
- J ne suis pas gros, mais j suis le fi 15
tlu chêne. Toi, tiens, te voi);'1.
Fl du doigt il monlra UTle ~norme
citrouille
dont le ventre luisait au soleil.
L'aut re ne sa vail pas s'i 1 dev:! it rire ou sc
[fIcher. 1 c hrave petit Raylllond d( Charri('n
h 1 la \ l t di Il 11l111i r (1 ll1oralit' 1
����~6
DA.
s
L'O.\IBRE. DE l\[ES JOURS
al rs je me tus. Lucien ne pouvait comprendre
qu'il y a des histoires de poupées qui grandis
sent avec nous, prennent de l'âge et de la gravité et font à nos derniers jours le cortège le
plus gracieux et le plus noble ... Lucien resta
toujours un étranger pour mes chers arbres et
cela me fut très pénible. A ton tour, ne traite
pas d'en fantill age ce sentiment
Entre les pelouses ct entre les arbres, il y
a la rivière ...
Comment ne pas l'aimer? Ce n'est pas
qu'elle ait grossi. el le. Î\lalgré l'apparence, el le
est toujours la m~e.
Je dis « malgré l'apparence D, parce que, lorsque j'étais petite, elle
me semblait fort large et terrihlement pro
fonde. A mesure que je grandis, elle rapetissa.
L'épouvantail qu'elle ~tai
· jarlis
se lransforma
peu a peu en une dislraction.
Quanrl il me fut permis de me promener
seule dan le parc, je partis ;\ la dl~cou\'ert.
av c, à la main, une cann à bout ferrl-.
C"tait an printemps. Les boi a\'aient étalé
leur tapis d'anémones et les crocus violets 0\1vraient leurs y ux surpris au miCeu du gazon.
II y avait de la peryeIlchc. Les prunier sauvage avaient déi;'1 mis leur robe blanche ct
fi)
d dan le pré' qui hordent J'cau l.t
renoneull' naine. qu'on nomme grenouillette,
Jl'tait sa rI)lc d'or.
•
}'t'-t.li III ~1 hodiqu<,: je pri la rl\ wre clu
(llt(, dt sa _ (un ( (t j\ Il dt u'llCli
le cours,
pol!' 0\ (las, JllJldlll le IIH'IJldn' ;u (Id/'nt dt' tll
1
�n.\ ·s T;()\rm 1:
nr \11:':; ICHJP':;
rain. je dénombr.li Jes saules, les peupliers, les
urmeaux qui montaient la garde à ses côtés,
ou ~'inclaet
sur sa chanson claire.
Grâce à ccrtain rocher, toujours à sa place
du reste, je pus sauter dans un îlot. Comme
mon cœur battit! J'étais dans une île. à la
\'~rité
peu vaste. l11"is solitaire, silencieuse, et,
commc n'importe quelle île ,Hl mon cIe, entouré d'e,lll de tous côt~!
C' n Jeune vergne
s'élançait en proue. A la poupe, un petit bosquet de noisetiers. orné d'une gro se pierre
plate, offrait le plus charmant "sile.
j'y revins sou\'ent par la suite. J'y ai f<lit
établir lin banc et sccller unc tahle de pierre.
Quand tn iras lire. mécliter ou prier dnns mon
île. souviens toi que j'y ai pas~
de glorieuses
apn s-midi. Garde·lui ce nom de Philothée
que j lui donnai. en souvenir de saint François de Sale. el de sn chIre ppllitente.
« Comme les oiseaux ont des nids sur les
arbres pour faire leur retraite quand ils Cil
ont besoin, ct les cerfs ont leurs buissons et
leurs forts dans le qu 15 ils sc rC( "Ient et
mettent il cOll\'ert. pr nant la fraîcheur de
l'ombre en été; ainsi. Philothée. nos cœurs doi.
vent prendre et choisir quelque place chaque
jour, ou sur le mont cle Calvaire, ou ès plaies
de .. Totre.Seigneur, ou en quelque autre lieu
propre de lui. pour y faire 1 ur r traite à toutes sortes d'occa ion, ct I~, ,,'alléger et recréer
ntrc 1 arf.lircs e. t{-rÎl'l1rc;;, ct pour y atre
Qlllme cl' n \Ill 1 l, <lfm cl
d r nclr cl
�����~:.!
DANS L'O~mRE
DE MES TOURS
demi: François, Claire et Louis. Ma sœur habitait loin de nous depuis son mariage. Nous
ne nous étiuns jalllcus beauccup vues, et pùs
très bien comprises. C'était une personne pré
cise, pratique, autoritaire et volo1'l.tiers dédaigneuse. Telle était du moins l'idée que je m'en
faisais en ce temps-là et avant qu'ils ne débarquassent tous chez nous.
Mon beau-frère Albert était magistrat. Il
venait d'être nommé président du tribunal
civil de Blois. Il m'avait toujours paru froid,
rien que froid. Te ne pouvais trouver un autre
qualificatif à lui appliquer.
Ils arrivent donc, s'installent, se mêlent à
notre vie. Les boutades de Louis, la gravité de
Claire, la turbulence de François nous amusenl. Mon beau-frère et mon mari parlent de
la guerre, à voix basse, les mains ùans les
poches, sur la terrasse. Marie m'entretient de
ses enfants qu'elle a résolu de garùer près
d'elle et d'instruire jusqu'à leur première communion, de sa maison de Blois, de ses domestiques. Ml're se mêle davantage à notre vie
quotidienne. tantôt pour nous recevoir, tantôt
pour venir dîner avec nous.
Nous nou habituons les uns aux alltr c;.
Nous nous découvrons mut ucllement.
Alhert ne chasse pas. Il préft're à la marche
notre société. Il parle volontiers. TI a beaucoup lu et sait beaucoup de choses. On ne peut
pas dire qu'il ait d l'esprit. m'lis il a mieu.·
��~H
OANS L'mlURE DE MES JOURS
mot. Ce qui les frappait, par-dessus tout,
c'étaient ses imaginations, sun ardeur, la brusque f acul té qu'il a va it de quitter 1a réalité,
pour les plus folles spéculations. Ils avaient
récemment surpris tlne conversation entre les
ùeux fr'res.
Le gros Louis était assis sur Je gazon et
regardait devant lui. Tout à coup il soupira
et dit :
Je voudrais êlre arbre!
Pourquoi? ùemanùa François.
Pour rien faire.
Eh hien! riposta l'aîné, je !'upposc que
tu en auras vite as. pz, sous tOll lichen, comllle
un vieux pommier! Sais-tu ce que je voudrais
être, moi ~ I.e vent! pour ne m'arrêter jamais!
1'igure-loi un peu cela! Le ,"ent! Rouler les
nuages ;1 ma guise, en faire de grosses balles
de colon, de la lainc de mouton ou des cigares
cn sucre de loutes les couleurs; bahmcer les
arbres, pnlrer par les cheminées, sifle~
sous la
porte de la lhambre pour le faire peur. Lancer
1.1 mer contre le rochers, retourner des p<lraplHics. Gplllir, gronder, ricaner. Eire invi.ihk
insaisissahle, el toul-puissant. ourir, languir,
faire. cl11blallt de mourir el puis lout ;1 coup
repartir Il tournoyant. Dan'cr avec le feuilles, H\"CC 1; poussii'rc, avcc les rayolls dn so·
leil. .. Oh oui, oui, je voudrai êl rc h YCIlI
tcllllût hri cet tant(,t ouragan ...
Alhert et ~faril'
Cil condtlrt 111 !lu'" COll\" !lait de c\1ltiver celle im, ginati Il, guider Il'
��96
DA~S
L'OMBRE DE MES TOURS
d'arbres, haie, barrière, ils se serrent J'un contre
l'autre. ann que leur lien ne se transforme pas
en collet. Si le passage est étroit, l'un va devant, l'autre suit, tout petit, le nez dans le
sillage. Et quand le danger est passé, ils reprennent leur liberté. Ils ne pensent même pas
à cette courroie qui les relie. Heureuse servitude qui jamais ne fait grincer les anneaux
de sa chaîne.
Il est bien permis de goûter la félicité d'autrui ... Il n'y a pas que les vices qui soient
contagieux. Je me ngurai que le bonheur
d'Albert et de Marie pourrait exercer une
influence SUr notre précaire association, que
les yeux de Lllcien allaient s'ouvrir à la
lumi('re et que je bénirais un jour cette heureuse quinzaine.
Que je savais mal lire la réalité à venir!
- Ils sont charmants, dis-je un soir à mon
mari, après un tête-à-tête entre notre ménage
et celui de ma sœur.
- C'est votre avis! Eh bien! sapristi, je les
trouve monotones, moi. Leurs enfants. leurs
enfants et encore leurs enfants! C'est entendu,
ils en ont trois: grand bien leur fasse!. ..
Passe encore pour la m' re, c'est son rôle, malS
ce raseur n'I\lhert ahu e, vraim~nt
l ...
J"tais atterrée. J'in islai :
- I\V0l1('1 qu'ils s'aim nt hi~n
~
- Sans doute, el per 0l111e ne l'i~1ore
à
lIlH' lipIH à la rClndt'. Est-Ct' qll'Ol1 Il p('lIl pas
s',lilll('r (\Il~
Je crier sur le toits?
��9~
DANS L'O\LBRE DE \lES ]OUR::,
v
Ma vraie vocation
Au mois de mars r872, Dieu m'envoya un
fils, ton oncle Jean. Au mois cie juin de l'année suiyanle, une fille, Cécile, ta future maman.
Est-il besoin cie rommenter de pareils é\'énements? Après les ayoir nolés, il ne reste plus,
semble-l-il, qu'à mnrmurer des actIOns de
grâces: « Seigneur, YOUS m'avez comblée et Je
vous remercie ... ma re onnaiss:lnC'C n'aura pas
de fin ... »
J sentis toul cie suite quc la maternité était
ma \'raie \·ocation. Ces cieux grands \)<>nheurs
effarèrent jusque dans ma méllloir Ille cllnuis
conjugaux. Lucien fllt charmant pour moi,
prévenant, s( n'iahle. 1:alllour pour mcs tout
Il lits accrut mOI1 allluUI' pOlir Illon mari.
J'ptais nti\rcIllcnt, il1[ 'f('lIlcrll he\1rcu c.
I.orsqu'oll peul n~s1tlJ('r
IOllt' sil Vit dans
ces d li.' lllob : fln/our l lui, 011 OUrlait le
bonheur.
�������DANS L'O~IBRE
DE lIlES rOURS
Il)~
L'amour des promenades à cheval qui avait
pris mon mari le conduisait sur le chemin de
la Roche, ou bien, directement, à l'hôtel d'Es
pagne.
Lucien me laissait parfois déjeuner seule
'ous prétexte d'une course plus lointaine. Il y
avait un excellent chef à J'hôtel d'Espagne et
les deux amis s'asseyaient volontiers à la table
d'hôte. I,e mardi, jour du marché, tous le"
hobereaux du vOIsmage s'y réunissaient.
:'1. Palard et mon mari ne manquèrent bientôt
plus un mardi.
Son nai plaisir ici-bas, ce n'était pas chez
rui que le prenait Lucien, c'était à l'hôtel d'Espagne, dans 1a fumée des cigares, au bruit
des carambolages!
Certes, il y a\'ait en tout cela de ma faute.
j'aurais clü oublier ma rancune, accueillir che7
Inoi l'ami de mon mari. 11 y avait à Charriè'r
un billard dont on n'enlevait jam<lis la housse!
Pourquoi ces messieurs ne se réuniraient-ils
pas au chftleau;> Ce que j'aurais souffert de
la présence perp{·t llelle de M. Pal ard n'aurait
pas ét{> col1l[l:lrahle à la situatIOn qui s'était
créée loin de Illui.
TI me fallait, coti te 'que cotÎte, essayer de
r<-parer mes lorts.
tIlle OCc ' <1C;UIIl devait sc pré"enter d'elle
Ill( 111('.
J )('s bruits
de guerre cClllrilicnt depuis qllel -
ques jours. Un méc1 iocre iuc ident de front il rc
ayant été, ~t dessein, travesti -par les journau.',
�IO!>
DAXS L'm.IDRE DE ~IES
IOURS
un long frémissement avait secoué la Franrc.
r:heure de la revanche allait·elle soner~
J.tl('ien ne disait rien, mais il était visible qu'il
éla it profondément ému.
Quant à moi, j'avais vu de trop près la
guerre pour rester indifférente. ~fon
vieux rêve
se dressa devant moi, mais moins beau, moins
pur que jadis: j'y mêlais trop la santé de mon
ménage: « :\10i aussi, me disais-je, moi aussi,
êl\'eC la France, je prendrai ma revanche... »
Quoique mère, je restais femme.
Cependant nous n'échangefunes avec mon
Illari que des paroles banales. Que se passait
il en 1ui? Je le sus bientôt.
Une après-midi, ~l l'heure Ott d'hahilude ils
sc livraient à leur divertissement favori et sc
rajeunissaient par de gais propos, je vis
11. PaJard et mon mari franchir la grille du
parc, Leurs chevaux marchaient au pas. I\Ion
mari avait son air sOlllhre. 1\1. Palard se torturait la barbiche sans dirc un mot.
Au garçon d'écuric qui s'avança au-devant
d'cux, Lucicn ordonna d'aUacher les chcvaux,
dehors, au soleil :
ous allons rcpartir!
Puis, se lournant V('l'S 1\1. Palarcl, il dit:
- 'l\.lonlons dans la hihliolh\guc, nous r
trouverons ce qu'il nous faut.
Tout de suil' j ré- nlu c1'aller les rejoindre
el <1'il1\'iler :"1. Palard ;1 dîllf'r pour le soir
lllÎ'lllC. La RI avili- dcti cil' OI1S! anc (S l1l' pprIIl(ll,lil (('lte il11pru\'is,üillll. ,'alldis pHL.('r la
���DANS L'o~rnRE
DE ~tES
JOURS
109
Je ne me tins pas pour battue. Le spectre
de la guerre s'était évanoui, les journées à
l'Hôtel d'Espagne allaient reprendre.
_ Pourquoi, dis-je à mon mari, M. Palard
ne viendrait-il pas déjeuner à Charri' re une
fois par semaine ... Il s'habituerait peul.-être à
notre mai on ...
- Je lui transmettrai votre invitation.
On convint du jeudi.
Le premier jeudi, à la fin du repas. je me
levai en disant :
_ J'ai fait servir le café dans la salle de
billard. Vous pourrez ainsi fumer à votre aise.
Et je les laissai savourer seuls ma petite
surprise ...
- Comment, tu as un billard, vilain cachottier! s'était écrié le camarade de mon mari.
Cela ne m'étonne plus si tu fais des progrès,
tu dois faire des séries toute la nuit. Ce n'est
pas de jeu ...
fa petite combinaison n'eut pas un très
grand succès. Les parties de billard se firent
de semaine n semaine de plus en pl us courte '.
Un jeucli. les deux amis monlerent prendre
lcur café, puis fuent amcner leurs chevaux.
sans même toucher aux billes ... M Palard
avait un rendez-vous important à Valançay ...
;l l'Hôtel d'Espagne probablement.
'en était fait. Je gt~nais.
Chez moi, ils ne
pouvaient pas rire à leur guise, :\1. Palanl
devait sun: iller ses expre,>sions. Il leur man
quait le c.· lamations de autr habitués. le
�110
DANS L'OMBR E
m:
\IES JOURS
garçon de salle, Désiré, un ancien 7ouave, le
patron familie r et condes cendan t; il leur manquait l'odeur de tabac, peut-êt re, en un mot
l'atmos phère!
Le premie r jeudi que M. Palard :fi.t faux
bond, je fus tr'.s réellem ent contrariée. Te
m'étais sincère ment appliqu ée et cepend ant
j'avais échoué. Lorsqu 'on a pris une certain e
attitud e en face de quelqu 'un, il est bien malaisé d'en change r. Je m'étais évertué e en pure
perte. Je ne saurais me juger moi-même, mais
devant ce piteux résulta t, comme nt ne pas
croire à ma gauche rie? Si M. Palard et mon
mari s'ennu yaient sous mon toit, je ne pouvai s
m'en prendr e qu'à moi. Je récolta is la froideu r
que j'avais semée jadis ...
Et puis, vraime nt, quelles étaient mes préoccupatio ns? Oit al lai-je de ce pas;> S'agiss aitil, ici-bas, exclusi vemen t de mon plaisir ? Ne
serais- je qu'une païenn e déguis ée} Sans doute, c'est mon devoir de m'efforcer
de garder près de moi mon mari, mais con
vient-il de restrein dre ma târhe à cc rnédiocr
office el de me désesp ' rer de ne pas réussir ;t
mon gré. Il est parfait ement vrai qu'il ellt ~lp
préféra ble que Lucien me comprî t micux t
püt me suivre dans dcs conver sations un peu
relevées. Mais toute ma vie allait-c lle sc passer
à déplor r chcz mon mari ce manqu e d'idéal ,
cette inaptit ude ,\ la spécula tion philoso phi
'lu ? Et n'ét.lis -je pas, en somme, privilé gié ?
'est· ce paa un don de enlir que l'on ou r
�DANS L'O~IBRE
DE ~1ES
JOURS
Il J
de l'abaissement d'autrui. Et puis, n'y avait-il
que le présent et cette égoïste jouissance?
N'avai s-je pas deux enfant s et tout l'avenir ~
Tu te souviens de ma compa raison de la
balle. Depuis quelque temps, je manqu ais
d'élan. Cette pensée de l'avenir de mes enfants fut l'énergique coup de main qui réveilla
la balle endùrmie.
A partir de ce moment, je fus une autre
femme ou pl utôt je redevins la femme que
j'avais été, toute tendue vers la meilleure destinée.
Dès l'instan t même de ma résolution, je
Courus voir mes chéris. J'ai dit combien je leur
consacrais de mon temps, de ma vie. Je compris que ce n'était pas assez et que je n'avais
pas le droit de faire des réserves, que toutes
mes forces, tout mon sang, tout mon cœur leur
appart enaien t!
Ils étaient sous mon vénérable chêne. Jean
avait à cette époque cinq ans, Cécile quatre
ans.
- Madam e P!ltrigeon, dis-je à la gouvernante, vous pouvez rentrer. J'emmène les enfallts faire un tour de promenade.
Et j'ouvri s mes mains aux deux petits qui
se jetèren t sur moi à me renverser.
- Où nous emmènes-tu? Où nous emmènes-tu?
- Nous allons faire un grand voyage 1
Je voula-is dire que je m'embarquais avec
eu,", pour la traversée de la vic.
�J J:l
DAN
L'OMBR E DE MES JOURS
Mais, msista Tean, qu'est ce que nous
\'erron s?
- Vous verrez une forêt, une ri viere, des
plaines et toutes sortes d'anim aux.
Comm e ce sera amusa nt! s'écria mon fils.
- Pas des bêtes pour faire peur? deman da
la pruden te Cécile.
C'était une magnif rque journé e d'été. Le gazon de la pelous e était chaud. Il s'agiss ait
de travers er le vaste domain e du soleil, depuis
le chêne jusqu'a u rond-p oint des tilleuls ; nous
nom; élançâm es, moi au milieu, comme une
\'ictoir e, mes petits bondis sant de chaque côté,
aveugl és par le soleil, rendus muets par la
course rapide. Ils ne pouvai ent même pas rire,
J~ais
leur joie frémiss ait jusqu'a u b0ut de leurs
doigts que je serrais de toute ma force amie
Nous ne nous arrêtâm es que dans l'ombre
tiède et parfum ée des tilleuls . Un banc nOlis
reçut. ~lais
ce n'était qu'une station ...
Par le couver t des allées nous gagnâm es la
petite porte du fond ou parc. C'était la prc
mière feis que je la leur ouvrai s. Je mis u11
doigt sur 1a bouche :
- Chut! TOUS allons pén 'trer sur les terres
de S. M. l 'er f t de ses fHlè1cs mais peu
braye sujels, les mange urs de thym el d scr ~
polet, la gent T.apin Chut! m<lrchons dOllce
ll1('nt, peut-t't re urprend rons.t1 olls l\lgr Faisall
qui porlc ulle (hasuh k d'or, 1 marC)lIis Pit'
Vert dans 5011 habit cl gala el qlli frappe ;1
toules les p< rlcs avec son hec. TCllcz, tcnez,
--0
���n/\~S
l 'O~rB1Œ
Ill: 'Œ~
IOURS
liS
Qu'à un couùe que notre sentier fit à la rencontre d'un ruisseau que nous remontâmes jusqu'à sa source.
Une source! quel double mystère! D'Olt
vient-elle, cette eau limpiùe, et quelle est sa
destinée? Nous nous agenouillâmes sur la
mousse pour puiser de l'eau dans le creux de
nos maIns.
- C'est meilleur que du sirop, dit la fillette
enthousiasmée.
Et d'eux-mêmes ils me demandèrent de leur
raconter l'histoire du ruisseau.
J'étais si heureuse de leur curiosité que je
dus être fort p.loquente, car mes deu.· petits
ne cherchèrent plus à m'échapper, soit pour
courir en avant, soit pour musarder entre les
troncs des arbres jumeaux. Leurs mams serraient les miennes. J'avais commencé de les
initier au secret des êtres ct des choses. Ils
avaient eu comme une vision de la poésie et
de la légende.
l\ cinq ans, l'esprit est déjà grand ouvert
sur l'inconnu, il a soif d'idéal, tandis qne J('
cœur s'émeut comme un cristal VIerge au
llloind re bruit que fait le monde.
�116
DANS L'OMBRE DE MES JOURS
VI
La chère besogne.
Lorsque j'ai entrepris de raconter, pour toi,
ma vie, je ne me dissimulai pas la difficulté
de mon entreprise. Il n'y a pas que les peuples
heureux pour n'avoir pas d'histoire: la plupart des femmes en sont fort dépourvues.
Les « grands événements JI de men existence te paraîtront quelque peu mesquins si tu
les examines du haut de tes souvenirs romanesques. La moindre héroîne de la Il Bibliothèque rose li et de la ([ Bibliothèque de ma
fille JI est plus riche en tracas. Mais je ne
cherche pas à lutter d'imagination avec la comtesse de Ségur ni avec 1Iaryan. Je continuerai
h suivre pas à pas la médiocre et douloureuse
vérité.
Il faut t'y résigner, mon enfant.
Toutefois, la vie la plus monotone se rompose d'une multitude de menus inridents qui
en font la trame la plus riche. Il ya des crises
secrètes, des désespoirs cachés qui peuvent
aller de pair avec les plus retentissantes catas
trophes.
�DANS L'01.IBRE DE 1IES JOURS
J 17
. Tu verras, Aline, tu verras par toi-même
sans doute, que notre cœur a ses vicissitudes.
Ne décerne pas trop vite le titre de femme
heureuse à la femme qui sourit volontiers.
Mais, d'autre part, si le bonheur te quitte, ne
le marque pas trop sur ton visage. La chrétienne ne doit pas porter d'une façon trop
voyante le deuil de ses illusions. Gardons pour
nous nos douleurs intimes.
Souris.
Sourions.
Je me livrai donc, de tout cœur, à l'éducation de mes enfants. Ah! la chère besogne!
A côté des heures fatigantes, que de charmants
instants! Quelles délices de voir l'esprit
'éveiller chez un être à qui vous ave" donné
le jour! C'est comme un second miracle auquel, spectateur privilégié, il vous est permis
d'assister, auquel vous semblez avoir collaboré.
Tean se montra tout de suite l'élève le plus
èlissipé, le plus distrait. Par boutade, il était
capable de réciter sans faute une leçon, de
rédiger seul un devoir diffrcile et pUIS il retombait dans ses défauts favoris qui étaient
l'inattention et j'insouciance. Je devais me
livrer il de véritables batailles d'arguments
pour le réveiller et l'apitoyer, car il me rendait
malade. l\1es larmes seules avaient quelque
pouvoir sur lui, mais je ne savais pas pleurer
au commandement. Je ne pleurais que de lassitude et point du tout par comédie.
Sa !;Œur me donnait beaucoup plus de sati
�118
DANS L'OMBRE DE MES T()URS
faction. A l'opposé de Jean qui ne s'intéressait
il. peu près à rien, elle s'intéressait à tout et
même, je clois l'ajouter, à n'importe quoi. Elle
r.'avait pas de préférence et cela ne laissa pas
de m'inquiéter. Il faut savoir choisir et ne pas
tout mettre au même plan. Cependclllt il y
avait de la ressource en elle et je fondais sur
ma .fi.lle les plus belles espérances. E Ile rattrapa vite son frère. Il lui arriva même de le
battre en orthographe et en calcul. ~h Igré les
avantages de l'émulation, je dus ren\.)ncer il
ces compositions en commun, car Jean se mit
à multiplier à dessein ses fautes, tandis que
Cécile y cultivait une satisfaction qUl ne demandait qu'à croître.
Par quelles émotions passe une mère, pendant cette période! J'allais de l'orgueil à la
consternation, de la reconnaissance il. la plus
vulgaire révolte. Je prenais tellement .) cœur
la formation de mes enfants que je m'imputais leurs sottises, que je rougissais de leur
ignorance et que je sentais en moi les caresses
de la satisfaction lorsque, devant témnins, ils
se tiraient à leur honneur ùe quelque difiicuIté.
Je ne voulus pas qu'ils eussent une enfance
isolée. Ils avaient des amis dans les châteaux
des environs t à Valençay. Entre mi'res, nous
échangions cIes goulers, de parlies de forêt
ou dc parc: notre pay est si propice au.'
fêtes en plcin air. .
E.t cependant que1le mortification pour moi
�DANS L'OMBRE DE MES JOUR
J
t9
lorsque les enfants des autres se montraient
pl us intelligents que les miens ! Jean, mon
pauvre Tean en particulier, faisait mon déses
poir. C'était à croire, vraiment, qu'il le faisait
cxprès, par esprit de contradiction. Il aimait à
passer pour plus sot qu'il n'était.
Mais je reprenais vite confiance, tout emportée que j'étais par ma tâche d'éducatrice.
Pour n'être pas encore par\'Cnue à n.es nns,
fallait-il désespérer? J'avais mal réussi: je
ferais mieux. Aussi supportai-je vaillamment
de n'être point aidée.
Si je ne te parle pas de ma mère, c'est que
vraiment e11e ne s'occupa jamais de ses petitsenfants. Elle qui avait été si attentionnée et
si sévère pour moi eùt été tout à fait incapable
de me prêler m:lin-forte. Elle ne fut jamais
grand'mère au sens propre du mot, ni pour le
blâme, ni pour les gâteries. Ayant rempli jadis
son devoir, elle se contenta du :.pect,.cle de
mes travaux ... Elle eut, à un moment., quelques velléités de s'intéresser à Jean, mais &s
qu'il devint un vrai garçon, tapageur et récalcitrant, clIc m'observa CJue je « l'élevais tr\s
mal li et ne voulut plus le voir.
J'étais habituée à ces lubies de ma pauvre
llllTe. Toujours personJlelle, elle ne songeait
plus qu'à sa tranquillité. De soigneuse cl
d'économe, elle tomba à la parcimonie et à
J'avarice. On la trouvait toujOt1r plongée dans
.;('s livres de comptes; ('lle Jl'anit de plaisir
IU':t di.(ulc'r :l\'cc"llOS ferllliers t avec les
�J ~o
DANS L'OMBR E DE MES [OURS
fournisseurs. La vie, qu'elle n'avait jamais su
dominer, se restreig nait de plus en plus à ses
yeux jusqu'a u plus mesqui n matéri alisme :
l'argen t, la nourrit ure et la. recherche du minil1Ium de soucis.
Je ne jugeais pas ma mère. Je la plaigna is.
Quant à mon mari, il vieillissait.
Cette observ ation va te paraitr e étrang e.
. \pres dix ans de mariage, à quaran te-sept
ans, Lucien avait l'aspec t d'un homme usé
Son caractè re devena it ombrag eux.
A ce propos, il [aut que je te mette en garde.
Quand tu verras ton mari grogno n, quand
il lui échapp era des mouvements et peut-êt re
des paroles de colère, ne le gronùe pas, ne
cherche pas à l'apaiser, surtou t ne te mets pas
martel en tête. Il peut très bien se faire que tu
ne sois pour rien dans ce change ment d'hu
meur. La plupar t dt! temps, c'est à lui-même
qu'il en a, le pauvre homme.
Je sa vais si peu de chose de 1a vIe intpo
rieure de Illon Illari et même de sa vie exté·
rieure - il était si souvent dehors - qu'il
m'était bien difficil e d'imag iner les causes de
son irritatioll. Au commencement, je faisais
un minuti eux examen de conscience qui sc
prolon geait parfois la nuit. Je dus y renoncer
assez vite. Je ne dis pas que j'plais toujou rs
hors de qucslion. Te n'(~lais
pas si I,arfait e.
'Tais ie puis tc ( rtifler que j'l'tai fort rarc Il)('lll la lët~{,
de l'aigreu r pass;lg< re de tOll
gran d-pt-rc. [1 Y a va il autre c!to . [1 Y avait
�DANS L 'O:-'IHRE DE :'IlES JOURS
I~l
lui même. Qu'avait il à se reprocher? Je ne le
.;us pour ainsi dire jamais. ~lais
je jugeais
qu'il était assez puni et je n'avais gardf> dl'
ll1t'ltre mon dOlgt entre ')LI faute t luI.
Du reste, c'était un s rupuleux. Ses «erreurs))
restèrent toujours discrètes. Tout se passait
entre lui et sa conscience, et le seul signe extérieur, c'était cet état d'énervement qui le rendait parfois si injuste.
Un homme en colère est, presque toujours,
un homme qui se lave la tête et qui, par mégarde, éclabousse ses voisins.
M. Palard et Lucien étaient devenus complètement inséparables. Lorsqu'ils n'étaient
pas à Valençay ensemble, ils étaient à la
Roque. Cela se passait surtout en hiver: ils
restaient des heures et des heures au coin du
feu à faire d'interminables parties de whist,
en fumant et en buvant des petits verres d'une
certaine une champagne que M. Palard avait
héritée d'un vieux cousin charentais.
Lorsque nous avions quelques per onnes à
déjeuner, le dimanche, M. Palard acceptait
toujours d'être des nôtres, car il était gour
mand, mais j'avais renoncé à l'avoir dans l'intimité.
D'ailleurs, on eût dit qu'il rajeunissait. T.a
chasse. à laquelle il se livrait beaucoup plus
r~gu
lii'reillent que Illon mari, maIntenait sa
santé et lui procurait de hienur~
fringales. Il n'avait aucun tourment, aY,lJlt ré-glé
pour toujours sa vic, grâce à sa retraite et à
��DANS L'OMBRE DE MES JOURS
123
Je me suis toujours levée tôt et à l'heure
exacte que je m'étais fixée la veille. Une vie
bien réglée n'a nul besoin de réveil-matin.
Quand on sait se commander le jour, paisible
survient la nuit, et, le lendemain, la vie reprend, sans heurt.
Je m'accordais toutefois cinq minutes de
paresse avant de reprendre pied sur ma descente de lit.
« Paresse D n'est pas le mot absolument
exact, comme tu vas vOir. Sans doute, je ne
repoussais pas le plaisir de me sentir au chaud
et reposée. Le creux de l'oreiller est un <,ndroit
de délices permises. J'aime à m'y caresser les
joues, le front. Et puis, lorsqu'on est bien par
tante, - j'eus la chance de l'être de longues
années et j'en rends grâce à Dieu! - lorsqu'on est bien portant.e, on ne sent presque
pas son corps le matin. On ne sait où il finit.
Oll il commence. Il n'a plus de forme; on se
croit tour à tour aussi longue, aussi large que
le lit, ou bien toute petite. Parfois, on ne sent
plus que sa tête. C'est charmant.
Ah! que le cerveau fonctionne bien à l'aube
d'un nouveau jour, que nolre mécanisme est
bien huilé! qu'on est courageuse, qu'on est
magnanime, qu'on est pure. La nuit est u))
armistice: l'âme s'y repose comme une eau
troublée qui reprenrl sa transparence.
CamIlle on voit clair le matin, en soi, autour
de soi!
Il faut cu profiler.
��DANS L'O:lLBRE DE !\lES JOURS
,
125
moins, personne ainsi n'en peut souffrir. .. Je
ne dis pas que ma méthode réussit toujours .. ,
Mais elle m'a rendu service, maintes et maintes
fois, ,.
Tu me diras que c'est tout bonnement l'examen de prévoyance et que je n'invente rien.
Et qui donc invente quelque chose? Pascal,
que je lis quelquefois, - il faut lire et relire
Pascal, - s'en fâche lui-même: « Qu'on ne
me dise pas que je n'ai rien dit de nouveau;
la disposition des matières est nouvelle.
Quand on joue à la paume, c'est une même
balle dont on joue l'un et l'autre; mais l'un
la place mieux. »
N'en conclus pas que ma grande invention
est de con "eiller que l'on fasse au lit son
Cxamen de prévoyance. Rien n'est plus éloigné
rie moi que d'en faire une obligation. C'est un
conseil de prudence. Dès que l'on entend que
lu circules, loute la maison se précipite: un
enfant appelle, une domestique frappe. Tu ne
t'appartiens plus. Reste donc au lit cinq
minutes de pl liS.
'
Mais prends bien garde, j'ai dit cinq
minutcs. T'en ajoute pas un!', puis deux. Tu
serais perdue. Si tu s ns venir le désir de prolonger ce pieux et .. , nonchalant interrogatoire,
harle brusquement ton drap, saute à lerre. Tu
,'lIll! inuC'ras sur ton prie.Dieu. Car il nc s'agit
p"" d' mol !es"e, hi n au contraire.
(', colloque llIal innl doit se !prnlil1pr P,Jr cl
[m!es cl lt.llilrS résolutiol1,;, (11.\I]IlC jO\lr, on
��DAXS I:O?\fTlRE DE .\IES JOURS
127
pauvre professeur ou d'un répétiteUlJ sans
énergie.
Si je ne nomme pas le collège où Jean « fit
ses études », c'est que, vraiment, le collège
n'est pas responsable des piteux résultats qu'il
obtint. Et c'est déjà fort beau qu'il ne nous
ait pas renvoyé notre bruyant rejeton. Il eut
même des prix: gymnastique, dessin et musique vocale! Musique vocale! Sans doute, c'est
un art charmant et, venant par surcroît, ce prix
de musique vocale m'aurait ravie, car j'ai toujours aimé le chant (et Jean tenait de moi cette
voix agréable), mais combien j'eusse préféré
quelques accessits de français, de latin, voire
d'arithmétique!
Par contre, il nous écrivait des lettres assez
~lusante.
Je t'en donnerai cet échantillon;
« Ma petite mère, j'ai depuis dimanche une
grande vénération pour notre évêque. Figuretoi que j'ai été pendant dix minutes l'objet de
sa respectable attention.
« C'était après vêpres.
(1
Nous étions sur deux rangs à droite et à
gauche de J'allée qui mène à la chapelle. Monseigneur sortit derrière nous, lentement, suivi
de j'aumônier et de quelques prêtres. Il s'arrêta, au hasard, devant celui-ci, celui-là, et. il
avait pour hacun Ulle parole aimable.
(1
En flIl, il arriva à moi rime trouva une
jolie figure. Je le dis cela pour t faire plaisir,
pauvre maman déshérité .. Puis, (ks que j'cus
parI \ il me dit: « Mais c'est Vuus q11i chantiez
�12~
DA S L'O\!BRE DE \TES JOURS
tout à l'heure. Je reconnais le timbre de
votre voix. Il faut cultiver ce beau don du
« Seigneur. l) Puis, il me parla de la Vie, du
Devoir et de la Vertu. « D'aiIreurs, un Pernet« Vaugis (ça, c'est pour papa) ne peut que
« faire honneur à la France D. On venait de
lui dire mon nom. Tout allait bien jusqu'à
présent. Mais le directeur trépignait aux côtés
de :\lonseigneur. Il brûlait de lui présenter un
élève plus reluisant. Moi, je tenais à garder
mon prestige. Je répondais très bien à ses
questions et il me compl imenta plusieurs fois.
« ' Tout à coup il se tourna vers le directeur
et lui exprima tout le contentement qu'il avait
il. parler avec (e un des élèves les plus rema~
Il quables certainement du collège -, et il lui
demanda quelle pla e j'avais obtenue à la dernière composition ... Patatras 1 Ma paune maman, plains ton fils! Il avait été le dernier!
Le directeur prit une fIgure si épouvantée que
;"lonseigneur n'insista pas: « Vous ne pou vez
CI
pas vous souvenir des places de tOtlS les
Il élèves du collège. Quant à vous, mon jeune
« ami, je n'aurai pas l'indiscrétion de vous le
« demander et je ne veux ni froisser, ni culti« ver votre amour-propre. D'ailleurs, ajoutaI t-il en me tendant son anneau il. baiser, il y
« a plusieurs manic'res d'(·tre premier ... » Et il
::,' ~ luigna, sans pl us s'arrêter dcvalll personne.
CI Voilà, ma pctite maman, le rédt \'fridicjllf':
de mcs exploits de dimanche.
« Pendant tout le jour, j'ai été \'ohj t de
«
«
����'32
DANS L ' O~lBRE
DE "lES JOURS
noix vides. Chez l'une de ses amies, elle remarquait un collier, chez l'autre une façon nouvelle de relever ses cheveux, chez celle-ci une
ceinture, chez celle-là une manière drôle de
pencher la tête, de saI uer, de marcher ...
Il en résultait que j'avais pour fille la plus
jolie poupée de tout le pays. « La délicieuse
Cécile D était l'expression courante, dont j'enragealS.
Et maintenant, Aline, ma chérie, me vois-tu
entre un mari, honnête certes et à peu près
content de son sort, mais ne prêtant aucune
attention à mes transes maternelles et la délicieuse Cécile préoccupée seulement de plaire à
tout le monde sauf à moi. Je n'avais pour me
consoler que les lettres ironiques, voire cyniques de Jean.
J'en pris mon parti, - à la face de tous, mais que de sacrifices j'offris à Dieu! Fis-je
pas mieux « que de gronder? D comme disait
Jean de son é\·êque ...
Telles étaient cependant, pour moi, ces deux
enfants de qui j'allendais toules les consolations, que j'avais avec tant d'enthousiasme
pris par la main pour partir à la découvert
du monde, à l'éducation desquels j'avi~
donné tant d'heures, consacré tant de veilles.
:\1a sœur Marie a-t-elle su s'y mieux prendre, a-t-elle procuré a ~es
fils de meilleur!>
maîtres, Ull avait-elle affaire à des sujets plu;,
ouple ou Î111 pl t'IUCllt lIlicux doué
Jl' pt'Il.
he plll!."1 \ ers ('Ile dcmi. rI' SUppl).
�bANs L'OMBRli: DE MES JOURS
133
sition. Il n'est pas douteux que François, par
exemple, avait de naissance un esprit plein de
fraîcheur. Le recueil de poèmes qu'il publia à
vingt ans en témoigne. Ce n'est pas l'éducation
qui crée les poètes ...
Le « gros Louis D, qui a reçu exactement la
même éducation, est devenu un remarquable
ingénieur, toujours à l'affûl de nouvelles inventions mécaniques... Alors ? .. Alors. mon
Dieu, il faut faire son dévoir, tout son devoir.
et laisser la destinée s'accomplir ...
Toul n'était pas perdu d'ailleurs, car Cécile
et Jean étaient bien jeunes encore. La vie sau
rait les faire fléchir. les dompter, la vie, rude
cavalier à la poigne inexorable ... Jean connaîtrait loin de nous qu'il faut tout de même
obéir et le mari que nous choisirions pour
Cécile accepterait la tâche de transformer. en
femme définitive, la provisoire poupée.
���IJO
DANS I:O,\WI{l!: IlE. JES IUURS
- Inutile. Je sai ce que j'ai ...
- Cependant ...
- Laissez. je vous pne... La paix avant
tout et le plus longtemps possible ...
Il se laissa choir dans un fauteuil et, sans
me regarder. il continua :
- J'ai essayé de monter à cheval. Je n'ai
pas pu, je ne monterai plus jamais à cheval;
c'est fini ...
Oh! que dites-vous là et que deviendrait
M. Palard?
- Je n'irai plus voir Palard; je ne verrai
plus jamais Palard : c'est fini.
- Comme vous exagérez, mon ami ... Pour
une première fatigue ...
- Ce n'est pas la première fatigue; au contraire: c'est la dernière, la demière .1
Il prononça ce mot si lentement, si gravement que mon cœur s'arrêta un instant et que
je tordis machinalement me~
mains qui
s'étaient jointes. Qu'allais-je apprendre, mon
Dieu?
J'attendis en vélin. Il y eut un pénible
silence. Ton gran I-Pl're, penché en avant, regardait à terre, les mains sur les bras du fauteuil. Contre son habitude, il avait gardé sur
sa tête sa casquette de cheval et ce léger manquement à la bienséance acheva de me plonger
dans la stupeur. (1 C'est [mi! » Cette p-xclamalion qu'il avait répétée résonnait dans mon
cerveau COIllI1H' lin {>Chll f ullèbr('. Que [aire?
�DANS I:OtlIBJ Œ DE ~IES
IOURS
I:n
Que lui dire? Toutes mes réflexio ns aboutirent à cette piteuse questio n :
- Voulez -vous prendr e quelqu e cho~?
J'eus peur de l'avoir choqué. Il leva la tête
lentem ent. Peut-ê tre n'avait -il pas entend u? Il
me regard a, sourit et me répond it .
- Oui, je veux bien.
Loin de l'avoir froissé, je lui avais fait plai sir. La tisane que je lui prépar ai moi-m ême
et que je lui apport ai toute chaude lui caUS<1
un tel soulag ement qu'il parut oublier son
malaise .
Que lisez-,,:ous donc? me demanciél -t il
au bout d'un instant .
Du Chalea ubrianc i.
Voulez -vous continu er tout haut votre
lecture ?
Rien ne pouvai t m'être plus profon démen t
agréab le. J'atten dais depuis vingt ans bientôt
ce mot de mon mari. I~a
lecturt' en commu n,
quel régal pour mon pauvre cœur délaiss é!
Comm e on se doit mieux connaî tre entre époux
lorsqu' on a pris cette charma nte habitu de! L<1
même semence tombe dans les dell.· rerveau x
et il y a toute chance pour que ce qui gernH'
cians J'un fasse tout au moins impres sion sur
J'autre. Et comme on est armé ensuite pour de
chaude s discuss ions! Ah! si Lucien avait voulu
plus tôt, que de belles œuvres je lui eusse fait
connaî tre!
Mais il n'est point trop tard. Nous allonc.
Tl'gagner 1c l('Jll ps prrel \1 •••
�138
DAXS L'01\1BRE DE MES JOURS
Hélas! pourquoi fallait-il qu'à ma JOIe se
mêlât je ne sais quelle funèbre appréhension?
Je jus, du mieux que je pus, le magnifique
chapitre par quoi se terminent les Mémoires
d'oulre-tombe. Je me demande encore aujourd'hui si la Providence ne guida point ce jourlà nos pas l'un vers l'autre et si ces pages
n'étaient pas, dans leur grandiloquence et leur
~olenité,
celles mêmes qui pouvaient le mieux,
sans qu'il y parût, faire réfléchir mon cher
Lucien.
« Je vois les reflets d'une aurore dont je ne
verrai pas se lever le soleil. Il'ne me reste qu'à
m'asseoir au bord de ma fosse; après quoi Je
descendrai hardiment, le crucifix à la main.
dans l'éternité, li
Quand j'eus terminé, je me mis à commenter
cette péroraison superbe, m'efforçant d'égayer
un peu la sombre couleur de cette prose magique,.. Mais Lucien ne m'écoutait plus.
J'avais alimenté sa réflexion. Et puis vraiment, il n'y avait pas lieu d'expliquer ce texte.
si lumineux, si fulgurant. ..
A partir de ce jour.là, mon mari, c:omme il
l'avait annoncé, ne sortit pl us de harriè're,ses plus longues' promenades ne dépassaient
pas la ferme, - il n'al la pl us voir son ami
Palard. Il se passa six jours avant que M. Palard ne vînt prendre de ses nouvelJ
luimême; deux fois, les jours précédent,>, il s'était
contenté d'envoyer ~on
valet de chambre.
��140
)A ti L O
O:\UH{t: Ut: l\lt:S JOURS
cacha pas la gravité de l'affection à laquelle
était en proie mon mari et qui pouvait remonter à beaucoup d'années. On aurait pu tenter
une opération: le malade s'y opposa résolument
Son « agonie 1/ - il n'y a pas d'autre mot
- dura six mois. Je passai par de continuelles
alternatives d'espOIr et de découragement.
Quant à lui, pas une minute il ne pensa qu'il
pût guérir. Ma société ne lui était pas désagréable, mais je dus cesser les lectures, qui le.
fatiguaient, l'énervaient. II restait volontiers
des heures immobile, dans un demi-sommeil
favorable au recueillement. Méditait-il, véritablement? je ne sus jamais. J'étais, devant cette
maladie imprévue, prise d'une timidité déses.pérée. Je ne pouvais que garder pour moi cette
réflexion qui me torturait : mon mari avait
toujours été malade et dès l'époque de sa démission; s'il avait été si peu liant, s'il vécut
tant hors de chez lui, ce fut par une sorte de
pudeur, pour ne pas laisser deviner son état,
pour que je n'en souffrisse pas moi-même et
afin que je ne me tourmentasse pas trop longtemps à l'avance. Si bien que Lucien avait été.
prèc:, de moi, vingt ans durant, et sans que je
m'en dout.asse un seul instant, un véritable
héros. Non seulement je ne m'en doutai pas,
mais je J'accusai de froideur et même de pauvreté d' "'prit.
Et c'est ainsi que, d'un seul coup, il remonta
lIi·s haut r!;Jn s mon ('stim .
��1
P
DA::. 1.'t)\1 Il lU: DE ~I
E";
10 li R";
a haute protection. Elle est de 1 es . r (lrga
nisés exclusivement pour le honheur ou, tout
au mOl11S, pour le plaisir, qui est le bonheur
des esprits point trop raffiné. Qu'elle ressemble peu à sa mc\ re, si difflcile ~l satisfaire
qu'elle a toujours fail fI des plaisirs mesquins,
el créée exactement pour savourer les longs
chagrins et les innomhrables coups du sort.
La famille était donc, momentanément, atl
c()mplet. ;vrais que nous étions peu unis! Cette
1I1aladie qui aurait dû nous serrer les uns
contre les autres, n05 enfants en étaient
effrayés. Cécile s,l1sissait tons les prét t'xtes qui
pouvaient l'éloigner du fallteuil de son pi-re.
Quant à Jean, il s'efforçait de ne pas traiter
1ragiquement 1a situation. Il
grisait et
e..sayait de nous griser ùe paroles oiseuses. Il
nOlis parlait du g1lartier latin, de derniers
jlu!ms parisiens, de comhJie et de musi(Jlle,
qual1d il aurait rom en1l que nous entounons
cp. p('re sto'l gue de SI lins, de douceurs t't ci
prwres ...
\Llis !1f)US SCHlllnes lous ainsi faits : nous
l'('d()n! ()ns les situat Jons franches, nous f uyous
la \ <''l';lé, nOlis dé-"c'rlo!lS J10tre «('\()ir ...
(al', enfin, ai j
lIloi-Il1(>lIlc <ln IIl1lpli toute
Ilia !ilC he ' Je ne le pen"'( p, s. (OlUIlIt' l,utes
IP "")UII t' n parf'il~
('prt'lIV(', l'ai L,it \'enir
Il' IIlprlt'('in ,t J'al pri
,in l'lUPo tlHI les rf"mf. ,
des ;m"j, III tl 'lemps, 'lue la C hamhre oit bien
~ré('
et Clllt' Olt (.pargn(.e " notr m,d.tr!P. la
,lt iRI\(, dt li 111 01 Il t!er.
�DA. S L'O\IBRE DE .IE~
10 RS
I.:~
J'ai distrait mon lIIari du mieux que j'ai pu
Distrait! quel 1I10t! en quelles circon,>
tances! Distraire: détourner l'esprit de ce qui
l'occupe, de ce qui le préoccupe!
Lor~u'n
dit d'une personne qu'clle e~t
distraite, on pense lui infliger 1111 blâme, 011 lui
reconnaît un sot défaut ct qui peut lui causer
les plus grands loris et cependant, au chnet
d\m moribond, d'un malheureux dent toutes
les f<tcullés devraient Ê-tre tendue:. \ers cette
fm aprh laquelle tout son corps aspire, on
n'a qu'une idée: le distraire, l'arracher à celle
I1tagnifique, à. cette men'eilleust' pens~
de l'au
delà qui denait illuminer :se yeux et nous
plonger nous-mf'mes dans J'étonnement, la
reconnaissance, nous fa iner tout entiers! ...
Que nous sommes de paunes êtres fragiles
et contradictoire!
ans doute, je n'ai pas manqué de prévenir
;\1. le curé et Lucien 1'(1 hien accueilli. ~r()Il
mari est mort ,hrétiennemenl. Mai., encore tint'
fois, n'aurais-je ras pu fair{' da";1lltage et, au
li('1\ de prodiguer ;1 celui qui allait partir de;
tis,lI)!'s propre's ù J'endOrllllr, Il\i \ erser de ces
pJ"6cieux philtres qui tiennent l'esprit en éveil
t préparent ' la vision suprême?
PO;;.rQ--9(i "'.yQXl=-~O
pc~
.• ci~lr
j-;~:.
~:-(
xtraor.Glinaircs, a\1X miraculeuses con~ue"
d notre foi?
Le respect des ch os
a r
nou! ti nt;
n u n'o ns pas nous mêler au granù mystcre
lui so'apprête. Et puis nous avons confiance 1
��DANS L'Ol\1BR~J
IJE ;\1ES JOURS
1r l
malS je n'y pris pas garde. J'étais remplie de
courage.
- ~Ies
enfants, nous voici comme une armée sans chef. Qui désormais commandera
ici ?
- Mais toi, mère, interrompit brusquement
Jean.
_. Sans doute, mon chéri. Je ne faillirai
pas à mon devoir et tout continuera de marcher sur nos domaines comme par le passé.
\1ais ce n'est pas de cela seulement que je voulais parler. 11 n'y a pas que la terre, il n'y a
pas que les intérêts matériels, il n'y a pas que
la fortune: il y a aussi la direction morale ..
Je n'en pus pas dire davantage. J'aurais
désiré expliquer ce qui avait fait défaut à
leur père, ce dont j'avais souffert et ce que
j'attendais d'eux. Jean le devina-t-il? Je ne
sais. Toujours est-il qu'il se leva) fit de ses
oeux mains le geste d'arrêter mon discours et
. :
s"ecna
- Oh! maman, je t'en prie. Tu n'as pas
besoin de conseils; quant à Cécile et à moi,
nous sommes assez grands pour nous diriger
tout seuls. Je n'ai pas la prétention de m'ériger en chef de famille, mais puisque tu m'en
donnes l'occasion je ne suis pas fâché de te
dire quelques petites idées qui me sont venues
res nuits-ci, aux veillées. J'ai vingt et un ans,
Cécile aura vingt ans dans quelques jours: je
ne sëlis pas lrop si tu t'en rends bien compte.Tu
11(' ])<,n<;('<; pour l'inslant, ma pauvre mère, qu'il
����DANS L'OMBRE DE MES JOURS
q
~j
cieuse, comme tu peux t'en douter. Jeal\ était
son maître en sport.
Jean n'était plus un cancre. Réformé, « pour
gagner du temps Il, il avait trouvé sa voie.
- Ma pauvre mère, me dit-il un jour, nous
ne sommes pas riches du lout. Je me suis renseigné chez Chanlon (c'était alors notre notaire) et sa conclusion fut que nous avion ...
« largement de quoi vine JI . De quoi vivre!
vous êtes bien tous les mêmes, gens d'avanlhier; mais avoir de quoi vivre, c'est e laisser
nourrir sur place, comme un arbre ou un chou;
c'est se contenter de sa pâtée comme un chien
à l'attache. Ce n'est pas vivre. Je ne suis, Dieu
merci, ni chou ni chien. J'ai plus de désirs que
nos rentes et nos maigres revenus n'en pourraient satisfaire. Je ne veux pas écorner la dot
de Céci le, déjà peu reluisante, ni vendre de
tes fermes, car je comprends très bien que tu
y tiennes. Et voici mes projets: j'entre chez
Pachin, le grand couturier, et j'y fais mon
trou. Dans dix ans, je me fera; soixante mille
francs, peut-être plus. La vie coûte cher et je
ne veux pas lui faire faillite ...
Lorsque je fus un peu remise de ma stupéfaction, je dis à Jean:
Et ton droit?
- Je n'ai plus de temps à perdre...
- Et ces jolies dispositions que tu avalS
pour écrire. Je te voyais déjà romancier. Ton
lousin François t'aurait conseillé, protégé 11
���I ;-, :l
DANS L ' O~lBRE
Dt: .\LES JOURS
affaires et occupa tions communes, qui ne
requièrent pas une attenti on si forte et si
pressante, vous regard iez plus Dieu que les
affaire s; et quand les affaires sont de si
grande import ance qu'elles requièrent toute
votre attenti on pour être bien faites, de temps
en temps vous regard erez à Dieu, comme font
ceux qui navigu ent en mer, lesquels, pour aller
à la terre qu'ils désirent, regard ent plus en
haut au ciel que non pas en bas où ils voguent.
Ainsi Dieu travail lera avec vous, en vous et
pour vous, et votre travail sera suivi de consolation. J)
Voilà comment il en faut user avec les biens
de ce monde.
on seulement il n'est point
prescri t de les dédaig ner et de les dégrad er,
mais il convient de les faire honnêt ement
prospérer.
Jean et Cécile ont été élevés chrétiennement
et ils n'oubli eront point qu'il ne faut pas
pousser cet amour jusqu'a u fanatis me et
adorer le veau d'or.
Les voici riches tous les deux, aujour d'hui.
Jean, céliba taire,- toujou rs pour gagner du
temps, - est associé avec son patron et gagne
« ce qu'il veut JI. Ta m' re est la femme
d'un agent de change qui a hérité sa charge
de son père. Ils sont riches, bien plus nch s
que moi. Je ne les envie point.
De son fauteuil, oll lle st maint nant
confmée, ma vieille maman les admire heau rouI'.
�IJA ~
J; OflIBRE IJE ! vlE~
IOURS
1:':'
Ce sont ses vrais enfants.
Elle n les voit guère, mais leur fortune
les éclaire d'un si beau Jour qu'elle ne les
perd jamais de vue. Elle veut avoir de leurs
nouvelles et lorsqu'elles manquent (ils n'ont
guère le temps d'écrire), j'invente de belles
histoires toujours en dessous de la vérité.
C'est souvent par saccades que se ressemblent les générations.
Par-dessus la tête de ma mère, je tiens la
main de mon cher grand-père, et par-dessus
celle de Cécile je tends la main à ma petite
Aline.
,
La première grande joie que m'ait procurée
ta maman, c'est de me confier ta menue personne.
Tu n'avais que deux jours lorsqu'on m'invita à venir te prendre « avec une nourrice D.
Quel beau voyage je fis au retour à Paris!
Ton père, qui ne se prive de rien, - sauf de
sa fIlle, - nous avait retenu un coupé-lit. Il
était en avant du wagon et, par le vitrage. je
voyais toute la campagne qui accourait à
nous.
Ce fut, tout le long du trajet, un cortège
animé de bois, de rivières. de villages, de
champs multicolores.
J'avais certainement un petit grain de folie.
}'offraj;-. (outf' la ter~
à la nouvelle venue,
��IlA S [,0:\[ Il[Œ
Ro~ali\de,
qlll
chantait
m:
SI
~[ES
'OURS
bien dans les
1~
alée~
hUhtaires.
\' iens que je te présente à eux. II s vont le
prendre par la mam et t'emmener à la ba
lançoire.
TOUS
allons VIvre, Al ine, nous allons
vivre!
Qu'est ce donc que j'ai, à te raconter ma
vieille hù:,lOlre? Il n'l'a pas d'histoire, il n'y
a plus de g-rand'mère. Il y a une petite fi.lle
qui entre dam; le monde.
1 e monde l'attend el lui sourit.
Comme la vie sera belle, Aline, ma toute
petite!
Je voudrais bien voir qu'on te f<lsse du
chag-rin! iT'écoute point les discll"es rie Ill<lUvaise aventure. T_('\'e "ers le ciel tl'5 yeux qui
" nt de sa couleur.
Marche, cours, saute, rehondis! •
Comllle tu rebondi" bien 1
Tu es ma fdle, 1Il0ll lrrs()r, llln )OIe.
Oui; maintenant, reviells \ers llIoi, a. ier!"
1oi sur mes g-enoux, ca lIlle-toi enl rC' llIes hras,
au chaud cie Illon cœnr, p; rl<, moi :
« (;rand'llH'.rC',
(l'Ii dOJl( apprend );\ IlIll
siquc <Hl . arhre ? GraJl(I'IlI<-re, qlli donc ap
prend aux oiseaux à vo](>r? Et les fleurs,
g-rand'll1ere, pourquoi ont· Iles chacun' leur
parfum, leul ouleur? Et qu, nd je ouns,
grand'Ill re,
t
1 bou 1 li au
qui III!
tait ()uri r '
P,lrl(, p.\rl
Il
ellum, Alill('. \1(11
qlli IH> S,ls
��DANS L'O:-'fBRE DE MES JOURS
15ï
tout s'ouvre et revit. Les maître.:; troncs
s'élancent en fusées de ce vert jaunâtre dont
le vent humide les a peints. Les arbustes alentour dressent leur front décidé et les pousses
naissantes rougissent tout à coup.
Ne nous pressons pas de juger les gens sur
leur faculté d'élever leur âme et de sourire à
la vic renaissante. Qu'il y a, dans un seul
coin de bois, qu'il y a de façons de fleurir!
L'hiver n'a pas encore fui que, toutes en
semble, les anémones sylvies étalent dans les
forêts leur blanc tapis ourlé, le long des sentiers, d'un feston de violettes.
Puis c'est le tour du tambour-major des
arbres, du peuplier, qui, au premier soleil.
hoche la tête de plaisir. Le charme et le cou
drier laissent nonchalamment pendre leurs
chatons d'or et d'ar~ent.
Le cerisier sauvage,
au tronc lisse et sombre, se couronne d'un
grand voile blanc. L'acacia réserv à juin le
chaud parfum de scs lourdes grappes. tandis
que le bouleau hésite, paré seulemcnt de son
tronc argenté, et que le chêne, roi d ces lieux,
nc daigne pas seulement sortlr de son lllaj st ueux cngourd issement.
Tl y a de arhres qui pr' fèrent d'abord s
couvrir de fcuilles, pour protéger les fleurs
à \"enir, comme le lllarrOtlmcr. D'a1ltres, au
lOlltraire, qui, <J ve' une JolI !.:rânerit" offrent
,LUX gelé 's d'avril
toute leur fortune dt'
l' ,mné !
Il n'y a qll'lIl1 printemps.
����t~
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Collection Stella
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La collection Stella est lancée en 1919 par les éditions du Petit Echo de la Mode. Ses fascicules sont des suppléments mensuels...<br /><a href="https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/exhibits/show/fondbastaire/collection_stella">En savoir plus sur la collection Stella</a>
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Title
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Dans l'ombre de mes jours
Creator
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Des Gachons, Jacques (1868-1945)
Date
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[1924?]
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
158 p.
18 cm
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An account of the resource
Collection Stella ; 96
Type
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text
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