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p
T
TRIBUNAL
de
POUR
PREMIÈRE INSTANCE
D ’A U R IL L A C .
Mme M a r i e - C h a r l o t t e d e CASSAGNE DE BEAU,
.
FORT DE MIRAMON, veuve de M. le Marquis
François-Félix Duplessis-Châtillon, en sa qualité
d’héritière bénéficiaire de M. le Marquis de Miramon, son père, D e m a n d e r e s s e ;
CONTRE
MM. A n t o i n e BADUEL, comme détenteurs du do
maine de Lollière, appartenant a la succession bé
néficiaire dudit Marquis de Miramon, D é f e n d e u r s .
Le 21 août 1837, madame la marquise Duplessis de Châtillon a
fait signifier aux héritiers Baduel un acte du 6 mars 1755, qui les
oblige à la prestation d’une rente emphytéotique, au profit du
marquis de Miramon, son père, de ses héritiers ou ayant-cause.
Le 2 septembre suivant, elle leur a notifié un commandement de
payer les arrérages de la rente.
,|
Aujourd’hui elle les poursuit devant le tribunal civil d ’Aurillac,
faute de paiement, pour obtenir contre eux l ’exécution de son
titre.
Madame de Châtillon avait déjà publié quatre mémoires sur
Audience du
_
�2
PREMIÈRE P A R T IE .
celle affaire, l’un en forme de consultation générale; les (rois
autres contre les héritiers Druo, les héritiers Auzolle, et les héri
tiers Baduel. Ces derniers seulement viennent de répondre dans
un écrit fort insidieux, qu’il importe d’autant plus de réfuter que
la matière q u ’il a pour objet étant fort peu connue maintenant, on
est obligé d ’en faire une étude spéciale pour décider les questions
que ce procès présente à résoudre.
La consultation avait été demandée par M. le marquis de Chàtillon pour sa mère. Elle portait sur quatre héritages dont deux
seulement sont réclamés aujourd’hui. Le rédacteur du mémoire
en réponse se prévaut de celte double circonstance pour nier les
qualités de la demanderesse, qui résultent de ses titres héréditai
res, et de la renonciation de ses deux sœurs à la succession de
M. le marquis de Miramon, père commun, qu'elle a fait signifier
aux héritiers Baduel, par acte du 20 septembre dernier. Il oppose
en outre des exceptions de chose jugée à la demande des domai
nes de Lafage et de la Koussière qui ne sont pas demandés. C’est
à quoi se réduisent les six premières pages du mémoire.
On examine dans ce qui suit jusqu’à la quarante-neuvième page
inclusivement:
« 1° La nature de l’acte du G mars 1755, qui sert de base aux
demandes de madame de Châlillon, contre les héritiers Baduel j
a 2° La question de savoir, en thèse générale, si les baux em
phytéotiques, à cens ou rentes, sont frappés de la suppression
prononcée par les lois de 1792 et 1793, quand ils sont mélangés
de féodalité;
i
« 3° La question de savoir particulièrement,' si les beaux em
phytéotiques perpétuels sont atteints par ces lois suppressives ;
« 4 “ L ’a p p l i c a ti o n d e la d o c t r i n e é t a b l i e a u x p a r a g r a p h e 2 e t 3
c i - d e s s u s , à l’a c t e d u G m a r s 1755.
« 5° L’o b j e c t i o n t i r é e d e c c q u e la c i - d e v a n t A u v e r g n e é t a it
u n p a y s a ll o d i a l .
« G° Enfin la question de la prescription. »
�IL n ’ y
a
pas
de
pr e sc r ipt io n
.
3
Nous répondrons d ’abord au sixième et dernier de ces para
graphes , parce que , s’il était vrai qu’on pût opposer la pres
cription à madame d e C h â lillo n , il serait inutile d’examiner si
sa demande contre les héritiers Baduel est féodale ou non féo
dale.
Quant aux cinq autres, nous n ’avons jamais contesté que les
rentes mélangées de féodalité ne fussent frappées de suppres
sion ; mais nous soutenons que l’acte du 6 mars 1755 n ’est point
féodal, parce que la»féodalité ne se présume point dans la cou
tume d ’Auvergne , et q u ’elle ne résulte pas des clauses de l’acte.
Ainsi , nous écarterons la presque totalité du mémoire de nos
adversaires , qui est étrangère aux difficultés qui s’élèvent entre
nous.-Nous réfuterons tout le reste, t
PREMIERE PARTIE.' '
Les demandes de madame la marquise de Châtillon ne sont pas
repoassees p a r la prescription.
Nous avions é ta b li, pages 5, 14 , 15 et suiv. de la consultation
du 5 mai 1837, q u e , pour q u ’on put opposer la prescription à
madame la marquise de Châtillon , d’après le droit c o m m u n ,
qui ne nous empêchera pas de nous prévaloir des lois spéciales,
il faudrait une interversion de titre, un changement dans la qua
lité de la possession. Sans cela , ou prescrirait contre son titre,
ce qui serait contraire à tous les principes anciens et nouveaux.
Que cette interversion pouvait résulter d’un acquisition faite par
«les tie rs, ou d ’une dénégation légale de la redevance, mais non
d’une transmission à titre héréditaire , ou d’une simple cessation
dupaiinent des rentes promises. Nous avions d it, avec M.Toullier,
que , dans notre espèce, c ’est-à-dire , « à l’égard des rentes fon-
�“*
a
«
«
«
«
PREMIÈRE PARTIE.
cières créées antérieurement à la promulgation du Code, quoique aujourd’hui meubles et rachetables, le débiteur ou ses
héritiers pouvaient encore s’en libérer par le déguerpissement
ou abandon du fonds , parce que les dispositions du Code ne
peuvent avoir d’effet rétroactif. »
Nous avions ajouté que le bailleur pouvait, dans la coutume
d ’Auvergne, exercer l’action en dégaerpissement trois années
après la cessation de paiement de la redevance; q u’il n ’avait droit
q u ’à trois années d’arrérages , quelle que fut la durée de la ces
sation , fût-elle de mille a n n é e s , suivant l’expression énergique
de Dumoulin ; que du moment q u’il n ’y avait, dans l’espèce,
ni interversion de litre, ni dénégation légale d e là redev an ce,
il fallait exécuter l’ancien titre, qui ne pouvait être apprécié que
d ’après les lois d e l à coutume d ’Auvergne, les seules qui l’a
vaient toujours régi. Voilà pourquoi nous avions conclu :
Qu’il plût au tribunal condamner les sieurs B aduel, comme
héritiers directs du preneur originaire, à payer à la requérante
trois années des arrérages de la rente consentie par le bail em
phytéotique du 6e du mois de mars de l'an 1755, et à servir à
l’avenir ladite rente , année par année , si mieux n ’aimaient les
sieurs Baduel racheter la rente, ou bien déguerpir.
Ce langage était simple et conséquent. L’auteur du mémoire
en réponse a feint de ne pas l’entendre. Cependant personne
ne pouvait jug er mieux que lui, que la seule question à exami
ner était ici celle de savoir si l’interversion de titre qui n ’existe
pas en fait dans la cause , pouvait résulter implicitement du fait
de la loi. Mais comment résoudre cette question pour les défen
deurs ? Il est clair q u’il faut une interversion de titre pour que
le titre ancien ne soit pas exécuté, et que cette interversion ne
peut résulter implicitement du fait de la loi. Il aurait fallu , pour
anéantir des contrats quelconques p a s s é s antérieurem ent a nos
lois nouvelles, que ces lois les eussent expressément abolis ,
�IL
n ’y
a
pas
DE PRESCRIPTION.
Ô
ce qu ’elles n’ont fait que pour les actes ou droits féodaux e lcen suels; ou'bien q u ’elles eussent positivement déclaré que le titre
ancien serait remplacé pas le litre dont elles auraient imposé
les conditions. Nous verrons , dans le cours de la discussion , ce
q u ’ont fait les lois spéciales sur les baux à rentes emphytéoti
ques. Il est vrai que les défendeurs assurent que l’acte du 6
mars 1755 est un acte féodal : nous démontrerons q u ’ils se
trompent. Ecartons premièrement ce q u ’ils disent de la pres
cription.
'
Ht, d’abord , remarquons! q u ’après avoir rapidement esquissé
une savante analyse des lois des 5 mars 1790, 6 juillet 1791,: 20
août 1792,'et des articles 529 et 530 du Code civil, on suppose
partout ce q u ’il faut prouver, c’est-à-dire que ces lois générales
ont opéré une interversion de titre- Il faut convenir qu’elles ont
pu déclarer,et on t déclaré prescriptibles-des droits qui n ’étaient
pas d ’abord prescriptibles; mais elles n’ont pas changé le titre du
possesseur originaire, et comme des dispositions de cette nature
doiventêtre restreintes plutôt q u ’étendues, la seule conséquence
rigoureuse q u ’on pourrait tirer de l’article 8 de la loi du 15 mars
1790, tel q u’il est cité, page 44: d ^ m é m o ire , serait que toutes
les rentes, redevances et autres droits rachetables, sont soumis
à la prescription p o u r l e s t i f . u s a c q u é r e u r s . Mais cet article-ne
porte point atteinte à la maxime qu'on ne peut pas prescrire contre
ion titre (C. c. 2240). Le principe qu’il renferme a été d ’ailleurs
de nouveau consacré par l’article 2239 du Code civil , ainsi
conçu : « Ceux à qui les fermiers, dépositaires et autres déten« teurs précaires ont transmis la chose par un titre translatif de
v propriété, peuvent la prescrire ». Encore faut-il, même dans ce
cas, que l’acte translatif de propriété ne rappelle point le titre
purem ent précaire du vendeur, parce que ce dernier ne peut
pas avoir transmis d ’autres droits que ceux qu ’il a déclarés. Le
seul droit que les lois nouvelles aient introduit en faveur des
�G
PREMIÈRE PARTIE.
preneurs originaires ou (Je leurs héritiers directs, est celui de
racheter la rente. Ju sq u ’à ce rachat, la rente reste pour eux ce
q u ’elle était par son litre. On ne peut dire que l’article 8 de la
loi du 15 mars 1790 ne distingue point; qu'il déclare les rentes
et redevances de toute nature rachelables etprescriptibles, parce
que cette manière d ’entendre la loi la rendrait contraire aux
principes, et q u ’il ne faut admettre d’antinomies que lorsque
toute conciliation raisonnable est impossible. D’ailleurs voyons
cette loi; ouvrons, non plus le mémoire de nos adversaires,
mais le bulletin officiel, le texte entier de la loi.
C’est une l o i générale concernant les droits féodaux supprimés
sans indemnité, e t ceux déclarés rachetables. Nous pouvons , par
conséquent, la repousser hautem ent, comme inapplicable. Elle
s’occupe uniquement des droits féodaux. Nous ne réclamons
point de droits féodaux. On invoque l’article 8 ; lisons cet
article.
1
« VIII. Tous les droits féodaux cl censuels, ensemble toutes
« les rentes, redevances, et autres droits qui sont rachetables
« par leur nature ou par l’effet des décrets du 4 août 1789 et
« jours suivans (par lesquels le régime féodal est entièrement
« détruit), seront, ju sq u ’à leur rachat, et à compter de l’époque
« qui sera déterminée par l’article 33 du litre 2 des présentes,
« soumis, pour le principal, à la prescription que les différentes
« lois et coutumes du royaume ont établie .relativement aux im« meubles réels, sans rien innover, quant à présent, à la près« cription des arrérages ».
On voit que cet article, fidèle à la rubrique de la loi, n ’a pour
objet que les droits féodaux et censuels, ou tout ce qui est relatif
au régime féodal, aboli par les décrets des 4, (>, 1, 8 et 11 août
1789, ainsi q u ’il est dil dans le préambule. Ajoutez que l’articlc
n ’établit aucune prescription nouvelle r e l a t i v e m e n t aux immeu
bles réels, et q u ’il s'en réfère aux différentes lois et coutumes du
�Xi1)
IL
n’y
A PAS DE PRESCRIPTION.
7
royaume. Cette citation est donc déplacée et ne prouve absolu
ment rien pour nos adversaires, puisqu’ils n ’ont aucun besoin de
la prescription, s’ils dém ontrent que nous réclamons u n droit
féodal.
D’aüleurs rien n'est plus élémentaire ni plus juste que les p rin
cipes que nous invoquons. Nous disons aux héritiers Baduel :
« Votre père ou grand-père, s’il vivait encore, n ’aurait pu pres« crire la toute propriété du domaine de Lollière, q u’il avait reçu
« du marquis de Miramon, à titre d ’emphytéose. Il n ’aurait
« pu que prescrire les arrérages des redevances, à l’excep« tion des trois dernières années. Telle était la loi de son titre.
« Vous ne faites que continuer votre père ou votre aïeul. Vous
« possédez en vertu du même t i t r e , sans aucun changement
« dans la qualité de la possession. Vous avez tous les droits
« q u ’ilavaitlui-mème; mais vous n ’en pouvezavoir davantage.Si
« vous aviez vendu vos droits successifs depuis que la coutume
« d ’Auvergne est abolie, que les lois anciennesontété changées, le
« titre de vos acquéreurs au domaine que vous possédez, e û t été
a régi par les lois nouvelles ; mais ces lois ne peuvent pas avoir
« de rétroactivité par le seul fait de leur existence. La rétroacti<f vite ne saurait se présumer, et vous la présumeriez nécessaire« ment, si vous vouliez soumettre à la loi nouvelle, des contrats
« passés sous les lois anciennes, alors que cette même loi ne l’a pas
« expressément ordonné : or, toutes les dispositions rétroactives
'< de la loi nouvelle ne frappent que les droits féodaux et censuels,
« et pas d ’autres droits. Rendez-nous donc l’héritage de notre
« père que vous retenez sans aucun titre ...... » Cette d éten
tion injuste, dans son p rin c ip e , ne peut être légitimée par la
longueur de la possession.La détention est injuste dans son
principe : 1° parce qu'on n ’a point respecté la condition de
la redevance dont la stricte observation pouvait seule la légitimer;
2” parce que les héritiers Baduel ne pouvaient pas se prévaloir du
�8
,i
PREMIÈRE P A R T IE .
,
titre emphytéotique de leur père, puisque l’emphytéose n’avait
été consentie q u ’à Pierre Baduel seulement. Q u’il n ’est point dit
dans l’acte q u ’elle ait été consentie à Baduel e t a u x s i e n s ; q u ’ainsi
l’emphytéose du 6 mars 1755 était essentiellement temporaire
ou à vie du preneur. Qu’on ne peut pas induire le contraite des
termes de l’obligation prise par Baduel de p a yer et porter les sus
dits cens et rente... a p e r p é t u i t é . . . au marquis de Miramon et aux
siens... TANT ET SI L ONGUEM EN T Q u ’i l . JOUIRA ET SER A T ENANC IE R DUDIT
d o m a i n e d e L o l l i e r e , car ce mot de
perpétuité est immédiate
m ent suivi d ’autres termes, qui en limitent formellement l’éten
due à la durée de la jouissance par le tenancier : or, cette jo uis
sance n epouvants’étendre audelà de la vie, il suit de là que le bail
emphytéotique a pris fin à la mort de ce tenancier, et que de
puis cette époque ses héritiers ont joui sans aucun titr e ,d ’où nous
concluons qu ’ils n'ont pu prescrire.
Le mémoire en réponse rte se dissimule pas que si le bail
emphytéotique est réellement temporaire, on ne peut point op
poser de prescription. Nous avons montré par les termes mêmes
de l’acte qu'il est temporaire. Mais nos argumens ont plus de
portée. Dans l’hypothèse où nous sommes placés, en l’absence
de tiers acquéreurs, d ’interversion de titre, ou de dénégation lé
gale de la redevance, nous repoussons la prescription tant pour
le bail emphytéotique perpétuel que pour le bail temporaire.
Les héritiers Baduel expliquent la prescriplibilité prétendue du
bail emphytéotique perpétuel par l’article G de la loi du 11 août
1789, « par lequel, disent-ils, page 43, toutes les rentes foncières
« perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce
« qu’elles fussent, quelle que fut leur origine , à quelques per« sonnes qu ’elles fussent dues, ainsi que les champarts de toute
« espèce, et sous toutes dénominations, furent déclarés racheta« bles. » Il ne suivrait pas de là que ces ventes fussent prescrip
tibles. Mais lorsque plus tard les articles 529 et 530 du Code civil
�IL n ’y
k
PAS DE PRESCRIPTION.
9
ont mobilisé ces rentes, elles sont devenues seulement alors pres
criptibles, comme nous l’avons établi dans la consultation du 5
mai, d ’après les doctrines expliquées dans les considérans d ’un
arrêt de la Cour de cassation, sections réunies ( lire l’arrêt dans
Dalloz, 3G-1-41). Néanmoins, même dans ce cas, la prescription
ne s’est opérée q u ’en faveur des tiers-acquéreurs. Les preneurs
originaires sont restés sous la loi de leur titre, en ayant de plus la
faculté de racheter la rente, parce que les lois ne disposent que
pour l’avenir. Tout cela a été développé dans la consultation et
appuyé des autorités les plus imposantes. Il nous suffira de faire
observer que le rédacteur du mémoire en réponse n ’a pas même
abordé notre observation que les héritiers directs du preneur em
phytéotique , alors même qu’ils auraient été légalement investis
du domaine de Lollière, ne pouvaient en aucun cas prescrire con
tre leur titre.
Il faudrait donc, pour repousser la demande de madame la m ar
quise de Châtillon, que ses titres fussent féodaux ou mélangés de
féodalité. Ils ne le sont p o in t, comme on va le voir.
DEUXIÈME PARTIE.
L ’acte du G mars 1755 ri est point féodal, ni mélangé deféoaalüf.
Notre honorable adversaire consacre une grande partie de son
mémoire à soutenir que les actes féodaux sont abolis, et que celte
abolition a été étendue, par une loi du 29 floréal an I I , a toute re
devance ou rente entachée originairement de la plus le'gèrc marque
de féodalité. Tel est le principal et comme l’unique objet de ses
s § 1, 2 et 3 qui s’étendent de la page 7 à la page 20. Eh bien !
nous ne contestons pas le moins du monde scs principes sur ce
2
�10
DEUXIÈME P A R T IE .
p o in t; mais nous contestons l’application q u ’il veut en faire à
l’acte du 6 mars 1755, tant dans les paragraphes cilés que dans les
suivans. C’est la mineure du syllogisme auquel se réduit tout son
travail. En démontrant qu’elle est fausse, nous aurons détruit son
mémoire radicalement, et il n’en restera rien q u ’on puisse opposer
à nos prétentions.
Le paragraphe premier du mémoire s’attache à distinguer le
bail à cens proprement dit, ou cens féodal, du bail emphytéoti
que. Il soutient que l’acte du 6 mars 1755 est un bail à cens
féodal. Son principal argument repose sur ce que le bail à cens
est le bail d'un fonds noble et féodal; au lieu que le bail em
phytéotique est celui d ’un fond qui est tenu en roture. Il ap
puie sa distinction d ’une citation de l'annotateur de Boutarie,
traité des droits seigneuriaux, page 2. Ici encore notre contradic
teur suppose ce qu’il faut prouver, que le mol cens introduit,
n ’importe comment, dans un bail quelconque, le rend féodal.
Cependant ce mot se prend pour toutes sortes de renies, c’est
un terme générique dont on peut se servir indifféremment pour
indiquer les redevance foncières, emphytéotiques ou autres.
Voilà pourquoi la rente de l'émphyléose ainsi, que celle de cetts,
porte également le nom de censive. Ces paroles sont précisément la
fin de la phrase de l’annotaleur de Boutarie, citée dans le mé
moire des héritiers Baduel (voir le traité des droits seigneuriaux,
pag. iij, dernières lignes (1). Il paraît que notre adversaire s’en
est rapporté à une citation de M. Merlin, q u e s t i o n s d e d r o i t , verbo,
( 1) M* Viollc, rédacteur du mémoire, qui avance dansl’observation essentielle,
ajoutée page 60, que Mmc de Cliùlillou désavoue, dans l’acte du 20 septembre
1837, qu’il ait été publié des mémoires, a aussi tronqué cet acte. La copie,
sur papier libre, envoyée par M. Hampon à M. Bole, à P aris, porte qu’il n’y
a pas eu de mémoires publiés, à moins ceux confiés à l’ancicn avocat de (a
dame requérante (Mc Viollc).
�LA BENIE DE LOLLlÈUE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
t 1
Moulin. M. Merlin cite aussi par erreur la page 2 pour la page 3;
mais il dit après cette citation: « Ajoutons que le franc-alleu
« noble, c’est-à-diredéeorédes titres deseigneurieetdejustice, peut
« aussi bien être donné en emphytéose que le franc-alleu roturier ,
« c’est-à-dire dénué de justice et de seigneurie. M. Boutaric ni
« son annotateur ne le disent, mais cela sesenlde soi-même.» Ainsi
parle M. Merlin, l. c , page 277, qui ne fait néanmoins, quoiqu’il
en dise, q u ’abréger et reproduire l’opinion professée par Bou
taric, au traité cité, chapitre 13, page 377, lignes 31 et suivantes.
Dans plusieurs contrées, et particulièrement dans les pays al
lodiaux, la dénomination de cens était commune à la rente sei
gneuriale, au canon emphytéotique et à la rente foncière.
L'acte du G mars 1755 est qualifié de bail emphytéotique. Cette
qualification lui convient, et elle n ’esl pas détruite parce que la
rente de Pemphytéose aura été désignée comme fiouveau cens, ou
comme censive.
Après Boutaric, on cite Merlin. Ecoutons Merlin, s’adressant
à la Cour de cassation, dans l’affaire de Jean Salomon et consorts,
( \ Juthss, r é p e r t o i r e u n i v e r s e l , verbo Cens,% 5, pages 129 et
suivantes.— Troisième édition. — Après avoir dit que le mot
cens ne signifie par lui-même q u ’une ren te, une prestation,
un revenu quelconque, il cite une dissertation de feudo censuali,
qui se trouve dans le thésaurus ju risJ e u d a lis d ’Inichen, imprimé
à Francfort en 1750. tom. 2, page 45. « L ’auteur de cette disser« talion, disait M. le procureur général à la Cour suprême, s ’oc« cupe des différences q u ’il y a entre le bail à fief annuel, et le
« bail à emphytéose; et à ce sujet, il s’exprime en ces termes: ou
“ la chose est concédée purement et simplement à censou à rente
perpétuelle, sous réserve du domaine direct, de l’investiture,
« du droit de lods ; et dans ce cas le bien n ’est pas fief, mais sim0 plement ccnsive : ou la chose est concédée à cens, avec réserve
« du domaine direct, de l’investiture, et, comme il arrive sou-
�12
DEUXIÈME PARTIE.
« vent, du droit de lods; et alors,
« MAGE,
c ’e s t
s ’i l y a r é t e n t i o n
UN F IE F CE NSUEL; SI LA F OI-H OM MAGE
n ’ e ST
de
la f o i- hom
PAS R E S E R V E E
« c ’ e s t u n e e m p h y t é o s e ..... Rien à conclure ici de la dénominatiot
« de cens donnée à la redevance.. ..
« Sans doute il est des pays où une redevance originairemen
« foncière, due à un ci-devant seigneur, doit être présumée avoi
« été originairement seigneuriale ; mais quels sont ces pays ? G
« sont ceux où était en vigueur, avant l'abolition du régime féodal
« la règle nulle terre sans seigneur.
« Mais dans les pays allodiaux, rien n ’empêche de présumei
« que le seigneur à qui est due une rente foncière, l'a stipulée pai
« un simple bail à rente qui ne cohtenai t de sa part aucune réserve
«du domaine direct; et non seulement rien n’y fait obstacle à
« cette présomption, mais elle est la conséquence nécessaire de la
« maxime, nul seigneur sans titre.
«Telle est la distinction que nous tracent les principes es« sentiels et fondamentaux de cette matière, et il ne faut pas
« croire q u ’elle soit en opposition avec l’article 17 de la loi du
« 25 août 1792.
« Cet article ne dit pas que les rentes foncières dues à des ci« devant seigneurs soient abolies : il dit seulement que les rentes
« foncières dues à des particuliers non ci-devant seigneurs sont
«maintenues. Il sc tait donc sur les rentes foncières dues à des ci« devant seigneurs, et, par cela seul qu’il se tait à leur égard, il ne
«les abolit ni ne les maintient: il s’en réfère aux principes du
«droit co m m un, qui établissent, entre les pays allodiaux et les
« pays non allodiaux, la ligne de démarcation dont nous venons
« de parler. »
Ces principes furent consacrés par l’arrct du 11 germinal an
XIII, au rapport de M. Lombard-Quincieux (S. 2. 148). La même
question avait été résolue dans le môme sens, par la même Cour,
�LA RENTE DE L0LL1ÈRE
h ’ e ST
POINT FÉODALfc.
15
pour la coutume d’Auvergne, le 13 vendémiaire de la même an
n é e ^ . 5. 1. 57).
On voit, tant par la citation de-M. Merlin que par les doctrines
des plus habiles feudistes, que le bail emphytéotique et le bail à
cens proprement dit, qui avaient d’ailleurs tant de rapports, dif
féraient cependant d’une manière essentielle, mais sur un seul
point. La rétention de là foi-hommage était de l’essence du-bail à
cens proprement dit, mais ne l’était pas du bail emphytéotique.
Peu importait d ’ailleurs la qualification du bail. On avait beau
l’appeler emphytéotique, s’il contenait«rétentiori de la foi-hom-j
mage, ou si la redevance était stipulée en reconnaissance de la
seigneurie, c’était un bail à cens proprement dit, une rente seij
gneuriale, dans le sens de la loi du 25 août 1792; mais s’il n i
contenait pas rétention de la foi-hommage, si la redevance n'étaij
stipulée que pour une concession originaire de fonds, c’était un
bail emphytéotique.
Dans son § '2 , le rédacteur du mémoire en réponse se borne à
une exposition doctrinale des trois périodes de la législation qui
frappa graduellement de suppression les droits féodaux, en les
déclarant en partie rachetables et les maintenant jusqu’au rachat,
ensuite en les annulant sans indemnité, même ceux conservés et
déclarés rachetables par les lois antérieures, enfin, en supprimant
aussi toute redevance ou rente entachée originairement de la plus
légère marque de féodalité.
Nous n ’avons rien à dire contre ces principes ; notre unique
objet est de faire voir qu’on ne peut pas nous les appliquer.
Le mémoire ajoute, page 13 : « O r cette loi, ou plutôt cés lois
* que nous avons analysées avec la plus sévère exactitude, ne font
« aucune différence à l’égard des titres constitutifs ou récognitifs
«de seigneurie ou droits féodaux. Elles ne distinguent pas si les
“ titres sont des baux cmphylcotiqu.es ou à cens, ou bien s’ils doi« vent avoir toute autre dénomination ; elles ne voient dans les ti-
�14
DEUXIÈME PARTIE.
« très, quels qu ’ils soient, que les signes de féodalité ou de sei«gneurie qui peuvent y exister; et si de tels signes s’y rencon« trent, les lois prononcent la suppression des litres, sans égard
« aux redevances que ce mélange impur cesse de faire considérer
«comme des prestations purement foncières.» Cette consé
quence que notre adversaire a tirée de ses principes est vraie gé
néralement; mais elle est fausse dans l’espèce. Il existe une dé
claration de Louis XV, qui, quoique donnée seulement pour la cidevant P rovence, n’est pas moins applicable à tous les pays de
franc-alleu, ainsi que l’a si profondément établi M. Henrion, dans
ses Dissertations féodales , t. 1 , article A lleu , et M. îtlerlin
après lui, questions de droit, Ferbo , Rente seigneuriale, § 12. 11
est vrai que cette déclaration est postérieure à l'acte du G mars
1755, puisqu’elle est du 2 janvier 1769; mais elle s’applique, par
une disposition formelle de l’article 2 , aux redevances emphytéo
tiques stipulées dans des contrats antérieurs. La voici :
I
'V "
a Les gens des trois étals de noire pays de Provence rio^s auraient fait r t» présenter que l'usage du droit éc"i< qui régit la Provi ::cc, aurait donné lieu
a à une sorte d’emphytéose, *j: r lauucll«* 1er. ¿»rcpiiétaires de terres en franc« alleu-roturier , en cédant la propriété utile desdites te rre s , s’en réservent
« la propriété foncière, et n’en font l’aliénation qu’à la charge de redevances,
« de droits de lods et ventes en cas de mutations, du droit de prélation ou de
• retrait, et quelquefois môme à la charge de foi et hommage; en sorte qu’il
« paraîtrait en résulter une espèce de directe ayant la plupart des attributs
a des fiefs, ce qui les aurait fait qualüier abusivement dans les actes, de fiefs,
« de directes nobles et féodales, et de seigueuries : que ces qualifications
« auraient donné lieu aux fermiers de nos droits de franc-fief, de prétendre
o (jue ce droit leur est dû, lorsque ces directes emphytéotiques passent entre
« les mains de roturiers et sont possédées par eux; et de former contre les
« possesseurs de ces redevances, des demandes à l’occasion desquelles il se
« serait élevé un grand nombre de contestations actuellement pendantes en
« notre conseil, sur quoi ils nous auraient supplié de vouloir bien les faire
« cesser, en expliquant nos intentions à cet égard. Nous nous sommes en
�LA RENTE DE LOLLlÈRE
n’est
POINT FÉODALE.
15
« conséquence fait rendre compte de l’origine de cet usage, et nous aurions
« reconnu qu’il pouvait provenir de ce'que notre déclaration du 12 décembre
« 1676 et noire edit du mois d’août 1692, en conservant à la Provence, l’u« sage de cette sorte de contrats, ne se seraient pas suffisamment expliqués
« sur leur nature ; qu’elle ne peut cependant être douteuse, puisqu’il nous
« seuls appartient le droit d'annoblir, tant les choses que les personnes; que
« d’ailleurs les emphytéoses diffèrent essentiellement des inféodations, en ce
« que, suivant les principes du droit féodal, celui de prélation ou re tra it ne
« peut appartenir qu’au possesseur du lief; au lieu que dans cette espèce de
« bail emphytéotique, le droit de prélation peut devenir réciproque, et s’exer*
« cer également par le propriétaire de la redevance foncière, lorsque le fonds
« est aliéné, et par le propriétaire du fonds, lorsque la redevance est ven« duc ; ce qui a même été ainsi réglé par deux statuts des comtes de Provence,
« accordés, l’un dans l’année 1293, à la ville de Sallon, et l’autre en l’année
« 1352, à celle d'Aix. Nous avons, en conséquence, résolu de tellement déter*
miner la nature de ces emphytéoses, qu’elles ne puissent être en aucun cas re« gardées comme formant des fiefs et seigneuries, et que les possessions des
« redevances emphytéotiques ne puissent être inquiétées pour le paiement des
« droits de franc-lief. A ces causes et autres considérations à ce nous mouvant,
« de l’avis de notjçc çonseilet de notre certaine science, pleine puissance et au« torité, avons dit, déclaré et ordonné, d$ons, déclarons et ordonnons, voulons
« et nous plaît ce qui suit : — Art. 1er. Les redevances créées pour la concession,
« à titre d’emphytéose, de terres et héritages tenues en franc-alleu roturier dans
« le pays de Provence, ne pourront, en aucun cas, être qualifiées de directes
« nobles et féodales, de fiefs et seigneuries; encore que par les contrats, les
« bailleurs se réservent les droits de lods et ventes, et quelesdits contrats con« tiennent stipulations du droit de prélation ou de retrait. Défendons à tous
* notaires, gardes notes et autres, d’employer lesdites qualifications, comme
« aussi d’énoncer danslesdits contrats, aucune réserve de foi et hommage en
« faveur des bailleurs.— A rt. 2. Les qualifications énoncées dans l’article
« précédent, qui auraient été données P A n d e s c o n t r a t s a n t é r i e u r s a n o * t r e p r é s e n t e d é c l a r a t i o n , a u x r e d e v a n c e s e m p h y t é o t i q u e s stipulées par
« lesdits c o n tra ts, seront regardées comme nulles, ainsi que les réserves de foi
« et hommage qui y seraient exprimées, et ne p o u r r o n t lesdites qualifica« lions et réserves changer la nature desdites redevances et celle des héri*
" tages qui en sont l’objet. Défendons, en conséquence, aux fermiers de nos
�16
OEUXIEMK PARTIE .
« domaines, d’exiger, t a n t p o u r l e p a s s é q u e p o u r l ’ a v e n i r , aucuns droits de
« franc-fief pour la jouissance desdites redevances, encore qu’elles fussent
« possédées par aucun de nos sujets roturiers. — A rt. 3. Avons dérogé et déro« geons à tous édits, déclarations et autres lettres, et particulièrem ent à notre
« déclaration du mois de décembre 1076, et à notre édit du mois d’août
« 1692, en ce qui pourrait être contraire à la teneur de ces présentes. »
Il résulterait de cette déclaration, qui se fonde sur les prin
cipes généraux de la matière dans tous les pays allodiaux, qu ’a
lors même que le marquis de Miramon aurait inféodé et accensé
son domaine de Lollière, ce qu ’il n’a pas fait, ces clauses d’inféodation et d ’accensement devraient être réputées non écrites, et
que, la rente fût-elle qualifiée seigneuriale ne serait pas abolie
parla loi du 17 juillet 1793. Mais nous ne voulons pas nous en
prévaloir.
Notre contradicteur, poursuivant l’exposé de ses doctrines,
essaie d ’établir, § 3, pag. 14 et suivantes, que si l’acte du 6
mars 1755 était un véritable bail emphytéotique, il n ’en
serait pas moins frappé par les lois répressives de la féodalité.
C’est ici qu’est toute l'alfaire, et l’on nous permettra de discuter
minutieusement les théories expliquées dans cette partie de son
.aémoire.
On y distingue l’cmphytéose à temps de l’emphytéose perpé
tuelle qu’on dit abolie par l’article Ie' de la loi du 29 décembre
1790, et depuis encore par larticle 530 du Code civil. Ces d e r
nières paroles sont une erreur grave. L’article 530 du Code civil,
ne parle que des rentes établies h perpétuité. Or, il y avait autre
fois une différence capitale entre les rentes emphytéotiques et les
rentes à perpétuité. Celles-ci emportaient une aliénation absolue;
point de droits seigneuriaux comme dans le cens, point de réten
tion dç domaine direct comme dans l’emphytéose : tout passait
lu preneur, tout lui appartenait, sans aucune autre charge que la
-"ente stipulée par le bail. Merlin, verbo Cens, § 5, p. 126.
�LA. RENTE DE LOU.lÈRE
n ’ e ST
POINT FEODALE.
17
De ce que le Code civil ne s’est pas occupé d u contrat emphy
téotique, nous tirons la conséquence que ce contrat est toujours
régi par les lois intermédiaires qui en ont parlé, c’est-à-dire par
des lois spéciales qui ne rentrent pas dans la loi commune du
Code civil, et qui peuvent y faire exception.
Eludions ces lois.
La première, du 15-28 mars 1790, se bornant à déclarer rachetables les rentes emphytéotiques de toute n a tu re , nous n’avons
rien à en dire, puisque nous ne nions pas que ces sortes de rentes
ne soient rachelables.
La seconde, du 18-29 décembre de la même année, reconnaît
expressément, par le texte formel de l'article 5 du titre 3, q u ’une
rente emphytéotique peut être perpétuelle et non seigneuriale,
puisqu’elle s’occupe expressément des empliytéoses perpétuelles
et non seigneuriales. En effet, cet article est ainsi conçu :
« 5. Lorsque les baux à rente, ou emphytéose perpétuelle et
« non-seigneuriale, contiendront la condition expresse imposée
« au preneur et à ses successeurs, de payer au bailleur un d ro it
« de lods ou autre droit casuel quelconque en cas de mutation,
« et dans les pays où la loi assujettit les détenteurs auxdits ti« très de bail à rente ou emphytéose perpétuelle et non sei« gneuriale, à payer au bailleur des droits casuels aux muta« lions, le possesseur qui voudra racheter la rente foncière ou
« emphytéotique sera tenu, outre le capital de la rente indiquée
« en l’article ci-dessus , de racheter les droits casuels dus aux
* m utations, et ce rachat se fera aux taux prescrits par le décret
* du 3 mai, pour le rachat des droits pareils ci-devant setgueu" riaux, selon la quantité et la nature du droit qui se trouvera
* dû par la convention , ou suivant la loi. »
Mais nous avons, dans l’espèce, peu d'intérêt à défendre les
e,nphytéoscs perpétuelles, puisqu’on a déjà prouvé, par les lermes même de l’acte du (i mars 1755, que l’emphytéosc consentie
3
�18
DEUXIÈME PARTIE.
à Pierre Baduel était uniquement temporaire. Notre adversaire
prend condamnation, page 26, sur l’emphytéose temporaire : il
conteste seulement le sens du contrat qui fait notre titre, et il
nous oppose les principes applicables à l’emphytéose perpétuelle.
Nous ne parlerons que de ces principes.
'
L’article Ier du titre Ier de la même loi jiorte : « Toutes
« les rentes foncières perpétuelles...... quelle que soit leur
« origine....... seront rachetables...... au taux qui sera ci-après
« fixé. Il est défendu de plus, a l ’a v e n i r , créer aucune rede« vance foncière non remboursable, sans préjudice des baux à
« rentes ou emphytéose, et non perpétuels, qui seront exécutés
o pour toute leur durée, et pourront être faits, à l’avenir, pour
« 99 ans et au-dessous, ainsi que les baux à vie, même sur plu« sieurs tètes, à la charge qu’elles n ’excéderont pas le nombre
a de trois. »
L'article 2 ajoute immédiatement : « Les rentes ou redevances
« foncières établies par les contrats connus en certains pays sous
« le titre de locaterie perpétuelle, sont comprises dans les dispo« sitions et prohibitions de l’article précédent, sauf les modiûca« tions ci-après sur le taux de leur rachat. »
Nous concluons de là : 1° que toutes les emphytéoses et locateries perpétuelles existantes avant cette loi sont devenues rache
tables; 2° qu ’il n’est plus permis de créer à l’avenir aucun bail
emphytéotique, aucune locaterie non viagère dont la durée lé
gale puisse avoir plus de 99 ans, et qui ne soit remboursable après
cette époque.
Or, de ce que les emphytéoses et locatcries perpétuelles sont
devenues rachetables, il s’en suit, non pas q u ’elles sont abolies,
mais qu ’on [»eut les racheter. Elles existent donc toujours jusqu’au
rachat ; et, s’il n ’y a pas de rachat, la propriété desJonds concédés «
titre de baux emphytéotiques perpétuels ou héritables, n ’appartient
aux débiteurs des rentes, qu'à la charge p a r eux de remplir les con~
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IlENTE DE L 0 L L 1 E R E N EST P O IN T
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FE O D A L E.
19
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diliotis de leur bail. Ces paroles sont tirées de l’avis du Conseil
d’État, du 7 fructidor an XIII, cité par M. Merlin, Reperl. /^ E m phytéose, § 6 , pag. 528.
Le législateur a pu fixer au rachat ün délai fatal. S’il ne l’a
point fait, la rente reste ce q u ’elle était a son origine; mais elle
est de plus rachetablè, nonobstant toute convention contraire.
Le rachat est aujourd’hui de son essence, et cette faculté, déri
vant uniquem ent delà loi, n ’est plus prescriptible.
Mais on ne voit nulle part qu’on ait fait une obligation de la fa
culté de racheter les renies foncières,’et bien moins encore qu ’on
aitpresôril un délai fatal', après lequel le bailleur serait dépouillé
sans indemnité, au profit du preneur qui n’aurait pas voulu ra
cheter. Une telle disposi tion eût été absurde, parce qu’elle eût fait
de la faculté de rachat une faculté dérisoire.
Quand nous disons q u’on n ’est pas obligé de racheter les rentes
foncières, et que la faculté de rachat est imprescriptible, nous
n ’entendons point'que cette faculté soit perpétuelle. Elle doit se
renfermer dans les limites de la disposition qui ne permet pas que
des baux quelconques puissentètre faits pourplusdequatre-vingtdix-neufans, et ce délai doit courir dé là date delà loi' d ùr 18-29 dé
cembre 1790, et non de là date dés bau* dont plusieurs pouvaient
alors avoir plus de quatre-vingt-dix-neuf ans d’existence! Ils’n ’en
sont pas moins compris dans les dispositions de l’article 5, cité cidessus. Cette loi rie lés a pointabolis. Mais en les déclarant racîiétablcs, et en fixant la durée q u’ils pourraient'avoir à l’avenir, elle
a fait une novation dk titre, et ceMlitré nouvel se trouve nécessaire
ment régi par la loi dc'sW créàtiori'qui le valide pour qiiiitre-vingtdix-neüf'a'hs, ét‘qln lé rend raclietable pour toui le temps dé celte
durée.
Nous croyons avoir suffisamment1établi juscjuV préseni que; là
demandé de riladiirhe lii’inirquise de Ch'iltiUon contre les héritiers
N,aduèl; est conformé aux principes'du' droit'coVnlnün . si* on les
�20
DEUXIÈME PARTIE.
invoque, et q u ’elle n’a rien de contraire aux règles spéciales de la
matière qui lui laissent encore un très long délai, pour mettre les
détenteurs du domaine de Lollière dans l’alternative de racheter
la rente, ou de la servir.
Il n'est pas inutile de faire observer que l'article 3 du titre 5 de
la loi que nous commentons, ne veut pas même que les rentes fon
cières dont il s’occupe perdent leur nature immobilière par la fa
culté de rachat. Voici ce qu’il porte :
« La faculté de rachat des rentes foncières ne changera pareil« ment rien à leur nature immobilière, ni quant à la loi qui les
« régissait; en conséquence, elles continueront d ’ètre soumises
« aux mêmes principes, lois et usages que ci-devant, qu ant à l’or« dre des successions, et quant aux dispositions entre vifs et tes« tamentaires, et aux aliénations à titre onéreux. »
Sous ces mots de rentes foncières, l’article comprend générale
ment toutes les rentes dont il est parlé dans la loi, et particuliè
rement les emphytéoses perpétuelles et non seigneuriales.
Pour échapper à des lois si claires et si précises, notre adver
saire n’a d ’autre ressource que d ’établir que notre emphytéose
est seigneuriale. Nous pourrions nous en tenir àce q u e nous avons
dit à cet égard, mais q u ’on nous permelte d’y revenir un moment,
puisque aussi bien c’est un point du litige digne de quelque at
tention.
Sur quoi donc voudrait-on fonder cette assertion que notre em
phytéose est seigneuriale ? On a vu que cette qualité ne résulte
pas de ce que la rente est duc à un seigneur; q u ’elle ne pouvait
venir que des conventions accessoires de l’obligation de payer la
rente, comme par exemple de la réserve de la directe. Mais ces
mots ne doivent s’entendre que de la directe emphytéotique.
« Et dans le fait, dit M. Merlin, q u e s t i o n s d e d u o i t , verbo , rente
« seigneuriale, § 1 1 , page 6GÎ>, ne sait-on pas que les juriscon« suites ont toujours reconnu deux sortes de directes , la directe
�LA l i t S T E DE LOLLILRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
21
« seigneuriale et la directe emphytéotiqueP Dunod en fait expres« sèment la remarque dans son Traité des prescriptions, partie 3 ,
* chap. 10; et nous devons ajouter que quoique la première de
« ces directes ait été abolie avec la féodalité qui en était la source,
" la seconde subsiste encore et subsistera tant que la loi civile
« n ’ôtera pas au propriétaire d 'u n héritage franc et libre , la fa« culte d ’en concéder le domaine utile, à la charge d ’une rede« vance annuelle, récognitive du domaine direct q u ’il retient de« vers l u i , c’est-à-dire q u ’elle subsistera toujours. » — Le même
auteur traite cette question ex professo dans plusieurs endroits de
ses ouvrages qu’il serait trop long de citer. Nous nous contente
rons d ’extraire quelques passages décisifs de son Répertoire , v°
fief, sect. 2, § 7. — « De même, dit-il, page 242, que dans le bail
« à cens seigneurial, le bailleur retient à soi la seigneurie directe;
« de même aussi dans le bail à emphytéose , le bailleur retient à
« soi la directe emphytéotique et assurément les redevances re« cognitives de la directe emphytéotique ne sont pas seigneu« riales; elles ne sont pas abolies par la loi du 17 juillet 1793 . —
« Témoins deux arrêts de la Cour de cassation, qui l’ont ainsi
« jugé.
« Le premier est celui du 29 pluviôse an I I , que nous avons
« déjà cité.
« Le second arrêt a été rendu dans la coutume d’Auvergne où
« l’allodialité est toujours présumée de droit comme dans la ci-de« vanl Alsace, comme dans le ci-devant Porentruy...» (V. Cens,
S 8 , n . 2.)
« . . . La question se présenterait dans une coutume soumise
* à la règle, nulle terre sam seigneur,... c ’est la directe seigneu* riale, et non pas la simple d i r e c t e emphytéotique, que le bailleur
« serait censé s’être réservée.
« M ais, dans les pays allodiaux , dans les pays ou le bail
* à cens seigneurial ne se présume pas, la présomption de l’em-
�22
DEUXIEB1E PARTIE.
a phytéose doit i’em porler; e ttb u te directe,' réservée sans a u n e
« expression, ne peut être entendue què de la directe e.nrphv« téotique. »
Notre auteur cite à l’appüi de ses doctrines un arrêt du 24 ven
démiaire an XIII, au rapport de M. Ruperon, par lequel la Cour
de cassation a jugé non aboli! par la loi du 17 juillet 1793, un
droit d e persière ou champart que les sieur et dame Lasalle récla
maient sur des héritages situés dans leur ci-devant seigneurie
de Blanzat, régie par la coutume d ’A uvergne, et que l’on pré
tendait avoir été originairement seigneuriale;
n
Il cite un autre arrêt de la même Cour du 9 floréal an XIII.
au rapport de*'M. R ousseau, qui a cassé un arrêt de la Cour
d’appel de Trêves , et proclamé le principe que la présomption
de la qualité purement foncière des redevances } est admise , datis
le cas mcme où elles sont dues à des seigneurs dans les pays allo
diaux. ( V. Tiers ou quart-raisin. )
Enfin M.. Merlin cite encore un décret impérial du 9 vendé
miaire an XIII qui décide que, dans les pays allodiaux, ce n’est
Jjas en fief, mais eni franc-alleu q u’un seigneur de fief est cérisé
posséder les héritages dont la nature n ’est déterminée ni par ses
litres, ni par sa possession.
C’est à l’aide de toutes ces autorités que l’ancien procureurgénéral à lîl'Cour de cassation provoqua l'arrêt d u '10 février 1806,
311 rappôrlide M. Zangiarconii, qui rejeta la demande en cas
sation d’un a rrê t du tribunal civil de Delemont. Le tribunal
¡■ivait condamné le sieur Ilertzeis ii payer comme redevanbe fonhièrodt m aintenue-par les'loi«», une rente établie dans le? PorenIruy; pays allodial comme-la ci-devant Auvergne.
Ndtlle adversnire'soiitient, pagd 15; ligne 21 de son mémoire,
que cet arrêt et ceux qui l’ont précédé, comme le d é c r e t impérial
dui 9 > vendémiaire an X III, sont -e n t i k r k m e n t a ‘ n K i s m i n s o e s l o i s
KxisïANTïfc,'Nous aurions désiréqu’unè assertioh sinrnnbhantc frit
�/
/V
LA KENTE DE L O L U È n r
¡n ’ e ST P O IN T FE ODA LE.
23
appuyée de quelques preuves. Mais c’est encore sur la parole du
maître que nous devons croire. On cite, il est v r a i , un avis du
Conseil d’Etat du 13 messidor an XIII; mais, d ’après le texte mêmp
desconsidérans de cet avis, tels qu ’ils sont reproduits dans le mé
moire en réponse , même page 15 , lignes 33 et suiv., il est évi
dent que cet avis est inapplicable à notre espèce , puisqu’il
suppose manifestement que le titre de la redevance dont il s’a
gissait, dans l’affaire portée au Conseil d’Etal, était féodal, et que
la redevance était seigneuriale. C’est là précisément ce qu ’il
fallait établir. Voici le texte entier de l’arrêt du Conseil d /É ta t,
qui n ’a rien de contraire aux doctrines que nous avons éta
blies.
« 2 ju ille t 1805. — 13 messidor an XIII.
« Le Conseil d’Etat, sur le renvoi qui lui a été fait par Sa Ma« jesté Im périale, d ’un rapport du Ministre des finances, et d ’un
« projet de décret tendant à déclarer maintenues des redevances
« à prestation de fruits, mêlées de cens portant lods, loi, amende
« et seigneurie, dues par des habitans de la commune d’Arbois,
« en vertu d e t i t r e s d ’ a c c e n s e m e n t consentis par des individus que
« l’on prétend avoir pris mal à propos la qualité de seigneurs ,
« — considérant que lorsque le litre constitutif de redevances ne
« présente aucune am biguïté, celui auquel.ce titre est opposé ne
« peut pas être admis à soutenir q u ’il n’avait pas de seigneurie,
« — considérant que toutes les dispositions législatives, et, en
0 dernier lieu, l’avis du Conseil d’Etat du 30 pluviôse an II, ont
" consacré la suppression de toutes prestations, de quelque na* ture qu’elles puissent être, établies p a r des titres constitutifs de
« redevances seigneuriales et droits féodaux supprimés par ledécret
0 du 17 juillet 1793, — est d’avis q u’il n’y a pas lieu d ’adopter le
9 projet présenté par le Ministre. »
�24
DEUXIÈME PAfiT lE.
Nous repoussons l’autorité (le cet avis qui ne peut pas nous at
teindre : i° parce que la commune d ’Arbois n’était pas en pays
allodial; 2° parce qu'il s’agit ici de titres d’accensement, et non de
titres emphytéotiques ; 3° parce que la féodalité de ces litres était
évidente.
iNous repoussons pareillement l’autorité du décret impérial du
23 avril 1807. Il s’agit, dans ce décret, d ’un bail à cens, propre
ment dit, consenti au profit des religieuses de Saint-Bénigne, de
Dijon, le 30 avril 1664. On sait qu’un bail de cette nature élail
féodal;
Enfin nous repoussons l’avis du Conseil d ’Etat du 17 janvier
1809, approuvé, p o u r c e q u i c o n c e r n e l e c a s p a r t i c u l i e r , le 2 fé
vrier suivant, relativement à une réclamation des hospices d’Aix,
parce que la restriction de l’approbation ne permet pas que celle
autorité tire à conséquence. Ajoutez qu’on lit dans l’avis du Con
seil d’Etat, sur cette même affaire, en date du 7 mars 1808, que
le décret du 17 nivôse an X III, « portant que les redevances ori« ginairement imposées au profit du chapitre de l’église d’Aix,
« sur les héritages de divers particuliers, continueront d’être
« servies comme redevances emphytéotiques, et sans la charge
« des lods et demi-lods qui y avaient été ajoutés i n d u e m e n t e t
« s a n s t i t r e s par les bailleurs, n a p o in t pu être d’ordonner le str« vice des renies auxquelles les lois reconnaîtraient un caractère
* essentiel de féodalité ; — que si la non féodalité de ces rentes est
< contestée, l a q u e s t i o n d! o i t ê t r e p o r t é e d e v a n t l e s t r i b u n a u x . »
Ainsi l’avis du Conseil d ’Etat, du 7 mars 1808, ne se prononce
que sur une question de compétence. C’est une simple opinion
que nous nous empressons de partager; ce n ’est pas une loi ni un
jugement qiron puisse opposer h nosprétentions. Si le décreldu 17
nivAse an XIII affranchit les redevables du chapitre d’Aix de la
charge de lods et demi-lods, ce n ’est pas que ces lods et demi-loris
lussent féodaux, c’est uniquement, ainsi que le décret le déclare^
�LA. RENTE DE LOI.LlÈR E
n ’ e ST
POINT FEODALE.
parce q u’ils avaient été ajoutés au bail
in d u e m e n t
et
25
sans t it r e s .
Dans toutes ces objections de notre adversaire, nous ne voyons
rien qui soit contraire aux principes sur lesquels nous avons
fondé les droits de madame la marquise de Ch&tillon au domaine
de Lollière.
»
Notre contradicteur s’appuie encore d'u n avis du Conseil d ’Etat, du 8 avril 1809, qui lui paraît assimiler aux redevances mé
langées de droits féodaux, les rentes constituées par des baux
emphytéotiques, consentis par les bailleurs, a t i t r e d e f i e f , scus la
réserve de la seigneurie, avec la stipulation de lods et ventes à cha
que mutation. Mais nous ne contestons pas q u ’une emphytéose con
sentie à titre de fie f ne soit féodale. Seulement nous affirmons
que les emphytéoses d’Auvergne n'étaient pas et ne pouvaient pas
être consenties à titre de fief. Ces expressions même à'emphytéose à titre de fief, nous sembleraient presque un oubli total, ou
plutôt un non-sens de la langue du droit féodal. On pouvait bien
consentir un fief, ou portion de iief, à titre d'emphytéose; mais
vous ne trouverez point dans les ouvrages des anciens feudistes
cette étrange qualification d ’emphytéose « titre d ejief. Cependant
elle est consignée dans l’avis du Conseil d’Etat, du 8 avril 1809, ap
prouvé le 13 avril suivant, et rapportéen entier dans le quatrième
volume des additions de M. Merlin, à sa troisième édition, v° Fief}
pag. 577.
Ces additions ne sont pas toujours heureuses. Notre affaire va
le démontrer.
« Dans les véritables principes, disait cet auteur au temps de
« toute sa force, R é p e r t., v° F ief, sect. 2, §. 3, lrc colonne, page
« 223, ligues 47 et suiv., c’est à celui qui prétend q u ’un bien
«est fief plutôt que franc-alleu, à prouver que ce bien procède
''originairement de la concession d’un seigneur qui s’en est re° tenu le domaine direct, avec la foi.
�26
DEUXIÈME P A R U E .
« Car la concession de l’héritage est le premier des titres; et
« sans celui-là, tous les autres sont nuls.
« Mais l’usage, bien plus que la raison, l’ascendant des sei« gneurs, bien plus que l’autorité de la loi, ont apporté une modi« fication à cette règle. Il y a des provinces où la concession est
« légalement présumée; il y en a d ’autres où toute terre est présu« mée franche si le seigneur ne démontre le contraire. »
Dans les coutumes allodiales, et particulièrement dans celle
d’Auvergne, on présumait toujours le franc-alleu , s’il n ’y avait
preuve du contraire.
Il résulte de là, non pas que l’emphytéose du 6 mars 1755 ne
doive pas être présumée consentie à titre de fie f, langage que nous
ne saurions approuver; mais q u ’on ne peut pas présumer que
l’emphytéose de Lollière provint ou fût détachée d’une terre
tenue à titre de fief, puisque cette terre n ’était pas fief, mais bien
franc-alleu.
Telles sont les doctrines longuement expliquées par 31. Merlin,
dans les vingt-quatre colonnes de son Répertoire, v° /'7<?/Jsect. 2,
§ 7 ,e td a n su n grand nombre d ’autres articlesdes questions d e d ro it
ou du répertoire. Notre adversaire mentionne une espèce de ré
tractation dece grave jurisconsulte à l’article cité, v® Fief, scct. 2,
§ 7.0ncliercherait inutilement cette rétractation dans la troisième
édition; mais il est vrai de dire q u ’au premier volume de ses addi
tions, publié en 1821, et formant le quatorzième de son grand ou
vrage, page 577, on lit ces mots:
« F ii;k, scct. 2, § 7, pag 2iG, col. 2, après la ligne 5, ajoute/ :
« Cet arrèl ( il s’agil de l'arrêt de la Cour de cassation du lOfé« vrier 1806), quoique fondé sur les vrais principes, ne peut ce«. pendant plus faire autorité , depuis que le Conseil d ’Etal a pris
« le parti d’assimiler aux redevances mélangées de droits féo«daux, les rentes constituées par des baux emphytéotiques
�LA RENTE DE LOLLlÈnE Pc’EST POINT FÉODALE.
27
» conlcnant stipulation, soit d ’un droit de lods, soit d’un droit de
« relief à chaque mutation.»
Suit l’avis du Conseil d ’Étal, du 8 avril 1809, approuvé le 13
avril suivant.
Voilà dans quels termes est conçue la nouvelle opinion de
M. Merlin.
Remarquez 1° qu ’il persiste dans ses doctrines, puisqu’il les
déclare fondées sur les vrais principes; 2° que sa citation des avis
du Conseil d’Élat n’est point entière, ce qui la rend inexacte. On
vieut de voir que si le Conseil d ’Etat avait écarté des redevances emphytéotiques des hospices de la ville d'Aix, la charge des lods
etdemi-lods qui y avaient été ajoutés, ce n’était pas que celte
charge fût féodale: c’était uniquement parce q u ’elle avait été
ajoutée i n d u e m e x t e t s a n s t i t u e s . Enfin q u’est-ce après tout que ces
avis du Conseil d ’Etat sur une question que le Conseil d’Etat
déclare lui-même ne pouvoir être jugée que par les tribunaux or
dinaires? Nous le demandons à lout homme de bonne foi, est-ce
bien sérieusement q u ’on voudrait opposer les quatre lignes des
additions, ou si l’on veut de la nouvelle édition de M. Merlin, à
des théories exposées par lui quelque temps avant, d’une manière
si profonde, après de si pénibles recherches et tant de travaux,
;iprès s u rto u t q u ’elles avaient déjà reçu la consécration de la
Cour suprême? Mais ce serait le dépouiller de son nom, et rayer
de nos annales judiciaires ses plus beaux titres de gloire, ses titres
d’immortalité.
On nous oppose encore plusieurs arrêts de laC ourde cassation,
deux notamment des 4 et 5 juillet 1809. Dans notre consultation
du ü mai dernier, nous avons pu cependant argum enter d arrêts
tout récens, plus explicites encore que ceux rapportés parM. Mer
lin. Nous ne prétendons pas soutenir l’infaillibilité de la Cour
de cassation; mais en supposant que les deux arrêts, des 4 et 5
juillet 1809, eussent décidé que les emphytéoses perpétuelles
�28
•
DEUXIÈME P ART IE .
étaient féodales, ces deux arrêts ne pourraient faire ju ris p ru
dence, en présence d ’arrêts antérieurs et postérieurs de la même
C our, qui ont. jugé le contraire. Voyons cependant.
Le mémoire en réponse fait connaître une partie des considérans du premier de ces arrêts ; mais il ne dit point que le bail
dont il s’agissait était un bail à cens, une emphytéose seigneuriale,
consentie par une lettre de fief, dans le ci-devant évêché de
Bâle et le pays de Porentruy, avec réserve d’un droit de relief que
l’article 1er de la loi du 18 juin 1792, place expressément au nom
bre des droits féodaux q u ’elle supprime sans indemnité. Il ne dit
pas que le bailleur, évêque de Bàle, était feudataire et vassal de
l’empereur d ’Allemagne, seigneur suzerain, tant en ce qui c on
cernait l’évêché et ses dépendances, que les biens particuliers de
l’évêque ; et que l’acte du 29 janvier 1745, par lequel il accensa
purement et à perpétuité une terre de la seigneurie de Porentruy,
à Jean-Claude Baillif de Courtedoux, n était q u ’une lettre de fief,
une sous inféodation, doublement (ëodale. Ces circonstances sont
rappelées en tête de l’arrêt de la Cour de cassation, et étaient
suffisantes pour motiver l’annulation de l ’arrêt rendu lie 8 ther
midor an XII, par la Cour d ’appel de Colmar, qui avait ordonné
le paiement de la rente réclamée comme purem ent foncière.
Qu’importe maintenant que', dans la surabondance de ses motifs,
la Cour de cassation se soit éloignée des vrais principes? Elle fait
autorité par sa décision qui est juste et légale; mais ces motifs
n ’on t de poids que par leur plus ou moins de connexité avec la
nécessité de la décision.
Ces réflexions peuvent s’appliquer encore à l’arrêt du 5 juillet
1809, dans la cause du sieur Thévenot contre le sieur Montaudon. Pour n ’en pas douter, on n ’a qu ’à jeter les yeux sur quel
ques uns des motifs de cet a rrêt, sur le suivant, par exemple : 1
« Attendu, en fait, quant au bail emphytéotique consenti, le
« 7 janvier 1687, par le chapitre de Saint-Germain, à Thévenot
�H
LA RENTE DE LOLI.IÈRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
29
« el consorts, que l’héritage y énoncé est baillé en Jîefh éri« tab/e\
« Que le preneur est tenu, à chaque changement de main par
« décès, de reprendre le fie f ex. de p a y er au chapitre p a r chaque
« reprise dix sous bâlois, ce qui, d’après les monumens publics
« du pays, était considéré comme un droit de reliej;
« Et que de cette stipulation et de cette qualification, il résulte
« notamment que celte redevance est mélangée de féoda« lité......»
C’est par ces motifs que la Cour a cassé et annulé, le 5 ju illet
1809, l’arrêt rendu, dans cette cause, le 28 floréal an XIII, par
la Cour d’appel, séant à Colmar. On pouvait citer un troisième
arrêt de la même Cour, rendu le même jo u r, dans l’affaire Morel,
C. W etter et Lecomte, au sujet encore d’un droit de relief q u i ,
dans le langage des lois françaises, était un droit féodal. O n cite
celui du 18 juilleL 1809, où il y avait aussi stipulation de droits
de relief, et celui du 17 juillet 1811 qui s’explique par une cir
constance particulière constitutive d’un droit féodal. Le 2 juillet
1742, l’hospice de Dôle avait baillé à C. A. Sengon et H. Yerguet,
un terrain îi titre d'accensement perpétuel, et moyennant le cens
annuel, perpétuel, irrédimable et imprescriptible de 91 liv. 16 s.
8 d . — Le tribunal de I)ôle et la Cour de Besançon avaient jugé
que cette redevance n ’était pas féodale. La Cour de cassation en
!> jugé autrem ent, — « parce qu’il suffit, dit-elle, dans les consi« dérans de son arrêt, que les termes de l’acte portant constitu« tion de cens imprescriptible et irrédimable, avec lods et vente
0 en cas de mutation, ne laissent aucun doute sur l’intention de
« créer une redevance seigneuriale. » Mais la féodaiité de cette
redevance tient h la constitution du cens imprescriptible et irré
dimable qui en fait un véritable bail à cens seigneurial. Nous
n ’avons rien de pareil dans notre espèce.
Enfin, notre adversaire nous oppose deux autres arrêts de
�30
DEUXIÈME PARTIE.
la Cour de cassation, l’un du 2 mai 1808, l'autre du 4 avril
1810. Ni l’un ni l’autre ne sont applicables.
Le premier, rendu sur les conclusions de M. le procureur gé
néral Merlin, déclara la rente dont il s’agissait féodale, parce
qu’elle était mêlée de cens; le second est dans le même cas, ainsi
que l’indique le très laconique dispositif de l’arrêt :
« Considérant que la rente dont il s’agit ayant élé créée par
« un ci-devant seigneur, sur les fonds dépendans de sa seigneu« rie, e t a t i t r e d ’ a c c e n s e m e n t , cette rente est de plein droit re« cognitive de la directe féodale, et par conséquent supprimée
<( par les lois ;
« La Cour rejette, etc. »
Nous avons réfuté toutes les assertions de notre adversaire dans
ses § § 1 , 2, 3 et 0, sans en rien excepter ni réserver. Nous pas
sons aux §§ 4 et 5 , relatifs à ses preuves prétendues de la fé o
dalité de l’acte du G mars 1755, et à ce q u ’il appelle Vobjection tirée
de ce que la ci-devant Auvergne était un pays allodial. Ces deux
paragraphes se lient essentiellement, puisque ce qui était fé o d a l,
dans certaines coutumes, ne l’était pas dans celle d’Auvergne.
L’auteur du mémoire en réponse feint de voir une preuve de
féodalité de l’actudu G mars 1755, dans les qualités nobiliaires du
bailleur. Qui contracte dans cet acte , se demande-t-il i‘ C’est un
très haut et très puissant seigneur , chevalier, marquis , baron ,
conseigneur !,.. « Assurément, poursuit-il, page 21 , M. le mar« quis de Miramon, en se qualifiant de seigneur de Pestels , Pol« minhuQ» Laroque, et autres vingt-un paroisses ou localités, et
« coMseignertK de Vie et Thiézac, n ’eutendait pas se d ire />/*>v pr¡¿taire de Ions les héritages situés à Pestels, Polm inhac, La• roque, Vie, Thiézac, etc., etc. » Non, M. de Miramon n’enten
dait pas se dire propriétaire de lous les héritages situés dans ces
lieux, mais il avait partout des titres de propriété. C’est en vertu
de ces titres q u ’il se disait seigneur deces propriétés, désignée*
�/
,v<
LA RENTE DE LOI.l.lKRE
n ’ f ST
POINT FEODAL!'..
31
sous le nom de la localité où ellesélaient situées et dont elles étaient
souvent la portion la plus importante. Il pouvait les d on ner et il
les donnait à bail emphytéotique, ce qui constituait à son profit
une redevance ou censive toute foncière. Mais il n ’entendait pas
assujettir à cette censive les héritages dont il n ’était pas proprié
taire, et qui se trouvaient situés dans les lieux dont il pouvait être
seigneur, conseigneur, chevalier, baron ou marquis , parce que
tous ces p a y s é t a i e n t allodiaux, et q u ’on n ’y reconnaissait pas de
seigneur sans titre ; toute seigneurie y supposait propriété. Le
savant auteur du mémoire en réponse explique très bien, d ’après
Loiseau, les deux sortes de seigneuries qu’on reconnaissait autre
fois, l’une ayant trait à la paissance de propriété, c’était le dominimn directum de la loi romaine; l’autre à la puissance de domina
tion, c ’était la seigneurie féodale.
Dans les coutumes allodiales, comme était celle d’Auvergne ,
on ne reconnaissait pas de seigneur sans titre, ce qui voulait dire
que le seigneur n’avait aucune puissance de domination su r les
tenanciers des héritages dont il n ’était pas propriétaire. Dans
d’autres coutumes, dites féodales, où dom inait la maxime nulle
terre sans seigneur, le seigneur n ’avait besoin d ’aucun titre pour
exercer la puissance de domination, dans toute la seigneurie,, et
pour imposer un cens aux habitans du pays, ou aux paysans, scs
vassaux. C’était le cens seigneurial qui se payait en reconnais
sance de la seigneurie, in recognitionevi dominii. On voit combien
cette distinction est importante. Elle est établie par Chopin , Du
moulin, Cambolas, Salvaing, Bouhier; par M. Merlin , après
eux, Flépei t. v° Enclave ; cl l’on ne comprendrait pas qu ’elle eut
été si légèrement trailée, et meine méconnue par notre adversaire,
page .‘ÎG , si les besoins de sa cause ne le condamnaient point a
l’oubli de principes q u ’il eût assurément très bien détendus, sans
la circonstance accidentelle et toute fortuite, <jvii a si m alh eu reu
sement tourné contre nous des talens qui avaient protégé , pen
�32
DEUXIÈME PARTIE.
dant une durée de plus de vingt ans, les droits et intérêts de ma
dame la marquise de Châlillon et de sa famille.
C’est par suite de cette confusion , faite si habilement par no
tre adversaire, dns coutumes allodiales et non allodiales , q u’il
donne à la seigneurie de Laroque , page 22 , le titre de fiel, d ’où
il conclut que la seigneurie de Lollière , dépendance de la sei
gneurie de L aro qu e, n’était par conséquent qu’une portion de
fief donnée en emphytéose. Un fief donné en emphytéose ! Cela
se comprend. C’est le langage de nos lois anciennes. Mais il
n ’est pas vrai que M. de Miramon possédât le domaine de Lol
liè re , ni aucune de ses terres du pays d ’Auvergne, à titre de
fief. Q u ’est-il besoin de rappeler, avec Montesquieu, Mably, Henrion , l’origine historique des fiefs, et ce q u ’on entendait sous
cette dénomination ? après tout ce q u ’on a d i t , cet étalage d ’é
rudition est fort inutile. Vous prétendez que notre terre de La
roque est un fief! C’est à vous de le prouver. En a tte n d a n t,
comme elle est située en pays allodial , nous avons le droit de
soutenir, même sans preuves, q u ’elle est franc-alleu. Néanmoins,
si vous pouvez déchiffrer et parcourir des litres qui se conti
nuent sans interruption depuis les 13e et 14* siècles jusqu ’aux
temps présens; si vous avez au moins une ou deux années à
consacrer à celte laborieuse et pénible élude ; madame la mar
quise Duplessis de Châlillon vous ouvrira ses archives et la vo
lumineuse collection de ses anciens titres de propriété sur
les terres de Pestels, Polminhac , Marions, Teissières-les-Iîoulies,
le Chaumeil de Saint-Cirgucs-de-Jordanne, Laroque, Sainl-Clémens, Brdzons, Cézens, Monréal, Nérebrousse , I’aulhac., Balzac,
Saint-lléran, Cocudoux , Lasalle, Lacalsade, Selles, IJassinhac,
Lecayre, Loubejac , Lafage, Mongranat , Foulholes, Ciou, Vie
et Thiézac, et autres places. Ces titres proviennent d’achals ,
échanges, transactions, contrats de mariage , donations entre
vifs et testamentaires, successions et autres manières d’acqué
�L\
RENTE DE LOLLIÈRE
n ’e ST
POINT FÉODALE.
33
rir aux termes de nos lois civiles. Pour le seul domaine de Lollière , si minime dépendance de la seigneurie de Laroque, nous
avons vu près de quatre-vingts titres sur parchemin qui sont les
titres des premiers possesseurs de ce bien, titres dont personne
assurément n ’avait encore imaginé de contester la validité. Ma
dame la marquise Duplessis de Châtillon n’a pas besoin de re
monter si haut pour prouver la justice de ses prétentions. Elle
fonde sa demande sur sa qualité d ’héritière bénéficiaire de M. le
marquis de Miramon , son père , jo in te ^ la circonstance que ce
qu’elle réclame aujourd’hui a été fort heureusement oublié dans
l’immense confiscation de ses palrimoines. Ce n’est point une
rente féodale,, un fief abo li, puisque ces rentes féodales, ces fiefs
ne supposaient pas de titre , pas de propriété. Le fiéf propre
ment dit était une concession gratuite , libre et perpétuelle d’une
chose immobilière ou réputée telle , avec translation du domaine
utile , et réserve de la propriété directe, à charge de fid élité
et de service (1). C’est la définition de D um oulin, l’oracle
«lu droit féodal. A insi, pour tenir une terre en fief, il fallait
1° un seigneur suzerain qui l’eùtdonnée gratuitement, librement
et pour toujours, avec réserve de la d ir e c te ;’ 2° un feudataire
qui l’eut acceptée à charge de reconnaître le droit réservé, c ’està-dire de foi et hommage. Qu’ont fait les lois anti-féodales? Elles
ont maintenu la concession et supprimé le droit réservé, le cens
payé en reconnaissance de la seigneurie , le cens féodal. Mais
dire que le domaine de L o llière, acquis à titre onéreux par la
familie de Miramon, et annexé à la seigneurie de Laroque , pos
sédée de temps immémorial , aussi à titre onéreux , est un fief
(1) Bencvola , libéra et perpétua conccssio rci inimobilis, vel æquipollentis, ciini tradilione utilis dom inii, proprictatc re te n ta, sub fulelitate et
exhibiiione servitiorum. Mol. in cons. par. tit. 1. tn p r a 'J n° 104.
�34
DEUXIÈME P ART IE .
ou démembrement d ’un fief, par cela seul que AI. de Miramon
s’est dit seigneur de Laroque, seigneur de Lollière, c’est vou
loir abuser des mots et donner à la loi une extension qu’elle ne
peut pas avoir; c ’est supprimer, contrairement à la loi, non pas
un droit féodal , niais le droit de propriété le plus inviolable.
Pour prouver que la redevance réclamée des sieurs Baduel
est féodale, notre adversaire se fonde surtout sur un passage de
l’acte du 6 mars 1755, qui après avoir spécifié et détaillé la rede
vance payable à M. le marquis de Miramon, ajoute ces mots : « Le
« tout censuel et rédituel, avec tout droit de directe et justice
« haute, moyenne et basse, usage et exercice d’icelle, mère, mixte,
« impère, droit de rétention p a r prélahon, lods et ventes, et taille
« aux quatre cas accoutumés au présent pays d ’Auvergne, et
« autres droits et devoirs seigneuriaux dus et accoutumés, et con« tenus aux terriers anciens dudit seigneur de la seigneurie de
« Laroque, etc. »
On voit là six causes de stipulations féodales, qui sont :
1°
2°
3°
4°
5°
6°
La directe;
La justice haute, moyenne et basse;
La rétention par prélalion ;
Les lods et ventes ;
La taille aux quatre cas;
Les droits cl devoirs seigneuriaux.
Quant à la réserve de la directe, nous n’ajouterons rien à cc
qui précède. Nous avons déjà bien suffisamment établi que la
directe emphytéotique n ’est pas féodale, comme le cens seigneu
rial; elle est de pur droit privé, cl aucune puissance de domina
tion n ’y est attachée. Voyez Merlin, Questions de droit,verbo'Xmh â g e , tome 9, pag. 17 et suiv. et pag. 50 el s u iv ., où cc point de
droit est traité avec étendue et de la manière la plus lumineuse.
La réserve de la justicc haute, moyenne et basse, se trouve dans
�I,A RENTE DE L0LL1EBE
n ’ e ST
POIIST FÉODALE.
35
le même cas. Comment notre savant adversaire a-L-il pu nous
mettre dans la nécessité de lui rappeler ce brocard de notre an
cien droit : F ief et justice n’ont rien de commun? Toutes les ju r i
dictions émanent du Roi, comme de leur source, dit D um oulin,
de manière q u ’aucun seigneur en France n ’a la justice en son
fief, terre ou seigneurie, sans un litre particulier; c’est-à-dire
sans une concession du Roi, justifiée par écrit, ou par une
possession immémoriale. Il ne faut pas confondre le droit de
justice avec le droit féodal. Autre chose est la juridiction et la
majesté royale ; autre chose le domaine direct, féodal ou censuel,
et l’obligation du vassal ou du censitaire de le reconnaître. Aliuct
jurisdictio et Majestas regia, aliuddomininm feudalevel censuale et
eorum recognilio. Dumoulin, sur Paris, § 1, Gloss., 6.
Cependant, les justices étant devenues des biens patrimoniaux,
elles pouvaient être aliénées en tout ou en partie, ce q u ’il faut
entendre avec ce tempérament qu’il ne soit pas permis à l’acqué
re u r d’ériger un iribunal séparé, où la justice soit rendue parti
culièrement en son nom ; mais q u ’il faut que la justice continue
d’être exercée comme elle l’était auparavant. Dumoulin, su r Pa
ris, § 1, Gloss. 5 , n° 62 , et § 16, n° 25. En effet, il ne peut
pas dépendre des particuliers de multiplier les justices. Ce droit
n’appartient q u’au Roi. Un arrêt du 3 juillet 1625, rapporté au
premier tome du Journal des Audiences, Iiv. 1er, ch. 61 , a jugé
que le seigneur haut-justicier ne pouvait, en donn an t une terre
en arrière-fief, concéder la moyenne et basse justice à son vassal.
Cet arrêt est parfaitement conforme aux principes, parce que
toutes les justices se trouvant comprises dans la haute, le sei
gneur haut-justicier qui aliénait seulement la moyenne et basse
justice, créait deux justices nouvelles, et usurpait un droit ré
galien.
Il est vrai que les seigneurs haut-justiciers jouissaient du droit
de déshérence, de celui de confiscation, de celui de s’approprier
�36
DEUXIÈME PARTIE.
les biens vacans,'et de celui de triage sur les biens communs.
Mais'le droit de déshérence, le droit de confiscation, le droit aux
biens vacans, le droit de triage ne tenaient ni à la mouvance féo
dale, ni à la directe censuelle ; ils dépendaient uniquement de
la justice,' et constituaient par conséquent des biens tout-à-fait
distincts des biens aliénés par les contrats , où les justices étaient
réservées. Comment cette réserve pourrait - elle être féo
dale ?
La rétention par prélalion et la réserve des lods et ventes, la
condition de ne mettre cens sur cens, celle de fournir une nou
velle reconnaissance à chaque mutation de seigneur ou de
paysan/appartenaient à la nature de Femphytéose non seigneu
riale, et ne constituaient rien de féodal.
« La rénovation de l’investiture à chaque mutation de posses« scur, disait M. Merlin, en s’adressant à la Cour de cassation,
« dans l’affaire H ertzeis, contre la Régie de l’Enregistrement
« et des Domaines, et le paiement d’un droit pour cette rénovao tion, n ’est, pas particulière aux fiefs ; elle est commune aux em« phytéoses, et elle a même été introduite, dans celles-ci, par la
« législation rom aine, qui bien certainement ne connaissait pas
« la féodalité : Necessitatem autem habere dominos (dit la loi der« nière, de jure emphyteutico, au Code), noviun emphyteutam in
a possessionem sm cipcre, non perprocuratorem , sed ipsos dominos
« perse, velper litteras suasj vel, si hoc non potnerint vel noluerint,
« p e r depositionem apud magistrum censuum, velprœsentibus tabu
le lariis per attestalionem ....... et ne avaritiâ tanti domini magnant
« molem pecuniarum super hoc cfflagitent , non amplius eis liceat
« pro subscriphone suâ vel depositione, nisi quadragesimam p a r
ti tem pretii velœstimationis loci qui a d alium trans/ertur, accipcre. »
Merlin, Repcrt. v°, f i e f , seel. 2 , § 3, pag. 240.
La ¡prohibition de mettre cens sur cens sans le consentement du
seigneur n ’aurait pas eu besoin d ’être écrite, puisque par Far-
�LA RENTE DE L0LL1ÈRE
n ’ e ST
POINT FÉODALE.
37
licle 4 du chapitre 20, la couiume (l’Auvergne déclare que cens
■sur cens n’a point de lieu sans le consentement du seigneur direct.
Comment une clause de cette nature, une clause de ne point faire
quelque chose qui p o u r r a i t en soi, et sous certaines c o n d itio n s,
être féodale, serait-elle entachée de féodalité PMais c’était, dit-on,
pour assurer le paiement des droits de lodset ventes, droits abo
lis comme féodaux?— Entendons-nous.
Le mot lods se prenait généralement pour tout droit dû au
seigneur pour l’aliénation faite du fonds, et ce mol ventes, pour
le droit dû pour l’achat. Dumoulin, sur Paris, lit. 2 , § 74,
num. 4. On voit par là que c’était une espèce de pot-de-vin qui
devait être payé par l’acquércur, quand le contrat avait reçu son
exécution.
Les lods étaient dus par les héritages, et le seigneur foncier
avait l’action hypothécaire et l’action personnelle pour les ré
clamer. Loyseau, Traité du déguerpissement, liv. 1er, chap. 10,
n° b, 6 e t ! . Ainsi Henri IV, ayant acquis à Fontainebleau quel
ques terres relevant de la dame d ’Alonville, en paya les lods.
Galand, en son Traité du[ranc-alleu, pag. 31, etsuiv.
Mais si le contrat d ’achat, si l’emphyléose avait pour objet un
fief, ou démembrement de lief, les lods étaient dus au seigneur
immédiat du fief. Si le vendeur n’était pas le seigneur immédiat
du fief, ils étaient dus au seigneur plus proche et immédiat du
vendeur. D’Argentré, incons. Brilan., art. G8, in fin. et in tract, de
Innd. cap. 2, inprincip., et Julius Clarus, § E m phyt., quæst. 23,
num. 1. En ces cas, les lods et ventes étaient féodaux, parce que
les lods étaient les fruits du fief. D’Argentré, ibid.
Ainsi la nature des lods et ventes réservés dans un bail em
phytéotique, dépendant de la nature de l’cmphytéose, il faut dis
tinguer si les emphyléoses équipollent à des baux à cens sei
gneurial, ou si elles sont de véritables emphytéoses, telles que
les définit le droit romain. Dans la première hypothèse, les lods
�38
DEUXIÈME PART IE.
et ventes étaient féodaux; ils ne l’étaient pas dans la deuxième.
Notre adversaire prouve la féodalité de l’emphytéose par la
féodalité des lods et ventes, et la féodalité des lods et ventes
par la féodalité de l’emphytéose. Tout son mémoire ne présente
guère q u’une longue série de dialèles, ingénieusement variés
sous toutes les formes.
Nous disons , nous , que notre emphytéose n’a rien de féodal
en elle-même; que c’est l’emphyléose ordinaire de la loi romaine ;
et qu ’on ne peut la présumer féodale en pays de franc-alleu,
où toutes les terres sont présumées libres, comme en pays de droit
écrit. Voyez Merlin, Répei't . , v° Franc-alleu, § 14, p. 346 et aliàs
pas sim.
La réserve de la taille aux quatre cas accoutumés au pays d’A u
vergne, n ’est pas plus féodale que les autres dont on a parlé, puis
que la cause de ces prestations était toujours une concession o ri
ginaire de fonds, une concession non féodale. Pour que la taille
aux quatre cas fût féodale, il aurait fallu qu’elle imposât des ser
vices personnels au profit du seigneur. Mais la taille en Auvergne
n ’était qu’une prestation du double de la redevance promise, dans
les quatre cas prévus par l’article 2 du chapitre 25 de la coutume.
Si cette redevance n ’était pas féodale, l’obligation de la payer
deux fois ne pouvait pas l’ôlre davantage. La féodalité n’était pas
non plus dans la cause de l’obligation, car cette cause était un
événement qui eut pu devenir la condition de tout autre contrat
du droit commun, condition aussi casuelle que potestative, at
tendu q u’il ne dépend pas absolument de la seule volonté d’un
individu de se faire chevalier, d ’aller outre-mer visiter la Terre
Sainte, d ’etre prisonnier des ennemis, pas même de marier ses fil
les en premières noces.
Le sixième et dernier grief, reproché au titre de madame la
marquise do Chàtillon, relatif au domaine de Lollière, est que ce
titre réserve les autres droits et devoirs seigneuriaux, dus et ac
�LA RENTE DE LOLLIP.RE
n ’e ST
POINT FÉODALE.
39
coutumes, et contenus aux terriers anciens dudit seigneur de la
seigneurie de Laroque.
Il faut ici ne pas oublier que dans la coutume d ’Auvergne il
n’y avait que des seigneurs fonciers; que la seigneurie féodale n ’v
pouvait ê t r e établie que par titre; q u ’ainsi les droits et devoirs
seigneuriaux dus et accoutumés ne pouvaient avoir rien de féo
dal. L’expression devoirs, corrélative à celle de droits, indique
l’obligation du seigneur q u i, dans certains c as, était obligé à
l’égard des habitansde son territoire. Tel était son devoir de les
recevoir, eux et l e u r s biens, dans son château, en cas d’invasion
de l’ennemi. De leur côté, les habitans ou paysans lui devaient le
droit de guet et garde. Les droits et devoirs étaient réciproques.
Mais, dit-on, pour savoir s’il n’y avait pas quelque chose de féodal
dans le titre deM. le marquis de Miramon, il faudrait voir l’énumérationde ces droits etdevoirs seigneuriaux, tels q u ’ils sont contenus
aux terriers anciens de la seigneurie de Laroque. Qu’on produise
ces terriers!... » En nous je ta n t cedéfi, on pense peut-être que les
terriers ont été brûlés ou perdus, et que celte production est im
possible. Nous ne nous expliquerons pas à cet égard, quoique
nous sachions très bien que les terriers n ’avaient rien de féodal.
Madame la marquise deChâtillon a justifié sa demande en produi
sant le titre du G mars 1755. C’est aux héritiers Baduel à prouver
leurs exceptions, ficus excipiendo fil actor.
Nous n ’avons presque rien à dire sur le paragraphe 5 du mé
moire en réponse au sujet de l’allodialité de la ci-devant Au
vergne. Notre adversaire n ’a pu s’em pêcher de la reconnaître, et
il se borne à soutenir que la présomption allodiale qui s’attache
aux actes passés sous l’empire de cette coutume, pouvait être dé
truite par un titre féodal, ou entaché de féodalité. C’est très vrai,
et nous ne l’avons nié ni dans notre consultation, ni dans nos
mémoires. La question n ’était pas là : la question était de savoir
si telleou telle clause présumée féodale dans le droit commun, ou
�DEUXIÈME P ART IE .
dans certainescou tûmes, était féodale dans lacoutum ed’/\uvergne.
Nous avons prouvé q u ’elle n ’étaitpas féodale,quand la féodalité ne
ressortait pas évidemmentdu contrat e tq u ’il était nécessaire de la
présumer. Nous avons fait v o irqu en o trecon trat,o u l’acteduGmars
1755, n ’avait par lui-même rien de féodal. Notre adversaire, tou
jours fidèle à son système de prouver la question p a rla question,
suppose partout que notre litre est féodal, et il nous repousse
par les loissuppressives de la féodalité. Il nous accuse de pousser
au rétablissement d ’un régime délesté, et d’émouvoir les habitans
du pays d’Auvergne. Il appelle à son aide les souvenirs de la res
tauration qui avait déclaré coupables d’actes séditieux toutes
personnes qui répandraient ou accréditeraient le bruit du réta
blissement des droits féodaux ; et il se flatte que sous l’empire des
institutions de juillet 1830, on n ’aura point à concevoir de pa
reilles craintes.— Tout cela sans doute est fort éloquent, mais ne
touche point à notre bail emphytéotique du domaine de Lollière,
et ne prouve nullement que les héritiers Baduel ne doivent point
racheter ou servir leur rente foncière.
Toutefois on voit dans les 13 pages de ce paragraphe une
idée nouvelle q u’il faut réfuter pour ne rien laisser sans réponse.
Pressé par les conséquences que nous avions tirées de l’allodialilé de la coutume d’Auvergne, notre adversaire n’imagine rien
de mieux que de rappeler la distinction du franc-alleu, en noble
et en roturier. Il convient que nos raisonnemens peuvent s’ap
pliquer au franc-alleu roturier.» Mais votre franc-alleu, nous dit-il,
était un franc-alleu noble, puisque vous étiez noble, chevalier,
baron, marquis; que vous aviez haute, moyenne et basse justice,
tous les droits et devoirs seigneuriaux. »
Nous répondons q u ’il ne s’agit pas de prouver la noblesse de
M. le marquis de 3Iiramon, mais la noblesse de sa terre, de
son franc-alleu. Celte noblesse, comme celle des personnes , ne
pouvait s’établir que par litres.
�l.A H ENTE T>E LOLLIKRE n ’f.ST POINT FÉODALE.
41
* Ce qui constitue la noblesse d’un héritage, dit Ilenrion dans
* ses dissertations féodales, tome 1, article A lle u , § 9, c’est un
« titre de;seigneurie ajouté à la propriété...... Un alleu noble
“ ne peut:dônc exister qu’en vertu d ’une concession émanée de
« celui dans lequel réside, l’autorité souveraine. » Où donc est ce
titre, cette concession pour l’héritage deLollièrePJusqu a produc
tion du titre qui l’aurait érigé en terre noble, cet héritage est
présumé roturier en pays de droit écrit, et en pays de franc-alleu.
(Merlin, v° Franc-fief, § 2.) Nous ne pouvons nous empêcher de
faire remarquer q u’ici encore notre adversaire fait la pétition de
principe. Il lui faudrait prouver que l’héritage est noble ou non
roturier. II affirme qu’il est noble, et il en conclut que notre rente
emphytéotique est féodale. Nous nions le principe et la consé
quence. Le principe, puisqu’à défaut de litres constitutifs de la
noblesse de l’héritage, il doit être présumé dans la condition natu
relle, dans le droit commun de tout héritage qui est d’être ro tu
rier. La conséquence, parce q u ’alors même que le domaine de
Lollière serait une terre noble, on ne pourrait pas en conclure la
nullité de la rente emphytéotique, qui n ’en serait pas moins pureihent foncière et non féodale, puisqu’il n ’en est pas de l’emphytéose comme du bail à cens, et que tout le monde pouvait donner
à emphytéose u n héritage tel q u ’il fût, noble ou roturier. (Henr i o n , /. t . j ; et q u ’il suffit pour que la redevance ne soit pas
censée féodale q u ’elle soit payée pour prix de la concession ori
ginaire du fonds grevé de la rente, é t'n on pour aucune recon
naissance de la seigneurie, puissance 'publique. Mais quant au
bail à cens, pour avoir le droit d’imposer sur un immeuble, une
redevance censuelle et seigneuriale, ce n’était pas assez d ’en
être propriétaire, il fallait avoir cette propriété à titre de sei
gneurie. ( Henrion, ibid. ) Notre adversaire cite , comme nous*,
H etirion, même article, même paragraphe; mais il parle du
�i-
D E U X IE M E P A R T I E .
bail-à cens, et nous parlons du bail emphytéotique; il conclut
d‘une chose à une autre, manière de raisonner toute sophis
tique. Les paragraphes 4 et 5, qui comprennent depuis la page
20 ju sq u ’à la page 40, ne contiennent plus rien à répondre.
Nous sommes donc arrivés au terme de notre tâche. Nous avons
suivi pied à pied nos adversaires, et nous avons démontré contre
eux 1° q u ’il n ’v a pas de prescription acquise, au profit des hé
ritiers Baduel, contre l’acte d u 6 mars 1755; 2° que la rente
emphytéotique créée par cet acte, pour prix du domaine de Lollière, n ’est point féodale.
Nous avons réfuté leurs objections, qui se réduisent à dire, en
ce qui touche la prescription, que notre emphytéose étant per
pétuelle, la propriété a passé tout entière sur la tête de l’emphytrote, et que la prescription s’en est ensuivie par cela même; en
ce qui touche la féodalité, que la féodalité est abolie, et que notre
rente est féodale parce qu ’elle est rédituelle et censuelle, et ac
compagnée de clauses et conditions féodales.
Nous avons répondu , sur la prescription, q u ’on ne peut point
l’opposer aux termes du droitcommun, puisqu’il n ’y a pas de tiers,
acquéreurs, et que les héritiers Baduel ne peuvent prescrire
contre leur litre. Qu’on ne peut pas non plus l’opposer encore
aux termes des lois spéciales sur les emphytéoses perpétuelles,
antérieures à ces lois.
Nous avons d it, sur la féodalité, que nous ne contestions
point, et que nous n ’avions jamais contesté son abolition, mais
que notre litre n ’était point féod al, ni entaché de féodalité ,
parce q u’il n’avait pour objet aucun bail à fief ou bail à cens
seigneurial ; que les clauses et conditions de ce titre apparte
naient à la n ature de l’emphytéose, et que n’ayant en elles-mêmes
rien de féodal, elles ne pouvaient pas être présumées féodales en
�LA RENTE DE LOLLIKRE
n ’ e ST
POINT FEODALE
43
pays de franc-alleu, où les terres sont présumées libres jusqu’à
preuve du contraire.
On concevra que nous n’ayons pas relevé le reproche de quel
ques arrêts mal compris, mémoire de M. V iolle, page 29, ligne 10,
et d’absurdes contradictions, même mémoire , page 39, ligne 20,
q u ’on n ’a pas pris la peine de nous signaler. Nous ne sommes
pas habitués à des argumens de cette nature , et ce sont les seuls
que nous ayons laissés sans réponse.
Restent les considérations!..Faut-il dépouiller les héritiers Baduel de biens qu’ils possèdent depuis 46 an s, paisiblement et
sans trouble ? Cette possession qu’on nous assure de bonne foi
aurait-elle été illusoire pendant si long-temps? ■
— Notre ,adversaire ne le pense p o in t, mémoire c ité , page 2 , et nous le pen
sons , 1° parce que le temps ne suffit pas pour légitimer une
possession, ni pour faire courir une prescription quelconque ;
2° parce que la possession des héritiers Baduel n’a jamais été ni pu
être de bonne f o i, puisqu’on ne peut pas ignorer le titre de sa
possession , et q u ’on n’est pas de bonne foi contre son titre.
Mais le pays d ’Auvergne s’émeut de nos prétentions! — Nous
ne craignons pas ces alarmes préten d ues, et nous ne püuvons
pas y croire. La cause des héritiers Baduel n ’a rien de commun
avec leurs voisins ou tous autres qui ont acquis légitimement
de la nation les biens immenses de M. le marquis de Miramon.
On n ’a pas la folie de vouloir revenir sur ces ventes doublement
irrévocables, et par l’effet des lois qu i les ont prescrites et qui ont
reçu leur exécution, et par suite de la loi de l'indemnité qui a
désintéressé les anciens propriétaires de ces biens vendus natio
nalement. Mais dans ces ventes on a oublié quelques domaines
qui sont restés depuis dans les mains des colons, fermiers ou pre
neurs à titre précaire. Pourquoi la fille, l'héritière bénéficiaire
�14
DEUXIEME PAUTIE.
de M. l e (marquis de Miramon n ’aurait-elle pas le droit de les
réclamer? Ces biens n ’ont pas été confisqués. La nation ne s’en
est pas emparé , ne les a point vendus ni donnés, n ’en a disposé
en aucune sorte. Seraient-ils dans ses m ains, une loi prescrit de
les rendre. (Loi des 5-6 décembre 1814.)
Nous nous contenterons de faire observer que par l’effet
des lois sur les émigrés, qui paraissent n ’avoir été appliquées
que par erreur à M. le marquis de M iramon, non émigré , il
se vit réduit avec son épouse, lui naguère si magnifique, si
grand et si généreux , à ’trouver ‘dans des secours étrangers et
dans un zèle admirable du service le plus dévoué (1), de quoi
fournir aux premiers besoins de sa v ie , aux nécessités de son
existence ! ! ! Ainsi , sur trois filles qu ’il a laissées après lui ,
deux ont renoncé à sa succession , et la troisième ne l ’a accep
tée que sous bénéfice d'inventaire. Cependant, si du magnifi
que site du château de Miramon , au dessus de Vie, aujourd’hui
propriété de simples chaudronniers, vous portez vos regards, au
tant q u’il pourront s’étendre, sur un immense lointain d’un pays
riant et fertile, partout et de tous côtés, vos yeux s’arrêteront sur
quelque riche domaine ayant appartenu à la famille deM. de Mirainon, jusqu’aux jours de l’émigration et des ventes et confiscations
dites nationales. Elle a beaucoup souffert des loisde cette époque,
qui ne devaient pas l’atteindre. Nous ne venons pas ici nous livrer
pourelle à des plaintes inutiles et sans but; ce sontdes faits accom
plis ; nous les avons acceptés et acceptons, mais tels q u ’ils sónr,
sans les restreindre ni les aggraver. Les héritiers Caduel veulent
être plus sévères que la loi et nous ravir, à leur profit, ce qu'elle
(1) Mademoiselle llumcl. Tout le inonde sait à Auriliac, les soins généreux
rendus» Monsieur et Madame de Miramon, par cette respectable (ille.
�L a r e n t e d e L O L L I E R E n ' e s t P O IN T
45
FÉ O D A L E .
nous avait laissé par oubli, ou par quelque fausse e t trop rapide
appréciation de nos titres.
C’est au tribunal civil de la ville d ’Aurillac à décider s’il fera
maintenant, contre le marquis de Miramon ou ses héritiers et
ayant-cause, ce que n ’ont pas fait les administrations révolu
tionnaires au temps de la république; et s’il reconnaîtra aux hé
ritiers Baduel, par cela seul que leur possession précaire de l’hé
ritage que nous réclamons s’est continuée furtivement, sous un
faux prétexte , un droit de propriété sur cet héritage , que même
l’état ne pourrait avoir aujourd’hui par le double fait de son an
cienne confiscation et de la durée de sa jouissance.
Paris, le 15 novem bre 1837.
A . P A IL L E T ,
BOLE,
!
Avocats à la Cour royale de Paris.
Le baron DELZONS, Avocat plaidant à Aurillac.
RAMPON, Avoue.
E rratum . Page 7, ligne 29. La détention est injuste, etc.
nons que la détention, etc,, etc.
l is e z
: Nous soute-
PA RIS. — MAULDE E T R E N O U , IM P R IM E U R S , R U E B A IL L E U L , 9 e t 11.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. De Cassagne de Beaufort De Miramon,Marie-Charlotte. 1837?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
A. Paillet
Bole
Delzons
Rampon
Subject
The topic of the resource
bail emphytéotique
domaines seigneuriaux
cens
retranscription de bail
biens nationaux
émigrés
rentes féodales
droit de propriété
abolition des privilèges
droits féodaux
coutume d'Auvergne
prescription
absence
poids et mesures
doctrine
droit écrit
franc-alleu
directe seigneuriale
jurisprudence
droit de guet et de garde
Masuer
forains
corvées
code civil
droit intermédiaire
domaines agricoles
fromages
vin
percière
bail
Description
An account of the resource
Titre complet : Réplique pour madame Marie-Charlotte de Cassagne de Beaufort de Miramon, veuve de monsieur le marquis François-Félix Duplessis-Chatillon, en sa qualité d'héritière bénéficiaire de monsieur le marquis de Miramon, son père, Demanderesse ; contre MM. Antoine Baduel, comme détenteurs du domaine de Lollière, appartenant à la succession bénéficiaire dudit marquis de Miramon, défendeurs.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Bail emphytéotique. v. emphytéote.
2. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? Les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? Féodalité : 1. en Auvergne, les rentes emphytéotiques étaient-elles féodales ? les Baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayans cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéote ?
en d’autres termes les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers ou ayant cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens soumis à l’emphytéose ? Reconnaissance.
4. plusieurs reconnaissances notariées peuvent-elles dispenser le demandeur de représenter le Bail emphytéotique primitif ?
3. les baux emphytéotiques ont-ils été détruits ou intervertis, à l’égard du bailleur originaire, par les lois des 18-29 décembre 1790 et 11 brumaire an 7 et par les dispositions du code civil ? voir les faits spéciaux. ibid.
en tout cas quel caractère doit avoir la notification faite aux représentants du bailleur originaire, pour opérer l’interversion ?
la prescription a-t-elle couru valablement, en faveur du possesseur, dès la notification (1793) si l’on considère que, d’après la législation, la rente quel que soit sa nature, foncière ou féodale, aurait été déclarée rachetable ? prescription.
24. en Auvergne, les baux emphytéotiques étaient-ils prescriptibles ? en d’autres termes, les preneurs emphytéotiques, ou leurs héritiers, ou ayans-cause, ont-ils pu acquérir ou transmettre, par prescription, la toute propriété des biens fournis à l’emphytéose ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Maulde et Renou, imprimeurs (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1837
1755-1837
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
45 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2815
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2813
BCU_Factums_G2814
BCU_Factums_G2816
BCU_Factums_G2817
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53571/BCU_Factums_G2815.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
La Roussière (domaine de)
Lollière (domaine de)
La Croux (domaine de)
La Fage (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
abolition des privilèges
absence
bail
Bail emphytéotique
biens nationaux
cens
Code civil
corvées
coutume d'Auvergne
directe seigneuriale
doctrine
domaines agricoles
domaines seigneuriaux
droit de guet et de garde
droit de propriété
droit écrit
droit intermédiaire
droits féodaux
émigrés
forains
franc-alleu
fromages
jurisprudence
Masuer
Percière
poids et mesures
prescription
rentes féodales
retranscription de bail
vin
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53363/BCU_Factums_G1911.pdf
2c0715838d409fcbb2d0b96773720143
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Text
R É P O N S E
POUR
L A
D A M E
D’ O R CET
Au M é m o i r e des Sieurs D E L S O L .
I■i;
:<
A
u
A U R I L L A C ,
D e l’imprimerie de V i a l l a n e s ,
1808
Père et Fils..
li.
�3o/
RÉPONSE
POUR
Dame J e a n n e - M a r i e D E L S O L ,
M. G a b r i e l - B a r t h é l e m y
d e
veuve de
VIGIER-
D O R C E T , Demanderesse;
CONTRE
Sieur J e a n - F r a n ç o i s
DELSOL
G a b r ie l-B a r t h é le m y
aîné et
DELSOL-
V O L P I L H A C , Défendeurs;
E n présence du S.r D E S P R A T S , aussi Défendeur,
L
’H o m m e ne s’est mis en société, il ne s’agite tant
sur
la t e r r e , que pour avoir des propriétés et en jouir. Enfant,
esclave m ê m e , il veut avoir un pécule. Il tient sur-tout à
la faculté de disposer ; c’est par elle q u e , durant sa vie ,
il s’attache tout ce qui l’entoure ; c ’est à elle qu’au déclin
de ses jo u r s , il doit l’espoir de revivre dans ses dernières
volontés et dans le souvenir de ceux dont il fut le bienfaiteur.
C e droit si p r é c i e u x , la dame D o rc e t le réclame auA
�TjûS.
( O
.
jourd’hui » en repoussant Xinterdiction que les sieurs D elsol
font résulter d’une clause de retour insérée dans son contrat
.
de mariage. ( i )
U ne demande aussi juste a sa source dans le désir que
nous avons tous, d’ordonner de nos biens à notre gré ;
E lle
a sa sou rce,
dans l’obligation impérieuse pour la
dame D o r c e t , de payer toutes les dettes de son m a ri, et
celles q u elle a contracté pour faire honneur à sa m ém oire;
E lle a sa source dans l’h ab itu d e, devenue un besoin pour
e l l e , de répandre autour de ses h abitation s, les secours
que l’aisance doit au m a lh e u r:
E t n o n , comme on le d it, page 2. du m ém o ire, dans
F éloignement où ton a toujours tenu la dune D o rcet , de sa
fam ille , et dans l'impatience où sont les personnes qui l'en
tourent de s'assurer par des voies indirectes , avant son décès,
un patrimoine que les lois du sang , l'ordre établi par les lots
et le vœu de la nature lui prescrivaient de conserver intact
à ses proches.
N on ! la dame D orcet ne s’est pas tenue éloignée de sa
fa m ille ;
et les sieurs D e ls o l , qu’ont-ils donc fait pour se
rapprocher d’elle ?
Élevés loin de leur soeur, ont-ils jamais appris à la con( 1 ) C ’ est, dit-on , page 2. du mémoire , une demande prématurée ,
'dont les annales de la jurisprudence n offrent pas £ exemple. . . . Si l’on
lit D en isart, au mot substitution, n.° 1 1 9 , i z o e t 1 1 8 , on y trouvera
trois arrêts des 3 août 1 7 3 5 ,
4. septembre 1 7 5 5 et 1 3 avril
qui ont prononcé sur des substitutions non ouvertes.
1767,
Veut-on donc ,
q u e , dé};\ paralisée dans son droit de pro priété, par le refus du sieur
Desprats, par les inscriptions hypothéquaires et les prétentions liautem nt
proclamées des sieurs D elsol, la dame Dorcet attende, pour s’en plaindre,
que la saisie de ses revenus la réduise ¿\ solliciter leur pitié !
�3o 3
3
(
;) .
naître et à l ’a im e r? A leur m ajorité, ils n’ont vu que sa
fortune et lui ont demandé compte de leur part :
aujour
d’hui ! . . . . ils veulent la sienne.
N on ! rien ne les autorise à suspecter ses intentions, à l’ac
cuser de voies indirectes. Ils savent bien qu’avec une ame
b o n n e , fra n c h e , généreuse, elle a une force de caractère
qui ne la laisse à la discrétion de personne.
N o n ! rien ne l’oblige à conserver son patrimoine intact.
Q u e lui servirait donc d’être riche et
lib re? C e que
la
nature aurait pu lui commander pour des enfans, la nature
se borne à le lui conseiller pour des collatéraux *, et la loi
lui
permet de gratifier ceux qui auront le mieux mérité
d’e l l e , proches ou étrangers. ( 2 )
Mais la réserve que le C o d e N apoléon ne fait pas en
collatérale, les sieurs D elsol veulent la suppléer en exhu
mant du contrat
de
1 7 6 0 , une clause qu’ils appelent de
réversion ; clause qui eût empêché l’acte qui la co n tie n t, si
elle eût eu
le sens
qu’ ils lui attribuent ;
clause éteinte
par le prédécès de leur père qui ne la stipula que pour
lui } clause dont l’effet se serait confondu dans l’ins
titution u n iverselle,
faite à
leur
sœur ;
clause
enfin à
laquelle ils ne croyent pas eux-m êm es, puisque, tout ré-
(2 ) Combien plus commode était la loi de l’an 2 q u i , créant des héritiers
nécessaires, dans toutes les lignes , à l’in fin i, les dispensait de tous
procédés, de toutes convenances , et ne leur laissait d’autre soin que
celui de consulter les tables
agréable d’ctre habile
de probabilité ! c’est alors
q u ’il était
succéder ! tout était profit ; si les collatéraux
étaient ric h e s , on a v a i t , malgré e u x , les cinq sixièmes de leurs b iens;
s’ils étaient pauvres , on n’était pas obligé de leur fournir des alimens.
Législation absurde, q u i , pour
serrer les liens de la parenté, avait
rompu tous les liens de la famille.
�( 4 >
.
cfcmment, l’un -deux a acquis et payé partie de ces mêmes
biens qu ils soutiennent inaliénables .
Système insidieux qui, soutenu par des inscriptions ima
ginaires, par des chicanes adroitement prolongées, par des
insinuations répandues et accréditées avec art , n’a d’autre
but réel que d’intimider ceux qui seraient tentés d’acheter
des biens de la darne D o r c e t , de la tenir dans des alarmes
perpétuelles, d’arrêter ses dispositions, par
la crainte de
ne léguer que des p r o c è s , et de s’assurer ainsi , par une
interdiction de fa it , une hérédité que la loi ne leur réserve
p a s , qui ne leur est point dévolue par la convention et
qu’ils dédaignent d’obtenir par des.voies plus libérales.
C ’est par une suite de ce système q u e , dans leur m é
moire ( 3 ) , les sieurs D elsol ont oublié les principales cir
constances de l ’afFaire. L a dame D orcet n’agira pas ainsi j
elle dira to u t, répondra à tout: et le public , pour lequel
un sens droit et l’équité sont toujours des guides su rs,
pourra facilement reconnaître, s’il est juste et raisonnable,
que la dame D o r c e t , héritière universelle de tous les biens
de sa fa m ille , soit réduite à un usufruit p ré ca ire , et n’ait
rien en propriété : oui rien , pas même une légitime pater
n e lle , pas même son patrimoine maternel.
F A I T S .
E n l’année
baillage
1 7 4 0 , le sieur Basile D e ls o l, procureur au
d ’A u r il l a c , épousa la demoiselle
T h o m a s , fille *
uniqu e, très-riche.
Il résulte
de
leur contrat
R û u ssy , n o ta ire ,
le
de mariage ,
passé
devant
20 n o v e m b re ,
- ( 3 ) Q u e l 1on dit néanmoins , pnge 2 , destiné à faire percer la vérité
jusque* au public qui a souvent des opinions qui l'entraînent, des préju gés qui le subjuguent.
�3o/
f 5 } .
i . ° Q u e le sieur D elsol se constitua une somme de 300 1.
qui fut reçue par la dame L a g a rd e , sa belle-mère. ( 4 ) j
Q u e celle-ci fit donation à sa fille de tous ses biens
m e u b le s , im m eubles, n o m s , droits et actions présents et
à venir > tant de son c h e f que de celui du sieur T hom as
son m a r i , et encor de celui d’autre Jean T hom as son beaupère, sous réserve de l’usufruit pour en v iv re avec le fu
tur époux ; e t , en cas d’incompatibilité, la D am e Lagarde
se réserva la moitié de la maison par elle acquise du sieur
Faucher ( 5 ) , l’ameublement nécessaire, le profit de son
com m erce et 1 0 0 0 liv. pour disposer, tout quoi reviendrait
à sa fille lors de son décès -,
- 3 . 0 Q u e les dames T h o m a s , mère et fille , donnèrent
pouvoir audit sieur D elsol d’exiger paiement des sommes
qui leur étaient d u e s d e vendre leurs biens meubles et im
meubles , aux conditions qu’il a v is e ra it, sans être garant de
l ’insolvabilité des débiteurs ni d’aucune réduction desdites
Créances > comme aussi de faire à leurs immeubles les répa
rations qu’il croirait utiles , lesquelles lui seraient reconnues
'sur la simple quittance des o u vriers}
4 . 0 Q u ’attendu que les dames T h o m as faisaient un c o m
merce particulier, elles pourraient le continuer en sociétéj
le sieur D elsol autorisant, à cet effet, sa future épouse ;
5.0 Q u e Françoise P ru n e t, veuve de Pierre Lagarde mar
chand , intervint pour donner à la demoiselle Thom as tous
ses biens présens et à venir.
( 4 ) Les sieurs D elsol disent néanmoins q u ’à cette époque le sieur
Delsol avait touché, pour ses droits héréditaires, une somme consi
dérable ; mais ils ne font que le dire , ils ne le prouvent pas,
( 5 ) Cette maison fut vendue par le sieur Delsol,
r
�(é)
' Cet acte qui rendait le sieur Delsol fnaître absolu des
biens des dames T h o m a s , dévoile l’origine de ceux qu’il
acquit depuis.
L a dame Lagarde , n’ayant d ’autre enfant que la dame
D elsol , regarda comme siennes les affaires de son gendre ;
elle lui communiqua
toutes ses
ressources, le cautionna
dans ses baux-à-ferme et ses différentes spéculations. D e tels
m o y e n s , dans les mains d’un homme aussi industrieux que
le sieur D e ls o l,
devaient nécessairement avoir de grands
résultats.
E n même temps la dame Lagarde continua son commerce,
de société a v e c sa f i l l e , et si héureusement qu’il serait at
testé, par tous ceux qui l ’ont c o n n u e ,
qu’à sa mort elle
avait une très-grande fortune. ( 6 )
L a dame Dorcet est le seul fruit de ce premier mariage
du sieur D elsol. A la mort de la dame T h o m as sa mère,
la dame L a g a r d e , son ayeule , v o y a n t que le sieur D elsol,
déjà v ie u x , était décidé à ne pas se rem arier, ne prit aucune
précaution pour faire constater les biens que laissait sa fille,
ni pour em p êch e r, à son d é c è s, la confusion des siens avec
ceux du sieur D elsol.
F ille unique et appelée à recueillir de grands b ie n s , la
demoiselle Delsol fut
recherchée par les meilleurs partis.
M . de V ig ie r - D o r c e t , ancien officier de c a v a le r ie , et re
ceveur particulier des finances des élections de St.-Flour et
de M au riac, héritier d ’une maison opulente, ancienne et
bien alliée, obtint l’agrément du sieur D elsol.
(6)
Les sieurs Delsol n’ont point parlé , dans leur m é m o ire, du
premier contrat de mariage de leur père, ni des biens des dames T h o m a s:
on aura occasion de remarquer d’autres oublis encore plus essentiels»
�3o/'
(
Les deux
7
)
familles s’étant communiqué
leurs intentions
respectives , le contrat de mariage fut passé le % juin 17 6 0 .
E n voici les principales clauses :
« L e sieur D e l s o l ..............donne par donation entre vifs
« pure et sim ple, à la demoiselle D elsol sa fille ci-présente
» et acceptante, et autorisée en tant que de besoin par ledit
»> sieur de V ig ie r son futur é p o u x , par avancement d’hoirie,
» le dom ain e, terre et seigneurie du C l a u x , parroisse de
'» Naucelles ; en quoi que ladite terre et domaine du C la u x
» puissent être et consister, aux mêmes clauses, charges et
» conditions que le
délaissement lui
sera fait et adjugé,
» conformément à la demande qu’il en a formé aux requêtes
» du palais . . . . et , au cas ladite demande en délaisse» ment desdits biens ne lui serait pas a d ju g é e , ledit sieur
» D e ls o l, pour dédommager sa fille dudit domaine et terre
» du Claux , lui donne et délaisse toutes les créances qui lui
» sont dues sur lesdits b ie n s , en capital et accessoires. . . ( 7 )
» Ledit sieur D elsol a aussi do n n é, par même donation
» entre vifs, à ladite demoiselle D elsol sa fille, ce acceptante,
»> autorisée comme dessus, la somme de 1 0 ,0 0 0 liv. qu’il a
» présentement délivrée et comptée . . . .
>♦ E t , à l’égard du surplus de ses autres biens qui se trou» veront rester audit sieur D elsol , lors de son d éc ès, icelui
»
»
»
»
a promis de n’instituer d’autre héritière que ladite demoiselle Delsol sa fille , sous la réserve de l’usufruit de tous
les biens institués, et de pouvoir vendre et engager lesdits
biens, ainsi qu’il trouvera à propos, tant en la vie qu a la mort,
(7)
Ces créances montaient à environ 60,000 liv . ; au to tal, les dona
tions du sieur Delsol n’étaient q u ’un à compte sur les biens de sa bellemère et 'de sa f e m m e , qu’il avait confondus avec les siens.
**'c
�. ( 8 )
» et encore de pouvoir disposer d’une somme de 10 ,0 0 0 liv .,’
» et n’en disposant p a s , la réserve tournera au profit de
» sadite fille; et enfin, à la charge de payer à la demoiselle
» Lagarde sa b elle -m è re , au cas elle survive audit si.eur
» D e ls o l, une pension annuelle et viagère de 600 liv.
» £ / , au cas ladite demoiselle future épouse viendrait à dé-
» céder sans enfans ou ses enfans sans descendans ou sans
» disposer valablement , ledit sieur D elsol se réserve expressemènt
» le droit de réversion et retour , tant des biens donnés que
» réservés , sans q u il puisse être dérogé, par sadite fille future
» épouse, audit droit de réversion , par aucune disposition
» ni autres actes à ce contraires ».
V o ic i maintenant les clauses relatives au sieur de VigierD o rcet : « Et ledit sieur de Vigier o n cle , pour et au nom de
» ladite dame de M o ssie r, usant du pouvoir donné à ladite
» dame p a r ledit feu de V ig ier son m a r i, dans son c ontr at
» de mariage du 1 1 février 1 7 2 7 , nomme ledit sieur de
» V igier aîné futur époux , pour recueillir l’effet de la
» donation de la moitié de tous ses biens, conjointement par
» eux faite au profit de celui de leurs enfans à naître
qui
» serait choisi par eux ou par l’un d’e u x .............
» Et en vertu du pouvoir spécial porté en ladite procuration,
» il a donné et donne , à titre de donation entre vifs , audit
» sieur de V igier futur é p o u x ,
tout le surplus des biens
» meubles et im m eubles, présens et à venir de ladite d a m e ..
» S e réserve de plus ladite d a m e , la liberté de disposer
» par acte entre vifs ou à cause de m o r t , d’une somme
»> de 1 0 ,0 0 0 liv. à prendre sur les biens par elle donnés. . . .
>► Se réserve pareillement ladite dame de V i g i e r , et pour
» elle , ledit sieur procureur constitué, le retour et reversion
» a elle et aux siens t des biens par elle donnés audit sieur
futur
�» futur époux , dans le cas où il viendrait à décéder sans
» enfans ou ses enfans sans d escendans, ou sans avoir va» lablement
disposé ».
( 8)
L e sieur de V ig ier-d ’O rcet mourut en 17 8 5 , après avoir
fait un testament par lequel il instituait la dame d’Orcet
son héritière universelle. Sa famille prétendit qu’il n’avait
pu disposer au préjudice du droit de re to u r, et que les mots
sans avoir valablement dispose , ne se referaient qu a ses
enfans et descendans; m a is , par arrêt du 18 novem bre,
1 7 8 5 , le testament fut maintenu. L e sieur d’Orcet laissait
des dettes immenses. L a dame d'Orcet qui ne s’était rendue
héritière bénéficiaire que pour honorer sa m ém o ire, en a
p a y é pour 90 0,0 00 l i v . , et il en reste encore pour une
somme considérable.
C e ne fut que plus de
11
ans après le mariage de sa
fille q u e , le 20 octobre 1 7 7 1 , le sieur Delsol en contracta
un second avec la
demoiselle Dubois. ( 9 )
T ro is enfans
en provinrent. Suivant le cours trop ordinaire des choses,
le sieur D elsol tourna toutes ses affections vers les fruits de ce
dernier h ym en. L a dame d’Orcet, sa fille, vivait à Mauriac ; il
était in firm e;
on parvint facilement à lui persuader qu’il
n ’était pas lié par le contrat du 2 juin 17 6 0 .
(8 )
C ’est envain que l’on chercherait cette clause dans le mémoire
des sieurs Delsol. Ils n’ont pas dit un seul mot qui put seulement en
faire soupçonner l’existence.
( 9) C ’est encore envain que l’on chercherait dans le mémoire du
sieur D e ls o l, la date de ce second contrat. D es deux mariages du sieur
D e ls o l, disent-ils, page 3 , étaient issus plusieurs enfans. Et comme ils
y pai lent de suite de celui de la dame d’O rce t, ceux qui ne connaîtraient
pas leur fam ille , seraient tentés de croire qu’ils assistèrent au mariage
(de leur sœur.
B
�.
C 1 0 •)
C ’est dans cette idée q u e , par celui du 20 octobre 1 7 7 1 ,
il avait donné la moitié de ses biens à l’un des enfans
naître de son second mariage.
C ’est aussi dans cette idée qu’il fit, le 1 1 juillet
à
17 8 0 ,
un testament par lequel , après avo ir légué 100 0 liv. à la
dame d’Orcet, et 6,0000 1. à chacun de ses trois autres enfans,
il institua pour son héritier universel, son fils aîné du second
li t , et à son défaut , ses autres enfans, par ordre de primo
geniture; voulant expressément q u e, dans le cas où la dame
d’Orcet viendrait à mourir sans e n fa n s, ou ses enfans sans
descendans, son héritier profitât du droit de retour par lui
stipulé dans le contrat de mariage de sa fille. ( 1 0 )
C es deux actes ne sont que des monumens de l’infirmité
du sieur D e l s o l , et de l’influence qu’on exerçait sur lui ;
car on lui faisait faire des dispositions gratuites, on lui fai
sait dire que le droit de retour passerait à son héritier
institué, tandis que depuis 1 7 6 0 existait l'institution contrac
tuelle qui conférait à la dame d’O rcet tous les biens, droits
et actions qu’il laisserait à son décès.
Q uoi qu’il en so it, à cette dernière époque il fut fait in
v e n ta ire , e t , en exécution de deux sentences du baillage
d ’A u rillac, des 19 août
1 7 8 1 et 1 2
décembre 17 8 3 , un
partage , par lequel il fut délaissé aux enfans du second l i t ,
trois douzièmes des biens héréditaires pour leur légitime de
droit. Les neuf autres douzièmes restèrent à la dame d’O rcet
en vertu de l’institution contractuelle.
Devenus m a je u rs, les sieurs D e ls o l, tant en leur nom que
comme cohéritiers de Sophie leur sœur , morte al> intestat ,
(10)
Il sera inutile de s’occuper de ce testament, qui a été déclaré
nul par sentence du 1 9 août
178 2,
�( 11 )
ont passé, avec la dame d 'O r c e t , les
ïo
ventôse et 23 germi
nal an 9 , deux actes séparés, dont voici
les principales
clauses ( 1 1 ) :
i . ° Les sieurs D elsol approuvent le partage des immeubles
de leur
p ère, fait par Lasmoles et D eveze , experts , en
vertu des sentences sus*énoncées }
2 .0 Ils cèdent a la dame d’O rcet le huitième revenant à
- chacun d’eux ( 1 2 ) dans l’argent c o m p ta n t, le prix du
m o b ilie r, les créances perçues, et leur part dans la somme
de 10,00 0 liv. portée par le contrat de mariage du z juin i j 6 o ,
en quoi que le tout puisse être et consister, sans autres réserves
que celles ci-après ;
3 . 0 L a dame d’O rcet leur cède une somme de 30,000 liv.
due à la succession par la dame Di:bois leur mère ; elle
consent qu’ils répètent contr’elle une somme de 14 ,2 5 5 liv.
• qu’elle lui a payé pour pensions j elle leur délaisse en pro
priété le domaine de Coussergues ( 1 3 ) ;
4 .0 E lle cède à l’aîné le quart des créances à recouvrer ,
et au cadet la liquidation de la charge de receveur
consignations ;
.
-
-
rg-
■
des
-------
( 1 1 ) Les sieurs Delsol n’ont point p a r lé , dans leur m ém o ire, des
sentences de 1 7 8 2 et 1 7 83 , ni du partage fait
des traités de l’an 9 , par lesquels ils
en conséquence , ni
ont reconnu leur
soeur pour
héritière universelle, sans aucune réserve : traités qui sont le résultat
de plusieurs mois de conférences entre trois Jurisconsultes que les parties
avaient pris pour arbitres.
(12)
Par le double lien , ils avaient succédé à Sophie leur sœur
germaine , à l ’exclusion de la dame d’Orcct. D c j - lo r s , les 3 douzièmes
se partageant entr’eux , cela faisait un huitième pour chacun.
( 1 3 ) Ce domaine provient de la succession de la dame Thomas.
�( 11 ) .
j . ° Les sieurs D elsol tiennent quitte ia dame d ’O r c e t , de
toutes restitutions de jouissances et intérêts ;
6.° La dame d’Orcet demeure chargée des dettes de la
succession.
A u moyen de ce , les parties se tiennent respectivement quittes
du passé jusques h u i , et promettent ne plus se rien demander
tune à l'autre
sans dépens de part ni d'autre
Parmi les biens restés à la dame d’O rc e t , était une partie
de la montagne appelée du Broussete; elle l’a vendue au sieur
D elsol aîné, par acte du 28 fructidor an 10 , m oyennant
12,0 0 0 liv. Il a p ayé 8,000 , et la dame d’ Orcet l’a tenu
quitte des 4,000 liv. restant, au m oyen de ce qu’il a re
noncé au quart des créances à recouvrer. L e sieur D elsol
n’a vu aucun danger dans cette acquisition.
Mais bientôt ç’a été tout autre chose. La dame d’O rcet
venait de vendre au sieun Desprats le pré de C a n c o u r ,
lequel fait partie des biens institués. Les sieurs Delsol ont
vu avec peine cette aliénation qui diminuait une succession
sur la q u e lle , en leur qualité de frères et héritiers présomptifs
de la dame d ’O r c e t , ils croyaient pouvoir fonder quelque
espérance.
Peu après a paru l’arrêt de la C o u r de cassation du 1 1
fiimaire an 1 4 , qui a validé un droit de retour c on ven
tionnel et coû tu mie r } auquel on voulait
suppressive des substitutions. Alors
appliquer la
loi
les sieurs Delsol ont
conçu l’idée de faire revivre la clause du contrat de 1 7 6 0 ;
et ils ont publiquement annoncé les droits qu’ils disaient
avoir sur les biens de leur sœur. ( 1 4 )
( 1 4 ) Aussitôt les créanciers de la dame d’Orcct ont pris l’é v e i l; ses
biens ont été couverts d’inscriptions, et elle a eu la douleur de v o ir
�3/s
( «} )
Instruit de cette clause et des prétentions des sieurs D elsol,
le sieur Desprats a craint qu’ils ne vinssent un jour l’évincer
de son acquisition, et il a refusé d ’en payer le prix. £ur
le commandement qui lui a été fait le n
juillet 1 8 0 6 , il a
répondu que le droit de retour étant une stipulation con
ditionnelle qui passe aux héritiers , il avait juste sujet d ’ap
préhender d’être troublé dans la propriété du pré de C a n co u r,
et de demander par conséquent à résoudre la vente , ou à
retenir le prix , ou à p ayer
sous caution.
Q ue pouvait faire la dame d’O rcet dans cette occurrence?
F ra p p ée, par le f a i t , d’une incapacité absolue de disposer
de ses biens, elle n’a pas eu à choisir parmi les m oyens
de la faire cesser ; il ne s’en présentait qu’un et elle l’a
saisi ; elle a demandé contre le sieur Desprats la conti
nuation de ses poursuites, et contre les sieurs D e ls o l, la nullité
de la clause de retour.
Ici ont commencé les chicanes des sieurs D elsol. Cités au
bureau de p a i x , l’aîné a répondu q u il ne connaissait pas le
contrat de mariage de sa saur ( 1 5 ) ; qu il ignorait si son père
y avait stipule un droit de retour ; quen le supposant a in si , il
n aurait qu une espérance, &c. . . . O n a prétendu pour le cader,
qu’il avait changé son domicile à P a r i s , e t , sous ce prétexte,
on a éludé la clôture du procès-verbal jusques au 1 1 août.
Assignés au trib u n a l, chacun d’eux a constitué son avoué ,
et, après avoir tergiversé pendant plus de huit m o is, ils ont
dans cette circonstance , que la crainte étouffait toutes les considérations
et jusqu’à la v o i x de l’amitié.
(15)
Il ne le connaissait pas ! et depuis plusieurs mois, il le poitait
dans sa poche, le lisant à tout le monde et ne parlant d’autre chose !
�( H )
dem andé, par des exceptions séparées, à être mis hors de cause,
s’agissant, disaient-ils, d’un droit non ouvert.
5 juin 18 0 7 . Jugem ent par défaut, qui leur a ordonné de
défendre au fond.
Ils ont fait signifier des défenses le 2 ju ille t, en protestant
de se pourvoir contre le jugement du 5 ju in ; c ’est-à-dire,
q u ’après avoir défendu, ils se réservaient de faire juger s’ils
devaient défendre.
C es neuf mois qui se sont écoulés entre l’assignation et le
jugement du 5 juin , les sieurs D elsol les
ont em ployés à
résoudre un problème qui les tourmentait fort. Il ne s’agissait
de rien moins que de faire, sur les biens de la dame d’O r c e t ,
des actes conservatoires de ce même droit de re to u r, qu’ils
soutenaient n’être pour eux qu’une espérance incertaine. D e là
sont venues deux inscriptions montant à ic o ,o o o l i v . , que les
sieurs D elsol ont pris sur tous les biens présens et à venir 'de
leur sœ u r, et le croirait-on? Pour sûreté de la créance résul
tante en leur fa veu r, de cette sentence du 29 août 1 7 8 2 , qui
avait ordonné le p a rta g e , et sur laquelle les parties avaient
irrévocablement traité , sans aucune réserve , par les actes de
l ’an 9 ; ces inscriptions, basées sur un titre étein t, ne pou
vaient se soutenir; mais elles avaient provisoirement l’effet
de frapper les biens de la dame d’O rcer.
L a nullité de ces inscriptions a été prononcée par jugement
contradictoire du 30 juillet 1 8 0 7 , auquel
ont
acquiescé en payant les dépens;
les sieurs D elsol
mais avant
qu’elles
fussent r a y é e s , ils les ont renouvelées par un autre de la même
somme de 1 0 0 ,0 0 0 liv. qu’ils ont prise en vertu du contrat
de 17 6 0 , sur les biens que la dame d’O rcet possède à Mauriac,
le 2 juillet d ern ier, c’est-à-dire le même jour qu’à A u rilla c ,
�( M )
en défendant au fond , ils se réservaient de faire juger qu’il
ne s’agissait que d’un droit non ouvert.
Q uoiqu’ils eussent donné leurs m oyens par é c r it , les sieurs
Delsol n’ont pas voulu les plaider à l’audience. L e 6 août ,
un second jugement par défaut a déclaré nulle la clause du
droit de retour , et ordonné la continuation des poursuites
contre le sieur Desprats.
Les sieurs D elsol ont formé opposition à ce jugement ; et
ce n’est qu’au mois de février 18 0 8 , qu’ils se sont enfin pré
sentés à l’audience o ù , sur plaidoiries respectives, il a été.
ordonné une instruction par écrit au rapport de M . le Président.
Pendant les plaidoiries, un mémoire a p a r u , dans lequel
les sieurs Delsol ont essayé d’établir quatre propositions :
i . ° Q u ’en p rin cip e, le droit de retour est transmissible
aux héritiers du donateur ;
2 . 0 Q ue ce droit n’est pas atteint par les lois abolitives des
substitutions ;
3 .0 Q u e l’institution faite en faveur de la dame d’O rcet ,
ne comprend pas l ’efFet d ’une clause stipulée contr’elle }
4 .0 Q u ’en aucun c a s , elle n ’a pas le droit de disposer des
biens soumis au droit de retour.
T e l est l’état actuel de l'affaire.
OBSERVATIONS
GÉNÉRALES.
Suivant l’ancien d ro it, le père était seul tenu de constituer
à sa fille une dot qui s’appelait profectice, et la fille mourant
pendant le mariage , la dot restait au mari. ( 1 6 )
(16 )
La mère n’ayant pas la puissance paternelle, ce qu’elle donnait
à ses enfans était adventif. Si elle les instituait par testament, ils étaient
réputés héritiers étrangers, heredes extranei. Instit. liy, 2 , tit. 1 9 ,
�( l 6 ) .
D e l à il arrivait que le père avait la douleur de perdre à
la fois et sa fille et la d o t, et l’on craignit avec raison que
Retour ¿¿gai.
cela ne refroidît la générosité des pères. C ’est ce qui fit
introduire le retour légal en vertu duquel le père reprenait
la d o t , si la fille mourait sans postérité.
Ju re succursum est p a tri , ut filiâ amissâ solatii loco cederet,
si redderetur ei dos ab ipso profecta , ne et filics amis sce etpecunia
damnum sentiret. Leg. 6. ff. de jure dotium.
Prospiciendum est enim ne hâc injecta fo rm id in e , parentum
circà liberos munificentia retardetur. Leg. z. cod. de bon. quce. iib.
L e retour légal avait lieu dans la jurisprudence française}
mais les parlemens y avaient mis différentes modifications.
D a n s la coutume de Paris les ascendans l’exerçaient à titre de
succession particulière.
Il a été maintenu 'par l ’art. 5 du décret du 23 ventôse
an i pour les donations antérieures au 5 brumaire.
L ’art. 7 4 7 du code N apoléon le rétablit comme droit
successif.
Retour
L e retour conventionnel est évidemment fondé sur les mêmes
conyentionnel, motifs que le retour légal. Le donateur est inspiré par la même
crainte qui a fait introduire c e l u i - c i ; et s’il stipule un droit
que la loi réserve tacitement pour l u i , c’est parce que la
stipulation a cet effet, que le donataire ne peut l’éluder en
disposant ; car c’est la seule différence qui existe entre le retour
légal et le retour conventionnel.
Il a été maintenu par l’art. 7 4 de la loi du 1 7 nivôse an 2.
L ’art. 95 r du code N apoléon permet au donateur de le
stipuler ; mais pour lui seulement.
extra m is. D e 1A vint une grande différence que l ’on aura occasion de
rem arq uer, entre le retour stipulé par le p è re , et le retour stipulé par
la mère.
Outre
�S i*
( *7 )
Outre ces deux m oyens de faire rentrer les biens donnes
dans le domaine du donateur, il en existait d’autres par lesquels
il pouvait obliger le donataire à les conserver et à les rendre
à d’autres personnes gratifiées en second o rd re , et alors ces
clauses étaient des substitutions.
Elles furent abolies par le décret du 1 4 novem bre 179 2 .Elles sont prohibées par Tart. 896 du code N apoléon.
C ela p o s é , la dame d’Orcet va considérer la clause dont
il s’agit, sous les deux rapports q u ’elle présente, ce qui divisera
la discussion en deux parties.
D ans la prem ière, elle prouvera que la clausç de réversion
des biens réservés est nulle et com m e non é c rite , ou que c ’est
une substitution abolie par la loi de 17 9 2 .
C et ordre paraît plus c la ir , en ce que la solution de cette
première difficulté, servant à en résoudre d’autres qui se pré
senteront dans la deuxième partie, cela épargne des répétitions.
D an s la se c o n d e , elle établira:
i . ° Q u ’en fait, le retour dont s’agit était purement personnel
au sieur D elsol ;
z .° Q u ’en d ro it, ce retour ne peut profiter aux sieurs
D elsol ;
3 . 0 Q u e , dans tous les cas, il tomberait dans l’institution, et
se serait confondu dans la personne de la dame d ’O r c e t ,
héritière universelle ;
4 . 0 Q u e , nonobstant la clause, elle pourrait dispose'r.
Les propositions des sieurs D elsol seront examinées et
débattues dans le cours de la discussion, selon qu’elles auront
trait à l’une de c e lle s - c i.
Substitutions,
�M
O
(
i8
)
Y
E
N
P R E M IÈ R E
S
.
P A R T IE .
BIENS R É S E R V É S
.
«<VW « W V ^ i
P R O P O S IT IO N .
La clause de réversion des biens réservés est nulle
et comme non écrite, ou cest un substitution abolie
- par la loi du 14. novembre 179 2A v a n t de discuter cette proposition, il faut se fixer sur
l ’effet de la clause par laquelle le sieur Delsol a promis de
n instituer d'autre héritière que la demoiselle D elsol sa fille.
A l’au d ien ce, les sieurs Delsol ont prétendu que ce n était
là qu’une promesse d’égalité, et q u e , par générosité pu re,
traitant avec leur sœur , ils l’avaient reconnue pour héritière
universelle.
L a dame d’O rcet a trop
sultes ( 1 7 )
bonne idée des trois Juriscon
qui préparèrent ces traités,
pour croire qu’ils
aient, hésité un instant sur sa qualité d’h éritiè re ; et il lui
est aujourd’hui permis de croire que les sieurs Delsol n’au(17)
M. Coffinhal, membre du Corps législatif, et MM. Vigier et
yerniols, avocats,
»
�5/cj
( *9 )
raient pas manqué alors l ’occasion de prendre une grande
partie des biens qui sont l’objet de leur sollicitude.
Q u i ne sait , au re s te , que la promesse d’instituer vaut
institution ? O n peut vo ir là-dessus, Lacom be , n .° premier;
Lebrun, liv. 3 , chap. 2 , n .° 4 4 i Catelan ,.tom. i . er, liv. 2,
chap. 4 4 ; Heftrys, liv. 5, chap. 4 , question 5 9 ; F u r g o l e ,
des donations, tom. 5 , page 1 0 4 , 0 1 1 il cite un grand nombre
d ’autres auteurs.
L a clause a donc le même sens qu’elle aurait, si elle était
ainsi conçue : « Le sieur D elsol ria institué d'autre héritière,
que sa fille ». E t lorsqu’en même temps il se réserve
de
pouvoir disposer d’une somme de 10 ,0 0 0 l i v . , laq uelle, faute
de disposition, tournera au profit de sa f i l l e , lorsqu’il la
charge de p a y e r , sur cette institution, une pension de 600 liv.
à la dame Lagarde son ayeule,- il faut fermer les y e u x à
la lum ière, ou convenir que c’est là une'véritable institution.
C 'est a in s i, au surplus, que l’ont reconnu les semences
de 1 7 8 2 et et 1 7 8 3 qui avaient acquis l’autorité de la chose
jugée par le partage fait avec la tutrice des sieurs D elsol j
d o n c , lorsqu’en l’an 9 , ils ont traité avec la dame d’O rc e t,
comme héritière u n iv e rse lle , ils n’ont pas été généreux , ils
ont été forcément justes.
M aintenant, lorsque le sieur D e lso l a stipulé la réversion
des biens réserves, de quels biens a-t-il entendu parler ? U ne
seconde lecture des clauses ne résoudra pas cette question;
et il n en restera que la conviction intime q u e ,p e u versé dans
le droit, quoiqu’il eût vu beaucoup d’affaires , le sieur D elso l
entassa sans ordre et sans ch o ix , dans ce contrat de ma
r ia g e , toutes les clauses
dont il avait des réminiscences,
et qu’il croyait analogues à ce qu’il voulait stipuler.
P o u rq u o i,
par
e x em p le, cette réserve de l’usufruit des
�( 10 )
biens institués, dès qu’il est de l ’essence de toute institution
de n’avoir d’exécution qu’à la mort de celui qui la fait ?
Pourquoi cette réserve de pouvoir vendre
et engager,
dès qu’il n’ assurait à sa fille que le surplus des autres biens
qui se trouveraient lui rester , lors de son décès ?
Pourquoi
cette réserve de pouvoir vendre et en g a ge r,
même à la mort ; com m e si on pouvait engager et vendre
par testament ?
Après, c e la , faut-il s’étonner q u e , de suite, il stipule la
ré versio n , tant des biens donnés que réservés * c’est-à-dire ,
des biens qu’il donne et des biens qu’il ne donne pas ?
M ais ces biens réservés, quels sont-ils ? C e ne sont pas
les biens institués; car lorsqu’il en a p a rlé , il les a appelés
biens institués. C e sont donc les
1 0 ,0 0 0 liv. dont il s’est
réservé la disposition.
Cependant les sieurs D elsol veulent que ce mot réservés
se référé aux biens institués.
Mais une institution contractuelle peut-elle être frappée
d’un droit de retour.
Q u ’e s t - c e d’abord qu’une institution contractuelle ?
« C ’e st, dit L e b ru n , liv. 3 , cliap. 2 , n .° 7 , une donation
» entre vifs du titre et de la qualité d ’héritier, lorsque la
» succession de l’instituant sera ouverte.
» C e n’est, dit F e rriè re , au mot institution , ni une donation
» entre v i f s , ni une donation à cause de m o r t , c’est un don
» irrévocable de succession.
» C ’est, dit Lacom be, n.° 1 .er, une donation du titre d’héritier.
» C ’est, dit C h a b r o l, chap. 1 4 , art. 1 6 , un don irrévocable
» des biens que l’instituant laissera à son décès ; il dispose de
» sa succession, il met l’héritier institué à la place de l’heritier
ab intestat.
�» C ’est, dît D enîsart, n .9 i et 1 4 , une disposition qui fait
»> un héritier indépendamment de la loi. L ’héritier contractuel
»> ne peut disposer des biens qui composent l ’hérédité avant
» l’ouverture de la succession; il ne peut ni les transmettre
» à ses h éritiers, ni les hypothéquer à ses créanciers, s’il ne
» les a lui-m êm e recueillis j et son droit devient caduc j s’il
» prédécéde ceux qui l ’avaient institué, parce que l ’institution
»> ne donne aucun droit à l’institué sur les biens présens. »
E n un m o t , c’est une disposition amphibie , un testament
irré v o c a b le , mais q u i, à l’instar de tous les testamens, ne
transmet les biens qu’au décès de l’instituant.
Q u ’e s t - c e maintenant que le droit de retour?
>► C ’est, dit Denisart, n .°
i . er, un droit par le m oyen
» duquel le donateur recouvre, par le décès du donataire, les
» choses qu’il lui avait données.
» C ’est, dit C h a b ro l, chap. 1 4 , art. 2 4 , un droit par leq u el,
» en donnant ses biens entre v i f s , on peut se réserver la réver» sion , dans le cas o ù le donataire viendrait à mourir avant
» le donateur.
» C ’est, dit F e rriè re , un droit en vertu duquel les immeubles
» donnés par les ascendans à leurs descendans retournent aux
» donateurs, lorsque les enfans donataires décédent sans hoirs.
» C ’e s t , dit D o m a t , lois c iv ile s , liv 2 , titre 2 , section 3 , le
» droit que peut avoir un d o nateu r, survivant à son donataire
» de reprendre les choses données. Ut quod dédit , iterùm a i
» eum reveriatur. Leg. fin . cod. commun, utriusq. judic.
, C ’est, en un m o t, un droit en vertu duquel les biens dont
le donateur s’est d essaisi, reviennent dans ses m ains, parce
que le donataire meurt avant lui sans postérité.
T out droit de retour doit donc être essentiellement de nature
à pouvoir profiter au donateur personnellem ent: les sieurs
�( “
)
D elsot reconnaissent e u x -m ê m e s
ce principe, car ils ne
cessent*de repéter dans leur m ém oire, et notamment page 9 ,
qu ils ont continué en leur personne la saisine dont le sieur D elso l
était revêtu.
'
Des-lors, il est impossible que le droit de retour soit apposé
dans un testament, ni dans une donation à cause de m ort,
ni dans une institution contractuelle, puisque les choses qui
en font l’o b je t , ne sont acquises à l ’héritier ou au donataire
que par le décès du testateur, du donateur ou de l’instituant;
les biens ne peuvent lui retourner, puisqu’il n’en a pas été
dessaisi, et de même que l’on ne peut re v e n ir, si l’on n’est
point parti, de même l ’on ne peut se réserver de reprendre
ce qu’on n’a pas donné.
Cela p o sé , de deux choses l’u n e; ou il faut rayer dans la
clause de réversion ces m o ts, tant que réservés, ou il faut dire
q u e , par rapport à ces biens, le droit de retour n’était qu’une
véritable substitution Fidéicommissaire abolie par la loi du 14
novem bre 1 7 9 2 .
E n effet, il est évident que le sieur Delsol ne pouvait se
réserver à lu i-m êm e la réversion de ces b ie n s, puisqu’il ne
les avait pas abdiqués et qu’il devait mourir
avant que la
Üame d’O rcet pût les a v o ir ; o r , il est aisé de comprendre que
le sieur Delsol n’a pas voulu dire :
Quand je serai mort, un j o u r , qu alors , en vertu de l'institution
contractuelle énoncée
dans le présent contrat, ma fille aura
recueilli ma succession, et que, postérieurement elle viendra à mourir
sans enfans , ou ses enfans sans descendans, ou sans valablement
disposer ; dans ce ca s , moi D elso l , me réserve la réversion des
biens qui auront composé mon hérédité.
C e serait supposer au sieur D elsol l ’idée la plus absurde
qui puisse entrer dans la tête d’un h o m m e , puisqu’elle repose
�3^ a
C *r)
toute entière sur une chose physiquement impossible et contre
nature.
U n e telle clause est nulle et reprouvée par les lois.
Quæ rerum naiurà prohibentur, millâ lege confirmant sunU
Impossibilium nulla obligatio. Leg. i8<j de regulis ju ris.
S i impossibilis condiùo ofrligationibus adjiciatur , n ih il valet
stipulaùo. Impossibilis autem condiùo habetur 3 cui natura
impedimenio est , quo minus existât , veluii si quis itci d ix e rii:
si digito ccelutn attigero , dare spondes ? Instit . i l de inutilib,
stipulât.
« Toute condition impossible........... est nulle et rend nulle
» la convention qui en dépend. Art. 1 1 7 2 du code N apoléon .
» Dans toutes dispositions, entre vifs ou testamentaires, les
conditions im possibles.. . . sont reputées non écrites. Art. 900.»
Et certes, il n’y avait pas plus d’impossibilité pour le sieur
D elso l à toucher le ciel avec le d o ig t, qu’à ressusciter, pour
succéder à sa fille.
L a réversion des biens réservés est donc une condition
impossible et contre nature } par conséquent, elle est nulle
et comme non écrite.
Cependant, les sieurs Delsol prétendent, page 21 , que ce
n’est là qu’une objection spécieuse, et q u e , d ’après tous les
auteurs et particulièrement d'après R ic a r d , Furgole et P oth ier ,
S o n peut apposer un droit de retour à toute espèce de libéralités , et
par exprès quon peut Capposer à une institution contractuelle. ( *# )
( 18 ) Quand les sieurs D elsol copient des consultations et des
m émoires, que des jurisconsultes vivans ont fait pour leur cause, ils
peuvent se dispenser de citer les auteurs; m ais, quand ils invoquent
R i c a r d , Furgole et P o th je r, pour appuyer une absurdité de nature à
Être a p e r ç u e par un enfant, ils doivent citer le livre et la page où
I
�(«4 )
Ces auteurs étaient trop instruits pour professer une telle
opinion. Leurs ouvrages sont pleins de maximes contraires.
R ic a r d , dans son traité des donations, 3«e partie, chap. 7 ,
section 2 , n .° 7 7 1 , d it : qu’il faut prendre garde que le
» droit de retour est absolument contraire à la nature des
» donations entre v i f s , dont l’effet est de transférer irrévoca» blement au donataire la propriété et la possession de la chose
» donnée
sans aucune apparence de retour au profit du
» donateur. C ’est la définition et l’essence de la donation
» entre vifs. D on ad o propriè appellatur, cùm dat aliquis ea
» mente, ut statirn velit accipieniis f i e r i , nec ullo casû ad se
» revertí. Leg. 1 , D ig . de donat.
C o m m e n t a u r a it - il
pu dire ensuite que l’institution qui
ne transfère ni propriété n i possession , était susceptible de
retour à l’instituant qui reste saisi de tout?
A u s s i, après avoir établi que les institutions et les legs
peuvent être conditionnels , il décide , d’après une foule de
lo is , dans son traité des dispositions conditionnelles, chap. 5 ,
section 2 , n .° 2 3 4 , que les conditions impossibles sont nulles
et/ie produisent aucun effet; de sorte quelles sont considérées
com m e non écrites. Impossibilis conditio in institutionibus et
legatis nec non in Jid e i commissis et ' libertatibus , pro non
scriptâ, habetur.
F u rg o le , des donations, tom 5 , page 1 7 1 , dit que les
donations, en contrat de m ariag e, sont susceptibles de toutes
sont leurs opinions, pour ne pas exposer le lecteur à croire, sur parole,
( et c’est peut-être ce qu’ils désirent ) ou à se fatiguer en vaines recherches ,
l et c’cst ce que le lecteur n’aime pas ). La dame d’Orcet doit ajouter
que nulle part, ces trois auteurs n’ont dit que le retour puisse être
ppposé h une institution contractuelle.
sortes
�C
)
sortes de conditions honnêtes et possibles; et, quoique les
institutions contractuelles fussent considérées, dans son parle
m ent, comme des donations entre v ifs , il atteste, page 1 1 3 ,
« qu’on juge que l’institution ou la promesse d ’instituer, qui
» sont la même c h o se ,
sont caduques par le prédécès de
» l’institué lorsqu’il ne laisse pas des enfans ; quoique le droit
» de réversion n ’ait pas lieu , suivant F ern a u d , n .° 9 , et M . de
» C atelan , liv. 4 1 chap. 1 2 ».
C e t auteur est donc bien éloigné de décider que la réversion
soit une condition possible dans une institution.
E n fin , Pothier q u i, dans son traité des donations entre v ifs,
se borne à indiquer l’origine du droit de retour , d it, dans son
traité des obligations, part. 2 , chap. 3 , art. i . er, § 2 , que la
condition d’une chose impossible rend l’acte nul, si elle es tin.
faciendo ; qu’elle n’a aucun effet, si elle est in non faciendo ;
et qu’elle est n u lle, sans vicier le l e g s , si elle est portée
dans un testament.
T o u t ce
que ces auteurs ont pu d ir e , comme tous les
autres, de relatif à cette m atière, se réduit à ce que toutes
les conventions et dispositions, soit entre v i f s , soit à cause de
m o r t , sont susceptibles de toute espèce de c on d ition s, pourvu
qu’elles ne soient ni im possibles, ni illicites.
A u s s i, ne pouvant citer ïeurs o p in io n s,
les sieurs D elso l
en émettent une de leur c r u , page 2 1 du mémoire.
L'institution contractuelle, disent-ils , est comme la donation
entre v if s , un contrat, une obligation que contracte t'instituant
envers l'institué , de lui laisser ses biens ; elle ne diffère de la
donation entre vifs } qu'en ce qu'elle est faite ious la condition
particulière de la survie du donataire.
Cela n’est pas exact. L ’institution n’a de commun avec la
donation entre vifs que l’irrévocabilité. L e donateur ne pro-
D
�t f )
ittet pas de laisser ses b ie n s , il les d o n n e, il s’en dépouille
actu : au lieu que l’instituant n’en peut être désaisi que par sa
m o r t , et l’institution est caduque s’il survit à l’institué.
M ais cette condition particulière de survie n empêche pas que
(
ï instituant contractuel ne puisse fa ire résilier ou révoquer sa
libéralité , si telle ou telle condition a rrive , n importe en quel
temps , et que cependant elle puisse avoir jusques-la tout son effet i
Il est impossible que l ’instituant révoque l’ institution et que
celle-ci ait jusques-là son e ffe t, puisqu’elle ne peut 1 avoir
q u ’après la mort de l’instituant. L a condition qu’on suppose,
ne p o u r ra , par conséquent, être un droit de re to u r, qui ne
peut avoir lieu que pour un objet précédemment transmis.
E n ce cas , les biens qui en sont Cobjet , comme étant retournés
à la masse de l'hérédité et réunis au patrimoine du donateur ,
appartiennent à ceux qu i, lors de l'arrivée de la condition réso
lutoire , se trouvent représenter le donateur ou l'instituant.
T o u t-à -l’heure on faisait opérer la résolution au profit de
l’instituant, à présent c’est en faveur de ses héritiers ; mais
il ne s’agit donc pas d’un droit de reto u r, parce que l’instituant
n’a pu leur transmettre un droit qui ne pouvait s’ouvrir en sa
personne.
C’est le donateur lui-même, toujours existant dans leur personne,
qui reprend sa chose , comme ayant cessé d'appartenir à l'institué,
au moyen de la résolution de Cinstitution qui a eu lieu par
l'événement.
M a is , encore une f o i s , les r e p r é s e n t a i de l’instituant ne
peuvent pas re p re n d re, par retour, des biens qui n’ont passé
que par sa mort à son héritier ; et s’ils ont droit de les reprendre
après que l’institué les a recueillis, ce ne peut être que com m e
gratifiés en second o r d r e , et alors il y a fideicommis.
Comme L donateur , ou ses représentans reprennent la chose
�'
3i r
( 17 3
'donnée , lorsqu 'il y
a survenance d'enfant , même posthume ,
quoique le posthume ne soit né que depuis son décès.
L a révocation s’opère alors en vertu de la loi qui attache
3 la donation la condition si sine liberis ; la donation est résolue
au profit du donateur qui s'est ex p ro p rié , (x amiquâ causa
et inherente contractui. Mais il est impossible que le retour
apposé à une institution ait jamais ce résultat, puisqu’il ne
peut résoudre, au profit de l’instituant, une disposition qui
ne prend effet que par sa mort. L e reto u r, en ce cas , n’est
qu’une stipulation de caducité; o r , il est clair com m e le jour,
que l’institution ne devenant c a d u q u e , que par le prédécès
de l’instituant, la caducité ne peut jamais s’ouvrir en faveur
de ses héritiers, puisque dès le moment de sa m ort, l’institué
se trouve saisi et ne peut être dépossédé , à moins qu’il n’y
ait fidéicommis.
Il faut donc répéter que la réversion des biens réserves est
nulle et com m e non-écrite.
E t que gagneraient les sieurs D e lso l à ne pas le rayer
de la clause? lisseraient alors dans la deuxième h yp oth èse,
et forcés de convenir que le retour des biens réservés n ’est
q u ’ une véritable substitution abolie par la loi du
14
no
vem bre 1 7 9 2 .
Q u ’est ce qu’une substitution fidéicommissaire ?
« 1 1 y a fidéicom m is, dit M . M e r lin , questions de droit,
# tom. 8 , page 4 8 8 , toutes les fois q u ii existe une disposition
» par la q u e lle , en gratifiant quelqu’un , on le charge
» de rendre l ’objet de la libéralité à un tiers que l’on en
» gratifie en second
ordre.
A in si,
dans une
disposition
» fidéicommissaire, il entre nécessairement tiois personnes
» celle qui d o n n e , celle qui est gratifiée à la charge de
» rendre et celle à qui l ’on doit ie nd re »,
�« L es substitutions sont p ro h ib ées, dit l’art. 896 du Code
» N a p o l é o n , et afin qu’on n’équivoque pas sur le m o t , il
» ajoute : toute disposition par laquelle le donataire, l’héritier
» institué ou le légataire sera chargé de conserver et de rendre
» à un tiers j sera nulle, même à l’égard du donataire, de
» l’héritier institué ou du légataire ».
E t , dès le 1 4 novembre 17 9 2 , une loi avait aboli toutes
les substitutions non ouvertes et en avait attribué les biens à
ceux qui en étaient saisis.
L a charge de conserver et de rendre à un tie r s , voilà le
caractère distinctif de la substitution, quelle que soit d’ailleurs
la disposition qui la contient.
C ’est, conformément à cette règle , que l’art. 898 du C o d e
porte : « que la disposition par laquelle un tiers serait appelé
» à recueillir le don , l ’hérédité ou le legs , dans le cas où
» le donataire , l’héritier institué ou le légataire ne le recueil» lerait pas , ne sera pas regardé comme une substitution et
» sera valable ». L a raison en e s t , qu’en ce c a s , il n’y a pas
charge de conserver et de rendre, puisque le premier gratifié
n ’a pas recueilli , et que le second appelé prend la libéralité,
sans intermédiaire , et de la main même du donateur.
11 sera maintenant facile de discerner si la réversion des
biens réservés forme une substitution.
L e sieur Delsol pouvait stipuler pour lui , et même pour
les siens, le retour des biens qu'il donnait} c’est-à-dire du
domaine du C la u x et des 1 0 ,0 0 0 liv.
Mais il est démontré qu’il ne pouvait se réserver de repren
dre les biens qu’il ne donnait pas; c’est-à-dire les biens compris
dans l’institution contractuelle.
Cependant le contrat de mariage ne parle que du sieur
�( *9 )
D elsol. ' C ’est lui qui se réserve le droit de réversion } il nô
parle pas même de ses parens.
Il faut donc se prêter aux besoins des sieurs D e l s o l , et
supposer, avec e u x , que les héritiers du sieur D elsol sont
implicitement compris dans la mcme ré s e rv e , suivant les lois
relatives à la transmission dont ils ont fait un si pompeux
étalage. Cette supposition ne suffira pas pour lever la difficulté;
c a r, si la stipulation est censée avoir étç faite implicitement
en fa ve ur des h éritiers, il n’en est pas moins vrai q u ’elle
com prend, en termes fo rm els, le sieur D elsol ; et on a établi
l ’impossibilité que les biens compris dans l’institution retour
nassent jamais à lui.
11 faut donc pousser la complaisance jusqu’au b o u t , et
supposer que le sieur D elsol a voulu se. conserver à lui-même
le droit de retour des biens donnés , et qu'il n’a pas voulu
se conserver à lu i, (puisque cela ne pouvait pas être) , mais
à ses héritiers, le droit de retour des biens
réservés.
Si les sieurs D elsol trouvent une hypothèse plus favorable,
ils n ’ont qu’à l’indiquer.
Alors la clause sera censée rédigée en ces termes :
« A l’égard du surplus de ses autres biens qui resteront
» audit sieur Delsol , lors de son d é c è s, icelui promet de
» n’instituer d’autre héritière que la demoiselle D elsol sa fille,
» sous la réserve de l’usufruit, etc. ; et, au cas où ladite demoi» selle Delsol future épouse, viendrait à décéder sans enfans,
» ou ses enfans sans descendans, ou sans disposer valablement,
»
»
»
»
il réserve expressément à ses héritiers le droit de réversion
et retour des biens réservés , sans qu’il puisse être dérogé
par sadite fille future ép ou se, audit droit de réversio n , par
aucune disposition ni autre acte à ce contraire ».
D ’a b o rd , la clause ainsi conçue profite toute entière à la
�C 3° ) ,
dame d’O r c e f; car n’y ayant de vocation que pour les héritiers
du sieur D e ls o l , le retour suit sa succession , de laquelle il
li e pouvait être séparé que par la vocation d’autres personnes
que les héritiers ; o r , la dame d’Orcet étant grevée du droit
de retour > et en même temps héritière u n iverselle, il y a
confusion , ainsi que cela sera plus amplement démontré.
Mais ce n’est pas tout : que l’on suppose encore que toute
autre personne que la dame d’ Orcet ait succédé aux droits
du sieur Delsol ; celui dont il s’agit i c i , ne sera jamais qu’une
substitution fidéicommissaire, puisque la dame d’Orcet aura
été chargée de conserver et de rendre ; et qu’alors il y aura ,
dans la disposition, les trois personnes dont le concours forme
la substitution.
}
Q uand un donateur stipulait à son profit la réversion
des biens qu’il d on n ait, c’était un vrai droit de retour ; quand
il le stipulait aussi pour ses héritiers, c ’est qu’il prévoyait
le cas où le retour ne s’ouvrirait pas de son vivant. Ces
réserves n ’avaient rien de commun avec la substitution fideicom m issaire, abolie par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 . E t
c’est ainsi.qu’il faut entendre l’arrêt d e là C o u r de cassation
rendu le 1 1
frimaire an 1 4 ,
entre les héritiers de la de
moiselle R osalie Lalanne et la dame de N availle.
Les sieur et dame Bidon de S t - M a r t i n , en mariant en
1 6 9 4 , la demoiselle Ursule de St.-Martin leur fille au sieur
L a la n n e ,
lui constituèrent, par son contrat de m ariage,
une dot de 18,000 l iv . , il fut stipulé par une clause expresse,
qu’en cas de
dissolution du mariage sans enfans ou leur
postérité légitime défaillant, la dor retournerait soit aux père
et mère qui la constituaient, soit à leur fils et à ses héritiers.
V o ilà une donation entre vifs avec stipulation d’un véritable
droit de retour en’ faveur, des donateurs, de leur fils et de
�33/
( s1 )
ses héritiers. Cette stipulation était d’ailleurs conforme
au
statut coutumier de N avarre qui régissait les parties et leur
contrat.
L a postérité de la d a m e ' Ursule de St.-M artin , épouse du
sieur L a la n n e , s’est éteinte par la décès de R o salie Lalanne
morte sans enfans en 1 7 9 3 . Le sieur L a rre g o ye n était son
h éritier; la dame de N availle descendant des sieur et
dame de St.rMartin , réclamait la dot de
18 ,0 0 0 l i v . , en
vertu du droit de retour que ceux-ci s’étaient ré serv é, non
seulement pour eux mais encore pour leur fils et ses héritiers.
Fallait-il rejetter cette demande, sous prétexte que le con
trat de mariage de 16 9 4 renfermait une substitution fideicommissaire? L a C our de cassation s’est prononcée pour
la n é g a tiv e , et les motifs de son arrêt sont faciles à saisir.
Il s’agissait d’abord d’une donation entre v ifs; et en second
lieu , les donateurs s’étaient réservé à e u x , à leur f i s et à ses
héritiers , un droit qu’il était impossible de qualifier autre
ment que d ’un droit de re to u r; puisque, en vertu de cette
clause, l’objet donné pouvait retourner aux donateurs d’où
il était provenu.
Il était perm is, à cette époque, de stipuler le retour au
profit du donateur et de ses héritiers; o u , ce qui revient au
m ê m e , de d écla re r, que dans le cas où le donateur ne vivrait
pas à l’époque de l’ouverture du droit réservé, le droit serait
transmissible à ses héritiers, et cette convention avait
été
formellement stipulée dans la donation.
A la vérité, le contrat de mariage de 1694 présentait une
substitution fidéicommissaire en faveur des descendans de
la dame Ursule de St.-M artin, fille alors dotée, et cette
substitution était en même temps fondée sur les coutumes de
N avarre et de Béarn
par ce m o y e n , les père et m è re , en
�( 3 0
dotant leur fille , l’avaient chargée de conserver et de rendre
à ses enfans, et ceux-ci aux leurs, à l’in fin i, la chose donnée j
et cette stipulation, conforme à la coutume lo cale, emportait,
il n’y
a pas de doute, un véritable fidéicom mis, dans la
ligne de la dame Ursule de St.-M artin; mais ce n’était pas
en vertu de cette substitution , dont l’abolition était avouée,
que la dame N availle réclamait la dot ; elle n’était pas même
de la ligne qui seule était appelée au fidéicommis ; elle n’in
voq uait, à l’appui de sa dem ande, que le
droit de retour
stipulé par les donateurs , à leur profit , à celui de leur fils
et de ses descendans ; et ce droit a paru trop clairement
conservé par la loi du 1 7 nivôse an 2 , pour que les tri
bunaux ayent pu le déclarer aboli.
Tel
est le résumé de l’espèce de
cet
arrêt, d’après le
compte qu’on en voit dans le journal des audiences. L ’on
se rend néanmoins avec peine à l’idée qu’une clause qui dort
ainsi plus d’un siè cle, et s’éveille tout-à-coup pour transporter
des biens qui ont fait so u c h e , d’une famille dans une autre,
ne renferme rien qu’un simple droit de retour, sans qu’il
y ait charge de conserver et de rendre. Il faut avouer q u e ,
si ce n’est pas une substitution, cela en a b ie n , au premier
coup-d’œ i l , la ressemblance et les effets.
M a is , qu’y a-t-il l à , au surplus ,„ d’applicable à l ’espèce
actuelle ? Il est d’abord constant q u e , lorsqu’il s’ agit de qualifier
une convention ou le droit qui en résulte, c’est plutôt la
nature des choses
que les expressions
parties, qui doivent servir
em ployées
par les
de régie.
ln contractibus, rei veritas potiiis quàm scriptura perspici
débit. Leg. I. Cod. P lu s val. quod agit.
N on quod scriptum , sed quod gestum est , inspicitur. P lu s
actum quam scriptum valet* Leg. 3 et 4 . Cod. eodem.
Q u ’importe
�333
C h
)
Q u ’importe, par conséquent, que le sieur Delsol ait qualifié
de réversion ou de retour 3 la stipulation dont s ’a g i t , si
la chose n’y est pas ; s i , à l’égard
des biens réservés s le
contrat renferme une véritable substitution fidéicommissaire ;
s’il est même impossible qu’il
contienne une autre dispo
sition ? T out est dit alors ; on naura pas à s’arrêter aux
m o t s : o r , il serait difficile de trouver une vérité plus in
contestable que celle-ci.
En effet, il est p ro u vé, jusqu’à l’é v id en c e,q u e celui qui dis
pose par testament, par tout autre acte à cause de mort
ou par une institution contractuelle, ne peut se réserver le
retour de sa libéralité, puisqu’elle ne peut être recueillie
qu’après sa mort.
Il est prouvé de m êm e, que tout droit de retour doit
nécessairement pouvoir s’ouvrir au profit du donateur.
D o n c , toutes les fois que le disposant stipule la réversion
pour d’autres que pour lui , toutes les foi* qu’il appose la
condition de retour au profit de quelqu’u n , des biens qu’il
ne transmet à son héritier qu’à son d écès, il charge cet
héritier de conserver sa libéralité et de Ja rendre au tiers
appelé au retour. Il y a alors trois personnes dans la dis
position , celui qui fait la libéralité, celui qui doit d’abord
la recueillir et celui auquel
elle doit être rendue. Il y a
donc fidéicommis.
O r , ces trois personnes seraient dans la clause de réversion
des biens réservés ; le sieur D elsol instituant, la dame d’Orcet
qui devait recueillir à sa m o r t, et les parens du sieur D elsol
auxquels les biens devaient être ren d us, le cas arrivant.
Veut-on plus de dévéloppement ?
Q u e dans une disposition contractuelle, un père nomme
un de ses enfans son héritier u n iv e rse l, et qu’employant
E
�( 34)
les mêmes termes que le sieur D e ls o l, il déclare q ue, dans
le cas où cet enfant vienne à mourir sans enfans, e t c ., les
biens institués retourneront à ses plus proches parens, sans
qu’il puisse être dérogé, e t c . , ne sera-ce pas une substitution
fïdéicommissaire ?
L ’enfant ainsi institué, sera chargé de conserver et de rendre,
il sera charge de conserver , parce que le disposant lui a
défendu de d éro g e r, par un acte quelconque, à la reversion.
11 sera chargé de rendre , non pas au disposant qui sera
mort quand sa disposition s’ouvrira , mais à un tiers ; et
voilà ce qui constitue le fidéicommis prohibé par la loi
de 17 9 2 et par le C o d e N apoléon.
Il n’en est pas de même du droit de retour ; il ne sup
pose essentiellement que deux personnes, le donateur qui se
dessaisit entre vifs de la propriété , et le donataire qui accepte.
C ’est uniquement pour son profit personnel que le donateur
se réserve le retour. C ’est une clause résolutive, dont l’événe
ment doit faire rentrer l’objet donné dans le domaine de
celui d’où il p r o v ie n t , comme s’il n’en était jamais sorti;
enfin, une clause qui réserve au donateur mêm e, la faculté
de rentrer dans sa propriété ex antiquâ causa.
Si les anciennes lois permettaient au donateur de stipuler
en même temps la réversion au profit de ses héritiers, il
fallait cependant qu’il commençât toujours par en faire la
réserve à son profit, et que cette réserve pût avoir
en sa
personne:
effet
les héritiers ne venaient alors que par
représentation et pour recueillir l’effet d’un droit qui faisait
partie de sa succession , d’un droit enfin q u i , originairement
acquis au do n ateu r, leur avait été transmis par son décès,car s’ils l’avaient pris dans la succession du d onataire, il
y aurait eu fidéicommis.
�2>3J
( 35 )
O r , dans une
institution contractuelle qui ne doit être
exécutée que lorsque le disposant ne sera p lu s,
comment
pourrait-il profiter lui-même du droit de réversion ? Toute
clause qui renferme une pareille absurdité doit être réputée
non é c rite ; et si on
veut la faire passer à d’autres qu’à
l ’instituant, l’héritier est alors charge de conservera t de rendre,
et il y a fidéiccmmis aboli par la loi du 14 novembre
1 7 9 2 . C e n’est plus une réversion que l’instituant a voulu,
mot y qui dans sa signification emporte l’idée du retour de la
chose donnée dans la main d’où elle est partie; c ’est une vraie
restitution dont l’héritier a été grevé en faveur d’un tiers ;
et il est bien évident que de pareilles dispositions sont ann u llé e s, n’importe qu’elles se trouvent dans un testament ou
dans une institution contractuelle.
Il est inutile de pousser plus loin cette discussion ; elle
est venue à des démonstrations si sim ples, si claires que ce
serait servir les sieurs Delsol que de les réfuter plus long-temps.
Ils n’insistent sur une prétention si extraordinaire, que pour
opérer une diversion. Ils n’affectent, sans espérance et sans
raison , des droits sur les biens qu’ils appèlent réservés , que
pour amener les esprits qui craignent les embarras et
difficultés
d ’un long
d é b a t , à se
les
relâcher sur les biens
donnés pour les dédommager de c e u x - c i; à p ro p o se r, en
un m o t , ce q u ’on appèle une compensation.
Cette vieille
r u s e , praticable quand il s’agit de faits embrouillés ou de
torts réciproques , ne réussira pas ici. On ne compense pas
les clauses d’un contrat de mariage ni les questions de droit.
E t , sur cette première partie d e l à discussion , il n’y a pas
de milieu : I9 .clause de
réversion des biens réservés est
nulle et comme non écrite, ou c’est une substitution abolie
par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 .
�DEUXIÈM E
B I E N S
PARTIE.
D O N N É S .
I . re P R O P O S I T I O N .
En fait, la clame de réversion est purement personnelle
au sieur Delsol.
\
T o u s ceux qui pensent que la stipulation du retour pro
fite aux héritiers du donateur, lorsqu’il vient à mourir avant
de l ’avoir recueillie, avouent néanmoins que cette transmission
ne doit pas
avoir lieu lorsqu’il
a limité la réserve à sa
personne, et qu’il ne s’est point occupé de ses héritiers. Les
sieurs D elsol en conviennent ( 1 9 ) ; c’est d’ailleurs décide
par l’art. 1 1 2 2 du code N a p o lé o n , qui est en cela simple
ment déclaratif des anciens principes.
« O n est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers
» et ay an s-cau se, à moins que le contraire ne soit exprimé
» ou ne résulte de la nature de la convention ».
Ainsi , avant d’examiner si le retour dont il s’agit est en
droit transmissible aux héritiers du sieur D e l s o l , il convient
de vo ir s i, en fa it, il n’a pas été restreint à sa personne.
D ’a b o rd , le contrat fut fait en 1 7 6 0 , dans un temps où
l ’on était bien loin de reconnaître que le retour passât aux
héritiers. Les auteurs étaient partagés ; ils s’opposaient réci
proquement des textes de lois et des arrêts: mais ceux qui
( 1 9 ) Pages 1.2 , 16 et 1 7 du mémoire.
�33/
(
37
)
avaient écrit le plus récem m ent, étaient contre la transmis
sion ( 2 0 ) . L ’arrêt de 1 7 6 7 q u i, selon les sieurs Delsol (p a g e
14
du m é m o i r e ) , a fix é irrévocablement la jurisprudence,
ne fut rendu que 7 ans après le contrat de 17 6 0 .
L e sieur D e ls o l, homme d’affaires,
savait donc que la
Stipulation du retour ne profitait pas aux héritiers. T o u t au
m oins, on accordera qu il 11 ignorait point que la question
ne fût très-controversée; dès-lors, s’il avait intention que sa
réserve allât plus loin qu’à sa personne, la prudence lui faisait
un devoir de s’en expliquer d’une manière positive.
O n accordera sans doute aussi
que deux familles
qui
allaient s’allier ensemble par un contrat solenn el, setaient,
suivant l’usage, communiqué les dispositions, quelles enten
daient mutuellement y insérer; on ne peut supposer qu’un
acte de cette im portance, que le mariage le plus considérable
qui se fût vu de long-temps, ait été fait ex abrupto et sans
qu’on ait observé les procédés et les convenances usitées
en pareil cas dans toutes les familles.
L e sieur Delsol savait donc que la dame de V ig ier ferait, à
son f i l s , donation de ses b ie n s , et s’en réserverait le retour à
elle et aux siens ; e t , ce fut par suite
de cet arrangement
préliminaire , que la dame de Vigier donna à son beau-frère
la procuration en vertu de laquelle il stipula dans le contrat
les conventions précédemment arrêtées.
Et, réciproquement, la famille de V igier savait que le sieur
D elso l donnerait à sa fille le domaine du Claux et 10 ,0 0 0 1.,
qu’ il 1 instituerait héritière et qu’il se réserverait pour
seulement le droit de retour.
lui
E t , pourquoi cette différence dans les deux clauses ? E lle
( 1 0 ) Boucheul écrivait en 1727, et Arnaud de la Rouvière, en 1737.
�( 5» )
était dictée par la nature et par la différence des positions
o ù se trouvaient les donateurs.
L a dame de V igier ayant plusieurs enfans , il paraissait
convenable que la réserve fut faite pour eux comme pour elle.
Le sieur D e ls o l, au contraire, n’avait que sa fille ; il était
v e u f depuis long-tem ps, et son âge et son goût n’annon
çaient pas qu’il eût l’idée de passer à des secondes n oces;
il n’avait aucun proche parent qui pût partager son affection,
qu’il portait toute entière sur sa fille unique : quel eût donc
été le but d’une réserve de retour pour les siens ? Est-ce
pour des collatéraux éloignés et avec lesquels il ne vivait
p a s , que le sieur Delsol aurait stipulé cette réserve et la
défense d’aliéner ? Peut-on croire qu’il fut assez injuste que
de préférer de tels parens à sa fille unique, et qu’il aimât
mieux leur laisser, plutôt qu a elle , la disposition de sa
fortune ? S’il eût annoncé cette intention , la famille de
V igier y aurait-elle consenti ? Aurait-elle souffert que la
demoiselle D elsol ne pût disposer de rien envers son mari,
tandis que celui-ci conservait la liberté de lui faire passer
tous ses biens? O n le demande ; de bonne f o i , le sieur
D elsol aurait-il osé le proposer ? V o ilà pourquoi il ne stipula
que pour lui.
Encore moins eût-il osé annoncer qu’il entendait réserver
le droit de retour pour des enfans d’un second lit ? Pou r
quoi dissimuler ce que personne n’ignore ?
L a famille du sieur d’O rcet, s’ unissant à celle du sieur Delsol,
payait-elle un tribut au préjugé qui faisait rechercher l’alliance
de familles privilégiées?
Suivait-elle les spéculations de ceux qui se relâchent sur les
dots des fille s, dans l’espérance d’avoir part au crédit et à la
protection des pères qui ont des postes éminens ?
�( 39 )
L e sieur D o rcet enfin, était-il entraîné par une de ces in
clinations décidées qui, franchissant les distances et rapprochant
les extrêmes, amènent souvent des unions mal assorties et
rarement heureuses ?
R ie n de tout cela. Il faisait ce qu’on appèle un mariage
de fortune ; il épousait une fille unique et très-riche héri
tière ( 2 , 1 ) ; le sieur D e ls o l , à son to u r, trouvait dans son
gendre une fortune plus considérable que la sienne, une place
singulièrement recherchée , une alliance très-honorable.
C e rte s , personne ne doute que la demoiselle Delsol ne fût
jamais devenue dame d’O r c e t , si elle eût été réduite à dis
puter contre son père ou ses héritiers, les lambeaux du
patrimoine maternel qu’il avait confondu dans le sien ; s’il
eût dit qu’il se remarierait, que des enfans d’un autre lit
viendraient d’abord prendre une légitime sur ses b ie n s, et
puis prétendre
au reste en vertu du retour ; qu’a in si, la
dame d’Orcet n’apporterait à son mari que l’espérance d ’avoir,
pendant q u elle v iv r a it , l’usufruit de ses biens3 en échange"
de la faculté qu’il avait de lui laisser tous les siens en pro
priété. U ne telle inégalité dans des conditions de cette im
portance , eût à coup sûr révolté le sieur d’Orcet et ses
parens; il est clair que le mariage n’ aurait pas eu lieu. Mais
n o n , le sieur D elsol ne pensait pas plus à sa progéniture
du second lit qu’à ses collatéraux ; il ne pensait q ua lui
et à sa fille ; et voilà encore une f o i s , pourquoi il ne sti
pula le retour que pour lui.
(ii)
La dame d’Orcet peut dire avec v é r ité , qu’elle-même ne de
sirait pas cette union, et qu’elle ne fit qu’obéir à son père: elle doit
ajouter qu’elle n’a jamais eu à s’en repentir ; le sieur d ’Orcet n’a cessé
de lui donner des preuves de sa tendresse, et son testament renferme
la plus signalée de toutes,
�,
( 40 )
E t , peut-on s’y méprendre en lisant la clause, en la com
parant à celle de la dame d e V i g i e r ? Celle-ci , dans
sa
procuration, et son procureur fo n d é , dans le contrat, réser
à elle et aux siens. Assurément, les parties
contractantes ont attaché une idée , un sens à ces derniers
vent le retour
mots : Les contrats entre vifs , dit G u e re t, journal du palais,
tom. 2 , pag. 36 2 , sont toujours des actes étudiés, faits dans
la liberté toute entière de l'esprit ; concertés , arrêtés entre plu
sieurs parties qui s éclaircissent tune
l'autre , et dont toute
tapplication est de ne rien oublier de ce qui peut servir à fa ire
connaître leurs intentions. Ce ne sont pas les clauses mentales
qui font les contrats, ce sont les clauses écrites , cest le con
sentement mutuel et respectif des contractans ; o r , une partie
ne consent pas à ce quune autre pense, elle ne consent quà
ce quelle exprime, et tout ce qui nest pas exprimé est hors du
contrat et nen fait point partie . Il a donc été convenu, d’après
la signification naturelle de cette condition , que le sieur
ef Orcet venant à mourir sans enjans , ou ses enfans sans descendans, ou sans avoir valablement disposé 3 les biens donnés
retourneraient à la dame sa m ère, et au cas qu’elle fût morte,
aux siens } c ’est-à-dire, à ses autres enfans. T e lle a é t é 'la
condition apposée par la dame de V ig ier à sa libéralité.
E t maintenant, lorsque le sieur D elsol a dit : qu'au cas la.
demoiselle sa fille viendrait à mourir sans enfans , ou ses enfans
sans descendans, ou sans avoir valablement disposé , i l se réserve
expressément le droit de réversion des biens donnés , sans q u 'il
puisse être dérogé, etc. Les parties ont certainement attaché
une idée , un sens différent à cette expression si peu semblable
à l’autre. Il a donc été c o n v e n u , d’après la signification na
turelle de cette c o n d itio n , que "la dame d’O r c e t , mourant
dans le cas prévu , les biens retourneraient au sieur Delsol j
�3^7
( 4 0
mais que s ’il était mort avant sa fille , ils ne retourneraient
pas aux siens qui n'étaient, lors de la convention, que des
collatéraux si étrangers au sieur D e ls o l, qu’il ne les avait pas
même appelés au contrat. T e lle a encore été la condition
imposée par le sieur Delsol à sa donation.
D on c i l est exprimé et i l résulte de la nature de la convention,
que la réserve est limitée au sieur Delsol.
C e qui le prouve de plus en plus, c’est la défense de déroger
au
droit
de retour ,
qui ne peut être que relative à sa
personne. Il avait permis à sa fille, comme à ses petitsenfans, de disposer ( 22 ) ; car le retour ne devait avoir lieu 3
qu’autant qu’il n’y aurait ni en fa n s, ni disposition j et à la fin
de la clause , il lui defend d’y déroger par aucun acte. Cette
contradiction apparente s’évanouit dès que cette défense n’a
d’autre durée que sa vie. Il était naturel que , survivant à sa
fille, il rentrât dans ses b ie n s , et que , la prédécédant, elle eût
pour disposer, la latitude que devait avoir sa descendance ;
sans quoi,il aurait eu plus de prédilection pour ses futurs petitsenfans que pour sa fille j ce qui est contre toute vraisemblance.
Par ce m o y e n , les deux parties de la clau se, qui se contra
rient et s’exclu en t, obtiennent un sens raisonnable et conforme
à la commune intention des parties j ce qui est le m ode d’in
terprétation indiqué par les lois.
(12)
Il a été jugé par l’arrêt du 18 janvier 1 7 8 8 , que les m ots, ou sans
avoir valablement disposé, qui sont dans la clause de retour stipulée
p a r l a dame de V igier, pour elle et les siens, s’appliquaient au sieur
d’Oicet comme à ses enfans, puisque le testament qu’il avait fait en
faveur de sa fe m m e , au préjudice de ses frères, a cté confirmé. Par
conséquent, les mêmes mots répétés dans la clause stipulée par le sieur
D e ls o l, pour lui et non pour lui et pour Us siens, s’applique également
à la dame d’Orcet.
F
�.................................... (
4 0
Quoti'es in siipulatìonibus ambigua oratio est, commodissimum
est id accepi quo res de quà agitur in tuto sit. Leg. 86. f f. de
verbo, oblig.
Qiiotiès idem, sermo duas sententias exprim it , ea potissimùs
accipietur , quce rei gerendce aptior est. Leg. 6y. de Reg. ju ris ,
« Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes
» par les autres , en donnant à chacune le sens qui résulte
» de l’acte entier. Art. 1 1 6 1 du code Napoléon ».
U n e autre preuve se tire de l’institution universelle, q u e ,
dans la clause précédente, le sieur D elsol venait de faire en
faveur de sa fille.
Q uoi 1 elle était déjà nommée héritière de tous les biens,
de tous les droits qu’il laisserait à sa m o rt; elle était préférée,
com m e elle devait l’être , à des collatéraux qui n’ont jamais
de place dans le cœur d’un p è r e ; et l’on v e u t, qu’un instant
après, il soit subitement pris de tendresse pour e u x , au point
d’interdire sa fille unique et de les appeler à recueillir, libre
ment et sans condition , ces mêmes biens qu’il rend indispo
nibles dans ses mains !
Supposera-t-on en co re, et qu’est-ce q u ’une invraisemblance
de plus ? que le sieur Delsol pensait alors
aux enfans qu’il
a u ra it, douze ans après, d’un second mariage contracté à
l’âge de plus de soixante
ans ? Mais s’il
aimait
tant
ces
collatéraux , s’il avait l’ espérance d’être encore père, pourquoi,
à l ’exem ple de la dame de Y i g i e r , ne réservait-il pas le retour
pour les siens ? Pourquoi faisait-il, en faveur de sa fille, une
institution
universelle qu’il a depuis inutilement essayé de
révoquer , lorsqu’en effet on lui a suggéré l’idée qu’il n’avait
pas en 17 6 0 ?
Les sieurs Delsol répèteront-ils ce qu’ils ont d it , pages 5 et
20 du mémoire, que le testament de leur père est une preuve
�^3
(
43
)
manifeste de l’intention qu’il avait de leur transmettre ses biens
par le m oyen du retour?
O u i , ce testament prouve le dessein qu’avait le sieur Delsol
en 1 7 8 0 , lorsque, subjugué par sa seconde épo u se, il s’imagi
nait pouvoir disposer, à titre gratuit, des biens qu’en 1 7 6 0 il
avait assurés à la dame d’Orcet ; m ais, n est-il pas aussi une
preuve nouvelle , qu’en stipulant la réversion , il n’avait point
pensé à des enfans d’un autre lit ? S’il y eût pensé, n’aurait-il
pas stipulé pour lui et pour les siens , en copiant la clause
que la dame de V igier écrivait sous ses y e u x ? E t , s’il avait
cru que la sienne, telle quelle est, pouvait profiter à ses
en fan s, quel besoin avait-il de tester pour renouveller une
disposition faite dans le contrat de 1 7 6 0 ? Il est clair , au
contraire, que ce testament n’a été suggéré que pour détruire
ce contrat, et que l’extension du retour aux enfans du second
lit j n’y a été insérée , que pour donner à la clause un sens
auquel personne n’avait pensé en 17 6 0 .
Il ne faut pas supposer au sieur D elsol des intentions qu’il
n’a jamais eu. Il est évident, pour tout esprit raiso n n a b le ,
que, dans les circonstances où il se trou vait, il a voulu assurer
tousses biens à sa fille ; et, sans d o u te , q u a l’exemple de
tous les pères, il regrettait de ne pouvoir lui en donner davan
tage. Il a craint qu elle ne mourût avant l u i , sans postérité \
e t , pour ne pas perdre et sa fille et ses b ie n s , il a aussi voulu
que ceux-ci lui revinssent, mais il n’a pas porté plus loin sa
pensée.
Les sieurs Delsol disent so u ve n t, et par exprès, page 2 0 ,
que le redoublement de la clause fait présumer que le sieur
D elsol a pensé à ses héritiers. Mais peut-on invoquer des
présomptions, lorsque le contrat d e / 17 6 0 fournit une preuve
positive dans la différence des deux clauses de retour? N ’est-il
�(44)
pas visible q u ’ en se réservant expressément, c’est-à-dire, e/î
réservant à soi la réversion , tandis que la dame de V igier
la stipulait pour elle et pour les siens , le sieur D elsol n’a agi
que pour l u i , alors que la dame de V ig îer agissait pour elle
et pour ses enfans S Peut-on , après c e l a , proposer une inter- ,
prétation aussi contraire à la lettre de la clause ? Et ne voit-on
p a s , en mêm e-tem ps, que le sieur Delsol avait intérêt à la
stipuler pour l u i , afin d’empêcher sa fille de disposer à son
préjudice ; effet que ne pouvait produire le retour légal ? En
un m ot, quiconque lira ces clauses sans prévention , sera con
vaincu de cette vérité : le sieur D elsol s’ est préféré à sa fille ,
mais il a préféré sa fille à tout ce qui n’était pas lui.
C e sens contente à-la-fois le cœur et l ’esprit. Il découle
naturellement des différentes clauses de l ’ acte. Elles n’ont
rien d’incohérent, rien de contradictoire, rien qui pût effa
roucher quelqu’une des parties contractantes ; rien qui répugne
aux convenances qu’elles devaient o b s erve r, ni aux conven
tions qu’elles devaient réciproquement agréer dans un contrat
qui était le résultat de leur volonté commune.
Q u e l’on adopte le système des sieurs D e ls o l , et cet accord,
que la vérité seule peut produire , disparaît aussitôt,
ou n’a
plus que des stipulations disparates et révoltantes, des clauses
barroques et contradictoires, un sens absurde et inextricable.
A lors , il faut avoir une fôi assez robuste , pour croire que
la réserve de la dame de V i g i e r , pour elle et les siens , n’a
pas plus d’effet que la réserve du sieur D e lso l, pour soi expres
sément.
Q u e le sieur D e l s o l , faisant sa fille héritière, lui préféré
cependant des collatéraux pour lesquels il ne stipule rien.
Q ue la famille de V ig ie r , faisant une alliance avec la fo r
tune , a néanmoins la sottise de consentir des clauses qui
�'b ’f S
( 45 )
permettent au sieur d’Orcet
femme a sans que celle-ci
moindre chose.
de donner tous ses biens à sa
puisse jamais le gratifier de la
»
Q u e le sieur D elsol se réserve sérieusement de revenir de
l ’autre monde pour succéder à sa fille 3 après que celle-ci lui
aura succédé.
E t , qu’après sa m ort, le droit de retour , dont il aura été
saisi de son vivant , ne sera pourtant pas dans son hérédité
avec toutes ses autres a ctio n s, & c . & c .
M ais, qu’importe aux sieurs Delsol , d’insulter ainsi aux
facultés intellectuelles de leur père ? Q u e leur importe de
mépriser l’amitié de leur sœ ur, pourvu q u e , par a r r ê t , ils
parviennent a obtenir ses biens ? Les aveugles ! ils ne vo'ient
pas que la simple raison détruit tout leur système, et qu’à moins
de la renier volontairem ent, on ne peut sacrifier, comme eux
à l’injustice , la vérité à l’invraisemblance et le bon.
sens à l’absurdité.
Il
est donc v r a i, qu’ en fa it, le retour était personnel au
sieur Delsol, et que par conséquent, son décès l’a rendu caduc.
L e sieur D elsol n’ayant pas examiné cette proposition, la
dame d’Orcet n’a pas d’autres objections à réfuter.
E lle croit laisser dans les cœurs cette satisfaction qu’on
éprouve à l’apparition d’une vérité que l’on désire; et, dans
les esprits, cette v iv e conviction qui n’est jamais que le ré
sultat de la juste combinaison des actes et des principes.
Les autres propositions ne seront donc que subsidiaires#
r
�II.e P R O P O S I T I O N .
En droit,
' I
ls
le retour ne peut profiter aux sieurs
Delsol.
se sont trompés, les sieurs D e ls o l , s’ils ont cru que
la dame d’Orcet contesterait le principe de la transmission
q u ’ils ont invoqué dans leur mémoire.
Certes , quand les
lois anciennes et nouvelles ne le consacreraient p a s, la raison
seule dirait que celui qui acquiert, de quelque manière que ce
so it, définitivement ou sous cond ition , acquiert pour lui et
pour ses héritiers; tout comme celui qui s’o b lig e , oblige
également ses héritiers et ayans-cause.
M a i s , la raison dit pareillement, qu’il n’y a pas de principe
san^ exception ; que, par exemple, la transmission n’a pas lieu,
quand il s’agit d’un droit qui n’en est pas susceptible par luimême ou par les circonstances de la stipulation ; et v o i l à pour
quoi l’art. 1 1 1 2 du code N apoléon, résumant les anciennes lois,
a dit : « on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héri« tiers et ayans-cause, à moins que le contraire ne son exprimé,
» ou ne résulte de la nature de la convention ».
L a dame d’O rcet a prouvé dans la proposition précédente,
que le contraire était exprimé dans la donation de 17 6 0 . Il
faut voir maintenant si le contraire ne résulte pas de la nature
de cette donation.
D ’a b o rd , l’on ne peut nier qu’il y a beaucoup de stipula
tions qui ne passent pas aux
héritiers ; et ce sont toutes
celles q u i , par leur n a tu re , leur m otif ou leur o b jet, sont
bornées aux personnes des contractans.
Dans cette c la sse ,
>1 faut nécessairement ranger tous les contrats d’usufruit , de
rente viagère et tous autres de ce g e n re , q u i, quoique obli-
�'
t 47 )
gatoires pour les débiteurs et leurs héritiers,
cependant transmissibles à
ceux des
ne sont pas
créa n ciers, par
la
ra iso n , qu’à l’égard de ceux-ci , ils ne contiennent que des
conventions purement personnelles.
Dans cette classe, il faut ranger encor toutes les obligations
qui ne peuvent être exécutées que par les personnes mêmes
qui les ont consenties, parce qu elles ont pour objet des faits
personnels aux débiteurs qui ne peuvent être parfournis par
leurs héritiers ( 23 ).
Dans cette classe, il faut ranger toutes les conventions qui
prennent uniquement leur source dans des intérêts, dans des
motifs personnels au stipulateur. T e lle e s t , par exem ple , la
réserve faite par la fe m m e , de pouvoir reprendre, en cas de
renonciation à la communauté, tout ou partie de ce q u ’elle
y aura mis. Cette faculté se restreint aux objets désignés dans
le contrat ; elle ne s’étend pas aux enfans, si elle n’est accordée
qu a la femme ; les héritiers ascendans ou collatéraux, n’en peu
vent profiter, si elle n’est stipulée que pour la femme et les
enfans. H e n r y s , tom. 2 , l i v . 6 , quest. 3 , art. 1 5 1 4 du code.
D ans cette classe, enfin, il faut ranger le droit de retour,
lorsque le donateur ne l’a pas réservé pour d’autres que pour lui.
I c i , les sieurs Delsol vont s e c r ie r , que c’est déroger aux
lois qu’ils ont cité et notamment à la loi gènèraliter sancimus.
M ais, pourquoi y déroge-t-on pour les conventions d’usufruit,
de rente viagère? Parce qu’il est de la nature de ces contrats,
que l’ usufruit et la tente soient bornés à la personne du créan
c ie r , même sans stipulation particulière.
Pourquoi y déroge-t-on pour toutes les obligations qui ne
( * 3 ) Voyez Pothier, traité des obligations, part. 3. chap. 7. art 3.
§ 3 et suivans,
�( 4» )
peuvent être parfourhies que par ceu xq u i les ont contractées?
Parce que l ’objet de ces obligations est un se rv ic e , un travail,
une chose enfin q u i, dépendant de l’industrie ou du talent du
débiteur, ne peut être exécutée par ses héritiers.
Pourquoi y déroge-t-on pour toutes les conventions basées
sur des motifs personnels au stipulateur, comme dans le cas
prévu par l’art. 1 5 1 4 du c o d e ? Parce que la réserve faite
dans cette espèce, par la fem m e, étant une exception au droit
com m un, doit, comme toutes les exceptions, être restreinte au
cas exprim é; et parce que , cette réserve étant inspirée à la
femme par des motifs dont elle seule est juge, il ne convient
pas que ses héritiers puissent user d’une faculté remise à sa
seule prudence.
O r , le droit de retour n’est qu’une exception au droit
c om m u n , puisqu’il est absolument contraire à la nature des
donations entre v ifs , dont l'effet est de transférer incommur
tablement au donataire la propriété et la possession de la
chose donnée, sans aucune espérance de retour au profit du
7
donateur. R i c a r d , 3 , c partie, chap. 7, section 2 , Leg.
de donat. ( 24 )
Il est d ’ailleurs fondé sur des motifs personnels au donateur,
car celui-ci ne le stipule que pour ne pas s’exposer à perdre
à la fois ses biens et la personne qu’il gratifie; et toutes les
considérations qui l’y portent, sont prises dans son intérêt,
puisqu’ il n’y parle que de lui. L e retour conventionnel est la
copie du retour légal. C ’est un emprunt que l ’homme fait de
la loi.
M a is, disent les sieurs D e ls o l , page 1 2 et 13 , « le donateur
» qui réserve le retour n’a pas besoin de parler de ses héritiers*.
(
m
) V o yez çi-dessus, page 2.4.
c’est
�( 49 )
» c’est la loi seule , la force de la saisine et non pas l’intention
» positive de transmettre qui opère la transmission.il est vrai
» que la saisine elle - même
dépend en quelque sorte de
» l’intention du stipulant; mais c ’est seulement en ce sens
» qu’elle ne s’applique qu’aux droits que les parties ont eu
» en vue et pour les cas qu’elles ont exprimé ».
Les sieurs Delsol affectent de confondre entièrement les
deux principes de la transmission en général, et de la saisine
en matière de contrat conditionnel, au point q u e , selon ce
systèm e, toute saisine opérerait une transmission nécessaire 3
ce qui n ’est ni ne peut être si universel.
En effet, la transmission dans les contrats qui en sont
susceptibles, dérive de la r è g le , pîerumquè tam kœredibus
quam nobismetipsis cavernas.
• E t , dans les stipulations conditionnelles, la saisine résulte
de l’acte entre vifs. L a condition arrivant à effet rétroactif au
jour du contrat en faveur du stipulant, et l’espérance de la
recueillir passe à l’héritier, si la convention n ’ a rien qui s’y
oppose.
M ais il est si peu vrai que la transmission soit la suite de
cette saisine, qu’au contraire, celle-ci se continue dans la per
sonne de l’héritier, par la seule raison
qu’elle est censée
stipulée pour l u i , comme elle l’était pour celui qu’il représente.
L ’acte entre vifs
ne saisit et ne peut saisir que selon
l’intention des parties et dans les termes de leur convention.
Lorsque la stipulation est personnelle, comme dans les con
trats dont on vient de parler, la saisine n’a lieu quen faveur
du contractant, et l’effet rétroactif de la condition ne s’opère
que pour lui.
C ’est ce que Fontanella explique disertemcnt en ces termes:
D isposiùo dictiparagraphe ex conditionali siipulatione , inter
G
�C 5° )
alias limitztiones cjtias recipit , una est , ut non habeat locum
quando condiùo apponitur in persona stipulatoris ; tunc enim cùm
conditio dejiciat per mortem ipsius, contingentem ante mortem
alterius, non restai aliquod in conditionale , quod ad heredem
transmittatur , et sic non liabet locum dtspositio predict a qutc
transmissionem concedit ; Loquitur enim in aliis conduiombus
extrinsecis , non residemibus in persona stipulatoris , qvce non
dejiciunt per illius mortem , sed adhiic pendent, veluti si navis
ex asiâ venerit , vel alias , non verô in his quce, resident in
ejus personam et per ejus mortem deficiunt. L ’auteur cite Faber s
B a rth o le , Alexandre et d’autres D o c te u rs, et la lo i, si decem
ciim periero.
D o n c , la transmission ne dérive pas de la saisine, mais
de. la règle plerumque.
D o n c , pour décider si la stipulation conditionnelle passe
à l’héritier, il faut préalablement voir si elle est réelle ou
personnelle.
D o n c , si la loi dit en général que ex stipulatione conditio-
nali spes a d heredem transmittitur
ce n’est qu’en conséquence
de la règle générale plerumque.
D o n c , la transmission n’a pas lieu et la saisine est bornée
au stipulant, toutes les fois que la condition ne regarde que
sa personne.
Dans le plus grand nombre des contrats intéressés, la trans
mission s’opère, parce que chaque stipulant non tàm personam
quàm rem familiarem respicit.
Dans les dispositions testamentaires, il en est autrement ;
si le legs est con d ition n el, le légataire ne transmet pas son
droit à son héritier , s’ il décédé avant l’événement de la
condition , parce que le testateur est présumé n’avoir pensé
qu à la personne du légataire et non à celle de son héritier
�3
s,
( 51 )
qu’ il ne connaissait pas. N on idem est 'm conditionalibus legatls ,
dit V innius, sur le § ex condidonali , quià stipulationes etiam
conditionales ex prcesenti vires accipiunt, quamvis obligatio in
suspenso sit , legata autem derniim ciim deberi incipiunt.
.Et dans les donations, la transmission n ’a lieu qu’autant
que la condition est réelle.
R i c a r d , ( des dispositions conditionnelles, chap. 5, sect. i , )
a dit avec raison , que la condition n’empeche pas la saisine
qui résulte de la donation, et q u e, par suite , la condition a
un effet rétroactif.
Mais il n’a dit nulle part que la transmission ait lieu en
matière de donation conditionnelle, par le seul effet de la
saisine et sans qu’il soit besoin de consulter l’intention, des
parties sur l’étendue et la nature de la condition. Il n’a dit nulle
p a rt, que le retour stipulé par le donateur , doive s’étendre à
l ’héritier, et il a encore moins dit que cette extension fût une
conséquence de la seule saisine résultant de la donation. Il
ne pouvait ainsi confondre l’effet rétroactif de la condition
avec la transmission du droit conditionnel.
D o n c , la question actuelle gît à savoir si la stipulation
est réelle ou personnelle, ou pour mieux d ire , s’il y a lieu à
l ’application de la règle plerumqu'e.
Il faut observer ici que cette règle est un principe particulier
aux contrats onéreux et intéressés ; mais il n’en doit pas être
ainsi des contrats gratuits. L ’esprit d’intérêt dicte les premiers,
ad rem jam iliarem respic'nur. L ’esprit de bienfaisance préside
aux derniers, ut liberalitatem' et munijicentiam exerceat. Et la
loi gcneraliter sancimus , ne parle pas des dispositions ; elle ne
concerne que les stipulations , omnem stipulationem .
C ’est une pure équivoque de dire que la clause de retour
est une véritable convention : c ’en est une en ce sens, que
�(50
le donataire qui accepte la d o n atio n , s’oblige à exécuter les
c ha rg es sous lesquelles elle est faite ; mais cette convention
n’est que l’accessoire de la d on ation , c’est une condition
que le donateur impose à sa l i b é r a l i t é c ’est une loi qu’il
dicte à son donataire; et de là vient que si celui-ci la trouve
trop d u re, il peut répudier la donation ; ce qu’il ne pourrait
faire, si c’était une véritable convention qui ne se résout
que comme elle se fo rm e, par le consentement mutuel des
parties. C ’est donc par les principes des donations, qu’il faut
en interpréter les conditions.
O r , on l’a déjà dit, il est de l’essence de la donation,
d’emporter en faveur du donataire, la propriété absolue de
l ’objet donné. D at aliquis eâ mente, ut statim velit accipientis
f i e r i , nec ullo casû ad se reverti , et propter nullam aliam
causant ja c it quam ut liber alitatem et munificentiam exerceat^
et hœc propriè donatio appellatur. Leg. I , f f de donat.
Sans doute le donateur peut mettre des bornes à sa
l i b é r a li t é , m a is il d o it le s .e x p liq u e r . T oute ch a rg e, toute
condition qui tend à restreindre la libéralité, est de droit
étroit, comme contraire à l’essence de l’acte. Elle s’interprète
par l’esprit général de c e lu i-c i, qui est la libéralité et l’expro
priation.
Le donateur est présumé avoir voulu donner tout
ce qu’il n’a pas expressément retranché; il a dû clairement
designer les bornes dans lesquelles il voulait renfermer sa
donation. Ces maximes vraies pour toutes les donations,
le sont encore plus pour celles faites en contrat de mariage,
où la faveur du donataire est plus grande, où la libéralité
est présumée plus entière, où tout est de rigueur, parce que
tout y est réfléchi.
Q u e . les sieurs
Delsol
disent
maintenant, pourquoi la
transmission s’opérerait, lorsqu’il résulte de la clause, que la
�( 53 )
-condition est toute personnelle au stipulateur ; lorsque la
transmission est contraire à la nature de l’a c te ; lorsqu’enfin
elle est reprouvée par une loi formelle ? O r , ces trois raisons
se remontrent ici :
1 . ° S’il est vrai que la saisine ne peut se continuer
dans les héritiers, quand le contrat est fondé sur un d ro it,
un o b je t , un intérêt renfermé dans la personne du stipulateur,
pourquoi aurait-elle lieu dans le retour que le donateur n’a
stipulé que pour lui? N ’est-ce pas letendre à un cas non
exprimé par les parties? N ’est-ce pas aggraver une condition
qu’elles ont clairement expliqué,, et qu’il leur eût été facile
d etendre , si elles l’avaient voulu ? Q ue dans les conditions
qui peuvent indifféremment s’accomplir de leur vivant ou
après leur m o rt, il y ait transmission; que dans une vente
sous faculté de rém éré, par e x em p le, l’efFet de cette con
dition résolutoire concerne réciproquement les héritiers du
vendeur et de l’acheteur, cela se conçoit ; mais il en doit être
autrement, lorsque
la condition
tombe sur
la personne
même de l’une des parties; lorsqu’ il est évident, comme
dans l’espèce actuelle, que la condition a pour borne la vie
de celui qui l’a imposée pour son seul intérêt. N on habet
loctim quandb conditio apponitur in personâ stipulaioris.
2.° Il a été démontré que le retour est une exception au
droit com m un, absolument contraire à l’essence de la dona
tion entre vifs. O r , il est de r è g le , que les exceptions ne
s’étendent pas ; et certes , il serait bien plus contraire à la
nature de la donation, que la saisine du retour stipulé pour
le seul donateur, passât encore à ses héritiers.
3 .0
U ne loi s’y oppose, et les sieurs Delsol l’auraient déjà
remarqué, s’ils avaient lu la fin de la loi A v ia , dont ils
n’ont rapporté que le commencement: nec enim , ajoute-t-elle,
�C
5-4
)
eadem causa est patrls et mairis paciscentium ; qiùppe malris
pacium actionem prescriptis verbis constituit ; patris , doits actionem profectitice nomine competentem, conventions simplici
minime creditur innovare.
« C a r , il y . a de la différence entre le pacte du père et
» celui de la mère , au sujet de la dot ; en effet, il résulte
» du pacte de la mère l’action prescriptis verbis ; mais celui
du père ne
peut c h a n g e r,
par une simple convention,
» l’action de la dot profectice ».
Cette différence vient de ce que , dans le-droit R om ain ,
l’action de la dot profectice qui n’était autre chose que le
retour l é g a l , n’avait lieu que pour le p è r e , seul tenu, par
suite de la puissance paternelle, à doter sa fille. « C ’est là,
» disaient feu M M . Léo n et Babille , dans une consultation,
» le principe
général
qui veut , qu’en matière de retour
» conven tionnel, on distingue celui qui est stipulé par la
» m ère, de celui qui l’est par la p è re , et que celui-ci n’ait
» précisément d’autre effet que le retour lé g a l, si le père
» ne s’en est formellement e x p liq u é ,
de
manière à
» donner plus d ’étendue qu’il n’en a régulièrement,
lui
en vertu
» du droit commun ».
O r , de droit c o m m u n , le retour légal a-t-il jamais pro
fité aux héritiers du donateur ?
D o n c , en p rin cip e , le retour conventionnel du père est
restreint à
sa p erso n n e, toutes les fois qu’il
ne l’a
pas
étendu à ses héritiers.
D eux fameuses lois , disent néanmoins les sieurs D e ls o l ,
page 1 3 , décident formellement la question en faveur d es'
héritiers du stipulant :
L'u n e est la loi Ga'ius , 45 f f , soluto mairimonio .
L ’autre cst la loi A v i a , (5 c o d , de jure dotium,
'
�( 55 )
V o ici' l’espèce de la première de ces lo is :
« Gaius-Seius, ayeul maternel de Seia qui était sous la
»> puissance paternelle, a donné en d o t , pour sa petite-fille,
» à Lucius-Titius son m a r i, une certaine somme d’argent.
»> Dans le contrat qui contient les conventions d o tales, on
» a inséré cette clause qui a ete confirmée par une stipu» lation : si le divorce s'esi fa it entre les conjoints , sans faute
» de la part de la fem m e , toute la dot sera rendue à la femme
» ou à son ayeul maternel. On demande si l’ayeul maternel
» ve na nt à mourir aussi-tôt après cette convention , et
» qu’ensuite le divorce soit arrivé sans la faute de la fem m e,
» mais du vivant du père , sous la puissance de qui elle
» était, la stipulation produit encore une action et à qui
» cette action est acquise , si c’est à l’héritier de l’ayeui
» maternel ou à sa petite-fille.
L e jurisconsulte répond ; « il est vrai que cette stipula» tio n ,
faite par l’ayeul
m atern el, ne peut avoir a u cu n _
» effet dans la personne de la petite-fille, parce que cet
» ayeul a stipulé au profit de c e lle -ci, et qu’il est de règle,
» qu’on ne peut pas stipuler pour autrui; ainsi, l’action que
» produit cette stipulation , paraît appartenir à l’héritier de
» l’ayeul , hœredi stipulatoris actio competere videtur ►>,
D e ce fragment de texte , les sieurs Delsol infèrent que
le retour se transmet aux héritiers,- mais il n’était pas du
tout question de cela dans cette espèce.
L a dot n’avait pas été donnée à S e ia , et ne p o u v a it même
pas lui etre utilement constituée, parce que Seia était sous
la puissance paternelle; l’ay eu l maternel, contractant avec le
m a r i , avait stipulé un cas de
restitution de la d o t , et il
n’était question que de l’exécution de cette clause ; de p l u s ,
le divorce s’étant fait sans la faute de la fe m m e , le mari
�t
56
).
ne pouvait retenir la d o t , il devait donc la ren d re, non
à la femme , pour qui on n’avait pu stipuler , mais à l’ayeul
ou à ses héritiers ; le jurisconsulte devait donc répondre
comme il l’a fa it ; et cela ne ressemble en rien à la trans
mission du re to u r ; mais cela y ressemblé encore m oins, si
l’on achève de lire cette loi dont
aussi omis la fin.
« C e p e n d a n t, continue
les
sieurs
Delsol ont
le jurisconsulte, il faut d i r e ,
» dicendum est , que la dot peut être valablement payée à
» S e ia, quoiqu’elle n’ait pas d’action pour l’exiger, comme
» si l’ayeul avait stipulé qu’on donnerait une chose à lui
» ou à un tiers ; il sera même accordé à la petite-fille une
» action utile, en conséquence de cette convention de l’ayeul,
» afin qu’elle ne soit pas privée de l’avantage qu’il a voulu
» lui faire ; car la faveur due aux mariages et l'affection
» naturelle de l’ayeul pour sa petite-fille, doivent faire
» adopter ce parti ».
En core un c o u p , cela est étranger à la question dont il
s’agit ic i; et s’il en résulte quelque induction, c ’est que la
faveur due au mariage et à l’enfant donataire, doit
faire
écarter les héritiers du donateur.
V o ic i l’espèce de la loi A v ia .
« V otre ayeule a pu vous transmettre, si vous ave^ été son
» héritier, l’action qui résulte de la convention pour les choses
» qu’elle a données en dot pour votre fille , quoique l ’obli» gation des paroles ne soit pas intervenue ; car il y a de la
» différence, etc ».
O n ne voit pas quel parti les sieurs Delsol peuvent tirer
d une décision pareille. D ’une part, l’Empereur répond à
Sulpitius, que l’action n’a pu lui être transmise qu’autant qu’il
a ete héritier, si heures extitisti, ce qui prouve que cette
action
�'b J t
( 57 )
action aurait suivi la succession testamentaire; car, Sulpitius
n’étant que petit-fils, était exclu de la succession ab intestat
par les enfans de l’ayeule. D'autre p a rt, cette même loi fait
la distinction dont on a déjà parlé entre la convention stipulée
par la mère et celle stipulée par le père, et décidé formellement
que celle-ci n’a pas d’autre effet que le retour lé g a l, lorsqu’il
n’y a pas de stipulation plus étendue; ce q u i , loin défavoriser
le système du sieur Delsol, le renverse entièrement.
Ces deux lois sont donc loin de décider la question en
faveur des héritiers du donateur. E lle est de
plus jugée
çontr’eux par la lo i, quod de pariter 1 7 , f f ’, de rebus dubiis.
« La question qui a été agitée au sujet de plusieurs personnes
» qui meurent ensem ble, a été aussi traitée, par rapport à
» d’autres espèces; par e x e m p le , une mère constituant une
» dot à sa fille , a- obligé le m a ri, par une stipulation, à lui
» rendre cette d o t, dans le cas 011 la fille viendrait à mourir
» pendant le m a ria g e ; la mère est morte en même-temps,
» avec sa fille: les héritiers de la mère auront-ils, contre le
» m a r i, l’action provenant de la stipulation qu’elle a fait avec
>► lui ? L ’Empereur Antonin a' répondu, que cette stipulation
» ne donnerait point d’action contre le m a ri, par la raison
» que la mère n’a point survécu à sa fille ; quià mater filiez
» non supervixit.
L a stipulation du r e to u r n e passait donc pas aux héritiers
du donateur , à moins d’une convention expresse ; car, la fille
étant morte pendant le m ariage, le cas de la restitution était
o u v e r t , et il ne s’agissait pas de savoir qui de la mère
ou de la fille avait su rv é c u , mais bien si le mari devait
rendre la dot aux héritiers de la m ère, an ad heredem matris
actio ex stipulatu competeret. Peu importait que la fille fût
décédée avant ou après la m è r e 5 c a r , si elle était morte
H
�.
O8)
.
avant la m ère, celle-ci avait eu l’action et l’avait transmise
à ses héritiers ; et si elle était morte après la m è re , la saisine,
r é s u lta n t de la stipulation en faveur de la m ère, s’était con
tinuée, depuis sa m o r t , dans ses héritiers. Si d o n c , l’Empereur
a dit que la stipulation ne leur profitait p a s , attendu que la
mère n’a point survécu à sa fille , c’est parce qu’il a reconnu
qu'elle était personnelle à la mère et non réelle , et q u ’il
ne pouvait y avoir de transmission.
L a jurisprudence est-elle plus claire et plus uniforme que
les lois ? Les sieurs D elsol citent trois arrêts.
L e premier est celui dont parle P a p o n , au titre des d o
nations, art. 38. Mais
cet auteur n’indique ni la d a t e , ni
l ’espèce de ce ju gem en t, ni le tribunal qui l’a rendu.
L e sec o n d , qui est de 1 5 7 4 , est rapporté par M aynard,
liv . 8 , chap. 3 3 . Mais cet arrêt est du parlement de T o u
louse , qui s’est tellement écarté du d ro it, que , contre ses
dispositions formelles , il accordait le retour légal aux col
latéraux , même aux étrangers.
L e troisième est celui que le parlement de Paris rendit le
1 7 février 1 7 6 7 , entre les sieurs Lheritier et le marquis de
Mesmes. M a i s , il faut convenir que si jamais il a été permis
de faire fléchir les p rin cip e s, c ’était bien dans cette occasion.
L e sieur Lheritier ayant des enfans légitimes, avait donné '
à une belle-n ièce, c’est-à-dire à une étrangère, une somme
de 30*000 liv. qui lui retournerait , au cas du décès de la
donataire sans enfans ou de ceux-ci avant leur majorité. L a
faveur des enfans injustement dépouillés pour enrichir uti>
étranger, un grand seigneur , dût beaucoup influer sur cette
décision.
Mais ccs arrêts sont contredits par d’autres.
M o rn ac , sur la loi 5 t de ju re dotium7 en rapporte un du
�3 icj
t 59 )
19 mai ¡ 6 1 6 , qui a rejette la transmission. Les sieurs D elsol
diront en v^ in , qu’il s’ agissait d’un cas différent. Mornac qui
avait vu rendre cet a rrêt, pose ainsi la-question. Quœsitum
est in edictali auditorio , an stipulations reversionis conceptâ in
personam donantis in dotem , si donatarius sine hberis decesserit,
ju s iüu d revers ionis , ad heredes donatoris transeat ; dicimus
v u lg o , si le droit de reprise et de réversion passera aux
héritiers du donant ? Et l’arrêt a jugé la question contre
les héritiers , ut qui in stipulationem deducti non essent, parce
qu’ils n’étaient pas dans la stipulation.
L ’arrêt de 1 6 8 2 , rapporté par Gueret, au journal du palais,
est encore cité contre la transmission, par tous les auteurs
qui la rejettent. N o n , qu’il ait jugé la question en th è se ,
mais en ce qu’il a formellement reconnu le prin cipe, que le
retour doit être renfermé dans les termes de la stipulation.
L e donateur lui-même fut écarté du retour qu’il s’était réservé,
au cas qu’il n’y
eût pas d’enfans; parce que le donataire
avait laissé un enfant
qui cependant était
mort avant le
donateur. Gueret a fait là-dessus une discussion lumineuse
qui développe les vrais principes, et dont Bretonier fait l’éloge.
O n est encore moins satisfait, si l’on interroge les auteurs.
Les sieurs Delsol citent Lebrun.
Ils citent Laco m be ,• m ais, mal à p ro p o s, car il leur est
contraire. A u n .° 2 , Laco m be dit ce que les sieurs D elsol
ra p p o rte n t, page 1 7 du mémoire : on voit que dans ce para
graphe il ne fait que rappeler l’avis de Lebrun aux n.os 3 5 et 3 6 ?
duquel il renvoie. Et au dernier § de ce même n .° 2 , Lacom be
émet son opinion en ces termes : « Bretonier sur H e n ry s
» eodem , est d ’avis contraire avec raison, parce que la réversion
» conventionnelle dépend entièrement de la stipulation des
�( 6 0 ). . ,
» parties ». E t B r e t o n ie r ,à l’endroit cité par L a c o m b e , réfute
le système de la transmission.
Ils citent H enrys. Cet auteur avait d’abord adopté la v is
opposé à la transmission ; mais il en c h a n g e a , d’après M aynard,
et son principal m otif est q u e , le père stipulant le retour de
la d o t , si sa fille meurt sans en fan s, ou ses enfans sans descendans , ne s’est pas persuadé que cela pût arriver de son
v iv a n t , et n’a eu une visée si longue , que parce qu il a pensé
à ses héritiers; mais ne peut-on pas répondre, avec G u e re t,
que dan£ un contrat entre v ifs , où plusieurs parties arrangent
ensemble leurs con v en tio n s, il n’y a rien de m ental; qu’une
partie ne contracte pas selon les pensées de l’autre, mais selon
ce qui est écrit ; qu’il est inutile de recourir à des présomptions,
quand les parties ont clairement manifesté leur idée et qu’il
leur était facile de l’étendre par d ’autres stipulations ; qu’enfin,
on ne peut croire que le donateur a pensé à ses héritiers,
parce q u ’il a parlé de ses p e t it s - e n fa n s , p u i s q u e , dans moins
d’un a n , la condition prévue pouvait s’accomplir. Dans l ’es
pèce actuelle, par exem ple, la dame d’O rcet pouvait m ou rir,
laissant un enfant, et celui-ci mourir peu après, sans descen
d a is. Il ne fallait pas même un a n , pour que le sieur Delsol
vît arriver le cas dont il redoutait les suites ; et c’est cette
crainte et non la pensée de ses héritiers, qui lui a suggéré la
clause du retour.
Enfin , à l’audience ,
les sieurs D elsol ont cité C h a b r o l ,
qui se fonde sur H en rys et sur l’arrêt de 17 6 7 .
A ces auteurs , la dame d’O rc e t en oppose un plus grand
de jure dotium, Bretonier ,
sur H e n r y s , tom. 2 , liv. 6 , quest. 3. G u e r e t , journal du
palais. D o m a t, lois civile s, liv. 2 , tic. 2 , sect. 3. B o u ch eu l,
nombre. M ornac , sur la loi 5.
�( 6 i )
conventions de su c c é d e r, chap. 1 2 , n .° 7 1 . Arnaud d e là
R o u v iè re , traité du droit de retour.
Les sieurs D e lso l récusent M o r n a c ; mais on a déjà vu que
c ’est sans raison.
Ils récusent B reto n ier, parce qu’il s ’ est trompé ou qu’il a
seulement voulu d ire , qu’il ne faut pas trop etendre le retour.
Po u r toute réponse, il suffit de lire l’auteur. Après avoir parlé
d ’H e n ry s, de M aynard , de P a p o n , de L e b r u n ,
il d it :
« n o n o b s ta n t toutes ces autorités, j ’ai bien de la peine à me
» ranger à cette opinion ; ma raison est, que dans cette occa-
» sion il s’agit d’une réversion conventionnelle qui dépend
» entièrement de la stipulation des parties; o r , les stipulations
» sont de droit étroit et ne s’étendent, pas d u n cas à un
» autre , & c ».
Us récusent B o u c h e u l, parce q u ’il cite l’arrêt de M o r n a c ;
m ais, outre que cet arrêt est dans l’esp èce, Boucheul se fonde
encore sur d’autres arrêts de 1 5 8 4 et 1609 .
Enfin ils récusent Arnaud-Larouvière , comme ne connais
sant pas les premiers principes de la matière; tandis qu’il a
fait., sur fe droit de re to u r, un traité complet qui est géné
ralement cité.
Mais la vérité sortira-t-elle de ces lois qui se contredisent,
de ces arrêts qui se con trarien t, de ces auteurs dont les opi
nions se balancent ?
N on. Les lo is! elles sont tirées du code des R o m a in s, qui
avaient, sur la d o t, des pratiques inconnues dans notre légis
lation ; les usages de ce p eu ple, qui donnaient au mari la
dot de la femme décédée en m a ria g e , ( ce qui nécessitait la
stipulation dotem reid i
contre le mari )
rendent
peut-être
étrangères à la question actuelle, des décisions qui pourraient
bien être uniquement relatives au cas où la stipulation de
�(
■)
•restitution de dot devenait une convention entre le donateur
et le m a r i , et où il ne s’agissait pas de la considérer comme
une -charge imposée à la d onation, au profit du do n ateu r,
contre le donataire.
Les arrêts ! Celui de 1 574 est du parlement de Toulouse ;
ceux de 1 6 1 6 et de 16 8 2 sont au contraire de celui de Paris ;
et l’arrêt de 1 7 6 7 , qui est le seul rendu depuis les deux autres >
j i ’a certainement pu fixer la jurisprudence. Est-ce là cette série
non interrompue de décisions u n ifo rm es, qui transmettant
d ’âge en âge un point de doctrine , commande l’assentiment
universel et supplée au silence de la loi ?
D ’ailleurs, on ne peut se dissimuler que le retour con ven
tionnel étendu aux héritiers, a les effets de la substitution ,
puisque le donataire et ses enfans ne pouvant disposer, sont,
par le fait, chargés de conserver et de rendre ; ce qui fait
dire à R ic a r d , n.° 7 9 8 , que le droit de retour est une véri
table espèce de fidéicommis 3 sujet à l ’ h y p o t h è q u e de la dot
com m e les biens substitués, ainsi que l’a jugé le parlement
de T o u lo u se , par arrêt de 1 5 9 0 . Cetfe analogie a dû néces
sairement influer sur les arrêrs rendus en matiète de retour.
O r , ceux qu’opposent les sieurs D e lso l, datent d’un temps
où les substitutions conjecturales étaient admises. Celui de
1 7 6 7 a lui-même statué sur une stipulation faite en 1 7 1 2 . E t
i c i , il s’agit d’une clause insérée dans un contrat de 1 7 6 0 ,
postérieur à l’ordonnance de
1 7 4 7 > qui a défendu d’établir
aucune substitution sur des conjectures. ( Art. 1 9 ) .
Les auteurs ! L e plus grand nombre et sur-tout les plus récens,
ont écrit contre la transmission. Mais des opinions qui ne réunis
sent pas l’approbation générale , peuvent-elles servir de règle?
O ù donc sera le terme de cette incertitude ? O ù se prendra
Je motif de décision ?
�3^3
Dans le code des Français.
E t , que les sieurs D elsol ne crient pas à l ’efFet rétroactif.
11 ne s’agit pas de prononcer sur une clause expresse d’un
acte antérieur au c o d e , car il n’y a pas de stipulation en faveur
des héritiers du sieur Delsol ; et la question actuelle ne serait
pas agitée, s’il avait réservé le retour pour les siens.
Il ne s’agit pas de juger contre une législation préexistante
ou contre une jurisprudence reconnue.
11 ne s’agit pas d o te r aux sieurs D elsol un droit a cq u is;
car ils ne prétendent qu’à une expectative con d ition nelle, et
la difficulté consiste à décider s’ils peuvent l’avoir.
Il s’agit seulement de résoudre une question qui n’est clai
rement tranchée ni par les lois , ni par les arrêts, ni par les
auteurs; et, nul doute a lo rs, que l’autorité du code ne doive
prévaloir.
« Est-il v r a i , messieurs, d isait, au tribunal de la Seine,
» M . Jo u b e rt, Procureur im périal, dans une
question qui
» présentait la même difficulté ( 2 4 ) . Est-il vrai que le code
» civil ne doive avoir aucune influence sur vos décisions,
v dans les contestations sur des droits qui lui sont antérieurs ?
» Cela est v r a i , sans doute , quand il existe, pour décider
» les q uestions, des lois claires et précises , ou< ce qui n’est
» guère moins respectable,
une jurisprudence
constante et
» invariable .
(24 )
Il fallait juger s’il y avait péril d’cviction pour une vente passee
en l ’an 3 , et interpréter la lo i 1 8 , § i . er, ff. dt ptriculo et commodo rei
venditœ. C e magistrat a fait décider la question par l ’art.. 16 53. du c o d e ,
dont le moindre bienfait n’est pas d’av o ir mis fin sur cet objet com m e
sur beaucoup d’autres, à toutes les subtilités du droit
dt la cour dt cassation , an 1 3 .
Romain. Jurisprudence
�*¿4
C ¿4 )
» M a is , lorsqu’on ne vous présente, pour motifs de décision
» que des lois obscures où chaque partie trouve ce qu’elle
» v e u t , que des arrêts qui s’anéantissent, que des auteurs qui
» ne sont pas d’accord ;
» S ’il se présente alors un code destiné à f ix e r à jamais nos
» relations civiles et sociales , q u i , repoussant cet esprit no» vateur, auquel nous devons tant de funestes essais, n’a fait
» que réunir les lois que l ’expérience des siècles a rendu éter>♦ nelles comme celles de la nature ; un code rédigé par les
» hommes les plus recommandables par leurs vastes lumières ;
>> sur la rédaction duquel tous les S a v a n s , tous les Magistrats
» de l’Empire ont été appelés à donner leur avis ; ce code ne
» devra-t-il pas être le guide le plus s û r , l ’autorité la plus
» respectable que nous puissions vous offrir ? Et lui préférer
»
v
»
»
une jurisprudence versatile ou des auteurs qui se contredisent, n e serait-ce pas imiter la folie de ces n a v ig a t e u r s
q ui, après l’invention de la b o u s s o l e , s’o b s t in a ie n t à suivre
les é to ile s q u i le s a v a ie n t si s o u v e n t é g a ré s » ?
A la v o ix de cet éloquent M agistrat, le code s’ouvre de
lui-même.
A
rt.
»
m z . « O n est censé avoir stipulé pour soi et pour
» ses héritiers ou ayans-cause , à moins que le contraire 11e
» soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention.
A r t . nyç). « L a condition accomplie a un effet rétroactif
» au jour auquel l’engagement a été contracté. Si le créancier
» est mort avant l’accomplissement de la condition, ses droits
» passent à son héritier.
A
rt.
g b i. « Le donateur pourra stipuler le droit de retour
» des objets d o n n és, soit pour le cas du prédécès du donataire
» seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses
» doscendans.
Ce
�( «s )
» C e droit ne pourra être stipulé qu’au profit du donateur seul ».
A in s i, le code admet le principe de la transmission, pour
toutes les conventions qui en sont susceptibles. A r t . n z z .
Il consacre la saisine résultante du contrat et l'effet rétroactif
de la condition. A r t . 117 9 »
Mais, il reconnaît que le retour conventionnel,étant emprunté
du retour l é g a l , et d ic te, comme c e lu i-c i, par des motifs per
sonnels au donateur, n’est pas susceptible de transmission ; que
la sa isin e n e peut en passer aux héritiers, et il en restreint
la stipulation au donateur. A r t . g b i .
E t , ce qui prouve évidemment que cette disposition a été
universellement considérée comme un corollaire des anciens
principes, c ’est q u e , ni dans les observations des T rib u n s,
ni dans la discussion du Conseil d e ta t, ni dans les discours
prononcés au C orps législatif, elle n’a éprouvé aucune opposi
tion i et il n’a été rien dit qui puisse amener à croire que l’on
faisait une loi nouvelle. C ’eût été cependant un point assez
essentiel pour fixer l’attention de quelqu’u n , parmi les nom
breux collaborateurs du code. ( 2 5 )
__________________ ♦ ________________________________________________
(25)
Les sieurs D elsol se debarrassent de l’art. 9 5 1 , d’une manière
tout-à-fait aisée. Ils disent, dans leurs défenses, signifiées le 1 juillet 18 0 7 ,
q u e , « l’on peut assurer d’avance, qu’à la première révision du code c iv il,
v une disposition subversive de tous les principes reçus, et qui forme
» antinomie com plète avec l’art. 1 1 7 9 qui a paru postérieurement, sera
» nécessairement reform ée;et que la transmissibilité sera, comme aupara»> vant, consacrée par les lois et exécutée par une jurisprudence uniforme ; »
C ’est-à-d ire, en d’autres term es; que les auteurs du code se sont trompés.
Les sieurs D elsol ne leur feraient pas ce reproche, s’ils voulaient ne
pas confondre ce que le code a distingué. L’art, n z z retrace la règle
pltrumquï. L ’art. 1 1 7 9 rappèle l’eflet rétroactif de la cor.dition;et l’art. 9 5 1 ,
appliquant les deux autres, décide que le retour
est
au
nombre
I
des
�J&
( 66 )
L e s sieurs D e ls o l, diront-ils que l’art. 9 5 1 prohibe seulement
la stipulation du retour pour les héritiers du donateur, mais
qu’ il ne décide pas que les héritiers ne succèdent point à la
réserve qu’il en a faite pour lu i; qu’ ainsi, on n’en peut inférer
qu’il a terminé l’ancienne controverse ?
Il est facile de v o ir , qu’en disant, par l’art, u z i , que l’on
stipule pour ses héritiers, à moins que le contraire ne soit
exprim é) ou ne résulte de la nature de l’a c t e , le code n’a
fait que retracer la règle plerumquè.
E t , en d is a n t, par l ’art. 9 5 1 , que le retour ne peut être
stipulé que pour le donateur s e u l , le code a seulement fait
l’application de cette règle.
Mais, il en résulte nécessairement qu’il reconnaît et rejette
la transmission du retour, comme contraire à la nature des
donations ; e t , en cela, il ne détruit ni législation, ni juris•
/
,
prudence antérieure. Raisonner autrement, ce serait soutenir,
qu’aujourd’hui m êm e, la réserve du retour pour le donateur ,
passerait aux héritiers , m a lg r é l’article 9 5 1 , et a u r a it indi
rectement l'effet qu’il refuse à la stipulation expresse, en faveur
des héritiers.
*
Et ce qui rend cette application du code juste et raisonna
b le , c’est qu’elle coïncide parfaitem ent, soit avec les princi
pes , soit avec la stipulation.
A v e c les principes: parce que le droit de retour est conconditions et conventions non transmissibles aux héritiers. Les sieurs
D elso l veu len t, ail contraire, d’après le § ex conditionali stipulationc,
que toute condition soit nécessairement transm issible, sans distinction
de celles q u i , par la nature de l’acte ou l’intention des p a rtie s, sont
personnelles au stipulant. T oute leur défense repose sur cette erreur; et
quoiqu’cue so; t ¿yidente et heurte également les anciens et les nouveau x
principes, ils sont condamnés h la soutenir jusqu’à la fin.
�3 (T>
C
traire à l’essence de la
* 7
)
donation entre vifs ; qu’il est une
exception et doit être, par conséquent, restreint dans les bornes
que le donateur a posé; qu’il contrarie la faveur des mariages,
la liberté des dispositions, la circulation des propriétés ; qu’il
prend enfin sa source dans des motifs personnels au donateur,
comme le retour légal dont il est 1 image.
A v ec la stipulation : parce q u e lle ne parle que du donateur;
quelle a été faite en 1 7 6 0 , temps où les maximes consacrées
par les arrêts de 1 6 1 6 et 1 6 8 2 , et professées par B re to n ie r,
par Boucheul, par Arnaud de la R o u v i è r e , q u i, les derniers
avaient traité cette matière, donnaient la prépondérance aux
adversaires de la transmission , et que les parties s o n t , indé
pendamment du fa it , censées avoir contracté suivant l’opinion
dominante ; de sorte que la clause trouve sa décision dans
les mêmes principes qui présidèrent à son origine.
Il est donc vrai de dire qu’en droit ,
profiter aux
le retour ne peut
sieurs D elsol.
III.e
P R O P O S I T I O N .
Dans tous les cas, taction du retour tomberait dans
l'institution et se serait confondue dans la personne
de la dame d’O rc e t, héritière universelle.
L
a
dame d’O rcet aurait pu,sans danger, se borner à prouver,
ainsi qu’elle l’a fait dans sa première proposition , que la
clause du retour était purement personnelle à son père ; ce
n’est que pour suivre les sieurs D elsol dans toutes les parties
de leur système et en faire v o ir le peu de fo n d e m e n t, sous
tous ses rapports, qu’elle s ’est prêtée à examiner trois propo
sitions subsidiaires.
�( 68 )
Dans l’une, elle vient d’établir, qu’en d r o it , le retour ne
peut profiter aux sieurs Delsol.
Dans c e lle -c i, elle va démontrer que l’action qui aurait
pu en résulter, se serait confondue dans l’institution universelle.
Il a été prouvé dans la première partie des m o y e n s , que
réservés ne pouvait concerner que les
10 ,0 0 0 liv. dont le sieur Delsol s’était réservé la disposition,
parce qu’il-avait autrement désigné les biens institues, et que
le retour des biens
ceux-ci n’avaient pu être frappés de re to u r, parce qu ils ne
pouvaient retourner au sieur D e lso l, après sa m o rt, ni passer^
à ses enfans du second l i t , sans fidéicommis.
L ’institution doit donc être considérée comme pure et simple.
O r , cette institution est universelle; elle comprend tous
les biens, tous les droits, toutes les actions et généralement
tout ce qui pourrait appartenir au sieur D e ls o l , au temps de
sa m o rt; et il n’en avait été distrait que 10,0 0 0 liv. q u i, faute
de disposition , devaient y rentrer.
C ’est donc la dame d’O r c e t , héritière instituée, qui seule
représente le sieur Delsol.
Hœres in omne ju s m oriui, non tantum, singularum rerum
dominium sutcedii. L eg 3 3 , j f d e acquir . , vel omit, hered.
Hccreditas nihil aliud est quam successio in universum ju s
quod dejunctus habuerit. Leg. G z , j f de. reg. ju r.
Bona ità accipienda sunt , universitatis cujusque successionem,
quâ succeditur in ju s demortui : suscipiturque ejus rei commodutn. N am , sive solvendo sunt bona , sive non sunt : sive
damnum habent , sivelu crum : sive in corporibus sunt , sive in
actionibus , in hoc loco , propriè bona appellantur. Leg. 3 ,
J f de bonor. posess.
M aintenant, si l’on suppose que le droit de réversion des
biens donnés, peut être transmis aux sieurs D e ls o l, ce ne
�( ¿9 )
sera pas comme étant directement appelés en leur qualité
d ’enfans du second lit de leur p ère, car il n y a pas de v o
cation pour eux dans la clause, et il ne pourrait y en avoir,
puisqu’il ne pensait pas alors au mariage qu’il n’a contracté
que 1 1 ans après ; ce ne sera donc que comme héritiers du
sieur D e ls o l; et sans doute, q u a cet ég ard , ils ne récuseront
pas leur propre autorité,
« L e droit de retour, stipulé par le donateur, disent-ils,’
» page 9 , même pour lui s e u l, se transmet aux héritiers : les
» héritiers n ’ont pas besoin de la vocation de l’homme pour
» profiter du droit dont leur auteur est mort saisi ; ils n’ont
» besoin que de celle de la loi qui les saisit de tous les droits
» du défunt, qui les subroge à la saisine, en la continuant
» en leur personne.
Et page z 6 , « les héritiers différent même si peu du défunt,
» en matière de stipulation, et s o n t , au contraire , tellement
» identifiés avec l u i , qu’ils en tren t, par la force de la loi ,
» dans les stipulations , pour ainsi d i r e , malgré lui ; qu’ ils
» y entrent sans qu’il les no^nme, sans qu’il s’occupe de leur
» intérêt, sans qu’il le prévoie ; et qu’il suffit qu’il ait stipulé
» pour lui et qu’il n’ait pas formellement déclaré qu’il n’enten« dait stipuler que pour lui-même , pour qu’il a it , dans le
» même temps et par cela s e u l, stipulé pour eux ».
Les sieurs D elsol n’ont pas sans doute fait attention, qu’en
raisonnant a in si, ils plaidaient pour la dame d’Orcet ; leur
père a fait une institution universelle, et ce n’est pas en leur
fa v e u r; c a r , en 1 7 6 0 , ils étaient dans le néant et personne
ne pensait à eux ; c’est au profit de la dame d’Orcet. Il faut
donc qu’ils reviennent sur leurs pas , et qu’à la place de
ce
mot héritiers, qui leur a si souvent échappé , ils substituent
c e lu i- c i, enfans qu parens.
�( /
Mais il ne suffira pas de faire cette correction ; il faudra
aussi démentir les deux lois et Domat , qu’ils citent à la fin
de la page 25. Il fa u d ra , de plus, désavouer la loi A via ,
qu’ils in v o q u e n t, pages 13 et 14 .
Dans cette loi , l’Empereur ne dit à Sulpitius, que
son
ayeule a pu lui transmettre l’action qu’elle avait pour les
choses données à la fille de Sulpitius, qu’autant qu’il a été
son héritier, si heures extitisti. Il était en effet évident que Sul
pitius étant exclu de la succession légitime de l’a y e u l e , par
les enfans de c e lle -c i, elle n’avait pu lui transmettre cette
action , que par testament, si hczres extitisti.
L a même décision se trouve dans le § pâte r de la loi 4 0 ,
ff de pactis.
Dans cette esp èce, un père mariant sa fille unique, lui
promet une dot dont il paie la rente, et stipule que si la fille
meurt sans enfans pendant le mariage (auquel cas la d o t,
selon le droit du digeste , appartenait en entier au mari )
son frère , son héritier pourra retenir la moitié de cettedot ;
depuis, lui étant survenu des enfans qu’il a institués héritiers
par testament, on demande si cette stipulai ion profite aux
enfans ou au frère du donateur; Papinien répond : E a con-
vendo libens posteà suszeptis et hœredibus testammto reliais
proderit , cùm inter contrahentes id actum sit ut hœredibus cou
su la tur , et illo tempore quo pater altos filio s non habuit in
fratrem suum judicium supremum contulisse videatur.
E t , C u ja s , sur cette, l o i , ajoute : Actum fra tri ut hæredi
consistit in personâ cujucumque hccredis, non in personâ jratris
qui non extitit hczres : ergo et in personâ hccredis extranei, nedàm
in personâ f i l i i hccredis instituù .
D o n c , en pareil c a s , les enfans ne succèdent pas à l’action,
comme enfans du stipulateur, mais comme ses héritiers institués,
�( 70
et en vertu de la disposition qui leur transmet tous ses biens i
au point que, si un étranger était institué h é ritie r, c’est à lui
que l’action appartiendrait,
au préjudice des enfans.
D o n c , les sieurs D elsol, n ’étant pas héritiers de leur père,
ne p e u v e n t , de leur propre a v e u , revendiquer une action
qui n’est pas attachée à leur qualité d enfans du sieur D e ls o l,
et qui suit, comme tout ce qui lui appartenait, le sort de
son hérédité.
*
'
Les sieurs D elsol n’étant pas directement appelés comme
enfans ni d’aucune autre m anière, ne peuvent avoir plus de
droit que n’en auraient les autres parens de leur père. Sup
posé , en effet, qu’il ne se fût pas remarié et q u ’ il n’eût laissé
que la dame d’Orcet et ses autres parens qui ne sont connus
de personne, pas même des sieurs D e ls o l: on le demande,
serait-il entré dans l’idée de quelqu’un , que la dame d’O rcet
n’était pas propriétaire absolue des biens de son père ? Si un
collatéral eût consulté sur les prétentions que font valoir les
sieurs D e l s o l , on lui aurait certainement répondu que, n’étant
ni hériiier institué , ni appelé par la c la u se , il était sans qualité.
E t , parce que les sieurs D elso l sont venus au monde, 1 2 ans
après la clause , ils p o u rro n t, ce que n’aurait pu ce collatéral,
tandis qu’ils ne sont , comme l u i , ni appelés spécialement,
ni institués héritiers par aucune disposition! N o n . Eadem
causa , idem jus.
Pour se convaincre de plus en plus de toute la fausseté
de leur sy stèm e, il suffit d’en examiner les conséquences:
elles ne vont à rien
les principes.
moins q u ’à choquer la raison et tous
Ils prétendent, page 33 , que le contrat de mariage donne
tout à la dame d’O r c e t , excepté le droit de retour j qu’en
�( 71 )
fnême-temps, ce droit est transmissible, et qu’ils sont appelés
à le recueillir, comme héritiers de leur père.
M a i s , n’est-il pas constant que la dame d’O rcet est son
héritière universelle , et que l’institution qui lui a fait passer
tous ses biens, n’est, ni n’a pu être grevée de retour ?
Com m ent pourrait-il donc se faire que la dame d’O rc e t,
ayant en sa faveur une institution un iverselle, il existât
n éan m o in s, dans la succession de son p è re , un d ro it, une
action quelconque, qui fût retranchée de cette institution,
lorsque rien n’en a été distrait par la clause qui la contient ?
C om m ent pourrait-il être que la dame d’Orcet, prenant tous
les b ie n s, comme héritière contractuelle, il restât quelque
chose de l ib r e , pour les héritiers naturels ?
,
Il y aurait donc deux successions ; l’une conventionnelle,
qui comprendrait tout, hors le retour; et l’autre
intestat ,
qui ne comprendrait que le retour seul.
M ais cela est-il possible ? L ’institution contractuelle de tout
ce que l’instituant laissera à son d écès, n’est-elle pas un titre
u n iversel, comme le testament ; et l ’héritier ne prend-il p a s,
dans les deux c a s , tout ce que le défunt possédait ?
Il n’est pas de principe plus constant que celui de l’indivi
sibilité de la succession : l’héritier ne peut en accepter une
partie et rejetter l’autre; sa qualité est universelle; et ne fût-il
institué qu’en une partie, il serait héritier pour le tout. D e là
est venue cette règle du droit R o m ain : Ju s nostrum non patitur
cundcm in paganis ( 2 6 ) , et testato et intestato decessisse, eaî unique
rerurn nattiraliter inter se pugna est , testants et intes-
m u s, Leg. y , f f de reg. ju r.
(16 )
Id est in rebus p a g a n i, re i non militis.
Ñeque
�( 75")
Nequè etiim idem ex parte testatus, et ex parte intestatus
decedere potest. Instit. b de hered. instit,
Domat, lois civ. , l i v . , tit. i , sec. i , et liv. 3, tit. 1 , sec. 9 .
C ’est ce qui fait dire à M. M e r lin , dans son répertoire
universel de jurisprudence, au mot condition , q u e , « Si une
» seule personne est instituée héritière en une partie de la
» succession, et sous condition pour 1 a u tre , elle recueillera
» la succession; parce que la moitié qui lui est donnée, sous
» con d ition , n’appartenant à p erso n n e, se réunira à l’autre,
» par droit d’accroissement.
» Q ue la raison de cette décision sort de ce prin cipe,
» qu’un testateur ne peut pas laisser sa succession tout-à-la-fois
» par testament et sans testament, partim testatus, partïm in » testatus. C ’est pour éviter ce partage choquant d’une chose
» indivisible , que le droit d’accroissement a été introduit dans
» les successions. A in si, ajoute-t-il, l’institution conditionnelle
» d’une partie de la succession 3 ne peut avoir aucun effet
» lorsqu’elle regarde la même personne que l’institution pure
» et simple ».
Ces règles de l’indivisibilité de l’institution , s’appliquent à
celle de la dame d’Orcet ; quoique portée dans un contrat
de m ariage, elle n’était pas moins re n v o y é e , pour l’exécution,
au décès du sieur Delsol ; elle a tous les effets d’un testament.
L a dame d ’Orcet a donc réuni sur sa tête toutes les actions
que pouvait exercer son père ; et si l’on s’obstine à vouloir
que le droit de retour lui ait su rvécu , il a nécessairement fgic
partie de sa succession y il était in bonis , et dès le moment
du décès du sieur D e l s o l , il s’est éteint par la confusion qui
s est faite dans la personne de la dame d O r c e t , des deux
qualités de créancière et de débitrice du même objet. A rt .
13 0 0 du code Napoléon .
K
\
�( 74 )
I l en est autrement, lorsque c’est un étranger ou un colla
téral qui donne et se réserve le retour pour lui et pour ses
héritiers , en cas de décès du donataire sans enfans ou que,
laissant des en fans, ceux-ci viennent à mourir sans postérité.
L ’héritier du donateur et celui du donataire sont différens. L a
qualité de donataire et celle d’héritier du donateur ne se
rencontrent p a s; et par conséquent, il n’y a pas ljeu à l’ex
tinction du droit de retour qui marche avec la succession
du donateur, de même que la chose donnée marche avec
l’hérédité du donataire. C e sont des lignes ou des descendan
ces qui communément ne se confondent pas. E t en effet, il
n’ y avait pas eu de confusion dans l’espèce de l’arrêt du 1 7
février 1 7 6 7 , car il n’y aurait pas eu de p ro cès, si la de
moiselle R acin e eût été instituée héritière du sieur Lhéritier.
Q u e l’on compulse tous les auteurs, tous les recueils d’arrêts,
on ne trouvera aucune espèce pareille à c e lle -c i, où la do
nataire est en même-temps héritière un iverselle, grevée de
r e to u r d an s u n e
q u a l i t é , et a p p e lé e d a n s l’a u tre à r e c u e illir
toutes les actions du donateur.
Les sieurs Delsol n’ont aucun titre pour empêcher cette
confusion. Ils n’avaient qu’un droit à la succession de leur
p ère, et ils l ’ont consommé. Il leur revenait une légitime; ils
• l ’ont prise en biens héréditaires dont ils disposent à leur gré; ils
- l’ont prise sur les biens donnés dont la valeur a été rapportée
à la succession ; ils ont reconnu leur sœur pour héritière uni
ve rselle; ils l’ont chargée d ’acquitter les dettes de l’hérédité;
ils n’ont fait aucune réserve ; quelle pourrait donc être leur
qualité? Héritiers naturels: ils sont exclus par l’héritière
générale contractuelle. La disposition de leur père ne contient,
en leur f a v e u r , aucune vocation
particulière au droit de
retour. 11 a donc suivi le cours de la succession.
�T>yj
\
y
^
( 75 )
O n ne contestera pas, sans d ou te, que l’héritier contrac
tuel ait tous les d ro its, toutes les prérogatives de l'héritier
légitime et testamentaire.
Dans les institutions contractuelles, dit Dénisart, au mot
institution , n.° 7 , 9 , 1 0 , 1 1 et i a , même dans celles qui
changent le cours ordinaire des successions, l ’institué est un
héritier trè s.-p a rfa it et très-véritable ; il représente aussi par
faitement la personne du défunt que l ’héritier légitime,* il est,
comme l u i , saisi de la succession ; la règle le mort saisit le
v i f 1 a lieu en faveur de l’une et de l’autre espèce d’héritier:
et en c e l a , cet auteur n ’est que l’écho de tous ceux qui ont
parlé des institutions contractuelles.
Les sieurs Delsol objecteront-ils, comme ils l’ont fait dans
leurs défenses et à l’audience, que leur père a v o u lu , que
si la dame d’O rcet mourait sans enfans, les biens donnés
revinssent
à lui ;
q u e , ce cas a rrivan t, ils
ne
peuvent
revenir à e lle ; car autrement ce serait un cercle v ic ie u x ,
et la clause eût été inutile, puisque la dame d’Orcet aurait
eu les biens sans la clause et malgré la clause.
Mais les sieurs Delsol.sont seuls dans le cercle v ic ie u x , en
faisant cette objection; car ils partent du point en contesta
t io n , comme s’il était décidé en leur fa v e u r: et leur raison
nement n’est fondé que sur cette double e rre u r, que le retour
n’est pas personnel au sieur D e l s o l , et qu’il leur
nommément à eux.
11 est évident que, sans la c la u se, il n’y aurait pas
entre les parties ; la dame d’O rcet aurait les biens
tablement, en vertu des dispositions universelles de
a profité
de procès
incontes
son père.
E t malgré la clause , elle doit aussi les a v o ir , parce qu’il
est établi que le sieur D elsol ne l’a stipulée que pour lui ;
q u elle est devenue caduque par sa m o r t , et
qu’alors
même
A'.r-i
�(70......................
qu’on voudrait faire passer aux héritiers la réversion des biens
d onnés, la dame d’Orcet étant seule héritière , les sieurs Delsol
n’étant appelés ni comme enfans, ni d’aucune autre manière,
l ’action que produit le retour, se confond dans l ’institution,
tout comme s’y seraient confondus tous les droits, toutes les
actions que le sieur D elsol aurait pu avoir personnellement
à exercer contre sa fille. A rt. 1300 du code Nvpoléon.
L a c la u se , entendue dans son vrai sens et selon les prin
cipes , n’était dirigée contre la dame d’O rcet qu’en faveur de
son père seul; voilà pourquoi il 11e l’étendit pas aux siens,
et q u ’au contraire } il les priva non seulement de ce droit,
mais encore de tout ce qu’il laisserait en mourant.
L a dame d’Orcet prend
donc les biens, conformément
à la clause. S i , par un sens fo rc é , les sieurs D elsol lui don
nent une plus grande extension , c’est peine perdue pour eux ,
car ils ne sont pas en position pour en profiter ; et a lo r s
m ê m e , la d a m e d ’ O r c e t p r e n d e n c o r e les b ie n s , m a lg r é la
clause qui se perd dans l’institution universelle.
L ’objectioii des sieurs Delsol se rétorqu e, en définitif,
contre eux ; car ils veulent avoir les biens sans la clause qui
ne les appèle p a s, et malgré la clause qui ne parle que de
leur père, et ne peut leur profiter.
IVlais, disent enfin les sieurs Delsol, pag. 3 1 et 3 2 du mémoire,
« pour que la dame d’Orcet pût s’accorder avec elle-même,
» il faudrait 'd’abôrd commencer par effacer du contrat de
'» mariage de 1 7 6 0 , la claüse'du retour quese réserva le sieur
*» D e lso l, donateur. Il faudrait ensuite que le sieur Delsol fût
» mort
¿ans représentai« au dégré successible, autres que
» la dame d’Orcet. Il faudrait enfin supposer que la stipu» lation de retour ci t, de sa nature, personnelle e t , par
�2>yy
( 77 )
» conséquent, incommunicable aux héritiers
du donateur,
!» nonobstant son prédécès.
» O r , le retour est stipule dans le contrat de 1 7 6 0 ; et il
» existe encore , puisqu’il ne doit s’ouvrir qu’à la mort de
» la dame d’Orcet. D ès qu’il ex iste , elle n’a pu le recueillir
» avant l’événement de la condition, et sa qualité d h é ritiè re,
» à la charge du reto u r, ne lui confère pas un droit dirige
» contre e l l e , autrement il faudrait dire que la dame d’O rcet
» s’est succédée à elle-m êm e, de son vivant etc. ».
V o i l à , sans d o u te , ce que les sieurs .D elso l ont cru
pouvoir dire de plus fort. Mais se so n t-ils bien entendus
e u x -m ê m e s ?
D ’a b o r d , ils doivent bien se garder de commencer par effacer
du contrat de mariage de 1360 , la clause du retour que se réserva
le sieur D elsol ; car s’ils l’eiFacent, ils effacent aussi leur pré
tention ; tout est fin i, et même leur raisonnement.
E n second lieu , qu’importe que le sieur D élsol ait laissé
des enfans d’un second lit ou des collatéraux à un dégré quel
conque ? Il est clair que ne les ayant pas appelés au retour,
en leur qualité d ’enfans ou de collatéraux , ils ne peuvent
y venir que comme héritiers.
En troisième lieu, pour que la clause soit communicable
aux héritiers, il faut auparavant décider q u ’ elle.n’est point
personnelle: or , la dame d’Orcet croit avo ir clairement établi
que la clause ne concernait que le donateur : et maintenant,
quand le retour pourrait passer aux héritiers, il faut voir s’il
ne tombe pas dans l’institution.
O r , ici les sieurs Delsol se trompent ( page 3 1 )., s ’ils
pensent trouver de l'absurdité et une conjusion d'idées dans
la proposition de la dame d'Orcet.
E n effet, ils partent de cette id é e , que le retour existe
�( 78 ,)
encore jusqu’à son décès, et quêtant héritière, à charge de
retour, elle ne peut recueillir un droit qui ne s’ouvrira qu’à
sa mort.
Mais d ’une part, le retour n’a pu atteindre l’institution
contractuelle. L ’absurdité de l’opinion contraire est d’une telle
évid ence, qu’elle a frappé jusques aux sieurs Delsol ; car, s’ils
trouvent absurde que la dame d’O rcet puisse recueillir, de
son vivant y un droit qui ne devrait s’ouvrir qu’à son décès,
ils conviennent bien qu’il ne l ’est pas moins que le sieur
D e lso l ait pu se réserver celui de reprendre les biens réservés
qu’il ne donnait pas et qu’il ne devait transmettre que par
sa mort.
S ’il est une fois constant que le retour n’est, ni n’a pu être
apposé à l’institution contractuelle, a lo rs , la dame d’Orcet
n’est pas héritière grevée de retour; il n’est plus question
que de celui des biens donnés, et il est tout simple que la
dame d’O rc e t , héritière u n iverselle, succède à une action
que l’on suppose avoir pu se trouver in bonis de son père.
Il est au contraire absurde
de soutenir, qu’il a pu laisser
quelque droit qui ne soit pas recueilli par celle qui le repré
sente in universum ju s.
S i , par h a z a rd , aujourd’hui l’on découvrait un contrat
conditionnel, au profit du sieur D e ls o l, et que la condition
vint à s’accom plir: si , par ex em p le, la donation de 17 6 0
avait été faite à un étranger, avec réserve de retour pour le
sieur D elsol et les siens, au cas que le donataire mourût sans
enfans, et que ce droit vint à s’o u v r ir: si e n fin , la dame
d’O rcet avait elle-même contracté, en faveur de son p è re ,
une obligation p a y a b le , au cas qu’elle fût héritière de son
mari 9 lequel cas est arrivé : serait-ce au profit des sieurs Delsol
ou de
la dame
d’O r c e t ,
que toutes ces actions s e r a ie n t
�( 79 )
ouvertes? T o u t le m o n d e , sans doute répondra, que ce 6erait
pour elle.
D ’autre part, où est donc ce droit qui existe encore jusqu'au
décès de la dame d ’ Orcet ? Il faut bien qu’il réside dans quelqu’un.
Les sieurs Delsol ne cessent de dire que la saisine se continue
dans la personne des héritiers : les héritiers sont donc saisis.
M ais où sont les héritiers du sieur Delsol ? Il n’y en a d’autre
que la dame d’Orcet. L ’institution n’est faite qu’en sa faveur.
Les sieurs Delsol ne sont venus que comme enfans ,
prendre une légitime dans les biens institués ; ils l’ont prise
aussi dans les biens d on n és, qui , encore une f o i s , ont été
rapportés au partage; en sorte que Io n peut dire, en toute vérité,
que la donation n’existe p lu s , et que tous les biens du sieur
D elsol sont confondus dans la succession que les sieurs
Delsol ont reconnu, par les traités de l’an 9 , appartenir à leur
sœur , à la charge d’en p ayer les dettes.
E t , c ’ est ce que décidaient, dans leur consultation , M M .
Léon et B a b ille , à la lecture de cette clause de retour des
biens donnés et réservés. « Il est impossible d’admettre ,
v disaient-ils, que le sieur Delsol ait stipulé ce retour pour
» d’autres que pour lui seul ; parce q u e , si on le suppose
» prédécédé, il n’a et ne peut avoir d’autre héritier que sa
» fille q u i , ayant une fois recueilli à ce titre , ne peut dé» sormais être évincée de son hérédité par qui que ce s o it ,
» dès qu’elle n’est pas grevée de substitution. C ’est là une vérité
» qui se montre avec tant d’év id en c e, qu’elle est encore plus
» facile à sentir qu’à exprimer ».
Après de telles autorités, l’on peut répéter sans crainte ,
q u e , dans tous les c a s , l ’action du retour tomberait dans l’ins
titution , et se serait confondue dans la personne de la dame
d’Orcet , héritière universelle.
�’( 8 ° )
IV .'
P R O P O S I T I O N .
Nonobstant la clause, la dame d’Orcet pourrait disposer,
«
C
e l l e -ci
e s t , sans contredit, la plus subsidiaire de toutes ;
mais elle sert à faire vo ir combien est inutile et déraisonnable
le système des sieurs Delsol.
Ils veulent que leur père , se réservant le retour des biens
donnés 3 ait en même-temps stipulé pour ses héritiers.
Q uel est donc l’effet du retour ainsi transmissible ?
Il en a d eux.
D ’a b o r d , celui de perpétuer les biens donnés dans la ligne
de la dame d’O r c e t , afin que le dernier de ses descendans,
venant à mourir , sans avoir valablement disposé , les biens
passent aux héritiers du donateur. L ’on supposera m êm e, si
l’on v e u t , q u e le s ie u r D e l s o l a v o u lu c e t effet, en défendant
à sa fille tout acte contraire.
Il y aura donc substitution dans la ligne de la dame d’O rc e t,
puisqu’elle et ses descendans, à l’infini, seront chargés de con
server et de se rendre successivement les biens donnés.
Mais cette substitution a été, sans c o n t r e d i t , abolie. M .
Daniels l’a formellement reconnu, lors de l’arrêt du 1 1 frimaire
an 1 4 .
« Il y a d’a b o rd , a dit ce Magistrat , dans là stipulation
» du contrat de mariage de 1 6 9 4 , un droit de retour, consis» tant en ce que la dot était réversible à la ligne masculine;
» il y a ensuite dans le même contrat une substitution, en ce
w que la donataire a été chargée de conserver et de rendre
» aux enfans et ceux-ci aux leurs, à l’infini, la chose donnée...
» Les
�3?»
C8 0
» Les substitutions testamentaires ont été abolies ; celles ren» fermées dans les contrats de m a ria g e , l’ont été aussi. . . .
» La substitution établie par le contrat de mariage de 1 694
# a donc été abolie ».
L e second effet du retour transmissible devrait être, de faire
passer les biens à une autre ligne, ou si 1 on v e u t, aux héritiers,
par la défaillance de la ligne de la dame d’Orcet.
L e sieur D elsol n’a pas voulu cet effet-là. Il ne l’a pas
rendu nécessaire, puisqu’il a permis aux enfans et descendans
de la dame d’O r c e t , de disposer des biens donnés : ou ses
enfans sans descendans , ou sans avoir valablement disposé. ,
est-il dit dans la clause.
A i n s i , les enfans et les descendans de la dame d’O rcet
auraient eu la faculté de d isposer; et ce n’est qu’autant qu’ils
n e n auraient pas fait usage , que le retour aurait eu lieu.
D o n c , la défense faite à la dame d’O r c e t , de déroger au
retour , n est pas prise dans l’intérêt de la ligne appelée à le
re cu e illir; c a r , si elle eût été inspirée par ce m o t if, elle
eût été étendue aux enfans.
D o n c , la dame d’Orcet * n’ayant pas d ’enfans à qui elle
doive transmettre les b ien s, le m otif de la défense de déroger
s’évanouit ; et la substitution, dérivant de cette défense et de
l’obligation de conserver et de rendre aux enfans,
étant
d’ailleurs abolie par la loi de 1 7 9 2 , il est clair qu’elle a le
'droit de disposer.
C ’est ainsi que l’a entendu M . Daniels , dans la suite de
son plaidoyer. « Dans les parlemens de Dijon et de P a r is ,
» a - 1 - il d it, la seule faculté de disposer de la dot, au préjudice
» des collatéraux , n excluait pas le droit de retour; il fallait
» encore exercer cette faculté. O r , encore une fo is , R o sa lie
» Laianne ne l’a jamais e x e r c é e } le droit de retour a donc dû
L
�( 8 0
»> avoir tout son effet. Dans la coutume de N a v a r r e , la subsj> titution n’avait lieu qu’en faveur des descendans de la fille
» dotée ; elle était le m o yen d’assurer à la ligne masculine
» l’exercice du droit de
retour que la coutume lui avait
» accordé. C e m oyen n’existait plus depuis l’abolition des
» substitutions; mais dans l’espèce, R osalie Lalanne n’a pas
» disposé de la dot constituée en 1 6 7 4 , à Ursule St.-Martin.
» La dame de Navailles a donc pu réclamer cette dot à titre
» de réversion , comme dans les ressorts des parlemens de
» Paris et de D i j o n , elle aurait pu la ré cla m e r, nonobstant
» la faculté qu’avait la fille d o té e , d’en anéantir l’effet par
» une disposition contraire ».
M a i s , cela n’a - t - i l pas été ju g é , même
avant la loi
abolitive des substitutions, et à l’occasion du contrat de 17 6 0 ?
L a réserve du retour stipulé par la dame de V i g i e r , pour
elle et les s ie n s , était aussi subordonnée au cas où le sieur
d ’Orcet mourrait sans enfans, ou ses enfans sans descendans,
ou sans avoir valablement disposé. Ses héritiers naturels ont
en vain soutenu que la faculté de disposer n’était accordée
qu’aux enfans j l’arrêt du 18 janvier 178 8 , a décidé quelle
s’étendait aussi au sieur d’Orcet.
L a clause concernant la dame d’O r c e t , est littéralement la
même.
L a défense de déroger au retour, n’était prise que dans
l ’intérêt de sa descendance ou dans celui du sieur D elsol.
C e m o tif n’existe plus.
Cette défense produisait d’ailleurs une substitution qui est
abolie.
D o n c , la dame d’O rcet peut disposer.
Les sieurs Delsol invoquent vainement les principes pour
en conclure que le donataire grevé de retour ne peut aliéner.
�383
Ils vont même ju s q u ’à citer l’art. 9 52 du co d e , qui n ’ est que
la conséquence de cet article 9 5 1 , qu’ils ont condamné à la
réformation.
Certainement, le retour conventionnel a l’effet d’empêcher
et de résoudre les aliénations faites par le donataire; mais
il ne peut ici avoir ce résultat, parce que la clause porte ces
mots : ou sans avoir valablement disposé. L e sieur D elsol a
donc voulu que la stipulation ne privât pas la ligne de la
dame d’O r c e t , de la faculté de disposer j ce qui réduisait cette
stipulation aux effets du retour légal.
Ils invoquent aussi la fin de la clause qui défend à la dame
d’Orcet de déroger au droit de retour ; mais l’objection a été
levée d’avance. Cette p ro h ib itio n , dont on a précédemment
expliqué les m o tifs, n’a plus d’application , dès que le sieur
D elsol est mort , dès que la dame d’Orcet n’a pas d’en fan t;
e t , dans aucun cas elle ne pourrait avoir effet, dès que dans
la ligne de la dame d’O r c e t , elle aurait produit une véritable
substitution.
R É S U M É .
I
R eb elle dans tous les sens, au système des sieurs D e l s o l ,
la clause du contrat de 17 6 0 se refuse à toutes les interpréta
tions qu’ils veulent lui donner.
S ’a g it-il des biens réservés /
Cette énonciation s’applique , malgré eux , à la somme de
10 ,0 0 0 liv. dont le sieur D elsol s’ est réservé la faculté de
d isposer; lorsqu’il a parlé des biens compris dans l’institution,
il les a qualifiés biens insinués ; et quand il s’agit d’une charge
rigoureuse , inusitée , indiget speciali designatione , et l’inter
prétation est toute contre celui q u i, dictant la lo i, a p\i? a dû
mieux s’expliquer.
�.
(§4)
,
'
Persistent-ils à étendre ce mot réservés^ aux biens institués ?
Ils tombent dans une alternative dont le résultat leur est
toujours contraire.
O u la clause est nulle et comme non écrite , parce q u elle
est subordonnée à une condition impossible et contre nature,
le sieur Delsol ne pouvant revenir de l’autre monde pour
recueillir le droit de retour de ces b ie n s, qui n’ont passé
que par sa m o r t , à son héritière universelle.
O u là clause renferme une substitution fidéicommissaire ;
parce que le
retour ne pouvant jamais s opérer au profit du
stipulateur, ne peut passer à d’a u tres, qu’autant qu’ils sont
gratifiés en second ordre ; l’héritière ayant
priété ,
recueilli la p ro
ne peut être chargée de conserver et de rendre à
d’autres que lui , sans qu’il y
ait trois personnes comprises
dans la stipulation , et par conséquent, sans qu’il y ait fidéicommis aboli par la loi du 1 4 novembre 17 9 2 .
S ’a g it-il des biens donnés ?
i . ° L a réservé du retour est évidemment personnelle
au
sieur D elsol.
C ’est l’expression littérale de la clause.
C ’est l’intention commune des parties, déterminée p a rle s
circonstances où elles se trouvaient.
Il
réserva le retour à soi expressément,
lui s e u l, parce q u ’il n’avait qu’un
c’est-à-dire , pour
enfant; parce
que le
mariage n’aurait pas eu lie u , s’il eût parlé d’autres héritiers ;
parce qu’il ne pouvait penser à des collatéraux qu’ il n’avait
p a s , ni à des enfans d’ un second mariage qu’il ne contracta
que plus de onze ans après.
L a dame de V igicr réserva le retour à elle et aux siens ÿ
parce qu’elle avait d’autres enfans.
E lle lê p o u v ait; elle le v o u lu t; elle le fit. L e sieur Delsol
�3 Hi
C 85 )
le
pouvait de même ; il ne le fit point : d o n c , il ne le
voulut pas.
Subsidiairement :
2 .0 La transmission du retour aux héritiers du donateur,
n’était formellement consacrée par aucune loi. La jurispru
dence n’était ni constante , ni reconnue. Les auteurs se con
tredisaient. L ’opinion'dom inante repoussait cette o p in io n ,
lorsque le contrat a été passé. C ’est donc le nouveau code
q u i , destiné à fixer toutes les incertitudes, à terminer toutes
les controverses, doit décider la difficulté ; et il y a d’autant
moins d’effet rétroactif, que le principe qu’il p o se, est con
forme aux règles
du droit j à la lettre de la clause et à
l’intention évidente des parties.
3 . 0 L e système de la transmission est infructueux pour les
sieurs Delsol.
Ils ne sont appelés ni comme en fan s, ni d’aucune autre
manière. Ils ne peuvent venir comme héritiers ; c a r , il n’y
en a d’autre que la dame d’O r c e t , q u i , instituée par son
contrat de m ariage, et ne pouvant l’être à charge de re to u r,
représente exclusivement le sieur D elso l , réunit sur sa tête
tous les d roits, toutes les actions qu’il a laissé, et éteint, par
la confusion, celles qu’il aurait pu avoir contr’elle.
4 .0 E n fin , toutes ces hypothèses n’empêcheraient pas la
dame d’O rcet de disposer. L a défense de déroger au retour,
était prise dans l’intérêt de sa ligne j elle cesse avec le motif
qui l ’inspira , et ne serait d’ailleurs , qu’une charge de con
server et de rendre, qui ne peut aujourd’hui recevoir d’exé
cution. L a dame d’Orcet a donc le droit qu’auraient eu ses
descendans, qui pouvaient disposer des biens donnés
le
retour étant réduit par la clause m êm e, aux simples effets du
retour légal.
I
�T>V*
¿y »;
S
(.8 6 )
D o n c , sous tous les rapports, le refus que fait le sieur
Desprats de payer le prix du pré de C a n c o u r, est mal
fondé. La prétention des sieurs D e ls o l, qui lui sert de m o
tif, ne peut se soutenir; et le jugement par défaut, qui ,
sans avoir égard à la clause de ré versio n , a ordonné la
continuation des poursuites , doit être maintenu.
M agistrats! prononcez. L a dame d'O rcet attend votre
décision avec la confiance et la sécurité que doivent inspirer
sa cause et ses juges.
Jusques ic i, elle n’a tenu que le langage de la raison.
S ’il fallait parler à vos cœurs , elle dirait :
3’ai passé ma vie à liquider les biens de mon père ( 2 6 ) ;
j ’en ai ve n d u , à la vérité, pour payer les dettes de mon
(26)
Pages 6 et 7 de leur m ém oire, les sieurs D elsol portent à un
m illio n , vaieur de ce temps, les biens de leur père. S ’il faut les en c ro ire ,
la majeure partie de cette fortune a été engloutie tn peu d ’anncesi La dame
d 'O rc et, aprts avoir ¿puisé les créances mobilières , a vendu tous les immeu
bles q u elle a trouve à vendre. Ils terminent en lui imputant îe dessein
avoué publiquement de Us dépouiller, pour enrichir des étrangers. C ’est ainsi
que , pour se rendre intéressans, ils calomnient jusqu’il ses intentions.
Lors du partage fait en 1 7 8 5 , les immeubles du sieur D e ls o l, y
compris le domaine du C l a u x , furent estimés 15 0 ,8 7 2 l i v . ; les sieurs
D elsol en ont pris le q u art, qui fut d élivre en nature
leur tutrice.
Les effets appréciés dans l’inventaire fait en 17 8 0 , se
montaient
h 2 1 7 , 3 9 2 liv . ; mais, comme il y avait en outre des objets non déter
m in és, le vérificateur du contrôle é v a lu a , d’o ffic e , tout le m obilier h
23 0 .0 0 0 liv . et perçut le droit sur cette somme.
Pourquoi donc les sieurs D elsol (page 6 )
le portent-ils A plus de
70 0 .0 0 0 liv . ? Quel peut être le but de cette erreur de 500,000 liv»
d’autant plus inexcusable, q u ’ils ont en leur pouvoir
une expédition
de l’in ven taire, et que la discussion, dont les traités de l’an 9 ont été la
suite , leur a fait connaître le véritable état de la succession ? C ’est que
�.3-S7
( ÿ7 )
é p o u x , mais j*ai réparé, amélioré et conservé la plus grande
partie de ces biens, malgré la tourmente révolutionnaire.
E t , nouveau T an ta le, il me serait défendu d’y toucher!
Frappée
d’interdiction, i\ ne me serait
pas permis de
repousse r la calomnie par des bienfaits !
J e ne pourrais secourir l^s malheureux , recompenser de
vieux domestiques, léguer un souvenir a 1amitié!
sans cela , ils n’auraient pu dire que, dans peu d’années, la dame d’Oi'cet
en a dissipé la majeure partie. C ’est qu’il était écrit que les sieurs D elsol
ne seraient exacts sur rien.
M algré tous les soins que s’est donné la dame d ’O r c e t, m algré toutes
les poursuites qu’ elle a fait fa ire , elle n’ a pu recouvrer que 1 86,000 liv .
y compris les sommes dues par la dame D u b o is, veuve du sieur D elsol ;
sur quoi l ’on a déduit les reprises que la dame d’Orcet a pu justifier par
é c rit; 6 o ,o o o liv . qu’ il a fallu payer pour sommes dues par la caisse
des consignations; enfin, les dettes de la succession, sans m im e y
comprendre les legs portés au testament du sieur D e lso l, que la dame
d ’Orcet a p a y é s , quoiqu’ il ait été déclaré nul. Le reste de l’ac tif a
été réduit à presque rien par les insolvabilités ; par le défaut de titres ; par
l’abolition des arrérages de rente ; par les remises ordonnées par le sieur
D e ls o l, dans un état confié à son directeur; enfin, par les pertes résul
tantes des paiemens reçus en assignats.
B r e f, il est résulté du compte présenté en l’an 9 , qu’il ne
revenait
aux
sieurs D elsol que 20,00 0 liv . pour leur quart de l’ac tif réel ; et cependant
la dame d’Orcet a cédé au sieur D elsol aîné, i . ° 15 ,0 0 0 liv . dues par
sa m è re; z .° 4 ,0 0 0 ljv . à prendre sur e lle , pour excédent de pensions
par elle reçues; 3 .0 la m o itié 'd u domaine de Coussergues ; 4 .0 le quart
des créances à recou vrer, qu’il a depuis abandonné pour 4 ,0 00 liv . ,
dans la vente de la montagne du 28 thermidor an 10. Le sieur D elso lVolpilhac a traité sur les m êm es'bases; excepté qu’au lieu du quart des
créances à re c o u v re r, la dame d’Orcet lui a cédé la liquidation de
l’ofiice de receveur des consignations, tombé dans le tiers
objet sur lequel elle a éprouvé une perte de
30,000 liv,
consolidé
•
�Ç S« )
,
D e l’opulence où j'ai v é c u , de l’abondance oii je vis en
core , un mot pourrait me précipiter dans la misère ! Expropriée
du peu de biens que j’aurais de libres, saisie peut-être dans
tous mes re v e n u s, je serais condamnée à connaître le besoin,
à traîner, dans le désespoir, des jours trop lens à fin ir , dont
le dernier accomplirait la condition tant désirée !
E t , sous mes y e u x , les sieurs Delsol disposeraient, à leur
p laisir, des biens qu’ils ont pris dans cette même succession
o ù se confondirent celles de m on ayeule et de ma m ère!
Sous mes y e u x , ils vendraient mon héritage m aternel,
que je leur ai donné en paiement de leur légitime ( 2 7 ) 1
¿conduits par tous les tribunaux , qu’auront-ils perdu ? rien*
V o ilà comme la dame d’Orcet les dépouille pour enrichir des étrangers!
T elle est cette fortune tant exagérée! T el est ce m obilier p ro d igieu x,
pour lequel cependant, les sieurs D elsol n’ ont pris sur la dame d’Orcet
qu’ une inscription de 10 0 ,0 0 0 liv . !
En même temps qu’elle liquidait la succession de son p è re , la dame
d’Orcet s’occupait aussi de celle de son mari qui laissait plus de dettes
que de biens. Malgré qu’elle ait vendu beaucoup de ces b ien s, et qu’elle
ait aussi aliéné une partie des siens pour p ayer ces dettes qui s’élevaient
à plus de 900,000 liv . ; elle doit encore; une partie considérable de cette
som m e;, mais ceux des biens de son mari qu’elle a con servés, valent plus
que ceux qu’elle a vendus de la succession paternelle. T elle est cette femme
qui dissipe tout !
Sans doute que »pour plaire aux sieurs D e lso l, il faut que la dame
d’Orcet conserve scrupuleusement ses capitaux ; qu’elle les accroisse
en économisant sur ses reven u s, et qu’elle ne dispose de rie n , pour
tout laisser à des frères qui ne se souviennent d ’e lle , que lorsqu’il
s’agit de sa fortune.
(17 )
Partie du domaine de C ou ssergues, que le sieur D elsol cadet
possédait en en tier, par les arrangemens qu’il a faits avec son frè re ,
a etc vendue^ L a yente du surplus est actuellement affichée-
�(
89)
Ils pourront encore obtenir de la nature, ce que la justice
ne leur doit pas. Ils auront la ressource d ’un dernier appel
au cœur d ’une sœur généreuse: ils savent bien, que pour celle
qui n’a pas le bonheur detre m ère, des frè re s, pour peu
qu’ils le veuillent, sont toujours sûrs de tenir lieu d’enfans (28).
(2 8 ) Ainsi se réalisera le voeu du code Napoléon.
Ne rien réserver pour les collatérau x, c’est leur dire de tout mériter :
conception morale et profon de, q u i, prenant les hommes tels qu’ils sont,
se sert de leurs défauts m êm e, pour les obliger à devenir ce qu’ils
doivent ê tr e
Signé D e l s o l - V i g i e r .
v
M . D E L Z O N S , Présid ent, Rapporteur.
L A B R O , Avoué.
I
�.•l i l j i - j j j i u
T
F
A I T S ,
A
B
L
E
vmm
.
.....................................................................
O B SERVAT I 0 N S
page 4
G É N É R A L E S ................................... 1 5
M o y e n s . — I .re P a r t . — B
i e n s
r é s e r v é s
.
L a clause de reversion des biens réservés est nulle et
comme non écrite
18
Ou c 'est une substitution abolie par la loi du 14
Novembre 1792 .......................................................................... 27
II.e
Part.
—
B
i e n s
d o n n é s .
E n f a i t , la clause de réversion
est purement personnelle au sieur D e ls o l , . . .
I .re
Proposition. —
36
II.e Proposition. — E n droit, le retour dont s'agit , ne
' peut profiter aux sieurs Delsol .
I I I . e Proposition.
. . . . . . .
46
— Dans tous les cas l 'a c t i o n du
retour tomberait dans l'institution et se serait confondue
dans la personne de la dame d'O rcet , héritière universelle.
67
\
I V . c Proposition.
— Nonobstant la clause , la dame
d Orcet pourrait d is p o s e r . ................................
R
80
é s u m é ........................................................................................ 85
N o te sur la valeur réelle de la succession du sieur Delsol.
86
�
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jeanne-Marie. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delzons
Labro
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
annulation du testament
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Titre complet : Réponse pour Dame Jeanne-Marie Delsol, veuve de monsieur Gabriel-Barthélemy de Vigier-Dorcet, demanderesse ; Contre sieur Jean-François Delsol aîné et Gabriel-Barthélemy Delsol-Volpilhac, défendeurs ; En présence du Sr Desprats, aussi défendeur.
table des matières.
Table Godemel : Retour : 3. peut-on stipuler, dans un contrat de mariage, un droit de retour tant pour une donation que pour une institution ? un droit de retour est-il transmissible aux héritiers du donateur, sans stipulation ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Viallanes (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
89 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1911
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1910
BCU_Factums_M0531
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53363/BCU_Factums_G1911.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marmanhac (15118)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
annulation du testament
avancement d'hoirie
contrats de mariage
dot
droit de retour
fideicommis
jurisprudence
stipulation
substitution
Successions